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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


WINNIPEG, le vendredi 12 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui à 13 h 2 pour étudier le projet de loi.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour et bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Rosa Galvez. Je suis une sénatrice du Québec et présidente du comité.

La sénatrice McCallum : Sénatrice Mary Jane McCallum, Traité no 10, région du Manitoba.

La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta et du territoire du Traité no 6.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

La présidente : J’aimerais remercier et présenter l’analyste de la Bibliothèque, Jesse Good, et la greffière du comité, Maxime Fortin, avec qui vous avez communiqué, ainsi que tous les employés du Sénat qui sont avec nous et qui rendent ces audiences possibles.

Chers collègues, nous poursuivons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.

Merci de vous joindre à nous. J’inviterai chacun de vous à faire sa déclaration liminaire, après quoi nous passerons à une période de questions.

Pour notre premier groupe cet après-midi, nous accueillons Siegfried Kiefer, président et chef de la stratégie d’ATCO et de Canadian Utilities Ltd. Il est accompagné de Dale Friesen, vice-président, Relations gouvernementales et autochtones et développement durable. Nous accueillons également Connie Greyeyes, militante communautaire, et Jackie Hansen, responsable de la campagne pour les droits des femmes d’Amnistie internationale. À titre personnel, nous recevons John Sinclair, directeur intérimaire de l’Institut des ressources naturelles de l’Université du Manitoba.

Nous commencerons avec M. Kiefer.

Siegfried Kiefer, président et chef de la stratégie, ATCO Ltd. et Canadian Utilities Ltd. : Merci. Avant toute chose, j’aimerais reconnaître que nous sommes sur le territoire du Traité no 1. Les terres sur lesquelles nous nous trouvons ici rassemblés est le territoire traditionnel des peuples Anishnawbek, Cri, Dakota et Déné ainsi que la patrie des nations métisses de Winnipeg. Merci, mesdames et messieurs, de nous rencontrer aujourd’hui et de débattre de notre point de vue sur le projet de loi C-69.

Si vous ne le savez pas, ATCO est une entreprise fièrement canadienne qui a été fondée avec un investissement modeste de 4 000 $, il y a 70 ans, en Alberta. Aujourd’hui, ATCO est une entreprise planétaire diversifiée qui compte environ 6 000 employés dans le monde entier. Notre entreprise fournit des solutions intégrées pour la distribution d’électricité, le logement, la logistique, les pipelines, le stockage et le traitement du gaz et des liquides, les ports, le transport et l’approvisionnement en énergie au détail.

Le partenariat avec les peuples autochtones de toutes les collectivités où nous travaillons est au cœur de nos pratiques et de notre philosophie. Aujourd’hui, ATCO a formé plus de 47 partenariats avec des peuples autochtones du Canada, d’un bout à l’autre du pays, jusqu’au Grand Nord. L’année dernière, ces 47 partenariats ont rapporté 250 millions de dollars aux nations avec lesquelles nous travaillons en partenariat.

Nous participons pleinement au processus d’examen de l’évaluation environnementale mené par le gouvernement fédéral depuis 2016. Nous nous sommes efforcés de rendre le projet de loi aussi réalisable que possible pour les Canadiens en collaborant avec des ministres, des fonctionnaires, des conseillers et des parlementaires et en leur fournissant des suggestions constructives, et ce, dès le début.

Nous appuyons les objectifs sous-jacents du projet de loi C-69 : le respect de normes environnementales élevées, la participation significative du public, des consultations efficaces avec les Autochtones, un examen scientifique exhaustif et rigoureux des projets et des évaluations ainsi que le soutien d’un secteur des ressources concurrentiel et une économie forte afin que tous les Canadiens puissent en profiter.

ATCO s’inquiète de ce que la rédaction détaillée du projet de loi vienne contrecarrer certains de ces objectifs énoncés. Dans son libellé actuel, le projet de loi C-69 augmente la portée et la complexité de l’évaluation d’impact et accentuera plutôt que de réduire l’incertitude réglementaire. Cela augmentera également les retards de projets et les possibilités de litiges pour les opposants aux grands projets. S’il est adopté sous sa forme actuelle, le projet de loi C-69 rendra plus difficile la construction de projets importants au Canada. Cela s’avère non seulement pour les pipelines ou les projets pétroliers et gaziers, mais également pour les investissements dans le remplacement et la création de nouvelles installations de production, de transport et de distribution de l’électricité, des investissements indispensables si nous voulons faire progresser le Canada vers un système énergétique à faibles émissions de carbone.

Mesdames et messieurs, vous avez notre mémoire sous les yeux. Nous avons travaillé très fort pour vous présenter un document dans les deux langues officielles comportant des thèmes clairs et des résultats ciblés afin d’améliorer le projet de loi sans sacrifier ses objectifs. Nous nous sommes efforcés de proposer un libellé détaillé unique ainsi que notre justification pour l’ensemble limité d’amendements réalisables que nous vous avons soumis. Je tiens à souligner que les amendements que nous proposons ne constituent pas une liste de souhaits dans l’espoir que vous adoptiez un ou deux amendements parmi ceux que nous proposons ici. Les amendements forment un tout, et ils fonctionnent comme un système permettant de remédier à certaines lacunes importantes du projet de loi. Cependant, si ces amendements sont adoptés, nous sommes convaincus que le projet de loi contribuera à renforcer la confiance des Canadiens dans le fait que les évaluations d’impact peuvent faire l’objet d’un examen adéquat et d’une décision en temps opportun.

Dans l’ensemble des amendements que nous avons présentés au comité du Sénat, vous verrez trois thèmes sur lesquels nous nous sommes concentrés. Le premier est l’introduction de la prise en compte de facteurs économiques et autres dans l’objet de la loi. Le deuxième consiste à apporter plus de certitude et de clarté à trois éléments couverts par la loi : le processus, les délais et la participation. Le troisième tient au rôle de l’organisme de réglementation du cycle de vie dans l’évaluation d’impact et l’exploitation continue de ces installations.

En conclusion, ATCO apprécie l’occasion qui lui est offerte de collaborer avec le comité du Sénat et le travail que vous accomplissez dans l’examen de cette loi. Les amendements que nous avons proposés visent à accroître la certitude et à fournir un processus clair du début à la fin pour l’ensemble des Canadiens. La mise en place d’un tel système respectant des normes environnementales élevées est extrêmement importante pour l’avenir du Canada, son économie ainsi que la croissance et la prospérité des Canadiens. Je vous remercie.

La présidente : Merci beaucoup.

Madame Hansen, vous avez la parole.

Jackie Hansen, militante pour les droits des femmes, Amnistie internationale : Bonjour, mesdames et messieurs. Je m’appelle Jackie Hansen et je suis la militante pour les droits des femmes d’Amnistie internationale Canada. Merci de me donner l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui sur le territoire du Traité no 1 et la patrie de la nation métisse.

Nous comparaissons devant vous aujourd’hui afin d’aborder une dizaine de mots essentiels du projet de loi C-69 : l’interaction du sexe et du genre avec d’autres facteurs identitaires. Nous sommes revenus plus tôt cette semaine du Nord du Manitoba, où nous nous sommes rendus en partenariat avec la Première Nation York Factory et l’organisation Manitoba Keewatinowi Okimakanak en vue d’approfondir notre compréhension des répercussions positives et négatives, historiques et actuelles, des aménagements hydroélectriques sur les femmes et les filles autochtones ainsi que les personnes bispirituelles du Nord du Manitoba.

Nous avons entendu parler des répercussions profondes sur le territoire et sur les peuples autochtones. Nous avons entendu parler de racisme, de sexisme et d’homophobie endémiques, de choses comme les insultes raciales, la violence sexuelle subie par les femmes autochtones, à la fois dans les camps de travail de l’industrie et aussi de la part de travailleurs de l’industrie dans les centres urbains. Certains des incidents dont nous avons entendu parler ont eu lieu il y a plusieurs décennies, et d’autres, l’année dernière. Un thème commun ressort de tout ce que nous avons entendu à propos de ces incidents, en particulier ceux de violence sexuelle : l’impunité totale pour les auteurs, l’impunité absolue.

Nous avons entendu des femmes dire que, lorsqu’elles ont été agressées, des hommes ont été déplacés hors du camp, mais la police n’a pas ouvert d’enquête. Nous avons entendu parler du camp de travail de Keeyask, où vivent 2 500 personnes, soit plus que la taille de certaines petites collectivités du pays. Pourtant, malgré la population de ce camp, la police n’est pas présente. Comment peut-il y avoir une responsabilité pour les actes de violence sexuelle en l’absence d’application de la loi?

Connie Greyeyes, militante communautaire, Amnistie Internationale : Bon après-midi. Je m’appelle Connie Greyeyes et je viens de Fort St. John, en Colombie-Britannique. Ma collectivité d’origine est la Première Nation des Cris de Bigstone, située sur le territoire du Traité no 8, à Wabasca-Desmarais, en Alberta.

Je connais de première main quelles sont les répercussions du secteur des ressources, car je viens d’une ville riche en ressources. J’ai travaillé comme infirmière pendant plusieurs années à des installations de forage dans le Nord-Est de la Colombie-Britannique et dans les environs. J’ai moi-même été victime de violence sexuelle, de racisme et de discrimination lorsque je travaillais dans l’industrie et vivais dans une collectivité qui accueille des entreprises axées sur les ressources.

Je connais de nombreuses femmes qui ont également été touchées. J’en connais beaucoup qui ont signalé à la police la violence sexuelle dont elles avaient été victimes sans qu’aucune enquête ne soit menée et sans intervention de la justice. Il y a également mes propres traumatismes; j’avais signalé une agression sexuelle, un viol, et ma plainte a été écartée. Le gouvernement et l’industrie sont depuis longtemps au courant de ces répercussions et n’ont pas réussi à les atténuer, et cela doit cesser maintenant. L’analyse comparative entre les sexes dans le processus d’évaluation fédéral est un outil essentiel pour aider à comprendre et à atténuer ces risques, les risques pour moi-même et les autres femmes et filles de nos collectivités.

Nous sommes mal à l’aise de comparaître devant vous aujourd’hui parce que la Première Nation de York Factory et l’organisation MKO ont demandé à témoigner devant le comité, et leur demande a été rejetée. Nous sommes profondément déçus que le comité n’ait pas accordé la priorité à l’audition des peuples autochtones du Manitoba. Nous souhaitons par ailleurs remercier le chef Leroy Constant de la Première Nation de York Factory, son conseil et les membres de sa collectivité, ainsi que des représentants de l’organisation MKO de leur présence parmi nous cet après-midi.

Mme Hansen : Les opposants au projet de loi C-69 ont déclaré que l’analyse comparative entre les sexes est un processus fastidieux et inutile, étant donné l’engagement de l’ensemble du gouvernement à l’égard de cette analyse. En tant que militante des droits des femmes qui consacre son temps à réfléchir à ces questions, je peux vous affirmer que nous ne pourrions être plus en désaccord.

L’obligation d’inclure dans les futures évaluations d’impact une analyse fondée sur l’interaction entre le sexe et le genre constitue potentiellement l’une des avancées les plus importantes du projet de loi C-69. Certains ont dit que cela se produisait déjà dans les évaluations. Or, d’après les recherches que nous avons menées, je peux vous dire que ce n’est tout simplement pas le cas.

L’analyse comparative entre les sexes est un outil qui permet d’évaluer les diverses façons dont les gens de sexes différents sont touchés par certaines questions. En fait, c’est assez simple quand on y pense. Une analyse fondée sur l’interaction entre le sexe et le genre évalue la façon dont les personnes d’un même sexe font l’expérience du monde de différentes manières en fonction de leur race, de leur appartenance ethnique, de leur âge et d’autres facteurs. Appliquée au processus d’évaluation d’impact des projets d’exploitation des ressources, l’analyse comparative entre les sexes est un outil permettant d’évaluer les répercussions sociales des projets et de comprendre comment les projets sont susceptibles d’avoir des répercussions positives ou négatives sur les personnes de sexes différents.

Et lorsque nous parlons d’atténuation, nous parlons de mesures et de stratégies réellement pratiques qui peuvent être mises en place pour atténuer les éventuels effets nocifs. Nous parlons d’éléments qui pourraient inclure des décalques sur les véhicules de l’entreprise afin que l’on puisse les reconnaître s’ils tentent de draguer une femme dans la collectivité ou des codes de conduite pour les employés en dehors de leurs heures de travail.

Mme Greyeyes : Même lorsqu’il y a un engagement précis de tenir compte des répercussions sociales de l’exploitation des ressources, l’absence d’analyse comparative entre les sexes fait en sorte qu’on passe sous silence d’importantes répercussions sexospécifiques. Par exemple, l’évaluation environnementale du barrage du Site C, un site qui se trouve dans ma région et dont la construction est en cours depuis trois ans, est un projet dans le cadre duquel on a tenu compte des répercussions sociales et économiques, sans pour autant tenir compte des répercussions sexospécifiques précises. L’évaluation a souligné que les emplois créés par le projet allaient attirer plus de travailleurs dans la région, rendant ainsi les logements plus difficiles à trouver et plus dispendieux. Cependant, on ne s’est pas demandé si l’insécurité liée au logement allait avoir une incidence différente sur les femmes comparativement aux hommes et si certains groupes de femmes, par exemple, les femmes autochtones, allaient être confrontées à un risque accru d’insécurité au chapitre du logement et de l’itinérance.

À l’opposé, le projet P.E.A.C.E., une initiative de recherche réalisée au nom de la Women’s Resource Society de Fort St. John, une organisation au sein de laquelle je fais du bénévolat, a déterminé que l’insécurité du logement était un facteur de risque critique relativement à la violence contre les femmes, les fournisseurs de services locaux indiquant qu’un logement abordable était le principal besoin des femmes et des filles le plus à risque de violence. Les femmes et les filles autochtones au Canada sont confrontées à un risque accru de violence. De nombreuses études réalisées au Canada et à l’étranger depuis plus de trois décennies établissent l’existence d’un lien entre l’exploitation des ressources et des facteurs pouvant mener à des niveaux accrus de violence sexospécifique.

Mme Hansen : On s’attend à ce que les gouvernements prennent toutes les mesures possibles pour mettre fin aux violations des droits de la personne, et cela inclut les violations perpétrées par des intervenants ou des entreprises du secteur privé. La responsabilité de l’État de prendre toutes les mesures de précaution raisonnables pour prévenir les violations des droits de la personne est souvent décrite comme le devoir de diligence raisonnable. En ce qui concerne la violence contre les femmes, la norme de diligence raisonnable est tellement bien établie et acceptée à grande échelle que c’est maintenant un droit international coutumier, ce qui signifie que ce n’est pas seulement une obligation morale imposée aux États : c’est une obligation juridiquement contraignante.

Il faut comprendre de quelle façon l’exploitation des ressources a des répercussions différentes sur les différents genres, et le fait de porter une attention particulière aux répercussions sur les femmes et les filles autochtones et de s’assurer d’atténuer ces risques est une façon de garantir que les projets auront les meilleures répercussions positives possible sur le plus grand nombre de personnes. Qui ne veut pas ça? L’objectif est d’atténuer les préjudices potentiels. C’est un outil pour soutenir la mise sur pied de projets solides, pour promouvoir l’équité entre les sexes, mais c’est encore bien plus que ça. Mettre en place une analyse comparative entre les sexes dans le cadre du processus d’évaluation d’impact est aussi ce qu’il faut faire d’un point de vue juridique pour que le Canada puisse s’acquitter de ses obligations internationales en matière de droits de la personne.

Amnistie internationale recommande au comité de ne pas modifier le libellé actuel au sujet de l’interaction du sexe et du genre avec d’autres facteurs identitaires. D’autres renseignements au sujet de la justification qui sous-tend une telle recommandation sont accessibles dans notre mémoire, dont, si je ne m’abuse, vous avez reçu des copies. Je vous encourage aussi, lorsque vous aurez le temps, à regarder notre rapport, Loin des yeux, loin du cœur, qui concerne des recherches réalisées dans le Nord-Est de la Colombie-Britannique avec Connie et d’autres. Dans le cadre de ces travaux, nous avons examiné l’interaction très complexe entre le développement énergétique, le genre et les droits des Autochtones. Nous répondrons volontiers à vos questions. Merci.

La présidente : Merci beaucoup.

Monsieur Sinclair.

John Sinclair, professeur et directeur par intérim, Natural Resources Institute, Université du Manitoba, à titre personnel : Madame la sénatrice Galvez, mesdames et messieurs, merci beaucoup de me donner l’occasion de comparaître aujourd’hui. Comme d’autres, je tiens à vous souhaiter la bienvenue sur le territoire visé par le Traité 1, le territoire des Métis, ainsi qu’à Winnipeg, la ville où on a tourné Enfer blanc et la capitale du Slurpee. J’espère que vous avez pu profiter des deux, et je suis heureux de voir que Dame Nature ne nous a pas plongés dans un enfer blanc, comme certains s’y attendaient.

Mes antécédents sont décrits dans le mémoire que M. Minehart-Doyle et moi avons présenté au comité. Je ne vais pas approfondir tout ça maintenant, mais je dois dire que j’ai dit pas mal de choses au sujet du projet de loi C-69, j’ai écrit pas mal de choses à ce sujet et au sujet des EE de façon plus générale au cours des 25 dernières années.

À l’époque où la LCEE de 1992 a été adoptée et avant la mise en place du PEE, nous avons assurément tous appris beaucoup de choses collectivement au sujet des évaluations environnementales. Il n’y a plus vraiment de mystère de nos jours sur ce à quoi ressemble une bonne évaluation environnementale, et tous les aspects de l’évaluation dont nous parlons ou dont on a entendu parler sont mis en œuvre dans divers endroits de la planète.

Vous trouverez à la page suivante de ma présentation une image de certains de mes étudiants. J’ai la chance de pouvoir travailler avec de très bons jeunes chercheurs et diplômés. Je suis très fier du fait que bon nombre de nos étudiants et diplômés ont communiqué leur point de vue sur l’évaluation environnementale et le projet de loi C-69 au comité d’expert, aux législateurs, durant le processus législatif, et ici, aussi.

La plupart d’entre nous ici avons un certain âge, et un coup d’œil à la liste des témoins m’apprend que vous n’avez pas reçu beaucoup de milléniaux et des types d’étudiants avec lesquels je travaille actuellement, et je peux vous dire que leurs points de vue et leurs idées sur les choses changent la façon dont nous enseignons.

Je veux vous communiquer deux citations, dont une de mon étudiante Heather Fast, qui est ici aujourd’hui. Elle a présenté une demande pour comparaître, mais cela n’a pas été possible. Elle fait partie de mes étudiants au doctorat et elle est aussi avocate. Voici une citation tirée de son mémoire : « Nous allons manquer de temps pour apporter tous les changements nécessaires et nous assurer que ma génération et celles qui suivront ont accès à un environnement sain et aux ressources naturelles dont les Canadiennes et Canadiens d’aujourd’hui et de demain ont besoin pour survivre ».

J’ai parlé à un collègue d’une autre université pas plus tard que cette semaine, et il parlait de l’une de ses meilleures étudiantes du premier cycle, qui lui avait dit qu’elle ne savait pas si elle allait avoir le temps de faire une maîtrise parce qu’elle devait s’efforcer de prendre soin de la planète, vu qu’il faut passer immédiatement à l’action; elle avait l’impression qu’elle devait consacrer son temps à ce projet plutôt qu’à poursuivre ses études.

L’image de la librairie sur la prochaine diapositive est une blague, bien sûr, mais elle montre probablement très bien de quelle façon bon nombre de milléniaux sont préoccupés par la situation actuelle. Qu’on parle d’un scénario apocalyptique ou non nous aide à établir le contexte dans lequel vous menez vos audiences et aussi le contexte dans lequel nous prendrons des décisions en matière d’élaboration. Beaucoup de choses complexes se sont ajoutées depuis 1992, lorsqu’on a commencé à réaliser des évaluations environnementales, ici, au Canada.

Je veux vous donner deux ou trois exemples. Premièrement, bien sûr, vous avez entendu parler ce matin de notre relation avec les Autochtones et du fait qu’on tente de trouver une voie vers la réconciliation et la cogouvernance. Il y a aussi l’intérêt du public qui veut être consulté lorsque des décisions qui auront une incidence sur lui sont prises. Nous avons documenté l’augmentation rapide à cet égard, particulièrement dans le secteur des ressources, ici, au Canada, ainsi qu’ailleurs. On passe du gouvernement à la gouvernance.

De plus, notre compréhension des systèmes naturels a changé considérablement. La première Convention sur la biodiversité remonte à 1992, et il est évident que nous comprenons maintenant que la première menace pour les espèces concerne le changement et la dégradation des habitats, et c’est un processus qui a plusieurs causes.

Les changements climatiques, bien sûr... Je travaille avec des collègues sur les enjeux liés aux changements climatiques. Dans notre faculté, nous examinons le réchauffement climatique et ses répercussions sur l’environnement, du point de vue tant social qu’écologique et nous examinons aussi les changements liés au régime des glaces dans l’Arctique. Qui aurait cru en 1992 que le Crystal Serenity pourrait se rendre dans les eaux arctiques et les sillonner chaque été?

Tout comme vous l’avez entendu dire dans le puissant témoignage de mes collègues d’Amnistie, il y a de cela une minute et tout comme Mme Maureen Reed vous l’a dit, hier, nous comprenons maintenant mieux notre relation les uns avec les autres et nous essayons de trouver des façons de régler les problèmes découlant du fait que nous ne comprenions pas, avant, ces mêmes relations.

Si on passe à l’image suivante, même si prendre les bonnes décisions est, bien sûr, urgent, il faut le faire en comprenant la complexité de la situation à laquelle nous sommes confrontés. Pour composer avec une telle complexité, j’estime qu’il faut, au moins, de bonnes lois. L’industrie dans le secteur pétrolier et gazier s’est particulièrement efforcée de demander les modifications que nous constatons dans la LCEE de 1992. Cela fait en sorte que les gens reconnaissent de façon générale, et selon moi, c’est même le cas parmi les sénateurs, sans parler des politiciens de nombreuses allégeances, que la LCEE de 2012 est brisée, mal conçue et défaillante pour reprendre les propos de la première ministre Notley.

La prochaine diapositive contient tout simplement un certain nombre de choses qui, selon moi, sont importantes à souligner en tant qu’innovations du projet de loi C-69. Je ne prévois pas les passer en revue. Je vais cerner la planification précoce, la portée plus large, la prise en considération du climat ainsi qu’une approche misant sur une seule agence. C’étaient des choses que je jugeais importantes.

Ce sur quoi j’aimerais me concentrer pendant une minute, cependant — parmi les éléments qui figurent dans la liste —, c’est la planification précoce. Je défends fortement la notion de planification précoce depuis au moins 20 ans. Vous avez entendu parler d’un tel processus le 6 février de la bouche même des fonctionnaires du gouvernement qui ont conçu le processus. D’autres témoins en ont aussi parlé. Je tiens tout simplement à soutenir ce que vous avez entendu, soit que l’adoption d’un cadre de planification précoce est d’une importance cruciale dans le cadre d’un processus d’évaluation efficace, efficient et équitable. Comme certains l’ont dit, le processus actuel est comme un rouleau compresseur. Une fois qu’une proposition est présentée et qu’on a discuté des principales questions et des principaux enjeux, comme les solutions de rechange restantes au moment de la présentation, le processus ne fait que favoriser les conflits et l’incertitude entre les parties en cause. La reconnaissance de cette phase de planification précoce est fondamentale pour réaliser les améliorations promises dans le processus de participation, de coopération, de coordination et de gestion en temps opportun comme d’autres l’ont dit, notamment l’Association minière du Canada.

Qu’est-ce qu’il faut améliorer? J’ai là aussi une liste pour vous. Je souligne seulement une chose dans la liste, et c’est la participation et la mobilisation significatives. Je souligne ce besoin parce que j’ai consacré beaucoup de temps durant ma carrière à écrire sur la gouvernance et sur la façon dont les gens peuvent se faire entendre dans le cadre de processus participatifs comme des évaluations. Selon moi, le fait de retirer la clause relative à la participation du public de la LCEE de 2012 dans le projet de loi est une mesure très positive. Le fait d’inclure une telle disposition dans le projet de loi ne faisait que pousser les gens à descendre dans la rue, les obliger à le faire. Comme vous l’avez vu plus tôt aujourd’hui, les gens trouveront une façon de participer si on ne leur permet pas de le faire par les moyens que nous mettons en place, et je crois que M. Byron a aussi essayé de le reconnaître.

Cela dit, puisque j’écris des choses sur la gouvernance participative depuis longtemps maintenant, je suis très déçu que le projet de loi n’en dise pas plus à ce sujet. Le projet de loi ne définit même pas ce que signifie une participation significative. L’approche choisie consiste à se reporter aux lignes directrices, ce qui ne répond pas aux besoins des participants depuis 1992. Il y a — et nous pourrons en parler durant la période de discussion — de nombreuses façons novatrices de faire participer les gens, beaucoup de guides en matière de participation efficace. Nous n’arrêtons pas de mettre l’accent sur les modes par défaut. Nous avons des organisations qui soutiennent l’évaluation, la participation et il faut s’éloigner de là où nous en sommes maintenant, qui consiste davantage à informer qu’à consulter ou à faire participer, pour envisager des journées portes ouvertes où il y aura vraiment une consultation. Merci.

La présidente : Merci beaucoup.

Avant de passer à la période de questions, je voudrais poser une question à Mme Hansen. Vous avez dit avoir un rapport intitulé Loin des yeux, Loin du cœur.

Mme Hansen : Oui, le rapport s’appelle Loin des yeux, Loin du cœur : sexe, droits autochtones et exploitation des ressources dans le Nord-Est de la Colombie-Britannique. Je serai heureuse d’en envoyer un exemplaire à la greffière.

La présidente : Oui, merci. Merci beaucoup.

Madame Simons.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup, madame la présidente.

J’aimerais d’abord dire à Mme Greyeyes à quel point je suis reconnaissante que vous ayez eu le courage de venir nous raconter une histoire probablement très douloureuse pour vous. Merci beaucoup d’avoir parlé avec autant de franchise de vos propres expériences. Comme je viens de l’Alberta, je comprends les conséquences liées à l’arrivée en ville d’un grand camp de travail.

Mais je voulais en fait poser certaines des questions que vous avez soulevées à M. Kiefer, car ATCO construit les remorques. J’aimerais savoir ce que fait ATCO en matière d’analyse sexospécifique et connaître vos pratiques actuelles. J’ignore combien de camps de travail vous détenez par rapport aux camps de travail que vous construisez pour d’autres personnes, mais j’aimerais que vous nous disiez comment ATCO gère les problèmes sur place, s’il y a un protocole, et votre avis sur la présence d’une analyse sexospécifique dans le projet de loi.

M. Kiefer : Nous construisons beaucoup de camps de travail, et je devrais dire qu’ils sont tous pour d’autres personnes, pas pour notre propre travail. C’est un secteur d’activité, nous fournissons du logement dans des lieux éloignés où d’autres logements ne sont pas accessibles. Mais je veux parler de la philosophie de notre entreprise entourant la diversité et l’inclusion des genres. Ces questions font partie de notre réflexion. J’ai une patronne qui est très passionnée par ce sujet, et elle exprime clairement que c’est aussi, pour une question de principe, la position de l’entreprise. Pour ce qui est des pratiques d’emploi, de tout ce que nous faisons, nous examinons effectivement les répercussions sexospécifiques.

Nous avons exploité des camps dans le Grand Nord, et à des périodes différentes, des règles différentes sont mises en place dans ces camps. Celles que nous avons utilisées pour la construction très éloignée de lignes de transmission et ces genres de choses font partie d’un ensemble de règles très strictes, où aucun alcool n’est permis dans le camp. Nous constatons que certaines de ces choses aident à empêcher une partie des mauvais comportements qui se manifestent parfois dans des régions éloignées avec de grands effectifs. Nous isolons et séparons les travailleuses si elles sont sur place. Je ne peux rien dire de plus.

La sénatrice Simons : Je voulais aussi vous demander ceci : l’ACPP, la CEPA et le Conseil des ressources indiennes nous ont donné un ensemble d’amendements qui ne sont pas contraires aux vôtres. Y a-t-il des choses particulières sur lesquelles vous voulez insister, contrairement à eux, que vous souhaitez faire ressortir en ce qui concerne les eaux navigables peut-être? Lorsque vous et moi nous sommes rencontrés cette année, vous et M. Friesen avez été les premières personnes qui m’ont vraiment fait comprendre l’incidence des eaux navigables sur la production d’électricité.

M. Kiefer : Oui. Nous avons examiné la loi du point de vue non pas des activités pétrolières et gazières, car ce n’est pas directement notre domaine, mais bien de l’infrastructure et du secteur électrique, et de la construction de projets à l’échelle nationale en ce qui concerne ces deux éléments. C’est vrai que nous avons abouti à des amendements dans nombre des mêmes domaines, et ceux-ci reprennent essentiellement le même libellé, mais nous y sommes arrivés au moyen d’une justification différente. Je vous encourage à lire la justification que nous avons ajoutée en regard de nos amendements. Rien de tout cela ne concerne directement le développement pétrolier et gazier; cela a à voir avec nos activités, et c’est pourquoi il est important d’avoir un bon projet de loi.

L’essentiel de nos amendements concerne la création de cette certitude et de cette clarté. Nous n’avons limité ou éliminé aucun des aspects qu’un examen de projet entreprendrait dans le cadre du processus. Nous appuyons entièrement un examen élargi, au besoin. Nous estimons aussi que des projets différents exigent que l’on mette l’accent sur des éléments différents, et nous croyons donc qu’il importe que l’Agence ait la souplesse nécessaire pour consacrer plus de temps à des éléments importants.

La présidente : Avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Hansen : Certainement. Très rapidement, par rapport aux pratiques d’emploi, nous voulons bien sûr nous assurer que toutes les entreprises respectent les droits de la personne de tous leurs employés. Mais je voulais simplement vous mettre en garde contre le fait de lancer des chiffres sur le pourcentage de femmes qui travaillent pour des entreprises. Quand nous parlons d’analyse sexospécifique, on pense souvent qu’il s’agit du nombre de femmes qui travaillent sur un projet auprès d’une entreprise, et ce n’est pas de cela dont il est question. Cela peut en faire partie, mais ce dont nous parlons vraiment, ce sont les répercussions d’un projet sur les femmes, les hommes, les personnes non binaires et les personnes bispirituelles, et ce n’est donc pas toujours un jeu de chiffres; c’est quelque chose de différent.

Connie voulait dire quelque chose sur les camps de travail.

Mme Greyeyes : J’ai beaucoup travaillé dans un camp de travail, un camp d’hommes, et j’ai une histoire personnelle par rapport à un camp. Lorsque nous parlons de la sécurité des femmes et des filles dans les collectivités, je dois vous dire une chose à laquelle vous devez réfléchir : j’étais secouriste de niveau 3 sur des plateformes de forage et de maintenance, et je connais assez bien les remorques ATCO, parce que j’y ai vécu pendant plusieurs mois à la fois. Quand nous travaillions sur des plateformes de maintenance, nous devions rester dans des camps différents plutôt que dans la remorque ATCO qui se trouve directement sur place. J’avais accepté une fois un projet, un travail à l’extérieur de Fort Nelson, et heureusement, on avait séparé les quartiers d’habitation des femmes et ceux des hommes. J’étais heureuse de l’apprendre. Quand je suis arrivée au camp, on m’a montré les remorques pour les femmes, et c’était une file de remorques ATCO, où il y avait probablement entre 50 et 75 chambres dans les quartiers des femmes, tandis que le côté des hommes était plein. Malheureusement pour moi, la porte d’entrée du camp ne se verrouillait pas dans mes quartiers d’habitation, et j’étais la seule femme là-bas. Donc, lorsque nous parlons de camps et de la sécurité des femmes et des filles dans les constructions qui s’y trouvent, ce sont des choses dont nous devons tenir compte.

La présidente : Merci.

Avant de passer à la prochaine question, j’aimerais dire à la Première Nation de York Factory à l’arrière que je m’excuse au nom du comité et que nous nous assurerons d’entendre vos témoignages à Ottawa lorsque nous y retournerons. Merci.

Monsieur Patterson, allez-y.

Le sénateur Patterson : Merci, madame la présidente.

D’abord, j’aimerais dire à ATCO que c’est une formidable entreprise canadienne. Je connais bien votre travail dans le Nord et le fonctionnement de la Société panarctique de la logistique inuit du Système d’alerte du Nord, qui a eu des retombées énormes pour vos partenaires autochtones. C’est une honte qu’on ne l’ait pas prolongé.

Dans la même veine que la sénatrice Simons, je vous remercie pour la liste très complète d’amendements. Je crois que vous avez travaillé avec la CEPA et l’ACPP, ainsi que l’Association minière du Canada, à une série d’amendements. S’agit-il d’amendements de l’ACPP plus ou bien des mêmes amendements que ceux obtenus par l’association?

Je vais juste vous poser une autre question. Le projet de loi C-69 a été sévèrement critiqué par l’industrie pipelinière et l’industrie pétrolière et gazière ainsi que par d’autres grandes entreprises. Jusqu’à maintenant, le gouvernement a principalement fait abstraction de ces critiques, sauf pour dire que les problèmes seront corrigés par le règlement. Aux yeux des décideurs en matière d’investissements, le fait d’entendre que nous réglerons les problèmes dans le règlement est-il suffisant, ou est-ce que les investissements quitteront le Canada à moins que nous n’apportions des amendements majeurs au projet de loi?

M. Kiefer : Merci de votre question, monsieur. Je dirais que nos amendements sont semblables à ceux de l’ACPP et de la CEPA en moins exhaustifs. Nous nous sommes écartés un peu de l’industrie et nous sommes concentrés de façon plus générique sur des choses qui peuvent s’appliquer généralement à l’ensemble des secteurs. Ils avaient des amendements particuliers qui ciblaient précisément les projets de pipelines ou les projets de développement pétrolier et gazier. Nous nous en sommes tenus loin. Nous croyons qu’une loi générique sur l’évaluation d’impact est la marche à suivre pour le Canada.

Pour ce qui est de corriger les lacunes dans la législation au moyen d’un règlement, nous n’appuyons ou n’acceptons pas cette approche. C’est un texte de loi très important pour le Canada et l’avenir du pays, et lorsqu’il s’agit d’attirer des investissements, le Canada est un pays qui a profité considérablement des investissements étrangers et des investissements de capitaux. C’est ce qui a fourni des emplois rémunérateurs. C’est ce qui a permis de développer des régions du pays et d’offrir un excellent niveau de vie à de nombreuses personnes.

Ce qui se passe lorsque vous faites place à l’incertitude dans la législation et que vous essayez de la corriger dans le règlement, c’est que cela ne laisse comme seule avenue que les tribunaux, parce que ceux-ci ne se prononcent pas sur la réglementation, ils se prononcent sur la législation. Nous préconiserions fermement que l’on s’assure que cette législation décrit clairement l’intention du gouvernement et des gens du Canada relativement aux examens de projet. Nous n’avons pas encore vu de liste de projets associée à ce qui s’appliquera à ces examens et n’avons pas encore vu d’ébauche du règlement, et je crois que c’est donc important de bien procéder.

Le sénateur Patterson : Oui. Nous sommes aussi dans l’ignorance à cet égard.

Pourrais-je vous poser une brève question, mesdames Greyeyes et Hansen? Merci de votre exposé. Vous recommandez fermement l’inclusion de l’intersection du sexe et du genre avec d’autres facteurs identitaires dans l’article 22. Pourriez-vous nous dire quels autres facteurs identitaires sont proposés, s’il vous plaît?

Mme Hansen : Il n’y a pas de liste magique, pour être honnête. Je crois que nous devons reconnaître que les gens d’un quelconque genre ne sont pas un groupe homogène, que lorsque vous examinez un projet, vous devez vraiment examiner la collectivité et écouter ce que ses membres ont à dire afin de vraiment comprendre la diversité de la collectivité et les choses que vous devez examiner, et dans quelle mesure. Donc par exemple, disons que nous sommes dans le Nord-Est de la Colombie-Britannique, et c’est une région de développement énergétique intense, il y a une grande population autochtone en milieu urbain ainsi qu’un certain nombre de réserves à proximité. Il serait ridicule d’effectuer une analyse sexospécifique sans examiner l’intersection de l’identité autochtone avec le genre.

Il s’agit vraiment de comprendre les collectivités avec lesquelles vous nouez le dialogue et de vous assurer de comprendre les facteurs identitaires qui entrent en jeu, en plus de réellement tenir des discussions profondes au sujet de la façon dont des gens différents sont touchés de façons différentes. Vous savez, en tant que femme autochtone qui vit à Fort St. John, Connie serait touchée d’une façon différente que je le serais en tant que femme non autochtone qui vit dans l’Ouest du Québec. C’est donc important de juste comprendre qui nous sommes et les diverses parties de notre identité qui constituent vraiment qui nous sommes et la façon dont cela peut influencer notre expérience de projets de différentes manières.

Le sénateur Patterson : Il nous faut trouver un moyen de payer pour les programmes sociaux qui nous sont chers au Canada, et l’industrie des ressources naturelles a contribué de façon importante au PIB du Canada. Vous avez entendu même aujourd’hui une grande et importante entreprise canadienne dire, je crois, que l’incertitude fait fuir les investisseurs, et nous avons entendu plus tôt des témoignages selon lesquels les investissements de capitaux fuient le pays en grand nombre. Au cours des dernières années, des projets de 100 milliards de dollars ont été annulés. Vous avez parlé d’autres facteurs identitaires, et j’apprécie votre franchise, mais il n’y a vraiment pas une liste claire ou complète; elle peut varier d’un projet à l’autre. Comprenez-vous comment des opinions comme celle-là pourraient laisser les investisseurs dans l’incertitude quant à ce à quoi ils ont affaire, ce qu’ils doivent inscrire dans leur énoncé des incidences environnementales, advenant qu’elle soit contestée plus tard devant les tribunaux parce qu’on aura oublié des choses? Pouvez-vous comprendre, tout louable cet objectif soit-il, et je comprends cela et je le soutiens, que votre réponse aujourd’hui a créé la même incertitude que celle que les investisseurs décrivent comme l’ennemi des progrès qui, dans le pays, pourraient payer pour nos programmes sociaux?

Mme Hansen : En fait, je ne souscris pas à votre commentaire, monsieur le sénateur. Il s’agit de connaître et de comprendre les collectivités qui seront touchées par un projet, et, si vous vouliez vraiment obtenir une liste, vous pourriez regarder la Loi sur les droits de la personne pour voir quels sont les motifs de distinction illicites et utiliser cette liste. Toutefois, au Canada, tous les ordres de gouvernement ont la responsabilité de faire respecter les droits de la personne, alors le pays est responsable de s’assurer que c’est ce qui se passe. Ainsi, il s’agit en réalité d’examiner comment on peut arriver à comprendre qui sera touché et quelles seront les conséquences. Ce n’est vraiment pas très difficile. Il y a des analyses sexospécifiques, et des spécialistes de l’égalité entre les sexes sont présents dans l’ensemble du pays et partout dans le monde. C’est quelque chose qui est bien établi et qui peut être fait.

En fait, je pense que cela ajoute de la certitude au processus, pas de l’incertitude. Je crois que nous voulons des projets solides dont plus de gens pourront profiter afin que nous puissions comprendre certains des risques que nous sommes en mesure de prévoir à la lumière des consultations que nous avons tenues, en plus de savoir comment nous allons atténuer ces risques. Mme Greyeyes pourra vous dire, d’après l’expérience dans le Nord de la Colombie-Britannique, qu’il coûtera en fait beaucoup moins cher d’atténuer les risques que de faire face aux préjudices qui seront causés si on ne les atténue pas de façon proactive.

Mme Greyeyes : Je fais du bénévolat au Women’s Resource Centre, et ce, depuis plusieurs années. Les femmes et les filles de ma collectivité et leur sécurité me tiennent beaucoup à cœur. Comme je suis une militante sur le terrain dans ma collectivité et que je travaille au Women’s Resource Centre, je sais que nous avons remarqué que, depuis que le projet de barrage du Site C a été approuvé, nous avons dû ouvrir les portes du centre aux hommes, afin de répondre à leurs besoins, car il n’y a pas assez de services à leur intention.

Quand nous parlons d’entreprises qui atténuent les conséquences et de collectivités, c’est de ce genre de choses que nous parlons. Il est ridicule qu’un centre de ressources pour les femmes qui se soucie profondément des membres de la collectivité doive organiser des mercredis consacrés aux hommes afin de pouvoir également répondre aux besoins de ces personnes qui sont touchées, elles aussi, et les aider.

Il est vraiment logique que l’on veuille que les entreprises comprennent les répercussions qu’elles ont sur les collectivités. Selon les chiffres du Women’s Resource Centre qui datent d’avant la construction du barrage du Site C, 3 285 personnes ont franchi notre porte en 2015, dont 562 hommes. À la fin de 2018, 6 578 personnes et leurs enfants s’étaient présentés au centre, dont 1 892 hommes qui n’avaient nulle part où habiter et qui venaient se procurer de la nourriture, tenter de se réchauffer et obtenir des vêtements.

Quand nous demandons aux entreprises d’atténuer les répercussions qu’elles ont sur les collectivités, cela ne devrait pas les déranger. Le bien-être et la sécurité des femmes et des filles vivant dans les collectivités ne sont pas l’ennemi des entreprises qui font des milliards de dollars de profit sur le dos des gens de ces régions.

La présidente : Sénateur Plett, c’est votre tour.

Le sénateur Plett : J’ai deux ou trois questions brèves à poser à M. Kiefer. J’ai passé pas mal de temps dans vos camps, dans mon ancienne vie.

Pratiquement toutes les entreprises de l’industrie des ressources dont nous avons entendu le témoignage sont préoccupées au sujet des retards dans les processus qu’entraînera le projet de loi C-69. Toutefois, le gouvernement affirme encore souvent que le projet de loi accélérera l’examen des projets. Je voudrais obtenir votre opinion à ce sujet, savoir si les processus seront plus rapides que ce qui était prévu dans la LCEE 2012, et pourquoi.

M. Kiefer : Il est vrai que le projet de loi C-69 impose un nombre limite de jours à l’égard de certains éléments du processus. Il est aussi vrai qu’il insère — je crois — 14 situations où le ministère aura le pouvoir discrétionnaire d’interrompre, de suspendre ou de retarder le processus. Je pense que c’est cette incertitude qui occasionnera des retards dans l’approbation générale des projets, et c’est pourquoi nous avons milité en faveur d’un délai maximal de 730 jours, du début à la fin du processus, dans les amendements que nous avons fournis. Nous n’avons pas retiré tout le pouvoir discrétionnaire ministériel qui est demandé dans le projet de loi, mais nous avons tenté de le rendre plus prudent, du fait que cette décision devrait s’assortir d’une justification de la suspension. Nous pensons que nous accordons au gouvernement la marge de manœuvre qu’il souhaite avoir dans le processus tout en plafonnant la durée générale du processus et en forçant une certaine transparence à l’égard de toute suspension imposée.

Le sénateur Plett : Vous avez abordé brièvement les organismes de réglementation du cycle de vie, lesquels sont marginalisés par le projet de loi C-69 dans le cas des projets d’exploitation pétrolière extracôtière, des projets nucléaires et des projets de pipeline. Y a-t-il une bonne raison, dans votre esprit, pour qu’on limite le rôle des organismes de réglementation les plus expérimentés dans le cas de ces projets hautement techniques?

M. Kiefer : Non. À mon sens, je ne vois pas pourquoi on empêcherait, au moyen d’un projet de loi, à un certain organisme ou à certaines personnes qualifiées de participer à une commission d’examen et à l’établissement des exigences techniques applicables à la mise en œuvre d’un projet. Par ailleurs, il est extrêmement important que les personnes qui, tout au long de la vie de l’actif en question, auront l’obligation de s’assurer qu’il est sécuritaire et de veiller à son exploitation sécuritaire continuelle — que ce soit à des fins de sécurité publique ou pour les travailleurs — aient leur mot à dire sur la façon dont il sera installé, construit, puis exploité. Ainsi, nous souscrivons entièrement à l’opinion selon laquelle il ne faudrait pas empêcher les organismes de réglementation du cycle de vie de participer à une commission ou d’en présider une.

Le sénateur Plett : Monsieur Sinclair, aviez-vous quelque chose à ajouter?

La présidente : Oui.

M. Sinclair : Je veux simplement dire que je suis heureux que cet élément ait été clarifié un peu. Les organismes de réglementation du cycle de vie ne sont aucunement exclus. De fait, dans le projet de loi, il est question d’obtenir leur expertise dans le cadre du processus et de l’utiliser pour prendre des décisions relativement aux projets touchés. L’an dernier, à la CCSN, seuls quatre projets ont suivi un processus visé par la LCEE 2012. Cette loi est très limitée dans son application, et tout indique que le projet de loi C-69 le sera également. En outre, les organismes de réglementation du cycle de vie ont créé la situation qui exigeait la prise de mesures quant à la façon dont nous allons tenter de procéder à l’approbation des projets, des projets d’exploitation de ressources, des grands projets d’exploitation de ressources, au Canada. Voilà le problème.

M. Kiefer : Si je pouvais simplement préciser...

La présidente : Oui.

Le sénateur Plett : Eh bien, monsieur Kiefer, je vous en prie. Je veux rappeler à M. Sinclair que je n’ai pas dit que le projet de loi les excluait; j’ai affirmé qu’il les marginalisait.

M. Sinclair : En fait, on a dit qu’ils étaient exclus.

Le sénateur Plett : Monsieur Kiefer, aviez-vous quelque chose d’autre à ajouter à cela?

M. Kiefer : Je soulignerais simplement le paragraphe 47(4), selon lequel : « Le président ne peut être nommé à partir de la liste, et les membres nommés à partir de la liste ne peuvent constituer la majorité des membres de la commission. » Il s’agit du libellé du projet de loi, et il marginalise essentiellement du processus les organismes de réglementation du cycle de vie.

Le sénateur Plett : Je vous remercie.

La présidente : Nous passons maintenant à M. Sinclair.

M. Sinclair : La marginalisation est un point de vue. La semaine dernière, en fait, j’ai parlé avec des représentants de la CCSN. Ils m’ont téléphoné pour me poser des questions au sujet de leurs processus de participation, qu’ils examinent et modifient à la lumière des enjeux qui ont été soulevés relativement au projet de loi C-69 et de leur rôle d’organisme de réglementation, et ils n’ont pas l’impression d’être marginalisés.

La présidente : Sénatrice McCallum, vous avez la parole.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie, madame la présidente, et merci à tous de vos exposés. Je vous remercie également, madame Greyeyes, d’avoir raconté votre histoire profondément personnelle et intime. Il est triste que nous devions raconter ces histoires pour faire valoir nos arguments quand nous avons besoin de nous faire entendre et d’être compris.

Les problèmes permanents liés à la sécurité, à la justice dans les régions d’origine... Il y a continuellement des problèmes de sécurité et de justice dans ces régions. Il est impossible d’y échapper, car des travaux de mise en valeur des ressources sont maintenant entrepris. Voilà qui montre l’importance cruciale d’adopter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Cela montre aussi que l’inclusion de l’analyse comparative entre les sexes est un droit fondamental du point de vue des personnes marginalisées et de la marginalisation accrue découlant de l’hésitation des parlementaires à s’attaquer au problème et à appuyer les progrès dans le domaine de l’autodétermination des femmes et du droit de participer pleinement et en toute sécurité à toutes les affaires qui touchent leur vie. Si nous ne réglons pas ce problème, nous continuerons à favoriser l’oppression. La réalité, c’est que les éléments techniques du projet de loi touchent des vies. Ce n’est que grâce à une planification précoce que tous les points de vue pourront être entendus quant à tous les problèmes au pays.

La question que je pose à Mmes Greyeyes et Hansen est la suivante : avez-vous un cadre que les entreprises peuvent utiliser afin qu’elles puissent examiner ce qu’est l’analyse comparative entre les sexes et y donner suite plus facilement, ou connaissez-vous un groupe qui en possède un?

Mme Hansen : Certaines évaluations intéressantes ont été effectuées, dirigées et menées par des femmes autochtones. Je pense que, ce que nous proposerions en fait, ce serait plutôt que les promoteurs qui effectuent l’analyse comparative entre les sexes soutiennent les membres de la collectivité afin qu’ils procèdent à des évaluations communautaires. Je me tournerais vers deux modèles, soit, tout d’abord, celui de la Première Nation Nak’azdli, en Colombie-Britannique, qui a effectué une évaluation communautaire assortie d’une analyse comparative entre les sexes vraiment solide dans le cadre du processus d’approbation de la mine New Prosperity. L’exploitation de la mine a commencé, et la collectivité en assure maintenant la surveillance continue et l’évaluation dans une optique fortement sexospécifique.

L’autre modèle vers lequel il est très important, selon moi, que l’on se tourne est un projet qui a été réalisé par la Première Nation Nak’azdli, encore une fois, ainsi que par la nation de Lake Babine et le Firelight Group, il y a quelques années. Ce sont des collectivités où ont lieu une grande variété de projets de mise en valeur de ressources, depuis de nombreuses décennies, et elles se sont rassemblées et ont dit : « D’accord, nous savons quelles sont ces conséquences, nous savons ce qui préviendrait ces effets préjudiciables, nous savons ce qui augmenterait les conséquences positives, alors examinons les stratégies d’atténuation qui seraient utiles, et parlons-en avec le gouvernement et l’industrie. »

Nous avons participé à un atelier, où des femmes autochtones ont effectué un remue-méninges et dit : « Voici les répercussions sur nos collectivités, et voici nos recommandations. Voici ce que nous, en tant que collectivité, pouvons faire pour garder les femmes et les filles en sécurité; voici ce que nous voulons demander au gouvernement de faire; voici ce que nous voulons demander à l’industrie de faire, et voici ce que nous voulons demander aux forces policières de faire. » Tout était intensément pratique. Le lendemain, l’industrie et le gouvernement ont été invités à prendre part aux discussions, et, quand le projet a été divisé en volets pratiques et que des recommandations... je pense que, parfois, quand les gens entendent le terme « analyse comparative entre les sexes », ils ne sont pas certains de savoir de quoi il s’agit, alors, quand ces personnes leur ont expliqué qu’il s’agissait en fait des résultats d’une analyse comparative entre les sexes, les représentants de l’industrie qui étaient présents ont dit : « Oh, oui, nous pouvons faire ces choses; ce n’est pas du tout problématique. »

Il s’agit selon moi d’un excellent exemple de comment tenir un processus communautaire et inviter d’autres intervenants à participer. Il s’agit également de déboulonner les mythes, d’instaurer la confiance et de comprendre et reconnaître que ce sont les éléments qui changent concrètement la donne. Ainsi, oui, il existe de bons exemples.

Mme Greyeyes : Simplement pour rajouter à cela : il est question de vies humaines. Il s’agit de protéger les femmes et les filles et d’atténuer les conséquences que ces projets ont sur leur vie et de s’assurer qu’elles ont la même possibilité d’être en sécurité, de vivre, de devenir mères et grands-mères. Je suis heureuse de pouvoir affirmer qu’en Colombie-Britannique, je travaille au sein d’un groupe de femmes et qu’on nous a demandé de contribuer à la création d’une analyse comparative entre les sexes pour les Autochtones de la province. Nous en sommes aux toutes premières étapes; nous commençons tout juste à tenir des rencontres, et je serais heureuse de vous expliquer ce processus le moment venu.

La présidente : Si vous pouvez nous en envoyer une copie, nous vous en serions reconnaissants.

Mme Greyeyes : Absolument.

La sénatrice McCallum : Monsieur Kiefer, dans les amendements que vous proposez, il est mentionné dans la partie portant sur le préambule, à la suite de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, que « le décisionnaire final quant à savoir si un projet désigné est dans l’intérêt public et le refus d’une personne, d’un groupe ou d’une communauté d’accepter ou de consentir à un projet désigné ne déterminera pas si un projet désigné est dans l’intérêt public ». Pouvez-vous nous en dire davantage à propos de cette modification?

M. Kiefer : Il s’agit d’un point pour lequel nous croyons qu’il est important d’apporter des précisions. Nous traitons avec un grand nombre de collectivités des Premières Nations, et il y a beaucoup matière à interprétation concernant la DNUDPA, le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, et un certain nombre de droits autochtones ainsi que la façon de régler ces situations avec les membres des collectivités touchées. Nous répétons ce que le gouvernement nous a dit, c’est-à-dire que la DNUDPA ne confère de droit de veto à aucune collectivité ni personne relativement à un projet. Tout ce que nous avons fait, c’est de dire que, en conséquence, vous devriez affirmer cela dans le préambule de la loi pour ainsi préciser que l’intention du législateur n’est pas de faire en sorte que le processus donne lieu à un droit de veto pour quiconque.

J’aimerais souligner que nous venons d’achever un projet dans le Nord de l’Alberta. Il s’agit d’une ligne de transmission de 500 kilomètres. Nous avons dû traverser les territoires traditionnels de 21 Premières Nations, 2 collectivités, de nombreuses terres agricoles et terres de la Couronne, et nous avons présenté une demande de permis et de licence pour ce projet sans qu’aucune opposition ne soit soulevée par des propriétaires terriens, et terminé le projet sans aucune objection à l’égard de cet ouvrage dans son entièreté.

Donc, c’est possible d’y arriver grâce à une bonne communication, et je crois que c’est ce qui est important; il faut se rendre sur le terrain et comprendre les préoccupations de chaque collectivité. Elles sont distinctes, et il faut en tenir compte et s’adapter de différentes manières. Je vous remercie de votre question.

La présidente : C’est à vous de clore les questions, monsieur Neufeld.

Le sénateur Neufeld : Ma première question s’adresse à M. Kiefer. Vous avez dit qu’ATCO participe activement au processus fédéral de réforme de l’évaluation environnementale depuis 2016. Vous avez pris part à ce processus presque dès le début, au moment où le gouvernement l’a entrepris. Avez-vous été quelque peu surpris du résultat?

M. Kiefer : Oui, même si je dirais que, en ce qui concerne le projet de loi C-69, il y a eu une certaine souplesse du fait que le gouvernement a consenti des accommodements relativement à certaines préoccupations avant que le projet ne soit déposé en première lecture à la Chambre des communes. Il n’est tout simplement pas allé assez loin, et c’est pourquoi il y a encore une liste de précisions qui doivent être apportées au projet de loi.

Le sénateur Neufeld : Je sais qu’il y a 49 ou 42 amendements qui ont été adoptés à la Chambre, et qu’ils émanaient tous du gouvernement. Vu le temps qui nous est accordé, je vais poursuivre.

Madame Hansen, je vis à Fort St. John. J’ai habité pendant 19 ans à Fort Nelson et j’ai travaillé dans l’industrie pétrolière et gazière toute ma vie, jusqu’à ce que je fasse de la politique.

Bonjour, madame Greyeyes. Je vous remercie de vous être déplacée et d’avoir fait les déclarations que vous avez faites. Cela a dû être assez difficile.

J’ai été député avant d’être nommé au Sénat, donc j’ai entretenu de bons liens avec toutes les Premières Nations établies autour de Fort St. John. Aucun membre n’a jamais porté ces sujets à mon attention. C’est malheureux, parce que cela ne devrait pas se produire. En somme, je voulais vous dire que je suis de Fort St. John. Je vais communiquer avec certaines des personnes là-bas que vous avez mentionnées et voir ce qui se passe, et pourquoi.

BC Hydro a un important camp de travail où sont hébergés tous les travailleurs, directement sur le site. Les seules personnes qui viennent de Fort St. John, à ma connaissance, sont les quelques-unes qui choisissent d’y aller. Je suis étonné que des personnes n’aient pas d’hébergement, parce que le camp n’est pas complet. J’y suis allé récemment, et il y a de la place. Donc, je ne sais pas ce qui cloche là-bas.

Je n’ai pas vraiment de question à vous poser. Je voulais simplement vous dire cela. Peut-être voulez-vous formuler des commentaires.

Mme Greyeyes : En effet, je souhaite intervenir. J’étais très heureuse de vous apercevoir dans la salle, parce que vous êtes une personne connue dans ma région, et que j’apprécie vos commentaires.

Je sais que pendant un certain nombre d’années nous avons gardé le silence concernant les choses vécues dans la collectivité parce que c’est dans notre nature. Par le passé, nous n’avons pas parlé des traumatismes causés par les pensionnats ou les écoles de jour, ni même du traumatisme causé par les premières rencontres avec les Européens. Je sais par ailleurs que vous avez été très apprécié comme député et citoyen de Fort St. John.

En passant, en ce qui concerne les commentaires sur les sans-abri, on nous a signalé que l’organisation locale de l’Armée du Salut utilise la moitié supérieure de l’hôtel pour héberger des travailleurs de l’industrie, et que ceux-ci paient un loyer, alors que, pendant ce temps, des personnes vivent dans la rue. Il ne fait aucun doute que la situation est difficile, mais je crois que si nous collaborons et nous nous entendons sur le fait que nous devons accorder plus de valeur aux vies humaines qu’à l’argent... De fait, nous pouvons y arriver. Il faut seulement que les partenaires à la table aient la volonté nécessaire.

Le sénateur Neufeld : Oui. Merci.

Monsieur Sinclair, j’essaie d’accélérer, parce que la présidente va me couper la parole. De fait, elle est prête à utiliser son maillet maintenant. Monsieur Sinclair, vous avez évoqué entre autres la participation et la mobilisation significatives et vous avez mentionné que nous n’avons peut-être pas entendu beaucoup de milléniaux. En fait, étonnamment, il y en a qui ont comparu. Je vais vous donner le nom de quelques-uns d’entre eux: Mme Sarah Vandaiyar, si ma mémoire est bonne, présidente et directrice générale de la Young Pipeliners Association of Canada; et Mme Katie Smith, directrice administrative de l’organisme Young Women in Energy. Ce ne sont que deux exemples, et j’ai remarqué que beaucoup de témoins n’avaient pas autant de cheveux gris que moi, donc, à mes yeux, ils appartiennent au groupe des milléniaux, ce qui est formidable, parce que nous voulons les entendre. Il s’agit des gens de la relève qui prennent des postes de gestion.

Pouvez-vous expliquer davantage ce que vous entendez par participation et mobilisation?

M. Sinclair : Eh bien, je croyais que vous me poseriez une question concernant l’article qui porte sur ce sujet, parce que vous en avez parlé beaucoup.

Le sénateur Neufeld : Je voulais faire changement.

M. Sinclair : D’accord.

Le sénateur Neufeld : Toutefois, vous pouvez en parler, si vous le souhaitez.

M. Sinclair : Non, je ne l’aborderai pas, mais je dirai que je crois que, pour certaines raisons, nous craignons la participation et la mobilisation, et que nous croyons que l’agence, ou un autre organisme, ne pourra en assurer la gestion, c’est-à-dire que les responsables ne pourront gérer les renseignements qui leur seront communiqués. À mon avis, c’est sans fondement. Au Canada, dans le cadre des évaluations environnementales, à l’échelon fédéral, il n’y a jamais eu de problème jusqu’à l’adoption de la LCEE 2012 et de l’article portant sur la participation et l’évaluation.

M. Byron Williams vous a donné des statistiques ce matin concernant les processus menés ici, au Manitoba, et à l’échelle nationale. Nous percevons probablement le projet Énergie Est comme un projet important, et nous croyons que beaucoup de personnes s’y intéressaient et voulaient participer. Il y a seulement eu 2 600 participants. Ce n’est pas un grand nombre de personnes.

J’ai un collègue avec qui je communique. Il est consultant à Hong Kong. Là-bas, les responsables se préparent habituellement à recevoir entre 4 000 et 5 000 personnes. Il m’a transmis récemment une copie d’un rapport sur l’une de leurs activités de participation et, en plus des audiences tenues, 29 000 questionnaires ont été remplis, 3 000 entrevues ont été menées et 70 000 commentaires du public ont été reçus. Donc, je ne sais pas quel est le problème. Il y a beaucoup de moyens maintenant pour traiter facilement de grandes quantités de données.

J’ai une boîte remplie de guides sur la participation du public dans mon bureau, et nous continuons d’utiliser les mêmes méthodes. Nous tenons des audiences, selon une approche; nous tenons des portes ouvertes; et nous laissons les gens rédiger des mémoires. Toutefois, les gens détestent les portes ouvertes. Elles constituent un bon moyen de favoriser une participation plus active, mais, en grande partie, les gens ne les perçoivent pas comme un moyen de participation utile. Il faut offrir plus d’options, et il existe de nombreux livres qui traitent de ce sujet. J’ai coprésidé la section responsable de la participation du public de l’International Association of Impact Assessment. Ce n’est pas un secret. Il y a aussi l’IAP2, l’Association internationale pour la participation du public. Rien de cela n’est un mystère maintenant. Comme M. Byron Williams l’a dit ce matin — et c’est ce que les responsables de la CCSN font en partie —, nous devons réfléchir aux procédures de certains de ces tribunaux administratifs et aux occasions de participation offertes au public. Nous devons faire preuve de plus de créativité. Nous devons en fait utiliser des guides qui ont été créés, dont certains par le gouvernement fédéral. Je vais m’arrêter, avant de critiquer davantage.

La présidente : Merci beaucoup. Si un des livres que vous avez mentionnés résume ce sujet, j’aimerais le lire.

M. Sinclair : Avec plaisir.

La présidente : Sur ce, merci beaucoup de vos témoignages. Je vous remercie beaucoup de cet échange important.

Chers collègues, nous accueillons dans notre dernier groupe de témoins M. Barry Rempel, président et chef de la direction, Administration aéroportuaire de Winnipeg; Mme Tara Hull, directrice, Conformité des opérations, Aéroport international Richardson de Winnipeg; ainsi Mme Nichole Dusyk, analyste principale, et Duncan Kenyon, directeur régional de l’Alberta, tous deux de l’Institut Pembina. Je vous remercie beaucoup de votre présence.

Barry Rempel, président et chef de la direction, Administration aéroportuaire de Winnipeg : Je vous remercie beaucoup de cette occasion de discuter avec vous cet après-midi. Tout d’abord, je tiens vraiment à vous souhaiter la bienvenue, et pour les personnes qui habitent dans cette région, merci d’être revenues et bienvenue de nouveau à Winnipeg. J’espère que vous avez vécu une excellente expérience de voyage dans notre aéroport. Tant à l’arrivée qu’au départ, j’espère que tout se passera bien.

Je suis accompagné aujourd’hui par Mme Tara Hull, qui est un membre de notre personnel dont je suis particulièrement fier. Mme Hull s’est jointe à notre organisation il y a un certain nombre d’années, tout de suite après l’obtention de son diplôme, pour occuper un poste dans notre secteur lié à l’environnement. Elle est aujourd’hui la directrice, Conformité des opérations, pour l’ensemble de l’aéroport.

Je vais vous remettre des observations que nous avons préparées. Au lieu de les lire, vu que vous aurez l’occasion de les consulter à votre convenance, je vais simplement souligner les points principaux, afin de respecter les cinq minutes allouées à cette étape de l’audience, et, bien entendu, de tenir compte du fait que quelques-uns d’entre vous souhaitent peut-être participer aux célébrations Whiteout tenues au centre-ville. Je veux faire en sorte que vous puissiez partir à temps.

Donc, pour que vous puissiez comprendre un peu mieux l’Administration aéroportuaire de Winnipeg, les raisons pour lesquelles les responsables d’un aéroport portent attention à ce projet de loi et pourquoi nous sommes ici, je crois qu’il est important de fournir un peu de contexte. D’abord, la vision de l’administration aéroportuaire commence par trois mots très importants : « avec notre collectivité ». Nous avons comme vision d’être un chef de file, avec notre collectivité, en matière de transport, d’innovation et de croissance. Quand ils pensent à un aéroport, la plupart des gens ne voient que des personnes qui transitent par ce lieu. C’est beaucoup plus que cela. Les activités de l’organisation concernent les marchandises et reposent sur la volonté de tirer parti des avantages que nous avons la chance d’avoir pour faire en sorte de procurer des bénéfices à notre collectivité.

L’aéroport de Winnipeg est le septième en importance au Canada quant au nombre de passagers, mais il est le plus important, sans conteste, en matière d’utilisation d’avions-cargos pour la livraison de marchandises partout au pays, en particulier entre le Sud du Canada et la région de l’Arctique, notamment le Nunavut.

L’administration aéroportuaire compte environ 17 000 emplois et génère un peu plus de 3,5 milliards de dollars en activité économique. Cela n’est pas le fruit du hasard. Il y a un certain nombre d’années, nous comptions 7 000 emplois, et c’est en collaborant avec notre collectivité et en tirant parti des installations que nous avons réussi à aider à faire croître notre économie et à en devenir un moteur. Ce plan a été réalisé grâce au travail en collaboration avec les membres de notre collectivité, c’est-à-dire en réponse à leurs besoins et en partenariat avec eux.

Cela dit, nous voulons présenter quatre recommandations qui permettraient d’améliorer le projet de loi C-69. Celles-ci portent, en résumé, sur la définition des projets, la période de 30 jours suivant l’affichage et le calendrier intégré des initiatives, les questions touchant les connaissances des collectivités et, enfin, le respect du mandat des administrations aéroportuaires.

Pour commencer, à propos de la définition des projets, la présente Loi canadienne sur l’évaluation environnementale énonce des lignes directrices très claires sur les contextes dans lesquels une administration aéroportuaire doit réaliser une évaluation environnementale. À mon avis, les aéroports d’un bout à l’autre du Canada ont réussi à mener leurs activités dans le cadre réglementaire défini et à les élargir afin de nous aider à faire tourner l’économie.

Nous avons investi plus de 22 milliards de dollars dans les projets d’infrastructure au cours des dernières années. La Ville de Winnipeg elle-même a investi un peu plus d’un milliard de dollars, et nous étudions, pour l’année à venir, des projets qui représentent 112 millions de dollars. Tous ont fait l’objet d’une évaluation environnementale.

Ce qui nous préoccupe dans le projet de loi C-69 est qu’il n’indique pas clairement dans quel contexte un aéroport doit réaliser ce genre d’évaluations. La définition donnée est tout simplement inadéquate. L’article 81 ne définit pas clairement ce qui constitue un projet. Si le libellé du projet de loi est adopté tel quel, nous croyons que cela va paralyser les projets de développement aéroportuaire. Cela entraînera des conséquences absurdes, à cause de la définition actuelle... Je vais vous donner un seul exemple.

Récemment, l’automne dernier, nous avons installé des stations de remplissage d’eau à l’aéroport. C’était parfaitement inoffensif. Le but était d’aider les gens. Nous voulions qu’ils puissent remplir leurs propres contenants d’eau et éviter ainsi de jeter plein de bouteilles en plastique vides. Le problème, avec la version actuelle du projet de loi C-69, c’est qu’il obligerait l’aéroport à réaliser une évaluation environnementale avant d’entreprendre ce projet. C’est clairement inutile. Pour être parfaitement honnête, ce serait gaspiller le temps de nos employés et de tous ceux qui doivent intervenir dans ce genre d’évaluations.

Selon la LCEE en vigueur, les administrations aéroportuaires peuvent évaluer elles-mêmes leurs projets, et le règlement d’application définit très clairement dans quel contexte une évaluation environnementale est nécessaire. Je suis prêt à affirmer qu’il n’y a jamais eu d’abus dans le système actuel. À tout le moins, c’est vrai pour nous, à Winnipeg. Nous recommandons donc que le projet de loi C-69 comprenne les mêmes définitions et ait la même portée que la Loi sur l’évaluation environnementale et le règlement d’application présentement en vigueur.

Deuxièmement, il y a la période de 30 jours suivant l’affichage. Nous consultons de façon active et constante notre collectivité. Pour cela, nous avons des structures officielles, à commencer par notre conseil d’administration, dont les membres viennent de la localité. Nous avons aussi un certain nombre de comités, comme notre comité consultatif communautaire et notre comité sur l’environnement. Nous interagissons également presque tous les jours avec le public, par l’intermédiaire des médias sociaux, à propos de toutes sortes de sujets, en particulier tout ce qui concerne l’environnement. Nous consultons également régulièrement la collectivité à propos de notre plan directeur. Tout cela pour dire qu’il est possible présentement de consulter la collectivité et que nous ne voyons aucun avantage à retarder les projets parce qu’il faut les afficher en ligne pendant 30 jours de plus en passant par une autre organisation qui se trouve ailleurs.

L’exigence énoncée à l’article 86 touchant l’affichage en ligne impose une étape supplémentaire qui nous pose des problèmes, parce que nous allons devoir filtrer les commentaires afin de déterminer ce qui est utile ou non. Nous demandons donc que cet article soit modifié afin que les administrations aéroportuaires aient le pouvoir discrétionnaire d’organiser des consultations publiques au besoin.

Notre troisième recommandation s’inscrit dans le même ordre d’idées. C’est à propos de la définition des connaissances des collectivités. Nous nous sommes effectivement engagés à travailler avec notre collectivité. Comme je l’ai mentionné, tous les membres de notre conseil viennent de la collectivité. Comme je l’ai décrit, nous utilisons une foule de processus récurrents pour recueillir les commentaires de la collectivité. Je ne vois donc pas bien comment l’exigence de prendre en considération les connaissances des collectivités, comme énoncé à l’article 84, serait d’une quelconque utilité dans le cadre d’un projet.

J’ajoute qu’il n’est pas précisé comment les aéroports sont censés déterminer qui possède des connaissances communautaires pertinentes ni ce qui est considéré comme une consultation sérieuse, aujourd’hui. Nous recommandons de supprimer l’alinéa 84(1)c) ou d’en exempter les administrations aéroportuaires, étant donné leur situation unique. Nous croyons que cette disposition est tout simplement redondante.

La dernière chose dont je veux parler concerne le mandat des administrations aéroportuaires. Nous avons une dernière recommandation à faire sur ce point. Nous devons trouver une meilleure façon d’harmoniser le contenu du projet de loi C-69 avec l’objectif du gouvernement fédéral de rendre les transports aériens plus efficients et plus abordables. Je ne vois pas comment le projet de loi C-69 pourrait aider à atteindre cet objectif. Je ne comprends pas comment le transfert des pouvoirs de l’autorité aéroportuaire au gouvernement fédéral est censé avantager les voyageurs. L’article 88 retire tout bonnement aux administrations aéroportuaires le pouvoir de déterminer à quel moment il y a eu suffisamment de consultations ou pour quel projet des consultations plus poussées s’imposent. Ce pouvoir est de nouveau confié au ministre, alors qu’initialement, c’était un pouvoir que le gouvernement nous avait délégué lorsque les administrations aéroportuaires sont devenues des entités distinctes du gouvernement. Nous ne voyons pas où est l’avantage.

Notre dernière recommandation, en conséquence, est que le gouvernement prenne en considération les attentes des administrations aéroportuaires relativement au projet de loi C-69 et réfléchisse à la façon dont le projet de loi est censé aider à atteindre son objectif, qui est de rendre les voyages aériens plus efficients et plus abordables. Merci de nous avoir donné la possibilité de témoigner.

La présidente : Merci beaucoup.

Monsieur Kenyon, c’est votre tour.

Duncan Kenyon, directeur régional de l’Alberta, Institut Pembina : Bonjour. Je tiens à remercier le Sénat de nous avoir invités à témoigner aujourd’hui. Notre but aujourd’hui est de vous exposer la position de l’Institut Pembina sur le projet de loi C-69.

Je m’appelle Duncan Kenyon. Je suis accompagné aujourd’hui de ma collègue, Mme Nicole Dusyk, que beaucoup d’entre vous connaissent déjà. Elle fait partie de notre équipe chargée d’étudier les politiques fédérales et elle est le cerveau qui dirige notre analyse du projet de loi C-69. Elle sera donc en mesure de vous parler des détails techniques.

J’aimerais vous parler de l’histoire de l’Institut Pembina, car je crois qu’il y a des liens intéressants à faire avec la discussion d’aujourd’hui. Nous sommes un centre d’études et de recherches non partisan, sans but lucratif, voué à la promotion de politiques solides et efficaces en vue de soutenir la transition du Canada vers l’énergie propre.

Même si nous menons aujourd’hui des activités aux quatre coins du pays, nos racines sont en Alberta. L’Institut Pembina a ouvert ses portes il y a 37 ans; il a été fondé par des résidants et des propriétaires fonciers de Drayton Valley, en Alberta, en réaction à l’explosion d’un puits de gaz sulfureux qui s’est produite à Lodgepole en 1982. Cet événement a malheureusement coûté la vie à deux personnes. Le panache de gaz produit par l’explosion a même atteint Edmonton. Alors, 200 résidants et propriétaires fonciers de la région ont décidé de former un comité. Il s’était passé quelque chose de terrible, et ils voulaient savoir comment cela avait pu se produire et ce qu’ils pouvaient faire pour changer les choses. Le comité a exigé — et obtenu — la tenue d’une enquête publique exhaustive sur l’exploitation des gaz sulfureux dans la province. En conséquence, la réglementation applicable au gaz sulfureux a été remaniée du début à la fin, et, encore aujourd’hui, nous pouvons compter sur une réglementation solide qui permet que l’exploitation de gaz sulfureux en Alberta soit sécuritaire et responsable.

En guise de contexte, pour que vous compreniez, le gaz sulfureux est un gaz naturel qui comprend un peu de sulfure d’hydrogène. Même en petites quantités, il peut être mortel.

Les figures principales de ce groupe ont par la suite décidé de créer le Pembina Institute for Appropriate Development, c’est-à-dire l’Institut Pembina pour un développement adéquat. Je vous donne notre nom complet, parce que c’est très important pour comprendre l’histoire de notre organisation. Nous voulons une exploitation responsable et adéquate. Notre approche consiste donc à travailler avec l’industrie et le gouvernement afin de veiller à ce que les ressources pétrolières et gazières soient exploitées de façon sécuritaire et responsable dans les provinces et dans tout le pays.

Nous avons appliqué cette approche et cette philosophie aux 18 évaluations fédérales et provinciales auxquelles nous avons participé au cours des 25 dernières années. Notre travaillons de façon constructive afin de cerner les problèmes et trouver des solutions pendant la planification des projets. Nous cherchons aussi à cerner les lacunes fondamentales et à trouver des solutions réglementaires et stratégiques pertinentes dans le cadre de ces projets. Nous sommes le plus important groupe d’experts public au Canada en matière d’exploitation pétrolière et gazière. Nous fournissons de l’expertise et des données probantes sur des enjeux relatifs aux émissions atmosphériques, aux impacts sur les espèces menacées, à l’élaboration de la réglementation et à la participation du public. Voilà en résumé ce qu’il faut savoir à propos de l’Institut Pembina et de notre expertise. Nous avons donc des commentaires à faire sur le projet de loi C-69.

Pour commencer, permettez-moi de dire que, comme nous le savons tous, le système actuel est défaillant. Nous en sommes tous conscients. La Loi sur l’évaluation environnementale de 2012 ne convient à personne. Après trois années d’études rigoureuses et de consultations avec l’industrie, les peuples autochtones, les groupes environnementaux, la société civile et le grand public, ce projet de loi est l’occasion de réparer les torts causés par la loi en vigueur.

Notre organisation s’intéresse depuis longtemps aux politiques, à la réglementation et aux séances organisées pour parler d’énergie. Notre expérience au cours de toutes ces années nous a appris que le Canada devait revoir son processus en matière de droit environnemental. Depuis 2016, nous avons interrogé 23 experts venant de l’industrie, du milieu universitaire, des Premières Nations et des groupes environnementaux — une grande variété de domaines — afin de recueillir des idées et de comprendre les difficultés avec lesquelles l’Office national de l’énergie doit composer par rapport à la Loi sur l’évaluation environnementale de 2012. Nous avons communiqué nos résultats dans un mémoire détaillé que nous avons communiqué au comité d’experts sur la modernisation de l’office et, l’année dernière, environ à la même date, nous avons transmis au Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes des recommandations par écrit et de vive voix au relativement à la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie qui avait été proposée.

Dans l’ensemble, nous soutenons les modifications proposées, puisqu’elles sont grandement nécessaires pour corriger le processus actuel, qui est défaillant. La Loi sur la Régie canadienne de l’énergie apporterait les changements dont nous avons grandement besoin, c’est-à-dire la prise en considération des facteurs touchant le climat, un régime de gouvernance remanié, le transfert des pouvoirs en matière d’évaluation d’impact à l’Agence canadienne d’évaluation d’impact, une liste plus longue des facteurs à prendre en considération avant d’octroyer un certificat ou une autorisation, une plus grande transparence dans le processus décisionnel, le retrait du critère lié au droit de participation et l’accent à mettre sur le partenariat avec les groupes et organisations autochtones. Toutes ces améliorations avantageront l’industrie ainsi que l’ensemble des Canadiens en mettant en œuvre un processus plus crédible, plus équitable et plus rigoureux.

Nous croyons cependant que certains éléments du projet de loi pourraient être renforcés, et nous avons donc proposé certaines modifications. Nous recommandons avant tout à votre comité d’adopter ce projet de loi afin d’améliorer le processus décisionnel relatif aux projets énergétiques. Comme je l’ai dit plus tôt, nous devons tous composer présentement avec les importantes failles du régime actuel, et ce projet de loi est une occasion de combler les lacunes.

Dans le cadre du processus d’amélioration de l’Office national de l’énergie et du processus d’examen, nous avons surtout mis l’accent sur deux grands éléments : premièrement, il faut une approche rigoureuse et uniforme pour évaluer l’incidence des projets sur les changements climatiques, et, deuxièmement, il faut que le processus d’examen soit transparent, équitable et fondé sur des données probantes.

Pour la première fois, on prévoit dans le projet de loi C-69 que l’incidence des projets sur les changements climatiques soit prise en considération dans les évaluations d’impact fédérales et dans la réglementation de l’énergie. C’est quelque chose d’important et d’absolument crucial. Les marchés et les régimes énergétiques mondiaux ont pris des virages technologiques et économiques importants dans le but de réduire les émissions de gaz carbonique. Toutes les industries — et les industries pétrolière et gazière sont parmi les plus importantes — ont commencé à prendre les mesures novatrices nécessaires afin de réduire leur empreinte carbonique, à la demande des investisseurs et des marchés mondiaux. En conséquence, nos régimes d’évaluation doivent tenir compte de cette nouvelle réalité, et l’absence de règles rigoureuses et uniformes pour encadrer les évaluations de l’incidence sur les changements climatiques est un énorme problème dans le régime existant. Contrairement à ce que disent certains, on ne peut pas dépolariser le débat en éliminant les mentions des changements climatiques. À dire vrai, cela aurait pour effet de relancer la polémique et de prouver aux Canadiens que le processus d’examen des projets n’est toujours pas crédible. L’inclusion des évaluations d’impact et des évaluations environnementales permet de mettre en place un processus systématique qui soutient et encourage l’innovation, ce dont l’économie du Canada a besoin pour être concurrentielle dans un marché mondial soucieux de la réduction des émissions carboniques.

Passons à la participation du public. Le deuxième enjeu, c’est la participation du public et les processus inclusifs, et rien ne montre qu’un critère lié au droit de participation donne lieu à une participation futile ou qu’il aide à amplifier la voix des personnes les plus directement touchées. Au contraire, ce que le Canada a constaté suivant la présentation du critère lié au droit de participation en 2012, c’est qu’il a renforcé davantage l’opposition, car il créait un processus qui excluait la participation de voix essentielles. Selon notre propre expérience, les critères liés au droit de participation sont souvent utilisés pour limiter la participation et faire taire les personnes qui peuvent être considérées comme des ennemis, mais qui représentent en fait des perspectives et des points de vue cruciaux pouvant contribuer à l’évaluation du projet, et cela donne lieu à un examen plus complet et général qui reflète la diversité et les forces du Canada.

Je ne crois pas que ce dont nous parlons est une nouvelle pour les dirigeants de l’industrie, si je me fonde sur les discussions auxquelles j’ai participé au Canada au cours des trois dernières années. Ils comprennent déjà que la réduction au minimum des risques associés aux projets complexes exige des processus d’examen minutieux et transparents. La confiance du public et la certitude sur le plan juridique ne découlent pas de processus exagérément simples, de consultations accélérées des Autochtones ou de campagnes de communication publique. Ces dirigeants de l’industrie travaillent en étroite collaboration avec les collectivités où les projets proposés sont situés et élargissent l’éventail d’incidences examinées dans leur conception de projet afin de répondre aux attentes des Canadiens. Ils conviennent également que la prise en considération des effets du changement climatique et des politiques en la matière fait partie intégrante des activités. Cela comporte la conception de projets dont l’empreinte carbone est considérablement réduite et qui montrent qu’ils tiennent compte du risque financier posé par la décarbonisation des marchés mondiaux et les risques véritables et concrets du changement climatique auxquels font face leurs activités.

Nous prions les membres du comité d’appuyer pleinement les processus inclusifs et de donner aux Canadiens le bénéfice du doute en présumant que les personnes qui prennent le temps de participer, parce qu’il n’est ni simple ni facile de faire partie de ces processus, le font parce qu’elles ont une contribution à apporter et qu’elles sont des voix importantes pour le processus. Agir autrement met en danger la crédibilité du processus d’examen.

Nous proposons deux ou trois amendements et d’autres éléments techniques qui figurent dans notre mémoire écrit. Afin d’accélérer les choses, parce que je crois comprendre que les gens attendent après moi pour participer à la marée blanche, prendre l’avion ou aller au « cinq à sept » du vendredi après-midi, j’aimerais seulement dire qu’on a tenu une autre séance aujourd’hui à Winnipeg; il y a également eu, à ma connaissance, une perturbation ce matin, et ces organisations ont senti qu’on les empêchait de participer au processus. J’incite vivement le comité à vraiment donner la parole à ces personnes parce qu’elles appuient pleinement le projet de loi, et nous craignons que ce soit un exemple d’organisations qu’on a peut-être exclues du processus de consultation.

La présidente : Pouvez-vous nous donner le nom de ces deux groupes?

M. Kenyon : Absolument.

La présidente : Merci.

M. Kenyon : Cela conclut mon exposé.

La présidente : Merci beaucoup.

Sénateur Plett, vous avez la parole.

Le sénateur Plett : Bienvenue à tous.

Monsieur Rempel, j’ai eu le plaisir de passer par l’aéroport encore une fois ce matin, et il est peut-être le septième en importance en ce qui concerne le nombre de passagers, mais je crois qu’il est le meilleur et le plus fonctionnel, alors félicitations. Non seulement j’aime revenir à la maison, mais j’adore également prendre l’avion à cet aéroport.

Le sénateur Neufeld : De même que d’autres personnes.

Le sénateur Plett : C’est un excellent aéroport. J’avais une question, mais vous avez très bien expliqué ce sur quoi je m’interrogeais. J’ai été frappé par le fait que nous devons effectuer des évaluations environnementales pour qu’il y ait des bouteilles d’eau dans un aéroport, et j’allais parler un peu de cela, mais je crois que vous l’avez très bien expliqué. Encore une fois, comme l’a dit M. Kenyon, en raison de contraintes de temps et du fait que les gens vont participer à la marée blanche ou peu importe où ils veulent aller, merci de votre exposé. Il était excellent. J’ai seulement deux ou trois questions pour M. Kenyon ou Mme Dusyk.

Je crois comprendre que vous avez dit, au début de votre exposé, monsieur Kenyon, que vous étiez un centre d’études et de recherches non partisan à but non lucratif. Est-ce exact?

M. Kenyon : Oui, c’est exact.

Le sénateur Plett : D’où recevez-vous votre financement?

M. Kenyon : C’est une bonne question. Si je comprends bien, vous avez entendu un témoin cette semaine qui essayait de clarifier d’où venait le financement des groupes environnementaux. Alors 85 p. 100 de notre financement est obtenu d’organisations et d’entreprises canadiennes avec qui nous travaillons et de Canadiens, et 15 p. 100 de notre argent vient d’organisations internationales qui travaillent sur le changement climatique partout dans le monde ou sur un éventail de sujets que nous étudions, y compris les immeubles verts, le transport écologique ou les énergies renouvelables.

Le sénateur Plett : Recevez-vous de l’argent de Tides Canada?

M. Kenyon : Nous n’en recevons plus de cet organisme.

Le sénateur Plett : Pourquoi?

M. Kenyon : Nous ne travaillons plus sur certains des enjeux dont s’occupe Tides Canada.

Le sénateur Plett : Avez-vous reçu de l’argent de la fondation William et Flora Hewlett?

M. Kenyon : Nous en avons reçu par le passé. Son financement est très intéressant parce que, dans certains cas, elle nous a financés pour que nous puissions travailler sur des enjeux pétroliers et gaziers en respectant notre approche : travailler avec l’industrie en vue de trouver des solutions. Elle a également financé notre travail sur les énergies renouvelables et les politiques en matière de changement climatique, des choses visant à améliorer les possibilités qui sont dans l’intérêt supérieur des Canadiens.

Le sénateur Plett : Est-ce que Pembina a participé à la campagne des sables bitumineux?

M. Kenyon : Nous nous concentrons sur les sables bitumineux parce qu’il s’agit d’un secteur qui offre une excellente occasion au Canada d’améliorer son rendement à cet égard. Les exploitants de notre province exercent une grande responsabilité pour s’assurer que cette ressource est exploitée de manière responsable, et, de notre point de vue, nous éprouvons de graves problèmes avec ce qui a toujours été concernant les émissions de gaz à effet de serre et la responsabilité existante associée aux résidus, par exemple. Nous nous concentrons sur la véritable mise en valeur des ressources.

La campagne des sables bitumineux en soi est une campagne plus importante qui compte nombre d’organisations qui se penchent sur différents aspects, et nous avons mis l’accent sur les activités en amont, les résidus et les gaz à effet de serre.

Le sénateur Plett : Avez-vous partiellement participé à la campagne des sables bitumineux?

M. Kenyon : Encore une fois, c’est une description intéressante; c’est comme s’il y avait une campagne sur les sables bitumineux, mais que chaque organisation était responsable de ses propres projets et de sa propre mise en valeur des ressources. Il n’y a donc pas de conspiration de coordination comme l’ont sous-entendu certaines organisations.

Le sénateur Plett : Merci.

La présidente : Sénatrice Simons, avez-vous d’autres questions?

La sénatrice Simons : Merci beaucoup. Je veux d’abord dire que, comme je viens d’Edmonton, je ne veux plus entendre parler de la marée blanche. Cela me rend trop triste.

Le sénateur Plett : C’est la première fois, madame la sénatrice, la première fois.

M. Rempel : Tous les Canadiens.

La sénatrice Simons : Ne vous mettez pas à la place des citoyens d’Edmonton : c’est trop tragique.

Comme je viens de l’Alberta, je suis au fait de l’excellent travail qu’accomplit l’Institut Pembina — je dirais qu’il s’agit d’un intervenant non pas modéré, mais plutôt équilibré relativement aux questions énergétiques et environnementales.

J’ai une question pour chaque groupe. Je sais que, lorsque j’ai parlé plus tôt à Mme Dusyk, des groupes environnementaux avaient examiné les amendements proposés plus tôt par l’Association canadienne des producteurs pétroliers et effectué une analyse rapide de ceux-ci. Comme l’Association canadienne des producteurs pétroliers, l’Association canadienne de pipelines d’énergie et ATCO ont tous mis à jour leurs amendements, j’aimerais savoir si vous avez réalisé votre propre analyse de leurs amendements que vous pourriez nous transmettre plus tard.

Nichole Dusyk, analyste principale, Institut Pembina : Je ne l’ai pas avec moi ici, mais cette analyse a été menée. Pour notre part, nous nous sommes concentrés sur la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie proposée, alors je suis en mesure de parler de ces amendements. Pour l’ensemble de la loi, on a fait une contre-analyse — l’examen des amendements, la prise en compte de ce qu’ils peuvent faire à l’ensemble de la structure du projet de loi, les amendements auxquels nous souscrivons ou ceux qui nous posent problème ou qui soulèvent des préoccupations majeures —, et je peux la fournir au comité.

La sénatrice Simons : Si vous pouviez la transmettre à la greffière afin que tout le monde puisse en prendre connaissance, ce serait fantastique.

Mme Dusyk : Oui.

La sénatrice Simons : Monsieur Rempel, je partage votre frustration, ainsi que tous les membres du comité, parce qu’il n’y a aucune liste des projets. Mais je crois que nous savons, de manière réaliste, que lorsque nous obtiendrons une liste des projets, elle ne couvrira pas les fontaines publiques de l’aéroport. Des obstacles concrets se dressent devant les agrandissements d’aéroport partout au pays, et c’est la première fois que je comprends que vous aviez le pouvoir de faire cela en vertu de l’ancien régime législatif. Prenons par exemple un aéroport donné qui veut procéder à un agrandissement important afin d’ajouter une nouvelle aérogare et de nouvelles pistes, ce qui serait un projet important légitime. Comment évalue-t-on à l’heure actuelle ce travail et comment pourrait-il être examiné en vertu du projet de loi C-69 dans sa forme actuelle?

Tara Hull, directrice, Conformité des opérations, Aéroport international Richardson de Winnipeg, Administration aéroportuaire de Winnipeg : Merci, madame la sénatrice. C’est une excellente question.

En ce moment, sous le régime de la LCEE de 2012, des dispositions réglementaires désignent ces types de projets, et nous croyons qu’il s’agit assurément de projets à risque très élevé qui pourraient susciter des préoccupations pour la collectivité; nous pensons que ces projets devraient également être adoptés si le projet de loi C-69 va de l’avant.

À l’heure actuelle, les autorités ont non pas la permission, mais la capacité d’étudier nos propres projets. Pour les projets qui posent, selon nous, un risque environnemental important, nous allons embaucher des consultants en vue de les examiner davantage et d’envisager de possibles mesures d’atténuation. Si nous croyons que nous ne sommes pas en mesure d’atténuer les risques de façon satisfaisante, alors nous poursuivrions le processus et porterions cela à l’attention du gouverneur en conseil.

La sénatrice Simons : En vertu du projet de loi C-69, cela changerait-il? Un agrandissement important — je ne parle pas de fontaines publiques, mais de nouvelles pistes qui pourraient nuire à la voie de migration des oiseaux, quelque chose du genre — serait-il visé par la LEI? Cela ne semble pas juste que vous puissiez réaliser votre propre évaluation environnementale alors que personne n’en a le droit. Mais pourrions-nous trouver un équilibre entre une analyse objective et quelque chose qui est tellement lourd qu’il serait impossible d’agrandir des aéroports lorsque nécessaire?

Mme Hull : Très bien. Si j’utilise votre exemple d’une nouvelle piste, elle serait visée sous le régime de la LCEE de 2012 et que nous ne pourrions pas effectuer cette évaluation nous-mêmes. Nous nous en remettrions à l’agence pour qu’elle la réalise. Par exemple, j’ai l’information ici tirée de la LCEE de 2012, aux articles 26 et 27 : la construction, l’exploitation, la désaffectation et la fermeture d’un nouvel aérodrome situé à l’intérieur de la zone bâtie d’une ville, d’un nouvel aéroport, au sens du paragraphe 3(1) de la Loi sur l’aéronautique et d’une nouvelle piste utilisable en toute saison d’une longueur de 1 500 mètres ou plus ainsi que le prolongement de 1 500 mètres ou plus d’une piste utilisable en toute saison existante. Voilà les projets qui vont au-delà de notre capacité d’effectuer une évaluation adéquate, et nous convenons qu’une agence externe devrait les évaluer.

La sénatrice Simons : Et ces projets sont énumérés dans la LCEE de 2012 ou dans le règlement?

Mme Hull : Dans le règlement, oui.

La sénatrice Simons : D’accord. Merci.

La présidente : J’aimerais poser une question à l’Institut Pembina, parce qu’il y a eu des discussions sur les raisons pour lesquelles le prolongement de projets existants doit faire l’objet d’une évaluation environnementale ou d’une évaluation d’impact. En tant qu’ingénieure civile et travaillant beaucoup sur les effets du changement climatique, je constate que bon nombre de nos infrastructures deviennent vulnérables et que, par conséquent, ces prolongements, en vertu de la LCEE de 2012 normale, ne tiennent pas compte des effets cumulatifs ou du changement climatique. Je m’inquiète du fait que, parfois, les gens disent que les prolongations — par exemple un barrage ou tout ce qui se trouve à proximité du littoral — n’ont pas besoin de cette nouvelle évaluation d’impact. Qu’en pensez-vous?

M. Kenyon : Nous faisions une petite partie de roche-papier-ciseaux pour savoir ce que nous allions décider. Nous avons l’impression que les questions relatives au changement climatique sont un élément essentiel de la prise de décisions, et il est absolument primordial que la nouvelle loi sur l’évaluation en tienne compte. Vous savez, la question qui se pose concerne des projets particuliers et ceux qui sont exclus. Est-ce ce que vous demandez, et ceux qui sont trop petits et...

La présidente : Oui.

M. Kenyon : Nous ne sommes pas vraiment des experts quant au processus d’évaluation environnementale appliqué aux petits projets. Je pense que ce dont nous devrions parler ici, c’est du fait que le changement climatique est réel et que nous devons commencer à en tenir compte dans nos projets d’infrastructures. Vous avez tout à fait raison, lorsqu’on construit des ponts ou de nouvelles infrastructures massives, tous les 10 ans, on doit tenir compte de ce que seront certaines des réalités relatives aux inondations qui se produisent une fois tous les 100 ans.

Ce que j’aimerais, c’est que nous réfléchissions à la portée des projets et aux projets qui doivent être inclus ainsi qu’à l’ampleur des émissions de gaz à effet de serre des projets et au seuil qui devrait être fixé dans la loi. Cependant, je pense qu’il y a beaucoup de pratiques exemplaires en ce qui concerne la planification de la lutte contre le changement climatique qui doivent être appliquées au reste de l’industrie, mais je ne pense pas que nous ayons quelque chose de précis — c’est lié à la taille du projet, à savoir si cela entre dans la portée de la nouvelle loi.

La présidente : Je veux simplement dire que c’est censé être ajouté aux codes du bâtiment, mais comme ceux-ci sont en retard, nous ne tenons pas compte de ces choses.

Sénatrice McCallum, allez-y.

La sénatrice McCallum : Je vais faire un bref commentaire. Je vais également souvent à l’aéroport, et je ne me suis jamais sentie en danger là-bas. Dans votre dernière recommandation, vous avez parlé de la façon dont cela fait progresser l’objectif fixé de rendre le transport aérien plus efficace et plus abordable. Vous devriez inclure la sécurité, parce que vous avez toujours assuré la sécurité.

Ma question s’inscrivait dans le même cadre que celle de la sénatrice Simons au sujet de l’organisme de surveillance qui s’occupe de vous. Collaborez-vous avec la province? Relevez-vous de la province d’une quelconque façon?

Mme Hull : Non. Nous étions assujettis à la LCEE de 2012, et les administrations aéroportuaires étaient alors réglementées par le gouvernement fédéral.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie.

La présidente : Sénateur Patterson, vous avez la parole.

Le sénateur Patterson : J’aimerais remercier M. Rempel et l’administration aéroportuaire pour les amendements très clairs et réfléchis qui ont été proposés. Presque tous les témoins ont des améliorations qu’ils recommandent d’apporter au projet de loi, et je continue de m’émerveiller devant les oublis, les omissions et le manque de clarté du projet de loi. Vos amendements seront dûment notés, et je voudrais vous demander ce qui suit : êtes-vous convaincu que vous parleriez au nom des administrations aéroportuaires de tout le pays en recommandant ces amendements?

M. Rempel : Absolument. Je pense que, ce que vous constateriez, ce sont probablement de légères variations sur le thème, mais il est certain que, dans le contexte, mes pairs feraient le même genre de recommandations.

Le sénateur Patterson : J’ai une question pour Pembina. Plus tôt aujourd’hui, la directrice de la Canada West Foundation, Mme Orenstein, nous a fait un exposé très réfléchi. Elle a dit que leur analyse du projet de loi comportait un très gros problème en ce sens qu’il introduit — nous l’avons entendu d’autres témoins — des questions stratégiques et des débats d’ordre politique dans le processus réglementaire. Elle a dit que ce processus n’est pas conçu pour les débats d’ordre politique. Elle a donné l’exemple de la quantité d’émissions de gaz à effet de serre qu’un projet devrait produire et du lien avec les obligations du Canada, ce qui est plus ou moins le libellé du projet de loi, et certaines obligations remontent à Kyoto. Je me demande quelles sont toutes ces obligations. Cependant, selon sa thèse, qui était solide, le fait d’amener le processus de réglementation à débattre de questions de politique est inapproprié, et le système n’est pas conçu pour les débats relatifs aux politiques. Nous tenons ces débats au Parlement et au Cabinet, mais le système de réglementation n’est pas conçu pour cela. Nous sommes aux prises avec d’énormes questions de politique, comme la signification des droits des Autochtones en vertu de l’article 35 de la Constitution, sur lesquelles beaucoup d’entre nous se sont penchés depuis le rapatriement. J’aimerais savoir si vous auriez des commentaires à faire à ce sujet.

J’ai une autre brève question à poser, étant donné que nous manquons de temps. Vous avez parlé de décarbonisation. C’est une triste réalité, mais l’Agence internationale de l’énergie a prédit que la demande mondiale en pétrole et en gaz augmentera de façon constante jusqu’en 2040. Je me suis rendu en Asie et dans d’autres pays à croissance rapide, peut-être pas aussi avancés que le nôtre, et ce que l’on constate, c’est la consommation de combustibles fossiles, la croissance de la classe moyenne et le désir de posséder des voitures. Auriez-vous des commentaires à faire sur ces prévisions et les acceptez-vous?

Mme Dusyk : Je vous remercie de la question. C’est une bonne question, et je suis heureuse que vous ayez pris l’exemple du changement climatique comme première question.

Je pense que nous sommes tous d’accord sur le fait que, dans le cadre d’un seul examen de projet, nous ne devrions pas débattre de questions plus vastes en matière de politique climatique. Cela s’est produit dans le passé, en partie, je pense, en raison de la frustration de ne pas avoir ce que les gens considèrent comme des politiques nationales adéquates, mais ce débat politique ne devrait pas avoir lieu. Cependant, cette question de ne pas débattre du contenu de la politique climatique n’est pas la même chose que de ne pas appliquer réellement cette dernière dans le cadre d’une évaluation d’impact et de ne pas tenir compte des effets du changement climatique sur le projet ainsi que des répercussions du projet sur le changement climatique.

Ces deux questions sont donc confondues. Si vous dites que vous allez retirer les politiques, vous ne devriez pas arrêter de tenir compte des répercussions sur le changement climatique. Pour faire une analogie ou donner un exemple parallèle, le développement économique est une question de politique. Personne ici ne prétend que nous ne devrions pas tenir compte des répercussions économiques des projets. Pour ainsi dire, en ce qui concerne l’analyse climatique ou l’analyse comparative entre les sexes, c’est une question de choix que certaines personnes préféreraient ne pas voir dans les évaluations de projet. On confond ce que l’on ne veut vraiment pas faire avec ce que l’on a absolument besoin de faire.

Vous avez également mentionné la difficulté en ce qui concerne la formulation des considérations climatiques dans le projet de loi, et par le fait même notre aptitude à évaluer les répercussions d’un projet sur notre capacité à respecter nos obligations ou engagements internationaux en matière de changement climatique. L’évaluation stratégique du changement climatique, qui est en cours à l’heure actuelle, en est l’objectif. Il peut être difficile, au départ, de comprendre comment cela sera évalué et comment nous en tiendrions compte. Toutefois, on a déjà commencé à peaufiner cela, à comprendre quelle information doit être prise en considération et comment ces décisions doivent être prises.

Le sénateur Patterson : Pouvez-vous nous donner des détails sur ce qui est déjà en cours?

Mme Dusyk : Vous voulez dire l’évaluation stratégique du changement climatique?

Le sénateur Patterson : Oui.

Mme Dusyk : Bien sûr, tout à fait. Environnement et Changement climatique Canada s’en charge actuellement.

Le sénateur Patterson : C’est un processus national qui est cours en ce moment?

Mme Dusyk : Oui, c’est exact.

Le sénateur Patterson : D’accord.

La présidente : Sénateur Neufeld, vous pouvez poser une dernière question.

M. Kenyon : Voulez-vous que je réponde à la deuxième partie de la question, ou manquons-nous de temps?

La présidente : Pouvez-vous nous envoyer votre réponse?

M. Kenyon : La LEI prévoit cela. Elle montre une croissance de la demande en pétrole et en gaz jusqu’en 2040, mais plusieurs scénarios y sont également inclus. Le scénario dont vous parlez, je crois, montre que la demande en 2040 nous mettrait sur la voie d’un réchauffement de la planète de cinq degrés. On y trouve également un scénario selon lequel la planète se réchaufferait de deux degrés, et on peut également montrer que la demande en pétrole commence à se stabiliser entre 2030 et 2035. Il y a plusieurs scénarios: Bloomberg, Shell, British Petroleum, BP et Exxon. Il y a une variété de scénarios qui se penchent sur la demande en pétrole et en gaz jusqu’en 2050.

Ce que je suggère pour gagner du temps, c’est de les communiquer au Sénat s’il est intéressé.

La présidente : Envoyez-les, s’il vous plaît.

M. Kenyon : Selon les différents scénarios, la demande en pétrole commence à culminer entre 2027 et 2040. C’est quelque chose que nous devons comprendre au Canada, ainsi que ce que cela représente pour nous, car c’est une science imprécise. Vous avez tout à fait raison de dire qu’il y a une demande croissante ailleurs dans le monde, mais il y a actuellement beaucoup de forces en jeu qui pourraient vraiment influer sur cette demande. Je serai heureux de vous transmettre cette information.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie.

La présidente : Sénateur Neufeld, allez-y.

Le sénateur Neufeld : Avec l’indulgence de la présidente, je n’ai pas vraiment de question, mais, monsieur Kenyon, je crois que vous avez dit plus tôt qu’il y avait des groupes qui ont été exclus, qu’ils auraient dû être ici et que nous ne pourrions pas les accueillir par manque de temps. Les mémoires écrits sont acceptés, et vous pouvez facilement dire aux groupes dont vous parlez qu’ils peuvent, s’ils ont quelque chose à dire, écrire une lettre à la greffière, et nous l’aurons tous. Merci.

La présidente : Sur ce, je remercie infiniment les témoins et mes collègues de leurs questions.

(La séance est levée.)

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