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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 5

Le mercredi 3 novembre 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 3 novembre 1999

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

La crise agricole actuelle

La permission d'ajourner conformément à l'article 60 du Règlement afin d'examiner une question d'intérêt public urgente

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour demander la tenue d'un débat d'urgence sur la crise agricole. Je crois comprendre que je dois convaincre Son Honneur ainsi que mes collègues de l'urgence de la situation.

J'aimerais dire d'entrée de jeu que le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a recueilli pendant plus d'un an et demi des témoignages de représentants de groupements d'agriculteurs, principalement ceux de l'ouest du Canada. Ces représentants nous ont entretenus des problèmes qu'ils connaissent actuellement. Je crois que notre comité a prêté une oreille attentive à leurs doléances, qui étaient sérieuses.

Les premiers ministres du Manitoba et de la Saskatchewan se sont sentis quelque peu déçus de la réponse qu'ils ont reçue au cours des discussions qu'ils ont eues récemment avec le premier ministre et le ministre des Finances. Il y a dans l'ouest du Canada un profond sentiment de désaffection et de désespoir.

Je ne mentionnerai pas de chiffres aujourd'hui parce qu'on en a déjà beaucoup donné dans cette enceinte et qu'on en a d'ailleurs parlé hier. Toutefois, la tragédie humaine qui se produit actuellement dans l'Ouest est très grave. J'ai parlé hier à des gens qui s'occupent des services d'aide téléphonique. Ils m'ont indiqué qu'il y avait déjà eu huit suicides. Le dernier en date est celui d'un homme, père de quatre enfants, qui s'est suicidé après avoir été abandonné par son épouse à cause de la difficile situation dans laquelle ils se trouvaient.

Honorables sénateurs, nous sommes tous des adultes responsables. Cette crise est tellement grave qu'elle remet en question notre capacité de représenter nos régions et d'assumer nos responsabilités envers le pays tout entier.

(1340)

Honorables sénateurs, il y a plusieurs sujets dont j'aimerais vous entretenir. Toutefois, je crois que l'aspect de la tragédie humaine est le plus important. Nous devons lancer un appel à cet égard. Le temps presse. Il s'agit véritablement d'une situation d'urgence qui exige que nous prenions des mesures dès maintenant.

La crise économique actuelle ne touche pas simplement les exploitations agricoles. Elle a également des répercussions sur les vendeurs de machinerie, les fabricants et l'emploi dans son ensemble. Chaque vendeur de machinerie est une petite usine. On y remet à neuf les tracteurs et d'autres machines agricoles. Lorsque les agriculteurs n'ont pas d'argent, ces entreprises font faillite et des gens perdent leur emploi. Le gouvernement devra leur verser de l'assurance-chômage. Il est essentiel de ne pas laisser cette situation perdurer, d'y remédier rapidement et efficacement.

Je voudrais parler des répercussions de la crise dans les municipalités rurales. Une dizaine de municipalités rurales ont décidé, par vote, de reporter le prélèvement des impôts locaux. J'ai parlé au président du conseil municipal de la municipalité de Wellington, au nord de Weyburn, en Saskatchewan. Il a déclaré que ce n'est pas parce que les agriculteurs ne veulent pas payer leurs impôts, mais bien qu'ils n'ont pas l'argent pour le faire. La situation a des répercussions sur toute la Saskatchewan dans de nombreux secteurs.

Honorables sénateurs, je veux parler des répercussions de cette situation sur toute notre nation. Cela ne touchera pas simplement la Saskatchewan, le Manitoba et certaines régions de l'Alberta, mais tout le pays. De plus, cela ne se produit pas simplement au Canada, mais dans le monde entier, à cause des subventions et le reste. Nous connaissons tous les raisons.

Dans un article de journal, on dit qu'après un retard de neuf jours, le président Clinton a signé un accord agricole qui prévoit une aide d'urgence de 8,7 milliards de dollars aux agriculteurs. En réponse à cela, le président du comité de l'agriculture a déclaré:

Je suis heureux que le président ait signé ce projet de loi important, même si je ne comprends pas pourquoi il a tant tardé.

Honorables sénateurs, c'est une situation très grave qui mérite un débat dans cette enceinte.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Je tiens à rappeler aux honorables sénateurs que le Règlement prévoit des interventions de 5 minutes par sénateur et 15 minutes de débat au total.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'interviens en tant que leader adjoint du gouvernement au Sénat. Je vais commencer par dire que c'est le Président qui doit décider en fin de compte d'accepter ou de rejeter la requête du sénateur Gustafson. Fondamentalement, il s'agit de savoir si la situation exposée par le sénateur Gustafson constitue une question d'intérêt public urgente aux termes de l'article 60 du Règlement du Sénat. Étant donné que la décision est laissée à la discrétion de Son Honneur le Président, je vais être très prudent dans mes propos.

Honorables sénateurs, le sénateur Gustafson nous a fait part de son intention de soulever la question. Nous l'avons écouté et nous sommes tout à fait disposés à laisser le Président se prononcer à ce sujet conformément au Règlement. Je n'ai pas d'observation particulière à faire. Je ferais remarquer, cependant, que nous sommes tous bien conscients de ce que le sénateur Gustafson a dit à propos des travaux du comité sénatorial de l'agriculture. Nous sommes heureux de laisser au Président le soin de décider, conformément au Règlement, s'il s'agit d'une question d'intérêt public urgente.

Le sénateur Lynch-Staunton: Êtes-vous en faveur ou non?

Le sénateur Hays: Je n'ai pas la prétention de dire au Président quoi faire parce que je respecte le Règlement. Je crois que le Président doit prendre une décision en fonction de ce qu'il a entendu.

Le sénateur Kinsella: N'avez-vous pas d'opinion?

Le sénateur Lynch-Staunton: Y a-t-il ou non une crise?

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je n'ai pas autant de crédibilité que le sénateur Gustafson à ce sujet, mais je suis la fille d'un agriculteur de la région des lacs du Manitoba. On discute de la crise agricole depuis des mois. Pendant ce temps, les agriculteurs ont été acculés au pied du mur parce que leurs marges de profit se sont resserrées. Les coûts échappent au contrôle des agriculteurs. Les prix sont fixés par les marchés internationaux et ils échappent aussi à leur contrôle. La concurrence est impossible à cause des subventions versées par l'Union européenne et les États-Unis.

Même si les agriculteurs peuvent compter sur le revenu d'un ou deux emplois à l'extérieur de la ferme, ils sont lourdement endettés et risquent la faillite. Ils pourraient perdre leur terre, leur patrimoine, leur source de revenu et le mode de vie auquel ils sont profondément attachés.

Honorables sénateurs, les tragédies personnelles ne font pas toujours l'objet d'urgences nationales, mais je vais énumérer quelques raisons qui expliquent pourquoi la crise est grave au point de justifier un débat d'urgence.

D'abord, la semaine dernière, des producteurs agricoles et les premiers ministres du Manitoba et de la Saskatchewan sont venus à Ottawa pour demander l'aide du gouvernement fédéral. Ils savaient qu'il était impérieux que les producteurs reçoivent d'autres paiements d'ici décembre pour éviter la faillite avant le printemps. Comme nous le savons, le gouvernement a refusé d'injecter de nouvelles sommes d'argent et les banques seront maintenant forcées de procéder à des saisies.

Deuxièmement, le Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole, qui devait combler une lacune dans les programmes existants de sécurité du revenu agricole, est un désastre. Au Manitoba, plus de 55 p. 100 des agriculteurs dont la demande a été traitée jusqu'à présent n'ont reçu aucune aide.

Troisièmement, l'impact de la crise agricole est ressenti non seulement par les exploitations agricoles familiales, mais aussi par presque tout le monde en milieu rural. Les gens ne peuvent payer leurs factures. Ils achètent moins de machines agricoles. Les écoliers utilisent leurs fournitures scolaires de l'année précédente. Presque tout le monde doit se serrer la ceinture, rogner sur tout et souffrir.

Quatrièmement, le niveau de stress augmente rapidement chez les agriculteurs et leurs familles et dans les localités rurales. Il suffit de lire les lettres adressées par des enfants au premier ministre pour voir à quel point les parents sont devenus stressés.

Les enjeux ont été clarifiés et la crise a été mise en lumière lors de rencontres que j'ai eues ici et au Manitoba avec des délégations d'agriculteurs désespérés. Il nous ont été très reconnaissants de les avoir entendus ici, au Sénat. Ils sont terriblement secoués et démoralisés par des forces qui échappent complètement à leur contrôle. Comment pouvons-nous, au Sénat, regarder la situation se détériorer davantage sans accorder une attention appropriée à leurs préoccupations dans le cadre d'un débat d'urgence?

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, j'interviens pour encourager le Président à permettre la tenue d'un débat d'urgence sur ce sujet. Je le demande d'après une perspective légèrement différente de celle du sénateur Spivak et du sénateur Gustafson, qui ont une connaissance beaucoup plus grande du dossier agricole que moi. Contrairement à ce qu'en pense l'opinion publique, le simple fait de venir de l'Alberta ne signifie pas nécessairement qu'on a une profonde connaissance de l'agriculture. En tant que citadin, je me sens beaucoup plus à l'aise les pieds sur l'asphalte que sur la terre, mais j'envisage l'importance de notre monde agricole du point de vue de quelqu'un qui a été un représentant élu en Alberta durant huit ans et du point de vue d'un sénateur qui a rencontré à maintes reprises des gens issus du monde agricole.

Au fil des ans, je traitais en blaguant mes amis agriculteurs de «pleurnichards», et de gens qui ne sont jamais contents. C'est soit le mauvais temps, soit le prix du blé, soit le montant des subventions, ou encore le cours du dollar quand ils vont en vacances au soleil.

(1350)

Fin août, le sénateur Gustafson m'a invité à une rencontre à Ottawa avec un groupe d'agriculteurs de la Saskatchewan et de l'Alberta. Plusieurs de mes collègues étaient là aussi. Nous avons parlé de ce que les agriculteurs vivaient. Ce n'étaient pas des gens qui parlaient haut et fort et qui cherchaient à attirer l'attention. Quand je les ai regardés dans les yeux, j'ai vu la peur. Quand je les ai écoutés, je pouvais entendre dans leur voix des trémolos trahissant les larmes qu'ils essayaient de retenir. Quand j'ai réfléchi à ce qu'ils avaient à dire, je suis devenu très inquiet, non seulement pour eux, mais également pour la population agricole du Canada. J'ai étudié ce qu'ils avaient à dire, ainsi que ce que les sénateurs Spivak et Gustafson m'avaient dit. Ensuite, quand j'ai regardé le graphique qui indiquait que le revenu agricole net réalisé, exprimé en dollars constants de 1998, était passé de 700 millions de dollars qu'il était de 1993 à 1997, à 400 millions de dollars en 1998, à moins 48 millions de dollars en 1999, j'ai compris ce dont ils parlaient.

Nous ne nous trouvons pas devant une situation où des gens viennent réclamer un peu plus d'aide au gouvernement. Ce sont des gens qui sont au bord du gouffre. Leur survie est en train de se jouer. On pourrait s'amuser avec les chiffres pendant encore longtemps, mais le fait est que la situation est urgente dans les régions rurales du Canada. Dans l'Ouest, elle est de plus en plus urgente; les chiffres sont effarants.

C'est tout un mode de vie qui est menacé dans l'ouest du Canada, Votre Honneur. Venant du Manitoba, vous savez ce que cela veut dire. Les localités rurales, le contrôle des ressources agricoles, le coût des aliments et la survie de milliers de Canadiens sont en jeu. Je remarque, par exemple, que le sénateur Hays a dû accepter un nouvel emploi. Le revenu agricole a tellement diminué qu'il a accepté le poste de leader adjoint au Sénat. Comme on l'a dit, l'aliénation de l'Ouest...

Son Honneur le Président: Je regrette de devoir interrompre l'honorable sénateur Ghitter, mais la période de 15 minutes a expiré. Cependant, il peut continuer s'il obtient l'autorisation.

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Veuillez poursuivre.

Le sénateur Ghitter: La semaine dernière, le premier ministre Romanow et le premier ministre Doer étaient à la tête d'une délégation, à Ottawa, pour demander au gouvernement fédéral une aide de 1,3 milliard de dollars pour les agriculteurs. Les agriculteurs de l'Ouest, qui croyaient qu'une aide immédiate viendrait, fondaient de grands espoirs sur les rencontres. Cependant, leurs espoirs ont été déçus. La délégation est repartie les mains vides, sauf qu'on lui a présenté une nouvelle série de chiffres. Je pense que l'incident a souligné l'urgence de la situation, à savoir que les agriculteurs de l'Ouest voulaient résoudre la crise la semaine dernière. Elle n'a pas été résolue, et nous, sénateurs, devons maintenant l'examiner de toute urgence pour venir immédiatement en aide aux agriculteurs de l'Ouest. Si nous attendons plus longtemps, il sera peut-être trop tard.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je remercie tous les sénateurs qui ont participé au débat pour déterminer s'il y a ou non situation urgente. Comme il a été souligné, le Président doit trancher.

Je renvoie les sénateurs au paragraphe 60(1) du Règlement, qui énonce les conditions qui doivent être réunies. Je cite:

60.(1)a) doit avoir trait à une urgence véritable et nécessiter l'attention immédiate du Sénat;

b) ne doit pas relancer une discussion déjà abordée durant la même session conformément au présent article du Règlement;

Les alinéas a) et b) me permettent de croire au bien-fondé de la proposition. Voici ce que dit l'alinéa qui suit:

60.(1)c) ne peut soulever une question qui, selon le Règlement du Sénat, ne peut être débattue qu'à la suite d'une motion distincte dont il a été donné avis;

Cet alinéa ne s'applique pas à la proposition à l'étude. L'alinéa qui suit dit ceci:

d) ne peut soulever de sujet qui constitue essentiellement une question de privilège.

Cet alinéa ne s'applique pas non plus. Je renvoie maintenant les sénateurs au paragraphe 60(6) du Règlement, qui se lit comme suit:

60(6)a) dans quelle mesure elle a trait aux responsabilités administratives du gouvernement ou pourrait relever de la compétence des ministères;

Cet alinéa me permet de conclure au bien-fondé de la proposition. Selon l'alinéa qui suit:

60(6)b) pourquoi il est peu probable que le Sénat ait une autre occasion d'étudier la question dans un délai raisonnable.

Je regrette que, en raison de l'alinéa b), la proposition ne soit pas fondée. Par ailleurs, je n'ai entendu aucun avis allant à l'encontre de ce point de vue. En associant cet alinéa à l'ensemble des conditions que je dois approuver, je décide que la permission devrait être accordée.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je voudrais remercier Son Honneur pour sa décision, que nous respectons. Toutefois, nous n'avions pas prévu cela. Il y a des comités qui siègent cet après-midi. Je voudrais demander aux honorables sénateurs de bien vouloir accepter que ce débat n'ait pas lieu au moment où le prévoit le Règlement, à savoir après l'ordre du jour, mais plutôt à 20 heures. C'est un jour où nous tenons généralement une séance relativement courte afin de permettre à nos comités de vaquer à leurs travaux. Nous respectons la décision et sommes prêts à débattre cette question, mais nous préférerions que le débat ait lieu à 20 heures.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, la Chambre a reconnu qu'une affaire d'une grande importance pour le Canada se présente à nous. C'est une urgence. On ne saurait la différer. Nous allons bouleverser le déroulement habituel de nos travaux pour aborder une question qui, de l'avis de ce côté-ci de la Chambre, constitue une urgence nationale, une grande crise, un enjeu que nous ne saurions remettre à plus tard. Voilà pourquoi nous ne serions pas favorables au report de ce débat. Nous voulons en débattre à la fin de l'ordre du jour, avant toute autre question. Honorables sénateurs, je reconnais que la question de...

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Le chef adjoint de l'opposition prononce un discours. J'ai demandé la permission, avec motif à l'appui. À mon avis, un simple «non» suffit si cette permission est refusée.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, c'est inexact. Vous n'avez manifestement pas lu la décision rendue hier par Son Honneur le Président.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, les choses ne sont pas aussi simples que cela. Une partie de l'intervention du leader adjoint du gouvernement concerne les travaux de certains comités. Je voudrais répondre à ce point. Si c'est spécialement nécessaire que le comité sénatorial permanent des transports et des communications siège en même temps que le Sénat, nous, de ce côté-ci, serions d'accord pour l'y autoriser.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission de modifier le Règlement est refusée. Le Règlement précise très clairement que le débat d'urgence aura lieu après l'épuisement de l'ordre du jour ou, au plus tard, à 20 heures ce soir.

Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur le paragraphe 60(4) du Règlement. En vertu de cette disposition, il est clair que «le Président, au lieu de passer à l'appel des «Déclarations de sénateurs», donne la parole aux sénateurs qui ont donné des avis...» En d'autres mots, le débat d'urgence l'emporte sur les «Déclarations de sénateurs.» Le paragraphe dit «lieu de passer à l'appel...» En vertu de cette disposition, il n'y aura pas de déclarations de sénateurs aujourd'hui.


AFFAIRES COURANTES

Transports et communications

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), avec la permission du Sénat et nonobstant le paragraphe 58(1)a) du Règlement propose:

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à siéger à 15 h 30 aujourd'hui, le 3 novembre 1999, bien que la séance du Sénat puisse être en cours, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

(1400)

Le Comité de sélection

Présentation du quatrième rapport

L'honorable Léonce Mercier: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le quatrième rapport du Comité de sélection portant sur la désignation des sénateurs qui seront membres des divers comités particuliers pendant la présente session.

Je demande que le rapport soit imprimé aux Journaux du Sénat de ce jour.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat de ce jour, p. 87.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Mercier, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance)

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Première lecture

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le projet de loi S-9, Loi modifiant le Code criminel (détournement de la justice).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Cools, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance de mercredi prochain, le 10 novembre 1999.)

L'Union interparlementaire

La quatre-vingt-dix-huitième conférence tenue à Oulan Batour, en Mongolie-Dépôt du rapport du groupe canadien

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, j'ai le privilège de déposer le rapport de la délégation interparlementaire à la suite d'une rencontre du Groupe Asie-Pacifique de l'Union interparlementaire qui a eu lieu à Oulan Batour, en Mongolie, du 26 au 31 juillet 1999.

[Français]

Les communautÉs francophones et acadiennes hors quÉbec

la détérioration des services-Avis d'interpellation

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mardi 16 novembre 1999, j'attirerai l'attention du Sénat sur la situation qui prévaut présentement vis-à-vis le développement et l'épanouissement des communautés francophones et acadiennes, de sa détérioration progressive, du désengagement des gouvernements au Canada au cours des dix dernières années et de la perte d'accessibilité des services en français.

Je profiterai de l'occasion pour déposer mon rapport intitulé: «De la coupe aux lèvres, un coup de coeur se fait attendre».


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La Cour suprême

La nomination de l'honorable Beverley McLachlin au poste de juge en chef

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, comme il n'y a pas eu de période réservée aux déclarations de sénateurs aujourd'hui, je vais poser une question. C'est une question très réjouissante que je vais poser au leader adjoint du gouvernement.

Y aura-t-il une cérémonie spéciale pour célébrer l'événement particulier qui vient d'avoir lieu? Je veux parler d'un événement historique dans notre pays et dans le monde entier - la nomination de madame la juge Beverley McLachlin au poste de juge en chef de la Cour suprême du Canada. Elle entrera en fonction le 7 janvier 2000, pendant le congé parlementaire. La nomination d'une femme au poste de juge en chef est une première, un événement d'une importance internationale dont il y a tout lieu d'être fier.

L'honorable leader adjoint du gouvernement au Sénat ne conviendrait-il pas qu'une déclaration est de mise pour souligner un événement aussi extraordinaire? Le Sénat est le gardien de la tradition et il est tout à fait indiqué qu'il souligne l'événement. Je ne veux pas entamer un débat à ce sujet, mais d'autres sénateurs ont peut-être quelques mots à dire sur cet événement historique majeur.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je viens tout juste d'apprendre la nouvelle et j'en suis ravi. La question du sénateur pourrait être interprétée de diverses façons. Il demande que les sénateurs puissent faire des observations sur cet événement marquant dès aujourd'hui, voire maintenant, alors que normalement, ils les feraient au cours de la période réservée aux déclarations de sénateurs. Je pense pouvoir dire au nom de mes collègues qu'il serait effectivement approprié de commenter maintenant l'annonce de cette nomination.

Suivant le précédent établi par mon homologue, le chef adjoint de l'opposition, je profite de ce que je suis debout pour exprimer le vif plaisir et la fierté que j'éprouve en entendant que l'honorable Beverley McLachlin remplacera le juge en chef Lamer de la Cour suprême du Canada. Madame la juge McLachlin s'est distinguée comme avocate et comme juge. Nous tous qui avons eu le privilège de pratiquer le droit sommes très fiers d'elle.

Mes collègues et moi acceptons que d'autres sénateurs prennent quelques moments pour commenter cet événement marquant.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, on demande la permission d'entendre maintenant des observations sur le sujet soulevé par l'honorable sénateur Prud'homme. La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Non.

L'honorable J. Michael Forrestall: Pourrait-on nous dire quelle sera l'incidence sur la période des questions?

Son Honneur le Président: J'ai entendu un non. La permission n'est pas accordée.

Le sénateur Forrestall: Je ne voulais pas refuser le consentement. J'étais simplement curieux de connaître l'incidence que la proposition aurait sur la durée prévue de la période des questions.

La défense nationale

La restructuration des unités de réserve du Canada atlantique-Le 1er Régiment d'artillerie de campagne de l'Artillerie royale canadienne

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Cela remonte à une discussion que j'ai eue avec son prédécesseur au sujet de la restructuration des unités de réserve au Canada. Certaines unités sont inscrites comme étant viables, et d'autres comme étant non viables. Sans trop compliquer les choses, il n'y a pas de doute dans mon esprit que j'ai été gravement induit en erreur. J'ai choisi d'ajouter foi à cela parce que trois ou quatre personnes différentes étaient en train de répondre à la demande d'information.

Cela concerne le 1er régiment de campagne de l'Artillerie royale canadienne, dont le quartier général se trouve à Halifax. C'est une unité que le ministre connaît fort bien et dont il est sans doute assez fier en tant que Néo-Écossais. On a reconnu à cette unité un niveau d'effectifs en activité de 93,1 p. 100 et un taux d'efficience de 88,5 p. 100. On compte au moins 15 unités de réserve au Canada qui sont qualifiées de non viables. Cependant, aucune d'entre elles n'a un dossier semblable.

(1410)

Ce processus de restructuration a provoqué toute une brouille entre l'appareil de la réserve au Canada et le gouvernement actuel, pour des raisons comme celles-ci, je suppose. J'estime que cette unité mérite des excuses. Je pense que la personne toute désignée pour faire ces excuses est nul autre que le ministre responsable de la Nouvelle-Écosse. Je ne demande pas des négociations prolongées à cet égard, mais de simples excuses pour l'erreur, peu importe comment elle a été commise. Le ministre peut-il demander une réévaluation de la cote accordée à cette unité historique de la Nouvelle-Écosse au cours du processus de réévaluation?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, à ma connaissance, le gouvernement a toujours appuyé le rôle important que joue la réserve dans tout le pays. Je sais que, dans ma région, nous allons passer une commande pour deux impressionnantes installations à Sydney, en Nouvelle-Écosse, qui serviront à la réserve. Je crois savoir que ces installations amélioreront nettement le fonctionnement de la réserve dans la région.

L'unité à laquelle l'honorable sénateur fait allusion, le 1er régiment de campagne de l'Artillerie royale canadienne, est une unité remarquable dont tous les Néo-Écossais peuvent être fiers.

Le sénateur soulève une question précise qui mérite une réponse précise. Je lui demande de faire preuve d'un peu de patience, le temps que je me renseigne auprès du ministre à ce sujet. J'espère pouvoir fournir au sénateur Forrestall une réponse précise à sa question.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, loin de moi l'idée de parler au nom du régiment. D'un autre côté, le lieutenant-colonel Doyle a laissé entendre, dans les commentaires qu'il a faits il y a quelques mois, qu'à son avis, le moins que puisse faire le CFT pour apaiser la situation serait de s'excuser. Cette unité est viable et devrait être rétablie. C'est peut-être l'une des unités les plus viables au Canada.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur pour cette information. Je prends très au sérieux les états de service du régiment auquel il fait allusion. J'essaierai d'avoir de plus amples détails sur cette question et de fournir au sénateur une réponse satisfaisante.

Le Sénat

Les efforts visant à accroître la représentation des minorités visibles

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La semaine dernière, j'ai assisté à une conférence qui avait lieu à Ottawa. J'ai constaté lors de cet événement que le gouvernement du Canada avait échoué lamentablement pour ce qui est d'ouvrir la fonction publique aux minorités visibles.

Selon le dernier rapport sur l'équité dans l'emploi, seulement 9 200 des 190 000 fonctionnaires fédéraux se disent eux-mêmes membres de minorités visibles. Cela représente environ 5 p. 100, soit moins de la moitié des 11 p. 100 que les minorités visibles représentent au sein de la population canadienne.

Au Sénat, selon les dernières statistiques que j'ai pu obtenir, 1,2 p. 100 des employés sont membres de minorités visibles. La Chambre de deuxième réflexion tire sérieusement de l'arrière et n'a pas su fixer une norme applicable à la représentation des minorités visibles au sein de toutes les entreprises et des organismes du gouvernement du Canada.

Le leader du gouvernement au Sénat nous dira-t-il quels plans stratégiques sont en cours d'élaboration, s'il y en a, pour améliorer la représentation des minorités visibles au Sénat du Canada?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, cette question en est une qui préoccupe tout le gouvernement, et pas uniquement le Sénat. En fait, des efforts sont déployés depuis un certain temps déjà pour faire en sorte que le pourcentage de postes occupés par des membres des minorités visibles au gouvernement reflète le pourcentage que ces minorités représentent au sein de la population active. Les objectifs n'ont pas encore été atteints. Cependant, il y a des signes encourageants.

Des statistiques récentes que je n'ai pas en main indiquent que les membres des minorités visibles semblent obtenir des promotions dans des proportions correspondant à leur pourcentage au sein de la fonction publique. C'est bien, mais la situation n'est pas entièrement satisfaisante. Les chiffres semblent quand même indiquer une amélioration. Évidemment, nous cherchons toujours à atteindre notre objectif, qui est une représentation au sein de la fonction publique et du Sénat qui reflète le pourcentage que représentent les minorités visibles dans la population en général.

Le développement des ressources humaines

Les efforts visant à accroître la représentation des minorités visibles

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il transmettre ces préoccupations au Cabinet et sensibiliser ses collègues à l'important problème de la représentation inadéquate des minorités visibles aux échelons supérieurs de la fonction publique? Quand le ministre trouvera les statistiques qu'il a mentionnées, il pourrait peut-être dresser une liste et communiquer au Sénat le nombre de sous-ministres et de sous-ministres adjoints qui sont membres de minorités visibles dans la fonction publique canadienne, et fournir des statistiques pour le Sénat lui-même? S'engage-t-il à faire cela?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais certainement apporter au Sénat et donner à tous ceux que cela intéresse le rapport que j'ai mentionné. Je ne l'ai pas sous la main dans le moment. Cependant, j'ai pensé que ce rapport pourrait intéresser le sénateur parce qu'il indique non seulement le pourcentage de minorités visibles, mais aussi comment ces minorités visibles semblent avancer dans la hiérarchie. Nous ne sommes donc pas dans une situation où les minorités visibles sont cantonnées à un certain niveau d'emploi. En fait, elles semblent avancer dans la hiérarchie. Je m'engage à fournir ces renseignements au sénateur.

Pour ce qui est du Sénat, la question pourrait intéresser à juste titre le comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, je n'ai jamais participé aux travaux de ce comité. J'espère que, dans l'exercice de ses fonctions, le leader du gouvernement au Sénat saura faire preuve d'initiative et qu'il nous soumettra ces questions.

Le ministre soutient que la situation s'améliore. Je lui demande de produire la liste des sous-ministres et sous-ministres adjoints faisant partie des minorités visibles pour la bonne raison que je sais pertinemment qu'ils sont si peu nombreux que le ministre en sera gêné. Les améliorations auxquelles il fait allusion ont été observées aux échelons inférieurs de la fonction publique, ce qui est scandaleux.

Les nations unies

Le désarmement nucléaire-La politique du gouvernement face à la résolution de la New Agenda Coalition

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat peut-il indiquer si le Canada votera effectivement en faveur de la résolution de la New Agenda Coalition, actuellement à l'étude aux Nations unies, qui enjoint d'entreprendre sans plus tarder les négociations devant aboutir à la mise en place d'un programme de désarmement nucléaire? J'ai déjà posé la question hier au ministre.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie notre l'honorable sénateur d'avoir renouvelé sa question aujourd'hui. Il ne m'a pas encore été donné d'en parler avec le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international.

(1420)

Le Canada a souvent et énergiquement appuyé le programme de désarmement nucléaire, qu'il s'agisse de volets d'ordre général ou spécifique comme le traitement des matières dangereuses laissées après le désarmement nucléaire.

Pour ce qui est de la question posée, je ne voudrais pas répondre à la place du ministre responsable et je suis certain de pouvoir rapporter sa réponse très rapidement à l'honorable sénateur.

Le sénateur Roche: Je remercie le ministre de cette réponse. Afin de l'aider dans sa démarche auprès du ministre des Affaires étrangères, je lui ai envoyé trois déclarations importantes faites au cours des derniers jours par le Canadian Pugwash Group, la Simons Foundation Strategy Consultation et le Réseau canadien pour l'abolition des armes nucléaires, trois organisations qui représentent des milliers et des milliers de Canadiens. J'ai envoyé ces déclarations afin d'aider le gouvernement à comprendre l'importance de l'opinion informée sur la question au Canada.

Je demanderais au leader du gouvernement au Sénat de les transmettre de toute urgence parce que le vote aux Nations unies se tiendra au début de la semaine prochaine.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je reconnais la compétence de l'honorable sénateur en la matière et le rôle exceptionnel qu'il a joué dans les questions de désarmement. Je serai ravi de recevoir ces documents et je lui promets de parler au ministre avant la fin de la semaine.

Les affaires étrangères

Le nouvel ambassadeur auprès de l'Organisation mondiale du commerce-La possibilité d'un contrat de consultation avec l'employeur de l'ancien ambassadeur-Demande de dépôt de documents

L'honorable James F. Kelleher: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le 3 août, le premier ministre a annoncé la nomination de son ancien ministre du Commerce international, Sergio Marchi, au poste d'ambassadeur, représentant permanent du Canada auprès de l'Office des Nations unies et de l'Organisation mondiale du commerce à Genève. M. Marchi a remplacé un fonctionnaire très respecté ayant plus de 20 ans d'expérience en matière de commerce international, M. John Weekes.

Vous vous rappellerez peut-être que, la semaine dernière, M. Weekes a été élu au poste prestigieux de président du Conseil général de l'OMC, qui comprend plus de 130 membres. Selon un article du National Post en date du 12 octobre 1999, M. Weekes a accordé sa première entrevue depuis qu'il a été évincé du poste d'ambassadeur du Canada auprès de l'OMC et a dit qu'il était maintenant président chargé des pratiques commerciales mondiales pour APCO, qui est un cabinet américain d'experts-conseils. L'article révèle aussi que M. Weekes continue d'être un conseiller principal auprès du gouvernement canadien.

Honorables sénateurs, il semble que le gouvernement fédéral verse chaque année plus de 500 000 $ américains à ce cabinet d'experts-conseils des États-Unis. Le leader peut-il nous dire si le gouvernement fédéral a engagé le cabinet américain d'experts-conseils APCO afin que l'ancien ambassadeur du Canada auprès de l'OMC puisse aider M. Marchi à accomplir son travail à Genève?

Le sénateur Kinsella: C'est une bonne question. Oui ou non?

Le sénateur Kelleher: Une simple réponse fera l'affaire.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Merci, honorable sénateur. Je veux bien répondre aussi brièvement et aussi directement que possible, mais une réponse par oui ou par non ne suffira peut-être pas.

Je ne connais pas l'ancien titulaire du poste. Il doit manifestement être un homme remarquable pour avoir pu se trouver aussi rapidement un poste aussi important dans le secteur privé. Je connais le titulaire actuel, qui affiche un excellent bilan non seulement sur la scène publique, au gouvernement, mais aussi dans le secteur du commerce.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le dossier du MMT était le sien, n'est-ce pas?

Le sénateur Boudreau: Ses antécédents doivent généralement être bien considérés. L'expérience qu'il a acquise dans le secteur du commerce et au gouvernement font de lui exactement le type de candidat qui convient à ce genre de poste.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il a voté contre le libre-échange, vous en souvenez-vous?

Le sénateur Boudreau: Je suis sûr qu'aucun d'entre nous ne souhaite que soient écartés des candidats simplement parce qu'ils ont pris part à la vie publique, comme nous le faisons maintenant. Je félicite le gouvernement de la nomination du titulaire actuel.

Pour ce qui est des marchés conclus avec des consultants, je suis certain que le gouvernement du Canada a régulièrement recours aux services de consultants pour divers travaux.

Le sénateur Lynch-Staunton: Des gens qu'il congédie?

Le sénateur Boudreau: La personne en cause est-elle au nombre des consultants, je ne saurais le confirmer. Si elle est employée à ce titre, je suis certain que le gouvernement reçoit de bons services en contrepartie de la rémunération consentie.

Le sénateur Kelleher: Honorables sénateurs, je puis garantir au leader du gouvernement au Sénat que M. John Weekes est très compétent. Il a travaillé avec moi pendant plusieurs années, lorsque j'étais ministre du Commerce international. Je peux me porter garant de sa compétence.

À la fin du mois, le Canada et 130 autres pays se réuniront à Seattle pour lancer la prochaine série de négociations de l'OMC. Comme ces négociations pourraient avoir de grandes répercussions sur le Canada, il est important que les Canadiens aient pleinement confiance dans la gestion de ces négociations à Genève.

Au nom de la transparence et pour dissiper toute incertitude au sujet du marché d'APCO avant la réunion de l'OMC à Seattle, le leader du gouvernement déposera-t-il le contrat et les documents connexes, y compris ceux qui concernent l'appel d'offres et l'attribution du marché?

Le sénateur Boudreau: Je donne au sénateur l'assurance que j'aborderai la question avec le ministre compétent, parce qu'elle est de toute évidence de son ressort. Il est chargé du dossier et je ne prétends pas lui enlever cette responsabilité. Je vais lui transmettre la demande du sénateur, qui veut obtenir de plus amples détails sur ce contrat.

Les finances

La dévaluation du dollar-L'influence sur l'achat de compagnies canadiennes par des intérêts étrangers

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat et a trait à une transaction récente dans ma province. Il y a eu un tollé suite à la vente de MacMillan Bloedel, compagnie canadienne établie de longue date, à Weyerhaeuser, grand conglomérat américain qui a profité de ce qu'un grand nombre d'entre nous jugent être une façon épouvantable de la part du gouvernement de gérer notre système fiscal et monétaire en laissant le dollar canadien être aussi dévalué qu'il l'est à l'heure actuelle. Ce matin, j'ai fait le trajet depuis Toronto avec un jeune homme qui a toujours été un libéral, mais qui est tout à fait dégoûté de voir toutes ces entreprises être achetées par des Américains et d'autres, pratiquement à moitié prix.

Le ministre a-t-il des observations à formuler relativement au fait que ces grandes compagnies canadiennes se font absorber par des entreprises étrangères? Je ne dis pas qu'il faut retourner à la terrible Agence d'examen de l'investissement étranger mise sur pied par le gouvernement libéral de M. Trudeau, mais je pense qu'il y a un problème lorsqu'on perd de grandes compagnies comme MacMillan Bloedel.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les observations de l'honorable sénateur m'intéressent vivement. De toute évidence, la valeur de notre monnaie crée une dynamique économique qui peut entraîner diverses conséquences ou divers événements, selon les circonstances.

Je suis surpris d'apprendre que, en général, les représentants du secteur des ressources naturelles s'opposent à la faiblesse du dollar canadien. J'aurais cru que, dans bien des cas, cela leur offrirait un avantage extraordinaire quand vient le temps de vendre leurs produits partout dans le monde. Je ne suis pas spécialiste de l'industrie du bois de sciage, mais je sais que, dans de nombreuses branches du secteur des ressources naturelles, la faiblesse du dollar canadien a offert de grands avantages à nos producteurs, ce qui a même contribué à créer des emplois et à stimuler l'activité économique. La faiblesse du dollar canadien a donc eu, du moins à certains égards, des répercussions positives sur le secteur des ressources naturelles.

(1430)

Ce qu'il faut retenir, par contre, c'est que la faiblesse du dollar rend l'acquisition de sociétés canadiennes très attrayante à ceux qui détiennent des dollars américains et qui trouveraient de telles acquisitions plus intéressantes qu'autrement. Il ne faut surtout pas oublier que notre monnaie est flottante et qu'elle trouve elle-même son propre niveau. Ce sera d'ailleurs toujours le cas, à moins que nous ne soyons prêts à réviser en profondeur la politique de la Banque du Canada.

En ce qui concerne les acquisitions par des intérêts étrangers, il existe peut-être d'autres solutions que l'Agence d'examen de l'investissement étranger. L'honorable sénateur en a peut-être même certaines à nous proposer.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, le leader parle de la faiblesse du dollar canadien et du secteur primaire. C'est vraiment une fausse économie car, dans certains cas, cela nous a conduits à devenir moins compétitifs. Cela a conduit à ces terribles quotas inacceptables sur le bois d'oeuvre, qui ont constitué un véritable cauchemar. Cela a restreint le développement de toute industrie dans une province, car sans quota, on ne peut ouvrir une scierie. Cela entraîne une série de problèmes à ce sujet. C'est vraiment horrible. Cela va à l'encontre du libre-échange, auquel nous avons souscrit à l'instar de nos autres partenaires. Cependant, le gouvernement a capitulé plutôt que de se tenir debout et de faire face à l'ITC, aux États-Unis.

Honorables sénateurs, je crois que, dans le cadre de solutions à court terme, le gouvernement a maintenu les taux d'intérêt à un niveau trop bas et c'est ce qui a conduit à la dévaluation de ce dollar flottant. Chose certaine, cela lui donne de la popularité à court terme, mais le prix que nous paierons, c'est que nous allons nous réveiller un matin et nous apercevoir que les États-Unis nous ont pris toutes nos bonnes entreprises. Je suis prêt à concurrencer les États-Unis n'importe quand, mais lorsqu'on crée cette situation artificielle et lorsqu'on a ce dollar terriblement dévalué, personne ne peut être compétitif.

En tant que particuliers, notre richesse par rapport au reste du monde a été réduite. À l'aéroport Heathrow, il en coûte 15 livres pour un petit-déjeuner, ce qui représente, sauf erreur, 45 $ canadiens environ. Cela mine complètement notre capacité de demeurer compétitifs individuellement sur le marché mondial.

Le ministre pourrait-il nous dire si le gouvernement cherche à établir une monnaie nord-américaine?

Le sénateur Taylor: C'est M. Mulroney qui a commencé tout cela.

Le sénateur St. Germain: Écoutez, vous avez eu votre chance. Vous deviez vous débarrasser de la TPS et de toutes ces autres mesures et vous n'en avez rien fait, monsieur.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je le dis humblement, je ne suis pas d'accord avec mon honorable collègue sur un certain nombre de points.

Le sénateur St. Germain: J'espère que c'est le cas.

Le sénateur Boudreau: Certaines de ces divergences touchent même la monnaie.

Il faut d'abord se demander si nous sommes en faveur d'un taux de change fixe. Pour ma part, je ne suis pas en faveur de cela. Lorsqu'on est contre un taux de change fixe et le maintien artificiel du dollar canadien à un niveau plus élevé par rapport au dollar américain, il faut alors créer des conditions qui vont amener l'accroissement de la valeur de notre dollar.

J'aimerais que l'honorable sénateur sache que je suis favorable à un taux de change flottant. Je trouve que c'est un bon moyen de corriger la situation pour les deux grandes économies, les États-Unis et le Canada, qui peuvent ainsi s'ajuster l'une à l'autre. Je reste en faveur d'un taux de change flottant et, dois-je ajouter, je n'arrive pas à me décider à prôner une hausse des taux d'intérêt.

Je ne peux pas être d'accord avec l'honorable sénateur, qui est d'avis que c'est bon pour le pays de hausser les taux d'intérêt. Je ne peux tout simplement pas l'admettre. Bien des gens de l'industrie des ressources naturelles avec lesquels je me suis entretenu ont tiré parti d'un dollar canadien faible. Toutefois, avec un taux de change flottant, le dollar canadien finit par trouver le niveau qui est le sien.

À moins que nous ne soyons prêts à adopter un certain nombre de mesures draconiennes, un taux de change lié ou une hausse des taux d'intérêt par exemple, le dollar canadien continuera de trouver son propre niveau. Je ne serais pas prêt à me prononcer en faveur de taux d'intérêt notablement plus élevés. Je ne sais pas si les sénateurs d'en face y sont favorables, mais je ne crois pas que notre parti y soit favorable.

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Lowell Murray a posée le 13 octobre 1999 au Sénat au sujet de la responsabilité de la décontamination des sites de déchets toxiqueS, en Nouvelle-Écosse ainsi qu'une réponse à une question que l'honorable sénateur Donald Oliver a posée au Sénat le 13 octobre 1999 au sujet du financement du nettoyage des dégâts causés par les inondations dans le comté de Cumberland.

L'environnement

La Nouvelle-Écosse-La responsabilité de la décontamination des sites de déchets toxiques

(Réponse à la question posée par l'honorable Lowell Murray le 13 octobre 1999)

La privatisation prochaine de la Société de développement du Cap-Breton (SDCB) a soulevé des inquiétudes concernant la réhabilitation des propriétés héritées ou acquises par la Société depuis sa création en 1967.

Comme indiqué dans les Débats du Sénat du 13 octobre dernier, la responsabilité et les travaux liés à la dépollution des sites miniers actuels et abandonnés de la SDCB incombent à cette dernière.

D'ailleurs, dans son rapport annuel (visant la période qui se termine le 31 mars 1999), la SDCB a fait sa meilleure estimation du coût prévu des questions environnementales (démolition de bâtiments, nettoyage, travaux de terrassement, traitement des eaux et autres travaux de réhabilitation). D'après la meilleure estimation de la direction du coût pour se conformer aux exigences des lois et règlements pertinents, et une évaluation fournie par la firme d'ingénieurs-conseils Senes, le coût prévu de réparation des dommages causés à l'environnement s'élevait à 110 millions de dollars.

Environnement Canada prodigue des conseils techniques et scientifiques à la SDCB sur les questions présentes et futures liées aux activités de dépollution de cette dernière, l'objectif étant de veiller à ce que ces activités répondent aux exigences des lois et règlements sur la protection de l'environnement.

La défense nationale

La Nouvelle-Écosse-La responsabilité du nettoyage des dégâts causés par les inondations dans le comté de Cumberland

(Réponse à la question posée par l'honorable Donald H. Oliver le 13 octobre 1999)

La province de la Nouvelle-Écosse a été sévèrement touchée par la fin de la tempête tropicale Gert, qui a balayé la côte atlantique les 23 et 24 septembre derniers. Le directeur régional de Protection civile Canada en Nouvelle-Écosse a été et demeure en communication continue avec l'organisation des mesures d'urgence de la Nouvelle-Écosse afin de s'assurer que le soutien fédéral soit disponible sur demande.

Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse est en train d'évaluer les dommages à l'infrastructure publique causés par la tempête. Les autorités provinciales sont conscientes de la disponibilité du soutien financier fédéral, en vertu des Accords d'aide financière en cas de catastrophe (Accords AFC), et elles connaissent les critères d'admissibilité.

Selon les agents responsables de Protection civile Canada, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse n'avait pas encore présenté de demande d'aide financière en vertu des Accords d'aide financière en cas de catastrophe en date du 1er novembre 1999. Si le gouvernement de la Nouvelle-Écosse présente une demande, des fonds fédéraux seront débloqués selon les lignes directrices qui s'appliquent aux autres provinces et territoires devant faire face à des dépenses considérables à la suite de désastres importants.

Les travaux du Sénat

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je crois que nous avons besoin de clarifications pour savoir qui sont les sénateurs auxquels, en vertu du Règlement, nous pouvons poser des questions pendant la période des questions.

J'ai l'impression que les questions peuvent être adressées aux présidents des divers comités et au leader du gouvernement au Sénat. Je crois bien que la première question qui a été posée aujourd'hui s'adressait au leader adjoint du gouvernement au Sénat. Si j'avais su que c'était conforme au Règlement, le sénateur Carstairs et moi-même aurions eu beaucoup plus d'échanges que nous n'en avons eus au cours de la dernière session. Il serait utile qu'on nous précise si le leader adjoint du gouvernement est l'un des sénateurs à qui des questions peuvent être adressées pendant la période des questions.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, dans des circonstances normales, lorsque le leader du gouvernement est à son poste, ce n'est qu'à lui que peuvent être adressées les questions, ou encore à la présidence des comités. De plus, dans ce dernier cas, les questions ne peuvent porter que sur la gestion technique du comité et non sur des questions de politique. En l'absence du leader du gouvernement au Sénat, le leader adjoint a l'habitude de répondre aux questions dans la mesure où il le peut. Toutefois, lorsque le leader du gouvernement est présent, les questions doivent lui être adressées.


ORDRE DU JOUR

Le discours du Trône

Motion d'adoption de l'adresse en réponse-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kroft, appuyée par l'honorable sénateur Furey, tendant à l'adoption d'une Adresse à Son Excellence la Gouverneure générale en réponse au discours qu'Elle a prononcé lors de l'ouverture de la deuxième session de la trente-sixième législature.-(2e jour de la reprise du débat.)

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, le discours du Trône prononcé par Son Excellence la Gouverneure générale, et la réponse subséquente du premier ministre, laissent présager un optimisme renouvelé chez tous les Canadiens. C'étaient des discours édifiants qui fortifient l'âme et qui donnent du lustre aux aspirations entourant l'avenir de notre pays.

Il y a bien longtemps qu'on nous avait présenté un discours aussi éclatant d'optimisme relativement à la possibilité de capitaliser sur l'énorme potentiel de notre pays plein de richesses. Avec la fin du millénaire sont apparus des opposants, des adeptes de cultes et des prophètes de malheur avec leur chapelet de prédictions et d'exhortations déprimantes concernant la fin du siècle. Ils ne font pas le poids face à l'effervescence et à la vigueur que ressentent ceux et celles qui appuient le gouvernement. Nous sommes portés par les réalisations du Canada au cours du XXe siècle et nous abordons avec confiance et exaltation les défis que présentent le prochain siècle et le nouveau millénaire.

(1440)

Honorables sénateurs, le discours du Trône a donné le ton à la façon dont nous allons amorcer la nouvelle ère. Nous n'abordons pas l'avenir les yeux fermés et nous ne sommes pas ancrés dans le passé. Nous reconnaissons que certaines erreurs ont été commises, mais elles ont été complètement éclipsées par nos réalisations. Nous avons tiré des leçons de nos erreurs et nous atteindrons de nouveaux sommets. Nous n'oublierons pas notre passé, mais nous ne le traînerons pas comme un boulet. Nous allons connaître la croissance et la prospérité et, ce faisant, enrichir la vie de tous les Canadiens.

[Français]

Honorable sénateurs, il nous est impossible de prédire avec précision le futur et pas plus ne pouvons-nous changer les événements du passé. Nous pouvons influencer l'évolution par l'effort, la conviction, la détermination, notre courage, notre travail, notre innovation, notre créativité, notre motivation, et surtout, en établissant les paramètres pour croÎtre en partenariat avec d'autres gouvernements, avec le secteur privé et en donnant l'exemple.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous pouvons atteindre des sommets inimaginables dans le domaine des arts et des sciences, de la recherche et du développement, des progrès sociaux, de la promotion de la croissance personnelle et surtout de la promotion de la paix et la bonne volonté au pays. Le Canada, mes amis, est le meilleur endroit où vivre.

Grâce à une bonne planification de la part du gouvernement actuel et aux sacrifices de tous les Canadiens, nous avons réussi à vaincre le fléau de la dette. La santé financière est devenue une expression à la mode, car ce n'est qu'en remettant de l'ordre dans les finances publiques que nous pouvons espérer accomplir tout ce que nous avons prévu pour le bien-être des Canadiens. Notre pays a été construit sur une vision de prospérité, de réalisation, d'égalité, de possibilités et de sécurité à tous les niveaux de la santé, de la sécurité et de la tranquillité d'esprit. Il ne s'agit pas d'une vision vague et éphémère; elle s'appuie sur des valeurs concrètes et pratiques.

Honorables sénateurs, le discours du Trône et les remarques qui ont été formulées par la suite par le premier ministre ont permis d'établir un cadre d'action réaliste. Le processus est déjà en cours et nous comptons bien construire cette vision pierre par pierre, un morceau à la fois.

[Français]

Honorables sénateurs, mon grand-père était menuisier dans le nord de l'Ontario, à Sudbury. Nous avons appris, comme enfants et petits-enfants, que pour grandir, il faut que notre maison soit bâtie sur une fondation forte, sécuritaire, profonde. C'est ce que notre gouvernement nous a offert depuis six ans et c'est ce que notre gouvernement va continuer à faire, car nous avons bien compris le discours du Trône.

[Traduction]

Honorables sénateurs, tout cela repose sur le retour de la santé fiscale, l'élimination du déficit paralysant et une attaque directe de la dette accumulée. Notre économie est en pleine croissance. Le taux de chômage est faible, l'inflation aussi, les exportations augmentent, les impôts commencent à baisser et les salaires augmentent.

Plus que tout autre plan d'action, le discours du Trône a établi les assises les plus importantes dans la mise au point d'une vision nationale. C'est un engagement fort à l'égard des enfants et des jeunes. C'est une pierre très importante, la pierre angulaire de l'engagement du gouvernement actuel face à l'établissement d'un Canada fort où pourrait coexister l'opportunité et la compassion, où la confiance en soi et la dignité humaine ne seraient pas sacrifiées sur l'autel de la richesse et de l'ambition. La stratégie visant à rendre possible cette vision commence à juste titre avec nos enfants.

Je vais énumérer les mesures que le gouvernement a déjà mises en oeuvre: le Programme de nutrition prénatale; le Programme d'aide préscolaire aux autochtones; la Subvention canadienne pour l'épargne-études; des déductions accrues pour frais de garde d'enfants; la Prestation nationale pour enfants à l'intention des familles à faible et à moyen revenus; et la non-imposition des versements pour le soutien d'un enfant. On annonce en outre des congés de maternité et parentaux plus longs, des ententes fédérales-provinciales sur un soutien accru pour le développement des enfants en bas âge, des allégements fiscaux qui laisseront plus d'argent entre les mains des familles, des conditions de travail qui tiennent compte des besoins des familles, la réforme du droit de la famille, un investissement important dans la Prestation nationale pour enfants et de meilleures possibilités d'apprentissage grâce à l'expansion du programme Rescol.

Les réalisations que je viens de mentionner démontrent que ces initiatives axées sur les enfants ne sont pas uniquement des fantaisies, mais bien des façons concrètes et pratiques de se préparer au prochain millénaire, tant ici qu'à l'étranger, en donnant à nos enfants - qui sont notre plus grande richesse - les ressources, connaissances, compétences et expériences qui leur permettront de réussir.

Honorables sénateurs, je suis heureuse de constater que l'enthousiasme et les compétences technologiques des jeunes Canadiens seront utilisés à des fins utiles qui leur permettront de se servir de leurs talents et d'acquérir une expérience au niveau national et international. Je me bornerai à nommer quatre initiatives à cet égard: premièrement, Échanges Canada, qui fournira annuellement à un million de jeunes Canadiens la chance d'étudier dans une autre région du pays; deuxièmement, l'embauche de dizaines de milliers de jeunes bénévoles canadiens dans des projets communautaires et des projets environnementaux nationaux, et aussi afin d'aider d'autres personnes à améliorer leurs capacités de lecture et d'écriture; troisièmement, la possibilité pour les jeunes Canadiens de mettre à profit leur énergie et leurs talents à l'étranger, dans le cadre de programmes de stages internationaux, notamment en aidant des pays en développement à se brancher sur l'Internet; et quatrièmement, l'embauche de jeunes Canadiens pour aider les collectivités rurales et urbaines à mettre sur pied des sites Internet pour le public.

Dans le but d'appuyer le secteur de l'éducation, le gouvernement a annoncé et à déjà mis en place la Fondation canadienne des bourses du millénaire, dont les 100 000 premiers dollars seront attribués en janvier, la Subvention canadienne pour l'épargne-études, la déduction des intérêts payés sur les prêts étudiants et l'utilisation des REER aux fins de formation.

Il est clair que le gouvernement accorde une priorité importante aux jeunes Canadiens. En plus des programmes destinés aux enfants et aux jeunes, le gouvernement est en train de bâtir une infrastructure moderne d'universités et de laboratoires, par l'entremise de la Fondation canadienne pour l'innovation.

De toute évidence, la concrétisation de notre vision est bien amorcée. Toutefois, la portée de cette vision est beaucoup plus étendue et englobe des engagements fermes envers nos programmes sociaux, particulièrement ceux qui sont liés à la santé et aux Canadiens âgés. Elle comprend des engagements envers notre environnement, la promotion des échanges commerciaux, les investissements, la recherche et le développement, l'entrepreneuriat et les partenariats.

Comme vous êtes à même de le constater, un grand nombre de blocs sont en train d'être assemblés et le résultat final sera plus grand que la somme des parties. C'est ce qu'on appelle un leadership solide, dynamique et visionnaire. C'est le leadership qui suscite l'enthousiasme et l'optimisme, qui nous pousse à agir, qui nous fait avancer, qui nous stimule et qui nous encourage à nous adapter à des idées et des technologies nouvelles.

(1450)

Honorables sénateurs, j'ai parlé de la pierre angulaire de la vision, nos enfants et nos jeunes. J'ai parlé de nos responsabilités financières, de l'obligation de protéger l'environnement, ainsi que de la nécessité de préserver les programmes sociaux. Tout cela est menacé si nous ne générons pas un climat favorable au milieu des affaires et dans lequel les entreprises, petites et grandes, peuvent prospérer. Sans investissements, sans entrepreneurs, sans les connaissances nécessaires dans une économie axée sur le savoir, nous risquons de perdre la position enviée que nous occupons dans le monde. Nous avons beaucoup à perdre: une communauté de collectivités culturelles diversifiées, prospères, compatissantes et attentionnées qui s'étend d'un océan à l'autre. C'est la raison pour laquelle je suis contente que le discours du Trône, que le premier ministre a plus tard repris et étoffé, ait également porté sur le commerce et sur les investissement. J'ai pris plaisir à entendre que, pour garder et attirer les meilleurs et les plus brillants de nos concitoyens, nous devons faire preuve d'un esprit d'imagination novateur.

La collaboration entre les gouvernements, les universités, les établissements de recherche et le secteur privé est essentielle si nous voulons demeurer à l'avant-garde de la concurrence mondiale. Il est donc approprié que le gouvernement se propose d'accroître le soutien à la recherche par l'intermédiaire de nos divers organismes subventionnaires dont le Conseil de recherche médicale, le Conseil de recherches en sciences humaines et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie. La proposition de créer dans tout le Canada 2 000 nouvelles chaires d'excellence en recherche est une initiative avant-gardiste, tout comme d'ailleurs le projet de créer les Instituts canadiens de recherche en santé.

Dans la réponse du premier ministre au discours du Trône, il y a un passage qui résume fort bien les efforts du gouvernement pour promouvoir la recherche. Il vaut la peine d'être répété:

La Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, [...] la Fondation canadienne pour l'innovation, [...] les chaires d'excellence en recherche du XXIe siècle [...] et les Instituts canadiens de recherche en santé sont autant d'éléments de la vaste stratégie [...] de notre gouvernement en vue de placer le Canada à l'avant-garde de l'économie axée sur le savoir du XXIe siècle.

Honorables sénateurs, en présentant une stratégie qui intègre l'économie, la politique sociale et l'environnement, le gouvernement reconnaît également que, aussi bien intentionnés que soient ses orientations et ses programmes, ils ne peuvent être efficaces sans le secteur privé. C'est le secteur privé qui est le moteur de l'économie. Le gouvernement peut offrir les outils, mais ce sont les décideurs des entreprises qui font fonctionner la machine et qui produisent les biens et services qui doivent être vendus ici et à l'étranger.

Nous avons tous entendu parler du prétendu exode des cerveaux. En présentant sa vision de l'avenir, le gouvernement a réuni les conditions gagnantes pour garder et attirer les meilleurs chercheurs, les meilleurs innovateurs, les meilleurs producteurs et les meilleurs commercialistes au monde. Comme ils viennent de toutes les régions du globe, qui d'autre pourrait mieux nous aider à faire concurrence aux pays étrangers?

Comme j'ai présidé un sous-comité qui a présenté ses conclusions au Sénat en juin, je suis convaincue que le Canada est en mesure de soutenir la concurrence dans les secteurs en évolution de l'informatique. Je crois fermement que le Canada demeurera un chef de file dans le commerce électronique. J'ai entièrement foi dans la capacité du secteur public et du secteur privé, des gouvernements et des entreprises, de s'emparer de 5 p. 100 du commerce électronique mondial d'ici 2003. Cet objectif, que le premier ministre a invité le secteur privé à atteindre, représente un enjeu de 200 milliards de dollars pour les entreprises.

Honorables sénateurs, le discours du Trône et les observations qu'a faites le premier ministre renferment beaucoup de choses dont je n'ai pas encore parlé et qui, avec la vue d'ensemble que j'ai présentée, sont porteuses d'un brillant avenir pour les Canadiens. Le gouvernement prend des mesures pour transposer l'avenir dans le présent, pour agir tantôt directement, tantôt en partenariat, parfois en créant un cadre d'action pour le secteur privé et, parfois, en donnant tout simplement l'exemple. Nous avons une vision du Canada. Cette vision est celle d'une société moderne, qui s'est bâtie grâce au partage d'expériences et de valeurs, d'une société qui est issue d'une détermination à triompher contre les embûches, à viser l'excellence, d'une société qui fait l'envie des autres. Honorables sénateurs, voilà ce qu'est le Canada, notre Canada, celui d'aujourd'hui et de demain.

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, le discours du Trône exposait le programme du gouvernement pour le nouveau millénaire et nous présentait un plan et une liste de priorités qui révèlent que les enfants seront à l'avant-scène dans les budgets à venir. Nous verrons, entre autres, un ensemble de programmes raisonnables pour les enfants, une hausse des dépenses et des avantages accordés aux familles pauvres et à leurs enfants, un congé de maternité payé, des logements pour les sans-abri et un Programme d'action national pour les enfants. Voilà des raisons valables et sensées pour le gouvernement d'engager des dépenses pendant qu'il enregistre un excédent. En fait, ce sont des objectifs louables. Cependant, quelle est la date cible? Quels programmes sont envisagés pour mettre fin à la pauvreté des enfants et quand aurons-nous en place une stratégie nationale?

Bien que les Canadiens ayant compris la nécessité d'augmenter les dépenses au titre des programmes sociaux aient apprécié le discours du Trône, ils ont néanmoins été déçus que le gouvernement ait négligé de proposer un plan d'action pour aider les plus démunis. Que comptons-nous faire pour atténuer les difficultés des Canadiens qui ont été privés de leurs droits? La lutte contre la pauvreté au Canada passe par la persévérance, le détermination, l'engagement, la compassion et les actions concrètes.

Hélas, le 12 octobre dernier, le gouvernement ne nous a servi qu'une liste de priorités. Le gouvernement a présenté un programme de travail visant à plaire à son électorat, de gauche comme de droite, mais ce programme de travail est-il représentatif du message entendu dans le discours du Trône, lorsque la Gouverneure générale dit ceci:

Il faut que les Canadiens et les Canadiennes de demain puissent dire, en considérant le présent Parlement, qu'il se composait d'hommes et de femmes déterminés à bâtir un Canada plus fort et une meilleure qualité de vie pour leurs enfants et leurs petits-enfants.

En ma qualité de coprésidente du groupe de travail du Parti progressiste-conservateur sur la pauvreté, je me suis entretenue avec beaucoup d'individus et de défenseurs des pauvres d'un bout à l'autre du pays. Leur témoignage dénonce le fardeau énorme de la pauvreté, aussi bien pour les individus que pour la société. Beaucoup de personnes ont indiqué que les programmes de lutte contre la pauvreté ne feront pas qu'améliorer la situation des gagne-petit d'aujourd'hui, mais ils renforceront aussi les perspectives socioéconomiques futures du Canada. Ce sont là deux éléments indissociables, honorables sénateurs. Une bonne politique économique entraîne forcément une bonne politique sociale. L'une ne va pas sans l'autre.

Il n'est pas indispensable de rappeler aux sénateurs que la pauvreté au Canada a atteint des proportions catastrophiques. Ne nous parle-t-on pas sans relâche des millions de petits Canadiens qui vivent sous le seuil de la pauvreté? L'hiver étant bientôt à nos portes, les familles sont de plus en plus nombreuses à devoir s'atteler à la pénible tâche de rechercher un logement. Le discours du Trône n'a consacré qu'une demi-ligne aux sans-abri. Par contraste, le 26 octobre, le quotidien Ottawa Citizen a publié un article inspiré sur Catherine Luxton, une fillette de 10 ans qui a pris conscience de la nouvelle ampleur du problème de l'itinérance. Elle a décidé, avec l'aide de son père, de faire quelque chose pour aider les nécessiteux. Les Luxton se sont fixé un objectif. Il vont recueillir des fonds pour acheter 50 000 repas chauds à distribuer aux sans-abri de la région d'Ottawa. Comme il est réconfortant de voir une jeune fille reconnaître un besoin pressant dans notre société et décider de faire quelque chose immédiatement pour remédier à la situation. Pourquoi le gouvernement prend-il si longtemps avant d'en faire autant?

(1500)

Des milliers de Canadiens vivent dans les parcs, sous les ponts, dans les rues. Ce sont les citoyens oubliés de notre société. Le problème des sans-abri est un problème réel et grave auquel trop de Canadiens sont confrontés aujourd'hui; c'est un problème dont j'espérais que le gouvernement traite longuement dans le discours du Trône.

Mère Teresa nous a mis en garde quand elle a dit:

Nous serons jugés, vous et moi, en fonction de ce que nous faisons pour les pauvres.

Maintenant que le budget est excédentaire, j'espère que le gouvernement en profitera pour s'attaquer sérieusement au problème pressant et urgent de la pauvreté au Canada avant que vienne pour lui l'heure du jugement dernier.

La vision exposée dans le discours du Trône a énoncé l'orientation que le gouvernement entend prendre dans l'année qui vient. Je félicite le gouvernement d'avoir eu la prévoyance de reconnaître qu'un investissement dans les premières années de nos enfants est un investissement dans l'avenir de notre pays. Cependant, pour rompre le cycle de la pauvreté, il faut donner à tous les enfants au Canada une chance égale de réaliser tout leur potentiel. Il est triste de constater qu'ils n'en ont pas la possibilité aujourd'hui.

Si nous pouvions remédier avec succès aux conditions sociales qui perpétuent la pauvreté familiale, honorables sénateurs, nous pourrions élever une nouvelle génération d'enfants - des enfants dont les besoins essentiels sont comblés pour qu'ils puissent devenir des membres de la société canadienne en bonne santé, autonomes et instruits.

Le premier ministre a dit:

Nous devons passer aussi rapidement que possible des paroles aux actes.

Ces mots ne veulent rien dire, compte tenu du fait qu'en 1989, une résolution visant à éliminer la pauvreté chez les enfants avant l'an 2000 a été adoptée par tous les partis à l'autre endroit. Honorables sénateurs, dix ans ont passé et il est pourtant scandaleux de constater que le gouvernement a fait bien peu pour nourrir les petits Canadiens, dont un sur cinq a le ventre creux. À mesure que la pauvreté se répand au Canada, cette promesse en l'air du gouvernement laisse moins d'espoir. Le gouvernement a promis de nouveaux investissements dans la Prestation nationale pour enfants, mais puisqu'il y a un surplus aujourd'hui, pourquoi attend-il à demain pour prendre des mesures?

Quand il a rencontré les pauvres partout au Canada, le groupe de travail sur la pauvreté du caucus national du Parti progressiste-conservateur a souvent et clairement entendu dire que le temps est venu pour le gouvernement fédéral de réindexer la Prestation nationale pour enfants au taux d'inflation. Au cours de la dernière session, le député progressiste-conservateur de Shefford, au Québec, a présenté une motion du même genre à l'autre endroit. Cette motion a été adoptée, mais aucune mesure concrète n'a encore été prise.

Le gouvernement libéral a révélé qu'il entendait consacrer un milliard de dollars pour étendre le congé de maternité et le porter de six mois à un an. Je me réjouis de cette initiative et de la prévoyance qu'a le gouvernement en reconnaissant qu'il est important que les parents passent du temps avec leurs enfants durant les premières années de formation. Toutefois, quand on y regarde à deux fois, on se demande qui au juste bénéficiera de cette subvention. Compte tenu des changements survenus sur le marché du travail, il y a beaucoup de travailleurs contractuels et autonomes. Or, ces gens ne font pas partie du régime d'assurance-emploi. De plus, cette mesure ne fait rien pour aider ceux qui sont exclus du marché du travail rémunéré. Elle ne répond pas aux besoins des femmes à faible revenu qui ne pourront pas bénéficier d'un congé de maternité si leur conjoint ne gagne pas d'argent. Qu'en est-il du chef d'une famille monoparentale qui ne peut compter que sur lui-même ou elle-même?

Je crois pouvoir dire que ce n'est pas la question du congé de maternité qui préoccupe les chômeurs canadiens, mais bien celle qui consiste à trouver les moyens de mettre du pain sur la table. Les Nations unies ont déclaré que le Canada était le meilleur pays au monde pour vivre. Pourtant, 5,2 millions de Canadiens vivent sous le seuil de la pauvreté. Le 12 octobre dernier, les Canadiens avaient besoin qu'on leur dévoile un plan présentant des solutions concrètes afin d'éliminer la pauvreté, le nombre des sans-abri et la nécessité d'avoir des banques d'aliments. Malheureusement, ils ont entendu de vagues promesses qui seraient réalisées dans un délai approximatif.

À l'aube du XXIe siècle, j'implore le gouvernement d'adopter une position courageuse et audacieuse, de faire un effort concerté et de s'engager à hausser le niveau de vie afin de faire de la vision exposée dans le discours du Trône une réalité pour les démunis. Je l'implore de réduire l'écart entre les riches et les pauvres, de majorer la prestation fiscale pour enfants, de hausser le seuil d'assujettissement à l'impôt, de réindexer l'impôt sur le revenu des particuliers pour protéger les gains de l'inflation et d'améliorer le programme d'assurance-emploi pour que tous ceux qui en ont besoin reçoivent des prestations, ce qui réduirait l'insécurité financière des Canadiens aux prises avec le nouveau marché du travail. Le gouvernement a pour devoir d'assurer un niveau de vie décent à tous ses citoyens.

Tagore, un poète indien, a écrit:

J'ai dormi et j'ai rêvé que la vie était joie,
Je me suis réveillé et j'ai vu que la vie était devoir,
J'ai agi et j'ai trouvé que le devoir était joie,
Je souhaite au gouvernement de connaître la joie!

[Français]

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, au sujet de la décision toute récente de la Cour suprême du Canada, le 17 septembre 1999, cinq juges de la Cour suprême du Canada, en appel de la Cour d'appel de Nouvelle-Écosse, ont décrété qu'en vertu de droits issus de traités qui ont été signés le 10 mars 1760, Donald Marshall n'était pas tenu de se conformer à la réglementation sur les pêches.

J'aimerais attirer votre attention sur des considérations et un contexte historique qui n'ont pas été pris en considération par la Cour suprême et qui montrent que le traité de 1760 n'est pas valide. En conséquence, la cour devrait revenir sur sa décision. Permettez-moi de citer un extrait mémorable de ce jugement:

Il ne saurait demander moins de l'honneur et de la dignité de la Couronne dans ses rapports avec les Premières nations.

Pareils sentiments évoquent un héroïsme chevaleresque, des images de braves officiers et de généreux fonctionnaires. Les juges pourraient peut-être demander qu'un monument en mémoire du gouverneur Lawrence, signataire du document de 1760, soit érigé sur les pelouses devant la Cour suprême pour qu'ils n'oublient jamais le poids de leur décision.

Or, cinq ans à peine avant de signer ce document maintenant immortalisé, le gouverneur suppléant Lawrence signait, le 11 août 1755, un autre document donnant des instructions au colonel John Winslow. Ce document a scellé le destin d'à peu près 15 000 sujets britanniques en Nouvelle-Écosse. Voici ce qui attendait les Acadiens:

Pour rassembler et embarquer les habitants, vous devrez avoir recours aux moyens les plus sûrs et, selon les circonstances, vous servir de la ruse ou de la force. Je désire surtout que vous teniez aucun compte des supplications et des pétitions que vous adresseront les habitants, quels que soient ceux qui désirent rester.

Lawrence est cité et immortalisé par la Cour suprême comme l'homme qui a inspiré l'acquittement de Marshall. Il devient l'agent de change d'une décision judiciaire qui marquera la fin de notre XXe siècle. Un être ignoble, gorgé de son autorité militaire, qui, illégalement et de sa propre initiative et sans la permission de ses supérieurs, a donné l'ordre d'arrêter, de détenir et de déporter 15 000 hommes, femmes et enfants, dont la moitié a péri durant la déportation. C'est le même homme qui a signé le traité de 1760.

Réfléchissons un peu à l'ampleur de la faute. L'ordre de déportation a été signé en temps de paix. Les Acadiens étaient des sujets britanniques et, de ce fait, avaient des droits. L'ordre transgressait ouvertement l'article 29 de la Grande Charte d'Angleterre. Il enfreignait la Pétition de droits de 1628. Absolument rien ne permet de croire que les populations acadiennes remettaient en question le régime britannique. En supposant que certains Acadiens aient commis des méfaits politiques, il n'existait aucune loi britannique ou autre autorisant la punition de leurs femmes et de leurs enfants. Rien, si ce n'est un ordre du Parlement, ne pouvait chasser un sujet britannique de son pays, même s'il s'agissait d'un criminel.

Le traité d'Utrecht de 1713, et le décret de la reine Anne du 23 juin 1713, ont élargi la protection conférée par le traité. Ils stipulent que les Acadiens ont des droits sur leurs terres et qu'ils ne peuvent être expulsés à moins d'une sentence rendue par un tribunal.

Qu'un membre de l'exécutif, qui était un simple lieutenant-gouverneur, ait répudié une prérogative royale contrevenait au droit britannique fondamental de l'époque.

(1510)

En 1729, le gouverneur Richard Phillips avait assuré les Acadiens par écrit de sa protection contre pareilles actions.

En vertu du droit britannique, seul le gouverneur avait le pouvoir de modifier les politiques applicables à la Nouvelle-Écosse. Le gouverneur Hopson était reparti en Angleterre en 1753, pour des raisons de santé et le colonel Lawrence le remplaçait temporairement. Le colonel Lawrence a agi sans recevoir d'ordres et a méprisé toutes les lois qui protégeaient les Acadiens.

Même le roi n'avait pas le pouvoir de signer un ordre de déportation, car les dispositions de 1297 de la Grande Charte d'Angleterre stipulent que le roi n'est pas au-dessus de la loi, donc encore moins un simple lieutenant-gouverneur suppléant.

Ce personnage a fait confisquer les biens des Acadiens, brûler leurs maisons et leurs champs, abattre leurs bêtes. Il a séparé des familles qu'il a embarquées sur des navires fragiles pour être vendues comme esclaves ou condamnées à la servitude dans les colonies américaines. Rappelons que cette déportation criminelle et ces camps de concentration étaient entamés lorsque le traité de 1760 a été signé et prolongé jusqu'en 1763.

Les savants juges nous informent qu'ils présument que Lawrence a agi honorablement en préparant ce traité de 1760. Voilà les agissements d'un bureaucrate puissant dont le devoir professionnel était de protéger les Acadiens. Des agissements qui prouvent qu'il n'avait aucun respect ni pour les traités ni pour la Couronne d'Angleterre.

Des décisions comme celles-là ont toujours été inacceptables, que ce soit en temps de paix ou de guerre. Lawrence a posé des gestes barbares et inacceptables, même à l'aune des standards du XVIIIe siècle. Des gestes comme ceux-là étaient inadmissibles dans le passé et ils le sont tout autant aujourd'hui.

Un criminel ne devrait pas avoir le droit de créer des lois fondamentales dans une société civilisée. Son geste répréhensible l'a privé de tout droit légal et moral de signer n'importe quel document auquel on se réfère aujourd'hui pour guider notre civilisation moderne.

En fondant nos lois sur une référence à Lawrence, on se moque de la mémoire de nos braves Canadiens et Canadiennes, de nos martyrs qui ont combattu et versé leur sang pour que cessent les comportements meurtriers de gens comme Lawrence. Ils ont versé leur sang pour que des tyrans de cette espèce ne règnent pas sur nous et ne fassent pas la loi à la pointe de leur fusil.

Et voilà qu'à l'aube du nouveau millénaire, nous allons immortaliser officiellement l'héritage de Lawrence dans les recueils du tribunal suprême du pays. Quel blasphème de la mémoire de nos martyrs et de nos ancêtres acadiens, les premiers Européens à s'établir au Canada! Nous laissons un terrible héritage aux générations montantes.

Certaines personnes diront que j'en veux à la Couronne d'Angleterre. Ils se trompent, j'en veux aux agissements d'un psychotique abusif, d'un bureaucrate écoeurant. Je pense que la plupart des Acadiens pensent comme moi et que ce malade mental à lier agissait de son propre chef.

Nous savons tous que Lawrence n'est pas le premier bureaucrate de l'histoire à abuser de son autorité et à recourir à des actes de conspiration, de violence et de terrorisme. Malheureusement, il ne sera pas le dernier non plus.

J'invite les juges à réfléchir aux implications de leur raisonnement. Si l'on accepte la validité du document de 1760, on suppose qu'il a exécuté ses fonctions générales et ordinaires avec l'autorisation de la Couronne et du peuple britanniques.

Il s'ensuit qu'il avait des motifs de déporter les Acadiens et qu'il a fidèlement obéi aux volontés de la Couronne. En reconnaissant le pouvoir légal de Lawrence de signer des documents juridiques au nom de la Couronne, la Cour suprême reconnaît la validité de l'ordre de déportation.

Pouvons-nous réellement admettre que la Cour suprême aujourd'hui, et que la Couronne et le peuple britanniques au XVIIIe siècle, consentiraient à ce que ces agissements barbares soient infligés à des sujets britanniques en temps de paix? On pense que non.

Pendant des siècles, la Couronne a balayé cette illégalité sous le tapis. C'est peut-être pour cela que l'ordre de déportation n'a jamais été retiré et que tout le monde peut en prendre connaissance. C'est peut-être pour cela que les Acadiens ont été expressément exclus du traité de Paris de 1763, et que ce bannissement illégal est toujours dans les livres. L'annulation de l'ordre pourrait impliquer que l'acte a été effectivement posé. Le démenti d'atrocités a une longue histoire.

Il est bien possible qu'il y ait eu des abus commis par des bureaucrates britanniques au cours de la longue histoire de la colonisation, mais jamais intentionnellement de cette ampleur. Je ne crois pas que la Couronne ait jamais accepté les actes cruels infligés aux Acadiens. En fait, j'aimerais vous lire une lettre que j'ai envoyée au consul général de la Grande-Bretagne à Houston, le 18 octobre 1994, qui démontre que ce n'est pas un sujet que je soulève pour la première fois aujourd'hui. Je vais vous lire cette lettre telle que je l'ai écrite:

[Traduction]

J'ai suivi de près les développements relatifs à la pétition de M. Warren Perrin concernant l'expulsion, en 1755, des Acadiens de la Nouvelle-Écosse.

M. Perrin demande modestement réparation pour la grande tragédie qu'ont connue les Acadiens. C'étaient des sujets britanniques qui avaient droit à la protection de l'État. Le traité d'Utrecht de 1713 a cédé l'Acadie à la Grande-Bretagne. La communauté acadienne était bien établie en Nouvelle-Écosse depuis plus d'un siècle lorsque cet acte infâme a été commis. Malheureusement, le gouvernement britannique n'a jamais reconnu l'illégalité de l'expulsion menée en son nom par ses représentants coloniaux, dont la principale responsabilité était de protéger les sujets et les biens britanniques. Le temps qui a passé n'enlève rien à la gravité de cet acte.

La perpétration de cet acte entache terriblement l'histoire de la démocratie de la Grande-Bretagne, dont cette dernière est si fière. Je suis certain que la majorité des Britanniques approuveraient le principe universel qu'il n'existe pas de délai de prescription pour les crimes contre l'humanité, particulièrement lorsque les agents de l'État commettent des crimes envers les sujets de leur pays...

En tant que parlementaire, je suis conscient de l'importance de reconnaître les erreurs du passé de façon à ce qu'elles ne se reproduisent jamais. L'expulsion des Acadiens a été un acte barbare qui a pris des proportions énormes. Ça a été un nettoyage ethnique scandaleux et criminel...

Le gouvernement britannique a ici l'occasion de faire aux personnes du monde entier une déclaration constructive à l'échelle universelle. Le nettoyage ethnique, le génocide et la violence envers les citoyens d'un pays sont inacceptables. Il se peut que cela prenne des siècles, mais la justice l'emportera toujours.

[Français]

Certains diront que je ne sympathise pas face aux problèmes vécus par les Canadiens autochtones. Au contraire, les Acadiens et les autochtones ont été des amis dès le début des colonies. Ils ont vécu et travaillé ensemble dans l'harmonie et beaucoup d'entre eux se mariaient les uns aux autres. Durant la déportation, l'histoire indique que les autochtones sont venus au secours des réfugiés acadiens en courant de grands risques. Je n'ai aucune ranc9ur à l'endroit des seuls alliés de mes ancêtres.

Un grand nombre d'autochtones sont aussi victimes des actes d'intimidation de Lawrence. En 1756, Lawrence commanda que des hostilités soient commises envers les Indiens, offrant de l'argent comptant pour des prisonniers ou des «scalps»: hommes, femmes et enfants. Ils étaient au courant des méthodes d'épuration ethnique employées par Lawrence contre les Acadiens. Ils ont vu de première main ce que Lawrence réservait à ceux qui osaient le contrarier. Ils n'avaient pas le choix, ils devaient signer les documents de Lawrence, c'était une offre qu'ils ne pouvaient refuser.

Les juges de la Cour suprême ne pouvaient sûrement pas imaginer qu'un bureaucrate serait si peu civilisé. Dans un monde civilisé, un bureaucrate respectueux de la loi aurait pu accomplir ce que les juges voulaient lire dans le document, mais il n'en était pas ainsi de Lawrence. Peut-être que Mme la juge Louise Arbour réussira à éclairer la lanterne de ses collègues à propos des gestes ignobles que des bureaucrates corrompus peuvent infliger à des innocents.

C'était peut-être une occasion de redresser des torts commis dans le passé. L'intention des juges était louable, mais mal placée. Les juges ne doivent pas penser que le Parlement est incapable de respecter les citoyens. La démocratie est un trésor gagné de haute lutte et elle mérite la chance d'être appliquée.

Les juges devraient penser à aider au lieu de prendre des décisions qui suscitent des ressentiments, des insultes et des bouleversements. Ils n'ont pas réfléchi aux conséquences que leur interprétation aura dans nos villages côtiers et sur l'exploitation de nos ressources limitées de la mer et de la terre.

Le jugement de la Cour suprême a déjà divisé des populations qui ont toujours vécu dans l'harmonie et le respect mutuel. Sans pilote, la colère, la jalousie, la cupidité et le racisme sont des forces terriblement puissantes à libérer. Beaucoup de questions sont posées mais nous recevons peu de réponses. Les avocats doivent déjà se frotter les mains de satisfaction. Lawrence aurait de quoi être fier.

(1520)

Le but de mon intervention aujourd'hui n'est pas de m'apitoyer sur les malheurs du passé. Cela aurait pour effet de créer une mentalité de victime qui engendrerait des sentiments d'infériorité, d'acrimonie et d'indifférence. D'autre part, cela ne ressemble pas à la mentalité des Acadiens, bien au contraire.

Vous direz peut-être qu'il est temps que les Acadiens, certains le mentionnent, pardonnent. Pardonner, oui, c'est la chose à faire. Oublier? Jamais. Ceux qui oublient sont condamnés à répéter les erreurs du passé.

La communauté internationale commence tout juste à discuter de la possibilité de créer une cour criminelle internationale permanente pour traduire en justice les personnes coupables de crimes contre l'humanité.

Je vous cite un extrait du discours que l'honorable Lloyd Axworthy a prononcé aux Nations unies, le 24 septembre 1999, qui montre clairement que nous répétons les erreurs du passé, et je cite:

En 1999, les civils sont devenus des accessoires de la guerre. On les déplace pour déstabiliser les gouvernements, on les oblige à faire du service militaire, on les détient en otages, on les exploite sexuellement et on s'en sert comme boucliers humains. Il nous faut absolument créer des mécanismes pour que les personnes qui contreviennent aux lois internationales soient tenues responsables de leurs actes. Il faut briser la culture de l'impunité. La possibilité d'être poursuivies et d'être punies doit être une réalité pour les personnes qui recourent à la violence.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le temps qui était alloué au sénateur Comeau est écoulé. La permission est-elle accordée au sénateur Comeau de poursuivre son intervention?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Comeau: Un génocide culturel ne s'oublie pas et l'agresseur n'est jamais digne d'honneur. Le temps n'efface pas le mal ni les agissements de Lawrence. Il appartient à un groupe de monstres que nous ne devons jamais vénérer. Il ne faut jamais que son nom soit réhabilité. Qui serait le suivant? Slobodan Milosevic, Saddam Hussein? Ne feront-ils pas valoir que la réhabilitation de Lawrence ouvre la porte à leur propre réhabilitation?

Je demande donc à la Cour suprême de reporter le jugement Marshall en attendant la tenue d'une enquête en bonne et due forme sur la validité de la signature de Lawrence sur quelque document que ce soit. La loi n'exige-t-elle pas de soutenir l'honneur et l'intégrité de la Couronne? En fait, les juges pourraient se référer à une pétition pour l'institution d'une enquête, déposée par les Acadiens en 1760. Notez bien la date de la pétition! Cette enquête a rendu caduque toute loi de prescription qui pourrait exister. Les Acadiens ne méritent-ils pas d'être défendus ou d'être jugés comme des coupables du méfait qui a entraîné leur déportation par Lawrence? Si Lawrence a toujours agi dans son droit et avec la bénédiction de la Couronne, l'histoire sera alors écrite. Autrement, Lawrence devrait être condamné historiquement, comme il le mérite.

Certains vont balayer du revers de la main ma demande d'enquête en alléguant que c'est un symbolisme non pertinent d'une époque révolue. Je leur répondrai qu'il n'y a pas plus symbolique que notre attachement à la Couronne, à la Gouverneure générale et aux robes rouges des juges de notre Cour suprême.

Je termine avec des mots d'un chansonnier acadien de la Louisiane, Zachary Richard, qui reflètent les sentiments de plusieurs Acadiens au sujet des actes de Lawrence. Je cite les mots de M. Richard:

Réveille Réveille
J'ai vu mon pauvre père
Était fait prisonnier
Pendant que ma mère
Ma belle mère braillait.
J'ai vu ma belle maison
Était mise aux flammes,
Et moi, j'su resté orphelin
Orphelin de l'Acadie.

(Sur la motion du sénateur Hays, au nom du sénateur Finestone, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L'Adresse en réponse-Motion tendant à mettre fin au débat le huitième jour de séance-Ajournement du débat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis du 2 novembre 1999, propose:

Que les délibérations à l'ordre du jour pour la reprise du débat sur la motion tendant à l'adoption d'une Adresse en réponse au discours du Trône, prononcé par Son Excellence la Gouverneure générale devant les deux Chambres du Parlement, se terminent le huitième jour de séance où l'ordre aura été débattu.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, en essayant de comprendre le pourquoi de cette motion, je n'ai pu m'empêcher de penser que, si le gouvernement veut limiter - à huit, pour être précis - le nombre de jours de débat sur le discours du Trône, c'est qu'il a énormément de mal à y trouver matière pour que les honorables sénateurs participent à ce débat.

Si ce n'est pas la raison, alors peut-être cela tient-il à quelque autre considération. Voyons comment se déroulent nos travaux. J'admets que quelques sénateurs ont déjà pris part au débat, et les interventions sont limitées à 15 minutes chacune. Généralement, nous devrions consacrer une ou deux heures par jour, deux heures au maximum, à discuter du discours du Trône. Le plus souvent, ce serait seulement une heure. Quatre sénateurs pourraient donc prendre la parole chaque jour. À raison de deux heures par jour, ce serait un maximum de huit sénateurs. Au rythme de deux heures par jour, ce que je n'ai pas vu depuis le début de la session, cela ferait un total de 16 heures. Selon ce scénario, seulement 32 sénateurs pourraient commenter ce qui doit être, du point de vue du gouvernement, le grand projet global de la session. Moins du tiers des membres du Sénat pourraient donc participer au débat sur cette grande vision que le gouvernement est censé avoir des affaires du Canada.

Honorables sénateurs, il nous faut essayer de voir au-delà de cette motion qui tend à limiter le débat. Nous devrions toujours nous interroger sérieusement sur la limitation des débats quelle que soit la question à l'étude. Combien de fois les sénateurs du parti ministériel imposent-ils l'attribution de temps, qui est un moyen de limiter le débat?

L'honorable John B. Stewart: Les discours sont limités à 15 minutes. Ne l'oubliez pas.

Le sénateur Kinsella: Cette limite prouve justement qu'il faut examiner les répercussions de la limite de huit jours imposée pour le débat en réponse au discours du Trône.

Le sénateur Stewart se souviendra sans doute des paroles du grand écrivain Joseph Joubert, qui a dit ceci:

Il vaut mieux débattre d'une question sans la régler que de la régler sans l'avoir débattue.

Honorables sénateurs, la motion dont nous sommes saisis est dangereuse parce qu'en la présentant, le gouvernement actuel - et d'autres gouvernements avant lui ont peut-être, eux aussi, adopté cette mauvaise habitude - veut encore une fois empêcher la tenue d'un débat sur les véritables problèmes au Parlement. Pas plus tard qu'hier, des sénateurs qui participaient à une réunion du comité sénatorial permanent des transports et des communications ont entendu des témoins discuter de documents en circulation qui préconisaient expressément de limiter le débat au Parlement sur tout le projet de fusion des transporteurs aériens, un sujet que le comité étudie actuellement.

(1530)

Dans ces documents, des membres influents du milieu des affaires du Canada demandaient d'aborder cette question pendant l'été, pendant le congé parlementaire, de manière à ce qu'elle ne suscite pas un important débat.

Je pense que notre démocratie parlementaire, au sein d'un régime bicaméral qui a résisté à l'épreuve du temps et qui est en place depuis 131 ans, a été une extraordinaire réussite, quoi qu'en disent certains chefs de partis de l'autre endroit. On a exercé, avec beaucoup de succès, la liberté dans notre pays. Je mets tous ceux qui en doutent au défi de trouver dans le monde une région, un pays ou un régime gouvernemental où la liberté, la démocratie et les droits de la personne ont été autant respectés.

Honorables sénateurs, je crois à notre régime parlementaire et je pense que les parlementaires qui sont invités à siéger à cet endroit par Sa Majesté ainsi que les députés des 301 circonscriptions de notre pays qui ont été élus directement par la population canadienne ont, d'une manière bien particulière et bien différente, la responsabilité de tenir des débats au Parlement. L'exercice de la liberté au Canada n'exige rien de moins que cela.

Honorables sénateurs, j'estime que nous devons résister à la tentation de limiter le débat de quelque façon que ce soit, comme on tente de le faire maintenant.

Motion d'amendement

L'honorable Noël A. Kinsella, chef adjoint du l'opposition): Honorables senateurs, je propose, avec l'appui du sénateur DeWare, que la motion ne soit pas adoptée maintenant, mais qu'elle soit modifiée par la suppression du mot «huit» et son remplacement par le mot «quatorzième».

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement du sénateur Kinsella?

(Sur la motion du sénateur Hays, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'honorable Donald H. Oliver propose: Que le projet de loi S-6, Loi modifiant le Code criminel relativement au harcèlement criminel et à d'autres sujets connexes, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, j'ai tenu deux longs discours sur cette question à deux reprises au Sénat. Au cours de la session précédente, ce projet de loi était alors le projet de loi S-17 et il avait été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. J'espère que le Sénat jugera bon de le renvoyer de nouveau à ce comité pour une étude plus approfondie.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne veut prendre la parole, êtes-vous prêts à adopter la motion de deuxième lecture?

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Avant de continuer, honorables sénateurs, je voudrais demander au sénateur Oliver de nous informer davantage au sujet du précédent et de la justification de pareille pratique. Je crois savoir que c'est une pratique courante au Sénat, comme il l'a proposée. Cependant, certains sénateurs l'ont contestée. Le sénateur peut-il nous informer davantage sur ce qu'il a déterminé en consultant le Règlement et sur les précédents?

Le sénateur Oliver: Si le Sénat consent à la deuxième lecture, la question sera renvoyée au comité sénatorial permanent des affaires constitutionnelles et juridiques. J'ai une motion qui a été rédigée par le Bureau et qui se fonde sur le précédent établi au Sénat. Pour répondre directement à la question du leader adjoint, je pourrais peut-être lire la motion pour qu'il constate par lui-même la nature du précédent établi. Je vais donc le faire.

Par l'honorable sénateur Oliver, appuyé par l'honorable sénateur Di Nino,

Avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement,

Que les documents reçus et les témoignages entendus par le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au cours de son étude du projet de loi S-17, Loi modifiant le Code criminel relativement au harcèlement criminel et à d'autres sujets connexes, lors de la première session de la trente-sixième législature, soient renvoyés au comité pour la présente étude du projet de loi S-6.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne veut prendre la parole, puis-je passer à la question concernant la deuxième lecture?

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, puis-je poser une question? Je me suis absentée une minute et je voudrais reprendre le fil. Qu'est-ce que le sénateur propose au juste? Il dit qu'il donnera avis d'une motion à cet effet et qu'il la proposera ou sommes-nous déjà saisis de la motion?

Le sénateur Oliver: Je n'ai pas proposé la motion parce que le projet de loi n'a pas encore atteint l'étape de la deuxième lecture. Le sénateur Hays m'a demandé s'il y avait des précédents et quand, au Sénat, on a déjà proposé que des preuves recueillies au cours d'une session antérieure soient adoptées, et le service du greffier a rédigé une motion que je ne peux pas proposer maintenant. Au lieu d'aller montrer la motion au sénateur, je la lis, mais je ne l'ai pas encore proposée.

Le sénateur Cools: Si j'ai bien compris, le sénateur a l'intention de proposer cette motion. Il nous donne en quelque sorte avis qu'il proposera une telle motion.

Le sénateur Oliver: Il ne s'agit pas du tout d'un avis. J'ai lu la motion par déférence pour le sénateur Hays, qui m'a demandé ce que j'avais en tête.

Le sénateur Cools: Peut-être puis-je alors poser mon autre question? Quand le sénateur projette-t-il de nous saisir officiellement de cet avis?

Le sénateur Oliver: Une fois que le projet de loi pourra être lu une deuxième fois.

Le sénateur Cools: Ce n'est pas très clair. Le sénateur veut-il dire qu'il entend proposer une motion à cet effet après la deuxième lecture?

Le sénateur Oliver: C'est exact.

Le sénateur Cools: Ce serait très intéressant. Je remercie le sénateur.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne veut prendre la parole, puis-je passer à la motion de deuxième lecture?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité-Adoption de la motion d'amendement

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

L'honorable Donald H. Oliver: Je propose que le projet de loi soit renvoyé au comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous avons un petit problème découlant du fait que le comité n'a pas encore été formé. Par conséquent, puis-je ajouter les mots «lorsque le comité sera formé»?

L'honorable Anne C. Cools: Une meilleure suggestion serait d'attendre que le comité soit formé et de faire ensuite les renvois nécessaires, autrement nous nous retrouverons avec toute une série de motions qui se termineront par les mots «lorsque le comité sera formé». Il me semble que les comités seront constitués d'ici un ou deux jours, n'est-ce pas?

Le sénateur Oliver: Je veux modifier ma motion en ajoutant les mots «quand ledit comité sera formé, le cas échéant».

Son Honneur le Président: Est-on d'accord pour que la motion soit modifiée?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Oliver, appuyé par l'honorable sénateur Di Nino, propose que le projet de loi soit renvoyé au comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, quand ledit comité sera formé, le cas échéant.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion modifiée?

Des voix: D'accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Motion demandant l'autorisation d'utiliser les documents et témoignages recueillis lors de l'examen du projet de loi précédent pour l'étude du projet de loi S-6-Ajournement du débat

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement, je propose:

Que les documents reçus et les témoignages entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au cours de son étude du projet de loi S-17, Loi modifiant le Code criminel relativement au harcèlement criminel et à d'autres sujets connexes, lors de la première session de la trente-sixième législature, soient renvoyés au Comité, quand il sera formé, le cas échéant, pour la présente étude du projet de loi S-6.

(1540)

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, si je comprends bien, cette motion peut-être débattue, n'est-ce pas?

Le sénateur Oliver: Oui.

Le sénateur Cools: Le sénateur Oliver pourrait peut-être lancer le débat afin que nous comprenions bien pourquoi il propose cette motion.

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, cette motion est proposée avant tout pour faire épargner temps et argent à la population du Canada. Beaucoup de témoins ont exprimé leur opinion au sujet d'un projet de loi qui est identique à celui dont nous sommes actuellement saisis. Les témoignages ont été transcrits. Les membres du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont interrogé tous les témoins qui ont comparu devant eux. Au lieu de réinviter tous les témoins à comparaître, dont certains aux frais de l'État, pour réentendre leur témoignage, ce qui va consommer le temps du personnel et des sénateurs, j'espère que nous allons pouvoir incorporer par renvoi les témoignages qui ont été transcrits, résumés et largement diffusés pour que nous n'ayons pas à refaire le travail. C'est la principale raison de cette motion, honorables sénateurs.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je crois comprendre que cette motion sert à indiquer à un comité quoi faire. La proposition présente certaines difficultés parce que le Sénat ne connaît pas la question que l'honorable sénateur propose étant donné que, si j'ai bien compris, le comité n'a jamais fait rapport du projet de loi au Sénat. Par conséquent, le Sénat n'a jamais été saisi de la question. Donc, l'honorable sénateur nous demande de donner des directives sur un sujet dont nous n'avons pas pris connaissance. Cela me pose un problème et je ne sais pas trop comment procéder.

Si l'honorable sénateur pouvait nous apporter plus d'éléments, je serais heureuse de les examiner. Si ce n'est pas le cas, je suis prête à ajourner le débat afin que nous puissions avoir du temps pour mieux nous informer sur la question.

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, la motion n'est pas une directive pour qui que ce soit. C'est une demande adressée au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Je crois savoir que cette procédure a été utilisée à de nombreuses reprises au Sénat afin de recueillir des preuves sur...

Le sénateur Cools: Il nous est difficile de débattre d'une motion que nous n'avons pas devant nous. Vous nous l'avez lue, mais cela nous aurait aidés d'en avoir une copie devant nous. Je ne sais pas très bien de quoi nous parlons.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, puisque la question ne semble pas faire l'unanimité, peut-être le débat pourrait-il être ajourné et repris demain?

Le sénateur Oliver: Je suis conscient du fait que le comité n'a pas encore été formé. Ma motion ne s'appliquera que lorsque le comité sera formé, le cas échéant. Je ne m'attends pas à ce que la question soit transmise au comité dès demain puisqu'il n'existe pas encore. Toutefois, j'espère qu'elle ne sera pas remise indéfiniment. J'espère qu'elle pourra être transmise au comité avant que son programme ne soit chargé de mesures législatives ministérielles qui seront certainement prioritaires, afin que quelques témoins supplémentaires puissent être entendus si le comité le juge nécessaire.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je n'ai pas vu dans les observations du sénateur Cools, le signe que qui que ce soit de ce côté-ci ou elle-même souhaite retarder indûment l'adoption de cette motion. Il me semble que la motion est recevable, mais le sénateur Cools a des questions et je crois qu'elle a le droit qu'on les aborde dans le cadre d'un débat sur la motion.

Je crois comprendre que le sénateur Cools voudrait obtenir une copie écrite de la motion. En tant que leader adjoint du gouvernement, je peux dire à l'honorable sénateur Oliver que nous n'avons absolument pas l'intention de ce côté-ci de retarder indûment l'adoption de la motion.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je serais heureuse de proposer l'ajournement du débat. Je ne crois pas qu'un ajournement causerait un retard quelconque, car les comités n'ont pas encore été constitués. Je suis inquiète, car il y a un aspect inhabituel dans cette motion et je pense que le Sénat devrait l'examiner de façon approfondie.

Si l'honorable sénateur Oliver souhaite intervenir à nouveau, je n'ai rien contre, mais je suis heureuse de proposer l'ajournement du débat, appuyée par le sénateur Milne.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je traite ces observations comme des questions au sénateur Oliver, afin que nous puissions respecter le Règlement.

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, je suis tout à fait d'accord avec la suggestion de l'honorable sénateur Hays voulant que nous ajournions le débat. Cependant, je voudrais le renvoyer à un précédent parmi tant d'autres qui sont bien connus des gens qui siègent dans cette enceinte depuis plus longtemps que moi. Dans les Journaux du Sénat du 2 avril 1998, à la page 584, on dit que l'honorable sénateur Watt propose, appuyé par l'honorable sénateur Adams,

Que les documents reçus et les témoignages entendus par le comité sénatorial permanent des peuples autochtones au cours de son étude des projets de loi S-10 et S-12 (Loi prévoyant l'autonomie gouvernementale des Premières nations du Canada) lors de la trente-cinquième législature soient déférés à ce comité pour la présente étude du projet de loi S-14.

La motion a été mise aux voix et adoptée. Il y a beaucoup de précédents à ce sujet.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

(1550)

Les conséquences de l'Union monétaire européenne

Autorisation au comité des affaires étrangères d'engager du personnel

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du comité sénatorial permanent des affaires étrangères (budget-étude concernant l'Union monétaire européenne), présenté au Sénat le 2 novembre 1999.-(L'honorable sénateur Stewart).

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, je propose:

Que le Sénat approuve le deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères présenté au Sénat le 2 novembre 1999.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots sur ce rapport, tout en prévoyant ma motion sur le troisième rapport.

Vous constaterez à la lecture de l'annexe des Journaux du Sénat du 2 novembre 1999 qu'un montant de 36 000 $ avait été approuvé pour les travaux du comité des affaires étrangères sur l'Union européenne. Nous avons dépensé ce montant en entier au cours de la dernière session.

Honorables sénateurs, pour ce qui est du troisième rapport, à la page 81 des Journaux du Sénat, le budget accordé au comité au cours de la dernière session pour notre étude sur les missions de maintien de la paix ou l'OTAN était de 137 400$, et nous n'en avons utilisé que 73 000 $.

Nous demandons aujourd'hui que la portion de ce budget qui n'a pas été utilisée pour notre étude sur l'OTAN soit reportée pour la poursuite de cette étude au cours de la nouvelle session et qu'un montant supplémentaire de 10 000 $ soit également approuvé. Dans le cas du premier rapport, tous les fonds ont été utilisés et nous demandons l'octroi de 6 500 $.

En somme, il reste dans le budget de la dernière session, pour les deux études confondues, un solde de 64 400 $ environ qui n'ont pas encore été dépensés. Nous demandons maintenant, pour les deux études confondues, un montant additionnel de 1 570 $. Je traite des deux rapports ensemble parce que le travail du comité dans les deux cas est si intimement lié qu'il est nécessaire pour nous d'expliquer ces deux requêtes financières en même temps.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, je vais mettre la motion aux voix.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adopté, et le rapport est adopté.)

Affaires étrangères

La modification du mandat de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord-adoption du rapport budgétaire du comité sur l'étude

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du comité sénatorial permanent des affaires étrangères (budget-étude sur la relation du Canada avec l'OTAN et le maintien de la paix) présenté au Sénat le 2 novembre 1999.-(L'honorable sénateur Stewart).

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, je propose:

Que le Sénat adopte le troisième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères présenté au Sénat le 2 novembre 1999.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

La crise dans le secteur agricole

Étude d'une question d'urgence publique en vertu de l'article 60 du Règlement

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous sommes arrivés à la fin de l'ordre du jour. Je convoque l'honorable sénateur Gustafson.

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 61(1) du Règlement, je propose:

Que le Sénat ajourne maintenant en vue de discuter d'une question d'urgence publique, à savoir la présente crise de l'agriculture.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, je remercie Son Honneur le Président de nous avoir permis de tenir ce débat. Je me sens obligée d'y participer. Je ne fais pas partie du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je vis en milieu urbain. Je connais très peu de chose à l'agriculture, mais comme je travaille à la défense des pauvres, je sais ce que c'est que le désespoir. C'est ce que j'ai observé quand j'ai assisté à une rencontre avec des agriculteurs et des femmes d'agriculteurs de l'Alberta, du Manitoba et de la Saskatchewan il y a quelques semaines.

J'ai entendu parler de la grave crise que traversait l'agriculture, de saisies imminentes et de ses effets dévastateurs sur les familles d'agriculteurs. Ce cauchemar, honorables sénateurs, se produit dans un pays qui passe pour être celui où il fait le mieux vivre au monde.

Honorables sénateurs, je vais maintenant vous citer des témoignages pris sur le vif, des extraits de lettres que nous avons reçues de femmes d'agriculteurs, de mères, de parents et de grands-parents. La première lettre vient de Carol Nicholson:

Je vous écris pour vous exprimer mes inquiétudes de femme d'agriculteur et de mère à propos de la vie agricole. La vie sur la ferme était agréable auparavant, mais les choses ont bien changé...

Je suis mariée à mon mari, Martin, depuis 13 ans. Les premières années à la ferme n'ont pas été si mauvaises, mais les dernières années ont été dévastatrices pour nous. Mon mari a dû aller se trouver un emploi pour mettre du pain sur la table et subvenir aux besoins de la famille. Il fait aussi de l'agriculture, de sorte que la vie est vraiment pénible pour lui. Il a l'habitude de se lever à 4 heures du matin et de travailler aux champs jusqu'à 2 heures de l'après-midi, pour ensuite aller occuper son emploi afin de pourvoir aux besoins de la famille. Comme il ne pouvait se permettre de prendre congé, certains jours il devait travailler jour et nuit en prenant seulement une heure ou deux de sommeil. Certaines nuits, j'entendais pleurer et je savais que c'était mon mari parce qu'il ne pouvait tout simplement pas joindre les deux bouts même en travaillant ainsi d'arrache-pied. Il souhaite simplement que ses enfants aient les mêmes choses que les autres enfants. Sa santé se détériore, il a perdu beaucoup de poids, il s'est replié sur lui-même, il essaye tout ce qu'il peut pour essayer de sortir de l'impasse. Je ne l'en aime que plus, mais c'est mon mari que je veux, pas une bombe à retardement.

(1600)

Je suis dans un état dépressif grave à cause des appels téléphoniques et du harcèlement. En 1997, j'ai perdu un bébé et j'essaye de faire face à ces autres problèmes: préserver ma famille et essayer d'aider mon mari et mes enfants à survivre. Il a fallu que moi aussi je prenne un emploi à l'extérieur et maintenant je dois laisser mes enfants de 1, 10 et 11 ans sans mère. C'est très dur et je pleure tous les jours où je dois les laisser, je me demande comment ils vont et s'ils ont besoin de moi...

Ma fille Amanda a des problèmes à l'école, elle a du mal à s'ajuster à son environnement. Elle entend les appels des agents de recouvrement et elle se demande si on va s'en sortir ou non. Elle se dit malade pour pouvoir rester avec ses parents qui lui manquent. À l'école on se moque d'elle parce qu'elle ne porte pas de beaux habits et qu'elle n'a pas les mêmes chose que les autres enfants.

Mon fils Tyler est suivi par un thérapeute parce qu'il sait que les temps sont durs et qu'il se fait du souci pour nous. Lui aussi prétend être malade pour rester auprès de nous. Très souvent, la nuit, il dort au pied de notre lit. Quand on lui demande pourquoi, il répond qu'il veut voir son père.

Joshua, le bébé, est petit, mais il ressent la tension qui règne dans la maison et lui non plus ne voit pas ses parents souvent. Il est avec l'un ou l'autre. Il pleure quand je pars travailler et il essaye de ne pas me quitter des yeux. C'est terrible pour un enfant d'avoir à endurer ça.

La vie n'est pas facile à la ferme et j'espère de tout mon coeur que nous allons recevoir de l'aide très bientôt. Mon mari et moi, nous ne nous voyons jamais, ce qui n'est pas sain pour notre mariage. Il travaille de 15 heures à minuit. Je travaille de 7 heures à 15 heures. Je travaille également le week-end. Mon mari habille le bébé et me l'apporte au travail avant d'aller à son travail. Qui est la victime? Le bébé qu'on trimbale d'un endroit à l'autre dans le froid et qu'il faut réveiller de sa sieste.

Puis, les agents de recouvrement nous harcèlent au téléphone. Compte tenu du prix des céréales, qui peut se permettre de vendre? Ce n'est pas les petits montants de ces ventes qui permettront de régler les factures... Nous sommes tous mal pris. Est-ce que quelqu'un nous écoute? Qu'arrive-t-il à nos fermes familiales? Nos enfants souffrent. Ils ne peuvent pas participer aux activités parascolaires avec les autres, parce que nous n'en avons pas les moyens. Noël et les anniversaires sont des journées tristes pour les enfants et leurs parents se sentent toujours coupables parce qu'ils ne peuvent rien leur donner. Nous avions un fonds pour les études quand les choses allaient bien, mais nous avons dû utiliser l'argent pour régler les factures. Maintenant, les enfants demandent à fréquenter le collège... Je ne sais quoi leur répondre.

J'en aurais encore beaucoup à dire sur la vie à la ferme actuellement, car je ne fais que commencer. En terminant, je vous supplie de venir en aide aux familles de la communauté agricole qui souffrent. Aidez les enfants qui vivent sur des fermes. Je voudrais voir encore mes enfants sourire, rire et être libres de stress. La vie irait bien mieux si le gouvernement ouvrait simplement les yeux et prenait conscience du fait qu'il y a des problèmes de taille et que des enfants en souffrent également.

Voici un autre extrait, honorables sénateurs:

Il faut d'abord que je mentionne que je dois composer le numéro d'urgence concernant la crise agricole (ligne 1-800) pour faire envoyer ce fax puisque je n'ai plus accès au service d'appels interurbains à cause de factures impayées. Pendant la récolte, nous avons dû faire de nombreux appels pour obtenir des pièces et des réparations. Pour cela, nous avons emprunté un téléphone cellulaire. Le 10 octobre, nous avons dû appeler le médecin pour une urgence. Comme il n'y a pas de médecin dans notre localité, nous avons dû faire un interurbain. Nous ne pouvions même pas appeler une opératrice. Ma mère est décédée en juillet et, à moins qu'ils m'appellent, je ne pouvais même plus communiquer avec ma famille ou avec mon père pour avoir du réconfort.

Nous exploitons une ferme familiale depuis 26 ans. Il s'agit d'une ferme mixte de 2 500 acres et d'une entreprise de conditionnement des semences à valeur ajoutée. Pendant 17 ans, mon mari et moi avons travaillé à l'extérieur pour financer la ferme. Comme nous étions au travail tous les deux, nous avons dû embaucher de l'aide à la ferme. Tout l'argent que gagnions allait à l'employé et, quand celui-ci est parti au bout de quatre ans, nous avons dû assumer tout le travail à la ferme et à l'extérieur.

Il a été difficile de garder l'électricité, depuis un an. C'est de la Saskatchewan Power Corporation que nous avons reçu le plus régulièrement des appels de recouvrement. On trouve bien peu de compassion lorsqu'on est forcé d'étaler ses misères devant un employé d'une grande société comme celle-là. Comme toujours, j'ai cultivé un grand potager. J'ai passé l'été et l'automne à y travailler et à désherber, j'ai congelé et mis en conserve les produits. Mes deux congélateurs sont pleins à ras bord de légumes et de fruits. Je suis fière et satisfaite de produire de quoi nourrir ma famille toute une année. Lorsque j'ai reçu une lettre de la société me disant que le service allait être coupé sans autre avis si le paiement ne lui parvenait pas, j'ai pris conscience que tout mon travail, tous mes fruits et légumes, risquaient de se perdre parce que l'électricité serait coupée. Je n'arrive pas à croire qu'on puisse me forcer à me rendre dans une ville et à faire appel à une banque d'alimentation tandis que les ressources que j'ai seront détruites.

Il y a vraiment quelque chose qui cloche lorsque ceux qui produisent de quoi nourrir notre pays se retrouvent complètement démunis. Je cuisine tout ce qu'il nous faut pour les repas, les lunchs, etc., mais que se passe-t-il lorsque nous manquons de sucre, de poudre à pâte, de margarine, d'huile? Que se passe-t-il quand nous manquons de lessive, de shampoing, de papier de toilette (nous n'achetons plus de papiers-mouchoirs). Il y a des choses qu'on ne peut pas produire soi-même. Nous risquons de devenir végétariens, parce que nous n'avons pas les moyens de payer l'abattoir pour faire abattre notre boeuf.

Voici ce qu'écrit une autre dame:

Chaque année, nous voyons notre collectivité lutter pour survivre. Chaque année, elle devient plus petite. Nous n'avons plus les moyens de réparer l'église. Notre centre communautaire nous demande plus de temps et de dons de nourriture parce que le nombre de membres continue de diminuer. Lorsque je vais me promener, je ne vois jamais rien de nouveau, de rafraîchissant, rien qui donne espoir. Je ne vois que des choses qui se détériorent, se rapetissent ou meurent. Dans notre collectivité, les bébés sont très rares. Les agriculteurs ont tous entre 45 et 85 ans.

Je me demande pourquoi nous en sommes là. Je vois la bonne humeur et la santé de mon mari constamment mises à l'épreuve. Mes enfants doivent faire tous leurs efforts pour concilier leur emploi, les études et les activités parascolaires. J'écoute ma vieille mère se plaindre parce qu'il me manque de temps pour aller lui rendre visite.

Je suis pourtant toujours prête lorsqu'il s'agit de servir le goûter après des funérailles, aux bonspiel et aux mariages. Je suis celle qui est là lorsqu'on a besoin d'aide à cause d'une opération, d'un accident ou d'un décès. Je peux écouter mes enfants lorsqu'ils me parlent des tracas de la journée, même si c'est dans la cabine du tracteur, lorsqu'ils m'apportent un sandwich.

Mais il y a une chose qu'il faut que je sache: si le Canada ne veut pas de moi comme agricultrice, où devrais-je donc aller? Et surtout, si des milliers d'autres personnes, tout comme moi, doivent abandonner leur exploitation agricole, où irons-nous tous? Y a-t-il assez d'emplois pour nous tous? La production alimentaire sera-t-elle suffisante sans nous? Les terres seront-elles cultivées de manière à produire encore assez d'aliments pour mes petits-enfants et leurs enfants?

Cette lettre vient de Judy.

En voici une autre:

Nous avons tenté de diversifier nos cultures, mais tout nécessite plus d'argent. Nous avons également songé à tout vendre, mais qui serait assez fou pour acheter des terres? Et si quelqu'un en achetait, après avoir payé tous les créanciers, il ne lui resterait pas grand-chose. Nous sommes trop jeunes pour la retraite, et trop âgés pour entreprendre une nouvelle carrière. Quel brillant avenir à laisser à nos fils!

Nous avons retiré tout l'argent de nos REER et du programme CSRN. Tout ce qu'il nous reste, c'est notre assurance-vie. Avez-vous remarqué combien d'agriculteurs se sont suicidés ces deux dernières années?

Nous étions fiers d'être agriculteurs, mais nous sommes maintenant réduits à l'état de mendiants. Peut-être que si nous nous installions dans un pays du tiers monde, le gouvernement canadien jugerait bon de nous aider. Il semble trouver de l'argent à l'infini pour intervenir dans les catastrophes qui surviennent à l'étranger. Pourtant, il fait la sourde oreille devant la catastrophe qui a lieu au Canada même. Pourquoi devrions-nous nourrir d'autres habitants de la planète et être obligés de crever de faim?

Nous ne sommes pas responsables de cette horrible situation. Elle découle directement de circonstances indépendantes de notre volonté. Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de comprendre et ne reconnaît-il pas l'ampleur de nos besoins? Nous prions pour que des mesures soient prises bientôt. Sinon, les files d'attente devant les centres d'assurance-chômage et les banques d'alimentation continueront de s'allonger.

Veuillez entendre nos supplications avant qu'il ne soit trop tard!

Honorables sénateurs, j'ai terminé mon plaidoyer.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis très heureux de pouvoir discuter et débattre de la question. Comme c'est une réelle source de préoccupation, je remercie le sénateur de nous donner l'occasion d'en parler.

Je vais commencer par essayer d'équilibrer un peu le débat que nous allons entendre aujourd'hui. Je félicite mon collègue du Cabinet, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, de son intérêt et de son engagement à l'égard d'une démarche nationale mixte à adopter en réaction aux problèmes financiers qui assaillent certes les agriculteurs, en particulier dans les provinces des Prairies.

Je dirai que ces problèmes assaillent «certains agriculteurs» car - et je m'empresse de l'ajouter - le secteur agricole demeure dans l'ensemble très fort et robuste. En général, les revenus sont très près des tendances à long terme et les exportations de produits agroalimentaires sont à la hausse.

(1610)

Nous avons exporté l'an dernier plus de 22 milliards de dollars de produits agricoles et alimentaires. C'est presque 1 p. 100 de plus que le record établi en 1997, et cela, en dépit du ralentissement économique.

Pris séparément, les défis que les agriculteurs ont eu à relever au cours de la dernière année ne sont pas uniques. Les cours des produits de base, les coûts, les marchés internationaux, l'économie et les conditions atmosphériques fluctueront toujours, parfois à l'extrême. Cette fois-ci, toutefois, nos agriculteurs ont dû affronter des combinaisons particulièrement difficiles: des prix faibles pour leurs produits et des coûts de production élevés; une diminution de la demande des principaux marchés et une hausse de l'offre mondiale de produits clés; des conditions atmosphériques moins qu'idéales et des inondations ou des sécheresses.

Sous la direction du gouvernement fédéral, les représentants des gouvernements et des agriculteurs ont cherché ensemble une solution à un problème qui est d'autant plus délicat qu'il n'est pas uniforme dans tout le pays. La nature et l'intensité de celui-ci varient selon les régions et les produits cultivés. Trouver une solution universelle devient donc presque un casse-tête. Des mesures ont néanmoins été prises à cet égard.

Le ministre de l'Agriculture a travaillé en étroite collaboration avec les provinces et les territoires afin d'améliorer le programme de protection du revenu agricole dans lequel les deux ordres de gouvernement investiront, ensemble, pas moins d'un milliard de dollars par année. Le gouvernement a jeté les bases des réformes à long terme qui permettront d'améliorer, avec le temps, la capacité des producteurs de s'adapter à la crise du revenu, et qui nous aideront aussi à faire face efficacement aux futures crises.

En juillet dernier, par exemple, le ministre de l'Agriculture et ses homologues des provinces et territoires ont commencé à décortiquer un certain nombre de problèmes concernant l'élaboration d'un programme d'aide à plus long terme en cas de catastrophe liée au revenu agricole. Dans le cadre des discussions, on a souligné la nécessité de veiller à ce que le programme à long terme fonctionne efficacement avec le CSRN, l'assurance-récolte et les programmes complémentaires particuliers à chaque province qui forment le système de protection du revenu agricole.

En août et en septembre, à l'occasion de rencontres réunissant des pays exportateurs de denrées agricoles, le ministre de l'Agriculture a aussi entrepris un combat afin que le système commercial international génère des revenus supérieurs pour les agriculteurs canadiens. Il s'agit de la bataille proverbiale pour des règles du jeu équitables. Le ministre a présenté la position de négociation du Canada pour la prochaine réunion de l'Organisation mondiale du commerce. Fort de l'appui du gouvernement et de l'industrie, il a réclamé l'abolition des subventions à l'exportation, une réduction des mesures nationales de soutien à l'agriculture qui ont un effet de distorsion commerciale et une accessibilité accrue des agriculteurs canadiens à davantage de marchés.

Ces mesures sont des éléments importants de la stratégie globale visant à améliorer les revenus des producteurs. Entre temps, honorables sénateurs, le gouvernement a aussi mis en oeuvre des mesures pour accroître les revenus, pour faciliter l'accès à une assurance-récolte plus complète, pour accélérer l'accès aux prêts et à l'épargne et pour accroître les liquidités au moment opportun.

Pour atténuer les répercussions d'une baisse des revenus, le gouvernement du Canada a élaboré, en consultation avec les producteurs et les provinces, le Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole, aussi appelé ACRA, programme de 1,5 milliard de dollars. Le gouvernement fédéral fournit 60 p. 100 du financement, et les provinces, les 40 p. 100 qui restent. Cela représente 900 millions de dollars, honorables sénateurs. Il s'agit d'un programme de deux ans à l'intention des agriculteurs qui sont aux prises avec des baisses de revenus critiques.

Le gouvernement du Canada a aussi respecté un engagement du ministre, celui de fournir aux agriculteurs des paiements provisoires dans le cadre de l'ACRA; autrement dit, les agriculteurs peuvent avoir accès plus rapidement aux fonds dont ils ont besoin, au lieu de devoir attendre que tous les calculs soient faits à la fin de 1999, année pour laquelle la demande est présentée.

Agriculture et Agroalimentaire Canada a mis au point une formule de calcul rapide pour aider les agriculteurs à évaluer le paiement auquel ils ont droit. Les producteurs peuvent toucher, à titre de paiement provisoire, 60 p. 100 de leur plein montant estimatif au titre de l'ACRA pour 1999. Les producteurs des quatre provinces où le gouvernement fédéral se charge de la gestion du programme, soit la Saskatchewan, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, touchent plus rapidement leur argent.

Honorables sénateurs, nous facilitons également l'accès au CSRN. Nous avons considérablement assoupli les règles relatives aux retraits des comptes de stabilisation du revenu net et aux dépôts dans ces derniers. En conséquence, 41 000 agriculteurs supplémentaires ont accès plus rapidement à davantage de fonds. À la fin du mois de juin, par suite des consultations auprès des provinces, le ministre a annoncé des modifications au CSRN qui mettent 117 millions de dollars de plus à la disposition des agriculteurs. Les retraits des CSRN et les paiements au titre de l'ACRA devraient, selon les prévisions, ralentir de façon appréciable la baisse des revenus dans les Prairies en général et en Saskatchewan en particulier. Le ministre de l'Agriculture s'attend à ce que le plein montant de 1,5 milliard de dollar affecté au programme ACRA soit versé pour 1998 et 1999.

En outre, plus de 105 000 agriculteurs d'un bout à l'autre du pays disposent de presque 1,2 milliard de dollars dans leurs comptes de stabilisation du revenu net, desquels ils peuvent faire des retraits dès maintenant. C'est à cela qu'ils servent. Près de 26 000 agriculteurs l'ont déjà fait à hauteur de plus de 274 millions de dollars pour pouvoir traverser cette période difficile. En Saskatchewan seulement, à la fin du mois d'octobre, quelque 13 000 producteurs ont puisé dans leurs CSRN et retiré plus de 119 millions de dollars. Ce sont des montants substantiels qui peuvent aider un grand nombre de familles d'agriculteurs à se remettre sur pied.

Une foule d'entre vous se rendent sûrement compte de la gravité des difficultés que connaissent les agriculteurs et leur famille qui ont été touchés par les inondations et la sécheresse, et compatissent sans doute à leur sort. Reconnaissant le problème, le gouvernement du Canada a travaillé de concert avec la province de la Saskatchewan pour améliorer le régime d'assurance-récolte sur lequel compte tant d'agriculteurs. Pour atténuer les difficultés des producteurs, il a assoupli les règles du régime d'assurance-récolte, haussé les prestations, accéléré le traitement des demandes et facilité l'accès au régime. De nouvelles mesures ont été annoncées cet été, et les agriculteurs de la Saskatchewan ont touché jusqu'à 25 $ l'acre d'assurance-récolte supplémentaire sur la superficie non ensemencée, en sus des 25 $ l'acre déjà prévus pour la superficie non ensemencée en vertu du régime d'assurance-récolte de base. Un autre supplément de 25 $ l'acre a été accordé aux agriculteurs de la Saskatchewan et du Manitoba qui n'ont pu semer ce printemps. Cette aide est fournie à titre de paiement provisoire dans le cadre du programme ACRA.

Le gouvernement fédéral a aussi pris des mesures afin d'aider les agriculteurs à gérer leur revenu en veillant à ce qu'ils aient des liquidités le plus tôt possible après la saison de croissance. Des garanties d'emprunt plus solides ont été mises en place, ce qui fait qu'il est plus facile pour les agriculteurs de recourir au programme fédéral de paiement anticipé des récoltes sans intérêt. Comme les honorables sénateurs le savent sans doute, ce programme permet aux agriculteurs d'être payés pour leurs récoltes avant que celles-ci ne soient livrées. Durant la campagne agricole de 1998-1999, près de 38 000 agriculteurs ont reçu des paiements anticipés représentant au total 798 millions de dollars - à noter que les paiements anticipés inférieurs à 50 000 $ sont sans intérêt.

Je cite ces chiffres pour essayer d'équilibrer le débat, non pas pour nier les graves problèmes auxquels font face les agriculteurs. Le secteur agricole connaît de graves problèmes, on ne peut le nier. Conjugués, les facteurs que j'ai mentionnés - faibles prix des produits de base et le fait que les règles ne soit pas égales - ont mis ce secteur de notre économie dans une situation très difficile.

(1620)

C'est pourquoi, même au moment où nous parlons, de sérieux entretiens ont lieu entre les représentants fédéraux et provinciaux. Pas plus tard que la semaine dernière, le premier ministre s'est entretenu avec les premiers ministres de la Saskatchewan et du Manitoba à ce sujet. Le ministre fédéral de l'Agriculture, M. Vanclief, est en contact permanent avec ses homologues provinciaux. La situation est grave et le gouvernement la traite en conséquence.

Honorables sénateurs, personne ne sous-estime les besoins qui existent dans le secteur agricole. C'est pourquoi le gouvernement fédéral étudie les changements à apporter au programme ACRA pour faire en sorte qu'un plus grand nombre d'agriculteurs disposent de plus d'argent plus rapidement. Cela dit, je vous demande de me pardonner ce léger écart. Il faut se rappeler que le gouvernement fédéral et les provinces se partagent la responsabilité de la situation agricole et du secteur agricole. La solution au problème ne réside pas dans l'adoption d'une mesure unilatérale par le gouvernement fédéral. Par exemple, selon des informations récentes venant de la province d'origine du sénateur Gustafson, les sommes consacrées au soutien de l'agriculture en Saskatchewan par l'administration provinciale ont connu une chute très draconienne depuis le début des années 90.

Hier, le vérificateur provincial de la Saskatchewan, Wayne Strelioff, a annoncé que les sommes consacrées aux programmes agricoles par la province de Saskatchewan ont diminué de plus de 70 p. 100 depuis 1991-1992. À cette époque, les sommes consacrées par la province aux programmes agricoles en Saskatchewan s'établissaient à 1,2 milliard de dollars. En 1997-1998, elles étaient de 251 millions de dollars. On est donc passé de 1,2 milliard de dollars à 251 millions de dollars. Cette situation est attribuable à un gouvernement dont le premier ministre s'est présenté ici, a demandé 1,3 milliard de dollars et s'est mis à crier au scandale lorsqu'il a dû rentrer chez lui sans un chèque.

En 1998-1999, les dépenses ont augmenté légèrement et sont passées à 323 millions de dollars. Ce montant correspond toujours à une réduction de 73 p. 100 des dépenses. Mais ce premier ministre peut se présenter dans la capitale, exiger que le gouvernement du Canada lui verse immédiatement 1,3 milliard de dollars et repartir ensuite en criant au scandale, sans même évoquer le moindrement le bilan de son propre gouvernement. C'est un problème fédéral-provincial. Il doit être réglé par les deux ordres de gouvernement.

M. Ken Krawetz, porte-parole des finances de l'opposition officielle en Saskatchewan, attribue la présente crise du revenu agricole au gouvernement provincial. Lorsque le vérificateur provincial a fait état des coupes effectuées par le gouvernement provincial, il a déclaré:

C'est la raison pour laquelle notre économie agricole vit les problèmes qu'elle connaît à l'heure actuelle.

Honorables sénateurs, ce qui se produit au niveau du gouvernement provincial de la Saskatchewan fait ressortir la nécessité d'une intervention fédérale-provinciale face à cette sérieuse situation. Il ne s'agit pas d'un cas où on peut chercher à tirer un avantage partisan. Ce problème revêt trop d'importance pour le pays. Le défi à relever est trop grand. Le problème auquel font face les agriculteurs des Prairies n'est pas imaginaire; il est réel. Il n'a pas vu le jour hier et il ne sera pas résolu demain. Le problème et le défi devant lesquels se trouvent les agriculteurs des Prairies exigent une démarche à plusieurs niveaux, une démarche réfléchie. À mon avis, nous devrions demander à toutes les parties intéressées et à tous les ordres de gouvernement de collaborer à la mise en place d'une solution judicieuse et à long terme.

J'ai évoqué les efforts consentis jusqu'à maintenant par le gouvernement. J'espère avoir donné l'assurance que le ministre de l'Agriculture et le gouvernement continuent à manifester de l'intérêt à l'égard de ce secteur très important et qu'ils consentiront de nouveaux efforts dans un proche avenir.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: J'ai souvent parlé au Sénat de la situation agricole en Saskatchewan. J'aborderai quelques points qui revêtent pour moi une importance particulière. Je ne sais pas si je suis chanceuse ou non de prendre la parole après le sénateur Boudreau, car j'aimerais réfuter bon nombre des déclarations qu'il a faites. Toutefois, je suis convaincue que mes collègues s'y arrêteront plus expressément.

Honorables sénateurs, l'existence d'une crise dans le domaine agricole ne fait aucun doute. Il est incontestable que l'agriculture est en crise depuis longtemps. Il est certain aussi que les gouvernements, provinciaux et fédéral, interviennent de temps à autre pour aider les agriculteurs. La différence, aujourd'hui, ce n'est pas que nous n'avons pas de solution à long terme, c'est que le gouvernement fédéral ne se rend pas compte que la situation en Saskatchewan et au Manitoba, dans les Prairies en général, n'est pas la même qu'ailleurs au Canada.

Le sénateur Boudreau a présenté de façon convaincante les programmes qui existent dans le domaine agricole. Cependant, ce sont des programmes où les critères sont les mêmes pour tous. Si nous nous occupions de l'exploitation forestière et des pêches de la même manière que nous le faisons pour l'agriculture, nous serions beaucoup plus pauvres aujourd'hui. Nous savons qu'il existe des différences entre les régions canadiennes. Nous savons que les conditions climatiques varient d'une région à l'autre. Nous ne croyons pas qu'un programme ACRA unique est adapté à tous les besoins. Je dirais même que, à mon avis, tous les faits et tous les chiffres cités par le sénateur Boudreau sont exacts. Je n'ai aucune raison de douter de ses chiffres.

J'ai cependant exposé le dilemme à maintes reprises au Sénat. Ces chiffres s'appliquent à l'ensemble du Canada, mais il faut parler de la situation en Saskatchewan. Si le premier ministre se donnait seulement la peine de venir en Saskatchewan, il entendrait les doléances des agriculteurs à propos de l'impact de la crise, et aussi celles des citadins, parce que la crise se fait maintenant également sentir dans les villes. Elle touche les enseignants, les médecins, les avocats, les pompistes et les serveuses. Même sans voir les chiffres, tout le monde se rend bien compte que les agriculteurs sont dans une situation extrêmement grave.

Il y a un an, les agriculteurs étaient en difficulté. C'est une situation de longue durée liée aux hauts et aux bas de la situation internationale, donc, aux exportations. Cependant, pour une raison ou une autre, les agriculteurs se retrouvent cette fois-ci dans une situation extrêmement grave.

Une délégation provinciale est venue à Ottawa pour réclamer de l'aide. Peut-être ces gens auraient-ils pu faire plus, peut-être auraient-ils dû faire plus. Ils comprennent maintenant la gravité du problème et la nécessité d'y remédier immédiatement. Ils attendaient et espéraient une réponse quelconque du gouvernement fédéral. Quelle a été cette réponse? «Rentrez chez vous, nous allons réexaminer les chiffres encore une fois.» Il n'y avait pas cette volonté de travailler ensemble, cette volonté de regarder la Saskatchewan et le Manitoba d'un oeil différent. Nous pouvons étudier les chiffres pour trouver des solutions à long terme. Ces études et ces chiffres aideront peut-être les agriculteurs qui survivent, mais beaucoup ne survivent pas.

Le sénateur Cohen a lu certaines lettres envoyées aux parlementaires. Nous recevons tous des lettres désespérées. Nous recevons tous des appels téléphoniques d'agriculteurs qui, bientôt, ne seront plus là - qui ne peuvent pas attendre d'autres chiffres.

Honorables sénateurs, les problèmes en Saskatchewan ne découlent pas seulement des questions agricoles internationales. Ils viennent en grande partie du fait que l'agriculture et les questions agricoles propres à la Saskatchewan sont au bas de la liste de priorités des questions agricoles. Il n'existe pas à ce jour une politique agricole nationale qui tienne compte des variations et des variables propres aux diverses régions. Nous n'osons pas élaborer une stratégie nationale. Nous nous préoccupons toujours des problèmes propres aux agriculteurs du Québec et de l'Ontario. Nous savons que la Saskatchewan et le Manitoba ont d'autres problèmes, sans parler des problèmes des producteurs de fruits de la Colombie-Britannique et des agriculteurs du Canada atlantique.

(1630)

Nous imputons tous nos problèmes à la situation internationale. Nous pouvons parler de l'élimination des subventions et poursuivre activement une stratégie, sous la direction de M. Marchi, pour amener les États-Unis et l'Europe à éliminer leurs subventions. Le fait est qu'ils ne l'ont pas fait dans le passé et qu'ils ne le feront pas maintenant. En fait, ils les augmenteront. Ils maximiseront les avantages pour leurs agriculteurs. Pourtant, nous revenons sans cesse à la même stratégie. Nous n'avons rien fait de nouveau, de novateur ou de différent. Nos leaders fédéraux doivent formuler une stratégie, comme ils l'ont fait avec le groupe de Cairns il y a un certain nombre d'années. Cela nous a permis de réaliser des gains, et nous en retirons encore les avantages dans les structures commerciales mondiales.

Où est la nouvelle pensée novatrice? Allons-nous simplement demander de nouveau que les subventions soient éliminées? On nous dira simplement d'éliminer nos subventions, et nous répondrons: «Faites-le d'abord.» Si nous n'avons pas de stratégie, nous serons à la remorque des Américains et des Européens.

Rien dans le discours du gouvernement fédéral ne me laisse espérer qu'il a compris qu'il faut aborder la question sous un nouvel angle. Nous en avons eu un exemple frappant avec la mesure législative concernant la Commission canadienne du blé. Nous avons laissé au conseil d'administration de la Commission canadienne du blé le soin de régler les problèmes des agriculteurs canadiens et de l'ouest du Canada au lieu d'élaborer des programmes de soutien légitimes à l'intention des agriculteurs. Par exemple, quelle est notre politique de commercialisation des céréales?

Le problème, c'est que le gouvernement fédéral ne comprend pas qu'il doit faire preuve de créativité et tenter de trouver de nouvelles solutions à la crise de l'agriculture dans l'Ouest. Les premiers ministres provinciaux n'ont pas toujours, eux non plus, compris le message. Il a fallu des élections pour en réveiller quelques-uns et leur faire comprendre que nous ne sommes pas aux prises avec un problème permanent auquel il faut trouver une solution à long terme. Nous sommes en pleine crise.

Les ministres Goodale et Vanclief soutiennent encore qu'il est possible de régler le problème avec les programmes existants. Pendant qu'ils tentent de prouver leur point, les agriculteurs font faillite. Il ne nous restera plus que de grandes sociétés agricoles. Le gouvernement doit jouer franc-jeu. Veut-il que l'agriculture continue d'être un mode de vie exemplaire qui assure la production des denrées qui nous sont nécessaires? Nous pouvons continuer à manipuler les chiffres, il reste que les agriculteurs de la Saskatchewan sont plus nombreux que jamais à abandonner leurs terres. Les familles subissent des pressions sans précédent. Nous ne serons pas en mesure de soutenir l'agriculture en Saskatchewan si nous poursuivons sur cette lancée.

Honorables sénateurs, le temps imparti est écoulé. Des discours ont été entendus dans les deux Chambres. Tous les partis autres que celui du gouvernement reconnaissent que le débat a été suffisamment long et qu'il convient à présent de prendre un engagement concret. Si le premier ministre, ou son ministre de l'Agriculture, avait accordé une aide d'urgence aux agriculteurs de la Saskatchewan, qui représentent 3,2 pour cent de la population, il leur aurait donné une marque de reconnaissance.

Aujourd'hui, nous comptons les votes. La Saskatchewan et le Manitoba n'auront pas la majorité. Ils ne l'emporteront que lorsque cette majorité aura compris que la minorité en Saskatchewan a des difficultés et qu'elle devrait faire l'objet d'un programme bien ciblé; elle n'a que faire de promesses vagues.

Il n'est pas dans notre intérêt de reprocher cette situation aux provinces. Ces dernières seront amenées à assumer leur part de tout programme qui sera conduit et elles ont déjà indiqué leur accord. Le gouvernement fédéral semble rejeter ses responsabilités sur les autres et il n'a rien proposé de constructif à ce jour.

Le leader du gouvernement au Sénat a redit que le gouvernement étudierait les chiffres avancés et qu'il poursuivait ses travaux dans des comités réunissant des représentants des provinces et de la collectivité agricole. Le gouvernement fédéral est le seul à soutenir que le programme en vigueur donne de bons résultats. Tous les organismes agricoles, les gouvernements provinciaux et surtout les agriculteurs affirment le contraire.

Honorables sénateurs, que va-t-il falloir pour que le gouvernement vienne en aide à ceux qui veulent continuer d'assurer l'approvisionnement alimentaire et pour que la Saskatchewan et le Manitoba continuent de faire partie de la mosaïque canadienne?

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur Gustafson d'avoir lancé ce débat d'urgence sur cette importante question. Je remercie les sénateurs Spivak, Andreychuk, Gustafson, Tkachuk et Sparrow qui, durant le printemps et l'automne, ont souvent posé des questions au gouvernement sur les problèmes que connaît le secteur agricole, surtout en Saskatchewan et au Manitoba.

Honorables sénateurs, il est important de savoir que, quand le gouvernement fédéral travaille avec les provinces, les associations agricoles, les agriculteurs et les producteurs à la préparation d'un plan, et que le plan ne fonctionne pas, il ne faut pas en faire porter tout le blâme au gouvernement, ce qui est trop souvent le cas.

Le Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole ne fonctionne pas dans sa forme actuelle. Cependant, ce n'est pas un programme mis en 9uvre uniquement par le gouvernement fédéral. C'est un programme fédéral auquel les provinces participent. Les provinces étaient fières d'annoncer ce programme avec le gouvernement fédéral. Elles croyaient qu'il aiderait les producteurs agricoles en difficulté dans l'ensemble du pays. Hélas, cela n'a pas été le cas. Lorsque le gouvernement fédéral dit qu'il doit examiner les critères, étudier le programme et trouver des moyens de le faire fonctionner, nous devons y voir quelque chose de valable. Quand le gouvernement fédéral fait remarquer qu'il n'est pas le seul intervenant en cause et qu'il ne peut proposer un programme que les autres parties qui collaborent au programme original n'approuvent pas, nous ne pouvons pas agir. Ce n'est pas un problème qui dépend uniquement du gouvernement fédéral. Puisque l'ACRA est un programme à 60/40, cela signifie que les provinces doivent absorber 40 p.100 des coûts.

(1640)

L'un des plus importants problèmes auxquels les agriculteurs du sud-ouest du Manitoba et d'une grande partie de la Saskatchewan ont fait face a été l'inondation. Le premier ministre Romanow et M. Vanclief, le ministre fédéral de l'Agriculture, en sont venus à une entente. Ils se sont entendus sur un montant supplémentaire de 50$ par acre de terrain non ensemmencé.

Que s'est-il passé dans ma province? Le premier ministre, devant se présenter aux urnes, a décidé de ne pas signer cette entente. Le gouvernement fédéral ne pouvait aller de l'avant sans la participation de la province puisque le programme d'assurance-récolte est un programme conjoint. Ce n'est pas un programme fédéral unilatéral.

Je ne crois pas que M. Doer, le nouveau premier ministre du Manitoba, ait déjà signé l'entente. Mais je pourrais me tromper. Cela signifie donc que les agriculteurs du Manitoba qui auraient pu obtenir de l'aide et de l'encouragement grâce à cette indemnité de non ensemencement n'ont toujours rien reçu.

Il est important de savoir exactement pourquoi l'ACRA ne fonctionne pas. Clairement, les critères fixés par tous les partenaires n'étaient pas les bons. Était-ce voulu? Y a-t-il eu une tentative délibérée de mettre en place un programme qui ne fonctionnerait pas? Non, je ne le crois pas. Je pense que le sénateur Andreychuk a raison, il aurait fallu être particulièrement sensible aux problèmes de la Saskatchewan et du Manitoba. Malheureusement, les gens sur le terrain dans ces deux provinces ont trouvé que le programme était formidable au début. Ils ont embarqué immédiatement. Voyons pourquoi le programme n'a pas donné les résultats escomptés.

Les sénateurs Spivak et Andreychuk ont porté à mon attention le fait que les agriculteurs étaient obligés de s'adresser à un comptable qu'ils payaient 400, 500 ou 600 $ pour qu'il remplisse les formulaires. Clairement, c'est la première erreur. Si les formulaires était tellement compliqués, nous aurions dû fournir aux agriculteurs l'aide nécessaire pour les remplir. Nous ne l'avons pas fait. Il est malheureux que nous ayons manqué cette occasion, justement au début des vacances universitaires, d'engager et de former de jeunes étudiants en comptabilité pour aider les agriculteurs à remplir ces formulaires. Nous ne l'avons pas fait. Le sénateur Sparrow a fait remarquer que, pour un certain programme, les formulaires ne rentraient même pas dans les enveloppes qui étaient fournies. C'était peut-être un programme différent, mais nous n'avons pas réagi aussi rapidement à ce genre de détails que nous aurions dû le faire.

Que s'est-il passé? Sur un programme de 1,5 milliard de dollars, dont 900 millions du gouvernement fédéral, selon mes plus récents chiffres, seulement 236 millions ont été dépensés.

Le sénateur Gustafson: L'argent est également allé aux mauvaises personnes.

Le sénateur Carstairs: Où va le reste de l'argent?

Le sénateur Spivak: Aux mauvaises personnes.

Le sénateur Carstairs: Pourquoi ces agriculteurs dans le besoin ne sont-ils pas admissibles à ces fonds? Comment pouvons-nous faire en sorte qu'ils reçoivent cet argent? Avant que nous ne commencions à parler de nouveaux fonds, nous devons nous assurer que les agriculteurs de la Saskatchewan et du Manitoba reçoivent l'argent déjà engagé. Je suis entièrement convaincue que le ministre Vanclief travaille d'arrache-pied, justement pour trouver rapidement le moyen de remettre le reste de cet argent aux agriculteurs de la Saskatchewan et du Manitoba.

Regardons la réalité en face. Les prix des produits sont désastreux pour les agriculteurs de l'ouest du Canada. Nous devons examiner les prix. Nous devons comprendre que, à nulle autre époque de notre histoire, les prix n'ont été aussi bas, en dollars comparables. Nous devons travailler en collaboration, et je ne parle pas uniquement des provinces et du gouvernement fédéral. Le leader du gouvernement au Sénat a souligné les contributions réduites que le gouvernement de la Saskatchewan fait à l'agriculture. Je suis désolée de dire que la même situation existe au Manitoba. La même situation existe au gouvernement fédéral. Soyons honnêtes. Tout le monde a reculé et décidé de dépenser moins pour ce secteur.

Honorables sénateurs, des changements très complexes ont marqué l'évolution de l'agriculture dans l'ouest du Canada. Nous n'avons pas encore réagi comme il convient à tous ces changements. La seule façon dont nous réussirons à satisfaire aux besoins des agriculteurs de l'ouest du Canada, c'est si les gouvernements fédéral et provinciaux, les agriculteurs et les associations de producteurs collaborent tous.

Des voix: Bravo!

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je remercie Son Honneur le Président d'avoir permis ce débat. Certains d'entre vous ne le savent peut-être pas, mais il a à une époque représenté une circonscription agricole que je connais bien, soit Ste. Rose, au Manitoba.

J'ai aussi bien aimé les commentaires venant de l'autre côté de la Chambre, soit ceux du sénateur Carstairs et du leader du gouvernement. Je sais que leurs commentaires sont sincères. Je ne conteste pas le fait que des blâmes ont été exprimés de part et d'autre. Nous devons travailler ensemble, mais il reste un certain nombre de points à éclaircir.

À mon avis, on ne reconnaît pas suffisamment le caractère urgent du problème. Il ne convient pas de se pencher sur les programmes en vigueur; ils n'ont pas d'importance à l'heure actuelle. Le problème est urgent. Pourquoi le problème est-il si urgent? La situation est bien pire que dans les années 30 parce que les agriculteurs sont beaucoup plus endettés. Ils ont consacré des sommes incroyables à l'acquisition de machines et d'intrants. Maintenant, les banques sont prêtes à saisir les exploitations en réalisation de garanties. Les agriculteurs n'arrivent pas à payer leurs taxes.

Peut-être est-il vrai que le gouvernement de la Saskatchewan a réduit de 70 p. 100 sa contribution financière à la collectivité agricole, mais le gouvernement fédéral a contribué au problème. Lorsque je parle du gouvernement fédéral, je n'entends pas uniquement le gouvernement libéral. Je veux dire le gouvernement fédéral, celui qui a réduit de 60 p. 100 les subventions au transport en vue de diminuer le déficit. Cette baisse était trop élevée et est survenue trop rapidement et elle a eu des conséquences catastrophiques pour les agriculteurs du Manitoba.

(1650)

Il n'y a que le gouvernement fédéral qui compte une assiette fiscale assez importante pour fournir maintenant ce montant de 1,3 milliard de dollars. Les gouvernements provinciaux, et peu importe les péchés qui ont été commis par les administrations précédentes, et Dieu sait qu'ils ont été nombreux, n'ont pas l'assiette fiscale voulue pour leur venir en aide. Les provinces ont réduit le déficit et affecté de l'argent à la santé et à l'éducation. Le gouvernement fédéral s'attend maintenant à un surplus de 60 milliards de dollars et plus au cours des prochaines années. De l'argent est destiné au Fonds de dotation des bourses d'études du millénaire et à d'autres activités qui sont importantes, mais qui ne constituent pas une crise urgente.

Comme les honorables sénateurs l'ont dit ici, un mode de vie est en train de disparaître. Toute l'économie agricole de l'Ouest est transformée sous l'influence de l'intégration verticale. La Cargill et d'autres entreprises s'empareront de plus en plus d'exploitations agricoles si nous maintenons ce cap. Si vous ne voulez pas que cela se produise, vous devez agir rapidement. Parfois, la meilleure façon d'agir consiste à trancher dans le vif.

Ceux d'entre nous qui font partie du comité de l'agriculture ont vu la crise actuelle se dessiner, ils ont vu les signes avant-coureurs grâce aux travaux de ce comité et de son président très compétent. Ils ont obtenu des rapports de première main des agriculteurs qui sont venus à Ottawa ces dernières semaines. Ces Canadiens très productifs sont pris au milieu d'une guerre économique. Je voudrais que les honorables sénateurs sachent que nos agriculteurs sont productifs. Depuis le temps, tous les agriculteurs inefficaces ont été éliminés.

Sauf le respect que je vous dois, je dirai que le gouvernement actuel est motivé au premier chef par le commerce - comme l'était le gouvernement précédent, ce qui n'est pas faire preuve de parti pris - comme en font foi les discours des ministres, qui sont remplis de références à la compétitivité dans l'économie mondiale. Pourtant, le gouvernement ne semble pas voir l'énorme désavantage concurrentiel des agriculteurs canadiens dont le secteur a exporté l'an dernier pour 26 milliards de dollars. Ce n'est pas l'accès aux marchés qui est en cause ici, mais le prix payé pour le produit. L'accès aux marchés peut aider les producteurs, mais lorsque cet accès est finalement assuré, il est peut-être déjà trop tard. La concurrence est impossible sur les marchés d'exportation lorsque les subventions versées par les États-Unis et l'Europe sont équivalentes à bien des fois ce que le gouvernement du Canada peut verser.

Le message que le gouvernement a livré aux agriculteurs par l'intermédiaire des premiers ministres provinciaux la semaine dernière n'avait rien de surprenant. Le gouvernement leur a fait savoir qu'il refusait leur demande d'aide supplémentaire. Les nouvelles statistiques du gouvernement sur le revenu agricole ne reflètent pas la situation qui prévaut au Manitoba et en Saskatchewan. Selon les estimations, les revenus dans cette dernière province auraient chuté de 107 p. 100 en 1999 tandis qu'au Manitoba, la chute aurait été de 133 p. 100. J'ignore si ces chiffres sont exacts. Ils sont sortis en juillet.

Dwain Lingenfelter, le ministre de l'Agriculture de la Saskatchewan, affirme que les chiffres du gouvernement fédéral comportent peut-être de graves erreurs. Évidemment, son opinion est biaisée parce qu'il travaille et vit en Saskatchewan, qu'il s'entretient avec les agriculteurs et qu'il étudie le problème de près. Par contre, les fonctionnaires fédéraux ont, selon les paroles de Rex Murphy, l'avantage «d'une perspective déformée par un périscope de vision à longue distance».

Le ministre Lingenfelter a affirmé que les chiffres fédéraux surestimaient les gains, y compris dans le cas des paiements en vertu de l'ACRA et du CSRN. D'une façon ou de l'autre, ces nouvelles estimations indiquent une diminution de 60 millions de dollars des frais d'exploitation en Saskatchewan, ce qui est appréciable. On ne sait pas d'où proviennent ces chiffres. Le ministre de l'Agriculture du Manitoba a déclaré que les prévisions fédérales officielles pour la Saskatchewan et le Manitoba, qui ont été publiées en juillet, restaient valables parce que très peu de choses ont changé depuis.

Cependant, les ministres provinciaux ont déclaré que le paiement de péréquation de 1,3 milliard de dollars au chapitre du commerce, qu'ils avaient demandé d'Ottawa, était bien peu. C'était une demande modeste compte tenu non seulement du surplus que nous réalisons grâce à une gestion prudente, mais aussi de ce que reçoivent les agriculteurs en Europe et aux États-Unis. Ce n'est rien en comparaison. Au bout du compte, peu importe les estimations, il est indéniable que nos agriculteurs ont besoin d'aide actuellement.

Cette année, un producteur de blé de printemps a perdu 15,50 $ par acre cultivé, un producteur d'orge fourragère, 12,20 $ par acre, un producteur de seigle, 50,22 $ par acre cultivé. Les explications ne sont pas compliquées, puisqu'elles n'ont rien à voir avec l'efficacité ou l'efficience, ni avec le temps ou la chance. Elles sont entièrement liées à l'économie et au commerce à l'échelle mondiale.

Les prix que les agriculteurs doivent verser pour les biens et services sont constamment en hausse. Je fais allusion aux engrais, aux herbicides, au carburant, aux services publics, aux assurances et aux réparations. À elles seules, les dépenses s'établissent entre 60 et 80 $ l'acre. Ce montant n'inclut pas les taxes, les réparations aux immeubles et les emprunts pour l'équipement qui peuvent atteindre 40 $ l'acre.

Lorsque le blé se vendait 160 $ la tonne et le colza 355 $ la tonne, l'agriculteur gagnait en fin de compte quelque chose. Cette année, le prix du blé se situe à 24 p. 100 au-dessous de la moyenne des cinq dernières années et le prix du colza a chuté d'un tiers.

Le prix des produits a atteint l'un des niveaux les plus bas jamais connus, pour trois raisons. La première est que cette année, tout comme l'année dernière, la production est nettement supérieure à la moyenne. La seconde est que la demande a chuté en raison de la situation financière dans le monde, particulièrement en Asie. La troisième est que nos principaux concurrents, les États-Unis et l'Union européenne, protègent leurs agriculteurs de ces conditions commerciales très sévères en leur accordant de fortes subventions. Comme ont pu le constater les membres du comité de l'agriculture lorsqu'ils se sont rendus en Europe, ces subventions encouragent la surproduction, qui entraîne une saturation du marché et fait chuter les prix.

Les subventions qui sont accordées ailleurs constituent un problème important pour nos agriculteurs. Les subventions représentent 9 p. 100 du revenu de nos producteurs de blé, tandis qu'elles représentent 56 p. 100 du revenu de leurs homologues européens et 38 p. 100 de celui des producteurs de blé du Midwest des États-Unis. La situation des producteurs de graines oléagineuses est plus catastrophique encore.

Depuis 1993, le Canada a réduit de 45 p. 100 l'aide qu'il accorde à l'agriculture. Les États-Unis l'ont réduite de 34 p. 100, et elle n'a pas pratiquement pas baissé dans l'Union européenne. L'OCDE estime à 17 $ américains l'acre, en moyenne, l'aide accordée à tous les agriculteurs - pas seulement aux producteurs de céréales et de graines oléagineuses. Cette aide est de 45 $ l'acre aux États-Unis et de 362 $ l'acre dans l'Union européenne.

Sans mesures de soutien du revenu supplémentaires décrites à juste titre par la délégation de la Saskatchewan comme des paiements de péréquation commerciale, les agriculteurs de la Saskatchewan perdront collectivement environ 48 millions de dollars. On évalue ces pertes à 100 millions de dollars au Manitoba. Aucun secteur industriel ne pourrait espérer rester concurrentiel dans de telles circonstances. Il faut régler le problème des subventions internationales. Entre-temps, le gouvernement fédéral doit aider davantage nos agriculteurs. Sinon, nos agriculteurs devront remettre leurs terres, une à une, aux banques et aux multinationales qui peuvent se permettre d'attendre que le gouvernement cesse de s'entêter ou que les pays de l'UE réduisent l'aide qu'ils accordent à leurs agriculteurs. À la suite des études et du voyage en Europe du comité sénatorial de l'agriculture, nous savons tous que les poules auront des dents avant que l'UE réduise son aide.

Si le gouvernement continue de suivre cette ligne de conduite, il choisit une voie sans précédent pour notre pays. Contrairement aux gouvernements qui ne pouvaient guère offrir d'aide à l'époque de la grande crise, le gouvernement actuel a de l'argent. Il aurait les moyens d'aider les producteurs alimentaires à surmonter cette période difficile. Honorables sénateurs, je parle surtout des gens de l'ouest du Canada. Les producteurs laitiers et les producteurs de volaille s'en tirent bien en raison des programmes de gestion de l'offre.

Certains pourraient accuser le gouvernement fédéral et d'autres ordres de gouvernement d'être à l'origine du problème, car ils ont imposé au secteur agricole des compressions supérieures à 1 milliard de dollars pour régler le problème du déficit. Pourquoi le gouvernement devrait-il aider les agriculteurs à garder leurs terres? En tant que Canadienne de l'Ouest, je serais tentée de dire qu'il devrait le faire parce que le secteur agricole est l'âme d'une vaste partie de notre pays. Je parle ici des exploitations agricoles familiales. Ce mode de vie est aussi précieux pour les familles d'agriculteurs que le français l'est pour les Québécois, que la vie en mer ou à proximité de celle-ci l'est pour les habitants des provinces de l'Atlantique et que les montagnes et forêts le sont pour les Britanno-Colombiens. Je suis tentée de parler de la valeur culturelle et patrimoniale de l'agriculture. Je sais toutefois qu'au bout du compte, il n'y aura que les chiffres qui compteront pour le gouvernement - le nombre de sièges, les recettes et les statistiques sur les exportations.

(1700)

Honorables sénateurs, j'espère que certains de ces chiffres ne porteront pas trop à controverse. Le champ de blé que l'agriculteur fait pousser à ses frais a une énorme valeur pour les autres Canadiens. Un boisseau de blé peut donner 57 miches de pain à 1,25 $ au moins. Un pain coûte parfois 2 $ ou plus.

Son Honneur le Président: Je regrette de devoir vous interrompre, sénateur Spivak, mais votre période de 15 minutes est expirée.

Le sénateur Spivak: Je demande la permission de poursuivre.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Spivak: À raison de 30 boisseaux à l'acre, les 160 acres de l'agriculteur donnent de quoi faire pour 342 000 $ de pain. Les agriculteurs sont peut-être au bord de la faillite, mais beaucoup de gens comptent sur leur grain pour réaliser un joli profit ou toucher un revenu modeste.

Un autre exemple important est le producteur d'orge qui perd de l'argent sur tous les acres. En produisant 50 boisseaux à l'acre et en les vendant à des brasseries pour faire de la bière, le producteur génère des recettes fiscales énormes pour les gouvernements fédéral et provinciaux. En fait, 160 acres d'orge donnant 133 bouteilles de bière au boisseau produisent au bout du compte 1,5 million de dollars en taxe sur la bière et en TPS. Vous pouvez vérifier ces statistiques, qui viennent des agriculteurs.

Enfin, honorables sénateurs, je dépose des lettres d'enfants de notre région pour que la voix de ceux-ci soit entendue. Il faut contrer cette catastrophe si l'on ne veut pas que toute l'économie agricole de l'Ouest soit transformée.

Ai-je la permission de déposer ces lettres?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Spivak demande à déposer des lettres. Voulez-vous que ces lettres soient déposées?

Des voix: D'accord.

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, il se tient ce soir un débat capital sur les difficultés de l'industrie agricole du Canada.

L'agriculture constitue le coeur de l'économie de ma province, l'Alberta, et les agriculteurs de la province n'ont pas aimé le traitement insensible qui a été accordé aux premiers ministres de la Saskatchewan et du Manitoba quand ils ont présenté leurs demandes légitimes au gouvernement du Canada. Cette insensibilité du gouvernement fédéral a fait d'autant plus mal qu'elle s'est manifestée au moment où le gouvernement fédéral engrangeait un extraordinaire surplus.

Les agriculteurs et leurs dirigeants ont été déçus par le manque de leadership du gouvernement, qui n'a pas réagi de façon satisfaisante à la situation désastreuse dans laquelle se trouvent les agriculteurs canadiens. Des familles sont en train de perdre leur ferme, et des usines doivent fermer leurs portes en Alberta et en Saskatchewan, ce qui se traduit par des pertes d'emplois et une grande détresse sociale et économique. Nous sommes témoins de l'agonie de toute une industrie et de ses effets dévastateurs sur la population de l'Ouest. Allons-nous dire à la population de l'Ouest que le gouvernement fédéral ne peut rien faire pour elle alors qu'il doit décider quoi faire avec ses impressionnants surplus budgétaires qui ne cessent de croître.

Il est clair que la population de l'Ouest a besoin d'une aide transitoire de la part du gouvernement fédéral pour s'adapter. Il ne s'agit pas seulement d'une question d'argent, mais encore de la survie même de collectivités entières qui traversent la pire crise depuis celle des années 30. Le gouvernement doit remédier à la situation désastreuse sur le plan des prix et des conditions commerciales afin de sauver l'industrie.

L'industrie est durement frappée parce que ses concurrents des autres pays profitent de subventions à l'exportation et de subventions internes. Le gouvernement doit sûrement tenir compte des difficultés des Prairies dans l'élaboration de sa stratégie pour le sommet à venir de l'Organisation mondiale du commerce, qui se tiendra à Seattle. Toutefois, la situation actuelle ne doit pas être maintenue pendant les négociations commerciales, qui pourraient durer longtemps, car celles-ci ne seront d'aucun secours si l'industrie agricole est complètement ruinée.

Une aide fédérale supplémentaire est requise maintenant.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je participe à ce débat avec une certaine appréhension, car dans le domaine de l'agriculture, il est difficile de prendre exactement les mesures qui s'imposent. Nous nous penchons sur l'adaptation à un libre marché à l'horizon, et nous voyons l'exploitation agricole familiale non seulement comme une entreprise, mais comme une maison, un mode de vie et une collectivité, comme on l'a déjà souligné. C'est un problème difficile.

Il convient de se rappeler qu'il y a à peine six ans, les organisations agricoles venaient à Ottawa et à Edmonton, où je siégeais à l'assemblée législative, pour demander au gouvernement de se retirer du secteur de l'agriculture. Ces gens disaient que le gouvernement nuisait au déroulement normal du marché et aux chances des agriculteurs d'être capables de faire des prévisions, grâce à leurs ordinateurs, sur les tendances du marché.

Je suis un membre du comité de l'agriculture et nous parcourons l'Ouest, en particulier le Manitoba et la Saskatchewan, qui ont plus de prairies que l'Alberta, ma province, et où le problème est probablement pire encore. De plus, en tant que membre du comité de l'agriculture, j'ai visité l'Europe pour essayer de m'entretenir avec les représentants de la Communauté européenne. Comme le sénateur Spivak l'a signalé à juste titre, les Européens n'ont pas vraiment l'intention de changer.

On assiste dans le domaine de l'agriculture à une révolution en quelque sorte. Le gouvernement actuel, qui se trouve être mon gouvernement, est obligé de transformer l'aide aux exploitants agricoles et aux producteurs de denrées en fonction du produit en une forme d'assurance-revenu. Cela est venu tout naturellement au Canada car, en tant que Canadiens, nous exportons une si grande part de notre production alimentaire comparativement à tout autre pays que, si nous tentions de subventionner le prix de nos produits, qu'il s'agisse de blé, de pommes ou de quoi que ce soit d'autre, le reste du pays ne pourrait pas supporter ces dépenses. Ainsi, nous avons trouvé une solution qui, nous l'espérons, sera rapidement adoptée par l'Europe occidentale. On a eu un aperçu de cela en Allemagne et en Scandinavie où, au lieu de payer les producteurs de denrées en fonction des unités de production, qu'il s'agisse d'une vache, d'une pinte de lait ou d'un boisseau de grain, on a établi une certaine forme d'assurance-revenu.

Nous avons essayé de faire comprendre aux Européens de l'Ouest que leur méthode consistant à payer les producteurs de denrées en fonction du produit conduisait à la pollution de leur environnement. Des nitrites contaminaient leur nappe phréatique à cause d'une trop grande fertilisation et d'une invasion pour divers types de mauvaises herbes, ainsi qu'à la suite de modifications génétiques pour accroître la production de grain. Les Européens modifiaient les grains et le reste. Lorsqu'on récompense les agriculteurs en fonction de leur production, comme l'Europe de l'Ouest et les États-Unis le font, on cause beaucoup de dommage à l'environnement.

Fort judicieusement, le Canada a opté pour l'assurance-revenu. En fait, nous ne devrions pas jeter le bébé avec l'eau du bain. L'assurance-revenu s'effondre dans les Prairies. Il n'y a pas de doute que notre façon d'analyser le revenu ne fonctionne pas très bien en Saskatchewan et au Manitoba. Cependant, il est intéressant de voir que ce régime fonctionne bien en Alberta. Cela m'ennuie de le dire, parce que je faisais partie de l'opposition et que j'ai attaqué le gouvernement à l'époque, mais les membres du gouvernement albertain ont été parmi les premiers au Canada à proposer l'idée d'assurer le revenu. Cela a très bien fonctionné. Un certain nombre d'accidents géologiques et géographiques font que cette province a moins de problèmes que nous, en Saskatchewan et au Manitoba, mais elle réussit à régler le problème mieux que les autres provinces.

(1710)

C'est surtout parce qu'elle a consulté les producteurs agricoles, les amenant à penser à l'assurance-revenu, pas pour obtenir tant de dollars l'acre ou tant de dollars pour le blé, ce qui fausse le marché.

Si l'on est vraiment en faveur du marché libre, on veut concevoir son système de façon à ce que le marché libre fonctionne bien, ce qui suppose, bien sûr, l'existence d'une assurance-revenu quelconque. À cet égard, le gouvernement canadien a fait un pas dans la bonne direction en instaurant l'ACRA et les autres programmes d'aide conçus pour récompenser les agriculteurs et les producteurs d'avoir épargné de l'argent en prévision de jours plus difficiles. Nous avons mis en 9uvre un programme qui, il faut bien le reconnaître, a des ratés en Saskatchewan. Je pense qu'il a permis de verser environ 11 000 $ à chaque producteur admissible. En Ontario, l'indemnité atteint environ 15 000 $ par producteur et, dans l'ensemble du Canada, elle est d'à peu près 14 000 $ par producteur.

Tout système ou programme basé sur le revenu exige que les agriculteurs s'occupent de leur comptabilité bien différemment qu'on ne le faisait dans le passé. Si le gouvernement est coupable de quelque chose, c'est peut-être du manque de sensibilité dont les bureaucrates ont fait preuve en instaurant un régime d'assurance-revenu plutôt qu'un régime d'assurance-produits. Que l'on se montre parfois peu compatissant, voilà qui est inexcusable. Le problème a peut-être été aggravé par le fait que le gouvernement s'est montré un peu insensible dans ses relations avec les agriculteurs en ce qui concerne le régime d'assurance-revenu, mais il faut voir les choses du point de vue des agriculteurs. Leur fatalisme et leur désespoir ne sont pas entièrement le fait du gouvernement, et leur sentiment s'exprime ainsi: «Si le gouvernement n'a pas pu vendre mon blé l'année dernière et que les récoltes sont maigres cette année, alors que je ne cultive que des céréales, que vais-je faire l'année prochaine?»

On ne propose pas, et peut-être le devrait-on, des moyens de changer le système pour offrir aux agriculteurs des perspectives d'avenir dans ce domaine. Le seul moyen qui semble s'offrir à eux consiste à faire concurrence aux Européens de l'Ouest et aux Américains, qui bénéficient de subventions, et à demander ensuite au gouvernement de combler la différence. Ils savent que tout gouvernement finira par dire: «Il faut mettre un frein à tout ça. On ne peut plus vous subventionner sur la base du cours des produits agricoles.» Une sorte de révolution s'impose dans la production alimentaire. L'agriculteur ne sait pas à quoi s'en tenir; l'opposition dit que le gouvernement ne connaît pas la solution, et rien ne me permet de croire que l'opposition, ici ou à l'autre endroit, la connaît. Tout le monde décrit très bien le désastre -- le bateau a sombré, et tout le monde est à la mer - mais personne n'a de solution à nous proposer.

Honorables sénateurs, je voudrais qu'il nous soit proposé une solution de rechange - qu'il nous soit proposé un peu plus qu'un simple examen objectif. Il arrive parfois que la première idée soit la bonne. Nous avons notre propre comité de l'agriculture. Nous pourrions peut-être faire un effort pour les producteurs du secteur agroalimentaire, leur redonner espoir en leur permettant de poursuivre leur activité dans leur communauté et d'y faire instruire leurs enfants, au lieu de nous contenter de leur rappeler qu'il nous faut soutenir la concurrence des Américains et des Européens et que nous manquons d'argent. Ce n'est pas une solution. Nous devons envisager de garantir le revenu des agriculteurs et peut-être nous y attacher un peu plus sérieusement. D'aucuns diront que la protection du revenu est comme un filet de sécurité qui serait tendu sous les pas d'un funambule. Si nous réussissons à mettre en place un programme de protection du revenu qui, par l'action de la libre entreprise, permettra aux agriculteurs de trouver leurs propres solutions de rechange, nous aurons accompli quelque chose. Je demande instamment au Sénat de mener une action en ce sens, car ce ne sont pas les idées qui nous manquent.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je voudrais avant toute chose remercier Son Honneur le Président d'avoir autorisé ce débat aujourd'hui.

Le leader du gouvernement au Sénat a fait allusion à la réduction, survenue depuis 1992, de l'aide accordée à l'agriculture en Saskatchewan. Il a raison. Cette réduction a été opérée par un gouvernement néo-démocrate. Cette initiative a sans doute permis d'éponger le déficit de la province.

Au vu de la situation actuelle, le gouvernement et les sénateurs d'en face devraient pouvoir encourager la province à mobiliser des financements complémentaires, puisqu'ils s'entendent si bien avec les néo-démocrates. MM. Melenchuk et Romanow sont partenaires en politique, ils siègent du même côté de la Chambre, et, en ce qui concerne la population de la Saskatchewan, ils ne font qu'un. Et assurément, en ce qui concerne les agriculteurs, ils ne font qu'un. Comme l'a fait observer le sénateur Spivak, cette élection a incité M. Romanow, le premier ministre de la Saskatchewan, à solliciter Ottawa pour en obtenir de l'aide pour ses agriculteurs.

En ma qualité de conservateur, je puis à tout le moins affirmer qu'Alvin Hamilton, John Diefenbaker, Don Mazankowski, Bill McKnight, Charlie Mayer et Brian Mulroney prenaient le temps d'écouter et de comprendre les Canadiens de l'Ouest. Je ne peux pas en dire autant de l'actuel gouvernement fédéral. Quand il était notre premier ministre, M. Mulroney prenait le temps de se pencher sur la situation de l'agriculture dans l'Ouest; et il réussissait à en cerner les problèmes, au contraire de son prédécesseur immédiat, qui était d'allégeance libérale ou, bien entendu, de l'actuel premier ministre.

À mon avis, que les prix des produits de base tombent n'intéresse pas les libéraux. La seule chose qui les intéresse, c'est quand les prix montent. Par exemple, quand le prix du pétrole est monté et que les Canadiens de l'Ouest ont commencé à en retirer les avantages, les libéraux ont mis en place le Programme énergétique national, un programme qui prenait aux provinces productrices de pétrole des milliards de dollars qui leur appartenaient pour les redistribuer à tout le reste du Canada. Par la suite, les libéraux ont payé le prix politique et malgré le petit sursaut de 1993, il paieront encore une fois le prix politique.

La réponse du gouvernement à cette crise a été le programme ACRA. C'est une réponse libérale typique. C'est un programme d'aide sociale. Vous remplissez des tonnes de formulaires, vous engagez des comptables, vous traitez avec des bureaucrates. Ce n'est pas la réponse qui convient dans une situation d'urgence. Nous ne réagissons pas de cette manière en cas de tremblement de terre, de tornade ou de situations d'urgence. Nous ne remplissons pas de formulaires. Ce n'est pas ainsi que nous réagissons. Pourtant, c'est ce que les libéraux s'attendent à ce que les agriculteurs fassent.

En 1996-1997, le revenu agricole net national a chuté de 55 p. 100, et a chuté encore de 35 p. 100 en 1997-1998. En Saskatchewan et au Manitoba, le revenu agricole est négatif. Bien sûr, le gouvernement libéral a produit de nouveaux chiffres, en même temps qu'il a annoncé un excédent de 97 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, pour dire que la situation n'était pas aussi mauvaise. En attendant, le nombre de faillites dans le secteur agricole et les industries de services connexes a été au total de 1 053 depuis 1995, avec un passif accumulé de 227,5 millions de dollars.

Le gouvernement actuel n'a pas de politique agricole nationale. Tout ce qu'il propose quand il y a un problème dans l'Ouest ce sont des solutions provisoires. Dans les zones très peuplées de l'Est, il existe des offices de commercialisation, un programme de subventions versées directement au producteur par le consommateur. C'est exactement ce en quoi consiste un office de commercialisation. C'est un monopole. Dans l'Ouest, nous nous débrouillons tout seuls. Nous savons tous ce qui se passe en Europe. Certaines pays paient jusqu'à 8 $ le boisseau de blé. Les gouvernements européens le subventionnent, car ils ne peuvent pas le vendre à ce prix. Ils ne peuvent même pas le brader.

(1720)

D'autres pays ne veulent pas plus éliminer leurs programmes de subventions que nous ne voulons éliminer nos offices de commercialisation. La raison à cela est que, une fois que vous êtes habitués aux subventions et que vous grandissez et que vous vous enrichissez avec ces subventions, il devient politiquement impossible de les éliminer. C'est ce qui arrive en Europe.

Les Américains se sont lancés dans la bataille. Ils ont décidé de se battre contre les Européens et ils subventionnent maintenant leur agriculture. Pendant ce temps, les pauvres agriculteurs de l'Ouest canadien, ne bénéficiant pas de protection sur le marché, se trouvent dans une impasse. Leurs terres étaient fertiles, elles se sont retournées contre eux et plus rien n'y pousse. Ce n'est pas rare dans l'Ouest. Ce n'est rare nulle part pour les agriculteurs. Lorsque les terres d'un agriculteur sont fertiles et qu'il voit d'autres gens tirer les avantages de ses terres, faire du pain, du whisky, de la bière ou exporter ses produits à bas prix dans le monde entier et que cela ne lui rapporte rien, la situation est critique. C'est ce qui se passe aujourd'hui dans les Prairies.

Le sénateur Taylor a déclaré qu'il n'avait pas entendu les sénateurs de ce côté-ci proposer de solutions. Je ne sais pas très bien ce que nous devrions faire, mais je sais une chose: nous ne pouvons pas continuer de cultiver des produits que tous les autres pays subventionnent. Nous connaissons notre économie et nous savons que si les automobiles sont bradées en Europe, on ne pourra pas faire de profit sur les automobiles en Amérique du Nord. Or, c'est ce que font ces pays. Ils bradent leur blé.

Le Canada est un pays exportateur. Il n'y a pas suffisamment de gens au pays pour consommer tout ce que nous produisons. Toutefois, nous ne pouvons faire disparaître nos ressources. Les habitants des Prairies font partie de nos ressources. Nous devons les protéger parce qu'ils savent comment exploiter ces terres. Nous ne pouvons les laisser s'appauvrir et quitter leurs terres. Nous devons mettre sur pied un programme national qui serait basé non pas sur l'aide sociale, mais plutôt sur une stratégie agricole industrielle prévoyant que ces terres devraient servir à autre chose.

Honorables sénateurs, nous devons également prévoir une période de transition. Je crois qu'il faudrait prévoir une période de transition de dix ans au cours de laquelle l'agriculteur recevrait une certaine somme par acre de terre. Il serait alors motivé à adopter une culture rentable puisqu'il ferait alors plus d'argent. Toutefois, il ne faudrait pas réduire le paiement à l'acre accordé à un agriculteur qui réussit. Assurons-nous plutôt qu'il réussisse pour qu'il soit en mesure d'abandonner lui-même la subvention. C'est ce que nous devons faire. Nous ne pouvons pas demander aux Européens de renoncer aux subventions. Oublions cela. Nous savons tous ce qui arrive avec l'aide sociale. Les gens deviennent de plus en plus dépendants et ils refusent de s'en sortir. C'est ce qui arrive. Les Américains ont décidé d'agir autrement. Nous devons mettre sur pied un programme purement canadien pour sauver nos exploitations agricoles familiales. Elles en valent la peine.

En tant que conservateur, je crois que la vie rurale revêt une grande importance pour un pays. Je n'aimerais pas que tous les Canadiens vivent dans des villes. Les régions rurales constituent un genre de refuge. Bon nombre de gens considèrent qu'il est bien de pouvoir aller dans la nature ou de se promener dans un parc où il n'y a personne. On se retrouve en quelque sorte seul. Si vous êtes déjà allés dans les régions rurales de la Saskatchewan, de l'Alberta, du Québec ou de l'Ontario, vous savez exactement ce que je veux dire. Les régions rurales sont différentes et elles sont importantes. Toutefois, elles doivent aussi être viables du point de vue économique. Les habitants des régions rurales sont intelligents. Pour vivre et survivre en campagne, il faut être intelligent et travailler fort.

Donnons un peu d'espoir aux agriculteurs. Cessons de dire qu'ils sont en difficulté et qu'il existe un programme d'aide sociale. Nous leur disons: «Remplissez les formulaires et, si vous êtes pauvres, nous vous donnerons de l'argent. Toutefois, si vous réussissez à gagner un peu, nous ne vous donnerons pas d'argent.» Cela n'aidera en rien. Ces gens ne veulent pas de l'aide sociale. Ils n'en ont jamais voulu et n'en veulent pas davantage maintenant. Toutefois, je vais vous dire une chose. Si nous les rendons dépendants de l'aide sociale, ils ne pourront plus s'en passer.

M. Romanow est venu ici. Je ne pense pas avoir été jamais d'accord avec Roy Romanow, mais cette fois-ci, je lui donne raison d'être venu. Le premier ministre du Manitoba l'accompagnait ainsi que des dirigeants de l'opposition et des délégations d'agriculteurs. Il n'a pas été bien traité. Le gouvernement n'a pas accordé une priorité très haute à leurs préoccupations. Nous avons écouté le discours que le ministre des Finances a fait hier; il n'a pas une seule fois mentionné l'agriculture, et ce, une semaine après leur visite. Oh! oui, c'est important, mais dans le discours du ministre des Finances, ce n'est pas aussi important que cela. Il dit: «J'ai 90 milliards de dollars à dépenser, je brûle d'impatience. Peut-être vais-je vous accorder une petite réduction d'impôts et nous allons rembourser un peu la dette.» M. Martin n'a pas mentionné l'agriculture. Nous avons donc demandé un débat d'urgence.

Honorables sénateurs, l'ACRA est mal conçu. Nous savons que ce programme ne fonctionne pas; n'essayons donc pas de réparer quelque chose qui ne fonctionnera pas. Débarrassons-nous-en et remplaçons le par quelque chose qui fonctionne. Ce programme était censé fonctionner au printemps. Nous sommes maintenant en automne. Les agriculteurs de la Saskatchewan devront très bientôt se préparer pour le printemps. Nous sommes déjà en novembre, puis ce sera Noël, et deux mois plus tard sera vite venu. Le gouvernement a mis ce programme sur pied au printemps, les agriculteurs ont fait leur demande et ils attendent toujours l'argent. Ce n'est pas comme cela qu'on réagit à une urgence.

Même une fois que ce débat aura pris fin, j'espère que nous pourrons le poursuivre sous une forme ou une autre jusqu'à ce que nous réussissions à trouver une solution permettant de résoudre au moins quelques-uns des problèmes. Nous pouvons probablement travailler davantage ensemble dans notre institution que dans n'importe quelle autre institution politique au Canada parce que nous sommes ici pour longtemps, la santé aidant.

Nous, de ce côté-ci du Sénat, savons ce que l'on doit faire, et ce que l'on fait actuellement ne marche pas. Nous invitons nos collègues d'en face à examiner attentivement ce que fait leur gouvernement. Nous vous prions de demander à votre premier ministre de visiter les provinces des Prairies et de prendre le temps d'écouter ce que les agriculteurs et les représentants des municipalités et des gouvernements provinciaux ont à dire, parce qu'ils sont plus près de la population. Ils se préoccupent de leurs collectivités. Nous prions nos collègues d'en face de le faire. Ils seront peut-être alors complètement d'accord avec nous pour dire qu'il y a une situation d'urgence dans l'ouest du Canada et qu'il faut y remédier.

L'honorable Herbert O. Sparrow: Honorables sénateurs, je voudrais d'abord remercier et même féliciter les sénateurs qui siègent au comité de l'agriculture à propos de la position qu'ils ont défendue à l'égard du monde agricole au cours de l'année dernière, et certainement auparavant. Les sénateurs Spivak, Andreychuk, Gustafson, Hays et Fairbairn ont tous contribué de façon importante à faire comprendre au gouvernement et à tous les Canadiens la crise que traverse l'industrie agricole au Canada, et plus particulièrement en Saskatchewan, au Manitoba et en Alberta. Permettez-moi de les féliciter, car il n'y aura peut-être pas beaucoup d'autres fleurs dans mon intervention.

(1730)

Je ne sais pas trop ce qui se passe lorsque nous tenons des débats d'urgence. J'ignore à qui le message est adressé, mais le débat n'en demeure pas moins important. Selon un dicton, il ne faut pas essayer de réparer ce qui marche bien. Ce système ne marche pas du tout. Mettons-y bon ordre. Voilà le message que les dirigeants du Sénat doivent transmettre: le système ne marche pas, il faut le modifier.

Assez, c'est assez. Nous avons entendu parler de plans pour faire ceci ou cela et de modification de formulaires. Rien ne se passe, pendant que les agriculteurs s'acheminent vers la faillite. Lorsque le problème a surgi, en novembre de l'an dernier, un programme a été proposé. Le sénateur Carstairs dit que toutes les parties se sont entendues et qu'il y a eu coopération avec les organisations agricoles et les gouvernements. Il y a effectivement eu des consultations. Il semblait entendu que les fonds du programme ACRA seraient versés très tôt dans la nouvelle année. Cela veut dire habituellement en février, mars ou avril. L'argent serait versé à temps pour les semailles de la saison suivante. Cela ne s'est pas produit.

Le sénateur Carstairs dit que tout le monde a coopéré. C'est faux. J'ai assisté à des réunions avec les représentants du ministère de l'Agriculture, dont le ministre. Je crois que le programme, tel qu'il a été proposé, était excellent et aurait bien marché. Lorsqu'il a enfin été rendu public, avec les formulaires de l'ACRA, il est devenu évident que le programme ne marcherait pas. Il est tout aussi évident aujourd'hui qu'il n'a pas marché et qu'il ne marchera pas.

Je ne connais qu'un groupe qui a réagi immédiatement à l'annonce du programme. La Fédération canadienne de l'agriculture a dit que c'était un bon programme, mais il lui a fallu moins d'un mois pour se raviser. Lorsqu'elle a vu comment le système s'appliquerait au niveau de l'exploitation et où irait l'argent, elle a retiré son appui. Pas une seule organisation agricole de l'Ouest - je ne saurais dire ce qui se passe dans l'Est - n'approuve le programme ACRA.

Les gouvernements provinciaux n'ont pas donné leur accord. L'argent devait être versé au début de l'année. On a reproché aux gouvernements provinciaux de ne pas participer. On a dit que la Saskatchewan refusait de signer l'accord, mais la province a débloqué ses 200 millions de dollars et les a mis en réserve dès janvier et février 1999. Elle n'a reçu l'accord pour signature qu'en juin.

Que faisait le ministère fédéral? Pourquoi le gouvernement fédéral prenait-il tant de temps à envoyer un accord? L'argent du gouvernement de la Saskatchewan, soit 200 millions de dollars, doit être versé sur une base de partage des coûts. S'il ne l'est pas, c'est que l'argent du gouvernement fédéral n'est pas là.

Le temps est crucial pour la communauté agricole. On peut bien parler de programmes à long terme. On peut bien parler de l'avenir, mais c'est aujourd'hui qu'il y a une crise, pas demain. Ce n'était pas le mois dernier ou il y a six mois. Attaquons-nous à la crise. Mettons l'argent dans les mains des agriculteurs.

On parle de fonds additionnels. Oui, il faut des fonds additionnels, mais on peut sauver bien des fermes familiales en dépensant des fonds qui ont déjà été engagés. Pourquoi parler du programme à long terme quand le besoin se fait sentir maintenant? Oui, il peut y avoir un programme à long terme. Ceux qui ne sont pas au courant des problèmes demandent souvent quelle sera la durée du programme. Ils veulent savoir si c'est une aide en une seule fois ou si elle restera toujours en place. Il est possible qu'elle soit toujours nécessaire. Si nous ne pouvons fournir le nécessaire, nous devons le dire franchement aux agriculteurs canadiens et les avertir qu'il n'y aura plus aucune subvention. Qu'ils se retirent dignement. Donnons-leur l'argent et disons-leur que c'est fini, mais laissons-les se diriger vers d'autres activités dans la collectivité avec dignité, sans supplier ou quêter, sans crever de faim, sans penser au suicide. Tout cela se produit actuellement. Il faut regarder les choses en face.

Nous ne demandons pas pendant combien de temps les prestations de vieillesse seront versées. Nous n'accordons pas aux personnes âgées des prestations de vieillesse pendant un an ou deux pour ensuite les leur retirer. En tant que nation, nous avons décidé de soutenir le revenu de ces gens à tout jamais, tout comme nous viendrons en aide aux jeunes et aux familles à faible revenu tant qu'il y en aura. Cependant, dans le cas du milieu agricole, segment extrêmement important de notre société, nous nous demandons s'il voudra encore de l'argent l'an prochain.

Voulons-nous une industrie agricole au Canada? Il faut nous décider. Il faut déterminer si nous voulons une industrie agricole, oui ou non. Que dire des offices de commercialisation? Nous sommes sur le point de renoncer à tous ces systèmes sur la scène internationale. Tous les secteurs touchés connaîtront, eux aussi, très bientôt des problèmes. Cela ne fait aucun doute. À ce moment-là, nous ne serons plus en mesure de subvenir à nos besoins alimentaires. C'est l'aspect crucial du problème. Si nous abandonnons les agriculteurs de l'Ouest, si nous laissons le marché international imposer ses règles, il s'en trouvera pour dire que nous devrions également abandonner les agriculteurs du Québec et ceux de l'Ontario. Ensuite, il ne nous restera plus qu'à importer les denrées alimentaires.

Pendant des années, j'ai parcouru le pays pour parler de la conservation du sol, de la disparition de la ferme familiale en raison de l'érosion et de la destruction de la couche arable. Je l'ai fait, parce que, en tant que nation, nous devons pouvoir subvenir à nos besoins alimentaires. C'est l'objectif que vise la Communauté européenne. Elle insiste pour pouvoir subvenir à ses besoins. Le Canada affirme qu'il peut toujours importer des produits, mais là n'est pas la solution. Nous devons être en mesure de subvenir à nos besoins alimentaires.

J'aimerais que l'honorable sénateur Carstairs soit ici. Elle a mentionné à quel point il est difficile de remplir les formulaires de l'ACRA. Elle avait raison. Il y a 45 ou 47 pages d'instructions qui expliquent comment remplir un formulaire de sept pages. Le sénateur Carstairs a dit que nous aurions dû embaucher des étudiants pour aider les agriculteurs à remplir leurs formulaires. Le ministère de l'Agriculture a fourni de l'aide; des fonctionnaires sont allés dans l'ouest du Canada pour expliquer comment remplir les formulaires de l'ACRA. Pourquoi n'ont-ils pas simplement conçu un formulaire qui n'est pas compliqué? Non, ils ont préféré dépenser des milliers de dollars pour expliquer ce qu'il fallait faire de ces 47 pages.

Ces formulaires n'ont pas été envoyés avant mars ou avril et ils n'ont pas été diffusés largement. Les fonctionnaires du ministère de l'Agriculture m'ont dit que je pouvais obtenir le formulaire sur Internet. Ne sont-ils jamais allés visiter en Saskatchewan les exploitations agricoles en difficulté? Combien étions-nous alors sur Internet?

Je n'ai pas pu obtenir de formulaire. Finalement, le bureau du ministère de l'Agriculture de ma localité a reçu deux formulaires en mai. On en a fait des photocopies qui ont été mises à notre disposition. Nous discutons actuellement de ce qui ne tourne pas rond dans le secteur agricole. On nous dit que les agriculteurs inefficaces n'ont pas leur place. Le ministre dit que si quelqu'un n'arrive pas à gagner sa vie dans ce secteur, il devrait en sortir. C'est là une option, mais nos agriculteurs ne sont pas inefficaces. Nous nous sommes débarrassés de ceux qui étaient inefficaces il y a 20 ou 30 ans. J'ai déjà dit cela et je le répète encore aujourd'hui. Comme le sénateur Spivak le sait, si nous continuons de nous débarrasser de ceux que nous considérons inefficaces, il ne restera qu'un seul agriculteur. Nous dirons alors qu'il est lui aussi inefficace et nous nous débarrasserons de lui. De grandes sociétés d'exploitation agricole seront alors en place, elles seront pleinement intégrées, et les agriculteurs auront tout perdu.

(1740)

En Saskatchewan, si rien ne change, dans 20 ans, il restera deux grandes villes, celles de Saskatoon et de Regina. Il ne restera plus de collectivités rurales. Des petites villes ont déjà disparu et, si rien ne change, il n'en restera plus aucune. Quel genre de province, quel genre de pays laisserait cela se produire? Ce sont là les problèmes que nous devons examiner.

D'aucuns veulent que le premier ministre se rende en Saskatchewan pour constater de visu la situation. Il n'a pas à le faire. Toutes sortes de gens l'ont déjà fait. S'il prend l'avion pour la Saskatchewan et qu'il enfile une paire de bottes de caoutchouc pour une demi-journée, il n'apprendra pas tout ce qu'il doit savoir au sujet de la situation dans la province. S'il vient à ma ferme, je lui prêterai des bottes pour qu'il puisse marcher dans l'enclos du bétail. Ce ne sera toutefois pas suffisant. Le message vient sûrement d'ailleurs.

Aujourd'hui, le leader du gouvernement au Sénat n'a cessé de passer ce message. Je regrette qu'il ne soit plus ici; il ne comprend peut-être pas la situation. Il y a un problème, et on s'y attaque en préconisant l'inaction. On ne cesse de dire: «On va faire ceci, on va faire cela.» En attendant, le problème perdure.

On parle de la coopération des provinces. L'argent que les provinces ont accepté de verser aux agriculteurs est là - il suffit de le distribuer. Le ministre de l'Agriculture n'arrête pas de dire qu'il y a beaucoup d'argent dans le CSRN. C'est un programme auquel contribuent tant le gouvernement fédéral que les agriculteurs. Selon les données du mois d'août, qui sont les dernières que nous ayons sur le CSRN, 22 000 agriculteurs sur 58 000 disposent de moins de 2 700 $ dans ce compte. Cela n'empêche pas le ministre de dire qu'il y a beaucoup d'argent dans le CSRN. Certes, il y a un milliard de dollars dans le compte, mais quelques-uns des gros agriculteurs y ont versé, en moyenne, entre 197 000 $ et 300 000 $. Il ne faut pas beaucoup de gros agriculteurs pour en arriver à un tel montant. Pour ceux qui sont au bord de la ruine, il n'y pas d'argent. Il n'y a rien pour eux.

Au 20 octobre, 6 800 agriculteurs avaient obtenu un paiement dans le cadre du programme ACRA. Le paiement moyen, comme il a été dit plus tôt, s'élevait à 10 479 $. Le ministère de l'Agriculture a dit: «De gros paiements seront bientôt faits, et cela fera monter considérablement la moyenne.» En quoi cela vient-il en aide à l'agriculteur qui ne touche que 10 000 $? Si quelques agriculteurs reçoivent 100 000 $ ou plus, il est certain que cela fera monter la moyenne. Cependant, ils ne sont pas ceux dont nous nous inquiétons. Nous nous inquiétons des 30 000 agriculteurs qui seront ruinés. J'utilise ce chiffre depuis un an maintenant. Ou bien nous perdrons complètement ces 30 000 agriculteurs, ou bien nous perdrons les jeunes agriculteurs qui devraient prendre la relève des plus vieux.

J'exhorte le leader du gouvernement au Sénat à porter ce message au gouvernement.

Le programme que les organisations agricoles attendaient n'est pas celui qui a été mis en oeuvre. C'est pourquoi elles ne l'approuvent pas. On nous dit que quelques ajustements y seront apportés. Il est facile de modifier le programme. Nous pourrions demander simplement qu'il soit éliminé et remplacé par un nouveau. Ce serait bien, sauf qu'il faudrait attendre encore un an. Je ne veux pas cela. Modifions le programme en place et versons l'argent aux agriculteurs. Il y a un milliard de dollars. Versons-le aux agriculteurs. Nous nous inquiéterons après cela de trouver des fonds additionnels s'il en faut. Aidons les agriculteurs aux prises avec des difficultés.

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, tout d'abord, je tiens à remercier Son Honneur le Président d'avoir permis la tenue de notre débat. C'est un débat important. Je félicite tous ceux qui ont pris la parole jusqu'à maintenant. Ne connaissant rien de la vie dans une exploitation agricole, j'ai beaucoup appris cet après-midi. L'intervention du sénateur Sparrow a été excellente. Avec d'autres, il a dit beaucoup des choses que je voulais dire.

J'interviens ce soir à titre de citadin, mais d'Albertain, donc, quelqu'un pour qui le débat prend une coloration un peu différente. Comme l'a dit le sénateur Andreychuk, il faut comprendre que ce qui est bon pour l'Ontario n'est pas nécessairement bon pour l'Alberta ou la Saskatchewan. Les contextes économique et démographique sont différents. Les populations sont différentes. La proximité des marchés n'est pas la même non plus dans ces provinces. Par conséquent, compte tenu des chiffres entendus aujourd'hui, on ne peut pas dire que ce qui est bon pour le Canada fera nécessairement vibrer une corde sensible en Saskatchewan ou au Manitoba, qui n'ont pas les ressources, la population, la force économique ou le pouvoir de l'Alberta lorsqu'il s'agit de venir en aide aux agriculteurs.

On peut faire dire à peu près ce que l'on veut aux chiffres. Je n'ai pas l'intention de me lancer dans des querelles de chiffres. Nous avons tous vu ces chiffres. Si nous voulons faire oeuvre utile, il faut d'abord répondre à quelques questions fondamentales.

La première question, qui en est une difficile, est: la ferme familiale a-t-elle encore vraiment sa place? Tout le monde ici répondra: «Bien sûr que oui!» Toutefois, il y a des régions au Canada, en particulier en Alberta, qui semblent indiquer que l'époque de la ferme familiale tire à sa fin. Il est facile de romancer la ferme familiale. Il est facile de parler du point de vue de la collectivité. Les sénateurs Tkachuk, Spivak et Sparrow ont parlé de l'importance de la ferme familiale pour nos collectivités. Ils ont parlé du sentiment qu'elle crée chez les gens. Ils ont parlé du sentiment de proximité et d'appartenance à la collectivité qu'on n'a pas en ville. Ils ont parlé de l'apport si important de la ferme familiale aux fondements et à la culture de notre pays.

Le sénateur Spivak a dit que la ferme familiale était à l'Alberta et aux Prairies ce que la langue peut représenter pour le Québec, ce que les forêts représentent pour la Colombie-Britannique et ce que les pêches représentent pour les Canadiens de l'Atlantique. Ses comparaisons sont tout à fait justes. Elles vont droit au coeur de l'existence et de la perpétuation de tout ce qui nous importe, à nous qui venons des Prairies.

Lorsque quelqu'un demande si la ferme familiale a encore sa place à l'ère de la mondialisation, des grandes sociétés et de la rationalisation, je réponds oui. La ferme familiale a encore une place très importante. Elle fait partie intégrante du tissu social de notre pays. Elle est si importante que nous ne pouvons pas la laisser disparaître et perdre ainsi quelque chose de si profondément enraciné dans notre société.

Si nous reconnaissons l'importance d'assurer la survie des collectivités rurales de notre pays, peu importe ce que la ferme familiale peut représenter pour diverses personnes, elle a besoin d'une chose. Comme toute entreprise, que ce soit dans le secteur des pêches ou dans le secteur pétrolier et gazier, il faut une chose pour survivre en affaires. Tous les gens d'affaires vous diront que cette chose, c'est la stabilité. Si une entreprise n'a pas de stabilité, de prévisibilité ou un sens de la planification qui lui donne une idée de ce qui se passera l'année suivante, elle sera toujours en difficulté. Elle sera toujours dans l'incertitude et n'en finira jamais d'aller demander de l'aide à la banque. Sans stabilité, on semble toujours en train de mendier.

Je crois que, depuis toutes les années que je suis en politique, les agriculteurs n'ont jamais bénéficié d'aucune stabilité. Comme l'a dit le sénateur Taylor, il y a eu en Alberta des programmes qui ont fonctionné. Il y a eu une base assurée et un filet de sécurité auxquels les agriculteurs ont pu recourir pour affronter le mauvais temps et toutes les autres choses avec lesquelles ils doivent composer. Toutefois, ils n'ont jamais eu la stabilité qui leur aurait permis de planifier et de continuer à nous fournir les produits qui sont tellement importants et précieux pour nous.

Des intervenants ont parlé aujourd'hui de réexaminer la question constitutionnelle. Le leader du gouvernement au Sénat a dit que les provinces doivent faire quelque chose. Nous avons entendu cela tellement souvent. On nous dit que c'est leur faute. Je pourrais réciter aux sénateurs une liste que des députés provinciaux du Manitoba ont lue lorsqu'ils ont présenté leurs instances au comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes. Il s'agit de deux pages de programmes dont le gouvernement fédéral s'est retiré et de compressions faites à des programmes touchant l'agriculture, et j'entends dire aujourd'hui que les provinces retirent des fonds.

(1750)

La pauvre petite province de la Saskatchewan retire de l'argent de l'aide aux agriculteurs. Le gouvernement de la Saskatchewan n'a pas les moyens de fournir de l'aide aux agriculteurs, alors le gouvernement fédéral dit que la Saskatchewan est censée contribuer 40 p. 100 du programme d'aide et que comme elle ne l'a pas fait, le gouvernement fédéral n'a pas à faire quoi que ce soit. C'est de la dérobade. C'est inacceptable. Il est inacceptable que les dirigeants politiques, provinciaux ou fédéraux, disent que cela n'est pas leur responsabilité. C'est la responsabilité de tout le monde.

Tandis que nous jetons une poignée de dollars ici et là, la vie agricole dans ce pays va en s'amenuisant et la crise continue. De plus en plus d'exploitations sont saisies, de plus en plus d'exploitations disparaissent et de plus en plus de jeunes s'en vont. Toutes les choses que nous avons entendues aujourd'hui sont réelles et vitales. Elles se produisent dans notre pays. Les gens parlent vaguement du problème, mais ils ne s'y attaquent pas vraiment. Nos dirigeants politiques refilent la responsabilité à d'autres et personne ne propose de programme pour donner un sentiment de stabilité aux agriculteurs de façon à ce qu'ils puissent faire leur travail car, à long terme, nous avons besoin d'eux pour assurer notre autosuffisance et notre indépendance.

Honorables sénateurs, nous avons besoin d'un gouvernement qui vienne au-devant des agriculteurs au lieu de renvoyer les premiers ministres les mains vides en Saskatchewan et au Manitoba, de leur donner des chiffres jamais vus et de leur dire qu'au lieu de 48 millions de dollars en moins, c'est 20 millions de dollars en plus. Ils ne veulent pas se lancer dans une guerre des chiffres. Cela ne réglera rien. Nous avons besoin d'un gouvernement qui aille au-devant des agriculteurs et leur propose un plan à long terme pour leur assurer la stabilité pendant qu'il travaille avec les provinces.

Honorables sénateurs, ce n'est pas nouveau. Cela ne date pas d'hier. Dans les années 70, je faisais partie du gouvernement albertain et c'était le même genre de discussions, le même sentiment. De façon générale, on tenait pour responsable le gouvernement fédéral ou telle personne. Et dans l'intervalle, il y a de moins en moins d'agriculteurs. Les problèmes ont été exacerbés, et nous voilà plongés dans une crise. J'estime que nous nous trouvons dans une situation très sérieuse au Canada rural, surtout dans les Prairies. Il ne suffit plus que le premier ministre renvoie les premiers ministres chez eux en leur disant: «Ne vous inquiétez pas, un autre comité fixera les chiffres.» Il est peut-être trop tard.

Il faudrait d'urgence adopter des mesures ponctuelles, le temps que des plans à long terme voient le jour. Malheureusement, rien n'est fait en ce sens. On se renvoie la balle et on se livre à une bataille de chiffres. Personne ne vient apporter des solutions pour assurer la stabilité de cette industrie. Si c'est ce qu'il faut faire, allons de l'avant avec cela.

Hier, M. Martin n'a même pas évoqué la situation agricole lorsqu'il parlait des prévisions financières et de ce qu'il convenait de faire avec le soi-disant excédent. Il a parlé d'aide aux enfants et d'autres dossiers semblables, ce qui est louable. Toutefois, il y a ici des enfants des milieux ruraux et des enfants de familles situées dans des régions rurales de l'Alberta et du Canada. Qu'en est-il dans leur cas? Pourquoi ne parlons-nous pas d'agriculture? Pourquoi rejetons-nous toujours la responsabilité sur quelqu'un d'autre et ne faisons-nous rien pour corriger la situation?

Honorables sénateurs, il est temps d'instaurer un climat de stabilité. Les agriculteurs le méritent. Si nous croyons vraiment à l'importance de la collectivité rurale, nous devons alors faire quelque chose pour lui venir en aide. Il est temps de cesser de parler. Il est temps de commencer à faire preuve de leadership. Il est temps d'offrir une certaine stabilité aux agriculteurs du Canada.

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs je remercie également la présidence d'avoir convenu qu'il s'agissait là d'un sujet se prêtant à un débat d'urgence et je remercie mon ami le sénateur Gustafson d'avoir vu à ce qu'il soit abordé.

Je partage la majorité des points de vue qui ont été exprimés. Ce n'est pas un débat au sujet des statistiques. Ce n'est pas un débat concernant un blâme. C'est un débat portant sur des gens. C'est un débat concernant les difficultés auxquelles font face aujourd'hui les particuliers, les familles et les enfants et portant sur les perspectives d'avenir. Il existe des perspectives d'avenir sur les plans de la stabilité dans le secteur agricole et des débouchés sur les marchés mondiaux.

J'ai écouté tous les orateurs. Tous ont évoqué avec plus ou moins de vigueur le problème et les facteurs qui nous réunissent ici cet après-midi pour parler des agriculteurs. J'ai en particulier écouté avec bienveillance l'intervention du sénateur Gustafson. C'est loin d'être la première fois que j'écoute le sénateur Gustafson. J'ai le privilège de siéger au comité sénatorial de l'agriculture, qu'il préside avec beaucoup d'habileté et de coeur.

Pour ceux d'entre vous qui ne comprennent pas le fonctionnement interne du Sénat, c'est un endroit où des gens partageant des points de vue politiques différents peuvent se respecter et se faire des amis qu'ils garderont longtemps. Ces personnes peuvent aussi partager et partagent effectivement de profondes préoccupations concernant des problèmes qui affectent la vie et le bien-être des citoyens, quel que soit l'endroit où ils vivent au pays. C'est sans doute là un des points forts les moins bien connus du Sénat du Canada.

Honorables sénateurs, aucun Canadien de l'ouest du Canada, particulièrement ceux des principaux secteurs agricoles de cette région, ne peut ignorer la douleur et l'insécurité ressenties par les gens des collectivités et des familles agricoles et des petites villes rurales et de tous ceux qui essaient de mener des affaires dans ces endroits par temps durs, qui doivent supporter les extrêmes de température, les inondations, la sécheresse, les maladies et les pressions du commerce international qui entraînent la chute des prix des meilleurs produits du monde face à l'octroi massif de subventions dans d'autres pays.

Le comité de l'agriculture a entendu des témoignages et des histoires en provenance de tous les secteurs de cette industrie alors qu'il travaillait à la préparation d'un rapport à l'intention du gouvernement sur les messages que le Canada devrait transmettre aux prochaines négociations sur le commerce extérieur qui se tiendront à Seattle. Notre rapport, intitulé: «La voie à suivre: Les priorités pour l'agriculture canadienne et la ronde du millénaire», renferme d'importantes recommandations en vue des prochaines négociations qui doivent être entreprises plus tard au cours du mois.

Mais le plus important est qu'il a été donné à chacun d'entre nous d'entendre parler des difficultés et des possibilités du secteur, lorsque nous étions sur le terrain, dans l'Ouest canadien, - non pas dans les salles de réunion des comités ici, à Ottawa, mais dans nos propres localités, dans nos propres provinces. Nous avons écouté la population. Nous avons regardé droit dans les yeux de ceux qui éprouvent de sérieuses difficultés en raison de circonstances qu'ils ne contrôlent absolument pas. Au cours des mois écoulés, j'ai visité toutes les provinces de l'Ouest. Je me suis entretenue avec un grand nombre d'exploitants agricoles - parfois en compagnie de collègues, parfois seule, notamment dans le sud-ouest de l'Alberta dont je suis issue. Une chose est certaine, et c'est qu'en Saskatchewan, il a longuement été question des dégâts causés par les pluies sur les terres agricoles du sud-est de la province, et du sud-ouest du Manitoba aussi. J'ai parlé à des agriculteurs qui s'y sont repris à deux fois pour ensemencer leurs terres, pour voir la pluie ruiner leurs efforts. Ces personnes ont de très graves difficultés financières. La récolte sera inexistante, et les emplois sont introuvables. Certains sénateurs bien installés dans le confort douillet de cette enceinte ne se rendent pas compte que le fait de posséder une terre, que celle-ci produise ou pas, prive ces agriculteurs du droit de percevoir les indemnités du bien-être social; ces gens se demandent comment ils vont faire pour subvenir aux besoins de leur famille.

Des sénateurs de toutes les allégeances ont rencontré la semaine dernière les membres de délégations de la Saskatchewan et du Manitoba, venues à Ottawa solliciter des financements transitoires pour aider les agriculteurs à traverser les prochaines années au bout desquelles il est à espérer que, lors des négociations commerciales, la voix de la raison prévaudra, de même que la bonne volonté et la bienveillance.

(1800)

Ils nous ont dit à quel point le Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole ne donnait pas les résultats escomptés par le gouvernement fédéral et par ses partenaires, les gouvernements provinciaux.

Je voudrais identifier certaines des personnes qui sont venues ici la semaine dernière. Elles ne représentent qu'une partie de la délégation. Nous avons entendu Leon Lueke, de l'Association des producteurs de porc de la Saskatchewan; Albert Wagner, du Pro-West Rally Group; Noreen Johns, une femme passionnée et profondément inquiète, du Saskatchewan Women's Agricultural Network; Don Dewar, des Keystone Agricultural Producers; Goerge Groeneveld, de Agricore; Wayne Motherall, de l'Association des municipalités du Manitoba, qui reste habituellement à l'écart de ce genre de dossiers, mais comme les petites villes éprouvent des difficultés, les grandes villes viennent à la rescousse. Nous avons parlé à Clay Serby, ministre des Affaires municipales, de la Culture et du Logement de la Saskatchewan; à Dwain Lingenfelter, vice-premier ministre et ministre de l'Agriculture; et à Mme Donna Harpauer, députée du Saskatchewan Party. Du Manitoba, nous avons parlé au chef du Parti libéral, Jon Gerrard, qui est un vieil ami depuis l'époque où il siégeait comme député à la Chambre des communes.

Il est clair que nous, qui devons parler au nom de cette région ici, ne devrions pas mettre l'accent uniquement sur la guerre de chiffres dont ont fait l'objet les discussions qui se sont tenues la semaine dernière. Nous ne devons pas nous laisser distraire de ce qui est vraiment important, c'est-à-dire tout mettre en 9uvre pour aider les agriculteurs en difficulté. Honorables sénateurs, je crois que nous aurons une réponse, et que nous l'aurons très bientôt, ce qui nous permettra de modifier les programmes en vigueur, de débloquer des fonds, de tenir compte du point de vue des agriculteurs qui ont dit que le montant de 900 000 $ était apprécié, mais qu'il n'arrivait pas assez vite et qu'il n'était pas attribué de la façon la plus utile. Nous devons réagir à cela, honorables sénateurs, et je suis certaine que nous allons le faire. Je pense que des ajustements, des changements et des engagements seront nécessaires pour que les programmes fonctionnent.

On s'est beaucoup demandé aujourd'hui si quelqu'un se préoccupe du problème. Nous devons nous demander si le pays est devenu insensible à son passé et à son présent au point d'ignorer ce qui se passe, pas dans les milieux en vue, pas à la télévision tous les soirs, pas dans les grands centres urbains, mais dans certaines des plus grandes étendues de notre pays que nous n'échangerions pour rien au monde. Voilà pourquoi nous ne pouvons jamais abandonner nos agriculteurs. Oui, nous nous sentons vraiment concernés. Dans le monde d'aujourd'hui, nous savons que l'agriculture est une des industries les plus fragiles et qu'il y a urgence.

Je l'ai dit, le ministre de l'Agriculture va apporter des changements très rapidement car, honorables sénateurs, nous ne voulons pas que disparaisse ce mode de vie qui a été décrit aujourd'hui. Nous voulons le préserver. Nous voulons multiplier les possibilités pour les agriculteurs, pas pour les multinationales. Nous voulons renforcer les liens entre les localités rurales car elles sont l'âme de nos régions et de notre pays.

Je viens d'une merveilleuse petite ville qui s'appelle Lethbridge. Je l'aime beaucoup, mais j'aime aussi les petites villes qui sont éparpillées dans les zones rurales qui l'entourent et dont elle tire sa force - des villes comme Coaldale, Coalhurst, Picture Butte, Stirling, Taber, Warner, Raymond, Magrath, Cardston, Stand Off, dans la réserve des Gens-du-Sang, et Fort MacLeod, où tellement de choses rappellent l'histoire de la GRC, et dans les montagnes, au-delà des cols, Pincher Creek, et Brocket dans la réserve des Péganes. Ce sont les foyers de la puissance agricole sur cette terre dont je suis issue et où ma grand-mère et mon grand-père étaient pionniers.

Il vaut la peine de s'arrêter parfois pour penser à ce qu'était le Canada là-bas au début du siècle. Il n'y avait pas de gros immeubles ni de grandes usines. Il y avait des fermes et des gens courageux venus par petits groupes de tous les coins du monde. La famille de ma mère est venue du cratère de poussière de l'Iowa, cherchant à améliorer son sort, et s'est installée, sénateur Gustafson, près de North Battleford, en Saskatchewan, où ma mère est née. C'est la base de notre pays. Aujourd'hui, soit un siècle plus tard, nous pouvons communiquer, grâce à la technologie et à l'informatique, mais, au fond, malgré les distances, les habitants de ces petites villes tiennent vraiment à voir leurs semblables, à leur parler et à les écouter. C'est à ses risques et périls que l'oublie celui qui les représente au sein d'une assemblée législative, où que ce soit au Canada. En l'oubliant, on risque de briser l'unité de notre pays. Les personnes tiennent à être liées. Peu importe la gloire qu'apporte la technologie, elle ne remplace guère le lien entre les personnes.

Comme je l'ai dit au début, honorables sénateurs, le débat de ce soir porte vraiment sur les personnes. Malgré le scepticisme de certains de mes vis-à-vis et de mes collègues, je crois fermement que les personnes doivent avoir la première considération et la priorité du gouvernement et du premier ministre. Le gouvernement et le premier ministre agiront.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant que nous n'entendions l'honorable sénateur Gustafson, je veux préciser que le Règlement ne dit rien de ce qui se passe à 18 heures dans le cadre d'un débat d'urgence. Quoi qu'il en soit, j'ai jugé que le sénat souhaitait que je ne me préoccupe pas de l'horloge et je n'ai donc pas interrompu l'honorable sénateur Fairbairn. Je suppose que vous souhaitez que je ne me préoccupe pas de l'heure?

Des voix: D'accord.

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, je serai bref. Je veux tout d'abord remercier Son Honneur d'avoir permis la tenue de ce débat. Je pense que c'est une décision admirable. Je veux également remercier les sénateurs des deux côtés. C'est une journée où je suis fier du Sénat car je pense que nous commençons à accomplir le travail qui devrait être fait dans cette enceinte.

Comme des intervenants des deux côtés l'ont précisé, notre communauté agricole est confrontée à un très grave problème. Il y a eu des malentendus, mais les membres du comité de l'agriculture savent, et j'irai jusque là, que le gouvernement n'était pas totalement à blâmer dans la présentation du programme ACRA. Sauf erreur, c'est à la Fédération de l'agriculture qu'on doit, en fait, ce programme. On l'a mis en place sur le moment pour faire face au problème dans le secteur du porc. Les porcs se vendaient à Torquay, en Saskatchewan, 10 $ pièce. M. Marcotte a annoncé dans le journal qu'on pouvait acheter un porc pour 10 $. Ainsi, le producteur de porcs qui avait pu compter sur des prix élevés, a pu obtenir un versement parce qu'il satisfaisait à la moyenne de 70 p. 100 pour les trois dernières années. Cependant, cela n'a pas fonctionné pour le reste du Canada et pour les céréaliers. Ce programme n'a absolument pas fonctionné et doit donc être changé.

(1810)

Honorables sénateurs, la Saskatchewan n'a pas l'assiette fiscale voulue pour partager la facture dans une proportion de 40-60. Je vais être franc. L'Alberta a l'argent nécessaire et peut respecter ce critère. Elle est heureuse de le faire et de payer davantage. Les agriculteurs albertains obtiendront plus, mais qu'arrive-t-il alors en Saskatchewan?

De plus, il a été question de la négligence du gouvernement provincial. Il l'a été. Il a équilibré son budget au détriment des agriculteurs. Il a utilisé nos paiements au titre du programme RARB. L'Alberta a touché 58 000 $ par agriculteur au cours de la dernière année où les paiements au titre du RARB ont été versés, le Manitoba 43 000 $ et pour ma part, j'ai reçu une facture de 320 $ pour mon exploitation agricole. Quiconque dit que cela n'aura pas de conséquences a tort.

Nous parlons actuellement d'erreurs commises par le passé, et nous ne pouvons pas les laisser se répéter. L'agriculture est une industrie importante pour le Canada. Mon grand-père s'est établi en Saskatchewan en 1905. Il nous disait souvent qu'il était fier de pouvoir payer ses impôts dans les années 30. Il y a actuellement une révolte contre les impôts dans cette province, mais, comme l'a dit le préfet de la municipalité de Wellington, ce n'est pas parce que les agriculteurs ne veulent pas payer leurs impôts. Ils n'ont tout simplement pas l'argent pour les payer.

Nous devons prendre certaines décisions et, comme l'a déclaré le sénateur Sparrow, elles doivent être prises rapidement, parce que la période d'ensemencement arrivera vite. Lorsqu'on s'entretient avec des agriculteurs et des groupes agricoles, que disent-ils? Ils demandent ce qu'ils devraient faire maintenant. La question est de savoir combien d'agriculteurs pourront ensemencer. La situation est très démoralisante.

J'ai vu mon voisin, un jeune agriculteur, faire une magnifique moisson de seigle, puis il m'a dit que le meilleur prix qu'il avait pu obtenir était 78 cents le boisseau. Cela payait à peine le carburant nécessaire pour expédier la récolte.

Cette scène se répète à l'infini. Les récoltes de certains agriculteurs sont gelées. Ils obtiennent 88 cents pour du blé gelé. Des agriculteurs reçoivent 2,05 $ pour un boisseau de blé dur, alors que leurs confrères américains sont assurés d'en obtenir 5,50 $ le boisseau. Comment vont-ils survivre?

Les Américains et les Européens cesseront-ils de subventionner leurs agriculteurs? Non, ils ne le feront pas. Je ne suis même pas sûr qu'ils le devraient. Un des grands problèmes qui existent actuellement dans le monde, c'est que les pays qui ont besoin des denrées alimentaires n'ont pas d'argent.

À une époque, le Canada avait des bateaux pleins de blé qui quittaient Vancouver pour se rendre en Russie, alors qu'ils n'avaient même jamais été demandés. Ils étaient simplement envoyés là-bas, et les Russes achetaient ce blé. Aujourd'hui, la Russie n'a plus un sou. Elle n'a pas d'argent pour acheter du blé. Le ministre de l'Agriculture de la Russie a comparu devant le comité sénatorial et nous l'a dit carrément.

Je pourrais nommer d'autres pays dans la même situation. Le problème est mondial. J'espère qu'on fera preuve de sens commun aux rencontres à Seattle, qui débuteront le 29 novembre et se poursuivront jusqu'au 4 décembre, pour tenter de régler ce problème mondial.

Le plus important, c'est que le gouvernement et le Parlement du Canada s'occupent de ce problème mondial très important. Nous connaissons tous des pays qui n'ont pas les moyens d'acheter de la nourriture, mais qui seraient heureux de manger s'ils disposaient de ces aliments. Il s'agit d'un grave problème. Il est très triste que, avec les ressources et la machinerie nécessaires pour produire comme jamais auparavant, nous n'ayons pas suffisamment de bon sens politique pour nourrir un monde qui a faim. Personne n'arrive à comprendre cela.

Un certain nombre de sénateurs ont cité des chiffres. Prenons par exemple le seigle. Je suis teetotaliste, mais je vais examiner ce que rapportent les taxes sur le whisky à base de seigle: 79 cents le boisseau. Il y a aussi l'orge, le blé, et cetera. Est-ce important pour le Canada? Ça l'est, selon moi.

Je félicite les sénateurs présents ici aujourd'hui. Chacun de nous a un rôle à jouer. Mon intention n'est pas de décourager le gouvernement, mais de l'encourager à faire ce qui est juste pour une industrie qui revêt une grande importance pour le Canada. Nous devons construire un meilleur Canada, et nous allons le faire.

Pour terminer, honorables sénateurs, je donne avis que demain, le jeudi 4 novembre 1999, je proposerai:

Que le Sénat recommande au gouvernement du Canada d'accorder immédiatement 1,3 milliard de dollars aux agriculteurs de l'Ouest, comme l'ont demandé les premiers ministres de cette région. Cette aide devrait parvenir aux agriculteurs par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé, sous forme d'un paiement à l'acre.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Gustafson, j'ai le regret de vous informer que je ne peux pas accepter un avis de motion à ce moment-ci, sauf s'il y a consentement unanime.

L'honorable Eymard G. Corbin: N'avons-nous pas suspendu la séance? Il s'agit d'un débat spécial qui ne permet la présentation d'aucune motion.

Son Honneur le Président: Je ne peux accepter un avis de motion que si le sénateur Gustafson demande le consentement unanime.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Nous avons demandé la permission.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois qu'il y a des considérations qui méritent réflexion. Tout d'abord, la motion dont le sénateur Gustafson voudrait donner avis prévoit des dépenses, et je me demande si cela est recevable.

Le sénateur Gustafson: C'est une recommandation.

Le sénateur Hays: De plus, je crois comprendre que le débat d'urgence s'accompagne d'une motion d'ajournement et que, lorsque l'honorable sénateur Gustafson reprendra sa place, le débat sera ajourné. Je m'interroge par conséquent sur la recevabilité d'un avis de motion pendant un débat d'urgence.

Le sénateur Kinsella: Refusez-vous la permission?

Le sénateur Hays: Effectivement.

Son Honneur le Président: L'avis de motion n'est pas accepté.

Honorables sénateurs, il est proposé par l'honorable sénateur Gustafson, avec l'appui du sénateur Cohen, que le Sénat s'ajourne. Aux termes de l'alinéa 61(3)a) du Règlement, la motion est adoptée d'office. Je quitte donc le fauteuil pour le reprendre à 14 heures demain.

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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