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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature,
Volume 137, Numéro 37

Le mercredi 11 février 1998
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 11 février 1998

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

 

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Sénat

Les présences à la séance d'hier

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, je suis heureuse de constater la présence de journalistes à la tribune aujourd'hui. À titre de présidente du caucus libéral au Sénat, de sénateur et d'ancienne journaliste, il me fait plaisir de voir qu'on s'intéresse à notre travail.

Comme nous le savons, il y a 104 sièges au Sénat. Il y en a actuellement quatre qui sont vacants. Des 100 sénateurs en exercice, 75 étaient présents en cette Chambre hier et onze autres siégeaient au comité sénatorial permanent des banques et du commerce. C'est donc dire qu'il y avait 86 sénateurs présents hier, ce qui représente 86 p. 100 de l'effectif total. Ce chiffre est loin des 60 p. 100 rapportés par certains journalistes ce matin. Je voulais simplement faire cette mise au point.

[Français]

 

Télécommunications

La compagnie Rogers-Augmentation injustifiée des frais de services

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je suis affecté par une maladie qui prend du temps à guérir, mais cela va venir.

Je voudrais remercier tous ceux d'entre vous qui m'ont témoigné leur sympathie soit par lettre, téléphone ou encouragement personnel, m'aidant ainsi à passer à travers ces années très difficiles.

Cette maladie qui m'accable depuis près de deux ans me semble sous contrôle. Comme vous le voyez, il y a des améliorations. On m'a bien averti que la convalescence serait longue et j'ai l'intention d'y travailler avec vigueur et constamment.

Le but de mon intervention aujourd'hui, honorables sénateurs, est de vous sensibiliser à ce que je considère une situation inadmissible et injustifiable.

La compagnie Roger's Cable va imposer une augmentation inacceptable et sans appel à tous ses abonnés. Le truc est simple, tous les abonnés de canaux spécialisés devront subir une augmentation de deux dollars par mois.

On se trouve donc à faire subir une augmentation injustifiée des frais de service du câble.

Pour dorer la pilule, Rogers peut suspendre cette augmentation pour un an si l'abonné souscrit à un nouveau groupe de programmes que la compagnie a baptisé MeTV. Ce nouveau service, qui s'ajoute au canaux spécialisés déjà en place, coûte 35,75 $. Si l'on fait le calcul, il en coûtera environ quatre dollars pour éviter de payer une augmentation de deux dollars. Rogers n'y perd absolument rien au change.

Pour le consommateur, il s'agit d'un non-choix: ou il prend le MeTV et il subit l'augmentation de quatre dollars ou il ne le prend pas, auquel cas il lui en coûte deux dollars par mois.

Comme vous le savez, le monopole Rogers éprouve présentement de graves problèmes financiers, et c'est en imposant une taxe additionnelle sur le dos des contribuables qu'il espère s'en sortir.

De plus, vous remarquerez qu'un seul poste francophone sera offert dans cette grille MeTV, soit le Canal Famille.

J'ai écrit à M. Ted Rogers et également à Mme Françoise Bertrand, présidente du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, pour protester et demander le retrait immédiat de cette augmentation. Il est inadmissible et répréhensible qu'un monopole tel que Rogers Cable puisse taxer a posteriori.

Qui protège les consommateurs?

On nous a appris récemment que la ministre responsable de ce dossier, Mme Sheila Copps, s'en lave les mains. Elle n'interviendra pas dans le dossier non plus. À qui le consommateur peut-il se fier pour le protéger? À qui doit-on s'adresser?

 


[Traduction]

(1340)

AFFAIRES COURANTES

Privilèges, Règlement et procédure

Le sénateur Andrew Thompson-Présentation et examen du deuxième rapport du comité-motion d'amendement et motion de sous-amendement-Ajournement du débat

L'honorable Shirley Maheu, présidente du comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, présente le rapport suivant:

Le mercredi 11 février 1998

Le comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure a l'honneur de déposer son

 

DEUXIÈME RAPPORT

Le 16 décembre 1997, le Sénat a ordonné au sénateur Andrew Thompson d'être présent au Sénat à la reprise des travaux en février 1998, à la suite du congé de Noël. Une lettre au greffier du Sénat, datée du 18 décembre et renfermant une copie certifiée conforme de l'ordre en question, a été remise en mains propres au sénateur Thompson.

À la suite du congé de Noël, le Sénat a repris ses travaux le mardi 10 février 1998 à 14 heures. Le sénateur Thompson n'était pas à sa place à ce moment-là et le registre des présences ne porte aucune mention de sa présence au cours de la séance.

En application de l'ordre du Sénat du 16 décembre, le sénateur Thompson ne s'étant pas présenté au Sénat, la question de son absence prolongée est soumise au comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, qui statuera si cette situation constitue un outrage au Sénat. Le comité doit rendre compte de ses conclusions, accompagnées éventuellement de recommandations, dans un délai de deux semaines après avoir été saisi de la question.

Le comité s'est réuni le 10 février 1998, à l'issue de la séance, pour examiner la question.

À première vue, désobéir à un ordre du Sénat semblerait constituer un outrage au Parlement. Mais avant de statuer définitivement sur son cas, votre comité estime que le sénateur Thompson devrait être entendu. Cela est conforme aux traditions du Sénat et s'inspire du souci de donner au sénateur la possibilité de fournir des explications ou toute précision utile et d'expliquer en quoi ses actions ne constituent pas un outrage au Sénat.

Comme seul un ordre du Sénat peut obliger un sénateur à comparaître devant un comité (Erskine May, 21e édition, p. 629), votre comité recommande, par l'adoption de ce rapport:

Qu'il soit ordonné à l'honorable sénateur Andrew Thompson de se présenter devant le comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, à sa prochaine réunion, qui doit se tenir le mercredi 18 février 1998, à 19 heures à la pièce 160-S.

Respectueusement soumis,

 

La présidente,
SHIRLEY MAHEU

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

Le sénateur Maheu: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)g) du Règlement, je propose: Que le rapport soit adopté maintenant.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, en écoutant les nouvelles de la SRC, ce matin, j'ai entendu une entrevue avec le sénateur Rompkey où il était question de ce rapport. Le sénateur Rompkey a dit qu'il s'agissait d'une question juridique et constitutionnelle et que nous devions agir très prudemment. Il a aussi dit que le sénateur Thompson «s'en irait». Comment un sénateur peut-il annoncer publiquement la décision d'un comité et la sanction qui sera imposée avant que le comité ait même tenu son audience? Les constitutionnalistes disent que cette sanction est inapplicable. Est-ce seulement le sénateur Rompkey qui présume des conclusions du comité, ou le comité a-t-il pris une décision avant de tenir son audience?

Deuxièmement, on rapporte que le greffier du Sénat a dit que le sénateur Thompson avait présenté au Sénat, à l'automne, un rapport de son médecin disant que, pour les six mois à venir, le sénateur ne serait pas suffisamment en bonne santé pour assister aux séances du Sénat. Tout autre sénateur gravement malade a pu employer cette procédure par le passé. Le comité ou le Sénat conteste-t-il maintenant l'opinion du médecin du sénateur Thompson? Préfère-t-on croire un journaliste qui a vu le sénateur Thompson en train de prendre une marche avec son chien et qui a ainsi conclu que le sénateur était en bonne santé? C'était là le diagnostic d'un journaliste.

Y a-t-il d'autres sénateurs qui ont obtenu un congé de maladie dans des conditions semblables sur la foi d'un rapport médical? Le comité ou le Sénat conteste-t-il la validité de leurs rapports médicaux et, sinon, pourquoi pas?

(1350)

Le sénateur Maheu: Honorables sénateurs, le comité n'a pas pris de décision. Dix-sept sénateurs ont siégé hier soir et ont entendu les possibilités et les ramifications juridiques afin de déterminer si nous avions le droit d'agir de la sorte et s'il y avait outrage au Sénat. La question que nous avons débattue hier soir et la raison d'être de notre lettre n'est pas l'absentéisme, mais l'outrage au Sénat. Nous nous penchons seulement sur ce point, bien que l'ordre de renvoi du Sénat au comité aille un peu plus loin.

Nous n'avons pas contesté le rapport du médecin. Je pense qu'aucun membre du comité ne le mettrait en doute. Nous n'en avons pas parlé. Des rapports médicaux ont été portés au dossier, mais nous ne les avons pas contestés hier soir. Nous ne mettons pas en doute leur véracité et, autant que je le sache, personne d'autre n'est mis en cause soit par le comité de la régie interne soit par le comité du Règlement. À ma connaissance, il n'existe pas d'autre sénateur dans cette catégorie.

Le comité demande seulement au sénateur Thompson de venir nous expliquer pourquoi il ne s'est pas présenté, pourquoi il n'obéit pas à un ordre du Sénat, pourquoi il n'a pas répondu au courrier que nous lui avons envoyé, bien qu'il lui ait été remis en main propre accompagné d'une lettre notariée.

Est-ce que cela répond à vos questions?

Le sénateur Lawson: La réponse se trouve-t-elle dans la lettre du médecin?

Le sénateur Maheu: Nous l'ignorons.

Le sénateur Lawson: Le médecin a dit qu'il n'était pas bien et qu'il ne pourrait se présenter d'ici six mois à compter du mois de novembre.

Le sénateur Maheu: Cela n'a rien à voir avec un outrage au Sénat.

Le sénateur Lawson: Qu'est-ce qui permet de déterminer qu'il y a outrage au Sénat?

Le sénateur Maheu: C'est ce que nous sommes en train d'étudier.

 

Motion d'amendement

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, appuyé par l'honorable sénateur Stratton et bon nombre d'autres sénateurs de ce côté-ci, je désire proposer l'amendement suivant:

Que le rapport soit modifié en supprimant tout le texte qui suit le deuxième paragraphe et en le remplaçant par ce qui suit:

Que le sénateur Andrew Thompson soit immédiatement expulsé du Sénat et qu'aucune somme ne lui soit plus versée, tant au titre de son indemnité de session que de son indemnité de dépenses imprévues.

Le sénateur Lynch-Staunton: Voilà qui devrait régler la question.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Ghitter, appuyé par l'honorable sénateur Stratton, propose:

Que le rapport du comité soit modifié en supprimant tout ce qui suit le préambule et en le remplaçant par ce qui suit:

Que le sénateur Andrew Thompson soit immédiatement expulsé du Sénat et qu'aucune somme ne lui soit plus versée, tant au titre de son indemnité de session que de son indemnité de dépenses imprévues.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

Le sénateur Ghitter: Honorables sénateurs, je voudrais parler de l'amendement, si vous me le permettez. Je ne fais pas cette démarche à la légère ou sans prendre en considération la nature très sérieuse de la motion. En fait, je crois que la mesure proposée constitue un précédent au Sénat.

Je n'ai jamais rencontré le sénateur Thompson et ceux d'entre nous qui le connaissent m'ont dit qu'il est une personne très agréable et courtoise. Il n'en demeure pas moins qu'il a nui à la réputation du Sénat, a ignoré l'ordre du Sénat et a outrageusement abusé de ses privilèges en tant que sénateur.

Je voudrais tout d'abord parler des dispositions juridiques qui permettent au Sénat d'expulser un de ses membres.

L'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 stipule:

Les privilèges, immunités et pouvoirs que posséderont et exerceront le Sénat et la Chambre des communes et les membres de ces corps respectifs, seront ceux prescrits de temps à autre par loi du Parlement du Canada; mais de manière à ce qu'aucune loi du Parlement du Canada définissant tels privilèges, immunités et pouvoirs ne donnera aucuns privilèges, immunités ou pouvoirs excédant ceux qui, lors de la passation de la présente loi, sont possédés et exercés par la Chambre des Communes du Parlement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande et par les membres de cette Chambre.

Au sujet de l'expulsion, Beauchesne indique ce qui suit au commentaire 47, page 16 de la sixième édition:

Il ne fait aucun doute que la Chambre est investie du droit d'exclure un député pour tel motif qu'il juge valable, sans préjudice cependant du droit de l'intéressé [...]

... dans le cas d'un député, ...

 

[...] de se présenter de nouveau et de se faire réélire.
Il est ensuite question de deux occasions dans l'histoire de la Chambre des communes qui ont donné lieu à des expulsions. La plupart d'entre nous avons entendu parler du cas de Louis Riel et ceux qui connaissent l'histoire de la Nouvelle-Écosse savent qu'il y a eu une expulsion à l'assemblée législative de la province.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que le Sénat a le pouvoir d'expulser un de ses membres. La mesure ne doit pas être prise à la légère ni à des fins politiques. Je suis d'avis qu'il s'agit d'un dernier recours qui ne s'applique que dans des circonstances bien particulières. D'après moi et selon la motion que je parraine, nous sommes confrontés à une telle situation aujourd'hui.

Je m'explique. J'ai sous les yeux le registre des présences de l'honorable Andrew Thompson pour les années 1980 à 1997. Jusqu'en 1984, le nombre de ses présences est raisonnable. Je ne prétends pas que tous les sénateurs peuvent être au Sénat tout le temps, ni qu'ils doivent y être. Il est bon que nous soyons présents dans nos collectivités. La perfection n'existe pas au chapitre de l'assiduité. Toutefois, après avoir examiné le registre du sénateur depuis 1985, on ne peut que conclure à un manque total d'assiduité: en 1985, 0 p. 100; en 1986, 2,70 p. 100; en 1987, 0 p. 100; en 1988, 1,11 p. 100; en 1989, 0 p. 100; en 1990, 7,47 p. 100; en 1991, 0 p. 100; en 1992, 0 p. 100; en 1993, 0 p. 100; en 1994, 1,61 p. 100; en 1995, 4,16 p. 100; en 1996, 1,49 p. 100; en 1997, 2 présences sur 66 séances, ou 3,03 p. 100. C'est une honte. Cette situation tourne le Sénat en ridicule et le sénateur devrait sûrement démissionner.

Sur la question de savoir si ce sénateur devrait siéger, je suis d'avis que le comportement d'Andrew Thompson ternit la réputation et perturbe les travaux du Sénat du Canada. Il suffit pour s'en convaincre - et vous avez tous lu les journaux - d'écouter ce que les Canadiens ont à dire du Sénat. Bien sûr, la population n'a pas toujours été flatteuse à l'endroit du Sénat. Ce n'est pas une institution parfaite qui a une parfaite réputation. Non, ce n'est pas le cas. Toutefois, le sénateur Thompson, en agissant comme il le fait et en se moquant du Sénat - et je reviendrai là-dessus dans un moment - est la bête noire qui a jeté le discrédit sur cette institution et ses travaux. Nous tous ici qui croyons en la valeur du Sénat, nous ne pouvons ni ne devons laisser faire pareille chose sans réagir.

Je voudrais faire consigner au compte rendu certains des points saillants de ce qu'on écrit au sujet du Sénat à cause des actions du sénateur Thompson. Pour commencer, en octobre 1997, le Ottawa Citizen annonçait en manchette: «Le champion absentéiste du Sénat veut garder son emploi». Le Citizen arborait en novembre de la même année la manchette suivante: «Recherché: le sénateur Thompson»:

M. Thompson, nommé au Sénat en 1967, a été expulsé du caucus libéral mercredi par le premier ministre Chrétien [...]

Bravo pour le premier ministre Chrétien!

Entre 1990 et cet automne, il a été présent un grand total de 12 fois sur 459 séances au cours des deux dernières législatures - à peine assez souvent pour toucher son salaire annuel de 64 000 $ plus une allocation de dépenses non imposable de 10 000 $.

Ensuite, le Edmonton Journal en novembre: «De longues absences attirent la honte sur le Sénat».

(1400)

L'éditorialiste écrivait:

Être nommé au Sénat canadien est un honneur national. Les sénateurs bénéficient d'un emploi garanti - jusqu'à l'âge de 75 ans, avec le traitement et les avantages que confère cette fonction officielle. En retour, les Canadiens devraient au moins pouvoir espérer une conduite honorable de la part de leurs sénateurs.

Et plus loin:

Le plus frustrant à propos du Sénat, c'est qu'un changement véritable - soit un Sénat élu ou son abolition complète - est impossible à cause de notre impasse constitutionnelle. Il semble que nous soyons condamnés à endurer cette institution embarrassante encore plusieurs années.

Cette impasse, cependant, ne devrait pas empêcher les sénateurs eux-mêmes de renforcer leur règlement. En s'imposant des normes plus sévères, ils pourraient faire comprendre que le Sénat n'est plus une sinécure. Ils pourraient même convaincre les Canadiens qu'il vaut la peine de préserver cette institution.

Voici ce qu'écrivait le Sun dans son édition du dimanche, sous le titre «Le sénateur gras-dur pousse la farce»:

Oui, le sénateur Thompson illustre à merveille tout le mal qu'on trouve à dire à propos de la chambre du second revenu assuré.

Et le Toronto Sun, sous le titre «Adios», écrivait:

Quant à son engagement au service des Canadiens, seul un cynique pourrait dire que la carrière d'absentéisme du sénateur Thompson n'a rien donné.

Au contraire, il a peut-être réussi à faire ce que des années de débats et d'interminables conférences constitutionnelles n'ont pas su faire - c'est-à-dire convaincre les Canadiens que le Sénat est une farce, une institution à refondre complètement ou, mieux encore, abolir.

Un journaliste du Ottawa Citizen, en reportage au Mexique, décrivait, dans un article coiffé du titre «Une visite chez le sénateur Thompson», la vie qu'y mène notre homme.

Il y a ensuite un long article du Globe and Mail, où le sénateur Thompson avoue: «Je me fiche complètement de ce qu'on peut dire à mon sujet.» Parlant ensuite du Sénat, il confesse le mépris que lui inspire l'institution. L'article rapporte ceci:

Il n'a pas grand-chose d'aimable à dire au sujet du Sénat [...]

... «il» désignant le sénateur Thompson ...

 

[...] qui, selon lui, a désespérément besoin d'être réformé. «C'est absurde, les discours pontifiants qu'on y tient... Il y règne une tristesse [...] Il pourrait tant faire pour venir en aide aux gens. On se croirait à la morgue.»
Ainsi parle le sénateur Thompson, et cela continue ainsi sur plusieurs paragraphes. Les honorables sénateurs ont sans doute tous lu cet article. Je pourrais continuer tout l'après-midi à lire ce qu'on dit au sujet du Sénat.

Cependant, honorables sénateurs, il ne s'agit pas uniquement de ce que les médias disent à propos du Sénat. Il y a aussi ce qu'en disent les gens de la rue. Il y a ce que nous entendons dire quand nous rentrons chez nous. Il y a les observations que nous font les gens, même de nos amis, qui nous disent en riant: «Que faites-vous ici? Pourquoi n'êtes-vous pas au Mexique?» Nous avons tous entendu ce genre de propos, et nous savons à quel point la situation est devenue humiliante, du point de vue de notre institution en laquelle nous croyons et au service de laquelle nous travaillons.

Que fait le sénateur Thompson? Le Sénat, par voie de motion, a décidé de lui demander de se présenter pour s'expliquer. Il se peut qu'il existe des circonstances atténuantes, que, malheureusement, cet homme soit dans un mauvais état de santé et qu'il ait des raisons valables pour ne pas s'être présenté. Le Sénat lui offre cette possibilité et, à la suite d'une résolution adoptée dans cette Chambre, on lui remet en main propre un document disant qu'un ordre du Sénat l'enjoint à s'y présenter à la reprise des travaux, en février. On lui remet ce document en main propre.

Honorables sénateurs, avons-nous eu des nouvelles du sénateur Thompson? S'est-il présenté hier? Avons-nous aperçu un avocat, un médecin, une lettre, ou quoi que ce soit? Alléguera-t-il qu'il n'a pas reçu le document, alors qu'il lui a été remis en main propre? Dira-t-il: «J'ignorais quand le Sénat reprendrait ses travaux. J'avais un document en main, mais il ne précisait pas le 10 février, de sorte que je ne le savais pas»? Cela est-il crédible? Bien sûr que non.

Que nous a fait notre collègue, le sénateur Thompson? Je n'emploierai pas le langage de la rue, mais disons simplement qu'il nous a fait un pied de nez. Il nous a lancé du sable au visage, et il dit que le Sénat est une morgue pour laquelle il éprouve du mépris, mais il n'est même pas ici pour y changer quoi que ce soit. Il se fiche du Sénat.

Honorables sénateurs, nous voilà aujourd'hui à parler en jargon juridique d'un autre ordre à lui remettre encore une fois. Nous disons: «Soyons justes; faisons tout cela.»

Je dis que trop, c'est trop. Il est temps que nous fassions preuve d'un peu de cran au Sénat. Nous devrions dire: «M. Thompson, c'est assez. Vous êtes expulsé. Vous n'abuserez plus des privilèges du Sénat et ne jetterez plus le discrédit sur lui.»

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de pouvoir autoriser la poursuite du débat, je dois demander un éclaircissement au sénateur Ghitter. Si je l'ai bien compris, lorsqu'il a présenté l'amendement, il a dit: «Après les deux premiers paragraphes...» Toutefois, la motion qu'il m'a envoyée par écrit se lit: «en supprimant tout le texte, sauf le préambule». Je dois savoir lequel est le bon.

Le sénateur Ghitter: Il y a eu de la confusion, en ce sens que je n'avais pas pris connaissance du texte, parce qu'il vient de m'être présenté. L'amendement porte sur ce que j'ai dit, et non sur ce qui est écrit. Tout le texte qui suit les deux premiers paragraphes devrait être supprimé et l'amendement que j'ai exposé devrait le remplacer.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que nous remplacions le texte que j'ai lu par celui que désire le sénateur Ghitter, soit «après les deux premiers paragraphes»?

Des voix: D'accord.

Recours au Règlement

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Dans l'amendement proposé par le sénateur Ghitter, une partie est sans objet puisque son indemnité de dépenses imprévues a déjà été supprimée. Le greffier pourrait peut-être préciser ce qu'il en est.

Son Honneur le Président: Y a-t-il d'autres observations sur le rappel au Règlement du sénateur Maheu?

Honorables sénateurs, je pense que le point du sénateur Maheu est valable. Pour simplifier la situation, supprimerons-nous la référence à l'indemnité de dépenses imprévues?

Des voix: D'accord.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Je pense que le sénateur Ghitter voulait inclure l'indemnité non imposable que les sénateurs reçoivent. Je pense que c'était son intention, pas le montant accordé pour la gestion du bureau. Il parlait des 10 000 $ que l'on appelle l'indemnité non imposable. Je pense que nous serions tous d'accord pour enlever ce qui existe et le remplacer par «tant au titre de son indemnité de session que de son indemnité non imposable.»

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, plutôt que de s'exposer à d'autres rappels au Règlement, pouvons-nous nous entendre pour remplacer «indemnité de dépenses imprévues» par «indemnité non imposable»? Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, on me dit que le temps accordé au sénateur Ghitter est expiré. On ne peut plus lui poser de questions sans la permission du Sénat. Permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Nous avons l'autorisation, allez-y.

L'honorable Paul Lucier: Honorables sénateurs, mon intention n'est certainement pas de défendre ici le sénateur Thompson ou son comportement. Je pense que son comportement jette le discrédit sur nous tous. Je ne pense pas que c'était nécessaire. Il habite Toronto, il aurait pu venir ici de temps à autre.

Néanmoins, honorables sénateurs, je n'aime pas la façon dont nous abordons la question. Nous n'arrêtons pas de faire allusion à l'assiduité du sénateur Thompson. Celui-ci a déposé auprès du greffier du Sénat de nombreux certificats médicaux en bonne et due forme. Hier soir, notre conseiller juridique, M. Audcent, a fait un excellent exposé devant le comité des privilèges, du Règlement et de la procédure, au cours duquel il a clairement fait remarquer que la Loi sur le Parlement du Canada dit bien, à propos de la présence au Sénat, que lorsqu'un sénateur a un certificat médical attestant qu'il est absent pour cause de maladie, les jours où il est absent sont considérés comme des jours de présence. Il n'est pas absent. Tous les jours d'absence pour lesquels le sénateur Thompson a fourni au Sénat et au greffier du Sénat un certificat médical en bonne et due forme attestant qu'il était absent pour cause de maladie sont considérés comme des jours de présence.

Honorables sénateurs, je ne veux pas intervenir sur la question d'outrage. Il n'est pas impossible qu'il y ait eu outrage. Si vous voulez aborder le problème sous cet angle, faites-le. Je suis d'accord, mais conformons-nous au Règlement. Conformons-nous à la Loi sur le Parlement du Canada qui stipule clairement que quand un sénateur est absent - c'est à dire qu'il ne se trouve pas à la Chambre ou là où l'on pense qu'il devrait être, et nous pensons qu'il aurait dû être ici hier - et qu'il a un certificat, il est considéré comme étant présent. C'est la loi. Ce n'est pas moi qui l'invente. M. Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire, nous l'a bien fait remarquer hier soir.

(1410)

Nous devrions faire très attention de ne pas dire n'importe quoi et de ne pas expulser le sénateur Thompson pour une chose dont il n'est pas coupable. Réprimandons le sénateur pour outrage si vous voulez, mais non pas pour être absent quand en fait il ne l'est pas.

L'honorable Marcel Prud'homme: Votre Honneur, un peu plus tôt, vous avez dit que le sénateur Ghitter avait épuisé tout le temps qui lui avait été accordé pour prononcer son discours et vous avez demandé le consentement du Sénat pour qu'on puisse lui poser une question. Les sénateurs en ont discuté entre eux. Je n'ai qu'une question à poser au sénateur Ghitter au sujet de son discours. Je croyais que nous avions obtenu le consentement du Sénat pour le faire.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'avais l'impression que l'honorable sénateur Lucier se levait pour poser une question. En fait, il se levait pour prononcer un discours, ce qui, en temps normal, empêche les sénateurs de poser d'autres questions. Je dois cependant reconnaître que le Sénat avait accepté qu'on pose des questions au sénateur. Si la Chambre y consent, la question pourra être posée. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, si j'ai bien compris, le sénateur Ghitter a déclaré qu'il existait des précédents à la Chambre des communes. Aurait-il l'amabilité de le répéter? Le seul précédent que j'aurais préféré ne pas mentionner dans le cadre de ce débat a trait à la façon dont l'affaire Louis Riel a été traitée et les raisons qui ont motivé le traitement qui lui a été réservé.

L'honorable sénateur pourrait-il me donner d'autres exemples afin que je puisse réfléchir davantage à la question? Je ne veux pas me lancer aujourd'hui dans un débat sur Louis Riel. Je ne suis pas assez en forme pour le faire, mais je serai prêt lorsque la question sera abordée.

L'honorable Ron Ghitter: Je ne compare pas Louis Riel au sénateur Thompson ou aux faits que nous connaissons aujourd'hui. Il existe un précédent légal concernant les expulsions.

Il y a eu d'autres cas du genre. Dans le Beauchesne, il est question de l'affaire Fred Rose survenue en 1946. Encore là, les faits étaient quelque peu différents. La Chambre des communes a le droit d'expulser un député. Beauchesne précise bien que la Chambre est investie du droit d'expulser un député pour tel motif qu'elle juge valable. Dans l'affaire Billy MacLean, c'est l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse qui a expulsé un député. De toute évidence, toute assemblée législative a le droit d'expulser un député pour tel motif qu'elle juge valable. Je ne compare pas la situation actuelle à celle de Louis Riel ou de Fred Rose, mais ce droit existe bel et bien. J'espère avoir répondu à la question de façon satisfaisante.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, cette question revêt de l'importance pour nous tous. Nous devrions par conséquent l'aborder de façon juste et transparente.

Je voudrais poser la question suivante à l'honorable sénateur Ghitter: Dans la sixième édition de Beauchesne, à la page 17, on dit:

Dans tous les cas où l'intégrité d'un député est mise en doute, l'accusation formulée doit viser un point précis. Le président ne peut permettre que le comité permanent des élections, des privilèges et de la procédure fasse enquête sur les actes et sur les déclarations d'un député en vue de présenter, d'une façon générale, un rapport sur ces points.

Comme condition préalable, il doit y avoir un processus et une accusation précise.

En outre, et je n'ai pas examiné cela en profondeur, l'article 31 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique dit que le siège d'un sénateur deviendra vacant s'il manque d'assister aux séances du Sénat durant deux sessions consécutives du Parlement, s'il prête un serment d'allégeance à une puissance étrangère ou s'il est déclaré en état de banqueroute ou de faillite. La disposition pertinente figure au paragraphe 4 qui dit:

S'il est atteint de trahison ou convaincu de félonie, ou d'aucun crime infamant;

Je pense que nous nous sommes laissés prendre. Je comprends les sentiments de tous les sénateurs. Nous nous sommes fait prendre à essayer de faire ce qui était juste et approprié. Je tiens à dire ceci à notre honorable collègue: pour ce qui est de la procédure, avons-nous formulé une accusation précise contre le sénateur Thompson et lui avons-nous donné l'occasion de répondre aux questions des sénateurs Lawson et Lucier? C'est ma question.

Le sénateur Ghitter: Honorables sénateurs, en ce qui concerne la citation au sujet des façons dont les sénateurs perdent automatiquement leur siège, l'article 31 dit:

Le siège d'un sénateur deviendra vacant dans chacun des cas suivants:

Si n'importe lequel de ces cas se produit, le siège devient vacant. Selon les avis juridiques que j'ai reçus, et j'ai discuté de cet article ce matin, on peut considérer que cette liste est exhaustive et qu'il n'y a aucun autre motif possible. Cependant, la meilleure interprétation de cet article réside dans l'article que j'ai cité, qui porte sur les privilèges, l'immunité et les pouvoirs détenus par les députés et les sénateurs et qu'ils tirent du Parlement britannique. Nous avons tous ces pouvoirs. Si le Parlement veut que la loi dise plus précisément que le siège d'un sénateur deviendra vacant dans tel ou tel cas, il peut agir en ce sens. Cependant, nos pouvoirs sont plus larges que cela.

C'est l'argument. Si je me trompe, j'invite alors le sénateur Thompson à soumettre la question à nos tribunaux. Je ne peux dire avec certitude que j'ai raison. Tout ce que je peux dire, c'est que selon les avis que j'ai reçus, nous avons ce pouvoir.

Le sénateur Grafstein: L'honorable sénateur a répondu à la deuxième partie de ma question, mais la première porte sur une accusation précise. En supposant que sa conduite soit vraiment tout à fait inacceptable, il se pose encore la question de l'application régulière de la loi et de la nécessité de donner à un sénateur la possibilité de répondre à une accusation précise. Je ne voudrais pas préjuger de mon vote là-dessus, mais je ne pense pas que le monde va s'arrêter de tourner si nous portons contre le sénateur Thompson une accusation précise et lui donnons une certaine période pour y répondre.

Je suppose que le comité a fait cela. Il lui a donné un bref délai pour répondre. Ce faisant, je crois que nous n'avons pas fait la chose qui s'imposait pour la mauvaise raison. Nous voulons faire ce qui s'impose pour la bonne raison. Arrêtez-vous sur la question de procédure un instant pour moi.

Le sénateur Ghitter: La Chambre peut trancher comme elle l'entend la question touchant la procédure. Si la Chambre décide qu'il faut donner un préavis et procéder de telle ou telle manière, rien ne l'empêche. Le Sénat est une des Chambres du Parlement. Si le Sénat en a assez de ce personnage et réprouve vivement sa conduite, comme c'est le cas de certains d'entre nous, nous pouvons le faire.

Si le sénateur Grafstein veut se montrer plus affable et plus indulgent envers ce monsieur, il peut lui envoyer un autre préavis. En tout cas, le sénateur Thompson s'est déjà moqué de nous. Il a déjà reçu notre ordre de comparaître. J'étais ici hier. Je ne sais pas où est son siège mais, chose sûre, lui n'était pas ici. Cela me suffit. D'autres ne partagent peut-être pas mon opinion, mais le fait est que nous pouvons agir comme bon nous semble en la matière.

L'honorable P. Derek Lewis: Honorables sénateurs, dans l'amendement de l'honorable sénateur il est suggéré d'expulser le sénateur Thompson. Qu'entendez-vous par «expulser»? Est-ce que cela revient à dire que son siège devient vacant? Vous avez peut-être répondu à cette question il y a quelques minutes, mais le fait est que ce mot peut se prêter à des interprétations fort différentes.

Le sénateur Ghitter: Je donne au mot «expulser» le sens que lui donnent les autorités, peu nombreuses il est vrai. Cela signifie qu'on est chassé pour de bon. Renvoyé à tout jamais. À la Chambre des communes, on peut se présenter aux prochaines élections. Cela ne présente pas de problème. Je pense que M. MacLean s'est présenté de nouveau en Nouvelle-Écosse. Mais au Sénat, «expulser» veut dire être chassé à jamais. Le premier ministre pourrait le nommer de nouveau s'il le désirait, mais le sénateur Thompson aurait alors 75 ans.

Le sénateur Lewis: Vous voulez dire que le siège serait vacant?

Le sénateur Ghitter: Oui.

Le sénateur Lewis: Cela pourrait avoir un certain nombre de répercussions sur le plan juridique.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, y a-t-il d'autres questions? Êtes-vous prêts à passer au débat?

(1420)

Le sénateur Grafstein: Je suis désolé de revenir sur ce point, mais c'est important. Je ne puis mettre sur le même pied le pouvoir d'expulsion du Sénat et ce qui est prévu dans la Constitution, où il est dit que le siège deviendra «vacant». Dans mon esprit, il n'y a aucune différence entre une «expulsion» et le fait qu'un siège devienne «vacant». Ce semble être la solution que l'honorable sénateur propose au Sénat. Essentiellement, il dit que le Sénat devrait définir ce qu'il entend par «vacant». Je pense qu'il y a une solution de rechange qui nous permet d'arriver au même résultat, mais ce n'est ni l'endroit ni le moment pour régler cette question.

Après avoir lu la loi pertinente, soit l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, je ne suis pas certain que nous ayons un pouvoir d'expulsion puisque la loi prévoit simplement que le siège deviendra vacant dans certaines circonstances préétablies. Sommes-nous en train de nous substituer à la Constitution? À mon avis, la Constitution a préséance sur nous. Le Sénat doit faire son travail en se conformant à la Constitution.

Je ne suis pas ici pour me porter à la défense du sénateur Thompson. C'est un ami de longue date, mais mon rôle n'est pas de défendre sa fameuse conduite. Je souhaite sincèrement que le Sénat donne l'impression qu'il adopte la bonne solution et qu'il fasse ce qu'il convient. Or, je ne suis pas certain que cette solution soit la bonne.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Le sénateur Ghitter s'appuie-t-il sur la partie des documents d'État de 1867 qui stipule que le Règlement de la Chambre des communes de la Grande-Bretagne devrait s'appliquer à la Chambre des communes et au Sénat du Canada ainsi que sur les descriptions de ces pouvoirs en Grande-Bretagne qui sont aussi les nôtres, descriptions qui précisent que nous devrions établir nos propres règles de discipline, et pour quelles raisons?

Le sénateur Ghitter: Oui. J'ai lu l'article 18 de la loi. C'est ainsi que je l'ai interprété, et on m'a dit que c'est ce qu'il prévoit.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'Andrew Thompson inspire beaucoup de sympathie ou d'empathie à cet endroit. Je pense qu'à bien des égards, le cas du sénateur Thompson correspond à ce que le sénateur Ghitter a expliqué avec tant d'éloquence cet après-midi. En lisant le journal ce matin, le fait d'être informée des entrevues que le sénateur Thompson a accordées ou des visites que des journalistes lui ont rendues à La Paz, au Mexique, ne m'a pas réconfortée. Je ne m'en suis toutefois pas sentie diminuée en tant que sénateur. Je fais mon travail. Vous faites le vôtre. Aucun d'entre nous n'a de raison de se sentir diminué. Nous avons, toutefois, une raison de nous sentir diminués si nous n'agissons pas conformément à notre Règlement.

Nous avons adopté ici un ordre le 16 décembre dernier. Nous avons informé le sénateur Thompson, au moyen d'un ordre suivi d'une lettre, que nous voulions qu'il se présente au Sénat et que s'il ne le faisait pas, le comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure déterminerait si son absence constitue un outrage au Sénat.

Le comité du Règlement s'est réuni hier soir pendant un temps considérable. Je crois savoir que 18 sénateurs ont participé à cette séance. Je crois savoir qu'ils ont produit un rapport unanime. Conformément à ce rapport, nous voulons nous assurer que les voies de droit régulières sont respectées; nous voulons ordonner au sénateur Thompson de comparaître devant nous mercredi soir prochain; nous voulons lui poser des questions pour savoir si son absence constitue un outrage au Sénat.

Dans sa sagesse - ou peut-être par manque de sagesse - le comité a pris une décision. Je respecte cette décision. Je n'étais pas présente à la séance du comité. Je n'ai pas participé au débat. Je dois donc en conclure qu'il a fait le meilleur travail possible en en arrivant à cette conclusion.

Étant arrivé à cette conclusion, il a demandé au Sénat d'adopter un ordre, ordre que je vais appuyer parce que je respecte le Sénat et que ce n'est pas le comportement d'Andy Thompson qui risque de me diminuer; il faudrait que ce soit le travail du Sénat dans son ensemble, et je respecte le Sénat tout autant que je respecte le comité.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je ne suis pas un juriste ni ne prétends en être un. Je ne crois pas que ce que nous débattons ici n'a pas d'importance. Cela en a énormément. Je comprends la position que le comité a prise à l'égard de cette affaire. Toutefois, le fait est que la population canadienne est absolument dégoûtée par la façon dont cet homme traite les Canadiens, sans parler de la façon dont il traite le Sénat. Il leur fait un pied de nez, en fait. Il les met au défi de l'attraper. Les Canadiens en ont plus qu'assez de ce genre de comportement. Il avilit non seulement le Sénat, mais tout le Parlement et le Canada dans son ensemble.

Nous savons tous qu'il a un certificat médical. Toutefois, la loi dont nous débattons est méprisée par les Canadiens. Ils ont dit ceci: «Finissez-en! Pour l'amour du ciel, finissez-en maintenant! N'attendez pas! Finissez-en! Qu'il nous poursuive! Qu'il nous poursuive et qu'il nous dise que nous n'avons pas le droit de faire cela!» C'est ce que veulent les Canadiens et c'est ce qu'il faut dire. Qu'il vienne à nous. Pourquoi faudrait-il être polis et aller vers lui alors qu'il a traité le Sénat et le pays tout entier avec un souverain mépris? Forçons-le à revenir pour défendre sa position et nous expliquer pourquoi il mérite d'être payé même s'il s'est absenté si longtemps. C'est absolument insensé, comme vous le savez.

Nous avons discuté de la question comme il se doit. Je crois bien vous avoir dit ce qu'il faut faire aujourd'hui. Si, d'ici mercredi prochain, il ne se présente pas au Sénat, que ferons-nous? Tiendrons-nous un autre débat comme celui-ci? Il faut agir maintenant.

Le sénateur Gigantès: Honorables sénateurs, je tiens beaucoup, moi aussi, à ce qu'on mette Andy Thompson à la porte. Je suis du même avis que vous. Toutefois, supposons qu'il vienne ou qu'il ne vienne pas, et qu'il s'avère qu'il est vraiment malade.

(1430)

Ne vaut-il pas mieux lui accorder une autre semaine pour venir s'expliquer devant nous? Je préférerais l'expulser aujourd'hui.

Le sénateur Stratton: Il suffit de regarder le sénateur Gauthier. Pensez à ce qu'il doit subir pour revenir au Sénat.

Le sénateur Gigantès: Certes. Jean-Robert Gauthier est un exemple pour nous tous. Il est un sénateur hors pair, tout comme il a été un député hors pair, et nous sommes fiers de lui. Personne toutefois n'est fier du sénateur Thompson, mais nous le sommes du Sénat. Le sénateur Carstairs a raison - et je dois me faire violence pour le dire - quand elle dit que nous devons respecter la procédure et le Règlement du Sénat.

Le Règlement de la Chambre des communes de Grande-Bretagne prévoit qu'on peut décider du sort d'un député qui fait preuve d'indiscipline. On peut déterminer la gravité de l'infraction et infliger une sanction proportionnée à celle-ci, c'est clair. Nous ne pouvons pas le faire en laissant une certaine ambiguïté. Des membres du comité ont souligné que nous n'avions pas précisé quel jour en février.

C'est fendre les cheveux en quatre, je sais, mais ceux qui fendent les cheveux en quatre sont de bons avocats et savent de quoi ils parlent, au plan juridique. Voulons-nous donner le mauvais exemple en faisant fi de nos autres règles? Une règle constitutionnelle dit qu'il faut se présenter. Si on ne se présente pas pendant deux sessions, le poste devient vacant. Il y a aussi une règle prévoyant que, si on se porte malade, il faut produire un certificat médical. Le sénateur a produit des certificats de nombreux médecins.

Nous pouvons soupçonner que ce ne sont pas des certificats médicaux fiables, ou qu'il a exagéré dans ce qu'il dit au médecin. Je peux leurrer n'importe quel médecin, si je veux, et le convaincre que je souffre d'à peu près n'importe quoi. Je peux me présenter comme un pauvre petit vieux sénateur de 75 ans aux jambes flageolantes et lui raconter que j'ai mal au dos. Cela ne peut pas être contesté. Je peux dire que ce sont des douleurs atroces, que j'ai un nerf coincé, que j'ai une sciatique. Il n'y a pas moyen de me démasquer, même avec des rayons X.

Peut-être les médecins l'ont-ils cru. Peut-être leur a-t-il menti. Mais il serait préférable, pour notre réputation, que nous respections nos propres règles. Elles disent qu'il doit produire des certificats médicaux. Il l'a fait. Nous avons des doutes, et nous lui demandons de venir s'expliquer. Nous avons dit cela une fois, mais sans préciser la date. Les juristes du comité, qui tiennent autant que l'honorable sénateur à l'éjecter, ont signalé qu'il n'y avait pas de date précise. Le greffier a dit que nous n'avions pas envoyé au sénateur, à La Paz, une communication expresse le convoquant le 10 février. Nous devons nous interroger sur ce qu'il y a lieu de considérer comme un comportement intolérable de sa part, et respecter quant à nous nos règles et nos institutions.

Cela me brûle, cela me fait mal au ventre et j'ai envie de vomir, mais je crains de devoir voter comme me le conseille le leader adjoint.

L'honorable J. Michael Forrestall: Le sénateur fait ressortir un point intéressant. Comme il a été proposé, nous avons fixé une date ferme qui peut être communiquée à notre collègue. Dans quelle position se trouvera le Sénat si un avocat ou quelqu'un d'autre produit un certificat disant qu'il ne peut se présenter, ni lui ni ses agents ou représentants, pendant six mois ou deux ans? Que se passera-t-il alors?

Le sénateur Lewis: Il appartiendra au Sénat de décider.

Le sénateur Gigantès: Qu'arrive-t-il alors? Que se passe-t-il si nous le renvoyons aujourd'hui et qu'il se présente demain avec un certificat? Nous devons prendre une décision, que ce soit aujourd'hui ou dans une semaine. Si nous la prenons dans une semaine, après lui avoir donné un avis de convocation pour une date précise, nous pourrons au moins dire que nous lui avons donné un avertissement raisonnable. C'est tout.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: J'ai une question à poser au sénateur Gigantès. Comme vous, j'éprouve de la difficulté à décider quelle est la conclusion à tirer. Vous avez mentionné les droits du sénateur Thompson. Vous avez déclaré que nous devions faire ce qu'il fallait faire. Peut-être l'honorable sénateur devrait-il, comme moi, commencer à réfléchir aux responsabilités du sénateur Thompson. Il doit être ici, c'est sa responsabilité.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Andreychuk: Il doit s'informer de ce qui se passe ici, c'est sa responsabilité. Il lui incombe de bien s'acquitter de ses fonctions. Il a reçu un avis. Il aurait dû se présenter. Nous avons des responsabilités envers la population canadienne.

Dois-je croire que les droits du sénateur Thompson sont plus importants que la réputation du Sénat, du système de justice et de tout le système parlementaire, parce que je nuirais justement à cette réputation si j'accordais la préséance aux droits du sénateur?

Le sénateur Gigantès: Le sénateur Andreychuk et moi sommes dans le même camp. Vous parlez de la réputation du système. C'est ce qui m'inquiète. J'ai toujours la crainte que, si nous agissons aujourd'hui même plutôt que dans une semaine, des avocats publient des articles dans des revues de droit pour dire que nous n'avons pas suivi la procédure à la lettre. Cela n'a pas d'effet sur moi personnellement, car je partirai bientôt à la retraite, mais la question est trop sérieuse pour que nous ne prenions pas toutes les précautions.

Le sénateur Andreychuk: Ne croyez-vous pas que nous devrions nous préoccuper des principes généraux que nous devons appliquer? C'est à nous et non au comité des privilèges, du Règlement et de la procédure qu'il incombe de prendre la décision. Il appartient à chaque sénateur présent ici de décider, au mieux de sa connaissance, ce qui est la meilleure solution pour tout le système. Si nous commettons une erreur à l'endroit du sénateur Thompson, il peut venir nous présenter ses arguments, et nous pourrons revenir sur notre décision s'il y a lieu. Nous avons donné le bénéfice du doute au sénateur Thompson pendant trop d'années. Nous devrions peut-être maintenant ajouter foi aux principes qui sous-tendent cette institution et à la notion de justice.

Le sénateur Gigantès: Sénateur Andreychuk, vous venez de dire que, si nous votons aujourd'hui pour expulser le sénateur Thompson, son siège deviendrait vacant. S'il se présentait au Sénat et réussissait à nous convaincre que nous avons commis une erreur, et que nous revenions sur notre décision, pourrions-nous lui redonner son siège?

Nous ne pouvons pas combler une vacance. C'est le premier ministre qui doit faire cela, n'est-ce pas? Il ne veut même pas entendre parler du sénateur Thompson. Si le premier ministre pouvait l'envoyer à l'autre bout du monde dans un cercueil, il le ferait.

L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, j'étais à la réunion du comité du Règlement hier soir. Je dois dire que je me suis opposé à ce que nous venions au Sénat aujourd'hui avec le texte de la lettre que nous envoyons au sénateur Thompson. Je m'y suis opposé parce que je craignais justement que ce qui est arrivé arrive. J'ai passé du temps à expliquer à certains de mes collègues francophones ce qu'est une exécution à la mexicaine. Premièrement, je croyais qu'il était inutile d'agir ainsi, et, deuxièmement, je craignais que, en agissant ainsi, nous aboutissions à une exécution à la mexicaine. Pour ceux qui ignoreraient le sens de cette expression, elle signifie qu'une personne se tient au milieu d'un cercle formé par d'autres personnes qui doivent lui tirer dessus, ce qui a pour résultat que tout le monde tire sur tout le monde. C'est ce que nous avons fait, de façon presque magistrale.

(1440)

Je pense que nous voulons tous régler le cas du sénateur Thompson. Je ne crois pas qu'il y ait eu quelque dissidence que ce soit à ce sujet, hier soir au comité.

Je ne fais pas partie d'une meute de gens qui voudraient sauter à pieds joints sur le sénateur Thompson. Il ne s'agit pas de cela. Le problème tient au fait que le sénateur ne s'est pas montré au Sénat depuis des années, qu'il a abusé du système et que nous devons maintenant agir en conséquence.

Je crois comprendre que la motion adoptée par le Sénat, à laquelle le sénateur ne s'est pas conformé, le place en situation d'outrage. Je ne suis pas juriste, mais je siège au Parlement depuis 25 ou 26 ans et je sais que, de façon générale, le Parlement établit ses propres règles. Nous sommes un tribunal. C'est là le problème des juristes au Parlement: ils ne comprennent pas qu'il y a une différence entre les parlementaires et les juristes. Je suis conscient de cette différence, mais je suis également sensible au principe de justice naturelle.

Pendant la séance du comité hier soir, il m'a semblé que nous abordions la question avec efficacité et je crois que la plupart des sénateurs des deux côtés étaient d'accord. Il n'y a pas eu de dissidence. Nous étions d'accord pour donner au sénateur Thompson la chance de répondre rapidement. Nous savons qu'il habite quelque part au Mexique. Nous pourrions certainement lui envoyer un avis à son adresse en Ontario. Toutefois, soucieux d'agir dans l'esprit de la justice naturelle, nous avons décidé de prendre le temps voulu pour lui envoyer un message lui demandant de se présenter devant le comité afin de s'expliquer - je crois que nous devons régler cette question mardi de la semaine prochaine, mais nous avons décidé de le faire mercredi. Nous avons agi ainsi par souci de respect de la justice naturelle.

Sans doute personne ne s'attendait à la séance d'hier à ce que nous nous nous présentions ici et expulsions le sénateur Thompson aujourd'hui. Ce n'est pas que nous craignions une action en justice. Nous ne nous exposons pas à des poursuites. Le Parlement ne peut pas être poursuivi en justice. De quoi s'agit-il? Il n'en demeure pas moins que cet homme a certains droits. Je crois que, de l'avis général du comité hier soir, c'était par souci de respect de ses droits qu'il a été décidé de lui envoyer un message pour exiger qu'il se présente devant le comité.

Or, cette démarche s'est transformée, certainement contre mon gré, en appel au Sénat pour faire approuver cette lettre. C'est ce qui s'est passé, et maintenant que nous en sommes là, je crois que nous devrions approuver la lettre. Si le sénateur Thompson ne se conforme pas à la demande qui lui est faite dans cette lettre, je présume qu'il se rendra coupable d'un autre outrage au Sénat. Nous nous retrouvons donc dans la situation que j'avais anticipée: un bras de fer à la mexicaine.

Certains d'entre nous, qui sont des amis du sénateur Thompson, adopteront tout naturellement une attitude défensive. C'est compréhensible. Il faut s'attendre à ce genre de réaction dans un groupe important de personnes, dont certaines sont ici depuis de nombreuses années et ont vécu des moments politiques avec le sénateur Thompson. Il faut accepter ce fait. C'est dans la nature humaine.

En tout cas, nous avons consacré passablement de temps à quelque chose dont nous n'aurions pas dû nous occuper pour commencer, car nous n'avons pas à ordonner au sénateur Thompson de venir. Nous aurions tout simplement pu lui demander de le faire. Nous lui accordons le bénéfice de la justice naturelle en lui laissant la possibilité de comparaître. Peut-être viendra-t-il, ou non. Nous ne le savons pas.

Sur le plan strictement juridique, je sais qu'il n'a enfreint en fait aucune règle. Il a fourni un certificat médical. Nous en avons déjà parlé. Cette histoire ne date pas d'hier. Ce n'est pas une chose qui s'est produite aujourd'hui ou récemment.

Le sénateur Thompson a droit à une pleine pension. S'il ne vient pas, je pense qu'il devrait la prendre. J'espère que cette lettre partira après cette procédure inutile qui nous a obligés à avoir ce débat qui n'était pas nécessaire. Nous pouvons envoyer la lettre. S'il vient, c'est une autre histoire, mais s'il ne vient pas, alors je suis tout à fait d'accord pour qu'il ne soit pas payé pour cette session. Je pense que c'est raisonnable. Il peut décider de ne pas être payé l'an prochain ou les deux prochaines années - les sessions peuvent maintenant durer beaucoup plus longtemps qu'avant - ou il peut prendre sa pension. Je trouve que c'est une façon très raisonnable de régler le problème.

Je ne crois pas que nous devrions passer beaucoup plus de temps ici cet après-midi à nous tirer dessus les uns les autres, à essayer d'être plus royalistes que le roi, à essayer d'aggraver encore une affaire que nous aimerions tous voir réglée étant donné qu'elle rejaillit bien sûr sur nous tous. Aucun de nous n'aime cela. Nous sommes, pour la plupart d'entre nous, des parlementaires consciencieux. Nous n'aimons pas ce genre de chose. Finissons-en donc avec lui, qu'il reste au Mexique avec sa pension, et le problème est terminé.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, afin de clarifier un peu le débat, il est important de faire certaines distinctions.

Premièrement, en décembre dernier, lorsque cette Chambre a voté l'ordre unanime de se présenter au Sénat à la réouverture de la session, nous n'avions pas à préciser la date. J'ai entendu dire tout à l'heure, je pense que c'est le sénateur Gigantès qui l'a dit, que la date n'était pas certaine. Je m'excuse, la date était certaine.

Le sénateur Gigantès: Je n'ai pas dit cela, j'ai dit que la date n'avait pas été précisée.

Le sénateur Nolin: La date était précise. Il s'agissait de la date où cette Chambre recommence à siéger. Alors ce n'est pas un argument.

Deuxièmement, nous lui avons donné un ordre en pleine connaissance de cause. Ce n'est pas tous les jours que nous donnons des ordres. C'est même très rare. Il avait toute la latitude pour agir entre le 16 décembre, le jour où nous avons donné cet ordre et, si vous voulez être plus précis, la date où il a reçu la signification de cet ordre. Si on sort un peu des petites légalités, je suis convaincu que le sénateur Thompson lit les journaux canadiens tous les matins. Il savait, le 17 au matin, qu'à la réouverture de cette Chambre, il avait un ordre de se présenter dans ce fauteuil-ci. Il avait le choix de nous envoyer une lettre expliquant pourquoi il ne serait pas ici ou de nous envoyer un avocat pour nous expliquer pourquoi il ne serait pas ici; il aurait pu redemander à ses médecins de nous informer ou informer le greffier qu'il ne pourrait pas être présent à la réouverture de cette Chambre pour raison de santé. Il n'a rien fait de cela.

Nous avons découvert hier soir qu'il avait communiqué avec le bureau du greffier pour lui dire qu'il serait peut-être ici en février. Rien de plus!

Il est donc en état d'outrage. Tout le reste, c'est fini. Les certificats médicaux ne sont plus importants. Tout cela ne tient plus. Aujourd'hui, tout ce que nous avons à décider se résume à ceci: ce sénateur est-il en outrage, oui ou non? Je vous soumets respectueusement qu'il est en état d'outrage.

Nous avons entendu hier les deux experts qui nous ont dit qu'il est en état d'outrage. C'est très simple. Par exemple, les tribunaux donnent un ordre et si la personne ne se présente pas pour témoigner, il y a automatiquement un outrage. Que la personne soit malade, ne puisse pas y aller, que l'on n'ait pas payé ses frais de transport, si cette personne n'est pas là, elle est en état d'outrage. Le juge a alorsla latitude de lui imposer une sanction. Au Québec, cela peut aller jusqu'à un an de prison ou à une amende, mais le juge a toute latitude pour lui imposer une sanction.

Aujourd'hui, nous faisons face à cette situation. Nous avons différentes options, incluant le départ forcé en vertu de l'article 18. Ne confondez pas avec d'autres articles de la Constitution qui concernent des départs forcés. Je vous mentionne un article de la Constitution qui nous octroie des privilèges qui existaient à la Chambre des communes britannique en 1867. Nous avons ces privilèges et un de ces privilèges est d'expulser le sénateur Thompson qui devrait être assis à son siège: c'est le choix que nous avons. La justice naturelle avait toute latitude pour s'exercer jusqu'à hier, à deux heures.

Il ne l'a pas fait et il n'a rien fait en connaissance de cause. Ne venez pas me dire qu'un sénateur qui est ici depuis 31 ans ne sait pas quand la Chambre reprend ses travaux ou ne connaît pas les moyens pour s'informer de la date précise où la Chambre reprend ses travaux. Il avait reçu un ordre d'être ici à deux heures, hier après-midi. Il n'est pas venu. Il est en état d'outrage vis-à-vis cette institution.

Maintenant, aurons-nous le courage d'aller au bout de nos décisions? Lorsque nous avons décidé de lui donner un ordre, nous savions que s'il ne respectait pas cet ordre, nous nous devions de le déclarer coupable d'outrage. Il nous appartient de le faire, et c'est aujourd'hui que nous allons le faire.

[Traduction]

(1450)

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je suis dans une position délicate, comme tous les sénateurs ici présents. C'est très difficile de défendre la conduite du sénateur Thompson en l'absence d'explication claire. C'est presque impossible. Si l'on parlait d'une ou de deux sessions d'absence, cela pourrait être compréhensible, mais compte tenu de son absence prolongée et systématique, on peut dire qu'il n'assume pas ses responsabilités. Je crois que c'est ce que le sénateur Andreychuk essayait de faire valoir. Le sénateur Ghitter essayait peut-être aussi de démontrer la même chose dans l'exposé de ses arguments, sinon dans ses conclusions, c'est-à-dire que nous sommes en présence d'un cas où la personne se dérobe systématiquement à ses responsabilités. On peut comprendre qu'une personne soit malade pendant une, deux ou trois sessions, mais si cela se prolonge davantage, à quel moment pouvons-nous dire que c'est trop?

Dans les faits, la conclusion semble être presque inévitable. Je dis bien «presque inévitable», parce que nous n'avons pas encore entendu le sénateur Thompson.

Cela dit, la proposition du sénateur Ghitter est très séduisante. Agissons et tournons la page; faisons quelque chose pour châtier cet outrage à la population et ce scandale médiatique. J'adorerais pouvoir agir ainsi. Pourquoi pas? Ensuite, nous pourrions reprendre nos travaux normalement; nous serions soulagés.

Malheureusement, honorables sénateurs, ce n'est pas si simple. Examinons la conclusion qui découle logiquement de la suggestion intéressante, attrayante, séduisante - même tentante - du sénateur Ghitter: nous expulsons le sénateur Thompson. Son siège devient-il vacant? Qu'est-ce qu'on fait alors? Qu'arrive-t-il pour l'Ontario? Avons-nous un siège de moins? Que ce soit dans les milieux des médias, dans l'Ouest du Canada ou n'importe où hors de notre Chambre, ils sont nombreux à vouloir faire disparaître notre institution. Ils aimeraient bien nous faire tomber un à un. Ils aimeraient voir tous les sièges se vider l'un après l'autre, comme celui-ci. Alors, ils auraient une raison de plus de demander l'abolition de notre institution. À l'extérieur de notre Chambre, les visées sont beaucoup plus vastes. Je m'en rends bien compte, même si je ne suis pas d'accord.

C'est pourquoi, si nous adoptons cette solution rapide et tentante, nous nous trouverons en mauvaise posture. Constitutionnellement, la situation sera intenable, parce qu'il y aura eu expulsion sans siège vacant.

J'en suis arrivé à la conclusion que nous ne pouvons faire cela à moins de pouvoir nous conformer à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Le premier ministre a déclaré l'autre jour qu'il aimerait bien flanquer à la porte le sénateur Thompson, mais qu'il en était incapable. Il voudrait que ses collègues de ce côté-ci du Sénat le fassent, mais nous ne croyons pas pouvoir y parvenir sans une application régulière de la loi et il se pose certaines questions.

Je dis au sénateur Beaudoin, un homme dont toute la vie est basée sur la primauté du droit, je dis au sénateur Jessiman, un grand avocat, et je dis aux sénateurs d'en face qui sont à la fois des sénateurs et des gens respectables et honorables, qu'il faut réfléchir à la situation, non seulement pour nous satisfaire et pour satisfaire le public, mais pour respecter la primauté du droit.

À ce stade-ci, je ne crois pas, à moins que nous n'entendions des arguments irréfutables de la part de nos vis-à-vis, que nous puissions souscrire à cette solution qui nous paraît être la plus attrayante et qui est la plus spontanée dans notre for intérieur. Ma conscience me dicte de suivre les conseils du comité. Le sénateur Thompson devrait faire ce qui s'impose et agir de façon honorable en comparaissant ou en offrant une explication. Je pense qu'il lui incombe de s'expliquer sans aucun doute. Cela apaiserait la conscience des sénateurs et on respecterait ainsi la Constitution.

Honorables sénateurs, je crois dans la Constitution, et je tiens à la respecter. Je ne veux pas qu'on reproche au Sénat de l'avoir violée. Le sénateur Beaudoin et moi-même en avons discuté à de nombreuses reprises, et nous sommes d'accord pour dire que le Sénat se doit de faire respecter la Constitution. Cela dit, comment pouvons-nous en faire fi et imposer ensuite une norme à d'autres personnes à l'extérieur du Sénat? Vous le pouvez peut-être? J'en suis incapable.

Le sénateur Nolin: L'honorable sénateur Grafstein pourrait peut-être me dire quel article de la Constitution nous violons? Lequel?

Le sénateur Grafstein: Je renvoie le sénateur Nolin à l'article 31 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, lequel, une fois modifié, correspond à la Loi constitutionnelle de 1982 en fait. C'est clair, maintenant?

Le sénateur Nolin: L'honorable sénateur voudrait-il nous l'expliquer?

Le sénateur Grafstein: L'article 31 dit ceci:

31. Le siège d'un sénateur deviendra vacant dans chacun des cas suivants:

 

1. Si, durant deux sessions consécutives du Parlement, il manque d'assister aux séances du Sénat;
C'est une question de fait que le comité n'a pas encore tranchée. À première vue, il n'a pas assisté à nos séances, mais il y a des preuves contradictoires à ce sujet. D'autres sénateurs en ont parlé. C'est la première proposition. Ensuite:

 

2. S'il prête un serment [...] à une puissance étrangère [...]
Ce n'est pas le cas.

 

3. S'il est déclaré en état de banqueroute ou de faillite...
Ce n'est pas le cas.

 

4. S'il est atteint de trahison ou convaincu de félonie ou d'aucun crime infamant;
5. S'il cesse de posséder la qualification reposant sur la propriété ou le domicile [...]
Cela semble être les dispositions aux termes de la loi. Comme je l'ai déclaré, j'aimerais bien m'y conformer.

Le sénateur Nolin: Et si je vous demandais de lire l'article 18 de cette même Loi constitutionnelle? On nous a dit que la doctrine est très claire sur la portée de cet article. Notre Chambre a le droit d'expulser quelqu'un. Ce pouvoir existait déjà au Royaume-Uni en 1867 et nous l'avons toujours eu depuis. C'est ce qu'on nous a dit hier soir, c'est-à-dire que nous avons le pouvoir d'expulser quelqu'un. Oublions l'article 31. Il ne s'applique pas ici. C'est sur l'article 18 que nous devons nous baser aujourd'hui.

(1500)

Le sénateur Grafstein: C'est une question très importante. Je n'ai pas eu l'occasion de consulter et je n'ai pas lu les avis juridiques qui ont été donnés au comité. Je fais donc la pire chose qu'un avocat puisse faire, c'est-à-dire se conseiller lui-même.

Ceci étant dit, en lisant l'article 18 qui traite des «privilèges, immunités et pouvoirs que posséderont et exerceront le Sénat», je croyais que le processus que nous avions entrepris ici, collectivement, était de tenter de trouver une solution qui serait compatible avec la Charte et avec nos pouvoirs. La solution que je croyais que nous désirions adopter était la suspension de ses droits et privilèges pour cause d'outrage au Parlement.

Nous devons tout d'abord établir qu'il y a eu outrage. Nous suspendons ensuite ses droits et privilèges et le laissons décider s'il désire faire amende honorable ou quoi d'autre. J'avais l'impression que c'était là ce que le comité avait en tête. Je ne suis pas à l'aise avec la décision de faire appel à l'article 31 pour déloger ou expulser, ce qui équivaut à libérer un poste. Je crois que c'est là une distinction importante.

Le sénateur Nolin: Le sénateur est juriste et il sait la différence. Le résultat est le même, mais pas le processus. Vous ne pouvez pas ne pas être d'accord avec cela.

Le sénateur Ghitter: Honorables sénateurs, le sénateur Grafstein a très pertinemment désigné le sénateur Beaudoin comme étant l'expert des questions concernant les pouvoirs du Sénat. J'aimerais donc que le sénateur Beaudoin nous donne son avis.

J'aimerais que le sénateur Beaudoin me dise si nous, en cette Chambre, avons le pouvoir d'expulser l'un des nôtres. Voilà la question.

 

Motion de sous-amendement

L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, indépendamment du point soulevé par le sénateur Ghitter, il reste que le sénateur Grafstein, dans son exposé sur l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, et le sénateur Lucier ont semé plus de doute qu'il n'en faut dans l'esprit d'un profane comme moi pour que je n'ose pas me prononcer sans que Son Honneur ne rende d'abord une décision fondée sur une solide opinion juridique venant de nos avocats. Je ne parle pas du sénateur Beaudoin ou d'autres sénateurs, mais bien des conseillers juridiques du Sénat. On devrait leur demander si, à leur avis, nous sommes habilités en droit à procéder à l'expulsion d'un sénateur ou à lui retirer son siège. J'en fais la demande maintenant.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la Présidence ne peut se prononcer sur des questions juridiques. Je ne peux donc pas m'en mêler. Toutefois, si tel est le désir du Sénat, quelqu'un peut proposer, en amendement, que nous fassions appel à nos conseillers. Il appartient au Sénat de décider, pas à la présidence.

Le sénateur Lawson: Je propose donc:

Que nous prenions conseil auprès du conseiller juridique du Sénat pour savoir si nous sommes habilités en droit à procéder de la façon proposée.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est précisément ce que le comité est en train de faire.

L'honorable Herbert O. Sparrow: Honorables sénateurs, j'aurais une question à poser au sénateur Ghitter.

Son Honneur le Président: Quelqu'un appuie-t-il la motion, honorables sénateurs? Il s'agirait d'un sous-amendement. Nous sommes déjà saisis d'une motion d'amendement, mais un sous-amendement reste possible, quoique ce serait le dernier.

De plus, je demanderais que l'on me soumette le texte de la motion par écrit. Nous devons être très précis.

L'honorable Marcel Prud'homme: Votre Honneur, j'invoque le Règlement.

Son Honneur le Président: Je peux recevoir un recours au Règlement concernant le sous-amendement, même si nous n'en avons pas encore été saisis.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, selon ce que je lis depuis 35 ans au sujet du Sénat, l'ordre exclut toute hâte ou précipitation.

Aujourd'hui, nous sommes saisis d'une proposition avec des amendements et des sous-amendements. Nous discutons vivement, et d'une façon bien injuste, en demandant au sénateur Beaudoin de trancher et en disant: «Vous êtes notre maître. Pourquoi n'intervenez-vous pas pour nous dire ce que vous pensez?» Tout cela demande réflexion.

Je propose au Sénat de prendre 24 heures de réflexion avant de rendre une décision demain. Cela conviendrait mieux à des sénateurs.

J'ai été impressionné d'entendre les propos des sénateurs Grafstein et Lewis. Ceux qui ont lu les mémoires de M. Crosbie savent qu'il a qualifié le sénateur Lewis d'homme tranquille, mais de grand légiste. Tout cela me porte à penser qu'un délai de 24 heures ne ferait de tort à personne.

Je comprends les médias. Cette question nous préoccupe beaucoup, mais il faut s'en occuper. Tout est confus maintenant. Tout le monde fait des propositions et demande aux grands légistes de se prononcer. Je voudrais m'acquitter de mes responsabilités - même si cela déplaît aux médias et à l'opinion publique - et proposer l'ajournement du débat. Si je m'absente demain - si ma santé ne le permet pas - vous continuerez sans moi.

Je suis certain que tous les sénateurs voudraient réfléchir à cette grave question. C'est la fonction du Sénat. Tous les Canadiens comprendront sûrement qu'un délai de 24 heures, dans un débat bien ordonné, ne serait pas inapproprié pour régler cette question, soit l'absence du sénateur Thompson.

L'honorable Peter A. Stollery: J'invoque le Règlement.

Son Honneur le Président: Il y a déjà un recours au Règlement par l'honorable sénateur Prud'homme.

J'ai écouté attentivement les propos de l'honorable sénateur, mais je n'y décèle aucune contestation des règles. Par conséquent, je ne peux considérer ses propos comme un rappel au Règlement. Cela dit, le sénateur a fait une suggestion. S'il plaît aux honorables sénateurs de donner suite à cette suggestion, libre à eux de le faire. Toutefois, je ne vois pas de rappel au Règlement dans les observations formulées par l'honorable sénateur.

Le sénateur Stollery: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Ce que je ne comprends pas, c'est que nous traitons d'un rapport unanime du comité, qui est appuyé par les conservateurs. Il s'agit d'un rapport unanime en faveur de l'envoi de cette lettre. Je ne comprends pas très bien ce qui s'est passé. L'autre côté a-t-il retiré l'appui unanime qu'il a donné hier soir?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je ne vois pas de rappel au Règlement dans l'intervention du sénateur Stollery. Ses observations sont peut-être utiles aux fins du débat, mais elles ne constituent pas un rappel au Règlement, c'est-à-dire une contestation de la procédure.

Le sous-amendement de l'honorable sénateur Lawson est maintenant prêt. Nous allons d'abord écouter celui-ci.

Le sénateur Lawson: Honorables sénateurs, je propose, appuyé par le sénateur Lucier:

Que le Sénat obtienne de son contentieux une opinion précisant si le Sénat a le droit légal de s'occuper de la motion dont il est saisi, qui vise à expulser le sénateur Thompson du Sénat.

Son Honneur le Président: Ce sous-amendement n'est pas recevable dans sa forme actuelle.

Le sénateur Lawson: Dans ce cas, nous en changerons la forme.

Son Honneur le Président: Il nous faudrait modifier l'amendement en ajoutant l'expression «ce qui suit», puis voir ce que cela donne.

Le sénateur Lawson: Dans ce cas, je propose, appuyé par le même sénateur:

Que le débat sur la motion d'amendement soit ajourné jusqu'à ce que le légiste du Sénat ait fourni un avis quant à la légalité de la motion; et

Que le légiste communique son avis au Sénat demain au plus tard.

Son Honneur le Président: Il est proposé par l'honorable sénateur Lawson, appuyé par l'honorable sénateur Lucier:

Que la motion d'amendement soit modifiée en ajoutant ce qui suit:

Que le débat sur la motion d'amendement soit ajourné jusqu'à ce que le légiste du Sénat ait fourni un avis quant à la légalité de la motion; et

Que le légiste communique son avis au Sénat demain au plus tard.

[Français]

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je n'aurais pas d'objection à attendre 24 heures. Nous nous trouvons devant un problème de droit fondamental.

[Traduction]

(1510)

Je ne doute absolument pas que l'assemblée législative puisse expulser un député. C'est ce qu'on appelle, en droit constitutionnel, un droit inhérent. Cependant, la jurisprudence ne concerne que la Chambre des communes de Londres et la Chambre des communes du Canada, et décrit certains cas historiques comme celui de Louis Riel.

À ma connaissance, c'est la première fois que le Sénat tient un pareil débat. L'Acte de l'Amérique du Nord britannique comporte des dispositions touchant la vacance d'un siège. Il me paraîtrait très acceptable d'obtenir un avis d'ici 24 heures de la part de quelqu'un qui ne siège pas au Sénat, bien que, si nous examinons attentivement les faits que présente le cas dont nous sommes saisis, nous attendons probablement pour rien. La situation demeure la même depuis de nombreuses années. Si une personne est prête à aller au Mexique, pourquoi pas à Ottawa?

En ce sens, nous discutons peut-être de cette question pour rien. Cependant, en tant que juriste, j'aimerais avoir un avis indépendant. Je persiste cependant à croire que, dans des cas extraordinaires - et celui dont nous discutons actuellement en est certainement un, tout le monde au Canada en conviendra - une assemblée législative, dans le cadre de ses compétences, a le droit inhérent d'expulser un de ses membres.

Voilà ma conclusion. Je me trompe peut-être, mais je suis porté à penser ainsi. J'aimerais pouvoir examiner certains précédents concernant la Chambre des lords ou d'autres secondes Chambres dans le monde. En ce sens, il serait peut-être bon de nous donner un délai de 24 heures pour y réfléchir davantage. Telle est cependant, pour le moment, mon opinion.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai siégé à la Chambre des communes durant 30 ans. Nous en avons expulsé des députés, mais nous n'avons pas déclaré leur siège vacant. Nous devons être très précis. Le sénateur Lewis, soutenu vigoureusement par l'honorable sénateur Grafstein, nous a fait remarquer que «expulser» et «déclarer vacant» ne veulent pas dire la même chose.

Avant de voter, nous devrons lire la motion très attentivement. «Expulser» peut signifier «exclure» ou bien «cesser de payer», ce qui pourrait être une bonne idée. Le sénateur Thompson ne pourrait pas toucher sa pension parce qu'il n'a pas démissionné, mais il pourrait ne pas être payé parce qu'il est absent. C'est une décision qu'on a déjà prise à l'égard de membres du personnel. Nous pourrions le punir en disant qu'il est un rien du tout. S'il veut toucher de l'argent, il devra démissionner et il recevra sa pension.

J'ai une question à poser au sénateur Beaudoin.

[Français]

Honorables sénateurs, il n'y pas une grande différence à faire entre l'expulsion et ce que le sénateur Lewis, dans son esprit juridique très précis, nous a dit.

[Traduction]

Une action précipitée serait peut-être bien perçue dans l'opinion publique, mais nous sommes censés être des gens très sérieux - et je crois que nous le sommes. La mesure que nous prendrons devrait faire l'unanimité. Il existe de nombreuses possibilités. La presse a raison de dire que cet homme ne se présente jamais et qu'il ne mérite donc pas d'être rémunéré. Nous l'avons déjà puni. Peut-être la punition n'est-elle pas assez sévère et peut-être devrions-nous aller jusqu'au bout. Peut-être devrions-nous dire que, s'il ne se présente pas, il ne sera pas rémunéré. Nous pourrions aussi dire que, s'il veut de l'argent, il n'a qu'à démissionner pour toucher sa pension.

Je crois qu'il faut conclure le débat de façon ordonnée. En l'occurrence, la précipitation n'est pas la voie à suivre. Nous n'avons pas à obéir à une foule hargneuse. Nous voulons faire ce qui est dans l'intérêt du Canada et ce ne sont pas 24 heures de réflexion qui vont nous nuire. Nous arriverons peut-être à une meilleure solution.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, si le sous-amendement est adopté, j'espère que les sénateurs accepteront que nous nous formions en comité plénier et que nous convoquions le légiste du Sénat afin d'avoir la possibilité d'échanger avec un conseiller juridique.

Si le sous-amendement est adopté, je demande à ma vis-à-vis si elle accepte que nous demandions l'opinion du comité plénier. Si nous n'avons pas le consentement unanime et s'il faut présenter une motion, je m'en occuperai.

Le sénateur Lawson: La question des 24 heures n'est pas coulée dans le béton. Je n'ai aucune objection à ce que ce délai soit changé.

[Français]

L'honorable Michel Cogger: Honorables sénateurs, j'ai écouté l'exposé du sénateur Beaudoin et je continue à m'interroger. En l'absence d'une distinction nette entre le pouvoir d'expulser et de déclarer vacant, est-ce qu'on ne risque pas de se retrouver dans une situation où le pouvoir du premier ministre de seul choisir et désigner des sénateurs se trouverait frustré? Songeons, par exemple, à la situation où, après un changement de gouvernement, une majorité dans cette Chambre représente un parti différent de celui que représente le premier ministre, celui du gouvernement, et le premier ministre choisit de combler une vacance au Sénat et désigne quelqu'un que la majorité dans cette Chambre, par un vote majoritaire, décide d'expulser. Qu'est-ce qui viendrait empêcher cela? N'y a-t-il pas une contradiction inhérente dans la proposition qui, à la limite, finirait par dire qu'ici on aurait le droit, par un vote majoritaire, de déclarer une vacance? Je ne parle plus de l'expulsion à caractère temporaire plus ou moins longue.

Le sénateur Beaudoin: Honorables sénateurs, le seul précédent qui me vient à l'idée est celui d'une expulsion survenue en Nouvelle-Écosse. C'est une Chambre des députés et une Chambre des députés peut expulser un membre.

Évidemment, s'il y a eu une élection partielle - c'est le cas en Nouvelle-Écosse - le député qui avait été expulsé s'est présenté de nouveau. Si mon souvenir est fidèle, il a été élu. Cela a résolu le problème.

On fait du droit comparé: ce n'est pas de la Chambre des communes, c'est du Sénat dont il s'agit ici. Il n'y a pas d'élection et c'est le Gouverneur général, sur avis du premier ministre, qui nomme les sénateurs. Est-ce qu'une fois expulsé, le siège devient nécessairement vacant? J'aimerais bien entendre une opinion aussi là-dessus. Si cela n'est pas contesté, et le premier ministre nomme un remplaçant, cela règle le problème. Cela peut être, évidemment, contesté quand même par la suite.

Je n'irai pas plus loin que cela dans ce domaine. Mais ce qui me tracasse, c'est ceci: je pense qu'une Chambre législative, et nous sommes une Chambre législative, peut expulser un membre pour des motifs vraiment extraordinaires. Évidemment, cela va créer un précédent, cela va faire du bruit. Si on me demande si une Chambre législative peut le faire, je suis porté à croire qu'elle a le droit inhérent de le faire.

L'argument contraire, c'est que la Constitution contient déjà les articles 18 et 31 qui prévoient les privilèges et les cas où un siège au Sénat devient vacant. Est-ce que c'est exhaustif? Est-ce que cela empêche l'exercice d'un droit inhérent?

(1520)

Ma première réaction - je suis prudent - c'est de dire non. On aurait le droit d'expulser. Je ne vais pas plus loin pour le moment.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Si ce n'est pas contesté, le premier ministre pourrait nommer quelqu'un d'autre. Contester où? Devant quel tribunal? C'est la première question. Les tribunaux traditionnellement ne se mêlent pas des affaires internes de la législature. Deuxièmement, est-ce que le sénateur Beaudoin est conscient du fait que nous avons eu hier deux opinions juridiques au comité des privilèges, du Règlement et de la procédure stipulant que nous avons le droit d'expulser un sénateur? Le conseiller juridique du Sénat nous a dit que dans les documents d'État de 1867, on mentionne que les règles de la Chambre des communes britannique s'appliqueraient à la Chambre des communes canadienne et au Sénat canadien.

Le sénateur Beaudoin: Sur le premier point, il est vrai que les tribunaux ne se mêlent pas de ce qui se passe dans le processus législatif. Mais les tribunaux ont toujours le droit de se prononcer sur la façon dont la Constitution est appliquée. En ce sens, si le sénateur Thompson dit non, et croit que ce que le Sénat fait est ultra vires, bien sûr, il pourrait s'adresser aux tribunaux. La cour se prononcerait. S'il ne le fait pas et que le siège est rempli, cela répond à la question. C'est tout ce que je dis.

Le sénateur Gigantès: Que nous prenions la décision aujourd'hui ou la semaine prochaine, ce que nous disons en ce moment est pertinent et j'espère que nous n'aurons pas à en rediscuter la semaine prochaine. Si le sénateur tente de contester notre décision, la cour sera forcée de dire que ce que la législature a fait pour discipliner un de ses membres n'était pas correct. Or le droit britannique qui s'applique à la Chambre des communes britannique comme au Sénat et à la Chambre des communes canadienne ne prévoit pas une intervention des tribunaux à l'égard d'une chambre législative qui dirait: «Vous avez mal fait votre travail.»

Je ne parle pas maintenant de l'interprétation d'un article de la Constitution sur les raisons pour lesquelles un sénateur pourrait être mis à la porte. Je parle de ce droit inhérent que vous avez mentionné. Avec ce droit inhérent, est-ce que les tribunaux oseraient intervenir?

Le sénateur Beaudoin: Un tribunal canadien, selon la Constitution canadienne, a le droit de dire si oui ou non une assemblée législative a un droit inhérent d'expulser. Il ne se prononcera pas dans un cas particulier, mais sur la question de savoir si une Chambre législative a le droit d'expulser. Un tribunal peut dire oui ou non. Il ne se mêle pas de la façon de le faire, mais il peut dire si un tel pouvoir existe ou non.

Les Pères de la Confédération ont prévu un système spécial pour le Sénat et un système différent pour la Chambre des communes. Les précédents de la Chambre des communes peuvent s'appliquer ici en autant qu'ils soient compatibles avec la Constitution du Sénat. Je pense que le droit d'expulsion dans un cas vraiment extraordinaire est inhérent. Maintenant, est-ce que l'on doit s'en servir? C'est autre chose! Est-ce que les juristes sont d'accord pour conclure qu'il y a un droit inhérent? S'ils l'ont dit hier, cela confirme ce que je dis aujourd'hui.

[Traduction]

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: J'ai une question à poser au sénateur Beaudoin. Comme toujours, il a fait une analyse convaincante qui nous force à repenser notre proposition initiale.

J'ai parcouru rapidement un avis qui a été communiqué au comité hier soir. Je n'étais pas au comité, mais l'un de mes collègues m'a donné l'occasion de consulter l'opinion de Dawson là-dessus. J'espère ne pas interpréter cette opinion hors contexte, mais Dawson dit essentiellement que nous sommes contraints de nous en tenir à l'article 31.

Nous pouvons faire bien des choses, mais nous n'avons pas les mêmes pouvoirs que l'autre endroit, pour des raisons d'ordre constitutionnel qui sont excellentes et justifiées. Si nous pouvons nous comparer à la Chambre des lords, en Angleterre, je pense que cela convient mieux à notre situation, au Canada. Selon moi, nous n'avons pas les mêmes pouvoirs inhérents, ni les mêmes remèdes.

La notion de droits inhérents dont le sénateur Beaudoin a parlé m'intrigue, mais Dawson, qui est une autorité reconnue, que je sache, n'en souffle pas mot. Il s'est colleté avec le problème, et d'autres sénateurs l'ont fait à d'autres moments, et ils en sont tous venus à la conclusion qu'il n'y avait pas moyen d'échapper aux dispositions de la Constitution.

Une belle question est ressortie de la discussion, celle de la définition de crime infamant. Est-ce qu'un sénateur qui n'assiste pas aux séances se rend coupable de mépris systématique de ses responsabilités? Belle question. Je laisse à d'autres, plus éclairés que moi, le soin d'y réfléchir.

À mon avis, la conduite que nous propose le comité, dont la décision a été unanime, je m'en réjouis, est celle qui est la plus sage pour nous tous.

Le sénateur Beaudoin: Je suis impressionné par l'argument selon lequel il n'existerait pas de droits inhérents. Le fait demeure que la Constitution fait allusion à de nombreux droits que le Sénat possède. Nous avons les mêmes droits que les Communes, exception faite des votes de méfiance, des projets de loi de finances et des modifications constitutionnelles, sur lesquelles nous n'avons qu'un droit de veto de six mois. Pour le reste, nous avons les mêmes pouvoirs. Nous sommes une assemblée législative au même titre que les Communes.

L'histoire montre que les Communes ont expulsé des députés. Je suis enclin à croire que nous avons également ce droit. Je respecte l'opinion contraire, bien entendu, puisqu'il s'agit d'un point difficile. Ce n'est pas qu'un problème de droit constitutionnel; c'est un problème de droit parlementaire. Deux problèmes très difficiles se posent en même temps. Passionnant, mais difficile.

(1530)

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je tiens à dire quelques mots au sujet du sous-amendement proposé par le sénateur Lawson, appuyé par le sénateur Lucier.

Ce sous-amendement devance en quelque sorte le travail que le comité allait faire. Je crois savoir que, dans le rapport qu'il a présenté aujourd'hui, le comité du Règlement veut exiger que le sénateur Thompson comparaisse devant lui. Il voulait que le Sénat adopte un ordre pour le faire comparaître. Si le sénateur comparaît, il devra fournir des raisons pour que son absence ne soit pas considérée comme un outrage au Sénat. Qu'il se présenteou non, si le comité en vient à la conclusion qu'il s'agit bien d'un outrage au Sénat, il débattra des sanctions qui pourraient s'appliquer: soit l'expulsion ou la suspension pour le reste de la session de la présente législature, dont la fin coïnciderait plus ou moins avec le début de la retraite du sénateur puisqu'il aura alors 75 ans, ce qui laisse au sénateur la possibilité de prendre sa retraite plus tôt, s'il le désire.

Les membres du comité ont entendu le greffier hier soir. Ils ont aussi reçu d'autres avis de constitutionnalistes. C'est à partir de cela qu'ils ont rédigé le rapport présenté aujourd'hui. Ils veulent examiner plus à fond les avis sur la constitutionnalité des sanctions.

Il me semble donc qu'il vaudrait mieux que nous n'appuyions pas aujourd'hui cet amendement, même si nous souhaitons siéger un jour en comité plénier et entendre le greffier, une fois que le comité aura recommandé une sanction. Ce n'est pas maintenant le moment de le faire.

Nous devrions envoyer aujourd'hui l'ordre exigeant que le sénateur Thompson comparaisse, permettre au comité de siéger, lui permettre de délibérer au sujet d'une sanction, lui permettre de communiquer le résultat de ces délibérations au Sénat. Nous pourrons alors débattre ici des votes que nous devrions tenir, y compris siéger en comité plénier, si tel est alors le voeu du Sénat.

Je regrette, sénateur Lawson. J'appuie la portée de votre sous-amendement, mais je ne peux pas l'appuyer à ce moment-ci.

Des voix: Le vote!

L'honorable P. Michael Pitfield: Honorables sénateurs, j'aimerais pouvoir parler avec autant de dignité naturelle et d'éloquence que bon nombre de nos collègues. Permettez-moi simplement de vous livrer quelques idées. Un des principaux objectifs du Sénat, c'est de veiller à ce que justice soit rendue et de nous protéger contre la tyrannie, notamment celle de la majorité.

Le Sénat est la Chambre du second examen objectif. Nous avons à coeur la protection de chaque citoyen et celle de chaque sénateur afin d'avoir l'assurance que chacun exerce le mieux possible son jugement lorsqu'il étudie les questions dont nous sommes saisis.

Je veux simplement parler un instant de notre façon de procéder. Je ne veux faire aucun commentaire sur le cas particulier en cause. Il me semble que nous précipitons notre jugement. Je suis inquiet lorsque j'entends certains de nos collègues dire que nous avons le pouvoir d'agir. Il est vrai que nous avons ce pouvoir, mais il est d'autant plus important que nous l'utilisions de manière très responsable. Certains disent que nous devons agir maintenant. Pourquoi dès maintenant? Shakespeare a dit que la douceur de la justice n'est en rien perturbée par le passage du temps lors de son examen.

Des doutes très sérieux ont été soulevés dans cette affaire. Le sénateur Lawson a émis des doutes au sujet de faits. Le sénateur Grafstein en a exprimé d'autres à propos de l'équité. Certains ont formulé des doutes au sujet des pratiques parlementaires du Sénat qui pourraient aller à l'encontre de la loi constitutionnelle suprême.

Honorables sénateurs, je pense que nous agissons comme le souhaiteraient nos détracteurs les plus vifs et énergiques. Nous donnons et nous demandons des avis juridiques improvisés. Je nous exhorte à agir calmement, équitablement et de manière réfléchie. Je puis vous assurer que si nous ne le faisons pas, les tribunaux seront saisis de cette affaire et qu'il faudra des années avant que nous connaissions son dénouement. Il y a là suffisamment de matière ainsi que de problèmes et de questions connexes pour fournir aux avocats qui écriront à ce sujet une source d'inspiration intarissable.

Ne donnons pas raison au sénateur Stollery de craindre une exécution à la mexicaine; évitons le salissage, ne laissons pas planer l'incertitude, faisons en sorte que le Canada ne soit pas tourné en ridicule comme le président Clinton. Nous voulons résoudre ce problème. Nous devons le résoudre, mais agissons d'une manière qui servira d'exemple quant à la façon dont les législateurs doivent s'y prendre, pas d'une manière que l'on citera dans l'avenir comme la chose à ne pas faire.

Ce long après-midi tire à sa fin. Je me demande s'il serait possible que nos leaders se consultent, en soirée, sur la façon dont le Sénat pourrait, malgré les préoccupations multiples et délicates qui l'accaparent, régler cette question d'une manière réfléchie, demain.

Son Honneur le Président: Quelqu'un d'autre veut-il prendre la parole?

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je présume que personne ne retiendra la suggestion que vient de faire le sénateur Pitfield et ne proposera l'ajournement du débat? Je ne vois personne. Par conséquent, honorables sénateurs, si cette question doit être mise aux voix, je pense qu'il vaudrait mieux que je m'explique, y compris par-devers mes amis et collègues siégeant de ce côté-ci.

(1540)

Mais avant de le faire, je constate qu'il est 15 h 40 et que nous en sommes toujours à la présentation des rapports de comités permanents ou spéciaux, et que nous pourrions avoir à tenir un vote par appel nominal. Cela étant le cas, en ma qualité de président du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, je voudrais informer mes collègues que j'ai décidé, de mon propre chef, de reporter à la semaine prochaine la réunion prévue pour cet après-midi. Je présente mes excuses au sénateur Haidasz en particulier, dont le projet de loi S-8 aurait été présenté cet après-midi avec lui comme témoin. Je compte que mes collègues et les membres du personnel qui m'entendent comprendront que j'ai pris sur moi de reporter à la semaine prochaine la réunion du comité.

Honorables sénateurs, nous sommes saisis d'un rapport présenté par un comité permanent, un rapport qui, à notre connaissance, a été adopté à l'unanimité par le comité hier soir. Quand la présidente du comité nous l'a présenté cet après-midi, elle a demandé la permission du Sénat d'en débattre sur-le-champ.

Je m'arrêterai un instant pour dire que notre première erreur aujourd'hui a été d'accorder la permission. Ce qui s'est ébruité depuis que nous avons accordé la permission ne fait que confirmer la sagesse de la règle voulant que ce soit une bonne idée de laisser les rapports des comités sur le bureau pendant 24 heures avant d'en discuter. Peut-être que nous saurons mieux quoi faire la prochaine fois. Néanmoins, la permission a été accordée, après quoi le sénateur Ghitter a proposé une motion d'amendement - mais pour quoi faire? Pour faire quelque chose que le Sénat, au cours de ses 130 ans d'histoire, n'a jamais fait, pour faire quelque chose qu'il n'a pas clairement le pouvoir de faire.

Je serais peut-être, à un certain point, disposé - fort disposé - à voter en faveur de l'expulsion du sénateur Thompson, mais, n'ayant pas entendu les avis juridiques ou constitutionnels donnés au comité hier soir et ne sachant pas clairement quel est notre pouvoir à cet égard, je ne voterai certainement pas en faveur d'une telle motion cet après-midi.

En ce qui concerne une partie de l'amendement proposé par le sénateur Lawson, je ne crois pas que je l'appuierais si un vote avait lieu dans les 24 heures. Nous avons entrepris des démarches sans précédent et je crois que si nous devons le faire, comme le disait le sénateur Pitfield, il faut procéder avec mesure et prudence. Nous devons être pleinement conscients de ce que nous faisons et connaître les pouvoirs dont nous disposons pour le faire.

Un autre problème risque de se poser. Je m'adresse ici au sénateur Ghitter. Si son amendement fait l'objet d'un vote et est rejeté aujourd'hui, nous pourrions revenir à cette procédure et décider de l'expulsion. Je suis persuadé que c'est une mesure que nous pourrions vouloir prendre.

Pour toutes ces raisons, et pour les raisons de procédure et de constitutionnalité que d'autres sénateurs ont invoquées au cours du débat, je ne pourrais pas voter en faveur des amendements proposés au rapport.

Je dis cela simplement à titre d'explication. Si nous sommes contraints de voter sur l'amendement maintenant, je devrai voter contre. Je crois qu'il serait préférable que nous suivions la voie proposée par le sénateur Pitfield, c'est-à-dire donner aux leaders la possibilité de discuter, sinon des mesures à prendre, au moins du processus à appliquer, car il m'apparaît assez clair qu'il y a eu entente à la réunion du comité hier soir au sujet de la procédure à suivre et que les amendements proposés aujourd'hui s'en écartent.

Des voix: Bravo!

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais faire quelques brèves observations. Comme le disait le sénateur Murray, le Sénat n'a pas été confronté à une situation de ce genre en 130 ans d'histoire et c'est pourquoi nous naviguons dans des eaux inconnues, pour employer un cliché. Le problème dont nous sommes saisis nous place tous dans une situation inconfortable, quoique nous approuvions tous le but de l'amendement proposé par le sénateur Ghitter. Il s'agit pour nous de trouver le moyen d'y arriver de façon adéquate et rapide.

Le problème actuel date de nombreuses années. Nous savons tous que le sénateur Thompson ne s'est jamais présenté au Sénat, sauf lorsque la loi l'y obligeait. Lorsqu'il était invité à comparaître, il justifiait son absence par des certificats médicaux. Nous les avons acceptés, ce que nous devions faire puisque nous acceptons la parole de nos collègues. Je n'oserais jamais contester la validité d'un certificat médical présenté par un collègue. Toutefois, quand un collègue ne peut pas se présenter durant toute une décennie, nous sommes en droit de nous demander ce qu'il peut bien nous apporter comme contribution. Malgré nos pressions en ce sens, nous n'avons pas réussi à le convaince de libérer volontairement son siège. C'est pourquoi je pense que nous avons le devoir de veiller à ce qu'il soit remplacé par une personne qui pourra apporter une contribution un peu plus objective et constructive.

Encore une fois, je pense que nous voulons tous voir le sénateur Thompson quitter notre Chambre, à moins qu'il déclare soudainement qu'il est maintenant capable de travailler et d'assumer un rôle actif au Sénat pour les deux années qu'il lui reste. Cela me semble toutefois très improbable. Comme je le disais, nous devons procéder correctement et légalement, suivant les conseils des spécialistes, même si, d'après ce que je sais, il n'existe pas de précédent en l'occurrence.

Je suis d'accord avec le sénateur Lawson, qui suggère que nous demandions l'avis de notre conseiller juridique. Nous espérons qu'il sera en mesure de se présenter demain au comité plénier, où nous pourrons tenir une discussion véritable fondée sur son avis juridique et prendre une décision basée sur les principes juridiques qui s'imposent. Nous avons aujourd'hui une partie des informations nécessaires grâce aux connaissances du sénateur Beaudoin, mais nous avons besoin de conseils plus neutres, venant d'une personne qui n'est pas partie prenante dans la décision. Je propose que nous donnions notre appui à l'amendement proposé par le sénateur Lawson, soit que nous ajournions le débat à demain. Espérons que le conseiller pourra alors nous faire part de son opinion, pour que nous puissions ensuite nous former en comité plénier et reprendre le débat pour en arriver à une décision finale.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il y a plusieurs questions qui exigent une réponse, dont celle posée par le sénateur Murray: en vertu de quels pouvoirs agissons-nous? J'en ai une à poser également: que signifie vraiment le mot expulsion? Si nous expulsions le sénateur Thompson de cette Chambre aujourd'hui, quel serait l'effet de cette expulsion? Serait-il toujours sénateur? Nous avons des doutes sur ce point.

(1550)

Je ne suis pas ici pour défendre les droits d'un sénateur en particulier, mais pour défendre les droits de tous les sénateurs, de chacun d'entre nous.

En décembre dernier, nous avons entamé une procédure en vertu de laquelle le sénateur Thompson bénéficie de l'application régulière de la loi. Il y a eu la motion du sénateur Kenny. Nous avions espéré que le sénateur Thompson se présenterait hier. Il ne l'a pas fait. La question a donc été, conformément à l'ordonnance du Sénat, renvoyée au comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure. Ce comité s'est réuni hier soir et a déposé aujourd'hui un rapport unanime. Nous avons été autorisés à examiner ce rapport aujourd'hui. Ce rapport proposait une procédure. Espérons que, si nous ne sommes pas satisfaits des avis émis par les conseillers juridiques hier soir, nous pouvons examiner les questions juridiques plus en détail.

Ce qui m'inquiète plus que tout, c'est le type de précédent que nous pouvons créer ou que nous pourrions créer aujourd'hui. Si nous décidons d'expulser le sénateur Thompson comme ça, en un jour, qui sera le suivant et pourquoi?

Je sais que tous autant que nous sommes dans cette Chambre voulons, individuellement et collectivement, faire ce qu'il faut. Toutefois, nous voulons être sûrs d'agir correctement et équitablement, pas seulement envers le sénateur Thompson, mais les uns envers les autres.

Le sénateur Stratton: Et les Canadiens?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le sénateur Stratton demande: «Et les Canadiens?» Le sénateur Ghitter demande si nous avons le cran nécessaire. Le sénateur Nolin demande si nous avons le courage nécessaire. Je me demande si nous pourrions mieux servir cette institution et les Canadiens en demandant si nous avons le cran et le courage aujourd'hui de respecter l'application régulière de la loi et d'attendre jusqu'à mercredi prochain, comme le recommande le comité. La procédure est en marche. C'est pourquoi nous avons des comités. Nous nous en remettons à nos comités. Nous leur faisons confiance. Nous leur déléguons le pouvoir. La décision finale se prend toutefois ici, où elle devrait être prise.

Honorables sénateurs, je suis très au fait des observations du sénateur Pitfield sur la justice. On a employé des mots comme «diminué» et «avili» et l'expression «qu'en est-il de la population?» En tant que représentants de la population, nous avons le devoir de nous assurer que la présente institution, qui est un élément vital et essentiel du Parlement en vertu de la Constitution, prendra des mesures et qu'elle ne le fera pas par caprice ni à cause de ce que dit la presse pour influencer l'opinion publique. Nous devons plutôt en notre âme et conscience faire preuve de bon sens, de jugement et de justice dans nos conclusions.

L'honorable C. William Doody: Honorables sénateurs, j'ai deux questions à poser pour éclaircir les choses. Je ne sais pas si j'ai surtout peur de l'option que nous choisissons sans y penser plus avant ou si je suis surtout dégoûté par la conduite du sénateur Thompson. L'après-midi a été très troublant. Personnellement, je suis plutôt enclin à appuyer la recommandation du sénateur Pitfield. Il ne sera peut-être pas possible de lui donner suite.

Cependant, il me reste le sous-amendement des 24 heures qui nous est proposé et que recommande mon leader. Voici mes questions: d'abord, s'agit-il littéralement de 24 heures? Le comité plénier se réunira-t-il à 16 h 30 ou à 16 h 25 ou parlons-nous de la prochaine séance du Sénat? Il ne servirait à rien de venir ici pour attendre jusqu'à 16 h 30 avant de nous réunir en comité plénier. Si cela doit être fait, que ce soit fait pendant que nous siégeons.

Ensuite, serons-nous forcés de nous prononcer sur l'amendement du sénateur Ghitter demain, lorsque cette affaire sera réglée, sans avoir entendu, peut-être pour notre plus grande satisfaction, tous les témoignages que nous aurions aimé entendre?

Je ne suis pas très à l'aise avec l'idée d'un comité plénier. Nous avons déjà renvoyé cette affaire à un comité sénatorial. Le comité a fait rapport et nous a présenté une recommandation unanime. Il faut rejeter ou accepter le rapport du comité, et ne pas aller dans tous les sens comme nous le faisons maintenant.

Au point où nous en sommes, notre leader nous recommande de donner suite à la recommandation du sénateur Lawson au sujet d'une réponse dans les 24 heures. Pourrait-on éclaircir s'il s'agit bien d'une période de 24 heures ou si l'on veut dire d'ici la prochaine séance?

Comment allons-nous procéder demain? Devrons-nous voter sur la motion du sénateur Ghitter, même si nous avons entendu le témoignage et si nous n'avons pas eu l'occasion de lire le rapport du comité? Quelqu'un pourrait-il m'aider à ce sujet?

Le sénateur Graham: Je pourrais peut-être préciser en posant une question au sénateur Doody. N'est-il pas d'avis qu'en vertu de l'ordre adopté par cette Chambre - la motion du sénateur Kenney, en décembre - nous avons encore deux semaines pour agir au sujet de cette motion et de la question d'aujourd'hui?

Le sénateur Stollery: Honorables sénateurs, le comité était parfaitement conscient, hier, que nous devons nous conformer à l'ordre de décembre dans les 14 jours. Cela comprend le problème de s'assurer que le sénateur Thompson reçoive la communication et que cela se fasse de manière raisonnable. Je préviens mes collègues de ne pas trop tarder, car cela viendrait en contradiction des recommandations du comité qui disait qu'il fallait 14 jours pour tout le processus. Il est important de s'en souvenir.

Certains sénateurs pourraient dire que nous aurions dû agir vendredi et que le sénateur Thompson aurait dû être sommé de venir vendredi. Le consensus est d'attendre mercredi, car il pourrait être difficile de faire parvenir la communication au sénateur Thompson. Je répète que toutes ces décisions ont été prises à l'unanimité.

Le sénateur Doody: Honorables sénateurs, je suis complètement perdu. J'ai posé deux questions au leader concernant la marche à suivre en la matière. En guise de réponse, il m'a demandé ce que je pensais de la motion du sénateur Kenny, ce qui n'a rien à voir avec ce qui me préoccupe en ce moment. Je veux savoir si la période de 24 heures nous amène à 16 h 30 demain, et s'il nous faudra voter sur le sous-amendement et peut-être sur la motion demain. Qui sait si demain nous disposerons de suffisamment d'informations pour nous prononcer là-dessus?

(1600)

Je suis peut-être à blâmer. Le rapport du comité m'a peut-être été expédié plus tôt dans la journée. Je ne l'ai pas vu. En tout cas, je ne l'ai pas lu et je n'ai pas eu le temps de prendre connaissance des décisions prises. Face à tant d'incertitudes, je demande conseil aux leaders. Après quoi, si quelqu'un veut toujours savoir ce que je pense de la motion du sénateur Kenny, je serai peut-être en mesure de m'exprimer là-dessus.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je vais faire de mon mieux, mais je ne promets rien car c'est passablement compliqué.

Nous avons été saisis du sous-amendement du sénateur Lawson. J'ai affirmé que je ne saurais l'appuyer, car je suis d'avis que ce débat doit se tenir d'abord en comité et après à la Chambre. Si, toutefois, le sous-amendement du sénateur Lawson devait être adopté à la Chambre, nous ferions alors appel à un conseiller juridique. Nous aurions ensuite à décider quand il sera entendu par le comité plénier. Mais il nous faut d'abord voter sur la motion, puis décider des modalités et du moment choisi pour nous réunir en comité plénier. Ce sera demain après-midi si l'affaire est étudiée devant le comité plénier, à moins que nous ne consultions un conseiller juridique, en utilisant d'autres moyens - mais j'ignore quels autres moyens nous pourrions utiliser à part le comité plénier. Mais il faut d'abord que le sous-amendement du sénateur Lawson soit approuvé.

À mon avis, il serait préférable de rejeter le sous-amendement du sénateur Lawson - ce n'est pas que je sois contre l'idée de faire appel à un conseiller juridique, mais parce qu'il nous faudra encore le concours du conseiller juridique principal au comité du Règlement. Donc, attendons que le comité nous ait remis son rapport final, après quoi, si nous jugeons bon de consulter un conseiller juridique, nous aurons encore le loisir de le faire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, ce que nous aimerions savoir concerne deux points soulevés par...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Lynch-Staunton a déjà parlé de cette question.

La permission est-elle accordée à l'honorable sénateur pour qu'il parle à nouveau?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Lynch-Staunton: La motion du sénateur Lawson dit 24 heures, ce qui signifie la prochaine séance. Elle devrait être modifiée pour que ce soit précisé.

La modification apportée par le sénateur Ghitter au rapport soulève deux points essentiels que nous devons régler si nous voulons vraiment que le sénateur Thompson soit reconnu de facto comme n'étant plus membre de cette Chambre.

Tout d'abord, cette Chambre a-t-elle le pouvoir de l'expulser, de le suspendre, de le renvoyer ou de lui refuser l'entrée? C'est ce que nous aimerions savoir. C'était l'intention du sénateur Ghitter, que nous prenions une décision une fois pour toutes. Si nous ne pouvons pas l'expulser, pouvons le suspendre? Si nous ne pouvons pas le suspendre, pouvons-nous l'empêcher d'entrer tout comme nous lui avons retiré son bureau et les privilèges liés à ce dernier?

Deuxièmement, le Sénat peut-il lui refuser son salaire et son allocation mensuelle non imposable? C'est ce que nous aimerions savoir. C'est ce que nous espérons tous - à savoir que sans rendement, il n'y a pas de rémunération. Le fait est que si nous sévissons - et je suis d'accord sur tout ce qui a été dit à ce sujet - nous devons le faire correctement.

Le mérite de l'amendement du sénateur Ghitter, c'est qu'il pousse cette Chambre à prendre une décision, et une décision doit être prise sans tarder. C'est pourquoi il est essentiel que le conseiller juridique nous donne son avis sur ces deux points. J'espère que nous pourrons l'avoir pour demain afin que nous puissions en débattre, si nécessaire.

Tout ce que le comité nous a soumis, en toute déférence envers ses membres - et je n'envie pas leur travail - c'est une conclusion selon laquelle le sénateur ne s'est pas présenté, mais il faut lui donner une autre chance.

La motion du sénateur Kenny demandait qu'on ordonne au sénateur Thompson d'être présent à la reprise des travaux du Sénat, en février 1998. C'était hier et il ne s'est pas présenté. Nous n'avons pas repris nos travaux aujourd'hui, mais hier. Ainsi, il n'a pas respecté l'ordre du Sénat. Pourquoi voulons-nous lui donner une autre semaine? S'il se présente la semaine prochaine, allons-nous lui dire tout à coup qu'il peut rester, qu'on va lui redonner son bureau, sa secrétaire et tous les privilèges qu'on lui a retirés et qu'il aura même droit à une augmentation de salaire si nous en obtenons une? Il est certain que notre position sera la même.

Il faut soumettre l'amendement du sénateur Ghitter à notre expert juridique et ce dernier doit faire rapport demain, si c'est possible, pour que nous puissions en arriver à une décision qui se fait attendre depuis longtemps, selon moi.

L'honorable Richard J. Stanbury: Honorables sénateurs, je suis stupéfait de voir ce que le chef de l'opposition propose. Nous avons, au Sénat, un processus que nous respectons depuis de nombreuses années et qui consiste à renvoyer certaines questions à un comité qui a, alors, l'occasion de les examiner. Le comité fait ensuite rapport au Sénat, qui étudie à son tour ce rapport.

Tout d'abord, je ne suis pas d'accord avec ce que le chef de l'opposition a dit au sujet de l'ordre pris le 16 décembre. On y disait que le sénateur Thompson devait se présenter à la reprise des travaux du Sénat, ce qui était hier, faute de quoi, la question de son absence prolongée serait renvoyée au comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure. C'est ce qui s'est produit.

Hier soir, le comité a pris note du fait que le sénateur ne s'était pas présenté et il s'est demandé ce qu'il devait faire à partir de là afin de pouvoir faire rapport au Sénat dans les deux semaines que le Sénat lui avait données à cette fin. On ne nous a pas dit de faire rapport aujourd'hui, mais dans deux semaines. L'objet du rapport provisoire d'aujourd'hui est simplement d'obtenir du Sénat le pouvoir d'ordonner la comparution du sénateur pour poursuivre ce processus.

Le comité aurait pu l'inviter à se présenter, comme le sénateur Stollery voulait le faire hier soir. Les membres du comité - dont certains sont conservateurs - ont dit: «Nous n'avons pas le pouvoir de l'inviter. Nous devrions en recevoir l'ordre du Sénat. Cela nous conférerait ce pouvoir.» L'objectif de l'ordre du Sénat est d'engager le processus, c'est-à-dire d'accorder au sénateur Thompson une autre occasion de se présenter au Sénat, puis d'engager les discussions en comité, ce qu'il faudrait faire rapidement, car nous ne disposons que de deux semaines. Les discussions consisteraient à recevoir quelque avis juridique que ce soit dont nous avons besoin pour pouvoir faire rapport au Sénat dans les deux semaines.

Je comprends parfaitement la motion du sénateur Ghitter. Nous sommes tous frustrés et nous voulons qu'on en finisse. Cependant, si nous adoptions son amendement, nous empêcherions le comité d'accomplir le travail que le Sénat lui a demandé d'effectuer. Nous lui avons donné deux semaines pour le faire. Il n'est ici cet après-midi que pour demander l'autorisation d'engager le processus.

Pour l'amour du ciel, cessons d'embrouiller les choses encore plus. Adoptons le rapport du comité. Ainsi, un ordre sera immédiatement transmis au sénateur Thompson. L'ordre sera rédigé et remis en bonne et due forme. Si le sénateur se présente, nous devrons alors examiner une autre situation, mais s'il nous fait faux bond, le comité doit songer qu'il devra faire rapport au Sénat.

D'ici deux semaines - ce que le Sénat a demandé - le Sénat aura la possibilité, sur la foi de preuves et d'opinions valables et solides, de rendre une décision. Je demande aux honorables sénateurs d'accorder cette possibilité au comité pour qu'on puisse sortir d'ici.

(1610)

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur Stanbury. Ce dossier préoccupe de nombreux sénateurs. La population va aller voir ce qui s'est passé de 1985 à 1997 et même 1998, pour se faire une idée des présences. Les Canadiens voient que nous essayons d'agir de façon juste, à cause d'un obstacle technique perçu en comité. Je crains simplement que nous ayons l'air de tergiverser encore.

Que se passera-t-il si le sénateur est convoqué devant le comité, mais ne se présente pas? Le comité va-t-il demander une autre opinion juridique ou nous recommander réellement l'expulsion?

Face à un dossier d'absentéisme qui remonte à 1985, les Canadiens disent: «La preuve est concluante. Arrêtez de tergiverser et finissez-en.» Je crains que nous trouvions un autre obstacle technique, une autre raison pour ne pas régler la question. Je suis d'avis que la population trouve la preuve très concluante.

L'honorable sénateur serait-il d'accord pour que, une fois que le comité aura ou n'aura pas entendu la version du sénateur, le comité prenne une décision sur cette affaire? Nous ne pouvons nous éterniser là-dessus.

Le sénateur Stollery: Il suffit d'appuyer le rapport et nous pourrons aller de l'avant.

Le sénateur Stanbury: Je sais que tout cela vient de la frustration et je me sens frustré moi aussi. Cependant, si le Sénat voulait adopter le genre de motion que le sénateur Ghitter a proposée cet après-midi, sans vérifier s'il existe des pouvoirs ou des preuves, ou sans donner au sénateur Thompson une chance de s'expliquer, il l'aurait fait le 16 décembre. Si vous ne tenez pas à avoir des preuves à l'appui de votre décision, allez de l'avant maintenant. C'est formidable, mais il faudra en accepter les conséquences.

Le 16 décembre, le Sénat a dit qu'il tenait à suivre une procédure appropriée dans cette affaire, qu'il voulait former un comité. Quelle a été la fonction de ce comité? Si le sénateur Thompson ne se présentait pas, l'affaire était renvoyée au comité, qui avait deux semaines pour trancher. Cela concerne uniquement la décision du Sénat de procéder comme il faut et de s'acquitter de sa responsabilité envers les Canadiens. Nous ne nous acquittons pas de notre responsabilité envers les Canadiens si nous n'accordons pas au sénateur un procès en bonne et due forme et si nous l'expulsons. Nous devons procéder comme il faut, comme nous l'avons décidé le 16 décembre. Nous avons voulu faire les choses comme il faut. Nous avons formé un comité. Aujourd'hui, le comité demande simplement plus de pouvoirs au Sénat pour aller de l'avant.

Le sénateur Stratton: Si je puis me permettre, honorables sénateurs, nous connaissons l'histoire, et je suis d'accord là-dessus. Ce qui m'inquiète, c'est que si nous faisons ce qui est recommandé et que le sénateur ne se présente pas la semaine prochaine, le comité devra en discuter à nouveau, et il pourrait fort bien surgir un autre problème de procédure. Ne pensez-vous pas que l'on devrait proposer une mesure définitive au comité voulant que s'il ne se présente pas, l'expulsion serait recommandée d'office?

Le sénateur Stanbury: Le Sénat a donné deux semaines au comité pour faire rapport au Sénat avec ses recommandations. Pourquoi agissez-vous prématurément et demandez-vous au comité de ne pas faire son travail? C'est vous qui avez demandé au comité de le faire, et c'est vous qui avez fixé le délai, soit dans deux semaines.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je pense que le Sénat ne doit pas perdre de temps. La réponse à chacune des questions des sénateurs se trouve dans le rapport provisoire. Je vais les expliquer brièvement. Le sénateur Pitfield dit que nous devrions accorder un certain temps aux chefs. Si le rapport est adopté, ils auront le temps de faire le tour de la question. Le sénateur Lawson s'inquiète de l'aspect juridique, et le comité peut se pencher là-dessus et répondre à ses questions d'ici deux semaines. Si le sénateur Ghitter a une question à poser au sujet du pouvoir du Sénat en matière d'expulsion, le comité peut également se pencher là-dessus. Le sénateur Beaudoin a soulevé un intéressant point au sujet du droit inhérent et de la question de savoir si nous avons le pouvoir en cause, et le comité peut aussi se pencher là-dessus. Le sénateur Stratton s'interroge au sujet des résultats concrets, et le comité fera une recommandation concrète. Je ne doute pas que la présidente du comité présentera des recommandations concrètes.

Le sénateur Lynch-Staunton a répété à maintes reprises, de façon fort convaincante d'ailleurs, que nous devrions observer la procédure prévue par le Règlement. Cette procédure veut que la question soit renvoyée au comité, que ce dernier l'étudie et fasse des recommandations au Sénat quant aux mesures à prendre par celui-ci. C'est exactement ce que nous avons fait. Le rapport qui sera déposé dans deux semaines traitera de chacune des préoccupations des sénateurs, y compris celles du sénateur Pitfield. Allez, au travail.

Le sénateur Lawson: Le sénateur Grafstein m'a convaincu. Je me faisais du souci pour la justice et l'équité. Nous agissions si précipitamment que j'avais l'impression que nous nous transformions en peloton d'exécution. Je serais disposé à modifier ou à retirer le sous-amendement, à la condition que le sénateur Ghitter retire son amendement et laisse au comité le soin de régler la question. La proposition du sénateur Ghitter nous a fourni une excellente occasion de débat et de discussion, et les sénateurs ont pu exprimer leur colère, leur frustration et leur inquiétude.

Si cela pouvait faciliter les choses, je serais disposé à retirer mon sous-amendement, à la condition que le sénateur Ghitter retire son amendement et laisse le processus en comité, dont le sénateur Grafstein a parlé, suivre son cours.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la situation se complique drôlement. Ce que nous avons devant nous pose de sérieux problèmes techniques. Je suis conscient du fait que la présidence ne doit pas participer aux débats. Peut-être pourrais-je m'entretenir une quinzaine de minutes avec les leaders et suspendre la séance pendant ce temps.

Le sénateur Forrestall: Cela me semble être une bonne idée.

Son Honneur le Président: J'ai peur que nous nous retrouvions dans une situation difficile que nous pourrions regretter plus tard.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, nous serions d'accord avec cette suggestion.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, comment pourrais-je refuser une aussi agréable invitation?

Son Honneur le Président: Ai-je l'accord des deux côtés?

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, je ne serai pas difficile. Lorsque Son Honneur demande s'il a l'accord des deux côtés, il me considère comme étant de ce côté-ci. Je me sens à l'aise ici, spécialement avec mon nouveau voisin. Je sais que je ne ferai pas partie du processus de consultation. N'oubliez pas que le sénateur Lawson ou moi-même aurions pu dire non. Toutefois, je vais donner mon accord.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Prud'homme. J'essaie de ne jamais oublier personne. Je sais que les indépendants sont peu nombreux, mais ils ont quand même le pouvoir du consentement unanime.

Je demanderais aux leaders des deux côtés de se rencontrer à mon appartement. Le timbre sonnera à 16 h 30 pour que nous reprenions à 16 h 35. D'accord?

Des voix: D'accord.

(La séance est suspendue.)

(1650)

Le Sénat reprend sa séance.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je propose: Que le débat soit ajourné.

(La motion est adoptée.)

 

Autorisation au greffier du Sénat d'ordonner au sénateur Thompson de se présenter devant le comité du Règlement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)1) du Règlement, je propose:

Que l'on donne pour instruction au greffier du Sénat d'écrire au sénateur Andrew Thompson pour lui ordonner de se présenter devant le comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure le mercredi 18 février 1998, à 19 heures, à la pièce 160-S, et

Qu'un exemplaire de la transcription des Débats du Sénat d'aujourd'hui soit expédié au sénateur Thompson dès qu'il sera disponible.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

L'honorable Consiglio Di Nino: Cette rencontre se fera-t-elle à huis clos ou en public?

Le sénateur Carstairs: Ce sera une rencontre publique, tout comme la réunion d'hier.

L'honorable Ron Ghitter: L'ajournement est-il fixé à une heure précise? Si ce n'est pas le cas, comment la question est-elle inscrite de nouveau au Feuilleton? Avons-nous l'engagement du gouvernement que cette question sera traitée le jeudi suivant la comparution prévue?

Le sénateur Carstairs: Le Feuilleton de demain fera mention que l'on a convenu de ne pas discuter de la question avant d'avoir reçu le rapport consécutif à la comparution du sénateur Thompson, si celui-ci comparaît devant le comité, ainsi que toute recommandation.

Il ne faut pas oublier que le comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure dispose d'un délai de deux semaines en vertu de l'ordre permanent pris par cette Chambre le 16 décembre. L'ordre porte que le comité doit faire rapport de toutes ses recommandations dans les deux semaines suivant le renvoi de la question. Je donne au sénateur Ghitter l'assurance que ce délai ne sera pas prolongé.

Le sénateur Ghitter: Honorables sénateurs, j'aimerais proposer un amendement, à savoir que le débat sur la question soit ajourné au jeudi suivant la réunion, et que le Sénat soit saisi automatiquement de ma motion à ce moment-là.

Son Honneur le Président: La question dont nous sommes saisis en ce moment est la motion de l'honorable sénateur Carstairs, à savoir qu'une lettre soit envoyée au sénateur Thompson. Cela n'a rien à voir avec les autres motions dont nous avons discuté. L'honorable sénateur fait allusion à l'autre débat, qui a été ajourné.

La question porte sur la proposition d'envoyer immédiatement une lettre au sénateur Thompson, accompagnée de la section pertinente du rapport du comité du Règlement déposé aujourd'hui.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Comme le consentement d'ajourner le débat sur les amendements du sénateur Ghitter est manifestement lié à la décision d'envoyer au sénateur Thompson une lettre du greffier, il convient d'expliquer que, sauf erreur de ma part, le débat est ajourné de jour en jour. Si nous voulons débattre de la question demain, nous pouvons le faire demain. Si nous ne voulons pas en débattre demain, nous reportons le débat. La question demeure cependant au Feuilleton et revient jour après jour à l'ordre du jour jusqu'à ce que nous en ayons disposé.

Son Honneur le Président: C'est ainsi que je comprends la décision qui a été prise lorsque nous nous sommes rencontrés dans mes appartements.

Le sénateur Ghitter: Merci de cette mise au point. Je retire l'amendement.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, où cet avis sera-t-il envoyé? On nous a parlé aujourd'hui d'application régulière du droit et d'équité. Nous devons savoir où cet avis sera envoyé. Je crois savoir que les sénateurs doivent avoir leur résidence dans leur division sénatoriale et qu'il serait suffisant que l'avis soit envoyé à l'adresse dans cette région. Je voudrais savoir. Est-ce que les documents sont envoyés au Mexique, en Ontario ou au bureau du sénateur? Que faut-il faire pour que le comité soit convaincu que les choses ont été faites dans les règles?

Le sénateur Carstairs: Excellente question. L'avis sera envoyé à son lieu de résidence, en Ontario. Il sera aussi envoyé par télécopieur à sa résidence du Mexique, avec instruction qu'il signe et nous renvoie l'avis. Il aurait accepté de le faire, semble-t-il. Cependant, les documents lui seront aussi remis en mains propres à sa résidence de La Paz, au Mexique. Ils ne peuvent lui être remis à son bureau, parce qu'il n'a pas de bureau ici. Cependant, dans ces circonstances, le greffier conserve le courrier pour tous les sénateurs. L'avis sera donc ici également.

(La motion est adoptée.)

(1700)

 

Motion visant à donner des instructions supplémentaires au comité du Règlement-Suspension du débat

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose aussi:

Que, au cours de ses travaux relatifs au renvoi du 16 décembre 1997, le comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure étudie tous les arguments et toutes les questions soulevés pendant le débat du 11 février 1998, et particulièrement pendant la discussion sur l'amendement proposé par le sénateur Ghitter.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je crois que nous aimerions que le comité fasse plus qu'étudier le compte rendu du débat. Depuis deux heures, nous disons que nous voulons, si cela est possible, le pouvoir légal de donner suite à l'amendement proposé par le sénateur Ghitter ou à tout nouvel amendement. Nous espérons, bien sûr, que le comité prendra connaissance du compte rendu et que cela l'éclairera, mais nous voulons également que le comité demande un avis juridique et nous recommande la mesure la plus sévère que le Sénat peut prendre à l'encontre d'un sénateur qui - et pour une fois cela semble faire l'unanimité - ne devrait pas être des nôtres. Quelle mesure pouvons-nous prendre pour qu'il ne soit plus sénateur et n'ait plus droit à la rémunération qu'il reçoit?

Nous devrions modifier la motion en conséquence pour que le comité comprenne bien notre intention.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je suis d'accord avec le sénateur. Si les honorables sénateurs acceptent, je modifierai ma motion en y ajoutant les mots:

 

[...] et qu'il entende des arguments juridiques allant dans le sens de ce débat.
Le sénateur Lynch-Staunton: Cela ne suffit pas. Le comité devrait aussi faire rapport au Sénat sur le pouvoir qu'il peut invoquer pour sanctionner le sénateur Thompson. Que pouvons-nous faire pour qu'il ne soit plus sénateur? Cela pourrait être formulé en termes plus juridiques, mais j'ai simplement utilisé les mots qui expriment notre objectif.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il sera difficile d'avoir le libellé exact que vous voulez. Cette affaire n'est pas aussi urgente que l'envoi de la lettre que le Sénat a approuvé. Pourrions-nous nous entendre pour reporter cette motion à demain afin que nous puissions en retoucher le libellé?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Nous laisserons donc la motion du sénateur Carstairs en suspens pour l'instant et nous y reviendrons demain, une fois que nous en aurons retouché le libellé. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

 

Les travaux du Sénat

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, les sénateurs de l'autre côté sont d'accord - et je le regrette, mais je n'ai pas eu le temps de consulter les sénateurs indépendants - pour que tous les autres articles restent au Feuilleton.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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