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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 22

Le mardi 28 mai 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 28 mai 1996
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Visiteurs de marque

Délégation de parlementaires cubains

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'une délégation de la République de Cuba, dirigée par M. Luis Ignacio Gomes Gutiérrez, ministre de l'Éducation, et accompagnée de Son Excellence l'ambassadeur de Cuba.

Soyez les bienvenus au Sénat.

Des voix: Bravo!

[Français]

L'honorable Jacques Hébert: Honorables sénateurs, en janvier 1995, j'ai eu la joie de présider une première délégation de parlementaires canadiens à Cuba, une délégation formée de représentants de presque tous les partis politiques, ce qui m'a donné l'occasion de mieux connaître et d'apprécier un de mes collègues d'en face, l'excellent sénateur Normand Grimard. Il faudrait multiplier ce genre de voyage.

À l'intention des journalistes qui, généralement, se pressent dans la galerie, je voudrais souligner, quitte à en décevoir quelques-uns, que chacun des membres de cette délégation historique avait personnellement payé ses frais de voyage.

[Traduction]

Au cours de cette visite, nous avons eu de longues réunions productives avec de nombreux ministres cubains et même un entretien qui a duré plus de trois heures avec le président Fidel Castro. Bien que le président canadien du Groupe d'amitié parlementaire Canada-Cuba soit un simple sénateur, son homologue cubain est un ministre, et pas n'importe lequel.M. Luis Ignacio Gomes Gutiérrez, le ministre de l'Éducation, est un des ministres les plus importants du pays. Les honorables sénateurs savent peut-être que, depuis que Fidel Castro y a pris le pouvoir, l'éducation est une priorité dans ce pays.

C'est pour moi un grand honneur que de saluer M. Luis Gomes à l'occasion de sa visite, de même que ses deux collègues députés, MM. Antonio de La Llera Herrera et Sergio Pastrana Valera.

[Français]

Nos amis de la presse ont tendance à critiquer ces échanges de parlementaires, qu'ils jugent inutiles et coûteux. Ce qui n'est certainement pas le cas en ce qui concerne le Groupe d'amitié parlementaire Canada-Cuba! Ils ne parlent jamais des résultats tangibles qui en découlent presque toujours. Et pourtant, à la suite de la courte semaine de notre délégation à Cuba, bien des choses sont arrivées qui, sans doute, pourraient peut-être déplaire à nos amis américains - sait-on jamais - dont les législateurs ne cessent d'imaginer de nouvelles manières d'écraser le peuple cubain, à coup d'embargos insensés et de lois empiriques, pour ne pas dire impérialistes. Bravant les menaces de la loi Helms-Burton, des hommes d'affaires canadiens ont négocié des ententes qui seront bénéfiques tant pour Cuba que pour le Canada. Par exemple, grâce à l'initiative d'un membre de notre délégation, le député Stan Dromisky, des médicaments dont les Cubains avaient le plus urgent besoin ont été envoyés à Cuba, de même que des conteneurs remplis de livres qui aideront les jeunes Cubains à apprendre... oui, l'anglais !

[Traduction]

Si je puis me permettre un témoignage plus personnel, c'est grâce à ce voyage et grâce surtout à la grande sensibilité culturelle du ministre Luis Gomes, qui est actuellement parmi nous à la tribune, que j'ai pu signer un premier protocole d'entente concernant un échange de jeunes entre le Canada et Cuba au nom de Jeunesse Canada Monde, qui, à Cuba, s'appelle Juventud Canada Mundo.

[Français]

Pour la deuxième année consécutive, des jeunes Canadiens de 17 à 20 ans, venant de toutes les régions du Canada, et des jeunes Cubains du même âge vivront un programme de sept mois, dont la moitié se déroulera quelque part en Saskatchewan et l'autre moitié dans la merveilleuse île de Cuba.

[Traduction]

Je tiens à exprimer à l'avance mes remerciements à mesdames et messieurs les représentants de la presse qui en prendront note.

En terminant, je tiens à dire à nos amis cubains une chose qu'ils savent déjà, à savoir que l'amitié entre nos deux pays, malgré d'énormes pressions de la part des États-Unis, demeure inébranlable.

[Français]

L'honorable Normand Grimard: Honorables sénateurs, au risque que notre association d'amitié Canada-Cuba en soit une d'admiration mutuelle, je veux m'associer à mon ami, le sénateur Jacques Hébert, dans ses mots de bienvenue aux délégués cubains de notre Groupe d'amitié parlementaire Canada-Cuba. De 110 000 kilomètres carrés, soit un peu plus d'une fois et demie la dimension du Nouveau-Brunswick, Cuba consacre les deux tiers de ses terres cultivables à la production de la canne à sucre.

Moi qui adore les cigares, je croyais que Cuba, qui a une réputation mondiale en ce qui concerne la fabrication des cigares, n'avait pas d'autre industrie aussi prospère que celle-là. J'ai compris en parlant avec mes amis cubains que même si cette industrie apporte beaucoup de profits, ils sont de beaucoup inférieurs à ceux de la production de la canne à sucre. De cette denrée, je parle de la canne à sucre et non des cigares, Cuba a fait une industrie exportatrice. Les plantations sucrières ont même accru leur superficie de terres cultivables depuis 1975. Pour cette île, la plus grande de l'archipel des Antilles, diversifier son économie signifie en premier lieu trouver ailleurs les biens et les pièces de rechange que les États-Unis, avec leur blocus, refusent de leur vendre depuis 1960.

Deuxièmement, de nouveaux marchés sont à découvrir pour elle. Actuellement, comme en a parlé tout à l'heure le sénateur Hébert, la loi Helms-Burton, adoptée en mars dernier, expose les hommes d'affaires canadiens à des sanctions et à des refoulements aux frontières des États-Unis si leurs filiales maintenues à Cuba utilisent les propriétés expropriées aux anti-castristes. Ces représailles américaines visent à sévir contre la chasse cubaine qui, le 24 février dernier, a abattu deux avions légers américains au large des côtes de Cuba.

[Traduction]

Le Toronto Star, dans son éditorial du 1er mars 1996, résume très bien la position, peut-être unanime, des Canadiens:

L'obsession que les Américains éprouvent à l'égard de Cuba peut nous paraître un peu amusante, à nous les Canadiens, mais évidemment pas aux Cubains. Cette semaine, cependant, les Américains ont dépassé les bornes au point où le monde entier estime que cela suffit.

[Français]

Pour des milliers de touristes canadiens, Cuba est une destination sans cesse appréciée par ceux des nôtres, en nombre toujours plus élevé, qui désirent secouer la déprime de l'hiver. Rien de mieux alors que son soleil et ses plages!

[Traduction]

J'ai eu l'occasion l'année dernière d'apprécier personnellement l'excellence de l'hospitalité cubaine lorsque notre délégation canadienne a visité Cuba. Par-dessus tout, je me rappelle vivement l'entretien que nous avons eu durant plus de deux heures avec le chef d'État, Fidel Castro, au palais présidentiel.

[Français]

À nos amis cubains, nous réservons la politesse de les initier à notre tour aux fibres, aux coutumes, aux mets et à la générosité de notre beau et grand pays.

[Traduction]

Le Service de sécurité du Sénat

Dépôt du livre commémorant son 75e anniversaire

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, j'ai le grand plaisir de déposer un livre qui commémore le75e anniversaire du Service de sécurité du Sénat.

En compagnie de certains de mes distingués collègues, j'ai eu l'honneur d'assister ce matin à une cérémonie spéciale où l'on a présenté un livre unique marquant le 75e anniversaire du service. À cette occasion, on a également remis des médailles pour contribution exemplaire à des membres du personnel qui ont servi le Sénat avec dévouement pendant 15 années.

Le livre est un précieux document qui fera beaucoup pour inspirer un sentiment de fierté chez les employés du Service de sécurité et pour stimuler leur moral. Ce livre est le fruit des efforts de nombreux employés du service, qui ont bénéficié de la collaboration efficace d'employés dévoués du Sénat. Trois d'entre eux, André Reny, Frank Foran et Eric Dzuba, ont sacrifié leur temps libre et utilisé leur propre matériel pour réviser et assembler ce livre. Je suis très fier d'être associé à un projet si méritoire et surtout aux personnes qui ont permis sa réalisation.

[Français]

La justice

L'enquête sur la vente des avions Airbus à Air Canada

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, j'aimerais poursuivre maintenant la lecture de l'éditorial paru hier dans le journal La Presse sous la signature de Pierre Gravel intitulé: «Odieux et mesquin». L'éditorial, comme vous avez pu le constater, honorables sénateurs, porte sur la guérilla judiciaire dans laquelle le gouvernement libéral s'est engagé et embourbé suite à la position de ce gouvernement libéral dans l'affaire de l'Airbus et sur la participation, d'après le gouvernement libéral, de l'ex-premier ministre Mulroney dans ce scandale qui aurait rapporté, d'après les ministres, beaucoup de millions à des lobbyistes et surtout à ce grand premier ministre qu'a été Brian Mulroney.

Je poursuis ma lecture de l'éditorial. Je peux vous assurer que Pierre Gravel, le signataire de cet éditorial, n'est pas détenteur d'une carte de membre du Parti progressiste-conservateur du Canada.

 

  • (1420)
Depuis que cette bavure a été rendue publique et queM. Mulroney a intenté des procédures contre la GRC et le fédéral, les avocats du gouvernement n'ont pas cessé de multiplier les requêtes et les contestations pour retarder le moment de plaider sur le fond. On a d'abord commencé par faire tout un tintouin sur l'origine de la fuite qui a amenéM. Mulroney à dénoncer le traitement dont il a été l'objet.

On a ensuite exigé des précisions sur l'état de ses finances personnelles et sur sa vie professionnelle pour montrer qu'il n'a pas raison de se plaindre d'avoir été traité comme un criminel avant même d'être accusé de quoi que ce soit. Après avoir encore gagné du temps avec un interrogatoire «avant-défense» destiné à aider le gouvernement à préparer sa riposte, on a finalement demandé de reporter toute la cause jusqu'en janvier prochain, ou plus tard, soi-disant pour permettre aux enquêteurs d'achever leur travail. Le juge ayant trouvé déraisonnable cette nouvelle requête, on s'est empressé d'en appeler pour éviter de devoir se défendre, maintenant, contre ces accusations.

Comme si le fait, théoriquement toujours possible, qu'il puisse être un jour jugé coupable atténuait la gravité de l'atteinte à sa réputation, alors qu'il devait être présumé innocent.

Je conclus ma lecture de l'éditorial de Pierre Gravel:

Comme tout autre citoyen, M. Mulroney a droit à une justice pleine et entière rendue dans des délais raisonnables. C'est ce droit que viole présentement Ottawa en adoptant ce comportement odieux qui donne à penser que le gouvernement libéral actuel est incapable de bonne foi et de dignité quand il s'agit de salir un adversaire politique.

[Traduction]

Le Programme d'échange de pages avec la Chambre des communes

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je voudrais vous présenter deux pages de la Chambre des communes qui sont présents aujourd'hui.

[Français]

J'aimerais vous présenter Mélissa Borris, qui vient de l'Orignal, en Ontario. Elle poursuit ses études à l'Université d'Ottawa. Elle est inscrite à la faculté des arts et sa spécialisation est l'histoire. Bienvenue au Sénat, Mélissa.

[Traduction]

J'aimerais également vous présenter Kristi Kenyon, de Coquitlam, en Colombie-Britannique. Elle fait des études à l'école de journalisme de l'Université Carleton. Je suis sûr qu'un jour, elle viendra suivre les débats de la tribune.

Bienvenue au Sénat.


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi sur le programme de protection des témoins

Rapport du comité

L'honorable Sharon Carstairs, présidente du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le mardi 28 mai 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

 

SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-13, Loi instaurant un programme de protection pour certaines personnes dans le cadre de certaines enquêtes ou poursuites, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 30 avril 1996, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec l'amendement suivant:

Page 4, paragraphe 9(1): supprimer les lignes 24 et 25 et remplacer par ce qui suit:

«protection d'un bénéficiaire dans les cas où il est démontré que:»

Respectueusement soumis,

La présidente,
SHARON CARSTAIRS

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Milne, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi canadienne sur les droits de la personne

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable Sharon Carstairs, présidente du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le mardi 28 mai 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

 

HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, a, conformément à l'ordre de renvoi dujeudi 16 mai 1996, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,
SHARON CARSTAIRS

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand le projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Losier-Cool, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'ajournement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à demain, mercredi 29 mai 1996, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi d'exécution du budget de 1996

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 6 mars 1996, qu'elles prient le Sénat d'accepter.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

(Sur la motion du sénateur Graham, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dujeudi 30 mai 1996.)

[Français]

L'Union interparlementaire

La Quatre-vingt-quinzième conférence tenue à Istanbul, en Turquie- Dépôt du rapport

L'honorable Peter Bosa: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport du Groupe canadien de l'Union interparlementaire qui a participé à la 95e Conférence interparlementaire tenue à Istanbul, en Turquie, du 13 au21 avril 1996.

[Traduction]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Avis de motion portant autorisation au comité d'engager du personnel

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le mercredi 29 mai 1996, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur de projets de loi et les prévisions budgétaires qui lui ont été déférés; et

Que le comité soit autorisé à se déplacer à travers le Canada et à l'étranger aux fins de tels examens.

Les pêches

Avis d'interpellation concernant l'impact sur la Colombie-Britannique du plan de pêche au saumon du ministre Mifflin

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, je donne avis que jeudi prochain, le 30 mai 1996, j'attirerai l'attention du Sénat sur l'absence d'études d'impact entreprises par le gouvernement du Canada sur les conséquences du plan de pêche au saumon du ministre Mifflin sur les communautés côtières de la Colombie- Britannique, qui craignent pour leur existence si on les prive de leurs flottes de pêche résidentes.
  • (1430)

L'Union interparlementaire

La quatre-vingt-quinziême Conférence interparlementaire tenue à Istanbul, en Turquie-Avis d'interpellation

L'honorable Peter Bosa: Honorables sénateurs, je donne avis que jeudi prochain, le 30 mai 1996, j'attirerai l'attention du Sénat sur la 95e Conférence interparlementaire tenue à Istanbul, en Turquie, du 13 au 21 avril 1996.

PÉRIODE DES QUESTIONS

La taxe sur les produits et services

L'harmonisation avec les taxes de vente provinciales-Le coût du recrutement des autres provinces-La position du gouvernement

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, je voudrais revenir sur une observation que mon collègue, le sénateur Forrestall a faite hier lorsqu'il a dit que l'harmonisation de la taxe en Nouvelle-Écosse constituait une énorme ponction fiscale.

Honorables sénateurs, je sais que la ministre doit accorder ses violons parce qu'elle est ministre et qu'elle est un bon joueur d'équipe. Quoi qu'il en soit, je veux revenir sur la question des recettes fiscales supérieures que la Nouvelle-Écosse récoltera en vertu d'une assiette fiscale élargie. Le ministère des Finances de la Nouvelle-Écosse n'a pu donner aux citoyens de cette province l'assurance que les économies leur seront transférées. Aucune étude en ce sens n'a été fournie et aucune ne vient corroborer cela.

Dans cette optique, le gouvernement a-t-il fait des études afin de déterminer les répercussions qu'aurait l'harmonisation sur les autres provinces qui pourraient demander d'y souscrire? Si de pareilles études ont été réalisées, a-t-on déterminé ce que coûtera l'adhésion de nouvelles provinces au plan d'harmonisation? Si ces coûts ont été déterminés, le gouvernement pourrait-il les fournir à la Chambre haute?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, tout ce que je puis répondre à cette question, c'est ce que j'ai dit à maintes occasions, à savoir que le programme d'harmonisation aidera les consommateurs et les petites entreprises.

Comme j'ai essayé de l'expliquer hier, l'expérience de la TPS et de la taxe à la valeur ajoutée dans d'autres pays a eu des répercussions positives sur les prix. Dans les provinces de l'Atlantique, il n'y aura plus de taxes qui s'accumuleront les unes sur les autres dans le cadre du régime fiscal provincial. On estime que l'harmonisation apportera des économies très importantes pour les consommateurs, économies qui résulteront d'une baisse des prix.

Le sénateur Lynch-Staunton: Avez-vous des données de ce genre concernant le Québec? Je n'en ai pas encore vu.

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, la ministre parle de prix. Je veux attirer son attention sur un exemple de prix particulier - il doit y en avoir de nombreux autres - qui inquiète les contribuables de la Nouvelle-Écosse. Je veux parler

de la facture d'électricité qui est censée augmenter. Ce sont là les données du ministère des Finances de la Nouvelle-Écosse. Les augmentations de la facture d'électricité seront de l'ordre de 10,21 à 15 p. 100. Ces prix auront de grandes répercussions sur les contribuables de la Nouvelle-Écosse qui ne sont pas aussi fortunés que nous le souhaiterions. Cela aura, notamment, un effet préjudiciable sur les personnes très pauvres de la province.

La ministre peut-elle dire ce que ces personnes devraient faire lorsqu'elles découvriront que les prix de choses essentielles comme celles-là subiront des hausses de cet ordre?

L'harmonisation avec les taxes de vente provinciales- L'impact sur le coût des articles de première nécessité pour les consommateurs-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je voudrais reprendre là où le sénateur Comeau s'est arrêté aujourd'hui et où je me suis arrêté hier, soit la question de l'harmonisation de la taxe en Nouvelle-Écosse. On peut dire que nous le faisons non seulement parce que c'est un problème qui concerne la Nouvelle-Écosse, mais encore parce que c'est un problème qui concerne le pays tout entier.

En réponse à ma question d'hier, madame le leader du gouvernement au Sénat a déclaré que le fait que cette nouvelle taxe harmonisée comportera un transfert de 50 p. 100 des économies des entreprises aux consommateurs est fondé historiquement «non pas sur de vagues suppositions, mais sur la pratique et le rendement réels».

Si la ministre consultait le rapport financier ministériel de la province, elle trouverait à la page 7 une section intitulée «Principales hypothèses pour l'analyse de l'impact». L'une de ces hypothèses est que les entreprises faisant des économies les transmettront à leurs clients.

Étant donné que le ministère des Finances de la Nouvelle-Écosse considère cet élément du nouveau régime de la taxe comme une hypothèse, madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire sur quels renseignements elle s'est fondée pour garantir que les économies seront transmises aux consommateurs pour des articles de première nécessité comme les vêtements, le mazout de chauffage, l'essence, et cetera?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai jamais dit que ni moi ni aucun autre ministre pouvait donner cette assurance. Ce que j'ai dit, c'est que l'expérience des pays ayant ce genre de taxe montre, et cela comprend le Canada, que plus de 50 p. 100 des économies sont transmises aux consommateurs sous forme de prix réduits. C'est ce qu'a révélé une étude réalisée par Statistique Canada pour le compte de l'ancien ministère de la Consommation et des Affaires commerciales peu après l'entrée en vigueur de la TPS. Cette étude montre qu'en un an, les entreprises ont transmis aux consommateurs presque toutes les économies réalisées par suite du remplacement de la TVF par la TPS. Ce sont les faits sur lesquels on se fonde pour parler des résultats de l'harmonisation de la taxe dans la province du sénateur.

Honorables sénateurs, je ne peux pas donner de garantie au sénateur et je n'en ai jamais dit que je pouvais le faire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Excellents arguments en faveur de la TPS.

Le sénateur Doody: Où étiez-vous quand nous avions besoin de vous?

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, il est intéressant que la taxe sur le carburant ait augmenté, et que cette hausse soit transmise aux automobilistes de la Nouvelle-Écosse.

La plupart des Canadiens savent que pour convaincre les trois provinces de l'Atlantique d'adhérer au plan d'harmonisation, le gouvernement a dû les attirer avec un leurre d'un milliard de dollars, un milliard de dollars de l'argent durement gagné des contribuables canadiens. Cette compensation était-elle assortie de conditions - par exemple, l'assurance que les économies seraient transmises aux consommateurs au lieu du sombre tableau que nous avons maintenant en Nouvelle-Écosse?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je ne suis au courant d'aucune condition à laquelle serait assujettie l'harmonisation. Comme cela a été dit dès le début, le programme de compensation est tout à fait transparent et la compensation serait offerte à toute province répondant aux critères et aux lignes directrices applicables. Cela a été annoncé le premier jour où le programme a été rendu public.

Les travaux du Sénat

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Pourquoi, hier, le Sénat a-t-il siégé à 14 heures et pas plus tard puisqu'il a été dit et redit à la Chambre que les sénateurs de la Colombie-Britannique ne peuvent pas être ici aussi tôt, même si leurs avions jouissent de vents très favorables et sont très ponctuels?

Les sénateurs de la Colombie-Britannique et d'autres régions ont demandé à maintes reprises que, le lundi, le Sénat commence sa séance à 16 heures, à 18 heures, à 20 heures ou plus tard pour leur permettre d'arriver. Je crois savoir que le Président, qui vient aussi de l'Ouest, a parfois invoqué le même argument. Pourtant, nous nous voyons régulièrement exclus des travaux du Sénat parce les séances commencent avant que nous ne puissions être présents. J'aimerais savoir pourquoi il arrive si souvent que l'on ne tienne pas compte de nos griefs à ce sujet.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai cru comprendre que l'heure de séance avait été fixée par accord entre les représentants des deux partis. Cependant, je tiens à assurer à l'honorable sénateur que je prends sa plainte au sérieux et que mon collègue, le leader adjoint du gouvernement au Sénat, fait de même. Je ne sais trop combien de fois cela s'est produit...

  • (1440)
Le sénateur Carney: Tout le temps.

Le sénateur Fairbairn: Tout le temps? C'est donc de toute évidence une question dont les deux partis devraient discuter. Il y aura probablement de temps à autre des exceptions inévitables, mais je conviens que nous devrions faire un effort pour les sénateurs qui doivent parcourir de longues distances pour venir au Sénat.

L'honorable Raymond J. Perrault: Les honorables sénateurs auront peut-être remarqué que je ne suis pas toujours d'accord avec l'honorable Pat Carney, autre sénateur de la Colombie- Britannique, mais elle soulève là une plainte justifiée que j'ai moi-même faite à quelques reprises. Il est inimaginable qu'il règne au Sénat une telle incompréhension au sujet du temps qu'il nous faut pour parcourir la distance entre nos provinces respectives et Ottawa. Rien ne nous empêche d'agréer à cette requête.

La défense nationale

L'impact de l'incident en Somalie sur la communauté somalienne au Canada-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: J'ai deux questions à poser au leader du gouvernement au Sénat. Chaque soir, les bulletins de nouvelles sont remplis de reportages concernant l'enquête sur les événements de Somalie. Nous entendons parler régulièrement de la destruction possible de dossiers au ministère de la Défense nationale, et les allégations de camouflage à divers niveaux fusent de toutes parts. L'enquête s'est éloignée temporairement des atrocités commises par le régime aéroporté. Cependant, en voyant ce qui se passe chaque jour au ministère de la Défense nationale, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser aux images frappantes qui ont conduit à cette enquête.

Tout cela a eu un effet profond sur la communauté somalienne au Canada. Quelles mesures le gouvernement a-t-il prises ou quels programmes a-t-il mis sur pied pour favoriser la guérison au sein de la communauté somalienne au Canada? Le gouvernement prévoit-il organiser une rencontre entre les membres des Forces armées canadiennes et les leaders de la communauté somalienne au Canada pour promouvoir une meilleure compréhension du peuple somalien au ministère de la Défense nationale?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux pas répondre à la question de mon collègue. Je vais cependant faire les démarches nécessaires pour voir si des activités sont prévues à cet égard.

L'enquête se poursuit. Le gouvernement espère qu'elle permettra de faire la lumière sur les événements très troublants - pour employer ce terme même s'il n'est pas assez fort - qui se sont produits en Somalie. En attendant, je me renseignerai, au nom de mon collègue, pour voir si d'autres activités communautaires sont en cours ou sont prévues.

Les affaires étrangères

L'impact environnemental des actes de la société pétrolière Shell au Nigeria-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma seconde question porte sur le Nigeria. De récentes émissions d'information ont montré très clairement le rôle joué par la société pétrolière Shell dans l'exploitation de la population du Nigeria et de l'environnement de ce magnifique pays d'Afrique.

Suite aux actes de la compagnie pétrolière au Nigeria, madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire si le gouvernement canadien a officiellement protesté auprès des dirigeants de Shell Canada? Deuxièmement, est-ce que le gouvernement a révisé sa politique d'achat de produits pétroliers pour s'assurer qu'il n'en achète aucun à cette société pétrolière?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je m'informerai au sujet de cette question de l'honorable sénateur.

La justice

L'enquête concernant la vente d'avions Airbus à Air Canada-Les dates et la conduite des entrevues effectuées par la GRC-La position du gouvernement

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, selon un article publié dans le Toronto Star du 25 mai 1996, la GRC a déclaré avoir débuté l'enquête concernant les avions Airbus à la mi-janvier 1995 et que ce fait a été révélé dans les documents qu'elle a déposés dans un procès civil qui se déroule actuellement au Québec. D'après le même article, la GRC prétend avoir interviewé 90 personnes dans au moins six pays et n'avoir trouvé aucune preuve que M. Mulroney ait reçu des pots-de-vin.

Ma question au leader du gouvernement au Sénat est la suivante: ces entrevues ont-elles eu lieu avant la publication de la lettre du 3 octobre 1995, ou après la publication de cette lettre par le Financial Post?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, mon collègue sait bien qu'un tribunal de Montréal est actuellement saisi de l'affaire. Comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises au Sénat, la GRC s'est chargée de cette enquête qui se poursuit. Je ne puis communiquer de détails à l'honorable sénateur à ce sujet.

Le sénateur Tkachuk: Nous sommes confrontés à un problème plus grave: un procès civil est certes en instance au Québec, mais le comportement de la Gendarmerie royale du Canada, la police fédérale, pose un problème. À mon sens, elle devrait normalement posséder des preuves avant d'aller aux quatre coins du monde poser des questions au sujet de citoyens canadiens ou est-ce la pratique du gouvernement actuel d'autoriser la GRC à interroger des citoyens dans d'autres pays au sujet des activités criminelles de Canadiens sans posséder aucune preuve au préalable? Je pose la question. Elle n'a rien à voir avec le procès civil, mais c'est plutôt une question d'intérêt public.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je donne en partie raison à mon collègue, mais sa question concerne une enquête en cours de la GRC. Je ne connais pas les mécanismes internes de l'enquête et mes collègues ne les connaissent pas davantage. Les enquêtes de ce genre sont effectuées par la GRC et je ne peux les commenter.

Le sénateur Tkachuk: L'enjeu de cette affaire est très important pour moi-même comme pour tous les honorables sénateurs parce que nous sommes des citoyens canadiens. Je voudrais savoir comment la GRC se comporte. Elle peut faire enquête sur des questions de nature criminelle, mais elle ne peut pas se rendre à l'étranger et mettre en cause des citoyens canadiens sans avoir de preuves au préalable.

C'est une question d'intérêt public et il y a peut-être abus de pouvoirs en l'espèce. Je pèserai donc bien mes mots: si la police agit de façon diffamatoire contre des citoyens en les accusant d'activité criminelle, elle commet elle-même un acte criminel.

Le sénateur Berntson: Un acte criminel qui se continue.

Le sénateur Tkachuk: Je voudrais savoir si madame le leader du gouvernement au Sénat entend soumettre la question au Cabinet et peut-être même faire enquête au sujet de Mme Prost, du ministre de la Justice lui-même et de la GRC qui auraient commis un acte criminel contre des citoyens canadiens, ce qu'ils ne sont pas autorisés à faire. Le gouvernement l'ignore peut-être, mais des fonctionnaires du ministère de la Justice ne peuvent pas écrire des lettres au sujet du sénateur Tkachuk ou du sénateur Graham et les accuser d'avoir commis des actes criminels. Nous ne pouvons pas approuver l'envoi de ces lettres à des fonctionnaires d'un gouvernement étranger en disant que c'est régulier du moment que c'est secret. Honorables sénateurs, ce n'est pas régulier, car les fonctionnaires du gouvernement étranger qui reçoivent cette information la traitent comme une information publique.

La situation est plus grave qu'on ne le croit. Il est possible qu'un acte criminel ait été commis au sein même du ministère de la Justice, et je ne le dis pas à la légère. Le ministre nie toute responsabilité, mais il ne peut le faire en l'espèce. Il s'agit d'une question d'intérêt public et non pas simplement de procès civil.

[Français]

L'enquête sur la vente des avions Airbus à Air Canada- L'étendue des connaissances des représentants du gouvernement-Demande de renseignements

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je vais poser la question que mon collègue n'a pas posée.

Le leader du gouvernement ne peut pas s'en sortir ainsi. Vous ne pouvez pas nous dire aujourd'hui que parce que c'est une enquête policière, votre gouvernement, vos collègues et vous-même n'êtes pas au courant des détails de cette enquête. Votre gouvernement, le ministre de la Justice et le solliciteur général sont très au fait de l'évolution quotidienne de cette enquête et ce, depuis le tout début. L'honorable leader du gouvernement au Sénat est au courant de cette enquête. Pouvez-vous en partager les détails?

[Traduction]

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne suis pas au courant de ce qui arrive au jour le jour dans cette affaire, et c'est normal. Cependant, je peux garantir aux deux honorables sénateurs que je ferai part de leurs remarques à mes collègues.

Mon honorable collègue croit qu'il y a chaque jour des faits nouveaux auxquels les ministres ne sont pas étrangers. Je ne suis pas au courant de ça et ne puis faire de commentaires. Néanmoins, je ferai part à mes collègues des remarques et des préoccupations de tous les honorables sénateurs au sujet de cette question.

[Français]

L'enquête sur la vente des avions Airbus à Air Canada- Provenance des instructions aux avocats du solliciteur général-Demande de renseignements

L'honrorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, admettons que les avocats qui travaillent pour la Gendarmerie royale du Canada reçoivent leurs instructions du commissaire de la Gendarmerie royale du Canada. Les avocats qui travaillent pour votre gouvernement au ministère de la Justice et à celui du Solliciteur général, et ceux du secteur privé dont on a retenu les services dans ce dossier, reçoivent leurs instructions d'un supérieur. Qui est-il?

[Traduction]

Le sénateur Fairbairn: Comme je l'ai déjà dit à mon honorable collègue, honorables sénateurs, je ne puis répondre à cette question. Cependant, je ferai part de ses remarques à mes collègues.

L'enquête sur la vente d'avions Airbus à Air Canada-La communauté d'intérêts du gouvernement et de la GRC-La position du gouvernement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, le problème, c'est que le gouvernement tente de maintenir que l'enquête de la GRC n'engage absolument pas sa responsabilité. Je trouve incroyable que, dans une société démocratique, on permette à un service de police qui relève du gouvernement fédéral de se comporter comme il l'a fait sans avoir à rendre compte de ses actes devant les autorités civiles.

Je comprends pourquoi l'enquête de la GRC embarrasse le gouvernement. Tous les jours, des faits nouveaux montrent que ce corps policier fait fausse route et qu'il s'est lancé dans une chasse aux sorcières qui va le mettre dans une position grotesque et embarrassante, politiquement.

Si le gouvernement n'a rien à dire au sujet de l'enquête de la GRC, pourquoi alors se joint-il à elle pour demander à la Cour supérieure de reporter le procès civil jusqu'à la fin de l'enquête? Si le gouvernement n'a rien à dire au sujet de l'enquête, pourquoi ne laisse-t-il pas la GRC se défendre toute seule devant la Cour supérieure, au lieu d'unir ses forces à celles de la GRC pour plaider la cause ensemble?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nous avons discuté de ces questions en long et en large il y a environ une semaine. Je croyais avoir expliqué clairement que le gouvernement était représenté par un avocat devant le tribunal à Montréal parce qu'il était défendeur dans un procès.

La GRC a présenté le compte rendu de ses activités à ce tribunal sur les conseils de son chef, qui a prévenu que le déroulement de ce procès allait nuire à l'enquête en cours. Le tribunal a pris une décision et le déroulement du procès à Montréal se continue.

Je ne peux rien dire de plus à mon collègue sur la situation. La justice suit son cours à Montréal. Évidemment, le tribunal en question a tranché en ce qui concerne les événements de la semaine dernière. Voilà où nous en sommes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui, la justice suit son cours, en dépit des efforts communs du gouvernement du Canada et de la Gendarmerie royale d'arrêter les procédures.

D'un côté, le gouvernement et la GRC réunis demandent aux tribunaux de retarder les audiences, de façon à permettre à l'enquête de se poursuivre. D'un autre côté, dans cette Chambre, on nous dit que le gouvernement n'a rien à voir avec l'enquête et, pour paraphraser le leader du gouvernement au Sénat, qu'il n'a rien à dire là-dedans.

Laissez-moi essayer au moins une autre fois, honorables sénateurs. Si le gouvernement n'a rien à dire dans cette enquête, comment se fait-il qu'il ait approuvé l'envoi, aux autorités suisses, d'une lettre sur papier à en-tête du ministère de la Justice, signée par une avocate principale du ministère de la Justice, dans laquelle un certain nombre de citoyens canadiens sont accusés d'avoir participé à des activités criminelles? Si ce n'est pas sanctionner une enquête, qu'est-ce que c'est?

Cette lettre n'a pas été envoyée sur du papier à en-tête de la GRC. Elle n'a pas été transmise par un agent de la GRC aux autorités suisses, où qu'elles soient en Suisse. Elle a été envoyée sur du papier à en-tête du ministère de la Justice, signée par une avocate principale du ministère de la Justice et, grâce au gouvernement du Canada, elle a été transmise à un autre gouvernement. On nous demande maintenant de croire que le gouvernement n'a rien à dire dans l'enquête, alors qu'en réalité, il l'a encouragée en sanctionnant cette lettre et en utilisant sa propre autorité pour s'assurer qu'elle arrive au bon endroit.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je me contenterai de répéter qu'il y a une procédure pour transmettre les requêtes à d'autres gouvernements, qui existe depuis pas mal de temps. Il n'y a pas de participation des ministres pour sanctionner, ni connaissance de l'enquête ou du contenu de la lettre.

Mon collègue n'est peut-être pas d'accord avec la procédure, il ne croit peut-être pas les ministres, mais je réponds simplement à la question à la Chambre.

[Français]

L'enquête sur la vente des avions Airbus à Air Canada- La responsabilité des représentants du gouvernement- La position du gouvernement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, spécifiquement suite à la réponse que vous venez de nous donner, la médecine qui s'applique à M. Mulroney devrait également s'appliquer à votre premier ministre.

Dans votre lettre au gouvernement suisse, vous dites textuellement que le premier ministre du Canada a tous les pouvoirs, qu'il peut congédier des ministres qui ne sont pas d'accord avec lui. Aujourd'hui, vous nous dites qu'aucun ministre dans votre gouvernement, et encore moins le premier ministre, n'était au courant de cette lettre. Cela n'a aucun sens. Qui est responsable dans votre gouvernement?

[Traduction]

Est-ce que je pourrais avoir une réponse à ma question?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais lire la question du sénateur. Franchement, je n'arrive pas à comprendre à quoi il veut en venir.

Le sénateur Nolin: Au sujet de la lettre adressée au gouvernement suisse, madame le leader a dit qu'à l'époque, le premier ministre d'alors, M. Brian Mulroney, était tout-puissant, qu'il avait le pouvoir de répudier le ministre. Ce qui est bon pour M. Mulroney devrait l'être aussi pour M. Chrétien. Est-ce lui qui dirige le gouvernement? Nous nous sommes fait dire que personne dans le gouvernement n'avait eu quoi que ce soit à voir avec cette lettre et que personne n'était au courant. Qui dirige le gouvernement?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, mon collègue sait pertinemment que l'enquête est dirigée par le commissaire de la GRC et qu'elle continue de l'être.

L'enquête sur la vente d'avions Airbus à Air Canada-La protection des droits de la personne des citoyens-La position du gouvernement

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, comme je n'ai pas eu de réponse à ma question, j'aimerais en poser une plus simple. J'ai du mal à comprendre comment fonctionne ce gouvernement. Qui, dans ce pays, protège les citoyens contre les abus de pouvoir de la police?
  • (1500)
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les lois de ce pays protègent les citoyens de ce pays.

Le sénateur Tkachuk: Madame le leader veut-elle dire que si un policier abuse de ses pouvoirs et se livre, par exemple, à des voies de faits, la victime doit en saisir les tribunaux et qu'il n'y a personne à qui elle peut rapporter la chose? Il faut qu'elle en saisisse les tribunaux?

La ministre ne fera-t-elle absolument rien pour enquêter sur cet abus de pouvoir? N'y a-t-il personne dans ce pays pour faire cela?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, nous avons dans ce pays une tradition de droit et de justice, et il n'appartient à aucun ministre d'usurper le droit de faire respecter cette tradition. Ce droit appartient aux tribunaux.

Le sénateur Tkachuk: C'est une tradition pour le gouvernement libéral. Lorsque la police au Québec avait décidé de brûler quelques granges parce qu'il y avait un parti politique qu'elle n'aimait pas, le ministre de la Justice a dit qu'il ne pouvait pas s'en mêler, que ce serait de l'obstruction et qu'il n'y avait qu'à la laisser violer la loi. C'est exactement ce qui se passe ici. La police a violé la loi et a agi sans aucune preuve de la commission d'un acte criminel.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette de devoir vous interrompre, mais la période des questions est maintenant terminée.

Réponses différées à des questions orales

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse à une question que l'honorable sénateur Robertson a posée au Sénat, le 19 mars 1996, au sujet du programme national de garderies, et la réponse à une question que l'honorable sénateur Kinsella a posée au Sénat, le 21 mars 1996, concernant la Fondation canadienne des relations raciales.

Le programme national de garderies

La divergence entre les déclarations des ministres fédéral et provinciaux-La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable BrendaM. Robertson le 19 mars 1996)

Le gouvernement du Canada reconnaît que les services de garde sont importants pour les enfants et qu'en outre ils permettent aux parents de participer au marché du travail. Cela comporte des avantages pour l'économie dans son ensemble.

Cependant, la garde d'enfants est de compétence provinciale, et toute mesure fédérale prise dans ce domaine doit être précédée de consultations avec les autorités provinciales.

Le ministre Young s'est entretenu avec la plupart de ces homologues provinciaux et territoriaux pour discuter de cette question, mais il n'a pas encore terminé ses consultations. Il a d'ailleurs rencontré son homologue du Nouveau-Brunswick le 9 février 1996.

Plusieurs provinces, dont le Nouveau-Brunswick, ont souligné la nécessité de mettre en place de nouveaux arrangements fédéraux-provinciaux-territoriaux en matière de garde d'enfants, dans le but de respecter les efforts visant à préciser les rôles et les responsabilités respectifs des deux paliers de gouvernement dans ce domaine et d'éliminer le chevauchement et le dédoublement.

Pour atteindre cet objectif, le ministre du Développement des ressources humaines a déclaré que le gouvernement du Canada s'est engagé à élaborer une politique convenable en matière de garde d'enfants et ce, en étroite collaboration avec les provinces et les territoires.

Les droits de la personne

La création de la Fondation canadienne des relations raciales-Demande de mise à jour

(Réponse à la question posée par l'honorable NoëlA. Kinsella le 21 mars 1996)

La mise sur pied de la Fondation canadienne des relations raciales constitue un engagement important du livre rouge. En 1994, l'intention arrêtée du gouvernement d'établir la fondation était exprimée tant dans le Discours du Trône que dans le Budget.

La Fondation constituera un centre national d'information pour tous les niveaux de gouvernement, les organismes communautaires, les universitaires et le grand public, afin de favoriser la compréhension du racisme dans la société canadienne et d'élaborer des manières efficaces de le contrer. La Fondation jouera un rôle essentiel, car elle abordera certains des problèmes de notre société d'aujourd'hui: la montée du racisme et de la discrimination; l'intolérance à l'égard de la diversité culturelle et religieuse; la prolifération des groupes haineux organisés; et la perpétuation des crimes haineux et des activités motivées par le racisme.

Le gouvernement a travaillé assidûment à la création de la Fondation canadienne des relations raciales et le processus sera bientôt terminé.


Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:

L'honorable Sharon Carstairs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, propose:

Que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger à15 h 30 demain, le mercredi 29 mai 1996, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, le leader adjoint du gouvernement pourrait-il nous expliquer plus clairement comment se déroulera la journée de demain? Il y aura une sanction royale et Son Excellence lui-même sera présent. Nous ne voudrions pas qu'un comité de cette Chambre siège à ce moment-là.

Le leader adjoint du gouvernement pourrait-il nous informer quant à l'heure de la sanction royale?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Selon mes informations, Son Excellence le Gouverneur général du Canada sera présent pour la sanction royale vers 15 h 30 demain après-midi. On suppose que le comité devra s'ajourner pour revenir à la Chambre à ce moment-là.

Le sénateur Kinsella: Merci de cette information.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Troisième lecture-ajournement du débat

L'honorable Pierre De Bané propose: Que le projet deloi C-7, Loi constituant le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et modifiant ou abrogeant certaines lois, soit lu une troisième fois.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour traiter du projet de loi C-7, qui en est à sa troisième lecture. Je félicite le gouvernement d'examiner enfin ce projet de loi, qui existe depuis un an et demi. Je le félicite également de continuer de réduire la taille de l'administration publique, comme le gouvernement conservateur précédent avait commencé à le faire. Le gouvernement conservateur a établi le programme que continue de poursuivre le gouvernement actuel - un gouvernement conservateur à qui il ne manque que le nom.

Bien que j'approuve beaucoup de choses dans ce projet de loi, je constate que, tant à l'autre endroit qu'au comité sénatorial permanent des finances nationales, on a fait fi de certaines préoccupations.

Le milieu des experts-conseils est vivement préoccupé. L'Institut royal d'architecture du Canada, l'Association canadienne du droit de l'environnement, le Conseil canadien des techniciens et technologues, l'Association des ingénieurs- conseils du Canada et l'Association canadienne des entreprises de géomatique ont exprimé de graves préoccupations. Pourquoi ces associations, qui font constamment affaire avec Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, ont-elles de sérieuses réserves? Pourquoi veulent-elles que le projet de loi soit amendé? Pourquoi ont-elles assisté aux audiences du comité sénatorial permanent des finances nationales et proposé à l'unanimité des amendements à ce projet de loi?

Après avoir entendu ces groupes pendant deux semaines, ainsi que la ministre Diane Marleau et le sous-ministre, il était évident qu'il s'agissait tout simplement d'une question de confiance.

Je sais par expérience que TPSGC veut effectuer des travaux pour le compte des ministères et des organismes fédéraux et qu'il adore concurrencer directement les sociétés privées d'experts-conseils et retirer au secteur privé les rares honoraires des experts-conseils en effectuant lui-même les travaux pour le compte du gouvernement. La ministre et le sous-ministre en ont d'ailleurs expliqué les raisons.

Avec la rationalisation en cours au sein du gouvernement fédéral et la rationalisation radicale dans les entreprises de consultation du secteur privé, on peut craindre à juste titre que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux cherche à tirer son épingle du jeu en faisant faire à l'interne plutôt qu'au secteur privé, histoire de mieux justifier son existence et sa taille.

Le ministère des Travaux publics envoie maintenant du courrier électronique à d'autres organismes gouvernementaux pour annoncer ses produits. Il laisse entendre qu'il fera une plus belle besogne que le secteur privé. Je ne crois que ce soit de nature à donner confiance dans le secteur public.

La ministre dit qu'elle partage nos sentiments mais qu'il nous faut avoir confiance dans le gouvernement, que le gouvernement ne va pas nous induire en erreur, qu'il ne va pas laisser le ministère des Travaux publics faire la pluie et le beau temps. Or, le bilan du gouvernement n'a pas de quoi nous inspirer confiance. Sans amendements, le projet de loi va plutôt dans le sens contraire. La mesure législative confère au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le pouvoir d'agir comme bon lui semble. Le projet de loi autorise le gouvernement à entrer en concurrence directe avec le secteur privé chaque fois que ça lui chante, et ce, à l'échelle tant nationale qu'internationale. Comment ose-t-il parler de «confiance» après cela? La ministre, tant à l'autre endroit que devant le comité des finances nationales, a écouté poliment les préoccupations exprimées par les associations de consultants et, tant à l'autre endroit qu'ici, a refusé d'accepter quelque amendement que ce soit pour bâtir cette confiance. Pourquoi? Encore une fois, la ministre et le sous-ministre ont affirmé qu'ils mettraient au point un protocole d'entente, mais ils ont refusé à maintes et maintes reprises de se réunir pour élaborer ce protocole d'entente tant que le projet de loi n'aura pas été adopté. Pourquoi? Est-ce que cela bâtit la confiance? Je ne pense pas. Cela permet-il de croire que les associations devraient avoir confiance dans le gouvernement? Absolument pas!

  • (1510)
Honorables sénateurs, voici les faits. On s'occupe enfin de faire adopter le projet de loi C-7 qui a été présenté il y a un an et demi. Le projet de loi C-7 contribue à réduire la taille du gouvernement en suivant le programme d'action établi par le gouvernement conservateur précédent sous le premier ministre Brian Mulroney. La ministre, Diane Marleau, et le sous-ministre ont écouté poliment les diverses associations de consultants et ont refusé à maintes reprises d'amender le projet de loi. La ministre et le sous-ministre n'ont cessé de répéter: «Faites-nous confiance; faites confiance au gouvernement.» Les associations n'ont cessé de réclamer des amendements au projet de loi, même si la ministre leur disait constamment de lui faire confiance. Malgré ce que disait la ministre, les associations de consultants ne la croient pas sur parole, car l'histoire a prouvé qu'il ne fallait pas le faire.

Bref, Travaux publics fera exactement ce qu'il veut, il prendra son temps pour choisir les projets, même au détriment du secteur privé. «Faites-nous confiance», malgré le fait que Travaux publics se sert du courrier électronique pour offrir ses services en faisant concurrence au secteur privé. «Faites-nous confiance», malgré le fait que Travaux publics a refusé de se réunir pour élaborer un protocole d'entente avant l'adoption du projet de loi.

Honorables sénateurs, je crois savoir qu'aucun protocole d'entente ne pourra résister au test judiciaire. Le projet de loi établit lui-même le précédent. Il donne clairement à Travaux publics le pouvoir de faire directement concurrence au secteur privé, à l'échelle nationale aussi bien qu'internationale. Et cela est censé bâtir la confiance?

Honorables sénateurs, il n'y a qu'une façon de rebâtir cette confiance entre Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et le secteur privé: amender le projet de loi à la satisfaction des associations de consultants. Ce n'est que sur cette base qu'on pourra commencer à rebâtir la confiance.

(Sur la motion du sénateur Cochrane, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur l'assurance-emploi

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Forest, portant deuxième lecture du projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi.

L'honorable Orville H. Phillips: Honorables sénateurs, lorsque j'ai pris la parole au Sénat le 14 mai 1996, j'ai soutenu, de manière assez efficace, il m'a semblé, que le projet deloi C-28 était une mesure punitive. Aujourd'hui, je vais tenter de soutenir avec la même efficacité que le projet de loi C-12 est une mesure catastrophique qui sème le désespoir. Je pourrais également soutenir que c'est une mesure punitive, car elle occasionnera beaucoup d'ennuis aux travailleurs saisonniers. Il y a dans le projet de loi des pages et des pages de sanctions.

Au cours de la dernière campagne électorale, les libéraux ont promis de créer des emplois et de réduire le déficit. Voyons brièvement tout d'abord la création d'emplois. J'ai commencé mes recherches en demandant des chiffres à Statistique Canada. Selon les premiers chiffres qu'on m'a donnés, pas un seul emploi à temps plein n'a été créé au Canada dans les six premiers mois de 1995, mais il y a eu 29 000 nouveaux emplois à temps partiel. Cela m'a découragé au point que je n'ai pas demandé d'autres chiffres. Cela me suffisait.

En lisant un éditorial du Globe and Mail, j'ai appris avec stupéfaction que, trois ans après l'élection d'un gouvernement libéral, il y avait moins d'emplois à temps plein, à l'est de la frontière québécoise, qu'au moment de l'élection du gouvernement, en 1993. Nous savons tous que le Globe and Mail ne commettrait pas une erreur sur une question semblable dans un éditorial.

Un ami à moi qui est diplômé en économie m'a expliqué l'effet que le projet de loi C-12 aurait sur le Canada atlantique. Selon lui, ce sera comme si 120 usines employant chacune100 travailleurs fermaient leurs portes. Cela veut dire en gros deux usines dans chacune des localités du Canada atlantique. Malheureusement, un grand nombre d'entre elles n'ont pas deux usines qui emploient 100 travailleurs.

Le gouvernement fait grand cas de la réduction du déficit. Je ne m'oppose pas à cette réduction. Elle s'impose, je l'admets. Je me souviens des tollés de protestation des sénateurs d'en face lorsque le gouvernement précédent a fait des efforts en ce sens, et je tiens à m'assurer de ne pas imiter leurs erreurs. Toutefois, la méthode de réduction du déficit devrait faire l'objet d'un examen.

  • (1520)
Après le dépôt du dernier budget, nous avons appris qu'une somme de 4 milliards de dollars, qui avait servi à réduire le déficit, provenait des cotisations versées à la caisse d'assurance-chômage. Comme l'a rappelé le sénateur Murray hier, ces cotisations sont payées par les employeurs et les employés. Le gouvernement ne contribue plus à la caisse d'assurance-chômage. Le gouvernement a donc prélevé4 milliards de dollars dans cette caisse l'an dernier; il en prélèvera 5 milliards cette année et, selon le budget des dépenses, il devrait en prélever encore 10 milliards l'année prochaine.

À mon avis, honorables sénateurs, il s'agit là d'une pratique frauduleuse. Ce n'est peut-être pas un épithète parlementaire, mais je l'utilise pour signaler qu'il est scandaleux de prélever de telles sommes de la caisse d'assurance-chômage. Il est insensé de soutirer 20 milliards de dollars en trois ans aux travailleurs saisonniers qui n'en ont pourtant pas les moyens.

Le gouvernement s'est donné beaucoup de mal pour expliquer pourquoi ce projet de loi est nécessaire. En résumé, disons qu'il s'agit d'une mesure visant à réduire les coûts, mais qui réduit aussi les prestations. Le projet de loi C-12 ramènera les prestations au niveau où elles étaient il y a environ 25 ans. Selon un article de journal que j'ai lu, jamais les prestations n'auront été aussi basses depuis les années 60.

Je rappelle aux honorables sénateurs que, en 1960, nous avions droit à un salaire annuel de 8 000 $ en plus d'une exemption fiscale de 2 000 $, qui ne nous était pas versée toutefois avant la fin de l'année. Établissons une comparaison à partir de ces données. Aimeriez-vous revenir aux niveaux de rémunération des années 60? Si cela chante à certains d'entre vous, n'hésitez pas à le demander; quant à moi, il n'en est pas question, et je comprends les sentiments qu'éprouvent ceux qui verront leurs prestations réduites.

Je me suis rendu récemment à l'Île-du-Prince-Édouard, où j'ai rencontré un groupe de femmes qui s'opposent à ce projet de loi. J'ai été bien impressionné par leur façon bien claire et articulée d'exprimer leurs réserves. Je tiens à rapporter ici certaines des observations qui ont été présentées à cette réunion. Une dame a dit que son revenu familial combiné - soit le revenu de son mari et le sien - était de 26 500 $ par année. Son mari et elle s'efforcent de rembourser une hypothèque et d'élever trois enfants. Elle estime que le gouvernement libéral est déterminé à les empêcher d'améliorer leur sort. Les personnes présentes se sont aussi dites extrêmement frustrées de ce que personne ne les écoute ni ne semble se soucier d'elles, et elles sont fâchées que l'on puisse croire qu'elles ne veulent pas travailler et qu'elles sont pleinement satisfaites de rester à la maison à retirer de l'assurance-chômage.

Elles m'ont dit les efforts qu'elles ont déployés pour se trouver un emploi. Une dame m'a raconté que c'est à quatre pattes qu'elle a ramassé des pierres dans un champ de pommes de terre pendant deux semaines. D'autres avaient eu des expériences similaires. Je me souviens d'une dame qui m'a dit que ni son mari ni elle n'avaient terminé leurs études secondaires. C'est avec beaucoup de fierté que, en mai dernier, ils ont vu leur fille décrocher un diplôme d'études secondaires, mais celle-ci n'a toujours pas trouvé d'emploi. Elle est allé à deux entrevues, mais elle n'a toujours pas d'emploi. Le présent gouvernement, le gouvernement de Jean Chrétien et de Paul Martin, dit qu'il faut réduire l'assurance-chômage parce que ce programme décourage de travailler. Comment peut-on travailler dans une région où les emplois sont plus rares aujourd'hui qu'ils ne l'étaient lorsque les libéraux ont pris le pouvoir en 1993?

Ces personnes se sont aussi dites inquiètes au sujet de divers aspects du projet de loi, dont le dénominateur. J'avais espéré que l'auteur du projet de loi serait ici pour nous expliquer comment fonctionnera ce dénominateur.

Ces personnes sont inquiètes au sujet de l'aspect intéressant le recours répété au système. Elles s'estiment pénalisées pour avoir retiré des prestations alors que le seul travail disponible dans leur région est un travail saisonnier. Elles se sont aussi dites inquiètes au sujet de l'écart. Certaines mesures ont été prises à l'autre endroit pour corriger cette injustice. Toutefois, dans la région où j'ai commencé à pratiquer en 1952 - soit depuis très longtemps pour quelqu'un qui aime autant ne pas compter les années -, il y a maintenant 700 familles qui estiment qu'elles ne sont pas protégées par ces modifications qui ont été apportées à l'écart. J'espère que notre comité se penchera sur des choses de ce genre.

L'autre chose qui les inquiète, c'est le passage des semaines travaillées aux heures travaillées. Beaucoup de ces gens-là travaillaient dans des conserveries de poisson comme celles où le homard est mis en conserve ou surgelé. Surtout à la saison automnale, qui débute à la mi-août, les prises sont plutôt bonnes et les travailleurs de conserveries travaillent un bon nombre d'heures par semaine. Toutefois, les prises baissent au début d'octobre et ils peuvent faire moins d'heures. À cette époque, les vents soufflent plus fort et les pêcheurs de homard ne sortent pas toujours en mer. Par conséquent, il n'y a pas de travail ces jours-là et ils se mettent à travailler pendant trois heures, trois fois par semaine. Cela entraîne une baisse de leur salaire.

Comme le sénateur Murray l'a signalé hier, ce projet de loi constitue de la part de Paul Martin une autre ponction fiscale de deux milliards de dollars. Une famille de l'Île-du-Prince-Édouard dont le revenu annuel est d'environ 26 000 $ perdra 600 $ par année si le projet de loi est adopté.

  • (1530)
Ce matin, le cabinet du ministre nous a conviés à une séance d'information. Je rejette entièrement les tableaux qui ont été présentés et qui montrent que les familles à faible revenu bénéficieront d'une augmentation de 13,5 p. 100. Si j'étais dans cette catégorie, j'examinerais attentivement ces tableaux, car on m'a avoué ce matin qu'ils étaient erronés.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'hésite à interrompre l'honorable sénateur Phillips. Le temps de parole dont il disposait est toutefois terminé.

Le sénateur Phillips: Honorables sénateurs, je demande la permission de parler pendant encore trois minutes.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Phillips: Ce que je crains, c'est que le principe d'une période d'admissibilité uniforme d'un océan à l'autre soit encore envisagé. Je ne suis pas certain que le gouvernement ait renoncé à l'idée d'accroître les conditions d'admissibilité, ce qui supprimerait les différences selon les régions.

Je veux rappeler aux honorables sénateurs le débat qui a eu lieu à l'autre endroit lorsque le comité a fait rapport du projet de loi à la Chambre. M. Nault, le secrétaire parlementaire, a répondu au nom du gouvernement, et certaines de ses observations m'ont profondément troublé. Il a dit ceci: «Si tout le monde touchait des prestations pendant une semaine de moins, le gouvernement épargnerait 300 millions de dollars.» Comme par hasard, il dit que c'est ce que coûteront ces modifications.M. Nault a ajouté que le gouvernement multipliera ses efforts pour trouver des emplois au lieu de simplement poster un chèque. Au lieu de cela, le gouvernement se demandera ce qu'il peut faire pour que les sans-emploi réintègrent le marché du travail.

La réponse est toute simple, honorables sénateurs: il faut leur trouver un emploi et ils réintégreront le marché du travail car l'assurance-chômage, aussi utile soit-elle, ne procure pas les mêmes revenus, le même salaire net qu'un emploi à plein temps. Il doit bien y avoir quelqu'un à l'autre endroit et dans le parti ministériel qui comprend cela. J'espère qu'au lieu d'axer les efforts sur les mesures coercitives, on s'emploiera plutôt à aider ces personnes à trouver des emplois à plein temps.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur certains accords concernant l'aéroport international Pearson

Deuxième lecture-Motion d'amendement-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyé par l'honorable sénateur Davey, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-28, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyé par l'honorable sénateur Robertson, que le projet de loi C-28 ne soit pas lu maintenant pour la deuxième fois, mais qu'il soit renvoyé à la Chambre des communes pour étude en bonne et due forme.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, hier, l'honorable sénateur Lynch-Staunton a proposé une motion d'amendement à la motion du sénateur Kirby tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-28. Par suite de ses remarques, j'ai proposé l'ajournement du débat.

Ayant eu le temps d'examiner la déclaration du sénateur Lynch-Staunton, je note que ses arguments ont été habilement prévus par le sénateur Kirby et réfuté à l'avance, comme le sénateur Stewart me l'a rappelé, quand il a pris la parole au Sénat le 15 mai 1996, après avoir proposé que le projet de loi C-28 soit pour la deuxième fois.

Je pense que le mieux que je puisse faire, c'est de renvoyer les sénateurs au discours du sénateur Kirby. Comme ce dernier l'a fait remarquer, le sénateur Lynch-Staunton, du moins jusqu'à hier, était catégorique en affirmant que ni lui ni ses collègues ne contestaient l'intention du gouvernement d'annuler les accords sur l'aéroport Pearson. Ils se préoccupaient plutôt de la constitutionnalité du projet de loi.

J'admets que je me suis demandé hier si le sénateur Lynch-Staunton était en train de changer de position ou, du moins, de la modifier. Si ce n'est pas le cas, il faudrait alors renvoyer le projet de loi au comité des affaires juridiques et constitutionnelles pour qu'il étudie cette question, notamment à la lumière des observations du sénateur Kirby au sujet de la volonté du gouvernement de faire preuve d'une grande flexibilité.

Nous ne sommes toujours pas convaincus de l'affirmation du sénateur Lynch-Staunton selon laquelle le projet de loi C-28 doit être renvoyé à la Chambre des communes ou qu'il est fondamentalement vicié. Nous serions heureux de connaître davantage le point de vue des sénateurs d'en face sur ce projet de loi et la motion d'amendement de leur leader.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, l'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Graham: Bien sûr.

Le sénateur Berntson: On a beaucoup entendu parler de ce projet de loi, de l'étude en comité et des amendements qui seront présentés au comité, mais nous n'avons pas encore vu ces amendements. Si le gouvernement a déjà décidé que des amendements seraient présentés, ces derniers auront certainement une incidence sur le principe du projet de loi. Le sénateur pourrait-il nous donner des copies de ces amendements avant que nous n'adoptions la motion de deuxième lecture de ce projet de loi?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le sénateur Kirby a déjà expliqué que le gouvernement veut évidemment que le projet de loi soit adopté sous sa forme actuelle. C'est ce que le gouvernement préférerait. Cependant, comme le sénateur Kirby l'a expliqué, lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité, si les sénateurs conservateurs maintiennent la position qu'ils ont maintenue au cours des deux dernières années relativement à certaines questions juridiques et constitutionnelles, nous serions disposés à envisager des amendements à ce moment-là. Ce sera au comité de décider. Peut-être que les sénateurs d'en face proposeront des amendements. Le gouvernement réagira en conséquence au moment opportun.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais clarifier cela en paraphrasant ce que le sénateur Kirby a dit. Il a dit clairement qu'il n'était pas question pour nous de demander des amendements au moment de l'étude en comité. Il nous a assuré qu'au moins douze ou treize des préoccupations que nous avons exprimées ici feraient l'objet d'amendements. Il a affirmé de façon catégorique que ces amendements seraient présentés par des représentants du gouvernement au comité, et non à notre demande. Si ces amendements doivent être présentés, cela accélérerait certainement le processus si nous pouvions les voir maintenant au lieu de discuter d'un projet de loi qui sera totalement modifié par ces amendements.

  • (1540)
Le sénateur Graham: Pas du tout, honorables sénateurs. L'examen des amendements doit se faire en comité. C'est pourquoi nous essayons de renvoyer le projet de loi au comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le plus tôt possible.

L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, le sénateur Graham pourrait-il citer un précédent pour nous aider? Cela me paraît étrange qu'on présente une mesure législative au Sénat en disant qu'un nombre précis d'amendements seront apportés à l'étape de l'étude en comité. Le sénateur Graham pourrait-il m'aider en citant un précédent?

Le sénateur Graham: Il est courant que des projets de loi soient amendés en comité. Je l'ai déjà dit, le gouvernement préférerait que le projet de loi ne soit pas modifié. Cependant, certains de mes vis-à-vis ont exprimé le désir d'y apporter des amendements. Le gouvernement veut bien donner satisfaction aux sénateurs conservateurs, mais c'est au comité compétent qu'il appartient d'étudier les amendements souhaités.

Le sénateur MacDonald: Honorables sénateurs, se pourrait-il que le gouvernement ait depuis le début le texte des amendements et qu'il les garde pour le bon moment? Le gouvernement nous a incités à renvoyer le projet de loi au comité en nous disant que si nous étions de bons enfants et faisions vite, nous obtiendrions nos amendements. L'honorable sénateur ne nie pas que les amendements sont prêts, n'est-ce pas?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, nous voulons savoir ce que les membres conservateurs du comité ont à dire au sujet des amendements. Contrairement à certains de nos vis-à-vis lorsqu'ils siégeaient du côté gouvernemental, nous ne voulons pas faire preuve de dogmatisme. Nous voulons d'abord entendre ce qu'ils ont à dire et, après cela, nous présenterons des amendements. Il se pourrait qu'il s'agisse des amendements proposés en comité par des conservateurs.

Le sénateur MacDonald: Il faudrait vraiment avoir vécu dans un autre monde ces deux dernières années pour ne pas savoir ce que nous avons l'intention de dire à l'étape de la deuxième lecture et au moment de l'étude en comité. Cela commence à être lassant pour nous tous.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai une question à poser au sénateur Graham, mais je dois d'abord citer le sénateur Kirby. Le 15 mai, il déclarait ceci:

Je suis heureux de dire au sénateur Lynch-Staunton et à tous les autres sénateurs que chacune des critiques d'ordre constitutionnel qui ont été soulevées contre le projet deloi C-22 sera examinée et qu'on y répondra d'une manière satisfaisante par des amendements que les membres libéraux du comité sont disposés à présenter en comité.

On pourrait difficilement être plus catégorique. Il n'a pas dit: «Si vous voulez des amendements, nous les formulerons en comité.» Lors du débat en deuxième lecture, il a donné l'assurance que des amendements seraient préparés en réponse aux préoccupations exprimées depuis deux ans. Si les amendements sont prêts, il ne serait que normal qu'ils nous soient présentés tout de suite afin que nous sachions exactement de quoi il retourne, parce que l'adoption en deuxième lecture équivaut à un accord de principe.

Dans sa forme actuelle, nous n'approuvons pas le principe du projet de loi C-28, mais s'il était amendé, nous l'approuverions peut-être. Si nous connaissions la teneur des propositions d'amendement tout de suite, peut-être déciderions-nous de l'adopter en deuxième lecture.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, il me fait plaisir de prendre aujourd'hui la parole sur un sujet qui occupe nos débats depuis bientôt deux ans et demi.

Nous savons maintenant que ce projet de loi C-28 ne repose sur aucun principe valable.

L'honorable Jean-Maurice Simard: C'était une promesse électorale.

Le sénateur Nolin: Absolument! D'ailleurs, le sénateur Kirby a dit lors de son discours, après à peine 30 secondes, que le gouvernement déposait ce projet de loi pour remplir une promesse électorale de la dernière élection. C'est le principe du projet de loi et uniquement cela.

Le sénateur Kirby a mentionné que ce projet de loi est le même que celui que nous avons étudié lors de la dernière session. Le gouvernement se prépare à déposer des amendements. Je crois donc que ce n'est pas le même projet de loi. Mes collègues l'ont déjà mentionné, mais je tiens à affirmer que cette méthode est indigne de ce Parlement.

Les propos du sénateur Kirby, à l'étape de la deuxième lecture, vont dans le même sens que les propos tenus par l'ancien ministre des Transports, Doug Young. On y parle de lobbyistes, d'interventions et de pressions politiques et on parle de projet de loi bâclé à la dernière minute. Les propos de ces deux membres du gouvernement reprennent presque intégralement le texte du fameux rapport Nixon.

Ce qui m'amène à conclure que pour le gouvernement, le principe qui commandait le dépôt d'un tel projet de loi à l'époque tient encore aujourd'hui. Or, le gouvernement libéral semble n'avoir pas tenu compte des nouvelles informations qui nous sont parvenues depuis, surtout celles recueillies au cours de l'été dernier.

En effet, les travaux du comité spécial du Sénat sur les accords de l'aéroport Pearson, tout comme ceux du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, nous ont grandement éclairés et auraient dû éclairer le gouvernement. Cependant, puisque nous devons encore une fois discuter de ce projet de loi, l'on ne peut que conclure que les libéraux ont fait la sourde oreille et n'ont pas su écouter le bon sens et reconnaître qu'encore une fois, ils s'étaient trompés.

Comme vous le savez, je me suis opposé à ce projet de loi dès le début. Premièrement, parce que j'ai beaucoup de difficulté à accepter que le pouvoir législatif puisse imposer des limites au pouvoir judiciaire. Je crois que notre système de justice fonctionne bien et je ne vois pas quelles raisons pourraient permettre au gouvernement de douter de l'exercice adéquat de ce pouvoir judiciaire.

J'ai également eu beaucoup de difficulté avec le fait que le projet de loi n'était pas constitutionnel. D'ailleurs, le sénateur Kirby a fait grand cas de nos arguments sur la constitutionnalité de ce projet de loi; nous en avons eu, et il est possible que nous en ayons encore, mais nous aurons surtout des objections quant au principe de ce projet de loi.

J'ai été renversé de voir le ministre de la Justice témoigner devant le comité et appuyer un projet de loi non constitutionnel, mais c'est son droit politique de le prétendre. Notre devoir à nous, sénateurs, est d'éviter qu'un mauvais projet de loi, surtout inconstitutionnel, ne devienne une loi.

Troisièmement, j'avais beaucoup de difficulté à donner quelque crédibilité que ce soit au rapport préparé par M. Nixon. Des affirmations gratuites non prouvées, des erreurs de fait et une célérité étonnante m'ont fait douter de la qualité de son travail. En fait, j'en suis venu à penser que le texte avait peut-être été écrit par un conseiller du premier ministre - je dirais même un conseiller spécial du premier ministre. Aujourd'hui, j'affirme que les principes qui ont incité le gouvernement fédéral à déposer ce projet de loi n'existent pas et n'ont jamais existé.

La résiliation d'un contrat comme celui-là demande des raisons valables fondées sur l'intérêt public et doit reposer sur des faits probants. En conséquence, dès la première réunion du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au moment de l'examen du projet de loi C-22, le sénateur Murray a demandé au ministre des Transports de l'époque:

Vous dites que vous ne vous êtes pas fié uniquement au rapport Nixon. Y avait-il d'autres rapports ou d'autres documents qui ont servi à prendre la décision?

La réponse du ministre Young:

Oui, il y en a eu. L'accord lui-même, les contrats, les arrangements, les périodes de location et les rendements, tout cela a été analysé.

Honorables sénateurs, je dois aujourd'hui vous affirmer que les propos tenus par le ministre des Transports, à toutes les étapes du projet de loi, devant les comités du Parlement et devant la presse, de même que les propos tenus par les autres membres du gouvernement, incluant ceux du sénateur Kirby, confirment que l'argumentation des libéraux se fonde uniquement sur le rapport Nixon.

Jamais d'autres documents ou évaluations n'ont été effectués. Le gouvernement avait besoin d'une excuse, et il s'est donné un mois pour trouver cette excuse. Depuis ce moment-là, tout est basé sur cette excuse, qui s'est avérée très fausse à l'occasion de l'examen de l'été dernier.

Le principe du projet de loi, c'est le rapport Nixon. Le29 novembre 1993, lors d'une réunion en présence du premier ministre Chrétien, M. Nixon a fait part de ses conclusions. Quatre jours plus tard, le premier ministre annonçait que les accords de l'aéroport Pearson seraient annulés. Dans le communiqué de presse, on a cité la recommandation du rapport Nixon.

La question que nous devons nous poser maintenant est la suivante: le rapport Nixon - puisqu'il s'agit du fondement même de ce projet de loi - était-il un travail bâclé ou un document sérieux?

Examinons maintenant le contenu du rapport Nixon. Premièrement, le mandat. Il n'y a pas de mandat écrit. Après avoir questionné le gouvernement et M. Nixon, l'on conclut qu'aucun mandat écrit n'avait été donné à M. Nixon. La seule référence au mandat provient de la lettre de M. Nixon au premier ministre, qui dit:

[Traduction]

Le 28 octobre, vous m'avez demandé d'examiner les questions relatives à la privatisation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport Pearson, à Toronto, et de vous faire part de mes conclusions, opinions et recommandations au plus tard le 30 novembre.

[Français]

On peut constater qu'il s'agit d'un mandat très large, et surtout d'un délai très court pour étudier un dossier aussi complexe. Faut-il rappeler que le processus avait débuté en 1992, et que si l'on prend uniquement les documents au dossier versés au comité spécial, l'été dernier, ils comptaient plus de 36 000 pages? Et cela n'inclut pas les documents que les censeurs du gouvernement ont conservés. Je rappelle que des analyses exhaustives des firmes Raymond Chabot Martin Paré - très bonnes firmes du Québec, en passant -, Price Waterhouse, Deloitte et Touche et Richardson Greenshields n'ont jamais été étudiées.

Examinons maintenant l'étude comme telle. M. Nixon débute son rapport en expliquant ce qu'il l'a accompli en 30 jours. Voici ce qu'il a accompli en 30 jours. Je cite:

Au cours des 30 derniers jours, il m'a été donné d'examiner l'accord sur la privatisation et le réaménagement des aérogares 1 et 2 de l'aéroport Pearson de Toronto. J'ai demandé à des avocats et à des analystes commerciaux de scruter tous les documents contractuels constituant cet accord. J'ai en outre rencontré un certain nombre des personnes en cause afin de mieux comprendre ce document [...]

Prenez bonne note des mots suivants:

[...] de mieux comprendre ce document et les démarches dont il est l'aboutissement.

L'examen des accords par M. Nixon se résume à trois semaines d'entretiens suivis et à une semaine consacrée à la rédaction du rapport. M. Nixon indique qu'il a rencontré66 personnes, dont 23 membres du caucus libéral de la grande région de Toronto. Toutes ces rencontres ont eu lieu en privé et presque aucune note n'a été conservée de ces rencontres.

M. Nixon a-t-il rencontré le sous-ministre adjoint des aéroports au ministère des Transports, M. Barbeau, celui qui était l'un des grands responsables du cadre stratégique régissant le processus Pearson, de l'élaboration et de la diffusion de la demande de propositions et du processus d'évaluation? Non, M. Nixon n'a pas rencontré ces gens-là.

M. Nixon a-t-il rencontré M. Berigan, directeur général du ministère des Transports chargé de créer une équipe et d'établir le processus d'évaluation en vue de l'examen des propositions en 1992 ? Non, M. Nixon n'a pas jugé à propos de le rencontrer.

Est-ce que M. Nixon a rencontré seulement un lobbyiste accusé par lui ? A-t-il rencontré M. L'Abbé, de Raymond Chabot Martin Paré? M. Simke, de Price Waterhouse? M. Raymond Hession, de Paxport? Messieurs Cappe et Gershberg, du Secrétariat du Conseil du trésor? M. Shortliffe, sous-ministre des Transports, puis greffier du Conseil privé? Non. M. Nixon a préféré rencontrer le caucus libéral de la grande région de Toronto.

On aurait pu penser que M. Nixon aurait pu au moins rencontrer M. Bob Lane, qui a mis sur pied l'équipe d'évaluation et dirigé le processus d'évaluation pour le réaménagement de l'aéroport Pearson. Mais il a avoué ne pas savoir qui était M. Bob Lane. Dans son témoignage devant le comité spécial du Sénat, M. Nixon a indiqué que les rencontres qu'il a eues avec ces diverses personnes lui ont donné l'impression que tant le processus d'adjudication que les contrats eux-mêmes comportaient des lacunes.

Pourquoi M. Nixon n'a-t-il jamais tenté de vérifier ou de concilier ses impressions avec les personnes responsables?

Troisième sujet dont traite le rapport de M. Nixon: le favoritisme. Dans son rapport, M. Nixon indique queM. Matthews a été président de la campagne à la chefferie de Brian Mulroney et président du Fonds PC du Canada. J'en sais quelque chose et c'est totalement faux. D'où viennent ces informations? Elles viennent de M. Chrétien! Quel informateur sur ce qui se passe dans le Parti conservateur!

Ces fausses informations ont été rendues publiques le12 mars 1992 et la presse a bêtement, béatement rapporté ces informations, que M. Nixon a copiées dans son rapport.

Autre information supposée de favoritisme. L'ancien ministre Otto Jelinek est également mentionné par M. Nixon. Ce dernier prétend que M. Jelinek a été employé en 1993 par une filiale de Paxport. Encore une fois, c'est totalement faux.

Quatrième sujet dont traite M. Nixon: les lobbyistes.M. Nixon nous dit que le processus a été entaché par les pressions exercées par les lobbyistes. Or, il ne donne aucun exemple de cela. De plus, les fonctionnaires interrogés par le comité spécial font peu de cas de l'influence que peuvent exercer les lobbyistes. C'est à se demander pourquoi l'entreprise privée s'entête à financer à grands frais des lobbyistes. Par contre, malgré tout cela, le lobbying au Canada est tout à fait légal. Il existe même une loi fédérale qui établit les critères d'exercice de cette profession.

M. Nixon ne semble pas croire qu'il y a eu infraction au Code criminel ou à la Loi fédérale sur l'enregistrement des lobbyistes. Autrement, s'il avait eu cette conviction, il aurait été tenu d'en informer la Gendarmerie royale du Canada.

Les lobbyistes ont-ils joué un rôle? Certes, mais rien qui outrepasse les lois de ce pays.

Cinquième question que le rapport Nixon examine: la question financière. M. Nixon fait une série d'affirmations inexactes, qui démontrent son incompréhension ou sont carrément fausses. Il mentionne que deux groupes seulement ont fait des propositions; en fait, il y en a eu trois. Il mentionne que dès le début, toute la question de la concurrence avait été reléguée aux oubliettes. Il oublie qu'avant l'attribution des contrats, le Tribunal de la concurrence avait examiné cette question et n'avait rien trouvé à redire aux accords Pearson.

Dans son témoignage devant le comité, il déclare et je cite:

Qu'aucune analyse financière préalable n'était exigée dans cette demande de proposition.

Cela contredit la déclaration de M. Barbeau, que M. Nixon n'a pas jugé bon de rencontrer. M. Barbeau déclare devant le comité, et je cite:

Dans la demande de proposition [...] on demande aux soumissionnaires de faire valoir leur projet du point de vue commercial et, bien sûr, d'être prêts à montrer qu'il est financièrement viable.

Les fonctionnaires ont même déclaré que la viabilité financière comptait pour 40 p. 100 de l'évaluation et que cela comprenait une évaluation de Richardson Greenshields. Pourquoi M. Nixon fait-il de telles déclarations? A-t-il vraiment bien rempli son devoir? J'en doute.

M. Nixon nous dit qu'il a donné un mandat à Allan Crosbie, de la firme Crosbie & Company Inc., mandat, pour évaluer le rendement du point de vue des promoteurs. Dans son rapport, M. Nixon écrit, et je cite:

[...] comme m'en a informé mon conseiller en évaluation d'entreprises, le rendement accordé à T1 et T2 Limited Partnership pourrait bien, vu la nature de la transaction, être jugé excessif.

Nixon prend l'étude de M. Crosbie pour du solide, mais il ne nous dit pas ce qu'il pense de l'étude Deloitte Touche, qui jugeait le rendement pour les investisseurs très raisonnable. Un représentant de la firme Deloitte Touche a passé plus de six mois à travailler sur cette étude, et M. Crosbie un peu plus de trois semaines.

Devant la Cour de l'Ontario, nous avons appris récemment que le gouvernement avait, pour des raisons stratégiques, modifié son opinion. Nous avons appris que devant la Cour de l'Ontario, le gouvernement libéral avait fait valoir que le rendement pour le promoteur, maintenant, serait négligeable et qu'il ne serait donc pas nécessaire d'indemniser ces développeurs pour la résiliation du contrat.

  • (1600)
Effectivement, le comité devra étudier ce projet de loi. On posera des questions au ministre des Transports actuel, puisqu'il est responsable des fonctionnaires qui vont témoigner devant les tribunaux au nom du gouvernement.

Comment se fait-il que ce qui était exorbitant au moment de M. Nixon est maintenant devenu négligeable? Si l'on se fie au document examiné par le sénateur Lynch-Staunton, ce sont maintenant des pertes auxquelles auraient fait face les promoteurs. À qui doit-on se fier? Sur qui s'est fié le gouvernement pour préparer le projet de loi? Nous poserons ces questions au ministre du Transport, M. Anderson.

Que de contradictions dans le rapport de M. Nixon! Le dernier point que je tiens à soulever, et c'est peut-être le plus important, est que dans son rapport, M. Nixon écrit:

Enfin, la conclusion, de cette transaction sur l'ordre du premier ministre, en pleine campagne électorale, à un moment où cette affaire soulevait une controverse, bat en brèche, [...]

Son Honneur le Président: Je regrette de vous interrompre, sénateur Nolin mais la période de 15 minutes est terminée. Demandez-vous la permission du Sénat de continuer votre discours?

Le sénateur Nolin: Oui, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Nolin: Je vous remercie, honorables sénateurs, de votre indulgence. Nous avons le reste de l'année.

Le sénateur Simard: Six mois de plus ou de moins...

Le sénateur Nolin: Exactement, nous examinons ce projet de loi depuis déjà deux ans et demi. Six mois de plus... Je vous remercie, honorables sénateurs. Je reprends la citation deM. Nixon:

Enfin, la conclusion de cette transaction sur l'ordre du premier ministre, en pleine campagne électorale, à un moment ou cette affaire soulevait une controverse, bat en brèche, à mon sens, les usages démocratiques normaux et dignes de ce nom. Il est de tradition notoire et respectée jalousement par les gouvernements que, lorsqu'ils dissolvent le Parlement, ils doivent exercer un pouvoir de décision restreint en période électorale.

Le sous-ministre des Transports, M. Rowat, a fait parvenir àM. Nixon plusieurs documents. Dans ce document, M. Rowat indique, et je cite:

[Traduction]

Une lettre d'intention non exécutoire signée le 18 juin 1993 par la sous-ministre des Transports, H. Labelle, et Paxport et Claridge (T1T2LP) reconnaissant que la rédaction de la documentation finale se poursuivrait et que le gouvernement soumettrait les documents définitifs à l'approbation du Conseil du Trésor et du gouverneur en conseil.

Approbation de la présentation au Conseil du Trésor, le27 août 1993.

Le 27 août 1993, approbation du Conseil du Trésor et décrets approuvant les accords portant sur les aérogares 1 et 2.

  • (1610)
[Français]

Ce que l'on doit retenir, c'est que l'accord principal a été finalisé et soumis au Conseil du Trésor, puis approuvé par le Cabinet le 27 août 1993. M. Nixon était définitivement au courant de ces faits. Il les a passés sous silence. Pourquoi? Parce que cela détruisait son argument. La décision a été prise en août, bien avant le déclenchement des élections.

Mais il y a mieux! Quand je vous dis qu'il y a des faits nouveaux qui nous amènent à conclure que l'on doit examiner le principe de ce projet de loi, il ne s'agit pas uniquement de la question constitutionnelle, parce que sur ce point, nous avons gagné. Vous avez plié, vous nous avez presque démontré que vous n'aviez pas respecté la primauté du droit et vous avez fait les amendements en conséquence, et je présume que ce sont les amendements que vous vous apprêtez à introduire.

Mais il y a mieux! Le 28 septembre 1994, votre premier ministre, M. Chrétien, a déclaré:

Un premier ministre ne peut agir seul. L'opposition serait la première à me blâmer si je prenais des engagements financiers sans avoir l'approbation du Cabinet ou du Conseil du Trésor. C'est sûr que si je donne ma parole, il vont la respecter, mais légalement [...]

C'est le premier ministre Chrétien qui dit cela.

[...] lorsqu'il n'y a pas eu de décision du Cabinet ou lorsqu'il n'y a pas eu d'approbation du Conseil du Trésor, il n'y a pas d'engagement du gouvernement.

Le 27 août, on peut affirmer, selon les critères de M. Chrétien, qu'une entente liant légalement les promoteurs et la Couronne fédérale existait.

Selon le seul expert qui estimait qu'une convention constitutionnelle limite l'action du gouvernement en période électorale, cette convention ne s'appliquerait que si la signature des accords Pearson constituait un acte dépassant le cours normal de l'administration. Or, la conclusion des accords Pearson ne représente même pas une violation de la prétendue convention constitutionnelle. En fait, il s'agissait de la signature d'une entente qui avait été conclue antérieurement, avant même le déclenchement des élections en octobre.

En octobre 1993, on a simplement signé des documents juridiques préparés par les fonctionnaires durant le mois de septembre afin de conclure et de donner vie à une entente qui existait depuis plusieurs mois. De plus, à moins de réussir à persuader les promoteurs de retarder volontairement la signature des accords, la seule solution de rechange que proposaient les fonctionnaires, c'est-à-dire de signer les accords supposait que les promoteurs auraient eu beau jeu d'intenter contre le gouvernement fédéral des poursuites et cela, évidemment, aurait été contraire à l'intérêt public.

Dans le fond, on a assisté et on assiste encore aujourd'hui à un geste qui relève de la grande tradition de votre parti, honorables sénateurs d'en face: faire tout ce que l'on peut faire pour se faire élire et pour demeurer au pouvoir, sans se préoccuper des conséquences et de l'intérêt public des Canadiens.

Les libéraux ont promis d'abolir la TPS, le premier ministre a même parlé de la «scraper». La TPS est toujours là; elle va rester. Les libéraux ont annulé le contrat d'acquisition de l'hélicoptère EH-101 et les coûts d'annulation se chiffrent à près d'un milliard de dollars. Avons-nous, à ce jour, des hélicoptères neufs? Nous n'avons rien, mais cela nous a coûté un milliard de dollars.

Les libéraux ont décidé d'annuler les accords de l'aéroport Pearson. Or, ils devront quand même développer cet aéroport. Les libéraux suivent en ce sens le précédent créé par leur ami l'ex-premier-ministre de Terre-Neuve, M. Wells, qui, en 1990, a rescindé la motion d'appui de l'ancien gouvernement de Terre-Neuve en faveur de l'Accord du lac Meech. Vous connaissez cela? D'ailleurs, dans un peu moins d'un mois on célébrera le sixième anniversaire de cette fameuse accolade entre M. Chrétien et M. Wells, accolade qui devait être figée pour la postérité, des images qui sont encore dans la mémoire de plusieurs Québécois.

Cette discussion constitutionnelle aura lieu un autre jour. Revenons à notre projet de loi. À toutes fins utiles, le rapport Nixon est ridicule. C'est de la poudre aux yeux pour masquer la seule raison qui a dicté au gouvernement d'annuler les accords. C'est la seule raison. Le sénateur Kirby y a fait référence il y a deux semaines dans son discours. La seule raison, c'est la promesse du premier ministre Chrétien de les annuler.

Si le gouvernement avait été sérieux, il aurait pu tout simplement demander aux promoteurs de renégocier ces accords. Mais non, cela a été une décision prise rapidement, sans égard aux conséquences et surtout sans égard aux intérêts des Canadiens.

J'aurais pu prendre plus de temps pour soulever toutes les erreurs et toutes les omissions de M. Nixon. Je crois que j'ai fait la démonstration que M. Nixon n'a pas bien servi son gouvernement, a mal servi son pays et a sciemment causé un tort aux Canadiens.

Pour toutes ces raisons, en plus de vous suggérer aimablement, en toute honnêteté, de rejeter ce projet de loi, je vous demande d'appuyer l'amendement du sénateur Lynch-Stauton.

[Traduction]

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

Deuxième lecture-Attribution de temps-Avis de motion

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne surprendrai personne en disant que les sénateurs de ce côté-ci veulent terminer l'étude du projet de loi C-28 le plus rapidement possible. Ce projet de loi est arrivé au Sénat le 23 avril 1993, il y a donc plus d'un mois, et nous croyons qu'il est temps de le renvoyer au comité.

Le chef adjoint de l'opposition et moi-même avons tenu des discussions en vue de conclure une entente sur la durée du débat, mais nous n'avons pas réussi à nous entendre.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Nos positions divergent considérablement.

Le sénateur Graham: Étant donné l'échec de l'approche volontaire, je désire donner avis de la motion suivante. Mercredi prochain, le 29 mai 1996, je proposerai:

Que, conformément aux dispositions de l'article 39 du Règlement, en ce qui concerne le projet de loi C-28, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, pas plus de six heures de débat supplémentaires soient prévues pour l'étude dudit projet de loi à l'étape de la deuxième lecture;

Qu'au moment où le débat tirera à sa fin ou lorsque le temps prévu pour le débat sera écoulé, selon le cas, le Président interrompe au besoin les travaux dont est saisi le Sénat et mette aux voix sur-le-champ et successivement toutes les questions nécessaires pour disposer de l'étape de la deuxième lecture dudit projet de loi; et

Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit pris conformément aux dispositions de l'article 39(4) du Règlement.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je croyais que vous n'aimiez pas le Règlement.

Le sénateur Graham: C'est votre Règlement.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous étiez contre la clôture. Nous vous citerons. Vous avez déclaré que six heures ne suffiraient pas. Vous vous êtes opposés à la clôture.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Report du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur St. Germain, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-6, Loi modifiant le Code criminel (délai préalable à la libération conditionnelle).-(L'honorable sénateur St. Germain, c.p.).

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'espérais donner mon avis sur le projet de loi S-6, à la rubrique des projets de loi d'intérêt public du Sénat. A-t-il été appelé?

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Oui.

Son Honneur le Président: Je crois que cet article de l'ordre du jour a été reporté. Il est inscrit au nom de l'honorable sénateur St. Germain.

Le sénateur Taylor: J'ai parlé au chef adjoint de l'opposition au sujet de la possibilité d'intervenir. Je demande l'autorisation, le sénateur St. Germain n'étant pas ici, de consacrer cinq à six minutes à ce sujet.

Son Honneur le Président: Il faudrait que je demande au chef adjoint de l'opposition. Est-ce d'accord?

Le sénateur Berntson: Il est vrai que j'ai proposé de céder la parole au nom du sénateur St. Germain, au cas où le sénateur Taylor voudrait prendre la parole. Il ne suit pas nécessairement que je doive dire au sénateur Taylor quand il doit intervenir.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Il devrait apprendre.

Le sénateur Berntson: Je m'en remets à vous.

Le sénateur Lynch-Staunton: Peut-être demain.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, alors?

Le sénateur Lynch-Staunton: Non.

Son Honneur le Président: Non, la permission est refusée. La question reste inscrite au nom de l'honorable sénateurSt. Germain.

(Le débat est reporté.)

La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Taylor, appuyé par l'honorable sénateur Milne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-243, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (remboursement des dépenses d'élection).-(L'honorable sénateur Berntson).

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, ce projet de loi est inscrit à mon nom. Si personne d'autre ne désire prendre la parole à ce sujet, les questions que nous avons de ce côté-ci peuvent être soulevées en comité.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion tendant à la deuxième lecture du projet de loi?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Régie interne, budgets et administration

Adoption du cinquième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du comité permanent de la Régie interne, des budgets et de l'administration (fonds d'urgence), présenté au Sénat le 16 mai 1996.- (L'honorable sénateur Kenny).

L'honorable Colin Kenny propose: Que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Les institutions financières

Étude du rapport du comité ds banques et du commerce-Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du comité sénatorial permanent des banques et du commerce portant sur les institutions financières d'État, déposé auprès du greffier du Sénat le 1er avril 1996.-(L'honorable sénateur Frith).

L'honorable Michael Kirby propose l'adoption du rapport.

- Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour dire quelques mots au sujet du rapport du comité sénatorial permanent des banques et du commerce qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 1er avril dernier. J'ajoute en passant que ce rapport a suscité des réactions nombreuses dans les médias et de la part de différents politiciens.

Je dois faire remarquer autre chose en commençant, pour éviter toute confusion, c'est qu'il s'agit d'un rapport unanime du comité. Le comité l'a adopté avec l'appui des membres de tous les partis.

Ce rapport traite des institutions financières d'État et des organismes du gouvernement fédéral voués au développement régional. Il examine les besoins à combler pour la prestation de programmes gouvernementaux rentables et efficaces à l'intention des petites et moyennes entreprises.

Le comité des banques a entrepris cette étude l'automne dernier à la suggestion du ministre de l'Industrie, l'honorable John Manley. En juin dernier, M. Manley a témoigné devant le comité au sujet du projet de loi C-91, Loi visant à maintenir la Banque fédérale de développement sous la dénomination de Banque de développement du Canada. En plus de changer le nom de la BFD, ce projet de loi élargissait considérablement le mandat de la banque. Pendant les audiences sur ce projet de loi, le comité a demandé pourquoi, à une époque où l'on réduit sérieusement les activités du gouvernement, le mandat d'une institution financière d'État était considérablement élargi.

  • (1620)
Ce n'était pas la première fois que le comité était confronté à ce genre de question. Deux ans auparavant, en juin 1993, la Société pour l'expansion des exportations s'était vu confiée un mandat élargi. De plus, en avril 1993, la Société du crédit agricole avait reçu un nouveau mandat, beaucoup plus large, suite à l'adoption de la Loi sur la Société du crédit agricole.

Cette tendance se poursuit, comme le montre le fait que dans le plus récent budget du gouvernement on annonce une initiative qui créerait une Société du crédit agricole élargie qui s'occuperait des problèmes de développement rural. Il est donc clair pour le comité qu'il est nécessaire de prendre un peu de recul et de regarder quel est le rôle fondamental de ces organismes dans l'économie canadienne, vu que l'on élargi leur mandat. Le comité voulait savoir si le gouvernement avait bien considéré la façon dont ces organismes fonctionnent en tant qu'instruments de politique publique. Autrement dit, le comité voulait savoir si l'élargissement du mandat de ces organismes faisait partie d'une stratégie générale à long terme ou était simplement destiné à satisfaire un objectif politique à court terme.

M. Manley a admis qu'on devrait effectivement procéder à une telle étude. Il a déclaré au comité qu'il serait utile qu'il entreprenne une telle étude qui essayerait de déterminer, selon les propos de M. Manley au comité, en juin dernier: «[...] comment les institutions financières du gouvernement fédéral, dans leur ensemble, fonctionnent en relation avec le secteur privé, le rôle qu'elles devraient jouer et le genre de lacunes qu'elles tentent de combler.»

Le rapport sur les institutions financières de l'État, qui a été déposé auprès du greffier pendant l'intersession, répond exactement à ces objectifs. Le rapport traite de la Société pour l'expansion des exportations, de la Corporation commerciale canadienne, de la Banque fédérale de développement et de la Société du crédit agricole. Elle traite également de trois organismes de développement régional du gouvernement fédéral. Il s'agit de l'APECA ou Agence de promotion économique du Canada Atlantique, du BFDR(Q) ou Bureau fédéral de développement régional du Québec et de la DEO ou Diversification de l'économie de l'Ouest.

Le comité est parti de l'hypothèse que ces organismes ont un rôle important à jouer quand le secteur privé ne répond pas aux besoins des entreprises commerciales valables. Je tiens à souligner ce point parce qu'il a souvent fait l'objet de reportages erronés dans la presse. Le comité a dit catégoriquement que les PME et les exportations constituaient le moteur de l'économie canadienne et qu'elles étaient vitales pour la santé économique du pays. Le gouvernement fédéral devrait aider les entreprises canadiennes quand il est prouvé qu'il y a dans le système des lacunes que le secteur privé ne veut pas combler.

Ce faisant, le gouvernement fédéral doit cependant s'assurer que ses stratégies sont efficientes. Lorsqu'elles causent des chevauchements et des dédoublements inutiles, il en résulte un gaspillage de ressources publiques. Lorsqu'elles mettent les sociétés d'État à la recherche de clients en concurrence avec le secteur privé, le résultat est encore plus grave.

Honorables sénateurs, il est indubitable que dans les années 90, le gouvernement doit avoir comme principe fondamental la coopération avec le secteur privé par le biais de partenariats entre ce dernier et le secteur public afin de parvenir à une croissance économique maximum. Suggérer que les institutions financières fédérales devraient travailler contre le secteur privé ou qu'elles devraient être en concurrence directe avec les banques, les coopératives de crédit et autres bailleurs de fonds, est aller à l'encontre de la réflexion qui a produit toutes les orientations économiques prises par le gouvernement fédéral, tant conservateur que libéral, au cours de la dernière décennie.

Par conséquent, le comité a fait particulièrement attention aux questions du double emploi et de la concurrence, tant dans le cadre de ses travaux, l'automne dernier, que dans le rapport qu'il a présenté en avril.

En ce qui concerne le double emploi, le comité s'est aperçu qu'il existait pas mal de chevauchements entre organismes fédéraux. À l'heure actuelle, les organismes de développement régional ciblent les PME - tout comme la Banque de développement du Canada. De même, la Société du crédit agricole cible également les PME. En fait, un pourcentage important de ses activités consiste à aider les agriculteurs à démarrer leur propre petite entreprise à l'extérieur de la ferme. De plus, les quatre sociétés d'État financières et les trois organismes régionaux ciblent les industries axées sur la connaissance qui feront leur marque dans la nouvelle économie.

Lorsqu'on cherche à repérer et à éliminer les chevauchements et les dédoublements entre divers organismes financiers de l'État et entre des organismes financiers de l'État et le secteur privé, une partie du problème vient du fait qu'on ne trouve aucune définition courante de la «petite entreprise». Cela rend pratiquement impossible l'analyse des pratiques de prêt de ces organismes pour voir où sont les chevauchements et déterminer leurs façons de livrer concurrence au secteur privé. Ce qui est plus important encore, c'est qu'on n'arrive pas à trouver les failles que ces organismes sont censés combler selon leur mandat.

Ces organismes d'État se font donc concurrence entre eux et avec le secteur privé pour le même segment de marché, soit celui de la petite et moyenne entreprise. En fait, les dédoublements sont tellement répandus que le ministère de la Diversification de l'économie de l'Ouest dit maintenant que son rôle est de fournir à ses clients une fenêtre d'accès aux autres organismes et programmes fédéraux et provinciaux.

De toute évidence, honorables sénateurs, il y a quelque chose qui cloche. La situation demande une attention immédiate lorsque les programmes gouvernementaux sont rendus si multiples et si complexes, de même que les chevauchements si nombreux, qu'un organisme doit aider les entreprises à trouver quel programme pourra répondre à leurs besoins. Les entreprises ne devraient pas avoir à consulter un organisme dont le seul rôle est de leur fournir une carte routière afin qu'elles trouvent leur chemin dans le labyrinthe des programmes gouvernementaux.

Sur la question de savoir si les organismes financiers de l'État entrent en concurrence avec le secteur privé, le comité a entendu des témoignages d'un certain nombre de prêteurs du secteur privé. Aucun d'entre eux n'a nié le besoin légitime qu'ont les organismes gouvernementaux d'être sur le marché. Aucun prêteur du secteur privé n'a prétendu que les institutions financières de l'État ne devaient pas exister. Par contre, tous les prêteurs du secteur privé ont exprimé une crainte face au rôle que les institutions financières de l'État jouent à l'heure actuelle.

Ainsi, l'Association des banquiers canadiens a déclaré qu'il y avait plus d'institutions financières de l'État au Canada que dans tout autre pays membre de l'OCDE. La Centrale de caisse de crédit du Canada a affirmé qu'elle avait toujours fait bon ménage avec les institutions financières de l'État, mais que, en ce moment, en raison des fortes pressions qui s'exercent sur ces institutions pour qu'elles atteignent leurs objectifs, les caisses de crédit se trouvent en concurrence directe avec elles.

La Canadian Financing and Leasing Association a exprimé son inquiétude face aux institutions financières de l'État qui viennent couper l'herbe sous le pieds aux prêteurs du secteur privé désireux d'offrir une gamme complète de services financiers. À une époque où les infrastructures matérielles perdent de plus en plus de terrain, l'idée de doter les institutions financières de l'État de leur propre réseau de succursales a de moins en moins de sens.

En outre, l'association de crédit-bail a prétendu que si l'objectif avoué de l'intérêt public était d'aider la petite et moyenne entreprise sans entrer en concurrence directe avec le secteur privé, les institutions financières de l'État devraient s'occuper de faciliter l'octroi de prêts aux prêteurs du secteur privé ou de minimiser leurs risques plutôt que rivaliser avec les sociétés prêteuses.

À la suite des observations formulées par des sociétés prêteuses du secteur privé et face au problème que pose la concurrence entre le secteur public et le secteur privé, alors que le rôle traditionnel du secteur public a été de combler les lacunes du marché, le comité s'est posé deux questions. Premièrement, dans quelle mesure faut-il minimiser les risques pour que le secteur privé accepte la transaction? Deuxièmement, quelles dispositions le gouvernement prend-il pour minimiser ces risques?

Pour ce qui est de la première question, l'augmentation du crédit a l'avantage de revêtir diverses formes. Chaque forme peut utiliser l'infrastructure actuelle du secteur privé pour gérer et financer les opérations financières. Les programmes gouvernementaux peuvent être assurés sans que les institutions financières de l'État aient à mettre à contribution leur réseau étendu de succursales, ou les infrastructures matérielles que j'ai mentionnées il y a un instant. En effet, le secteur privé gère actuellement les fonds fédéraux qui sont prêtés en vertu de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Il s'agit là d'un excellent exemple d'un programme fédéral efficace assuré par l'entremise de l'infrastructure du secteur privé, sans que le gouvernement fédéral ait à investir dans une infrastructure qui lui soit propre.

Même les usagers ciblés des institutions financières de l'État avaient des préoccupations au sujet de la concurrence. Dans le témoignage qu'elle a présentée devant le comité, la Fédération canadienne de l'agriculture, ardente partisane de la Société du crédit agricole, a néanmoins insisté pour que la Société du crédit agricole ne perde pas de vue son mandat premier. Les représentants de la fédération ont déclaré être sérieusement préoccupés par la concurrence que se livrent actuellement la Société du crédit agricole et les institutions financières du secteur privé, notamment les coopératives de crédit dans l'Ouest et les caisses populaires au Québec. Comme les coopératives de crédit et les caisses populaires sont très actives dans les régions rurales, la Fédération canadienne de l'agriculture craint qu'une concurrence extrême avec la SCA ne mette en péril ces institutions, qui sont très importantes pour l'infrastructure des petites collectivités rurales partout au Canada. Elles risquent de disparaître, ayant été acculé à la faillite en raison d'une concurrence excessive des institutions financières de l'État en général et de la Société du crédit agricole en particulier.

  • (1630)
Comme ils provenaient d'un groupe d'usagers ciblés de la Société du crédit agricole, ces témoignages prouvaient manifestement que les institutions financières de l'État concurrencent effectivement le secteur privé. Ces preuves ont vivement préoccupé le comité et ont constitué un important facteur sous-jacent dans la formulation de ses recommandations.

La Fédération de l'agriculture s'est aussi inquiétée du mode de fonctionnement des autres institutions financières d'État. Ceux qui ont comparu pour la fédération ont dit être préoccupés par le récent élargissement du mandat, qui exige l'autosuffisance de la Société pour l'expansion des exportations. La fédération était d'avis qu'à cause de ce nouveau mandat, révisé en 1993, la SEE était devenue nettement trop réticente face aux risques.

La Fédération de l'agriculture n'était pas la seule de cet avis. Le président de l'Association des exportateurs canadiens a déclaré que le mandat de la SEE, incluant la disposition sur l'autosuffisance, ne permettrait plus à la SEA d'être aussi dynamique que les exportateurs le souhaiteraient.

Le comité a longuement examiné la question de l'autosuffisance des sociétés d'État et des institutions financières d'État. On a récemment étendu cet examen pour englober la Société du crédit agricole et la Banque fédérale de développement.

Même si l'autosuffisance est sûrement un objectif valable du point de vue des affaires, elle soulève une question très intéressante en l'espèce. Les institutions financières d'État peuvent-elles devenir autosuffisantes si le seul moyen d'y parvenir est de viser les entreprises actuellement rentables qui bénéficient des services fournis par les institutions financières du secteur privé? De toute évidence, exiger l'autosuffisance des institutions financières d'État soulève un dilemme fondamental.

Le comité s'est posé les questions suivantes: ces institutions devraient-elles viser les entreprises rentables qui sont aussi visées par le secteur privé? La comité répond par un non catégorique. Ces institutions financières d'État devraient-elles refuser les prêts aux entreprises qui ne présentent pas un taux de sécurité élevé ou le plus haut taux de rendement? Encore une fois, la réponse est un non catégorique.

Les institutions financières d'État ont pour objet de combler les besoins que le secteur privé ne satisfait pas.

Pour mettre le problème en perspective, voici quelques exemples dont il a été question pendant les témoignages devant le comité. Un prêt à une petite ferme familiale ne présente peut-être pas un taux de rendement assez élevé pour qu'un prêteur privé en approuve le consentement. Le prêteur privé pourra faire beaucoup plus d'argent en prêtant à une exploitation plus importante. De même, un prêt à une petite entreprise du Yukon, par exemple, risque d'entraîner des coûts plus élevés que s'il est consenti à une entreprise de même dimension et de même type dans le centre de Toronto.

Cependant, faudrait-il vendre l'entreprise agricole familiale simplement parce qu'elle ne peut trouver d'argent à emprunter sur le marché privé? Faudrait-il que l'entreprise du Yukon déménage à Toronto simplement parce qu'elle ne peut trouver d'argent auprès de sources de prêts du secteur privé? Là encore, le comité croit fermement que la réponse à ces questions est non.

Si ces deux exemples représentent des entreprises rentables, le comité affirme que ces entreprises méritent un soutien.

Son Honneur le Président: J'ai le regret d'informer le sénateur Kirby que son temps de parole est écoulé.

Permission est-elle accordée pour que l'honorable sénateur puisse poursuivre?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kirby: Si ces deux exemples représentent des entreprises rentables, le comité affirme très énergiquement qu'elles méritent un soutien et que les institutions financières de l'État devraient intervenir pour les aider. Voilà exactement le genre de lacunes que les institutions financières de l'État devraient combler. Ces institutions ont été créées pour aider les entreprises valables qui n'ont aucun accès au financement dans le secteur privé. Elles ont été créées pour combler des lacunes sur le marché des services financiers que le secteur privé n'est pas disposé à combler.

Honorables sénateurs, la raison d'être fondamentale de ces institutions s'en trouve perdue si, à cause de leur objectif d'autonomie, elles cherchent trop à réduire les risques ou à maximiser les bénéfices.

Mêmes les institutions financières de l'État sont d'accord avec cet objectif fondamental, à savoir combler les lacunes. Chacune des institutions financières de l'État examinées par le comité en a témoigné. La Société du crédit agricole, par exemple, a déclaré que ses clients avaient besoin de conditions plus souples pendant la phase de lancement de nouvelles entreprises, des conditions qui tiennent compte des circonstances dans lesquelles on exploite une entreprise dans une région rurale. La Banque fédérale de développement a déclaré qu'elle avait pour but de concentrer ses activités dans des secteurs du marché qui n'étaient pas occupés par les institutions de prêt commerciales.

Mais les institutions jouent-elles ce rôle? Selon les faits qui ont été présentés au comité, il y a place pour des améliorations considérables, pour dire le moins. Certaines institutions financières de l'État ont une stratégie très claire qui consiste à abandonner les créneaux à haut risque ou à faible rentabilité dont elles devraient s'occuper. Certaines empiètent sur des domaines d'activité normalement réservés au secteur privé afin d'atteindre le nouvel objectif d'autofinancement. Certaines se disputent la même clientèle. Elles recherchent exactement les mêmes clients. Ce sont là des tendances inquiétantes dont il est tenu compte dans la réorganisation des institutions que le comité recommande dans son rapport. Honorables sénateurs, je vais commenter brièvement la réorganisation préconisée dans le rapport.

Le comité recommande que les institutions financières de l'État se dotent de méthodes pour déceler les lacunes sur les marchés des capitaux. En outre, elles devraient être tenues de préciser, dans leurs rapports annuels, quelles sont ces lacunes et comment elles les comblent. Il n'est pas déraisonnable de demander qu'une société d'État nous dise ce qu'elle pense faire comme travail et que, dans son rapport annuel, elle mesure les progrès accomplis.

En conséquence, le comité recommande dans son rapport l'harmonisation et la consolidation des activités et des structures des établissements et organismes financiers d'État afin de supprimer les chevauchements et les doubles emplois qui sont manifestement trop nombreux.

À cet égard, une des recommandations les plus importantes à figurer dans le rapport est que les établissements financiers d'État relèvent de la compétence d'un seul ministre et que les fonctions corporatives, essentiellement les fonctions d'administration centrale de tous ces établissements - trésorerie, contentieux, ressources humaines, pour n'en citer que quelques-unes - relèvent d'une seule structure d'État intégrée.

La structure intégrée comprendrait une administration centrale et deux divisions d'exploitation, soit la société résultant du fusionnement de la Société du crédit agricole et de la Banque fédérale de développement et celle résultant du fusionnement de la Société pour l'expansion des exportations et de la Corporation commerciale canadienne. Ces deux dernières organisations s'occupent exclusivement du marché des exportations.

Cette structure composée d'une société de portefeuille et de deux filiales vise à une efficacité maximale. Le comité est persuadé qu'une telle intégration permettra d'épargner sur les frais d'administration et de supprimer les nombreux chevauchements qui existent à l'heure actuelle. En outre, elle permettra de déterminer plus facilement si des organismes publics font concurrence au secteur privé et, dans l'affirmative, de mettre fin à une telle concurrence.

Le comité recommande en outre que le mandat de la société intégrée soit examiné tous les cinq ans de la même manière exactement que celui de nombreux autres organismes publics et, en fait, que la loi régissant les établissements financiers du secteur privé.

Nous croyons qu'il importe de tenir un débat public sur ce mandat afin de s'assurer que ces établissements offrent bien des services qu'aucun autre établissement n'offre et n'entrent pas directement en concurrence avec le secteur privé.

Nous croyons important, en effet, que, tous les cinq ans, les groupes d'usagers de ces divers établissements aient l'occasion d'exprimer leur opinion sur le rendement de ces établissements. Un examen public est une partie essentielle du processus visant à améliorer ces établissements et organismes. Nous croyons que l'examen public contribuera grandement à améliorer l'efficacité de ces institutions.

  • (1640)
Les réserves au sujet de la création d'une nouvelle société d'État - essentiellement une société de portefeuille et ses filiales - ont incité les médias à faire certaines observations, dont les plus extrêmes ont certes été celles formulées par Terence Corcoran dans sa chronique publiée dans le Globe and Mail le8 avril dernier. Essentiellement, M. Corcoran alléguait que nous tentions de créer une nouvelle bureaucratie. Le rapport précise pourtant que nous cherchons à consolider les bureaucraties existantes.

Deux recommandations clés du rapport visent à empêcher une bureaucratie élargie qui ne serait pas sensible aux besoins. Premièrement, il est recommandé que les institutions financières de l'État diffusent régulièrement des données similaires aux données que fournissent actuellement les institutions privées au

comité et à la population, afin que l'on puisse comparer le genre et l'efficacité des services fournis tant par les institutions publiques que par les institutions privées. Deuxièmement, il est recommandé que ces institutions diffusent chaque année un rapport clair sur les lacunes qu'elles cherchent à combler et leur taux de réussite. L'examen public s'en trouvera ainsi facilité et exercera une certaine incidence sur le processus. On deviendra aussi plus responsable envers la population.

Nous croyons que l'examen public et la discussion sont des éléments importants, puisqu'il est très difficile de déceler les lacunes et d'éviter la concurrence entre le secteur public et le secteur privé. Cela ne se limite pas simplement à éviter la concurrence avec le secteur privé. Il faut aller jusqu'à se demander si toutes les lacunes doivent être comblées et si elles exigent toutes l'intervention de l'État. En fait, certaines lacunes devraient simplement continuer d'exister, sans que le secteur public ou le secteur privé ne cherche à les combler.

Quant à savoir si les institutions financières de l'État doivent être autonomes, le comité a bien précisé qu'il faudrait encourager ces institutions à se diriger vers cette voie. Toutefois, si, en remplissant leur mandat, qui consiste à appuyer les entreprises privées que les institutions privées n'appuient pas, elles accumulent un déficit, il incombe au Parlement de décider s'il devrait prévoir des fonds pour éponger ce déficit. Les institutions ne devraient pas avoir à essayer de combler elles-mêmes leur déficit en se lançant dans des domaines plus lucratifs où le secteur privé offre déjà des services adéquats.

Le comité a recommandé entre autres la fusion de la Société pour l'expansion des exportations et de la Corporation commerciale canadienne. Le comité ne voit vraiment pas pourquoi les exportateurs ne pourraient être servis par un seul organisme dont les intérêts consistent notamment à faciliter la conclusion de contrats avec l'étranger - ce que fait la Corporation commerciale canadienne - et à aider les entreprises à accroître leurs exportations.

Lorsqu'ils ont comparu devant le comité, les représentants de la Société pour l'expansion des exportations ont exprimé des réserves à cet égard et ont ensuite fait connaître celles-ci à de nombreux services du gouvernement fédéral. La SEE a dit qu'il s'ensuivrait un conflit d'intérêts entre les fonctions des deux organismes.

Les conflits d'intérêts ne semblent toutefois pas poser de problème pour des entreprises du secteur privé comme General Electric et General Motors, pour n'en nommer que deux. Ces sociétés non seulement fabriquent et vendent des produits, mais cherchent aussi énergiquement à réaliser des bénéfices en offrant du financement aux acheteurs de leurs produits. Or, en examinant l'expérience dans le secteur privé, le comité a très bien compris que le risque de conflit d'intérêts évoqué par la SEE n'existait tout simplement pas. Par conséquent, il a catégoriquement rejeté les réserves exprimées à ce sujet par la SEE.

Le rapport recommande aussi la fusion de la Société du crédit agricole et de la Banque de développement du Canada, car elles visent toutes deux les petites entreprises.

Il se peut que certains agriculteurs craignent de perdre un organisme qui était expressément chargé de répondre à leurs besoins, mais le comité a entendu bien des témoins, dont la Fédération canadienne de l'agriculture, qui estiment qu'une bonne partie du travail actuel de la Société du crédit agricole consiste à aider des agriculteurs désirant diversifier leurs activités dans des domaines autres que l'agriculture. Une bonne partie du travail de la Société du crédit agricole vise des activités extérieures à la ferme, c'est-à-dire des entreprises qui appartiennent à des agriculteurs, mais qui ne sont pas, à proprement parler, liées à l'agriculture.

Toutes ces activités de la Société du crédit agricole font clairement double emploi avec celles de la Banque de développement du Canada. Étant donné que les activités à l'extérieur de la ferme représentent une part croissante des activités de la Société du crédit agricole, il est évident que le degré de chevauchement entre la SCA et la BDC va continuer d'augmenter.

Le comité a dit clairement dans son rapport que les agriculteurs sont des hommes d'affaires et qu'ils méritent d'être traités comme tel. Le comité estime que leurs besoins spéciaux en tant qu'agriculteurs, par opposition à leurs besoins relatifs à leurs activités à l'extérieur de la ferme, seront tout aussi bien servis par une société d'État financière intégrée que par la SCA.

Le comité croit en effet que la nouvelle institution financière intégrée serait en mesure d'aborder les besoins des agriculteurs d'une manière plus globale et plus profonde précisément à cause de la grande expérience de la BDC auprès d'entreprises non agricoles. Cette institution intégrée proposée par le comité serait en mesure de répondre aux besoins des agriculteurs mieux que ne le fait la SCA, tout en réduisant les frais généraux combinés de la SCA et de la BDC.

La recommandation du rapport qui a toutefois fait couler le plus d'encre dans les médias est celle qui porte sur la disparition graduelle des organismes de développement régional - l'APECA, le BFDR(Q) et la Diversification de l'économie de l'Ouest - par l'intégration de tous leurs programmes existants dans l'organisme issu de la fusion de la SCA et de la BDC. En fait, nous n'avons pas recommandé que le développement régional soit supprimé, mais que les programmes maintenant offerts par ces organismes de développement régional soient intégrés à cette nouvelle institution financière d'État.

Du point de vue de l'efficacité, il est tout à fait logique que des organismes régionaux puissent profiter de la compétence et de l'infrastructure d'institutions financières du secteur public. C'est logique, parce que les organismes régionaux ont dit au comité que leur champ d'activité, leurs clients et leur marché cible sont exactement les mêmes que ceux de la Société d'aide aux entreprises et de la Société du crédit agricole. Tous, ils aident les petites et les moyennes entreprises.

Comme je suis des provinces atlantiques, je tiens tout particulièrement à insister sur le fait que le comité n'a pas dit que le gouvernement fédéral ne devait pas s'occuper de développement régional. En fait, l'ensemble du comité est certainement d'avis que le gouvernement fédéral devait continuer de s'occuper de cette activité. À supposer que le nouvel organisme intégré adopte le mode de fonctionnement de la Société d'aide aux entreprises et de la Société du crédit agricole, il pourrait utiliser les fonds que le gouvernement fédéral lui donne pour le développement régional comme levier. En vertu de leurs lois constitutives, la SCA et la SAE peuvent emprunter12 fois ce que donne le gouvernement fédéral aux organismes régionaux parce que, à toutes fins utiles, cet argent sert de capital d'apport.

Par conséquent, grâce à notre proposition, les sommes disponibles pour le développement régional augmenteront de façon substantielle. Les sommes transférées des organismes régionaux à l'organisme remplaçant la Société du crédit agricole et la Société d'aide aux entreprises seront multipliées par douze. Il y aura donc plus, et non moins, pour le développement régional.

Les recommandations du comité ont suscité beaucoup de critiques, notamment de la part de personnalités publiques du Canada atlantique. Cependant, il convient de noter que pratiquement tous les éditoriaux et autres articles de journaux de cette région ont appuyé le rapport du comité. Les critiques provenaient en majorité de politiciens, et non des médias ni des associations d'entreprises.

Ces critiques reposaient dans une large mesure sur la réputation que l'APECA a acquise du milieu des années 1980 au milieu des années 1990. Elle était en effet vue comme un organisme inefficace servant surtout à récompenser les partisans du parti politique au pouvoir.

Les politiciens et certaines des personnalités publiques qui ont critiqué le rapport l'ont fait parce qu'ils croient qu'une société d'État ne s'intéresserait pas, en gros, au Canada atlantique. Certains ont dit également qu'ils croyaient que certains des meilleurs programmes de l'APECA, comme le programme de coopération, cesseraient d'exister si l'APECA était fusionnée avec la Société du crédit agricole et la Société d'aide aux entreprises.

Encore une fois, ces remarques viennent de gens qui n'ont certainement pas regardé, lu ou compris le rapport du comité. Le comité a dit clairement qu'il comprenait bien les préoccupations exprimées. C'est exactement pourquoi nous avons recommandé que les programmes existants des agences régionales, y compris l'APECA, soient maintenus dans la nouvelle organisation intégrée. C'est aussi pourquoi le comité a recommandé à lapage 41 que le gouvernement exige que la nouvelle institution financière intégrée dépense un pourcentage précis de ses fonds dans chacune des régions les moins développées de notre pays.

  • (1650)
Si certains craignaient que cette nouvelle institution ne réponde pas de façon adéquate aux besoins des régions les plus pauvres, une simple directive du gouvernement fédéral suffirait à apaiser toutes ces craintes. C'est pourquoi le comité a recommandé de façon très explicite que les institutions financières d'État continuent de jouer activement leur rôle dans la région de l'Atlantique, dans l'Ouest et au Québec.

Enfin, en ce qui a trait aux préoccupations exprimées par diverses personnalités publiques au sujet de la nécessité, pour les organismes régionaux, d'avoir une vocation locale et de comprendre les besoins locaux, le comité ne voit pas pourquoi bon nombre des personnes qui dirigent ces programmes au nom d'organismes comme l'APECA ne pourraient pas continuer de diriger les programmes de même type pour la nouvelle institution financière d'État.

Aussi, le comité estime - et c'est également ma conviction personnelle - avoir tenu compte de chacune des attentes exprimées par ceux qui appuient les organismes régionaux, en particulier l'APECA, au sujet du rapport et y avoir donné suite de façon plus que satisfaisante.

En terminant, honorables sénateurs, lorsqu'il a rédigé son rapport et fait ses recommandations, le comité sénatorial permanent des banques et du commerce était conscient que ce rapport ne serait pas bien vu de la haute direction des diverses institutions financières d'État qu'il a examinées. Il était également conscient que le rapport ne serait pas bien accueilli par les organismes de développement économique régional, que le rapport recommande de démanteler, et qu'il ne serait pas davantage bien perçu des politiciens qui continuent, dans les années 90, de prôner résolument une approche du développement régional qui remonte aux années 60 et 70. Selon les termes d'un journaliste qui commentait le rapport, «le rapport empiète sur des chasses gardées».

Le comité savait que ce serait en partie la réaction. Nous pensions cependant que cela ne devrait pas nous empêcher de faire les recommandations que nous avons formulées. Je dirais que l'un des principaux rôles de la Chambre et des comités du Sénat est de lancer un débat public sérieux qui n'aurait pas lieu autrement. C'est un rôle que le comité sénatorial permanent des banques et du commerce aime et qu'il continuera d'assumer. Dans ce cas, nous avons entamé un débat que les ministres auraient trouvé difficile à entamer et auquel d'autres, notamment les personnes à la tête des institutions financières de l'État, se seraient vivement opposés.

Pour passer à un sujet totalement différent, il y a environ un an, le comité se trouvait dans la même situation que celle où il se trouve avec ce rapport. Il y a un an, le comité a recommandé qu'un élément de coassurance soit introduit dans le système d'assurance-dépôts du Canada. Nous avons fait cette recommandation en sachant qu'elle serait politiquement impopulaire dans de nombreux cercles et qu'elle ferait l'objet d'une forte opposition. Néanmoins, le comité a présenté cette recommandation concernant la coassurance parce que nous croyions que c'était ce qu'il fallait, que c'était la politique gouvernementale juste et adéquate. Nous avons amorcé un débat que nous croyons avoir été très utile.

Notre recommandation a forcé le gouvernement à examiner sérieusement la question de la coassurance - tout comme il est maintenant forcé de tenir un débat interne approfondi sur le rôle des institutions financières d'État.

C'est la composition du comité des banques, les connaissances approfondies de ses membres et la réputation qu'a le comité de toujours fouiller à fond les questions de politique qui ont favorisé l'amorce d'un débat non sectaire sur une politique gouvernementale controversée. La réputation qu'a le comité de favoriser de telles circonstances est une conséquence de la manière dont les membres du comité travaillent ensemble en oubliant les lignes de parti. Ses membres jugent aussi les idées du point de vue commercial, plutôt que seulement du point de vue politique ou sectaire, afin d'en arriver à un consensus sur des enjeux politiques importants.

Honorables sénateurs, depuis dix ans que je siège au comité, je ne me souviens que de deux projets de loi qui ont fait l'objet d'un vote partisan, malgré le fait que le comité soit saisi d'environ 40 p. 100 des mesures législatives étudiées au Sénat. Mis à part ces deux cas, durant dix ans, à tout autre égard et pour toute autre mesure législative, le comité s'est entendu par

consensus, ce qui fait que les rapports jouissaient d'un appui ferme des sénateurs tant conservateurs que libéraux. Je suis convaincu que nous continuerons de la même façon, que le comité des banques continuera à rédiger des rapports qui serviront les intérêts du Sénat tout en demeurant un bon catalyseur de débats publics informés. Ce faisant, nous savons bien qu'il nous arrivera parfois de présenter des rapports controversés sur des politiques gouvernementales, mais nous recommanderons les modifications que nous croirons justes, même si nous savons qu'elles entraîneront des critiques et de la controverse.

Honorables sénateurs, le comité n'a jamais reculé après avoir pris de difficiles décisions politiques. Nous ne l'avons pas fait avec ce rapport, et nous ne le ferons pas dans l'avenir. Voilà, honorables sénateurs, l'héritage que veut laisser notre comité.

Des voix: Bravo!

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

L'enseignement postsecondaire

Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Bonnell, attirant l'attention du Sénat sur l'état déplorable de l'enseignement postsecondaire au Canada.- (L'honorable sénateur Berntson).

L'honorable Eric Arthur Bernston (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je cède la parole au sénateur Oliver.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer la motion du sénateur Bonnell visant à demander au Sénat d'enquêter sur l'éducation postsecondaire au Canada. C'est une question tellement importante qu'on devrait envisager de créer un comité spécial sur le sujet, faute de quoi, comme l'a suggéré le sénateur Bonnell, le comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie devrait être saisi de cette question.

J'ai fait partie du système canadien d'éducation postsecondaire, tant comme étudiant que comme professeur. J'ai fait mes études de premier cycle et j'ai obtenu mon diplôme de droit dans des universités de la Nouvelle-Écosse, ma province natale. Depuis la fin de mes études, j'ai enseigné divers cours de droit à l'Université Dalhousie et à l'université technique de la Nouvelle-Écosse, l'Université St. Mary's. J'ai observé nos universités et leurs problèmes du point de vue d'un étudiant, d'un enseignant et, il y a tout juste quinze jours, lors d'une réunion du conseil des gouverneurs de l'Université Dalhousie.

J'appuie le sénateur Bonnell lorsqu'il dit qu'au Canada l'éducation postsecondaire est en crise. Mais, bien que cette crise ait sans doute été précipitée, voire même exacerbée, par les récentes compressions budgétaires, il y a longtemps qu'elle couve. Cette crise est le résultat de l'évolution du monde dans lequel nous vivons. Nous passons, en tant que nation développée, d'une économie dont la richesse était basée sur l'exploitation et la transformation des ressources naturelles à une économie basée sur les connaissances. Il devient donc d'autant plus crucial pour ceux qui espèrent rejoindre les rangs de la population active de parfaire leur éducation.

Le problème, c'est que tant les étudiants que les universités doivent s'adapter à ces nouvelles réalités à un moment où les ressources financières diminuent. À bien des égards, le secteur des affaires et du commerce au Canada s'est déjà adapté, et le Canada est considéré dans le monde entier comme un leader dans le domaine des nouvelles technologies et des communications, c'est-à-dire dans le secteur des industries fondées sur le savoir. Pour les entreprises, la question qui découle de cette crise dans le domaine de l'éducation est l'incapacité des universités et autres établissements d'enseignement postsecondaire de répondre à la demande de diplômés en science informatique et autres domaines de haute technologie. Mais j'y reviendrai.

En ce qui me concerne, l'interpellation du sénateur Bonnell devrait se porter sur quatre domaines reliés entre eux: le rôle des gouvernements en matière d'enseignement, la relation entre les entreprises et l'enseignement, les problèmes d'accessibilité des étudiants, et les autres façons permettant aux établissements d'enseignement postsecondaire de résoudre les problèmes qu'ils ont actuellement. L'interpellation peut réunir des représentants de ces quatre domaines, de façon à obtenir leur point de vue sur les objectifs d'un enseignement formel. Les objectifs de l'enseignement doivent être définis avant que l'on puisse mettre en place une stratégie générale qui profiterait aux quatre groupes.

Autrement dit, on doit se demander sérieusement si les universités doivent encore demeurer un endroit où on enseigne aux étudiants à penser, si elles doivent rester des institutions de civilisation et de socialisation qui inspirent la pensée créatrice. C'est certainement la perception que l'on avait de nos universités dans les années 70 et peut-être 80. En sommes-nous au point où les universités devraient se concentrer sur la préparation des étudiants au marché du travail, en leur enseignant des compétences commercialisables et répondant directement au besoin du marché du travail? On doit répondre à ces questions fondamentales. Il serait important de définir exactement le rôle des gouvernements dans l'enseignement postsecondaire.

  • (1700)
Le docteur Ken Ogilvie, président de l'Université Acadia, proposait plusieurs rôles pour les gouvernements à un symposium sur le sujet qui se tenait à l'Université St. Mary's, en Nouvelle-Écosse, en janvier de cette année. Il estimait que le gouvernement fédéral devait déterminer le niveau de financement qu'il était prêt à verser aux provinces pour l'enseignement postsecondaire. Le gouvernement provincial, pour sa part, devrait alors déterminer le niveau de financement de ses universités et, ensuite, les deux niveaux de gouvernement devraient laisser le champ libre aux universités. De l'avis deM. Ogilvie, les gouvernements ne devraient pas essayer de procéder à la microgestion des universités. Il faudrait laisser les universités décider des meilleurs moyens de bâtir l'avenir. Ce sont les universités qui sont les mieux placées pour déterminer quels programmes offrir, non pas les gouvernements.

Les relations entre l'entreprise et le monde de l'enseignement n'ont jamais beaucoup préoccupé ceux et celles qui font des études postsecondaires au Canada. Pourtant, les affaires et l'éducation sont inextricablement liés. C'est un aspect sur lequel un comité sénatorial devrait se pencher.

Du point de vue pratique, il ne sert pas à grand-chose de proposer un système d'éducation qui ignore les exigences du marché. Cela est particulièrement vrai à cette époque où la plupart des sociétés réduisent leurs effectifs, ce qui a pour effet d'accroître encore davantage le nombre des candidats à l'emploi. Un bureau de recrutement de Toronto a récemment mené une enquête nationale sur les besoins en effectifs des entreprises. On a posé la question suivante aux futurs employeurs: «Que cherchez-vous chez les étudiants qui veulent travailler pour vous?» Les compétences en relations humaines, les compétences en gestion et les compétences techniques venaient en tête de liste.

Les employeurs prévoient que les emplois d'avenir seront concentrés dans les secteurs suivants: les systèmes informatiques et d'information, la vente, le marketing et le génie. La technologie modifie rapidement l'aspect du marché du travail. La moitié des emplois qui seront offerts dans dix ans n'existent probablement pas aujourd'hui. Auparavant, les entreprises se rendaient dans plusieurs universités pour recruter des employés. Maintenant, elles rationalisent leurs efforts en ne visitant que les universités spécialisées dans leurs domaines.

Les établissements d'enseignement postsecondaire ne peuvent plus ne pas tenir compte des exigences du marché. Les questions qui se posent aux étudiants ne sont pas nouvelles, mais l'enquête doit les analyser en profondeur. Elles sont de deux ordres: l'accessibilité aux établissements d'enseignement et la pertinence de ce qui y est enseigné.

En présentant le Programme canadien de prêts aux étudiants dans les années 60, nous étions fiers d'avoir résolu le problème de l'accès pour ceux qui désiraient fréquenter l'université. De bien des façons, je crois que nous nous bercions d'illusions, même à l'époque. L'expérience scolaire des familles à faible revenu, des enfants handicapés et des enfants des minorités diffère de celle des enfants des familles à moyen et à haut revenu, malgré le Programme canadien de prêts aux étudiants.

Il faut aborder la question des coûts et de l'énorme fardeau de dettes que portent les étudiants dans le contexte de l'accès généralisé quelles que soient les capacités financières. En outre, nos institutions d'enseignement doivent tenir compte de la nécessité de donner aux étudiants des outils commercialisables. Ceci me ramène à mes commentaires précédents sur la relation entre le milieu des affaires et celui de l'enseignement. Rien n'est plus décourageant pour un étudiant, un diplômé éventuel, que de réaliser que ses trois ou quatre années d'études de premier cycle ne lui ont procuré aucune compétence commercialisable, ou encore que ses connaissances acquises intéressent peu le marché.

Je ne dis pas que les universités devraient abandonner l'enseignement de la pensée critique, de l'histoire - puisque je suis diplômé en histoire - ou de l'appréciation des arts, ou négliger le développement du potentiel créateur, mais je dis qu'en ces temps de restrictions et de compétitivité mondiale, il faut revoir la relation pratique entre l'éducation et le travail.

Enfin, les nouveaux défis que les universités canadiennes devront relever occuperont une grande part du temps consacré à cette étude. Dans le mémoire qu'elle a présenté au comité des comptes publics de l'assemblée législative de la Nouvelle- Écosse, l'union des étudiants de cette province demande aux établissements postsecondaires de trouver des façons de présenter les programmes différemment. Selon elle:

[...] il faudrait revoir la structure des programmes, par exemple le temps qu'il faut ou le nombre de crédits requis pour compléter un cours.

Les universités devront se pencher sur de nouvelles questions, par exemple, différentes méthodes de prestation des programmes au moyen de la formation à distance, par correspondance ou par l'Internet. Elles doivent le faire pour offrir des solutions de rechange à la méthode traditionnelle d'enseignement à plein temps sur un campus. La souplesse doit devenir la pierre angulaire de la prestation des programmes.

Les universités doivent faire preuve de créativité pour tenter de régler leurs problèmes financiers. Elles doivent cesser de se borner à critiquer les gouvernements pour leurs fonds suffisants et affronter la réalité. Les universités doivent chercher à créer des partenariats avec le secteur de l'industrie et développer un esprit d'entreprise pour vendre leurs programmes au Canada et à l'étranger.

Je suis particulièrement fier des efforts que déploient les universités de la région de Halifax pour accroître leur collaboration et la coordination de leurs ressources, de leur matériel et de leurs programmes d'études. Grâce à cette collaboration, elles ont économisé environ 17 millions de dollars sur une période de trois ans. Les universités d'autres villes devraient s'inspirer de ce modèle.

Dans son étude, le Sénat devrait également examiner la façon dont les universités pourraient le mieux accéder aux renseignements en cette période de mondialisation des connaissances. Avec l'avènement de l'Internet, les étudiants s'attendent que les documents de recherche soient facilement accessibles sur les rayons de leurs bibliothèques. Les coûts de maintien de pareilles bibliothèques de recherche sont pratiquement prohibitifs. Les universités devront trouver des moyens de collaborer les unes avec les autres pour offrir aux étudiants les meilleures bibliothèques de recherche possibles.

En outre, les universités doivent trouver des moyens de reconnaître et de récompenser les bons enseignants. Si la recherche et la rédaction ont toujours été hautement considérés dans les universités, nos enfants exigent et méritent une instruction de grande qualité.

Honorables sénateurs, j'appuie la motion du sénateur Bonnell, car j'estime que l'amélioration de l'enseignement postsecondaire est primordiale pour assurer le mieux-être des Canadiens à l'avenir. En terminant, j'estime qu'il convient de citer une phrase de l'historien canadien bien connu, Desmond Morton. Il nous rappelle que, même en période de difficultés économiques généralisées, il reste:

[...] un pilier de la prospérité qu'il nous revient de négliger ou d'améliorer, de miner ou de renforcer, à savoir, fournir des cerveaux bien instruits.

L'honorable Noël A. Kinsella: Je voudrais poser une question au sénateur Oliver, s'il le veut bien. En fait, j'ai deux questions ou deux préoccupations.

Vous avez fait allusion à l'importance pour les jeunes d'aujourd'hui de s'instruire et de bien connaître l'informatique. Pourriez-vous fournir un peu plus de détails? Je crois que vous avez fait allusion à cela et j'aimerais avoir une explication. Comment pouvons-nous éviter de créer simplement des bûcherons et des porteurs d'eau en insistant, peut-être même trop, sur les techniques d'information, au point où nos jeunes ne reçoivent pas de formation par étapes et surtout n'apprennent pas l'analyse des valeurs, qui est si importante dans la société moderne?

Je considère votre réaction à ma métaphore très importante: Comment éviter de simplement former des personnes hautement spécialisées qui, comme je l'ai dit, ne seraient finalement que les bûcherons et les porteurs d'eau de l'ère moderne?

Le sénateur Oliver: Je remercie l'honorable sénateur pour sa question, qui est extrêmement importante et qui sera sûrement analysée attentivement par le comité. L'Université Acadia de Wolfville, en Nouvelle-Écosse, a entrepris une expérience qui exigera, l'an prochain, que tous ses étudiants aient obligatoirement un ordinateur. Leurs ordinateurs doivent être dotés d'un logiciel standard leur donnant accès à Internet, ce réservoir universel de connaissances où ils peuvent avoir accès aux bibliothèques du monde entier et télécharger des documents intéressants sur leur sujet de recherche. Le genre d'alphabétisation dont je parle est l'initiation à la technologie qui leur permettra d'utiliser ces nouvelles machines et leurs logiciels pour les aider à devenir bien équilibrés et bien instruits.

Grâce à l'accès à Internet, ils seront capables non seulement d'obtenir de l'information technique, mais aussi d'acquérir des connaissances sur les arts et les artistes, la culture, l'histoire et la philosophie. Cela ne se limite pas strictement aux questions techniques. L'honorable sénateur n'a pas raison de le craindre.

Je ne sais pas à quel point l'honorable sénateur fréquente Internet. Le sénateur Perrault a mentionné fréquemment la vaste gamme de sujets auxquels on peut avoir accès; il n'y a pas que la technologie.

Dans le programme que j'envisage, je ne crois pas qu'on mettrait trop l'accent sur la technologie de l'information.

L'honorable Phillipe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, on annonce que l'Internet permet d'accéder à la Bibliothèque du Congrès américain. On peut accéder à l'index, mais à aucun texte. La même chose vaut pour les autres index du genre.

Tant que l'Internet ne sera pas plus développé, cela reviendra à chercher une aiguille dans une botte de foin; et une botte de foin ne se compose pas d'un foin très nutritif.

Le sénateur Kinsella: Ma seconde question, sénateur Oliver, concerne une de mes préoccupations. Les sénateurs se rappelleront peut-être que, en 1976, par suite d'un accord intervenu entre le gouvernement fédéral et toutes les provinces canadiennes, le Canada a assumé l'obligation de ratifier le Pacte international de l'ONU relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L'article 13 de ce pacte prévoit que l'enseignement postsecondaire devienne progressivement gratuit. Il me semble que, depuis 1976, l'enseignement postsecondaire, au lieu de tendre vers la gratuité, devient de plus en plus coûteux. Autrement dit, nous ne respectons pas notre engagement à cet égard.

Le sénateur croit-il que cette étude pourra se pencher sur cette proposition? Nous avons en place un moyen de déterminer si nous respectons cet engagement ou si, en fait, nous nous en écartons.

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, c'est une autre excellente question. Je crois que le comité se penchera sur l'accessibilité. Dans quelle mesure l'enseignement postsecondaire est-il accessible à tous les Canadiens, qu'ils soient riches ou pauvres? Le coût de l'éducation est certainement un facteur à prendre en considération pour comprendre l'accessibilité.

J'espère que le sénateur Kinsella, en sa quallité de professeur qui a enseigné pendant de nombreuses années, participera aux travaux du comité. Étant donné le travail qu'il a fait par rapport aux droits de la personne et aux activités des Nations Unies, il comprendra parfaitement la signification de l'article 13, une clause qui devrait être discutée au comité.

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, je voudrais, moi aussi, intervenir sur l'interpellation du sénateur Bonnell.

Le 30 avril, le sénateur Bonnell a soulevé la question de l'état actuel de l'éducation postsecondaire au Canada et de son développement futur. Il a émis l'avis que cette question pourrait être renvoyée au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour une étude en profondeur. Pour ma part, j'appuie l'initiative du sénateur Bonnell. J'espère qu'il défendra sa proposition que le comité examine l'éducation postsecondaire. J'espère que le mandat d'une telle enquête sera suffisamment large pour englober toutes les préoccupations que le sénateur Bonnell a soulevées dans son discours.

Comme le gouvernement le répète constamment ces dernières années, je suis tout à fait d'accord pour dire que l'éducation postsecondaire est la clé non seulement du succès pour les étudiants dans leur carrière et leur gagne-pain, mais encore de notre prospérité et de notre compétitivité futures en tant que pays. Sans éducation postsecondaire de qualité et facilement accessible, l'avenir est sombre.

Toutefois, le sénateur Bonnell a dressé un tableau sombre de la situation actuelle des établissements d'enseignement postsecondaire. Ces dernières années, nos étudiants, les facultés et les établissements eux-mêmes ont subi des réductions importantes de l'aide financière fédérale et provinciale, un recul du financement de la recherche et du développement, des hausses des frais de scolarité et l'augmentation de leur dette.

Honorables sénateurs, ces menaces qui pèsent sur l'avenir de nos établissements postsecondaires ne sont ni abstraites ni vagues.

Le 29 avril, le ministre de l'Éducation de ma propre province, Terre-Neuve et le Labrador, a annoncé des compressions supplémentaires de 8 millions de dollars dans le réseau d'enseignement postsecondaire. Les cinq collèges communautaires régionaux seront regroupés sous une seule administration. Cinq des 24 campus du réseau collégial fermeront. Six collèges qui offrent actuellement des cours universitaires de première année sous la direction de l'Université Memorial n'offriront plus cet enseignement. Environ 250 postes d'enseignants et d'administrateurs seront éliminés.

À notre époque, où les gouvernements prêchent l'absolue nécessité d'avoir une formation postsecondaire plus vaste et meilleure, ils continuent de réduire les fonds destinés à l'éducation. Ils continuent de réduire l'accessibilité de l'éducation. Dans le processus, ils découragent les futurs étudiants de suivre des études postsecondaires. Le nombre d'inscriptions diminue, non seulement à Terre-Neuve et au Labrador. Mais dans beaucoup d'établissements postsecondaires à travers le pays - une situation due en partie aux conséquences inéluctables des tendances démographiques. C'est aussi en partie parce que de nombreux diplômés du secondaire s'interrogent sur la sagesse d'entreprendre plusieurs années d'études complémentaires qui vont coûter une somme d'argent considérable si c'est pour devoir ensuite faire face à un marché du travail qu'ils perçoivent comme très incertain. En outre, on leur demande d'acheter un produit éducationnel dont la qualité est en train de baisser à la suite des compressions financières et dont le prix est en train d'augmenter considérablement en raison de l'augmentation des frais de scolarité.

Les gouvernements semblent fiers d'annoncer des relèvements des prêts maximums qui peuvent être accordés aux étudiants pour compenser ces augmentations, alors que cela veut dire que les diplômés se retrouveront avec une dette plus importante à rembourser et entreront sur le marché du travail armés de diplômes qui ont de moins en moins de valeur.

Dans une déclaration qu'il a faite à la Chambre le 23 avril, le sénateur Bonnell attirait notre attention sur le nombre croissant d'étudiants adultes à temps partiel. Il faisait remarquer qu'en 1991, près de 40 p. 100 des étudiants à temps plein au niveau collégial et 27 p. 100 des étudiants à temps plein au niveau universitaire étaient des adultes. Le gouvernement encourage les adultes à reprendre les études postsecondaires, mais à quel prix pour ces derniers?

Il est décourageant pour un jeune de 19 ans qui vient de terminer le secondaire d'entrer à l'université, sachant que, quatre ans plus tard, à la fin de ses études universitaires, il se sera endetté de 40 000 à 50 000 $. Pour une personne dans la quarantaine ou la cinquantaine, c'est une perspective effrayante de faire un tel emprunt pour obtenir un diplôme, sachant qu'elle n'aura que 15 ou 20 ans de vie productive pour le rembourser.

Il y a de nombreuses questions que, j'espère, le comité trouvera le temps d'examiner, s'il entreprend une enquête sur l'éducation postsecondaire. Compte tenu des compressions budgétaires, peut-on maintenir les programmes postsecondaires, spécialement dans le domaine des arts libéraux et des humanités? Que peut-on faire pour enrayer l'érosion de l'infrastructure des établissements postsecondaires?

  • (1720)
Que peut-on faire pour encourager une plus grande coopération entre ces institutions et le secteur privé? Nos institutions sont-elles capables d'attirer des cerveaux et de les garder à une époque où le soutien financier laisse à désirer? Les décisions récentes de quelques universités de faire payer le coût total des études dans certains domaines ne constituent-elles pas une entrave inacceptable à l'accessibilité des études?

Je veux conclure, comme l'a fait le sénateur Bonnell, en posant la question des normes nationales en matière d'éducation postsecondaire. Je reconnais que l'éducation est surtout de compétence provinciale. Toutefois, le gouvernement fédéral a toujours contribué au financement de l'éducation à ce niveau comme des travaux de recherche et développement en plus d'aider les étudiants au moyen de prêts et de bourses. Il en est ainsi au moins depuis les années ayant suivi la Seconde Guerre mondiale. À cette époque, on a aidé les anciens combattants à poursuivre leurs études et, en 1951, le gouvernement fédéral a commencé à verser des subventions directes aux universités.

En 1996, il nous faut reconnaître que nos collèges et nos universités, même si ce sont des institutions provinciales, sont une ressource nationale importante. Il est absurde que des étudiants perdent systématiquement jusqu'à une année de crédits, ce qui leur coûte extrêmement cher et coûte cher au système éducatif, lorsqu'ils passent d'une institution à une autre. Il ne devrait pas y avoir d'obstacle à l'accès ou à la mobilité entre les institutions d'enseignement postsecondaire.

Si les universités et collèges des provinces ne peuvent pas s'entendre entre elles sur la façon d'établir un système d'éducation national postsecondaire, alors nous devrions peut-être envisager l'adoption d'une loi canadienne sur l'éducation similaire à la Loi canadienne sur la santé.

Je ne partage pas l'optimisme du sénateur Bonnell en ce qui concerne la capacité du gouvernement fédéral de faire appliquer des normes nationales en matière d'enseignement. La réduction progressive du financement fédéral de l'enseignement postsecondaire résultant de la création du transfert fédéral ne sera pas arrêté par la digue temporaire de 11 milliards qui vient d'être construite. Ce plancher pour les transferts en espèces sera certainement considéré par le ministre des Finances comme un plafond pour une période de cinq ans et la valeur, en termes réels, diminuera au cours des années. Ce n'est pas une gros bâton menace face aux provinces. Je note que, le 29 avril, le ministre de l'Éducation de ma province a commencé son annonce de compressions dans l'enseignement postsecondaire en disant que ces contraintes budgétaires étaient liées à une réduction des transferts de paiement fédéraux dans les domaines de l'enseignement postsecondaire, de la santé et des services sociaux. Quoiqu'il en soit, l'imposition de normes nationales peut servir de pression morale. Elles peuvent permettre d'établir des objectifs à l'intention des provinces et des établissements d'enseignement postsecondaire et de signaler les transgressions à l'attention du public.

Nous devrions nous rappeler les efforts qui ont été accomplis dans le passé en vue de défendre l'intérêt national dans le domaine de l'enseignement postsecondaire. Au mois d'octobre 1966, lors d'une conférence des premiers ministres, le premier ministre d'alors, Lester Pearson, a déclaré que l'enseignement postsecondaire relèvait de la compétence des provinces. Par ailleurs, c'est de toute évidence un domaine qui revêt une importance capitale pour la croissance économique et sociale du pays tout entier. Il a ensuite défini l'intérêt national en termes d'objectifs: favoriser l'égalité des chances chez les Canadiens où qu'ils vivent, préparer les jeunes à des emplois productifs et assurer la mobilité des jeunes entre les provinces. Ces objectifs n'ont rien perdu de leur importance aujourd'hui et je suis persuadé que dans 30 ans nous pourrons en ajouter d'autres.

Je le répète, cette interpellation est une bonne initiative. L'avenir de notre système d'enseignement postsecondaire est une priorité absolue et qui réclame une étude approfondie. J'espère que le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie saura relever le défi.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

[Français]

L'Unité nationale

La création d'un comité spécial-Report du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Beaudoin, appuyée par l'honorable sénateur Lynch- Staunton:

Qu'un comité spécial du Sénat soit formé pour examiner, afin d'en faire rapport, la question de l'unité canadienne, plus précisément la question de la reconnaissance du Québec, la formule d'amendement et le pouvoir fédéral de dépenser dans les domaines provinciaux;

Que le comité soit composé de douze sénateurs, dont trois constituent un quorum;

Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et produire des documents, d'entendre des témoins, de faire rapport de temps à autre et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon les instructions du comité;

Que les documents et témoignages recueillis par le comité spécial du Sénat sur le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, au cours de la première session de la trente-cinquième législature soient réputés avoir été envoyés au comité constitué aux termes de la présente motion;

Que le comité soit autorisé à siéger pendant les séances et les ajournements du Sénat;

Que le comité présente son rapport final au plus tard le15 décembre 1996; et

Que, sans égard aux pratiques habituelles, si le Sénat ne siège pas lorsque le rapport final du comité sera terminé, le rapport puisse être déposé auprès du greffier du Sénat et qu'il soit considéré comme ayant été déposé devant cette Chambre.-(L'honorable sénateur Gigantès).

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, puis-je poser une question sur cette motion? Le sénateur Gigantès accepterait-il qu'un sénateur de notre côté puisse parler cette semaine à ce sujet?

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Non, je veux continuer à y réfléchir.

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, sur un rappel au Règlement, le sénateur Gigantès, tout en réfléchissant à la question, voudrait-il empêcher un sénateur de ce côté de la Chambre de prendre la parole?

Son Honneur le Président: Je ne crois pas qu'il y ait un rappel au Règlement à ce sujet. Vous pouvez poser une question.

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, tout en continuant sa réflexion, l'honorable sénateur Gigantès pourrait-il permettre à d'autres sénateurs de prendre la parole? Je ne veux pas croire qu'un sénateur voudrait priver un autre sénateur de prendre la parole.

Le sénateur Gigantès: Suivant les conseils du leader adjoint de mon parti, avec regret, j'accepte qu'un sénateur conservateur parle à ce sujet. Cependant, je garde à mon nom l'ajournement de cet article à l'ordre du jour.

[Traduction]

Je suis un bon Indien. J'obéis.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): À propos du rappel au Règlement, je crois que cette suggestion est conforme à notre Règlement. Le fait qu'un débat soit ajourné au nom d'un sénateur ne donne pas nécessairement à celui-ci un droit de regard sur le débat. Il est présumé que, sous réserve d'indications contraires, le débat est ajourné à la séance suivante. Il est tout à fait normal que le débat se déroule de jour en jour, avec alternance d'interventions des deux côtés du Sénat. Ce n'est pas toute une affaire. Il me semble tout à fait normal que le débat puisse se poursuivre après l'ajournement normal, et que, si le sénateur au nom duquel le débat a été ajourné ne veut pas nécessairement intervenir à un moment donné, le débat reste ajourné à son nom après le discours d'un autre sénateur.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Je comprends ce que dit le sénateur Berntson. Comme le compte rendu en témoignera, si je me souviens bien, le sénateur Beaudoin demandait si le sénateur Gigantès permettrait, cette semaine ou plus tard, qu'un autre sénateur du côté de l'opposition parle de cette motion. Je crois que, après réflexion, le sénateur Gigantès accepte de céder la parole à un autre sénateur, pourvu que le débat soit ajourné à son nom.

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, peut-être que le sénateur Graham pourrait expliquer sur quoi était fondé le refus initial alors.

Le sénateur Berntson: Honorables sénateurs, je ne veux pas parler pour mon collègue, le sénateur Beaudoin, mais je crois me souvenir qu'il a demandé si le sénateur Gigantès serait prêt à céder la parole à un autre sénateur à un moment donné cette semaine, pas nécessairement maintenant, mais plus tard.

Le sénateur Gigantès: Honorables sénateurs, par obéissance envers ce qu'a dit mon leader adjoint, j'ai accepté.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Honorables sénateurs, comme le sénateur Gigantès a dit oui, le sénateur Jean-Claude Rivest parlera à la prochaine occasion.

(Le débat est reporté.)

Les soins palliatifs au Canada

Interpellation-Rapport du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Carstairs, attirant l'attention du Sénat quant à la question des soins palliatifs au Canada.-(L'honorable sénateur Corbin).

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, en raison d'une technicalité, nous en sommes au quatorzième jour d'appel à l'ordre du jour de cette interpellation. Si je ne dis pas quelques mots, l'interpellation va mourir au Feuilleton.

Je veux féliciter le sénateur Carstairs de l'excellent discours qu'elle a prononcé au sujet des soins palliatifs. Ma recherche dans ce domaine se poursuit toujours. Je suis en train de pondre un beau discours sur la question. Je n'ai pas l'intention de continuer mon propos aujourd'hui.

(Le débat est reporté.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 29 mai 1996, à 13 h 30.)


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