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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 64

Le mardi 17 décembre 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 17 décembre 1996

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Patrimoine Canadien

Les compressions budgétaires à Radio-Canada-
Les répercussions défavorables sur
les institutions culturelles

L'honorable Janis Johnson: Honorables sénateurs, je suis très inquiète de la façon dont le gouvernement gère les institutions culturelles de notre pays. Lors des élections, les Libéraux avaient promis qu'ils doteraient Radio-Canada d'un budget pluriannuel stable. Malgré cette promesse écrite textuellement dans le livre rouge, le gouvernement fédéral a une fois de plus berné les Canadiens en amputant le budget de Radio-Canada de 414 millions de dollars. Le gouvernement fédéral a-t-il un plan d'ensemble pour assurer la survie à long terme de Radio-Canada? De toute évidence, non.

Il y a quelques jours, le ministre de la Défense nationale, Doug Young, annonçait qu'il aimerait voir la télévision de Radio-Canada abolie et privatisée. Peu de temps après, la ministre du Patrimoine canadien, Sheila Copps, déclarait que, selon elle, seulement 19 postes disparaîtraient du fait des compressions budgétaires imposées par le gouvernement. Seulement 19? La ministre essayait-elle de nous tromper ou ignore-t-elle vraiment tout des conséquences de la politique de son propre gouvernement? Quelle que soit la situation, sa déclaration est remarquable. De l'avis des spécialistes, le nombre des mises à pied serait plus près de 1 000. À cela, la ministre responsable de la culture a répondu qu'elle n'avait fait que répéter ce qu'elle avait lu dans le journal, ajoutant qu'elle ne compilait pas de statistiques et qu'elle n'en avait pas à sa disposition. Elle ferait peut-être bien de s'en procurer.

Il est vraiment effarant que la ministre du Patrimoine canadien soit à ce point ignorante des conséquences de sa propre politique. Radio-Canada est l'une des principales forces unificatrices du pays. Il est difficile de rentrer chez nous pour célébrer Noël, sachant que la fierté des Canadiens, la Société Radio-Canada, est gérée de façon si cavalière.

Lorsque je rentrerai chez moi, je vais être obligée d'expliquer aux Manitobains pourquoi leur province et les autres régions démunies sont les plus touchées par les compressions. La semaine dernière, le directeur régional de Radio-Canada, à Winnipeg, annonçait l'abolition de 74 postes. Il ne semble pas déraisonnable de s'attendre à ce que Mme Copps soit au courant de ce fait, mais elle est sans doute trop occupée à lire le journal.

Je crains que ce manque total d'égards ne soit typique de la manière dont le gouvernement libéral a l'intention de gérer nos affaires culturelles. Il n'a pas de stratégie pour le long terme, il n'a aucun plan d'avenir. Cela ne donne que plus de poids à ma demande que le Sénat entreprenne une étude de notre situation culturelle. Je sais que j'ai l'appui des sénateurs d'en face, autant que de mes propres collègues.

(1410)

Les libéraux ont déjà fait la preuve que les politiques énoncées dans le livre rouge étaient dépassées. Mes préoccupations vont au-delà du cadre de la politique partisane. Quels sont les projets à long terme pour assurer la survie de Radio-Canada? Si le gouvernement n'a pas de stratégie à long terme quant à l'avenir de nos institutions culturelles les plus importantes, il y a tout lieu de penser que les moins importantes sont elles aussi menacées.

Honorables sénateurs, je crois que le moment est venu, en 1997, d'envisager une stratégie à long terme pour les institutions culturelles du Canada. Radio-Canada, le Conseil des arts, l'Office national du film et des douzaines d'organismes culturels moins importants constituent la fibre culturelle de la nation, le ciment qui nous unit. Nous devons gérer ces institutions avec soin et sérieux. Nous le devons aux Canadiens.

[Français]

 

La francophonie

la candidature de Moncton tant que ville-hôtesse
du Sommet de 1999

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, je veux aujourd'hui appuyer les efforts des gouvernements du Canada et du Nouveau-Brunswick en vue de promouvoir la candidature de la ville de Moncton, au Nouveau-Brunswick, comme hôtesse du prochain Sommet de la Francophonie en 1999. La tenue du Sommet de la Francophonie à Moncton offrirait à la communauté francophone du Canada, y compris le Québec, l'occasion de se distinguer sur la scène internationale. Pour les communautés francophones et acadiennes du pays, la tenue du Sommet de la Francophonie au Nouveau-Brunswick permettrait de donner une grande visibilité à la francophonie canadienne et de démontrer sa vitalité.

Je vous demande, honorables sénateurs, de tout faire pour convaincre les divers gouvernements du bien-fondé de la tenue d'un tel événement au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

 

L'économie

le Rôle de bâtisseur des petites entreprises

L'honorable Richard J. Stanbury: Honorables sénateurs, hier, le Financial Post a annoncé le nom des gagnants du concours annuel des 50 sociétés privées les mieux gérées au Canada. Au total, 854 entreprises ont été prises en considération. Après un premier tri, 209 d'entre elles ont été visitées par des conseillers en gestion professionnels. Un groupe d'éminents juges a ensuite fait le choix final et ces juges ont constaté que la croissance des 50 jeunes entreprises choisies était phénoménale. Celles-ci employaient 14 026 personnes, soit une augmentation de 62 p. 100 par rapport à 1994; leurs ventes de produits et de services s'élevaient à 2,3 milliards de dollars, soit une augmentation des deux tiers par rapport à 1994 et les exportations représentaient 37 p. 100 de leurs ventes. L'un des juges a déclaré: «L'innovation se porte bien au Canada. En ma qualité de membre du jury, j'ai pu constater à quel point ces entreprises sont une force motrice de la croissance économique.»

Les petites entreprises sont le fer de lance de la création d'emplois. Il existe plus de 2,3 millions de petites entreprises qui créent environ 50 p. 100 de tous les emplois du secteur privé et produisent près de 43 p. 100 du produit économique du secteur privé au Canada. Des taux d'intérêt plus bas, une faible inflation et l'excellente réputation du Canada sur les marchés financiers internationaux ont permis aux entreprises de faire des miracles. Près de 500 sociétés planifient la prochaine invasion des marchés étrangers par Équipe Canada. L'année 1996 a été favorable aux entrepreneurs canadiens et surtout aux 50 entreprises les mieux gérées du pays.

 


AFFAIRES COURANTES

L'ajournement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 18 décembre 1996, à13 h 30.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

 

Énergie, environnement et ressources naturelles

Avis de motion autorisant le comité à étudier les
questions soulevées par le projet de loi régissant
certaines substances à base de manganèse

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le mercredi 18 décembre 1996, je proposerai:

Que nonobstant l'article 98 du Règlement, le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles présente un rapport intérimaire avant de présenter son rapport final sur le projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances à base de manganèse et que ce rapport porte sur les réponses qu'il a obtenues aux questions suivantes:

(1) Le pétrole contenant du MMT est-il à l'origine du mauvais fonctionnement des dispositifs installés à bord des véhicules pour contrôler les émissions?

(2) La présence de MMT dans l'essence est-elle dangereuse pour la santé des Canadiens?

(3) La présence de MMT dans l'essence cause-t-elle des dommages directs à l'environnement?

 


[Traduction]

 

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le programme d'infrastructure

L'exactitude de la liste des projets réalisés-
L'ooportunité de certaines subventions-
La position du gouvernement

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai une question pour le leader du gouvernement au Sénat en ce qui a trait à une liste de projets approuvés.

Le ministère de l'Industrie a-t-il vraiment consenti des prêts ou donné des cadeaux pour aménager des terrains de golf en Ontario, construire des vestiaires quelque part au Canada et développer les arts martiaux au coût de 20 000 $? La liste des projets est interminable. L'article paru dans les journaux est-il exact? Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat pourrait le confirmer?

Honorables sénateurs, il y a une subvention de 73 200 $ pour établir un club de billard en Colombie-Britannique. Vu que je représente cette région, j'aimerais bien savoir où est ce club et déterminer si ces prêts ou subventions ont réellement été versés. S'agit-il de subventions, de prêts, de cadeaux? Est-ce ainsi que le gouvernement libéral demande aux gens de se serrer la ceinture et d'agir de façon responsable? J'aimerais savoir si cette liste est véridique.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, si le sénateur me remettait une copie de l'article dont il parle, je l'enverrais à mon collègue immédiatement pour voir ce que l'on peut trouver.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je vais certainement donner cette liste. Si cette liste est véridique, c'est inquiétant, tant pour le leader du gouvernement au Sénat que pour tous les sénateurs, étant donné le cynisme du public à l'égard de la façon dont le gouvernement administre les fonds. Je ne veux pas dire que cela ne s'est jamais produit dans le passé, mais on nous avait fait croire que les Libéraux voulaient instaurer une nouvelle façon de gouverner.

Est-ce que ce genre d'action est typique de l'attitude et de la civilité que les libéraux voulaient amener à la Chambre des communes? Comment cela est-il relié aux aspects non sectaires des nominations qui, selon les libéraux, étaient trop politisées sous le gouvernement précédent?

Ma question est celle-ci: sommes-nous revenus aux vieilles tactiques qui consistaient, par exemple, à donner 15 000 $ pour une table de ping-pong à un club du Québec ou à une salle de billards de Colombie-Britannique?

(1420)

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je comprends certainement l'intérêt de mon collègue pour cette question. Naturellement, j'hésite beaucoup à faire des commentaires tant que je ne sais pas de quoi il s'agit et d'où vient l'information.

 

Énergie atomique du Canada

La vente des réacteurs CANDU à la Chine-
L'exactitude des reportages-
Demande de précisions

L'honorable Michel Cogger: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement. Je voudrais revenir sur la fameuse vente des réacteurs CANDU à la Chine. Au moment où la vente a été annoncée par le premier ministre avec grand éclat, le ministre du Commerce international, l'honorable Art Eggleton, et Énergie atomique du Canada ont publié des communiqués expliquant à l'intention des Canadiens certains éléments de ce marché.

Or, selon un article paru dans le Globe and Mail, la teneur des communiqués de presse et des paroles prononcées par le ministre Eggleton n'est tout simplement pas véridique. Quand EACL et le ministre ont annoncé la vente, ils ont prétendu qu'EACL accorderait un financement de 1,5 milliard de dollars - la part du Canada dans le cadre de ce contrat de 4 milliards de dollars - et que ce montant serait fourni par EACL à même son budget de fonctionnement. Je suppose que les Canadiens ont cru en la véracité de ces déclarations puisqu'elles venaient de la bouche du ministre et des représentants d'une importante société d'État.

Selon cet article, ce n'est tout simplement pas vrai, et ce, pour deux raisons. Premièrement, lors de l'annonce de cette vente, EACL avait déjà atteint la limite des prêts qu'elle peut consentir à la Chine. Ainsi donc, pour la partie chinoise, il n'y avait plus de fonds disponibles. Honorables sénateurs, 1,5 milliard de dollars, ce n'est pas rien. Deuxièmement, selon M. Corcoran du Globe and Mail, même si EACL soutient que ses prêts sont toujours consentis après une évaluation fondée sur des principes strictement commerciaux, ce n'est pas vrai non plus parce que la vente de réacteurs CANDU ou de matériel nucléaire ne peut pas être financée conformément aux conditions commerciales généralement en usage. Par conséquent, M. Corcoran estime que ces déclarations sont fausses et que le prétendu financement tout ce qu'il y a de plus normal en termes commerciaux est directement assuré par le gouvernement canadien. Le montant passe par les mains d'EACL aux seules fins de la comptabilité.

Cela soulève de graves questions, Madame le ministre. Et puis cela porte ombrage au Cabinet tout entier, du fait que le journaliste dit que M. Eggleton et ses collègues ministres trompent les Canadiens.

Je n'ai pas besoin de rappeler à la Chambre que nous n'utilisons pas, que nous ne devons pas utiliser et que nous n'utiliserons le qualificatif commençant par un M, mais je me dois de poser à la ministre la question suivante: y a-t-il quelqu'un parmi les gens d'en face ou au sein du Cabinet qui, par souci de l'exactitude, soit disposé à jeter un peu de lumière sur cette affaire d'importance?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, mon honorable collègue m'a posé une question fort détaillée. J'aimerais bien pouvoir faire appel à diverses sources pour obtenir les précisions qu'il réclame. En ce qui concerne les hypothèses échafaudées dans le Globe and Mail, elles ne sont pas nécessairement exactes d'un bout à l'autre. Je vais noter la question de mon collègue et prendre le temps qu'il faut afin de lui fournir une réponse circonstanciée.

Le sénateur Cogger: Honorables sénateurs, je vais mettre l'article à votre disposition. Je le déposerai sur le bureau de l'honorable leader dans le courant de l'après-midi.

Je vais m'en tenir là. Je pense qu'à la suite du livre rouge et de tout le reste, il y a suffisamment de confusion dans l'ensemble du pays. À ce qu'il paraît, personne n'a rien compris à rien. Il s'agit d'un simple article et nous aimerions savoir ce qu'il en est vraiment.

 

La taxe sur les produits et services

Les excuses présentées par le premier ministre pour n'avoir pas respecté sa promesse préélectorale-
La possibilités d'excuses de la part du
Leader du gouvernement

L'honorable Orville H. Phillips: Honorables sénateurs, le premier ministre éprouve toutes sortes de problèmes politiques pour avoir violé la promesse d'abolir la TPS, promesse qu'il a faite au cours de la dernière campagne électorale. En fait, la majorité des Canadiens croit que non seulement M. Chrétien, mais le Parti libéral, ont menti durant la campagne électorale.

Les doreurs d'image entourant le premier ministre ont essayé d'expliquer cette lacune en affirmant, tout d'abord, que c'était la faute des médias, puis celle de la population qui avait cru les promesses libérales, et voilà maintenant que le premier ministre affirme que la TPS est tellement équitable et profitable que les ministériels sont incapables de trouver une taxe convenant mieux pour la remplacer.

Récemment, le premier ministre a présenté des excuses sans enthousiasme.

Étant donné que le premier ministre et les membres du Cabinet sont devenus de si ardents défenseurs de la TPS, madame le leader va-t-elle maintenant elle aussi présenter des excuses pour ne pas avoir aboli la TPS?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je souscris certes aux observations du ministre des Finances et à celles que le premier ministre a faites, hier, à St. John's, Terre-Neuve. Là où je ne suis pas d'accord avec mon collègue, c'est lorsqu'il affirme qu'on considère maintenant la TPS comme la meilleure et la plus équitable des taxes. Je pense que mon honorable collègue sait pertinemment que le gouvernement déploie d'énormes efforts depuis trois ans pour trouver une taxe remplaçant la TPS, qui sera, en fait, plus équitable, et il a commencé à le faire dans la région de l'Atlantique.

Le sénateur Berntson: Dites-moi ce qu'il y a de nouveau dans l'harmonisation.

Le sénateur Fairbairn: C'est ce sur quoi je ne suis pas d'accord avec mon collègue.

Le sénateur Phillips: Honorables sénateurs, je signale à madame le leader du gouvernement au Sénat que son parti a eu trois ans pour trouver une solution de remplacement. Si vous aviez fait preuve de diligence, vous auriez dû être en mesure d'en trouver une en trois ans.

Maintenant que l'honorable sénateur a reconnu que le gouvernement a violé sa promesse d'abolir la TPS et a présenté des excuses au Sénat, je me demande si elle pourrait aller un peu plus loin et s'excuser pour le climat d'anarchie que ses collègues et elle-même ont établi lorsqu'on a présenté ce projet de loi au Sénat.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, comme je l'ai dit à mon honorable collègue au début de ma réponse, je souscris de tout coeur aux observations du premier ministre et à celles du ministre des Finances.

Le sénateur Lynch-Staunton: Lesquelles? Celles demardi soir dernier...

Le sénateur Fairbairn: Non, honorables sénateurs.

Le sénateur Lynch-Staunton: ... lorsque le premier ministre a dit aux Canadiens de partir du pays s'ils ne pouvaient se trouver un emploi?

Le sénateur Fairbairn: Je suis d'accord avec les observations que le premier ministre a faites à Terre-Neuve, hier soir.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et la semaine dernière?

(1430)

Le sénateur Fairbairn: Cependant, honorables sénateurs, je tiens à dire au sénateur Phillips qu'après des efforts considérables, le gouvernement a réussi à trouver une meilleure solution que cette taxe, à remplacer cette taxe par une forme différente de taxe harmonisée dans trois provinces de l'Atlantique, Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, mais pas dans sa province. Au cours des derniers jours, le ministre des Finances a précisé clairement qu'il poursuit ses efforts pour étendre la taxe à d'autres provinces de tout le pays.

Le sénateur Phillips: Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat a oublié de répondre à ma question complémentaire. Va-t-elle présenter des excuses pour les mesures que ses collègues et elle-même ont prises et qui ont conduit à l'anarchie?

 

L'environnement

La politique de non-prolifération du plutonium-
Le rôle de divers ministères fédéraux-
La position du gouvernement

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, j'aime toujours suivre l'exemple du sénateur qui siège à ma gauche. Je voudrais revenir au dossier du plutonium.

Certains commentateurs ont prévenu que, en brûlant du plutonium datant de la guerre froide, le Canada légitimera cette pratique et contribuera à l'émergence d'une économie de vente de plutonium à grande échelle, ce qui présenterait des risques inacceptables pour la sécurité mondiale.

Le Canada n'a jamais protesté contre la vente de plutonium parmi les pays qui en produisent à des fins commerciales. Il s'agit, entre autres, de la Russie, de la Grande-Bretagne, de la France, du Japon et de plusieurs autres pays.

Il semble que les principaux artisans canadiens de la politique nucléaire fédérale n'aient pas de politique sérieuse en matière de non-prolifération du plutonium. Honorables sénateurs, ce dossier n'est insignifiant ni pour le monde en général ni pour le Canada en particulier, puisque le Canada pourrait accueillir plus de 100 tonnes de plutonium si la proposition que préparent actuellement EACL et Ontario Hydro est acceptée.

Honorables sénateurs, ma question est fort simple. Quelle est la politique du Canada au sujet de la non-prolifération du plutonium?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ajouterai cette question à la liste de celles que le sénateur a posées au sujet du plutonium et auxquelles j'ai déjà demandé qu'on réponde. J'espère avoir une réponse à la rentrée.

Le sénateur Spivak: Quel ministre est chargé de ce dossier? Est-ce le ministre du Commerce, le ministre de l'Environnement ou la ministre des Ressources naturelles? Est-ce quelqu'un à EACL? Qui est le principal artisan de cette politique, si une telle politique existe?

Le sénateur Fairbairn: Je vais clarifier cette question pour le sénateur. Comme elle le sait, tous ces ministres travaillent en étroite collaboration.

Le sénateur Lynch-Staunton: Personne, autrement dit.

L'honorable Michel Cogger: Honorables sénateurs, je croyais que les ministres de tous ces ministères travaillaient en étroite collaboration. Pourtant, la semaine dernière, je pensais que nous avions démontré que le ministre de l'Environnement n'avait aucune idée de ce dont il s'agissait. A-t-il donc été mis au courant depuis? A-t-il suivi un cours accéléré?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, le ministre de l'Environnement était déjà bien au courant.

 

Le patrimoine canadien

L'abolition de postes à Radio-Canada-L'écart
dans le nombre annoncé par la ministre Sheila Copps-
La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'aurais une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Le gouvernement libéral avait promis de doter Radio-Canada d'un budget pluriannuel stable. Malgré cette promesse et la promesse plutôt explicite faite dans le livre rouge, le gouvernement fédéral a trouvé le moyen de réduire le budget de Radio-Canada de 414 millions de dollars entre 1994 et 1997. À cause de ces compressions budgétaires, Radio-Canada a été forcée d'annoncer des mises à pied. Cette fois-ci, ce sont 1 700 postes qui disparaîtront. Sur ce nombre, 996 seront des mises à pied pures et simples. Tels sont les chiffres que Radio-Canada a rendu publics.

Hier, la ministre Copps a déclaré aux nouvelles que 19 employés, à la grandeur du Canada, avaient été licenciés contre leur volonté.

D'où la ministre tient-elle ce chiffre, et auriez-vous l'obligeance de nous dire comment il se fait qu'elle est si loin du compte? Pourquoi est-elle si mal informée à ce sujet?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la ministre du Patrimoine canadien faisait, semble-t-il, allusion plus précisément au nombre de postes abolis au réseau anglais de télévision...

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Foutaise!

Le sénateur Fairbairn: ... qui s'élèverait à 19. L'abolition des 1 699 postes qui a été annoncée donne lieu à 996 mises à pied, ce qui englobe tout le service de l'information du réseau anglais. D'après ce que j'ai compris, les chiffres avancés par mon honorable ami sont exacts.

Le senateur Lynch-Staunton: Ils ne le sont pas. La ministre du Patrimoine canadien a déclaré à la télévision qu'il y aurait seulement 19 mises à pied et que le reste consisterait en des départs volontaires. Ce chiffre, elle l'a elle-même admis, elle l'a tiré d'un article du Ottawa Citizen. Le journaliste a confirmé qu'il ne parlait que d'une division de la SRC, et plus précisément de la salle des nouvelles, je crois. En réalité, il y a plus de 900 renvois. Ce sont les chiffres officiels de Radio-Canada.

Le sénateur Fairbairn: C'est précisément ce que je viens de dire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le leader du gouvernement défend la déclaration de Mme Copps.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, j'ajoutais foi à ce que le sénateur Stratton venait de dire. Celui-ci a présenté les chiffres globaux. Je suis d'accord avec lui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mon honorable collègue est également d'accord avec la ministre Copps.

Le sénateur Fairbairn: J'ai donné des explications à mon honorable collègue concernant les chiffres cités par la ministre Copps. Les chiffres que le sénateur Stratton a cités sont des chiffres totaux. Nous ne les remettons pas en cause.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous ne les remettons pas en cause. La ministre Copps ne s'est pas excusée d'avoir fourni de mauvais renseignements. Ce n'est pas 19 pour tout Radio-Canada, c'est plus de 900. La ministre s'appuie simplement sur un article de journal. Faut-il comprendre que la ministre responsable de Radio-Canada tire ses renseignements d'un article paru dans le Ottawa Citizen? Si c'est le cas, c'est incroyable!

 

L'éventuelle privatisation de Radio-CanAda-
la position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire quelle est au juste la position du gouvernement sur l'avenir de Radio-Canada? Le week-end dernier, le ministre Young s'est dit d'avis que les deux réseaux de télévision de Radio-Canada, de langues française et anglaise, devraient être privatisés. Quelle est la position du gouvernement sur l'avenir de la télévision et de la radio de Radio-Canada? Quel est le plan d'ensemble du gouvernement concernant Radio-Canada?

 

La portée des compressions budgétaires à Radio-Canada-Les dépenses minimales du gouvernement
par comparaison à celles d'autres pays occidentaux-
La position du gouvernement

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, toute cette affaire soulève une autre question: pourquoi le gouvernement fédéral réduit-il le budget de Radio-Canada deux fois plus vite qu'il réduit l'ensemble de ses dépenses? Depuis 1995, 4 000 emplois ront disparu à Radio-Canada. Pourquoi?

De plus, le Canada est au bas de la liste des pays industrialisés qui possèdent un système public de radiodiffusion. C'est le Canada qui dépense le moins à ce chapitre, environ 32 $ par année ou 10 cents par jour. Pourquoi? Est-ce le ministère des Finances qui est aux commandes?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, pour ce qui est du nombre plus élevé des compressions, je serais très heureuse de revoir les comptes rendus des années qui précèdent notre arrivée au gouvernement. Radio-Canada, malheureusement, comme tout autre secteur économique, a dû se résoudre à d'importantes coupes depuis quelques années. D'autres secteurs l'ont fait, ainsi que de nombreux particuliers.

(1440)

Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'était pas prévu dans le livre rouge!

Le sénateur Fairbairn: Bien sûr, ces coupes sont difficiles à accepter. J'en conviendrais avec n'importe quel sénateur qui ferait cette déclaration. Néanmoins, le gouvernement s'était engagé à réduire le déficit pour qu'il corresponde à 3 p. 100 du PIB. Toutes ces compressions dont nous discutons font partie des efforts que nous faisons pour remplir cet engagement. Le ministre des Finances parvient à atteindre ses objectifs.

Les honorables sénateurs savent pourquoi il a fixé ces objectifs, parce que je l'ai expliqué à maintes reprises. S'il devait fixer ces objectifs, c'était pour maîtriser notre situation financière, de manière que nous puissions financer des programmes que les Canadiens jugent importants, y compris le système de radiodiffusion national.

 

Le cabinet du premier ministre

L'évaluation des libéraux relativement aux promesses préélectorales-La position du gouvernement

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je veux obtenir des précisions ayant trait au livre rouge. Lorsque le premier ministre a corrigé son examen sur le livre rouge en ce qui concerne la question du financement stable de Radio-Canada, a-t-il jugé qu'il avait donné la bonne réponse, oui ou non? De même, en ce qui a trait à la TPS, le premier ministre s'est-il donné une note de passage, une note d'échec ou la moitié des points? Lorsqu'il s'est attribué la note globale de 78 p. 100, quelles notes précises s'est-il données relativement à ces deux questions?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais obtenir le livre pour le sénateur Tkachuk.

 

Le patrimoine canadien

Les compressions budgétaires à Radio-Canada-Les répercussions défavorables sur les institutions culturelles-La position du gouvernement

L'honorable Janis Johnson: Honorables sénateurs, j'aimerais demander à madame le leader du gouvernement au Sénat si, au bout du compte, elle peut nous dire ce que l'avenir réserve à la Société Radio-Canada. La situation actuelle va-t-elle persister? Quel est le plan de rationalisation du gouvernement? Quels sont ses plans de gestion? Des compressions de ce genre ont une incidence sur l'ensemble de nos institutions culturelles. Je suis certaine que le leader du gouvernement comprend et est sensible à la situation.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais fournir une réponse adéquate à la question de l'honorable sénateur, mais je ne suis pas en mesure de le faire aujourd'hui.

L'engagement fondamental du gouvernement fédéralconsiste...

Le sénateur Berntson: Le financement stable.

Le sénateur Fairbairn: ... d'abord à mettre de l'ordre dans les finances publiques et, ensuite, à être en mesure de soutenir les programmes qui sont très importants pour le Canada. La Société Radio-Canada est au nombre de ces programmes.

 

La défense nationale

Les défis socioéconomiques auxquels le ministère
fait face-La possibilité de création
d'un comité parlementaire mixte-
La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, si vous obtenez des exemplaires du livre rouge, assurez-vous qu'il s'agit bien de la version originale.

L'autre jour, à l'occasion d'un important discours politique qu'il prononçait ici à Ottawa, le ministre de la Défense nationale a dit qu'il avait demandé à la présidente du comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants de la Chambre des communes si elle aurait l'obligeance de proposer à son comité de tenir des audiences pour examiner le large éventail de défis socio-économiques auxquels font face les membres des Forces canadiennes et leurs familles et pour faire des recommandations à ce sujet.

Je serais heureux qu'on entreprenne cette étude, car elle se fait probablement attendre depuis deux ou trois générations déjà. Comme les honorables sénateurs le savent peut-être, deux de nos distingués collègues, qui siègent côte à côte, les sénateurs Rompkey et De Bané, ont aidé à présider il y a deux ou trois ans un comité mixte des deux Chambres qui a examiné longuement et attentivement les politiques actuelles et passées en matière de défense et l'orientation que nous pourrions prendre pour l'avenir. C'est un excellent rapport qui a été largement diffusé et dont on parle encore assez souvent.

Étant donné le caractère urgent du contexte socio-économique en pleine évolution dans lequel vivent les familles des membres de nos forces armées, ne vaut-il pas la peine d'examiner la possibilité de créer un comité mixte des deux Chambres pour entreprendre cette étude très importante?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord me joindre à mon honorable collègue pour me dire très heureuse qu'un comité parlementaire sera chargé d'examiner ce sujet. Mon collègue a raison. Il est vrai qu'on a beaucoup parlé de ce sujet, qu'on a longtemps négligé d'examiner et qui a influé sur la vie et le moral non seulement des membres des forces armées, mais aussi de leurs familles partout au Canada. C'est une étude qu'il vaut vraiment la peine d'entreprendre.

Quant à savoir s'il faudrait confier cet examen à un comité mixte, il me fera certainement plaisir d'en parler avec mon collègue, le ministre de la Défense nationale, et avec le leader du gouvernement à l'autre endroit également pour voir si la chose est possible.

[Français]

 

Le Patrimoine canadien

Les plans d'avenir à Radio-Canada-
La position du gouvernement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, on n'a pas répondu à la question du sénateur Johnson.

Je suis très préoccupé par l'absence de réponse à cette question. Votre gouvernement a réduit le budget de Radio-Canada. Cette décision a été annoncée dans le budget de février dernier, il y a 10 mois.

Lorsque ces décisions ont été prises au Cabinet, je présume que vous avez participé à ces décisions. Nous vous demandons aujourd'hui de nous dire quels sont les futurs plans de votre gouvernement en ce qui concerne Radio-Canada. Vous ne pouvez pas nous dire aujourd'hui que vous n'êtes pas au courant. Cela fait 10 mois que vous êtes au courant. Quels sont les plans de votre gouvernement en ce qui concerne l'avenir de Radio-Canada?

[Traduction]

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai répondu à la question du sénateur Johnson en lui disant que je tenterais de lui obtenir des renseignements plus complets que ceux que je puis lui fournir moi-même. Il est bien entendu que je vais consulter mes collègues pour tenter de procurer une réponse étoffée aux sénateurs Johnson et Nolin.

[Français]

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, oui, mais lorsque vous prenez des décisions au moment de l'élaboration du budget - je ne veux pas entrer dans le détail de vos décisions -, examinez-vous les conséquences de ces décisions?

[Traduction]

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, le sénateur Nolin n'est pas sans savoir que, dans la préparation de son budget, le ministre des Finances étudie avec soin tous les secteurs de l'économie pour prendre ses décisions et faire ses propositions concernant l'orientation du Canada et l'avenir de son économie. Il va sans dire que, pour prendre ces décisions, il doit tenir compte d'une foule de sujets qui se rapportent à tous les secteurs d'activité économique. Les décisions les plus difficiles sont parfois celles qui touchent des institutions comme la SRC. Comme je l'ai déjà dit deux ou trois fois aujourd'hui, ce sont des décisions graves et pénibles, mais le gouvernement tient toujours à garantir l'avenir de la SRC.

[Français]

 

La décision de ne pas fermer Radio Canada International-Le plan de financement-
La position du gouvernement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, pourquoi votre gouvernement a-t-il, en toute hâte la semaine dernière, décidé de contrecarrer la décision de Radio-Canada de fermer Radio Canada International? En moins de 24 heures, votre gouvernement a trouvé 16 millions de dollars pour financer les opérations de Radio Canada International. Où est votre planification? Il n'y en a pas. Vos décisions sont prises de 24 heures en 24 heures, selon les pressions politiques, les dires des médias, les débats du Sénat ou de la Chambre des communes. Où est votre planification? Quels sont vos plans à long terme?

[Traduction]

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, le sénateur Nolin sait bien que, par le passé, le service international de la SRC a été financé en partie par la SRC et en partie par le gouvernement. En ce moment, le gouvernement lui-même assume entièrement le financement de ce service, auquel il tâche d'assurer un meilleur avenir afin de pouvoir diffuser à l'étranger l'information sur notre pays. Je suis convaincue, comme je l'ai déjà dit, que les sénateurs, y compris le sénateur MacDonald, ont fait des interventions très valables et opportunes pour veiller à ce que ce service soit maintenu.

(1450)

[Français]

 

la possibilité d'un livre blanc sur Radio-Canada-
La position du gouvernement

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, sur ce même sujet, on sent bien qu'il y a un malaise au Canada, à la Chambre des communes et au Sénat sur cette importante institution qu'est Radio-Canada. Radio Canada International, à mon avis, est une entité. J'aurai des suggestions à faire à ce sujet lorsque nous y reviendrons. Radio Canada International devrait être séparé de tout le reste. Radio-Canada représente la gloire et la puissance canadiennes. Nous pourrions un jour détacherRadio Canada International du débat.

[Traduction]

Deuxièmement n'est-ce pas l'avis du ministre que le moment est venu d'avoir un livre blanc sur les réseaux de la radio et de la télévision de Radio-Canada? Il y a une nuance entre les deux. Je ne ménagerai certainement pas les efforts pour défendre la radio de Radio-Canada, car il est vital que les Canadiens soient informés de ce qui se passe chez eux. Nous pourrions aussi discuter du réseau de télévision. Beaucoup de sénateurs sont prêts à se porter à sa défense. La SRC compte des amis dans l'ensemble du Canada.

Madame le leader du gouvernement au Sénat ne signalerait-elle pas à son gouvernement que le moment est venu d'éliminer toute la confusion qui règne en ce moment, avec des compressions par-ci, des ajouts par-là et des déclarations contradictoires des ministres? Le temps est venu de publier un livre blanc sur cette grande institution qu'est la SRC.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je m'engage à communiquer à mes collègues la proposition du sénateur Prud'homme. Il a tout à fait raison de dire que la SRC compte de nombreux amis au Sénat, d'un côté comme de l'autre.

 


Les travaux du Sénat

Projet de loi sur les additifs à base de manganèse-
Motion de renvoi au comité-
Report du vote-Rappel au Règlement

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Les honorables sénateurs se souviendront sûrement que, hier, le Président a rendu une décision concernant l'amendement que je proposais à la motion du sénateur Kenny de renvoyer le projet de loi C-29, sur le MMT, au comité. Le Président nous a signalé, à juste titre d'ailleurs, que, conformément au paragraphe 62(1) du Règlement, toute motion visant à renvoyer un projet de loi à un comité après l'étape de la deuxième lecture ne faisait pas l'objet d'un débat.

Ce n'est qu'après avoir franchi plusieurs autres étapes du processus que j'ai lu la décision du Président, où il explique clairement, dans l'avant-dernier paragraphe, ce que je viens de préciser au sujet de l'article 62 du Règlement.

Je m'étais fondé auparavant sur l'article 67 du Règlement. Selon l'article 67, l'un des whips peut demander que le vote soit différé et c'est ce que j'ai fait. Toutefois, après avoir relu cet article du Règlement hier, j'ai découvert que cette disposition ne s'applique qu'aux motions sujettes à débat. Naturellement, comme le Président l'a mentionné, la motion dont nous étions saisis alors n'était pas sujette à débat. Par conséquent, la proposition que j'ai faite n'était pas recevable.

Lorsque la motion visant à renvoyer le projet de loi au comité a été mise aux voix au Sénat, le Président a déclaré que, à son avis, les oui l'emportaient. Certains d'entre nous se sont alors levés, afin que je puisse exercer le droit que me confère l'article 67, droit que je ne peux véritablement exercer aux termes du Règlement du Sénat.

Par conséquent, honorables sénateurs, si la motion était de nouveau mise aux voix et si le Président déclarait que, à son avis, les oui l'emportaient, vous constateriez qu'aucun sénateur de notre côté ne se lèverait pour demander un vote par appel nominal et que, par conséquent, la motion serait adoptée.

L'honorable Colin Kenny: J'ai cru comprendre que le sénateur Kinsella voulait passer directement à l'étape de la troisième lecture et je suis disposé à appuyer sa motion.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous n'en sommes pas encore à cet article de l'ordre du jour. Voulez-vous aborder cette question dès maintenant?

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Nous devrions régler le rappel au Règlement tout de suite.

Le sénateur Graham: D'accord.

 


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur les additifs à
base de manganèse

Renvoi au comité

Permission ayant été accordée de passer à l'article no 1 inscrit à la rubrique Report du vote:

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kenny, appuyée par l'honorable sénateur Landry, que le projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances à base de manganèse, soit renvoyé au comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

L'honorable Marcel Prud'homme: Faut-il le consentement unanime pour défaire ce qui a été mal fait? Si oui, je vais vous dire si vous avez le consentement unanime.

Son Honneur le Président: En effet, il faut le consentement unanime pour que le Sénat modifie une partie des délibérations d'hier.

Si je ne m'abuse, on propose de revenir à la motion de troisième lecture et de ne tenir aucun compte de tout ce qui s'est passé après cela hier. Nous reviendrions alors au renvoi du projet de loi au comité. Avec votre permission, on ne tiendrait aucun compte de tout ce qui s'est passé hier. Je mettrais à nouveau la motion aux voix afin que les sénateurs puissent dire «avec dissidence» et cela, sans tenir un vote par assis et debout.

Est-ce clair, honorable sénateur Prud'homme?

Le sénateur Prud'homme: Oui, c'est très clair. Vous dites avoir effectivement besoin du consentement unanime pour défaire ce qui a été fait hier. Pour montrer toute ma bonne volonté, je vais collaborer avec le Sénat même si, à cette époque-ci de l'année, cela ne me tente pas du tout.

J'ai maintes fois demandé ici des renseignements que je n'ai pas vraiment reçus. Ma situation n'est toujours pas claire. Je n'existe pas. Je ne fais partie d'aucun comité. Un homme dépourvu de pouvoir comme moi sauterait sur la première occasion de refuser son consentement. Toutefois, ce n'est pas ainsi que je mène mes affaires. Maintenant que je vous ai rappelé la méchanceté avec laquelle certains d'entre vous voudraient continuer à traiter les sénateurs indépendants, j'accorde mon consentement.

Son Honneur le Président: J'en déduis donc qu'il y a consentement unanime?

Des voix: D'accord.

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Kenny, appuyé par l'honorable sénateur Landry, propose: Que le projet de loi C-29 soit renvoyé au comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

(1500)

 

La Loi électorale du Canada
La Loi sur le Parlement du Canada
La Loi référendaire

Projet de loi modificatif-Troisième lecture-Motions d'amendement-Report des votes-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bryden, appuyée par l'honorable sénateur Pearson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-63, Loi modifiant la Loi électorale du Canada, la Loi sur le Parlement du Canada et la Loi référendaire.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Murray, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Beaudoin, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:

a) à l'article 12, par substitution à la ligne 8, page 5, de ce qui suit:

«visée au sous-alinéa 71.011a)(ii) ou (iii). Il fixe la»;

b) à l'article 22, page 11, par substitution aux lignes 5 et 6, de ce qui suit:

«recensement auquel le directeur général des élections procède pour l'élection générale de la trente-sixième législature, s'il estime ces renseignements satisfaisants pour la constitution du registre,

(ii) soit sont recueillis au moyen d'un recensement prévu à l'article 63,

(iii) soit figurent sur une liste d'élec-».

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui dans le cadre du débat sur le projet de loi C-63.

La teneur des modifications proposées par le projet deloi C-63 est discutée au sein d'Élections Canada et dans les cercles parlementaires depuis un certain nombre d'années. En fait, l'idée de moderniser notre système électoral et d'envisager l'établissement d'une liste permanente des électeurs a été proposée par la commission Lortie, qui a été mandatée par un gouvernement précédent, imaginez-vous donc.

Bon nombre de mes collègues ayant déjà parlé de la teneur du projet de loi à l'étude, je me garderai de résumer au Sénat mon opinion à ce sujet. J'aborderai seulement les questions qui me préoccupent particulièrement ou celles qui n'ont pas été soulevées par d'autres sénateurs.

Je félicite le gouvernement d'avoir donné suite aux bonnes idées de son prédécesseur, qui voulait moderniser et rationaliser le processus électoral. Je suis heureuse que le sénateur Bryden ait amorcé le débat sur le projet de loi C-63 en situant celui-ci dans une juste perspective. Il a cité Herman Bakvis, le directeur des recherches effectuées pour la commission Lortie, qui a dit ceci:

Le fait de voter à une élection est peut-être la forme la plus importante de participation politique dans les démocraties modernes [...] La mesure dans laquelle les citoyens exercent ce droit très fondamental peut être perçue comme un indice de la santé de la démocratie.

Je partage ce point de vue sur le projet de loi C-63.

Pour que la démocratie fonctionne bien, il faut s'assurer que les citoyens participent vraiment et que le processus est juste et équitable. Ces conditions doivent être remplies pour que le Parlement et le gouvernement soient légitimes. Autrement dit, la confiance dans le système électoral est absolument nécessaire.

Trois questions me préoccupent. D'abord, il y a une question qui ne doit pas passer inaperçue et qui est intimement liée aux circonstances temporelles du dépôt du projet de loi. Le gouvernement a imposé l'attribution de temps pour ce projet de loi à l'autre endroit et a forcé son renvoi au Sénat sans consensus au sein de tous les partis. Cela me semble bizarre parce que les modifications récentes apportées à la Loi électorale du Canada ont généralement été traitées d'une manière plus ouverte et opportune. Fait encore plus intéressant, le gouvernement a décidé de se passer d'un consensus sur des modifications au régime électoral dans la quatrième année de son mandat.

Honorables sénateurs, je vous le demande, pourquoi est-ce si urgent d'adopter ce projet de loi, dans lequel le gouvernement propose de modifier en profondeur le processus électoral canadien?

Le Canada contribue actuellement, de par le monde, au renforcement de la démocratie, à l'édification d'un bon appareil d'État et au respect de la primauté du droit. De façon particulière, nous avons joué un rôle de premier plan dans la promotion de régimes démocratiques composés de plusieurs partis. En fait, dans nombre des pays en cause, nous avons été aux prises avec la résistance du parti majoritaire au pouvoir, qui s'opposait à l'établissement des mêmes règles du jeu pour tous, y compris les partis de l'opposition.

Nous sommes d'avis que le point de vue des partis de l'opposition doit être pris en considération. Il est essentiel que les règles du jeu soient les mêmes pour tous au moment des élections. Certes, les partis de l'opposition doivent agir de façon responsable, mais il incombe au gouvernement, particulièrement s'il est majoritaire au Parlement, d'agir de manière à permettre une discussion pleine et entière des préoccupations des partis de l'opposition.

Si nous faisons la promotion de ces principes à l'étranger, nous devons, à plus forte raison, les appliquer aussi chez nous. On ne peut guère dire que les règles du jeu sont les mêmes pour tous quand la clôture est invoquée à la Chambre des communes. Tous les partis de l'opposition ont unanimement voté contre le projet de loi. Nul doute que le processus électoral est la responsabilité de tous les députés. Élections Canada s'occupe du fonctionnement du régime et s'occupe de sa mise en oeuvre. Le gouvernement est chargé de rédiger le projet de loi.

Si l'on excepte les grands principes, quand la consultation de tous les partis a-t-elle eu lieu avant la présentation du projet de loi? Quand a eu lieu le débat complet et juste? Quand les députés de l'opposition ont-ils eu la possibilité de se prononcer sur les détails?

Pourquoi précipiter l'adoption du projet de loi C-63? Le gouvernement donne l'impression de ne pas souhaiter le soutien et l'apport des députés de l'opposition. Même si ce n'est pas volontaire, l'impression que le gouvernement a recours à la manière forte équivaut à adopter deux poids et deux mesures. Cela est d'autant plus vrai que, par son projet de loi, le gouvernement cherche à se soustraire à l'article très sage de la Loi électorale qui dit qu'aucune modification ne doit être mise en oeuvre dans les six mois suivant son adoption. Cet article n'a pas été inclus dans la loi sans raison. Il s'agit d'une mesure délibérée visant à empêcher que le parti au pouvoir fasse adopter à toute vapeur des modifications au processus électoral qui semblent l'avantager. L'article visait aussi à donner suffisamment de temps pour bien mettre en oeuvre les dispositions sans causer de problèmes.

Quelle crise ou quelle urgence oblige le gouvernement à contourner cet article? Dans le cas de la Loi électorale, toute précipitation donne une très mauvaise impression. Il ne suffit pas d'affirmer que des consultations complètes sur les principes ont eu lieu. Lorsque nous parlons du processus électoral, nous parlons de pratique, de mise en oeuvre et de confiance. J'estime qu'il n'y a pas eu de consultations complètes et justes.

L'idée d'une liste permanente des électeurs est aussi inquiétante. Il ne s'agit pas de savoir si une liste permanente est souhaitable ou pas. Il est clair que l'opinion publique penche en faveur d'une liste permanente. En fait, la commission Lortie recommandait que la liste soit permanente. Cependant, il semble que l'on ait perdu de vue l'importante condition posée par la commission. Celle-ci avait déclaré qu'une liste permanente était souhaitable à la condition qu'elle repose sur un bon système de mise en oeuvre.

Le gouvernement du Canada se fie totalement au directeur général des élections et à son personnel pour la tenue de la liste permanente. Je ne doute pas que M. Kingsley ait fait jusqu'ici et continuera de faire un travail admirable, mais il reste qu'il n'a pas emprise sur tous les facteurs. Il ne faut pas nier la complexité du regroupement de grandes quantités de données auprès d'un grand nombre de sources et de provinces. D'ailleurs, beaucoup de personnes ont dit que les ententes n'étaient jusqu'à maintenant que des ententes de principe.

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international avait entrepris un projet concernant la mise au point d'un système de communications complexe faisant appel à une nouvelle technologie. On nous avait dit qu'un tel système était non seulement souhaitable, mais possible. Sur papier, ce nouveau système devait permettre de réaliser d'importantes économies de coûts. On avait également dit que la protection de la confidentialité était faisable. On a donné le feu vert à ce projet, et c'est lorsque les essais ont débuté que les vrais problèmes ont commencé à faire surface. La confidentialité ne pouvait pas être protégée. Les économies de coûts ne pouvaient pas être garanties. En fait, on a commencé à voir des dépassement de coûts dès le départ. On a fini par abandonner le projet.

En ce qui concerne le processus électoral, nous savons qu'on a déjà apporté des changements faisant suite aux recommandations de la commission Lortie et qu'on continue d'en apporter, ce qui est louable dans un sens, mais ce qui soulève quand même des questions.

Il y a une grande part de confiance reliée à l'idée que ce système sera prêt à être mis en oeuvre quand on en aura besoin. Lorsqu'il est question du droit de voter, on ne devrait pas demander aux Canadiens de faire confiance au gouvernement. On devrait plutôt exiger que le gouvernement prouve à la population que toute l'infrastructure relative à ce processus complexe est en place et que le nouveau système est prêt à être mis en oeuvre avant d'éliminer le système existant.

Ma dernière préoccupation, c'est qu'on ne sait pas grand-chose au sujet de la stratégie de mise en oeuvre. Comment les Canadiens seront-ils informés? Comment pourront-ils être certains que le nouveau système sera meilleur que l'ancien?

Les électeurs canadiens connaissent le système actuel. Ils l'utilisent depuis un certain nombre d'années. Si on veut changer ce système, on doit renseigner le public et diffuser toute l'information nécessaire à ce sujet.

(1510)

Par ailleurs, lorsqu'on modifie le système électoral, il est absolument crucial qu'on s'y prenne assez longtemps d'avance. Lorsque nous parlons de nouvelles technologies, les gens instruits comprennent certainement de quoi il s'agit. Cependant, il y a beaucoup de Canadiens, particulièrement en cette période de turbulence et de difficultés financières, qui ne suivent pas de près tous les changements qui s'opèrent. Le système de recensement a toujours été utile pour aviser les gens de la tenue prochaine d'élections et de la méthode de participation.

Honorables sénateurs, je veux parler d'un changement qui est dans la nouvelle loi et qui ne figurait pas parmi les recommandations de la commission Lortie. Il s'agit de l'utilisation des déclarations de revenus. On a beaucoup parlé du fait que les Canadiens auront le choix d'accepter ou non que leurs déclarations de revenus soient utilisées à des fins électorales. Autrement dit, on a affirmé que chaque électeur aurait le choix au moment de produire sa déclaration de revenus.

Les honorables sénateurs n'ont qu'à songer à la difficulté de faire intervenir le ministère du Revenu pour comprendre pourquoi la commission Lortie s'est gardée d'envisager cette possibilité. Imaginons que je sois en train de remplir ma déclaration de revenus, espérant le faire correctement, et qu'une section indique que je peux, si je le veux, fournir certains renseignements au gouvernement pour les fins d'application de la Loi électorale. Ma première réaction sera de me demander ce que les responsables de l'impôt penseront de moi si je refuse. Je craindrai qu'ils aient des soupçons à mon endroit.

Nous avons travaillé pendant des années pour faire en sorte que les contribuables puissent croire dans le caractère confidentiel de leurs déclarations de revenus. Donneront-ils leur consentement en connaissance de cause? Répugneront-ils à le faire, non pas parce qu'ils n'ont pas le sens des responsabilités, mais par crainte des conséquences d'une telle décision?

M. Louis Lavoie, ancien directeur de la planification opérationnelle et des services internationaux d'Élections Canada a déclaré ce qui suit:

L'inscription des électeurs constitue la base du processus démocratique. S'ils ne sont pas enregistrés, les électeurs ne pourront pas exercer légitiment leur droit de vote.

Honorables sénateurs, j'irai même jusqu'à dire que la capacité de voter d'un citoyen garantit son droit fondamental d'assurer tous ses autres droits démocratiques. C'est pourquoi j'hésite beaucoup à appuyer un projet de loi de la onzième heure qui tend à transformer radicalement le processus électoral canadien. Des changements sont souhaitables, mais il faut le faire de façon réfléchie et éviter de tomber dans la confusion, car l'incertitude conduit à la peur.

Le comité a entendu M. John Courtney, professeur à l'Université de la Saskatchewan. Ce dernier a déclaré que ce qui fait la grandeur du système électoral canadien, c'est sa simplicité, son uniformité et la facilité avec laquelle les citoyens peuvent le comprendre. La mise en place d'un nouveau système devrait être précédée d'un volet éducatif approfondi à l'intention de la population. Si la mise en place du système tel que proposé crée des difficultés, quels autres moyens avons-nous pour garantir l'intégrité du processus électoral aux Canadiens?

Pouvons-nous courir même le risque d'un échec? Nous ne pouvons pas nous permettre de modifier le système sans avoir tenu un débat approfondi auquel participeront tous les intéressés.

Honorables sénateurs, nous nous félicitons d'être le pays où il fait le mieux vivre au monde. Nous n'avons pas acquis cette réputation sans effort et en prenant les choses à la légère. Gardons-nous de tenir la démocratie pour acquise. Notre tâche consiste à accroître la confiance et la participation de la population dans le système démocratique. C'est pourquoi les solutions que nous proposons doivent tendre à une démocratie englobante. Dans notre empressement à avoir un système moderne et efficace, ne sacrifions pas la confiance et l'intégrité.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, avant de commenter ce projet de loi, j'aimerais remercier le sénateur Carstairs et ses collègues au comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles pour la compréhension et l'esprit de collaboration dont ils ont fait preuve à l'égard des témoins que voulait faire comparaître l'opposition et du temps qu'ils nous ont accordé pour les interroger. Vu que ce comité est parmi les plus actifs du Sénat, nous lui en sommes d'autant plus reconnaissants. Nous avons tous bénéficié de la considération du sénateur Carstairs, et je voulais la remercier de la part de mes collègues.

Je vais essayer de ne pas répéter ce qui s'est déjà dit au sujet des préoccupations que suscitent pour nous ces modifications, mais je veux insister sur ma préoccupation principale, qui est celle de plusieurs de mes collègues aussi. Étant donné qu'on n'a pas encore pu garantir l'accès aux sources nécessaires à la tenue d'une liste permanente des électeurs qui soit au moins aussi complète que la liste préparée par un recensement de porte à porte, les Canadiens peuvent-ils s'attendre à la création d'un tel registre avant les prochaines élections, qui devront avoir lieu avant le mois d'octobre 1998, donc dans moins de deux ans? Et étant donné qu'en moyenne le mandat d'un gouvernement fédéral est de quatre ans à quatre ans et demi, il serait plus réaliste de croire que la mise en oeuvre de toutes ces modifications, si elles sont approuvées, se ferait en avril 1998.

Ma réaction est qu'il n'y a pas assez d'information, on n'a pas encore conclu assez d'accords avec les provinces et lesterritoires - et même deux ministères fédéraux - pour me convaincre qu'un registre permanent d'électeurs puisse être aussi exact au moment des prochaines élections, même si elles n'ont pas lieu avant octobre 1998.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais répondre à la question de savoir si c'est opportun pour un Sénat nommé de contester la décision d'une chambre élue sur tout ce touche à des élections. Les sénateurs se souviendront que le gouvernement a convaincu la Chambre des communes, l'an dernier, d'adopter un projet de loi qui, s'il avait reçu la sanction royale, n'aurait pas permis qu'on fasse, à temps pour les prochaines élections, un remaniement de la carte électorale fondé sur le recensement de 1990. C'est un groupe de simples députés libéraux, principalement de l'Ontario, qui avaient protesté, voyant que le processus était lancé et que le gouvernement voulait l'interrompre et le suspendre indéfiniment ou du moins assez longtemps pour qu'il ne soit pas terminé à temps pour les prochaines élections. Un député de la région de Toronto, notamment, n'avait pas mâché ses mots. Il avait dit à peu près ceci: «J'ai travaillé plusieurs années pour cette circonscription et, maintenant, on veut me l'enlever.» Honorables sénateurs, ce sont des intérêts du parti, en quelque sorte, et non les intérêts du public, qui avaient amené le gouvernement à accepter de ne pas respecter ses obligations constitutionnelles concernant le remaniement de la carte électorale. Sans l'opposition au Sénat, il est plus que probable que des intérêts personnels éhontés auraient triomphé sur les intérêts de la population.

Le sénateur Andreychuk a critiqué la hâte du gouvernement à faire adopter ce projet de loi. Il n'est arrivé au Sénat quele 27 novembre 1996, il y a moins de trois semaines. Le gouvernement est tellement déterminé à obtenir la sanction royale avant la fin de l'année qu'il a même avisé les députés de se tenir prêts, parce qu'ils pourraient être rappelés même durant le congé de Noël si le projet de loi était retourné à la Chambre avec des propositions d'amendement. C'est presque du jamais vu à l'égard d'un projet de loi sur des mesures électorales. Comme les sénateurs Andreychuk et Murray l'ont signalé, ce genre de mesure a généralement l'appui de tous les partis d'opposition. Ce n'est pas le cas de celui-ci, au point que le gouvernement a imposé la clôture à la Chambre des communes pour forcer son adoption.

Pourquoi attendre à la dernière minute pour présenter une mesure aussi importante, qui touche des millions de Canadiens et qui, comme je l'ai dit, a fait l'objet d'une motion de clôture à la Chambre des communes?

(1520)

Pourquoi tenir tant à un dernier recensement de porte à porte en avril? Le gouvernement trouve-t-il, dans ces modifications, des avantages qu'il veut mettre en oeuvre à temps pour la tenue d'élections au printemps ou au début de l'été? On ne peut que rejeter une telle hypothèse. Cependant, si tel est le cas, comme bien des gens le soupçonnent, l'expression que j'ai employée plus tôt - leur intérêt personnel - n'est certainement pas déplacée dans la discussion portant sur ces modifications et cette hypothèse n'est qu'un argument de plus en faveur de l'examen minutieux de toute mesure électorale par ceux qui ne sont pas directement touchés par cette mesure.

Comme l'a souligné le sénateur Andreychuk, et comme l'a dit hier le sénateur Murray, à cela s'ajoute le fait que lorsque des modifications apportées à une loi électorale, elles sont assorties d'un article d'exemption ou d'une disposition équivalente. Si les élections ont lieu dans les six prochains mois, les modifications n'entrent en vigueur que pour les élections suivantes. Pour la première fois, un tel article d'exemption est omis de la Loi électorale. Cela va bien au-delà de la rationalisation du processus électoral. À mon avis, cette mesure comporte un échéancier qui, selon la propre analyse du gouvernement, profitera à ce dernier si jamais il décide de déclencher des élections au cours des prochains mois.

Le gouvernement croit de plus en plus à l'administration par réglementation. De plus en plus, le Parlement approuve des projets de loi qui ne sont que des lignes directrices dont la mise en oeuvre est fondée sur des règlements rédigés par des fonctionnaires non élus et présentés au Parlement comme un fait accompli. Je comprends mal qu'on puisse avancer que les opinions de parlementaires chevronnés et non élus ne sont pas tout au moins aussi valides que celles de bureaucrates qui ne sont pas tenus, et ne devraient pas être tenus, de rendre des comptes directement à la population. Nous devrions nous sentir pleinement en droit d'examiner les projets de loi dont nous sommes saisis, surtout les mesures législatives se rapportant aux élections et présentées par les gens les plus directement touchés par ces mesures.

Cela dit, je voudrais maintenant développa un peu le point principal que j'ai abordé plus tôt, c'est-à-dire le registre permanent des électeurs. Nous ne sommes absolument pas opposés à la création d'une liste permanente des électeurs. Nous l'appuyons sans réserve. Cependant, bon nombre d'entre nous s'inquiètent parce que cette liste est appelée à remplacer le recensement actuel qui, malgré son coût, a prouvé qu'il était le système le plus fiable quant au nombre d'électeurs admissibles réellement inscrits sur la liste le jour des élections.

Le système a aussi d'autres avantages, indirects peut-être, mais assez uniques. En faisant un recensement de porte à porte, les Canadiens savent que des élections fédérales vont avoir lieu. On ne peut pas supposer que tous les Canadiens savent tout au même moment. Grâce au recensement à domicile, tous les ménages apprennent, certains pour la première fois, qu'il va y avoir des élections fédérales. Les recenseurs laissent un feuillet où figure le nom des personnes ayant le droit de vote. Ce feuillet est laissé sur la table à café ou le comptoir de cuisine où tout le monde peut le voir.

Éventuellement, on envoie à tous les ménages une liste où figurent les noms des électeurs du voisinage qui ont le droit de voter à un certain bureau. On donne l'adresse du bureau, le jour du scrutin ainsi que les heures d'ouverture. Autrement dit, on envoie des documents à tous les ménages pour aviser les Canadiens qu'ils ont le droit de vote. On espère qu'ils se prévaudront de leur droit vote, et ces documents contiennent tous les renseignements dont ils ont besoin pour exercer leur droit.

Comme on l'a mentionné au comité, ce système a des inconvénients. L'un d'eux est qu'il est de plus en plus difficile de trouver des recenseurs. Le Directeur général des élections nous disait qu'il fallait recruter 110 000 recenseurs. Il est de plus en plus difficile de trouver des gens pour faire ce travail. On nous a dit également que les recenseurs hésitaient à faire du porte-à-porte dans certains quartiers. On nous a dit aussi que de plus en plus de personnes âgées vivant seules hésitaient à ouvrir leur porte le soir.

En dépit de tout cela, le taux de succès des recensements est vraiment phénoménal. Le système fonctionne. Une fois le recensement terminé, quelque 92 p. 100 des électeurs admissibles figurent sur la liste. Lorsque la révision est terminée, quatre ou cinq jours avant les élections, ce chiffre atteint 95 p. 100. C'est un taux de succès extraordinaire. C'est très coûteux, mais il me semble qu'il y a un certain nombre de choses pour lesquelles le prix n'est pas le facteur principal et l'une de celles-ci est l'inscription du plus grand nombre possible de Canadiens sur les listes électorales.

Étant donné qu'on retrouve sur la liste un fort pourcentage de personnes ayant le droit de voter, le taux de participation aux élections est élevé. Je suis convaincu que les deux choses sont liées. Ce sont les chiffres les plus récents, mais je suis persuadé que si nous revenions en arrière, nous obtiendrions les mêmes chiffres intéressants. En 1984, 75 p. 100 des personnes ayant le droit de voter se sont prévalues de leur droit de vote. En 1988, la proportion a également été de 75 p. 100. En 1993, elle a baissé à 70 p. 100. Je pense que cette baisse s'explique surtout par l'absence de recensement. On s'est servi de la même liste que celle du référendum d'octobre 1992. Le Directeur général des élections nous a expliqué qu'il avait pu, aux termes de la loi permettant l'utilisation de la liste électorale de 1992 pour les élections de 1993, ajouter des noms à la liste, mais non en retirer. Ainsi, le nombre de personnes ayant le droit de voter est passé en un an de 18,6 millions à 19,9 millions, soit une augmentation de 7 p. 100. Nous savons que notre population n'a pas augmenté d'autant, et on a donc obtenu une liste gonflée. Cela n'avait rien à voir avec Élections Canada.

Je félicite Élections Canada pour le travail remarquable que cet organisme effectue, non seulement au Canada, mais également à l'étranger lorsqu'on fait appel à ses services pour aider des pays en développement à mettre sur pied un système électoral répondant à leurs propres besoins. Nous avons toutes les raisons d'être fiers du travail d'Élections Canada, et je félicite à nouveau les personnes concernées, comme je l'ai fait au comité.

En 1993, le taux de participation est tombé à 70 p. 100, mais je pense que cela s'explique par le fait que la liste n'était pas aussi précise qu'elle aurait dû l'être.

Qu'arrive-t-il aux États-Unis? J'ai des chiffres remontant jusqu'en 1932, mais je ne vais prendre les chiffres qu'à partir de 1972. Depuis cette date, les taux de participation ont été de55 p. 100, 53 p. 100, 52 p. 100, 53 p. 100, 50 p. 100, 55 p. 100, et, durant les dernières élections présidentielles, 48 p. 100, soit le plus faible taux de participation depuis 1924 dans ce qu'on dit être la plus grande démocratie du monde.

Quel est le lien entre la forte participation au Canada et la faible participation aux États-Unis. De nombreuses explications n'ont rien à voir les unes avec les autres, mais je pense que cela s'explique notamment par le fait qu'au Canada, nous nous adressons aux Canadiens et les invitons à s'inscrire sur la liste. Nous frappons à toutes les portes. Tous les Canadiens ont la chance d'être inscrits sur la liste. Aux États-Unis, il faut s'adresser au service pertinent pour s'inscrire, alors qu'au Canada, on vient vous inscrire chez vous. Dans bien des cas, les Américains se fichent des élections. Ce n'est pas la principale raison, mais je suis persuadé, sans avoir de données pour appuyer ma position, que notre fort taux de participation découle notamment du fait qu'Élections Canada procède à un recensement et qu'on sensibilise alors les Canadiens aux élections. Un grand nombre de Canadiens ont le droit de voter. Aux États-Unis, il incombe au citoyen lui-même d'aller s'enregistrer, et cela entraîne un faible taux de participation au scrutin.

Le projet de loi C-63 est une combinaison de ces deux systèmes. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais la question ne se pose pas moins: si nous adoptons ces amendements aujourd'hui, la liste, dans un an, contiendra-t-elle un nombre d'électeurs aussi élevé que celui que l'on obtient à l'issue d'un recensement traditionnel? Dans un an, si on s'en tient aux données d'Élections Canada, le nombre des électeurs figurant dans le registre permanent, qui sera établi au 1er avril 1997 à partir du dernier recensement réalisé de porte à porte, diminuera jusqu'à 80 p. 100.

(1530)

Comment pourra-t-on combler la mesure pour faire en sorte que le jour du scrutin il y ait au moins - et les Canadiens sont en droit de l'exiger - le même taux d'électeurs sur la liste qu'il y en a actuellement?

Je renvoie les honorables sénateurs au communiqué de presse dans lequel le ministre Gray explique que la révision et la mise à jour seront faites à partir de renseignements qu'Élections Canada ne sera plus en mesure de recueillir directement. Les noms, adresses et dates de naissance seront tirés des déclarations de revenus produites auprès de Revenu Canada; des listes de nouveaux citoyens canadiens seront compilées par Citoyenneté et Immigration Canada et des données seront recueillies dans les registres provinciaux de l'état civil, des permis de conduire et des immatriculations de véhicules. Le communiqué poursuit en disant que le registre permanent sera aussi enrichi grâce aux listes électorales provinciales confirmées.

Les représentants d'Élections Canada sont actuellement priés de conclure des ententes avec dix provinces, deux territoires et deux ministères de façon que, lorsque le besoin se fera sentir, l'on puisse avoir toute l'information nécessaire pour que le registre permanent soit aussi à jour que l'étaient les listes établies à partir d'un recensement traditionnel.

Honorables sénateurs, comme nous l'avons entendu dire au comité et comme le sénateur Murray nous l'a dit hier, très peu de ces ententes sont actuellement en vigueur. Il est question que des élections aient lieu d'ici un an. On nous demande de sanctionner un système qui est peut-être très avantageux sur papier, mais dont la mise en oeuvre s'annonce encore pleine d'embûches.

Le directeur général des élections du Québec a comparu devant le comité. Il a expliqué que sa liste permanente serait achevée à la mi-avril. Y figureront 5 190 000 électeurs. Il dit ne pas comprendre pourquoi Élections Canada veut faire appel à la Régie de l'assurance-automobile puisque cet organisme ne délivre que 4 200 000 permis de conduire. Cette source dite «primaire» accuse, à elle seule, un déficit de 1 million d'électeurs.

M. Côté nous a dit - comme il a dit à Élections Canada - qu'il a sa liste permanente des électeurs. Elle est à jour. Il a dit qu'il les laisserait volontiers l'utiliser moyennant des frais, mais qu'il n'était pas autorisé par la loi qui permet d'établir une liste permanente au Québec de donner d'autres renseignements que ceux-là. Élections Canada insiste toujours pour dire qu'il doit se rendre aux sources de base, et non compter seulement sur la liste permanente des électeurs.

Le sénateur Bryden nous a dit qu'il croyait savoir - j'imagine que ses renseignements sont bien fondés - que la transposition de la liste québécoise à la liste canadienne principale posait quelques difficultés d'ordre technique et qu'il faudrait au moins neuf mois pour élaborer un système afin que cela se fasse. Ainsi, dans une seule province qui compte 25 p. 100 des personnes ayant le droit de voter, Élections Canada est incapable de recueillir les données de base dont il estime avoir besoin pour tenir ses listes à jour. En outre, il existe un problème d'ordre technique, en ce sens que, même si l'organisme utilise sa liste permanente comme données de base, il y aura un retard de huit ou neuf mois. Honorables sénateurs, voilà un argument qui nous incite à procéder lentement à l'établissement d'une liste permanente des électeurs.

Pour résumer, jusqu'ici, il n'y a pas suffisamment de provinces qui ont pris de grands engagements fermes. De plus, le délai pour implanter ce système est très court. Si des élections ont lieu au printemps, mon argument ne tient plus, car le recensement aura lieu en avril. Si les élections sont en mai, il n'y aura aucun problème, sauf que les révisions habituelles ne se feront plus. Le bref délai entre le recensement à domicile et les élections ne causera pas de problème. Toutefois, si des élections ont lieu à l'automne ou le printemps prochain, plus elles seront retardées, plus il sera difficile de tenir à jour le registre permanent, car Élections Canada n'a pas encore le droit de consulter ces banques de données et de recueillir les renseignements dont il a besoin.

Honorables sénateurs, on nous a dit que nous devrions adopter les amendements et que, à ce moment-là, toutes les ententes suivraient. Il aurait été plus judicieux de conclure les ententes d'abord, puis de venir au Parlement et de dire que les provinces, les ministères fédéraux et les territoires consentent à rendre ces renseignements accessibles et que, par conséquent, nous pouvons implanter la liste dès que la loi sera adoptée. Au lieu de cela, on nous dit qu'il valait mieux adopter la loi et mettre les amendements en oeuvre, puis que des négociations sérieuses pourraient avoir lieu.

En agissant ainsi, Élections Canada s'accule au pied du mur, car, plus nous approchons de la date fixée pour les élections, plus certaines provinces risquent de faire des manières et plus elles seront dans une position avantageuse pour obtenir une meilleure entente. Cependant, si elles avaient conclu les ententes avant des élections, les négociations auraient peut-être été plus équitables.

Je vais expliquer ce qui est arrivé au Québec. Il y a eu des élections au Québec en septembre 1994. Le dernier recensement de porte à porte a eu lieu en septembre 1995. Il y avait 40 000 recenseurs pour 20 000 bureaux de scrutin. Une liste permanente des électeurs a ensuite été élaborée à partir des résultats révisés du recensement. D'après M. Côté, directeur général des élections du Québec, la liste définitive sera prête d'ici le milieu d'avril 1997. Il aura donc fallu 19 mois, soit de septembre 1995 à avril 1997, pour procéder à une mise à jour qu'Élections Canada devrait faire en quelques mois à peine. J'ai beaucoup d'admiration pour les gens d'Élections Canada - ce n'est certes pas le dévouement et l'enthousiasme qui leur manquent - mais je pense que ce serait leur demander l'impossible, surtout que, contrairement au Québec et aux autres provinces, qui dressent leurs propres listes et sont maîtres de leurs sources de données, Élections Canada n'est pas maître des siennes, il doit négocier et signer des ententes. Il ne s'agira pas d'ententes-cadres, mais d'ententes faites sur mesure dans chaque cas.

Honorables sénateurs, il n'y a rien dans cette mesure qui porte atteinte au parti au pouvoir ni aux partis d'opposition. Je ne vois pas d'objection à ce que la période précédant les élections soit plus courte, quoique certains de mes collègues prétendent que cela favorise le parti au pouvoir. Je me souviens cependant des élections de 1988, que les conservateurs auraient, à ce qu'on dit, remportées durant la toute dernière semaine de campagne. Je me souviens des élections de 1993 et je peux dire avec une certaine assurance que nous les avons perdues dès le premier jour de la campagne. Et ainsi de suite. Que la campagne dure 47 jours ou 37 importe peu. Quand arrive la période électorale, la plupart des Canadiens ont déjà fait leur choix et c'est pour les 20 ou25 p. 100 d'indécis que l'on fait campagne. Je ne saurais dire qui profite le plus du fait que la période précédant les élections soit plus ou moins longue.

Honorables sénateurs, je trouve que nous avons déjà, au Canada, un système de recensement unique en son genre, en ce sens que les personnes qui ont le droit de voter se retrouvent sur la liste dans une proportion de 95 p. 100. Grâce à ce système, les Canadiens sont au courant de la tenue prochaine d'élections, ce qui favorise un taux élevé de participation au scrutin. On nous demande maintenant de remplacer ce système par cet autre qui, sans être mauvais, n'a quand même pas tout ce qu'il faut pour me convaincre, moi comme bien d'autres, qu'il pourra être aussi exhaustif que le système actuel quant à la proportion d'électeurs figurant sur la liste. Il vaudrait mieux ne pas précipiter les choses, dans l'intérêt d'Élections Canada, à qui incombera cette lourde responsabilité. Autrement dit, laissons passer les élections qui s'en viennent avant d'instaurer les nouvelles règles électorales.

 

Motion d'amendement-report du vote

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais proposer un sous-amendement à l'amendement proposé par le sénateur Murray, afin de concrétiser ce que je viens d'expliquer, à savoir que la mesure n'entrera pas en vigueur avant la 36e législature, c'est-à-dire après les prochaines élections.

Par conséquent, honorables sénateurs, je propose:

Que la motion en amendement ne soit pas adoptée maintenant, mais qu'elle soit modifiée en outre par substitution aux lignes 9 à 27, page 44, de ce qui suit:

«94.(1) Les articles 2, 12 et 22 de la présente loi entrent en vigueur le jour fixé par le gouverneur en conseil pour le rapport des brefs de l'élection générale de la trente-sixième législature.

Sous réserve du paragraphe (1), la présente loi ou telle de ses dispositions ou des dispositions de toute loi édictée en vertu de la présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2000 ou à la date ou aux dates antérieures fixées par décret du gouverneur en conseil.»

(1540)

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyé par l'honorable sénateur Doyle, propose:

Que la motion en amendement ne soit pas adoptée maintenant pour la troisième fois, mais qu'elle soit modifiée en outre, par substitution aux lignes 9...

Une voix: Suffit!

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter le sous-amendement à la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés.

Le sénateur Lynch-Staunton: Avant la mise aux voix, Votre Honneur demande habituellement - et vous l'avez fait auparavant - si d'autres sénateurs veulent prendre la parole. Vous avez posé cette question plus d'une fois, afin d'éviter le genre d'incident qui se produit maintenant. Vous n'avez pas posé la question aujourd'hui.

Le sénateur Berntson: Mais nous sommes debout.

Son Honneur le Président: Personne ne s'est levé. Y a-t-il un autre sénateur qui désire prendre la parole?

L'honorable Mabel M. DeWare: Oui. Je voudrais ajourner le débat.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, puis-je poser une question concernant le Règlement? On me corrigera, mais, si je comprends bien, nous sommes saisis d'une motion principale selon laquelle le projet de loi serait maintenant lu une troisième fois. L'honorable sénateur Murray a ensuite proposé une motion d'amendement à la motion de troisième lecture. Nous sommes maintenant saisis d'un autre amendement à la motion principale.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il s'agit d'un sous-amendement.

Le sénateur Stewart: J'ai écouté attentivement le sénateur Lynch-Staunton, mais peut-être n'ai-je pas bien saisi ce qu'il a dit. J'ai essayé d'entendre ce que disait Son Honneur mais, là encore, peut-être n'ai-je pas bien compris. Je n'ai pas entendu l'amendement proposé par le sénateur Murray, ni la lecture du sous-amendement à cet amendement proposé par le sénateur Lynch-Staunton. Où en sommes-nous? Ce n'est pas une question très importante, mais j'aimerais savoir où nous en sommes dans la procédure.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, j'espère que j'ai bien compris ce qu'a dit Son Honneur hier, à savoir que la présidence n'accueillerait qu'un amendement et un sous-amendement à la fois. Lorsque j'ai lu le texte, j'ai dit: «Je propose, appuyé par le sénateur Doyle, ce qui suit:», puis j'ai ajouté: «comme sous-amendement à l'amendement du sénateur Murray.»

Le sénateur Stewart: L'honorable sénateur a-t-il dit qu'il a proposé un amendement à l'amendement du sénateur Murray? Ai-je bien compris?

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui. Il s'agit d'un amendement corrélatif à l'amendement du sénateur Murray.

S'il est décidé de tenir un vote, nous demandons, au nom du whip et en vertu de l'article 67 du Règlement, que le vote soit reporté à demain.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'aimerais qu'on m'accorde quelques instants pour vérifier le Règlement, mais je crois savoir - et je viens d'en discuter avec le greffier adjoint, M. Greene - qu'un sous-amendement doit porter sur l'amendement. En d'autres mots, on ne peut présenter un sous-amendement ayant trait à la motion principale.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai dit que mon sous-amendement était un amendement à l'amendement du sénateur Murray. C'est un sous-amendement. J'emploie peut-être le mauvais terme, mais je propose un sous-amendement à l'amendement du sénateur Murray.

Le sénateur Berntson: Cet amendement complète tout simplement l'amendement original.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mon sous-amendement fait suite à celui du sénateur Murray. Il existe un lien entre les deux.

Son Honneur le Président: J'aimerais laisser cette question en suspens et vérifier ce qu'il en est. Je pense que l'amendement en question n'est pas recevable dans sa forme actuelle. Je propose de laisser cette question de côté pendant quelques instants et de passer au point suivant. Je reviendrai bientôt sur la question.

L'honorable Marcel Prud'homme: Votre Honneur, tandis que vous délibérez sur la recevabilité de ce sous-amendement, pourriez-vous prendre un instant pour examiner la question - qu'il vous serait utile d'examiner dès maintenant plutôt que d'attendre à plus tard - de savoir quand nous pourrons proposer de nouveaux amendements?

Je pose cette question parce que, maintenant que le vote a été reporté à demain, le gouvernement devrait saisir l'occasion de présenter un ordre au Sénat. À quelle heure le vote devrait-il avoir lieu?

Maintenant que l'étude du projet de loi a été reportée - et c'est une chance pour le gouvernement que l'opposition ait proposé de reporter le vote à demain - il faut tenir compte, tout d'abord, qu'il n'existe aucun ordre à ce sujet; deuxièmement, que nous ne savons pas à quelle heure le vote aura lieu - et on devrait nous le dire; et troisièmement, que si l'on nous ordonnait de voter demain à une certaine heure, il serait très difficile pour d'autres sénateurs de proposer des amendements avant que l'on ait disposé de l'amendement et du sous-amendement - si vous jugez le sous-amendement recevable, Votre Honneur.

Vous avez dit hier, Votre Honneur - et je n'étais pas convaincu que c'était correct, mais je respecte votre décision - que vous accepteriez uniquement un amendement et un sous-amendement. J'en ai un petit à proposer, mais je ne sais pas quand je peux le faire. Il serait cependant préférable que le Sénat ordonne à quelle heure nous voterons demain. Je trouve absolument incroyable que l'opposition ait proposé de reporter le vote, chose à laquelle je ne m'attendais pas, mais le gouvernement n'a pas saisi l'occasion qui s'offrait à lui. Si vous voulez fixer l'heure du vote par ordre du Sénat, Votre Honneur, vous devriez saisir maintenant l'occasion et régler ainsi un problème.

Cela veut dire qu'aucun autre amendement ne peut être proposé au Sénat si nous devons attendre jusqu'à l'heure X demain soir pour disposer de l'amendement, du sous-amendement et de la motion principale. Mais si le Sénat ordonne que nous disposions de toutes les motions, nous disposerons du sous-amendement - s'il est recevable - de l'amendement et de la motion principale. Il devrait cependant y avoir un autre débat sur la motion principale si le sous-amendement et l'amendement étaient rejetés. S'ils sont adoptés, la motion principale s'en trouvera modifiée; mais s'ils sont rejetés, nous revenons alors à la motion principale.

La motion principale devient-elle alors amendable? Peut-on l'amender de nouveau? Dans le cadre d'un débat ordinaire, je répondrais par l'affirmative. Je dirais même que nous pouvons proposer un nouvel amendement dès que nous avons disposé du sous-amendement proposé par l'opposition officielle.

On ne peut avoir qu'un amendement à la fois. Je suis disposé à l'accepter. Toutefois, je ne veux pas qu'on m'empêche de présenter des amendements. Je m'en remets à vous, Votre Honneur, si vous voulez réfléchir à la question.

Entre temps, le gouvernement voudra peut-être saisir l'occasion qui lui a été offerte. C'est sans doute au nom de l'esprit de Noël que nous remettons à demain un vote qui pourrait avoir lieu dès maintenant. Je suis étonné que nous ne tranchions pas la question immédiatement, mais l'opposition a proposé que nous le fassions demain. Nous allons voir comment les deux grands protagonistes au Sénat, c'est-à-dire le gouvernement et l'opposition, vont régler cette affaire.

Je prends beaucoup de temps pour expliquer ma position afin que Son Honneur puisse consulter la jurisprudence et le Règlement. Je pourrais poursuivre pendant des heures, mais je m'en abstiendrai.

Je voudrais savoir si je peux proposer un amendement et, dans l'affirmative, quand je peux le faire. Cela semble plus difficile à cause de l'offre que l'opposition officielle a faite au gouvernement de prendre une décision sur ces motions demain.

(1550)

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le paragraphe 67(1) du Règlement précise:

Lorsqu'on a demandé, en vertu de l'article 65(3) du Règlement, un vote par appel nominal sur une motion sujette à débat selon l'article 62(1), l'un ou l'autre whip peut demander qu'on diffère le vote de la façon décrite ci-dessous.

Le paragraphe 67(2) du Règlement ajoute:

Sauf dans les cas prévus à l'alinéa (3) ou ailleurs dans le Règlement, lorsqu'on reporte un vote conformément à l'alinéa (1), il demeure différé jusqu'à 17 h 30 le jour de séance suivant du Sénat.

Afin de satisfaire tous les honorables sénateurs - comme le demandait, je crois, le sénateur Prud'homme à titre de sénateur indépendant - les membres du parti ministériel ont convenu d'appliquer les paragraphes 67(1) et 67(2) du Règlement. Par conséquent, toutes les motions seront mises aux voix demain à 17 h 30.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, nous cherchons tous une solution satisfaisante. Si la proposition du sénateur Lynch-Staunton est déclaré irrecevable en tant que sous-amendement, il serait logique d'ajourner le débat et de rédiger un amendement recevable que nous pourrions débattre demain. L'amendement porte sur un point très important.

Au cours des deux dernières minutes, nous avons eu une discussion très poussée. Nous pourrions satisfaire tout le monde simplement en laissant l'amendement tel quel. Quant à savoir si le sous-amendement est un sous-amendement ou un autre amendement, nous avons déjà eu à régler des questions de ce genre et je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions nous entendre là-dessus aujourd'hui. Nous pourrions convenir, comme nous le faisons en application des dispositions sur le renvoi de motions, de mettre aux voix toute motion nécessaire pour régler cette question demain à 17 h 30. Cela permettra à tout autre sénateur qui le désire d'intervenir dans le débat ou de proposer d'autres amendements, attendu que toutes les motions seront mises aux voix demain à 17 h 30.

Le sénateur Lynch-Staunton: Votre Honneur, je sais que je ne suis pas censé contester vos décisions, si ce n'est pour demander le vote dans des cas exceptionnels. Toutefois, je voudrais attirer votre attention sur le fait que, le 27 novembre, nous nous sommes prononcés sur des amendements à apporter à la clause 17. Il s'agit en fait d'un amendement et d'un sous-amendement. L'amendement a été proposé par le sénateur Doody et le sous-amendement, reconnu comme tel, a été proposé par le sénateur Cogger. Il n'y a aucun rapport entre le sous-amendement et l'amendement. Ils concernent tous deux l'article 17, mais le sous-amendement, reconnu comme tel, n'a aucun rapport avec l'amendement du sénateur Doody.

Nous sommes en train de faire exactement la même chose. Ce que nous avons fait au cours du débat sur la clause 17 n'était peut-être pas conforme au Règlement.

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, le sénateur Lynch-Staunton admettra-t-il que le Sénat avait alors affaire à une résolution alors que, dans ce cas-ci, il s'agit d'un projet de loi? Il est proposé officiellement ici que le projet de loi soit maintenant lu une troisième fois. Des règles précises régissent les amendements et les sous-amendements qui peuvent être proposés dans le cas d'une motion auxiliaire de ce genre, des règles qui ne s'appliqueraient pas à une résolution dont le Sénat serait saisi.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je l'admets. Toutefois, je croirais que les mots «amendement» et «sous-amendement» sont définis de la même façon dans tous les cas.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, les choses empirent au lieu de s'améliorer. L'opposition a fait une offre surprenante au gouvernement. Le gouvernement semble hésiter à l'accepter alors qu'il devrait sauter dessus.

Si nous votons demain soir, à 17 h 30, nous aurons réglé le cas du sous-amendement, mais le débat pourrait se poursuivre jeudi. À ma grande surprise, l'opposition offre de tout régler demain soir. Je ne comprends pas que le gouvernement n'accepte pas cette offre alors qu'il sait exactement ce qui va se passer.

Le sénateur Graham: Je ne suis pas d'accord.

Le sénateur Prud'homme: Le sénateur Graham a accepté que le vote sur un sous-amendement qui est peut-être acceptable soit renvoyé à 17 h 30 demain.

Le sénateur Graham: Non. J'ai parlé de tous les votes.

Le sénateur Prud'homme: Je n'ai pas entendu le mot «tous» les votes. Lorsque vous lirez les bleus, vous verrez que vous venez de dire «tous les amendements.»

Nous sommes peut-être en train d'empêcher des sénateurs de présenter des amendements. Comme le Sénat peut faire ce qu'il veut avec le consentement unanime, si vous acceptez, aux fins de la discussion, les amendements proposés, dont celui du sénateur Lynch-Staunton, et si vous réglez leur cas à tous demain, comme l'opposition le propose au gouvernement, je crois que nous pourrions tenir ce débat demain soir. Autrement, vous n'obtiendrez peut-être pas le consentement unanime dont vous avez besoin, ce qui serait plutôt triste. Je crois que tout le monde est disposé à régler le cas de ce projet de loi d'une façon ou d'une autre. Je veux voter dans un sens ou dans l'autre.

Est-il exact que nous allons voter, demain soir, à 17 h 30, sur tous les amendements, sous-amendements et nouvelles propositions, contrairement à ce que prévoit le Règlement? Si vous acceptez cela, vous devez aussi accepter que d'autres amendements soient proposés. La présidence appellera les amendements dans l'ordre inverse de leur présentation. C'est la façon régulière de mener le débat.

Je m'efforce de me rendre utile au gouvernement. Je crois que c'est ainsi que nous devrions débattre des questions.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si j'ai bien compris les observations des sénateurs Graham, Berntson et Prud'homme, le Sénat accepterait de surseoir à l'application du Règlement sur les amendements et les sous-amendements, et étudierait une série d'amendements, lesquels seraient mis aux voix demain.

Si le Sénat y consent, nous procéderons de cette façon. L'amendement du sénateur Lynch-Staunton restera dans son libellé actuel, tout comme celui du sénateur Murray, et nous accepterons d'autres amendements.

Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Graham: Êtes-vous d'accord pour que tous les votes nécessaires à la conclusion de l'étude du projet de loi C-63 soient pris demain à 17 h 30?

Le sénateur Berntson: C'est bien ce que j'avais compris.

Son Honneur le Président: Tous les votes seront pris les uns après les autres, à commencer par le dernier amendement proposé.

Le sénateur Prud'homme: C'est ce que j'avais compris.

Son Honneur le Président: Quelqu'un veut-il prendre la parole sur l'amendement du sénateur Lynch-Staunton? Sinon, un sénateur souhaite-t-il de proposer l'ajournement?

Le sénateur Prud'homme: Je prendrai la parole sur le projet de loi C-63.

(1600)

Je terminerai en proposant un amendement, si un sénateur l'appuie.

J'espère avoir votre attention, honorables sénateurs, parce que je crois bien avoir été utile dans ce débat. Ma conscience me le dit, du moins. Je suis très satisfait de ma journée.

[Français]

Honorables sénateurs, mes premières remarques seront pour remercier le sénateur Carstairs, qui a présidé, comme toujours avec brio, le comité. Elle a donné la chance à ceux qui voulaient bien participer au débat, qu'ils soient membres du comité ou non, de le faire.

Je dois dire que nous sommes à l'époque des Fêtes. Je veux remercier particulièrement le directeur général d'Élections Canada et tous ses fonctionnaires. Je n'ai jamais vu dans ma vie politique des gens comparaître si souvent devant autant de comités. Ils comparaissent continuellement devant des comités, au point où je me suis toujours demandé quand ils trouvaient le temps de travailler et de mettre en oeuvre toutes les propositions que nous leur faisions.

J'ai beaucoup de respect pour les décisions de Son Honneur le Président. Je veux témoigner notre reconnaissance au président du comité et à tous les fonctionnaires d'Élections Canada.

Je veux faire des commentaires généraux. Ce n'est pas une critique acerbe. Je ne serai pas négatif. J'ai toujours aimé être positif. Je regrette que le gouvernement attende la fin d'une législature pour présenter un projet de loi et des amendements aussi considérables. La logique exigerait de présenter cette proposition au début du règne d'un nouveau gouvernement.

Expliquons-nous. Il y a des élections. On applique une loi. On en étudie les détails. On obtient des explications. On a la pratique. On voit exactement où cela n'a pas bien fonctionné. On en prend note. On se dit qu'il faudra bien apporter des corrections pour la prochaine élection. On prend des notes. On revient avec une nouvelle législature. On s'attelle à la tâche.

Immédiatement, on commence à préparer et à moderniser la Loi selon les problèmes éprouvés lors de la dernière élection. C'est le propre d'un gouvernement ordonné. On ne retrouve pas cela avec un gouvernement qui saute du coq-à-l'âne et qui dit qu'il faudrait bien faire quelque chose et diminuer la durée de la campagne électorale en sachant que c'est populaire. Il faut faire plaisir à la Colombie-Britannique. On fait donc adopter par la porte arrière un projet de loi pour satisfaire une partie de l'opinion publique.

Je regrette vivement que l'on ait attendu si longtemps. C'est du droit nouveau, comme on dit aux étudiants en droit. On sait très bien qu'avec ce droit nouveau, on est en train de créer des précédents malheureux pour ceux qui aiment le processus électoral.

La Loi électorale du Canada est discutée entre tous les partis politiques. En ce qui concerne les dépenses électorales, les sénateurs Moore, Bryden et Nolin s'y connaissent en organisation et savent que cela se passe entre les partis. Le sénateur Mercier connaît le Québec comme le fond de sa poche. J'espère qu'il sera un des principaux organisateurs de la campagne électorale, tout comme le sénateur Nolin. Cela rendra la campagne plus vigoureuse.

Mon premier regret est le retard apporté à l'étude de cette loi; le deuxième, c'est qu'il a fallu employer la guillotine pour forcer l'adoption de ce projet de loi. Cela me paraît tout à fait contraire à la coutume politique.

Imaginons un instant que demain soir, un projet de loi soit amendé. Tout est possible. Je vois que le whip travaille très fort pour convoquer tous les sénateurs. Tenons pour acquis que demain soir, il y aura un amendement. On a vu le chantage de la ministre, qui a dit qu'elle rappellerait le Parlement jeudi et vendredi.

[Traduction]

C'est comme si les sénateurs, comme le sénateur Lewis, ont peur à l'idée du rappel de la Chambre des communes. Or, s'il le faut, qu'on le fasse. On aura plus d'amis autour. Peut-être qu'ils vont même rouvrir la salle à manger.

Le fait de rappeler la Chambre des communes ne garantit pas l'adoption immédiate du projet de loi. Ils devront de nouveau imposer la clôture de nouveau et renvoyer le projet au Sénat. On repartira à zéro, avec les mêmes discussions. Les deux whips passeront un long moment au téléphone pour essayer de ramener tout le monde au Sénat. Je n'ai pas d'objection, car je suis toujours ici. Je serai en bonne compagnie cette semaine, la semaine prochaine et le mois prochain.

C'est dommage que le projet de loi nous soit parvenu si tard dans l'année et que, pour la première fois, on ait dû imposer la clôture. C'est un précédent malheureux en ce concerne les élections. Je ne dirai pas que c'est une tactique dictatoriale, mais on fait souvent la même chose dans les républiques bananières. On y écrase le système électoral en se disant: «On a la majorité. Faites de la place.» C'est sans précédent.

Pendant 30 ans, j'ai été un partisan fidèle du Parti libéral.

J'appuie toute proposition voulant que nous votions tous et que nous apprenions tous les résultats en même temps. On a vu les drôles d'élections qu'ils viennent d'avoir aux États-Unis. Pendant qu'on les regardait, les gens en Californie se demandaient s'ils allaient voter ou non. Les votes étaient déjà comptés. Au Canada, c'est différent.

Je me suis battu énergiquement à la Chambre des communes sur les questions de dépenses électorales et de plafonds. J'ai défendu l'opposition libérale et le gouvernement de l'époque, au sein du comité de M. Hawkes. Nous avons été déboutés par la Cour de l'Alberta. Je ne sais pas pourquoi le gouvernement n'a pas interjeté appel.

Je dis toujours que nos méthodes électorales ne doivent pas s'américaniser.

Mme Terrana, de Colombie-Britannique, est très populaire et très efficace. Elle a fait une proposition au cours des derniers jours, et le gouvernement l'a ajoutée au projet de loi.

J'ai moi-même, avec d'autres, posé des questions au directeur général des élections du Canada. C'est un haut fonctionnaire du Parlement et c'est en cette capacité qu'il a répondu.

Je soumets un amendement aux sénateurs, pour étude.

(1610)

Comme d'autres l'avaient fait, j'ai demandé à M. Kingsley si, advenant que le projet de loi C-63 soit adopté, il en avait besoin dès maintenant. Je lui ai dit que je supposais qu'il aurait besoin de quatre ou cinq mois pour réaliser ce qu'entraîne le projet de loi. Il a répondu oui. Je lui ai demandé s'il avait particulièrement besoin des dispositions sur les heures d'ouverture des bureaux de scrutin, soit jusqu'à 19 heures en Colombie-Britannique, jusqu'à 21 h 30 en Ontario, ainsi de suite, qui ont été ajoutées au projet de loi à la dernière minute. Je voulais savoir s'il en avait absolument besoin pour aller de l'avant ou si, en personnes sages, nous pourrions - comme nous aurions dû lefaire - envoyer cette partie du projet de loi à un comité pour faire étudier la proposition et entendre ce que les gens en disent, parce que beaucoup d'intéressés ont des avis qui peuvent être utiles et servir à améliorer la proposition. Je ne veux pas m'opposer au projet de loi, je veux améliorer les choses.

M. Kingsley a dit que, bien sûr, si l'on arrivait en février ou mars avec juste une petite proposition d'amendement ayant trait aux heures d'ouverture, il pourrait quand même mettre en oeuvre la réforme du gouvernement, ou le projet de loi du gouvernement, comme je l'appelle. Je n'ai pas d'autre choix que de l'appeler ainsi. Ce n'est pas un projet de loi du Parlement, c'est un projet de loi du gouvernement.

[Français]

 

Motion d'amendement

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je propose, appuyé par le sénateur Nolin:

Que le projet de loi C-63 ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit modifié:

1) à la page deux, par la suppression de l'article 1.1,

2) à la page 26, par la suppression de l'article 44.1,

et,

3) à la page 28, par la suppression de l'article 46.1.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, y a-t-il d'autres sénateurs qui veulent prendre la parole? Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

[Traduction]

Je ne peux pas mettre l'amendement aux voix. Quelqu'un doit proposer l'ajournement du débat.

Le sénateur Prud'homme: Je suis désolé, Votre Honneur, mais, selon la pratique, ne devriez-vous pas mettre l'amendement aux voix et dire ensuite que, comme convenu aujourd'hui, le vote sera reporté demain à 17 h 30?

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis les non l'emportent. Doit-on procéder à un vote par appel nominal?

Et deux honorables sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Le vote est reporté.

Le sénateur Prud'homme: Non. Si nous faisons cela, cela aura pour effet de lancer le débat sur le sous-amendement. Nous avons convenu de reporter tous les amendements et tous les votes à demain en fin d'après-midi.

Son Honneur le Président: J'ai cru comprendre que le vote par appel nominal, le vote par assis et debout, aurait lieu demain.

Le sénateur Prud'homme: Oui.

Son Honneur le Président: Si personne ne demande que nous procédions à un vote par assis et debout, la motion expire.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Par souci extrême de précaution, je demande que nous procédions à un vote par assis et debout.

Son Honneur le Président: Le vote est donc reporté d'office à demain 17 h 30.

Qui veut prendre la parole sur le sous-amendement à la motion? Qui veut proposer l'ajournement?

Le sénateur Berntson: Si c'est nécessaire, par respect pour la procédure, je propose l'ajournement pour que la motion puisse être mise aux voix demain à 17 h 30 quand nous procéderons aux autres votes.

Son Honneur le Président: Le sénateur Berntson, appuyé par le sénateur Doyle, propose que le débat soit ajourné à demain.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Troisième lecture-Motion
d'amendement et de sous-amendement-Reprise du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Mercier, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi en conséquence;

Et sur la motion en amendement de l'honorable sénateur Nolin, appuyée par l'honorable sénateur LeBreton, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié:

a) à l'article 1, par substitution, à la ligne 7, page 1, de ce qui suit:

«une personne peut, avec le consentement du procureur général du Canada, demander, par écrit, au»;

b) à l'article 2, par substitution, à la ligne 16, page 6 de ce qui suit:

«une personne peut, avec le consentement du procureur général du Canada, demander, par écrit, au»;

c) à l'article 2, par substitution, à la ligne 39, page 10, de ce qui suit:

«une personne peut, avec le consentement du procureur général du Canada, demander, par écrit, au».

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, je voudrais intervenir brièvement au sujet du projet de loi C-45. Je le fais au nom de deux principes que nous oublions parfois lorsque nous étudions des projets de loi de cette nature. Le premier est un principe fondamental en droit selon lequel il doit y avoir apparence de justice. Le deuxième principe porte sur l'obligation de rendre des comptes à la population.

J'appuie l'amendement de mon collègue le sénateur Nolin, car le projet de loi, dans sa version actuelle, ne satisfait pas à ces deux principes, en ce sens qu'il ne crée pas une apparence de justice pour bon nombre de Canadiens et qu'il n'exige pas une obligation suffisante de rendre des comptes sur des points qui sont très importants aux yeux de bien des Canadiens.

Grâce aux excellentes présentations des sénateurs Milne et Nolin au sujet du projet de loi C-45, les honorables sénateurs savent que celui-ci porte sur la révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle et modifie l'article 745.6 du Code criminel.

Ce projet de loi est très controversé. Les honorables sénateurs qui vivent dans l'Ouest savent très bien à quel point le débat sur la lueur d'espoir a été passionné et nourri par les médias dans l'Ouest. Les sénateurs savent aussi que, dans l'Ouest, quelque30 000 personnes ont signé des pétitions concernant l'article sur la lueur d'espoir. En fait, une bonne partie de ces pétitionnaires souhaitent que l'article en question soit entièrement abrogé du Code criminel.

Parmi les sénateurs de l'Ouest, ceux qui ont eu l'occasion de rencontrer des gens qui s'opposent à l'article sur la lueurd'espoir - je parle notamment de Darlene Boyd et de Mme Mahaffy, qui ont toutes deux témoigné devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles - connaissent l'intensité et l'ardeur des sentiments des victimes qui doivent malheureusement supporter le poids des tragédies qui se produisent au sein de notre société, surtout de ceux qui sont confrontés à la douleur d'avoir perdu leurs enfants aux mains de meurtriers et à d'autres éléments. Nous devons tenir compte de ces personnes et leur donner la possibilité d'exprimer leurs frustrations et de sentir que la population, l'électorat, a une responsabilité à leur endroit.

(1620)

Mme Darlene Boyd, Mme Mahaffy et d'autres personnes comme elles estiment que le système actuel ne leur permet pas de s'exprimer. Elles pensent aussi que le système politique n'assume pas ses responsabilités à leur endroit. Il est essentiel que la population éprouve du respect pour tout système de justice pénale et qu'elle considère celui-ci comme étant juste. Si le système échoue et que la population n'a plus l'impression qu'il répond aux besoins de la collectivité, alors le système tombe en discrédit. On aboutit à une situation comme celle que nous vivons actuellement, où la justice, notamment la justice pénale, est vivement critiquée. Le système de justice tombe en discrédit parce que nos concitoyens n'ont pas l'impression qu'il les respecte ni qu'il est à leur écoute.

Je suis certain que l'amendement proposé par le sénateur Nolin et la position défendue par le gouvernement de l'Ontario lors de sa comparution devant le comité des affaires juridiques et constitutionnelles visent à faire en sorte que le système ait davantage de comptes à rendre.

Comme les honorables sénateurs le savent, conformément au projet de loi à l'étude, un meurtrier condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité et non admissible à une libération conditionnelle avant 25 ans pourrait, après 15 ans, présenter une demande à cette fin. Cette demande serait d'abord communiquée à un juge qui examinerait les informations contenues dans une étude et qui déterminerait s'il y a lieu de transmettre la demande à un jury. Le cas échéant, le jury devrait rendre une décision unanime sur l'opportunité de laisser le meurtrier bénéficier d'une libération conditionnelle anticipée.

Dans le cadre de ce système, les instances politiques n'ont pas de comptes à rendre. Il n'y a qu'un juge qui, de loin, examine d'abord la demande et qui la transmet ensuite à un jury. Personne, dans ce système, ne doit rendre de comptes à la population. Ce système ne permet pas à mesdames Boyd ou Mahaffy d'aller au bureau de leur député, du ministre de la Justice ou du procureur général pour exprimer leurs préoccupations en tant que victimes.

Après tout, c'est nous, les parlementaires, qui, au bout du compte, devons adopter les lois. C'est nous qui devons adopter les modifications au Code criminel et les lois qui définissent le système des libérations conditionnelles. En dernier recours, ce sont les parlementaires et pas seulement nos tribunaux ou nos jurés qui doivent être tenus responsables dans de telles situations.

À mon avis, l'amendement proposé par le sénateur Nolin donnerait à la population le moyen de se faire entendre. La première étape consiste à demander au procureur général de déterminer si la question doit être renvoyée à un juge. Il y a donc une dimension politique.

Les honorables sénateurs savent que, dans bien des pays, notamment aux États-Unis, on entend souvent parler de clémence et du fait qu'il s'agit d'une décision politique. Combien de fois avons-nous entendu parler de criminels qui demandent aux gouverneurs des États de faire preuve de clémence? Nous parlons ici d'un pouvoir de clémence prévu dans le système des libérations conditionnelles, d'individus reconnus coupables de meurtre qui demandent d'être traités avec clémence.

La clémence a toujours été une prérogative royale. Elle n'est pas du ressort des juges. La clémence a toujours été entre les mains des politiciens, au nom de la Reine. Les condamnés, surtout les meurtriers et les auteurs de crimes très graves, ont le droit de demander au pouvoir politique, pas au pouvoir judiciaire, d'être traités avec clémence. C'est ce que vise à confirmer la proposition d'amendement.

Si vous étiez dans la position de Mme Boyd ou de Mme Mahaffy, parentes de victimes de crimes horribles, vous voudriez que nous, les parlementaires, respections vos vues et comprenions votre douleur. Vous voudriez avoir au moins la possibilité de faire connaître votre opinion dans un contexte politique à vos représentants élus. Vous ne voudriez pas que le Parlement puisse se dérober en disant que la question sera soumise à un juge ou à un jury.

Nous, les politiciens, sommes à l'abri de telles considérations et c'est ce qui fait que nos lois suscitent du ressentiment. C'est un cas où on n'a pas l'impression que justice a été rendue. C'est lorsque les citoyens n'éprouvent plus aucun respect pour le système judiciaire qui, selon eux, leur est devenu étranger.

Je vous exhorte à appuyer la proposition d'amendement. C'est un bon amendement. C'est un amendement qui, je le sais, est acceptable aux yeux de citoyens comme Mme Mahaffy et Mme Boyd. Elles se réjouiraient de cet amendement qui ferait que nos lois soient perçues de façon plus positive et inspirent davantage de respect.

 

Motion d'amendement

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, j'ai toutefois un sous-amendement à proposer. Il ne devrait pas y avoir de confusion, Votre Honneur. Il s'agit d'un sous-amendement. Je propose ce sous-amendement parce que je crois que la demande devrait être faite au gouverneur en conseil et non au procureur général du Canada. C'est une prérogative royale. Il ne convient pas que cette décision soit prise par le procureur général. Elle devrait être prise par l'ensemble du Cabinet.

Par conséquent, je propose, appuyé par le sénateur Stratton:

Que la motion d'amendement soit modifiée, auxalinéas a), b) et c), par substitution, aux mots «procureur général du Canada», des mots «gouverneur en conseil».

Je propose cet amendement à mes collègues en espérant qu'ils sauront en reconnaître la valeur et que nous pouvons compter sur leur appui.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Ghitter, appuyé par l'honorable sénateur Stratton, propose:

Que la motion d'amendement soit modifiée, auxalinéas a), b) et c), par substitution, aux mots «procureur général du Canada», des mots «gouverneur en conseil».

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter le sous-amendement?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Y a-t-il un autre sénateur qui voudrait prendre la parole?

L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au sénateur Ghitter.

Je dois avouer dès le départ que l'une des nombreuses choses que j'admirais au sujet du premier ministre Trudeau, c'était sa ténacité en ce qui concerne la disposition de la lueur d'espoir. Mon association avec le regretté sénateur Hastings a contribué à faire germer cette idée dans mon esprit.

Si je comprends bien, le sénateur Ghitter suggère deux façons pour un détenu de demander la permission d'aller en appel. La première façon serait-elle par l'intermédiaire du gouverneur en conseil?

Le sénateur Ghitter: Honorables sénateurs, la réponse est non; cela fait partie d'un processus unique. La première étape du processus en vertu de l'amendement serait la demande au gouverneur en conseil. Celui-ci aurait un droit de veto et pourrait refuser la demande, ce qui fait qu'elle n'irait pas plus loin.

Si le gouverneur en conseil estime que la demande a, de prime abord, de bonnes chances de succès, elle irait à un juge. Le juge ferait une étude documentaire, mais ne tiendrait pas d'audience. Le juge déciderait alors s'il y a lieu de transmettre la demande à un jury, lequel devrait donner un avis unanime en vertu de ce projet de loi. C'est un seul et même processus.

Le sénateur MacDonald: Pouvez-vous en dire plus sur les aspects politiques de tout cela? Est-ce que le consentement sera toujours donné ou toujours refusé? Qui fera le travail administratif?

Le sénateur Ghitter: Je suppose que le travail administratif serait fait par des fonctionnaires et que le dossier serait transmis au Cabinet avec des recommandations. J'imagine que le travail administratif consisterait à examiner la situation de la personne et à faire un rapport qui conduirait à une recommandation positive ou négative. S'il y a des circonstances défavorables d'une certaine nature, la conclusion serait non et les choses n'iraient pas plus loin.

Je sais que, d'après le sénateur Milne, ce n'est pas aux politiciens de prendre ce genre de décision. Si je comprends bien son argument, ces questions seraient beaucoup mieux traitées par les tribunaux. Cependant, les questions de cette nature sont tellement controversées et soulèvent tellement de passion dans le public que les politiciens doivent intervenir. Il leur appartient de prendre position et de définir les normes publiques. C'est pour cela qu'ils ont été élus, et c'est pour cela que nous sommes ici. Par conséquent, c'est une décision appropriée pour un politicien.

(1630)

La nature de la décision, sénateur MacDonald, dépendra des personnes qui présentent une demande. Toutefois, les familles des victimes se sentiraient beaucoup mieux si elles pourraient intervenir directement auprès du ministre, du Cabinet, des représentants élus et des membres de cette chambre, ce qu'elles ne peuvent faire actuellement.

L'honorable Lorna Milne: Le sénateur Ghitter prône-t-il sérieusement l'américanisation de notre système de justice?

Le sénateur Ghitter: Pas du tout, et si on pense que cela va conduire à une américanisation de notre système de justice, je dois alors conclure que mes observations n'ont pas été bien comprises. J'essaie de créer une situation où on rendra davantage de comptes à la population que ce qui est prévu dans le projet de loi à l'heure actuelle. Si c'est ce qu'on entend par américanisation, et bien je suis en faveur de cela alors. Cependant, il y a beaucoup d'aspects de l'américanisation de notre droit que je n'aime pas du tout et que je ne voudrais jamais appliquer au Canada.

L'honorable John B. Stewart: Puis-je poser une question? Si je ne m'abuse, le sénateur Ghitter a utilisé le terme «politique» dans son discours. C'est un terme ambigu. D'un côté, cela pourrait bien signifier que c'est une décision qui n'est pas soumise aux procédures ou aux critères d'application régulière de la loi. D'un autre côté, cela pourrait signifier aussi que les ministres vont être assaillis par des victimes et être soumis à toutes sortes de pressions politiques, etc. Dans quel sens le sénateur Ghitter utilise-t-il le terme «politique»?

Le sénateur Ghitter: J'ai tout d'abord utilisé l'expression «obligation de rendre des comptes à la population», qui est une expression de portée générale que je préfère beaucoup à l'expression «responsabilité politique».

Il est évident que chaque fois que des parlementaires sont saisis de questions controversées, il y aura des pressions, de beaux discours et un débat. Je ne pense pas que ce soit mauvais. Chaque fois que nous étudions des modifications controversées au Code criminel du Canada touchant la peine capitale ou toute autre question, il y a des pressions, un débat, des discussions et de beaux discours.

Cependant, c'est le fondement même de notre système. Plus le débat est large, meilleures les décisions sont. La classe politique est habituée aux pressions et à toutes ces autres choses, et elle doit s'y faire. Les politiques prennent une décision au mieux de leurs connaissances en tenant compte de tous les facteurs.

Je crois, honorables sénateurs, qu'il est nettement préférable d'avoir un système de ce genre que d'être confronté à la situation contraire où les victimes ont le sentiment de ne pas pouvoir exprimer leur point de vue, où des personnes comme Mme Boyd et d'autres sont persuadées que le système les empêche de se faire entendre. C'est une situation bien meilleure que celle qui nous attend si ce projet de loi est adopté sans amendement.

Le sénateur Stewart: Est-ce la seconde définition du mot «politique» que l'honorable sénateur a à l'esprit?

Le sénateur Ghitter: Les deux. Responsabilité publique et processus politique. À mon sens, les deux expressions sont interchangeables.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'ai trouvé l'intervention de l'honorable sénateur et les idées qu'il a développées intéressantes en ce sens qu'il est favorable au maintien de la disposition qui donne une lueur d'espoir mais, semble-t-il, à un autre étape. Quand il ajoute cet élément politique, les deux personnes de l'Alberta dont il parle ne risquent-elles pas d'être confrontées à d'autres problèmes? Un détenu désireux de tirer parti de cet article qui donne un espoir de libération anticipée pourrait disposer d'une famille riche et avoir recours aux services d'un conseiller juridique, quand bien même celui-ci serait-il la moitié moins éloquent que l'honorable sénateur. Nous nous retrouverions avec un procès à l'intérieur du procès. Celui qui possède de l'argent et a des avocats à sa disposition pourrait défendre son cas devant le gouverneur en conseil, mais pas le pauvre. Pourquoi voudriez-vous passer par une autre étape, une sorte de procès à l'intérieur du procès, bien des années après, pour permettre au conseiller juridique de chacune des parties de faire valoir ses arguments devant le gouverneur en conseil?

Le sénateur Ghitter: Loin de moi l'idée de vouloir priver mon ancienne profession de rentrées d'argent en interdisant à ses membres le droit de faire un plaidoyer, mais il n'est pas question ici d'audiences publiques. La décision politique initiale ne saurait faire l'objet de plaidoyer. C'est à l'autorité compétente qu'il appartient d'évaluer la situation. Cela ne veut pas dire que les citoyens ne pourraient pas faire connaître publiquement leurs points de vue et que les avocats ne pourraient pas prononcer des discours pour s'exprimer à titre personnel, mais il ne s'agit pas d'un domaine où l'on pourrait embaucher des avocats pour qu'ils fassent des démarches auprès du gouverneur en conseil. C'est un domaine réservé. Ce n'est pas une question qui entraîne des audiences publiques.

Il faut espérer que le gouverneur en conseil puisse obtenir les renseignements voulus, prenne l'affaire en délibéré et décide s'il s'agit vraiment d'un cas qui doit être soumis à l'examen du juge, autre processus qui n'entraîne pas d'audiences publiques, avant d'être renvoyé à la Commission des libérations conditionnelles. Je ne suis pas tout à fait sûr de la façon dont la Commission des libérations conditionnelles devrait gérer ce dossier. Cela pourrait déboucher sur des audiences publiques, mais je n'en suis pas sûr.

Le sénateur Taylor: J'ai une question complémentaire. Si les avocats et d'autres étaient autorisés à faire des exposés, du temps ne s'écoulerait-il pas avant qu'ils n'aient pu franchir cette première étape? Ils risqueraient de se retrouver à l'étape où le détenu serait de toute façon admissible à une libération conditionnelle. Je peux imaginer qu'il s'écoulerait tellement de temps que le détenu pourrait, dans les faits, demander une libération conditionnelle anticipée à la date à laquelle il avait pu normalement demande sa libération conditionnelle.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'informe le Sénat que la période de 15 minutes prévue pour le discours et les questions est écoulée.

Le sénateur Stewart: Sauvés par la cloche.

Le sénateur Milne: Je voudrais traiter de l'amendement, si vous le permettez.

Honorables sénateurs, je soutiens que ce sous-amendement ne diffère pas de l'amendement. Ce processus ne devrait pas être politique, il devrait être judiciaire. Je ne partage pas l'opinion que l'article 745.6 est une disposition de clémence. Par conséquent, je m'oppose au sous-amendement pour exactement les mêmes raisons que j'ai mentionnées dans mon discours précédent, et j'exhorte tous les sénateurs à s'y opposer.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

 

La justice

L'enquête sur la vente des appareils Airbus à Air Canada-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Anne C. Cools, ayant donné avis le 11 décembre 1996:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur l'affaire Airbus et les accusations contre l'ex-premier ministre Brian Mulroney contenues dans un document du ministère de la Justice, voulant que M. Mulroney soit «impliqué dans une conspiration criminelle consistant à accepter des paiements en échange d'influence utilisée pour qu'Air Canada achète des avions Airbus»,

sur le fait que cette affaire fait peser un malentendu, un embarras et un doute sur le système;

sur le traitement de ces questions;

sur l'érosion du pouvoir parlementaire;

sur le tort causé au gouvernement parlementaire, au Cabinet du premier ministre, au principe de la responsabilité ministérielle, au Parlement et aux sénateurs, dont moi-même, qui ont voté sur le projet de loi C-129, Loi sur la privatisation d'Air Canada, le 4 août 1988 au comité sénatorial permanent des banques et du commerce;

et sur la croyance que le Parlement, dans le souci de protéger la confiance du public et son intégrité, doit prendre connaissance de ces questions et les porter à l'attention du Parlement.

(1640)

- Honorables sénateurs, j'aimerais prendre la parole au sujet de l'affaire Airbus-Mulroney. Je vous en ai entretenu précédemment, à l'occasion d'une interpellation faite en cette Chambre le 2 février 1996. Cette affaire continue de me bouleverser. Je le répète, je n'accuse pas M. Mulroney ni ne prends sa défense. Je n'ai jamais été une partisane de M. Mulroney et je ne le suis pas plus aujourd'hui. Les honorables sénateurs se rappelleront mon discours du 19 janvier 1994, dans lequel j'ai porté un jugement sévère, voire brutal, sur M. Mulroney. En février dernier, je déclarais m'intéresser à cette affaire parce que je faisais partie du comité sénatorial permanent des banques et du commerce chargé d'étudier le projet de loi C-129, par lequel on a privatisé la Société Air Canada en 1988. L'achat d'appareils Airbus 320 découle de ce projet de loi. J'estime que les accusations portées contre l'ancien premier ministre, à qui l'on reproche d'avoir forcé la main du Parlement pour faire adopter le projet de loi C-129, concerne et engage le Parlement.

Honorables sénateurs, les allégations touchant les Airbus, issues de conversations particulières de certains journalistes, ont incité le ministre de la Justice, M. Allan Rock, à demander à la Gendarmerie royale du Canada de faire enquête. Ces allégations concernant M. Mulroney ont été couchées par écrit dans une dépêche gouvernementale adressée aux autorités suisses et signée par Kimberley Prost, avocate principale du Groupe aide internationale, servant d'alter ego au ministre de la Justice. Cette longue dépêche du 29 septembre 1995, intitulée «Lettre rogatoire à l'intention des autorités compétentes suisses», avait pour but de demander au gouvernement suisse d'aider le Canada à faire enquête sur les sommes que M. Mulroney aurait reçues et déposées dans des comptes suisses. Dans cette dépêche, on lit notamment ce qui suit:

[...] La GRC tient de bonne source que ces commissions ont été versées à M. Schreiber afin qu'il paie à son tour MM. MULRONEY et MOORES pour s'assurer que Airbus Industrie obtienne d'Air Canada le contrat de modernisation de sa flotte d'aéronefs.

[...] Une source confidentielle a confié à un enquêteur de la GRC que le quart de ces commissions a été versé à M. MULRONEY.

[...] Les trois cas décrits ci-dessus prouvent l'existence d'une complot devant permettre à MM. MULRONEY, MOORES et SCHREIBER de frauder le gouvernement canadien d'un montant s'élevant à des millions de dollars, entre l'arrivée au pouvoir de M. MULRONEY, en septembre 1984, et sa démission, en juin 1993.

L'honorable Marjory LeBreton: Pourrais-je demander à l'honorable sénateur de déposer tout le document qu'elle est en train de citer?

Le sénateur Cools: Bien sûr, mais je termine d'abord mes observations. Le document se poursuit de la façon suivante:

[...] Cette enquête inquiète beaucoup le gouvernement du Canada, parce qu'il y est question d'une activité criminelle de la part de l'ancien premier ministre.

Le style et le ton du document sont catégoriques. Le ministère de la Justice et Kimberley Prost affirment sans ambages que M. Mulroney a commis un acte criminel.

Honorables sénateurs, le 14 décembre 1995, le Globe and Mail a cité le solliciteur général Herb Gray qui aurait dit:

En novembre, peu de temps après l'élection du gouvernement libéral, M. Rock [...] m'a signalé certaines préoccupations dont on lui a fait part [...] que j'ai transmises à la GRC...

Pourtant, on nous dit que le sous-ministre de la Justice George Thomson et Kimberley Prost avaient décidé de ne pas informer le ministre de la Justice, M. Rock, de sorte que le ministre ignorait les actions prises en son nom, même si on y accusait un ancien premier ministre, un ancien ministre et le Parlement du Canada.

Honorables sénateurs, le principe de la responsabilité ministérielle et de la responsabilité ministérielle individuelle décrit la relation entre le Cabinet et le Parlement ainsi que les modalités qui régissent le mandat des ministres, principaux serviteurs de l'État. La responsabilité ministérielle est fondée sur les deux notions de responsabilité individuelle des ministres et de souveraineté parlementaire, et prévoit que l'exécutif rend des comptes au Parlement, qui représente la population. La responsabilité minitérielle individuelle suppose de nombreuses conventions constitutionnelles. Ces conventions sont des règles établies et observées par les politiciens. Ce ne sont pas des lois que les tribunaux font respecter. Ce sont les règles du comportement constitutionnel et politique qui guident les ministres et les politiciens.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je regrette de vous interrompre, mais on a demandé le dépôt d'un document. J'ignore de quel document il s'agit, mais je sais qu'un tel dépôt exige le consentement du Sénat. Je peux me tromper, mais je crois avoir raison. Est-ce que Son Honneur ne devrait pas demander le consentement du Sénat à cet égard, avant que nous poursuivions?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Corbin a tout à fait raison. J'essayais simplement de trouver la disposition précise dans le Règlement du Sénat.

Je renvoie les honorables sénateurs au paragrphe 28(4) du Règlement, qui dit:

Avec la permission du Sénat et au moment prévu à l'article 23(6) du Règlement, un sénateur peut déposer sur le Bureau un document à propos des affaires en cours devant le Sénat.

Il faut obtenir la permission du Sénat.

Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée de déposer le document?

L'honorable John B. Stewart: Qui demande la permission?

Son Honneur le Président: Le sénateur LeBreton a demandé au sénateur Cools de déposer le document qu'elle lisait.

Le sénateur Corbin: Quelle est la nature de ce document? Quel est ce document?

Son Honneur le Président: Je ne suis pas certain qu'il m'appartienne d'approfondir cette question. Par conséquent, je vais m'en remettre au sénateur Cools.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, puisqu'il semble que notre demande de dépôt du document soit irrecevable, puis-je demander au sénateur Cools si elle veut bien nous en faire part?

Le sénateur Cools: Je ne vois pas le problème. Des documents sont souvent déposés.

Le sénateur Corbin: Avec la permission du Sénat.

Le sénateur Cools: Absolument. Je n'essayais pas d'éviter d'obtenir le consentement unanime. En fait, honorables sénateurs, le sénateur LeBreton m'a demandé si j'allais déposer ce document. Je me concentrais sur ma prochaine déclaration plutôt que sur les détails entourant le dépôt d'un document. Si les sénateurs n'en avaient pas voulu, je présume qu'ils ne l'auraient pas demandé.

Son Honneur le Président: Demandez-vous la permission de déposer le document?

Le sénateur Cools: Oui, je le fais.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Cools demande la permission de déposer le document. La permission est-elle accordée?

Le sénateur Corbin: Honorables sénateurs, nous avons certainement le droit de connaître la nature du document. Quelqu'un a demandé la permission de déposer un document. Quel est ce document?

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je devrais peut-être tout répéter mon discours. J'ai pensé que le sénateur avait peut-être fait une petite sieste. Je crois bien avoir fait une lecture très attentive.

Le sénateur Corbin: Je ne fais jamais de sieste. Je ne peux faire une sieste et parler en même temps.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Le sénateur Corbin: L'honorable sénateur Cools s'explique.

Le sénateur Cools: Peut-être pourrait-on m'éclairer?

Son Honneur le Président: Le sénateur pourrait peut-être préciser la nature du document avant que l'on ne demande aux honorables sénateurs d'accorder la permission de le déposer.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, le document est une longue lettre, datée du 29 septembre 1995 et intitulée: «Letter of Request to: The Competent Legal Authority of Switzerland», comme je l'ai dit antérieurement. En fait, je suppose qu'il s'agit là du document auquel le sénateur LeBreton faisait allusion. Elle écoutait mon intervention, et je fais consigner le titre du document au compte rendu.

Le sénateur LeBreton: Exactement.

Son Honneur le Président: Permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Permission accordée.

L'honorable sénateur Cools peut poursuivre.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, avant qu'on m'interrompe, je parlais des principes de responsabilité ministérielle et de gouvernement responsable.

Selon le principe de gouvernement responsable, le ministre qui accomplit un acte, ou par la volonté de qui un acte est accompli, doit répondre de cet acte devant le Parlement. Un ministre est responsable de chacun des actes d'un gouvernement, et le gouvernement est une charge dont le Cabinet s'acquitte en vertu du principe de la responsabilité ministérielle.

(1650)

Honorables sénateurs, le procureur général du Canada est une fonction dotée d'attributs et d'un caractère judiciaires et, par conséquent, on s'attend à ce que son titulaire se conduise en conséquence. Les fonctions de ministre de la Justice et de procureur général sont deux fonctions distinctes réunies en un seul poste. Cela a été établi en 1868 par une Loi concernant le ministère de la Justice, qui stipule:

Est établi un ministère du service civil du Canada sous le nom de Ministère de la Justice, dont est chef le ministre de la Justice du Canada en exercice [qui] est d'office procureur général de Sa Majesté au Canada...

Cette Loi du ministère de la Justice établit une distinction et fait la différence entre la fonction de ministre de la Justice et celle de procureur général dans la pratique constitutionnelle du Canada. Sir John A. Macdonald a lui-même rédigé cette disposition de 1868 qui figure encore dans la loi de nos jours. Il avait conçu deux fonctions distinctes: celle de ministre de la Justice et celle de procureur général du Canada. Deux notions distinctes de responsabilité ministérielle s'attachent à chacune des deux fonctions jumelles mais uniques. Le degré de responsabilité qui s'attache à chacune dépend de la qualité en laquelle le titulaire exerce l'autorité attachée à chacune des fonctions jumelles. Le ministre de la Justice doit savoir en quelle qualité il agit dans chacune des fonctions. Ce sont deux fonctions séparées.

En 1968, l'honorable James McRuer, président de la Commission royale d'enquête sur les droits civils, a décrit dans son rapport le rôle distinct exercé par le procureur général. Il écrivait:

Le procureur général est le premier conseiller juridique de l'État et, en ce sens, est un mandataire du public. C'est vers lui que le citoyen se tourne pour la protection de ses droits civils...

À propos de l'indépendance du procureur général, il ajoutait:

Historiquement et traditionnellement, dans l'exercice de ces fonctions, le titulaire de la fonction doit exercer un degré d'indépendance très différent de celui qui est exigé de n'importe quel autre membre du Cabinet.

La responsabilité ministérielle englobe l'indépendance du procureur général. M. John L. J. Edwards a étudié la question de la responsabilité ministérielle du Parlement et des fonctions du procureur général pour la commission d'enquête Macdonald concernant certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada. Dans son étude de 1980, intitulée «Ministerial Responsibility for National Security,» M. Edwards décrit les droits du Parlement en ces termes :

... Le Parlement a le droit et le devoir de veiller à ce que chaque titulaire d'un ministère se dote, lorsqu'il entre en fonctions, d'un dispositif administratif qui le renseignera régulièrement sur les mesures du ministère qui risquent de susciter des critiques dans l'opinion, les méthodes qui soulèvent des questions graves au plan des valeurs humaines et sociales, et surtout des politiques contestables en soi qui, lorsqu'elles seront révélées, exposeront le ministre à de virulentes critiques des parlementaires et du public.

Le Parlement s'attend à ce que les ministres lui rendent des comptes, et ils doivent les lui rendre. Aucun ministre ne peut se soustraire à cette obligation en élevant autour de lui un mur d'ignorance pour s'abriter derrière. La responsabilité envers le Parlement est un principe constitutionnel essentiel du régime parlementaire. La Constitution impose cette obligation à tous les ministres. Tous les ministres sont liés par la responsabilité ministérielle, surtout ceux qui, comme le ministre de la Justice et procureur général, tirent une partie de leur pouvoir de la prérogative royale. En outre, la doctrine de la responsabilité ministérielle veut que, vu le caractère particulier de son poste, le procureur général échappe à toute directive du Cabinet ou du premier ministre dans l'exercice de ses pouvoirs discrétionnaires de procureur.

Au cours d'un débat de la Chambre des communes qui portait sur la sécurité nationale, Ron Basford, ex-ministre de la Justice, a déclaré en 1978:

Lorsqu'il doit prendre une décision à propos d'une question aussi délicate que celle-là, le procureur général a le droit de demander des renseignements et des conseils à d'autres, mais il ne doit certainement pas obéir aux directives de ses collègues du gouvernement ou du Parlement lui-même.

M. Basford a ensuite ajouté que le procureur général est comptable de ses décisions auprès du Parlement. À ce sujet, le professeur Edwards a affirmé dans sa fameuse étude qui remonte à 1980:

... la décision ultime en matière de poursuite revient au premier responsable de notre système judiciaire. Ce dernier principe recoupe deux propositions pertinentes: premièrement que le procureur général doit assumer la responsabilité personnelle des décisions qu'il prend ou des décisions qui sont prises en son nom par ses représentants et, deuxièmement, que la doctrine de la responsabilité ministérielle ne devrait pas être invoquée pour faire porter à l'ensemble du gouvernement le poids des décisions relatives aux poursuites au criminel.

Je le répète. L'indépendance dont jouit le procureur général pour assumer ce double rôle s'accompagne d'une responsabilité personnelle envers le Parlement. Cette responsabilité personnelle découle des pouvoirs que peut exercer le procureur général en vertu de la prérogative royale. L'incapacité de certains ministres de la Justice de faire la distinction entre ces deux portefeuilles distincts mais fusionnés au Canada a d'ailleurs contribué à régler leur sort. Il suffit de penser à Lucien Rivard et et à la démission du ministre de la Justice Guy Favreau.

Honorables sénateurs, l'enquête dont M. Mulroney fait l'objet est liée à l'exercice des pouvoirs discrétionnaires du procureur général en matière de poursuites au criminel. Il revient au procureur général et non au Cabinet ni au gouvernement d'accepter la pleine responsabilité de ces pouvoirs. En refusant de le faire, il mine la doctrine du gouvernement responsable ainsi que la fonction de procureur général, dont les pouvoirs lui sont conférés par la Couronne, et non pas une loi ou les principes de la common law, et découlent de la prérogative royale.

John Crosbie, ministre de la Justice dans le gouvernement Mulroney, a rédigé un article publié dans le Globe and Mail du8 janvier 1996 et intitulé «John Crosbie sur l'affaire Airbus: de sordides rumeurs» M. Crosbie y abordait directement la question de la responsabilité ministérielle du procureur général, en tant que juriste de la Couronne, lorsqu'il a déclaré:

À en croire M. Rock, il n'a aucune autorité sur son ministère et ne veut pas être tenu responsable des gestes posés par ses propres fonctionnaires, malgré les règles et les conventions relatives au gouvernement de Cabinet et à la responsabilité ministérielle.

M. Crosbie lui-même, lorsqu'il était ministre de la Justice et procureur général, avait renforcé la marche à suivre pour informer des ministres des enquêtes risquant de toucher au Cabinet et au Parlement. L'avocat torontois, Edward Greenspan, a cherché à jeter le discrédit sur M. Crosbie dans leGlobe and Mail du 22 janvier 1996, dans un article intitulée: «Le ministre de la Justice, M. Rock, a agi comme il fallait dans l'affaire de l'Airbus». Dans son enthousiasme, M. Greenspan, à l'instar de bien des avocats, a oublié la doctrine de la responsabilité ministérielle et les devoirs du ministres. Point intéressant à signaler, M. Rock venait d'élever un associé de M. Greenspan à la magistrature. Voici ce que le ministre annonçait dans son communiqué en date du 13 décembre 1995:

Marc Rosenberg, de Toronto, est nommé juge à la Cour d'appel de l'Ontario. Il va occuper un poste nouvellement créé[...]. Il pratique le droit criminel [...] à l'étude connue sous le nom de Greenspan, Rosenberg et Buhr.

Un autre avocat de Toronto, Clayton Ruby, s'est aussi empressé d'appuyer M. Rock, dans le Globe and Mail du17 janvier 1996. Lui non plus ne tient aucun compte de la responsabilité ministérielle.

Honorables sénateurs, dans son communiqué du 8 août 1996, M. Rock a annoncé que six avocats seraient engagés comme témoins-experts dans l'affaire Mulroney, dont un ancien associé de Clayton Ruby, Michael Code. Je rappele aux sénateurs les propos de M. le juge Peter Cory au sujet des avocats Michael Code, Clayton Ruby et Morris Manning, dans le jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Casey Hill c. Morris Manning et l'Église de scientologie de Toronto. Le juge Cory a écrit ceci, au sujet de l'Église de scientologie et de ses avocats:

[...] leur conduite tout au long de cette affaire ne peut être qualifiée que de brutalement arbitraire, d'extrêmement arrogante et de rebelle. On semble s'être continuellement et sciemment efforcé d'intensifier et de poursuivre ses attaques contre Casey Hill sans se préoccuper le moindrement de la vérité.

Les 23 novembre 1995 et 26 mars 1996, j'ai parlé de cela au Sénat à propos des fausses allégations dans les poursuites judiciaires.

Honorables sénateurs, le Parlement doit contrôler les dépenses publiques. Lors de son étude du Budget des dépenses, le comité sénatorial permanent des finances nationales a entendu le témoignage du sous-ministre de la Justice, George Thomson, le 23 octobre 1996. Les sénateurs lui ont posé des questions sur les dépenses engagées dans la poursuite intentée contre Mulroney. George Thomson a dit ceci:

Il serait très incorrect dema part, en tant que sous-procureur général, de parler publiquement du déroulement d'un procès, qu'il soit civil ou criminel.

Ces remarques sont incroyables et méprisantes. Après nous avoir plongés dans un procès inopportun et coûteux, le ministère est d'avis qu'il ne doit pas répondre parce que les tribunaux sont saisis de l'affaire. Je me suis enquise des sommes que le ministère de la Justice a dépensées pour cette poursuite et des honoraires qui ont été versés aux avocats, notamment à Michael Code et à Claude Armand Sheppard. En réponse, M. Thomson a dit:

Je puis vous dire que, jusqu'ici, on a dépensé 720 000 $. Le montant versé jusqu'ici à des mandataires est de 532 000 $.

Comme j'ai insisté à nouveau sur la somme versée à M. Sheppard, M. Thomson a dit ceci:

L'étude doint il fait partie - et je crois que d'autresw avocats que M. Sheppard travaillent à cette affaire - avait rcçu, à la fin de décembre, 318 963 $

J'ai encore une fois insisté sur la somme versée à Michael Code. George Thomson s'est contenté de dire que les témoins experts, y compris Michael Code, ont reçu 66 000 $. Il n'a pas fourni de ventilation.

Honorables sénateurs, j'ai posé des questions sur les liens entre George Thomson et Michael Code et sur l'embauche de ce dernier. George Thomson a dit qu'ils avaient tous les deux été sous-ministres adjoints du procureur général de l'Ontario. Ces deux avocats sont responsables de l'entente catastrophique de négociation de plaidoyers conclue en 1993 dans l'affaire Karla Homolka sous le procureur général Marion Boyd, du gouvernement néo-démocrate du premier ministre Bob Rae. Le Parlement doit se pencher sur la qualité des conseils donnés au gouvernement dans la poursuite intentée par Mulroney ainsi que sur les dépenses qui en découleront.

(1700)

Honorables sénateurs, le procureur général représente la Couronne. Dans les enquêtes et les poursuites criminelles, la responsabilité du procureur général est personnelle et non collective, ni par sa nature ni en pratique. Dans l'exercice de sa discrétion indépendante en matière de poursuite, le procureur général est responsable au Parlement. En ce qui concerne le rôle constitutionnel de la responsabilité du procureur général envers le Parlement ainsi que la capacité du Parlement de demander des comptes au procureur général, le professeur Edwards, dans la même étude qui a paru en 1980, a écrit ce qui suit:

Il est malheureux que cet aspect du rôle constitutionnel du procureur général n'a pas reçu toute l'attention qu'il mérite de la part des parlementaires et des constitutionnalistes.

Le professeur Edwards a jugé les parlementaires en ces termes:

L'endroit où il convient de mettre en doute le jugement du procureur général dans un cas particulier est la Chambre des communes. Le fait que ce forum et son équivalent dans les provinces se soient montrés peu enclins à mettre en doute des décisions discutables des avocats de la Couronne est indéniable.

Honorables sénateurs, cette terrible cause à laquelle M. Mulroney est partie l'affaire Airbus constitue un exemple frappant des effets catastrophiques qu'entraînent la réticence du Parlement à demander des comptes au procureur général et son refus de le faire, et montre que nombreux sont ceux au sein du gouvernement et du Parlement qui sont prêts à rejeter la doctrine de la responsabilité ministérielle et du gouvernement responsable. La justice en tant que telle et la confiance du public en l'administration de la justice sont en danger si le Parlement renonce à demander des comptes au ministre de la Justice et au procureur général.

Dans mon discours du 2 février, j'ai déclaré que le Parlement du Canada avait le devoir ou bien d'exonérer M. Mulroney ou de le mettre en accusation. En fait, j'ai exhorté le Parlement à émettre un acte d'accusation immédiatement. Je maintiens toujours cette position.

Que le poids et le trésor tout entiers de l'État aient été mobilisés contre un homme, qui est aussi un ancien premier ministre, sans la volonté du Parlement ni sa participation est une calamité pour nous tous. C'est une tragédie pour la démocratie parlementaire au Canada et une manifestation de la méchanceté humaine.

Je presse les sénateurs de faire en sorte que le Sénat soit saisi de cette question et qu'il exerce ses pouvoirs judiciaires et d'enquête en cette matière.

(Sur la motion du sénateur LeBreton, le débat est ajourné.)

La délégation parlementaire à Taiwan

Interpellation-L'ajournement du débat

L'honorable Lorna Milne, conformément à l'avis donné le 11 décembre 1996:

Qu'elle attirerait l'attention du Sénat sur le rapport de la délégation de parlementaires canadiens à Taiwan.

- Honorables sénateurs, du 8 au 13 octobre dernier, le sénateur Ethel Cochrane et moi-même faisions partie de la délégation de six parlementaires qui avait été invitée à Taiwan pour assister aux célébrations du 85e anniversaire.

Puisqu'il n'y a pas de relations diplomatiques officielles entre le Canada et Taiwan, nous étions les invités de l'association nationale chinoise de l'industrie et du commerce, et de son président, M. Jeffrey L.S. Koo.

Nous voulions profiter de ce voyage pour rencontrer des porte-parole taiwanais du monde politique, du gouvernement et du monde des affaires et discuter avec eux.

Avant de quitter le Canada, la délégation avait assisté à des séances d'information animées par des fonctionnaires du ministère canadien des Affaires étrangères et par le représentant Fang et d'autres membres du Bureau économique et culturel de Taipei.

Dès notre arrivée à Taipei, nous avons assisté à une séance d'information animée par le directeur des services fonctionnels du Bureau commercial canadien à Taipei. Tous ces gens ont été extrêmement aimables et nous ont donné d'excellents renseignements. Grâce à l'information que nous avons reçue d'eux nous avons été beaucoup mieux en mesure de profiter de ce voyage pour améliorer la position du Canada à Taiwan.

Nous disposions également d'une volumineuse documentation préparée par la Bibliothèque du Parlement et la Chambre de Commerce du Canada.

Nous avons rencontré le président Lee Teng-hui et assisté aux cérémonies de la fête nationale. Nous avons aussi assisté à des séances distinctes avec de hauts fonctionnaires des ministères taiwanais de la protection de l'environnement, des affaires étrangères, de la planification économique et du développement, et des affaires économiques.

Nous avons eu une réunion avec l'association nationale chinoise de l'industrie et du commerce. C'était là une excellente occasion de discuter avec des personnalités en vue du monde des affaires de Taiwan. Nous avons aussi visité le collège universitaire Tamsui Oxford et l'école secondaire MacKay, qui ont été fondées par un missionnaire presbytérien du comté d'Oxford, en Ontario, M. George Leslie MacKay.

Nous nous sommes félicités de la présence d'une délégation canadienne à la fête annuelle de la Feuille d'érable offerte par le Bureau du commerce canadien à Taipei. Cette rencontre nous a permis à tous et chacun de discuter de commerce avec de nombreux entrepreneurs canadiens et américains qui font des affaires à Taiwan.

Les membres de la délégation ont également pris le temps de visiter la foire internationale de l'électronique de Taipei. Nous avons été impressionnés par l'importance technologique et économique des pays asiatiques du bassin du Pacifique.

Une des choses qui nous ont le plus impressionnés durant notre visite est la compétence énorme des dirigeants politiques et des fonctionnaires que nous avons rencontrés. Ils ont été très impressionnants, tout comme les fonctionnaires du présumé «Bureau commercial canadien» là-bas. Nos pseudo-diplomates sont des gens dévoués et professionnels, qui ont communiqué avec nous depuis notre retour pour nous transmettre des renseignements supplémentaires et nous mettre en rapport avec d'autres personnes-ressources. Je me suis demandé si l'absence de fonctions diplomatiques ne permettait pas à ce groupe de jeunes personnes dévouées et enthousiastes d'accorder une attention considérable aux entreprises et au commerce, une approche qui pourrait peut-être se révéler utile au Canada dans d'autres pays.

Je voudrais parler brièvement de la raison de notre visite, à savoir accroître les échanges commerciaux entre le Canada et Taiwan. Nous avons trouvé plusieurs façon de le faire, notamment dans le domaine de l'éducation. Bon an mal an, plus de 5 500 étudiants taiwanais font des études supérieures au Canada. Les frais de scolarité qu'ils paient constituent une source majeure de revenu pour nos universités. Ces étudiants enrichissent par leur présence l'expérience d'apprentissage des étudiants canadiens.

Dans le secteur des transports, la compagnie aérienne Great China de Taiwan est le plus important acheteur de Dash-8. Ce transporteur aérien a déjà acquis 15 de ces appareils et envisage d'en acheter huit de plus.

Dans le domaine de l'environnement, nous avons signé un protocole d'entente sur l'environnement avec Taiwan. Le Canada aura au moins huit kiosques à la cinquième exposition annuelle Enprotech, la plus importante foire commerciale sur l'environnement du Sud-Est asiatique, qui se tiendra en février et mars 1997. Trois des douze exposés faits à des séminaires seront donnés par des Canadiens.

Dans le domaine des télécommunications, Northern Telecom a actuellement un contrat de 100 millions de dollars pour l'installation du système de téléphone cellulaire de Taiwan.

Dans le domaine des aliments, le Canada est un chef de file mondial. Il a des produits alimentaires de grande qualité, des aliments sains comme le canola, le boeuf et les fruits de mer, qui ont beaucoup de succès sur le marché de Taiwan. J'ai pu établir des contacts entre plusieurs producteurs canadiens de viande d'autruche et d'émeu et des commerçants taiwanais, par l'intermédiaire de notre bureau commercial. Aujourd'hui, j'ai reçu la confirmation que ces producteurs approvisionnent maintenant des hôtels cinq étoiles de Taiwan.

Dans le domaine du tourisme, le Canada est l'une des destinations préférées des Taiwanais. Plus de 125 000 d'entre eux nous visitent chaque année, et ce nombre augmente sans cesse. Chacun de ces visiteurs dépense en moyenne 7 000 $ US durant son séjour au Canada. Ce sont des touristes qui dépensent le plus au Canada.

Comme c'est une occasion d'affaires très intéressante pour le Canada, j'ai fait une liste des entreprises de Taiwan qui envoient actuellement des touristes au Canada. Cela se trouvait dans le document que j'ai déposé l'autre jour. Taiwan cherche à développer ses échanges commerciaux avec le Canada sur le plan touristique. J'ai fait parvenir cette liste à tous les députés de la région du Grand Toronto et de la péninsule du Niagara. Je l'ai aussi envoyée à plusieurs organisateurs de voyages des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon. J'en ai discuté avec deux grandes chaînes d'hôtels pour tenter de faire augmenter le tourisme au Canada en provenance de Taiwan. Je rappelle à mes collègues que les Taiwanais sont de fins entrepreneurs et que le tourisme est souvent le prélude à des investissements commerciaux et des occasions d'affaires.

(1710)

Dans l'ensemble, honorables sénateurs, le voyage en a valu la peine et a été instructif. Notre visite a été courte, mais nous avons vraiment fait une contribution utile pour le développement des relations commerciales de nos deux pays.

Je veux encore une fois rendre hommage au talent remarquable dont fait preuve le personnel de notre bureau commercial, à Taipei. Je veux aussi profiter de l'occasion pour remercier tout ceux qui, au Canada et à Taiwan, ont contribué à faire un succès de ce voyage.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai quelques questions à poser au sénateur Milne.

Le sénateur a mentionné qu'il s'agissait d'un groupe de parlementaires. Cette association n'est pas reconnue par le Sénat, ni par la Chambre des communes. Elle n'est donc pas reconnue par le ministère des Affaires étrangères.

Au Canada, nous avons la liberté de mouvement. Lorsque je parle des Chinois, je ne veux pas dire les Taiwanais. Les Chinois doivent comprendre que, au Canada, nous avons la liberté de mouvement et la liberté d'organisation. Nous avons la liberté d'association.

Si des députés ou sénateurs veulent s'associer à un groupe en particulier, ils ont le droit de le faire. Cela ne veut pas dire pour autant que leur association est reconnue officiellement par le Parlement.

Par exemple, j'ai participé activement à l'association Canada-Cuba, qui n'était pas reconnue à l'époque, bien qu'elle le soit maintenant.

Madame le sénateur a mentionné qu'elle était l'un des six membres de la délégation canadienne. Je la félicite pour les efforts qu'elle a faits à Toronto et dans la région du Niagara. Elle doit comprendre que je suis un peu égoiste, venant du Québec, et je voudrais donc savoir quel membre de la délégation je dois impressionner. Est-il possible d'avoir les noms des membres de la délégation qui ont accompagné le sénateur? Nous saurions alors à qui nous adresser si nous avions besoin de renseignements supplémentaires.

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, le sénateur Prud'homme a tout à fait raison. Nous étions une délégation de parlementaires canadiens, ce que j'ai signalé dans la première partie de mes remarques. C'est pourquoi j'ai insisté sur le fait qu'il n'y a pas de relations officielles entre le Canada et Taiwan. Si le sénateur Prud'homme veut une copie de la liste des groupes de touristes intéressés à venir visiter diverses régions du Canada, je vais certainement lui en donner une. J'ai examiné cette liste et j'ai relevé les groupes qui étaient intéressés à visiter les Territoires du Nord-Ouest et le Nord canadien. J'ai transmis ces renseignements aux gens qui s'occupent d'organiser des excursions dans le Nord. J'ai aussi relevé les groupes intéressés à visiter la région de Toronto et celle du Niagara et j'ai transmis ces renseignements aux personnes qui organisent des excursions dans dans ces régions. Je me ferai un plaisir de relever les groupes qui sont intéressés à visiter le Québec et à transmettre ces renseignements au sénateur.

Le sénateur Prud'homme: Avec quels députés et sénateurs, le sénateur a-t-elle voyagé?

Le sénateur Milne: Peter Adams était notre chef de groupe. Le sénateur Cochrane, Jag Bhaduria, John Finlay, député d'Oxford, Peter Thalheimer, député de Timmins-Chapleau, et moi-même faisions partie de la délégation.

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, je voudrais ajouter quelques mots au compte rendu du sénateur Milne sur la visite de notre délégation à Taiwan.

J'ai également trouvé que nos rencontres avec les législateurs, les fonctionnaires et les entrepreneurs taiwanais ont été des plus fructueuses et instructives. J'ai été impressionnée par les diverses possibilités de commerce et d'investissements que les entreprises canadiennes devraient explorer avec Taiwan, particulièrement dans le secteur des technologies environnementales, un vaste secteur en pleine croissance.

Les diverses réunions, conférences et foires commerciales qui auront lieu l'an prochain au Canada, qui sera l'hôte de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique, nous donneront une chance unique de cultiver ces liens commerciaux.

J'ai été également impressionnée d'apprendre qu'un très grand nombre de jeunes Taiwanais viennent au Canada chaque année pour étudier dans nos collèges et universités. Ces jeunes contribuent à la fois à stimuler le milieu intellectuel de nos établissements d'enseignement et à établir des liens culturels importants entre nos deux pays.

Enfin, comme le sénateur Milne, j'ai été frappée par le nombre de touristes taiwanais qui viennent visiter notre beau pays. On s'attend à ce que le volume élevé de touristes en provenance de Taiwan, plus de 125 000 visites par année, continue de s'accroître. Cela nous donne une belle occasion de promouvoir des destinations touristiques canadiennes autres que la côte ouest de la Colombie-Britannique, qui est l'endroit où tous ces touristes atterrissent normalement. Cette province est la région que ces touristes connaissent tous et ont tous visitée. Nous devons continuer d'aller au-delà de la Colombie-Britannique et de promouvoir d'autres belles régions de notre pays.

En résumé, notre délégation a trouvé d'énormes possibilités pour le développement de liens productifs et mutuellement avantageux entre Taiwan et notre pays, le Canada.

(Sur la motion du sénateur Prud'homme, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 18 décembre 1996, à 13 h 30.)

 


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