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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 6

Le jeudi 4 novembre 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 4 novembre 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE DÉCÈS DE ANTHONY GUSTAVE VINCENT

Hommage

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai appris qu'hier le décès de l'ancien ambassadeur Anthony Vincent. Je sais que plusieurs honorables sénateurs l'ont connu.

M. Vincent est né en Angleterre. Il a terminé ses études aux États-Unis et il est entré dans ce qui s'appelait alors le ministère des Affaires extérieures, en tant que diplomate. Il a accompli une carrière remarquable qui l'a conduit dans le monde entier, ses dernières affectations ayant été l'Espagne et Andorre, où il fut notre ambassadeur. Il a également été notre haut-commissaire au Bangladesh et notre ambassadeur en Birmanie. Il a oeuvré dans les missions canadiennes à La Haye et à New Delhi.

Mais c'est à l'époque où il a été notre ambassadeur au Pérou qu'il est devenu un héros. En 1996, M. Vincent a joué un rôle majeur lors de la prise d'otages à la résidence de l'ambassadeur du Japon à Lima. Nous croyons que ses actions ont permis de sauver plusieurs vies. Il a reçu la Médaille du service méritoire de la Gouverneure générale pour sa contribution extraordinaire à la résolution de cette crise. Il était un héros bienveillant et modeste et un fonctionnaire estimé du Canada. Il a témoigné du rôle important que le Canada peut jouer dans la quête d'un monde plus stable et meilleur.

Honorables sénateurs, je voudrais me joindre au très honorable premier ministre et au ministre des Affaires étrangères pour présenter nos condoléances à la famille de M. Vincent, notamment à son épouse Lucie et à sa fille Alexandra.

(1410)

La deuxième guerre mondiale

Le cinquante-cinquième anniversaire de la bataille du golfe du Saint-Laurent

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je voudrais aujourd'hui rendre hommage à tous les Canadiens, ceux qui vivent encore et ceux qui nous ont quittés, qui ont servi notre pays sous les drapeaux. Je veux également adresser un merci très spécial aux Canadiens qui servent maintenant à l'étranger dans le cadre de missions de maintien de la paix.

Cet après-midi, je tiens à parler précisément de la bataille du golfe du Saint-Laurent, cette étendue d'eau qui offre de très beaux panoramas au Québec, au Nouveau-Brunswick, dans l'Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve et au Labrador. C'est une voie navigable à l'intérieur du Canada à l'heure actuelle, et de nombreux Canadiens peuvent penser que cela a toujours été le cas, mais en 1942, ce sont les sous-marins de l'Allemagne nazie qui y régnaient en maîtres.

Ce matin, sous les auspices de notre bienveillant Président, nous avons assisté à une cérémonie dans cette enceinte pour commémorer la bataille du golfe du Saint-Laurent de 1942 à 1944. Pour les puristes, bien entendu, seuls deux navires ont été perdus après 1942, les deux en 1944, et il s'agit donc du cinquante-cinquième anniversaire, mais pour la plupart d'entre nous qui connaissent peut-être mieux l'histoire navale, la bataille du golfe s'est déroulée, en fait, en 1942.

Honorables sénateurs, la cérémonie de ce matin, présidée par Son Excellence la Gouverneure générale du Canada, était chaleureuse et appropriée et nous avions parmi nous un grand nombre de marins de la marine marchande canadienne qui ont combattu dans ces eaux pour défendre notre pays.

Les sous-marins allemands ont trouvé que les convois qui traversaient l'Atlantique étaient relativement bien protégés en 1942, à la suite de l'entrée en guerre des Américains et ils ont alors décidé de s'attaquer aux voies navigables côtières de l'Amérique du Nord pour trouver des proies plus faciles durant ce que les équipages des sous-marins allemands appelaient «la saison de chasse américaine» ou «la belle époque».

Honorables sénateurs, les sous-marins allemands ont coulé en six mois le long de la côte de l'Amérique du Nord des navires représentant 2,5 millions de tonnes de marchandises. Les sept premiers mois de 1942 ont presque coûté la guerre aux Alliés. On dit que les sous-marins allemands avaient tellement le choix des cibles qu'ils ne rentraient au port que parce qu'ils n'avaient plus de torpilles. Alors que la bataille de l'Atlantique faisait rage en haute mer, les sous-marins allemands ont réussi à se glisser dans le golfe du Saint-Laurent, souvent en vue des côtes, à la recherche de navires marchands sans escorte.

En mai 1942, la bataille du golfe commençait. Le U-boot allemand U-553 était repéré au large du cap Ray alors qu'il accomplissait sa première patrouille. Au cours des cinq mois qui suivirent, 21 bateaux devaient être coulés et quelques 200 marins tués. En 1944, deux navires de guerre étaient coulés et quelque 91 personnes tuées. Le premier, ce fut le navire à vapeur Nicoya - le premier bateau coulé dans les eaux intérieures du Canada par, j'ajouterai, des forces hostiles depuis la guerre de 1812. Malheureusement, ce ne devait pas être le dernier. Le NCSM Racoon, un bâtiment armé, était coulé par le U-boot U-165 le 6 septembre 1942, et la corvette NCSM Charlottetown par le U-boot U-517 seulement cinq jours plus tard. Le 14 octobre, c'était la tragédie pour le traversier Caribou, qui assurait la liaison entre la partie continentale du Canada et Terre-Neuve.

Son Honneur le Président: Sénateur Forrestall, je regrette de devoir vous interrompre, mais la période de trois minutes que vous aviez pour faire votre déclaration a expiré.

Le sénateur Forrestall: Je suis sûr que les honorables sénateurs comprennent que ce sont des Canadiens auxquels nous rendons hommage aujourd'hui.

La Cour suprême

La nomination de l'honorable Beverley McLachlin au poste de juge en chef

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, je voudrais faire quelques remarques au sujet de l'annonce faite hier selon laquelle le prochain juge en chef de la Cour suprême du Canada sera Mme la juge Beverley McLaghlin.

Je pense que tous les Canadiens se sont réjouis de cette nouvelle et je crois que les femmes étaient particulièrement remplies de joie - l'expression n'est pas trop forte - à l'annonce de sa nomination. C'est la première femme à occuper le poste de juge en chef de notre Cour suprême. Ce qui nous réjouit surtout, c'est qu'elle n'a pas été nommée à ce poste parce que c'était une femme, mais en raison de son excellence.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Fraser: C'est une Canadienne quintessencielle. Peut-on être plus Canadien que quelqu'un qui est né à Pincher Creek, en Alberta? Elle a été admise au Barreau albertain en 1969 et elle a fait à peu près tout ce qu'il est possible de faire dans le système juridique canadien. Elle a pratiqué le droit dans un cabinet privé de 1969 à 1975. Elle a enseigné le droit à l'Université de la Colombie-Britannique de 1974 à 1981, puis, en 1981, elle a débuté au bas de la hiérarchie de la magistrature, à la cour de comté de Vancouver. Elle n'est pas restée très longtemps en bas de l'échelle. Elle a commencé à grimper les échelons cette même année; elle est entrée à la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Puis, en 1985, elle est entrée à la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, où elle a été nommée juge en chef en 1988. Il y a dix ans, en 1989, elle a été nommée à la Cour suprême du Canada par M. Mulroney, alors premier ministre - l'une des meilleures décisions qu'il ait prises, oserais-je dire.

Madame la juge McLachlin s'est révélée difficile à cataloguer, ce qui est une chose rare. Il n'a pas été possible, même aux commentateurs fortement portés sur les questions idéologiques, de la classer comme appartenant à une école judiciaire ou à une autre depuis l'annonce faite hier. Tout le monde a simplement pu dire qu'elle était un juge hors pair, doté d'un esprit formidable et indépendant, qui n'entre bien entendu dans aucune des catégories préétablies.

L'un des commentaires les plus intéressants qu'on ait faits sur elle est celui du président de l'Association du Barreau canadien, qui a déclaré: «Elle possède cette volonté canadienne de faire les choses, de décomposer les problèmes en petits problèmes et de se mettre à les résoudre.»

Bien que je ne sois pas juriste, j'ai dû passer pas mal d'années à lire des recueils de jurisprudence et je dois dire que, en tant qu'ancienne journaliste, je m'extasie également en constatant que nous avons un juge en chef qui poursuit la bonne tradition de rédiger des jugements d'une façon simple et claire. Il est important pour les citoyens de notre pays de pouvoir comprendre ce que leur dit la Cour suprême et, lorsque Mme la juge McLachlin écrit, il ne fait aucun doute qu'on comprend ce qu'elle dit et pourquoi.

[Français]

Elle a aussi dit récemment devant le Barreau canadien, et je cite:

Le Parlement, avec ses meilleurs outils de découverte des faits, avec un meilleur accès aux opinions, à l'information, est l'endroit le plus approprié pour la prise de décisions de nature politique, «au sens noble».

[Traduction]

C'est très important, j'en suis certaine. Il sera passionnant de la regarder faire. Nous nous réjouissons de sa nomination et lui transmettons toutes nos félicitations.

Le Jour du Souvenir

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, comme vous le savez, des cérémonies auront lieu le 11 novembre prochain pour rendre hommage à nos anciens combattants et autres personnels militaires. Nous espérons que le Canada et le monde entier jouiront d'une paix et d'une liberté relatives au cours du siècle qui commence.

J'aimerais aujourd'hui rendre hommage à tous ces Canadiens qui ont fait de grands sacrifices au nom de la liberté. Nos militaires ont su protéger notre pays au cours des âges, participant à de nombreuses guerres et missions de rétablissement et de maintien de la paix. Depuis les premiers jours, ils ont su remplir leur partie du contrat de responsabilité illimitée auprès des Canadiens et ils continuent de le faire encore aujourd'hui. Nous devons reconnaître et honorer les efforts qu'ils ont faits pour le Canada.

J'ai moi-même certains liens avec la Première Guerre mondiale. Mon père a fait partie du corps expéditionnaire canadien, le 46e Régiment de la Batterie de la Reine, qui a pris part à la fameuse bataille du plateau de Vimy, qui a eu lieu le 9 avril 1917. Cette bataille a marqué l'arrivée du Canada sur les rangs internationaux. À une époque, il était difficile de trouver une seule famille canadienne qui n'avait aucun lien avec cette bataille.

(1420)

De plus, à l'Université Acadia où j'ai étudié, il y avait une résidence sur le campus, la maison Willett, où se trouvait un salon qui avait été baptisé le Milton Gregg Lounge, en l'honneur de l'un des soldats canadiens les plus connus et les plus braves. Milton Gregg fut l'un des 19 Canadiens à s'être vu décerner la Croix de Victoria, qu'il a méritée à Cambrai, en France, au cours de la semaine du 28 septembre au 1er octobre 1918. C'était un Néo-Brunswickois respecté. Il a été président de l'Université du Nouveau-Brunswick et ministre fédéral des Pêches. Il a également étudié à l'Université Acadia et fut un camarade de classe de mon père.

Il est triste de penser que les rangs des anciens combattants de la Première Guerre mondiale, de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée s'éclaircissent peu à peu. D'après les chiffres établis en mars dernier par le ministère des Anciens combattants, il reste seulement 669 anciens combattants de la Première Guerre mondiale, 390 230 de la Deuxième Guerre mondiale et 17 783 de la guerre de Corée. Il nous incombe d'honorer ces Canadiens de sorte que leurs sacrifices et leurs exploits demeurent toujours dans la mémoire des Canadiens.

Je veux parler un instant des hommes et des femmes des Forces canadiennes qui servent vaillamment leur pays aujourd'hui, que ce soit ici au Canada ou en mission de maintien de la paix à l'étranger. Trop souvent, nous oublions de manifester notre appréciation et notre gratitude envers nos vaillants militaires en service actif. Ils ont mérité maintes et maintes fois notre respect et nous devons trouver des façons de leur montrer que nous nous soucions d'eux.

Honorables sénateurs, à tous ces Canadiens qui sont toujours vivants et à ceux qui sont décédés, nous exprimons notre éternelle gratitude et nous perpétuons leur souvenir.

L'honorable Calvin Woodrow Ruck: Honorables sénateurs, je prends moi aussi la parole à l'occasion du jour du Souvenir. Encore une fois, nous nous préparons à rappeler ces événements de l'histoire canadienne, le souvenir des deux guerres mondiales et de la guerre de Corée. Je tiens à rappeler que des membres de la communauté noire et de la communauté autochtone ont eux aussi servi leur pays lors de ces guerres. Je demande humblement qu'en observant le Jour du Souvenir, vous vous rappeliez que nous, les minorités au Canada, avons nous aussi servi notre pays et que nous sommes prêts à le servir encore à bien des égards à l'avenir. Nous sommes prêts à faire face à toute éventualité afin de préserver les principes démocratiques qu'illustre notre pays.

Le décès de Greg Moore

Hommage

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour rendre hommage à un grand Canadien dont nous déplorons la disparition, Greg Moore. J'ai eu l'honneur de représenter la circonscription de Mission-Port Moody, le pays de Terry Fox, un de nos grands héros canadiens, et la région de Maple Ridge, le pays de plusieurs grands athlètes - par exemple Cam Neely, un grand joueur de hockey, Larry Walker et Greg Moore.

Le 31 octobre, un affreux accident s'est produit sur un circuit de courses d'automobiles en Californie. Nous avons sans doute tous vu ce drame à la télévision. Nous avons perdu un athlète magnifique, Greg Moore, âgé de 24 ans à peine.

Greg a démarré sa carrière de coureur automobile chez son père, qui était concessionnaire de voitures Chrysler, à Maple Ridge, sur l'autoroute de Lougheed. Cela se trouve dans un comté que j'ai déjà représenté. À l'époque où j'étais député et ministre du Cabinet dans l'autre Chambre, je passais souvent sur cette route car mon bureau n'était pas loin. J'ai vu ce garçon, dans ses jeunes années, piloter des karts dans le coin. Je connaissais aussi son père et d'autres membres de la famille. Greg a connu la notoriété très jeune, courant aux côtés de grands pilotes comme les Villeneuve, Fittipaldi, Andretti et Paul Tracy. Il a su s'imposer. Nous étions nombreux à voir en lui un héros. Beaucoup de jeunes Canadiens le considéraient comme tel. Il était non seulement sympathique et gentil, mais il était aussi toujours disposé à participer aux programmes de promotion de la sécurité routière dans les écoles et autres initiatives relatives à la conduite et à sa profession.

Je sais que toutes les personnes ici présentes voudront se joindre à moi pour offrir à sa famille et à tous ses amis nos condoléances les plus sincères pour la perte de cet éminent Canadien.

Le Jour du Souvenir

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, je veux joindre ma voix à celle des honorables sénateurs qui ont déjà fait mention de la journée du 11 novembre qui s'en vient et de tout ce que cela représente pour nous. C'est une occasion pour nous de célébrer non seulement cet armistice en particulier, mais tous ceux qui se sont battus et ont donné leur vie pour le Canada et pour d'autres pays. Mon pays ne faisait pas partie du Canada durant les deux guerres mondiales. Pourtant, nous avons levé nos régiments, et beaucoup de nos jeunes ont servi dans la Marine royale et dans la marine marchande.

Comme le sénateur Forrestall et d'autres l'ont mentionné, il y a eu ce matin, dans cette enceinte, une cérémonie émouvante pour la marine marchande. J'aurais aimé qu'un plus grand nombre de mes collègues puissent y assister. S'ils avaient été ici, ils auraient quitté les lieux les yeux pleins d'eau, j'en suis certain. Je veux remercier le Président d'avoir permis que la cérémonie se déroule dans cette enceinte et pour sa participation à la commémoration. J'espère que nous pourrons célébrer chaque année cette cérémonie en souvenir de la marine marchande.

Si vous aviez fait campagne à Terre-Neuve, et notamment dans les régions rurales de cette province, comme je l'ai fait, vous auriez vu sur divers murs une ou plusieurs des photos suivantes: Joey Smallwood, le pape, la reine, John Kennedy et une photo du Caribou. Le Caribou était notre lien avec le Canada avant que nous ne devenions Canadiens. C'est le bateau qui nous reliait à North Sydney. Il a sombré durant la Deuxième Guerre mondiale. Beaucoup de gens que je connaissais sont morts sur ce bateau. Il est devenu un symbole marquant de la marine marchande et un symbole de ceux qui ont été mobilisés et de ceux qui sont allés volontairement faire leur part pour contribuer à l'effort de guerre même s'ils ne portaient pas l'uniforme. Lors de la cérémonie de ce matin, on a célébré ces gens et on a reconnu leur contribution à l'effort de guerre.

Honorables sénateurs, j'espère que nous ne manquerons pas l'occasion de participer, le 11 novembre, aux cérémonies qui se dérouleront dans nos régions pour commémorer ceux qui se sont battus et qui ont donné leur vie pour faire de ce pays ce qu'il est aujourd'hui.

La Deuxième Guerre mondiale

Le cinquante-cinquième anniversaire de la bataille du golfe du Saint-Laurent

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, comme l'honorable sénateur vient de le mentionner, nous étions tous invités par le Président à assister dans cette salle ce matin, à 11 heures, à la cérémonie commémorant le 55e anniversaire de la bataille du golfe du Saint-Laurent.

Pour vous donner une idée de l'importance et de l'impact de cette bataille historique, j'aimerais vous faire part des propos de l'honorable George Baker, qui a pris part à la cérémonie. Il a dit:

Cette année, nous commémorons un épisode peu connu de la Deuxième Guerre mondiale qui s'est déroulé ici même au Canada. C'est l'histoire incroyable des hommes et des femmes qui ont défendu nos rives, nos eaux et notre ciel dans le golfe du Saint-Laurent, entre 1942 et 1944. Un grand nombre d'entre eux, y compris des membres de la Marine royale canadienne, de l'Aviation royale du Canada, de la marine marchande du Canada et de Terre-Neuve, des services alliés et de la Nursing Sisters Association of Canada y ont laissé leur vie.

Cinquante-cinq ans plus tard, c'est avec fierté et gratitude que nous saluons ces défenseurs et leurs camarades morts au combat. Ces Canadiens et Canadiennes ont combattu vaillamment pour la paix et la liberté. Ils sont morts en protégeant leurs maisons et leur patrie contre une attaque directe. Des civils innocents ont péri avec eux. À cause des circonstances de la guerre, un grand nombre d'entre eux n'ont même pas de tombe pour les honorer.

(1430)

M. Baker nous a aussi rappelé ce qui suit:

Nous avons le devoir non seulement de nous souvenir de ces personnes, mais aussi de transmettre leur histoire aux générations futures.

Honorables sénateurs, nous avons effectivement cette responsabilité. La cérémonie qui s'est tenue aujourd'hui ici même au Sénat est l'une des façons dont nous pouvons honorer ceux qui ont participé à la bataille du golfe du Saint-Laurent. Madame la Gouverneure générale, Adrienne Clarkson, était présente à cette occasion. Elle s'est jointe aux anciens combattants de la bataille du golfe, des hommes et des femmes qui ont fait des sacrifices pour leur pays. Cet événement commémoratif regroupait aussi des familles et des amis de ceux qui ont donné leur vie pour notre pays.

Cela m'a fait chaud au coeur de voir des centaines d'élèves assis à la tribune. Derrière nous se trouvaient des cadets de la marine, de l'air et de l'armée. Eux aussi sont venus pour se souvenir et pour participer à cette cérémonie très spéciale. C'est à nos jeunes qu'il appartiendra de préserver l'héritage légué par nos anciens combattants. Nous nous souviendrons d'eux.

Il revient aux aînés dans la société d'encourager les nouvelles générations à se souvenir. À titre de parlementaires et de Canadiens qui avons des souvenirs personnels de la Deuxième Guerre mondiale et qui avons perdu des parents et des amis au cours de ce conflit, notre devoir à cet égard est encore plus exigeant. Nous pouvons notamment nous acquitter de ce devoir en assistant à des événements comme celui de la cérémonie du Souvenir de ce matin.

Malgré une certaine réticence, je dois dire que j'ai eu un peu honte ce matin de remarquer que seulement 15 sénateurs étaient présents. Les anciens combattants et les enfants ont vu qu'environ 80 sièges étaient libres.

Lucy Maud Montgomery

Sa nomination au nombre des vingt grands héros canadiens du XXe siècle

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, il y a plus de 90 ans, lors de la parution de la version originale anglaise du roman Anne... La Maison aux pignons verts, on était loin de penser que ce roman deviendrait l'une des oeuvres de fiction les plus populaires de la littérature canadienne, mais il est indéniable qu'il fait maintenant partie de notre identité culturelle. Anne transcende les générations et les frontières au Canada et partout dans le monde. Il est étonnant de penser qu'aujourd'hui, presque un siècle après la première publication, les jeunes considèrent toujours Anne comme un modèle de rôle positif. Bien sûr, Anne... La Maison aux pignons verts est l'oeuvre de Lucy Maud Montgomery, qui nous a donné de nombreuses autres oeuvres fascinantes au cours de sa carrière littéraire, y compris les romans sur lesquels est fondée la série Emily of New Moon, qui est actuellement télédiffusée.

Récemment, dans le cadre d'un projet parrainé par le Dominion Institute et le Conseil des Canadiens, Lucy Maud Montgomery a été désignée comme faisant partie des 20 grands Canadiens du XXe siècle. L.M. Montgomery partage cet honneur avec des gens aussi remarquables que Terry Fox, le docteur Frederick Banting, Nellie McClung et sir John A. Macdonald, pour n'en nommer que quelques-uns.

Quel hommage remarquable pour cette femme de l'Île-du-Prince-Édouard! Je suis fière qu'elle occupe une telle place dans le coeur des Canadiens. L'oeuvre de L.M. Montgomery présente l'Île-du-Prince-Édouard comme un endroit où les rêves peuvent se réaliser, où la beauté pastorale de la province a une profonde influence sur ceux qui ont la chance d'y vivre. Tous les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard savent à quel point c'est vrai et, grâce aux écrits de Montgomery, les autres peuvent s'en rendre compte aussi. L. M. Montgomery est un trésor littéraire et les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard sont fiers qu'elle soit l'une des leurs. Maintenant, nous savons que les autres Canadiens sont eux aussi fiers d'elle.

[Français]

La Cour suprême

La nomination de l'honorable Beverley McLachlin au poste de juge en chef

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je désire féliciter l'honorable juge Beverley McLachlin pour son accession au poste de juge en chef de la Cour suprême du Canada.

Je me réjouis de cette nomination qui entrera en vigueur le 7 janvier 2000. Il s'agit, comme vous le savez, de la première femme à accéder à ce poste très prestigieux dans le système constitutionnel canadien.

Madame McLachlin est une excellente juriste qui a gravi tous les échelons de la magistrature pour, finalement, devenir juge en chef du Canada. En effet, après avoir été professeure, puis avocate en pratique privée, elle a été nommée successivement à la Cour supérieure de la Colombie-Britannique, puis à la Cour d'appel, avant de revenir à la Cour supérieure à titre de juge en chef. En mars 1989, elle était nommée à la Cour suprême du Canada, à l'âge de 46 ans.

Elle a fait sa marque dans nombre de domaines du droit. On me permettra de signaler trois domaines où elle a particulièrement excellé, soit celui de la liberté d'expression, celui des garanties juridiques et celui des droits à l'égalité. On lira avec avantage ses jugements. On n'est pas sans savoir la grande place qu'occupe aujourd'hui la Charte canadienne des droits et libertés dans nos vies et le rôle accru de notre cour de dernier ressort.

La juge McLachlin a aussi reçu des doctorats honorifiques des universités de la Colombie-Britannique en 1990, de l'Alberta en 1990 et de Toronto en 1995.

Je lui souhaite tout le succès qu'elle mérite bien, au sommet du pouvoir judiciaire, et dans l'édification de la cathédrale de la jurisprudence canadienne.

Le Collège de technologie agricole et alimentaire d'Alfred

Sa fermeture possible par le gouvernement ontarien

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, ce n'est pas facile de vivre en français en Ontario sous le gouvernement de Mike Harris.

Le dossier de l'hôpital Montfort est toujours devant les tribunaux. Nous attendons depuis cinq mois une décision sur le sort de cette institution de santé francophone en Ontario.

Voilà qu'aujourd'hui, le gouvernement Harris s'apprête à éliminer une autre institution francophone, mais cette fois dans le domaine de l'éducation. Il s'agit du Collège d'Alfred, le seul collège à offrir des cours en sciences agroalimentaires en français en Ontario.

Le gouvernement Harris provoque encore sa minorité francophone qui se battra pour conserver cette institution que cette communauté a mis 50 ans à bâtir.

Les francophones de l'Ontario ont le droit d'exister, de vivre et de travailler dans leur langue. L'est de l'Ontario compte une forte industrie agroalimentaire qu'il nous faut à tout prix sauvegarder et cette sauvegarde passe par la survie du Collège d'Alfred.

Encore une fois, il faudra traîner M. Harris et son gouvernement devant les tribunaux pour obtenir justice. Maudit que c'est exigeant et fatigant!


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

L'ajournement

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 59(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à mardi prochain, le 16 novembre 1999, à 14 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur la défense nationale
La Loi sur l'identification par les empreintes génétiques
Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Première lecture

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement) présente le projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et le Code criminel.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Hays, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour du mardi 16 novembre 1999.)

(1440)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Première lecture

L'honorable Raymond J. Perrault: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter un projet de loi qui avait été présenté lors de la session précédente, le projet de loi S-11, Loi modifiant le Code criminel afin d'interdire la coercition contre une personne à l'égard d'actes médicaux qui sont contraires à sa religion ou à sa croyance au caractère inviolable de la vie humaine.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Perrault, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour du mardi 16 novembre 1999.)

L'Association parlementaire canadienne de l'OTAN

La délégation canadienne à la réunion de la Sous-commission sur l'avenir des forces armées, tenue à Ankara et Istanbul, en Turquie-Dépôt du rapport

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le deuxième rapport de la délégation de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN, qui a représenté le Canada à la réunion de la Sous-commission sur l'avenir des forces armées, qui a eu lieu à Ankara et à Istanbul, en Turquie, du 27 au 30 juin 1999.

[Français]

La situation des autochtones et leur avenir

Avis d'interpellation

L'honorable Aurélien Gill: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mercredi 17 novembre 1999, j'attirerai l'attention du Sénat sur la situation des autochtones afin de nous permettre de faire le point et de réfléchir sur les mesures appropriées pour le futur.
[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

Le remplacement des hélicoptères Sea King

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Comme il le sait bien et comme nous le savons tous bien, les Sea King ne fonctionnent plus depuis environ une semaine. Ni l'hélicoptère embarqué ni celui de Shearwater n'ont pu être utilisés pour secourir un marin gravement malade, comme nous l'avons fait remarquer plus tôt cette semaine. Un autre Sea King avait des ennuis avec son système hydraulique cette semaine. Nous savons que de tels ennuis risquent d'être catastrophiques, surtout si l'on se trouve dans les airs.

J'ai devant moi une note d'information adressée au ministre de la Défense nationale et datée du 24 septembre 1998. Elle indique que le remplacement de la flotte des Sea King prendra huit ans et que l'espérance de vie des Sea King expirera en 2005, ce qui laisse un vide de trois ans.

Honorables sénateurs, quand le gouvernement va-t-il lancer ce projet? Il faut compter huit ans entre le moment où il le fera et celui où la flotte sera en place. Quelles solutions le gouvernement envisage-t-il pour combler cet écart de trois ans? Peut-être le gouvernement envisagera-t-il un moyen de doter nos navires d'hélicoptères un peu plus rapidement? Après tout, nous savons qu'il faut remplacer le matériel, et nous savons aussi que l'ancien gouvernement était prêt à amorcer le processus dès 1993, avant que le nouveau n'annule le programme des EH-101.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie de sa question l'honorable sénateur Forrestall, qui se préoccupe vivement du fonctionnement des hélicoptères Sea King. Comme je l'ai dit aux sénateurs il y a quelques jours, le remplacement de ces appareils demeure une priorité pour le gouvernement, et il est au premier rang des priorités du ministre actuel.

La flotte d'hélicoptères - les CH-124 Sea King - a été livrée aux Forces canadiennes en 1963, je crois. On s'attendait alors et on s'attend toujours à ce que ces appareils soient en service jusqu'en 2005. Il y a eu des incidents. Des problèmes d'entretien ont surgi. Des 41 hélicoptères du début, 30 sont toujours utilisés. On est d'avis qu'ils peuvent jouer leur rôle jusqu'à ce qu'un autre appareil les remplace.

La possibilité de transférer les enquêtes sur les accidents au Bureau de la sécurité des transports

L'honorable Micheal J. Forrestall: Les honorables sénateurs ne sont pas sans savoir que cela fait maintenant 1 825 jours que le gouvernement nous a promis qu'il mettait immédiatement ce programme en oeuvre. Le leader du gouvernement au Sénat est-il conscient que nous demandons aux jeunes hommes et aux jeunes femmes de nos Forces armées canadiennes de voyager à bord d'un appareil qui est loin d'être sécuritaire? Nous pouvons compter sur la meilleure équipe de maintenance du monde entier pour veiller à ce que ces hélicoptères puissent voler en toute sécurité et le plus longtemps possible. Le problème, c'est que les appareils sont usés. Ils sont fatigués. Ils vont vieux. Ils ne sont plus fiables. Leur entretien nous coûte une fortune. Il faut 38 heures de maintenance et parfois plus pour faire voler un hélicoptère pendant une heure. Le ministre ne se rend-il pas compte que nous mettons en danger la vie des membres de nos Forces armées canadiennes?

Le ministre envisage-t-il la possibilité d'enlever la responsabilité des enquêtes sur les accidents aux militaires et de la transférer au Bureau canadien de la sécurité des transports, qui aurait depuis des années interdit à ces hélicoptères de voler?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, l'honorable sénateur a tout à fait raison lorsqu'il décrit les compétences des membres des Forces armées canadiennes chargés de la maintenance et particulièrement de ceux qui s'occupent des hélicoptères Sea King. Il conviendra sûrement avec moi que ceux-là figurent parmi les plus expérimentés au monde pour ce qui est de ce genre d'appareil.

Je ne pense pas que l'honorable sénateur veuille laisser entendre que les forces armées pourraient envoyer en mission son personnel dans un appareil qu'elles ne considèrent pas adéquat et prêt pour exécuter la mission.

Il y a eu et il continuera certainement d'y avoir des défis à relever au chapitre de l'entretien. Lorsque la durée de vie utile d'une pièce d'équipement militaire tire à sa fin, le nombre et la complexité de ces défis augmentent. Cela s'est produit et cela continuera de se produire. Quoi qu'il en soit, cela ne veut pas dire que nous enverrions des gens en mission si leur sécurité et leur vie étaient en danger. Nous devrions reconnaître l'excellent travail que les équipes chargées de l'entretien effectuent et qu'elles continueront d'accomplir.

Comme l'honorable sénateur, j'espère que ces hélicoptères seront remplacés rapidement; d'ailleurs, il y a quelques jours à peine, le ministre m'a donné l'assurance que cela demeure sa priorité numéro un et qu'il fera en sorte que le dossier progresse à vive allure. Je vais dire au ministre que le sénateur et moi-même l'encourageons à régler la question le plus rapidement possible.

Le sénateur Forrestall: Le leader du gouvernement au Sénat n'a pas répondu à ma question. Ma question reste sans réponse. Permettez-moi d'y ajouter un volet et j'espère qu'il y répondra.

Voici le deuxième volet de ma question: le ministre reconnaît-il que le travail préalable au remplacement des hélicoptères embarqués avait déjà été accompli lorsque le premier ministre actuel a décidé d'annuler le programme d'acquisition des EH-101? Deux années de travail ont déjà été accomplies.

(1450)

Pouvons-nous avoir certaines assurances? Nous avons attendu huit ans et nous ne pouvons pas supporter en plus un écart de trois ans, parce que c'est critique. Ces hélicoptères ne sont pas fiables. On devrait les frapper d'interdiction de vol. Le ministre va-t-il aussi nous dire ce qu'il pense de la proposition selon laquelle la surveillance de la performance de ces appareils serait confiée au Bureau de la sécurité des transports et non plus aux militaires canadiens?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, le sénateur pose deux questions. Il demande d'abord si je peux ou non lui assurer que les hélicoptères seront remplacés avant huit ans. D'après ce que je peux conclure des conversations que j'ai eues avec le ministre, je suis sûr que nous n'attendrons pas huit ans avant de remplacer les Sea King. Je voudrais réussir à le convaincre que nous n'aurons pas à attendre encore huit ans avant que les hélicoptères soient remplacés.

Le sénateur a aussi posé une question au sujet des enquêtes sur les incidents liés à l'utilisation des appareils militaires. Franchement, ce n'est pas un domaine que je connais beaucoup. Je pense toutefois qu'en général, les forces armées de tous les pays s'occupent elles-mêmes de ce genre d'activité. Ce n'est peut-être pas nécessairement le cas et le sénateur pourra peut-être m'éclairer à ce sujet à un moment donné. Quoi qu'il en soit, je ne peux répondre de façon précise pour le moment.

Le remplacement de la flotte d'hélicoptères Sea King-La possibilité du crédit-bail

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question est complémentaire aux questions posées par le sénateur Forrestall.

Il se trouve que j'ai piloté des avions de l'Armée de l'air et que je pilote toujours. Je le précise pour expliquer ce que je vais demander au ministre. Le gouvernement est en train de demander aux employés de l'entretien de faire des miracles. J'ai commencé ma carrière militaire dans l'entretien avant de faire partie du personnel navigant. C'est la raison pour laquelle je sais que les préposés à l'entretien font de l'excellent travail, mais ils ne font pas de miracle.

J'ai lu récemment qu'une heure de vol de ces Sea King nécessite 30 heures d'entretien. J'ai posé une question à votre prédécesseur à plusieurs reprises au Sénat; elle est la suivante: pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas pris de mesures? Sauf erreur, il est allé jusqu'à autoriser les équipages à ne pas voler s'ils estimaient que l'appareil n'était pas sûr. Quand on en est rendu là, c'est fini.

Comment le ministre a-t-il pu le faire en tant que membre du Cabinet? J'estime que si un accident survient, la responsabilité en incombera entièrement au Cabinet, surtout au ministre de la Défense nationale et au premier ministre du pays. Je crois qu'il y a des solutions, comme la location d'hélicoptères. Il existe quantité d'appareils en bon état de marche dans le monde qui pourraient être utilisés pour cette fonction en toute sécurité. Pourquoi n'optons-nous pas pour cette possibilité? Lorsque j'ai posé cette question au prédécesseur du leader du gouvernement, il a répondu qu'il en avait discuté avec le premier ministre et que cette solution était à l'étude.

J'ai volé à bord d'un aéronef à quatre places en compagnie d'un autre de nos sénateurs. J'ai accordé une attention particulière à la question de la sécurité. Même si le sénateur avait été libéral, j'aurais accordé la même attention à la sécurité. Lorsque j'étais dans les forces aériennes, j'ai sûrement piloté des avions ayant à leur bord des libéraux ou volé en compagnie de libéraux, et j'étais tout aussi conscient de leur sécurité.

Honorables sénateurs, je prie instamment le ministre d'étudier la possibilité de louer des appareils et je demande que l'on me fournisse une réponse à cet égard. Comme je l'ai dit, il y a des millions d'hélicoptères. En Amérique du Nord seulement, on en trouve au moins des milliers. Pourquoi ne les loue-t-on pas? Pourquoi traitons-nous nos militaires de la sorte? La façon dont nous traitons nos militaires à divers autres égards est aussi scandaleuse. Pourquoi traitons-nous de la sorte les équipages qui cherchent à sauver des vies et qui, ce faisant, mettent en péril leur propre vie?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): L'honorable sénateur a soulevé bon nombre de points et je ne chercherai pas à répondre à chacun d'entre eux. Plus précisément, en ce qui concerne l'hélicoptère Sea King, l'honorable sénateur a mentionné que mon prédécesseur a eu des discussions avec le ministre en ce qui a trait à la possibilité de recourir à la location. Je n'ai pas abordé cette question avec le ministre. Cependant, je vais certainement essayer d'avoir une discussion semblable avec le ministre et je serai peut-être ensuite en mesure de fournir des renseignements plus précis.

Honorables sénateurs, avant de reprendre mon siège, je tiens à souligner que les Forces armées canadiennes accomplissent un travail remarquable, avec les hélicoptères Sea King ou tout autre appareil. Elles ont été appuyées par le gouvernement. À mon avis, les gens qui sont chargés de l'entretien des hélicoptères Sea King, en plus d'accomplir un travail remarquable, ne permettraient jamais qu'un aéronef soit utilisé s'ils estiment qu'il constitue une menace pour ceux qui se trouvent à son bord. Les préposés à l'entretien des hélicoptères Sea King accomplissent un travail remarquable dans des circonstances qui, faut-il le reconnaître, sont difficiles, particulièrement lorsque l'on tient compte du fait qu'il s'agit de vieux appareils.

L'agriculture et l'agroalimentaire

La possibilité d'un fonds de transition pour les agriculteurs qui désirent changer de profession

L'honorable Herbert O. Sparrow: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Toutefois, avant de la poser, je tiens de nouveau à lui exprimer mes remerciements et ceux de la Chambre pour avoir autorisé la tenue de la discussion que nous avons eue hier au sujet de la crise agricole au Canada. Je remercie tous les honorables sénateurs de leur apport à ce débat.

J'ai cru comprendre que le ministre de l'Agriculture fera aujourd'hui une déclaration à la Chambre des communes sur l'augmentation du budget du programme ACRA. Je suis cependant un peu inquiet devant un article paru dans le Globe and Mail d'aujourd'hui où on lit que:

On croit également que le ministre envisage de créer un fonds provisoire pour les agriculteurs qui décident de renoncer à l'agriculture et de se recycler.

Je suis inquiet parce que je ne connais aucune organisation d'agriculteurs et aucun agriculteur ayant demandé un tel programme. Cela me donne à penser que le gouvernement essaie de pousser les agriculteurs à abandonner l'agriculture. Ce n'est pas l'objectif de nos doléances. Ce que nous voulons, c'est permettre aux agriculteurs de continuer de cultiver la terre, pas les encourager à la quitter.

Lorsque les agriculteurs de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Alberta quittent les campagnes, le tissu social de cette partie du Canada est déchiré. Il faut que tous les agriculteurs et toutes les familles d'agriculteurs restent là où ils sont pour soutenir le système des silos à grains, le système d'enseignement et le système de santé. Si l'article dit vrai, je suis très inquiet.

J'ai deux questions à poser au leader du gouvernement au Sénat: peut-il nous dire qui a demandé un tel programme de transition, pour peu que quelqu'un l'ait demandé? Peut-il nommer le groupement agricole ou l'agriculteur qui aurait dit que c'est le genre de programme qu'il voulait? Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire si le gouvernement et le ministre de l'Agriculture envisagent sérieusement d'offrir un tel programme?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur. Pour répondre à la première partie de la question, je dirai que je ne suis au courant d'aucune discussion ni d'aucune proposition en ce sens lors de mes entretiens avec le ministre. Je ne peux donc répondre à la question de savoir si l'idée a été proposée par une autre organisation. Toutefois, comme je me rendais au Sénat cet après-midi, on m'a remis un communiqué du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire qui expose les détails de l'offre faite par le ministre.

(1500)

J'ai demandé à mon personnel de me procurer la version bilingue de l'annonce afin que les sénateurs puissent en prendre connaissance. Je compte la recevoir sous peu. Si tel est le bon plaisir des honorables sénateurs, je leur remettrai des copies de cette annonce.

L'annonce ne fait état ni de programme de rachat ni d'autres dispositions de cette nature. Ce qu'il indique, c'est que le gouvernement fédéral a annoncé aujourd'hui qu'il ajoutera un montant de 170 millions de dollars dans le Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu, ou ACRA, ce qui portera à plus d'un milliard de dollars la contribution fédérale à ce programme. Cette somme s'ajoute aux quelque 600 millions de dollars versés au titre de paiements fédéraux annuels aux agriculteurs.

De plus, d'autres changements aux modalités d'administration du programme sont à l'étude. Je n'ai pas l'intention de les détailler ici. Ils sont brièvement décrits dans l'annonce qui sera distribuée incessamment. En tout cas, on prévoit que les premiers ministres provinciaux qui sont venus à Ottawa récemment pour exprimer leurs préoccupations à cet égard se joindront au gouvernement fédéral pour rendre le programme ACRA beaucoup plus accessible. Je suppose que les provinces continueront d'adhérer à la règle actuelle du partage des coûts fondée, qui se fait sur la base de 60/40 en tenant compte de ces 170 millions de dollars additionnels. Dans ce cas-là, le fonds se verrait doter d'un autre montant considérable.

La demande d'un programme de maintien des agriculteurs sur leurs terres

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire concernant le maintien des agriculteurs sur leurs terres. À l'heure actuelle, il ne reste plus que 2,5 p. 100 de la population canadienne dans le secteur de l'agriculture. Il est donc très important de les y maintenir.

Aux États-Unis, le président Clinton a déclaré qu'il a décidé de signer une telle mesure parce que les agriculteurs sont confrontés à une véritable situation d'urgence et ne peuvent pas attendre. La mesure prévoyait un montant de 8,7 milliards de dollars pour les agriculteurs américains. Le président du Syndicat national des agriculteurs a dit que cette infusion d'aide peut faire la différence entre abandonner et rester en affaires.

L'important, c'est de garder les agriculteurs en agriculture. Le leader du gouvernement au Sénat aurait-il l'obligeance de communiquer cela au Cabinet? Nous avons été heureux d'apprendre qu'on avait pris certaines mesures pour consacrer plus d'argent au règlement du problème. Je pense que c'est loin d'être suffisant, étant donné l'extrême gravité de la situation à laquelle nous faisons face. Cependant, le leader pourrait-il nous assurer qu'il exhortera le gouvernement à instituer un programme pour garder les agriculteurs en agriculture plutôt que de les aider à l'abandonner?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai aucune difficulté à dire que l'on devrait faire tout ce qui est raisonnablement possible pour garder les agriculteurs en agriculture, où ils continueront d'apporter une contribution à la vie et à la société canadiennes comme ils l'ont fait au fil des années.

Je voudrais simplement paraphraser une partie du communiqué de presse qui vient de me parvenir. Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire dit: «Nous demanderons aux provinces de s'associer à nous, dans le cadre du programme ACRA, pour couvrir 70 p. 100 des marges négatives des producteurs ou entreprendre des mesures équivalentes.» Par ailleurs, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a dit que nous allons continuer à travailler avec les provinces et le secteur agricole pour trouver des manières de venir en aide aux agriculteurs, particulièrement ceux qui sont le plus en difficulté.

Cette déclaration dit sans aucun doute qu'un engagement du gouvernement fédéral existe et qu'il est accompagné de sommes importantes pour venir en aide à ceux qui sont le plus en difficulté et qui risquent le plus d'avoir à quitter leur terre. Je m'attends à ce que cette mesure aura l'effet désiré par l'honorable sénateur.

Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire mérite d'être félicité d'être passé à l'action sans attendre une solution négociée avec les provinces. En mettant immédiatement cet argent dans le programme, le ministre et le gouvernement fédéral réagissent de façon très directe et très active. On suppose que les provinces leur emboîteront le pas et contribueront à la bonification de l'ACRA. Le gouvernement fédéral et le ministre n'ont toutefois pas voulu faire traîner les choses pendant une semaine, quinze jours, dix jours ou un mois et n'ont pas attendu d'avoir une garantie écrite à cet effet. Le ministre a réagi immédiatement.

Cet argent va améliorer le fonctionnement du programme. Il va parvenir aux agriculteurs dont les besoins sont les plus grands et qui risquent le plus de quitter leurs terres.

Le programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole-L'allocation de fonds supplémentaires-Demande de clarification de la déclaration du ministre

L'honorable Herbert O. Sparrow: Honorables sénateurs, le leader veut-il dire que les nouveaux fonds seront versés avant les anciens? Est-ce là ce qu'il veut dire quand il dit que les choses iront plus vite? Les agriculteurs n'ont pas encore reçu les anciens fonds auxquels ils ont droit en vertu du programme ACRA et maintenant, on entend dire que les nouveaux fonds leur seront versés plus rapidement?

Je me demande si le leader du gouvernement au Sénat pourrait rapporter le message suivant au ministre, à savoir que pour ces nouveaux fonds, nous n'avons pas vraiment besoin d'un autre formulaire de 47 pages. Nous en avons assez de l'ancien; nous voudrions quelque chose de plus simple.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement a reconnu que les fonds qui étaient prévus dans le cadre du programme ACRA n'étaient pas versés assez rapidement aux bénéficiaires.

J'ai écouté l'excellente intervention que le sénateur Carstairs a faite hier dans cette Chambre. Elle a clairement et en toute candeur souligné les problèmes que posait le programme. L'argent n'était pas versé aux agriculteurs dans le besoin aussi rapidement que le gouvernement fédéral et les autres parties à l'accord ACRA l'avaient voulu. Il n'était pas versé aux agriculteurs aussi rapidement que les concepteurs du programme l'avaient voulu.

L'utilisation de ces nouveaux fonds sera assujettie aux mêmes règles. Les fonds iront dans le même panier. Le ministre a cependant également annoncé qu'on apporterait certains changements au programme, grâce auxquels il est à espérer que les agriculteurs toucheront cet argent beaucoup plus vite.

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, en vertu de l'ancien programme, dans le cas d'une moyenne de trois ans d'un agriculteur, s'il a grêlé une année et qu'ensuite la sécheresse a sévi une ou deux années de suite, les 70 p. 100 de cette moyenne sur trois ans ne suffiraient assurément pas.

Le ministre pourrait-il faire comprendre à ses collègues du Cabinet à quel point il est important d'aider les agriculteurs dont les besoins sont les plus criants? S'ils ont été victimes de pluie ou de grêle, 70 p. 100 de deux années mauvaises ne riment à rien. Ce sont ces gens qui ont le plus souffert; ce sont ces gens qui en ont le plus besoin. Pour que le programme soit efficace, des changements s'imposent pour mettre un terme à ces souffrances.

(1510)

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, le problème a peut-être été réglé. Je paraphrase à nouveau le communiqué.

Le ministre a également apporté d'autres changements au programme ACRA, notamment un changement qui permettra aux agriculteurs de sélectionner pour 1999 une période de référence sur laquelle on s'appuiera pour calculer les paiements: ce sera soit les trois dernières années, soit trois des cinq dernières années écoulées pour lesquelles les années fortes et les années faibles n'entreront pas en ligne de compte. J'ignore si ce changement apporte une solution au problème soulevé par le sénateur, mais il permet de croire qu'une aide est prévue pour les situations qu'il nous a signalées.

Honorables sénateurs, qu'il me soit permis de déposer le communiqué. Je viens de le recevoir dans les deux langues officielles et je ferai faire des copies supplémentaires pour les sénateurs qui le souhaitent.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Nous en ferons des copies et les distribuerons dès qu'elles seront prêtes.

La demande d'aide financière en faveur des déshydrateurs de luzerne

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Le leader du gouvernement au Sénat peut-il informer le Cabinet du problème que connaissent les déshydrateurs de luzerne de l'Ouest, qui obtiennent leurs récoltes auprès des agriculteurs? L'industrie de la luzerne fonctionne selon des cycles de quatre ans. Ces gens sont eux aussi aux prises avec une baisse soudaine des prix mondiaux de la luzerne. Ils sont en difficulté, car ils avaient promis aux agriculteurs tant de dollars la tonne et ils doivent la vendre moins cher. Il s'agit principalement de petites sociétés, parfois des coopératives. Quelques douzaines d'entre elles dans l'ouest du Canada feront probablement faillite, car le ministre de l'Agriculture a déterminé qu'elles étaient en effet des sociétés et qu'elles n'étaient donc pas admissibles au programme ACRA. Pourtant, si elles font faillite, un certain nombre d'agriculteurs ne pourront plus vendre leur luzerne. Même s'il s'agit là de très petites entreprises, elles procurent des emplois.

Puisque le programme ACRA n'est d'aucune aide à cet égard, j'espère que le leader du gouvernement au Sénat pourra communiquer leur problème au Cabinet et savoir s'il existe un autre moyen de les aider au cours des deux ou trois prochaines années et de garder ouvertes les déshydrateuses de luzerne. Après tout, les agriculteurs en ont grandement besoin.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je sais gré au sénateur des observations qu'il a faites à ce sujet. Je me ferai un plaisir de communiquer ses préoccupations au Cabinet, notamment au ministre compétent.

Les pêches et les océans

Les provinces maritimes-La décision de la Cour suprême confirmant les droits de pêche autochtones-Les effets sur l'économie locale

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma question porte sur un sujet légèrement différent, soit la décision que la Cour suprême a rendue récemment dans l'affaire Marshall. Peu importe la façon dont on peut considérer cette décision, la plupart des gens conviennent qu'elle aura de profondes répercussions sur la vie des autochtones et des autres Canadiens de la région de l'Atlantique. En outre, les mesures d'adaptation auront des conséquences pour l'économie et les finances de tout le Canada. Je vais mentionner ses conséquences éventuelles pour le gaz de l'île de Sable, les droits de coupe et les droits minéraux, et ainsi de suite.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire quelles mesures et quels plans d'urgence sont actuellement mis en oeuvre pour faire face aux ajustements économiques et aux répercussions du jugement de la Cour suprême?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme on le sait fort bien, la décision Marshall a d'abord eu pour effet immédiat de créer une crise dans les pêches au Canada atlantique. La priorité du ministre des Pêches et du gouvernement a été d'essayer de redresser la situation au plus vite dans l'espoir de ramener le calme et de favoriser la tenue de pourparlers entre les deux parties de manière à trouver une solution durable à un problème qui a des répercussions très graves à court terme. Certaines scènes dont nous avons été témoins nous ont tous mis mal à l'aise, j'en suis certain. Le processus de négociation à court terme semble être bien établi. Le calme semble rétabli et nous avons bon espoir de faire avancer les pourparlers.

Toutefois, je crois qu'il est aussi important de souligner que les droits accordés à la communauté autochtone par la Cour suprême supposent un coût et que ce coût ne peut être assumé par un seul secteur de notre économie. Il ne peut être assumé seulement par les pêcheurs du Canada atlantique, pas plus d'ailleurs que par les employés de bureau de Vancouver. C'est tout le pays qui doit assurer le règlement, en reconnaissance des droits autochtones tels que définis par la Cour suprême.

Je m'attends à ce que ce soit un processus à long terme. Cependant, dans les secteurs où il faut dès maintenant trouver une solution, notamment dans les pêches de l'Atlantique, je pense qu'on a fait de l'excellent travail et j'espère qu'on continuera dans cette veine.

La possibilité d'un fonds de transition pour les pêcheurs voulant changer de profession

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, je n'ai pas pu faire autrement que remarquer la question que le sénateur Sparrow a posée plus tôt au sujet des programmes d'adaptation qui sont envisagés ou des rumeurs selon lesquelles de tels programmes seraient envisagés pour le secteur agricole. Diverses sources prétendent que des sommes ont été prévues pour une sorte de programme d'adaptation - je n'emploierai pas le mot «rachat». J'ai entendu parler de 500 millions de dollars - je crois avoir compté huit zéros après le cinq - qui seraient versés uniquement pour le secteur agricole. C'est là une somme énorme. Le même genre d'approche est-il envisagé pour les pêches - en d'autres termes, envisage-t-on de racheter le permis de certaines personnes du secteur des pêches et d'autres secteurs, ce qui ajoutera d'autres zéros au montant - ou est-ce simplement une rumeur qui circule?

Je rappelle au ministre qu'il y a actuellement beaucoup d'incertitude dans de nombreuses collectivités. La pêche d'hiver, une pêche très limitée, va bientôt commencer. Nous avons un peu de temps devant nous, mais bien peu. Le temps presse.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux confirmer aucun chiffre fondé sur des conjectures. Je serais très étonné que des chiffres aient été avancés à ce stade. Une des raisons est notamment qu'on ne connaît pas encore toute la portée du jugement Marshall - son application, ses tenants et aboutissants. Quelque part, dans le dédale gouvernemental, quelqu'un échafaude peut-être toutes sortes de scénarios, mais je doute que des chiffres aient été sérieusement envisagés à ce stade. Il est possible qu'un rachat se matérialise à un certain stade.

À propos, honorables sénateurs, je ne peux pas confirmer - bien au contraire - des rumeurs de ce genre au sujet des agriculteurs. Je ne suis au courant d'aucun programme de rachat des agriculteurs. Je ne veux pas induire le Sénat en erreur à cet égard. Toutefois, la situation est légèrement différente dans le cas des pêches. Un programme de rachat est déjà en vigueur. En fait, il existe un programme autochtone de rachat dans le cadre duquel on rachète des permis dans certains secteurs des pêches pour les remettre à la communauté autochtone. Ce programme existait déjà avant le jugement Marshall, et il est à peu près sûr qu'il se poursuivra sous une certaine forme.

J'insiste à nouveau auprès du sénateur: la situation pose un défi non seulement aux pêcheurs du Nouveau-Brunswick ou de la Nouvelle-Écosse, mais à tout le Canada.


(1520)

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande au greffier d'appeler en premier le deuxième point à l'ordre du jour, sous la rubrique des «Projets de loi», à savoir, la deuxième lecture du projet de loi C-6.

Projet de loi sur la protection des renseignements Personnels et les documents électroniques

Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Michael Kirby propose: Que le projet de loi C-6, Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir l'occasion de parler au Sénat du projet de loi C-6, dont le titre abrégé est Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.

Avec l'arrivée de la nouvelle économie de l'information, les Canadiens trouvent de nouvelles façons de communiquer entre eux, ainsi qu'avec les marchés, les gouvernements et le monde entier. Tous les Canadiens ont un intérêt dans la nouvelle économie du savoir qui entraîne des changements touchant profondément toutes nos vies.

La réussite du Canada au XXIe siècle dépendra de la capacité de tous les Canadiens de participer avec succès à l'économie mondiale du savoir. Pour assurer cette participation, nous devrons agir rapidement afin de donner aux Canadiens l'accès et les compétences nécessaires et de leur assurer que cette nouvelle technologie ne minera en rien le respect des renseignements personnels dont ils peuvent maintenant jouir. Le projet de loi C-6, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, est un pas important dans la réalisation de ces objectifs.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-6 est le fruit d'un examen éclairé par de nombreux experts dans le domaine de la protection des données et du commerce électronique, de vastes consultations publiques et d'un examen approfondi à l'autre endroit. Il sera soumis à d'intenses audiences par un comité permanent du Sénat.

Le projet de loi s'attaque à trois vastes questions pour aider les Canadiens à bien exploiter le vrai potentiel de l'Internet comme médium d'information et moyen de commercer. Le projet de loi va, premièrement, créer une solution de rechange électronique pour traiter avec le gouvernement fédéral; deuxièmement, établir une assise juridique pour les dossiers électroniques et des signatures électroniques sûres; troisièmement, protéger les renseignements personnels des Canadiens lorsqu'ils traitent avec des entreprises privées.

Le gouvernement fédéral a été l'un des premiers à utiliser le réseau Internet pour améliorer les services qu'il offre aux Canadiens, tout en accroissant l'efficacité et en réduisant les coûts. Bon nombre des transactions effectuées par le gouvernement fédéral auprès du public, de la transmission des déclarations de revenus à la recherche de renseignements sur une variété de sujets, peuvent maintenant être effectuées de façon électronique, de façon beaucoup plus rapide et moins coûteuse qu'autrefois. Cependant, on pourrait faire beaucoup pour tirer profit de tout ce qu'Internet a à nous offrir si on modifiait les lois et règlements fédéraux en vigueur.

Bon nombre de nos lois et règlements précisent que les renseignements doivent être transmis par écrit ou que certains documents doivent porter une signature. Ces dispositions peuvent être interprétées, et le sont souvent, comme exigeant une transaction manuelle sur papier, empêchant dès lors le recours à des méthodes électroniques. Le projet de loi C-6 nous permet de rendre nos lois et règlements compatibles avec notre nouvel environnement électronique. Il nous permettra d'offrir une solution de rechange à la transmission d'informations sur support papier.

Les parties 2 à 5 du projet de loi C-6 éliminent le soi-disant parti pris pour le support papier dans nos lois et règlements fédéraux en faisant essentiellement disparaître cette notion de support. Autrement dit, les lois et règlements reconnaîtront maintenant les transmissions et renseignements électroniques sur le même pied que les documents papier. Le projet de loi C-6 rendra les transactions effectuées sur support électronique aux termes des lois fédérales équivalentes à celles effectuées sur papier. Les citoyens et les entreprises pourront alors être certains que les documents et signatures électroniques ont la même valeur juridique.

Le projet de loi C-6 ne remplacera pas et n'éliminera pas les communications par écrit. Il fera plutôt de la transmission électronique de données par ordinateur une option à la fois réaliste, pratique et surtout reconnue au niveau juridique. De plus, nous permettons au gouvernement fédéral d'offrir des services sous une forme qui devient de plus en plus populaire auprès des Canadiens, soit par voie électronique, au moyen d'Internet.

Les Canadiens veulent plus que jamais faire des transactions électroniques, non seulement avec leurs gouvernements, mais aussi avec le secteur privé. Bien des preuves viennent le confirmer, allant des résultats de sondages d'opinion au nombre de transactions actuellement effectuées sur Internet et au taux de croissance de ces transactions.

En raison de l'omniprésence des réseaux et de la vitesse accrue à laquelle se font dans ce domaine les progrès technologiques, les entreprises recueillent de plus en plus de renseignements provenant de sources de plus en plus diverses, les échangent plus rapidement, les transmettent plus loin et les combinent de façon plus ingénieuse que jamais. Cela a transformé le traitement des renseignements personnels en un bien. Les renseignements personnels sont désormais achetés, vendus et échangés. Ils ont une certaine valeur commerciale.

Pour que fleurisse le commerce électronique au Canada, les consommateurs doivent être rassurés sur la façon dont leurs renseignements personnels sont recueillis, sauvegardés et utilisés. Dans la nouvelle ère électronique, toutes les transactions que nous faisons laissent une trace. Une fois compilées et analysées, ces traces peuvent servir à déterminer nos antécédents et nos préférences. Les Canadiens craignent que leur vie privée ne soit menacée par la popularité croissante des transactions électroniques ainsi que l'entreposage des renseignements et des fichiers accumulés sur chacun d'entre nous. Ils veulent que le gouvernement collabore avec les entreprises pour régler ce problème.

Selon les résultats d'un sondage de la firme Angus Reid diffusés en juillet 1998, 88 p. 100 des Canadiens trouvent «inadmissible» que les entreprises et les organisations vendent, échangent ou partagent des listes renfermant des renseignements personnels. Le milieu des affaires a reconnu le malaise que cela pouvait créer et a adopté un code volontaire de la protection des renseignements personnels élaboré par l'Association canadienne de normalisation. Même si les efforts déployés par les entreprises pour respecter ce code sont impressionnants, les Canadiens ont besoin de meilleures garanties afin d'avoir la certitude que leur vie privée est protégée lorsqu'ils font des transactions. Le projet de loi C-6 garantit aux Canadiens que leur vie privée sera protégée en prévoyant un code de protection des renseignements personnels à la fois applicable et obligatoire.

À l'heure actuelle, l'information personnelle traverse toutes les frontières, provinciales, territoriales et nationales. À l'autre endroit, on a soulevé des réserves quant à la façon dont le projet de loi C-6 sera coordonné avec les champs de compétence provinciaux. On s'inquiète notamment de ce que le projet de loi C-6 empiète sur les compétences provinciales. Cependant, étant donné que le projet de loi C-6 est axé sur le monde des affaires, le gouvernement fédéral croit qu'il constituera un exercice légitime de son pouvoir de réglementation du commerce au Canada. Néanmoins, honorables sénateurs, le comité auquel ce projet de loi est renvoyé entendra des témoignages d'experts qui feront valoir des arguments pour et contre au sujet de cette question constitutionnelle.

Honorables sénateurs, il est clairement nécessaire d'adopter des lois nationales. Les provinces, qu'elles agissent seules ou collectivement, ne peuvent adopter des lois susceptibles de protéger efficacement l'information qui franchit les limites provinciales et internationales. Une entreprise de la Colombie-Britannique recueillant des renseignements sur des clients au Manitoba pourrait les divulguer à une autre entreprise au Nouveau-Brunswick ou à New York. Il est donc clair que le Canada a besoin d'une loi nationale pour protéger les données personnelles en pareilles circonstances - d'une loi qui serait harmonisée avec celles des provinces et des territoires exerçant leur rôle dans leur champ de compétence.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-6 va s'appliquer à tous les secteurs d'activité, indépendamment de la taille des entreprises. Cela comprend aussi le secteur de la santé. Il va permettre de protéger les renseignements personnels en matière de santé qui ont été recueillis, utilisés et communiqués dans le cadre d'activités commerciales. Pour que les règles sur la protection des données concordent d'une juridiction à l'autre, le gouvernement encourage les provinces et les territoires à protéger les données des citoyens dans leur champ de compétence et à les harmoniser non seulement avec la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels, mais aussi entre eux.

La partie 1 du projet de loi C-6 établit le droit à la protection des renseignements personnels. Elle énonce les règles qui doivent régir la collecte, l'utilisation et la communication des renseignements personnels dans le cadre d'activités commerciales.

Au cours des consultations effectuées par le gouvernement et des travaux du comité de l'industrie de l'autre endroit, les Canadiens ont transmis les messages suivants: premièrement, ils veulent une loi souple et efficace, qui offre des recours utiles aux consommateurs. Deuxièmement, les Canadiens approuvent l'utilisation des instruments existants, comme la norme nationale de l'Associations canadienne de normalisation sur la protection des renseignements personnels. Troisièmement, les Canadiens veulent un organisme de surveillance indépendant, c'est-à-dire un organisme qui sera chargé d'examiner les plaintes et d'assurer le respect de la nouvelle loi et de la nouvelle réglementation par le secteur privé.

Le projet de loi C-6 va obliger les entreprises à se conformer aux dix principes pour une information équitable qui sont énoncés dans la norme nationale de l'Association canadienne de normalisation sur la protection des renseignements personnels. Ces principes figurent à l'annexe 1 du projet de loi C-6. Les principes énoncés dans la norme de la CSA ont trait à la façon dont les organisations devraient recueillir, utiliser, divulguer et protéger les renseignements personnels. Ils prévoient que les entreprises doivent expliquer les fins auxquelles les renseignements sont recueillis; obtenir du particulier le consentement de recueillir les renseignements; utiliser et divulguer des renseignements personnels; et inclure des mesures autorisant l'accès aux dossiers et prévoyant la responsabilité de l'organisation.

(1530)

C'est le commissaire à la protection de la vie privée du Canada qui supervisera l'exécution de la partie 1 de la loi. Il sera chargé de faire enquête et de jouer le rôle de médiateur en cas de différend ainsi que de faire enquête dans le cas des plaintes. À mon avis, le comité voudra notamment discuter des règles nécessaires pour veiller à ce que le commissaire à la protection de la vie privée, dans l'exercice de ses rôles d'enquêteur et de médiateur, respecte les lignes directrices découlant de diverses décisions rendues par la Cour suprême, y compris la décision concernant les pouvoirs en matière de fouille, de perquisition et de saisie de l'ancienne Loi relative aux enquêtes sur les coalitions en rapport avec l'affaire du Edmonton Journal. C'est manifestement là un aspect sur lequel le comité voudra se pencher.

Les différends non résolus peuvent être abordés dans le cadre de cette loi en se présentant devant la Cour fédérale pour qu'elle tranche définitivement la question. Le commissaire à la protection de la vie privée se voit aussi attribuer un fort mandat en matière d'éducation du public, soit aider les entreprises à satisfaire aux exigences de la loi.

À l'heure actuelle, au Canada, on peut dire que la protection des renseignements personnels est sporadique et inégale. La majorité des industries ne sont absolument pas tenues de respecter quelque règle que ce soit concernant la cueillette, l'utilisation et la divulgation des renseignements personnels. Les autres sont assujetties à ce que le commissaire à la protection de la vie privée du Canada a appelé une «mosaïque» de lois, de règlements et de codes. Il n'y a que la province de Québec qui possède une loi de vaste portée régissant l'utilisation des renseignements personnels par le secteur privé.

Cette situation n'est manifestement plus acceptable pour la vaste majorité des Canadiens qui ont constamment exprimé leurs préoccupations au sujet du manque de protection accordé aux renseignements qui les concernent. Les entreprises canadiennes demandent aussi que soit adoptée une mesure législative qui fixerait un seul ensemble de règles nationales afin d'uniformiser les règles du jeu à l'échelle du pays et des divers types d'entreprises. Les entreprises canadiennes constatent que la protection de la vie privée a du bon sens sur le plan des affaires. Elles comprennent qu'une loi souple, mais efficace contribuera à convaincre les clients d'accepter le commerce électronique et, partant, à accroître le volume des affaires.

Le Canada a besoin d'une nouvelle loi pour protéger la vie privée. Cette loi doit assurer un certain équilibre. D'une part, il y a le droit de la personne d'exercer un contrôle sur ses renseignements personnels, et il faut donner aux consommateurs des recours efficaces s'ils estiment qu'on en a fait un usage abusif. D'autre part, la loi doit répondre aux besoins de l'industrie, qui doit recueillir et utiliser des renseignements personnels, ce qui est un élément indispensable au succès dans l'économie de l'information.

Honorables sénateurs, j'estime que le projet de loi C-6, dont nous sommes saisis, assure leur bon équilibre. Il aidera à bâtir la confiance du consommateur tout en instaurant les règles qui donnent au milieu des affaires le climat de certitude dont il a besoin pour exploiter à fond le potentiel du commerce électronique et ainsi contribuer à faire du Canada un chef de file dans le commerce électronique et le domaine de l'information.

J'ai hâte de prendre part à l'étude de ce projet de loi au comité. J'invite instamment tous les sénateurs à prendre part à cette étude et à renvoyer le projet de loi C-6 le plus rapidement possible au comité.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'entends faire des observations assez étoffées sur le projet de loi, après quoi je proposerai l'ajournement du débat.

Plusieurs personnes et organisations ont exprimé des inquiétudes au sujet de ce projet de loi. J'essaie de prendre des dispositions pour les rencontrer au début de la semaine prochaine, si possible. Je songe en particulier à des représentants du secteur de la santé. Je ne voudrais pas terminer mes observations à l'étape de la deuxième lecture sans entendre leur point de vue. Après l'ajournement du débat, je me propose de terminer mon intervention à notre retour, après le congé du jour du Souvenir.

Je signale également aux honorables sénateurs qu'au moins un autre collègue de ce côté-ci, le sénateur Oliver, entend participer au débat de deuxième lecture.

Permettez-moi tout d'abord de féliciter et de remercier le parrain du projet de loi, le sénateur Kirby. Comme d'habitude, il a expliqué de façon soignée et approfondie les dispositions du projet de loi.

En réalité, le projet de loi regroupe deux mesures en une seule. C'est le mariage forcé de deux projets de loi sur des sujets assez différents, et je dirais même presque sans liens entre eux. Madame le ministre de la Justice a elle-même avoué, lorsqu'elle a comparu devant le comité des Communes, qu'il y avait au départ deux projets de loi distincts, ce que les fonctionnaires ont confirmé. Au cours de l'étude au Cabinet, quelqu'un est arrivé avec des ciseaux et un pot de colle et a décidé d'en faire un seul texte.

La partie 1 protégera les renseignements personnels qui sont recueillis à des fins commerciales. Les parties 2 à 5 veilleront à ce que les documents et les procédés électroniques soient compatibles avec la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires, la Loi sur la révision des lois, et ainsi de suite. Cette mesure facilitera le commerce électronique avec le gouvernement du Canada. La partie 1 et les parties 2 à 5 ne se limitent pas à un principe ou à un thème en particulier.

Ce projet de loi est en effet un projet de loi omnibus. Les projets de loi omnibus ne laissent pas toujours à désirer et ne constituent pas toujours un abus du Parlement. Je voudrais donner aux honorables sénateurs une définition précise de l'utilisation appropriée de la procédure omnibus. C'est celle de l'honorable Herb Gray, qui parlait alors au nom de l'opposition à l'occasion du débat sur le libre-échange à la Chambre des communes en 1988. Voici ses propos:

Le principal avantage d'une procédure omnibus, c'est que le projet de loi en question, bien qu'il vise à établir ou à modifier plusieurs lois disparates, repose sur un principe ou un objectif qui crée un lien entre toutes les lois proposées, rendant ainsi le projet de loi intelligible dans le contexte parlementaire.

Or, ce projet de loi «ne cadre pas», comme on dit, avec cette définition. Celle-ci est très concise. Plusieurs Présidents l'ont reprise par la suite, la considérant comme une excellente définition de ce que devrait être un bon projet omnibus. Le projet de loi C-6 n'est pas un bon projet omnibus. Il repose sur deux thèmes, deux principes différents.

Soit dit en toute charité et en tenant compte des problèmes auxquels étaient confrontés les rédacteurs, cette tentative d'inventer un principe ou un thème alors qu'il n'en existe pas n'a rien de très impressionnant.

(1540)

C'est tout à fait déloyal. Voilà encore des pirouettes juridiques et verbales. Cela n'est nulle part plus évident que dans le long titre du projet de loi: «Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.»

La première partie du projet de loi, concernant la protection des renseignements personnels, porte sur les renseignements personnels recueillis de quelque façon que ce soit, par des moyens électroniques ou tout autre moyen. Le long titre, en tâchant de donner un principe unique ou un thème unique au projet de loi - je le dis encore une fois dans un esprit charitable - constitue une merveilleuse absurdité que les rédacteurs nous ont concoctée.

Le sénateur Stewart m'a accusé il y a quelques années d'avoir l'esprit d'un mandarin. Je ne pense pas que ce soit vrai. Même si ce l'était en partie, je m'inclinerais certainement devant le sénateur Kirby, car je ne serais même pas dans la même ligue que lui à cet égard. Cependant, je pense avoir acquis suffisamment d'expérience pour comprendre quelque chose à l'esprit mandarin et même à l'esprit politique. À un moment donné, quelqu'un est arrivé et a dit: «Comme nous n'avons que tant de temps parlementaire à notre disposition, collons ces deux projets de loi ensemble.» Puis on procéda, électroniquement bien sûr, au couper-coller. C'est ainsi que le projet de loi a été constitué.

C'est abuser du Parlement. Pourquoi a-t-on fait cela? C'est toujours la même cause, le même motif, à savoir la commodité de l'exécutif à laquelle les prérogatives du Parlement ont été maintes et maintes fois subordonnées depuis 30 ans et qui, à mon humble avis, a transformé la Chambre des communes en une véritable coquille vide. C'est très regrettable.

Je ne sais pas très bien si nous, de ce côté-ci, devrions poursuivre cette question. D'un côté, je me dis que nous devons vraiment prendre position sur des choses de ce genre, par principe. D'un autre côté, je me dis qu'à l'autre endroit, il s'est passé tellement de temps qu'ils ont même oublié en quoi pouvaient bien consister leurs prérogatives et que, s'ils ne s'en soucient pas, pourquoi devrions-nous nous en soucier? Je vais cependant profiter de l'occasion pour consulter mes collègues afin de déterminer si, à un stade ultérieur du débat, nous voudrons poursuivre la question.

Le sénateur Graham se souviendra certainement des nombreux exemples de projets de loi divisés par le Sénat. Lorsque je siégeais du côté ministériel et que j'étais responsable de l'APECA, j'avais présenté un projet de loi visant à créer cette agence et d'autres agences, dont la Société de développement du Cap-Breton. Il y avait des dispositions qui se regroupaient très bien, mais mon ami le sénateur Graham et le leader de son parti à l'époque, le sénateur MacEachen, avaient certaines réserves. Ils ont proposé avec succès, parce qu'ils détenaient la majorité au Sénat, d'ordonner au comité, s'il vous plaît, de diviser le projet de loi, ce que le comité a fait. Un message a été envoyé à la Chambre des communes pour lui faire savoir que nous avions divisé le projet de loi en deux, et le reste. La Chambre des communes, dans sa grande sagesse, nous a évidemment renvoyé rapidement l'affaire après avoir ressoudé ce que nous avions divisé. Quelque chose me dit que c'est ce qui se produirait encore si nous tenions notre position jusqu'au bout. Je voulais souligner cela, honorables sénateurs, même si ce n'est qu'à titre informatif, parce qu'il s'agit d'une question de principe.

Le projet de loi portait le numéro C-54 lors de la première session de la présente législature. Il est mort au Feuilleton à l'étape du rapport au moment de la prorogation et a été ressuscité au début de cette nouvelle session. Ce que j'ai à dire sur le projet de loi C-6 et sur les témoignages entendus par les comités a trait en grande partie aux délibérations sur le projet de loi C-54. Les deux projets de loi sont identiques.

D'après ce que j'ai pu constater, les parties 2 à 5, soit les parties sur le commerce électronique, ne soulèvent aucune objection de principe. La controverse, si je peux vraiment parler de controverse, vient surtout de la partie 1, sur la protection de la vie privée. Cela illustre les problèmes susceptibles de surgir lorsque l'on décide de souder deux projets de loi. Il se pourrait très bien que les témoins, les autres parties intéressées et les législateurs de l'autre endroit aient accordé trop peu d'attention aux parties 2 à 5. Dieu sait que ces parties sont importantes. Elles renvoient, entre autres, au système judiciaire, soit les tribunaux, le droit, les déclarations sous serment et le reste. Il se pourrait que, puisque la partie 1 prête davantage à controverse, les parties 2 à 5 aient été examinées en surface seulement tant par les parties intéressées que par les législateurs. Je le répète, c'est là un problème susceptible de surgir lorsqu'on fonde deux projets de loi en un seul. J'insiste sur ce point pour que le comité l'ait à l'esprit. Il voudra peut-être étudier les parties 2 à 5 du projet de loi plus attentivement que nos collègues de la Chambre des communes l'ont fait.

En ce qui concerne la partie 1, et mes observations d'aujourd'hui se limiteront pour la plupart à cette partie, qu'il me soit permis d'exprimer mon grand préjugé favorable. Je suis un ardent défenseur de la protection de la vie privée. Cela est indissociable de la dignité de l'individu. La Loi sur la protection de la vie privée protège l'individu contre toute atteinte à sa vie privée qui serait le fait du gouvernement fédéral ou de l'une de ses agences. Cette loi est efficace. À ce que je sache, elle l'a toujours été. Nous n'avions pas avant aujourd'hui de loi pour protéger les renseignements personnels recueillis dans un contexte commercial. Je félicite le gouvernement d'avoir comblé cette lacune. Il en était temps, et j'y souscris sans réserve. J'ose espérer qu'il sera tenu compte du soutien que nous comptons apporter à cette initiative - je crois pouvoir parler au nom des sénateurs de ce côté-ci de la Chambre - et que tout ce que je pourrai dire à son sujet, qui serait susceptible de passer pour des critiques, sera perçu à la faveur de notre accord avec ce texte qui protège les renseignements personnels recueillis à des fins commerciales.

À cet égard, je ne vois pas d'inconvénient, au contraire de certaines personnes, à ce que le commissaire à la protection de la vie privée jouisse de certains pouvoirs. Je ne crois pas que ces pouvoirs soient excessifs. J'estime que la vie privée de l'individu importe à un point tel que le Parlement doit aller jusque-là, s'il le faut, pour la protéger.

Je souligne en passant que la structure du projet de loi a fait l'objet de certaines critiques. En fait, la lecture n'en est pas aisée car il faut sans cesse faire l'aller-retour entre la partie 2 du projet de loi et l'annexe 1, qui énonce les principes de la Norme nationale du Canada intitulée: Code type sur la protection des renseignements personnels.

(1550)

L'annexe 1 elle-même renferme une combinaison des aspects obligatoires - ce qui doit être fait - et des aspects souhaitables - ce qui peut et devrait être fait.

Les avocats qui ont étudié attentivement ce projet de loi et qui ont préparé des conclusions écrites sur ce sujet ont affirmé que ce serait très difficile et que ce que l'on aurait dû faire, et que l'on devrait toujours faire, serait d'inclure toutes les dispositions obligatoires comprises dans cette annexe dans le corps de la loi, ne gardant que les aspects possibles ou souhaitables dans l'annexe.

Je soulève la question à l'intention du comité. Si cela peut permettre d'améliorer le projet de loi, tant mieux.

On a fait des représentations à la Chambre réclamant une exemption générale. Je ne prise pas beaucoup de genre de demande. Il est possible toutefois, dans certains domaines, et celui de la santé me vient immédiatement à l'esprit, que l'on puisse demander un traitement particulier en vertu de la loi, et j'y reviendrai plus tard.

Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas très favorable à ce genre de demande d'exemption. En fait, je ne suis pas certain d'être d'accord avec certaines des exemptions déjà contenues dans le projet de loi à l'heure actuelle. J'aimerais tout particulièrement attirer votre attention sur l'alinéa 4(2)c) à la partie 1, qui prévoit que cette partie ne s'applique pas:

... à une organisation à l'égard des renseignements personnels qu'elle recueille, utilise ou communique à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires et à aucune autre fin.

Je parlerai d'abord des fins artistiques ou littéraires. De quoi s'agit-il? Cela ne vous semble-t-il pas être une définition extrêmement vague? Je crois qu'elle l'est. Peut-on la préciser un peu? Nous devrions à tout le moins essayer. Lorsque la question a été soulevée pendant l'étude du comité de la Chambre des communes, il a été souligné au cours d'un exposé que sans cette exemption, les docudrames pourraient être contraires à la loi. Vous savez ce que sont les docudrames, honorables sénateurs. Ils comprennent un mélange de faits et de fiction. Ils sont intéressants à regarder, mais ils devraient peut-être être régis par une loi de ce genre. On ne devrait peut-être pas les exempter systématiquement. Je crois que la question mérite d'être approfondie.

Pour ce qui est de l'exemption concernant les renseignements personnels recueillis à des fins journalistiques, la raison pour laquelle cette exemption est prévue est très simple: si elle n'existait pas et que ce projet de loi était adopté, il serait contesté, et fort probablement avec succès, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés en invoquant le droit de s'exprimer, la liberté de presse. C'est probablement vrai. Toutefois, cela soulève une question dans mon esprit: pourquoi la Charte canadienne des droits et libertés ne prévoit-elle pas la protection du droit à la vie privée, ce qui mettrait ce droit sur le même plan que les droits relatifs à la liberté de la presse? Je pense qu'il est regrettable que la Charte canadienne des droits et libertés ne prévoie pas une telle protection.

Permettez-moi de donner aux honorables sénateurs quelques renseignements d'ordre historique. Il y a longtemps de cela, en 1979, le gouvernement Trudeau, par l'intermédiaire de son ministre de la Justice d'alors, M. Jean Chrétien, prit l'engagement, dans un énoncé de principes constitutionnels, que le droit à la vie privée serait l'un des droits que le gouvernement fédéral proposerait d'inscrire dans une future Charte des droits et libertés. Quand l'occasion fut venue de le faire pendant la période qui a conduit à la Constitution de 1982, ce même gouvernement, réincarné sous une forme différente après 1980, s'est défilé. M. Chrétien était de nouveau ministre de la Justice. Les honorables sénateurs se souviendront qu'un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat a étudié le projet de canadianisation de la Constitution et, plus particulièrement, l'ébauche de la Charte des droits et libertés. Les coprésidents étaient le sénateur Harry Hays, le père de notre collègue, et Serge Joyal, qui était alors député. Les membres conservateurs et néo-démocrates du comité prirent l'initiative de proposer que le droit à la vie privée soit inscrit dans la Charte.

Le sénateur Kirby s'en souviendra. C'était l'époque où il était mandarin. Il fut l'un des principaux acteurs du drame constitutionnel.

M. Chrétien s'y opposa. Son argument était que le concept de vie privée était trop vague. En outre, il était d'avis que la vie privée serait suffisamment protégée par l'article 7, qui porte sur la sécurité de la personne, et par l'article 8, concernant les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives, de la Charte. Quoi qu'il en soit, l'initiative des conservateurs et des néo-démocrates fut rejetée, à tort, je pense.

Dans les négociations de 1992 qui ont abouti à l'Accord de Charlottetown, l'actuel commissaire à la protection de la vie privée, M. Bruce Phillips, est intervenu et a demandé, avec beaucoup d'à-propos, qu'une modification soit apportée à la Charte pour qu'elle garantisse le droit à la vie privée. Dans leur sagesse, les premiers ministres ne l'ont pas fait. À mon avis, il est regrettable que cette disposition ne soit pas insérée dans la Charte. Je ne vois pas pourquoi nous ne devrions pas tenir un débat, très bientôt, sur la mesure dans laquelle les médias devraient être autorisés à faire intrusion dans la vie privée des gens.

On dit parfois que nous sommes protégés par les lois sur la diffamation. Il faudrait que des personnes plus versées dans le droit que moi analysent cette affirmation, mais tout ce que je peux en penser, c'est que les médias peuvent imprimer ou diffuser toute l'information qu'ils le désirent sur n'importe qui, pourvu qu'elle soient vraie. J'estime que nous devrions bénéficier d'une plus grande et d'une meilleure protection que cela. Il conviendrait peut-être de garantir, dans la Charte des droits et libertés, le droit à la vie privée, comme c'est le cas pour la liberté d'expression.

Soit dit en passant, honorables sénateurs, dans un long article paru dans l'édition du Globe and Mail de ce matin, on parlait des efforts que font les historiens pour annuler l'engagement que sir Wilfrid Laurier avait consacré dans la loi pour protéger les données du recensement.

(1600)

Je sais que le sénateur Milne a une opinion à ce sujet. Nombre d'historiens veulent mettre la main sur des données personnelles qui ont été communiquées sous le sceau de la confidentialité aux recenseurs depuis 1906, je crois. Les historiens soutiennent vigoureusement qu'il faudrait lever cette restriction. M. Phillips, commissaire à la protection de la vie privée, soutient aussi vigoureusement qu'il ne faudrait pas la lever.

Permettez-moi de dire que je suis d'accord avec M. Phillips. Si mon grand-père ou mon arrière-grand-père ont communiqué des renseignements personnels au recenseur sur la foi de l'engagement pris par sir Wilfrid Laurier, je crois qu'il faudrait respecter cet engagement. Je ne veux certes pas que Michael Bliss ou Ramsay Cook mettent la main sur ces renseignements et fassent leurs propres interprétations tendancieuses et très préjudiciables de ces données. Vive sir Wilfrid Laurier et Bruce Phillips, et que ces historiens aillent au diable.

Comme l'honorable sénateur l'a fait remarquer, au Canada, il est inévitable qu'un projet de loi de ce genre soulève des questions constitutionnelles, dans le sens classique des questions sur la division des pouvoirs ainsi que des questions fédérales-provinciales qui sont davantage d'ordre administratif. Sur la question constitutionnelle, les opinions exprimées vont d'un extrême à l'autre, soit de l'application appropriée du pouvoir libéral en matière de commerce jusqu'à l'affirmation voulant que le projet de loi aille nettement au-delà des compétences du Parlement fédéral.

Mon opinion de profane, qu'on prendra pour ce qu'elle vaut, ce qui n'est pas beaucoup, correspond à celle qu'a exprimée le sénateur Kirby. Je suis d'avis que ce projet de loi prévoit une application correcte et légitime du pouvoir fédéral en matière de commerce; d'ailleurs, le sénateur Kirby a exposé avec à-propos, comme seul peut le faire un profane, certaines des raisons qui l'expliquent. J'ajouterai qu'à mon avis, le gouvernement fédéral ne devrait pas hésiter, comme les gouvernements l'ont fait dans le passé, à invoquer ce pouvoir en matière de commerce. Son existence est justifiée.

Fidèle à son habitude, l'Association du Barreau canadien a présenté un témoignage peu utile devant le comité de la Chambre des communes. Faisant remarquer que certains juristes avaient déclaré la mesure ultra vires, que d'autres l'avaient jugée parfaitement conforme aux pouvoirs qui nous reviennent et que d'autres encore avaient formulé une opinion se situant entre les deux premières, l'Association du Barreau canadien concluait que toutes ces positions étaient justifiées aux termes de la Constitution. L'Association du Barreau canadien s'étant dérobée, je pense que le comité devrait, comme l'a proposé le sénateur Kirby, examiner à fond cette question. Nous devons l'étudier sérieusement. Nous devrions entendre les experts. Je crois que nous pourrons nous adresser aux sénateurs qui ont plus de connaissances et d'expérience que moi en matière constitutionnelle. Ils arriveront peut-être même à modifier l'opinion que nous avons, le sénateur Kirby et moi, sur cette question, mais j'en doute.

Le Québec est la seule province qui protège vraiment les renseignements personnels recueillis à des fins commerciales. Les Québécois bénéficient d'une double protection puisqu'il existe un chapitre du Code civil du Québec qui protège les renseignements personnels en plus d'une Loi sur la protection des renseignements personnels.

Le sénateur Kirby ne l'a pas mentionné, alors je le fais. Durant les trois premières années après la sanction royale, après la proclamation, cette loi s'appliquera seulement aux activités commerciales qui relèvent du gouvernement fédéral et au commerce interprovincial. C'est n'est qu'après trois ans qu'elle s'appliquera aux activités commerciales à l'intérieur d'une province, et seulement si cette province n'a pas adopté de loi équivalente. On se demande pourquoi le gouvernement se donne tout ce mal, compte tenu de l'assertion ferme de son pouvoir en matière de commerce, mais je crois que c'est lié au fait que le Québec a déjà une loi et que l'Alberta serait en train d'en préparer une. J'ajouterai que les ministres provinciaux de la Justice ont tous demandé que ce projet de loi soit retiré. Comme je l'ai dit, je crois que c'est aller trop loin. Mme McLellan, la ministre fédérale, a rejeté leur appel, même si je crois que le comité devrait quand même les entendre. Et, si c'est possible de répondre à certaines de leurs préoccupations, pourquoi ne pas le faire?

En plus de la question constitutionnelle, on a soulevé le problème de l'ambiguïté et de la confusion qui peuvent régner dans les provinces qui ont leur propre loi, comme le Québec. Nous aurons alors la loi fédérale, qui s'appliquera aux activités commerciales relevant du fédéral et au commerce interprovincial, et la loi provinciale, qui s'appliquera aux activités commerciales à l'intérieur de la province. Il sera peut-être plus difficile qu'on le pense de faire la distinction entre ces diverses activités. Qu'est-ce qui est interprovincial et qu'est-ce qui est intraprovincial? Quelle loi s'appliquera, la loi fédérale ou la loi provinciale? Il risque d'y avoir des difficultés administratives, des ambiguïtés et des équivoques.

Les problèmes administratifs peuvent toujours être surmontés. Le sénateur Kirby, un mandarin, appuierait certainement cette assertion, mais les ministres provinciaux, comme je l'ai dit, ont demandé que le projet de loi soit retiré, et je crois qu'ils devraient être entendus pour qu'on tente de les rassurer ou, si c'est possible, de répondre à leurs préoccupations.

Le sénateur Kirby a parlé du secteur des soins de santé. M. Manley, le ministre de l'Industrie, qui a parrainé ce projet de loi à l'autre endroit, croit qu'il a répondu aux préoccupations exprimées au moyen d'un amendement qu'il a présenté le 15 octobre, si je ne m'abuse. D'après les renseignements que j'ai, les représentants du secteur des soins de santé qui ont exprimé de telles préoccupations ne sont pas du tout convaincus qu'on a y répondu. L'Association dentaire canadienne a adopté une position assez ferme à cet égard. Ce n'est peut-être pas autant le cas des médecins et des hôpitaux, mais ils ont tous présenté des mémoires et nous devrons entendre ce qu'ils ont à dire lors de l'étude du projet de loi en comité.

L'Association canadienne des soins de santé est particulièrement inquiète à ce sujet. Les relations médecin-patient ne sont pas de nature «commerciale», selon la définition utilisée dans ce projet de loi, ni celles peut-être avec les pharmacies et d'autres pourvoyeurs de soins de santé. L'Association canadienne des soins de santé a obtenu un avis juridique très détaillé et, je dirais, très dévastateur. Il vient d'un cabinet d'avocats de Montréal et la personne qui a écrit la lettre d'accompagnement a pris la peine de faire remarquer que les avocats qui avaient travaillé à cette question avaient tous occupé, à titre de bénévoles, d'importants postes dans des hôpitaux et des associations de soins de santé, et ainsi de suite. Les sénateurs qui s'intéressent à ce projet de loi, et surtout qui ont l'intention de prendre part à l'étude de ce projet de loi en comité, doivent absolument lire cet avis juridique.

Je ne suis pas d'accord avec ceux qui pensent que nous devrions simplement exclure les soins de santé et le secteur des soins de santé. À mon avis, nous devrions reconsidérer la possibilité d'accorder à cet important secteur une place spéciale dans la loi.

(1610)

Comme je l'ai dit, j'ai l'intention, personnellement ou par l'intermédiaire de mes agents, de communiquer avec eux et de prendre connaissance de ce qu'ils ont à dire. Je reviendrai sur cette question quand je mettrai fin à mes remarques, le 16 novembre.

Après ces remarques préliminaires, honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Murray, le débat est ajourné.)

La Loi sur le casier judiciaire

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Joan Fraser propose: Que le projet de loi C-7, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et une autre loi en conséquence, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, c'est pour moi un plaisir de prendre la parole pour souligner les mérites du projet de loi C-7, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire. Comme bon nombre d'entre vous s'en souviendront, nous en avons été saisis pour la première fois au printemps dernier, sous la désignation de projet de loi C-69. Il s'agit d'un projet de loi important, étant donné qu'il traite de l'amélioration de la sécurité de nos enfants et de celle d'autres personnes vulnérables. Cependant, il arrive que nous soyons dans l'obligation d'étudier un grand nombre de mesures législatives importantes. Il vaut donc la peine de revoir les principaux éléments et objectifs du projet de loi.

[Français]

D'abord et avant tout, les modifications auront pour effet d'accroître la sécurité du public. Elles rendront accessible, pour fin d'examen au cours du filtrage, le casier judiciaire des délinquants sexuels qui bénéficient d'une réhabilitation et qui se portent candidats à des postes comportant une situation de confiance. Ainsi, un «indicateur» sera placé dans le système des casiers judiciaires lorsqu'un délinquant sexuel fera l'objet d'une réhabilitation et que son dossier sera scellé. Cela signifie que lorsqu'un organisme qui s'occupe d'enfants voudra connaître les antécédents de nouveaux employés, bénévoles ou rémunérés, les antécédents d'un candidat ayant déjà commis une infraction de nature sexuelle et à qui a été accordée une réhabilitation, ne passeront pas inaperçus.

[Traduction]

Peu de choses sont aussi troublantes que l'idée que ceux qui s'attaquent à des enfants innocents peuvent trouver refuge dans une organisation où ces enfants devraient se sentir en sécurité et protégés. Nous savons pourtant que cela est déjà arrivé. Le projet de loi ajoute une arme à notre arsenal pour aider à prévenir ces incidents.

En outre, le projet de loi fera quatre choses. Tout d'abord, il rendra plus clair et renforcera le système de réhabilitation en prévoyant la révocation immédiate de la réhabilitation dès qu'il y aura condamnation pour ce qu'on appelle une infraction mixte, c'est-à-dire une infraction qui peut être poursuivie soit par voie de mise en accusation, soit par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Deuxièmement, le candidat qui s'est vu refuser la réhabilitation devra attendre au moins un an avant de pouvoir présenter une nouvelle demande. Troisièmement, les appels à la commission en cas de refus ou de révocation se feront normalement par écrit uniquement, à moins que la Commission nationale des libérations conditionnelles n'accorde une audience. Quatrièmement, le projet de loi indiquera plus clairement que la réhabilitation a pour effet de sceller le dossier et non d'effacer le fait qu'il y a eu condamnation.

Bien que toutes ces mesures soient importantes en elles-mêmes, j'aimerais me concentrer principalement sur la question de la réhabilitation des délinquants sexuels. La Loi sur le casier judiciaire établit un système de réhabilitation pour les anciens délinquants qui ont démontré qu'ils menaient dorénavant une vie rangée. En vertu de cette loi, le casier judiciaire des délinquants peut être scellé s'ils obtiennent leur réhabilitation auprès de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Il importe de ne pas oublier que le scellage n'efface pas la condamnation, pas plus qu'il ne purge le casier judiciaire. La condamnation est après tout un fait avéré. Le casier judiciaire peut être réouvert sur la demande du solliciteur général, lorsque c'est dans l'intérêt de la justice ou de la sécurité nationale.

Honorables sénateurs, la réhabilitation n'est pas accordée facilement. Elle l'est uniquement si une personne a fait preuve d'une conduite irréprochable et n'a pas perpétré de crime pendant une période prolongée. Dans le cas d'infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité, il est nécessaire de faire preuve d'une conduite irréprochable pendant trois ans, après avoir purgé sa peine. Le projet de loi C-7 précise clairement que cela inclut le paiement d'amendes. Dans le cas d'actes criminels plus graves, la période d'attente est de cinq ans. La Commission nationale des libérations conditionnelles doit confirmer que le demandeur a fait preuve d'une conduite irréprochable pendant toute cette période. Avant d'accorder une réhabilitation, on consulte la police de toutes les collectivités où a vécu le demandeur au cours des cinq dernières années.

[Français]

Il importe de savoir que la vaste majorité des réhabilités continuent de respecter la loi. Depuis 28 ans, près d'un quart de million de réhabilitations ont été accordées et, de ce nombre, seulement un peu plus de 6 000 ont été révoquées à cause d'une nouvelle infraction. Cela représente un taux de succès de plus de 97 p. 100.

[Traduction]

Le projet de loi C-7 porte principalement sur les délinquants sexuels, qui sont un petit sous-groupe du plus grand groupe des candidats à la réhabilitation. Le ministère du Solliciteur général a récemment estimé qu'au cours des 28 dernières années, 4 200 délinquants sexuels avaient obtenu une réhabilitation. Seuls 114 de ces délinquants, soit 2,6 p. 100, ont vu leur réhabilitation révoquée pour avoir commis une autre agression sexuelle. Ces estimations montrent que, heureusement, seul un petit nombre de délinquants sexuels réhabilités présentent le risque de récidiver. Toutefois, aussi petit ce nombre soit-il, il est important de réduire ce risque au niveau le plus bas possible. Le projet de loi C-7 nous aidera à le faire.

[Français]

Le projet de loi C-7 prend appui sur des mesures qui ont déjà été prises pour protéger les enfants et autres personnes vulnérables. Ainsi, un pas important a été fait en 1994, quand on a créé le Système national de filtrage. Ce système repose sur le Centre d'information de la police canadienne, le CIPC ou, en anglais, CPIC. Grâce au CIPC, les organisations ont accès à des renseignements qui leur permettent d'éliminer les agresseurs sexuels d'enfants de leurs listes de candidats à des postes qui les amèneraient à travailler auprès d'enfants. La création de ce système a fait suite à de vastes consultations auprès d'organismes de services aux enfants, d'autorités scolaires et de responsables de services sociaux, d'organismes bénévoles tels que les Clubs de garçons et filles du Canada, les Grands Frères et les Grandes S9urs, Bénévoles Canada, ainsi que la police et des organismes d'aide aux victimes.

Ces organismes ont dit que la vérification du casier judiciaire était un élément important d'un processus de filtrage plus approfondi. Le Système national de filtrage est le fruit de la collaboration entre les organismes de services aux enfants, les milieux policiers, le Centre d'information de la police canadienne, ainsi que les ministères du Solliciteur général, de la Santé et de la Justice.

[Traduction]

Le Système national de filtrage a donné de bons résultats. Son utilisation par le secteur bénévole et par d'autres associations reconnues prend continuellement de l'ampleur. Plus de 700 000 recherches ont été effectuées jusqu'à présent. Le projet de loi C-7 améliorera le Système national de filtrage en corrigeant une faiblesse qui a été décelée. En effet, le dossier d'un délinquant sexuel réhabilité peut échapper à l'attention au cours d'une vérification d'usage auprès du Centre d'information de la police canadienne, ou CIPC, à des fins de filtrage.

Dans l'état actuel des choses, le solliciteur général a le pouvoir de rouvrir le dossier d'un délinquant réhabilité et de le communiquer à des fins compatibles avec l'administration de la justice, notamment pour le filtrage. Cependant, il ne peut pas recourir à ce pouvoir si ces dossiers ne sont pas demandés. Or, ils ne peuvent être demandés que si leur existence est connue. Comme les dossiers de ce genre sont éliminés du système du CIPC et conservés à part dans une base de données scellée, ils n'apparaissent pas au moment d'une recherche d'usage.

Ce système de protection, c'est exactement ce que vise la Loi sur le casier judiciaire. Dans la plupart des cas, effectivement, ces dossiers devraient être invisibles lorsqu'il y a réhabilitation. Toutefois, lorsqu'une personne pose sa candidature à un poste de confiance et que son dossier porte à croire qu'il y aurait un niveau accru de risque pour une catégorie précise de personnes vulnérables, une exception est justifiée. Les ministres de la Justice et les solliciteurs généraux fédéral, provinciaux et territoriaux se sont tous entendus sur ce point lors de leur rencontre en octobre 1998.

Un groupe de travail de hauts fonctionnaires a examiné les moyens de mieux protéger les enfants et a soumis dix recommandations en ce sens aux ministres concernés. Ces dix recommandations ont toutes été adoptées et sont en train d'être mises en application. Il a été proposé, entre autres, que les dossiers des délinquants sexuels ayant fait l'objet d'une réhabilitation soient rendus accessibles pour le filtrage des candidats à des postes de confiance. Le solliciteur général du Canada, avec l'appui de la ministre de la Justice, a entrepris lors de la réunion de 1998 de déterminer le meilleur moyen de le faire en consultation avec tous ses homologues provinciaux.

(1620)

Le projet de loi C-7 était la prochaine étape logique. Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, il prévoit que, lorsque l'on retirera du CIPC le dossier d'un délinquant sexuel suite à sa réhabilitation, on laissera à la place un indicateur. Par la suite, lors d'une vérification de filtrage, cette indication obligera l'agent de police qui effectue la recherche à soumettre au CIPC les empreintes digitales du requérant en même temps que la demande de dossier. Celui-ci sera ensuite porté à l'attention du solliciteur général, qui envisagera de le desceller, car cette mesure ne sera pas prise automatiquement.

Certains diront que cette mesure va à l'encontre de l'objectif fondamental de la Loi sur le casier judiciaire et c'est une préoccupation sérieuse, bien entendu. Nous voulons que le système de réhabilitation fonctionne bien. Cependant, il s'agit d'une exception circonscrite et limitée qui, selon moi, se justifie. Les ministres de la Justice de tous les gouvernements ont appuyé ce principe. Si nous ne prenons pas cette mesure, nous risquons de subir les conséquences possibles de la réhabilitation qui aiderait un prédateur sexuel à se frayer un chemin vers un poste de confiance auprès d'enfants ou d'autres personnes vulnérables.

[Français]

Je parle d'exception circonscrite car seules certaines infractions sexuelles entraîneront l'inclusion d'un indicateur dans le système du CIPC, et cet indicateur ne deviendra visible qu'au cours d'une recherche à des fins de filtrage, recherche dont la nature sera signalée par l'entrée d'un code dans l'ordinateur. Il sera interdit par la loi et par la politique du CIPC de se servir de ce code sans autorisation. Il faudra toujours obtenir le consentement du demandeur, et ce dernier aura toujours le choix de retirer sa demande s'il ne souhaite pas divulguer son dossier à l'organisme qui procède au filtrage. Pour s'assurer que le demandeur est identifié avec exactitude, on joindra ses empreintes digitales à la demande de levée des scellés sur le dossier visé par la réhabilitation.

[Traduction]

Enfin, le solliciteur général devra convenir que la divulgation du casier est justifiée. On précisera les infractions sexuelles qui pourront être signalées ainsi que les facteurs qui seront pris en considération par le solliciteur général pour décider de l'opportunité de desceller le dossier.

Honorables sénateurs, vous vous rappelez peut-être que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a tenu un très bon débat sur ce qui était alors le projet de loi C-69 durant et après la comparution du solliciteur général en juin dernier et à l'occasion d'une séance très productive en septembre. Je voudrais souligner la contribution très constructive du sénateur Nolin. Le comité était particulièrement intéressé par les définitions d'enfants et d'autres personnes vulnérables et par l'identification précise de la liste des infractions sexuelles dont il est question dans ce projet de loi. Je suis persuadée que l'excellent travail du comité sera utile au Sénat lorsque le comité examinera à nouveau ce projet de loi, qui est maintenant le projet de loi C-7.

Il est important de reconnaître que le projet de loi C-7 vient s'ajouter à des mesures déjà prises par le gouvernement pour améliorer la protection des enfants. Ces dispositions répondent à la recommandation unanime des ministres des provinces et des territoires. Elles ont reçu l'appui unanime de tous les partis à l'autre endroit. Elles sont compatibles, je crois, avec la préoccupation commune qu'ont tous les députés, celle de faire tout ce qui est possible pour protéger nos enfants et les adultes vulnérables des prédateurs sexuels qui chercheraient à leur causer du tort.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Comité de sélection

Adoption du quatrième rapport

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du Comité de sélection (composition de divers comités), présenté au Sénat le 3 novembre 1999.-(L'honorable sénateur Mercier).

L'honorable Léonce Mercier: Honorables sénateurs, je propose l'adoption de ce rapport.

L'honorable Fernand Robichaud (Son Honneur le Président suppléant): Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

Les Canadiens éminents et leur rôle au Royaume-Uni

Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Anne C. Cools, ayant donné avis le 2 novembre 1999:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur:

a) les personnes nées au Canada qui ont siégé à la Chambre des communes du Royaume-Uni, y compris le natif de l'Ontario Edward Blake, ministre de la Justice du Canada de 1875 à 1877 et chef du Parti libéral du Canada de 1880 à 1887, le natif du Nouveau-Brunswick le très honorable Bonar Law, premier ministre du Royaume-Uni de 1922 à 1923, et le natif de l'Ontario sir Bryant Irvine, vice-président de la Chambre des communes du Royaume-Uni de 1976 à 1982;

b) les personnes nées au Canada qui ont siégé à la Chambre des lords du Royaume-Uni, y compris le très hon. Richard B. Bennett, premier ministre du Canada de 1930 à 1935, et lord Beaverbrook, ministre du Royaume-Uni en 1918 et de 1940 à 1942;

c) les Britanniques de naissance nés au Royaume-Uni ou dans les dominions et colonies qui ont siégé au Sénat et à la Chambre des communes du Canada, y compris le très hon. John Turner, premier ministre en 1984 et chef de l'opposition libérale de 1984 à 1990, et moi-même, sénateur noire en exercice née dans les Antilles britanniques;

d) les personnes de citoyenneté canadienne qui ont fait partie du Conseil privé du Royaume-Uni, y compris les premiers ministres du Canada, les juges en chef de la Cour suprême et certains ministres canadiens dont le leader du gouvernement au Sénat de 1921 à 1930 et de 1935 à 1942, le très hon. sénateur Raoul Dandurand, qui a été nommé au Conseil privé du Royaume-Uni en 1941;

e) la résolution Nickle de 1919, une motion de la Chambre des communes du Canada en vue d'une adresse à Sa Majesté le roi George V, et les propos que le premier ministre R.B. Bennett a tenus en 1934 à son sujet:

«C'était aussi inefficace en droit que possible. Non seulement c'était inefficace, mais c'était aussi, je regrette de le dire, un affront au souverain lui-même. N'importe quel avocat de droit constitutionnel ou quiconque se donne la peine d'étudier cette question s'en rend bien compte.»;

f) les propos que le premier ministre R.B. Bennett a tenus en 1934 dans une lettre au député J.R. MacNicol:

«Tant que je resterai citoyen de l'Empire britannique et loyal sujet du roi, j'entends reconnaître au souverain la prérogative de reconnaître les services de ses sujets.»

g) les nombreux distingués Canadiens qui ont depuis 1919 reçu des honneurs du roi ou de la reine du Canada, y compris l'élévation à l'ordre de la chevalerie en 1934 de sir Lyman Duff, juge en chef de la Cour suprême du Canada, en 1935 de sir Ernest MacMillan, musicien, en 1986 de sir Bryant Irvine, parlementaire, en 1994 de sir Neil Shaw, industriel, et en 1994 de sir Conrad Swan, conseiller du premier ministre Pearson au sujet du drapeau national du Canada;

h) les nombreux distingués Canadiens qui ont reçu 646 honneurs et décorations de souverains étrangers non britanniques et non canadiens entre 1919 et février 1929;

i) la position juridique et constitutionnelle des Canadiens de naissance et de citoyenneté concernant leur aptitude ou leur inaptitude à siéger à la Chambre des lords ou à la Chambre des communes du Royaume-Uni, notamment les Canadiens domiciliés au Royaume-Uni et jouissant de la double citoyenneté du Canada et du Royaume-Uni;

j) la position juridique et constitutionnelle des Canadiens domiciliés au pays ou à l'étranger concernant leur droit de recevoir des honneurs et des distinctions de leur propre souverain, la reine Elizabeth II du Canada, ainsi que leur droit de recevoir des honneurs et des distinctions de souverains autres que le leur, y compris le souverain de la France, l'honneur de l'Ordre royal de la Légion d'honneur;

k) les honneurs, les distinctions et les décorations qui ne sont pas héréditaires comme la pairie à vie, l'élévation à l'ordre de la chevalerie et les ordres militaires et de chevalerie;

l) la recommandation par le premier ministre britannique Tony Blair à Sa Majesté la reine Elizabeth II portant de nommer comme membre non héréditaire de la Chambre des lords Conrad Black, un distingué éditeur et entrepreneur canadien et colonel honoraire des Governor General's Foot Guards du Canada.

- Honorables sénateurs, j'aborde aujourd'hui le lien historique et constitutionnel entre le Canada et le Royaume-Uni, les systèmes constitutionnel et parlementaire ainsi que la citoyenneté que nous partageons. Il n'y a pas si longtemps, de mon vivant, il n'y avait pas de distinction entre la citoyenneté britannique et la citoyenneté canadienne, bien que la souveraineté du Canada ait découlé d'un statut particulier de dominion. En tant que personne noire qui a vu le jour et qui a été élevée jusqu'à l'âge de 13 ans à la Barbade, dans les Antilles britanniques et qui a déménagé au Canada, j'ai vécu cette double expérience. Des années plus tard, après avoir compris que, comme anglophone d'origine britannique vivant au Québec, je ne serais jamais une vraie Québécoise, j'ai quitté le Québec pour l'Ontario, ce qui fait de moi une réfugiée de chez les «pure laine». Je crois fermement que l'on sape mon patrimoine et que je dois le faire valoir et le défendre.

Honorables sénateurs, bon nombre de gens au pays, y compris des ministres, préconisent le démantèlement de la monarchie constitutionnelle du Canada. Je qualifie ce vandalisme constitutionnel de démolition du Canada. Ils invoquent une prétendue impulsion démocratique et populaire à l'encontre de l'aristocratie, mais leur appel en faveur du principe de la démocratie est superficiel, creux et très transparent. Ils présentent l'absolutisme au public comme s'il s'agissait de l'ancien absolutisme des rois, tout en faisant délibérément abstraction de l'absolutisme actuel des Cabinets et des tribunaux de l'ère moderne. Ces démolisseurs sont en situation de faillite intellectuelle et morale. Ils induisent le public en erreur parce que le Canada n'a jamais eu d'aristocratie ou de structure politique aristocratique. À la différence de ce qui s'est passé au Royaume-Uni, l'aristocratie n'a jamais fait partie de la structure sociale, économique, militaire ou politique du Canada.

Le Canada, comme nouveau peuplement, n'a jamais connu de conditions sociales qui ont entraîné la création de structures aristocratiques. Le Canada n'a jamais réuni les conditions préalables à l'établissement du principe aristocratique, soit le principe héréditaire connu en Angleterre sous l'appellation de loi de la primogéniture, ni possédé la structure aristocratique nécessaire pour assurer la protection des personnes et des biens, soit la protection de la vie et de la liberté assurée par l'aristocrate à ses vassaux en contrepartie de leur loyauté et de leurs services. Au Royaume-Uni, cette structure aristocratique et politique a cédé le pas au fil du temps à un gouvernement avec responsabilité ministérielle, modèle que le Canada a adopté dès le début de son histoire par l'entremise du système des partis politiques.

Ma culture politique s'inspire d'une monarchie constitutionnelle et des institutions parlementaires britanniques qui ont donné aux Antilles britanniques les plus vieilles assemblées législatives de l'univers de la common law. Ces institutions parlementaires ont mené à l'abolition du commerce des esclaves en 1807 et à l'abolition de l'esclavage proprement dit en 1833. Ces solutions politiques du Parlement ont évité le carnage et le massacre de la guerre civile américaine de 1861 à 1865. À mon sens, c'était la solution politique du Parlement de la Reine contre la solution militaire républicaine. L'élément essentiel d'un gouvernement ministériel responsable du Parlement de la Reine est le devoir du Cabinet de Sa Majesté de trouver, avec la confiance du Parlement, des solutions politiques plutôt que légales, judiciaires ou militaires à des problèmes et à des conflits humains. La politique est la solution à la plupart des problèmes. L'art de la politique est la plus grande contribution de notre système britannique. La politique, c'est aussi recommander et accorder des nominations et des décorations politiques.

(1630)

Honorables sénateurs, la Barbade est une vieille colonie dont l'assemblée législative, qui a été établie en 1639, est la plus ancienne à l'extérieur du Royaume-Uni. Elle contraste vivement avec la française Haïti et Cuba l'espagnole, qui sont toutes deux des républiques et toutes deux des colonies non britanniques. Je suis très attachée au Parlement de la Reine et ne veux d'aucune institution républicaine pour le Canada. Je n'aime pas que l'on propose de faire du Canada une république. Je m'y opposerai toujours, comme j'ai juré de le faire. Les Canadiens ne sont pas moins libres ni moins indépendants que les citoyens de n'importe quelle république. En fait, les Canadiens sont chanceux d'être les citoyens d'une monarchie constitutionnelle. C'est ce qui a fait du Canada et des Canadiens ce qu'ils sont car, au Canada, la liberté porte une couronne. C'est une véritable tragédie que des écoles, des institutions politiques et, surtout, de nombreux politiciens refusent de préserver le magnifique patrimoine constitutionnel du Canada. Certains ont dit que c'était déplorable pour un pays.

Honorables sénateurs, j'en viens maintenant à la prérogative de la Reine relativement à la fonction qui consiste à décerner des reconnaissances, des honneurs, des distinctions et des titres. C'est l'ancienne prérogative des souverains que de décerner des honneurs à leurs sujets. Inversement, les citoyens - les Canadiens, en l'occurrence - ont le droit de recevoir des honneurs de la part de leur souveraine. En outre, les Canadiens qui résident dans d'autres pays ont le droit d'être honorés par le souverain de ces pays. En cas de doubles souveraineté et citoyenneté, ces Canadiens ont droit à ces avantages. Cela est vital en cette ère de mondialisation, que la politique étrangère de notre gouvernement a appuyée vigoureusement. Le désir des humains d'être honorés par d'autres humains pour des réalisations communautaires, tel qu'il est exprimé par une reconnaissance du souverain, est puissant, noble et important. Tous ceux qui se sont distingués sur la scène politique, dans l'industrie, dans les arts, dans la collectivité, dans le service militaire, par des actes de bravoure et dans tous les aspects du service public partagent ce désir universel de l'humain de ne faire qu'un avec ses frères et soeurs humains. Telle est la prérogative royale, qui sert à protéger cet aspect de la nature humaine et à le récompenser.

Notre souveraine entretient une relation spéciale avec chacun de ses sujets. Tout sujet, en vertu de cette relation spéciale, a droit à la justice, à l'indulgence, à la reconnaissance, à la protection et à la paix de la Reine. C'est ce que révèle le lexique. Ce droit découle de cette relation spéciale entre la Reine et chacun de ses sujets. Cette relation est mystique et profondément personnelle parce qu'elle est ancrée dans une croyance et un idéal qui s'appelle Dieu, la Reine et la nation. Honorables sénateurs, excusez-moi si je n'ai pas fait de distinction entre «pure ambition humaine», «avidité» et besoin humain d'approbation par sa souveraine, la Source des distinctions pour les contributions au bien commun. Je voulais dire désirs honorables pour des honneurs.

Honorables sénateurs, je parlerai maintenant de la résolution Nickle, qui a été proposée par William Folger Nickle, député conservateur de Kingston, et adoptée à la Chambre des communes le 22 mai 1919. Cette motion, une motion de la Chambre des communes uniquement s'adressant à Sa Majesté George V, n'a jamais été soumise à l'agrément du Sénat. Les raisons politiques sont claires et évidentes. Elle aurait été sans aucun doute battue à plate couture parce que les sénateurs auraient vite saisi sa signification politique et constitutionnelle. En outre, elle s'adressait à Sa Majesté, et non au Gouverneur général du Canada, qui était alors le duc de Devonshire. Elle demandait à Sa Majesté de ne pas honorer des Canadiens et se lisait, en substance, comme suit:

Nous [...] approchons humblement Votre Majesté, priant qu'il lui plaise:

de s'abstenir dorénavant de conférer des titres d'honneur ou de distinction à quelqu'un de vos sujets domiciliés ou résident d'ordinaire au Canada [...]

de prendre les mesures nécessaires, législatives ou autres, pour assurer l'extinction des titres, dignités, distinctions - celle de pair du royaume par exemple - au décès d'une personne présentement domiciliée au Canada ou ayant sa résidence habituelle alors qu'elle jouissait d'un titre honorifique héréditaire [...]

Honorables sénateurs, dix ans plus tard, en 1929, les Communes ont tenu un autre débat sur la résolution Nickle. Le 12 février 1929, Charles Cahan, député conservateur, a proposé que soit constitué un comité spécial de la Chambre pour faire enquête et rapport sur l'opportunité de restreindre, modifier ou rescinder l'adresse Nickle adoptée le 22 mai 1919. M. Cahan a fait observer que la résolution favorisait les souverains étrangers par rapport au souverain du Canada, ayant relevé que, depuis 1919, des états étrangers avaient conféré des ordres, des distinctions et des décorations à 646 sujets britanniques domiciliés au Canada. Le premier ministre William Lyon Mackenzie King avait déclaré dans ce débat, comme le rapportent les Débats de la Chambre des communes de ce jour-là à la page 78:

Si nous décidons de ne pas avoir de titres honorifiques, de marques de distinction ou de décorations au Canada, soyons fidèles au principe et n'en ayons pas du tout; abolissons-les complètement; mais si les souverains ou les chefs d'autres États sont autorisés à décerner des honneurs à des Canadiens, j'estime, quant à moi, que nous devons à notre propre souverain de lui accorder cette prérogative avant tous les autres.

Les résultats du vote pris le 14 février sur la motion de M. Cahan indiquent que le premier ministre King et le chef de l'opposition conservatrice, M. Richard B. Bennett, avaient tous deux voté favorablement. La motion a cependant été rejetée. Les députés avaient été nombreux à voter contre, estimant que le fait de rouvrir le débat sur cette résolution risquait de la valider alors qu'ils la considéraient lettre morte.

Honorables sénateurs, quatre ans plus tard, le 17 mai 1933, le premier ministre Richard B. Bennett a déclaré devant les Communes que la résolution Nickle était sans effet, car une résolution adoptée par une seule Chambre ne peut limiter la prérogative royale et que, en outre, de telles résolutions deviennent caduques à la dissolution du Parlement. À un député qui l'interrogeait sur la question des titres, il a répondu ceci, comme le rapportent les Débats de la Chambre des communes à la page 5126:

... Le gouvernement de Sa Majesté du Canada est d'avis que la motion concernant les titres honorifiques adoptée le 22 mai 1919, par un vote de la majorité de la Chambre des communes du treizième Parlement (qui fut dissous le 4 octobre 1921) n'oblige aucunement Sa Majesté ou le gouvernement de Sa Majesté au Canada, ou le dix-septième Parlement du Canada.

Le premier ministre Bennett a réitéré fermement cette position le 30 janvier 1934, dans sa réponse au discours du Trône. Voici ce qu'il a dit au sujet de la résolution Nickle, à la page 93 du hansard des Communes:

En d'autres termes, le texte demande au souverain, par le moyen d'une résolution de la Chambre des communes, de cesser d'exercer sa prérogative au Canada. Aucun groupe de mots ne pouvait avoir moins d'effet, en droit. Non seulement il n'avait aucun effet, mais, je regrette d'avoir à la constater, il constituait une injure au souverain même.

Au sujet de ses efforts en vue de remettre en vigueur les recommandations à Sa Majesté concernant la liste des décorations, le premier ministre, dans le même discours, a ajouté ceci, à la page 96 du hansard des Communes:

C'est là l'acte du premier ministre; il doit en assumer la responsabilité; il doit aussi prendre sur lui la responsabilité d'avoir informé la Couronne que la résolution adoptée par la Chambre des communes est invalide et de nul effet en ce qui regarde la prérogative du souverain. Voilà qui est raisonnablement clair à mes yeux.

Honorables sénateurs, le souverain de France, le Président, a conféré l'Ordre royal de la Légion d'honneur au Québécois Robert Gagnon il y a tout juste deux semaines, et au premier ministre René Lévesque en 1977, alors qu'il était premier ministre du Québec. Il n'y a pas de doute que le premier ministre Lévesque aurait fait sourciller tout premier ministre anglophone s'il avait été fait chevalier par la Reine du Canada.

(1640)

Honorables sénateurs, à mon avis, tout éminent Canadien qui est pressenti pour être nommé à la Chambre des lords du Royaume-Uni ou tout Canadien pressenti par Sa Majesté la Reine pour une reconnaissance quelconque fait honneur au Canada. Chaque fois qu'un Canadien est honoré, c'est un grand honneur pour moi. C'est un grand honneur pour nous tous. Le Canada en ressort grandi. J'en viens maintenant à M. Conrad Black.

Honorables sénateurs, récemment, on a utilisé les mots «lord Almost» et «lord Nearly Nearly» pour décrire M. Conrad Black. Je sais faire la distinction entre ce qui est bon et ce qui est ridicule. Je sais faire la distinction entre une critique honnête et une critique humiliante. Parce que M. Black est un homme riche, certains trouvent bon de le couvrir de mépris comme s'il était insensible. Je crois que M. Conrad Black est un grand et éminent Canadien. Le monde de M. Black n'est pas le mien. Ce n'est pas un monde dans lequel j'ai travaillé. Son monde est celui de la haute finance où l'on prend d'énormes risques financiers - le monde de l'entrepreneuriat, de la concurrence, du commerce et de la production de journaux. C'est un monde que je respecte, même si je n'y suis pas directement mêlée. Je suis une libérale - une libérale au sens classique du XIXe siècle. Le libéralisme m'a appris à respecter les personnes qui possèdent les caractéristiques nécessaires pour créer la richesse et des emplois pour d'autres gens. Le libéralisme m'a appris que l'emploi de personnes par l'entreprise privée par opposition au secteur public est la vraie mesure de la richesse économique d'une communauté.

Honorables sénateurs, d'aucuns ont cru que la plus grande contribution au monde du libéralisme, en tant que principe politique, était la notion que la richesse pouvait être créée et partagée par tous et chacun - que la création de la richesse et le fait de la posséder n'étaient pas assujettis au principe de l'hérédité, mais plutôt à la capacité, à l'esprit d'initiative, à l'énergie et à l'effort de chaque être humain. Le parcours de M. Black, qui est né dans un milieu modeste, représente un triomphe pour le libéralisme et le principe libéral. De même, le libéralisme, par opposition au laissez-faire, supposait que les gouvernements interviennent sur les marchés non seulement pour protéger la vie, l'intégrité et la concurrence, mais aussi pour donner un filet de sécurité sociale aux travailleurs. M. Black a créé de l'emploi pour des milliers de Canadiens, ce dont peu de gens peuvent se vanter. Je respecte cela. Il a aussi permis qu'il y ait de la concurrence sur le marché des journaux au Canada. Je suis d'avis que c'est un honneur pour le Canada si le premier ministre Tony Blair, du Royaume-Uni, a recommandé la nomination de M. Black à la Chambre des lords, à titre de pair et de lord non héréditaire. Il est regrettable que le premier ministre Blair ait retiré sa recommandation et j'espère qu'il songera bientôt à réitérer la recommandation de M. Black.

Son Honneur le Président suppléant: Sénateur Cools, je dois vous signaler que la période de temps qui vous est accordée pour faire votre déclaration est écoulée. Cependant, vous pourrez poursuivre si vous en demandez l'autorisation et que celle-ci vous est accordée.

Le sénateur Cools: Merci, Votre Honneur. J'aimerais avoir l'autorisation de poursuivre.

Son Honneur le Président suppléant: L'autorisation est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Merci, honorables sénateurs.

Les magnats de la presse lord Thompson et M. Black font tous les deux honneur au Canada, tout comme l'ancien premier ministre John Turner. Ils témoignent tous des échanges qui, pendant des siècles, ont permis à des Canadiens et à des Britanniques, dont moi-même, Blancs et Noirs, de siéger dans les deux Chambres du Parlement, au Canada et au Royaume-Uni.

Honorables sénateurs, les attitudes et les motivations humaines sont mystérieuses, tout comme la fragilité humaine. Cela fait partie de la condition humaine. L'esprit humain est un roublard et la motivation son complice. Cette faiblesse de la condition humaine m'a été révélée de façon poignante dans un article sur la méfiance et la méchanceté de M. Nickle, qui a été rédigé par un membre de sa famille, James Travers. Dans un article paru dans l'édition du 14 septembre 1999 du Toronto Star et qui parlait de la bataille de M. Black pour l'obtention du titre de pair, M. Travers écrit:

Dans un accès de dépit et en l'absence du premier ministre de l'époque, Robert Borden, Nickle a présenté à toute vapeur sa résolution à la Chambre des communes après avoir échoué à faire conférer le titre de chevalier à Daniel Gordon, le recteur de l'Université Queen's et son beau-père...

Pour se venger, Nickle a voulu s'assurer que d'autres ne pourraient pas obtenir ce qu'on avait refusé à sa famille. Sa résolution demandant que le roi s'abstienne de décerner des titres à des résidents canadiens a été adoptée par toute la Chambre emportée par l'opinion publique qu'il ne partageait pas.

La tricherie de Nickle est la cause d'un certain embarras dans la famille, puisque W.F. Nickle était le beau-père de la s9ur de ma grand-mère.

Avec humilité, on ne peut que s'arrêter pour méditer sur la tristesse de tous ces gestes politiques posés par des personnes, des politiciens et des parlements, et penser aux journalistes qui ont été animés par la tragique mais dominante faiblesse humaine qu'on ne peut s'empêcher de qualifier de méchanceté.

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser et, si le sénateur Cools me le permet, une rectification à apporter. Je ne pense pas que quiconque puisse nier les réalisations de M. Black dans le domaine de l'édition. Cependant, si vous étudiez les états financiers des entreprises qu'il contrôle, vous constaterez que le nombre d'emplois a diminué et non augmenté dans les journaux qu'il contrôle, depuis qu'il en a fait l'acquisition.

Ma question concerne la nature des distinctions que, d'après le sénateur, il serait approprié que des Canadiens acceptent de la part de gouvernements étrangers. Il y a une différence entre les distinctions purement honorifiques, comme le titre de chevalier ou la Légion d'honneur, et celles qui font de celui qui le reçoit un législateur d'un pays étranger. La Chambre des lords est une assemblée législative. Elle n'a peut-être pas autant de pouvoir que notre Sénat, mais nous sommes assurément bien placés pour savoir que ce n'est pas une chose futile que d'être législateur.

L'honorable sénateur voit-elle une différence entre les deux types de distinction et estime-t-elle qu'il y a lieu de les considérer différemment, étant donné qu'une cinquantaine d'années ont passé depuis qu'une personne active dans le secteur canadien des médias a accepté la dignité de pair? Je signale par exemple que M. Kenneth Thompson a jugé déplacé de reprendre le titre de son père au décès de lord Thompson.

Le sénateur Cools: Je remercie l'honorable sénateur de sa question. J'espère qu'elle traitera de certains des points qu'elle a soulevés et qu'elle participera au débat, car je sais peu de choses au sujet des états financiers de M. Black et, pour être franche, cela ne m'intéresse guère.

En ce qui concerne les honneurs et les gouvernements étrangers, je tiens à préciser que je ne considère pas la reine d'Angleterre comme un gouvernement étranger. Je ne saurais trop insister là-dessus. Elle est la Reine du Canada, ma reine. Lorsque j'ai fait mon entrée au Sénat en 1984, après avoir été escortée le long de cette allée, j'ai mis la main sur la Bible et j'ai prêté serment, et c'est à cette reine que j'ai prêté le serment d'allégeance. La Reine du Canada n'est pas un gouvernement étranger.

J'ai peut-être mal saisi les propos de l'honorable sénateur. Si c'est le cas, je lui saurais gré d'apporter d'autres précisions.

Des honneurs sont conférés tout le temps. Il y a des Canadiens qui siègent dans des assemblées législatives partout dans le monde. L'honorable sénateur se souviendra sûrement d'une rencontre de l'UIP, à laquelle nous avons assisté toutes les deux il y a quelques mois, et où j'ai rencontré des citoyens canadiens qui siègent à des assemblées législatives de certains pays baltes, je crois.

(1650)

La Chambre des lords est un parlement, pas une assemblée législative, et il y a une énorme différence entre une assemblée législative et un parlement. La Chambre des lords est une vieille institution. Elle est une des plus anciennes du monde. C'est peut-être parce que beaucoup de mes amis proches ont siégé à la Chambre des lords, mais j'appartiens au groupe des Canadiens qui éprouvent beaucoup de respect pour cette Chambre.

On m'a enseigné, lorsque j'étais petite fille, à la Barbade, que lorsque tout le reste avait échoué, il restait toujours la possibilité d'en appeler à la Chambre des lords. Je ne participe pas au mouvement qui voudrait que l'on fasse disparaître à brève échéance les chambres hautes, y compris la Chambre des lords.

Finalement, pour ce qui est des honneurs, je dirai qu'ils sont innombrables. Il y a des honneurs qui confèrent des titres et d'autres pas. Il y a des honneurs qui créent des précédents, d'autres pas. Il y a des honneurs qui confèrent un rang, d'autres pas. Il y a toute une gamme d'honneurs. J'invite le sénateur à s'unir à moi pour formuler une proposition portant sur l'étude des titres honorifiques et l'admissibilité des Canadiens à ces titres.

Dans cette ère moderne où l'on confère des titres héréditaires, je ne pense pas que Sa Majesté confère trop de titres héréditaires au Canada. Je n'ai pas réussi à en trouver de nouveaux. J'ai énuméré un nombre incalculable de titres de chevaliers dans mes remarques. Les exemples qui me sont immédiatement venus à l'esprit sont manifestement lord Thompson lui-même et, bien entendu, l'ex-premier ministre du Canada, M. R.B. Bennett, qui, comme nous le savons, a été nommé vicomte en 1941.

Manifestement, on embrouille les choses. Le fait est que M. Black a été recommandé pour la pairie à vie et il s'agit, selon moi, d'une noble aspiration.

(Sur la motion du sénateur LeBreton, le débat est ajourné.)

Affaires étrangères

Autorisation au comité de retenir des services

L'honorable John B. Stewart, conformément à l'avis du 2 novembre 1999, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur de projets de loi et les prévisions budgétaires qui lui ont été déférés.

(La motion est adoptée.)

Autorisation au comité de faire diffuser ses délibérations par les médias d'information électroniques

L'honorable John B. Stewart, conformément à l'avis du 2 novembre 1999, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 16 novembre 1999, à 14 heures.)


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