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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature,
Volume 137, Numéro 39

Le  1998
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 17 février 1998

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

L'Honorable Finlay MacDonald

Hommages à l'occasion de sa retraite

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, en novembre dernier on a organisé un déjeuner au Château Laurier pour le dernier de l'un de nos collègues à prendre sa retraite, Findlay MacDonald. Cette soirée a attiré quelque 200 personnes et on a demandé à une douzaine d'entre elles environ de dire à quel point elles appréciaient l'invité d'honneur ou de parler de ses travers, comme on le fait souvent dans le cadre d'événements de ce genre.

Trois sénateurs étaient de ceux-là. J'espère certes que si les deux autres interviennent aujourd'hui, ils ne trouveront pas aussi difficile que moi de passer d'une situation où on peut se laisser aller complètement, car tout est confidentiel, à une situation où, dans le cadre des hommages rendus à un sénateur, on sait que tout ce qu'on va dire sera enregistré pour la postérité, ce qui impose une certaine retenue.

Cela ne veut pas dire pour autant que les nombreuses activités du sénateur MacDonald au Sénat ont été passées sous silence, mais seulement qu'on s'est davantage intéressé à ses activités à l'extérieur et ce, pour une bonne raison. D'un autre côté, si les orateurs au cours de cette soirée s'étaient attardés sur le travail de Finlay le sénateur, une soirée n'aurait pas suffi à énumérer toutes ses réalisations au cours des 13 années où il a siégé ici.

Finlay n'a jamais caché son ambition de devenir sénateur. Dans son édition du 28 mars 1987, le Ottawa Citizen a publié un article qui décrivait la longue route, parfois difficile, suivie par Finlay pour aboutir au Sénat:

Finlay MacDonald avait travaillé à cette fin depuis aussi longtemps qu'il puisse se souvenir. C'était presque chose faite une fois, mais cela ne devait pas se réaliser. Il a donc dû attendre cinq années, trois mois et dix-sept jours.

La route a été longue pour Finlay MacDonald. Il a été président du Parti provincial, il a vécu trois élections, il a été président de la campagne de Robert Stanfield en 1972, puis chef de cabinet. Il a été conseiller principal de Joe et président de l'équipe de transition de Brian.

Il a été responsable pendant cinq années et demie de la caisse électorale du parti. Il avait bâti à partir de rien un fonds du Parti conservateur du Canada qui faisait maintenant l'envie des libéraux. Il pouvait compter sur 65 000 donateurs, de quoi rendre ses adversaires verts de jalousie. Son organisation avait un ordinateur vraiment impressionnant. Il n'a jamais reçu un sou pour son travail.

Honorables sénateurs, pour ne pas laisser croire que seuls les bons services à votre parti vous permettent d'accéder au Sénat, je vous rappelle aussi la participation active de Finlay MacDonald à l'industrie de la radiodiffusion et ses nombreuses activités au sein de la collectivité, notamment à l'Université St. Francis Xavier et au festival Shaw. En 1969, il a été nommé officier de l'Ordre du Canada «en reconnaissance de ses efforts et de ceux de quelque 2 000 bénévoles de la Société des Jeux du Canada, dont il était président cette même année et qui a organisé les premiers Jeux d'été, qui ont connu un franc succès».

Malgré son appui enthousiaste au Parti progressiste-conservateur, Finlay n'a jamais hésité à adopter une position qui lui était propre quand il avait l'impression que le gouvernement conservateur choisissait la mauvaise orientation. Quand je siégeais de l'autre côté, je ne cachais pas mon ennui devant le fait qu'il ne suivait pas la ligne de son parti, bien que je doive admettre que, pour un sénateur de l'opposition, c'est un comportement qui mérite des éloges et qu'il faut encourager, parce que c'est un exemple de démocratie à son meilleur.

Honorables sénateurs, je n'ai pas besoin d'énumérer toutes les réalisations du sénateur de Halifax qui, au cours des 13 années qu'il a passées ici, était connu et apprécié des deux côtés, du fait de sa présence assidue et de ses énergiques contributions aux travaux de la Chambre haute. En outre, on aura peut-être l'impression, à lire le hansard, qu'il était un conservateur d'une grande franchise. Je peux vous dire que, aux réunions du caucus, il parlait encore plus fort et dans un style encore plus coloré quand il prenait la parole pour défendre les diverses causes qui l'intéressaient. Nous devrons toujours garder un souvenir reconnaissant de la franchise de ses interventions sur un bon nombre des multiples questions que nous avons abordées dans les dernières années et de la détermination dont il faisait preuve.

Le travail que le sénateur MacDonald a accompli à titre de président du comité spécial chargé d'examiner l'annulation des contrats à l'aéroport Pearson nous est resté comme un exemple de travail minutieux et de longue haleine, réalisé avec courage et ayant abouti à un rapport honnête. Tout doute concernant les conclusions majoritaires de ce comité a été levé par l'éminent Stephen D. Lerner, de Winnipeg, qui est spécialisé en droit de l'aérospatiale. Dans une analyse exhaustive et détaillée intitulée «L'annulation des accords relatifs à l'aéroport Pearson: une étude de cas», publiée dans le numéro de 1997 des Annales du droit aérien et spatial, M. Lerner conclut que:

Le gouvernement fédéral a fait erreur quand il a annulé les accords relatifs à l'aéroport Pearson.

Tout en donnant raison au président du comité et à ses collègues, cela n'enlève rien à la sagesse des réflexions de Finlay sur l'expérience qu'il a vécue durant l'enquête sur cette affaire, et que l'on trouve dans le fascicule du 18 juin 1996 du hansard. J'en recommande la lecture, car ces réflexions sont formulées par une personne qui, outre qu'elle a participé à nos délibérations avec assiduité et application, était un observateur attentif du Sénat ainsi que de son rôle et de ses responsabilités au sein du système parlementaire canadien.

Il nous manquera beaucoup, mais nous savons que, pour Finlay, quitter le Sénat ne marque qu'une étape de plus dans une vie très active qui est loin d'être terminée. Je suis convaincu que nous n'avons pas fini d'entendre parler le lui.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, à l'occasion du dîner en l'honneur du sénateur Finlay MacDonald auquel le chef de l'opposition a fait allusion et qui a eu lieu à Ottawa, il y a quelques semaines déjà, les convives se sont régalés d'histoires racontées par une foule de conservateurs et une poignée de libéraux comme moi. J'ai eu l'insigne honneur de couvrir mon concitoyen du Cap-Breton et ami de longue date d'éloges et de calomnies devant le plus grand rassemblement de conservateurs dits «Red Tories» depuis les funérailles de Diefenbaker, et j'ai trouvé que cela tombait bien que le dîner ait lieu dans la salle Laurier du Château Laurier.

Dans nos jeunes années, nous avons tous deux travaillé dans le domaine de la radiotélévision, Finlay avec beaucoup plus de succès que moi d'ailleurs, et fait un peu de politique. Les élections fédérales de 1958 ont été un point tournant pour nous. J'étais le porte-étendard libéral de la belle et historique circonscription d'Antigonish - Guysborough, et Finlay, l'argentier du Parti progressiste-conservateur de la Nouvelle-Écosse. La légende veut qu'il soit arrivé à Antigonish la veille des élections et qu'il ait apporté une aide considérable à mon adversaire, si bien que j'ai été défait.

Quelques jours après les élections, je suis allé à Halifax chercher réconfort auprès de mes amis. C'est ainsi que j'ai visité le légendaire «bon ami», qui m'a accueilli à bras ouverts, le sourire fendu jusqu'aux oreilles, en s'écriant: «Tiens, tiens, si ce n'est pas le plus jeune «has been» de l'histoire de la politique canadienne». Cela fait 40 ans. Mon ami qui nous regarde maintenant depuis la tribune en souriant avait déjoué mes plans deux fois dans la même semaine. J'étais atterré; je me pensais mortellement atteint.

Cependant, c'est à chacun son tour. Maintenant, vous êtes là-haut, Fin, et moi, je siège encore ici!

Nous avons toujours eu beaucoup en commun, je suppose. Comme Shaw l'a si bien dit en parlant des titres de compétences du jeune politicien:

 

Il pense tout savoir quand en fait il ne sait rien, ce qui le destine à n'en point douter à une carrière en politique.
À l'époque, beaucoup de gens ont peut-être pensé que ces paroles s'appliquaient à nous deux.

Revenons à la fête donnée à l'occasion de la retraite du sénateur MacDonald. Depuis la vieille époque où j'étais le seul libéral à bord du convoi funéraire de Diefenbaker - en tant que président du Parti libéral du Canada - je n'avais jamais vraiment songé à ce que l'histoire dirait de tout cela. Serais-je perçu comme le loup déguisé en brebis, ou l'inverse? Peut-être l'histoire raconterait-elle des mensonges, comme elle le fait souvent, ou peut-être me considérerait-on comme une sorte de martyr. Comme un grand homme l'a dit un jour: «Le martyr [...] le seul moyen pour un homme dénué de compétences d'atteindre la célébrité.»

Toutefois, nous étions tous là, à applaudir et à louanger joyeusement le charmeur sans âge, le renard argenté lui-même, et à célébrer la carrière de l'une des personnes les plus divertissantes que cette ville ait jamais connues, et aussi, de l'un des sénateurs les plus infatigables sur la colline. Il a siégé à de nombreux comités, dont le comité des affaires juridiques et constitutionnelles et le comité de la régie interne. Il a été vice-président du comité des banques et du commerce et du comité des finances nationales. Lorsqu'il présidait le comité des transports et des communications, lui et moi avons protesté avec véhémence contre l'intention du gouvernement de l'époque de privatiser la ligne ferroviaire reliant Truro et Sydney. Nous avons cheminé ensemble, faisant valoir nos points de vue, et, parfois, je le soupçonne, tentant malicieusement de déborder l'autre, ayant toujours au premier plan de nos pensées ce que chacun de nous croyait être l'intérêt public.

Finlay travaillait fort et soutenait toutes les bonnes causes en Nouvelle-Écosse et de nombreuses autres ailleurs dans le pays, bien que, sur la question de la vente de la ligne ferroviaire sur courte distance, j'estime à l'époque qu'il allait à contre-courant de l'histoire. Peu importe, il a toujours été indépendant d'esprit et il croyait dans ce qu'il faisait, et quiconque tentait de l'éloigner de ses convictions pouvait aller au diable. Non pas qu'il ne fût pas un joueur d'équipe. Il l'était, la plupart du temps, mais c'est aussi une des rares personnes que j'aie rencontrées qui pouvait voter contre son propre gouvernement, naviguer à travers la tempête, et quand même être invité aux soirées du premier ministre.

Honorables sénateurs, il me semble que l'esprit, la détermination et l'optimisme incorrigible du sénateur MacDonald ont fait beaucoup d'heureux au fil des années. Que dire de ses ennemis? Il les a choisis avec grand soin.

Finlay, lorsque je pense à vous, je songe à un des grands conservateurs d'hier, le premier ministre John A. Macdonald, qui a peut-être été votre égal pour ce qui est du charme personnel et qui vous ressemblait certes par sa tenue soignée et son attitude désinvolte. Sir John A. Macdonald avait dit un jour:

 

Lorsque la chance vous verse son pot de chambre sur la tête, souriez et dites: «Nous allons avoir une averse d'été.»
Sénateur Macdonald, puissent les pots de chambre de la vie se transformer toujours en une douce et fine pluie de bonheur. Vous nous manquez beaucoup. Nos voeux les plus chaleureux vous accompagnent, ainsi que Lynn, dans votre retraite.

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, moi aussi j'étais présent au dîner donné en l'honneur de notre collègue au mois de novembre, et je voudrais lui rendre hommage aujourd'hui.

Je connais Finlay depuis plus de 45 ans et j'ai travaillé directement ou indirectement avec lui à plusieurs reprises depuis 1953. Il a été stratège des progressistes-conservateurs de la Nouvelle-Écosse et, pendant quelque temps, président du Parti progressiste-conservateur de cette province. Il a été membre de l'exécutif national du Parti progressiste-conservateur du Canada et il s'est porté candidat aux élections fédérales à Halifax, en 1963. Il a présidé la campagne nationale des progressistes-conservateurs en 1972, a présidé le Fonds PC du Canada et a été chef de cabinet du très honorable Robert Stanfield et du très honorable Joe Clark.

Voulant lui rendre hommage aujourd'hui, j'ai décidé d'emprunter la grand-route, c'est-à-dire évoquer son oeuvre, plutôt que de me contenter de narrer les escapades qu'il a faites pendant les onze ans où nous avons partagé une maison à Ottawa, ce qui a donné lieu, il va s'en dire, à bien des rires et des moments intéressants.

(1420)

Finlay a été nommé au Sénat le 21 décembre 1984. Il s'agissait de la première nomination faite par le premier ministre Brian Mulroney. Les sénateurs ici présents ne sont pas sans le savoir, les médias critiquent de plus en plus souvent le processus par lequel on devient sénateur. Cela fait des années qu'on nous chante les vertus de la sélection par vote populaire, laquelle serait bien supérieure à notre actuel système de nomination.

Les rédacteurs de notre Constitution devaient avoir le sénateur MacDonald à l'esprit quand ils ont défini le type de Sénat qui est le nôtre. C'est en effet sir John A. MacDonald qui a dit:

Une Chambre haute ne serait d'aucune utilité si elle n'exerçait pas, quand elle le juge à propos, le droit de rejeter, de modifier ou de reporter à plus tard une mesure législative adoptée par la Chambre basse. Elle aurait tort de se borner à enregistrer les décrets de la chambre basse. Elle doit être une Chambre indépendante et libre d'agir comme bon lui semble, car elle ne vaut que dans la mesure où, véritable organisme de réglementation, elle examine calmement les projets de loi proposés par la branche populaire et empêche l'adoption de mesures législatives improvisées ou malavisées émanant de l'autre Chambre.

Le sénateur Finlay MacDonald, par ce qu'il a fait pendant les 13 ans qu'il a passés ici, justifie la confiance que les auteurs de la Constitution ont placée dans le Sénat.

L'occasion pour le sénateur MacDonald d'exercer son indépendance est venue peu de temps après sa nomination. Lors de son premier mois au Sénat, en janvier 1985, il s'est opposé à une loi de son gouvernement accordant une autorisation d'emprunter sur la seule foi de l'exposé économique du ministre des Finances, Michael Wilson, datant du mois de novembre précédent. En l'absence de discours du budget ou de budget principal des dépenses, le projet de loi d'emprunt a été retenu plus d'un mois, en fait jusqu'à la présentation du budget principal des dépenses.

Au cours des années, Finlay a voté huit fois contre son gouvernement. Il s'est opposé au projet de loi éliminant le Conseil économique du Canada, la Commission de réforme du droit du Canada et le Conseil des sciences du Canada, et d'autres projets de loi trop compliqués pour être mentionnés. En 1993, il s'est battu furieusement contre le projet de loi fusionnant le Conseil des Arts du Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines. Il a proposé un amendement qui aurait tué la fusion et, comme Hugh Windsor l'écrivait le 3 juin 1993:

Il est entré dans l'histoire législative. C'était la première fois qu'un sénateur conservateur essayait de changer, d'améliorer, de modifier ou de défaire une mesure gouvernementale depuis neuf ans que M. Mulroney est au pouvoir.

Son amendement a été défait par 31 voix contre 27. Pas découragé pour autant, en troisième lecture il réussit à convaincre quatre sénateurs conservateurs, dont j'étais, de se joindre à lui. Il a pris ses propres collègues par surprise en demandant aux sénateurs conservateurs de s'abstenir, puis en votant avec les libéraux. Le projet de loi a été rejeté à la suite d'un vote nul, 39 contre 39. C'était la première fois depuis 1939 que le Sénat rejetait un projet de loi ministériel.

En fait, tous les projets de loi rejetés par le Sénat, à savoir celui sur l'avortement, celui sur l'aéroport Pearson et celui sur l'extinction de la Loi sur les limites des circonscriptions électorales, portent les empreintes du sénateur Finlay MacDonald - et les miennes aussi, je m'empresse d'ajouter avec fierté. Il a lancé la charge, au caucus et au Sénat, pour sauver Radio-Canada International, notre service d'ondes courtes qui est la voix du Canada dans le monde.

L'index des Débats du Sénat montre que depuis 1985, il a parlé 283 fois dans cette Chambre et Dieu sait combien de fois pendant les séances des neufs comités auxquels il a siégé, dont trois en tant que président!

Il dirait sans doute que la période la plus intéressante de son séjour au Sénat a été celle où il a occupé le poste de président du comité spécial du Sénat chargé d'enquêter sur les contrats de réaménagement de l'aéroport Pearson. Alors que d'autres se seraient probablement dérobés à cette lourde tâche, le sénateur MacDonald s'est non seulement porté volontaire mais a fait campagne activement pour obtenir le poste. Certains sénateurs ont été critiques à l'endroit de l'opinion majoritaire du comité, mais cela n'a pas empêché le sénateur MacDonald de diriger le comité et de faire face aux témoins du gouvernement assignés à comparaître et aux milliers de pages de documentation qu'ils ont produites. Mais surtout, le comité d'enquête dirigé par le sénateur MacDonald a permis de voir le travail de grande qualité que le Sénat peut accomplir, à bien meilleur coût que si on avait confié la tâche à une commission royale d'enquête.

Il est de bon ton dans les médias, ces temps-ci, de critiquer l'absentéisme au Sénat. Voyons justement le dossier de Finlay à cet égard. Les sénateurs peuvent s'absenter jusqu'à 21 jours chaque session, sans justification. Le greffier du Sénat, qui tient les dossiers de présence, a établi que durant les 13 années que Finlay a passées au Sénat, il n'a été absent que 25 jours. C'est moins de deux jours par année. Je crois, comme le sénateur MacDonald ici présent, que nous en avons donné pour leur argent aux Canadiens.

Au fil des années, j'en suis venu à admirer les qualités de Finlay et, notamment, son sens de l'humour, son inépuisable énergie, son sens de la justice, son instinct politique et l'enthousiasme avec lequel il affrontait les défis les plus difficiles. Ces qualités dépeignent un sénateur qui a exercé une grande influence dans ma vie, un homme pour qui j'ai beaucoup de respect.

Je souhaite à Finlay et à son épouse, Lynn, tout ce qu'il y a de mieux à l'occasion de leur retour à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Il va sans dire qu'ils nous manqueront à Ottawa. J'espère seulement que Finlay saura trouver de nouveaux défis pour se tenir occupé. Homme énergique et enthousiaste, il n'est pas de ceux qui tombent dans l'oisiveté. Puisse-t-il continuer de servir sa communauté et son pays longtemps encore.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai grandi sur Inglewood, à Halifax. M. MacDonald habitait la rue voisine. En ce temps-là, je n'avais pas le droit de l'appeler Finlay; pour moi, il était M. MacDonald.

Il était conservateur. C'est la seule erreur de jugement que mon père ait jamais reprochée à Finlay MacDonald. Mon père était un grand admirateur de celui qu'il estimait être un véritable «self-made man» arrivé à la force des poignets et qui mettait ses talents et ses capacités au service de ses concitoyens - tant dans l'arène politique que par l'intermédiaire de nombreux organismes caritatifs, dont il n'a pas été question ce soir mais auxquels les Néo-Écossais savent que vous avez contribué pendant de nombreuses années dans votre province.

Parmi les commentaires admirateurs que mon père faisait à propos de Finlay MacDonald, il en était un qui était teinté de jalousie. À maintes reprises, mon père avait été inscrit sur la liste des hommes les mieux habillés du pays, mais il ne mesurait que cinq pieds cinq pouces et demi. Il était très jaloux du fait que le sénateur MacDonald était aussi élégant que lui, mais que sa stature faisait ressortir davantage la splendeur des vêtements qu'il portait.

Finlay, vous êtes très estimé des membres de cette Chambre. Je tiens à ce que vous sachiez également que ma famille vous tient en grande estime, en dépit de votre manque de sagacité politique.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, j'ai appris à un très bas âge à me méfier des conservateurs. Mon père disait toujours: «Les conservateurs n'ont pas de coeur, ils ont seulement un portefeuille».

Quand j'avais cinq ans, au lieu de me lire des contes, ma mère me lisait les éditoriaux du journal libéral d'Athènes. Quand je suis arrivé à la Chambre, j'avais toujours ces préjugés. Jusqu'à ce que je rencontre le sénateur MacDonald. Bien vite je me suis dit «Si quelqu'un comme lui peut être conservateur, ça doit être qu'il y a des conservateurs qui sont corrects.» À ma grande surprise, je me suis rendu compte qu'en effet, il y a certains d'entre vous que j'aime bien, pas tous, mais je dirais même la plupart de mes collègues d'en face.

Vous avez toutefois fait une erreur, et je vais vous l'expliquer en vous racontant ce qui est arrivé à la porte du Sénat, alors que je venais de déjeuner avec ma très jolie belle-soeur. Je l'ai embrassée sur les deux joues avant de la quitter. Arrive Finlay qui me dit: «Moi aussi». Il la prend par la taille et après une sorte de mouvement de tango, il l'embrasse longuement sur la bouche. «Ma parole, qui est-ce?», m'a-t-elle alors demandé. Je lui ai répondu: «C'est un sénateur conservateur». Elle a immédiatement rajouté: «Je crois que je vais voter conservateur la prochaine fois.»

À mon avis, si vous aviez eu davantage recours aux services de Finlay MacDonald auprès des électrices libérales, vous seriez peut-être toujours au pouvoir.

L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, je voudrais moi aussi rendre hommage à Finlay MacDonald. Je sais bien des choses sur Finlay que je ne dévoilerai pas aujourd'hui. Finlay MacDonald, c'est l'homme de famille, mon compatriote du Cap-Breton, l'ancien combattant, le communicateur, le diplômé de l'Université St. Francis Xavier, à Antigonish, l'homme politique extraordinaire, l'officier de l'Ordre du Canada et, comme un de ses bons amis me l'a rappelé ce matin, le boute-en-train de toutes les fêtes.

Finlay saura sûrement qui m'a dit cela. C'est quelqu'un qui est à Halifax et qui est aussi l'un de ses voisins à Chester.

Comme le sénateur Atkins l'a mentionné, Finlay avait présidé le Parti progressiste-conservateur de la Nouvelle-Écosse au milieu des années 1960. Il a été un président très dynamique. Je suis entré en politique à peu près à cette époque. En 1963, Finlay s'est porté candidat aux élections fédérales. Bien qu'il ait perdu, il a remporté à peu près tous les bureaux de vote d'une circonscription qui, deux ans plus tard, a porté le nom de Halifax-Atlantique. J'ai frappé à de nombreuses portes en compagnie de Finlay, pendant cette campagne électorale. Grâce à son attitude débonnaire, sa vivacité d'esprit et l'excellente campagne qu'il a faite, il a remporté la victoire avec une majorité.

Il n'y en a peut-être pas beaucoup qui se souviennent qu'en 1969, Finlay a présidé les Jeux du Canada à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Il a accompli un travail remarquable et exceptionnel, comme me l'ont rappelé certaines personnes qui ont participé de près à ces jeux, notamment l'amiral Debbie Piers. J'étais alors membre du Cabinet de la Nouvelle-Écosse et j'ai assisté à de nombreux événements. Dans le quartier où Finlay habitait, on a parlé beaucoup du premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau, que Finlay a reçu chez lui à ce moment. Les voisins, tant libéraux que conservateurs, étaient ravis du fait que le premier ministre prenne le temps de se rendre dans ce quartier d'Halifax. Les Jeux du Canada ont été un franc succès, qui était attribuable aux efforts de nombreuses personnes, mais surtout de Finlay MacDonald.

Dans les années 1960, Finlay MacDonald était président de la société Industrial Estates Limited. La société avait été créée par le premier ministre Robert Stanfield dans le but d'attirer de nouvelles entreprises et de nouvelles industries en Nouvelle-Écosse. Ceux qui vivaient en Nouvelle-Écosse à l'époque savent que des milliers de nouveaux emplois ont littéralement été créés dans notre province grâce au travail de la société Industrial Estates Limited. Il s'agissait d'une société d'État qui faisait preuve de beaucoup d'innovation pour attirer de nouvelles industries et créer des emplois en Nouvelle-Écosse. Finlay, les membres du conseil d'administration, les cadres supérieurs et les employés de la société IEL étaient les grands artisans de cette réussite, eux qui parcouraient le monde entier à la recherche de nouvelles entreprises qui pourraient s'établir en Nouvelle-Écosse.

Fait intéressant à noter, la plupart de ces entreprises sont encore en Nouvelle-Écosse. Au fil des ans, elles ont créé des emplois dans cette province. Tout cela est attribuable essentiellement à l'efficacité et au dévouement de Finlay et des gens qui l'entouraient à la société IEL.

Ici, au Sénat, Finlay s'est toujours montré très efficace et travailleur. Comme l'a fait remarquer le sénateur Atkins, Finlay assistait assidûment aux séances du Sénat, il a présidé de nombreux comités au fil des ans et a toujours défendu le Sénat du Canada.

Je connais Finlay depuis près de 40 ans. J'ai connu sa famille à Sydney. Son père a été député conservateur de Cap-Breton-Sud pendant dix ans.

Finlay, félicitations pour l'excellent travail que vous avez accompli au fil des ans et pour tous les projets que j'ai mentionnés et auxquels vous avez participé. Vous avez toujours été «Mr. Broadcaster» aux yeux de nombreux Néo-Écossais et, pour eux, vous resterez, en toute simplicité, Finlay MacDonald.

Certains d'entre vous ne savent pas que le vrai nom du sénateur MacDonald n'est pas Finlay MacDonald. Au Cap-Breton et à l'Université St. F-X, de nombreuses jeunes femmes le connaissaient alors sous le nom de Ernie Finlay MacDonald.

Finlay, je vous transmets les salutations de certaines dames de la région de Boston qui m'ont dit de bien prendre soin de vous appeler Ernie Finlay MacDonald. Vous savez de qui je veux parler. Je dois dire que le sénateur Graham connaît aussi ces dames. Je suis en train de m'enliser.

En terminant, je tiens à dire que Finlay MacDonald est un homme de valeur dont le Cap-Breton, la Nouvelle-Écosse et le Canada peuvent être fiers.

Mission accomplie, serviteur valeureux et dévoué du Cap-Breton et de la Nouvelle-Écosse.

N'interprétez pas mal ce que je vais vous raconter, mais je dois dire que, pendant les congrès annuels du Parti conservateur, il m'est arrivé souvent, le soir, d'aller dans la suite où une foule de personnes étaient réunies et d'y trouver Finlay et Mavis sur le plancher, en train de faire leurs exercices. C'est pour cette raison qu'ils étaient en aussi bonne forme. Je parle d'exercices au sens usuel du terme.

Finlay, Mavis et moi-même vous souhaitons nos meilleurs voeux de succès, à vous et à Lynn, à l'occasion de votre retour à Halifax. Bon travail.

Le sénateur Graham: Je tiens à dire que les dames de Boston dont parle le sénateur Buchanan sont ses soeurs et ses parentes.

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, en décembre 1984, je faisais mes achats de Noël sur la rue Sparks, un jour où il neigeait abondamment et où il faisait très froid, lorsque quelqu'un m'a saisie par le bras, m'a fait pivoter et m'a dit ceci: «Hé, savez-vous que j'ai nommé Finlay MacDonald au Sénat? Qu'en dites-vous?» C'était Brian Mulroney. Je lui ai jeté un regard sévère et je lui ai dit ceci: «Il était grand temps.»

C'est ce qui s'est passé. Finlay MacDonald a compris et respecté le système gouvernemental pendant longtemps, tout en sachant fort bien qu'il n'était pas infaillible. Il connaissait mieux que quiconque le rôle des partis politiques dans ce système et il considérait la politique comme une sphère d'activités honorable. Il estimait que les communications et la culture étaient indispensables à l'unité nationale, et je partage entièrement son avis.

En exerçant ses fonctions de parlementaire, il agissait avec diligence et, comme bon nombre l'ont dit, avec intégrité et humour. Finlay MacDonald a été un de mes adversaires politiques pendant plus de 30 ans, mais il était aussi un ami personnel. J'espère qu'il continuera toujours de participer, comme il l'a déjà si bien fait, à l'édification de sa province et de son pays. Je lui souhaite, à lui et à Lynn, de nombreuses années de bonheur ensemble.

(1440)

 

Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la présence à notre tribune de notre ancien collègue, l'honorable sénateur Finlay MacDonald.

Je constate que le sénateur MacDonald est accompagné d'un autre sénateur qui a siégé ici pendant longtemps, l'honorable Lorne Bonnell.

 

Programme d'échange de pages avec la Chambre des communes

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, je tiens à vous présenter les pages de la Chambre des communes qui sont avec nous cette semaine dans le cadre du programme d'échange. À ma droite, nous avons Sue-Anne Fox, de Montréal. Elle étudie en administration, avec majeure en marketing, à l'Université d'Ottawa.

[Français]

Maurice Turcot, de St. Charles, Ontario, poursuit ses études en criminologie à l'Université d'Ottawa. Il est inscrit à la faculté des sciences sociales.

Je vous souhaite à tous les deux la bienvenue au Sénat, et que votre semaine parmi nous vous soit utile.

[Traduction]

 

L'Honorable M. Lorne Bonnell

Hommage à l'occasion de sa retraite

L'honorable Wilfred P. Moore: Honorables sénateurs, je veux aujourd'hui rendre hommage au sénateur M. Lorne Bonnell, qui a pris sa retraite le 4 janvier 1998, à l'occasion de son 75e anniversaire.

En 1951, lorsqu'il était encore un médecin occupé, le sénateur Bonnell a entrepris une carrière publique en se faisant élire à l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard. Il a été réélu lors des élections générales de 1955, 1959, 1962, 1966 et 1970.

En plus de ses fonctions de député, le bon médecin a servi les habitants de l'île en tant que ministre de la Santé, ministre du Bien-être social, ministre du Tourisme et du Développement, ministre responsable du Logement et leader parlementaire libéral.

En 1965, il a occupé les fonctions de chef intérimaire du Parti libéral de l'Île-du-Prince-Édouard. Il savait comment se faire élire et réélire.

Le 15 novembre 1971, le docteur Bonnell a été appelé au Sénat du Canada par le très honorable Pierre Elliott Trudeau. Sans doute en raison de sa formation et de son expérience en médecine, le sénateur Bonnell a manifesté un grand et vif intérêt pour les jeunes Canadiens, leur santé et leur éducation.

Il faut signaler parmi les faits saillants de la remarquable carrière du sénateur Bonnell au Sénat sa présidence du comité sénatorial permanent de la santé, du bien-être et des sciences, qui a produit en 1980 un rapport intitulé L'enfant en péril. Ce rapport et son contenu sont tout aussi pertinents aujourd'hui qu'ils l'étaient il y a 18 ans.

D'égale importance fut sa présidence du comité sénatorial spécial de l'enseignement postsecondaire, qui a produit en décembre 1997 un rapport qui constituera une importante toile de fond pour l'éducation de nos jeunes et l'attitude que nous adopterons à l'égard de cette question très importante dans les années à venir.

Le bureau du sénateur Bonnell, pièce 265-E, constituait un lieu de rassemblement pour de nombreux sénateurs des deux côtés de la Chambre. On pouvait y trouver une bonne conversation, des histoires allègres et une chaleureuse camaraderie. Le bon docteur avait vite fait de vous servir des médicaments ou des boissons selon le besoin ou la demande. Après ce genre de séances, on prenait plaisir à fréquenter le restaurant Cathay pour un repas de mets chinois arrosé d'une bière.

Sur une note personnelle maintenant, lorsque je suis arrivé au Sénat à l'automne de 1996, le sénateur Bonnell m'a pris sous son aile. Il m'a fait visiter les lieux. Il m'a expliqué les rouages et les traditions de notre honorable institution, le travail de ses hauts fonctionnaires et les intérêts des personnalités qui y siégeaient. Tous deux originaires des Maritimes, nous sommes vite devenus de bons amis. Je lui serai toujours reconnaissant de l'intérêt qu'il m'a porté et des nombreux services qu'il m'a rendus.

En bon père de famille rempli d'énergie, le sénateur Bonnell est rentré dans sa chère petite ville de Murray River, où il soigne ses patients à son cabinet et s'occupe de ses divers intérêts commerciaux.

Ayant siégé 20 ans à l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard et 27 ans au Sénat du Canada, le sénateur Bonnell a consacré au total 47 années de service à ses concitoyens de l'Île-du-Prince-Édouard et du Canada, ce qui représente de remarquables états de service qui ont exigé dévouement, intégrité et énergie. Le sénateur Bonnell a fait beaucoup d'honneur à son île natale et au Canada. Nous lui adressons nos meilleurs voeux. Il va nous manquer.

 


DÉCLARATION D'UN SÉNATEUR

Le Sénat

Les excuses au sujet de propos présentés dans les médias comme l'opinion du comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, je tiens à présenter des excuses aux membres du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dont j'ai l'honneur de faire partie.

Dans ma réponse à la lettre d'un citoyen qui m'exhortait à appuyer le projet de loi C-220, qui priverait de leurs droits d'auteur les personnes reconnues coupables de certains crimes, j'ai dit que le comité était d'avis que le projet de loi était inconstitutionnel et mal conçu. Je n'avais pas le droit de me faire le porte-parole du comité. Ce fut une erreur de ma part, et je présente des excuses. J'aurais dû dire plutôt que c'était mon opinion personnelle que le projet de loi était inconstitutionnel, mal conçu et ne ferait rien pour aider la cause des droits des victimes. Je vous prie de m'excuser.

 


AFFAIRES COURANTES

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant le paragraphe 58(1)h), je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit au mercredi 18 février 1998, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

L'efficacité du vaccin contre l'anthrax destiné au personnel militaire en route vers le golfe Persique-Demande de réponse

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement. Il se rappellera que j'ai posé la semaine dernière une question sur l'inoculation du vaccin contre l'anthrax à nos troupes qui se rendent dans le golfe Persique.

Je lui ai communiqué des informations alarmantes selon lesquelles le vaccin met six semaines à avoir une action efficace, ce qui serait trop tard si le conflit éclate là-bas.

Le sénateur a-t-il obtenu une réponse à ma question?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai consulté mes collègues. Ce matin encore, j'ai discuté de la question avec le ministre de la Défense nationale. Il me dit avoir obtenu l'assurance des médecins des forces armées que nos effectifs seraient en toute sécurité et que le vaccin commence à faire effet dès qu'il est inoculé. Je crois comprendre que, d'ici à ce que nos forces armées soient dans la zone dangereuse, elles seront pleinement et adéquatement protégées.

Le sénateur Stratton: Le sénateur veut-il dire qu'il ne faut pas six semaines pour que le vaccin soit efficace? Est-ce qu'on nous dit que ce vaccin est efficace immédiatement, qu'il protège dès qu'il est inoculé?

Le sénateur Graham: Je suis persuadé que les opinions des spécialistes varieraient grandement selon leur domaine de compétence.

Toutefois, le ministre de la Défense nationale m'a informé qu'il a toute l'assurance des autorités médicales des forces armées que le vaccin sera efficace assez vite pour que le personnel militaire canadien soit entièrement protégé.

(1450)

 

Iraq

La possibilité d'une frappe de la part des pays occidentaux-Le bombardement des installations de stockage d'armes de destruction massive-La fourniture de vêtements protecteurs pour le personnel militaire-La position du gouvernement

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous assurer que tous les militaires qui seront affectés au golfe Persique seront pourvus de l'équipement le plus moderne afin d'être protégés là-bas contre tout danger possible?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la question est valable et fort opportune. Nos navires ont été conçus en fonction de dangers de ce genre, et nos militaires sont équipés de vêtements de protection qui leur permettent de remplir leurs fonctions en toute sécurité si jamais les armes dont nous parlons sont utilisées.

 

La possibilité d'une frappe de la part des pays occidentaux-Le bombardement des installations de stockage d'armes de destruction massive-L'assurance de la protection des civils-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le gouvernement devrait se préoccuper de la sécurité des membres des Forces armées canadiennes qui, comprenons-nous, seront au bord extérieur du Golfe. Toutefois, qu'en est-il de la protection des civils innocents, à terre, en Iraq, si le bombardement en question a lieu, en particulier le bombardement des endroits où les armes biologiques et chimiques sont stockées?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis convaincu que le sénateur Kinsella sait que le maximum sera fait pour protéger le plus grand nombre de vies humaines possible.

 

La possibilité d'une frappe de la part des pays occidentaux en conformité avec les conventions internationales de la guerre-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Dans ce cas, ma question précise est la suivante: le gouvernement du Canada a-t-il l'assurance, de ses services de renseignement ou de ses responsables en matière de justice au niveau international ou national, que si des bombardements ont lieu et que nous jouons un rôle de soutien, ces bombardements respecteront les conventions en matière de droit humanitaire international, notamment la convention de Genève?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): La réponse à cette question est un «oui» très net.

 

Les affaires étrangères

La violence en Algérie-La mission des députés-La non-participation du Sénat-Demande de précisions

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je m'excuse de ne pas l'avoir informé à l'avance de la question, comme j'aurais peut-être dû le faire. L'honorable sénateur se souviendra que, avant Noël, j'ai parlé du massacre d'innocents en Algérie. Au cours du ramadan, plus de 1 000 personnes - des femmes et des enfants pour la plupart, mais aussi des hommes - ont été tuées de façon atroce pour des raisons difficiles à accepter du point de vue des droits de la personne.

Nous avons récemment entendu dire que l'honorable Don Boudria essayait d'organiser une visite en Algérie par des députés de la Chambre des communes, dans un but que je ne connais pas et selon des directives du ministre des Affaires étrangères que je ne connais pas non plus.

J'aimerais connaître le but de la mission, si je puis m'exprimer ainsi. Qui les députés ont-ils l'intention de rencontrer et quels objectifs poursuivent-ils? Je pense que ces renseignements seraient utiles à tous les parlementaires.

En outre, le leader du gouvernement pourrait-il essayer de savoir pourquoi les sénateurs n'ont pas été invités à faire partie de cette mission, si celle-ci se concrétise?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je demanderai à mes collègues quand cette mission aura lieu, qui en fera partie et qui la dirigera. Je chercherai également à savoir si les responsables ont l'intention d'inviter des sénateurs à en faire partie.

Le Canada cherche la meilleure façon de venir en aide aux victimes de la violence en Algérie. Un envoyé est déjà parti pour ce pays. Je crois savoir que cette visite a donné des résultats positifs et que les représentants canadiens ont eu des échanges francs et ouverts avec les dirigeants algériens. Le ministre des Affaires étrangères a écrit au président de l'Algérie et il aurait reçu une réponse encourageante qui porte le gouvernement à croire que de nouvelles initiatives canadiennes seraient bien accueillies dans cette région du monde.

Comme on vient de le dire, il se pourrait que le leader du gouvernement à la Chambre, M. Don Boudria, puisse se rendre prochainement en Algérie. Je saurai très prochainement si des sénateurs pourront faire partie de la délégation ou, à tout le moins, qui en fera partie.

 

L'économie

L'écart de revenu disponible entre le Canada et les États-Unis-La possibilité de réduction des impôts- La position du gouvernement

L'honorable Duncan J. Jessiman: Honorables sénateurs, l'écart entre le revenu des Canadiens et celui des Américains continue de s'accroître, non seulement à cause de la dépréciation de notre devise mais parce que les revenus augmentent plus rapidement aux États-Unis qu'au Canada.

Durant le troisième trimestre de 1997, le revenu après impôt pour chaque homme, femme et enfant aux États-Unis était d'un peu plus de 30 000 $ canadiens. Au Canada, il était de 17 000 $. Un écart de 13 000 $ par année. Autrement dit, le revenu disponible par habitant aux États-Unis est de 75 p. 100 supérieur à ce qu'il est au Canada.

Le leader du gouvernement ne reconnaît-il pas que le moment est venu de réduire les impôts pour diminuer cet écart?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux pas préjuger de ce que le ministre des Finances fera dans son budget. Je crois que nous devons attendre. C'est peut-être la seule réponse que j'ai, si ce n'est d'ajouter, comme je l'ai dit l'autre jour en réponse au sénateur Jessiman, que c'est une tendance qui existe depuis longtemps. Il y a un écart de revenu entre les Américains et les Canadiens.

Toutefois, il y a de nombreux indicateurs économiques dans notre pays qui laissent entrevoir un avenir prometteur. Qu'on parle des expéditions du secteur manufacturier, qui ont augmenté de 2 p. 100 en décembre, des ventes de véhicules neufs, qui ont affiché leur plus forte hausse mensuelle de l'année, soit 14,6 p. 100, et ainsi de suite, tous les indicateurs économiques sont positifs. J'espère que, à mesure que nous progressons vers l'élimination totale du déficit, cet écart de revenu se rétrécira.

 

L'écart de revenu disponible entre le Canada et les États-Unis-Demande de précisions sur les études effectuées

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser sur le même sujet. Cet écart s'élargit depuis un certain nombre d'années. Cette question inquiète davantage les Canadiens maintenant parce qu'il devient abondamment clair que nous perdons de plus en plus de terrain à cause de la chute de notre dollar.

(1500)

Le gouvernement a-t-il fait des recherches pour déterminer les raisons - il ne peut pas n'y en avoir qu'une - de cet écart qui ne cesse de s'élargir? Si ces recherches ont été effectivement faites, le leader du gouvernement pourrait-il nous en communiquer les résultats afin que nous puissions être au courant, nous aussi, comme le gouvernement?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Oui, honorables sénateurs, je tenterai d'obtenir une réponse plus détaillée pour les sénateurs Stratton et Jessiman.

 

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse à une question que l'honorable sénateur Terry Stratton a posée au Sénat le 30 octobre 1997 au sujet de changements envisagés au budget de promotion et de publicité du Régime de pensions du Canada. J'ai aussi la réponse à une question que l'honorable sénateur Terry Stratton a posée au Sénat le 26 novembre, concernant l'objet de l'excédent accumulé dans la caisse de l'assurance-emploi.

 

Le développement des ressources humaines

Les changements au Régime de pensions du Canada- Le budget de promotion et de publicité- La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Terry Stratton le 30 octobre 1997)

Le coût prévu pour la ligne 1-800 est d'environ 250 000 $ pour la période du 27 septembre 1997 (dépôt du projet de loi C-2) au 14 février 1998. Au cours de la période allant du 27 septembre 1997 au 25 janvier 1998, nous avons répondu à quelque 32 600 appels téléphoniques. Au 1er février 1998, nous prenions encore en considération certaines options en matière de communications avec les médias, dont la publicité imprimée. Nous n'avons donc pas d'estimations.

 

L'objet de l'excédent accumulé dans la caisse de l'assurance-emploi -La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Terry Stratton le 26 novembre 1997)

Pendant la dernière récession, le compte de l'assurance-emploi a commencé à accuser un important déficit. Pour assurer l'intégrité financière du programme d'assurance-emploi, le gouvernement a dû relever les cotisations, qui sont passées de 2,25 $ à 2,80 $ en 1991, à 3,00 $ en 1992, à 3,07 $ en 1994. Sans ces mesures, le compte de l'assurance-emploi aurait accusé un déficit cumulatif d'environ 20 milliards de dollars à la fin de 1997.

Chaque année depuis 1994, les cotisations d'assurance-emploi ont été réduites. Elles ont encore une fois été réduites en 1998, de 2,90 $ à 2,70 $.

Même si les cotisations d'assurance-emploi seront encore réduites, le gouvernement ne les abaissera pas pour mieux les augmenter encore une fois pendant une récession. Pendant la dernière récession, les cotisations ont dû être augmentées pour maintenir l'intégrité financière du compte de l'assurance-emploi. Certes, il ne s'agissait pas là d'une bonne politique, car l'augmentation des cotisations d'assurance-emploi pendant une récession accroît les pertes d'emplois pour les Canadiens.

 


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les douanes
Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture- Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gigantès, appuyée par l'honorable sénateur Lucier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les douanes et le Code criminel.

L'honorable Eric Arthur Berntson: Honorables sénateurs, j'ai l'intention de prendre la parole sur le projet de loi C-18 pour répliquer aux observations faites par des sénateurs du côté du gouvernement à l'étape de la deuxième lecture, mais je ne le ferai pas aujourd'hui, parce que j'ai encore quelques recherches à effectuer sur la question. Je propose donc l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

 

La Loi sur les télécommunications
La Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture- Ajournement du débat

L'honorable Marie-P. Poulin propose: Que le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je suis heureuse de parler aujourd'hui du projet de loi C-17, qui ouvre la voie à la mise en oeuvre par le Canada de l'Accord sur les télécommunications de base de l'Organisation mondiale du commerce. Le projet de loi C-17 va modifier la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada, ce qui va permettre d'appliquer cet accord.

On a suivi un processus de consultation rigoureux entre le gouvernement, l'industrie et les provinces avant que cet accord ne soit négocié et on a reçu un point de vue très utile de nombreux témoins avant d'en arriver au libellé final du projet de loi dont nous sommes maintenant saisis.

Cet accord, qui fait partie de l'Accord général sur le commerce des services, mieux connu sous le nom de GATS, de l'Organisation mondiale du commerce, profitera au Canada et au monde entier. Il va non seulement accroître de façon très marquée le marché mondial des services de télécommunications, mais il va également ouvrir un marché mondial de plusieurs milliards de dollars aux entreprises canadiennes de télécommunications. Ces marchés comprennent les États-Unis, l'Union européenne, le Japon et les marchés en développement d'Asie et d'Amérique latine. Chers collègues, ce projet de loi renferme les modifications législatives nécessaires pour respecter nos engagements aux termes du GATS ainsi que plusieurs dispositions reliées à la libéralisation du marché canadien des télécommunications internationales.

Permettez-moi d'être plus précise. Tout d'abord, prenons les dispositions reliées au GATS: il s'agit de l'abrogation des articles de la Loi sur Téléglobe Canada concernant la participation étrangère. Il est également question des modifications à la Loi sur les télécommunications destinées à exempter les câbles internationaux sous-marins et les stations terriennes des restrictions sur le contrôle étranger et de la participation étrangère.

Il y a ensuite les dispositions du projet de loi liées à la libéralisation de notre marché: cela englobe l'abrogation des articles de la Loi sur Téléglobe Canada portant sur le régime spécial de réglementation de la société et la fin de son monopole, ainsi que des modifications à la Loi sur les télécommunications qui donneront au CRTC le pouvoir de déterminer les catégories de services internationaux qui exigent des licences, de réglementer la gestion des ressources de numérotage et d'autres services administratifs communs, qui établiront un régime de réglementation semblable à celui de la Loi sur la radiocommunication, pour interdire l'importation, la distribution et la vente de matériel de télécommunications non certifié.

[Français]

Honorables sénateurs, ce projet de loi et l'accord qu'il contribue à mettre en oeuvre ont pour but primordial d'élargir le commerce international, de le stimuler, de le libéraliser, d'en égaliser les règles du jeu. Le projet de loi C-17 et l'accord visent à ouvrir les marchés du monde aux entreprises canadiennes afin qu'elles puissent se mesurer à armes égales avec leurs concurrentes et ainsi prospérer et créer toujours plus d'emplois pour les Canadiens et les Canadiennes. Ils visent à élargir le marché mondial des télécommunications afin qu'il puisse offrir aux Canadiens des services de télécommunications toujours plus nombreux et de qualité toujours meilleure.

Honorables sénateurs, nous savons que le Canada est un pays commerçant et que le commerce international contribue puissamment à la croissance économique et à la création d'emplois. Nos exportations de marchandises ont atteint 264,2 milliards de dollars l'an passé comparativement à 148,9 milliards de dollars en 1990.

Le Canada vient au premier rang des pays du G-7 pour l'importance du commerce extérieur des biens et services dans la production économique.

En 1995, nos exportations de biens et services ont compté pour plus de 40 p. 100 de notre produit intérieur brut. De toute évidence, le commerce extérieur est le moteur de notre économie. C'est sur le commerce extérieur que nous misons pour créer les emplois dont ce pays a besoin.

C'est pourquoi l'expansion de notre commerce est essentielle à la Stratégie fédérale de création d'emplois, un partenariat entre les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux, l'entreprise privée et le secteur non gouvernemental.

L'emploi d'un Canadien sur trois dépend des exportations. Chaque milliard de dollars supplémentaire d'exportation entraîne, honorables sénateurs, la création ou le maintien de 11 000 emplois.

En contribuant à la libéralisation du commerce international, ce projet de loi stimule la croissance économique et la création d'emplois de qualité au Canada.

Le secteur des télécommunications revêt une importance particulière pour le développement économique du Canada. Pour réussir dans cette nouvelle économie de base de connaissances - l'expression courante est «knowledge-based economy» -, nous avons besoin d'une industrie des télécommunications compétitive et dynamique. Ce secteur vital offre déjà 145 000 emplois bien rémunérés et compte pour 3,4 p. 100 de notre produit intérieur brut.

Si nous favorisons la croissance de l'industrie, nous serons en mesure de livrer concurrence aux meilleures entreprises du monde, sinon nous allons condamner notre pays et nos enfants à un statut de seconde zone tout en regardant nos concurrents internationaux profiter des occasions que nous aurons ratées.

[Traduction]

Honorables sénateurs, des réserves ont été exprimées relativement aux dispositions de l'accord même instituant l'OMC. J'aimerais les passer en revue. Le Canada et 69 autres pays signataires ont pris des engagements précis, énonçant les conditions auxquelles les sociétés étrangères sont autorisées à fournir des services de télécommunication de base dans leur marché. Par exemple, l'accord donne aux entreprises canadiennes un accès illimité au marché américain pour la fourniture de services de télécommunication de base. L'application de critères de réciprocité par la Federal Communications Commission des États-Unis sera considérablement restreinte. En outre, les entreprises canadiennes pourront pénétrer sur d'autres marchés des télécommunications, y compris ceux de l'Union européenne et du Japon.

Tous les principaux partenaires commerciaux du Canada qui sont des pays en développement se sont engagés à permettre à la concurrence étrangère de pénétrer leur marché et à accueillir des investissements étrangers. Outre les engagements relatifs à l'accès au marché, les pays signataires ont accepté de respecter les dispositions du GATS relatives à la nation la plus favorisée et à la transparence. Autre disposition importante de l'accord: tous les pays signataires doivent créer un organisme de réglementation indépendant, qui soit distinct de la compagnie téléphonique locale et ne relève pas d'elle.

Le Canada dispose déjà d'un tel organisme, le CRTC, qui est dans le monde entier comme un organisme de réglementation exemplaire, réputé pour son indépendance et sa transparence. Grâce à cet accord, qui prévoit un mécanisme de règlement des différends, il existera dorénavant des règles multilatérales régissant le commerce et les investissements dans le secteur des services de télécommunication de base. Il convient de noter que, s'il profitera au Canada, cet accord sera également bon pour l'économie mondiale. Autrement dit, il sera doublement bon pour le Canada.

Les fabricants bénéficieront aussi de l'accord sur la technologie de l'information grâce auquel les droits de douane applicables aux produits de la technologie de l'information, y compris les ordinateurs, les semi-conducteurs et les équipements de télécommunication, seront éliminés d'ici l'an 2000.

Ensemble, l'accord du GATS sur les télécommunications de base et l'accord sur les technologies de l'information, maintenant administrés par l'OMC, sont un tremplin pour la croissance et le développement économiques dans le monde. Il en résultera des prix inférieurs pour les consommateurs et moins d'entraves à la dissémination de la technologie, ce qui est critique pour le développement de tous les pays.

Les deux accords couvrent plus d'un billion de dollars américains de commerce international, ce qui est à peu près comparable aux échanges dans les secteurs de l'agriculture, de l'automobile et des textiles combinés. Il en résultera une demande accrue pour les produits canadiens de télécommunication au fur et à mesure que les exploitants de réseaux de télécommunications dans le monde s'équipent pour un environnement où les marchés seront ouverts à la concurrence.

L'accord du GATS sur les télécommunications de base devrait doubler ou tripler le marché international des télécommunications au cours de la prochaine décennie. Les grands fabricants canadiens de matériel de télécommunications, comme Nortel et Newbridge, ainsi que beaucoup d'autres compagnies petites et moyennes, seront libres de se lancer dans la concurrence sur ce marché dynamique et en expansion. Le gouvernement a promis de créer des emplois pour les Canadiens et de brancher le Canada sur l'économie mondiale basée sur le savoir. C'est ce que feront ces accords.

Le GATS va créer pour le secteur des services les mêmes conditions que le GATT a créées pour les marchandises et le commerce. Le GATT a contribué à décupler le volume du commerce mondial depuis 1947.

Honorables sénateurs, c'est un bon accord pour le Canada. Nos sociétés de télécommunications sont parmi les meilleures au monde et elles sont prêtes à tirer parti des nouvelles possibilités internationales que cet accord va créer. Je vous invite à adopter ce projet de loi au plus vite.

(Sur la motion du sénateur Kelly, le débat est ajourné.)

 

La loi canadienne sur les droits de la personne

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Erminie J. Cohen propose: Que le projet de loi S-11 modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'ajouter la condition sociale comme motif de distinction illicite, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, j'aimerais parler aujourd'hui de ma motion en rapport avec la deuxième lecture du projet de loi S-11 qui vise à modifier le paragraphe 3(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne pour inclure la condition sociale comme motif de distinction illicite.

Comme vous le savez, il y a des groupes de gens dans notre société que l'on considère comme étant vulnérables et qui ont besoin de protection contre la discrimination. On en retrouve une liste dans la Loi sur les droits de la personne. Le présent projet de loi propose simplement l'ajout de l'expression «condition sociale» à cette liste à l'article 2, au paragraphe 3(1) et au paragraphe 16(1).

Depuis plus d'un demi-siècle, le gouvernement cherche à promouvoir une forme de société dans laquelle tous les êtres humains auraient le même droit au respect, à la dignité et à la justice. Vous vous souviendrez peut-être que j'ai déposé ce projet de loi le 10 décembre dernier, date qui marquait le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Les cinquante dernières années nous ont fourni de nombreux défis, et à chaque tentative que nous faisons pour tenter d'atteindre notre idéal, nous sommes motivés par le fait que nous améliorons la qualité de la vie de tous les Canadiens.

Nous avons plusieurs raisons d'être fiers puisque le Canada est reconnu dans le monde entier comme l'un des plus ardents défenseurs de la justice humaine. C'est là une réalisation très importante. Toutefois, dans le rapport de 1997 de la Commission canadienne des droits de la personne, on souligne que

L'engagement du Canada à l'égard de la promotion des droits de la personne n'est convaincant que s'il est confirmé par la réalité récente. Si, en tant que citoyens, nous croyons que l'égalité de traitement pour tous est une mesure de notre interdépendance, il nous faut alors nous demander dans quelle mesure cette croyance se trouve confirmée par l'expérience personnelle de chaque Canadien ou Canadienne.

J'ai le regret de souligner que la pauvreté continue d'être l'un des plus importants obstacles à l'égalité dans la société canadienne. Les Canadiens pauvres doivent chaque jour endurer de nombreux stigmates sociaux et stéréotypes négatifs. Les institutions financières, les propriétaires, les sociétés de service public, le système judiciaire, les médias privés et publics et nos gouvernements continuent de faire preuve de discrimination envers nos citoyens les plus vulnérables.

(1520)

Ce que je vous demande aujourd'hui, c'est de considérer la question de la pauvreté du point de vue des droits de la personne car, à mon avis, il ne fait aucun doute que la pauvreté est avant tout une affaire de droits de la personne. L'attitude sociale prédominante à l'égard des pauvres s'est avérée à maintes reprises discriminatoire. Et pourtant, plus de 20 ans après avoir signé le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Canada n'a toujours pas modifié sa loi sur les droits de la personne relativement à la pauvreté.

Honorables sénateurs, la raison d'être d'une loi fédérale sur les droits de la personne est la protection des groupes vulnérables contre la discrimination dans les domaines de compétence fédérale. On nous a présenté dans cette Chambre des preuves plus que suffisantes indiquant que 20 p. 100 de notre population, qui constituent la couche la plus pauvre de notre société, mènent une vie très différente de la majorité des Canadiens; que nos concitoyens qui vivent dans la pauvreté sont exclus de la vie sociale, économique et culturelle dont jouit le reste de la population. Je maintiens aujourd'hui que les pauvres de ce pays font face à des préjugés similaires à ceux qu'endurent les groupes marginalisés énumérés dans la Loi sur les droits de la personne. Et pourtant, la pauvreté n'est pas reconnue légalement comme une source directe et prépondérante d'inégalité et de désavantage dans la société canadienne.

Honorables sénateurs, je sais que la Commission canadienne des droits de la personne nous a mis en garde contre le fait que le gouvernement canadien n'était pas en mesure d'assurer la liberté et l'égalité de tous les Canadiens, ni de les protéger contre les préjugés et la discrimination. Par ailleurs, je sais également qu'elle nous exhorte à oeuvrer à la formulation d'une législation cohérente et pertinente. En fait, elle estime que les Canadiens sont en droit de s'attendre à ce que le gouvernement, tout en appliquant avec vigueur les lois existantes, prennent les mesures nécessaires pour renforcer et clarifier la législation qui régit actuellement les droits de la personne.

À l'heure actuelle, elle n'est ni claire ni cohérente, car nous proposons de promouvoir l'équité pour tous les Canadiens; par conséquent, en ne protégeant que certains groupes vulnérables, nous perpétuons la discrimination que nous cherchons à éliminer. En fait, la raison pour laquelle la pauvreté ou «condition sociale» ne figure pas au nombre des motifs de distinction illicite énumérés dans la loi est que les pauvres sont marginalisés à un point tel, tant socialement qu'économiquement, qu'ils n'ont pas le pouvoir politique nécessaire pour avoir la moindre influence dans notre système politique. Prenons l'initiative, honorables sénateurs, de rectifier cette situation.

Honorables sénateurs, vous vous demandez probablement: pourquoi au Sénat et pourquoi maintenant? Premièrement, permettez-moi de vous expliquer pourquoi j'estime qu'il s'agit d'une initiative que devrait prendre le pouvoir exécutif.

J'ai pris connaissance de cette forme de discrimination en rédigeant mon rapport intitulé «Sounding the Alarm: Poverty in Canada». Nombreux sont les sénateurs qui ont toujours vécu dans l'aisance. Nombreux sont ceux également qui se souviennent de l'époque où la pauvreté n'était pas la tare sociale qu'elle est devenue de nos jours. En menant les recherches nécessaires à mon rapport, je me suis aperçue que les pauvres sont souvent considérés comme des bons à rien, parce qu'ils vivent dans la pauvreté. Les pauvres sont souvent traités comme des citoyens de deuxième ordre. Au fil des ans, ils sont nombreux à intérioriser les expériences qu'ils vivent et à commencer à éprouver énormément de honte et une faible estime de soi. Après avoir découvert la situation, j'ai été tellement secouée par ces injustices que j'ai demandé au gouvernement fédéral, dans l'une des quatre recommandations que je formule dans mon rapport, de prendre les mesures nécessaires pour protéger les droits fondamentaux des pauvres en ajoutant la «condition sociale» comme motif de distinction illicite.

Honorables sénateurs, cela fait un an déjà que j'ai présenté cette requête, ce qui prouve encore une fois que, si vous voulez qu'une chose se réalise, il vaut mieux y voir vous-même!

Honorables sénateurs, je vous demande d'aider le gouvernement à corriger l'omission de l'expression «condition sociale» dans la Loi sur les droits de la personne et, ce faisant, à améliorer le sort de ceux qui vivent dans la pauvreté. Fidèle à sa tradition, le Sénat s'est toujours intéressé aux préoccupations des moins bien nantis de notre société. Le comité spécial du Sénat sur la pauvreté a, pendant deux ans, parcouru le pays et recueilli le point de vue des pauvres avant de déposer son rapport en 1971. Dans son rapport de 1991, intitulé «La pauvreté dans l'enfance: vers un avenir meilleur», le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie nous rappelait à tous nos responsabilités envers les enfants canadiens, dont un sur cinq vit sans que ne soient satisfaits ses besoins fondamentaux.

Dans le passé, nous avons également amélioré nos normes en matière de droits de la personne en incluant des groupes auparavant exclus, qui avaient pu prouver qu'ils méritaient une attention particulière au sein de notre société. Citons en exemple le travail que nous avons accompli avec le projet de loi S-2 tendant à modifier la Loi sur les droits de la personne pour inclure l'orientation sexuelle parmi les motifs de distinction illicite.

Honorables sénateurs, notre rôle et notre mandat au sein du régime parlementaire canadien nous autorisent pleinement à relever des défis de ce genre. En fait, j'estime que nous, au Sénat, avons le devoir de maintenir la loi et d'agir pour la modifier lorsque l'occasion se présente.

Il est également important que ce projet de loi soit présenté au Sénat plutôt qu'à la Chambre. Les lois sur les droits de la personne visent, bien sûr, à accorder des droits aux personnes marginalisées et aux personnes nuisibles de notre société. Le fait qu'un groupe ait besoin de protection montre qu'il ne bénéficie probablement pas d'un appui répandu.

Par définition, l'élaboration d'une toute nouvelle loi sur les droits de la personne représente forcément un combat contre l'opinion populaire. Les pauvres sont tellement privés de leurs droits que leurs problèmes ne préoccupent pas beaucoup la plupart des représentants élus. En fait, avec la tendance actuelle du «dénigrement des pauvres», peu de politiciens qui cherchent à être réélus risqueront leur carrière politique pour convaincre une population endurcie que les pauvres se trouvent dans une situation intenable.

Compte tenu de ces facteurs, il est fort peu probable que nos collègues de l'autre endroit seront en mesure d'élaborer un projet de loi semblable. Nous avons le luxe d'être protégés en quelque sorte contre les pressions politiques, étant donné notre inamovibilité, lorsque nous examinons et amendons des projets de loi fédéraux.

En espérant vous avoir convaincus de la nécessité pour le Sénat d'être le promoteur de ce projet de loi, je vous expliquerai maintenant pourquoi j'estime que ce travail arrive à point nommé.

Mécontents de l'absence d'initiatives législatives dans le secteur des droits de la personne, des activistes ont commencé à recourir au système judiciaire pour susciter un changement. En substance, ils peuvent soutenir que des groupes marginalisés qui ne figurent pas dans la Charte, mais qui sont victimes d'une discrimination semblable doivent être considérés au même titre que les groupes qui y figurent et être traités comme tels par la loi. C'est la voie qu'ont choisie les défenseurs des droits des homosexuels lorsqu'ils en ont eu assez d'attendre que les politiciens agissent. Prenant bonne note de leur succès, d'autres groupes en quête d'égalité commencent à leur emboîter le pas.

Au cours des audiences publiques portant sur le projet de loi S-5, on nous a dit que des groupes qui luttent contre la pauvreté entreprendront cette démarche sous peu. La loi veut actuellement que des groupes analogues soient traités de la même manière que les groupes qui figurent dans la Charte. Ils n'ont qu'à prouver au tribunal qu'ils sont victimes d'une discrimination semblable. Étant donné les témoignages que j'ai entendus, il ne sera pas difficile de faire valoir cet argument.

Nos provinces ont aussi pris des mesures afin de faire de la condition sociale un motif de discrimination illicite. Dans leur ouvrage intitulé The Law of Human Rights in Canada, Russel Zinn et Patricia Brethour écrivent:

 

Sept provinces interdisent la discrimination fondée sur la «condition sociale», l'«origine sociale», la «source de revenu», ou sur le fait qu'une personne «reçoit une aide publique». Le motif de discrimination s'applique à toutes les activités visées par la législation de ces provinces, sauf en Ontario, où l'interdiction s'applique uniquement au droit d'occuper un logement.
Il est coutume de faire en sorte d'assurer la concordance des lois en vigueur au pays, et nous devons nous efforcer d'être au courant des lois provinciales. Les provinces ont pris des mesures pour protéger les pauvres contre les pratiques discriminatoires dans les secteurs qui relèvent de leur compétence, notamment ceux du logement et des services publics. Ne devrions-nous pas accorder la même protection aux pauvres dans les secteurs de compétence fédérale?

Honorables sénateurs, je veux aussi porter à votre attention le climat qui prévaut actuellement dans le secteur des droits de la personne au Canada. Dans son premier discours public, la présidente de la Commission canadienne des droits de la personne, Michelle Falardeau-Ramsay, a dit qu'elle voulait se servir de son autorité pour aider à combattre la discrimination contre les pauvres au Canada, en luttant afin de faire en sorte que la «condition sociale» soit incluse comme motif de discrimination illicite. En bref, le fait de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne en incluant la «condition sociale» comme motif de discrimination illicite est conforme à la responsabilité du Parlement de respecter la Charte canadienne des droits et libertés. Cette modification épargnera aux pauvres les épreuves et épargnera aux contribuables les coûts liés aux contestations judiciaires pour faire en sorte que la loi respecte la Constitution et l'engagement du Canada en matière de droits de la personne.

Il convient maintenant d'énoncer clairement le but visé au moyen de cette modification. Le projet de loi S-11 n'accorde aucun privilège spécial aux pauvres du Canada. Il a pour seul objet d'interdire un motif de distinction illicite, un fardeau.

Pour être plus précise, je ne propose pas que le gouvernement fasse de la pauvreté en soi une infraction à notre législation sur les droits de la personne. Bien que notre attitude suffisante à l'égard de la pauvreté vienne en contradiction avec les conventions que nous avons signées au sein des organisations internationales, je ne propose pas de donner à notre législation sur les droits de la personne le pouvoir de reprocher au gouvernement de ne pas assurer un niveau de vie suffisant à tous les citoyens. Tout ce que je demande, c'est qu'on ne juge pas d'avance ou qu'on ne fasse pas preuve de discrimination contre les pauvres, hommes ou femmes, qu'ils soient vieux ou handicapés, qu'ils travaillent ou qu'ils vivent de l'aide sociale.

Ajouter la «condition sociale» aux motifs de distinction illicite prévus dans la Loi canadienne sur les droits de la personne assurerait une reconnaissance explicite de la pauvreté et de ses attributs connexes, comme le fait de vivre de l'aide sociale, et interdirait la discrimination contre les pauvres dans les domaines de compétence fédérale.

J'interviens aussi aujourd'hui pour défendre notre réputation internationale. Comme vous le savez, le Canada a généralement approuvé les principes consacrés dans les conventions internationales. Vous ne savez peut-être pas, cependant, que lorsque nous signons une convention internationale, nous consentons également à nous soumettre à un processus d'examen. C'est ainsi que l'ONU s'assure que nous nous conformons à nos engagements. À l'heure actuelle, nous faisons l'objet d'un examen visant à assurer que les actions de notre gouvernement sont conformes au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Honorables sénateurs, j'ai le regret de vous informer qu'en tant que gouvernement, nous n'affichons pas de bons résultats dans ce processus.

Dans le rapport découlant du dernier examen, l'ONU nous avait demandé de prendre certaines mesures pour que nos lois sur les droits de la personne correspondent davantage aux conventions que nous avons signées dans les organisations internationales. Cependant, bien que nous ayons signé la convention depuis près d'un quart de siècle, nous avons négligé de modifier notre Loi sur les droits de la personne pour inclure ces droits fondamentaux pour nos citoyens les plus vulnérables.

Le comité a également noté que nous ne prenions pas les mesures nécessaires pour assurer une amélioration constante de la vie des pauvres. Étant donné les coupes sombres effectuées en matière de dépenses sociales, le comité de l'ONU en arrivera sûrement de nouveau à cette conclusion. Cependant, en assurant la protection des droits fondamentaux de la personne, nous tiendrons notre promesse d'améliorer constamment la vie des pauvres du Canada.

Honorables sénateurs, en élargissant le cadre de la Loi sur les droits de la personne, on fait plus que simplement défendre un idéal. La protection de ces droits pourrait bien se révéler l'un de nos plus puissants outils de lutte contre la pauvreté, du fait qu'elle favorise la dignité humaine, la justice, l'équité et l'égalité des chances. Et cela, pour plusieurs raisons.

Premièrement, la Loi sur les droits de la personne constitue un puissant outil d'éducation. En établissant des normes, on contribuerait à créer des comportements de société. Un dialogue s'engagerait alors, de sorte que les gens et les institutions comprendraient peut-être mieux ce que c'est que de vivre dans la pauvreté.

J'ai un superbe exemple qui illustre bien comment la sensibilisation à la pauvreté a transformé la perception d'une institution et la vie des pauvres. Grâce au travail assidu de l'Organisation nationale anti-pauvreté et de l'Association coopérative d'économie familiale du Centre de Montréal, l'Association des banquiers canadiens a fini par mieux comprendre les besoins bancaires des clients à faible revenu. Les banquiers ont commencé par reconnaître que les banques faisaient de la discrimination à l'égard des pauvres. Ils se sont donc engagés à modifier plusieurs politiques bancaires de façon à mieux tenir compte des Canadiens sans le sou.

Deuxièmement, il ne fait aucun doute que les besoins en matière de logement des Canadiens à faible revenu seraient mieux satisfaits si la protection des droits de la personne était élargie. J'ai une petite anecdote à vous raconter à ce sujet. Cathy est une jeune femme au foyer, mère de deux enfants. Elle et son mari ont acheté une petite maison et paient une hypothèque modeste. Un jour, son mari a perdu son emploi. Après avoir cherché en vain du travail durant des semaines et avoir épuisé toutes les autres ressources, il a vu sa petite famille se retrouver à l'assistance sociale. La travailleuse sociale a calculé que leurs versements hypothécaires mensuels étaient beaucoup moins élevés que ce qu'ils paieraient pour un loyer dans le marché privé. Il faut dire aussi que la liste d'attente pour le logement social est de deux ans. Elle a donc décidé que la meilleure solution, et la plus pratique pour cette famille, consistait à continuer de faire des versements hypothécaires.

Plusieurs semaines plus tard, le mari de Cathy a trouvé un emploi à temps partiel. Pendant qu'il se cherchait un emploi à plein temps, les services sociaux lui versaient un supplément de rémunération, et il pouvait continuer de payer son hypothèque. Après plusieurs mois, vint le temps de renouveler l'hypothèque. À leur grande surprise, Cathy et son mari se virent refuser leur demande de renouvellement d'hypothèque. Motif du refus: ils étaient des assistés sociaux.

On n'a tenu aucun compte du fait que, malgré toutes les difficultés, toutes leurs mensualités hypothécaires sans exception ont été versées. On n'a aucunement tenu compte non plus d'une excellente cote de crédit, pas plus que du fait que les services sociaux étaient prêts à payer les coûts du logement aussi longtemps qu'il faudrait pour que la famille redresse sa situation. En réalité, honorables sénateurs, il n'a aucunement été tenu compte de leur situation personnelle. On leur a opposé un refus pour une seule raison: ils sont assistés sociaux.

Cette famille a donc dû vendre sa maison et emménager dans un appartement de deux chambres, et cet appartement lui coûte à peu près 200 $ de plus par mois que le remboursement hypothécaire. Les enfants ont perdu leur chambre à coucher et leur jardin. Son avoir propre dans la maison a tout juste couvert les frais de vente. Comme la famille a dû déménager en ville pour trouver à se loger, les enfants ont dû changer d'école. Le père dépense la majeure partie de ce qu'il gagne en frais de transport pour se rendre au travail.

Voilà, honorables sénateurs, un drame courant au Canada. Les défenseurs du droit au logement nous disent que ce genre de drame se produit tous les jours, d'un bout à l'autre du pays. Nous pourrions y mettre un terme en interdisant aux banques de pratiquer la discrimination contre les assistés sociaux.

Certains sont peut-être mal à l'aise à l'idée d'imposer de nouveaux règlements à l'entreprise privée, mais il ne faut pas oublier que 96 p. 100 des logements au Canada sont fournis par le secteur privé et qu'une certaine réglementation s'impose si nous voulons procurer à nos citoyens un logement sûr et des prix abordables. Les provinces ont pris conscience du problème et ont décidé d'agir dans leurs domaines de compétence. Pour aider à garantir l'équité dans le logement, elles ont commencé à réglementer la manière dont le marché privé, c'est-à-dire les propriétaires, accordent les logements.

Prenons par exemple une famille qui habite dans une grande ville et ne peut se loger parce que les propriétaires refusent de louer à des assistés sociaux. La famille sans logement peut se rendre dans un refuge un certain temps, pendant qu'elle cherche un logement permanent, mais son séjour ne peut pas s'éterniser. Si elle n'a rien trouvé au bout d'un certain temps, elle doit prendre une chambre d'hôtel, ce qui coûte bien plus cher qu'un appartement. Tout le chèque d'aide sociale sert à payer le logement, et la famille doit faire la queue tous les jours à la soupe populaire et dans les banques d'alimentation. Honorables sénateurs, lorsqu'une famille est plongée dans une telle misère, les parents n'ont ni le temps, ni les ressources pour chercher un emploi.

Des travailleurs sociaux nous disent que bien des familles ne peuvent se trouver un logement stable à cause de cette discrimination contre les assistés sociaux. Certaines familles restent à l'hôtel pendant des mois, payant chaque mois de 300 $ à 400 $ de plus que pour un appartement convenable. Les provinces luttent contre ce type de discrimination. Si nous conjuguons nos efforts, nous pouvons améliorer le sort des Canadiens pauvres en leur rendant le logement plus abordable et plus accessible. Honorables sénateurs, c'est là une excellente stratégie de lutte contre la pauvreté.

Nous pourrions adopter la même démarche envers les services publics. Des travaux de recherche effectués récemment par des groupes de lutte contre la pauvreté démontrent que les pauvres sont de plus en plus souvent victimes de discrimination par les services publics. Les sociétés de téléphone, de gaz, d'électricité et les pétrolières ont adopté des politiques où les clients sont divisés en deux classes. Les clients qui ont de bons revenus et un bon crédit reçoivent sans délai un service courtois.

Pour les chômeurs, la situation est très différente. Les clients qui entrent dans cette catégorie sont jugés à «haut risque», même s'ils ont toujours payé leurs factures à temps, et ils doivent payer les services à l'avance ou donner des dépôts élevés. S'ils en sont incapables, ils doivent simplement renoncer aux services. On enregistre de plus en plus de cas de chômeurs qui emménagent dans un nouveau logement et ne réussissent pas à avoir l'électricité ou le téléphone. Aussi incroyable que cela puisse paraître, des centaines de Canadiens risquent maintenant de se voir refuser des services essentiels comme le téléphone, l'électricité, le gaz ou le mazout tout simplement parce qu'ils sont pauvres.

Les services téléphoniques et les télécommunications sont sous la responsabilité du gouvernement fédéral. La nouvelle «ligne dure» des sociétés téléphoniques a été constatée par le Centre pour la promotion de l'intérêt public, le CPIP, une organisation non gouvernementale dont la première mission est d'assurer l'égalité dans les services publics. Le centre a témoigné à différentes occasions lors d'audiences du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes pour déclarer que la tendance dans les services téléphoniques consistait à classer les individus selon leurs revenus plutôt que selon leur dossier de paiement ou leur capacité de payer. Par conséquent, bon nombre se retrouvent privés de téléphone, ce qui complique énormément la recherche d'emploi. Des lignes de conduite comme celle-ci, honorables sénateurs, s'inscrivent dans un cycle qui perpétue la pauvreté, et le fait de contribuer à rompre ce cycle est une autre excellente initiative de lutte contre la pauvreté.

Honorables sénateurs, l'Assemblée générale des Nations Unies a établi des lignes directrices que les gouvernements doivent suivre à l'occasion de la Décennie internationale d'élimination de la pauvreté. Voici l'une d'elles:

 

[...] formuler ou renforcer des politiques nationales visant à réduire considérablement l'iniquité dont sont victimes les personnes ayant de faibles revenus.
Je pense avoir expliqué comment pareille modification contribuera à atteindre précisément cet objectif.

Lors du Sommet mondial pour le développement social qui s'est tenu à Copenhague, le gouvernement canadien a déclaré ceci:

 

[...] la nouvelle économie a créé le déficit humain du chômage et de la pauvreté.
Parce que nous faisons partie du gouvernement, honorables sénateurs, nous devons prendre conscience des changements qui surviennent autour de nous et aider à rectifier la situation. Nous devons déterminer l'orientation que notre pays adoptera à l'aube du prochain millénaire. Alors que nous luttons pour tenter d'équilibrer les intérêts concurrentiels inhérents à la nouvelle économie mondiale, l'instabilité sociale semble être le prix à payer pour le maintien de notre sécurité financière.

Alors que nous essayons de nous y retrouver dans toutes ces modifications profondes, les besoins des personnes financièrement vulnérables demeurent inchangés et sont de plus en plus oubliés. Les responsables du Programme des Nations Unies pour le développement, ou PNUD, ont souligné que la plupart des pays industrialisés font face à cette situation. Ils prévoient que notre résistance au changement aura, à long terme, des résultats désastreux.

Dans son rapport de 1997, le PNUD nous encourage vivement à donner du pouvoir aux pauvres dans le cadre de la stratégie visant à donner du pouvoir à notre pays. Je vous demande aujourd'hui de suivre ce conseil et de tenir compte de cet avertissement. S'il y a une chose qui m'empêche de dormir la nuit, c'est de me demander de quoi aura l'air notre pays, comment vivront nos enfants et nos petits-enfants dans une vingtaine d'années, après l'exclusion sociale prolongée de 20 p. 100 de la population canadienne.

Le fait est, à l'heure actuelle, que des groupes qui sont depuis toujours considérés comme particulièrement vulnérables à la discrimination sont protégés alors que d'autres ne le sont pas. Voyons ensemble, honorables sénateurs, à mettre un terme à la discrimination perpétrée contre les citoyens canadiens les plus vulnérables.

Je vous exhorte à aider le gouvernement à édifier une société où tous les citoyens ont leur place, indépendamment de leur race, leur origine nationale ou ethnique, leur couleur, leur religion, leur âge, leur sexe, leur orientation sexuelle, leur statut social, leur statut familial, leur condition sociale, leur handicap ou du fait qu'ils aient été reconnus coupables d'un délit pour lequel une grâce a été accordée.

En tant que sénateurs, nous devons nous efforcer d'améliorer sans cesse la vie de tous les Canadiens, et nous ne devons jamais hésiter à essayer d'aller décrocher la lune. Car même si nous manquons notre coup, nous nous trouverons parmi les étoiles.

(Sur la motion du sénateur Chalifoux, le débat est ajourné.)

 

L'union interparlementaire

Quatre-vingt-dix-huitième conférence tenue au Caire, Égypte-La conclusion du débat

L'honorable Gerald J. Comeau, ayant donné avis le mardi 4 décembre 1997:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la quatre-vingt-dix-huitième conférence de l'Union interparlementaire qui s'est tenue au Caire, en Égypte, du 10 au 16 septembre 1997.

- Honorables sénateurs, le sénateur Bosa et le sénateur Bonnell, maintenant à la retraite, ont été délégués à la quatre-vingt-dix-huitième conférence de l'Union interparlementaire, qui s'est tenue au Caire, en Égypte, avec Mmes Finestone et Catterall et MM. Dumas, Hubbard et Nystrom, de l'autre endroit.

[Français]

C'était la première fois que l'Union tenait une conférence au Moyen-Orient. Nous nous étions renseignés de façon approfondie au sujet de la situation politique dans cette partie du monde. Le président du Conseil interparlementaire, M. Fathy Sorour, président du Parlement égyptien, a terminé son mandat de trois ans en septembre. Il était donc tout à fait approprié qu'il fasse ses adieux lors d'une conférence tenue dans son propre pays.

[Traduction]

L'Égypte a toujours joué un rôle de premier plan au Moyen-Orient et a été la pierre angulaire de la stabilité dans cette région. L'Égypte a été le premier État à signer un traité de paix avec Israël, et le maintien de son rôle essentiel dans le processus de paix au Moyen-Orient demeure un objectif clé de sa politique étrangère.

Le président Moubarak de l'Égypte et son ministre des Affaires étrangères, Arnr Moussa, continuent d'être actifs pour essayer de ramener Israël et l'OLP à la table de négociation.

Peu après la conférence, nous avons beaucoup entendu parler du massacre de touristes au temple de Louxor et des problèmes causés par les extrémistes. Tout au long de notre séjour, nous étions très conscients du niveau élevé de sécurité dans ce pays, particulièrement à une conférence comme la nôtre, étant donné la présence du président et de certains hauts fonctionnaires à diverses activités.

[Français]

Pour maintenir son autorité, le régime Moubarak, avec l'appui de l'armée, applique diverses mesures de sécurité dont certaines restreignent les libertés. Les coups de filet des forces de sécurité contre les militants islamiques ont été accompagnés de violation des droits et libertés. Au cours des quatre dernières années, les autorités égyptiennes n'ont cessé de réprimer la violence des militants. En comptant les 50 touristes assassinés récemment à Louxor, les terroristes ont tué près de 120 personnes l'année dernière, contre 160 l'année précédente et 360 en 1995. Environ 20 000 guérilleros sont détenus dans les prisons.

[Traduction]

On estime que, lors des élections parlementaires tenues à la fin de 1995, 45 p. 100 des 21 millions d'Égyptiens ayant le droit de voter se sont présentés aux urnes. Près de 4 000 candidats se disputaient les 444 sièges de l'Assemblée du peuple, y compris des centaines représentant des partis de l'opposition qui avaient boycotté les élections en 1990.

Je veux maintenant parler de la conférence elle-même et du travail de la délégation canadienne. Le deux principaux sujets à l'ordre du jour étaient l'assurance d'une démocratie durable grâce à l'établissement de liens étroits entre le Parlement et le peuple, et l'emploi dans le contexte de la mondialisation.

Je suis heureux de dire que M. Hubbard, du groupe canadien de l'Union interparlementaire, était membre du comité de rédaction qui a préparé la résolution devant être présentée à la dernière séance plénière et qu'il a également été élu pour assumer les fonctions de rapporteur. C'était la première participation de M. Hubbard à une conférence de l'Union interparlementaire, et il a fait tout un travail pour un nouveau membre.

Durant le débat général sur la situation politique, économique et sociale dans le monde, j'ai parlé du conflit entre le Canada et les États-Unis au sujet du saumon du Pacifique et de la nécessité de trouver une solution raisonnable à ce problème.

[Français]

Comme je l'ai dit tout à l'heure, M. Sorour, d'Égypte, a mis un terme à son rôle de président du Conseil interparlementaire au cours de cette conférence. Donc, au Caire, une partie importante du temps a été consacrée à la campagne pour le choix de son remplaçant. Il s'agit d'une élection particulièrement importante, car le prochain président devra donner le ton à l'Union au moment où celle-ci s'attaquera aux défis du XXIe siècle. Il devra aussi collaborer avec le nouveau secrétaire général, qui sera nommé lorsque le titulaire actuel, M. Pierre Cornillon, se retirera le 30 juin 1998.

[Traduction]

Il y avait trois candidats à la présidence: M. Miguel Angel Martinez, de l'Espagne, ancien président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, M. Eduardo Menem, de l'Argentine, président du Sénat argentin, et M. Sangma, de l'Inde, président de la Chambre basse indienne. Je suis heureux de signaler que le candidat appuyé par le Groupe des Douze Plus, M. Martinez, a remporté la victoire par 127 voix contre 88, au deuxième tour de scrutin. M. Martinez, qui est actif au sein de l'Union interparlementaire depuis le début des années 1980, possède une riche expérience de l'UIP et d'autres organisations internationales. Nous espérons qu'il sera notre conférencier extérieur à l'assemblée annuelle du groupe canadien de l'UIP, en avril.

[Français]

Certes, le travail accompli dans les séances plénières et les réunions des commissions est fort important et utile. Néanmoins, je tiens à vous dire quelques mots des activités complémentaires qui ont eu lieu au cours de la conférence du Caire. À mon avis, elles illustrent avec éloquence le rôle efficace que jouent les délégations parlementaires.

[Traduction]

Nous avons récemment célébré le succès du Canada qui a obtenu que 121 pays signent le traité sur l'interdiction mondiale des mines antipersonnel. Cet événement a couronné les efforts de divers intervenants, c'est-à-dire des ministres des Affaires étrangères, des fonctionnaires, des diplomates, des organismes de base populaire et des parlementaires. Le groupe canadien de l'UIP est fier de son travail pour promouvoir et favoriser l'interdiction mondiale des mines antipersonnel, y compris pour s'assurer qu'il y ait un débat et une résolution sur ce sujet à la conférence de l'UIP de Beijing, en septembre 1996.

Personnellement, j'ajoute qu'un de nos collègues, le sénateur Bosa, a contribué largement à ce dossier au fil des ans.

Comme on le sait, trois des principaux intervenants sur la scène internationale - la Chine, la Russie et les États-Unis - n'ont pas signé le traité sur les mines. Cependant, de nombreux efforts ont été déployés pour inviter ces pays à se joindre au processus d'Ottawa concernant les mines terrestres. Au Caire, le groupe canadien de l'UIP a organisé une réunion avec le chef de la délégation chinoise, afin d'inviter la Chine à appuyer cette convention internationale. Même si nous n'avons pas convaincu la Chine de signer le traité, nous sommes d'avis que notre travail s'inscrit dans un effort plus grand pour convaincre les autorités chinoises à modifier leurs opinions.

[Français]

La deuxième initiative que j'aimerais évoquer concerne notre travail auprès du Groupe du Pacifique, l'un des 5 groupes géopolitiques de l'Union. À l'heure actuelle, le Canada fait partie du Groupe des Douze Plus qui se compose des pays européens, du Canada, des États-Unis, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Toutefois, l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont membres du Groupe des Douze Plus et du Groupe de l'Asie-Pacifique. Étant donné l'importance de notre action dans l'Asie-Pacifique et les liens que nous entretenons avec cette partie du monde depuis plus d'un siècle, il semblait approprié que nous demandions de devenir membre de ce groupe.

C'est ainsi qu'au Caire, deux membres de notre délégation ont expliqué au Groupe de l'Asie-Pacifique le bien-fondé de notre demande en insistant sur les divers liens que le Canada entretient avec cette région et notamment sur le fait qu'il a accueilli la dernière conférence de l'APEC à Vancouver.

[Traduction]

Un autre domaine où les membres de la délégation canadienne ont joué un rôle vital est celui de la promotion de la candidature du Canada à un siège non permanent au Conseil de sécurité pour la période 1999-2000. L'élection aura lieu en novembre 1998. Les membres de notre délégation ont rencontré des représentants de divers pays, rappelant que le Canada avait fait une contribution considérable, constructive et soutenue au travail des Nations Unies. Nous avons souligné également que le Canada avait joué un rôle clé dans la promotion d'un renouvellement efficace de l'ONU, en vue de renforcer sa capacité de servir les intérêts de tous ses membres. Nous avons rappelé également le fait que le Canada était au huitième rang des contributeurs au budget de l'organisation et qu'il payait son dû intégralement et à temps, sans conditions.

[Français]

L'Égypte est admissible à l'aide au développement du Canada depuis 1976. Elle se situe de longue date parmi les principaux bénéficiaires de l'aide canadienne. Il y a peu de temps, l'ACDI a participé au lancement d'un certain nombre de projets visant à appuyer les réformes qui permettront à l'Égypte de se transformer en un État plus ouvert et plus libéral, grâce à une stimulation de son secteur privé. Pendant notre séjour, certains membres de notre délégation se sont rendus sur le terrain pour visiter trois projets dans la région du Caire.

Le premier, le Centre communautaire de services à l'intention des femmes de Helwan, a pour objectif de donner plus de pouvoirs aux femmes de la base, grâce à la formation d'une coopérative. Quant au Centre de formation de la Régie égyptienne de l'électricité, il forme du personnel compétent dans le domaine des systèmes du transport de l'électricité. Le troisième projet, le Centre des droits de la personne pour l'aide aux prisonniers, vise à donner à ces derniers et à leurs familles les moyens de continuer à s'instruire, en leur fournissant des documents pédagogiques et des services de tutorat. Un deuxième volet de ce projet procure aux prisonniers une aide juridique en ce qui concerne les violations des droits de la personne.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je dirais en conclusion que je pense sincèrement que les associations et délégations parlementaires qui participent à ces conférences jouent un rôle utile. L'Union interparlementaire est un forum qui réunit des législateurs de 135 pays pour discuter de questions d'importance internationale. Cela nous donne également la possibilité de renforcer et d'appuyer de grandes initiatives de politique étrangère, comme l'interdiction des mines antipersonnel, d'accroître nos liens avec la région Asie-Pacifique et, dans ce cas, de travailler à obtenir un siège au Conseil de sécurité.

Je suis fier du travail que nous avons accompli et je voudrais dire que le groupe canadien de l'UIP continuera à rechercher des occasions d'améliorer et d'accroître l'efficacité des prochaines conférences.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne désire intervenir, cette interpellation sera considérée comme ayant été débattue.

 

La défense nationale

Motion tendant à constituer un comité spécial chargé d'examiner les activités du régiment aéroporté canadien en Somalie-Suite du débat

Permission ayant été accordée de revenir à l'article 1 dans la rubrique «Autres articles»:

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyé par l'honorable sénateur Berntson:

Qu'un comité spécial du Sénat soit nommé pour faire examen et rapport sur la manière dont la chaîne de commandement des Forces canadiennes, tant sur le théâtre réel des opérations qu'au Quartier général de la Défense nationale, a répondu aux problèmes opérationnels, disciplinaires, décisionnels et administratifs éprouvés durant le déploiement du Régiment aéroporté du Canada en Somalie, dans la mesure où ces questions n'ont pas été examinées par la Commission d'enquête sur le déploiement des forces canadiennes en Somalie;

Que le comité soit autorisé, pour étudier ces questions, à convoquer les témoins dont il pense obtenir des témoignages pertinents, incluant entre autres:

1) les ex-ministres de la Défense nationale;

2) le sous-ministre de la Défense nationale de l'époque;
3) le chef intérimaire d'état-major de la Défense nationale de l'époque;
4) le conseiller spécial du ministre de la Défense nationale de l'époque (M. Campbell);
5) le conseiller spécial du ministre de la Défense nationale de l'époque (J. Dixon);
6) les personnes occupant le poste de juge-avocat général durant la période en question;
7) le juge-avocat général adjoint (litiges) de l'époque; et
8) le chef d'état-major de la Défense de l'époque.
Que sept sénateurs, dont trois membres constituent un quorum, soient désignés par le comité de sélection pour faire partie du comité spécial;

Que le comité soit autorisé à convoquer des personnes, à exiger la production de documents et pièces, à interroger des témoins sous serment, à faire rapport de temps à autre et à faire imprimer au jour le jour les documents et les témoignages qu'il juge à propos;

Que le comité soit autorisé à permettre le télédiffusion et la radiodiffusion, selon ce qu'il juge à propos, d'une partie ou de la totalité de ses délibérations;

Que le comité soit habilité à retenir les services de conseillers, professionnels, techniciens, employés de bureau et autres personnes jugées nécessaires pour la conduite de son étude;

Que les partis politiques représentés au comité spécial reçoivent des allocations pour l'obtention de services experts dans le cadre de l'étude;

Que le comité ait le pouvoir de se déplacer d'un endroit à l'autre au Canada et à l'étranger;

Que le comité soit autorisé à se réunir pendant les séances et les ajournements du Sénat;

Que le comité présente son rapport dans l'année suivant sa création et, dans l'éventualité où le Sénat ne siégerait pas, que son rapport soit réputé être présenté le jour où il est déposé auprès du greffier du Sénat; et

Que le comité spécial inclue dans son rapport ses constatations et ses recommandations concernant la structure, le fonctionnement et l'efficacité opérationnelle du quartier général de la Défense nationale, la relation entre les composantes militaires et civiles du Quartier général de la Défense nationale, et la relation entre le sous-ministre de la Défense, le chef d'état-major de la Défense et le ministre de la Défense nationale;

Et sur la motion en amendement de l'honorable sénateur Forrestall, appuyée par l'honorable sénateur Beaudoin, que la motion soit modifiée en ajoutant, au deuxième paragraphe, ce qui suit:

«9) l'actuel ministre de la Défense nationale.».-(L'honorable sénateur Murray, c.p.).

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, on nous a dit tout au long de ce débat que nous devions oublier les scandales en Somalie et passer à autre chose. Les sénateurs Rompkey et Bryden nous ont dit que le pays doit aller de l'avant, que le Parlement doit aller de l'avant, que les Forces armées canadiennes doivent aller de l'avant.

Il faudrait donc oublier toutes les preuves que des méfaits ont été commis en hauts lieux. Il faudrait donc tous passer à autre chose, oublier le sombre nuage de la honte qui plane depuis lors au-dessus des Forces armées canadiennes et passer l'éponge sur la réputation ternie de notre pays.

Honorables sénateurs, nous avons beau passer à autre chose, ce nuage sombre va nous accompagner tant que la vérité n'aura pas éclaté au grand jour et tant que les responsabilités n'auront pas été établies. Ce qui est en jeu dans la motion dont nous sommes saisis actuellement, ce n'est pas seulement le droit du Parlement de connaître la vérité. Ce dont il est question, c'est de notre devoir, de notre grave devoir d'exiger que ceux qui agissent en notre nom et sous l'autorité suprême du Parlement rendent des comptes. C'est la question de la reddition des comptes que je vous engage à examiner dans cette motion.

Permettez-moi de faire remarquer en passant que les changements que le ministre de la Défense nationale, M. Eggleton, a annoncés l'automne dernier, s'ils visaient à renforcer l'obligation de rendre des comptes dans la chaîne de commandement, auront plus vraisemblablement l'effet contraire. Il n'existe pas de comité militaire canadien de griefs. Il n'existe pas de comité de plaintes de la police militaire. Un comité indépendant de mise en oeuvre s'impose. Un poste d'ombudsman s'impose. Il faudrait des lignes de dénonciation sans frais, et des comités composés de civils pour surveiller tout cela. Dans une bureaucratie à niveaux multiples, pluridimensionnelle, l'obligation de rendre des comptes ne sera pas plus claire, plus unifiée. Elle sera plus diffuse.

(1600)

Entre le chef de l'état-major de la Défense et le ministre de la Défense nationale, d'une part, et ce qui se passe aux échelons inférieurs, d'autre part, il y aura plus de couches isolantes, plus de matières de camouflage et plus de distance. Est-ce vraiment là la leçon que nos chefs militaires, bureaucratiques et politiques ont tirée des événements survenus en Somalie? Espérons que ce n'est pas le cas.

Cette question devrait faire l'objet d'un nouveau débat et nous devrions nous y attaquer bientôt. Je suis conscient du fait qu'il y a des modifications à la Loi sur la défense nationale qui seront probablement déposées en temps et lieu. Peut-être aurons-nous alors l'occasion de discuter de certains de ces points devant le comité permanent du Sénat compétent en la matière?

Honorables sénateurs, on célébrera dans deux semaines, soit le 4 mars, le cinquième anniversaire du jour où deux civils somaliens ont été attirés au camp des soldats canadiens à Belet Huen en Somalie par des boîtes de nourriture et des réservoirs d'eau qui avaient été déposés là par nos soldats. On a tiré sur ces deux hommes à l'extérieur du camp, dans ce qu'on a décrit comme étant un piège. L'un des deux civils a été tué. De l'avis du médecin militaire traitant, le docteur Armstrong, il a subi une exécution à bout portant, comme chez les gangsters.

Avant la fin de la nuit, un capitaine de nos forces armées a fait savoir au docteur Armstrong qu'une opération de limitation des dégâts était en cours. Nous savons bien ce que cette expression signifie, n'est-ce pas? C'est un bel euphémisme pour parler de désinformation et de dissimulation autorisée. En fait, le commandant qui se trouvait sur les lieux, le colonel Labbée, a demandé à l'un de ses hommes de faire une enquête sur place. Suite aux résultats de cette enquête, on a absous le peloton de toute faute criminelle et on l'a même louangé pour ses efforts.

Le colonel Labbé a écrit au quartier général de la Défense nationale à Ottawa, recommandant que la police militaire ne fasse pas enquête puisque, selon ses propres mots, elle ne trouverait rien de plus. On a fabriqué une histoire, qui fait partie de la stratégie qui est maintenant bien connue, pour expliquer que les deux Somaliens sur lesquels on avait tiré à l'extérieur du camp étaient des saboteurs. La police militaire a fortement insisté auprès du quartier général de la Défense nationale à Ottawa pour qu'elle demande la tenue d'une enquête. Toutefois, rien n'a été fait pendant six semaines, et pas avant que le docteur Armstrong ne menace de rendre publiques ses accusations de meurtre.

À ce moment-là, un autre incident encore plus atroce s'était produit. Je parle, bien entendu, du cas de ce jeune Somalien, Shidane Arone, qui a également été attiré dans le camp canadien par des vivres et de l'eau laissés là par nos soldats et qui a été torturé et battu à mort le 16 mars. Cet incident a entraîné une enquête policière et pourtant, il a fallu deux semaines avant que la nouvelle de cette atrocité ne soit transmise à la ministre de l'époque, Mme Campbell. Où était donc cachée cette information durant ces 15 jours? Les officiers supérieurs en Somalie ont-ils manqué à leur devoir en n'informant pas les officiers supérieurs au quartier général de la Défense nationale à Ottawa ou cette information a-t-elle été transmise à Ottawa où les autorités ont procédé à une opération de camouflage? Nous ignorons les réponses à ces questions. Ne pensez-vous pas qu'il nous incombe de les trouver?

Nous savons, chose certaine, que durant ces deux semaines, on a menti carrément à la ministre et au public au sujet des circonstances entourant la mort de Shidane Arone et de l'état dans lequel son corps était lorsqu'on l'a examiné. Comme on le sait maintenant, on a élaboré une stratégie pour faire en sorte qu'on n'établisse pas de liens entre la mort de Shidane Arone et la tentative de suicide de l'un de ses agresseurs.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis désolé d'interrompre l'honorable sénateur Murray, mais son temps de parole est écoulé. A-t-il la permission de poursuivre?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Murray: Je suis désolé, honorables sénateurs. Je ne fais que commencer.

Peu de temps après, on a appris l'existence de photographies prises par nos soldats comme trophées. On a organisé une cour martiale et certains soldats ont été condamnés. L'opération initiale de camouflage avait rapidement mal tourné. Cependant, permettez-moi de signaler que d'après ce qu'on sait, aucune mesure disciplinaire n'a jamais été prise contre ceux qui ont posé sur les photos en question.

Une douzaine de soldats se sont arrêtés au blockhaus où le jeune Somalien a été torturé et battu. Est-il vrai, comme on le dit dans les médias, que six de ces soldats ont, depuis, reçu des promotions, sous prétexte, d'après l'explication officielle, qu'on ne pouvait leur refuser une promotion en toute équité puisque aucune accusation n'avait jamais été portée contre eux?

Ce que nous savons, c'est qu'aucun haut gradé ni haut fonctionnaire n'a jamais démissionné à la suite de ce qui s'est produit en Somalie. Aucun n'a jamais accepté la responsabilité de cet événement et aucun n'a jamais eu à rendre de comptes à ce sujet.

En novembre 1994, l'opération de limitation des dégâts était en train de s'effondrer. Grâce à leurs efforts, des journalistes avaient réussi à découvrir une partie de la vérité. Le docteur Armstong avait accusé publiquement des officiers supérieurs d'avoir ordonné la destruction de preuves.

Le gouvernement a décidé qu'il fallait une enquête publique. La commission Létourneau a ainsi été mise sur pied en vertu de la Loi sur les enquêtes. Je n'ai pas besoin de rappeler aux sénateurs les promesses fermes et même catégoriques du ministre de la Défense nationale de l'époque, M. Collenette, qui disait que la commission Létourneau, sans peur et sans reproches, serait capable d'établir la vérité et d'identifier les responsables.

C'était en octobre 1995, avant que la commission sur la Somalie entende ses premiers témoins. Environ cinq mois plus tard, la commission a annoncé son intention d'examiner les développements récents, c'est-à-dire les développements survenus après sa création en novembre 1994. Six mois plus tard, c'est-à-dire en septembre 1996, le premier ministre Chrétien déclarait que les travaux de la commission duraient trop longtemps et coûtaient trop cher. Quatre mois plus tard, le nouveau ministre de la Défense nationale, M. Young, annonçait qu'on mettait fin à l'enquête.

Quand la commission sur la Somalie a présenté son rapport, en juin 1997, on a pu prendre connaissance de certaines constatations et conclusions. La commission nous disait par ailleurs ce qu'elle n'avait pas pu faire étant donné la suspension prématurée de ses travaux, et présentait un récit convaincant, documenté et choquant de l'obstruction, par des fonctionnaires, dont elle avait été victime dans le déroulement de son enquête judiciaire.

Au chapitre 38 du rapport, les sénateurs trouveront le rapport de la commission sur l'incident du 4 mars 1993, sur les lacunes de l'enquête sommaire rapportées par la suite et sur le camouflage qui s'ensuivit. J'en lis une phrase aux sénateurs:

 

[...] la réaction de la chaîne de commandement [...] a été faible, tardive, insuffisante, opportuniste, injustifiable et indigne du leadership militaire que nos soldats méritent et auquel s'attend le public canadien.
Là-dessus, je veux signaler une chose. On dit que le nom du colonel Labbé, qui occupait le poste de commandant à Belet Huen, figure depuis deux ans en tête de la liste des candidats au grade de brigadier-général. On dit aussi qu'il fait maintenant l'objet d'une enquête du conseil de révision des carrières. À quelle fin?

Pour faciliter sa promotion? Pour enquêter plus à fond sur sa réaction à l'incident du 4 mai 1993? Nous l'ignorons.

Le vice-amiral Murray, dont l'explication peu vraisemblable concernant l'envoi de la force policière en Somalie après le 4 mars fait partie des comptes rendus de la commission, est maintenant sous-ministre adjoint au ministère fédéral des Pêches et des Océans.

La commission parle brièvement de ce qu'elle n'a pas eu la possibilité de faire parce que le gouvernement a mis fin à ses travaux:

 

Nous n'avons pas pu examiner le comportement des officiers supérieurs et des hauts fonctionnaires afin d'évaluer leur part de responsabilité personnelle, les travaux de la commission ayant été interrompus avant d'avoir pu convoquer les témoins les plus importants sur le sujet et la période en cause. Nos travaux ont été interrompus juste au moment où nous commencions à interroger les plus hauts gradés des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale et à nous intéresser à certaines allégations de camouflage touchant certains incidents... La décision du gouvernement a effectivement permis à de nombreuses personnes qui occupaient des postes élevés dans la hiérarchie pendant le déploiement d'éviter de rendre compte de leur conduite, de leurs décisions et de leurs actions pendant et après la mission.
Le rapport ajoute:

L'histoire se répète une fois de plus, puisque seul les militaires de grades inférieurs ont dû rendre compte des échecs de leurs supérieurs.

Ces observations faites par la commission concernent l'incident du 4 mars et les allégations subséquentes. La commission n'a pas pu aborder du tout l'incident du 16 mars, au cours duquel Shidane Arone a été torturé et battu à mort.

Je tiens à attirer l'attention du Sénat sur l'obstruction à laquelle des hauts gradés des Forces armées canadiennes et des hauts fonctionnaires du ministère de la Défense nationale ont eu recours à l'endroit des travaux de la commission d'enquête sur les incidents survenus en Somalie. Rien ne justifie davantage la motion dont nous sommes saisis et la création d'une enquête sénatoriale. Les honorables sénateurs qui désirent examiner la question plus à fond peuvent lire le chapitre 39 du rapport de la commission d'enquête.

Le compte rendu de la commission indique clairement que, dès le début de ses travaux, les autorités militaires et le ministère de la Défense nationale ont systématiquement fait obstacle aux efforts de la commission pour obtenir les documents nécessaires à l'exécution de son mandat. Cette pratique a retardé ses travaux. Le personnel de la commission était constamment aux prises avec ces problèmes. La commission a jugé la situation suffisamment sérieuse pour tenir des audiences spéciales sur les questions reliées à la non-production de documents.

Ces audiences ont eu lieu à l'automne 1995 et pendant tout l'hiver 1996. Certains observateurs ont reproché à la commission de s'être laissée empêtrer dans une multitude de détails qui n'étaient pas tous essentiels dans le cadre de l'enquête. Ces reproches étaient peut-être justifiés, mais, au tout début de son mandat, la commission a compris qu'il existait des preuves flagrantes d'obstruction ainsi que de falsification et de camouflage de documents et elle a jugé qu'il était indispensable d'aller, coûte que coûte, au fond des choses.

La commission s'est heurtée à une équipe spéciale de civils et d'officiers militaires appelée l'Équipe de liaison de l'enquête sur la Somalie, mieux connue sous son sigle, ELES. À propos du modus operandi de cette équipe, la commission a dit ceci:

 

Au lieu de nous aider à obtenir l'information voulue en temps opportun, l'ELES a manifestement adopté des procédés stratégiques dans ses rapports avec la Commission, s'employant à retarder ou à empêcher systématiquement la divulgation de renseignements pertinents à la Commission [...]
La commission a ensuite mentionné ceci:

 

Le fait que le MDN ait tardé à nous fournir de la documentation et que cette documentation ait été fragmentaire et incomplète [...]
Il convient de rappeler, honorables sénateurs, que les personnes ainsi décrites sont de hauts gradés des Forces armées canadiennes. Ce sont de hauts gradés du ministère de la Défense nationale, des fonctionnaires qui ont prêté un serment d'allégeance, qui ont juré de s'acquitter fidèlement des responsabilités qui leur incombaient dans l'exercice de leurs hautes fonctions. Il convient aussi de rappeler qu'il s'agissait là de leur réponse à une commission d'enquête judiciaire ordonnée par décret du conseil et visant à établir la vérité. Voici ce que les membres de la commission d'enquête judiciaire ont dit de ces personnes:

Au cours des audiences, on a examiné de nombreux détails de cette affaire, et les témoins ont, dans l'ensemble, nié leur responsabilité. Il était toutefois évident que le ministère n'avait manifestement pas obtempéré à notre ordonnance de production de documents. Nous avons conclu que le ministère avait délibérément agi de manière malhonnête. Pour cacher la première tromperie, on avait commis des actes dont la gravité n'avait fait qu'augmenter, passant du stratagème aux mensonges et au non-respect d'une ordonnance de production de documents, pour aboutir à une tentative de destruction de preuves.

Ce sont là les déclarations d'une commission d'enquête composée d'un juge, d'un juge retraité qui est également un ancien combattant distingué de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que d'un journaliste. Voilà les termes qu'emploie une commission d'enquête pour décrire les activités de fonctionnaires qui sont responsables en dernier ressort devant nous, devant le Parlement.

Comment pouvons-nous, en toute bonne conscience, suivre les conseils de notre collègue, le sénateur Rompkey, et tourner la page, cesser de scruter le passé et regarder vers l'avenir? Comment pouvons-nous justifier une telle renonciation à notre responsabilité de demander des comptes à ceux qui agissent sous l'autorité de nos lois? Tromperie, mensonges, stratagème, non-respect d'une ordonnance judiciaire, tentative de destruction de preuves - jusqu'ici, ceux qui sont responsables de tout cela s'en sont tirés. Les gens dont la conduite faisait l'objet d'une enquête semblent avoir réussi, en janvier 1997, à convaincre le ministre de la Défense nationale de l'époque, M. Young, de mettre un terme à l'enquête.

À compter du 4 mars 1993, lorsque l'opération de contrôle des dégâts a commencé, jusqu'à l'enquête interne orchestrée, la conspiration, les machinations, l'élaboration et l'approbation de mensonges et de désinformation, la falsification de documents et la destruction de preuves, et enfin, jusqu'à la campagne fructueuse pour interrompre l'enquête sur l'affaire de la Somalie, les gens haut placés dont nous sommes responsables en dernier ressort ont esquivé toute obligation de rendre compte, ont renoncé à leur responsabilité et ont échappé aux efforts d'une autorité civile dûment constituée - le Parlement, le gouvernement, une commission d'enquête - pour découvrir la vérité.

Pour tout ce qui s'est produit, le fin mot de l'affaire jusqu'ici, c'est que personne en haut lieu n'était au courant de rien; personne n'était responsable; personne n'a de comptes à rendre. Comment pouvons-nous, au Parlement du Canada, en rester là? Si nous n'insistons pas sur l'obligation de rendre compte, qui le fera?

Ce n'est pas un sujet très agréable, c'est le moins que l'on puisse dire, mais revenons par la pensée à cette nuit fatale du 16 mars et au passage à tabac de Shidane Arone et à sa mort aux mains de nos hommes. L'enquête sur la Somalie a été interrompue avant même de pouvoir se pencher sur cet incident.

Shidane Arone avait 16 ans. Il mesurait 5 pieds 4 pouces. Il pesait 120 livres. Il essayait de voler de la nourriture quand il fut saisi par des brutes portant l'uniforme canadien. Toute la nuit, il fut battu à coups de pied et de poing, étranglé, brûlé avec des cigares, réduit en bouillie avec une barre de métal, sodomisé avec une matraque et finalement tué.

Une douzaine de soldats sont passés devant le camp, ont regardé le passage à tabac, et ont pris la décision fatale de ne pas intervenir et de tourner le dos. Selon les paroles mêmes que nous avons si souvent entendues de la bouche de nos collègues d'en face, ils sont passés à autre chose.

Pire encore est la complicité qui existe depuis ce jour au sein de la chaîne hiérarchique, tant militaire que civile, qui a menti, caché et dissimulé la vérité.

Cette motion nous offre un choix moral - ou bien nous faisons notre devoir, réclamons des comptes, établissons la vérité, et débusquons les responsables, tout aussi difficile et pénible que cela puisse être, ou bien nous refusons d'intervenir et nous tournons le dos à nos responsabilités.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, je suis aussi horrifié que le sénateur Murray. Nous avons tous la même réaction devant le sort qui a été réservé à ce jeune Somalien. Toutefois, je me souviens aussi de ma consternation en voyant tous les soirs, à la Chaîne parlementaire, les agissements de cette prétendue commission d'enquête. Il y avait M. Desbarats, pas plus futé qu'il le faut, qui essayait d'attaquer l'honneur d'un officier parce que ce dernier ne savait pas ce qui se passait à cinq kilomètres du camp.

Il se peut que le juge Létourneau ait fait la guerre et qu'il ait servi dans un cadre idéal, où il pouvait tout prévoir et savoir exactement ce que quelqu'un faisait à 1 000 mètres d'où il était.

Je me souviens qu'une fois, notre navire ne tirait pas au but, contrairement à son habitude. Nous avons découvert plus tard que notre second maître canonnier avait reçu une lettre de sa femme, lui apprenant qu'elle l'avait trompé avec un soldat américain. Il était tout déboussolé, et il a visé tout croche. Si nous l'avions su, nous aurions pu le remplacer. Nous ne le savions pas. Nous étions responsables, mais ce genre de chose, imprévisible, pouvait se produire n'importe où, n'importe quand, en temps de guerre.

Les membres de la commission essayaient de tenir un officier responsable d'une chose dont il ne pouvait pas raisonnablement avoir connaissance à ce moment-là. On a eu droit à des interrogatoires féroces à la Kenneth Starr, qui dégradaient la conception canadienne de la justice et portaient atteinte au moral des forces armées.

Il en aurait été tout autrement si les commissaires avaient traité ces officiers comme des concitoyens dont ils cherchaient la collaboration pour faire éclater la vérité. Au lieu de cela, ils les ont traités comme des coupables du début jusqu'à la fin de leurs travaux, avant que la moindre preuve ait été faite. Cela m'a déplu, et aux militaires aussi, à juste titre. Il était temps de mettre fin à cette inquisition.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quelle honte!

(Sur la motion du sénateur Poulin, le débat est ajourné.)

 

Groupe interparlementaire Canada-Japon

La huitième rencontre annuelle avec la Ligue d'amitié des parlementaires Japon-Canada-Interpellation

L'honorable Dan Hays, ayant donné avis, le 11 décembre 1997:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la huitième rencontre annuelle entre le Groupe interparlementaire Canada-Japon et la Ligue d'amitié des parlementaires Japon-Canada, tenue au Japon, du 8 au 16 novembre 1997.

- Honorables sénateurs, je vais traiter au Sénat de la huitième rencontre annuelle entre le Groupe interparlementaire Canada-Japon et la Ligue d'amitié des parlementaires Japon-Canada, qui a eu lieu en novembre dernier.

Ces rencontres bilatérales ont été les plus réussies à ce jour, tant pour ce qui est de la matière traitée que de l'intérêt des membres de la Diète. D'ailleurs, la délégation canadienne a eu l'honneur de recevoir un nombre sans précédent de membres de la Diète venus assister aux entretiens bilatéraux, auxquels ont participé de nombreux anciens ministres et l'ancien premier ministre Kaifu. Ce dernier était au pouvoir en 1989 et l'organisation a été formée sous sa direction et celle du premier ministre Mulroney, qui dirigeait le gouvernement canadien à l'époque.

Les entretiens bilatéraux ont porté sur le développement politique et économique du Japon et du Canada, le commerce bilatéral, les investissements, le tourisme, les questions de sécurité, la prochaine CdP-3, ou conférence de Kyoto, l'APEC, ainsi que la réforme administrative et la déréglementation au Japon. Les entretiens ont été particulièrement intéressants, compte tenu des transformations qui ont cours dans la société, les institutions et l'économie du Japon.

Les modifications que subit la structure financière de l'économie japonaise revêtent une grande importance pour le Canada. Le Japon est notre deuxième partenaire commercial, après les États-Unis. D'après certains membres de la Diète, les modifications dont sont l'objet l'économie, les institutions et la société du Japon à l'heure actuelle se comparent par leur ampleur à celles qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale.

Ces entretiens bilatéraux ont été marqués par l'annonce par le premier ministre Hashimoto, au cours d'une visite officielle à Ottawa, de son intention de signer la convention visant à interdire les mines antipersonnel.

Le sénateur Comeau a parlé tout à l'heure de l'excellent travail de l'Union interparlementaire. Je confirme que les relations entre le Canada et le Japon, ainsi que les relations multilatérales qu'entretient l'organisation avec les pays de l'Asie-Pacifique ont bien servi le Canada dans l'invitation faite aux autres pays à imiter le Canada en signant la convention interdisant les mines antipersonnel, conclue en décembre dernier.

Après les discussions bilatérales à Tokyo, la délégation s'est rendue à Kyushu. Cette île de 15 millions d'habitants produit 1 p. 100 du PIB mondial. On l'appelle parfois silicon island, parce qu'on y fabrique des produits de haute technologie. L'île offre de grandes possibilités d'exportation pour les produits canadiens dans les secteurs de l'exploitation forestière, du logement, des biens de consommation et des produits agricoles, notamment le boeuf. Nous avons pu rencontrer le consul canadien dans l'île de Kyushu, en plus de visiter une coopérative de production bovine et une usine de robotique. Hiroshima et Nagasaki sont toutes deux sur l'île, et la délégation a visité le Musée de la bombe atomique, à Nagasaki, ainsi que le Jardin de la paix.

L'influence de l'économie mondiale dans le secteur de la technologie est telle que les changements qui surviennent au Japon et en Asie auront des répercussions à l'échelle planétaire.

Compte tenu de l'importance de la région Asie-Pacifique pour le Canada, en particulier notre économie, il est essentiel que les parlementaires canadiens soient au courant de ces changements. Le commerce bilatéral avec le Japon se chiffre actuellement à 22 milliards de dollars, les exportations étant à peu près équivalentes aux importations. Au cours du dernier exercice, le tourisme japonais a procuré des revenus d'environ 690 millions de dollars au Canada.

Je veux remercier les membres de la délégation des discussions bilatérales fructueuses tenues jusqu'à maintenant. Je remercie tout particulièrement mes collègues, les sénateurs Murray et Poulin. Je veux aussi souligner le professionnalisme et le dévouement du personnel de l'ambassade du Canada, et j'encourage mes collègues à se joindre au Groupe interparlementaire Canada-Japon.

La huitième rencontre bilatérale et nos relations multilatérales dans la région Asie-Pacifique caractérisent les initiatives qui confirment l'engagement pris par le Canada relativement au Japon et à la région Asie-Pacifique, afin d'assurer notre succès en tant que nation commerçante. Nous avons une côte qui donne sur le Pacifique, comme bien des pays dont les populations représentent la plus grande partie de l'ensemble des habitants de la planète, et dont le dynamisme leur assure une part de plus en plus grande de l'activité économique mondiale.

En janvier 1997, le Canada était l'hôte du Forum parlementaire de l'Asie-Pacifique, tandis qu'en décembre de la même année, il accueillait les participants à la conférence de l'APEC. Par ailleurs, Équipe Canada a fait une tournée fructueuse dans la région. Notre Président, le sénateur Molgat, a effectué une visite officielle au Japon. Cette visite faisait suite à celle du président Saito de la Chambre des conseillers de la Diète du Japon, en 1996. Ces échanges et d'autres importantes rencontres nous ont bien servis et continueront de le faire.

Je conclus par une observation sur l'un des phénomènes les plus importants qui se manifestent actuellement dans la région Asie-Pacifique. Je parle de la crise qui frappe les devises et les économies d'un certain nombre de pays de cette région. Le Japon n'est pas touché, contrairement à plusieurs autres pays, grâce à son excédent commercial de 100 milliards de dollars et à ses réserves en devises de 200 milliards de dollars, mais même l'économie japonaise peut souffrir énormément de ce qui se passe dans la région.

Lors de réunions récentes du Forum parlementaire Asie-Pacifique, nous avons entendu parler des Thaïlandais, qui font actuellement l'objet d'un examen du FMI après avoir révisé leur budget à trois reprises au cours des derniers mois. Ils déplorent que les dépenses de programmes aient entraîné leur économie et leurs activités économiques dans une spirale à la baisse, et cela est typique des problèmes qui assaillent cette région. Il est également important de comprendre les répercussions de cette crise, car son ampleur dépasse les problèmes normaux que nous avons observés dans cette région et n'importe où ailleurs depuis la grande crise économique. Si la région cherche à régler son problème au moyen des exportations, cela aura de vives répercussions sur l'économie des pays vers lesquels elle exporte et sur la création d'emplois dans ces pays. En fait, les États-Unis ont fait savoir qu'ils n'accepteraient pas que les pays victimes de cette crise exportent principalement chez eux pour résoudre leurs problèmes.

Cela nous amène à nous demander quelle peut bien être la solution pour ces pays. Je terminerai par une citation qui révèle comment on devra tâcher de remédier à la crise. Elle est tirée d'un article de Bruce Koppel paru sous le titre «Régler le problème de l'autre Asie», dans le numéro courant de Foreign Affairs. M. Koppel écrit:

Il est clair que les gains économiques importants de l'Asie proviennent de changements structurels minimes.

Il veut parler des grands succès que certains pays ont affichés avec de très fortes augmentations annuelles de leur PIB ou un taux de croissance annuel élevé. L'article poursuit:

 

Les dirigeants de la région doivent maintenant investir dans les ressources humaines et dans l'infrastructure nécessaire pour améliorer la productivité dans tous les secteurs de l'économie, notamment en agriculture et dans le secteur des services qui emploient 85 p. 100 de la population active. Comme l'a montré l'expérience du Japon, de la Corée et de Taïwan, une productivité et une consommation agricoles accrues sont à la base d'une stratégie de croissance industrielle fructueuse, car les ménages ruraux productifs ont plus de liquidités pour acheter du matériel agricole, investir dans l'éducation de leurs enfants et acheter des biens de consommation. Il en résulte une croissance durable stimulée non seulement par les exportations mais aussi par une demande nationale saine.
Pour bon nombre de ces pays, c'est un défi très important et lourd à relever que de susciter une vigoureuse demande intérieure.

Après m'être rendu là-bas à titre de président du Groupe interparlementaire Canada-Japon et du Forum parlementaire de l'Asie-Pacifique, je crois sincèrement qu'ils seront à la hauteur. Combien de temps leur faudra-t-il, cela est moins clair. Je le répète, il est crucial que nous comprenions de notre mieux ce qui va se passer.

J'ai lu que la croissance mondiale, qui devait être d'environ 4 p. 100 sera probablement de 2,5 p. 100, à cause de la crise asiatique, et peut-être moins encore, dépendant de l'ampleur des effets de la crise sur les économies d'Amérique latine.

Je remarque que le comité sénatorial permanent des affaires étrangères tiendra sous peu des audiences de suivi pour étudier le rapport provisoire qu'il a déposé sur la région de l'Asie-Pacifique et l'importance qu'elle a pour nous. Je trouve encourageants cette initiative et l'intérêt que les sénateurs accordent aux relations du Canada avec le Japon et avec la région en général.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, permettez-moi, avant de commenter le rapport, de remercier le sénateur Hays du leadership qu'il a exercé au sein du Groupe interparlementaire Canada-Japon, qu'il préside depuis 1994. Le sénateur Hays a observé de près l'évolution politique et économique du Japon. Il a gardé un contact avec nos amis du Parlement japonais, et eux avec lui. Le gouvernement fédéral a eu la sagesse de profiter des connaissances du sénateur Hays et de ses contacts au Japon, et il lui a demandé son concours pour sonder les législateurs japonais au sujet de l'appui et de l'intérêt qu'ils accordaient à des initiatives comme la Conférence Asie-Pacifique, le Traité d'interdiction des mines antipersonnel et la Conférence de Kyoto sur l'environnement.

Le sénateur Hays a succédé à un autre de nos collègues, le sénateur Oliver, à titre de président du groupe Canada-Japon. Le sénateur Oliver continue de s'intéresser de près à ce qui se passe au Japon et à nos relations avec ce pays. Leur succès, comme présidents, fait ressortir entre autres choses la précieuse continuité que permet la nomination d'un sénateur à la tête d'un groupe interparlementaire comme celui-là. Un jour, nos collègues de la Chambre des communes insisteront sans doute pour présider ce groupe à leur tour. Étant donné que le Japon, comme le Canada, a un Parlement bicaméral, nous pourrions envisager de prévoir des coprésidents pour ce jour-là, soit un du Sénat et un de la Chambre des communes, comme cela se fait dans le cas du groupe parlementaire Canada-États-Unis.

Il importe que nous maintenions et que nous accroissions, si possible, nos contacts avec les parlementaires et les personnages politiques japonais. Le Japon doit entreprendre de grands changements économiques, financiers et administratifs. Les répercussions sociales et culturelles - dans le sens large du mot - sont de taille. Au cours des dernières années, la scène politique a été plus turbulente que jamais depuis la Seconde Guerre mondiale dans ce pays. Depuis que nous y sommes allés, en novembre, le plus grand parti de l'opposition, le Parti de la nouvelle frontière, qui est lui-même né d'une scission du Parti libéral démocrate au pouvoir, semble s'être effiloché. Ce n'est que le plus récent exemple de ce qu'on pourrait qualifier de restructuration politique.

La politique japonaise a toujours été marquée par le grand nombre de factions et le conflit entre de fortes personnalités, mais je crois que les bouleversements actuels et récents reflètent aussi les dilemmes difficiles dans lesquels se trouvent les politiciens japonais compte tenu de la situation financière et économique délicate de leur pays. Le plus évident de ces dilemmes, et celui qui intéresse au plus haut point l'électorat japonais et ses représentants élus, est la question de savoir si le tissu politique, social et économique du Japon peut survivre à l'abandon de la pratique de non-licenciement qui résulte d'une longue tradition d'emploi à vie dans les entreprises japonaises. Le taux de chômage japonais, à 3 p. 100, est considéré comme exceptionnellement élevé. La réaction des dirigeants politiques et des chefs d'entreprise japonais à ce problème et à d'autres questions pressantes de restructuration aura une incidence importante sur l'économie japonaise et, partant, sur l'économie mondiale. Les parlementaires canadiens font bien de rester en communication avec eux.

Après tout, comme l'a signalé le sénateur Hays, le Japon est la deuxième plus grande économie au monde. Et il se trouve qu'il est le deuxième plus grand partenaire commercial du Canada. Même si, à 22 milliards de dollars par année, le volume de nos échanges commerciaux est loin d'atteindre celui de nos échanges avec les États-Unis, il demeure significatif et très important dans certaines régions de notre pays. Des scieries ferment leurs portes en Colombie-Britannique, par exemple, par suite du ralentissement de la demande de bois au Japon.

La crise économico-financière du sud-est asiatique n'aurait pas pu survenir à un plus mauvais moment pour le Japon. Apparemment, le hoquet a commencé en Thaïlande et, comme c'est le cas dans de telles situations, ces sursauts ont fait ressortir et aggravé les faiblesses économiques et financières de l'Asie du Sud-Est et de la Corée du Sud. La crise commençait à peine lorsque nous sommes allés au Japon en novembre. Comme l'a souligné le sénateur Hays, le Japon était vulnérable parce qu'il est un des principaux partenaires commerciaux des pays touchés et parce que ceux-ci devaient de très grosses sommes aux banques japonaises.

Ce qui est venu aggraver la situation, c'est que l'économie japonaise tournait déjà au ralenti. Le stimulant financier réclamé par beaucoup n'allait pas de soi parce que les déficits des gouvernements étaient déjà jugés trop élevés. Le Japon n'avait pas encore absorbé toutes les répercussions de la flambée spéculative spectaculaire des années 1980, que l'on a appelé la bulle, c'est-à-dire la montée en flèche de la valeur de l'immobilier et des autres valeurs puis leur chute brutale. Cela avait donné un dur coup au secteur financier, entre autres.

Il convient de souligner, comme l'a fait le gouverneur de la Banque du Canada dans de récents discours, que le Japon a les reins suffisamment solides pour surmonter ses problèmes bancaires et qu'il a déjà pris des mesures pour fouetter sa reprise économique. Devant l'ampleur des restructurations, des privatisations, des rationalisations et des réformes administratives apparemment envisagées et, semble-t-il, nécessaires au Japon, ce qu'a connu le Canada dans les années 1980 et 1990 paraît relativement sans gravité. Nous savons tous, pourtant, l'émoi et la controverse que cela avait suscité dans la classe politique canadienne.

Il est évident que nous espérons sincèrement que nos amis politiques japonais réussiront à se sortir de leur mauvais pas. Les problèmes de l'économie japonaise et les faiblesses plus graves d'autres économies asiatiques semblent s'alimenter les uns les autres. Les conséquences de la crise sur l'économie mondiale et le prix de certains produits, comme le nickel et le cuivre, se font sentir sur des entreprises comme Inco et Noranda. Il y a peu de temps, j'ai lu un rapport de presse indiquant que Seagram avait enregistré une chute de 50 p. 100 de ses ventes de spiritueux en Asie en raison des problèmes économiques et monétaires de la région.

Au-delà de l'économie, il y a aussi la question du rôle croissant du Japon dans la sécurité régionale et mondiale ainsi que dans le développement international. Les mois et les années qui viennent poseront de sérieux défis aux dirigeants politiques, aux bureaucrates et aux dirigeants d'entreprises japonais ainsi qu'à l'ensemble de la population.

J'ai fait mon premier voyage au Japon il y a plus de 30 ans en tant que touriste et j'y suis retourné périodiquement depuis en tant que parlementaire ou représentant du gouvernement. C'était ma troisième réunion en autant d'années à titre de membre de la délégation parlementaire canadienne. Je suis revenu, comme tous nos collègues canadiens, je crois, et comme l'a dit le sénateur Hays, convaincu que le Japon vaincrait les obstacles qui se dressent devant lui et ressortirait de cette expérience plus fort que jamais.

Grâce à l'excellent travail de l'ambassade du Canada à Tokyo, nous avons eu la chance de rencontrer des gens d'affaires japonais et des Canadiens qui font des affaires au Japon, ce qui nous a été extrêmement utile pour mieux comprendre le contexte japonais et la nature de notre relation commerciale et politique avec ce pays. Les parlementaires japonais étaient présents en plus grand nombre, leur participation était plus active et les sujets abordés étaient plus variés que lors des réunions précédentes auxquelles j'ai assisté.

Le Groupe interparlementaire Canada-Japon en est un que je recommande fortement à nos collègues ici même et à la Chambre des communes. Nous devons, dans l'intérêt de notre pays, entretenir la relation la plus étroite et la plus active possible avec nos homologues japonais.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, le débat sur cette interpellation est considéré comme terminé.

 

L'Iraq

La politique du Canada relative à la crise actuelle-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein, ayant donné avis le 12 février 1998:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la politique du Canada relative à la crise en Iraq.

- Honorables sénateurs, en lançant le débat sur cette interpellation, je prie instamment tous les sénateurs de lire le débat qui a eu lieu à l'autre endroit la semaine dernière sur la question de la participation du Canada à la crise de l'Iraq et de relire le débat qui a eu lieu à l'autre endroit et ici même en 1990, avant que la guerre du Golfe n'éclate en 1991. Ces débats projettent une image intéressante de l'histoire du Canada au moment même où elle se déroule.

À quelques rares exceptions près, le débat de la semaine dernière à l'autre endroit était déficient sur le plan des faits et manquait donc de clarté, de cohésion et de contexte relativement aux buts, objectifs et options du Canada.

(1650)

Ce qu'il nous manque par-dessus tout, ce sont les faits récents, ainsi que l'importante succession de faits qui nous a conduits de l'accord inconditionnel de l'Iraq à des inspections illimitées par l'ONU en tant que condition préalable à la cessation des hostilités en 1991 à l'impasse actuelle.

Par comparaison, honorables sénateurs, j'ai lu récemment les discours de guerre que Churchill a prononcés au Parlement britannique, réuni à huis clos à Westminster, durant la Seconde Guerre mondiale. Ils étaient des modèles de perspicacité et de précision.

Honorables sénateurs, quelles devraient être les conditions préalables à l'engagement du Canada dans une guerre à ce moment-ci? Notre politique semble plus opaque que transparente, et ce, plus que jamais. Permettez-moi de soulever certaines questions qui auraient dû, à mon avis, être examinées de façon plus pertinente par tous les partis à l'autre endroit.

Premièrement, quels sont les principaux buts du Canada dans une guerre? Les Américains ont-ils les même buts que nous? S'ils sont différents, en quoi et pourquoi sont-ils différents?

Deuxièmement, quels sont les objectifs politiques et géopolitiques précis du Canada par rapport aux Nations Unies et à cette région? Qu'en est-il des autres pays adjacents à cette région?

Troisièmement, quelles sont les conditions d'engagement du Canada et quelle est la nature de la structure de commandement dont les Canadiens pourraient relever? Au Canada, en cette ère postmilitaire, comme Richard Gwyn a si adroitement posé la question l'autre jour, les forces de défense du Canada sont-elles bien organisées pour répondre à pareille crise avec efficacité et efficience?

Quatrièmement, quels principes du droit international régissent la participation du Canada à un tel engagement? Honorables sénateurs, quel est actuellement le rôle précis de l'ONU par rapport à la structure de commandement et aux efforts diplomatiques?

Cinquièmement, quelles sont les résolutions précises de l'ONU qui n'ont pas été respectées et pourquoi l'ONU ou la coalition de l'ONU a-t-elle attendu si longtemps avant de demander des explications à l'Iraq?

Sixièmement, quelles sont les conséquences pour la paix et la sécurité dans la région si les principales cibles de l'opération militaire des États-Unis sont atteintes?

Septièmement, qu'est-il advenu des sanctions proposées ici et à l'autre endroit, en 1991, comme solution de rechange à la guerre du Golfe? Ont-elles échoué? Pourquoi et quand? Reste-t-il des sanctions possibles?

Huitièmement, si, comme condition à la cessation des hostilités de la guerre du Golfe, l'Iraq avait convenu d'une inspection publique des armes, qui a tardé à appliquer le processus d'inspection depuis 1991, et pourquoi?

Neuvièmement, qu'est-il advenu des poursuites du Tribunal des crimes de guerre de La Haye à l'égard des crimes contre l'humanité et contre les dirigeants et des membres spécifiques du gouvernement iraquien en tant que mesure prophylactique contre les comportements individuels insensés ou aberrants depuis 1993, année où le tribunal a été rétabli?

Dixièmement, qu'est-il advenu des pays dont les exportations permettent peut-être encore de fournir à l'Iraq des armes ou des composantes nécessaires à la construction ou à la reconstruction de son arsenal chimique et de ses systèmes de livraison militaire? On a dressé, en 1991, la liste de ces pays au nombre desquels se trouvaient d'importants membres de la coalition du Golfe, dont la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et des non-membres comme la Chine. Qu'est-il arrivé depuis?

Onzièmement, quelles mesures sont ou seront prises pour limiter les effets, sur les populations civiles innocentes de l'Iraq et de ses pays voisins, des émissions chimiques dangereuses que produiront les bombardements proposés?

Douzièmement, qu'est-il advenu des premières mesures prises par le monde libre après la guerre du Golfe, pour bâtir une coalition démocratique anti-autoritaire en Iraq et sans l'Iraq, afin d'offrir une autre solution politique à la population iraquienne?

Honorables sénateurs, je pose ces questions pour que soit plus clair - au moins à mes yeux - le contexte dans lequel il faut définir le rôle du Canada dans la crise iraquienne.

De toute évidence, l'Iraq a violé ses obligations internationales. Il est évident que l'Iraq contrevient aux résolutions de l'ONU. Il est également clair, cependant, qu'il y a de sérieuses réserves au sein du Conseil de sécurité et ailleurs, au sein de la coalition du Golfe et des pays voisins qui faisaient partie de la première coalition du Golfe et qui ne sont pas encore prêts à appuyer les objectifs militaires des Américains.

Selon certains, les pays arabes adjacents refusent leur appui parce qu'ils se sentent toujours menacés et en danger, puisque la mission de la guerre du Golfe n'a pas été remplie de façon satisfaisante.

Et la Russie et son énorme dette envers l'Iraq, ses liens commerciaux et son désir de rétablir son influence dans cette région? Et la France et ses liens commerciaux et son désir d'étendre, elle aussi, son influence dans cette région? Et la Chine qui continue de fournir des armes à l'Iraq?

Honorables sénateurs, que s'est-il passé le 23 septembre de l'année dernière aux Nations Unies quand la Chine, la Russie et la France ont menacé d'utiliser leur droit de veto au Conseil de sécurité contre les modestes sanctions que l'ONU voulait imposer en interdisant à certains hauts responsables iraquiens de voyager à bord de vols internationaux? Il ne fait aucun doute pour moi que le refus d'approuver des sanctions aussi modestes aura permis à Hussein de comprendre que la coalition s'affaiblissait et perdait de sa volonté politique. Ceci l'a encouragé à contrecarrer davantage le travail de l'équipe d'inspecteurs des Nations Unies. De sérieuses questions, honorables sénateurs, mais peu ou pas de mesures concrètes.

Il est à prévoir que le Canada sera appelé de temps à autre à appuyer des interventions militaires. Quelles sont les lignes de conduite devant servir de paramètres d'action aux parlementaires et à la population canadienne en pareilles circonstances?

Il me semble que la crise à laquelle nous faisons face en Iraq est due au manque de volonté politique de traiter de façon appropriée la menace que Saddam Hussein et son hégémonie posent à ses voisins ainsi qu'à la stabilité et à la paix dans cette région depuis 1991, lorsqu'il était à son plus faible. Cette menace s'est maintenue et même accrue depuis la guerre du Golfe dans cette région et ailleurs. Cette situation se poursuivra-t-elle si les objectifs américains sont atteints?

Avant que les honorables sénateurs donnent leur avis sur la question, j'aimerais souligner à nouveau qu'il pourrait être utile d'examiner les débats qui ont eu lieu au Sénat aux alentours du 20 novembre 1990. Plusieurs des arguments qui ont été avancés alors sont toujours d'actualité. J'aimerais bien avoir l'opinion des autres sénateurs avant de tenter de répondre à certaines des questions que j'ai soulevées.

Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord replacer cette crise dans une perspective historique. Il y a près de 1600 ans, alors qu'il se trouvait en Afrique du Nord, saint Augustin a rédigé ce classique de la littérature, La Cité de Dieu, dans lequel il met en parallèle le gouffre spirituel qui sépare les idées de Jérusalem et celles de Babylone. Malheureusement pour le Canada et pour le monde, et malgré les assauts répétés au cours des siècles qui se sont écoulés, ce gouffre existe toujours. La condition humaine, honorables sénateurs, est en perpétuelle régénération.

J'aimerais bien connaître l'opinion de mes collègues en rapport avec la politique du Canada sur ce sujet.

Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 18 février 1998, à 13 h 30.)

 


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