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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 63

Le lundi 16 décembre 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le lundi 16 décembre 1996

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATION D'UN SÉNATEUR

LE PATRIMOINE CANADIEN

LES COMPRESSIONS BUDGÉTAIRES À RADIO-CANADA—LES EFFETS SUR LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES ET ACADIENNES DU CANADA

L'honorable Jean-Maurice Simard : Honorables sénateurs, j'aimerais faire écho à un communiqué de presse émis le 12 décembre et reprendre à mon compte les propos de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Le titre du communiqué est : «Démantèlement des services à Radio-Canada, les drapeaux de la francophonie canadienne sont en berne».

C'est un triste moment pour la francophonie canadienne. À la suite de l'annonce des mises à pied à Radio-Canada, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada juge qu'il lui sera dorénavant impossible de remplir son mandat et d'offrir une programmation adéquate qui réponde aux besoins de la population francophone et acadienne du pays.

La FCFA soutient que les affirmations de Radio-Canada à l'effet que ces mises à pied ne seront pas ressenties par les auditrices et les auditeurs sont fausses. Les compressions auront véritablement un effet dramatique sur la qualité de la programmation en région. Conséquemment, le reflet que les communautés reçoivent d'elles-mêmes sera gravement affaibli, de même que le reflet de leur réalité sur le réseau.

Je me permets de citer M. Jacques Michaud, le président de la Fédération :

On nous ne fera pas croire que des réductions de personnel allant jusqu'à 60 p. 100 dans certaines régions n'auront pas un impact substantiel sur la qualité des services offerts par Radio-Canada. Les annonces d'hier nous démontrent de façon concrète que nous assistons actuellement au démantèlement de Radio-Canada!

La FCFA du Canada s'interroge sérieusement sur les priorités que s'est données la haute direction de cette société d'État.

(1410)

Une fois encore, trop d'argent est dépensé à Montréal. Le réseau voit ses ressources diminuer d'environ 22 p. 100, alors que les régions sont affectées en moyenne à 44 p. 100.

Les communautés de l'ouest et du sud de l'Ontario écopent, pour leur part, d'une réduction des ressources allant jusqu'à 60 p. 100. Ces décisions vont directement à l'encontre du mandat de la SRC, qui est de refléter la situation et les besoins particuliers des communautés francophones et acadiennes.

Je cite à nouveau le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada :

Depuis toujours, les communautés, ainsi que le CRTC, exortent Radio-Canada à mieux desservir les régions. Les communautés en ont assez de savoir seulement ce qui se passe à Montréal.

La FCFA du Canada exorte encore le gouvernement Chrétien de réagir. Dans son livre rouge, et à maintes reprises par la suite, le gouvernement fédéral nous a promis un financement pluriannuel stable pour Radio-Canada.

M. Chrétien et ses ministres ne se gênent pas pour affirmer et réaffirmer leur engagement auprès de la francophonie canadienne. Pourtant, leurs actions démontrent manifestement le contraire, soit un désengagement de leur part.

Je vous lis une dernière citation de M. Jacques Michaud :

Ça nous prend plus que de belles paroles pour nous convaincre de l'engagement du gouvernement envers la francophonie canadienne! Si nous croyons réellement à une dualité linguistique au pays, si nous croyons réellement à l'importance de voir les communautés francophones et acadiennes se développer et s'épanouir, il faut assurer l'existence d'outils qui vont le permettre. Radio-Canada est certes un de ces outils essentiels. Alors, que messieurs Chrétien et Martin et madame Copps réagissent pour assurer la survie des communautés francophones et acadiennes. C'est leur responsabilité de le faire!


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES

LES ACCORDS DE DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ DU TRAVAIL—LEUR EFFET SUR LES SERVICES OFFERTS AUX FRANCOPHONES D'ALBERTA—LA POSITION DU GOUVERNEMENT

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition) : Honorables sénateurs, mes questions font suite aux deux récents accords sur le développement du marché du travail qui ont été signés avec l'Alberta et le Nouveau-Brunswick. Elles portent particulièrement sur l'utilisation des deux langues officielles dans l'application ou la mise en oeuvre de ces accords. Avant la signature de ces accords, la Loi sur les langues officielles s'appliquait à toutes les activités fédérales, d'un bout à l'autre du pays. Nous avons maintenant deux accords pour lesquels les règles régissant les langues officielles s'appliquent différemment.

L'accord signé vendredi est clair dans le cas du Nouveau- Brunswick. Les notes explicatives précisent que les services continueront d'être offerts dans les deux langues officielles. Autrement dit, les deux langues seront traitées sur un pied d'égalité.

En Alberta, les services offerts à la clientèle francophone restent les mêmes. Il y a cependant une condition selon laquelle «pour déterminer si la demande est importante», condition qu'on trouve maintenant dans la Loi sur les langues officielles, «l'Alberta se guidera sur la réglementation fédérale». Donc, dans la mise en oeuvre de l'accord, l'Alberta ne sera pas tenue d'appliquer la réglementation fédérale, mais elle s'en inspirera en tant que lignes directrices.

Quelles garanties a la minorité francophone de l'Alberta, aussi petite soit-elle, que le gouvernement de cette province lui offrira les services fédéraux auxquels elle a droit là où le nombre le justifie?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, mon collègue a bien présenté les dispositions de l'accord conclu avec l'Alberta. La même question a été posée au moment de la signature de l'accord, il y a quelques semaines. J'ai assisté à cette signature. Le ministre de l'Alberta, M. Jack Ady, a précisé que le gouvernement provincial respecterait pleinement l'accès de la collectivité francophone de sa province à des services en français.

LES FUTURS ACCORDS SUR LE DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ DU TRAVAIL—L'ASSURANCE QUE LES SERVICES SERONT OFFERTS AUX ANGLOPHONES DU QUÉBEC—LA POSITION DU GOUVERNEMENT

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition) : Honorables sénateurs, je signale cependant que tout cela est purement volontaire. Lorsque le précédent gouvernement Mulroney a transféré certains aéroports aux administrations locales, le sénateur Simard notamment a insisté pour que les deux langues officielles soient reconnues lorsque les circonstances le justifiaient. Je me souviens qu'il a insisté fortement pour que cela soit expressément mentionné dans le contrat concernant Moncton. Lorsque le gouvernement Mulroney a décidé de privatiser Air Canada, la loi habilitante stipulait clairement que le statut des deux langues officielles devait demeurer exactement comme si Air Canada était une entité fédérale.

Le gouvernement affirme maintenant qu'il discute avec la province de Québec d'un accord sur le développement du marché du travail. La ministre peut-elle, au nom du gouvernement, garantir qu'un accord du genre ne sera pas conclu avec la province de Québec à moins qu'il n'y soit précisé que cette province continuera d'assurer l'accès aux programmes et aux services dans les deux langues officielles?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je poserai la question à M. Pettigrew qui poursuit des consultations suivies avec la province de Québec, notamment par l'intermédiaire de Mme Harel. Je crois que les discussions se déroulent bien. J'attirerai son attention sur ce point afin qu'il me le confirme.

Le sénateur Lynch-Staunton : Honorables sénateurs, j'aimerais que la ministre insiste un peu plus et qu'elle dise à M. Pettigrew que la condition essentielle de la signature d'un tel accord avec la province de Québec sera que les deux langues officielles soient respectées par la province qui devra appliquer cet accord dans la prestation de services aux collectivités francophones et anglophones. Le commissaire aux langues officielles a déjà reçu des plaintes de gens en Gaspésie qui affirment qu'ils ne sont pas servis dans leur langue lorsqu'ils demandent des services fédéraux. Nous savons qu'il a aussi reçu des plaintes de gens du nord de l'Ontario, qui peuvent être fondées ou non.

Si un tel accord est conclu avec la province de Québec sans cette garantie de base, qui a été officiellement sanctionnée et approuvée par le Québec, cette province continuera de défavoriser l'anglais au profit de l'autre langue officielle et aux dépens des gens les moins capables de se défendre. Je ne parle pas uniquement en mon nom lorsque j'insiste pour que le gouvernement du Canada ne signe pas d'accord avec le Québec à moins que cet accord n'attribue un statut égal aux deux langues officielles, un statut qui existe déjà dans tous les services qui seraient transférés au Québec.

Le sénateur Fairbairn : Honorables sénateurs, j'ai bien pris note de l'intensité des propos de mon collègue. J'en ferai part directement au ministre.

(1420)

LA JUSTICE

LE REFUS DU MINISTÈRE DE PAYER LES FRAIS JURIDIQUES DE L'ANCIEN MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN—LA POSITION DU GOUVERNEMENT

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question au leader du gouvernement au Sénat concerne une affaire que j'ai déjà abordée à plusieurs reprises. Le 4 décembre, j'ai demandé des renseignements précis sur le refus du gouvernement de payer les frais juridiques de M. Munro. Je suis revenu à la charge vendredi.

J'ai découvert dans le Globe and Mail d'aujourd'hui une précision que j'ignorais et sur laquelle j'ai pensé que je devais attirer votre attention. Selon l'article, l'argent pour payer les frais juridiques de M. Munro aurait dû venir du budget du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, mais la demande a été refusée.

Cela semble contredire les propos du ministre de la Justice, M. Rock, qui a déclaré avoir le pouvoir discrétionnaire en la matière et que son refus d'autoriser le paiement était une décision politique. Nous apprenons maintenant que c'est le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qui a refusé la demande.

J'aimerais savoir qui a refusé la demande et pourquoi.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis certaine que mon honorable collègue comprendra que j'attends encore des renseignements sur ce dossier et je me garderai bien de faire le moindre commentaire tant que je ne les aurai pas eus. Je suis toujours à la recherche de précisions pour répondre aux questions et aux déclarations publiques de mon collègue.

Le sénateur Berntson : Honorables sénateurs, le 4 décembre, le leader du gouvernement au Sénat a parlé de la contribution que

M. Munro avait faite pour ses électeurs et, en particulier, pour les autochtones du Canada. Je me demande pour quelle raison l'argent aurait dû venir du budget du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien puisque, au moment où M. Munro a été inculpé, M. Munro n'était plus ministre, ni même député.

Je voudrais rappeler aux honorables séanteurs que, le 4 décembre, le leader du gouvernement au Sénat attestait de la qualité du travail de cet homme comme ministre et surtout de son travail pour les autochtones. C'est pendant qu'il était ministre que la Chambre des communes a créé le comité spécial sur l'autonomie des Autochtones, lequel a fait rapport sur les méthodes qui pourraient conduire à l'autonomie. C'est M. Munro qui a accepté les recommandations et qui a présenté, en 1984, un projet de loi qui aurait mis en place un processus permettant aux premières nations indiennes de devenir autonomes. Autrement dit, c'était un homme en avance sur son temps ou, du moins, sur son ministère.

Ce qui m'intrigue, c'est que, à ce qu'on m'a dit, c'est la mauvaise tenue des livres du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qui a fait que M. Munro a été poursuivi. Qui sont les gens au ministère qui ont eu l'audace de mettre cette personne en danger, puis de lui dire ensuite : «Désolé, débrouillez-vous tout seul»?

Honorables sénateurs, je veux savoir pourquoi le ministère a refusé de payer les honoraires des avocats de M. Munro.

Le sénateur Fairbairn : Honorables sénateurs, j'essaie de trouver des réponses aux questions qu'a soulevées mon collègue. Je vais continuer à me renseigner. Mon collègue doit également comprendre que M. Munro a lui-même fait une demande de révision de la décision du gouvernement.

Le sénateur Simard : Ce n'est pas une excuse.

Le sénateur Fairbairn : La question est devant les tribunaux. Toutefois, je fais de mon mieux pour obtenir d'autres informations sur cette affaire.

Le sénateur Berntson : Honorables sénateurs, je lisais dans le Globe and Mail de ce matin que M. Munro cherche effectivement à obtenir réparation, mais que cela prend la formed'une inculpation pour poursuite abusive. Étant donné ce que j'ai lu et vu, je ne le blâme pas. Toutefois, cela prendra beaucoup de temps. Le même article dit que le ministère de la Justice fait tout pour entraver les choses. Nous avons là un homme qui a déclaré une faillite personnelle à cause du traitement que lui a fait subir le gouvernement. Jusqu'où pensez- vous qu'il pourra aller?

DEMANDE DE DÉPÔT DES LIGNES DIRECTRICES DU CONSEIL DU TRÉSOR CONCERNANT LE PAIEMENT DES FRAIS JURIDIQUES DES FONCTIONNAIRES ET DES MINISTRES ACTUELS ET PASSÉS

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, j'aimerais demander à madame le leader du gouvernement si elle aurait l'obligeance de se procurer un exemplaire de la politique du Conseil du Trésor concernant le paiement des frais juridiques des fonctionnaires et de le déposer et si elle voudrait bien se renseigner pour savoir s'il existe pareille politique à l'égard des ministres et, dans l'affirmative, d'en déposer également un exemplaire.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je vais suivre la suggestion de mon honorable confrère et me renseigner.

L'APPUI ACCORDÉ À LA DEMANDE DE PAIEMENT DES FRAIS JURIDIQUES DE L'ANCIEN MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN—LA POSITION DU LEADER DU GOUVERNEMENT

L'honorable Jean-Maurice Simard : Honorables sénateurs, à une occasion précédente concernant le même sujet, j'ai entendu l'honorable leader du gouvernement au Sénat promettre d'obtenir le renseignement que lui demandait mon collègue, le sénateur Berntson.

Madame la ministre, j'ai l'impression, comme bien d'autres Canadiens, qu'en l'occurrence, le gouvernement a la frousse parce que M. Munro est un ancien ministre libéral et un très bon. Je n'ai pas eu l'occasion de le connaître personnellement. Mais, comme elle l'a dit, il a rendu de loyaux services à son pays et auParti libéral. À l'instar de bien des Canadiens, j'ai l'impression que le gouvernement tergiverse parce que la décision serait très impopulaire auprès de certains électeurs, vu qu'il s'agit d'un ancien ministre libéral. Est-ce bien ça? Ce gouvernement agirait-il de même à l'égard d'un conservateur ou de tout autre Canadien, comme le veulent les lois et les règlements?

Honorables sénateurs, le leader du gouvernement a promis de nous donner les réponses de ses collègues, et nous avons entendu la même promesse aujourd'hui.

En tant que ministre, le leader du gouvernement n'est pas un simple messager entre le Sénat et le gouvernement. C'est une ministre à part entière. Elle a pris part à cette décision et on a dû la consulter.

Madame le leader du gouvernement au Sénat voudra-t-elle soumettre le cas de M. Munro au Cabinet et ne pas se limiter à jouer le rôle de simple messager? Elle est une ministre à part entière et elle a assumé ses responsabilités à maintes reprises. Promettra-t- elle au Sénat qu'elle va agir comme une ministre à part entière?

(1430)

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je prends mes responsabilités très au sérieux, comme l'a fait le sénateur Murray avant moi et comme l'ont fait les autres leaders du gouvernement avant lui. Nous agissons comme des ministres du gouvernement, quel qu'il soit. J'ai fait savoir à la Chambre que j'allais me renseigner et c'est ce que je vais faire.

Le sénateur Simard : C'est inacceptable.

LE MONTANT DES FRAIS JURIDIQUES DE L'ANCIEN MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN—DEMANDE DE RENSEIGNEMENTS

L'honorable John G. Bryden : Honorables sénateurs, certains d'entre nous ont du mal à saisir l'enjeu de ce débat sur les frais juridiques. Afin que ce soit plus concret pour des gens comme moi, serait-il possible de préciser le montant de ces frais et à qui ils doivent être versés?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je vais ajouter cette question à ma liste de demandes de renseignements.

[Français]

L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE CANADA-ISRAËL

LA SUSPENSION DE LA SANCTION ROYALE D'UN PROJET DE LOI—LA NÉCESSITÉ D'UN QUORUM DES MEMBRES DE LA CHAMBRE DES COMMUNES—LA POSITION DU GOUVERNEMENT

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, jeudi dernier, il y a eu un vote à mon avis très important, et je suis très heureux que nous ayons pu prendre position sur le projet de loi du gouvernement concernant l'accord libre-échange Canada-Israël.

[Traduction]

Le résultat du vote a été l'adoption par 50 voix contre 4, Son Honneur n'étant pas tenu de voter, et 49 sénateurs étaient absents.

Le Canada a parlé. Comment réagira-t-il, étant donné la déclaration très vive qu'avait prédite le sénateur De Bané et que M. Nétanyaheu a faite vendredi matin? À toutes fins utiles, voici ce qu'il a dit : Au diable l'opinion publique internationale, au diable les Américains, au diable les pressions; j'irai de l'avant avec l'implantation des colonies de peuplement, non seulement en Cisjordanie, mais également à Gaza.

[Français]

C'est presque le Far West. Autrefois, lorsque les gens volaient le bétail qui appartenait à autrui, on les tuait. Aujourd'hui, on sanctionne par une loi les gens qui volent — puisqu'il faut monter d'un cran, je vais monter d'un cran — le territoire qui ne leur appartient pas, qui volent l'eau qui ne leur appartient pas. Le gouvernement du Canada ferme les yeux et, dans un geste d'encouragement, signe un traité avec ce pays.

Est-ce que le gouvernement a, depuis jeudi soir, décidé de suspendre la proclamation de cette loi? Le Sénat a parlé, la Chambre a parlé, mais la loi n'a pas été sanctionnée.

Est-ce que le gouvernement songe à suspendre la proclamation de cette loi? Est-ce que le gouvernement du Canada a manifesté clairement, pour pas dire violemment, son opposition au gouvernement Nétanyaheu sur cette nouvelle usurpation de territoires, annoncée par M. Nétanyaheu lui-même?

[Traduction]

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, pour répondre à la première partie de la question du sénateur, je n'ai aucune indication que le gouvernement a modifié sa position au sujet du traité que renferme le projet de loi qui a été adopté ici la semaine dernière.

Pour ce qui est de la deuxième partie de sa question, je vais me renseigner auprès du ministre des Affaires étrangères.

Le sénateur Prud'homme : Honorables sénateurs, certains sénateurs de l'autre côté et moi estimons que, pour donner la sanction royale, il faut que la Chambre des communes ait le quorum. Si des projets de loi reçoivent la sanction royale cette semaine, madame le leader du gouvernement s'assurera-t-elle que le gouvernement, à la Chambre des communes, constituera un quorum, au lieu de s'en tenir à la présence d'un ou deux députés au Sénat, comme il l'a fait ces dernières années? Certaines personnes risquent de contester cette tendance un jour ou l'autre. Je sais que certains sénateurs s'intéressent vivement à cette discussion du Règlement.

Madame le leader est-elle au courant de cette règle? Peut-elle confirmer que des projets de loi peuvent recevoir la sanction royale même si la Chambre des communes n'a pas le quorum lorsqu'elle vient au Sénat demander cette sanction?

Le sénateur Fairbairn : Honorables sénateurs, je suis certaine que la Chambre des communes observera son Règlement.

LA POSSIBILITÉ DE LIER L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE À LA SURVEILLANCE DE LA SITUATION POLITIQUE DANS LES TERRITOIRES OCCUPÉS—LA POSITION DU GOUVERNEMENT

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. En ce qui concerne l'Accord de libre- échange, on a dit que le Canada appliquerait les dispositions de l'entente comme dans le cas de tout autre accord de libre-échange et respecterait les mêmes règles. Va-t-on suivre la situation au niveau politique pour s'assurer qu'on ne transforme pas un outil économique en un outil politique et qu'on ne fait pas perdre ainsi au Canada sa position de neutralité sur la question des territoires occupés?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis persuadée que mon honorable collègue comprend la position du gouvernement du Canada au sujet de cette région, position que le ministre des Affaires étrangères, M. Axworthy, a précisée durant les audiences du comité. Je vais certes transmettre la question de mon honorable collègue, mais je pense que M. Axworthy a souligné cette position avec force dans le cadre de cette séance du comité, , notamment en ce qui concerne les efforts des deux parties en cause pour parvenir à établir la paix au Moyen- Orient.

Le sénateur Andreychuk : Honorables sénateurs, en toute justice envers le ministre, on lui a demandé s'il envisagerait d'annuler l'accord si ce document créait une situation politique délicate. Je ne pense pas qu'on lui ait posé la question suivante : Va-t-on mettre en place un mécanisme de contrôle politique, et non de contrôle commercial, pour veiller à ce que nous demeurions neutres?

À la lumière de la déclaration de vendredi et de nombreux autres signaux inquiétants, je ne voudrais pas qu'on se serve à des fins politiques, d'un côté comme de l'autre, dans les territoires occupés, de l'accord de libre-échange signé par le Canada. Ainsi, je voudrais non seulement demander s'il y a un mécanisme de ce genre, mais je vais aller un peu plus loin en affirmant qu'il devrait y avoir un mécanisme de surveillance politique pour veiller à ce qu'un outil économique ne se transforme pas en arme politique.

Le sénateur Fairbairn : Honorables sénateurs, je vais certes soumettre la proposition du sénateur Andreychuk au ministre.

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai les réponses aux questions que les honorables sénateurs Carney, Comeau et Tkachuk ont posées, le 3 décembre 1996, concernant la directive du cabinet du ministre de contrôler les communications téléphoniques des parlementaires, et une réponse à la question posée au Sénat par le sénateur Robertson concernant l'harmonisation de la TPS, les taxes de vente provinciales, la non-incidence sur les recettes et la rationalisation du concept.

LES PÊCHES ET LES OCÉANS

LA DIRECTIVE DU MINISTRE CONCERNANT LA SURVEILLANCE DES APPELS TÉLÉPHONIQUES DE PARLEMENTAIRES—LA POSITION DU GOUVERNEMENT

(Réponse aux questions posées par les honorables Pat Carney, Gerald J. Comeau et David Tkachuk le 3 décembre 1996)

Le Ministère des pêches et des océans cherche à faire en sorte que toutes les demandes de renseignements qu'il reçoit soient traitées d'une façon professionnelle et rapide. Lorsqu'il répond à de telles demandes, le Ministère s'efforce de véhiculer de l'information complète, mais avant tout, exacte.

Souvent, les demandes adressées au Ministère sont complexes et portent sur toute une gamme de questions compliquées. Parfois, les demandes peuvent concerner divers aspects du mandat du Ministère, et les réponses peuvent exiger les connaissances de plus d'un fonctionnaire. Pour que le Ministère puisse répondre à de telles demandes de la façon appropriée, il faut que les représentants du Ministère avec lesquels les parlementaires traitent soient les plus appropriés et les plus qualifiés pour que l'information transmise soit exacte et opportune.

Il importe spécialement que les députés et les sénateurs qui représentent des circonscriptions et qui participent directement à la formulation de politiques publiques obtiennent non seulement des réponses exactes aux questions, mais également toute l'information susceptible de les aider à comprendre les sujets complexes auxquels le Canada et sa législature doivent faire face. Dans ce contexte, l'établissement d'un registre téléphonique pour les députés et les sénateurs visait à fournir un outil permettant de leur communiquer l'information la plus complète et exacte. Les demandes d'autres personnes, y compris de citoyens étrangers, sont traitées de façon professionnelle et rapide, bien qu'un registre ne soit pas tenu. De toute évidence, les questions critiques pour l'intérêt national sont traitées de la façon appropriée.

La demande de tenir un registre téléphonique a été faite aux fonctionnaires de la région de la capitale nationale et à toutes les administrations centrales régionales du Ministère des pêches et des océans. La même demande a été faite par écrit aux directeurs généraux des régions du Pacifique, Centre et Arctique, Laurentienne, des Maritimes et de Terre-Neuve. Un rapport hebdomadaire à l'intention du cabinet du Ministre est préparé à partir de l'information recueillie dans les régions du Ministère des pêches et des océans. Ce rapport permet au Ministère de mieux répondre aux besoins des parlementaires en déterminant quels sujets les préoccupent et en assurant les plus grandes exactitudes et exhaustivités possibles.

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

L'HARMONISATION AVEC LES TAXES DE VENTE PROVINCIALES—LA NON INCIDENCE SUR LES RECETTES—LA RATIONALISATION DU CONCEPT—LA POSITION DU GOUVERNEMENT

(Réponse à la question posée par l'honorable Brenda M. Robertson le 25 avril 1996)

D'un point de vue fédéral, l'harmonisation des taxes de vente fédérale et provinciales est effectivement sans incidence sur les recettes — en effet, le montant des recettes fédérales issues de la taxe de vente ne change pas.

L'aide à l'adaptation offerte par le gouvernement fédéral permettra aux provinces qui participent à l'harmonisation de combler les pertes de revenu attribuables à l'adhésion à un système de taxe d'application nationale et leur donnera suffisamment de temps pour s'adapter au système harmonisé.

La question de savoir comment les provinces s'y prendront pour récupérer la totalité des recettes perdues relève de la compétence des provinces.

Les gouvernements ont signé cette entente, qui vise à implanter un système de taxe plus simple et plus efficace et à favoriser une économie plus forte, et non pas à augmenter les taxes.


ORDRE DU JOUR

LA LOI ÉLECTORALE DU CANADA
LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA
LA LOI RÉFÉRENDAIRE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE— SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bryden, appuyée par l'honorable sénateur Pearson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-63, loi modifiant la Loi électorale du Canada, la Loi sur le Parlement du Canada et la Loi référendaire.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, lorsque j'ai proposé l'ajournement du débat, vendredi dernier, je vous ai dit que, à notre satisfaction, il avait été possible d'obtenird'Élections Canada une interprétation un peu plus libérale des règles électorales spéciales, dans le cadre des travaux du comité. Cela aura pour effet de redonner à certains Canadiens les droits dont ils avaient été privés en raison d'une interprétation plus restrictive.

(1440)

Je pense à certains missionnaires canadiens oeuvrant outre-mer.

J'avais, à cette occasion, fait part de notre gratitude à Élections Canada et au ministre responsable, M. Gray, pour son appui dans ce dossier. J'aimerais remercier aussi le sénateur Beaudoin pour son insigne contribution à ces discussions. C'est en effet le sénateur Beaudoin qui a rappelé au comité qu'une interprétation restrictive pourrait bien aller à l'encontre des garanties concernant le droit de vote qui sont énoncées dans la Charte des droits et libertés de la personne. Ce point de vue a d'ailleurs trouvé un écho dans l'opinion que nous avons ensuite obtenued'Élections Canada.

Honorables sénateurs, pour ce qui touche le projet de loi C-63, la loyale opposition de Sa Majesté est tiraillée entre, d'une part, son appui à l'égard des objectifs du projet de loi et, d'autre part, la conviction, d'ailleurs renforcée durant les audiences du comité, qu'il reste tant de détails à régler qu'il serait fortement déconseillé de donner suite à ce projet de loi et de le mettre en oeuvre suivant le calendrier auquel songe actuellement le gouvernement.

Nous avons un excellent système électoral. Dans l'ensemble, je crois que nous pouvons être fiers de la façon dont notre démocratie électorale fonctionne. De nos jours, le grand ménage a été fait dans les domaines où il y avait ou il risquait d'y avoir des abus. Les dernières législatures — par là j'entends les législatures des quelque 20 dernières années — ont apporté des améliorations extrêmement importantes à la loi électorale et au fonctionnement de notre démocratie électorale.

Des décisions rendues ces toutes dernières années par les tribunaux sont malheureusement venues défaire ce qu'avaient accompli des législatures précédentes, frustrant ainsi l'intention du Parlement et, telle est mon opinion, la volonté de la plupart des Canadiens. Je voudrais vous entretenir aujourd'hui de deux de ces décisions, parce qu'elles influent directement ou indirectement sur certaines des questions dont nous discutons relativement au projet de loi C-63.

La première décision a trait à l'attribution du temps d'émission. Les honorables sénateurs savent qu'en vertu de la Loi électorale du Canada chaque radiodiffuseur au pays doit, durant une campagne électorale, fournir aux partis politiques 6,5 heures d'antenne au taux commercial le plus bas. La répartition de ces 6,5 heures entre les partis politiques inscrits se fait selon une formule énoncée dans la loi. La loi prévoit un processus détaillé quant à la façon dont cette répartition doit se faire. Les partis disposent d'une certaine période de temps pour soumettre leurs intentions aux radiodiffuseurs. Une autre période est aussi prévue pour les négociations et, au besoin, le recours à un arbitre. Or, la période globale de 6,5 heures et le temps attribué à chaque parti politique constituent des maximums. Aucun parti ne peut acheter du temps supplémentaire et aucun radiodiffuseur ne peut vendre plus de temps que celui qui a été attribué en vertu du processus énoncé dans la loi.

Par ailleurs, une disposition prévoyait que si un parti n'achetait pas toute la période de temps à laquelle il avait droit, le temps non utilisé pouvait être réparti proportionnellement entre les autres partis. Ainsi, sous réserve de cette disposition, la période globale de 6,5 heures et le temps d'émission alloué à chaque parti constituaient des maximums. Un parti ne pouvait acheter plus de temps d'antenne.

Le Parti réformiste du Canada a contesté ces dispositions de la Loi électorale du Canada. J'imagine que les réformistes étaient mécontents de la façon dont la loi s'appliquait et des conséquences que celle-ci avait pour eux. Le nombre de sièges détenus à la Chambre des communes par un parti est l'un des critères pris en considération aux fins de l'attribution du temps d'antenne. Ce critère a eu pour effet de désavantager le Parti réformiste lors de la campagne électorale de 1993, tout comme il pénalise aujourd'hui mon parti.

Quoi qu'il en soit, les réformistes ont saisi les tribunaux de la question et ont eu gain de cause devant la Cour du Banc de la Reine, section de première instance, Cour suprême de l'Alberta. La décision définitive, dans la mesure où l'on peut considérer comme définitive la décision d'un tribunal, a été rendue le 10 mars 1995 par la Cour d'appel de l'Alberta. Cette décision annulait les articles 319(c) et 320 de la Loi électorale du Canada, soit les articles en vertu desquels était coupable d'une infraction un radiodiffuseur qui vendait à un parti plus de temps d'antenne que celui-ci ne s'était vu attribuer selon le processus prévu dans la loi.

Suite à cette décision, la période de 6,5 heures qu'une législature antérieure avait voulu être la période maximale pouvant être achetée par les partis politiques est devenue un minimum. Sous réserve des limites de dépenses globales prévues pour les campagnes électorales, aucun maximum ne s'applique plus à la période de temps qu'un radiodiffuseur peut vendre, ou qu'un parti peut acheter à des fins de publicité, dans le cadre d'une campagne électorale. De plus, le temps acheté en sus de la période de 6,5 heures n'est assujetti à aucune règle en vertu de la Loi électorale du Canada. Cette restriction est tombée.

M. Peter Gant, l'arbitre de la radiotélévision, a comparu devant le comité, Selon ce qu'il nous a dit, seules les six heures et demie et leur répartition relèvent de sa compétence. Il peut arbitrer l'attribution de ce volume de temps, mais le temps acheté par les partis excédant la quantité de temps qui leur est impartie n'est assujetti à absolument aucune règle à la suite de cette décision judiciaire. Honorables sénateurs, cela ne correspondait sans doute pas à l'intention du Parlement.

Une autre cause, peut-être encore plus célèbre, est la fameuse cause Somerville. Elle a été soulevée, sauf erreur, par la Coalition nationale des citoyens et a trait aux dépenses et aux activités de publicité par des tiers, dont la coalition des citoyens et autres groupes militants. M. Somerville et la Coalition nationale des citoyens ont contesté les restrictions que la loi imposait aux tiers.

Il y a toute une histoire qui entoure cette affaire. En 1984, juste avant le déclenchement des élections de cette année-là, les tribunaux ont frappé de nullité une disposition en vigueur depuis assez longtemps, aux termes de laquelle toute publicité politique pour ou contre un candidat ou un parti lors d'une campagne électorale devait être autorisée par l'agent officiel du candidat ou du parti.

(1450)

Des modifications adoptées par le Parlement en 1993 visaient à imposer des restrictions aux tiers. Elles furent cependant frappées elles aussi de nullité, encore une fois par la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta en juin 1993. Le gouvernement de l'époque a interjeté appel auprès de la Cour d'appel de l'Alberta, et le jugement à ce sujet a été rendu en juin 1996.

Ce jugement, pour commencer, frappait de nullité la disposition interdisant la publicité, l'article 213, concernant les tiers, mais le tribunal n'avait pas été invité à se prononcer sur une autre disposition interdisant la publicité, l'article 48, concernant les partis politiques, il ne l'a pas abordée. Le jugement a donc eu pour résultat que la Coalition nationale des citoyens, le Congrès du travail du Canada ou quelque organisme ou quelque citoyen que ce soit de l'extérieur des partis peuvent acheter du temps d'antenne et faire de la publicité dès le début de la campagne et frapper à bras raccourcis sur le gouvernement ou l'un ou l'autre ou tous les partis politiques, alors que ces derniers sont assujettis à une interdiction de publicité et ne peuvent pas répliquer par voie de publicité durant cette période.

C'est là une conséquence du jugement de la Cour d'appel de l'Alberta.

Mais il y a plus. Le tribunal a aussi annulé le paragraphe 259(1), qui traitait de la limitation des dépenses. Les dépenses en publicité de tierces parties étaient limitées à 1 000 $. Nous nous retrouvons donc dans la situation que voici : le Parlement, au cours de législatures antérieures, a imposé, à raison selon moi, des limites aux dépenses globales des partis politiques, pendant les campagnes électorales, mais aucune limite ne s'applique plus à l'extérieur des partis, aux particuliers ou aux groupes. Dans l'état actuel de la loi, tout particulier ou groupe qui a des ressources suffisantes peut détourner à son avantage le processus électoral au Canada.

Dans sa sagesse, le gouvernement a décidé de ne pas interjeter appel de ces jugements de la Cour d'appel de l'Alberta. Comme je ne suis pas dans les confidences du gouvernement, je ne saurais dire si la décision de ne pas interjeter appel a été prise pour des raisons de nature surtout juridique ou politique. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas eu appel, et ces décisions demeurent incontestées. Elles s'appliqueront donc dans tout le pays si,comme nous le prévoyons, Élections Canada décide de les appliquer.

Le gouvernement n'a pas interjeté appel, et il n'a pas proposé de solution législative à ces problèmes non plus. Il n'a pas tenté de résoudre les problèmes créés par les décisions judiciaires, ni de redonner une nouvelle expression aux volontés réformistes des législatures précédentes. Il a préféré se tourner vers une nouvelle technologie perfectionnée. Pour reprendre les propos de M. Kingsley, il a travaillé d'arrache-pied pour établir ce registre électronique permanent des électeurs. Il a cherché à ramener la campagne de 47 à 36 jours. Tout cela est très louable, et, je le répète, nous appuyons ces objectifs. Toutefois, honorables sénateurs, il me semble qu'il y avait, qu'il y a encore des tâches plus urgentes qui attendent le gouvernement et donc le Parlement. Il s'agit de colmater les brèches béantes qui ont été pratiquées dans les défenses que le Parlement avait élevées autour du système pour que celui-ci soit équitable et ouvert, fonctionne correctement et soit aussi invulnérable que possible aux tentatives de détournement. Selon moi, c'est ce qui aurait dû être la priorité du gouvernement et du Parlement au cours des dernières années.

La décision clé que le gouvernement a prise en ce qui concerne le projet de loi C-63 est une résolution qui vise à raccourcir le calendrier électoral pour le ramener de 47 à 36 jours. Toutefois, il ne propose pas dans cette mesure législative de réduire la période pendant laquelle les partis politiques sont autorisés à faire de la publicité. Cette période était de 28 jours dans le cadre d'une campagne électorale de 47 jours et est toujours de 28 jours dans le cadre cependant d'une campagne électorale de 36 jours. Cette question ne semble pas avoir suscité de longues discussions, que ce soit ici ou à la Chambre des communes. Sans avoir examiné en détail cette question, je pense toutefois que nous aurions pu raccourcir la période de publicité pour la ramener de 28 jours à 21 jours sans grand inconvénient. De toute façon, la durée de cette période reste inchangée à 28 jours.

Le problème pratique que je veux signaler a trait aux fameuses 6,5 heures de temps d'antenne.

Aux termes du projet de loi C-63, les partis politiques ont au plus 10 jours pour soumettre leur plan de diffusion aux radiodiffuseurs. S'ensuit une période de 4 jours où les radiodiffuseurs peuvent réagir et les négociations doivent s'amorcer. Si les négociations échouent, un arbitre intervient pour régler le conflit. Par conséquent, tout ce processus durera 14 ou 15 jours.

Le problème, c'est que dans le cadre d'une campagne électorale de 36 jours, l'interdiction est levée le huitième jour. Il se peut fort bien que le parti «A» ait déjà fait approuver son plan et puisse commencer à diffuser sa publicité le huitième jour, tandis que le parti «B» en soit encore au stade de la négociation et de l'arbitrage. Cette situation ne peut se produire aux termes de la présente loi, car même si le processus peut actuellement durer 16 jours au plus, l'interdiction n'est levée qu'au dix-neuvième jour, ce qui fait que l'ensemble du processus, y compris l'arbitrage s'il y a lieu, est terminé au moment où les partis sont autorisés à diffuser leurs messages publicitaires.

Ceux qui ont rédigé le projet de loi C-63 ont envisagé ce problème. Dans sa forme originale, le projet de loi C-63 accordait seulement 3 jours, et non 10 jours comme le prévoit la loi actuelle, aux partis politiques pour soumettre leur plan de diffusion et ne prévoyait que 4 jours pour les négociations et l'arbitrage. Les rédacteurs voulaient ainsi veiller à ce que le processus soit terminé avant la levée de l'interdiction. Lorsque le projet de loi a été renvoyé au comité, l'arbitre, M. Grant, a réussi à convaincre le gouvernement qu'une période de 3 jours nuirait aux nouveaux partis, aux petits partis, ainsi de suite, et l'a persuadé de ramener la période à 10 jours. Voilà comment nous nous trouvons dans la situation que je viens de décrire, où l'interdiction est levée le huitième jour. Certains partis pourraient encore être à la table des négociations, tandis que d'autres seraient prêts à diffuser leur publicité.

La meilleure solution serait de prolonger la période d'interdiction et de permettre la radiodiffusion pendant 21 ou 22 jours plutôt que 28. On pourrait aussi réduire de dix à trois ou cinq jours la période dont disposent les partis pour organiser leur publicité.

(1500)

Enfin, honorables sénateurs, je veux parler du fameux registre électronique permanent des électeurs. Comme nous le savons, ce registre sera établi au moyen d'un recensement à domicile qui sera mené en avril prochain. Si des élections sont déclenchées au printemps, il n'y aura pas de problème — la liste des électeurs sera à jour. Par contre, si les élections ne sont déclenchées qu'au printemps ou même à l'automne 1998, les listes électorales ne seront plus à jour puisque le dernier recensement à domicile auraeu lieu en avril 1997. Élections Canada devra compter sur les dossiers du ministère du Revenu national — les données de l'impôt sur le revenu des particuliers qui commenceront à rentrer à partir du 30 avril 1998 et qui, si l'on se fie au témoignage de

M. Kingsley, concordent à 40 p. 100 avec les listes électorales. Élections Canada devra compter en grande partie sur les sources provinciales de renseignements pour garder les listes électorales à jour. Cela me préoccupe, comme je l'ai dit ici au cours du débat de deuxième lecture et comme l'ont fait valoir plus tard au comité le sénateur Lynch-Staunton et un certain nombre de nos collègues. J'ai bien peur que nous ne sommes pas plus convaincus maintenant qu'alors qu'on pourra garder ces listes à jour après le printemps 1997.

Il faudra conclure des accords avec les provinces. M. Gray, il faut le reconnaître, a convoqué ses homologues provinciaux. Comme il nous l'a dit, il y a une volonté politique de partagercette information avec Élections Canada. Des ententes existent en principe. Le directeur général des élections, M. Kingsley, a fourni encore plus de détails au comité.

Au bout du compte, voici ce qu'on a. On a un accord avec la Saskatchewan et Terre-Neuve pour obtenir l'information sur les permis de conduire. Il y a un accord avec le Yukon pour les statistiques de l'état civil. Quant à l'Alberta et à l'Île-du-Prince- Édouard, des listes électorales seront établies à partir des recensements menés en 1996, mais je ne suis pas sûr que ces provinces ont convenu de tenir ces listes à jour. Autrement dit, je ne suis pas sûr qu'on a avec ces provinces un accord pour la communication des statistiques de l'état civil et les permis de conduire et tout cela. La Colombie-Britannique s'est donné le pouvoir législatif de partager sa liste avecÉlections Canada. Je suppose que tous les obstacles sont levés. Si je comprends bien, le Québec a aussi adopté une loi pour permettre au directeur général des élections de cette province de partager avec nous les listes québécoises. Je dois dire en outre que, selon M. Kingsley, on a presque conclu un accord avec l'Ontario. Voilà où nous en sommes pour le moment; telle est la situation à l'heure actuelle.

Honorables sénateurs, des problèmes existent, notamment en ce qui concerne le Québec.

[Français]

M. Pierre-F. Côté, le directeur général des élections du Québec, a comparu devant le comité jeudi dernier. Il nous a dit carrément qu'il est prêt à négocier une entente pour vendre, à un prix qui reste à être négocié, ces listes électorales au gouvernement fédéral. Cependant, il y a un problème d'ordre technique.

Le sénateur Bryden a fait ressortir ce témoignage dans sa discussion avec M. Côté au comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Il s'agit du problème de la conversion des données du Québec pour répondre aux normes fédérales. M. Côté a avoué que, au moment où l'on se parle, le logiciel n'existe pas.

[Traduction]

Parlant du témoignage dont il vient d'être question, le sénateur Bryden a convenu que, apparemment, il faudrait au moins neuf mois pour mettre cela en place. M. Côté pense qu'il faudra peut-être moins de temps.

[Français]

Cependant, il faut constater que le gouvernement du Québecne va pas fournir à Élections Canada les données de ses bureauxde permis de conduire et de l'État civil. Tout ce que l'on obtiendra du Québec, ce sont les listes électorales. Si les négociations traînent, si le logiciel n'existe pas d'ici 11 ou 12 mois, qu'adviendra-t-il de notre registre fédéral?

[Traduction]

Nous avons un véritable problème en l'occurrence. Le Québec ne demande pas mieux que de nous vendre ses listes, mais les négociations ne sont pas terminées. Les listes ne conviennent pas présentement, parce que le logiciel à cet égard n'existe pas.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, étant donné l'alarme incendie, le Sénat s'ajourne à loisir et nous reprendrons nos travaux lorsque le timbre aura cessé de se faire entendre.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)


(1530)

(La séance reprend à 15 h 30.)

Le sénateu r Murray : Honorables sénateurs, j'avais presque terminé lorsque le timbre s'est fait entendre et je vais maintenant conclure en revenant simplement sur le problème que pose la situation avec le Québec. Il faudra un certain temps — peut-être neuf mois, peut-être moins, peut-être plus — pour que le logiciel puisse être organisé et que nous puissions bénéficier ici des listes électorales de cette province. Entre-temps, Ottawa et Québec poursuivent leurs négociations sur la question du prix et d'autres modalités de l'entente.

En attendant, nous n'avons à notre disposition aucune autre source d'information de la province de Québec — ni les données du permis de conduire, ni les statistiques de l'état civil, rien. Nous risquons, peut-être plus au Québec que dans n'importe quelle autre province, d'avoir, au printemps ou à l'automne de 1998, une liste dont 20 p. 100 des données ne seront plus exactes et n'auront pas été tenues à jour au moyen des sources d'information sur lesquelles Élections Canada s'appuie.

Honorables sénateurs, j'en conclus que la prudence consiste à suivre la première idée de M. Kingsley. Je pense que sa première idée a été la meilleure. En mars ou en avril 1996, il a proposé au comité de la Chambre des communes que, lors des prochaines élections, durant la campagne électorale, on effectue, comme d'habitude, un recensement de porte en porte qui servirait àétablir le registre électronique permanent des électeurs. À mon avis, c'est prudent et cela demeure la ligne de conduite à suivre.

MM. Gray et Kingsley nous disent qu'ils seront prêts lorsque ce sera nécessaire. C'est très bien. Je pense que nous devrions adopter le projet de loi et y ajouter une clause additionnelle qui garantira que cette mesure législative n'entre pas en vigueur avant qu'on ait pris toutes les dispositions pour garantir que sa mise en oeuvre soit un succès.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, je ne peux proposer qu'un amendement à la fois, et voici celui que je propose maintenant, appuyé par l'honorable sénateur Beaudoin :

Que le projet de loi C-63 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié :

a) à l'article 12, par substitution à la ligne 8, page 5, de ce qui suit :

«visée au sous-alinéa 71.011a)(i) ou (iii). Il fixe la»;

b) à l'article 22, page 11, par substitution aux lignes 5 et 6, de ce qui suit :

«recensement auquel le directeur général des élections procède pour l'élection générale de la trente-sixième législature, s'il estime ces renseignements satisfaisants pour la constitution du registre,

(ii) soit sont recueillis au moyen d'un recensement prévu à l'article 63,

(iii) soit figurent sur une liste d'élec-».

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

L'honorable John G. Bryden : Le sénateur Murray me permet-il de lui poser une question?

Le sénateur Murray : Bien sûr.

Le sénateur Bryden : Voici ma question : avez-vous déjà été ou êtes- vous maintenant membre de la Société de la terre plate?

Je pose la question parce certaines des questions soulevées par le sénateur ont été réglées au cours du débat de deuxième lecture, ont été mentionnées durant le débat de troisième lecture et ont été clairement abordées par tous les témoins au comité, ce qui n'empêche pas le sénateur de soutenir que la terre est plate.

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, je voudrais parler des deux problèmes auxquels j'ai fait allusion.

Nous sommes aux prises avec le problème pratique que représente le raccourcissement du calendrier électoral sans raccourcir en même temps la période de diffusion et la possibilité qu'un parti soit sur les ondes le huitième ou le neuvième jour pendant qu'un autre serait en négociation et en arbitrage. J'ai soulevé la question à l'étape de la deuxième lecture et, oui, j'en ai fait part à l'arbitre de la radiodiffusion, M. Grant, quand il a comparu devant le comité. Le problème existe. Le gouvernement n'a fait aucune proposition d'amendement pour le régler. Je n'ai aucune critique à formuler contre les personnes qui ont comparu devant le comité. Ils se sont penchés sur la question, comme le sénateur l'a dit, mais le problème n'a pas été réglé.

En ce qui concerne l'autre grand problème, celui du registre etla question de savoir si Élections Canada sera prêt, je continue de croire que nous prenons un risque inutile. J'ai dit quelle était la situation. Il y a eu une entente avec la Saskatchewan, avec Terre- Neuve, avec le Yukon. C'est tout. Le reste ne dépend que de la bonne volonté des intéressés, du soutien politique, et nous ne sommes pas loin d'une entente. On nous demande de faire un acte de foi. Franchement, je ne pense pas que cela soit justifié ni nécessaire.

(1540)

Le sénateur Bryden : Honorables sénateurs, le sénateur oublierait-il que, lorsqu'on lui a posé la question, un haut fonctionnaire du Parlement, le directeur général des élections a déclaré clairement et catégoriquement que oui, les ententes auraient été conclues et que nous pourrions faire ce qui est dit dans le projet de loi?

Le sénateur Murray : La question a été posée par mon ami le sénateur Lynch-Staunton. Il a demandé si le directeur général des élections croyait que les ententes auraient été signées au moment voulu. Il a répondu que oui, il le croyait. Le sénateur Bryden a fait allusion à cela l'autre jour. M. Kingsley est confiant. Cependant, il y a une différence entre être confiant et avoir des accords signés.

J'éprouve beaucoup de respect pour M. Kingsley et tout son personnel, et ils le savent. Cependant, le Sénat a une responsabilité différente des leurs. Comme je l'ai dit à mes collègues sénateurs, je crois que la prudence nous dicte de prendre les mesures pour que ce projet de loi, qui est un très bon projet de loi, ne soit pas promulgué avant que tous les préparatifs aient été faits et tous les accords signés.

L'honorable Terry Stratton : Honorables sénateurs, je veux parler brièvement du projet de loi C-63 parce que j'aimerais qu'on réponde à certaines de mes préoccupations.

Un peu plus tôt, nous avons entendu deux excellents discours sur ce projet de loi : un du sénateur Bryden, qui a donné une description claire et assez détaillée du projet de loi, et l'autre du sénateur Murray, qui, avec beaucoup d'éloquence, a exprimé certaines préoccupations et soulevé certaines questions au sujet de ce projet de loi. Je veux appuyer les propos du sénateur Murray et soulever certaines questions au sujet du projet de loi, particulièrement du point de vue de l'électeur canadien moyen.

Il ne fait pas de doute que ce projet de loi semble populaire. Après avoir eu à subir de longues campagnes fédérales de 56 et de 47 jours, nous accueillons tous avec grand plaisir la possibilité de voir ces campagnes réduites à 36 jours. Cependant, cette réduction de la durée de la campagne permettra-t-elle au parti au pouvoir de préparer et de mener cette campagne avant même que les questions importantes aient pu être débattues de façon approfondie devant les Canadiens d'un bout à l'autre du pays? Le Canada est un grand pays.

Il faudrait examiner cette question de plus près avant d'adopter une campagne de 36 jours pour que tout le monde ait la chance d'entendre un débat complet sur toutes les questions. Je ne crois pas que nous ayons nécessairement raison de supposer que cela sera possible grâce à la télévision, à l'Internet ou à quelqu'autre moyen. Il n'y rien comme une bonne vieille assemblée publique dans les localités rurales des Prairies ou dans le Nord pour mettre les questions en évidence, et je ne vois pas comment on pourrait le faire à la grandeur du pays en si peu de temps, parce que notre pays est trop grand.

Pour ce qui est de l'inscription des électeurs, comme la période de la campagne électorale a été raccourcie et comme il n'y aura pas de recensement là où des élections ont eu lieu durant la dernière année, il semblerait que le degré d'exactitude de la liste tombera de 95 p. 100 à 80 p. 100, mais je crois qu'il sera même inférieur à cela.

Les gens se présenteront au bureau de scrutin pour se faire dire qu'ils doivent s'incrire. Pour chaque centaine de personnes, 20 devront s'inscrire sur place. Cela veut dire au moins 200 personnes pour un millier d'électeurs. La question qui se pose est : est-ce que les scrutateurs seront prêts pour cela? Pouvez-vous imaginer la confusion et la colère le jour des élections, lorsque les personnes qui se présentent pour voter découvriront qu'elles doivent s'inscrire? Les queues à la fin de la journée, lorsque les gens sortent du travail, seront très longues et l'humeur y sera maussade.

Pourquoi imposer aux gens une expérience désagréable lorsqu'il existe des façons moins pénibles et plus expéditives pour voter?

Il y a aussi la question de la prolongation des heuresd'ouverture des bureaux de scrutin de 11 heures à 12 heures. À Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince- Édouard ce sera de 8 h 30 à 20 h 30; au Québec et en Ontario de 9 h 30 à 21 h 30; au Manitoba et en Saskatchewan de 8 h 30 à 20 h 30; en Alberta et dans les Territoires du Nord-Ouest de 7 h 30 à 19 h 30; et en Colombie-Britannique et au Yukon de 7 h à 19 h. C'est donc la confusion.

Imaginons, encore une fois, le cas d'électeurs qui ont l'habitude de voter d'une certaine manière et à une heure donnée depuis de nombreuses années. Au Québec et en Ontario, ces électeurs se présentent au bureau de scrutin mais constatent que les portes sont fermées. En Alberta et dans les Territoires du Nord-Ouest, d'autres électeurs arrivent au bureau de vote à l'heure habituelle, soit 19 h 55, après avoir quitté le travail en vitesse pour aller chercher les enfants à la garderie et manger en vitesse, mais ils se heurtent aussi à des portes closes. Je ne voudrais pas être là quand cela se produira. Les électeurs en Colombie-Britannique et au Yukon devront faire face au même problème, mais en pire, puisque les bureaux de scrutin ferment à 19 heures. Il faut se rappeler que la proportion sera de deux survingt ou, au mieux, de 20 sur 100. À 19 h 25, deux électeurs sur vingt en Alberta pourraient se présenter au bureau de scrutin pour se faire dire qu'ils ne sont pas enregistrés et que le bureau de scrutin ferme à 19 h 30.

Je ne m'oppose pas à ce que le dépouillement du scrutin en Colombie-Britannique se fasse en même temps que dans le reste du Canada, mais n'y a-t-il pas une autre façon de faire pour y arriver? Ne pouvons-nous pas offrir une autre solution?

En terminant, honorables sénateurs, quant aux présumés avantages d'une période électorale de 36 jours, je ne crois pas que les questions qui se posent seront discutées pleinement et de façon adéquate. L'enregistrement des électeurs devrait être retardé le temps d'une élection pour s'assurer que plus de 80 p. 100 des électeurs soient enregistrés. Qu'ont fait les autres pays?

Enfin, nous pouvons certainement trouver une meilleure solution en ce qui concerne les heures de scrutin. Pourquoi ne pas retarder le dépouillement du vote jusqu'à la fermeture desbureaux de scrutin dans l'Ouest? À quel moment le gros des électeurs votent-ils? Il faut adapter l'horaire du vote aux besoins des gens et non pas à ceux de fonctionnaires ou de la télévision.

Ce projet de loi semble avoir la faveur du public, mais je crains que cela ne dure que jusqu'aux élections car la confusion, la colère et la frustration s'installeront aussitôt après. Encore une fois, nous aurons échoué dans notre tâche d'améliorer le gouvernement.

Le sénateur Bryden : Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat. Toutefois, l'honorable sénateur me permettra-t-il de poser une question?

Le sénateur Lynch-Staunton : Le sénateur Bryden ne peut pas proposer l'ajournement.

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, nous sommes saisis d'un amendement. Le Sénat doit décider s'il est recevable. Dans l'affirmative, la discussion portera alors sur le projet loi tel que modifié.

Si d'autres amendements sont proposés, allons-nous ajourner le débat sur l'amendement ou allons-nous ajourner le débat sur le projet de loi tel que modifié? J'aimerais savoir comment nous allons avoir un débat bien ordonné.

Son Honneur le Président : Dans le cas présent, on a proposé un amendement. Le Sénat en est saisi. Nous pouvons discuter de l'amendement. La coutume veut qu'on permette un large débat sur des amendements, y compris tout le projet de loi. Il pourrait y avoir un autre amendement, mais pas plus, et on peut ensuite ajourner le débat sur cet amendement.

(1550)

L'honorable sénateur Bryden a demandé la permission de poser une question au dernier orateur. C'est tout à fait acceptable aux termes du Règlement. C'est au dernier orateur de décider s'il veut répondre à une question. Il n'est pas obligé de le faire.

Le sénateur Bryden a posé une question. Le sénateur Stratton peut refuser d'y répondre. Je comprends que le sénateur Bryden entend ensuite ajourner le débat sur l'amendement.

Le sénateur Prud'homme : Honorables sénateurs, selon moi, si personne d'autre ne veut intervenir sur cet amendement, on peut soit s'entendre pour reporter le vote à plus tard, soit mettre l'amendement aux voix, après quoi nous reviendrons à la motion principale non amendée. S'il y a un nouvel amendement, c'est ce que nous faisons.

Je veux que les choses soient claires sur chaque étape que nous devons suivre, car cette question m'intéresse beaucoup depuis 30 ans.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, si je comprends bien, le Sénat est saisi de la motion principale. En plus de la motion principale, un amendement a été proposé. Les sénateurs qui sont intervenus sur la motion principale peuvent maintenant parler de l'amendement. Les sénateurs qui ne sont pas intervenus sur la motion principale peuvent discuter en même temps de la motion et de l'amendement. Cependant, on ne peut ajourner l'étude de l'amendement séparément de la motion principale. Le débat sur la motion et l'amendement se font en même temps, si je comprends bien.

Je ne suis pas une autorité en matière de Règlement du Sénat, mais j'ai siégé à d'autres assemblées pendant longtemps. Cela semble être une façon logique de procéder.

Je ne veux pas qu'on interprète cette intervention comme un défi, car je sais que le Président connaît fort bien le Règlement. Cependant, j'ignore où on prend l'idée selon laquelle on ne peut présenter qu'un seul autre amendement. Je ne veux pas dire pour autant que nous voulons proposer d'autres amendements, mais je pense que, sur le plan de la procédure, il est possible de soumettre des amendements indéfiniment.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, peut-être n'ai-je pas été assez clair. Quand il s'agit d'une motion principale, vous avez droit à un amendement et à un sous-amendement. Il ne peut y avoir d'autres sous-amendements tant que le sous-amendement en question n'a pas été mis aux voix. Bien entendu, une fois que le sous- amendement et l'amendement ont été mis aux voix, vous pouvez proposer d'autres amendements, s'ils sont différents.

Le vote porte donc actuellement sur l'amendement, et la pratique courante veut que l'on autorise la tenue d'un débat sur la motion principale au moment même où il est question de l'amendement. Néanmoins, quand il s'agit de prendre des décisions, l'amendement vient en premier lieu. Il pourrait y avoir un autre sous-amendement, auquel cas il faudra se demander s'il est recevable. Notre propos est d'ajourner le débat sur l'amendement ou sur le sous-amendement, si le Sénat y consent, et les sénateurs qui ont participé au débat sur la motion principale ont tout le loisir de prendre la parole au sujet de l'amendement et, s'il y a lieu, du sous-amendement.

Est-ce clair?

Le sénateur Bryden est à poser une question au sénateur Stratton. Nous allons ensuite passer à une motion d'ajournement du débat.

Le sénateur Prud'homme : C'est tellement clair que tout le monde est confus.

Le sénateur Bryden : Le sénateur Stratton est-il disposé à répondre à une question?

Le sénateur Stratton : Oui, honorables sénateurs.

Le sénateur Bryden : En ce qui concerne sa référence à 80 p. 100 par opposition à 95 p. 100, je signale au sénateur certaines choses qui se sont passées récemment. La Colombie-Britannique utilise un registre permanent des électeurs qu'elle révise lorsque des élections sont déclenchées. Sa liste est exacte à environ 80 p. 100. Une fois les révisions terminées, son exactitude passe à 95 p. 100.

De même, la liste utilisée pour les élections de 1993 était la liste électorale qui a fait l'objet d'un recensement et qui a été mise à jour pour le référendum de 1992. Elle était vieille d'une année et, par conséquent, exacte à environ 80 p. 100. Cependant, avec le processus de révision, qui est chose courante en période électorale, la liste électorale est redevenue exacte à 95 p. 100.

Le sénateur est-il au courant de ces circonstances? Sait-il aussi que c'est exactement la même chose qui se passe avec le projet de loi C- 63, à savoir qu'on prévoit que le registre permanent qui sera tenu sera exact à 80 p. 100? Il ne s'agit pas de la liste des électeurs au moment des élections. Cette liste-là sort en cinq jours. Une révision active est faite ensuite et l'exactitude de la liste passe à 95 p. 100 trois jours avant le jour du scrutin.

Le sénateur Stratton : Honorables sénateurs, je le savais. Je suis d'accord avec une liste électorale permanente. Tout le monde y gagnerait si l'on avait un registre permanent des électeurs. Je crois que chaque fois que quelqu'un déménage, il devrait être tenu de faire connaître sa nouvelle adresse.

Je doute que la proposition du gouvernement soit applicable dans un délai aussi court. J'imagine qu'il pourrait y avoir beaucoup de problèmes et de confusion si l'on utilisait la vieille liste électorale et qu'on changeait les heures du scrutin.

Honorables sénateurs, c'est souvent le jour du scrutin que les gens se demandent s'ils sont bien inscrits sur la liste, où ils doivent voter et quelles sont les heures du scrutin. C'est ce jour-là qu'ils risquent de s'apercevoir qu'ils ne sont pas inscrits ou que le bureau de scrutin est déjà fermé. Voilà ce qui m'inquiète. Les gens ont leurs habitudes. Ils ne changent pas leur façon d'agir parce qu'on leur dit de le faire. Ce qui est regrettable, c'est que nous les forçons à faire quelque chose alors que, selon moi, il pourrait y avoir une autre solution.

Le sénateur Bryden : Honorables sénateurs, pour ce qui est de se renseigner sur ces questions, j'accorde nettement plus de crédit aux électeurs que ne le fait le sénateur d'en face. Je crois que l'honorable sénateur a d'ailleurs mentionné que, si jamais, par inadvertance, on n'avait pas inscrit quelqu'un sur la liste, on pourrait le faire le jour même.

Le sénateur Stratton : Je sais que c'est possible. Mon inquiétude, c'est que, en Alberta et en Colombie-Britannique, des gens se présentent aux bureaux de scrutin et constatent alors que la fermeture doit avoir lieu une demi-heure ou une heure avant l'heure à laquelle ils étaient habitués et qu'ils ne sont pas inscrits sur la liste. Si la liste n'est pas aussi exacte que l'honorable sénateur le prétend, il y aura un véritable problème.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

[Français]

PROJET DE LOI SUR LES ADDITIFS À BASE DE MANGANÈSE

DEUXIÈME LECTURE—MOTION DE RENVOI AU COMITÉ—MOTION D'AMENDEMENT—RECOURS AU RÈGLEMENT—DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kenny, appuyée par l'honorable sénateur Landry, que le projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances à base de manganèse, soit déféré au comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles;

Et sur la motion en amendement de l'honorable sénateur Kinsella, appuyée par l'honorable sénateur Oliver, que la motion soit modifiée par l'ajout des mots suivants :

;et

Que nonobstant l'article 98 du Règlement, le comité présente un rapport intérimaire avant de présenter son rapport final sur le projet de loi et que ce rapport porte sur les réponses qu'il a obtenues aux questions suivantes :

(1) Le pétrole contenant du MMT est-il à l'origine du mauvais fonctionnement des dispositifs installés à bord des véhicules pour contrôler les émissions?

(2) La présence de MMT dans l'essence est-elle dangereuse pour la santé des Canadiens?

(3) La présence de MMT dans l'essence cause-t-elle des dommages directs à l'environnement?—(Décision du Président).

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vendredi 13 décembre 1996, le sénateur Kenny a proposé le renvoi du projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances à base de manganèse, au comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Le sénateur Kinsella a alors voulu proposer un amendement. Son amendement avait pour objet de demander au comité de préparer un rapport intérimaire répondant à certaines questions au sujet du MMT avant de présenter son rapport final sur le projet de loi.

Suivant l'intervention du sénateur Kenny, qui s'opposait à la proposition d'amendement, le sénateur Corbin a invoqué le Règlement. Se reportant à l'article 58 du Règlement du Sénat,il a soutenu qu'il ne s'agissait pas d'un amendement proprement dit mais plutôt d'instructions et, par conséquent, qu'il n'était pas recevable car il n'avait pas été précédé de l'avis prescrit.

[Français]

Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella a répliqué que l'amendement était bel et bien recevable. Il a cité, pour exemple, l'amendement proposé le 11 juin 1996 à l'ordre de renvoi de la clause 17 au comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Au terme de son intervention, j'ai déclaré que j'étudierais l'affaire et que je me prononcerais dès que possible.

(1600)

[Traduction]

Avant d'examiner l'amendement proposé par le sénateur Kinsella, je me dois de souligner que la motion du sénateur Kenny vise seulement à renvoyer le projet de loi C-29 au comité. Conformément à nos usages, la motion portant renvoi d'un projet de loi à un comité est maintenant traitée comme une motion corrélative qui est automatiquement proposée après l'adoption d'un projet de loi en deuxième lecture. La motion de renvoi relativement à la clause 17, d'un autre côté, était une motion de fond indépendante de toute autre considération. Les deux cas ne sont pas vraiment comparables.

[Français]

D'après ma lecture des articles 62(1)i) et 62(2) du Règlement du Sénat, une motion de renvoi d'un projet de loi ne peut pas faire l'objet d'un débat ou d'un amendement, tandis qu'une motion de renvoi de toute autre question, par exemple la motion de fond relativement à la clause 17, est sujette tant à débat qu'à amendement. L'article 62.(1)i)du Règlement du Sénat,pose qu'une motion, et je cite :

... de renvoi d'une question, sauf une loi proposée, à un comité permanent ou spécial...

... est sujette à débat. L'article 62(2) stipule que, et je cite :

... à moins d'indication contraire dans le Règlement ou de contre-ordre, le Sénat se prononce sur-le-champ, sans débat ni amendement, sur toute autre motion dont il est saisi.

[Traduction]

Par conséquent, la proposition du sénateur Kinsella doit faire l'objet d'une motion de fond distincte nécessitant un préavis, ce qu'a fait valoir justement le sénateur Corbin. Elle ne peut être proposée sous forme d'amendement à la motion de renvoi du projet de loi et elle n'est donc pas recevable.

Honorables sénateurs, nous revenons à la motion principale.

Il est proposé par l'honorable sénateur Kenny, appuyé par l'honorable sénateur Landry, que le projet de loi soit renvoyé au comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Le sénateur Prud'homme : Avec dissidence.

Son Honneur le Président : Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que tous ceux qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de deux honorables sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président : Les whips pourraient-ils dire quel est l'horaire prévu pour le vote?

REPORT DU VOTE

L'honorable Noël A. Kinsella : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 67(1) du Règlement du Sénat ainsi libellé :

Lorsqu'on a demandé, en vertu de l'article 65(3) du Règlement, un vote par appel nominal sur une motion sujette à débat selon l'article 62(1), l'un ou l'autre whip peut demander qu'on diffère le vote...

Je demande donc que le vote soit reporté à 17 h 30 demain, comme le permet le paragraphe 67(2) du Règlement du Sénat.

Son Honneur le Président : Il est demandé par l'honorable sénateur Kinsella, conformément au paragraphe 67(1) du Règlement du Sénat, que le vote soit reporté à 17 h 30 demain. Cette demande est recevable, et le vote est reporté à 17 h 30 demain.

PROJET DE LOI DU GOUVERNEMENT SUR LES PREMIÈRES NATIONS

RECOURS AU RÈGLEMENT—DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Deuxième lecture du projet de loi S-12, Loi prévoyant l'autonomie gouvernementale des Premières nations du Canada.—(Décision du Président).

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, le sénateur Tkachuk est au Sénat cette semaine — du moins, il l'était. La question est sans portée pratique maintenant. Quand pouvons-nous nous attendre à ce que la présidence rende une décision sur cette question?

Son Honneur le Président : Honorable sénateur Berntson, j'avais espéré pouvoir rendre une décision la semaine dernière. Je n'ai pu le faire. C'est une question plus complexe que je ne l'avais cru au départ, notamment à cause des décisions précédentes et au fait que ces dernières manquent d'uniformité.

J'ai téléphoné au sénateur Tkachuk la semaine dernière, ainsi qu'au sénateur Twinn, pour les informer que, malheureusement, je ne pourrais rendre de décision. Toutefois, je le ferai quand nous reviendrons après l'intercession.

(Le débat est reporté.)

LA SITUATION DES ARTS AU CANADA

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Johnson, attirant l'attention du Sénat sur la situation des arts au Canada.—(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable Terry Stratton : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer l'interpellation du sénateur Johnson sur l'état des arts et de la culture au Canada.

La politique culturelle est importante pour le tissu même de la société canadienne. Dans un monde en constante évolution, nous devons nous assurer que la politique culturelle du gouvernementsoit mise à jour à mesure que les changements se produisent. À ma connaissance, le gouvernement fédéral n'a pas fait d'étude approfondie de sa politique culturelle depuis de nombreuses années. En fait, la dernière grande étude a été faite par la commission Applebaum-Hébert en 1982.

Le Canada est un pays ayant de grands défis à relever sur les plans culturel et artistique. Notre vaste territoire et notre petite population rendent difficiles la production, l'échange, la diffusion et la communication d'oeuvres d'art, alors que notre fragilité économique menace l'existence même de la production artistique.

Je voudrais faire une digression et vous donner un exemple de la fragilité et de la détermination de la population des vastes Prairies au tournant du siècle. Virden est une petite localité du Manitoba à mi-chemin environ entre Winnipeg et Regina. C'est une petite agglomération d'agriculteurs le long de la voie principale du CP. Je travaillais pour la municipalité là-bas et on m'a montré un joli théâtre du tournant du siècle entièrement équipé pour la production de pièces ou d'opéras. Toutes les troupes itinérantes s'y arrêtaient pour s'y produire. Le théâtre avait été rénové avec amour. Les immigrants qui venaient au Canada à cette époque étaient déterminés à développer les arts et la culture dans les vastes champs de céréales. Il y a d'autres exemples comme celui-là d'un bout à l'autre des Prairies.

Winnipeg est située à 1 900 milles à l'ouest de Toronto, à six heures à l'est de Regina, à 10 heures au nord de Minneapolis et au sud des vastes étendues sauvages du bouclier canadien. Winnipeg est donc bien isolée. Au début, des immigrants de partout dans le monde sont venus s'établir à Winnipeg. Aujourd'hui, la mosaïque culturelle que l'on retrouve dans cette ville reste inégalée. Winnipeg a son orchestre symphonique, le Royal Winnipeg Ballet et le Folkarama, qui célèbre la diversité culturelle de la ville.

En plus de son isolement et de la fragilité de son économie, le Canada doit également composer avec la pression culturelleconstante des États-Unis. En dépit de cela, le Canada et les Canadiens tirent très bien leur épingle du jeu dans le domaine des arts et de la culture. Notre pays a beaucoup de grandes vedettes internationales, dont Céline Dion, Loreena McKennitt, de Morden au Manitoba, Alanis Morissette et Shania Twain. Des écrivains comme Margaret Atwood sont connus partout dans le monde. Et ce ne sont là que quelques exemples.

Notre pays est confronté à de nouveaux défis en raison de la mondialisation de l'économie et des changements rapides dans le monde de l'information et des communications qui réduisent l'importance des frontières nationales. L'expansion de la technologie numérique offre un grand potentiel dans de nombreux domaines dont le domaine culturel, mais il faut faire preuve de prudence. Les nouvelles techniques posent de nouveaux problèmes qu'il ne faut pas négliger. Le gouvernement devra prendre des mesures innovatrices pour protéger la culture canadienne.

Honorables sénateurs, nos principaux accords commerciaux,l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis et l'Accord de libre-échange nord-américain, tous deux négociés par l'ancien gouvernement progressiste-conservateur, protègent la croissance de notre secteur culturel sur le marché national et offrent un accès équitable aux marchés étrangers. Nous devons nous assurer que les exemptions culturelles prévues dans les accords commerciaux continuent d'être appuyées. Ces exemptions contribuent à enrichir la culture canadienne.

(1610)

L'art et la culture représentent une activité économique importante au Canada. En 1992-1993, la contribution totale du secteur culturel à l'économie du Canada s'est élevée à 23,4 milliards de dollars, soit environ 3,5 p. 100 du PIB. La même année, ce secteur employait 660 000 personnes. Entre 1987 et 1992, l'emploi dans le secteur culturel a fait un bond de 21 p. 100. En outre, en 1992, la famille canadienne moyenne a dépensé plus de 1 100 $ en biens et services culturels. En dépit de ces chiffres impressionnants et de l'apport bénéfique du secteur culturel à l'économie canadienne, beaucoup de personnes de ce secteur croient que le gouvernement fédéral n'a pas fait assez pour promouvoir et soutenir les arts et la culture.

Le gouvernement libéral a rompu la promesse qu'il avait faite dans le livre rouge d'assurer un financement pluriannuel stable à Radio-Canada. Le budget de la société a été réduit de plus de 400 millions de dollars, ce qui a entraîné la suppression de 1 700 emplois jusqu'à maintenant et de 700 à 800 autres dans un avenir rapproché. Après la menace de fermeture de Radio-Canada International, le gouvernement a trouvé le moyen de redonner sa vraie place à ce service. C'est là un autre exemple classique des promesses rompues par les Libéraux, comme celle sur la TPS. Le premier ministre a montré une fois de plus que ce qu'il dit ne correspond pas nécessairement à ce qu'il fait. Il y a les promesses contenues dans le livre rouge et, à côté de cela, il y a la réalité.

Depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel en 1993, les dépenses fédérales au titre de la culture ont diminué. Par conséquent, les organisations artistiques manquent d'argent. Elles ont donc dû réduire leur saison et limiter leurs productions. Cela a évidemment entraîné une baisse de revenu pour les artistes qui travaillent pour ces organisations. La situation n'est pas bonne.

Le gouvernement doit chercher des façons d'aider ce secteur. Pourrait-il faire autre chose qu'injecter des fonds pour appuyer le secteur culturel? A-t-il fait des études à ce sujet? Ne pouvons-nous pas trouver des façons d'exporter le produit au lieu de toujours exporter l'artiste qui a du succès? Comme le sénateur Meighen l'a dit, si les subventions sont notre méthode traditionnelle de financement des arts et que ces subventions sont réduites, pourquoi le gouvernement ne peut-il pas offrir des stimulants fiscaux aux entreprises pour encourager celles-ci à fournir les fonds qui manquent?

Je dois avouer que je suis dans une situation de conflit d'intérêts, bien que ce ne soit pas aussi flagrant que dans le cas du sénateur Meighen, qui est président du Festival de Stratford. J'ai un fils qui travaillait à Stratford, mais il a laissé parce que, selon lui, il n'y avait pas d'avenir dans le théâtre à cause des compressions budgétaires au gouvernement.

Malgré l'immensité du pays où nous vivons, son climat rigoureux et l'isolation de certains de ses habitants par rapport aux autres, notre culture a fleuri. Allons-nous simplement la laisser s'éteindre et s'assimiler à la culture américaine ou allons-nous être aussi déterminés que les pionniers de Virden, au Manitoba, et voir non seulement à ce que notre culture survive, mais à ce qu'elle fleurisse?

La politique culturelle de notre gouvernement doit suivre l'évolution constante du monde dans lequel nous vivons. Le secteur culturel canadien doit être appuyé par des politiques solides qui sont pertinentes dans un Canada moderne qui s'apprête à entrer dans le XXIe siècle. Le temps est venu d'examiner notre politique culturelle.

J'appuie l'idée du sénateur Johnson de créer un comité spécial du Sénat pour cerner et analyser les problèmes que connaît le secteur culturel au Canada. Les recommandations faites par un tel comité aideraient ce secteur à l'approche du XXIe siècle. Il faut examiner la politique fédérale dans ce domaine.

(Sur la motion du sénateur Pearson, le débat est ajourné.)

L'UNION INTERPARLEMENTAIRE

LA CONFÉRENCE SUR L'IMPACT DES MINES TERRESTRES—LA CONFÉRENCE SUR LA RÉFORME DES NATIONS UNIES—LE SOMMET MONDIAL DE L'ALIMENTATION—INTERPELLATION—L'AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Peter Bosa, ayant donné avis le 13 décembre 1996 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur une conférence de l'UI concernant l'impact des mines terrestres, qui a eu lieu le 22 octobre au siège des Nations Unies à New York, sur l'appui aux Nations Unies et la réforme des Nations Unies, et sur la journée des parlementaires célébrée le 15 novembre 1996, lors du Sommet mondial de l'alimentation à Rome.

— Honorables sénateurs, j'attire votre attention aujourd'hui sur deux événements récents organisés par l'Union interparlementaire et auxquels j'ai assisté en ma qualité de président du groupe canadien de l'UI.

Le premier événement est la rencontre annuelle des parlementaires présents à l'assemblée générale des Nations Unies, qui s'est tenue le 22 octobre 1996. Le second est la journée des parlementaires célébrée le 15 novembre 1996, lors du Sommet mondial de l'alimentation à Rome.

Chaque année, l'Union interparlementaire organise une réunion des parlementaires qui sont à New York en tant que membres de leur délégation à l'assemblée générale. Bien que le Canada n'envoie plus de délégations de parlementaires aux réunions de l'assemblée générale, j'ai jugé que les sujets au programme de cette année étaient d'une importance telle que le groupe canadien de l'UI se devait d'être présent.

Les questions à l'ordre du jour étaient les suivantes : les défis d'ordre humanitaire : les mines terrestres et l'impact des conflits sur les enfants; l'appui des Nations Unies aux démocraties nouvelles ou rétablies; le défi de la réforme des Nations Unies : la perspective du Secrétariat.

J'ai récemment parlé de l'activité du groupe canadien de l'UI lors de la conférence de l'union à Beijing, où nous avons travaillé fort pour obtenir le débat sur l'importance d'interdire à l'échelle planétaire l'utilisation de mines antipersonnel. Le groupe canadien a joué un rôle majeur pour ce qui est de faire inscrire cette question à l'ordre du jour. La résolution qui s'est ensuivi fut adoptée sans faire l'objet d'un vote par les 125 pays assistant à la conférence de Beijing. Seulement quatre pays, soit la Chine, Cuba, la Libye et le Vietnam ont exprimé des réserves au sujet de la résolution finale.

Les honorables sénateurs se rappelleront que, peu après, l'honorable Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères, a organisé à Ottawa une conférence de stratégie internationale pour focaliser l'action internationale dans le dossier des mines antipersonnel. Je suis intervenu à l'une des séances de cette conférence pour expliquer le travail que fait notre organismepour tâcher d'obtenir une interdiction générale. Les 50 États qui ont participé à la conférence d'Ottawa ont adopté le document connu sous le nom de «Déclaration d'Ottawa» qui réclame pour le plus tôt possible la conclusion d'une entente internationale d'interdiction des mines antipersonnel à caractère exécutoire.

Cette déclaration est appuyée par un programme d'action touchant les mines antipersonnel qui décrit les nombreusesactivités concrètes que les États, les organismes internationaux et les organisations non gouvernementales sont disposés à entreprendre aux niveaux mondial, régional et national. Notreministre des Affaires étrangères a également lancé aux États une invitation à travailler avec le Canada pour polariser davantage ces efforts et a laissé entendre que le Canada serait heureux d'organiser une réunion de niveau ministériel à la fin de 1997 pour conclure une entente.

À la conférence d'Ottawa, et au cours des discussions aux Nations Unies, il est devenu clair qu'il existe une masse critiqued'États prêts à aller de l'avant pour négocier une entente internationale. Le Canada a joué un rôle de chef de file aussi bien au niveau gouvernemental qu'au niveau parlementaire.

À la suite de notre session d'un jour à New York, j'ai écrit à chacun des dirigeants des groupes nationaux de l'UIP pour les inviter à collaborer avec leur gouvernement respectif afin d'en arriver à conclure une entente internationale en 1997. Nous avons pris notre élan. Nous devons maintenant nous rendre jusqu'au but.

(1620)

La deuxième activité de l'UIP à laquelle j'ai participé a été la journée des parlementaires au Sommet mondial de l'alimentation. L'Union interparlementaire a l'habitude de tenir ces rencontres en marge de grandes conférences de l'ONU. Cette rencontre a été organisée à l'invitation du parlement italien, avec le concours de la FAO, c'est-à-dire l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture. Environ 190 parlementaires venus de 73 pays y ont participé.

La majeure partie de notre temps a été consacrée à l'étude de la contribution des parlements au sommet, et plus spécialement aux stratégies parlementaires visant à donner un suivi efficace au sommet.

J'ai été l'un des 57 parlementaires qui ont pris la parole à la réunion. J'ai fait observer que personne ne pouvait contester l'importance du débat sur la sécurité alimentaire mondiale. La proportion des personnes souffrant de la faim dans les pays en développement est passée de 35 p. 100 dans les années 60 à environ 20 p. 100 aujourd'hui. Cependant, la malnutrition touche encore beaucoup trop d'habitants de la planète, soit 800 millions de personnes. La consommation de denrées alimentaires par personne a augmenté de 18 p. 100 au cours des 30 dernières années, mais cette progression a été extrêmement inégale.

Conscient que notre principale tâche est de montrer notre volonté politique de façon tangible, je me suis concentré sur certains engagements du plan d'action, comme l'importance d'un environnement politique, social et économique paisible, stable et propice à la réalisation de la stabilité alimentaire. La sécurité alimentaire mondiale doit reposer sur les principes de démocratisation et de bon gouvernement, de paix, de développement durable et de respect des droits de la personne. En tant que parlementaires, il nous incombe tout particulièrement de veiller à ce que nos homologues de tous les pays fassent la promotion des droits de la personne et des libertés fondamentales et les défendent. Nos efforts pour assurer le caractère démocratique et transparent de nos institutions et la participation de la population à ces institutions contribuent à créer les conditions qui constituent le fondement le plus important à la réalisation de la sécurité alimentaire.

En tant que membres de l'Union interparlementaire, nous avons pris l'engagement de promouvoir les droits de la personne et la mise en place d'institutions représentatives. Nous pouvons agir à plusieurs niveaux, notamment dans le cadre des contacts informels avec nos collègues parlementaires. Les rencontres de groupe que nous avons avec eux nous permettent de partager le fruit de nos expériences et d'examiner ensemble des questions précises. Les tournées d'étude et les séminaires de formation organisés par des groupes de l'Union interparlementaire offrent également des moyens de contribuer concrètement à la réalisation d'un environnement politique, social et économique paisible, stable et propice.

J'ai fait remarquer que le Parlement du Canada avait un programme extrêmement dynamique dans les domaines de la formation et du développement à l'échelle internationale. En fait, cet automne, nous étions presque débordés par le nombre de demandes pour la mise sur pied de projets spéciaux sur des aspects précis de ce qui fait un bon gouvernement, comme le fonctionnement d'une commission des droits de la personne ou la conduite des affaires intérieures. Nous avons constaté qu'un programme efficace d'amélioration du système parlementaire exige un engagement à long terme, pour que les législateurs et leur personnel aient le temps de travailler à fond sur plusieurs aspects d'un bon gouvernement.

En tant que parlementaires, nous sommes en mesure de soutenir sans délai le développement d'institutions représentatives qui aideront les pays visés à acquérir les bases nécessaires pour assurer leur sécurité alimentaire.

J'ai aussi souligné l'importance d'assurer une mise en oeuvre, un contrôle et un suivi efficaces de ce plan d'action. En tant que parlementaires, nous devons veiller à ce que les institutions gouvernementales rendent des comptes sur leurs politiques en suivant les voies normales, comme l'examen des budgets ou la présentation de projets de loi.

J'ai exhorté tous mes collègues parlementaires à soulever auprès de leur assemblée législative respective la question de la mise en œuvre du plan d'action adopté par le Sommet mondial de la santé.

En guise de conclusion au discours que j'ai prononcé à Rome, j'ai parlé de la détermination du Canada à intervenir au Zaïre dans les plus brefs délais. Notre premier ministre, en réponse aux inquiétudes du monde entier, a convenu que le Canada organiserait une mission humanitaire multinationale pour permettre aux organismes d'aide alimentaire de retourner dans cette zone de conflit pour essayer de sauver plus d'un million de personnes dont la situation est encore extrêmement précaire. Cependant, le Canada ne peut agir seul. J'ai exhorté mes collègues à convaincre leur gouvernement de participer à cette mission.

La séance, qui a duré toute la journée, s'est terminée avec l'adoption de la déclaration du Sommet mondial de l'alimentation. Cette déclaration propose, entre autres, de mettre sur pied un mécanisme, en coopération avec la FAO, pour surveiller la mise en œuvre, au niveau parlementaire, desengagements pris par les États à Rome.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

[Français]

TRANSPORTS ET COMMUNICATIONS

AUTORISATION AU COMITÉ DE VOYAGER

L'honorable Lise Bacon, conformément à l'avis donné le vendredi 13 décembre 1996, propose :

Que le comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à se rendre d'un endroit à l'autre à l'intérieur et à l'extérieur du Canada aux fins de poursuivre son étude de la position internationale concurrentielle du Canada dans le domaine des communications en général, et notamment l'importance des communications au Canada sur les plans économique, social et culturel.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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