Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule no 44 - Témoignages du 23 mai 2018
OTTAWA, le mercredi 23 mai 2018
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 15 heures, afin de poursuivre l’étude de ce projet de loi.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je suis Art Eggleton, sénateur de Toronto et président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je vais demander à mes collègues de se présenter.
La sénatrice Seidman : Bonjour. Judith Seidman, Montréal, Québec.
[Français]
La sénatrice Poirier : Bon après-midi. Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Wells : Bonjour. David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Manning : Bonjour. Fabian Manning, Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Dean : Sénateur Dean, de l’Ontario.
La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.
[Traduction]
Le président : Nous poursuivons aujourd’hui nos audiences sur le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois.
Aujourd’hui, notre sujet concerne particulièrement les producteurs, les détaillants et un maire. Nous accueillerons deux groupes de témoins. Le premier sera ici de 15 heures à 17 heures, puis le deuxième, de 17 heures à 18 heures, en espérant qu’il n’y aura pas de sonnerie du Sénat, ce qui pourrait nous interrompre.
Je vais demander à tous nos témoins, et nous en avons quatre dans ce premier groupe, de nous faire une déclaration préliminaire de sept minutes au maximum. Étant donné mes antécédents et mon parti pris pour les maires, je vais commencer par le maire de Smiths Falls, Shawn Pankow.
Shawn Pankow, maire, Ville de Smiths Falls : Merci beaucoup. Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. C’est vraiment un privilège pour moi d’avoir l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. J’ai été invité à parler au nom des 9 000 résidants de Smiths Falls, une collectivité qui, en peu de temps, s’est retrouvée aux premières loges en ce qui a trait à la légalisation imminente du cannabis.
Bien que l’essor de l’industrie du cannabis au Canada ait donné lieu à de nouveaux débouchés d’emploi et à de l’innovation dans les collectivités de tout le pays, Smiths Falls se démarque comme le meilleur exemple de l’impact incroyablement positif de l’évolution de la société. Smiths Falls est une collectivité en pleine croissance, qui n’en est qu’aux premières étapes d’un renouveau économique jamais vu auparavant.
Cela n’a pas toujours été le cas.
Lorsque j’ai été élu maire de Smiths Falls en 2014, je n’avais jamais imaginé que je m’adresserais au Sénat du Canada au sujet d’une mesure législative qui légaliserait une herbe naturelle, une plante qui a été utilisée légalement à des fins médicinales et récréatives pendant des milliers d’années, mais qui est devenue illégale au Canada en 1923. Nous ne saurons peut-être jamais les raisons pour lesquelles elle a été associée à l’héroïne, à la cocaïne et à d’autres drogues plus dangereuses, sans que cela semble avoir beaucoup été débattu ou réfléchi.
Bien que le Canada ait été l’un des premiers pays à criminaliser la consommation de cannabis, nous avons dû avoir l’air d’être en avance sur notre époque lorsque le Federal Bureau of Narcotics des États-Unis a lancé une forte campagne de propagande mensongère condamnant la marijuana, en laissant entendre qu’elle menait au délire et à la folie.
Même si nous ne saurons peut-être jamais ce qui a poussé les États-Unis à lancer ce mouvement mondial d’inclusion du cannabis dans la guerre contre les drogues, nous savons que cela a ruiné la vie de nombreuses personnes, monopolisé des ressources policières importantes et entraîné le gaspillage de milliards de dollars pour essayer de contrôler et d’éliminer la consommation d’une herbe qui était consommée sans danger depuis des siècles. En rétrospective, il est consternant de constater aujourd’hui que des dizaines de milliers de Canadiens se retrouvent chaque année avec un casier judiciaire pour possession de marijuana.
La ville de Smiths Falls se trouve au centre de la région est de l’Ontario et à mi-chemin du parcours du canal Rideau. C’est la construction de ce dernier, à la fin des années 1820, qui a fait de Smiths Falls un centre d’entreprises, les eaux à débit rapide du canal ayant servi de source d’électricité à de nombreuses scieries, permettant ainsi aux agriculteurs de la région de participer à l’économie provinciale.
C’est cette économie en développement et notre emplacement central dans l’Est de l’Ontario qui ont amené la ville à adopter une nouvelle technologie à la fin des années 1850 : les chemins de fer. La ville a servi de carrefour pour plusieurs chemins de fer et, surtout, de division centrale pour le Chemin de fer Canadien Pacifique. À son apogée, il employait plus de 1 500 hommes. La croissance du fabricant de produits agricoles Frost & Wood, de Malleable Castings et de nombreuses autres entreprises ont constitué le fondement du patrimoine industriel de ma ville.
La construction de l’Ontario Hospital School, appelée plus tard Centre régional Rideau, a mené à la création de 1 500 emplois bien rémunérés au sein du gouvernement provincial pour servir les 2 500 résidants de cet établissement. De nombreuses autres industries sont venues s’installer et sont reparties, et on avait l’impression que chaque fois qu’une entreprise fermait, une autre ouvrait ses portes. À la fin des années 1950, les moteurs diesel ont changé le visage des chemins de fer, entraînant la perte de centaines d’emplois. À peu près au même moment, Frost & Wood a fermé ses portes, ce qui a entraîné la perte de centaines d’autres.
Cependant, il n’a pas fallu beaucoup de temps pour qu’un grand fabricant de bonbons américain, Hershey, se rende à Smiths Falls et commence ses activités en 1963. Au fil du temps, Hershey Canada a étendu ses activités, et le nombre de ses employés est passé de 184 en 1970 à 750 en 1990. Smiths Falls a accepté son rôle de capitale du chocolat de l’Ontario et a accueilli des dizaines de milliers de personnes chaque année pour visiter les installations de l’entreprise, y compris un arrêt à la Chocolate Shoppe. À un moment donné, Hershey est devenu le symbole de notre ville, le nom de la compagnie figurant sur notre château d’eau.
Ces industries et d’autres ont mené à une période de croissance économique soutenue et à une forte disponibilité d’emplois industriels bien rémunérés. Tout cela a changé en février 2007, quand Hershey a annoncé de façon tout à fait inattendue qu’elle fermait l’usine de Smiths Falls. Cette annonce faisait suite à l’annonce par la province de la fermeture du Centre régional Rideau. En très peu de temps, cela, combiné aux mises à pied qui ont suivi la fermeture d’autres manufacturiers locaux, a entraîné la perte de près de 2 000 emplois dans notre collectivité de 9 000 habitants. Dans bien des cas, cela a laissé les deux salariés d’une même famille sans emploi. Cela a entraîné le ralentissement de notre économie locale, les pertes salariales s’étant répercutées en cascade dans toute la ville. Soudainement, Smiths Falls a commencé à faire la une des journaux pour de bien mauvaises raisons.
Les gens de Smiths Falls sont reconnus depuis longtemps comme étant forts et résilients. Cependant, les efforts continus déployés pour relever les défis à chaque tournant ont commencé à peser. Les gens ont été obligés de vendre des actifs, de liquider leur épargne-retraite, de vendre leur maison et de modifier considérablement leur mode de vie. Des gens qui avaient toujours eu confiance en l’avenir ont plongé dans le découragement et l’incertitude.
C’est l’expérience que j’ai vécue avec mes clients, comme planificateur financier, qui m’a motivé à me présenter aux élections municipales en 2010. En 2014, au moment des élections municipales suivantes, peu de choses avaient changé, sauf pour l’arrivée d’une petite entreprise qui prévoyait cultiver du cannabis à des fins médicinales.
À l’automne 2013, un groupe d’entrepreneurs rêvait d’obtenir une licence pour cultiver du cannabis médicinal dans l’ancienne usine de chocolat Hershey. Selon les premières projections, ils devaient embaucher 100 personnes et peut-être occuper le tiers de l’immeuble de 450 000 pieds carrés. Notre conseil était tout à fait d’accord. Une lueur d’espoir se pointait à l’horizon pour Smiths Falls. Il suffisait d’imaginer ce qui pourrait arriver si, un jour, la consommation de marijuana à des fins récréatives était légalisée.
Quatre ans plus tard, Smiths Falls connaissait un renouveau économique sans précédent. Une ville autrefois connue en raison de ses déboires faisait maintenant les manchettes partout au pays pour avoir accueilli une nouvelle industrie innovatrice. La Canopy Growth Corporation s’est implantée dans notre collectivité, et un avenir jadis assombri par l’incertitude a cédé la place à des perspectives plus reluisantes.
Jusqu’à maintenant, l’impact a été très impressionnant. Entre 2017 et 2018, Canopy aura investi 150 millions de dollars dans le campus de Smiths Falls, et un autre investissement de 70 millions de dollars est prévu d’ici la fin de 2019. En 2017, les demandes de permis de bâtir, qui représentent le volume total de construction, et les droits liés à ces permis à Smiths Falls ont été beaucoup plus élevés qu’au cours des quatre années précédentes combinées. Jusqu’à maintenant, les activités de construction en 2018 sont trois fois plus élevées que le total de 2017, et elles avoisinent maintenant les 100 millions de dollars. Bien qu’une grande partie de cette hausse soit attribuable à l’agrandissement et à la rénovation du campus de Canopy, qui s’étend maintenant sur la promenade Hershey, le volume de construction et le nombre de nouvelles maisons construites sont également en hausse dans toute la ville et aux alentours.
Nous faisons maintenant face à une pénurie de logements attribuable au déménagement et à l’installation des nouveaux employés de Canopy dans notre collectivité. Le marché de l’habitation est en pleine effervescence, puisque ces employés, les résidants locaux qui travaillent maintenant chez Tweed et d’autres travailleurs se font concurrence pour l’achat de maisons, ce qui fait monter les prix et entraîne une surenchère. Pour reprendre les mots d’un agent immobilier ayant quatre décennies d’expérience dans notre collectivité : « Nous n’avons jamais rien vu de tel ici. »
Ce n’est que le début. Comme plus de 500 personnes travaillent maintenant sur le campus Canopy de Smiths Falls et qu’on s’attend à ce que ce nombre double, les retombées des dizaines de millions de dollars versés en salaires se multiplient dans notre ville, ce qui contribue à soutenir de nombreuses entreprises locales.
Même si je soupçonne que le commerce du cannabis est actif dans notre collectivité depuis des générations, l’économie souterraine qu’il représente n’a eu que peu d’effets positifs, voire pas du tout. J’espère que le projet de loi qui sera bientôt adopté par le gouvernement favorisera un engagement à l’égard de producteurs autorisés et éliminera toute trace d’activité sur le marché noir.
Bien que nous appuyions sans réserve la Canopy Growth Corporation et sa vision d’une gamme élargie de produits, ayant pour seules limites l’ingéniosité et l’innovation, j’encourage les sénateurs à remettre en question les possibilités de culture commerciale à grande échelle du cannabis en extérieur. Je crois que le gouvernement du Canada a involontairement contribué à créer le commerce illicite du cannabis avec l’Opium and Drug Act de 1927. Je crains que le fait de permettre la culture commerciale en extérieur par voie de règlement n’augmente le potentiel de domination continue par le marché illicite et ne dissuade les producteurs autorisés comme Canopy de continuer à investir.
Canopy est en train de rebâtir rapidement l’assiette fiscale industrielle sur laquelle notre ville a beaucoup compté pendant la majeure partie de son histoire. Nous avons survécu au tsunami des bouleversements économiques et nous avons créé des bases solides pour les générations futures. Canopy a rapidement créé des liens avec nos 9 000 résidants et, grâce à ses activités philanthropiques, elle a apporté un soutien considérable à notre collectivité. Le conseil municipal de Smiths Falls s’est fixé des priorités stratégiques pour ce mandat et a établi une vision pour 2025. La croissance de la population, une économie diversifiée dotée d’un secteur des affaires solide, attirant de nouveaux fabricants, ainsi qu’un parc industriel entièrement aménagé, s’inscrivent au sommet de nos objectifs. À l’époque, il semblait ambitieux de penser atteindre ces objectifs en une décennie. Grâce à Canopy Growth Corporation, il semble que nous soyons sur la bonne voie pour y arriver beaucoup plus tôt que prévu.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de vous raconter notre histoire.
Le président : Merci, monsieur le maire.
Permettez-moi de vous présenter les trois autres membres du groupe. Ils représentent l’industrie. Il a été question de Canopy Growth. Nous accueillons maintenant M. Bruce Linton, fondateur, président et chef de la direction de Canopy Growth. Nous recevons aussi M. Allan Rewak, du Conseil Cannabis Canada, et Dr Terry Lake, vice-président à la responsabilité sociale d’entreprise chez Hydropothecary. Permettez-moi maintenant de donner la parole au représentant du Conseil Cannabis Canada.
Allan Rewak, directeur général, Conseil Cannabis Canada : Bonjour. J’aimerais tout d’abord remercier le comité de nous donner l’occasion de venir lui faire part de nos réflexions sur le projet de loi C-45. Je m’appelle Allan Rewak, et je suis directeur général du Conseil Cannabis Canada, l’association professionnelle des producteurs autorisés de cannabis thérapeutique en vertu du Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales.
Lors de notre dernière assemblée générale annuelle, il y a un peu plus d’un mois, nous avons vécu une transition importante et positive. Les membres de L’association Cannabis Canada et du Conseil canadien du cannabis médical et les représentants de grandes entreprises indépendantes ont collectivement décidé d’unir leurs voix et de créer une seule entité commune pour notre secteur, qui fonctionnera désormais sous le nom de Conseil Cannabis Canada.
Notre organisation nouvellement renforcée et élargie peut maintenant affirmer en toute confiance représenter la grande majorité des producteurs autorisés du pays, y compris tous les grands producteurs, les cultivateurs de taille moyenne et les nouveaux venus sur notre marché. Nous croyons que ce cadre commun et inclusif sera un atout important pour les décideurs comme vous, en ce qui a trait à la réglementation plus grande et à la conception de notre secteur en croissance.
Aujourd’hui, au nom de notre industrie, j’aimerais vous parler de trois recommandations principales liées au projet de loi C-45.
Premièrement, nous encourageons respectueusement le comité à adopter le projet de loi C-45 le plus rapidement possible. L’engagement de mieux réglementer et contrôler la vente de cannabis à des consommateurs adultes a constitué une promesse électorale de premier plan en 2015. Le résultat de cette élection a été un gouvernement majoritaire. Le projet de loi C-45 remplit la promesse faite aux Canadiens et, à ce titre, nous croyons qu’il devrait entrer en vigueur le plus rapidement possible.
Deuxièmement, nous recommandons, comme vient de le dire M. le maire, que le projet de loi C-45 soit amendé, afin d’interdire la culture commerciale à grande échelle en extérieur. Nous croyons que la culture extérieure comporte un risque plus grand d’être détournée vers le marché illégal. Deuxièmement, en raison de la nature des plants de cannabis, nous craignons qu’il y ait pollinisation croisée et contamination des cultures en serre par les plants mâles de l’extérieur. Troisièmement, et c’est peut-être le plus important, nous sommes préoccupés par le danger d’une exposition non intentionnelle aux pesticides agricoles. Cannabis Canada vous a soumis, dans une note d’information, un amendement qui, à notre avis, réglerait ce problème.
Troisièmement, nous recommandons que le comité élargisse également la liste des formes posologiques admissibles à l’annexe 4 de la loi. Dans son libellé actuel, nous croyons que cette annexe du projet de loi est trop prescriptive et nuit à l’élaboration de nouveaux modes d’administration pour les patients médicaux. Étant donné que nous envisageons l’introduction possible de nouvelles formes posologiques pour les consommateurs adultes en 2019, nous croyons qu’il est prudent et responsable d’élargir maintenant l’annexe 4 pour les consommateurs à des fins médicinales. Nous avons proposé dans notre note d’information un amendement à cet effet.
En terminant, je tiens à exprimer ma profonde gratitude au comité, au nom de mon industrie, pour l’occasion qui m’est donnée de comparaître devant vous. Nous sommes tout à fait disposés à répondre à vos questions sur nos mémoires, le cas échéant. Merci.
Le président : Merci beaucoup.
Bruce Linton, fondateur, président et chef de la direction, Canopy Growth Corporation : Je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître devant vous cet après-midi. Je serai heureux de répondre à vos questions concernant notre point de vue sur le projet de loi C-45.
J’ai pensé qu’il serait utile que je vous fasse un peu l’historique de Canopy Growth Corporation. Nous sommes fiers de dire que nous sommes la première société cotée en bourse à avoir eu son siège social à Smiths Falls, en Ontario, plutôt que de simples succursales. Dans une ville de 9 000 habitants, cela fait toute une différence.
En 2013, nous avons établi notre siège social dans la principale installation de production de l’usine Hershey qui avait été fermée en 2008, mettant 600 personnes au chômage. Comme le maire l’a indiqué, environ 1 000 personnes travaillent chez Canopy au Canada à l’heure actuelle, et environ 500 d’entre elles à Smiths Falls. Qui plus est, je pense que nous avons 1 200 postes ouverts partout au pays.
Nous sommes heureux que certains d’entre vous aient pu visiter l’installation plus tôt cette année, afin d’en apprendre davantage sur les opérations et de rencontrer certains membres de notre équipe. Depuis nos débuts, nous avons produit plus de 13 millions de grammes de cannabis propre et fiable pour nos clients médicaux. Nous desservons actuellement environ 71 000 clients au Canada directement par l’entremise de Postes Canada.
En avril 2014, Canopy Growth est devenue la première entreprise de cannabis sous réglementation fédérale en Amérique du Nord à être cotée en bourse. Par la suite, nous avons conclu le premier contrat de prise ferme complet avec une banque canadienne pour financer nos opérations, et nous sommes devenus la première société de cannabis à être auditée par Deloitte, la première à diversifier notre plateforme pour inclure la culture en serre et à l’intérieur, la première à acquérir un concurrent important et la première à être inscrite à la Bourse de Toronto et à faire partie de l’indice composite. Nous avons été la première entreprise canadienne d’exportation de cannabis en Allemagne, et nous avons récemment annoncé que nous nous attendons à être la première entreprise de cannabis inscrite à la Bourse de New York.
Je suis ravi que le maire Pankow soit ici cet après-midi. Le maire Pankow et ses collègues de la collectivité de Smiths Falls ont été d’excellents partenaires. En fait, à notre arrivée à Smiths Falls, nous avons commencé à investir dans la collectivité et à embaucher localement. Cela faisait partie de notre mandat. En étendant nos activités au pays, nous sommes à la recherche des fournitures et de talents locaux, que nous essayons de conserver.
Voici un aperçu de nos activités au Canada. Depuis notre arrivée à Smiths Falls en 2017, notre contribution au PIB du Canada s’est chiffrée à environ 166 millions de dollars, dont 32 millions de dollars en biens et services, 30 millions de dollars en salaires et avantages sociaux, et environ 31 millions de dollars en immobilisations. Jusqu’à maintenant, en 2018, nous avons consacré plus de 31 millions de dollars à d’autres dépenses en immobilisations partout au pays, et le rythme s’accélère. Nous sommes actuellement présents en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario et au Québec, et nous sommes en train de créer deux projets novateurs au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve. D’ici la fin de l’année prochaine, nous prévoyons avoir plus de 3 000 employés partout au pays.
Pour alimenter nos activités, nous prenons aussi de l’expansion à l’échelle internationale. Nous cherchons activement à obtenir une licence en Allemagne, en Jamaïque, au Chili, au Brésil, en Espagne, au Danemark, en République tchèque et en Australie. Nous avons également conclu des partenariats de production et de recherche avec l’État de Victoria, en Australie.
Nous avons été le premier producteur de cannabis à introduire des prix de compassion pour rendre le cannabis médicinal abordable pour les patients. Nous sommes fiers de continuer à appuyer le droit des patients à un accès légal au cannabis. Notre engagement à l’égard de l’éducation du secteur médical est et sera toujours inébranlable. Nous sommes les premiers à offrir aux médecins canadiens les programmes d’éducation médicale accrédités et continus Mainpro-M1.
Nous convenons que la sécurité routière est une préoccupation de premier plan, dont il faudra tenir compte au fur et à mesure du processus entourant la légalisation du cannabis. L’éducation est la clé pour prévenir une augmentation du nombre de cas de conduite avec facultés affaiblies. À cet égard, nous avons facilité et financé un partenariat tripartite avec la Coalition canadienne des politiques sur les drogues et les Mères contre l’alcool au volant Canada, afin d’élaborer une campagne concernant la conduite responsable.
Nous croyons également que lorsque le cannabis sera légalisé pour la consommation par des adultes, il est important qu’il n’y ait pas d’augmentation correspondante des taux de consommation chez les jeunes. Canopy Growth a réuni Parent Action on Drugs et Canadian Students for Sensible Drug Policy pour créer des ressources fondées sur des données probantes, afin que les parents et les autres adultes puissent avoir des discussions éclairées avec les jeunes, pour qu’ils prennent des décisions saines et responsables au sujet de la consommation de cannabis.
La Société canadienne du sida travaille avec diligence sur des enjeux liés au cannabis à des fins médicinales depuis 2004, et nous sommes ravis de faire partie d’un partenariat pluriannuel visant à financer l’élaboration de lignes directrices canadiennes sur l’utilisation du cannabis à des fins médicinales, en vue de produire le genre d’outils dont les médecins ont besoin pour évaluer plus facilement le besoin de cannabis de leurs patients.
Enfin, le 20 avril dernier, nous avons annoncé le financement et la création de Tweed Collective, une initiative fondée sur les principes du progrès, de la croissance et du développement communautaire. Au cours des quatre prochaines années, Tweed Collective investira 20 millions de dollars dans les collectivités pour des initiatives qui transformeront de façon significative les lieux et les modes de vie.
Dans le domaine de la recherche, nous avons créé Canopy Health, un incubateur axé sur la recherche et les formulations à base de plantes entières prêtes pour un usage clinique. Le but ultime est de valider des options de traitement diversifiées pour les Canadiens. Nos plans de recherche et de développement visent à améliorer la qualité de vie des Canadiens qui souffrent de problèmes de santé aigus et chroniques. Nous menons des recherches sur le cannabis médicinal axées sur la démence, la maladie d’Alzheimer, l’autisme, la maladie de Crohn, la colite et la fibromyalgie. Nous avons actuellement 39 brevets provisoires déposés à cet égard. Nous menons des activités de recherche avec quatre universités et quatre grands instituts de recherche. Nous avons également des partenariats avec deux collèges communautaires et nous sommes en pourparlers avec d’autres universités, collèges et hôpitaux du Canada.
Un aspect particulier du projet de loi C-45 dont j’aimerais parler cet après-midi est notre préoccupation au sujet du développement de la culture commerciale extérieure au Canada. À cet égard, je voudrais faire écho aux propos de l’honorable Benoît Bourque, ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick, qui a comparu devant ce comité le 9 mai dernier.
Nous croyons que la culture extérieure est problématique à plusieurs égards. Elle augmente considérablement les possibilités de détournement du cannabis vers le marché illicite. La culture extérieure du cannabis ne sera pas aussi sûre que nos installations actuelles de production intérieure et en serre. Le nombre et la petite taille de ces exploitations rendront la culture extérieure impossible à réglementer.
La construction d’installations de culture intérieure sûres, propres et sécuritaires, y compris des bâtiments et des serres qui sont exploités en vertu des régimes stricts d’application de Santé Canada, est beaucoup mieux adaptée aux intérêts à long terme du secteur. Même si Canopy Growth pourrait profiter à court terme de sites de culture extérieure, à long terme, ils ne seraient pas durables en raison des conditions dans lesquelles le produit serait cultivé.
Enfin, il se peut que la qualité laisse à désirer. Le fait de restreindre la culture du cannabis aux installations intérieures, en serre ou autrement, assurera un environnement de production sûr et sécuritaire.
Nous appuyons fermement la création d’une nouvelle catégorie de microproducteurs de cannabis. Canopy Growth a récemment investi 1 million de dollars dans le soutien de microproducteurs qui cultivent le cannabis à l’intérieur.
Enfin, la solution pour l’avenir repose sur un cadre juridique pour la consommation de cannabis par les adultes. Je profite également de l’occasion pour réaffirmer notre engagement envers les clients médicaux. Nos activités ont évolué pour inclure la production à des fins récréatives, mais Canopy s’efforcera toujours d’approvisionner le marché médical. Nous nous sommes engagés à accorder la priorité à toutes les personnes que nous servions comme patients au 1er juillet 2018 ou avant. L’approvisionnement des patients ne devrait pas être compromis par les possibilités de vente de produits à des fins récréatives.
Merci de votre temps. J’espère avoir été en mesure de vous donner un bon aperçu, et je répondrai avec plaisir à vos questions.
Le président : Merci.
Le dernier témoin, avant de passer aux questions, est le Dr Terry Lake.
[Français]
Dr Terry Lake, vice-président à la responsabilité sociale d’entreprise, Hydropothecary : Je suis très heureux d’être ici aujourd’hui. Je m’appelle Terry Lake, vice-président à la responsabilité sociale d’entreprise chez Hydropothecary. Je suis l’ancien ministre de la Santé de la Colombie-Britannique et je suis aussi l’ancien maire de Kamloops. J’apprends le français en ce moment, mais je ne suis pas encore très bon, donc je vais vous parler en anglais pour le reste de la présentation. Merci de votre compréhension.
[Traduction]
J’aimerais d’abord saluer une personne qui n’est pas ici en ce moment, mais qui est une bonne amie à moi, la sénatrice Nancy Greene Raine, qui a récemment pris sa retraite. Je tiens à souligner l’énorme contribution qu’elle a apportée au Canada. La sénatrice Greene Raine a fait partie de ma circonscription pendant huit ans lorsque je représentais Kamloops-North Thompson à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique. Nous avons travaillé ensemble sur un certain nombre d’initiatives de vie saine. Nous avons eu de nombreuses discussions approfondies sur les politiques lorsque j’étais ministre de l’Environnement et ministre de la Santé. Comme vous pouvez l’imaginer, la plupart d’entre elles ont eu lieu dans des aéroports.
Je dois dire d’entrée de jeu que mon titre de médecin en est un de médecin vétérinaire. Si vous avez des questions sur les raisons pour lesquelles votre chat vomit, je serai heureux d’y répondre plus tard.
Notre entreprise, Hydropothecary, est basée à Gatineau, au Québec, avec des installations de production à Masson-Angers, à seulement 30 minutes du centre-ville d’Ottawa. Nous avons des bureaux de direction à Hull. Nous employons près de 150 personnes et nous espérons doubler cet effectif au cours de la prochaine année. Nous offrons des services à des patients qui consomment du cannabis à des fins médicinales partout au Canada depuis trois ans et nous sommes un partenaire de confiance de la Société québécoise du cannabis, en tant que fournisseur privilégié de produits de cannabis destinés aux adultes. Nous travaillons en étroite collaboration avec la SQC pour mettre au point des renseignements détaillés sur tous nos produits, afin que nos clients potentiels aient suffisamment d’information pour les consommer de façon responsable. Hydropothecary a reçu de nombreux prix pour ses produits novateurs qui offrent aux patients des produits du cannabis autres que ceux destinés à être fumés, ce qui, selon nous, est une méthode de consommation beaucoup plus saine.
Comme je l’ai mentionné, j’ai été ministre de la Santé de la Colombie-Britannique de 2013 à 2017. Bien que les ministères de la Santé aient de nombreux problèmes, la crise du fentanyl a été une priorité de premier plan pendant la majeure partie de cette période. Même si de nombreuses initiatives de santé publique mises en œuvre au cours de ces années ont sans aucun doute sauvé de nombreuses vies, la triste réalité est qu’aujourd’hui et chaque jour, quatre Britanno-Colombiens mourront d’une surdose de drogue illicite. L’Association canadienne de santé publique a reconnu les efforts que nous avons déployés en Amérique du Nord pour lutter contre la crise du fentanyl, et de nombreuses administrations au Canada ont mis en œuvre des politiques semblables. Notre ministère était également très fier d’autres initiatives de santé publique, comme le programme d’abandon du tabac, qui a contribué à réduire les taux de tabagisme à leur niveau historiquement le plus bas en Colombie-Britannique.
Je mentionne cela pour montrer que je suis un ardent défenseur de la santé publique. Je crois fermement que le projet de loi C-45, qui crée un cadre de réglementation de la consommation de cannabis chez les adultes, produira des résultats positifs en matière de santé publique pour les Canadiens, et je pense que ces résultats entrent dans trois catégories.
Premièrement, le retrait des organisations criminelles d’un solide marché du cannabis illégal en place réduira les préjudices liés aux activités violentes utilisées pour contrôler ce marché et éliminera également les conséquences négatives sur la santé d’une personne liées au fait d’avoir un casier judiciaire. De nombreuses études ont démontré que les possibilités d’emploi sont sérieusement limitées par une condamnation criminelle, même pour une infraction mineure, et je suis sûr que vous savez que le revenu est un important déterminant social de la santé.
Deuxièmement, un produit non contrôlé sera remplacé par des produits soumis à des contrôles rigoureux de qualité et comportant des renseignements précis sur la force des ingrédients actifs. Cela permettra d’éliminer les moisissures, les pesticides et les autres contaminants potentiels, qui peuvent être extrêmement nocifs, et les consommateurs seront mieux en mesure de mesurer les effets du produit sur leur système, effets qui varient d’une personne à l’autre.
Troisièmement, il y a de plus en plus de preuves que dans les États américains où le cannabis a été légalisé, il y a une réduction connexe des ordonnances d’opioïdes, des décès par surdose et des ventes d’alcool. En fait, certaines entreprises de fabrication d’alcool ont reconnu que la légalisation du cannabis pouvait constituer un risque pour leurs perspectives financières. Étant donné les énormes préjudices pour la santé publique associés à l’alcool, qui sont largement reconnus comme étant beaucoup plus importants que ceux liés au cannabis, cela pourrait se révéler une conséquence très positive de la loi.
Je sais que la date de mise en œuvre du projet de loi C-45 soulève certaines préoccupations, mais le Canada a un système de cannabis médicinal légalisé en place depuis plus de 18 ans, et la transition vers un régime de consommation non médicale par les adultes ne représente pas un très grand pas, selon moi.
Les changements dans la politique publique se heurtent parfois à des obstacles, mais d’après mon expérience, ceux-ci peuvent être identifiés et surmontés au fur et à mesure qu’ils se présentent. Je sais, à la suite de mes nombreuses visites dans l’État de Washington, où ma belle-mère a une résidence, que la légalisation du cannabis n’a pas causé de problèmes sociaux importants, et que les changements de politique, comme les rajustements fiscaux, ont pu atténuer les défis qui se sont posés.
En conclusion, j’ai beaucoup appris au sujet du cannabis au cours des quatre dernières années, et je suis convaincu que le projet de loi C-45 représente une bonne politique publique, qui profitera à notre pays et à ses citoyens. Je vous remercie de m’avoir invité aujourd’hui à participer aux travaux du comité.
Le président : Merci beaucoup, et merci à vous quatre.
Avant de céder la parole à mes collègues, j’aimerais préciser une chose. Trois d’entre vous ont mentionné la culture extérieure, mais je suppose que vous parlez seulement de la grande culture commercialisée par opposition à la culture à domicile, ou est-ce que vous regroupez tout cela?
M. Rewak : Ce qui nous préoccupe, c’est la culture extérieure à grande échelle, la culture commerciale, qui n’a rien à voir avec la culture à domicile. Ce ne sont pas les gens qui ont deux plants dans leur cour qui nous posent un problème.
Le président : D’accord, merci. Commençons par les questions des deux vice-présidentes, qui ont cinq minutes chacune.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de vos exposés.
Je pourrais peut-être commencer par vous, monsieur Linton, au sujet de la culture extérieure. En fait, vous avez dit craindre que la culture commerciale à grande échelle en extérieur ne pose des problèmes de sécurité. J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet. Nous savons par exemple que les microproducteurs ne seront pas assujettis aux mêmes exigences en matière de sécurité qu’une entreprise comme Canopy Growth. Je suis particulièrement frappée par le fait que le seul dispositif de sécurité exigé des microproducteurs sera une clôture — pas de caméra, de système d’alarme, ni de système de détection. Que pensez-vous de l’impact que cela aura sur votre entreprise, par exemple, et croyez-vous que cela pourrait entraîner un détournement du marché légal vers le marché illicite et, surtout, ouvrir la porte à un accès rapide au cannabis pour les enfants?
M. Linton : Nous sommes présents partout au pays. Nous avons fait l’objet de plus de 200 inspections par Santé Canada. Lorsque ces inspections ont lieu, ils examinent tout, y compris le registre des gens qui sont entrés dans l’immeuble, du moment où ils sont sortis, du nombre d’entrées qui ont eu lieu et du moment où elles ont eu lieu. En trois touches au clavier, je peux vous dire où se trouve chaque gramme de cannabis, en production, en entreposage, en expédition ou chez quelqu’un. Tout ce qui concerne la sécurité de cette chaîne d’approvisionnement fait en sorte qu’il n’y a aucune perte. Lorsque nous séchons les fleurs de cannabis et qu’elles passent de leur état d’origine au produit prêt à être expédié, nous suivons le ratio de perte de poids, afin que rien ne disparaisse. Ainsi, nous avons une chaîne d’approvisionnement qui, compte tenu des 200 inspections qu’elle a subies, est très bien conçue.
Même si la culture extérieure a peut-être un avenir, je ne pense pas qu’elle soit au point aujourd’hui, parce que tout ce que nous obtiendrons, c’est un cadre qui, en fait, contourne toutes les mesures positives que nous avons contribué à mettre en place depuis 2014 pour établir une chaîne de surveillance digne de confiance. Cela m’inquiète donc un peu.
Je ne sais pas si cela aura un effet financier négatif direct sur nous, en ce sens que si les gens cultivent à l’extérieur, ils doivent avoir un accord d’écoulement s’appliquant à la transformation de la fleur séchée en un produit consommable. Il faut une base d’actifs permettant l’extraction, l’encapsulation, un grand nombre d’étapes pour créer des numéros d’identification de drogue, de boisson ou de quoi que ce soit d’autre. C’est ce que nous faisons, probablement à moindre coût.
Ce qui m’inquiète davantage, c’est que les gens qui cultivent à l’extérieur constateront que la valeur du produit qu’ils me proposent est faible, en raison des risques liés aux tests auxquels je fais face. Est-ce qu’il y a eu des dérives de pesticides et est-ce que je dois déduire des coûts du simple fait que j’ai dû prendre en charge ces produits? J’offrirais probablement à ces gens un prix bas parce que la qualité de leur produit est très incertaine. Ce qui m’inquiète, c’est qu’ils se tournent vers la personne au coin de la rue prête à payer un peu plus que moi. Je ne crois pas que notre intention est de les inciter économiquement à vendre sur le marché noir ou illicite, mais c’est une possibilité.
Je pourrais continuer, mais je vais m’arrêter là.
La sénatrice Seidman : Vos explications sont éclairantes.
Docteur Lake, nous n’avons pas l’intention de discuter du cannabis à des fins médicinales jusqu’à demain, mais j’aimerais vous demander, puisque c’est ce secteur que vous représentez particulièrement, ce que vous pensez de l’approche du gouvernement à l’égard du cannabis à des fins médicinales dans le contexte de la légalisation. Croyez-vous que la nouvelle taxe d’accise du gouvernement fédéral sur le cannabis médicinal est appropriée?
Dr Lake : Je vous remercie de me poser cette question parce que j’espérais avoir l’occasion d’aborder ce sujet.
Je pense que la taxe d’accise sur le cannabis médicinal est une mauvaise politique publique. Je ne pense pas qu’on puisse affirmer d’une part que nous avons affaire à une forme reconnue de médicament et appliquer d’autre part ce que nous en sommes venus à considérer comme une taxe du péché. Une taxe d’accise ou un droit d’accise est conçu, par le biais d’une politique publique, pour s’appliquer aux produits dont on ne veut pas chez nous. Si vous regardez les produits sur lesquels une telle taxe est imposée aujourd’hui, vous verrez qu’ils appartiennent à cette catégorie.
Cependant, nous pouvons tous vous parler de gens, et je suis sûr que vous en connaissez aussi pour qui la consommation de cannabis à des fins médicinales a été bénéfique et qui devront maintenant payer davantage pour leurs médicaments. Les gens qui dépendent du cannabis médicinal pourraient choisir de consommer des opioïdes, par exemple. À mon avis, ce serait un très mauvais choix. Du point de vue de la politique publique, il s’agit d’une très mauvaise décision.
La sénatrice Petitclerc : Ma première question s’adresse à vous, monsieur Linton. Vous avez un peu abordé ce point dans votre conclusion. Je devrais peut-être être au courant de cela, mais je ne sais pas quels sont les plans pour les marchés récréatif et médicinal. Comment envisagez-vous la croissance de ces deux marchés distincts?
Si le marché du cannabis récréatif prend de l’expansion, comment pouvons-nous garantir aux Canadiens qui utilisent le produit médicinal que cela n’aura pas d’impact, non seulement sur l’accès, comme vous l’avez mentionné, mais aussi sur la recherche médicale, le développement de produits et la collecte de données? Avons-nous une garantie quelconque? Vous avez une entreprise. Nous voulons nous assurer que les patients qui utilisent du cannabis médicinal maintenant ne seront pas pénalisés si la production à des fins récréatives va bien.
M. Linton : Du point de vue de mon entreprise, la seule réponse possible, c’est qu’il est financièrement avantageux pour moi de le faire. Les personnes qui se qualifient de bonnes personnes et qui disent faire de bonnes choses mentent généralement.
Vous constaterez que le modèle de vente directe au client final nous permet d’interagir directement avec le patient, notre client. C’est à la fois avantageux sur le plan financier et de l’information. Notre priorité sera toujours là. C’est la situation à court terme.
Étant donné que de plus grandes entreprises sont en train de se constituer, nous pouvons faire de la recherche médicale, ce qui signifie que nous pouvons passer par un processus d’approbation de médicaments, d’obtention d’un numéro d’identification de médicaments, afin d’avoir des mécanismes permettant de garantir le dosage, ce qui devrait faire en sorte que notre produit soit assurable, je pense. Lorsque le produit deviendra assurable, je suis absolument certain que les compagnies d’assurance préféreront couvrir le cannabis plutôt que les autres produits, parce que la responsabilité est moins grande, comme l’a dit Dr Lake. Il s’agit en outre d’un produit moins coûteux pour les assureurs que les autres qu’ils couvrent souvent.
Je pense que la production médicinale va survivre. Elle ne bénéficie pas d’une aussi grande couverture parce qu’elle n’est pas aussi intéressante, mais je pense qu’elle est bien établie et qu’elle est en train de prendre de l’expansion à l’échelle mondiale. Toutes nos exportations et tous nos travaux en Allemagne sont à des fins médicales. Avec un marché de 82 millions de personnes, je préfère avoir une bonne production médicale en Allemagne, qui vient d’ici, dont la propriété intellectuelle se trouve d’ici et qui me permet de travailler avec des Allemands, des Italiens ou des Tchèques. Avec un marché de 350 millions de personnes en Europe susceptibles d’adhérer à notre modèle médical normalisé, vous pouvez imaginer que notre priorité pour demain est de faire du bon travail sur le plan médical.
La sénatrice Petitclerc : Monsieur Rewak, j’aimerais connaître la position de votre organisation sur ce qui suit. Certaines personnes ont suggéré qu’il faudrait peut-être une structure ou un système combiné plutôt que distinct. Je sais que votre organisation a deux comités différents.
M. Rewak : Absolument.
La sénatrice Petitclerc : Est-ce bien ce que vous souhaitiez? Préféreriez-vous une combinaison?
M. Rewak : Nous nous opposons fermement à un système commun pour le cannabis. Le cannabis peut être utilisé à des fins récréatives par les consommateurs adultes, mais c’est aussi un médicament qui change la vie de centaines de milliers de Canadiens. Comme industrie, nous n’abandonnerons jamais nos patients médicaux. C’est grâce à eux que nous nous sommes bâtis. Nous les appuyons et nous avons fait des représentations auprès de vos collègues du Comité des finances et de celui de la Chambre des communes sur ce que nous croyons être l’application inappropriée de la taxe d’accise.
Nous croyons que le Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales doit être maintenu bien au-delà de cinq ans, non seulement pour des raisons sociales et de la responsabilité que nous avons envers nos patients, mais aussi pour les possibilités économiques que cela présente pour le Canada à l’échelle mondiale. Le marché canadien du cannabis destiné aux adultes est un marché de 8 ou 9 milliards de dollars par année. À l’échelle mondiale, nous sommes le chef de file en ce qui concerne le marché médical, qui se situe à 75 milliards de dollars. Je veux que ces emplois, ce développement et ce savoir soient basés ici, au Canada, dans nos communautés.
La sénatrice Petitclerc : Merci.
J’ai une brève question pour notre maire. Je ne veux pas vous mettre dans l’embarras parce que vous n’avez peut-être pas de réponse, mais nous avons parlé du cannabis et de sa normalisation. Je pense que vous êtes dans une position unique en ceci que votre population et vos citoyens ont été exposés à travailler avec le cannabis. Cela fait partie de leur vie quotidienne. Est-ce que cela a une incidence sur la perception du cannabis ou sur la normalisation des risques qui y sont associés?
M. Pankow : Certainement. Je me rends périodiquement dans une maison de retraite pour parler aux résidents. Il y a quelques semaines, j’ai rencontré des résidents, pour la plupart octogénaires ou nonagénaires et, avec eux, Canopy et Tweed sont toujours un sujet de conversation. Tout le monde dans la salle était heureux de l’expansion prise par Canopy dans notre collectivité et du rôle qu’elle a joué. Depuis le jour de l’annonce de son arrivée jusqu’à aujourd’hui, il n’y a eu aucune réaction négative dans la collectivité, l’acceptation est générale.
[Français]
La sénatrice Mégie : Dans les notes de M. le maire, j’ai vu qu’on espère doubler le nombre et l’impact financier au fil du temps. Toutefois, comme on le sait, tout le monde attend que ce soit légalisé. Donc, cela va faire un boom économique d’un coup, mais après, cela devrait se normaliser, c’est-à-dire qu’il ne va pas y avoir plus de gens qui vont en consommer encore plus tous les jours. Est-ce que vous y avez pensé dans vos projections financières? On dit que l’on va investir dans la recherche, mais si ce n’est pas le boom que vous espérez, c’est la recherche qui va tomber. Y avez-vous pensé?
[Traduction]
M. Pankow : Pour l’essentiel, ma perception résulte de mon expérience avec Canopy dans notre collectivité et de mes nombreuses visites dans ses installations et de mes entretiens réguliers avec le personnel et avec les visiteurs.
Le Canada a l’occasion d’être un véritable chef de file mondial en matière de consommation du cannabis à des fins récréatives et ce, sous diverses formes. Pour ma part, jamais je ne fumerais un joint parce que je suis totalement contre la fumée. Cependant, je ne m’oppose pas à une boisson infusée de cannabis. Que je prenne une bière contenant du cannabis ou une bière contenant de l’alcool, c’est à peu près la même chose. Je pense que le développement de produits finira par devenir beaucoup plus courant.
Évidemment, nous atteindrons un plafond lorsque l’entreprise deviendra stable dans notre collectivité, et il y aura un roulement, mais sur le plan économique, notre assiette foncière industrielle passera de 10 à 50 millions de dollars sur une courte période, et nous assistons déjà à un boom du logement à la faveur des emplois créés dans notre collectivité et des options d’achat d’actions accordées aux employés.
Je reviens à un petit événement que j’ai trouvé des plus éloquents. Je passais en voiture rue Lombard et j’ai vu un homme, que je connaissais, puisqu’il était résidant de notre ville depuis toujours, et qui travaillait à Tweed depuis environ un an. Il se faisait photographier sur le pas d’une maison, brandissant une affiche « À vendre » barrée du ruban « Vendu ». C’était un homme qui, ayant pressenti les avantages économiques, avait obtenu un emploi à Tweed dès le début.
Le jour viendra où, j’en suis sûr, les choses se calmeront, mais Bruce est probablement mieux placé que moi pour répondre à certaines de ces questions.
Le président : Voulez-vous d’autres réponses de la part de M. Linton?
[Français]
La sénatrice Mégie : Non, peut-être qu’une autre personne pourrait répondre. J’ai une question au sujet de la culture à l’extérieur. On dit qu’on a peur de la contamination avec les pesticides et autre chose, mais les gens ne le savent pas. Donc, est-ce que vous avez prévu un mode ou un programme d’éducation pour qu’ils sachent qu’il ne faut pas faire la culture à l’extérieur pour éviter ce problème? Est-ce que l’un de vous pourrait répondre?
[Traduction]
M. Rewak : À l’heure actuelle, nous n’avons pas un tel programme parce que, sans tests de laboratoire, il n’y a pas moyen de différencier clairement un produit extérieur d’un produit intérieur. En bout de ligne, nous avons la responsabilité de fournir aux consommateurs un produit sûr, et nous nous préoccupons de ce qui pourrait se retrouver dans notre chaîne d’approvisionnement. Nous croyons que la légalisation est avant tout un processus et non une loi. À ce stade-ci du processus, la culture en plein air est tout simplement inutile. Tant que nous n’aurons pas une idée claire de l’intention du gouvernement à l’égard de la culture en plein air, nous ne pourrons pas concevoir ce programme.
[Français]
La sénatrice Mégie : Mais ce n’est pas vous qui allez le cultiver à l’extérieur, c’est la population. Je ne sais pas si….
[Traduction]
M. Rewak : Excusez-moi. Je crois que vous faites allusion à la culture à domicile dans la cour arrière. Excusez-moi.
C’est un processus qui, à notre avis, relève d’un choix individuel. Nous sommes quelque peu sceptiques au sujet de la culture à domicile. Nous croyons que la santé et la sécurité du public doivent demeurer primordiales. Nous chercherons à travailler avec nos partenaires provinciaux et fédéraux afin de sensibiliser autant que possible les consommateurs aux risques des pesticides et de la contamination croisée de la culture de plein air, mais il s’agit, en définitive, d’une responsabilité des gouvernements, et nous les appuierons dans cette tâche.
[Français]
La sénatrice Mégie : D’accord, c’est parfait. Merci.
[Traduction]
Le sénateur Dean : Merci de vos exposés.
Ma première question s’adresse à nos collègues municipaux; je vais m’en tenir à l’expérience municipale. Monsieur le maire Pankow, à Smiths Falls, nous avons entendu une histoire de réussite fantastique, et il nous faut plus de réussites de ce genre, n’est-ce pas? Les petites villes du pays sont en grande détresse. Est-il possible que l’expérience de Smiths Falls soit reproduite à l’échelle du pays à mesure qu’augmenteront nos exportations de cannabis et que se concrétiseront les débouchés du cannabis à usage récréatif? Est-ce que cette expérience pourrait être, et l’est-elle actuellement, favorisée et reproduite?
Deuxièmement, nous avons déjà entendu dire qu’il ne s’agissait pas d’un démarrage à froid. Vous travaillez dans ce domaine depuis longtemps et vous avez très bien réussi en tant que chef de file mondial du Canada. J’interroge ceux qui n’ont pas encore commenté : le Canada est-il prêt et quelles sont les conséquences d’un retard prolongé? Nous allons commencer par vous, monsieur Pankow.
M. Pankow : Lorsque nous avons connu des difficultés en 2008, en 2010 et un peu par la suite, avec la perte d’environ 2 000 emplois, la collectivité a été durement touchée. Vous savez probablement qu’à l’époque, nous étions dans l’actualité nationale, mais pour de mauvaises raisons.
Le conseil municipal ne savait pas trop où se diriger quant au développement économique. Nous avons investi dans un nouveau service et une nouvelle équipe de développement économique. Il y avait beaucoup d’idées qui circulaient, tellement que nous n’arrivions pas à nous décider. Jamais, dans nos rêves les plus fous, nous n’aurions pu prévoir l’arrivée d’une nouvelle industrie novatrice. À l’époque, alors que tant d’emplois se perdaient en Ontario et au pays, nous n’avions pas vraiment de solution. Nous envisagions le tourisme et d’autres possibilités, et de devenir une ville-dortoir d’Ottawa.
Lorsque Bruce et ses collègues sont venus en ville, nous les avons appuyés. Je crois que nous pensions qu’un jour, peut-être, la consommation à des fins récréatives pourrait être beaucoup plus importante si elle était légalisée. Cependant, quand on prend un immeuble de 450 000 pieds carrés, où travaillaient jadis 750 personnes dans la fabrication de chocolat et de toutes sortes de produits de confiserie, et que, faute d’espace, on décide d’ajouter, de l’autre côté de la rue, plus de 2 000 pieds carrés à ce complexe, c’est, je suppose, parce que le Canada est en mesure d’être un chef de file mondial et de prendre l’initiative là où d’autres pays ne sont pas encore allés. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas reproduire cette expérience ailleurs.
Votre observation concernant les petites collectivités est toujours valable parce que nous continuons d’éprouver des difficultés. Nous nous intéressons à l’urbanisation, à notre base de connaissances et à nos jeunes qui partent pour l’université et le collège et qui, dans bien des cas, ne reviennent pas. Nous avons maintenant l’occasion de faire revenir ces gens. À bien des égards, en créant beaucoup d’emplois professionnels chez nous dans les années 1950, le Centre régional Rideau a constitué, pendant longtemps, un fondement de l’économie locale. De bien des façons, nous nous trouvons dans une situation semblable. Nous avons maintenant des emplois professionnels très intéressants et bien rémunérés et un avenir prometteur.
Dr Lake : Je peux vous dire, d’après notre expérience à Masson-Angers, que nous avons un impact énorme sur cette petite collectivité, qui a du mal à trouver des emplois pour ses résidants. Si le maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, ou le conseiller Marc Carrière étaient ici, ils diraient que cela a été une grande réussite pour Masson-Angers.
Lorsque je me suis joint à l’entreprise en septembre dernier, il était facile de trouver une place de stationnement. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nous avons grandi. Il y a probablement deux ans, nous avions peut-être une vingtaine d’employés. Nous en avons 150 aujourd’hui, et d’ici un an, nous en aurons 300. Il y a quelques années, nous avions 7 000 pieds carrés en culture et une production d’environ 700 kilogrammes. D’ici la fin de l’année, nous aurons 1,3 million de pieds carrés en culture et une production de 108 000 kilogrammes.
Pour en arriver là, il faut une équipe de spécialistes, que ce soit en technologie, en propriété intellectuelle, en marketing ou en droit. Tous ces gens ont été réunis dans un secteur de la ville de Gatineau. Nous avons obtenu un formidable succès.
Je veux aussi vous faire part de mon expérience dans la région de Kamloops. Au nord de Kamloops se trouve la petite ville de Barriere, de 2 500 habitants, où, en 2003, un immense feu de forêt a détruit la plus grande scierie de la ville, la Louis Creek. La zone sinistrée a été transformée en parc industriel, mais qui a eu de la difficulté à attirer des entreprises. Aujourd’hui, il y a maintenant un demandeur en vertu du RACFM qui projette d’entreprendre la culture de cannabis là-bas et aussi de conclure un partenariat avec la Première Nation de Simpcw.
Je ne veux pas trop insister là-dessus, parce que je pense que beaucoup de petites collectivités pensent que c’est leur bouée de sauvetage économique. Nous devons faire attention de ne pas trop promettre, mais en même temps, il faut constater ces réussites. Smiths Falls et Masson en sont deux exemples, et je pense qu’il pourrait y en avoir beaucoup d’autres.
M. Linton : Pour répondre à votre première question, oui, nous sommes prêts. Nous pourrions répondre à entre 40 et 50 p. 100 de la demande totale à partir de notre capacité actuelle, qui compte environ 6 millions de pieds carrés. La raison pour laquelle il y a des bâtiments vides et délabrés dans les villes à chômage élevé réside dans l’alignement économique. Si nous pouvions payer moins cher pour l’immeuble et avoir le même sentiment d’abri et un bon approvisionnement d’électricité et disposer d’une main-d’œuvre désireuse de travailler et compétente, ce serait l’équation idéale.
Nous créons des produits. Ce qui va se passer à partir de la base canadienne, c’est que les Allemands viennent nous voir. Ils ont un problème qui s’appelle l’Allemagne de l’Est, et ce qu’ils veulent faire, c’est prendre notre plateforme, nos compétences et nos technologies et nous demander de créer des succursales canadiennes, ce qui est un concept nouveau, plutôt que d’être le lieu d’implantation de succursales. Je pense que nous en sommes à ce point tournant. Il n’est pas nécessaire de chercher longtemps dans tous les pays du monde pour trouver leurs zones pauvres et un peu déprimées qui auraient besoin de nous.
La sénatrice Poirier : Merci, messieurs, d’être ici. J’ai quelques questions.
Ma première question s’adresse à M. Lake. Dans un article du Financial Post, on disait que vous vendriez au prix moyen de 5,40 $ le gramme à la province de Québec, et selon Statistique Canada, le prix au Québec au mois de mars était en moyenne de 5,93 $ le gramme. La marge de la province pour concurrencer le marché illicite est très mince à l’heure actuelle. Dans le contexte du projet de loi C-45, où le gouvernement vise à éliminer le marché illicite par la légalisation, êtes-vous d’accord pour dire que cela fait partie de votre responsabilité sociale d’aider le gouvernement à offrir un prix où il y aurait une marge supérieure à 50 cents?
Dr Lake : Tout d’abord, merci de votre question. Ces 5,40 $ représentaient une moyenne pour l’ensemble de notre gamme de produits. Cela comprend des produits à prix beaucoup plus bas et des produits à prix plus élevé. Par exemple, notre vaporisateur sublingual de CBD coûte environ 80 $ pour la bouteille de 15 millilitres. Ce serait le haut de la gamme. Ce chiffre de 5,40 $ est un peu trompeur en ce sens qu’il inclut également les produits haut de gamme. Pour ce qui est du produit de la fleur et de certains produits de bas de gamme, ils concurrenceraient facilement le marché noir.
Toutefois, je pense que vous soulevez un très bon point. Comme Allan l’a dit, il s’agit d’un processus, et non pas d’une destination, de la fin de l’évolution. En tant que producteurs, nous devrons devenir de plus en plus efficaces dans notre production pour nous assurer que notre prix est en mesure de concurrencer le marché noir. Il ne fait aucun doute que si nous faisons tout cela et que nous avons toujours un marché noir florissant, cela ne fonctionnera pas. L’État de Washington a vécu une telle situation parce qu’il avait une taxe cumulative, je crois, de 37 p. 100 sur les produits, si bien que le marché noir demeurait prospère un an plus tard. Ils ont rajusté cela, le prix a baissé et le marché noir s’est rétréci considérablement. Je pense donc que nous tous, les gouvernements, en ce qui concerne les taxes, et les producteurs, devons nous assurer de bien suivre la situation et de faire baisser les prix pour qu’ils soient concurrentiels.
La sénatrice Poirier : J’aurai une autre question pour vous, si j’en ai le temps, mais je veux adresser ma prochaine question à notre maire.
Selon la Dre Paula Stewart, le taux de consommation de cannabis à Smiths Falls est déjà parmi les plus élevés de la province, la moitié des jeunes de la ville âgés de 15 à 25 ans ayant consommé du cannabis au cours de la dernière année. Son message principal était qu’il s’agit d’une drogue et non d’une feuille. Par ailleurs, votre collectivité a accueilli à bras ouverts l’industrie — vous l’avez dit très clairement — en raison des retombées économiques qu’elle apportait. Hier, un témoin du Colorado nous a dit que, depuis la légalisation, la perception chez les adolescents du risque que pose la marijuana a considérablement diminué. Les retombées économiques éventuelles du cannabis l’emportent-elles sur les risques pour la santé publique? Comment votre collectivité aborde-t-elle la normalisation du cannabis, surtout chez les personnes les plus à risque, c’est-à-dire les jeunes?
M. Pankow : Smiths Falls a toujours été une ville un peu difficile. Nous le savons, et les chiffres donnés par la Dre Paula Stewart sont, j’en suis sûr, très exacts. Encore une fois, la consommation de cannabis touche beaucoup de nos jeunes, et pas seulement nos jeunes, mais aussi certains de nos adultes. Je me suis entretenu avec les responsables de la santé mentale du comté de Lanark après le ralentissement économique. Une chose est devenue très claire : au fur et à mesure que les pertes d’emplois et la pauvreté augmentaient dans notre collectivité, les taux de dépendance et de toxicomanie augmentaient. Lorsque les gens sont découragés, déprimés et vivent des moments très difficiles, il n’est pas rare qu’ils se tournent vers l’alcool ou la drogue. Si vous avez des adultes qui sont consommateurs de ces produits, il est très probable que leurs enfants en consomment aussi.
Je pense que la disponibilité de substances contrôlées et l’élimination du marché noir imposent d’autres restrictions. Je ne pense pas que nous n’empêcherons jamais les jeunes d’en consommer ou d’essayer d’en trouver, mais il serait plus logique de le faire dans un environnement où la substance contrôlée est plus difficile à trouver, à obtenir. Canopy a indiqué — et je suis sûr que c’est le cas de tous les producteurs — qu’il fallait sensibiliser les gens pour s’assurer que les jeunes sont protégés de toutes les façons possibles.
C’est un sujet de préoccupation. Au fur et à mesure que notre collectivité se développera et que l’économie prendra du mieux, je crois que certains des défis liés à la santé mentale et à la toxicomanie diminueront par rapport au sommet atteint il y a quelques années.
La sénatrice Poirier : Est-ce que le traitement de la toxicomanie est facilement accessible à Smiths Falls, et croyez-vous que les municipalités disposent de ressources suffisantes pour gérer les cas de consommation habituelle du cannabis chez les jeunes, qui risquent d’augmenter?
M. Pankow : Pour ce qui est du traitement, je pense que c’est un problème dans toute la province de l’Ontario. Je ne pense pas qu’il y ait suffisamment de ressources disponibles. Je crois comprendre que les délais d’attente sont énormes. Lorsqu’un toxicomane a besoin d’aide, il ne faut pas lui imposer une attente de six mois pour y avoir accès. C’est un problème évident. J’ai un ami propriétaire d’un établissement privé sur le Saint-Laurent et qui ouvre ses portes en tout temps à tous les habitants de Smiths Falls qui ont besoin d’aide. Il est prêt à aider. Il est originaire de cette ville. Excusez-moi, votre deuxième question?
La sénatrice Poirier : Croyez-vous que les municipalités disposent des ressources nécessaires pour faire face à la normalisation du cannabis chez les jeunes ou à leur perception de la normalisation de ce produit? Les municipalités ont-elles les ressources nécessaires pour s’en occuper?
M. Pankow : Je ne pense pas que ce soit le cas pour l’instant. Il faudra faire beaucoup de sensibilisation, et notre service de police s’occupe de gérer cela depuis longtemps. Cela va changer les rôles et les responsabilités de la police, mais je pense qu’il nous reste encore beaucoup à comprendre.
Je pense que cela revient à ma réponse précédente. Si la disponibilité du cannabis est restreinte et que nous pouvons éliminer le marché noir, il sera alors plus facile de protéger nos jeunes.
Le sénateur Manning : Ma question s’adresse à M. Rewak. J’essaie de comprendre pourquoi un si grand nombre de vos sociétés membres ont signé divers accords de partenariat avec des célébrités, alors que nous savons tous que le projet de loi C-45 ne permet pas la publicité par des célébrités. Je sais qu’il y a des associations avec Snoop Dog, le groupe Tragically Hip, les Trailer Park Boys, Gene Simmons, pour n’en nommer que quelques-uns. Bien que la loi interdise le marketing ciblant les jeunes, je ne peux m’empêcher de remarquer que bon nombre de ces célébrités ont une solide clientèle parmi nos jeunes. Pouvez-vous nous expliquer les avantages auxquels s’attendent vos membres pour ce qui est de dépenser des sommes importantes afin de conclure ces ententes, alors que le projet de loi C-45 interdit explicitement la promotion publicitaire?
M. Rewak : Je serai heureux de répondre à la question. Ma réponse sera, dans une certaine mesure, spéculative. Je m’en excuse. Cependant, selon mes observations sur l’industrie, nous avons vu le début d’une toute nouvelle catégorie de produits. Nous nous sommes tous adaptés, collectivement, pour nous positionner dans ce nouveau marché.
Vous avez raison; le projet de loi C-45 précise les exigences légales. C’est pourquoi nous avons encouragé le comité — et nous continuerons de le faire — ainsi que tous les députés et sénateurs, à hâter autant que possible l’adoption du projet de loi C-45, après quoi nous aurons des règlements qui apporteront des définitions claires. Les activités qui pourraient aller à l’encontre de l’esprit de la loi, une fois que cette clarté sera apportée, pourront alors cesser.
Le sénateur Manning : Pensez-vous que certains de vos membres s’attendent à ce que les règlements s’assouplissent à l’avenir?
M. Rewak : Les règlements ne peuvent pas aller à l’encontre de la loi. À mon avis, la loi est exceptionnellement claire.
Le sénateur Manning : Monsieur Linton, j’ai lu quelque part que votre société vient de signer une entente de collaboration avec les fabricants de la bière Corona pour produire des boissons infusées au cannabis. C’est assez intéressant, d’autant plus que nous ne connaissons pas encore les règlements qui régiront les produits comestibles. Si l’on regarde vers l’avenir, votre investissement suggérerait que vous êtes sûr que les règlements permettront les infusions au cannabis. Où pensez-vous que les gens boiront ces infusions, puisque les provinces ont interdit la consommation du cannabis en public?
M. Linton : Elles ne sont pas encore autorisées, mais j’y vois un certain potentiel. J’entrevois un intoxicant social ordinaire, un lubrifiant social vendu en bouteille. Quand les gens arrivent chez des amis, on leur offre un verre pour lancer la conversation. Je crois que ces infusions au cannabis existent déjà sans alcool. Elles n’ont pas de calories et ne causent pas d’interaction médicamenteuse, ou très peu. Je considère cela comme un format bien plus raisonnable que ce qui se vend aux États-Unis, ce genre de gomme à mâcher qui contient du cannabis. À mon avis, ce format convient beaucoup mieux aux substances intoxicantes normalisées.
Le sénateur Manning : Votre société se prépare-t-elle à fabriquer des produits comestibles?
M. Linton : Je préfère le terme « ingérable », parce que sa signification est différente de celle de « comestible »; autrement dit, le produit peut aussi être une boisson. Nous nous préparons à fabriquer ce qui sera permis. Nous ne nous précipitons pas, et nous ne visons pas les États-Unis, parce que leurs lois fédérales l’interdisent. Nous ne faisons affaire que dans les pays dont les lois fédérales permettent ces produits.
Le sénateur Manning : Docteur Lake, l’année dernière, votre entreprise a dû interrompre ses ventes pendant un certain temps lorsque Santé Canada a trouvé des traces de fongicide que les cultivateurs de marijuana n’ont pas le droit d’utiliser. Voudriez-vous nous expliquer cette situation et nous dire quelles mesures de correction ont été appliquées?
Dr Lake : Bien sûr. Cette situation démontre la rigueur d’une industrie légalement certifiée qui surveille étroitement ses produits.
On a découvert des traces d’un pesticide. Dès que nous avons appris cela… Il faut que vous compreniez que plusieurs autres fabricants s’y sont trouvés impliqués et que Santé Canada ne faisait qu’ajuster ses limites. Il y avait donc deux problèmes : la présence de ces ingrédients, puis quelles limites imposer et comment les ajuster. Nous avons tout de suite lancé un rappel et avisé tous nos patients. Nous avons cessé d’expédier le cannabis et avons pris des mesures pour que la prochaine production ne contienne pas ces pesticides. Comme à l’heure actuelle nous n’utilisons que des pesticides organiques et des insectes prédateurs, nous nous sommes organisés pour que tous nos engrais et tous nos pesticides soient maintenant épandus dans des zones surveillées afin que nous sachions lesquels entrent dans les plantes. Cela nous permet aussi de tenir des dossiers complets, comme M. Linton l’a indiqué plus tôt.
À mon avis, cela démontre la force du système. Quand j’étais ministre de la Santé et que j’ai visité mon premier établissement à Nanaimo, en Colombie-Britannique, je n’en revenais pas de constater le niveau de sécurité, la chaîne de possession, la rigueur qui était imposée à la production légale de cannabis au Canada. Cette surveillance était beaucoup plus stricte que celle que j’avais observée dans le cas de tous les autres médicaments.
Le sénateur Wells : Je remercie nos experts pour leurs témoignages.
M. Linton, vous venez de signer une entente avec Terre-Neuve-et-Labrador, ma province, pour produire 8 000 kilos par année; cette entente comprend une section sur la vente au détail. S’agit-il d’une entente d’exclusivité?
M. Linton : Cette entente ne nous donne pas l’exclusivité. Nous laissons la place à d’autres producteurs dans notre province. Nous pourrons produire un maximum de 12 000 kilos, même si nous n’en vendrons que 8 000 kilos dans la province. Nous pourrons l’exporter ailleurs au pays. Il faut que nous créions de l’emploi. Nous avons trouvé un endroit sur la fameuse colline qui se trouve derrière la ville, où nous construirons des installations de 120 000 pieds carrés qui nous coûteront en tout entre 45 et 50 millions de dollars. Cela fait partie de la négociation, avec l’accès à la vente au détail et le type d’emplois que nous créerons. À cette époque, la province n’avait pas d’actifs de production. J’ai bien l’impression que nous en aurons plusieurs après cela.
Le sénateur Wells : Cet endroit se trouve à environ 10 minutes en voiture de chez moi. Si j’ai bien compris, le gouvernement provincial vous a garanti une certaine demande?
M. Linton : Nous devons nous arranger pour que ces produits soient disponibles quand le gouvernement les voudra. Plusieurs provinces de l’Est comme, si je ne m’abuse, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve et même le Manitoba ne voulaient pas se retrouver sans engagement à une chaîne d’approvisionnement réelle au moment du lancement du programme d’accès. Nous avons promis de livrer au moins 8 000 kilos pendant la première année et de construire ces installations et, avec le temps, d’assumer le transport du cannabis et de le remplacer par une production nationale ou terre-neuvienne.
Le sénateur Wells : Les ententes que vous avez conclues en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick sont-elles des ententes de production exclusives?
M. Linton : Non. Je crois bien que tous ces marchés sont encore ouverts aux autres producteurs et que Santé Canada leur accorde des licences. Nous nous sommes efforcés d’être les premiers à conclure ces ententes, mais la concurrence nous favorise. Si nous étions les fournisseurs uniques… Même l’Allemagne nous a offert l’exclusivité, et nous avons refusé. Les gens aiment qu’on leur présente des choix. Je pense que nos produits se trouveront à côté de ceux d’autres entreprises, même dans nos magasins. Nous ne voulons pas être les seuls à vendre ces produits.
Le sénateur Wells : Je comprends. Merci.
Je suppose que, dans vos installations de production, vous avez l’analyse des dangers, les points de contrôle critiques, les tests d’assurance de la qualité, tout cela?
M. Linton : Nous avons une pile de procédures normales d’exploitation haute comme cela.
Le sénateur Wells : Ma prochaine question s’adresse à M. Rewak. Combien de vos entreprises membres cultivent à l’extérieur? Votre association refuse-t-elle les entreprises qui le font?
M. Rewak : Aucune. Nous ne permettons pas la culture à l’extérieur.
Le sénateur Wells : Avez-vous établi une limite, ou accepteriez-vous des producteurs qui le font?
M. Rewak : Cette limite respecte les dispositions de la loi et les règlements de Santé Canada. Pour le moment, nous ne permettons pas la culture à l’extérieur. S’il s’avérait que nous révisions cette règle, notre conseil d’administration et nos membres examineront la question, mais je crois que nous hésiterons à accepter des producteurs qui cultivent à l’extérieur tant que cette culture ne sera pas absolument sûre.
Le sénateur Wells : Je perçois un certain protectionnisme dans vos observations qui s’opposent à la culture à domicile.
M. Rewak : Permettez-moi de préciser. Nous ne nous opposons pas à la culture à domicile. Nous nous inquiétons de la production industrielle à grande échelle effectuée à l’extérieur qui, de toute évidence, se trouverait près des serres et poserait des risques de pollinisation croisée et d’introduction de pesticides.
Le sénateur Wells : Si j’avais un terrain de deux acres derrière chez moi, seriez-vous d’accord pour que j’en cultive là?
M. Rewak : Vous pourriez cultiver du maïs, mais pas du cannabis.
Le sénateur Wells : Alors c’est non. Est-ce l’objectif de votre fonds aux petits producteurs, monsieur Linton? Vous avez parlé d’un million de dollars, si je me souviens bien.
M. Linton : Oui.
Le sénateur Wells : Il vous permet de contrôler un peu les petits producteurs et de les soutenir?
M. Linton : Nous soutenons les plus petits producteurs. Notre programme de culture artisanale s’étend dans tout le pays. Nous l’offrons aux producteurs qui ont des installations de 5 000 pieds carrés à 12 000 ou 20 000 pieds carrés et qui produisent du cannabis de qualité. Nous nous chargeons des étapes comme l’apport dans la chaîne d’approvisionnement, les tests d’assurance de la qualité, la conteneurisation, les rappels d’expédition, la commande en ligne.
Le sénateur Wells : Ce sont des étapes qui coûtent cher aux producteurs artisanaux.
M. Linton : Oui, mais ils peuvent vendre leurs produits de qualité à de meilleurs prix de gros et conformément aux règlements, et nous en tirons aussi avantage.
Le sénateur Wells : Avez-vous déjà préparé un programme de commercialisation du cannabis à des fins récréatives pour le jour où il sera légalisé?
M. Linton : Un programme d’éducation, oui. Ces programmes sont toujours axés sur les taxes, mais je crois que la légalisation visera surtout la propreté et la sûreté. Nous transmettons des renseignements sur les effets de la culture illicite. J’ai l’impression que le projet de loi C-45 ajoutera des éléments de danger à la culture illicite. Notre campagne visera ce que ces cultivateurs ne font pas. Nous soulignerons l’absence de pulvérisation de certains produits, le fait de ne pas transporter le cannabis avec des produits dangereux comme le fentanyl ou d’autres drogues pour les vendre. Nous nous concentrons sur l’éducation, parce que je crois que les gens passeront aux produits légaux quand ils sauront toutes ces choses.
[Français]
Le sénateur Maltais : J’ai trois courtes questions qui s’adressent à trois personnes différentes. Monsieur le maire, bienvenue et merci beaucoup de votre témoignage. Vous avez des industries de cannabis chez vous. Qu’en est-il des détritus du cannabis? Comment cela fonctionne-t-il chez vous? Vous faites du compost. Est-ce que le compost est revendu dans votre ville ou s’il s’en va à l’extérieur? Qui contrôle la qualité de ce compost?
[Traduction]
M. Pankow : Je vais demander à M. Linton de répondre à cette question. Son entreprise s’occupe de tous les sous-produits. Dans notre ville, il ne reste rien dans les composteurs.
M. Linton : En récoltant la plante, nous pesons toute la plante et nous en déduisons le poids de la fleur, de l’ingrédient actif ainsi que des petites feuilles qui se trouvent souvent à côté et que nous conservons. Nous broyons ensuite ce qui reste de la plante et nous mélangeons cela avec un produit de compostage, et nous compostons ces restes, soit sur place, soit à un endroit désigné. À Smiths Falls, cet endroit se trouve à environ 12 minutes en auto des installations de compostage. Nous envisageons aussi de cultiver le chanvre, dont les nervures et les tiges auront plus d’utilité que celles du cannabis.
[Français]
Le sénateur Maltais : À qui vendez-vous le compost?
[Traduction]
M. Linton : Nous ne le vendons pas, nous le compostons, puis nous payons pour l’éliminer.
[Français]
Le sénateur Maltais : Vous ne faites que l’entreposer?
[Traduction]
M. Linton : Oui, il s’accumule sur les lieux.
[Français]
Le sénateur Maltais : Monsieur Linton, vous avez mentionné plus tôt que vous avez une compagnie compétitive qui veut faire des affaires et aller de l’avant. Vous avez même parlé de faire des affaires en Europe. J’imagine que le cannabis dans le cadre de l’Accord économique et commercial global se retrouve dans la catégorie des produits agricoles. Est-ce que c’est toujours cultivé dans la terre, le cannabis, oui?
[Traduction]
M. Linton : Nous sommes avant tout régis par la loi des Nations Unies sur les stupéfiants. Par conséquent, pour transporter du cannabis d’un pays à un autre, nous relevons des ministres de la Santé, car il n’est pas considéré comme un produit agricole. On ne le traite pas comme une céréale. Les méthodes de production ne visent que rarement la terre. Elles visent divers médiums, de la culture aéroponique qui n’utilise pas de terre, mais seulement l’air, aux sols organiques. La majorité de nos plantes sont cultivées dans de la laine de roche ou dans de la mousse de tourbe et dans de la vermiculite. Cette récolte est régie avant tout comme un stupéfiant.
[Français]
Le sénateur Maltais : Est-ce que c’est considéré comme un produit agricole? Je ne sais pas, je ne connais pas cela. Je n’en ai pas encore semé chez moi.
[Traduction]
M. Linton : À l’exportation, je crois que le cannabis est considéré comme un ingrédient médicinal. Il se transporte d’un pays à l’autre en fonction des ententes conclues sur les ingrédients médicinaux importés. Je crois cependant que cette importation ne dure pas. La plupart des pays préfèrent produire le cannabis eux-mêmes, alors nous pourrons exporter nos méthodologies et fonder des entreprises canadiennes en Allemagne, par exemple.
[Français]
Le sénateur Maltais : Docteur Lake, dans votre mémoire et dans vos réponses, vous avez dit que la légalisation du cannabis ferait en sorte que les ventes diminueraient grandement sur le marché noir et que vos prix seraient compétitifs avec ceux du marché noir. Vous l’avez répété et probablement que vous avez raison. Sur quoi vous basez-vous pour établir le prix sur le marché noir? Qui vous a dit que le marché noir vendait le cannabis à X $ le gramme? Qui vous a dit cela?
[Traduction]
M. Linton : Merci de poser cette question, monsieur le sénateur. Nous avons plusieurs sources de renseignements. Statistique Canada mène une enquête ouverte à grande échelle en invitant les gens à se rendre sur son site pour indiquer ce qu’ils paient au marché noir. Cette méthodologie est nouvelle pour Statistique Canada, et certains doutent de son exactitude, mais je crois que plus on recevra de réponses, plus les résultats deviendront exacts. Un grand nombre de personnes de partout au pays y ont répondu. Le directeur parlementaire du budget a aussi examiné la question et a essayé de déterminer le prix moyen que les gens paient dans la rue. Nous parlons ces jours de normaliser le cannabis, mais je peux vous assurer qu’en Colombie-Britannique, il l’est depuis très longtemps. Les gens n’ont pas honte de dévoiler ce qu’ils paient quand ils achètent leur cannabis.
[Français]
Le sénateur Maltais : Comment votre entreprise fait-elle pour comparer les prix avec le marché noir? Est-ce que vous vous êtes fié à Statistique Canada? Ce ministère n’est pas fiable dans ce domaine comme dans d’autres. Êtes-vous allé sur le marché noir pour leur montrer la liste de vos produits et de vos prix, et pour leur demander à quels prix les produits sont vendus sur le marché noir? Comment avez-vous fonctionné? Qui vous a dit que vous alliez entrer en compétition avec le marché noir?
[Traduction]
Dr Lake : Nous ne traitons pas avec le marché noir. Nous ne tenons pas de rencontres avec leurs représentants et nous ne leur attribuons pas d’importance. Nous tirons ces renseignements de sources de l’extérieur.
En réalité, nous vendrons à un organisme gouvernemental, la SQDC, ou Société québécoise du cannabis, qui décidera du prix qu’elle acceptera de payer pour notre produit. S’il s’avère qu’elle ne peut pas vendre ce produit à cause de la concurrence du marché noir, elle nous demandera de baisser nos prix, et nous devrons nous efforcer de le faire en améliorant notre efficience.
La sénatrice McCallum : Je vous remercie pour vos allocutions. Il fait bon vous entendre parler du fondement solide de la collectivité et des entreprises sur lequel le cannabis s’est normalisé dans vos quartiers. Je voudrais vraiment entendre cela dans ma communauté, qui est une réserve nordique.
La colonisation et le traumatisme qu’elles ont subis ont empêché les Premières Nations de prendre une forte position comme les résidants de votre ville. Plus une région est pauvre, plus la toxicomanie s’y répand, et l’on en voit beaucoup dans les communautés des Premières Nations. Pour de nombreux jeunes qui consomment de la marijuana, ce problème s’est transformé en crime. Un grand nombre d’entre eux se retrouvent dans des centres de détention juvénile, principalement à cause de leur consommation de marijuana. J’en ai parlé avec Gordon Cruse, qui travaille auprès de ces jeunes depuis 30 ou 40 ans, et il m’a dit qu’au cours de ces quatre prochaines années, 11 000 enfants seront pris en charge, dont 9 000 seront Autochtones… Et je ne vous parle que du Manitoba.
Monsieur Rewak, en repensant à l’amendement que vous aviez proposé au sujet d’une peine d’emprisonnement d’un maximum de 14 ans pour les individus de 18 ans et plus qui sont trouvés coupables, est-ce qu’il est là?
M. Rewak : Nous ne proposons pas cela.
La sénatrice McCallum : De quoi s’agit-il? Voilà pourquoi cet amendement m’inquiétait.
M. Rewak : Il s’appliquerait à de grandes entreprises commerciales. Regardons la réalité honnêtement : notre société est encore raciste. Les membres des minorités visibles subissent des conséquences diverses et disproportionnées. Les Premières Nations ont subi de l’abus et même de mauvais traitements pendant des générations. Nous définirons ces facteurs très clairement dans les règlements. Nous ne parlons pas de gamins qui font des bêtises. Nous visons les grandes entreprises commerciales, et nous préciserons dans les règlements de cette loi.
Je travaille pour un organisme sans but lucratif. Je n’y détiens pas d’actions. Je ne travaille pas dans ce secteur pour m’enrichir. Je m’y suis joint, parce que nous n’avons pas vu d’industrie sociale plus passionnante que celle-ci depuis des générations. Contre toute attente, nous investissons dans les régions qui ont besoin de développement économique. Nous jetons la lumière sur un produit qui, pendant des générations, a ciblé de façon malencontreuse tout un segment de notre population. Nous visons maintenant à en éliminer l’élément de criminalité. C’est une initiative positive pour notre société.
Je n’y participerai pas et je ne réclamerai pas que des enfants et des adolescents subissent des punitions injustes. Je tiens plutôt à demander que l’on utilise les revenus que générera cette toute nouvelle industrie pour éduquer et développer ces mêmes collectivités.
Le président : Juste une petite précision : dans le document que vous nous avez présenté, les sections surlignées sont les amendements que vous proposez. Le reste, comme vous pouvez le constater, est le texte du projet de loi du gouvernement.
M. Rewak : Oui. Il faudra définir cela dans les règlements.
La sénatrice McCallum : Oui. Vous nous avez rappelé que les méthodes de prévention contre le tabagisme se sont avérées extrêmement efficaces, sauf dans les collectivités à bas revenu et dans les communautés des Premières Nations, à cause de leurs déterminants sociaux de la santé. Pourriez-vous nous suggérer un programme de santé publique qui nous aiderait à lutter contre le tabagisme et contre les dépendances? J’ai eu énormément de peine à lutter efficacement contre ces problèmes dans les communautés des Premières Nations.
Dr Lake : Je me ferai un plaisir de répondre à cette question. Quand nous étions ministres, nous avons collaboré de près, et comme vous le savez peut-être, on a créé la Régie de la santé des Premières Nations, là où le système de santé était conçu et administré par des Premières Nations. Nous avons offert à tous les résidants de la province un vaste programme de lutte contre le tabagisme dont nous étions très fiers. Le taux de tabagisme a chuté à un niveau que l’on n’avait jamais vu.
J’ajouterai à ce que M. Linton a dit sur cette industrie que la recherche sur certaines approches novatrices de la médecine des toxicomanies est passionnante. Le BC Centre on Substance Use obtient d’excellents résultats en étudiant la possibilité d’utiliser le cannabis pour aider les personnes dépendantes d’opioïdes ou d’autres drogues dures comme le crack. Les spécialistes de la lutte contre la toxicomanie peuvent se servir du cannabis comme d’une arme contre la dépendance à ces drogues dures.
On voit aussi de la recherche intéressante sur le CBD, qui est l’autre grand cannabinoïde que contient le cannabis. Il affecte le système nerveux sans produire de high. Ces études de recherche passionnantes visent à utiliser le CBD pour soigner des troubles de santé mentale et des dépendances. Il agit sur le système endocannabinoïde du corps pour rétablir l’homéostasie. Cette légalisation et l’innovation qu’elle déclenchera aideront les toxicomanes de tout le Canada et du reste du monde.
Le président : Avant d’entamer la deuxième ronde, je voudrais poser des questions à nos experts au sujet de l’empaquetage. Certains témoins nous ont parlé hier de cette question et, M. Linton, vous avez dit dans votre allocution que les gens exigeront que l’on offre des choix. Comment reconnaîtront-ils ces choix? Les règlements que Santé Canada élabore en ce moment même imposent des lignes directrices très claires sur l’étiquetage à poser sur les emballages. Que pensez-vous de tout cela? Selon vous, est-ce raisonnable pour l’industrie? Faudra-t-il changer certains éléments?
M. Linton : J’ai souvent dit, ailleurs, que mon principal concurrent est une marque du nom de Ziploc. Il s’agit de sacs. On veut changer la réglementation du secteur de l’emballage et passer à une réglementation qui tende à informer le consommateur. De sorte qu’en entrant dans un endroit auquel les jeunes en dessous d’un certain âge n’ont pas accès — on ne parle pas des lieux publics ouverts à tous —, le consommateur puisse savoir de quelles entreprises viennent les produits et lesquels choisir, parce qu’ils se distinguent visuellement par leur emballage. L’idée n’est pas d’épater le client avec des emballages hyper bariolés, mais de lui permettre de prendre une décision éclairée. C’est pour cela que nous essayons de l’amener dans un environnement contrôlé.
À l’heure actuelle, les données qui doivent figurer sur les emballages en disent plus au client sur la taille de l’emballage que sur ce qu’il s’apprête à acheter. Autrement dit, sur un petit paquet contenant une petite quantité de produit, on n’a pas la place de place d’inscrire toutes les mises en garde sanitaires sur l’étiquette. Un peu d’esprit pratique, est-ce trop demander? Peut-on se contenter d’un tel état de choses? Bien sûr. Peut-on l’améliorer? Oui. Le fera-t-on? J’espère bien.
Le président : La question que voici s’adresse aux autres. Bon nombre des commentaires entendus lors de nos réunions tournaient autour de la possibilité de faire quelque chose dans le genre de ce qui se fait pour le tabac, où la réglementation est très stricte, surtout avec les nouvelles dispositions découlant du projet de loi S-5. Est-ce que cela va trop loin, à votre avis?
Dr Lake : Je suis un anti-fumeur ardent, mais hier soir, en regardant le comité en ligne, je dégustais un sauvignon blanc bien frais, qui portait une étiquette indiquant sa provenance, sa teneur en alcool et ses qualités gustatives. Le sénateur Dean faisait valoir l’intérêt de restreindre l’accès en fonction de l’âge aux points de vente afin que n’y entrent que ceux qui ont clairement l’intention d’obtenir de l’information ou d’acheter du cannabis. Si l’idée est de fournir aux consommateurs de l’information pour leur faire comprendre ce qu’ils achètent et les effets que cela aura sur leur organisme, je dirais alors que la réglementation en matière d’étiquetage est restrictive. Toutefois, je viens aussi du gouvernement et je sais que les gouvernements aiment avancer à pas prudents. Une fois qu’il se sentira à l’aise et le public aussi, il y aura un assouplissement. C’est ce qui arrivera, je pense.
Je suis d’accord avec M. Linton. Je ne crois pas que nous devrions suivre le modèle de commercialisation de l’alcool, mais on ne peut pas remettre ce génie dans la bouteille. Cela dit, c’est une erreur de nous comparer au tabac, comme le montrent les données concernant les effets du tabac sur la santé par rapport au cannabis. Compte tenu notamment de l’évolution de la consommation vers des formes de cannabis sans fumée, la comparaison n’est pas vraiment valable. Les consommateurs doivent pouvoir choisir, selon moi.
En tant qu’ancien ministre de l’Environnement, je dirais que la réglementation sur l’emballage créera un environnement auquel nous devrons tous nous habituer. Avec le temps, on se sentira plus à l’aise et on apprendra à gérer la situation en réduisant notre impact sur l’environnement, c’est dans ce sens, je pense, que l’on évoluera également.
M. Rewak : J’aimerais faire deux observations. Premièrement, l’Organisation mondiale de la Santé classe l’alcool et le tabac parmi les substances cancérigènes de classe 1. Pas le cannabis. Pour ce qui est de sa forme combustible, bon nombre d’entre vous avez entendu le Dr Mark Ware dire, lors d’un petit-déjeuner il y a quelques semaines, que le seul lien direct entre la santé et la combustion du cannabis mis en évidence par la littérature sur le sujet, est un risque accru d’infections bronchiques et que ce risque diminue lorsque la consommation diminue. Je pense donc que les facteurs de risque sont différents et que cela doit se refléter dans l’emballage.
Cela dit, je suis d’accord pour dire que l’on a besoin d’une réglementation plus stricte concernant l’emballage, mais l’information doit permettre de mieux distinguer les marques. Pour la raison que voici : ce n’est pas un nouveau marché. Si aucun Canadien ne consommait du cannabis, je ne pourrais pas, sur le plan éthique et en toute conscience, venir vous dire que l’emballage neutre est une mauvaise idée. Vous avez peut-être compris, en marchant dans la rue, que beaucoup de gens consomment du cannabis au Canada aujourd’hui. Notre mission n’est pas d’amener de nouveaux utilisateurs sur le marché; je ne veux pas que de nouveaux utilisateurs arrivent sur le marché. Je veux faire migrer les consommateurs illégaux vers un marché légal. Pour ce faire, il nous faut pouvoir dialoguer avec les gens dans les commerces de détail, dans un environnement réservé aux adultes, simplement pour parler de ce qu’ils achètent.
La sénatrice Seidman : Je m’abstiendrai probablement de participer à cette conversation, car nous avons entendu hier l’expression « le génie sorti de la bouteille ». Vous l’avez entendu, j’en suis sûre. Une fois que le génie est sorti de la bouteille, il n’est plus possible de l’y faire rentrer. Hier, les experts scientifiques et médicaux nous ont demandé d’être plus stricts dès le départ en ce qui concerne l’emballage, la publicité et le marketing, et de voir ensuite comment les choses se passent. Parce qu’une fois que le génie est sorti de la bouteille, plus moyen de l’y faire rentrer. C’est l’expression utilisée. D’accord.
Docteur Lake, j’aimerais vous poser une question. Sur le site web d’Hydropothecary, on peut lire : « La santé et la sécurité de nos clients sont très importantes pour nous. » On a entendu de nombreux témoins, par exemple, du Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, qui nous ont dit que les Canadiens ne comprennent pas vraiment les effets nocifs que la consommation de cannabis peut avoir sur la santé et que la légalisation a pour résultat qu’il s’en soucie moins. Je suis sûre qu’en tant qu’ancien ministre de la Santé, vous vous préoccupez, comme nous, de la santé et du bien-être des Canadiens, surtout des jeunes. Quelles mesures votre entreprise prend-elle pour s’assurer que les jeunes sont au courant des effets néfastes de la marijuana sur la santé? Votre entreprise a-t-elle entrepris des campagnes de sensibilisation du public pour sensibiliser les jeunes Canadiens aux risques associés à la consommation de marijuana à des fins récréatives? Pourquoi ou pourquoi pas?
Dr Lake : Pas pour l’instant, parce que nous sommes aujourd’hui une entreprise de cannabis médicinal. Tous nos patients actuels sont suivis par un médecin ou par une infirmière praticienne qui les guide dans les soins. Ils devraient comprendre les répercussions des médicaments qu’ils prennent.
À l’avenir, nous voulons appuyer les institutions et les organismes qui transmettront ces messages aux jeunes. En fait, ma fille est conseillère stratégique auprès de Canadian Students for Sensible Drug Policy, qui a élaboré une trousse d’information sur la façon de parler du cannabis aux jeunes.
J’ai rencontré récemment la Dre Patricia Conrod, psychiatre à l’Université de Montréal. Elle a mis au point un programme appelé Preventure, qui vise à former les éducateurs à reconnaître chez les élèves les traits qui peuvent les rendre plus susceptibles de consommer des substances. Et à fournir ensuite à ces élèves des outils qui visent à accroître leur maîtrise de soi.
Nous voulons donc appuyer les organisations et la recherche à cet égard.
La sénatrice Seidman : D’accord. Quand vous parlez de « soutien », cela veut-il dire que votre société, ainsi que la vôtre, monsieur Linton, mettraient de côté un budget, comme toutes les entreprises devraient le faire pour la R-D? Prévoyez-vous un budget pour l’éducation?
Dr Lake : Absolument. Bruce vous en parlera, car c’est lui le patron. Il a un important fonds de responsabilité sociale. Mon budget pour la responsabilité sociale des entreprises dépasse largement le million de dollars. On attend que le gouvernement du Québec adopte sa loi. On tient à respecter l’esprit du projet de loi 157 et on attend qu’il soit adopté avant de commencer à mettre en œuvre nos mesures. Le débat sur le projet de loi est en cours et nous ne voulons pas y faire obstacle, mais c’est certainement notre intention. Je laisserai Bruce vous en parler.
M. Linton : La conversation nous permet de dépenser notre budget, cela peut sembler surprenant, mais il était difficile, il y a encore trois ans, de faire accepter aux organisations des capitaux sans restriction. Dans le cas des Mères contre l’alcool au volant, les discussions ont duré un an avant que nous puissions leur donner un chèque sans restriction leur permettant d’affecter les fonds à la campagne de leur choix. Je pense que c’est parce qu’il n’y avait pas de dialogue sur le cannabis et sa gestion.
On a l’impression aujourd’hui que les choses ont beaucoup changé au cours de la dernière année. Vous avez mentionné au moins une des organisations que nous sommes heureux d’avoir. Encore une fois, on fournit le capital, mais pas l’orientation, parce que c’est aux experts de le faire. Terry a mentionné que sa fille travaille pour Canadian Students for Sensible Drug Policy. Nous étions heureux d’aider à cette occasion. Je pense que vous voyez que c’est bon pour les affaires.
La sénatrice Seidman : Oui, sauf que, comme nous le savons tous — ceux d’entre nous qui travaillent dans le domaine de la recherche —, lorsqu’on reçoit l’appui de certaines sociétés, de l’industrie pharmaceutique, par exemple, il y a des conflits d’intérêts. Comment vos entreprises réagiraient-elles à cela?
M. Linton : Notre approche en matière de RSE est qu’il s’agit d’un chèque non assorti de conditions. L’organisation bénéficiaire dépense les fonds comme elle l’entend. Je sais qu’il y a toujours un conflit quant à savoir jusqu’où on peut aller, mais au cours des cinq prochaines années, on pourra constater, je pense, que la gestion du message et l’éducation constituent la priorité plutôt que la tentative de manipuler le marché et les normes pharmaceutiques. Je pense que nous sommes en bonne posture pour les cinq prochaines années au moins.
La sénatrice Petitclerc : J’allais dans le même sens. Il arrive trop souvent que j’aie la même idée pour une question. Avons-nous le pourcentage des investissements que vous prévoyez faire en éducation et en sensibilisation? Je sais que certaines sociétés s’engagent à fournir un pourcentage. Par exemple, voici le montant des revenus générés et voici le pourcentage que nous nous engageons à investir. Avez-vous quelque chose de quantifiable de ce genre?
M. Linton : Nous parlons de 2 à 3 p. 100. Une partie du problème est que, dans des conditions tout à fait restrictives, lorsque nous fournissons notre capital, notre logo ne peut même pas être présenté aux conclusions ou au résultat s’il a contribué à une campagne publicitaire, comme MADD, les Mères contre l’alcool au volant, si nous ne pouvons pas être visibles, comme le serait un brasseur de bière en tant que commanditaire, cela a un effet dissuasif. Nous avons de la difficulté là où certaines provinces cherchent à occulter complètement l’existence des compagnies de cannabis. Je ne suis pas certain que ce soit la meilleure façon de maximiser le budget de RSE. Il faut un peu d’équilibre. On vise 2 ou 3 p. 100, mais il nous faut cet équilibre.
La sénatrice Petitclerc : J’ai une autre question pour vous, monsieur Linton. M. Rewak vient de mentionner que le but de votre organisation n’est pas d’attirer de nouveaux utilisateurs, mais vous voulez faire migrer, si j’ai bien compris, l’utilisateur du marché illicite vers des marchés légitimes. J’aimerais vous entendre à ce sujet, monsieur Linton, d’autant plus que vous avez fait, je crois, une demande, il n’y a pas si longtemps, pour être coté à la Bourse de New York. En tant qu’homme d’affaires, comment expliquez-vous aux actionnaires, par exemple, ce genre d’engagement de l’organisation que vous ne voulez pas développer un nouveau marché d’utilisateurs?
M. Linton : Pour être honnête, je m’attends à ce que le marché du cannabis médicinal continue de croître de façon spectaculaire. Sur quelle base? Les benzodiazépines en tant que somnifères et certaines des autres approches de la kétamine ne conviennent pas du tout aux humains, mais ce sont les meilleurs choix, alors je m’attends à ce que le marché du cannabis médicinal continue de croître. Je m’attends à une migration dans deux ou trois ans, lorsque la consommation sous forme de boisson sera autorisée et que les gens délaisseront l’alcool au profit de boissons qui n’ont pas le même profil d’interaction avec la drogue ou le même contenu calorique. Je pense qu’il y aura une transition d’autres marchés — pas seulement le marché noir, mais les marchés de l’alcool. Il y aura, je pense, des avantages sur le plan de la santé et des affaires, mais je mentirais en disant que ce sera seulement la migration en provenance du marché noir. Ce ne sera pas le cas au fil du temps pour le cannabis à usage médicinal ou récréatif.
M. Rewak : J’aimerais apporter quelques précisions à ma déclaration. Lorsque je parle de migration, je parle de la consommation des consommateurs adultes, des consommateurs de cannabis, et non des patients consommateurs de cannabis à des fins médicinales, et je parle plus précisément de l’aspect du projet de loi C-45 traitant du cannabis à usage récréatif.
La sénatrice Petitclerc : Merci.
La sénatrice Poirier : Toujours dans la même veine que mes deux collègues. C’est là-dessus que portaient mes questions, alors je poursuis sur ma lancée.
Il y a quelques semaines, lorsque nous avons reçu le ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick, M. Benoît Bourque, je lui ai posé des questions sur les montants dans le budget de l’éducation destinés spécifiquement pour nos jeunes, nos écoles et la formation des parents pour qu’ils connaissent le risque de marijuana pour les personnes de moins de 25 ans. Il avait alors répondu qu’ils allaient commencer à investir, mais qu’ils commençaient seulement en avril. Il m’avait dit aussi, si je ne me trompe pas, que l’industrie allait aussi aider financièrement l’éducation, ce dont on parle.
Lorsqu’on parle de l’industrie, parle-t-on de l’industrie qui cultive le produit, ce que font vos entreprises, ou de l’industrie qui vendra le produit, qui se trouve dans les magasins? S’il s’agit de l’industrie du produit de culture, lorsqu’on obtient un permis pour travailler dans la province, comme le Nouveau-Brunswick ou ailleurs où vous travaillez, y a-t-il des négociations à ce moment-là tendant à subordonner la délivrance du permis par la province à l’investissement d’un certain pourcentage de vos profits dans l’éducation, spécifiquement pour les jeunes compte tenu du risque pour les moins de 25 ans?
Dr Lake : Je peux vous parler de la situation au Québec, où le projet de loi 157 crée explicitement le Fonds de recherche et d’éducation sur le cannabis, qui sera doté d’un minimum de 25 millions de dollars par année.
De plus, comme vous le savez, la SAQ a Éduc’alcool, un mécanisme de péage pour les producteurs d’alcool qui fait partie d’un programme de sensibilisation. Nous ne savons pas encore si un programme semblable sera mis sur pied pour le cannabis, mais je ne serais pas surpris qu’il en soit ainsi, auquel cas tous les producteurs contribueront au financement de ce programme.
Je tiens à vous rappeler que le cannabis à usage récréatif sera assujetti à une taxe d’accise et à des taxes de vente qui généreront des ressources considérables pour tous les ordres de gouvernement. Je pense que nous sommes tous dans le même bateau. C’est une responsabilité partagée entre l’industrie et les gouvernements.
Au Colorado, au cours des deux dernières années, plus de 230 millions de dollars ont été consacrés à la construction d’écoles ou de programmes d’éducation. En fait, les recettes provenant des taxes sur le cannabis au Colorado dépassent maintenant celles provenant de l’alcool. Il finance donc beaucoup de programmes sociaux importants. D’après moi, lorsque le marché arrivera à maturité, cela se produira au Canada après un certain nombre d’années.
M. Linton : Je n’ai pas les détails précis pour chacune des provinces, mais je crois savoir que chacune d’entre elles a inclus un petit pourcentage, laissé à sa discrétion, dans le prix de transfert de gros.
La sénatrice Poirier : Et cela n’entrera en jeu qu’à l’entrée en vigueur du projet de loi?
M. Linton : Exact.
La sénatrice Poirier : Merci.
Le sénateur Dean : Nous avons de gros producteurs avec nous. Nous spéculons beaucoup sur ce qui se passe et ce qui ne se passe pas, sur ce qui va se passer et sur ce qui ne va pas se passer. Parlez-nous de ce que vous vendez aujourd’hui. Parlez-nous de la nature du marché du cannabis médicinal pour adultes. Qu’est-ce que les gens achètent? Quel est l’ordre de grandeur? Est-ce un indicateur de ce qui pourrait se passer dans le marché récréatif s’il était légalisé et réglementé? Dites-nous quelle est la nature de la demande.
Dr Lake : Quand Hydropothecary a commencé, nous vendions presque exclusivement à nos patients un produit floral, donc la plupart du temps, c’était un produit qui se fumait. Au fil du temps et des innovations, nous avons développé deux produits qui sont devenus très populaires.
Le premier est une poudre de décarboxylée séchée et moulue. Comme vous le savez probablement, si vous prenez un bourgeon de cannabis et que vous le mangiez, vous ne ressentirez rien. Pour l’activer, il faut en retirer un groupe carboxyle. C’est la raison pour laquelle les gens le fument habituellement, parce que c’est ce que fait la chaleur. Nous avons élaboré un processus exclusif pour l’activer d’avance afin qu’il puisse s’ingérer par voie orale. C’est devenu très populaire, surtout à des doses plus faibles. Les gens prennent des microdoses pour pouvoir gérer leurs symptômes et ils n’utilisent pas des quantités énormes.
Les autres produits qui ont eu beaucoup de succès, sont notre pulvérisation sublinguale, notre pulvérisation d’élixir. Depuis environ un an, nous commercialisons un produit contenant du THC. On le vaporise sous la langue. Pour un patient, c’est très pratique et discret. Il y a une certaine absorption à travers la membrane du mucus, mais une partie est avalée et absorbée de cette façon. Encore une fois, cela donne aux gens une option sans fumée.
On a obtenu un taux élevé de CBD qui ne vous fait pas vraiment planer, mais qui réduit l’inflammation et la douleur. Au cours des derniers mois, c’est devenu l’un de nos produits les plus vendus chez nos patients parce qu’ils ne cherchent pas à planer; ils cherchent à gérer leurs symptômes.
Nous étions à Seattle et à Portland et nous y avons vu toute la gamme de produits. Les gens auront le choix, et cela dépendra de l’âge, de la démographie sociale et du type de gestion des symptômes. Je pense que beaucoup de gens, les baby-boomers en particulier, utiliseront le cannabis pour le bien-être, pas pour planer, quoique ce sera peut-être le cas de temps en temps, mais je pense qu’ils l’utiliseront pour gérer leur vie et réduire l’inflammation et pour pouvoir encore jouer au soccer à 60 ans, par exemple, avec le CBD.
M. Linton : De notre côté, nous produisons et nous vendons du cannabis depuis quatre ans. Il y a quatre ans, nous n’avions le droit de vendre que du cannabis séché, mais les patients d’aujourd’hui ont environ une chance sur deux de l’acheter sous forme d’huile. Les types d’huile sont limités, parce que tout ce qui se trouve dans le cannabis est réglementé. Notre cannabis doit être mélangé avec un agent comme de la TCM ou de l’huile de tournesol, en général, puis vendu avec la même force que la plante. Même sous cette forme, cela représente environ la moitié de nos activités, ou cela pourrait être le cas pour les nouveaux patients.
Je dois dire que, depuis 4 ans, les patients ont acheté, en moyenne, 1,2 gramme par jour chacun de cannabis médicinal. Cela n’a pas augmenté. Ni diminué. C’est une constante assez intéressante.
Le prix moyen par gramme augmente à mesure qu’on migre vers ces produits. Notre prix moyen est passé d’environ 7,35 $ le gramme il y a trois ou quatre ans à environ 1 $ de plus. De toute évidence, si on traite la fleur comme un ingrédient pour la transformer en produits finis et qu’on y applique des technologies pour la rendre plus accessible, le prix augmentera.
Du côté médical, nous travaillons avec diligence et nous en sommes à la phase 2b des essais cliniques. Ces produits seront couverts par l’assurance, et cela changera toute l’équation des prix.
Depuis quatre ans, la plupart des entreprises du secteur ont doublé leurs recettes et ont connu une croissance considérable.
Le sénateur Manning : Monsieur Linton, dans vos remarques préliminaires, vous avez dit que votre entreprise a été inspectée 200 fois. Je m’interroge sur le processus d’inspection. Est-il aléatoire? Combien de fois visitent-ils vos installations, et est-ce que ces installations sont dans différents endroits? Donnez-nous une idée de la façon dont les choses se passent.
M. Linton : La situation a évolué. La fréquence a diminué, parce que, si on fait la preuve qu’on ne représente guère de risque de délinquance, ils se présentent moins souvent.
Ce qui se passe, c’est qu’un ou des inspecteurs de Santé Canada arrivent sans prévenir et vous présentent une pièce d’identité, par exemple un insigne, et ils choisissent un sujet. Ils peuvent demander : « Puis-je voir la vidéo d’il y a deux mois pour le mardi où les plants se trouvaient dans cette salle? » Puis ils observent qui les déplace et combien de plants il y a. Ils demandent ensuite à voir les fichiers qui se rapportent aux codes individuels liés à ces plants. Après cela, ils veulent voir le produit qui en résulte et savoir si le nombre total de plants qui se trouvaient dans cette salle il y a deux mois ont effectivement été transformés. Ou ils peuvent se tourner vers les caméras et dire : « Nous avons vu trois personnes dans le film. Selon l’horodateur, il était 11 h 12, et vous n’en avez noté que deux. » Là, vous avez un problème.
Cela va donc du transport physique des personnes aux taux de retrait en passant par les plants et la production. Ils examinent les formulaires d’inscription médicale pour s’assurer que tout est fait conformément à la réglementation et qu’on a bien vérifié le nom et l’adresse du médecin. Ils choisissent des sujets au hasard. Comme contribuable et comme entrepreneur désireux de voir un secteur s’épanouir, je n’ai pas peur de les voir. En fait, je pense que cela fait partie d’un processus valable.
Le sénateur Manning : Dans vos plans pour Terre-Neuve-et-Labrador, vous avez dit qu’il y aurait peut-être 150 emplois. Comment votre entreprise s’y prend-elle pour embaucher ces personnes, quelle formation leur donnez-vous, comment vérifiez-vous leurs antécédents, et cetera?
M. Linton : La raison pour laquelle cela fonctionne dans des endroits comme Smiths Falls, c’est qu’il y a beaucoup de formation pratique dans les collectivités des Premières Nations où l’on passe un vendredi soir à faire des séances de visualisation du contexte. Si on veut travailler dans ce domaine, on n’a pas besoin d’être un expert. En fait, ce serait plutôt un problème, parce que cette expertise serait probablement d’origine malsaine. Nous offrons donc une formation pratique. Nous avons des procédures opérationnelles normalisées que les gens doivent suivre. Même pour le service à la clientèle, les gens qui répondent au téléphone suivent un programme de formation de deux semaines. Cela fait trois ans et demi que nous avons un centre de service à la clientèle ou un centre d’appels, et deux personnes seulement ont démissionné sur les quelque 125 personnes qui y travaillent.
Si une province annonce un salaire minimum moyen plus élevé, cela ne nous touche jamais, parce que nous payons plus, et les procédures normales d’exploitation donnent une formation solide aux employés.
Le sénateur Manning : Quelle est la participation de votre entreprise aux programmes d’éducation, surtout ceux qui sont destinés aux jeunes? Je ne parle pas nécessairement de chiffres en dollars, mais plutôt de données concrètes.
M. Linton : Nous essayons de ne pas nous en mêler. Nous pensons qu’il vaut mieux laisser cela aux experts et financer ces programmes.
Là où nous intervenons concrètement, je crois, c’est que nous avons maintenant eu plus de 40 000 interactions avec des médecins, et que nous avons, si je ne me trompe pas, le tout premier programme agréé d’éducation médicale permanente du Canada. Quand on transporte cette base de connaissances dans un endroit comme le Nouveau-Brunswick, elle sert à informer un comité appelé à travailler dans un point de vente au détail et à y répondre à des questions et à réagir à certaines situations. Nous en faisons un programme de formation en ligne que les commis de vente au détail peuvent suivre pas à pas. On peut mesurer leur évolution à partir de leurs réponses et de la durée de leur participation à la formation. C’est là qu’on voit les connaissances médicales passer dans l’information à l’échelle de la vente au détail.
Le sénateur Manning : Je vous remercie.
La sénatrice Bernard : Veuillez m’excuser. J’ai manqué vos exposés. J’ai pris la parole à la Chambre et j’ai donc manqué votre arrivée. Par contre, j’ai écouté très attentivement les questions de mes collègues et vos réponses.
J’aimerais revenir sur un point soulevé par la sénatrice McCallum au sujet des Premières Nations. J’aimerais vous poser quelques questions. Premièrement, nous savons que, à l’heure actuelle, la criminalisation du cannabis criminalise excessivement les Autochtones, les Afro-Canadiens et les pauvres. Que fait la grande industrie fait, le cas échéant, pour attirer ces clients potentiels qui, jusqu’à maintenant, ont été des consommateurs sur ce que j’appellerais le marché illégal? Ils étaient donc des consommateurs sur le marché illégal. Comment sont-ils attirés sur le marché légal, non seulement comme consommateurs, mais aussi comme producteurs et employés? Je n’ai rien vu de tel. Êtes-vous au courant d’initiatives en ce sens? Certaines de vos organisations ont-elles pris des initiatives à l’égard de cet important problème social?
Dr Lake : Premièrement, nous devons respecter la loi. Chaque province décidera des conditions d’entrée des gens sur le marché de la vente au détail. Au Manitoba, par exemple, la participation des Premières Nations est obligatoire sur le marché de la vente au détail. Dans ma province, la Colombie-Britannique, on est très conscient des problèmes des Premières nations et on cherche des moyens d’aider les gens qui ont déjà été sur le marché illégal. Comme tous ceux d’entre vous qui sont allés à Vancouver le savent, il y a actuellement un énorme marché illégal. Donc, en principe, tous ces gens ne seraient pas autorisés à participer au marché légal. Toutefois, la Colombie-Britannique s’est fixé pour objectif de prendre des gens qui n’ont pas eu de comportement violent et qui n’ont pas commis de crimes tels que nous ne voudrions pas les voir participer au marché légal pour leur permettre d’accéder au nouveau marché réglementé, comme l’a fait la Californie. Je pense que c’est ce qu’il faut faire.
Hydropothecary a reçu la délégation de l’Assemblée des Premières Nations, et nous sommes très désireux de travailler avec les Premières Nations pour faire valoir les possibilités économiques offertes par ce tout nouveau secteur d’activité. À notre avis, c’est une occasion unique pour les communautés autochtones de participer, et nous serons heureux de les y aider.
La sénatrice Bernard : Y a-t-il des initiatives semblables pour les personnes d’origine africaine?
M. Linton : Dans notre magasin, si vous faites une demande d’emploi et que vous ne nous dites pas que vous avez eu des démêlés avec la loi, au sujet du cannabis, c’est plus problématique que si vous nous le dites. Si vous jetez un coup d’œil à notre organigramme et à certaines des personnes derrière moi, vous verrez qu’elles ont été très actives sur le marché illégal, qu’elles ont créé ce qu’on appelait des clubs de compassion ou qu’elles ont organisé des manifestations et fini par faire l’objet d’accusations au criminel. Ce n’est pas un obstacle, mais c’en sera un si vous n’êtes pas transparent et honnête et que vous ne nous dites rien de vos antécédents.
Actuellement, nous n’avons pas de programme réservé à une minorité identifiable. Nous avons été actifs dans les communautés autochtones parce que l’un de nos objectifs était d’y être présents et d’y installer un établissement de production. Le problème n’était pas du côté de l’intérêt exprimé par les Autochtones, mais du côté des droits fonciers et de la capacité à trouver du capital. Étant donné qu’une plante considérée comme médicinale suscite beaucoup d’intérêt, j’ai constaté que cette communauté était beaucoup plus réceptive que la moyenne des autres.
M. Rewak : Je voudrais ajouter quelque chose. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous vivons toujours dans une société où certaines personnes sont traitées différemment des autres. C’est une chose contre laquelle nous luttons tous ensemble. En tant qu’industrie, nous avons entamé un dialogue interne sur les moyens d’accroître la diversité et l’inclusion dans notre secteur, non seulement du point de vue de la race, mais aussi du sexe, de la classe sociale et d’autres critères, dans le but de bâtir une industrie qui ressemble au Canada. C’est ce que nous essayons de faire. Nous n’en sommes pas encore là, mais nous y arriverons.
Je pense que la question à se poser collectivement, c’est de demander au gouvernement de prendre des mesures pour que les personnes qui ont été prises en possession de cannabis hors de toute violence, et cela concerne de façon disproportionnée certaines collectivités, que ces personnes, dis-je, puissent participer plus activement aux activités de notre secteur. Nous connaissons une croissance rapide et nous avons besoin d’une industrie inclusive et diversifiée. C’est ce que nous aimerions bâtir.
La sénatrice Bernard : Avez-vous une recommandation à faire à ce sujet dans le contexte de ce projet de loi?
M. Rewak : Je ne suis pas officiellement habilité par mon conseil d’administration à faire une recommandation sur l’amnistie, mais je dirais que, s’agissant des consommateurs de cannabis, oui, absolument. Quelqu’un vient de me corriger, alors oui.
M. Linton : Dans notre groupe d’investisseurs, j’ai trouvé mon premier investisseur, qui investit le premier million de dollars dans un fonds de notre entreprise, qui permettra de trouver les moyens de régler le problème des personnes accusées de possession simple et de réduire ce problème à un simple incident de parcours. Nous sommes à la recherche d’autres personnes désireuses de financer et de gérer cela, mais nous avons trouvé notre premier million.
La sénatrice Bernard : Je vous remercie.
Le président : Sur ce, permettez-moi de remercier nos témoins, tous les quatre, de leur contribution et de leurs réponses à nos questions. Nous approchons de la fin de nos délibérations et de nos audiences et nous ferons rapport au Sénat la semaine prochaine. Le Sénat étudiera ensuite le projet de loi en troisième lecture.
La deuxième table ronde dure une heure. Je souhaite la bienvenue à MM. Russ Crawford et Jason Green, respectivement président et directeur de l’Alliance commerciale canadienne du chanvre, à Mme Rosy Mondin, de la Cannabis Trade Alliance of Canada, et à Will Stewart, vice-président des Communications générales et affaires publiques chez Hiku Brands. Je demanderais à chacun de vous de faire son exposé préliminaire jusqu’à concurrence de sept minutes, s’il vous plaît.
Russ Crawford, président, Alliance commerciale canadienne du chanvre : Merci de m’avoir invité à cette séance, monsieur le président.
Nous allons commencer par nous présenter pour que vous sachiez qui nous sommes. Je m’appelle Russ Crawford. Je suis l’un des administrateurs d’une entreprise appelée Naturally splendid Enterprises. Il s’agit d’une entreprise alimentaire de chanvre établie à Pitt Meadows, en Colombie-Britannique.
Jason Green, directeur, Alliance commerciale canadienne du chanvre : Je m’appelle Jason Green. Je suis un producteur de chanvre industriel en Saskatchewan. Je suis également l’un des administrateurs de l’Alliance commerciale canadienne du chanvre. Récemment, cette année, j’ai uni mes efforts à ceux de Canopy Growth Corporation pour diriger sa division agricole du chanvre industriel.
M. Crawford : Notre intention, aujourd’hui, est de vous proposer un point de vue neuf sur le chanvre et la partie non psychotrope du cannabis tels qu’ils sont produits au Canada depuis 20 ans.
L’Alliance commerciale canadienne du chanvre est un organisme national sans but lucratif, qui représente environ 400 membres, qui sont des producteurs, des transformateurs et des détaillants, mais aussi des phytogénéticiens et des chercheurs. Nous les avons beaucoup consultés au cours du processus de légalisation et des discussions sur la légalisation de la marijuana et sur ses répercussions sur l’industrie du chanvre.
Nous sommes ici aujourd’hui pour vous dire que nous appuyons le projet de loi C-45 et ses plus récentes versions dans la réglementation proposée. Il répond très bien aux demandes que nous avons faites au nom de nos membres pour obtenir un certain nombre de changements à la réglementation du chanvre industriel, qui, à notre connaissance, sera inclus dans la réglementation officielle relevant de la Loi sur le cannabis. Plutôt que de disperser le sujet du chanvre dans tout le document, il y aura probablement une section consacrée directement au chanvre industriel, et c’est important pour nous.
Notre désir, aujourd’hui, est d’aborder certaines questions importantes pour que notre industrie puisse s’épanouir pleinement. Je pense que vous avez reçu un document préliminaire qui décrit un peu notre secteur d’activité, et je n’entrerai donc pas dans les détails, mais nous sommes tout disposés à répondre à vos questions à ce sujet et sur l’importance de ce secteur.
Ce qui importe, c’est que nous voyons ici l’occasion de supprimer une réglementation applicable aux vérifications du casier judiciaire et aux autorisations de sécurité, à l’entreposage sous clé des semences, aux tests de réduction du THC et autres exigences, et cela aura un effet positif sur les entreprises de production de chanvre industriel.
De plus, en permettant d’utiliser toute la plante, on prend une mesure extrêmement importante au regard de sa pleine valeur. Nous sommes une industrie des aliments et des fibres. Nous désirons exploiter d’autres possibilités, et nos agriculteurs veulent en tirer le meilleur parti comme producteurs. Cette culture convient parfaitement à l’environnement canadien et à la rotation de la production agricole actuelle.
Nous sommes également heureux d’apprendre que le chanvre et tous ses dérivés seront probablement retirés de la liste des substances réglementées. C’est effectivement une difficulté pour nous que d’essayer de mettre au point des produits alimentaires à base de chanvre intéressant les mères, les personnes âgées et tous les autres, alors que c’est encore considéré comme une substance contrôlée. C’est donc un progrès important.
Nous avons encore des défis à relever pour bien faire la distinction entre le chanvre et la marijuana. Nous parlons d’éducation et de sensibilisation. C’est extrêmement important pour notre organisation. Nous avons beaucoup de travail à faire à cet égard. Nous ne voulons pas que se reproduise ce qui s’est passé en 1937, lorsque le chanvre a été mis dans le même sac que la marijuana en vertu de la Loi de la taxe sur la marijuana. Nous sommes désormais beaucoup mieux informés et nous pensons être sensibilisés au point où nous faisons les distinctions et sommes en mesure de saisir la valeur et de fournir les garanties nécessaires sans entraver ni réduire les possibilités dans le secteur de la production industrielle de chanvre. Nous avons encore du travail à faire à cet égard.
Il y a des questions qu’il faudra régler plus tard dans le projet de loi, notamment la culture de la marijuana à l’extérieur et son incidence sur l’industrie du chanvre. Notre industrie s’en inquiète et se demande ce qui pourrait en résulter, et il est clair que l’industrie de la marijuana a des préoccupations semblables. Ces discussions auront lieu plus tard.
Nous espérons avoir la possibilité de découvrir le plein potentiel de la plante du point de vue des cannabinoïdes et de leurs avantages pour la santé, trouver le moyen de les extraire et faire la recherche nécessaire pour développer les produits de façon sûre. C’est là que notre secteur et celui de la marijuana se chevauchent un peu. Ce n’est pas noir ou blanc. Il n’y a pas de ligne de démarcation claire entre les deux organisations. C’est pourquoi des entreprises de production de marijuana font l’acquisition d’entreprises de production de chanvre. Les cannabinoïdes sont présents dans les deux variétés.
Il y a là une occasion de développement. Notre objectif est de bâtir ce secteur d’activité. Nous représentons actuellement des recettes de 180 millions de dollars. Nous prévoyons que, d’ici 2023, compte tenu de la transformation de la réglementation, nous pourrons facilement atteindre le milliard de dollars, ce qui permettra au gouvernement d’exporter pour 75 milliards de dollars de produits agricoles, comme il l’envisage.
Le chanvre peut occuper une grande place dans notre avenir agricole et nous sommes impatients de voir adopter ce projet de loi, d’aller de l’avant et d’aider notre secteur à croître et à atteindre les objectifs dont nous le savons capable. Merci.
Le président : Merci beaucoup.
Rosy Mondin, directrice générale, Cannabis Trade Alliance of Canada : Merci beaucoup de m’accueillir aujourd’hui. C’est vraiment un honneur pour moi d’être ici. Je suis avocate de formation, avec un diplôme de premier cycle en criminologie et un certain penchant pour les politiques, alors je suis reconnaissante d’être ici et de pouvoir contribuer à l’élaboration de ce projet de loi.
J’ai été partisane de la légalisation pendant presque toute ma vie adulte. Je me suis fait une opinion durant mes études en criminologie. Connaissant des gens dans le domaine, je trouvais insensé qu’on puisse être criminalisé pour faire usage de ce produit, qu’il s’agisse d’en consommer, d’en posséder ou d’en cultiver.
En 2015, avant les élections, nous avons créé la Cannabis Trade Alliance of Canada, la CTAC, pour donner une voix aux gens qui cultivaient déjà en vertu du règlement sur l’accès à la marijuana à des fins médicinales et qui voulaient se convertir à l’activité commerciale annoncée par la légalisation.
Au Canada, c’étaient 40 000 personnes qui levaient la main pour dire : « Oui, j’aimerais pouvoir cultiver légalement du cannabis médicinal dans le cadre de ce régime. » Donc, 40 000 Canadiens, en comptant à partir de 2001, ont formé le premier groupe au monde à avoir jamais cultivé sur autorisation.
Lorsqu’on parle de marché illicite, ces gens-là font partie d’un marché sous-réglementé. Je dis « sous-réglementé » parce qu’ils ont bel et bien un permis d’exploitation, ne l’oublions pas. Ils cultivent pour leurs besoins personnels. S’il y a eu détournement de ce marché, malheureusement, c’est parce que Santé Canada n’a pas les ressources humaines ou matérielles pour assurer une surveillance adéquate du programme.
Ces gens n’ont rien d’effrayant. Ce sont vraiment des Canadiens moyens, des gens qui cherchent à arrondir les fins de mois, qui cultivent la plante parce qu’ils y trouvent quelque chose de thérapeutique. Ce n’est pas le crime organisé. Je peux en parler tantôt. Mise à part leur implication dans le secteur du cannabis, ce sont des citoyens canadiens respectueux des lois.
Nous avons décidé de nous prononcer en faveur d’une réglementation inclusive afin de permettre à ces cultivateurs de régulariser leur activité en adhérant au cadre légal, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour les produits qu’ils mettent au point.
Il faut comprendre que ce secteur d’activité compte beaucoup de cerveaux. Encore une fois, ce ne sont pas des criminels, hormis le fait qu’ils ont travaillé en dehors d’un cadre légal précis. Ce sont des gens qui ont des doctorats, des chercheurs, des techniciens, des agriculteurs, des généticiens, des chimistes de toutes les allégeances, de tous les milieux socioéconomiques et politiques qui prennent part à cette activité, que ce soit comme consommateurs, cultivateurs ou transformateurs.
La plupart de ces gens ne demandent pas mieux que d’obtenir un permis et une chance de contribuer. Ils veulent être capables de fournir un produit sûr et éprouvé et qu’il soit mis à la disposition des personnes ayant atteint la majorité.
Nous avons déjà de belles réalisations à notre actif. Nous n’avons pas de membres cotisants comme tels. Nous collaborons avec d’autres organismes pour formuler des recommandations stratégiques viables.
Nous avons trois documents d’orientation qui ont été présentés au Parlement. Nous avons soumis de nombreux mémoires et tenu des consultations avec tous les ordres de gouvernement. Nous avons été invités à témoigner devant le groupe de travail, qui nous mentionne trois fois dans son rapport, à notre grande fierté. Nous avons pris la parole devant le caucus des députés du Pacifique. Je viens de la Colombie-Britannique, où le secteur du cannabis est vigoureux et bien établi. Le ciel ne nous est pas tombé sur la tête pour autant; j’y reviendrai si vous voulez.
Nous avons aussi été appelés à constituer un groupe de travail parmi les nombreux cultivateurs et transformateurs de la Colombie-Britannique pour qu’il donne son avis sur les conséquences de la réglementation lors d’une rencontre avec des représentants de Santé Canada et du secrétariat de la Colombie-Britannique.
En plus de diriger la Cannabis Trade Alliance of Canada, je suis directrice générale de Quadron Cannatech Corporation. Nous concevons, fabriquons et fournissons de l’équipement automatisé d’extraction et de transformation de haute précision. Nous travaillons aussi avec des partenaires à mettre sur pied des installations de transformation de bout en bout, depuis l’extraction de l’huile de cannabis jusqu’à la création du produit à valeur ajoutée à la fin. Nous concevons et fournissons également des dispositifs d’inhalation. Actuellement, ce sont les stylos de vapotage. Je m’y connais donc un peu en extraction et je serai heureuse de répondre à vos questions à ce sujet.
Enfin, pour couronner le tout, je suis conseillère auprès de l’ACDCM, l’Association canadienne de dispensaires de cannabis médical.
Une chose qui m’a été signalée, c’est qu’il y a un groupe qui vient des États-Unis et qui se fait appeler SAM, pour Smart Approaches to Marijuana. C’est un groupe très militant et, en fait, le seul en Amérique du Nord qui adopte des positions anti-réforme en matière de légalisation. Beaucoup de ses positions vont à l’encontre des données probantes et des connaissances qui se font jour sur la consommation du cannabis. Ce n’est pas un groupe neutre et, quoi qu’il en dise, il n’a pas d’assise universitaire.
Lorsque j’ai su qu’il faisait circuler son document, j’ai pensé que c’était important. Comme je collabore avec l’industrie et que j’essaie d’être un intermédiaire entre elle et le gouvernement pour présenter de bonnes recommandations, nous avons voulu nous assurer que les sénateurs auraient devant eux une information probante bien équilibrée. J’ai donc mis sur pied un groupe intersectoriel canadien de premier plan, réunissant des chercheurs, des juristes, des experts de l’industrie, des universitaires et des fonctionnaires de la santé publique. En moins de trois semaines, nous avons rédigé une réponse, que vous avez devant vous, je crois, et qui s’appuie sur des données probantes pour que le Canada se donne un cadre juridique garant d’un marché sûr et légal.
Certains des témoins que vous avez entendus dans le passé ont fait allusion à ce rapport. Il y a six principaux sujets. Je ne tiens pas à entrer dans les détails, car mon temps est limité, mais il y a la consommation chez les jeunes, sur laquelle la légalisation ne semble guère avoir d’effet. Il y a aussi la conduite avec facultés affaiblies, qui relève du projet de loi C-46, dont vous n’êtes pas saisis, mais nous l’abordons quand même parce qu’il en est question dans le rapport de SAM, pour signaler que la conduite avec facultés affaiblies est en baisse au Colorado et dans l’État de Washington. Vous savez que la présence de THC n’est pas un indice de facultés affaiblies, car le THC peut rester longtemps dans l’organisme. C’est un problème qui préoccupe surtout les patients.
Hospitalisation et entrées en salle d’urgence. Avant 2013, il n’y avait pas d’admissions à l’urgence, probablement faute de signalements vu que c’était illégal; les gens avaient peur de se faire arrêter. L’ingestion accidentelle est négligeable dans le contexte de l’intoxication par d’autres produits ménagers que nous pouvons trouver. Le document aborde aussi la justice sociale, les taux de criminalité et la consommation d’opioïdes.
Le crime organisé n’est pas très présent. D’après des données recueillies par la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, 5 p. 100 des dossiers consultés relevaient en fait du crime organisé. Ce sont des Canadiens ordinaires qui s’adonnent au cannabis. Si vous retardez les produits ou la légalisation, certains iront sur le marché non réglementé, où il n’y a pas de protection pour les jeunes. Les jeunes continueront d’avoir accès aux produits. Établir un cadre qui permette l’identification, qui empêche les gens d’y avoir accès aisément, voilà pourquoi le statu quo n’est pas une option.
Les extraits et les concentrés, c’est vers cela que le marché s’oriente. N’hésitez pas à me poser des questions à ce sujet. J’ai des chiffres pour vous.
La puissance du produit; il n’y a pas que le THC qui entre en ligne de compte. La plante est très robuste. Beaucoup d’éléments agissent ensemble. Lorsqu’on parle d’extraits, la formule du produit et l’action conjuguée de tous les éléments sont bénéfiques sur le plan médical et aussi social, selon l’effet intoxicant qu’on recherche. Le vapotage peut avoir un effet plus puissant que l’ingestion, par exemple.
La culture à domicile devrait être autorisée. J’ai une infographie à ce sujet. Nous savons que l’ingestion n’est pas toxique.
Je pense qu’il vaut la peine de réfléchir à ceci : le cannabis est illégal depuis moins longtemps qu’il a été légal. C’est le 23 avril 1923 qu’on l’a déclaré illégal. Nous ne savons pas vraiment comment cela a pu arriver, mais pensez-y. C’était avant l’invention du compteur Geiger, avant l’invention de la télévision, du grille-pain, des aérosols et la découverte de la pénicilline. Notre culture a tellement évolué depuis qu’il vaut la peine d’y réfléchir.
Je m’en tiendrai à cela pour l’instant et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup. D’après le document que je vois ici, vous susciterez certainement beaucoup de questions.
Will Stewart, vice-président, Communications d’entreprise et affaires publiques, Hiku Brands : Je vous remercie, mesdames et messieurs, de m’accueillir aujourd’hui. Merci de cette invitation à prendre la parole sur le projet de loi C-45.
Je me présente : je suis vice-président de Hiku Brands, une entreprise fièrement canadienne et cotée en bourse au Canada. Nous avons une gamme de marques de cannabis soigneusement conservées et prêtes à subvenir aux besoins d’une communauté de consommateurs avertis ou simplement curieux.
Tokyo Smoke est notre marque de magasin, présente actuellement à cinq endroits. Nous sommes le seul producteur autorisé en activité aujourd’hui dans le commerce de détail. Bien sûr, nos boutiques ne vendent pas de cannabis parce que ce serait illégal. Ce sont des cafés qui servent de tremplin à nos initiatives communautaires et éducatives. Tokyo Smoke a remporté le prix convoité de la « marque de l’année » aux Canadian Cannabis Awards l’an dernier, même si on ne pouvait pas toucher au produit à ce moment-là.
Nous sommes particulièrement actifs dans des provinces où le secteur privé sera autorisé à vendre au détail. Nous avons obtenu un des quatre grands permis de la province du Manitoba, ce qui nous permettra d’y ouvrir de 9 à 16 magasins. Nous sommes en pleines démarches en Saskatchewan, en Alberta, en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve-et-Labrador. Nous projetons d’avoir entre 20 et 30 points de distribution au Canada d’ici la fin de l’année civile.
Hiku possède dans la vallée de l’Okanagan une plantation appelée DOJA, qui est entièrement autorisée par le Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales. On y met l’accent sur la santé, le bien-être et la vie en plein air qui font la renommée de la vallée de l’Okanagan. Nous avons aussi annoncé récemment une fusion avec WeedMD, une autre entreprise entièrement autorisée dans le Sud-Ouest de l’Ontario. Ensemble, après que nous aurons achevé en 2019 nos projets d’expansion déjà entièrement financés, nous serons en mesure de produire 56 000 kilogrammes de cannabis à partir de nos 4 installations.
Hiku est fière aussi de compter parmi ses marques la plus importante entreprise d’éducation et de produits du cannabis destinés aux femmes, Van der Pop, ainsi que la marque québécoise Maïtri.
Dernièrement, nous avons annoncé un investissement stratégique dans l’entreprise Oceanic, située à Terre-Neuve. Il s’agira d’une installation d’environ 15 000 pieds carrés pour commencer, ce qui nous permettra également d’ouvrir des surfaces de vente au détail dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador.
Toutes ces marques réunies constituent la première entreprise canadienne à pleine intégration verticale qui fonctionne à ce jour sous de multiples formes du commerce de détail.
J’ai eu la chance de travailler chez Hiku à construire l’entreprise et à mettre en œuvre ses projets destinés au marché des loisirs pour adultes.
J’aimerais aujourd’hui articuler mes propos autour de quelques sujets clés et répondre à vos questions si vous en avez.
Premièrement, il est important de préciser que la Loi sur le cannabis est une bonne mesure à nos yeux. Trop souvent dans ce domaine, vous devez entendre beaucoup de plaintes. Il est bon parfois de parler en bien d’une mesure législative. Nous trouvons que le projet de loi établit un juste équilibre initial entre la protection de la population canadienne, un souci bien légitime des décideurs au moment où notre pays veut mettre fin à la prohibition, et la participation du secteur privé à la création d’un secteur d’activité solide et durable.
Essentiellement, le projet de loi prévoit un modèle de production autorisée réglementé par le gouvernement fédéral, avec la liberté pour les provinces d’organiser comme elles l’entendent la vente au détail et, pour les municipalités, d’ajuster les plans au besoin dans leur propre champ de compétence.
Nous appuyons toutes ces initiatives. Nous appuyons aussi la disposition du projet de loi qui permet la culture à domicile. Nous ne croyons pas qu’elle devrait être interdite.
Deuxièmement, je veux parler brièvement d’un aspect du travail du Sénat qui oblige beaucoup de gens à veiller tard le soir. En termes simples, la question des délais est primordiale pour l’industrie, comme pour le capital de risque engagé par le secteur privé. Je ne dis pas cela pour critiquer le travail du Sénat. Au contraire, je vous encourage à terminer votre travail d’ici le 7 juin ou, à tout le moins, à faire rapport à temps pour le vote du 7 juin.
Je sais que bien des gens ont soulevé la question des délais. Vous l’avez sans doute entendue à maintes reprises. Tout ce qui peut retarder le projet de loi, que ce soit à dessein ou fortuitement, comme les vacances d’été, les consultations élargies, les forces de police, et cetera, tout cela risque de faire du tort à l’industrie et de réduire l’avantage de pionnier dont bénéficie le Canada dans ce secteur.
C’est un secteur qui en est à ses premiers balbutiements. Il ne fait aucun doute qu’il y a de nombreuses incertitudes, dont beaucoup autour de cette table. Le fait de hâter la légalisation aura toutefois deux effets immédiats qui profiteront à l’ensemble du Canada, qu’on soit ou non un consommateur de cannabis.
D’abord, la légalisation envoie le message que le Canada, au niveau fédéral, est ouvert aux affaires. Des entreprises canadiennes ont déjà commencé à s’étendre sur la scène internationale — vous l’avez entendu de la part du dernier groupe de témoins — et Hiku Brands aussi a commencé à le faire en investissant chez un producteur de cannabis légal en Jamaïque.
Le plus important peut-être à l’heure actuelle est de développer la propriété intellectuelle canadienne, depuis la recherche-développement jusqu’aux systèmes de culture et aux stratégies d’affaires. Le Canada peut être un chef de file et nous ne devrions pas céder ce terrain à d’autres pays qui progressent déjà avec différents types de régimes médicaux et récréatifs. Ce projet de loi nous offre la chance d’être les premiers à bouger, si nous ne la gaspillons pas.
La deuxième bonne raison d’aller de l’avant avec la légalisation est de commencer à réduire l’emprise du marché noir. Est-ce que le marché noir va disparaître du jour au lendemain? Bien sûr que non. Je ne connais personne qui tienne ce discours. Cependant, plus tôt nous agirons, plus tôt le marché noir commencera à décliner. Faire reculer le crime organisé, réduire la vulnérabilité des jeunes et encourager un régime légal du cannabis sont autant de très bonnes raisons d’aller de l’avant. Comme le sénateur Munson le disait dans le National Post, plus nous tarderons, plus longtemps le marché illégal restera ouvert.
Enfin, j’aimerais aborder quelques domaines où il y aurait lieu d’envisager des changements. Premièrement, nous croyons fermement que pour commencer à entamer sérieusement le marché noir du cannabis, le Canada et le gouvernement devraient légaliser des formes de cannabis qui ont déjà la faveur des consommateurs canadiens, c’est-à-dire qu’une réglementation des produits comestibles et des concentrés soit approuvée au moment de la légalisation comme pour le reste des produits. Je vous encourage à poser beaucoup de questions à Rosy à propos des produits extraits du cannabis et des stylos de vapotage. Elle est une véritable pionnière dans ce domaine et une mine de connaissances pour votre comité.
Le Canada compte de nombreux producteurs d’extraits et de concentrés de qualité, et des instances légales dans le monde entier, même dans des pays où ce n’est pas légal au niveau fédéral, sont parvenues à établir des cadres réglementaires dont le Canada peut certainement s’inspirer dans l’immédiat. Si la réduction du marché noir est au cœur de ce projet de loi, les stylos de vapotage et les produits comestibles doivent en faire partie dès le départ.
Deuxièmement, la banalisation des emballages, telle qu’elle est proposée dans le projet de règlement de Santé Canada, risque d’empêcher le secteur d’établir un marché légal qui fonctionne pleinement et qui puisse devenir une industrie mature capable d’éduquer et d’amener ses clients à faire des choix éclairés.
En insistant sur l’emballage neutre et en omettant d’inclure les produits comestibles et les extraits, on enlève au commerce légal des moyens de lutter à armes égales contre le marché noir. Il nous faut à tout le moins quelques-uns des atouts dont dispose le marché noir si nous voulons l’endiguer.
Je vous remercie de votre attention. Je suis prêt à répondre à vos questions. J’ai passé les 20 dernières années de ma carrière à graviter autour de la politique canadienne, y compris pendant un temps avec le sénateur Dean en politique ontarienne. C’est un honneur pour moi d’avoir pu m’adresser à vous aujourd’hui et j’ai hâte d’entendre vos questions et vos observations.
Le président : Avant de céder la parole à mes collègues, j’ai quelques questions. Je veux comprendre la différence entre la Cannabis Trade Alliance of Canada et le Conseil Cannabis Canada, qui faisait partie du groupe de témoins précédent. Je crois que vous avez dit que vous représentez également l’industrie, mais que vous n’avez pas de membres.
Mme Mondin : Nous travaillons surtout avec des gens qui cultivent le cannabis sous le régime du RAMFM, tandis que le Conseil Cannabis Canada représente les producteurs autorisés en vertu du RACFM.
Le président : Et vous n’avez pas de membres?
Mme Mondin : En fait de membres, nous avons des adeptes qui couvrent essentiellement nos déboursés. Je fais tout bénévolement pour la CTAC. Nous avons jugé qu’il était important de donner une voix à ceux qui veulent être inclus. Les autres parlent au nom des producteurs autorisés.
Le président : Très bien.
Nous avons discuté avec le dernier groupe de témoins de culture extérieure, et l’industrie a indiqué qu’elle ne voulait pas de culture extérieure à des fins commerciales. Cela touche-t-il votre industrie?
M. Green : Oui, et c’est assez important maintenant, compte tenu du problème qu’il y a à Washington avec les variétés de marijuana qui sont cultivées à l’extérieur. Le problème avec la marijuana, c’est qu’elle pollinise le chanvre industriel et vice versa. Les deux se contaminent mutuellement. Ce qui nous préoccupe dans le cas du chanvre industriel, c’est que nous avons travaillé fort pour stabiliser ces variétés afin de garantir qu’elles demeurent en deçà du seuil de 0,3 p. 100 de THC. Nous craignons que la contamination croisée ait une incidence sur notre matériel génétique, et nous empêche de stabiliser et de maintenir ces produits en deçà de ce seuil.
Nous espérons, si et quand la production extérieure de marijuana est autorisée, qu’une certaine protection sera mise en place, comme des mesures de distance ou quelque chose du genre, pour éviter la contamination croisée des deux variétés, qui toucherait ces deux industries.
Le président : Le projet de loi C-45 ne touche pas la culture extérieure que vous pratiquez?
M. Green : Non, pas pour l’instant.
Le président : D’accord.
La sénatrice Petitclerc : Merci à tous de vos exposés et merci d’être ici pour nous aider.
Ma première question s’adresse à M. Crawford. Vous en avez parlé un peu et j’aimerais que vous nous parliez de façon générale des répercussions du projet de loi C-45 sur les possibilités offertes par ce projet de loi dans votre domaine particulier, et peut-être de quelques difficultés qu’il entraîne. Vous avez mentionné certains problèmes de perception. J’aimerais en savoir un peu plus sur les possibilités et les…
M. Crawford : Il y a probablement deux ou trois aspects. L’un concerne simplement la validation du produit en soi, en ce sens qu’il ne s’agit pas d’une substance contrôlée. Les gens auront l’occasion de se renseigner afin de bien comprendre les bienfaits nutritionnels du chanvre industriel. C’est moins un problème dans le secteur des fibres parce que nous ne les consommons pas, mais du point de vue alimentaire, des idées fausses sont véhiculées, et c’est une occasion pour nous de nous mettre à l’abri de ce nuage des substances contrôlées. J’estime que c’est extrêmement important.
Je crois toutefois que l’élément le plus important du projet de loi concerne l’utilisation de la plante entière. C’est une plante à nulle autre pareille. Je travaille dans le domaine de l’agriculture depuis 45 ans au Canada. J’y étais lorsque le canola a été mis au point à partir de colza et de légumineuses, et toutes les industries ont évolué grâce à la recherche et au développement de produits. Je n’ai jamais rien vu de tel. Il s’agit d’une plante qui permet d’obtenir des aliments, des fibres, des aliments pour animaux et des produits de santé naturels. Nous tirons une valeur de la graine sous forme d’huile et de protéines, et nous pouvons construire à peu près n’importe quoi à partir de la fibre. C’est un produit remarquable.
L’aspect que nous n’avons pas bien étudié du tout, parce que c’est illégal, c’est la plante entière, y compris les feuilles et les fleurs. C’est là où résident les cannabinoïdes, le THC et le CBD. Les niveaux de THC sont toutefois très bas dans le chanvre. Nous sommes en mesure de produire une plante qui est propre à la consommation et nutritive. J’en donne à ma mère de 93 ans et elle se porte très bien. Elle aime son bon goût et la plante l’aide à garder sa vitalité. Nous n’en savons pas assez sur cette partie de la plante, mais maintenant, grâce à la possibilité d’utilisation de la plante entière, nous assisterons à une croissance fulgurante.
Tout cela est dans l’intérêt des agriculteurs canadiens, qui obtiennent actuellement de très bons rendements du chanvre comme produit agricole. Il est difficile à cultive — je ne parlerai pas de cet aspect —, mais il présente aussi d’énormes possibilités. Le canola est connu pour son huile et le blé pour ses protéines, mais le chanvre a de nombreuses applications différentes. Celles-ci sont toutefois demeurées inexploitées depuis plus de 60 ans parce qu’il était illégal de le cultiver. Pendant que toutes les autres cultures mûrissaient, que des variétés étaient développées et qu’il se faisait beaucoup de recherche sur le développement de produits, nous n’avons pas profité des mêmes possibilités. Nous sommes maintenant en mode rattrapage et nous prendrons un certain temps à reprendre le temps perdu. Bon nombre de gens vont toutefois agir rapidement et intelligemment.
Le problème réside dans le coût. Notre industrie est assez petite. Nous ne comptons pas un grand nombre de membres. Comme notre budget est très limité, nous n’avons pas les fonds requis pour la recherche, le développement de produits et l’éducation. Ce sont les trois aspects clés que nous allons continuer d’approfondir.
Ensuite, il s’agit simplement de créer les connaissances et d’ouvrir des portes. Le chanvre a besoin d’un seuil critique. Nous devons en arriver à un moment charnière où des grandes entreprises commenceront à utiliser comme ingrédients la fibre et les aliments tirés de nos produits. À l’heure actuelle, nous constituons encore un créneau. Nous sommes présents dans les marchés agricoles et dans des petits produits sur les tablettes. Manitoba Harvest, avec sa marque de chanvre frais, fait de très bonnes affaires. Un grand nombre de personnes ont un sac de graines de chanvre dans leur garde-manger. Nous savons donc que les gens l’aiment et l’utilisent, mais le produit offre tellement d’autres possibilités. Puisque son utilisation comme ingrédient en est une, nous devons développer davantage d’ingrédients à partir de produits dérivés du chanvre. Encore une fois, il faut faire plus de recherche.
Les défis consistent donc à trouver l’argent, les collaborateurs et les gens de l’industrie qui prendront un risque et investiront dans l’industrie du chanvre, mettre au point ces produits et travailler de concert avec les agriculteurs pour élargir le marché.
La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de vos exposés.
Ma question s’adresse à Mme Mondin. Votre organisation a déclaré qu’un système de suivi en bonne et due forme est essentiel à l’efficacité du régime canadien du cannabis à des fins récréatives. J’aimerais savoir, selon votre point de vue et votre expérience, en quoi le système de suivi aura une incidence différente sur le spectre des producteurs de marijuana, et comment le système peut-il empêcher le détournement vers le marché illicite? Avez-vous des renseignements sur l’état de fonctionnement du système de suivi du cannabis proposé par le gouvernement du Canada?
Mme Mondin : Nous recommandons effectivement un suivi du cannabis. Nous sommes en 2018, et la technologie nous permet de faire ce suivi. Il est donc possible de faire un audit vérifiable, de la graine à la vente, tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
Nous avons exercé des pressions et milité contre l’entreposage. La Colombie-Britannique a emprunté cette voie. Tout d’abord, c’est un produit périssable. Sous forme séchée, il n’a pas une longue durée de conservation, à la différence des huiles, mais l’on arrive ensuite aux produits ingérables. Encore une fois, la durée de conservation change.
Ce que nous constatons également avec l’entreposage, c’est qu’il fait également double emploi au chapitre du coût associé aux exigences à observer en matière de sécurité. À l’heure actuelle, les producteurs autorisés, les producteurs commerciaux, doivent posséder des installations assez sûres, et satisfaire à de très strictes exigences pour conserver leur licence. Il semble simplement très redondant de prendre ce qui a déjà été modélisé par des producteurs autorisés pour transférer le produit vers une autre installation qui doit aussi observer ses propres exigences de sécurité. Il faut aussi penser à la sécurité des personnes entrantes et sortantes parce que, bien sûr, dans le cadre du modèle des producteurs autorisés, il faut faire autoriser une personne sûre ou un responsable.
Je constate simplement qu’une grande partie de l’argent des contribuables consacré à la construction et à l’entretien de ces installations semble superflue. C’est pourquoi nous recommandons un suivi de la graine jusqu’à la vente. D’autres pays ont eu du succès à ce chapitre, notamment aux États-Unis — Washington, Colorado, Oregon. Le suivi de la graine à la vente se fait aussi avec d’autres produits, des produits agricoles, dans le cadre de la surveillance de cette chaîne d’approvisionnement. Ce serait selon moi un modèle très efficace pour le cannabis, et nous voyons d’autres administrations l’adopter. Cela semble logique. La technologie permet de le faire. Les entreprises existent, et d’excellentes entreprises canadiennes fournissent la technologie nécessaire. Nous devrions donc appuyer ces entreprises complémentaires qui soutiennent cette industrie.
Il ne faut pas oublier qu’il n’y a que 104 ou maintenant 106 producteurs autorisés au Canada. À mon avis, ce n’est pas vraiment une industrie, surtout quand on commence à peine à pouvoir profiter de services bancaires. Les avocats et les comptables commencent à s’intéresser à cette industrie. Comme toute autre industrie qui se nourrit de services complémentaires, celle-ci est en train de se développer. La gestion de la chaîne d’approvisionnement fait partie de ce développement, tout comme le transport. Le gouvernement serait très bien placé pour transporter le produit, là où il n’a pas nécessairement à l’entreposer. Il pourrait également être ouvert au secteur privé, mais c’est une option qu’il pourrait utiliser, en plus du suivi de la graine jusqu’à la vente.
La sénatrice Seidman : Avez-vous des renseignements sur l’état de fonctionnement du système de suivi du cannabis proposé par le gouvernement?
Mme Mondin : Non, pas de mémoire, mais je pourrais vérifier si vous voulez que je vous obtienne une réponse.
La sénatrice Seidman : Oui, ce serait bien si vous pouviez envoyer cela au comité.
Mme Mondin : Tout à fait.
La sénatrice Seidman : Puis-je vous poser une question sur un autre sujet dont votre organisation a déjà beaucoup parlé? Nous avons entendu des témoins de l’Alaska et du Colorado qui nous ont parlé des difficultés que pose l’étiquetage exact de la teneur en THC des produits du cannabis. Je sais que votre organisation a déjà parlé de cette question de façon générale, soulignant que les laboratoires utilisent tous des normes différentes en matière de tests ce qui, selon vous, cause de grandes difficultés aux entreprises ainsi qu’en matière de sécurité des produits. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, et savez-vous si le gouvernement fédéral a l’intention de normaliser ou de simplifier les tests à l’avenir?
Mme Mondin : Assurément. Nous savons qu’à l’avenir, par exemple, les tests de détection des pesticides vont sensiblement s’intensifier. L’on envisage de tester 119 pesticides différents. Il ne faut pas oublier non plus que bon nombre des pesticides utilisés sont de qualité alimentaire. Le problème, c’est qu’une fois que ces pesticides sont sur ce produit, qui finit par être chauffé et principalement fumé à l’heure actuelle parce que c’est surtout de la fleur séchée qui est vendue, les propriétés de ces pesticides se modifient et peuvent se transformer en traces de cyanure. C’est l’un des gros problèmes. Des tests devront être exigés.
Vous avez raison au sujet de la normalisation. À l’heure actuelle, pour la culture du cannabis, il n’y a même pas de monographie ou de pharmacopée faite au Canada pour normaliser la culture, encore moins pour normaliser le processus d’extraction. Encore une fois, pour instaurer les procédures d’utilisation normalisées qui s’imposent pour assurer le contrôle de la qualité, il faut savoir ce qui se passe tout au long du processus. Des représentants de l’industrie vont probablement se regrouper et établir ces normes. Cela devra probablement venir des représentants de l’industrie, puisque ce sont eux qui travaillent à ce produit. Aux États-Unis, un groupe appelé FOCUS a créé des normes touchant divers aspects de l’industrie. C’est assurément un aspect qui va se développer, mais il pourra être développé à mesure que nous procédons à la légalisation parce qu’il est, au risque de me répéter, très difficile d’essayer de faire cela dans un contexte d’illégalité — de créer ces normes, de les maîtriser et de peaufiner le produit.
Oui, il y a lieu de procéder ainsi, et cela se fera sans aucun doute, et c’est tant mieux.
[Français]
La sénatrice Mégie : Vous avez dit tantôt qu’il était temps que les cultivateurs du chanvre passent à la légalité. Dans l’historique, j’ai vu que cela a vraiment commencé en 1998, mais avant, qui cultivait le chanvre au Canada? Avant 1998?
[Traduction]
M. Crawford : En un mot, personne. Il n’était pas légal de le cultiver au Canada avant 1998, sauf jusqu’en 1937. Pendant environ 60 ans, il était complètement illégal de le cultiver. Il poussait librement dans les fossés, mais il n’y avait pas de production légale.
[Français]
La sénatrice Mégie : Est-ce qu’il était cultivé ailleurs dans un autre pays, ce qui fait que cela a donné l’idée à l’industrie de le faire?
[Traduction]
M. Crawford : La Loi sur les stupéfiants de 1961 interdisait essentiellement la production de chanvre n’importe où dans le monde. Les signataires de ce document s’étaient engagés à ne pas produire de chanvre, de sorte qu’il n’a pas été cultivé à grande échelle, si je peux m’exprimer ainsi.
Les agriculteurs sont très inventifs. Ils voient des possibilités et ils les saisissent. Ils ont reconnu que cette plante présentait des possibilités. C’est un petit groupe d’agriculteurs du Sud du Manitoba qui a fait bouger les choses, du moins au Canada, au début des années 1990, et qui a exercé des pressions sur le gouvernement et a essentiellement aidé à rédiger le Règlement sur le chanvre industriel, une plante qui est devenue légale en 1997.
Le Canada est, en fait, un chef de file dans le développement du chanvre comme culture agricole commerciale. Encore une fois, je considère que nous traçons la voie à suivre en ce qui concerne la légalisation du cannabis dans son ensemble.
[Français]
La sénatrice Mégie : D’accord, merci.
[Traduction]
Le sénateur Dean : Ma question s’adresse à Mme Mondin. Tout d’abord, je vous remercie de vos commentaires très utiles sur le rapport des Smart Approaches to Marijuana aux États-Unis, qui a été abondamment cité au Sénat et dans cette salle. Il ressemble à un cadeau du ciel pour les opposants à la réforme du cannabis.
Selon l’une des allégations « extrêmes » — si j’ose dire — des Smart Approaches to Marijuana, on peut établir un lien entre le cannabis et la crise des opioïdes. Nous avons entendu un témoin américain dans cette salle la semaine dernière dire que la légalisation du cannabis pourrait provoquer une crise des opioïdes, qui existe déjà ici, faut-il le rappeler. Par ailleurs, nous avons entendu dire que les surdoses et les décès liés aux opioïdes ont tendance à diminuer là où le cannabis est légalisé, et nous avons entendu dire que le cannabis peut faciliter le sevrage des opioïdes, autrement parfois décrits comme des drogues d’introduction inversée — le contraire exact du cannabis, décrit comme une drogue d’introduction. Qu’en pensez-vous?
Mme Mondin : Encore une fois, puisque je ne suis pas une spécialiste dans ce domaine, je vais m’en remettre aux renseignements fournis par ceux qui le sont pour m’aider à formuler cette réponse. D’après leurs données, tout bien considéré, le cannabis n’est pas une drogue d’introduction aux opioïdes. Comme vous l’avez mentionné, c’est plutôt l’inverse. À Vancouver, en fait, il y a une boutique itinérante de cannabis dans les secteurs où les opioïdes et le fentanyl font des ravages. Les organismes d’application de la loi sont favorables à cette cohabitation. Ils préfèrent consacrer leur temps, leurs efforts et leur énergie à la crise des opioïdes plutôt que de s’en prendre aux personnes qui possèdent du cannabis.
Rien ne permet de croire que les lois des États sur le cannabis ont contribué à l’augmentation de la consommation d’opioïdes. Nos analystes l’ont constaté. De plus, il n’y a pas aux États-Unis de préjudices connexes associés à l’augmentation de la consommation de cannabis, ce qui contraste avec le fait qu’il y a de plus en plus de données probantes selon lesquelles la légalisation du cannabis pourrait contribuer à une réduction des surdoses liées aux opioïdes en favorisant une substitution accrue du cannabis aux opioïdes.
Le sénateur Dean : Merci. Je remarque dans le document que vous dites que les Smart Approaches to Marijuana ne constituent pas une entité neutre ni une entité universitaire. Ce groupe adopte depuis longtemps des positions stratégiques qui vont à l’encontre des données empiriques et des nouvelles connaissances en provenance des États américains qui ont légalisé le cannabis. Il est reconnu pour son esprit fortement partisan et sa propension à induire le public et les législateurs en erreur. Pouvez-vous nous en parler?
Mme Mondin : J’ai parlé à des collègues aux États-Unis, et ils me disaient que ce groupe n’a plus beaucoup de poids parce que bon nombre de leurs revendications ont été contestées, réfutées et jugées complètement fausses. Ses membres choisissent l’information qui fait leur affaire. Ils s’appuient sur de vieilles données. Ils ne constituent plus une force à prendre en compte. C’est le seul groupe qui souscrit à ces solides opinions contre la légalisation.
Ils se présentent parfois à différents événements. Il y a eu une activité à Chicago où l’on avait annoncé leur présence, mais ils n’ont pas progressé. Ils entretiennent encore une bonne partie de la mythologie du cannabis — les craintes du genre « Reefer Madness ». C’est ce qu’ils propagent. L’on ne peut pas se fier à eux. D’après ce que m’ont dit mes collègues à qui je parle dans les États où le cannabis est légalisé et d’autres États où il est autorisé à des fins médicinales, ce groupe n’a pas beaucoup de poids.
C’est pourquoi j’ai trouvé préoccupant qu’ils viennent au Canada pour essayer d’influer sur notre politique. Nous avons besoin d’un cadre législatif canadien adapté à notre pays. Nous avons ici une solide industrie du cannabis. Beaucoup de gens travaillent dans cette industrie et nous voulons qu’ils réussissent la transition.
La situation aux États-Unis est très différente de celle du Canada. État par État, c’est très différent. Ils n’ont pas de politique nationale. Lorsqu’on examine les données selon lesquelles la consommation augmente ou que d’autres maux sociaux sont observés, il faut tenir compte de facteurs socioéconomiques, de facteurs raciaux et du fait que les États voisins n’ont pas légalisé le cannabis. Cela contribue au mouvement du cannabis et à certains des maux qui se manifestent parce que les gens passent d’un État à l’autre pour y avoir accès, le rapporter chez eux, le déplacer, le faire circuler et ainsi de suite. Ici, au Canada, le fait que nous procédions à l’échelle nationale rend le cadre et le paysage très différents.
Le sénateur Dean : Vous m’avez éclairé. Merci.
La sénatrice Poirier : Merci à vous tous d’être ici.
Ma question s’adresse à M. Stewart. J’aimerais citer un extrait d’un communiqué publié par votre entreprise en janvier dernier :
Hiku se concentre sur la production artisanale de cannabis, les expériences de vente au détail immersives et la création d’un portefeuille de marques de cannabis emblématiques et attrayantes.
Vous avez aussi parlé, et je l’ai lu sur votre site web, du produit Van der Pop, qui est décrit comme « l’une des marques de cannabis axées sur les femmes les plus reconnues en Amérique du Nord » avec du contenu en ligne sur votre site web. J’ai aussi vu qu’on disait que c’était conçu pour ressembler à un magazine féminin raffiné. J’ai trouvé des articles qui laissaient entendre qu’il était sans danger pour les femmes qui allaitent de consommer du cannabis, et un autre sur la façon dont le cannabis peut renforcer votre routine de beauté. Un autre suggérait que le cannabis peut guérir la gueule de bois.
Monsieur Stewart, en quoi la promotion d’une marque de cannabis attrayante s’inscrit-elle dans ce qui est autorisé dans le projet de loi C-45, en particulier pour la publicité de style de vie? De plus, ne craignez-vous pas que ce contenu destiné aux adultes sur Internet puisse être vu par les jeunes?
M. Stewart : Merci beaucoup de votre question. Premièrement, le communiqué et ces passages sont rédigés et diffusés à l’extérieur d’un régime légal de cannabis à usage récréatif, dont nous sommes ici pour discuter. Lorsque la légalisation aura eu lieu et que les règlements auront été adoptés, il va de soi que nous respecterons l’esprit et la lettre de toutes les lois et politiques adoptées par le gouvernement.
Van der Pop est une marque de cannabis centrée sur la femme, lancée par une mère de deux enfants de 40 ans qui consommait du cannabis. Elle trouvait que rien dans l’industrie du cannabis ne l’interpellait comme consommatrice. Elle cherchait une plateforme éducative pour renseigner d’autres femmes dans des situations semblables à la sienne sur la façon de consommer du cannabis de façon responsable tout en étant un bon parent. Ce mouvement vient des États-Unis, où on s’inquiète beaucoup de l’admission en preuve d’activités illégales dans les affaires de garde d’enfants et autres. Van der Pop se veut un espace sécuritaire où les femmes peuvent en apprendre un peu plus sur le cannabis et la façon dont il peut faire partie de leur vie.
Comme je suis un homme blanc d’une quarantaine d’années, je ne suis pas un expert du contenu qui se trouve du côté féminin de l’espace. Il serait malhonnête de ma part de me prononcer à savoir si ce contenu est efficace ou non, mais selon tous les paramètres des médias sociaux, il s’agit d’une façon responsable de communiquer de l’information relative au cannabis.
Pour répondre à votre question à savoir si les enfants peuvent voir cela, je suppose que les enfants peuvent voir n’importe quoi, de la pornographie à la violence, en passant par les cas extrêmes de consommation de cannabis, d’alcool et de cigarettes sur Internet. Si vous jetez un coup d’œil à notre site web et à nos différentes marques, vous constaterez qu’ils ne sont pas commercialisés à l’intention des enfants. Ils s’adressent aux femmes dans le cadre d’une plateforme éducative responsable.
La sénatrice Poirier : Trouvez-vous qu’il est approprié qu’un producteur de cannabis autorisé publie du contenu qui présente des allégations non prouvées en matière de santé au sujet du cannabis? L’un ou l’autre d’entre vous peut répondre.
M. Stewart : Je serai bref, parce que je remarque aussi que le temps file. Nous devons mettre l’accent sur les allégations relatives à la santé. Il y a une différence entre les allégations relatives à la santé et les effets du cannabis sur le corps humain, ainsi que les effets à prévoir de la consommation.
Je ne pense pas qu’une entreprise puisse faire sciemment des allégations non fondées en matière de santé. Ce n’est tout simplement pas la façon canadienne de faire les choses. De nombreux consommateurs ainsi que d’autres établissements ont toutefois fait la preuve des effets de différents types de cannabis sur l’organisme. Qu’elle soit aussi simple que les effets à prévoir ce des variétés sativa ou indica, ou que la différence de durée des effets entre les produits que l’on ingère et ceux que l’on inhale, il y a beaucoup d’information qui circule pour parler des effets à prévoir sans faire d’allégations relatives à la santé.
L’une des lacunes du projet de loi C-45, c’est qu’il ne nous permettra pas de discuter des effets avec les consommateurs potentiels. Si l’on ajoute à cela la question des emballages neutres, nous nous retrouvons dans une situation où nous menottons notre régime juridique de façon à ne pas pouvoir discuter des effets et des différences entre les marques et les produits. Cela nous empêche de concurrencer le marché noir. Il faut autoriser une certaine discussion sur les effets, sans tomber dans les allégations non fondées en matière de santé.
Mme Mondin : Je voulais rapidement signaler que sur le plan de l’image de marque — et je déteste faire des comparaisons avec l’alcool —, des gens auront accès à ce produit par l’entremise de points de vente au détail réglementés. Tout d’abord, nous allons interdire l’accès aux jeunes. Donc, pour ce qui est de l’image de marque, de l’étiquetage et de l’emballage, la tutelle des parents sera importante, tout comme pour les médicaments d’ordonnance, quand l’on vous dit où les conserver et les jeter. Les mêmes règles doivent s’appliquer au cannabis.
Nous abordons toutefois ce domaine avec tellement de craintes en raison de l’inconnu qui règne autour de ce produit. Pour quelqu’un comme moi, originaire de la Colombie-Britannique, où tout cela est en place depuis des décennies, je peux vous dire que ces craintes ont été dissipées en grande partie.
Les femmes qui se rendent au magasin pour acheter un produit ont tendance à se tourner vers une marque. Elles procèdent ainsi parce qu’elles savent que lorsqu’elles ouvriront, disons, cette bouteille de vin, elles obtiendront un produit constant chaque fois, et c’est pourquoi elles adoptent une certaine marque. Les circonstances dans lesquelles ce produit a vu le jour ou la question de savoir si le producteur cultive son propre produit ou s’il sait plutôt comment obtenir un excellent produit pour créer cette marque n’ont pas d’importance pour le consommateur. Ils veulent simplement de la constance; ils ouvrent l’emballage et savent que ce sera bon.
Tout cela est possible avec le cannabis. Nous pouvons présenter une image de marque qui n’est pas attrayante pour les enfants, mais qui est quand même reconnaissable pour les adultes. J’aime le vin J. Lohr, et je sais à quoi m’attendre de ce produit quand j’en achète. Je connais l’image de marque et la constance de ce produit. On peut dire la même chose du cannabis. Je ne sais pas si le fait d’avoir une image de marque trop restrictive permet de mettre fin à cette utilisation, parce que les gens se rendront dans ces points de vente au détail pour consommer. Ils doivent savoir ce qu’ils achètent, les composés de ce produit et les effets que sa consommation peut avoir sur eux.
Encore une fois, il ne s’agit pas seulement de THC. Il y a les profils de terpènes, d’autres cannabinoïdes. La culture va changer. Elle ne restera pas à l’intérieur dans des bâtiments de type bunker comme par le passé. C’est ainsi que les choses se passaient parce que c’était illégal. Il y a eu une ruée pour cultiver une plante à la plus haute teneur possible en THC, mais je pense qu’à l’avenir nous commencerons à examiner la solidité génétique, en commençant à la pépinière où sont maintenant cultivées des plantes avec une multitude de teneurs en cannabinoïdes.
Pour faire un parallèle avec l’industrie des parfums, tout commence par des produits botaniques et par l’extraction de leurs différents composés, leur mélange et leur formulation. Vous pouvez reformuler le cannabis à des fins médicinales ou en fonction des effets intoxicants que vous recherchez. Cela dépendra du producteur et de ce qu’il sera en mesure de créer et de développer sous cette marque.
Le président : D’accord. Félicitations pour votre bon goût en matière de vin.
Le sénateur Manning : Merci à nos témoins.
Monsieur Stewart, dans votre exposé, vous avez parlé de la possibilité d’une trentaine de magasins au Canada à court terme. Pourriez-vous nous en dire davantage sur les pourparlers avec les provinces au sujet de l’établissement des magasins? Est-ce différent dans chaque province? Y a-t-il des règlements différents? Les médias de ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, rapportent aujourd’hui que des questions ont été posées à l’Assemblée législative au sujet de la proximité des magasins pour les jeunes et ainsi de suite. Quel est le processus à l’échelle du pays. Pouvez-vous nous parler un peu de votre expérience à cet égard?
M. Stewart : Bien sûr. Merci beaucoup de votre question.
Je vais commencer par Terre-Neuve-et-Labrador. Nous avons choisi d’investir dans une installation de production là-bas. Je pense que nous sommes dans une ancienne usine de transformation du poisson, alors nous redonnons vie à cette usine. Cela nous permettra d’avoir quelques magasins à Terre-Neuve-et-Labrador. Nous prévoyons compter cinq magasins de détail à Terre-Neuve-et-Labrador à un moment donné, et vendre sur place à notre installation de production.
Pour ce qui est du Manitoba, qui est probablement la province la plus avancée à ce stade-ci, il y a eu un certain nombre de demandes, certains ont dit jusqu’à 200 demandes de permis de vente au détail dans le secteur privé. Pour ce qui est des permis-cadres au Manitoba, nous sommes l’une des quatre entreprises ayant obtenu un de ces permis-cadres avec nos magasins Tokyo Smoke. Nous prévoyons y créer de 9 à 16 magasins. J’entretiens de bons rapports avec les organismes de réglementation, et je reviendrai à Winnipeg la semaine prochaine afin de poursuivre notre discussion, partager les détails entourant la conception de nos magasins, et ainsi de suite.
En Saskatchewan, la loterie se poursuit. Nous avons également présenté des demandes dans cette province.
En Alberta, nous avons présenté une demande pour établir des magasins à Calgary et nous attendons qu’Edmonton lance son processus, qui sera également une loterie.
En Colombie-Britannique, ils ont aussi commencé à légiférer. Cependant, il est interdit aux producteurs autorisés d’avoir des magasins en Colombie-Britannique. Il reste à savoir si nous allons exploiter nos comptoirs de Tokyo Smoke en Colombie-Britannique, mais nous travaillons de façon proactive avec les organismes de réglementation de cette province.
En Ontario, nous avons soumis un certain nombre d’unités de gestion des stocks d’une série de nos marques ainsi que des articles de marque pour que la Société ontarienne du cannabis les offre dans ses magasins.
Nous continuerons d’exploiter nos cinq ou six cafés au pays à titre de magasins ambassadeurs de la marque, où nous pouvons opérer sans vendre de cannabis.
Le sénateur Manning : Merci.
Madame Mondin, comme je viens de Terre-Neuve-et-Labrador, on m’accuse souvent de parler vite, mais votre exposé a été encore plus rapide, alors pardonnez-moi si je fais erreur sur ce que vous avez dit.
Nous avons été bombardés dans les derniers mois par une quantité extraordinaire d’information, comme vous pouvez le comprendre, de la part de personnes des deux camps. La consommation chez les jeunes est une grande préoccupation. Dans votre réponse, vous citez des chiffres à cet égard. Du point de vue de l’ensemble de la consommation chez les jeunes, quelles sont les statistiques justifiant ce que vous nous avez dit, par rapport à ce que d’autres nous ont dit. Plusieurs personnes nous ont fait part de leurs préoccupations au sujet de l’âge minimal. Il est question de 18 ans dans le projet de loi, et il a été suggéré de porter cet âge minimal à 21 ou 25 ans afin de tenir compte du développement du cerveau et ainsi de suite. Je veux vous donner l’occasion de préciser ce que vous en savez, car, en ma qualité de sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, c’est l’une de mes plus grandes préoccupations.
Mme Mondin : En ce qui concerne le mandat de la légalisation, il est en trois principaux volets. Il y a d’abord le mandat en matière de santé publique de fournir un produit sûr et éprouvé, de le garder hors de la portée des jeunes et de s’attaquer au marché noir.
Grâce à la légalisation, nous aurons un produit sûr et éprouvé, et il sera plus difficile pour les jeunes d’avoir accès à ce produit. Les jeunes vont toujours faire des expériences. Ils vont trouver un frère, une sœur ou un cousin plus âgé et prêt à acheter le produit pour eux ou ils vont trouver des façons de l’obtenir. Ils le font déjà avec l’alcool. Je n’encourage aucune utilisation. En fin de compte, s’ils trouvent un moyen de s’en procurer, et ils le trouveront probablement, nous leur compliquerons la tâche en les obligeant à présenter une pièce d’identité. C’est un facteur dissuasif en soi. S’ils réussissent à mettre la main sur le produit, nous savons au moins qu’ils l’obtiendront grâce à un approvisionnement légal, qu’il a été testé correctement et qu’il s’agit d’un produit sûr.
Nous savons aussi, d’après ce que nous a dit le Dr Mark Ware, que c’est vers l’âge de 13 ou 14 ans que le cerveau est le plus vulnérable, mais cette vulnérabilité diminue sensiblement par la suite. À 21 ans, vous êtes un adulte. Vous pouvez conduire à 16 ans, et vous pouvez vous ruiner financièrement en contractant, par exemple, des prêts qui peuvent avoir d’importantes répercussions sur votre avenir. Lorsque nous entendons des experts dire qu’il est raisonnable de fixer l’âge minimal à 18 ou 19 ans, cela vaut pour l’alcool et d’autres produits, et cela correspond à ce que les jeunes sont autorisés à faire à cet âge, comme contracter des prêts, obtenir du financement, se marier, avoir des enfants, avoir accès à des produits, et ainsi de suite.
Je repense à l’époque où j’étais jeune, en particulier aux années d’université, où tout tourne autour de la consommation d’alcool. Tous les étudiants veulent sortir, s’amuser et prendre un verre. Si j’avais pu, même à l’âge de 18 ou 19 ans, avoir accès à une boisson de cannabis qui ne contient pas d’alcool, j’aurais probablement opté pour cette boisson. Cette option changera la vie de beaucoup de gens à l’université. L’on ne prend pas de décisions stupides quand on consomme du cannabis comme on le ferait avec l’alcool.
D’après les données dont nous disposons, par suite des travaux de nos chercheurs, il n’y aura pas ou il y aura peu d’effet sur la consommation chez les jeunes en général. Ils vont continuer d’expérimenter, mais comme ils devront présenter des cartes d’identité, cela restreindra sensiblement leur accès.
Le président : Il nous reste peu de temps. Encore quelques brèves réponses, après quoi nous lèverons la séance.
M. Stewart : Je pense qu’un âge minimal fixé à 18 ou 19 ans, comme pour l’alcool, constitue la bonne approche à adopter pour ce projet de loi. Je crois comprendre que des preuves médicales suggèrent autre chose. Je ne suis pas médecin, mais j’ai passé beaucoup de temps dans les affaires publiques et la politique dans ma vie, et j’ai souvent été forcé de faire de tels choix difficiles. Comme décideurs publics, il faut faire un choix qui reflète la réalité sans tenir compte de tel rapport médical au détriment de tel autre. L’harmonisation de l’âge minimal avec celui qui a été fixé pour l’alcool, le droit de vote ou le service militaire constitue un bon choix selon moi.
M. Green : J’aimerais faire un commentaire pour faire suite à la question qui a été posée tout à l’heure au sujet du chanvre industriel, à savoir si des restrictions touchent la culture à l’extérieur. À l’heure actuelle, ce n’est pas le cas, et en vertu du projet de loi C-45, il n’y en aura pas, mais nous sommes limités à l’utilisation de la plante entière, à la collecte de toutes les feuilles et des matières de la plante entière. Nous aimerions qu’un mécanisme nous permette de faire en sorte que le Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales englobe ces matières. Nous sommes limités par l’utilisation de la plante entière. Je tenais à le souligner.
Mme Mondin : J’aimerais ajouter rapidement quelque chose à ce que je viens de dire. Dans le document que nous avons sous les yeux, il est précisé qu’environ 2 p. 100 des jeunes qui consomment du cannabis le font d’une façon qui peut poser problème. J’ai bien dit 2 p. 100. C’est ce que constatent nos chercheurs. Je me répète, mais nous devons faire très attention de ne pas élaborer de politiques qui mettent trop l’accent sur des cas particuliers. Nous devons évidemment tenir compte de tout le monde, et non seulement des 2 p. 100 qui posent problème.
Le président : Sur ce, je vous remercie tous les quatre. Vos observations nous ont été très utiles. Je vous remercie de votre présence.
Chers membres du comité, la séance est levée, mais nous reprendrons à 10 h 30 demain matin.
(La séance est levée.)