Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 36
Le mardi 15 mai 2001
L'honorable Dan Hays, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- L'ajournement
- Projet de loi de 2001 sur la marine marchande du Canada
- Projet de Loi de 2001 modifiant la taxe sur le tabac
- Projet de loi de 2000 modifiant l'impôt sur le revenu
- La Loi d'exécution du budget de 1997 La Loi sur la gestion des finances publiques
- Énergie, environnement et ressources naturelles
- Le patrimoine asiatique
- Les aspects de l'agriculture
- Visiteurs de marque
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi sur le gouvernement du territoire provisoire de Kanesatake
- La Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces
- Projet de loi sur la protection des jeunes contre le tabac
- Projet de loi sur la race nationale de chevaux du Canada
- Pêches
- Régie interne, budgets et administration
- Régie interne, budgets et administration
- Le système américain de défense antimissiles
- La situation de l'aide juridique au Canada
- La Défense nationale
LE SÉNAT
Le mardi 15 mai 2001
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD
FÉLICITATIONS À L'OCCASION DE LA NOMINATION DE SON HONNEUR LE LIEUTENANT-GOUVERNEUR LÉONCE BERNARD
L'honorable Elizabeth Hubley: «C'est un homme du peuple». «C'est une femme du peuple». On a employé ces mots à maintes reprises pour décrire des personnes dont la vie était intimement liée à celle de leur collectivité, des personnes qui ont voulu occuper des postes de pouvoir pour se consacrer au bien de la collectivité, et non pour servir leurs propres intérêts ou leurs propres ambitions, des concitoyens qui se sont distingués en donnant au lieu de prendre.
Honorables sénateurs, selon cette définition, le nouveau lieutenant-gouverneur de l'Île-du-Prince-Édouard, M. Léonce Bernard, est vraiment un homme du peuple et, à ce titre, il assumera ses responsabilités et ses fonctions vice-royales avec beaucoup d'esprit et de dignité. C'est un éminent insulaire.
Dans son village natal, Wellington, et dans toute la région Évangeline du comté de Prince, il reste peu d'organisations ou de groupes sociaux dont Léonce n'ait pas fait activement partie au fil des années. En fait, pour les Acadiens de l'Île-du-Prince-Édouard, Léonce Bernard est un travailleur infatigable et enthousiaste, un exemple pour les autres et un politicien aimé et respecté.
Ses études et ses antécédents professionnels furent axés sur les affaires et la comptabilité. Après plusieurs années au service de l'Aviation royale du Canada, en 1970, il devint directeur de la coopérative d'épargne et de crédit d'Évangeline. Puisqu'il cherchait une meilleure tribune pour faire valoir la philosophie coopérative et ses idées pour le développement économique de sa collectivité, M. Bernard s'est présenté comme candidat aux élections provinciales de 1975 et a été élu. Il a ensuite été réélu à cinq reprises comme député provincial pour la troisième circonscription de Prince et a travaillé au sein de l'administration de l'ancien premier ministre Joseph A. Ghiz, d'abord comme ministre de l'Industrie et président de la P.E.I. Business Development Agency, puis à titre de ministre des Pêches et de l'Aquaculture et ministre des Affaires communautaires et culturelles.
Honorables sénateurs, après avoir quitté la politique provinciale en 1993, Léonce Bernard est retourné dans sa communauté, où il s'est de nouveau occupé de développement communautaire, notamment en dirigeant, pour une seconde fois, la caisse de crédit et en contribuant à établir La Coopérative Le Village Acadien Limitée, une entreprise unique du tourisme culturel, qui a été une réussite.
M. Bernard est connu et respecté en tant que développeur et «coopérant» communautaire tant dans l'Île-du-Prince-Édouard qu'à la grandeur du Canada. Il a servi comme président du conseil des coopératives de l'Île-du-Prince-Édouard, membre du conseil national des coopératives et membre du comité consultatif auprès du ministre fédéral responsable des coopératives. Homme d'honneur et humble, Léonce Bernard est un passionné du Canada, un enthousiaste de la justice et de l'égalité et un homme qui encourage et inspire les autres à oeuvrer pour le mieux-être de leur communauté.
Honorables sénateurs, Léonce Bernard sera assermenté, le 28 mai prochain, en tant que lieutenant-gouverneur de l'Île-du-Prince-Édouard et succédera à l'honorable Gilbert R. Clements. Je n'ai aucun doute que M. Bernard saura se distinguer dans ses nouvelles fonctions. Je suis convaincue que tous les sénateurs se joindront à moi pour offrir nos meilleurs voeux à M. Bernard, son épouse et ses enfants, qui se préparent à occuper leur nouvelle résidence, la résidence du lieutenant-gouverneur.
LE GROUPE LEAHY
HOMMAGE
L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, j'ignore combien d'entre vous ont eu l'occasion d'entendre le groupe musical Leahy. Ce groupe a donné un spectacle à Ottawa, à l'occasion de l'inauguration du Festival des tulipes, le vendredi soir dernier, devant un auditoire des plus enthousiastes.
Le plus remarquable, c'est que tous les membres du groupe sont membres d'une famille agricole de Lakefield, en Ontario. Ils ont de riches et profondes racines celtiques. Leur mère est originaire de Cap-Breton et leur père est descendant d'Irlandais en sixième génération. La maison familiale originale se trouve dans le comté de Peterborough, où les parents vivent encore. La famille compte 11 enfants, dont 9 font partie du groupe musical, constitué de 5 femmes et 4 hommes âgés de 22 à 35 ans. Ils ont tous des talents incroyables et savent faire preuve de beaucoup de polyvalence. Chaque membre du groupe joue plusieurs instruments, soit le violon, le piano, la guitare et le saxophone. Tous chantent et pratiquent la danse de variétés.
Honorables sénateurs, le groupe Leahy s'inscrit dans le mouvement de renaissance de la musique celtique traditionnelle. Sa musique illustre l'incroyable talent de chaque membre de cette famille, qui offre une performance spectaculaire. Les membres du groupe écrivent eux-mêmes une bonne partie de leurs textes et ils ont produit plusieurs albums, dont le plus récent sera lancé cet été.
Le Canada compte de nombreux groupes talentueux qui jouent de la musique celtique, mais je crois que la remarquable famille canadienne qui constitue le groupe Leahy et qui nous fait bénéficier de ses talents mérite une mention toute particulière.
[Français]
LE RAPPORT ANNUEL DE L'INSTITUT CANADIEN D'INFORMATION SUR LA SANTÉ
L'honorable Yves Morin: Honorables sénateurs, la semaine dernière, l'Institut canadien d'information sur la santé a produit son rapport annuel sur la santé des Canadiennes et des Canadiens et sur notre système de santé.
Cet Institut, qui regroupe les ministres de la Santé des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral, à l'exception du Québec, fait un travail remarquable qui sert de modèle à tous les autres pays dans ce domaine.
Je dois déplorer, honorables sénateurs, l'absence inexplicable du Québec à cet Institut, absence qui est éminemment néfaste à la santé des Québécoises et des Québécois.
[Traduction]
(1410)
Honorables sénateurs, il y a également de bonnes nouvelles dans ce rapport. Par exemple, l'espérance de vie a encore augmenté au Canada, où elle est maintenant de 79 ans, ce qui nous place au deuxième rang dans le monde, juste derrière le Japon. En fait, si l'état de santé de nos Premières nations était similaire à celui des autres Canadiens, nous serions de loin le pays le plus en santé au monde.
Enfin, le coût des soins de santé a augmenté de 7 p. 100 l'an dernier, s'établissant à 95 milliards de dollars. Cette augmentation est une question très grave que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'intention d'étudier au cours des mois à venir.
L'ALBERTA
LETHBRIDGE—LE DÉCÈS DE JESSICA KOOPMANS
L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, je suis certaine que vous partagez tous le chagrin de la famille de Jessica Koopmans, qui vient de perdre son enfant, disparue il y a plus d'une semaine dans ma ville, Lethbridge, en Alberta. C'est une tragédie déchirante dans tous les sens du terme qui a touché le coeur des familles partout au pays, que ce soit dans les petites ou les grandes localités.
Jessica était une ravissante petite fille de cinq ans, heureuse, qui était adulée par sa mère Sylvia, son père Darren et sa grande soeur Sierra, âgée de sept ans. Je connais ses grands-parents, Tony et Marie Bouw, qui adorent ces deux enfants.
Honorables sénateurs, Lethbridge est une jolie petite ville située dans le sud-ouest de l'Alberta, un endroit paisible et accueillant où le bien-être des familles est une priorité. Jessica est partie le 4 mai en trottinant pour aller jouer avec une amie non loin de chez elle et a disparu sans laisser la moindre trace jusqu'à ce que le corps d'une jeune enfant soit découvert dans un champ, non loin de Lethbridge, vendredi matin. L'identité de ce corps a été officiellement confirmée aujourd'hui, et la famille et la ville tout entière pleurent Jessica.
Honorables sénateurs, c'est le pire cauchemar de tout parent qui a eu la joie et le privilège de partager un enfant avec les autres membres de sa famille. Les messages d'encouragement qui sont arrivés de tous les quartiers de la ville et, par Internet, de tous les coins du pays, sont extraordinaires.
Les policiers de Lethbridge et leurs collègues de Calgary, d'Edmonton et de la Gendarmerie royale du Canada se sont surpassés pour essayer de retrouver Jessica. Nous n'attendons pas moins de nos agents de police, mais parfois nous oublions qu'eux aussi ont une famille et qu'ils ressentent le même chagrin et la même douleur que chacun d'entre nous dans une telle situation. Maintenant, ils vont consacrer leur énergie à la recherche du responsable de ce crime.
Honorables sénateurs, la perte d'un enfant est une tragédie, mais dire adieu dans de telles conditions est impensable et indescriptible. Je suis sûre que vous vous joindrez à moi pour offrir nos condoléances et nos prières aux membres de la famille de Jessica maintenant qu'ils se remémorent la joie, les rires et l'amour qu'elle a apportés dans leur vie.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
L'AJOURNEMENT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 16 mai 2001, à 13 h 30.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
PROJET DE LOI DE 2001 SUR LA MARINE MARCHANDE DU CANADA
PREMIÈRE LECTURE
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-14, Loi concernant la marine marchande et la navigation et modifiant la Loi dérogatoire de 1987 sur les conférences maritimes et d'autres lois
(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Robichaud, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)
[Français]
PROJET DE LOI DE 2001 MODIFIANT LA TAXE SUR LE TABAC
PREMIÈRE LECTURE
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu un message des Communes accompagné du projet de loi C-26, Loi modifiant la Loi sur les douanes, le Tarif des douanes, la Loi sur l'accise, la Loi sur la taxe d'accise et la Loi de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne le tabac.
(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Robichaud, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dans deux jours.)
[Traduction]
PROJET DE LOI DE 2000 MODIFIANT L'IMPÔT SUR LE REVENU
PREMIÈRE LECTURE
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-22, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, les Règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu, certaines lois liées à la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur les douanes, la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations et une loi liée à la Loi sur la taxe d'accise
(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Robichaud, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)
[Français]
LA LOI D'EXÉCUTION DU BUDGET DE 1997 LA LOI SUR LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES
PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu un message des Communes accompagné du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi d'exécution du budget de 1997 et la Loi sur la gestion des finances publiques.
(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Robichaud, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dans deux jours.)
[Traduction]
(1420)
ÉNERGIE, ENVIRONNEMENT ET RESSOURCES NATURELLES
AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT
L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:
Que le Comité sénatorial de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à siéger à 16 h 30 aujourd'hui, le mardi 15 mai 2001, afin d'entendre le ministre des Ressources naturelles témoigner sur son étude du projet de loi C-4, Loi créant une fondation chargée de pourvoir au financement de l'appui technologique au développement durable, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, est-il convenu que le ministre des Ressources naturelles sera disponible à ce moment-là?
Le sénateur Taylor: Oui. Le ministre des Ressources naturelles sera ici. C'est l'une des rares fois où il peut venir nous rencontrer. Le comité demande donc l'autorisation de commencer à siéger un peu plus tôt que d'habitude.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, c'est le genre de circonstances exceptionnelles pour lesquelles nous accordons notre autorisation. Je crois que la souplesse de la règle est justifiée.
Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
LE PATRIMOINE ASIATIQUE
AVIS DE MOTION VISANT À DÉSIGNER LE MOIS DE MAI MOIS DE LA RECONNAISSANCE
L'honorable Vivienne Poy: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mardi 29 mai 2001, je proposerai:
Que le mois de mai soit désigné Mois du patrimoine asiatique, étant donné l'importante contribution des Canadiens d'origine asiatique à la fondation, à la croissance et au développement du Canada, la diversité de la communauté asiatique et la valeur de celle-ci pour le Canada.
LES ASPECTS DE L'AGRICULTURE
AVIS D'INTERPELLATION
L'honorable Jim Tunney: Honorables sénateurs, je donne avis que jeudi prochain, le 17 mai 2001, j'attirerai l'attention du Sénat sur divers aspects de l'agriculture au Canada, notamment les grains, les produits laitiers et le chanvre.
VISITEURS DE MARQUE
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer au point suivant au Feuilleton, je vous signale la présence à notre tribune de membres du Conseil mohawk de Kanesatake et de leur président, le Grand chef James Gabriel.
Nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat.
Des voix: Bravo!
PÉRIODE DES QUESTIONS
LA DÉFENSE NATIONALE
LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—L'ORDRE DE DONNER SUITE AU PROJET
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'ai une question ou deux à poser au leader du gouvernement au Sénat. Maintenant que les choses semblent se gâter un peu, peut-être que le mot «bientôt» prendrait un tout autre sens.
Ma question porte sur le projet d'hélicoptères. La ministre peut- elle confirmer qu'une réunion a en fait eu lieu hier entre des hauts fonctionnaires et des fonctionnaires du ministère de la Défense nationale et du bureau de projet des hélicoptères maritimes et que, malgré les problèmes éprouvés dans ce dossier, le bureau de projet des hélicoptères maritimes a reçu l'ordre de donner suite au projet de remplacement des Sea King? Peut-elle le confirmer? Je ne doute pas que ce serait une bonne nouvelle dans bien des milieux. Si c'est le cas, la ministre peut-il nous dire ce qu'on entend exactement par «donner suite au projet»?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme il arrive si souvent, le sénateur est en possession de renseignements que je n'ai pas. J'espère que la réunion a bien eu lieu hier. Je serais certes très enthousiaste si l'ordre de «donner suite au projet» avait été donné parce que je voudrais bien pouvoir répondre à toutes les questions du sénateur. Jusqu'à maintenant, ma moyenne au bâton n'est guère reluisante.
Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, madame le leader devance tout juste les Blue Jays de Toronto.
Madame la ministre peut-elle confirmer que des hauts fonctionnaires de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada ont maintenant demandé des instructions écrites au ministre sur la façon de procéder dans ce projet controversé de remplacement des Sea King, qui fait du gouvernement du Canada le maître d'oeuvre?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je ne puis confirmer si le ministère des Travaux publics a demandé des instructions quant à savoir qui serait le maître d'oeuvre. Comme le sénateur, tout ce que j'espère, c'est que l'on donne suite au projet et que l'on puisse, autant que possible, respecter le délai de 2005, qui a été fixé par le ministère de la Défense nationale.
Le sénateur Forrestall: Madame la ministre a-t-elle des raisons de croire que pareille instruction a peut-être été donnée?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je dois dire que j'ignore complètement si une telle instruction a été donnée. Personne ne m'a fait part de renseignements nouveaux à cet égard.
Les observations du secrétaire parlementaire au sujet des anciens hauts gradés militaires
L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale a dit, à propos de quatre distingués soldats canadiens, les généraux Dallaire, Belzile, Addy et MacKenzie:
[...] il me semble que dès qu'un général prend sa retraire, il reçoit avec son premier chèque de pension une conscience qu'il n'avait pas lorsqu'il faisait partie des Forces canadiennes.
Cette déclaration vient après que le député libéral de Scarborough eut refusé son aide à un ancien combattant aveugle de 81 ans.
Le gouvernement du Canada a-t-il pour politique de critiquer et de dénigrer les anciens hauts gradés militaires de réputation irréprochable et de stature internationale lorsqu'ils n'approuvent pas la politique du gouvernement?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je présume que le sénateur lit un passage des délibérations d'hier, à l'autre endroit. Le compte rendu doit faire ressortir exactement ce que le secrétaire parlementaire voulait dire.
Il est certain que le Canada a eu des généraux distingués, et ils sont aussi distingués maintenant qu'à l'époque où ils étaient généraux, à mon avis.
Le sénateur Atkins: Honorables sénateurs, le gouvernement prépare-t-il des excuses à ces distingués généraux à la retraite, parce qu'il a été porté atteinte à leur réputation et à leur droit de s'exprimer librement sur la politique actuelle du gouvernement?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, j'ignore si des excuses sont de mise et si elles sont en préparation. Je réitère simplement ce que j'ai dit: tous ces hommes ont servi le Canada avec grande distinction, et ils méritent notre respect aussi bien aujourd'hui que par le passé.
Le sénateur Atkins: Madame le leader ne croit-elle pas qu'ils ont droit à des excuses, après les observations faites aux Communes hier?
(1430)
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, j'imagine que des questions similaires seront posées à l'autre endroit. Il serait plus indiqué que les réponses à ces questions viennent du secrétaire parlementaire qui a fait pareille déclaration ou du ministre de la Défense.
LE SÉNAT
LA POSSIBILITÉ D'ENTENDRE LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION EN COMITÉ PLÉNIER
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le Sénat a accueilli M. Bruce Phillips, ex-commissaire à la protection de la vie privée, à deux occasions, si je ne m'abuse.
Nous avons aussi accueilli M. George Radwanski, commissaire à la protection de la vie privée, qui s'est adressé à nous au Sénat. Je ne partageais pas l'avis de M. Radwanski à ce moment, et je continue d'être en désaccord avec lui. Je me suis prononcé contre la ratification de sa nomination, mais il est le commissaire et j'accepte cette situation, car nous vivons en démocratie.
À ma connaissance, honorables sénateurs, nous n'avons toutefois jamais accueilli au Sénat le commissaire à l'information. Le gouvernement pourrait-il envisager de l'inviter à prendre la parole devant nous? Je ne suis lié à aucune tractation entre l'opposition et le gouvernement, mais il serait peut-être possible qu'il s'adresse à nous au Sénat.
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Nous avons non seulement entendu MM. Phillips et Radwanski, mais il y a deux semaines à peine, nous avons aussi accueilli la présidente de la Commission canadienne des droits de la personne. À chacune de ces trois occasions, il y a eu une interaction très positive entre les sénateurs et nos invités.
Si l'honorable sénateur me demande de prendre les dispositions voulues pour que le Sénat se réunisse en comité plénier à une date ultérieure, cela, pour entendre le commissaire à l'information au Sénat, et si sa demande a l'appui des autres sénateurs, je le ferai avec plaisir.
Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, pour ma question complémentaire, je vais réfléchir à la réponse à ma première question, contrairement aux députés qui, à la Chambre des communes, n'écoutent pas la réponse à leur première question.
Honorables sénateurs, même si je ne participe pas aux délibérations, permettez-moi de dire que si madame le leader se voit soumettre un jour cette question ou si elle-même la soumet un jour à l'opposition, elle n'aura pas à me consulter. Je serai plus qu'heureux d'entendre le commissaire, surtout à la lumière de la situation regrettable qui se développe entre deux personnes nommées par le Parlement. Je trouve déplorable de voir cet échange de vues public entre deux personnes qui ont été nommées par le Parlement et qui doivent nous rendre des comptes. Ce type de comportement ne fait rien pour améliorer l'image des parlementaires. C'est un peu comme avoir une lutte entre le directeur général des élections et le commissaire aux langues officielles, qui sont tous deux des mandataires du Parlement.
Honorables sénateurs, je trouve tout à fait inacceptable d'entendre un tel échange. En toute équité, je voulais simplement signaler que je n'ai pas à être consulté; je serai dans mon coin si ce débat devait avoir lieu.
Honorables sénateurs, je suis heureux de la réponse que m'a donnée madame le leader car elle montre que cette dernière est prête à accepter des suggestions.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, j'espère toujours être disponible. Si je vois le sénateur Kinsella se lever de l'autre côté, je vais penser qu'il est, en fait, en faveur de votre demande.
Je ne vais qu'ajouter une mise en garde au sujet de cette demande. À l'heure actuelle, les tribunaux sont saisis de l'affaire touchant l'interaction entre les deux commissaires à la fin de semaine dernière. Pour ma part, je voudrais que la question soit réglée avant que nous invitions la personne en cause au Sénat, ou je préférerais que nous ne parlions pas de cette affaire en particulier si le commissaire à l'information comparaît devant nous.
Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, je ne vais qu'ajouter que le Parlement est la cour d'appel de dernière instance. On en a beaucoup parlé dans les journaux dernièrement. Certains devraient suivre le bon exemple donné ici et ne pas parler d'une question en instance devant les tribunaux. Ce conseil aurait dû être suivi par le commissaire la semaine dernière lorsqu'il a commencé à discuter de la question publiquement.
Maintenant, tout le monde se joint au débat et je trouve plutôt étrange que les seuls qui n'aient pas parlé de cela sont les auteurs des nominations. L'ex-commissaire, M. Phillips, s'est joint au débat. Ces personnes ne se retiennent pas du tout même si la question est en instance devant les tribunaux. Je crois que le Sénat est le bon endroit pour ramener le débat dans les limites de la raison.
Honorables sénateurs, la presse va se dire pour ou contre, mais cela ne servira pas les objectifs que nous avions lorsque nous avons créé ces nouveaux postes.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, depuis toujours dans cette enceinte, nous ne discutons pas des questions dont les tribunaux sont saisis. Nous devrions respecter cette tradition.
[Français]
RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer en cette Chambre les réponses différées à trois questions: la question du sénateur Lebreton du 1er mai 2001 concernant les nominations à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada; et les questions du sénateur St. Germain des 3 et 4 avril 2001 concernant les États-Unis et l'exportation du bois.
LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ
LES NOMINATIONS
(Réponse à la question posée le 1er mai 2001 par l'honorable Marjory LeBreton)
Comité consultatif ministériel (CCM)
Aux termes de la Loi sur l'immigration, les commissaires de la CISR sont nommés par le gouverneur en conseil. La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration qui était en poste en mars 1995 a créé un Comité consultatif ministériel (CCM) pour faciliter la sélection des commissaires de la Commission. Dans le rapport qu'il a présenté en décembre 1997, le vérificateur général a approuvé la création du CCM étant donné qu'il permettrait de sélectionner des candidats compétents. Le Comité avait comme mandat d'évaluer les candidats et de recommander une liste de candidats compétents au ministre. Le CCM est constitué d'un président, de six membres et du président de la CISR, lesquels sont désignés par le ministre à titre bénévole.
Processus de sélection des commissaires
Le Comité consultatif ministériel a mis en place un processus exhaustif qui garantit que des candidats compétents venant de toutes les professions sont choisis pour servir à titre de commissaire à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Le processus de sélection comporte les étapes suivantes:
- la présélection;
- l'examen écrit;
- la vérification des références;
- l'entrevue.
Le Comité applique une approche axée sur les compétences pour évaluer les candidats. Les candidats doivent montrer qu'ils possèdent les compétences suivantes:
- la réflexion analytique et la capacité de raisonnement;
- la capacité de prendre des décisions et le jugement;
- la capacité de gérer des interventions;
- les aptitudes à communiquer;
- l'entregent;
- le sens d'éthique professionnelle.
Différentes étapes sont suivies pour évaluer les candidats, chaque compétence étant évaluée plus d'une fois.
Présélection
Chaque candidat est évalué en fonction des critères suivants: il doit détenir un diplôme d'une université reconnue ou des qualifications professionnelles équivalentes, et avoir au moins cinq ans d'expérience professionnelle.
Examen écrit
Les candidats sélectionnés doivent passer un examen écrit. La simulation vérifie si le candidat possède effectivement les compétences suivantes: la capacité de réflexion analytique et la capacité de raisonnement, la capacité de prendre des décisions, le jugement et, en dernier lieu, la capacité de gérer des interventions.
Vérification des références
Les candidats doivent également fournir le nom de deux personnes pour des références professionnelles. Ces personnes sont contactées par téléphone et doivent donner une idée des réalisations et du rendement antérieurs du candidat relativement aux compétences suivantes: la capacité de réflexion analytique et la capacité de raisonnement, la capacité de prendre des décisions et le jugement, la capacité de gérer des interventions, l'entregent et le sens d'éthique professionnelle.
Entrevue
Les candidats sont ensuite convoqués en entrevue par un membre du Comité consultatif ministériel, pour examiner les domaines suivants: la réflexion analytique et le raisonnement, la prise de décisions et le jugement, la gestion des interventions, l'entregent, le sens d'éthique professionnelle et les aptitudes à communiquer.
Toute personne intéressée à poser sa candidature comme commissaire à la CISR doit envoyer son curriculum vitae au:
Directeur,
Services de secrétariat
344, rue Slater Ottawa (Ontario)
K1A 0K1
LE COMMERCE INTERNATIONAL
LES ÉTATS-UNIS—LA RECONDUCTION DE L'ACCORD SUR LE BOIS D'OEUVRE—L'EXPORTATION DE BILLES BRUTES
(Réponses aux questions posées les 3 et 4 avril 2001 par l'honorable Gerry St. Germain)
CONTRÔLES À L'EXPORTATION VISANT LES BILLES DE BOIS
Le Canada exerce un contrôle sur l'exportation de billes de bois depuis 50 ans. Ces exportations sont contrôlées pour les motifs énoncés à l'alinéa 3 e) de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation (LLEI), c'est-à-dire afin de:
«s'assurer d'un approvisionnement et d'une distribution de cet article en quantité suffisante pour répondre aux besoins canadiens, notamment en matière de défense»
Il faut une licence d'exportation fédérale pour l'exportation de billes en provenance de toutes les provinces et territoires. C'est le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international qui est chargé des aspects administratifs du contrôle.
Les restrictions les plus sévères sur l'exportation de billes sont celles de la Colombie-Britannique, qui remontent au début du XXe siècle. La Colombie-Britannique approuve ou refuse d'approuver toutes les exportations proposées de bois abattu sur des terres appartenant à la province, après avoir déterminé si les quantités visées sont excédentaires par rapport aux besoins intérieurs. Pour appliquer ce critère, la province a mis en place, il y a de nombreuses années, le Comité consultatif des exportations de bois (CCEB). Les autorités provinciales annoncent les billes dans la province. Les entreprises de transformation peuvent présenter des soumissions non contraignantes pour ces billes. Si le comité juge que le prix offert reflète la «juste valeur marchande», la province refuse d'en approuver l'exportation et recommande, en outre, que la licence fédérale d'exportation ne soit pas délivrée. Dans les cas où aucune offre n'est soumise ou lorsque l'offre ne correspond pas à la juste valeur marchande, les billes sont jugées excédentaires par rapport aux besoins intérieurs et la province en approuve l'exportation. Une demande est alors acheminée aux autorités fédérales pour l'obtention d'une licence d'exportation.
En ce qui a trait aux exportations proposées de bois provenant de terres fédérales ou privées en Colombie- Britannique, le gouvernement fédéral a signé avec la province un protocole d'entente qui énonce les modalités du calcul de l'excédent. Conformément à ces modalités, le gouvernement fédéral a mis sur pied le Comité consultatif fédéral des exportations de bois (CCFEB), qui recommande au MAECI d'approuver ou de refuser les exportations proposées. Comme les autorités provinciales, les autorités fédérales formulent leurs recommandations après avoir déterminé si les quantités visées par la demande sont excédentaires par rapport aux besoins intérieurs. Dès réception de la recommandation, le gouvernement fédéral examine tous les aspects de l'exportation proposée et prend en considération d'autres facteurs. Il tient compte, par exemple, du fait que l'acheteur n'aurait soumissionné que les billes de bois provenant de terres privées, alors que d'autres billes similaires étaient à vendre. Cet examen terminé, les autorités décident s'ils délivrent ou non une licence fédérale. Dans les cas où aucune offre n'est soumise, le gouvernement fédéral délivre habituellement la licence.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
PROJET DE LOI SUR LE GOUVERNEMENT DU TERRITOIRE PROVISOIRE DE KANESATAKE
TROISIÈME LECTURE
L'honorable Joan Fraser propose: Que le projet de loi S-24, Loi visant à mettre en oeuvre l'entente conclue par les Mohawks de Kanesatake et Sa Majesté du chef du Canada concernant l'exercice de pouvoirs gouvernementaux par ceux-ci sur certaines terres et modifiant une loi en conséquence, soit lu une troisième fois.
— Honorables sénateurs, vous vous rappellerez que le projet de loi S-24 met en oeuvre une entente historique qui constitue la première reconnaissance légale d'une assise territoriale pour les Mohawks de Kanesatake de même que les compétences législatives sur cette assise territoriale.
[Français]
Lorsque j'ai pris la parole à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi S-24, j'ai tenté d'en expliquer l'importance historique. J'ai fait un survol de l'entente concernant l'exercice de pouvoirs gouvernementaux par Kanesatake et sur son assise territoriale provisoire, que le projet de loi S-24 mettra en vigueur.
J'ai aussi donné un aperçu des progrès sur le plan des négociations entre le gouvernement du Canada et les Mohawks de Kanesatake au cours des dernières années. Depuis ce temps, j'ai eu l'occasion d'entendre les témoins devant le Comité sénatorial des peuples autochtones et d'étudier davantage le projet de loi.
Je suis maintenant plus convaincue que jamais que le projet de loi S-24 mérite notre appui. Laissez-moi, honorables sénateurs, vous expliquer pourquoi.
[Traduction]
Comme certains d'entre vous le savent, honorables sénateurs, je m'intéresse constamment aux droits des femmes dans la société canadienne, y compris les droits des femmes, autochtones et non autochtones, dans les collectivités autochtones. Dans le cas du projet de loi S-24, mes questions concernent tout particulièrement la résidence et la division de la propriété matrimoniale en cas d'échec du mariage.
Cela me rassure quelque peu que le projet de loi S-24 soit assujetti non seulement à la Charte canadienne des droits et libertés, mais aussi à la Loi canadienne sur les droits de la personne. À cet égard, le projet de loi S-24 va un peu plus loin que la Loi sur les Indiens, qui n'est pas maintenant assujettie à la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Aussi essentiels soient-ils, les droits légaux ne sont pas la seule considération. Lorsqu'une femme risque d'être chassée de son foyer, le fait qu'elle puisse invoquer ses droits légaux devant les tribunaux est sans doute pour elle une piètre consolation.
Honorables sénateurs, je suis rassurée par l'histoire et la culture de cette Première nation. Les Mohawks de Kanesatake ont une longue histoire d'intégration et non d'exclusion. Ils ont accueilli volontiers des femmes et leurs descendants qui ont été réintégrés par suite des amendements apportés au projet de loi C-31, et c'est ainsi que la taille de leur communauté a presque doublé depuis 1985.
(1440)
Ils n'ont pas pratiqué de discrimination contre les hommes et les femmes non autochtones qui sont venus s'établir avec des Mohawks à Kanesatake.
Honorables sénateurs, comme d'autres de mes collègues, je m'interroge sur le fait que le projet de loi S-24 escamote la question des biens matrimoniaux. En fait, le projet de loi ne traite pas de cette question parce qu'il ne s'intéresse d'aucune façon aux intérêts fonciers, lesquels dépendent généralement bien sûr de la division des biens matrimoniaux. Il faudra aborder cette question dans les négociations futures concernant les intérêts fonciers.
[Français]
Comme bon nombre de mes collègues, j'ai été étonnée du résultat serré du scrutin de ratification de Kanesatake. Je me suis demandé ce que ces résultats signifiaient — une marge de victoire de seulement deux votes —, si le processus menant à ce scrutin ou même le scrutin en soi était imparfait ou laissait à désirer. Je crois que le processus de consultation et de ratification mené par les Mohawks de Kanesatake était l'un des plus complets et inclusifs qui soit.
Au cours des mois précédant le scrutin, le conseil a organisé deux réunions publiques et plus de 50 petits ateliers pour joindre tous les membres, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du territoire. Le conseil a fourni régulièrement des renseignements aux membres de Kanesatake sur l'échéancier et les conséquences du scrutin de ratification. Le conseil n'a même pas empêché ses opposants de faire du piquetage devant les bureaux de vote.
[Traduction]
Certains résidants de Kanesatake ont critiqué le conseil de bande pour avoir organisé seulement deux assemblées publiques. Cependant, le conseil a opté pour le caractère informel et universel des ateliers pour mieux expliquer l'entente aux membres de la bande.
Certains ont aussi critiqué le conseil pour avoir accordé à des non- résidants les mêmes droits de vote qu'aux résidants. Le conseil a choisi d'accorder à tous les membres de la bande en âge de voter un droit égal de participer à la décision de ratifier ou non l'entente. On avait recouru à cette pratique auparavant, au moment des élections du grand chef et du conseil, et le conseil ne voyait aucune raison de déroger à cette pratique à l'occasion d'un vote aussi important. Je pense que c'était une sage décision. Encore une fois, honorables sénateurs, il me semble que le conseil a suivi la voie de l'inclusion, et non de l'exclusion.
Certains membres de la bande de Kanesatake ont critiqué la décision du conseil de demander une étude juridique indépendante du processus de ratification. Cette étude a été menée par l'honorable Lawrence A. Poitras, un ancien juge en chef de la Cour supérieure du Québec. Les personnes qui ont critiqué cette décision prétendaient que, parce que c'est le conseil qui l'avait engagé, M. Poitras ne pouvait se montrer impartial. Or, à la lecture de l'avis donné par ce dernier, il est apparu évident que le conseil avait fourni à M. Poitras toute la documentation voulue se rapportant au processus de ratification, y compris les documents qu'avaient fait circuler dans la communauté les personnes opposées à l'entente.
Honorables sénateurs, M. Poitras, après avoir examiné la documentation et le processus, a conclu que le conseil mohawk de Kanesatake «n'avait rien négligé pour informer la communauté [...] du vote et de l'importance de l'entente». En tant que parlementaires, nous devrions applaudir les membres du conseil pour leur souci d'ouverture, d'égalité et d'inclusivité. Nous devrions respecter les résultats du processus démocratique suivi à Kanesatake, même si le vote a été serré, comme nous respecterions les résultats de tout autre vote démocratique au pays.
[Français]
Honorables sénateurs, le projet de loi S-24 représente une occasion, pour les Mohawks de Kanesatake, de reprendre la place qui leur revient dans notre grande société. La région de Kanesatake et d'Oka est une région magnifique qui offre à ses résidants une foule de possibilités, mais le développement économique durable ne peut se réaliser que dans un environnement stable où les gens connaissent les lois et savent qu'elles seront appliquées.
En réglant les désaccords qui perdurent depuis plusieurs décennies concernant le statut légal des terres et des pouvoirs législatifs des Mohawks de Kanesatake, y compris leurs limites, le projet de loi S- 24 établit le cadre d'un tel environnement. Il permettra à cette collectivité de tourner ses talents et ses énergies considérables vers l'avenir et encouragera ses voisins à se joindre aux Mohawks de Kanesatake pour tirer profit de l'énorme potentiel de la région.
[Traduction]
Le maire de la municipalité d'Oka, M. Yvan Patry, a parlé avec éloquence en faveur du projet de loi devant le Comité des peuples autochtones. Avec son conseil municipal, il a ouvert le dialogue avec les Mohawks de Kanesatake pour régler une foule de questions d'intérêt mutuel pour leurs mandants respectifs. Il est réconfortant et touchant de voir que le projet de loi S-24 et l'entente qu'il vise à mettre en oeuvre sont à l'origine du partenariat de ces deux groupes. M. Patry et le Grand chef James Gabriel ont tous deux évoqué le triste souvenir de la crise d'Oka en 1990, et ont parlé avec émotion devant le comité de leur détermination à ce que pareille confrontation n'ait plus jamais lieu.
Honorables sénateurs, je voudrais conclure en vous donnant mes impressions au sujet de la vision de son peuple, dont le Grand chef Gabriel a fait part au comité. Il a évoqué un avenir où les Mohawks de Kanesatake évolueront vers une démocratie mûre, sans perdre de vue leur culture et leurs valeurs traditionnelles. Le grand chef voit son peuple s'ouvrir à de nouvelles amitiés, tout en poursuivant le règlement dans la justice des différends du passé. Mais par-dessus tout, le Grand chef Gabriel aspire au jour où les enfants des Mohawks de Kanesatake grandiront en toute sécurité dans une communauté prospère qui pourra leur offrir toutes les perspectives d'avenir dont ils sont dignes.
Cette vision est prometteuse et le projet de loi nous aidera à la concrétiser. Je vous demande instamment de vous joindre à moi pour voter en sa faveur.
[Français]
L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, je voudrais souligner, comme ma collègue vient de le faire, la très grande importance du projet de loi S-24 pour la communauté mohawk de Kanesatake et pour les gens qui vivent dans la région d'Oka. Ce projet de loi est une étape vers une autonomie toujours plus grande des peuples autochtones, en l'occurrence, les Mohawks. Cette entente limitée illustre d'une façon très concrète le changement général de l'attitude, que l'on constate à l'échelle du pays, à l'égard de la question autochtone qui, malheureusement, a longtemps été marquée par l'indifférence et l'insouciance. Cette attitude a donné lieu, dans plusieurs régions où vivent des nations autochtones, à des crises que tout le monde regrette. On sent aujourd'hui, par la mise en oeuvre de ce type d'ententes qui se multiplient avec le gouvernement canadien et de très nombreux gouvernements provinciaux que, grâce à l'appui de l'opinion publique canadienne et à la détermination de l'ensemble des Premières nations, leurs droits et leurs privilèges sont pleinement reconnus à l'intérieur de notre pays, le Canada. On voit que des progrès sont possibles et qu'ils plaident de toute évidence pour l'amélioration et la valorisation des conditions de vie et des aspirations de l'ensemble des peuples autochtones.
Cette entente, honorables sénateurs, est forcément limitée quant à l'unité sur le plan territorial puisqu'une délimitation territoriale précise a été négociée. Essentiellement, les honorables sénateurs auront compris que le gouvernement canadien et la nation mohawk ont conclu qu'il y aurait sur ce territoire, un certain nombre de domaines de prérogatives de gouvernance que les Mohawks obtiennent pour eux-mêmes afin de donner à leur communauté de Kanesatake les éléments de base d'une prise en contrôle de leur propre avenir et du développement futur de leur communauté.
Comme le sénateur Fraser l'a souligné, l'un des aspects les plus intéressants de cette entente est l'ouverture de la communauté autochtone, de la communauté mohawk et de la population environnante; il faut le redire et le souligner. L'accueil du maire d'Oka démontre que les décisions prises par les Mohawks, pour eux- mêmes et par eux-mêmes, concernant les projets qu'ils voudront donner à leur communauté, le seront en écoutant et en tenant compte des préoccupations du maire et des municipalités environnantes. Je suis sûr, même si ce n'est pas inscrit dans l'entente, que les autorités municipales et locales d'Oka sauront tenir compte, lors de la prise de décisions, des préoccupations, des projets et des ambitions de la nation mohawk dans le cadre de ce projet de loi.
(1450)
Ce projet de loi, on l'a vu et souligné, est limité. Il a fait l'objet au sein de la nation mohawk de discussions serrées, et le résultat du référendum était extrêmement fragile. Cette entente se situe à bien des égards en dehors de la Loi sur les Indiens. Cette loi existe toujours. On veut conclure des ententes significatives et pratiques et, pour ce faire, on doit aller à l'extérieur de la Loi sur les Indiens. Fort heureusement, le projet de loi S-24 vise à mettre en oeuvre cette entente ainsi que d'autres ententes qui ont été signées au Canada.
Honorables sénateurs, il faut réitérer toute l'importance que les Premières nations du Canada attachent à la refonte ou à l'abolition, peu importe, de la Loi sur les Indiens, de manière à ce que les peuples autochtones du Canada sachent à quoi s'en tenir à l'égard de cette loi. Ils l'ont souligné à plusieurs reprises. Les représentants des Premières nations à travers le Canada ne veulent pas que le gouvernement fédéral procède de façon unilatérale. Ils veulent être associés à la démarche que le gouvernement fédéral entreprendra lorsque viendra le jour d'examiner la Loi sur les Indiens.
À l'étape de la deuxième lecture, certaines interrogations sur les lois du Québec ont été soulevées. J'ai eu des rencontres très utiles avec des fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et j'ai suivi toutes les délibérations. Le gouvernement du Québec a accordé, par le biais de ses fonctionnaires, tout son soutien pour la mise en oeuvre de cette importante entente pour le peuple mohawk.
Malgré les inquiétudes qui continuent de subsister à l'intérieur même de la communauté, cette entente est absolument essentielle pour le peuple mohawk. Quelles que soient les réserves que l'on peut avoir, il faut leur donner la chance de conclure cette négociation, qui va dans le sens d'une préoccupation première des peuples autochtones de prendre en main leur propre destin. Cette décision de la communauté mohawk de Kanesatake rejoint les préoccupations de l'ensemble des Québécois, puisque ce territoire est situé au Québec. L'ensemble des Canadiens appuie tous les efforts et tous les progrès qui mènent à la promotion et à la valorisation de la présence et du dynamisme tellement riches que les peuples autochtones apportent à l'identité canadienne.
Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Fraser, appuyée par l'honorable sénateur Gill, propose que le projet de loi soit maintenant lu une troisième fois. Vous plaît-il d'adopter la motion, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)
[Traduction]
LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES
PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Bill Rompkey propose: Que le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, soit lu une deuxième fois.
— Honorables sénateurs, j'aimerais faire certaines remarques à propos du projet de loi C-18. C'est un projet de loi relativement simple. Il fait suite à l'engagement du premier ministre d'éliminer le plafond s'appliquant aux paiements de péréquation pour l'année 1999-2000. Le premier ministre avait pris cet engagement à la réunion qu'il avait eue avec les premiers ministres provinciaux en septembre dernier.
L'arrangement actuel en matière de péréquation est décrit dans la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le programme prévu par le Parlement en mars 1999 couvre les exercices compris entre 1999-2001 et 2003-2004. La loi de 1999 établissait un plafond pour les paiements effectués au cours d'une année donnée. Le plafond limite le montant total des paiements de péréquation qui peuvent être faits aux provinces pour un exercice.
Voici comment cela fonctionne. Le programme de péréquation en vigueur est valable pour cinq ans, comme son prédécesseur. La première année du programme, 1999-2001, a été prise comme année de base. Le plafond pour cette année-là était de 10 milliards de dollars. Le montant en 1999 a été clairement établi à un niveau qui devait permettre une croissance substantielle mais abordable des paiements de péréquation entre la dernière année de l'arrangement précédent et la première année du nouvel arrangement. Les calculs annuels se font donc à partir de 10 milliards de dollars.
Les quatre années suivant l'année 1999-2000, le plafond applicable aux paiements de péréquation sera rehaussé chaque année en fonction de la croissance cumulative du PIB nominal. Par exemple, si le PIB augmente de 8,4 p. 100 en 2000, le plafond pour 2001, l'exercice le plus récent, serait de 10,84 milliards de dollars. En supposant que le PIB augmente, le plafond est rehaussé chaque année.
La péréquation est un transfert fiscal. Sept provinces reçoivent des paiements de péréquation alors que trois, l'Alberta, la Colombie- Britannique et l'Ontario, n'en reçoivent pas. Les trois territoires ne sont pas visés par le programme, mais comme les honorables sénateurs le savent, le Parlement prévoit un autre type de soutien financier à leur égard. Chacune des provinces dites bénéficiaires, soit Terre-Neuve et le Labrador, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince- Édouard, le Nouveau-Brunswick, le Québec, le Manitoba et la Saskatchewan, obtient un montant calculé en fonction de sa population. La norme de péréquation correspond aux recettes par habitant qui résulteraient de l'application du régime fiscal représentatif dans cinq provinces: l'Ontario, la Colombie- Britannique, le Manitoba, le Québec et la Saskatchewan.
Bref, la péréquation est la redistribution des recettes fiscales fédérales et vise à assurer que chaque gouvernement provincial a les recettes qu'il pourrait tirer d'une assiette fiscale type si ses contribuables étaient en mesure de payer des impôts de cet ordre. Pour faire une description simpliste mais exacte, je dirais que la péréquation est une forme de revenu annuel garanti. Toute province qui pratique le taux d'imposition national moyen est assurée d'obtenir des recettes par habitant égales à la moyenne de telles recettes des cinq provinces.
On lève le plafond lorsque les droits à péréquation des provinces bénéficiaires dépassent le plafond fixé pour l'année en question. On réduit alors le montant destiné à chaque province, sur une base par habitant, jusqu'à ce que le montant maximal ne dépasse plus le plafond. Voilà une façon directe et très efficace de restreindre les montants que le gouvernement du Canada est tenu de verser au titre de la péréquation une année donnée. Cela permet d'assurer qu'à partir de l'année de base, la hausse d'une année sur l'autre ne dépassera pas la croissance de l'économie.
La fixation d'un plafond n'a rien de neuf. Le premier, fixé en 1982, a été levé quatre fois au cours des 20 dernières années. Il s'agit d'une réalité fiscale que les ministres des Finances de chacune des provinces bénéficiaires ont toujours en tête.
Ainsi, ce projet de loi n'est pas compliqué. Il retire simplement le plafond de péréquation pour l'exercice commençant le 1er avril 1999. L'effet de la modification est assez direct. Le retrait du plafond va permettre au gouvernement fédéral de payer environ 792 millions de dollars aux provinces bénéficiaires pour la période 1999- 2001, en fonction du nombre d'habitants. D'après les prévisions financières actuelles, rendues publiques le 27 février 2001, chaque province bénéficiaire touchera 67 $ par habitant. Cela signifie que les provinces toucheront les sommes suivantes: Terre-Neuve et Labrador, 36 millions de dollars; Île-du-Prince-Édouard, 10 millions de dollars; Nouvelle-Écosse, 62 millions de dollars; Nouveau- Brunswick, 50 millions de dollars; Québec, 489 millions de dollars; Manitoba, 76 millions de dollars; et Saskatchewan, 69 millions de dollars.
(1500)
Honorables sénateurs, c'est une mesure législative très importante et je vous demande votre appui. Le fait que le premier ministre ait décidé de supprimer le plafond de péréquation constitue une partie intégrante de l'entente conclue avec les premiers ministres provinciaux lors de la rencontre de septembre dernier. Cette entente a permis de renouveler les programmes de soins de santé, d'améliorer le soutien au développement de la petite enfance et de renforcer d'autres programmes sociaux. Le gouvernement du Canada, comme nous le savons, s'est engagé à fournir 23,4 milliards de dollars au plan d'action. Le projet de loi met en oeuvre un autre élément de l'engagement du premier ministre. L'entente conclue en septembre constitue un pas important pour l'amélioration des services que le gouvernement du Canada et les administrations provinciales offrent aux citoyens canadiens. C'est également une étape importante dans l'évolution des relations entre les provinces et le gouvernement fédéral.
C'est un bon projet de loi, mais je ne peux en rester là. La péréquation fait à tel point partie intégrante du tissu structurel fédéral canadien et du tissu social des Canadiens que je me dois d'approfondir la question.
Honorables sénateurs, le système de péréquation actuel est innovateur et il permet de répondre en bonne partie aux besoins qu'il est censé satisfaire, mais ce n'est pas suffisant. Dans l'intérêt national, ce système doit être perfectionné. Il est déjà bon, mais ce n'est pas encore assez. Je reconnais que l'argument que je m'apprête à donner militera en faveur des provinces puisque je crois qu'on doit améliorer et perfectionner le programme de péréquation en vigueur. À titre de sénateurs, nous devons notamment prendre la défense de nos régions et de nos provinces.
Les changements que je préconise entraîneront des coûts, mais je me base sur trois points pour les déposer maintenant. Tout d'abord, le gouvernement du Canada peut se permettre d'accroître les montants qu'il verse à chacune des provinces. Deuxièmement, il y a des lacunes systémiques importantes dans le programme actuel qui doivent être revues et corrigées. Troisièmement, et c'est ce qui importe le plus, il est dans l'intérêt de tous les Canadiens, ainsi que des gouvernements fédéral et provinciaux, que ces problèmes soient résolus.
Il n'y a pas grand-chose à ajouter en ce qui touche la situation fiscale. Les Canadiens ont réagi énergiquement et de bonne grâce à la direction prise par le premier ministre, le ministre des Finances et leurs collègues dans ce dossier. Les finances du pays se trouvaient dans un état lamentable au début des années 90. Les Canadiens se sont serré la ceinture et ils ont avalé l'amère pilule. En conséquence, la situation financière du pays a repris de la vigueur et le gouvernement du Canada peut se permettre de dépenser l'argent nécessaire pour répondre aux priorités les plus urgentes.
Honorables sénateurs, ce sont les provinces qui ont besoin d'aide maintenant. Ces dernières ont dû elles aussi se serrer la ceinture et demander à leurs contribuables d'avaler la pilule. Toutefois, bon nombre d'entre eux sont toujours dans une situation financière difficile en raison des augmentations importantes, constantes et continues des coûts des services de santé et d'éducation que les Canadiens attendent et exigent.
Chaque province doit faire face à ces problèmes, y compris les provinces les plus riches, soit l'Ontario, l'Alberta et la Colombie- Britannique. Le fardeau est plus lourd pour les sept provinces qui reçoivent des paiements de péréquation. Ce sont elles qui ont le plus de difficultés à assumer ces coûts. Ce ne sont pas les gouvernements qui se privent à cause de ce problème, mais bien les citoyens, c'est-à- dire nos compatriotes canadiens. Ils méritent notre aide.
Les lacunes généralisées dans le système actuel sont les deuxième raison que j'invoque pour préconiser d'autres changements en matière de péréquation. Tout sénateur sait que notre Constitution renferme un engagement relatif à la péréquation. Cet engagement est inscrit au paragraphe 36(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 dans les termes suivants:
Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.
Les honorables sénateurs remarqueront que la Constitution établit deux exigences à respecter en ce qui concerne les paiements de péréquation. La première consiste à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants. Pour déterminer si les revenus sont suffisants, on compare les niveaux d'imposition de chaque province. Cela entre en compte dans le principe actuel de la péréquation, qui consiste à combler l'écart entre le rendement de l'impôt par habitant de chaque province et le rendement de l'impôt perçu par les cinq provinces repères. Cela répond à la première des exigences constitutionnelles.
La deuxième fait défaut. L'article 36 prévoit que les provinces puissent être en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables. Voilà où les dispositions actuelles en matière de péréquation sont au-dessous des attentes. C'est pourquoi il faut les améliorer. Par exemple, une étude faite en 1994 par les fonctionnaires du ministère fédéral des Finances a révélé que les dépenses de Terre-Neuve et Labrador pour l'éducation primaire et secondaire correspondait à 122 p. 100 de la moyenne nationale. Les écoles de la province sont bonnes, mais personne ne soutiendra qu'elles sont de 20 p. 100 supérieures à la moyenne canadienne. Les dépenses additionnelles consenties par le gouvernement provincial correspond à ce qu'il en coûte d'essayer de fournir à la population des services comparables en matière d'éducation, et même à ce compte, les services sont beaucoup trop souvent insuffisants.
Il y a une solution directe et appropriée à ce problème. Tout ce qu'il faut, c'est une méthode pour mesurer la quantité de services fournis par chaque gouvernement provincial aux femmes, aux enfants et aux hommes qui vivent à l'intérieur de leurs frontières. Même s'il peut être difficile de mesurer la qualité des services, ce n'est certes pas au-delà de notre capacité en tant que pays de mesurer leur quantité.
Est-ce qu'un enfant de Terre-Neuve et du Labrador a accès à la même éducation qu'un enfant des provinces de référence? Un Canadien habitant la Nouvelle-Écosse, le Québec ou la Saskatchewan qui a besoin de soins médicaux reçoit-il une aide comparable à celle qu'obtiendra un résidant de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique? On peut répondre à ces questions et on devrait le faire. Cela fait, on peut ensuite déterminer combien il en coûterait pour fournir des services publics relativement comparables dans chacune des provinces. C'est la somme que le gouvernement fédéral devrait verser aux gouvernements des provinces recevant des paiements de péréquation. La somme précise à verser à une province pour des services sera déterminée par la même méthode; pour chaque province, on compare le rendement de l'impôt par habitant, aux taux normaux, à ce qu'il en coûterait pour offrir des services comparables au palier national équivalent. La péréquation des revenus va se poursuivre.
Honorables sénateurs, cette solution est simple, mais pas simpliste. Elle transposera la promesse constitutionnelle dans la réalité. Elle veillera à ce que chaque Canadien, peu importe où il habite, reçoive des services comparables en échange pour le paiement d'impôts comparables.
Je dois dire quelques mots au sujet de ce qu'on appelle la récupération. C'est un sujet à la mode dans ma province ces temps-ci car nous prévoyons des développements considérables, dont l'exploitation des mines de nickel les plus riches du monde dans le nord du Labrador n'est pas le moindre. Ce sujet est aussi important en Nouvelle-Écosse et, dans une moindre mesure, dans plusieurs autres provinces recevant des paiements de péréquation. Le problème est facile à décrire. L'argent qu'une province tire de l'exploitation de ses ressources est soustrait du montant de péréquation qu'elle devrait recevoir car les recettes provenant de ressources naturelles, y compris les redevances, font partie des recettes utilisées pour le calcul de la péréquation.
Je reconnais que la formule actuelle de calcul de la péréquation renferme des dispositions spéciales qui réduisent l'effet de la récupération des recettes générées par les ressources, de même que des arrangements spéciaux concernant Hibernia et les autres projets d'exploitation en mer. Par exemple, chaque dollar de redevance encaissé par le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador provenant du projet Hibernia réduit ses droits à la péréquation de 0,70 $ et non du montant total de un dollar. Le dommage est moins grave, mais il ne disparaît pas totalement.
Il y a deux bons côtés à l'argumentation. D'un côté, les provinces récipiendaires soutiennent à juste titre qu'elles versent 70 cents sur chaque dollar au gouvernement fédéral compte tenu de la réduction des paiements de péréquation. Cela excède nettement le taux marginal que paient même les Canadiens qui sont assez fortunés pour être dans les tranches d'imposition les plus élevées. De l'autre côté, il y a l'argumentation tout aussi valable que le droit individuel à l'assistance publique doit tenir compte de tout argent reçu des coffres publics — plus le revenu est grand, moins l'aide est importante. Les deux argumentations ne tiennent pas compte, toutefois, de la dure réalité de la fiscalité fédérale-provinciale.
(1510)
Il est indiscutable qu'une partie nettement disproportionnée des recettes fiscales générées par l'exploitation de toute ressource finit dans les coffres fédéraux plutôt que dans ceux de la province qui possède la ressource. Je ne prendrai pas le temps de la Chambre pour dire pourquoi il en est ainsi, mais plus de 80 p. 100 des recettes fiscales générées par tout projet iront à Ottawa plutôt qu'aux provinces. Quatre-vingts pour cent des recettes fiscales générées par le développement de Voisey's Bay iront au gouvernement fédéral plutôt qu'à la province. Cette triste réalité justifie à elle seule qu'on prenne une disposition spéciale en ce qui concerne les recettes tirées de l'exploitation des ressources.
Un autre fait est tout aussi flagrant: il doit y avoir une certaine certitude dans les recettes publiques et la politique publique doit encourager les gouvernements à planifier plutôt qu'à agir seulement à court terme. Il est dans l'intérêt public que nos ressources soient exploitées effectivement et efficacement. Les provinces sont les premières responsables d'une telle exploitation tant parce qu'elles sont au bout du compte les propriétaires de ces ressources qu'en vertu des pouvoirs qui leur sont conférés de part la répartition constitutionnelle des compétences.
La récupération proposée devrait au moins être rajustée pour prévoir une prise en compte graduelle des recettes tirées de ces nouvelles activités. Il n'y a rien de magique dans le chiffre de 70 p. 100. Il est tout aussi logique que la récupération s'applique progressivement sur une période de 10 ou de 20 ans. Peut-être pourrait-on ajouter dans le calcul de la péréquation 5 p. 100 de plus de ces nouvelles recettes chaque année, après une période de grâce, le temps que soit récupéré le coût des immobilisations, puisque ce n'est qu'après que les redevances seront vraiment versées. Cela donnerait aux provinces la possibilité de réorganiser leurs finances publiques. Cela permettrait aussi aux provinces pauvres, dont la mienne, d'utiliser les nouvelles recettes provenant de l'exploitation des ressources pour améliorer les services, au lieu de voir leurs paiements de péréquation réduits. Ce serait là un compromis raisonnable entre deux argumentations également convaincantes. C'est la façon classique de régler les problèmes au Canada.
La péréquation est un élément central des relations financières fédérales-provinciales depuis 1957. Certains décrivent à tort la péréquation comme un moyen de transférer de l'argent des provinces riches aux moins riches. Il faut dénoncer cette fausseté. La péréquation est un programme du Parlement et du gouvernement du Canada. Tous les Canadiens, dans la mesure de leurs moyens, paient la péréquation. Un riche résident de Happy Valley, de Goose Bay ou de Saskatoon contribue autant que les riches de Toronto, de Calgary ou de Vancouver. À l'inverse un Albertain ou un Ontarien moins riche ne contribue pas plus au programme qu'un habitant de la Nouvelle-Écosse ou du Nouveau- Brunswick qui a une situation économique comparable. La péréquation est un programme national que le gouvernement du Canada finance par les recettes fiscales reçues de tous les contribuables.
La péréquation a été largement appuyée par les premiers ministres provinciaux, dont Ernest Manning, Peter Lougheed, John Robarts, Bill Davis, Mike Harris et Ralph Klein. Elle a toujours été appuyée par tous les Canadiens soucieux d'équité.
Les arrangements actuels sont en vigueur jusqu'en 2004. Je sais que le ministre des Finances est prêt à examiner d'autres façons d'atteindre l'objectif qui consiste à garantir à tous les Canadiens l'assurance d'avoir accès à des services raisonnablement comparables tout en payant des impôts raisonnablement comparables. Il y a des façons d'accorder légitimement une aide financière supplémentaire aux provinces qui en ont besoin, sans pour cela nuire aux arrangements actuels en matière de péréquation. J'exhorte le ministre à entamer à ce sujet des discussions avec ses collègues des provinces au sujet de ces solutions. Comme les disparités entre plusieurs provinces s'accentuent, il est encore plus impératif de tenter de les réduire.
Le régime de péréquation est une solution authentiquement canadienne à un besoin particulier au Canada. C'est un programme qui fonctionne bien. Il a permis d'accomplir de grandes choses, mais il n'est pas parfait. Je propose aujourd'hui que nous nous employions sans tarder à l'améliorer. Entre-temps, je demande à tous les sénateurs d'appuyer le projet de loi C-18.
L'honorable Nicholas W. Taylor: Le sénateur Rompkey acceptera-t- il de répondre à une question?
Le sénateur Rompkey: Oui.
Le sénateur Taylor: Je félicite tout d'abord le sénateur Rompkey de l'excellent discours qu'il a fait sur les valeurs fondamentales du Canada et sur le fait qu'en conjuguant nos efforts, nous vivons dans un contexte un peu plus enviable que celui qui existe au sud du 49e parallèle.
Le sénateur Rompkey a mentionné l'article 36 de la Constitution par rapport à la péréquation. Pour mon information personnelle, quand cet article a-t-il été inclus et a-t-il été modifié depuis?
Le sénateur Rompkey: Honorables sénateurs, l'article 36 fait partie de la Loi constitutionnelle de 1982. Cette disposition n'a pas été modifiée depuis.
L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, le sénateur Rompkey vient de prononcer un discours extrêmement intéressant. À titre de parrain du projet de loi C-18, le sénateur Rompkey a parfaitement expliqué les dispositions du projet de loi au nom du gouvernement. Le sénateur Rompkey a ensuite préconisé différents changements que bon nombre d'entre nous estimons nécessaires.
Dans ces circonstances, puisque le sénateur Rompkey a à la fois expliqué le projet de loi d'initiative ministérielle et préconisé des changements de son cru, je crois qu'il est juste de lui demander où se terminent les observations du gouvernement, et où commencent les siennes.
Le sénateur Rompkey: Honorables sénateurs, selon mes calculs, je pense que c'était à la page 23. Le sénateur Murray a raison; la première partie de mon intervention était une explication du projet de loi en tant que tel, qui est une simple mesure prévoyant la suppression du plafond. J'ai dit que la péréquation était une bonne chose, mais qu'elle n'était pas parfaite.
Ce que les sénateurs devraient examiner, c'est en quoi la péréquation ne convient pas et comment on pourrait l'améliorer. C'est ce que nous faisons au Sénat. Nous examinons des lois, des idées, des politiques ou des programmes dans le but de les améliorer.
Le projet de loi devrait être adopté, mais nous pouvons l'utiliser pour examiner le plus en profondeur possible le régime de péréquation afin de l'améliorer.
(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)
PROJET DE LOI SUR LA PROTECTION DES JEUNES CONTRE LE TABAC
TROISIÈME LECTURE
L'honorable Colin Kenny propose: Que le projet de loi S-15, Loi visant à donner à l'industrie canadienne du tabac le moyen de réaliser son objectif de prévention de la consommation des produits du tabac chez les jeunes au Canada, soit lu une troisième fois.—(L'honorable sénateur Taylor).
— Honorables sénateurs, précédé par les projets de loi S-13 et S- 20, le projet de loi S-15 a mis beaucoup de temps à se rendre à cette étape. Je vous remercie de votre patience et de votre indulgence. Ceux d'entre vous qui ont déjà entendu ce discours accepteront sans doute d'en écouter une version condensée.
Je souscris tout à fait au projet de loi S-15, qui vise à protéger les enfants du Canada contre le tabac. Il s'agit d'aider les jeunes à arrêter de fumer ou à les empêcher de commencer à fumer.
(1520)
Honorables sénateurs, j'ai eu droit à beaucoup d'aide. Je regarde autour de moi et je ne vois parmi nous personne qui ne m'ait aidé d'une manière ou d'une autre à un moment donné. Certaines personnes m'ont aidé en ce qui concerne les budgets, d'autres en m'accordant un peu de leur temps. D'autres encore par leurs conseils et leurs idées. Certains m'ont encouragé et m'ont dit de «ne pas abandonner». Je vous remercie tous pour votre aide.
En dehors de la Chambre, cette mesure a fait l'objet d'un soutien fantastique de la part du personnel, des organisations bénévoles, des membres du monde médical, et du public en général. Je suppose que certains d'entre vous avez reçu une lettre ou deux. J'en ai reçu. Nous savons, je crois, que le public appuie et approuve dans une large mesure une mesure comme celle-ci — en fait, cette mesure. Les gens nous l'ont prouvé de plusieurs manières.
Honorables sénateurs, nous perdons chaque année 45 000 Canadiens et, chaque année, quelque 250 000 jeunes âgés de moins de 18 ans commencent à fumer. Depuis que j'ai commencé à travailler à cette mesure législative, un million de jeunes se sont laissés prendre au piège qu'est le tabac, un million!
Le tabagisme est la première cause évitable de décès au Canada. Quarante-cinq mille personnes meurent de maladies liées au tabac alors que quatre mille perdent la vie dans des accidents de la route, qui est la deuxième cause évitable de décès, y compris dans des accidents provoqués par la conduite avec facultés affaiblies. Le tabac tue dix fois plus de Canadiens que toute autre cause évitable.
Le tabac coûte cher, pas seulement en termes de vies humaines. Les coûts directs pour la santé sont de 3 milliards de dollars. Statistique Canada estime à plus de 7 milliards de dollars au total les coûts indirects, si l'on compte le temps perdu, les incendies et les personnes qui, pour une raison ou une autre, parce qu'ils souffrent d'une maladie liée au tabac, ne peuvent pas aller travailler. Autrement dit, le tabac coûte 10 milliards de dollars par an à l'économie.
Un des aspects intéressants des programmes globaux de lutte contre le tabagisme, dont celui que nous proposons dans le projet de loi, c'est qu'il y a pour eux des retombées, d'ailleurs fort importantes. La première retombée est évidente. Si un programme commence à donner des résultats, vous sauvez des vies et vous réduisez la maladie. C'est la retombée la plus précieuse. Toutefois, si vous ne vous intéressez qu'aux retombées monétaires, nous avons une étude de la Californie révélant qu'au cours des huit dernières années, cet État a réussi à réduire de 8,2 milliards de dollars les coûts des soins de santé liés au tabagisme. Alors que tout le reste a augmenté, les coûts des soins de santé liés au tabagisme ont diminué en Californie.
Pour chaque tranche de un dollar que la Californie a consacré à son programme de lutte contre le tabagisme, elle a été en mesure de prouver qu'elle avait épargné 3,62 $, ce qui correspond à la réduction des coûts des soins de santé liés au tabagisme. Ce n'est pas à proprement parler un centre de coûts, c'est plutôt un centre de profits. Ce n'est que logique. Pourquoi dépensons-nous de petites sommes en début de ligne et d'énormes sommes en fin de ligne quand nous savons que si nous récupérions une partie de l'argent disponible en fin de ligne pour soigner les gens en début de ligne, ils ne contracteraient jamais la maladie et n'en connaîtraient jamais toutes les affres, et nous économiserions de ce fait de l'argent?
Il y a vraiment une retombée. Il est rentable sur le plan financier d'agir de la sorte. Que se passe-t-il à l'heure actuelle au pays? Je dois dire aux honorables sénateurs que le taux de tabagisme est à la hausse, et c'est sérieux. En 1990, le taux de tabagisme chez les jeunes était de 21 p. 100 au Canada. La dernière fois qu'il a été mesuré par Statistique Canada pour le compte de Santé Canada, il s'établissait à 28 p. 100.
Il y a deux ans, 80 p. 100 des jeunes qui commençaient à fumer le faisaient avant l'âge de 16 ans. L'an dernier, Santé Canada a indiqué que 80 p. 100 des jeunes commençaient à fumer avant l'âge de 14 ans. Ils commencent dès l'âge de 9, 10, 11 et 12 ans. Nous parlons ici de préadolescents. C'est un projet de loi concernant les préadolescents. C'est pourquoi il est si important. Il porte sur les gens que nous voulons vraiment protéger.
À l'occasion, l'industrie du tabac nous tient le discours suivant: «C'est une question de liberté de choix. Les gens ont l'âge de se faire une idée. Ils peuvent décider eux-mêmes.» Si vous êtes un adulte, vous pouvez probablement prendre votre propre décision. Ce projet de loi ne vise pas les adultes. Il s'applique aux personnes qui sont des mineurs, selon la définition de la Loi sur le tabac, c'est-à-dire des personnes de 18 ou 19 ans. Le projet de loi met vraiment l'accent sur les jeunes, vos enfants et vos petits-enfants, qui sont exposés chaque jour au tabac.
On brandit la menace de la contrebande à chaque fois que cette question revient sur le tapis. On entend les gens dire: «Mon Dieu, si on augmente la taxe sur le tabac, nous allons avoir des problèmes. Nous aurons les mêmes problèmes de contrebande qu'en 1994, cela va encore causer des ennuis au Canada. La loi ne sera pas respectée.»
Ce n'est tout simplement pas vrai, honorables sénateurs. À l'heure actuelle — et ce, après l'augmentation de $4 de la taxe d'accise qui est entrée en vigueur le cinquième jour du mois dernier — une cartouche de cigarettes coûte 37,58 $ au Québec ou 36,76 $ en Ontario. Cette même cartouche de cigarettes coûte, dans les États contigus du Minnesota, du Michigan, de New York, du Vermont, du New Hampshire et du Maine 52,72 $, 57,43 $, 63,47 $, 53,10 $, 50,93 $ et 58,71 $ respectivement. Dans chacun de ces États, le prix d'une cartouche de cigarettes est de plus de $10 supérieur à ce qu'il est au Canada. S'il y a contrebande, ce sera du nord vers le sud et non l'inverse.
La contrebande sévit en ce moment au Canada, d'est en ouest. La contrebande de cigarettes en provenance du Québec et de l'Ontario vers l'ouest du Canada cause de réels problèmes. Cela est dû au fait que le prix d'une cartouche de cigarettes en Alberta, par exemple, est de 42 $ alors qu'il est de 50 $ en Colombie-Britannique. Ces graves problèmes n'ont rien à voir avec le projet de loi. Ce problème peut être résolu par les trésoriers des provinces qui peuvent s'entendre avec le ministre des Finances pour harmoniser la taxe sur le tabac. J'aimerais dissiper complètement tout souci que les honorables sénateurs pourraient avoir concernant la contrebande. Ce n'est tout simplement pas un problème et nous ne devrions pas nous en inquiéter.
Honorables sénateurs, je vais parler brièvement d'un programme de lutte contre le tabagisme. Ce projet de loi s'inspire d'un document sur les meilleures pratiques en matière de lutte contre le tabagisme, publiés en août 1999 par l'Atlanta Centers for Disease Control. Le centre a étudié ce qui se passait dans les 50 États des États-Unis. Il a rédigé un document réunissant les meilleures pratiques qu'il avait trouvées au pays. Personne au Sénat, et personne au sein du monde médical — et nous avons l'appui de chaque association médicale provinciale du Canada, de l'Association médicale canadienne et des associations nationales représentant les dentistes et les infirmières — ne met en doute le fait que l'Atlanta Centers for Disease Control est l'autorité en matière de santé publique. À bien des égards, ce projet de loi est basé sur ce fait.
Les gens se font souvent une idée fausse de ce qu'est un programme global de lutte contre le tabagisme. On n'arrête pas de me demander: «Quelle est la formule magique? Dites-moi la chose essentielle qui amènera les jeunes à arrêter de fumer.» C'est un piège dans lequel les politiciens que nous sommes risquent de tomber. Je vous demande instamment de ne pas opter pour une solution facile, une solution ponctuelle. Les enfants ne fonctionnent pas de la sorte. Ils sont complexes de nature, comme tous et chacun d'entre nous. Le secret d'un programme efficace de lutte contre le tabagisme, comme celui qui est aujourd'hui appliqué dans beaucoup d'États et qui donne les résultats escomptés, passe par l'envoi aux enfants de messages venus de sources très différentes.
(1530)
Les témoins font souvent l'analogie avec le débarquement du jour J. L'un d'entre eux a expliqué que la protection aérienne et l'artillerie étaient insuffisantes au débarquement de Dieppe. Il n'y avait qu'un groupe d'infanterie sur la plage et il s'est fait massacrer. Des enseignements ont été tirés de cet incident de sorte que, le jour J, l'aviation était là, l'artillerie était là, les plages ont été aplanies, les parachutistes ont été largués, et les commandos ont grimpé les parois rocheuses. Ils ont été suivis des soldats, en nombre suffisamment important pour nous assurer la victoire.
Il est très important de prendre des dispositions appropriées au moment opportun. Un programme de lutte contre le tabagisme qui se veut complet ne doit pas être mis en oeuvre seulement dans les écoles. Il doit être appliqué dans les écoles, dans les centres communautaires, dans les YMCA. Des services d'appels d'urgence doivent être mis en place pour que les fumeurs puissent avoir de l'aide au téléphone. Des campagnes d'information doivent être organisées à la radio, à la télévision et dans la presse écrite. Seuls des efforts coordonnés, systématiques et répétés — et il est vraiment important que ces efforts soient répétés — finiront par influencer le raisonnement que se tiennent les jeunes au sujet du tabac et du tabagisme, et par amener des changements progressifs dans les mentalités. Cela marchera. Nous aurons le succès espéré.
La Californie est un excellent exemple, honorables sénateurs. Je l'ai déjà dit, 28 p. 100 des jeunes Canadiens fument. En Californie, ils ne sont que 6,9 p. 100 de jeunes à fumer. Ne devrions-nous pas viser pareil objectif? Dans le Massachusetts, depuis 1996, le nombre des fumeurs a baissé de 24 p. 100 chez les jeunes. En Floride, depuis deux ans, le tabagisme a chuté de 40 p. 100 chez les jeunes des écoles secondaires de premier cycle.
En ce qui concerne les dépenses, les Centers for Disease Control d'Atlanta recommandent que le Canada dépense entre 9 $ et 22 $CAN par habitant. Nous dépensons actuellement 66 cents par habitant. Dans le projet de loi, nous prévoyons 12 $ par habitant. Ce montant se trouve dans le dernier quartile, mais c'est tout de même plus que 66 cents. Le Vermont dépense 22 $ par habitant, le Mississippi, 15 $ et l'Ohio, 33 $. Comparés à ce qui se fait ailleurs, le montant proposé n'est pas excessif. Douze dollars n'est pas un montant exagéré. C'est un montant raisonnable, si nous voulons atteindre les mêmes résultats que certains États américains.
Nous réunirons les fonds nécessaires en imposant un prélèvement qui, pour les fins de l'industrie, représenterait trois quarts de cent par cigarette, ou 1,50 $ par cartouche, soit 360 millions de dollars par année.
Un prélèvement est une mesure importante, honorables sénateurs. L'intérêt de la chose est qu'il assure des revenus stables et permanents. Le principal problème auquel faisait face le milieu de la santé, au cours des décennies passées, était le caractère incertain du financement, qui empêchait de planifier d'année en année. Un prélèvement leur assure une certaine prévisibilité. Il s'agit d'un prélèvement pour les fins de l'industrie.
Pourquoi disons-nous cela? Parce que les fabricants de tabac sont venus dire au Parlement, à plusieurs reprises, qu'ils souhaitaient avoir un mécanisme semblable. Lorsqu'ils ont comparu devant notre comité, deux fabricants sur trois, qui produisent 80 p. 100 des produits du tabac, ont endossé le projet de loi dans sa forme actuelle. Ils ont fait paraître des annonces dans les journaux disant qu'ils sont disposés à dépenser 400 millions de dollars à perpétuité pour appuyer ce programme. Ils n'auront pas de représentants au sein du conseil et ne pourront pas modifier un seul mot du projet de loi. Ils ne pourront rien contrôler. Leur seule participation se limitera à signer un chèque le quinzième jour de chaque mois, à défaut de quoi ils s'exposeront à des peines d'emprisonnement ou à des amendes.
Honorables sénateurs, nous avons l'industrie du tabac de notre côté. Elle est prête à payer pour ce programme. Je précise qu'il ne s'agit pas vraiment d'un geste bénévole, parce que nous savons que les fabricants de tabac refileront les coûts aux fumeurs; cela ne fait aucun doute. Mais il est en quelque sorte logique que les fumeurs paient pour aider à prévenir le tabagisme chez les jeunes dans l'avenir.
Honorables sénateurs, les prélèvements à des fins particulières sont efficaces. C'est une mesure populaire sur le plan politique. On me reproche le fait que le programme dépende d'une source de financement dans un but particulier. Toutefois, durant toutes les années où j'ai oeuvré auprès du public, jamais un électeur chez qui je me suis présenté n'a dénoncé les taxes ou les fonds qui servaient à des fins particulières. Je rencontre le public depuis 1968, et jamais les gens ne m'ont dit qu'ils étaient contre ce genre de mesure.
En fait, j'entends des gens dire qu'ils n'aiment pas envoyer de l'argent à Ottawa, dans le grand trou noir qu'on appelle le Trésor; ils ignorent où va cet argent. Ils aiment déposer une pièce d'un dollar dans une machine distributrice de Coca-Cola et voir sortir la cannette. C'est la raison pour laquelle les gens aiment ce projet de loi. Ils savent d'où vient l'argent et où il va. En principe, l'argent viendra des fabricants de tabac et ira directement à la fondation. Il ne sera jamais déposé dans le Trésor.
Les projets de loi de finances portent uniquement sur des crédits et des fonds. Le projet de loi S-15 ne porte sur aucun de ces éléments. Il importe de se le rappeler. Nous allons entendre un débat à ce sujet. Si ce projet de loi est adopté dans cette Chambre, j'espère qu'il sera débattu à l'autre endroit. Ce projet de loi ne porte pas affectation de fonds et n'est pas un projet de loi de crédits.
Je serai très bref. Le processus décisionnel est transparent. Des règles portent sur les conflits d'intérêts. La fondation est indépendante. Le plafond des frais administratifs se situe à 5 p. 100. Des fonds de 10 p. 100 doivent être consacrés à des évaluations.
Honorables sénateurs, nous n'évaluons pas les projets au Canada. Les projets en matière de santé se poursuivent sans jamais être bien évalués. Nous risquons de répéter constamment les même erreurs. Ce projet de loi prévoit l'évaluation de chaque projet par un évaluateur nommé avant que les fonds ne soient accordés. Des repères nous permettent de savoir si le projet de loi est aussi efficace qu'il devrait l'être. La transparence est importante, afin que nous sachions quels projets échouent et quels projets sont couronnés de succès. Nous pourrons supprimer ceux qui échouent et encourager ceux qui sont une réussite.
Un rapport annuel doit être présenté au Parlement. Le vérificateur général doit procéder à une vérification. Le Parlement doit mener un examen quinquennal. Le comité a conclu que, si on ne pouvait pas montrer l'efficacité d'un projet après cinq ans, peut-être faudrait-il l'examiner de plus près. Peut-être devrait-il être supprimé. Je crois qu'il pourra être efficace après cinq ans. Je crois qu'il sera efficace après cinq ans. La disposition prévoyant un examen quinquennal devrait donner aux sénateurs et aux députés l'assurance que nous ne créons pas un programme qui fonctionnera à perpétuité, sans que personne n'y jette jamais un coup d'oeil. Un rapport annuel sera présenté au Parlement et un examen quinquennal aura lieu.
Honorables sénateurs, vous avez été très patients et je vous suis reconnaissant de votre attention. Je vous demande d'appuyer le projet de loi S-15, Loi sur la protection des jeunes contre le tabac.
(1540)
L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention d'intervenir. Je tiens toutefois à fournir quelques explications sur mon déferlement de l'autre jour. Tout a commencé lorsque le Président pro tempore a indiqué, comme il le fait souvent, que le parrain du projet de loi avait proposé que celui- ci soit lu une troisième fois. Peut-être est-ce parce que je suis originaire de la même province que le parrain du projet de loi, mais toujours est-il que le Président pro tempore a dit que le sénateur Bryden avait appuyé la motion. Je suis alors intervenu, de manière irrecevable sans doute, pour dire que j'étais la personne la moins indiquée pour appuyer cette motion, car je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'historique de ce projet de loi.
Quelqu'un a dit, le sénateur Taylor probablement, que je devais avoir des parts dans la compagnie de tabac. Ce n'est pas cela qui me préoccupe. Je suis contre le tabagisme. J'ai fumé pendant longtemps, et même si je n'en ai pas pris l'habitude lorsque j'étais très jeune, mon coeur en porte toujours les séquelles.
Je ne suis sans doute pas le seul dans cette Chambre à avoir fumé. En effet, je pense bien que si l'effectif était là au complet, à savoir les 105 sénateurs, et que je demandais à ceux qui ont déjà fumé de lever la main, la majorité le ferait. Mais si je demandais à mes collègues s'ils fument aujourd'hui, et je les connais presque tous, je crois bien qu'il y aurait au plus une demi-douzaine de mains de levées.
Il fut un temps où il y avait un cendrier en face de chacun des participants aux réunions des conseils d'administration ou du Cabinet. Sénateur Lawson, il fut une époque où vous n'auriez probablement pas pu négocier un contrat sans avoir rempli votre cendrier de mégots.
Honorables sénateurs, bien des gens ont changé de position à l'égard du tabagisme. Bien des gens sont sensibilisés à la question. Bien des gens ont réalisé que le tabac, la cigarette surtout, tue. Le tabac tue les gens.
Je suis d'accord avec cela. C'est un fait. C'est pour cela que je ne fume plus. J'ai lâché le tabac avant qu'il me tue. Je pense que nous devons garder une chose en tête: les humains ont la capacité d'apprendre. Des gens qui avaient l'habitude de fumer ont appris qu'ils avaient intérêt à rompre cette habitude. Nous sommes nombreux à l'avoir fait.
Les jeunes sont vulnérables. Nombre de jeunes gens qui commencent à fumer auront de la difficulté à arrêter, et certains d'entre eux n'y arriveront peut-être jamais. Si nous pouvons sauver une vie, alors, quoi que nous fassions à cet égard en vaut la peine.
L'objection que je pose au projet de loi du sénateur Kenny ne porte pas sur le but qu'il essaie d'atteindre. Il essaie de réduire le nombre de fumeurs et de jeunes qui commencent à fumer. L'objection que je pose tient au fait qu'à mon avis, le projet de loi ne devrait pas être étudié maintenant au Sénat. C'était ma position au sujet du projet de loi S-13, puis au sujet du projet de loi S-20, lors de la dernière législature. C'est aujourd'hui ma position à l'égard du projet de loi S-15. Ce projet de loi ne devrait pas se trouver dans cette Chambre.
Selon moi, le projet de loi S-15 traite de fiscalité. Ainsi, il ne convient pas de l'adopter ici. J'ai déjà présenté cet argument. Toutefois, j'ai fait l'erreur de ne pas le présenter la dernière fois, lorsqu'un collègue a déclaré que nous avions ici consentement unanime en faveur du projet de loi.
Honorables sénateurs, je souligne clairement ma préoccupation quant au processus. S'il s'agit d'un impôt, c'est un impôt spécialement affecté. En démocratie parlementaire, certaines raisons justifient le fait que nous ayons rarement, voire jamais, recours aux impôts spécialement affectés.
D'après la terminologie, il ne s'agit pas d'une taxe mais d'une redevance. J'ai beaucoup de difficulté à faire la différence entre le projet de loi S-15, qui appliquera 1,75 $ par cartouche, et le projet de loi qui a été présenté à la Chambre des communes aujourd'hui, prévoyant l'imposition de 2 $ par cartouche. Dans le premier cas, on parle de taxe d'accise et, dans le second, de redevance.
Chacun de ces projets de loi traite de notre monnaie. Chacun d'eux prévoit l'augmentation du prix de la cartouche de cigarettes. Chacun d'eux, on peut le supposer, servira directement ou indirectement pour le bien collectif.
Ce projet de loi a été rejeté par le gouvernement au cours de la dernière législature pour des motifs d'ordre procédural, à défaut d'une meilleure expression. Il a été rejeté parce qu'il ne convenait pas que le Sénat le présente à la Chambre des communes. Quelqu'un s'y est opposé et, sans aller dans des détails que je ne comprends pas, le Président de l'autre endroit, même si notre Président en avait décidé autrement, a jugé que le projet de loi ne pouvait pas être présenté par le Sénat. Si je me souviens bien, c'est parce qu'il s'agissait d'un projet de loi portant sur la fiscalité.
Sauf erreur, certaines modifications ont été apportées au projet de loi. Je l'ai lu en entier et j'ai comparé les articles traitant de fiscalité, c'est-à-dire les articles où il est question de prélèvement. La Chambre des communes n'a pas accepté l'article 35 du projet de loi S-20. J'ai comparé cet article à l'article 35 du présent projet de loi.
Honorables sénateurs, je n'ai trouvé aucune différence fondamentale qui serait susceptible de nous convaincre d'accepter le projet de loi cette fois-ci alors que nous l'avons rejeté la dernière fois. Bien que tout le monde ait une mémoire institutionnelle, la seule différence possible que j'ai constaté entre ce projet de loi et la version antérieure à l'étude par l'autre endroit est le fait que le Président et le greffier sont différents. C'est peut-être cela qui a changé. Je ne sais pas.
Je me demande si on l'a examiné du point de vue qu'il est légitime de dissuader les jeunes de fumer et que si c'est ce n'est pas la meilleure façon d'y parvenir, quelle autre méthode tout aussi légitime existe-t-il? Nous pourrions assurément effectuer un prélèvement sur les produits du tabac et le verser à la Fondation des maladies du coeur. Les médecins et la Fondation sont sûrs d'une chose, le tabac, qui est sans doute le premier responsable des crises cardiaques et des accidents cérébrovasculaires, pourrait faire l'objet d'un contrôle quelconque.
Toutefois, ne devrions-nous pas verser des fonds à des organisations vouées à la lutte contre le cancer du sein ou le cancer de la prostate? Nous savons que le tabac est l'une des causes de ces maladies également. Pourquoi ne pas prélever une taxe sur les cigarettes et autres produits du tabac pour financer la lutte contre ces maladies graves?
(1550)
À mon avis, la raison pour laquelle on ne le fait pas est que, dans notre démocratie parlementaire, nous avons développé au cours des années un système de gouvernement où l'on donne la priorité aux questions importantes. Un gouvernement est élu en fonction du programme électoral qu'il présente, où il établit ses priorités. Afin de financer ces priorités, il faut un budget. Le Parlement du Canada discute du budget et décide de l'approuver ou non. Puis il y a les crédits. Des taxes et des impôts sont prélevés par les autorités pertinentes à cette fin. Les recettes fiscales, qu'elles soient le produit de la taxe sur les cigarettes ou de l'impôt sur le revenu, viennent de la poche des électeurs. On établit de façon générale la source de ces fonds, que l'on dépense sur les priorités pour lesquelles le gouvernement est responsable en bout de ligne. Des comités débattent des crédits et les contestent. Le gouvernement fait l'objet de vérifications et la population le tient responsable en définitive d'avoir ou non choisi les bonnes priorités et dépensé sagement l'argent des contribuables. À partir de là, les électeurs peuvent décider si le gouvernement mérite de rester en place.
Un élément nouveau s'est ajouté: les compagnies de tabac appuient maintenant le projet de loi. Elles n'étaient pas en faveur des projets de loi S-13 et S-20, mais elles appuient le projet de loi S- 15. Lorsque les deux premiers étaient à l'étude, les compagnies de tabac pouvaient encore commanditer des événements sportifs et culturels. Le gouvernement leur a depuis retiré ce droit. On a constaté au cours des dernières années un changement radical dans la stratégie de relations publiques des grosses compagnies de tabac.
Ce n'est pas parce qu'elles ne veulent plus vendre de cigarettes ni faire des profits avec les fumeurs. Je me souviens de ce proverbe selon lequel il faut se méfier des Grecs qui veulent nous offrir un cadeau. Peut-être que, de la part des compagnies de tabac, ce cadeau prend la forme de revues éducatives attrayantes sur des sujets d'intérêt destinées à divers segments de la population. Ces revues sont distribuées gratuitement et sont évidemment laissées bien en vue sur des tables à café. Comme par hasard, le nom de la compagnie, du Maurier par exemple, apparaît dans ces publications.
Je ne crois pas vraiment que les grands cigarettiers aient renoncé à vendre des cigarettes aux Canadiens de tout âge. Nous sommes témoins d'une transformation majeure. J'ignore où cela va mener, mais je ne souhaite pas qu'on pense que j'en fais partie.
Le sénateur Kenny, qui a parrainé ce projet de loi, mérite bien des félicitations. Il a inlassablement défendu ses propositions qui ont tout d'abord été avancées dans le projet de loi S-13, puis dans le projet de loi S-20 et maintenant dans le projet de loi S-15, qui en est aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture. Le sénateur Kenny a sensibilisé les médias, le public et le gouvernement à cette question. Au cours des dernières années, il a parcouru des milliers de milles, donné des douzaines d'entrevues et rencontré bon nombre d'organisations et probablement aussi des milliers de citoyens avec lesquels il s'est entretenu. Il a dépensé des centaines de milliers de dollars pour faire la promotion de ses projets de loi.
Le projet de loi C-26, qui a été lu une première fois au Sénat aujourd'hui, pourrait bien ne pas avoir vu le jour sans le projet de loi S-15. Le sénateur Kenny a à lui seul fait beaucoup de publicité et créé beaucoup d'intérêt pour cette question au cours des quelques dernières années.
Son Honneur le Président: Je suis désolé d'interrompre le sénateur Bryden, et peut-être ne devrais-je pas le faire, mais notre Règlement prévoit que le parrain d'un projet de loi a droit à 45 minutes, tout comme le sénateur qui prend la parole immédiatement après. Cependant, l'opposition a demandé à quelques reprises que l'on interprète cette règle comme accordant 45 minutes au parrain d'un projet de loi et 45 minutes au premier orateur du parti opposé.
Je soulève la question maintenant, croyant que les sénateurs voudront peut-être respecter cette coutume. Le sénateur Kinsella aurait peut-être des commentaires à faire à ce sujet. Je ne sais pas s'il y a quelqu'un d'autre qui veut prendre la parole à ce sujet de l'autre côté. C'est une situation un peu inhabituelle puisqu'il s'agit d'un projet de loi émanant d'un sénateur.
Je voulais donc faire cette observation. Je suis désolé d'avoir interrompu le sénateur Bryden. Je pourrais interpréter le Règlement comme signifiant que le sénateur Bryden a droit à 45 minutes, mais pour préserver le droit d'un sénateur de l'autre côté à parler pendant 45 minutes également, j'aimerais demander aux sénateurs s'ils autorisent le sénateur Bryden à poursuivre.
La permission est-elle accordée?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Cela règle la question.
L'honorable Marcel Prud'homme: Son Honneur a soulevé une question très importante et je suis très heureux qu'il l'ait fait. Il est évident que le Règlement accorde une période de 45 minutes au premier orateur, dans le cas présent, le sénateur Kenny. Toutefois, il importe de souligner dans le débat d'aujourd'hui que l'esprit du Règlement, tant ici qu'à l'autre endroit, n'est pas d'accorder une deuxième période de 45 minutes à un membre du même côté de la Chambre.
(1600)
La règle existe essentiellement afin de permettre à quelqu'un de l'autre côté d'intervenir. Je ne veux participer qu'à la discussion sur le Règlement. Pour l'avenir, nous devons protéger l'esprit dont s'inspire la règle selon laquelle le premier orateur dispose de 45 minutes et le premier orateur de l'autre côté dispose également de 45 minutes.
Je ne m'oppose pas à ce qu'on accorde plus de temps à l'honorable sénateur, mais je crois que l'on devrait suivre l'esprit de la règle. Cette dernière a été formulée de telle sorte que les sénateurs des deux côtés de la Chambre disposent d'un temps égal, sinon, cela n'a aucun sens. Cela reviendrait à dire que les deux premiers sénateurs qui désirent intervenir auront 45 minutes.
Honorables sénateurs, je m'en remets au gouvernement et à l'opposition, s'ils ont une opinion à ajouter à mes observations. Je crains cependant que nous n'établissions un précédent aujourd'hui. À l'avenir, quelqu'un pourrait rappeler à la Chambre qu'on a laissé faire ce jour-là et que personne n'a réagi. Par conséquent, c'est ainsi que les choses se feront.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je suis d'accord avec l'analyse du sénateur Prud'homme, mais en l'occurrence nous avons cédé notre tour au sénateur Bryden, qui accomplit un excellent travail.
Le sénateur Bryden: Honorables sénateurs, il y a un défaut fondamental dans le processus. Ce n'est pas une critique que j'adresse au parrain du projet de loi, le sénateur Kenny. Il s'est servi des outils à sa disposition. Je ne crois tout simplement pas que cet outil soit approprié. Je vais donner un exemple.
J'ose dire que beaucoup de sénateurs ont à coeur une question sociale qui est à leurs yeux d'une importance fondamentale. Par exemple, la pauvreté chez les enfants revêt une extrême importance pour moi, tout comme la prostitution juvénile revêt une extrême importance également pour le sénateur Pearson. La toxicomanie revêt tout autant d'importance pour beaucoup de sénateurs, car elle ruine tellement de vies.
Ces questions ne sont pas plus légitimes — sauf peut-être dans notre esprit — que la position du sénateur Kenny à l'égard du tabagisme chez les jeunes. Il s'agit d'une préoccupation bien légitime.
Mon seul problème, honorables sénateurs, c'est que le Sénat présente ce projet de loi, qui prévoit le prélèvement d'un montant auprès d'une source, et je me demande si nous pouvons traiter une telle question.
Je doute que nous devrions le faire car nous risquons de provoquer le chaos. Notre système de démocratie parlementaire et de gouvernement responsable s'est développé et a pris la forme que nous connaissons. On trouve parfois qu'il va trop lentement ou trop vite, parce que le système évolue continuellement. Des mises au point sont faites de temps à autre, pour que nous restions tous à l'intérieur de nos limites. En fait, en l'absence de ce système, nous risquerions de nous éparpiller au sujet de questions importantes. D'où vient l'obligation de rendre compte?
Honorables sénateurs, je sais que je pose la question à un moment inopportun. J'aurais dû le faire à l'étape de la deuxième lecture ou au comité. D'ailleurs, je ne m'attends pas à ce que les propos que je tiens cet après-midi modifient ce que je crois être l'opinion de la plupart des sénateurs — le projet de loi sera adopté et renvoyé à la Chambre des communes.
Honorables sénateurs, je sais que bon nombre d'entre vous ne serez pas d'accord avec moi et je ne m'attends pas à ce que vous le soyez. Cependant, il est nécessaire que j'exprime publiquement mon point de vue sur ce projet de loi qu'étudie le Sénat. C'est mon intention. La dernière fois que cette mesure était étudiée au Sénat, j'ai fait valoir mon argument à l'étape de la deuxième lecture et pourtant, le projet de loi a franchi l'étape de la troisième lecture. Je n'étais pas à la réunion où l'on a demandé à tous s'ils étaient favorables à ce projet de loi. Je ne voulais pas que cela se reproduise cette fois.
Si ce n'est pas cette fois-ci, ce sera peut-être la prochaine fois où, pour traiter une question importante, nous déciderons de nous y prendre autrement, par exemple, en mettant de la pression sur le gouvernement au moyen d'interpellations.
Le sénateur Kenny: L'honorable sénateur accepterait-il que je lui pose des questions?
Le sénateur Bryden: Oui.
Le sénateur Kenny: J'apprécie l'intervention du sénateur et les arguments qu'il a défendus. J'aimerais savoir s'il savait que tous les arguments qu'il a fait valoir avaient déjà été présentés au Sénat au Président précédent au cours de l'étude du projet de loi précédent et que le Président avait statué en faveur du projet de loi.
Le sénateur Bryden: Le sénateur aurait-il l'obligeance de répéter la dernière partie de sa question?
Le sénateur Kenny: Je demandais si le sénateur savait que tous les points qu'il vient de faire ressortir avec éloquence avaient été présentés à l'ancien Président, le sénateur Molgat, et que ce dernier a déclaré le projet de loi recevable?
Le sénateur Bryden: J'en suis conscient, honorable sénateur, et je ne prétends pas que le titulaire actuel de la présidence renversera cette décision. Je dis que, lorsque le projet de loi a été renvoyé ailleurs, il a été déclaré irrecevable pour les raisons que j'ai exposées. Je ne demande pas d'autres raisons. Le Sénat peut disposer à sa guise de la décision de l'ancien Président. Nous en sommes saisis selon les règles, et nous pouvons l'adopter, la rejeter ou la modifier.
Le sénateur Kenny: Si je puis me permettre, l'honorable sénateur est-il au courant de la raison principale que le Président de l'autre endroit a donnée pour écarter le projet de loi?
Le sénateur Bryden: L'honorable sénateur pourrait-il me la rappeler?
Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, si je peux paraphraser, le Président de l'autre endroit a dit que, à son avis, le bon sens devait l'emporter. Il ne pouvait comprendre comment il pourrait s'agir d'un prélèvement dans l'intérêt de l'industrie, si le seul but de la fondation est de priver l'industrie de son marché futur.
Les parties du projet de loi auxquelles l'honorable sénateur a fait allusion en disant qu'elles n'avaient pas été modifiées n'étaient pas les parties pertinentes. Les parties pertinentes sont la partie IV et le préambule. Elles rappellent au Président de l'autre endroit que l'industrie s'est présentée devant le Parlement à maintes reprises pour demander qu'on présente un projet de loi de cette nature. Il est clair que le Président de l'autre endroit n'était pas au courant de cela lorsqu'il a pris sa décision et que, par conséquent, ces parties ont été incluses dans le projet de loi S-15. J'espère que cette fois, nous n'oublierons pas ce fait.
Le sénateur Bryden: Honorables sénateurs, je sais que certaines dispositions ont été ajoutées à ce projet de loi et j'ai lu les changements concernant l'utilisation des fonds. J'ai alors compris ce que le sénateur avait souligné. Pourquoi l'industrie ferait-elle quelque chose qui réduirait éventuellement ses revenus?
Honorables sénateurs, même si les mots et les paragraphes sont différents, je ne peux toujours pas accepter l'idée que l'industrie agit dans son meilleur intérêt, à cause du mot «prélèvement». C'est peut- être dans son meilleur intérêt maintenant, puisque l'industrie a modifié sa position. Peu importe sous quel angle on examine la chose, j'ai du mal à comprendre comment, en imposant une taxe à l'industrie, c'est-à-dire en augmentant de 2 $ le prix d'une cartouche de cigarettes par ce projet de loi et de 1,75 $ par le nouveau projet de loi sur la santé, on va faire grimper ses profits à long terme. Je sais que le sénateur propose certains changements dans le projet de loi S- 15.
(1610)
Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, si je puis me permettre de poser une autre question, est-ce que le sénateur Bryden est familier avec la Loi de 1997 sur le droit d'auteur, dans laquelle une redevance presque identique à celle-ci a été présentée sans motion de voies et moyens?
Le sénateur Bryden: J'en ai entendu parler dans les médias, comme la plupart des gens. Je n'y ai pas travaillé au Parlement.
Le sénateur Kenny: Le sénateur sait-il que cette redevance, qui a été présentée sans motion de voies et moyens, de même que celle des déversements de pétrole au milieu des années 80, qui a aussi été présentée sans motion de voies et moyens, ont été trouvées conformes au Règlement par la présidence de l'autre endroit?
Le sénateur Bryden: Je crois que oui.
Étant donné que le sénateur se livre à un contre-interrogatoire, je ferai comme au tribunal et je dirai que je voudrais avoir les détails de chacun de ces cas. Je serais très étonné qu'ils soient exactement identiques à ce que nous avons ici.
L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai présidé le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui a approuvé à l'unanimité et sans dissidence un projet de loi antérieur parrainé par le sénateur Kenny. À l'époque, je nourrissais des réserves que je n'ai pas exprimées. J'avais parfaitement le droit d'intervenir dans le débat mais, en tant que président, j'estimais que je ne devais pas le faire. Cela me gêne un peu aujourd'hui.
Je vais maintenant ajouter considérablement à l'embarras et à la déconfiture du sénateur Bryden en lui disant que j'approuve sa position, concernant notamment l'impôt spécialement affecté. Je ne suis pas en mesure d'émettre un jugement autorisé sur la question de savoir s'il convient que ce projet de loi vienne du Sénat. Si le sénateur Bryden et moi-même avons raison de dire qu'il s'agit d'un impôt spécialement affecté, le projet de loi ne doit donc pas venir d'ici. D'où qu'il vienne, j'ai énormément de problème avec le principe d'un impôt spécialement affecté, tout comme le sénateur Bryden, je crois.
Mon troisième motif d'embarras, c'est que je ne suis pas souvent d'accord avec le ministère des Finances. Dans ce cas-ci, je crois toutefois que sa position de principe est solide.
J'ai voulu faire ces observations, honorables sénateurs, parce que j'admire le sénateur Bryden d'avoir bravé ici ce qui me semble être une majorité importante en faveur du projet de loi. Il a probablement pensé qu'il formait une minorité d'une personne. Je tiens simplement à lui donner l'assurance qu'il fait partie d'une minorité de deux.
Le sénateur Bryden: Nous nous épaulons.
L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'ai été président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui a tenu des audiences sur cette question. Nous avons tenu des audiences à Vancouver, à Calgary, à Edmonton, à Toronto et à Montréal. Outre le comité, il y a un sous-comité qui a tenu des audiences à St. John's et à Halifax.
À propos, honorables sénateurs, ce n'est pas moi qui ai dit que le sénateur Bryden détenait peut-être des actions dans des sociétés de tabac. Je ne le croyais pas si riche. Quelqu'un d'autre l'a peut-être cru assez à l'aise pour cela.
Pourquoi une nouvelle fondation? Lors des audiences du comité, un certain nombre de témoins ont dit que si nous mettions sur pied une fondation, ils seraient heureux de dépenser l'argent pour nous. Nous avons pensé qu'une fondation indépendante était la solution idéale.
Je viens d'une assemblée législative et d'une province de l'Ouest où les impôts spécialement affectés font partie intégrante d'un mouvement populaire. Les Canadiens de l'Ouest ont très peur de donner un dollar à des politiciens en leur demandant de le dépenser là où ils le jugent opportun. Dans une large mesure, les impôts spécialement affectés s'inscrivent dans un mouvement populaire.
Il est impossible de diriger un pays en s'appuyant seulement sur des impôts spécialement affectés, mais comme j'ai fait partie de l'opposition pendant plusieurs années, je voulais que tous les impôts soient spécialement affectés pour avoir mon mot à dire à leur sujet. Lorsqu'on est un représentant du parti ministériel, on ne veut pas d'impôt spécialement affecté parce qu'on veut n'avoir aucune contrainte et pouvoir dépenser les fonds à sa guise.
Pourquoi les fabricants de produits de tabac appuient-ils ce projet de loi? Le comité n'a pas réussi à le savoir non plus. Nous sommes allés de l'un à l'autre. Nous avons entendu différentes raisons. Un groupe croyait que, s'il appuyait le projet de loi, la consommation de tabac passerait pour un plaisir adulte, incitant ainsi les jeunes à fumer. C'était un point de vue douteux. Un autre croyait que les fabricants de tabac appuient le projet de loi parce qu'ils estiment qu'il n'ira nulle part et que l'idée des sénateurs Bryden et Murray l'emportera. Les fabricants de tabac estiment que le projet de loi sera rejeté, mais ils voulaient être du côté des anges. Si la mesure était rejetée, ils pourraient dire qu'ils l'ont appuyée. Si elle était adoptée, ils pourraient dire qu'ils l'ont appuyée. D'une manière ou d'une autre, je ne fais que transmettre des opinions.
Je suis président d'un comité formé d'un grand nombre de membres, soit jusqu'à douze aux différentes audiences. Tous étaient unanimes pour dire qu'il fallait faire quelque chose et qu'il fallait beaucoup d'argent. Un dollar ne suffit pas. Ce serait comme gonfler un pneu. Si vous mettez cinq livres alors qu'il en faut vingt, vous ne serez guère plus avancé que si vous n'aviez rien mis du tout dans le pneu. Nous voulions un montant plus élevé, et cette notion semble recueillir l'appui de bien des États américains.
Le comité a également entendu le point de vue selon lequel cette démarche pourrait ne pas convenir et que nous pourrions être embarrassés. Eh bien, faisons fi de tout cela. N'importe quel sénateur devrait pouvoir présenter le projet de loi qu'il veut. Ce dernier sera débattu, puis adopté ou rejeté. Nous ne devrions pas adopter ou rejeter le projet de loi S-15 parce que nous croyons que quelqu'un invoquera la Bible ou quelque autre livre pour dire que nous sommes dans l'erreur. Autrement dit, honorables sénateurs, si vous croyez que c'est ce qu'il faut faire, votez en faveur de ce projet de loi. Si vous croyez le contraire, votez contre le projet de loi. Toutefois, si vous croyez que c'est ce qu'il faut faire, vous ne devriez pas vous inquiéter que le projet de loi soit rejeté au terme du processus.
C'est tout ce que j'avais à dire.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Kenny, appuyé par le sénateur Kroft, propose: Que le projet de loi S-15 soit lu une troisième fois maintenant.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)
(1620)
PROJET DE LOI SUR LA RACE NATIONALE DE CHEVAUX DU CANADA
DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Lowell Murray propose: Que le projet de loi S-22, Loi portant reconnaissance du cheval de race canadienne comme le cheval national du Canada, soit lu une deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je peux garantir à mes collègues qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi de finances. Il n'y a pas de dépenses prévues et il est tout à fait approprié que cette mesure vienne du Sénat. J'entends faire quelques observations préliminaires sur la question à ce stade-ci et ensuite, si vous le permettez, je vais proposer l'ajournement du débat et terminer mes observations à une date ultérieure.
Permettez-moi de dire au départ que l'objet du projet de loi intéresse beaucoup de gens dans l'Ontario rural, où je vis, surtout dans le comté de Lanark. À Pakenham, où j'habite, on retrouve des gens qui sont des membres actifs de la Société des éleveurs de chevaux canadiens de l'Ontario. L'un de nos collègues parlementaires, qui vient également d'une autre région de l'Ontario rural, M. Murray Calder, le député de Dufferin-Peel- Wellington-Grey, a saisi la Chambre des communes à l'heure actuelle d'un projet de loi identique à celui-ci dans tous ses aspects importants.
M. Calder a également présenté à l'autre endroit un projet de loi semblable sinon identique aux propositions faites par le sénateur Milne au sujet du caractère secret des renseignements personnels recueillis dans le cadre du recensement national. Je tiens à préciser que même si je souscris à son initiative tendant à reconnaître le cheval de race canadienne, je ne suis absolument pas d'accord avec son initiative tendant à rendre publics les renseignements personnels recueillis dans le cadre du recensement. Quoi qu'il en soit, si cela vous intéresse, le projet de loi de M. Calder tendant à reconnaître le cheval de race canadienne comme le cheval national du Canada est le projet de loi C-311.
Honorables sénateurs, cette question n'intéresse pas seulement l'Ontario rural. En fait, l'un des plus grands défenseurs de ce projet de loi — je regrette que l'honorable sénateur ne soit pas à son siège en cet instant précis — est le sénateur Fairbairn qui, je l'espère et j'y compte bien, interviendra à propos de ce projet de loi. En tant qu'Albertaine, Mme le sénateur Fairbairn est tout à fait consciente du rôle que cet animal a joué dans le développement de l'ouest du Canada et dans celui des Maritimes et de l'Ontario. Je suis impatient d'entendre ce qu'elle va dire à ce sujet. J'avais espéré qu'elle appuierait la motion portant deuxième lecture aujourd'hui, mais peut-être devrons-nous laisser cela pour la troisième lecture.
Honorables sénateurs, le symbolisme est important, mais ce débat et, j'espère, l'adoption de ce projet de loi nous permettront aussi de nous concentrer sur la nécessité de maintenir les standards de cette race. La préservation des standards de la race n'est pas une préoccupation nouvelle pour le Parlement. Cette question a fait l'objet d'un débat parlementaire à l'époque de sir Wilfrid Laurier. J'ai ici la transcription de la réunion de mars 1909 du Comité spécial permanent de l'agriculture et de la colonisation de la Chambre des communes, qui traite de cette question, soit la nécessité de préserver les standards de la race. Je m'y référerai un peu plus tard dans mon discours.
Enfin, en guise d'introduction aujourd'hui, je souligne que cette question, comme presque toutes celles qui nous sont soumises, comprend un volet fédéral-provincial. Il y a eu tout un mouvement à Québec pour que ce cheval soit déclaré le cheval du Québec. L'Assemblée nationale a tenu un débat à ce sujet il y a un certain temps. Toutefois, je n'ai pas pris le temps de vérifier ce qui en est ressorti.
Je ne vois aucun motif d'empêcher le Québec de faire de cet animal son symbole chevalin, si c'est ce qu'il désire. Ce n'est qu'une autre chose que le Québec partage avec le reste du pays. Toutefois, j'insiste sur le fait que, depuis le tout début, cet animal était connu sous l'appellation de cheval canadien. Plus tard, en anglais, au comité parlementaire du tournant du XXe siècle, on a parlé du «French Canadian Horse». De nos jours, il porte de nouveau l'appellation de cheval canadien et il appartient à la race canadienne. Peu importe ce que peut avoir décidé de faire l'Assemblée nationale du Québec, ou ce qu'elle peut souhaiter à cet égard, rien ne nous empêche, selon moi, d'agir à notre guise et de reconnaître ce cheval comme le cheval national du Canada.
Après ces quelques mots d'introduction, honorables sénateurs, et maintenant que vous êtes au courant des sujets que j'aborderai à une date ultérieure et sur lesquels j'aurai entre-temps l'occasion de méditer, je propose l'ajournement du débat.
(Sur la motion du sénateur Murray, le débat est ajourné.)
PÊCHES
BUDGET ET DEMANDE D'AUTORISATION D'ENGAGER DU PERSONNEL ET DE SE DÉPLACER—ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ
Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches (budget-étude sur l'industrie des pêches), présenté au Sénat le 10 mai 2001.—(L'honorable sénateur Comeau).
L'honorable Gerald J. Comeau: Je propose que ce rapport soit adopté.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION
ADOPTION DU CINQUIÈME RAPPORT DU COMITÉ
Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budgets de certains comités-législation), présenté au Sénat le 10 mai 2001.—(L'honorable sénateur Kroft).
L'honorable Richard H. Kroft: Je propose que ce rapport soit adopté.
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais souligner qu'il s'agit du rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budget de certains comités-législation). Ces budgets ont-ils été approuvés par le sous-comité après que les comités permanents aient demandé des budgets lesquels, par la suite, ont été approuvés par le Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration?
[Traduction]
Le sénateur Kroft: C'est exact.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION
ADOPTION DU SIXIÈME RAPPORT DU COMITÉ
Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (échelle salariale et conditions d'emploi des employés non représentés), présenté au Sénat le 10 mai 2001.—(L'honorable sénateur Kroft).
L'honorable Richard H. Kroft: Je propose que ce rapport soit adopté.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
(1630)
LE SYSTÈME AMÉRICAIN DE DÉFENSE ANTIMISSILES
MOTION RECOMMANDANT AU GOUVERNEMENT DE NE PAS EN APPUYER LE DÉVELOPPEMENT—MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Roche, appuyée par l'honorable sénateur Finestone, c.p.:
Que le Sénat du Canada recommande que le gouvernement du Canada évite de participer et d'aider au développement d'un système national de défense antimissiles (NMD) qui irait à l'encontre des obligations juridiques inscrites dans le Traité sur les missiles antimissiles balistiques, lequel est la pierre angulaire de la stabilité stratégique et un important fondement des efforts internationaux faits en matière de désarmement et de non-prolifération nucléaires depuis près de 30 ans;
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Finestone, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Bacon, que la teneur de la motion soit renvoyée au Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité pour étude et rapport au Sénat.—(L'honorable sénateur Kinsella).
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais faire quelques observations à ce stade. Si j'ai bien compris, nous sommes saisis d'un amendement à la motion du sénateur Roche. La motion d'amendement présentée par madame le sénateur Finestone propose que la teneur de la motion du sénateur Roche soit renvoyée au Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité pour étude et rapport au Sénat. J'interviens au sujet de la motion d'amendement. J'imagine que j'aurai la possibilité de parler de la motion principale pour laquelle j'avais, à l'origine, demandé l'ajournement.
Honorables sénateurs, comme nous le savons tous, des fonctionnaires américains sont aujourd'hui à Ottawa pour expliquer à leurs homologues canadiens le programme national de défense antimissiles élaboré par nos alliés, les États-Unis.
On a signalé que le gouvernement du Canada n'était pas trop sûr de ce que la proposition comportait. Le premier ministre aurait dit qu'il n'avait pas de parti pris à l'égard du système NMD et que le gouvernement n'avait encore pris aucune position dans ce dossier.
Le premier ministre a été interrogé à ce sujet pas plus tard qu'hier, alors qu'il se trouvait à Atlanta, en Géorgie. Il a affirmé que les fonctionnaires canadiens recueillaient des renseignements. Il semble en effet que la position du gouvernement soit en train de glisser par rapport à celle que l'ancien ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, avait d'abord présentée. Il s'opposait à un tel système de défense antimissiles. J'estime que la position que le premier ministre a défendue hier est prudente. Nous devrions nous renseigner davantage sur le système proposé.
On peut alors se demander quel sera le meilleur endroit où les sénateurs pourront se pencher sur la question. Serait-ce, tel que le propose le sénateur Finestone, notre nouveau Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité, ou plutôt le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères? Nous connaissons le mandat de ces deux comités. Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères étudie depuis longtemps des questions qui lui sont transmises en vertu d'ordres de renvoi stricts provenant du Sénat. Aucun ordre de renvoi n'a jamais été transmis au nouveau Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité. Aussi, dans cette optique, je ne suis pas certain que ce comité serait le plus approprié dans le cas présent. Il y a un certain nombre de questions auxquelles il faut répondre avant de pouvoir déterminer à quel comité il conviendrait de soumettre cette question.
Je ne souhaite pas rester silencieux aujourd'hui, par crainte que les dignitaires en visite à Ottawa aujourd'hui en concluent qu'au Sénat canadien, l'opposition ne s'intéresse pas sérieusement à cette question. Cependant, nous voulons procéder à une analyse méthodique de la question, comme il est indiqué dans les circonstances.
L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, je précise au sénateur Kinsella que le domaine de responsabilité du Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité s'étend au-delà de la stricte définition de «défense», selon l'acceptation générale du terme.
Le système de défense antimissiles fait beaucoup intervenir la science et la technologie, de même que la recherche et le développement. J'ai des réserves au sujet de ce projet et je ne sais pas s'il est réaliste. Je pense que nous avons besoin d'un dialogue continu. Je n'étais pas sûre de l'endroit où devait se dérouler ce dialogue, mais il pourrait bien avoir lieu au sein du Comité de la défense ou du Comité des affaires étrangères.
Puisque le nouveau président du Comité de la défense vient d'être nommé et que celui du Comité des affaires étrangères n'était pas disponible, j'ai choisi le Comité de la défense. Si cela pose un problème, nous pouvons en discuter. Le plus important est d'avoir un dialogue. Il faut savoir quelle est la position du Canada, quelle sera sa participation, si participation il y a, et quelles seront les conséquences d'un rejet par le Canada d'un tel plan.
Je pense, comme le premier ministre, que la destruction des armes nucléaires serait un pas important vers la sécurité et la paix sur la terre.
Son Honneur le Président: Je considère cela comme une observation, ce qui est autorisé. Le sénateur Finestone a parlé précédemment.
Le sénateur Finestone: Ce devait être une question.
Son Honneur le Président: C'est une observation exprimée pendant votre temps de parole, sénateur Kinsella. Vous êtes autorisé à répondre, si vous le désirez.
Le sénateur Finestone: C'était un commentaire, Votre Honneur. Peu importe quel comité sera choisi, pourvu que la question soit étudiée.
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ajoute mes observations à celles des honorables sénateurs Kinsella et Finestone.
J'étais sur le point d'entrer à la Chambre des communes, vers 1962, lorsque de très importants visiteurs américains vinrent à Ottawa. Ces visiteurs influents des États-Unis ont rencontré le Très honorable Lester B. Pearson et les membres de son personnel au sujet d'un autre dossier, vers l'époque où je terminais mes études. Les honorables sénateurs se souviendront peut-être qu'après cette visite, le Canada a accepté, en 1963, la présence d'armes nucléaires sur son territoire.
Lorsque d'importants visiteurs américains, aussi amicaux soient- ils, viennent chez nous et abordent des sujets qui font l'objet de longues discussions, je me rappelle toujours l'époque où des visites semblables nous avaient amenés à accepter la présence d'armes nucléaires au Canada.
Je ne veux pas revenir sur cette question aujourd'hui, mais les honorables sénateurs se souviendront que nous avions accepté la présence des armes nucléaires pour pouvoir mieux en négocier le retrait. C'est ainsi que les libéraux avaient décidé de gérer la situation en 1962. La question avait été un thème des élections de 1963. Le Très honorable Pierre Elliott Trudeau avait rédigé un célèbre article, dans lequel il qualifiait le Très honorable Lester Pearson de «défroqué de la paix».
Le Sénat devrait faire figure d'assemblée idéale où la démagogie n'a pas sa place. Comme deux de nos collègues l'ont dit, quel est l'endroit le mieux indiqué pour étudier la question?
Madame le sénateur Finestone a soulevé cette question la première, puis le sénateur Roche l'a fait. Le sénateur Kinsella joint maintenant sa voix à celle du sénateur Finestone et demande quel est le comité le plus compétent. La question devrait être renvoyée à un comité. Je n'ai aucune objection à ce qu'elle soit renvoyée au Comité des affaires étrangères ou au Comité de la défense et de la sécurité. Quel que soit le comité, j'y serai.
J'ai présidé sans aucun problème pendant 14 ans le Comité des affaires étrangères de la Chambre des communes. J'assisterai certainement aux séances, parce qu'elles vont revêtir un grand intérêt pour l'avenir. Il ne s'agit aucunement d'une réaction anti- américaine. Nous participons au débat d'une question d'importance mondiale.
(1640)
Je ne participerai pas davantage au débat sur l'amendement ou la motion principale. Néanmoins, je suis convaincu que cette mesure devrait être renvoyée à un comité, soit celui qu'a proposé le sénateur Finestone, soit le Comité des affaires étrangères.
Il convient que le Comité des affaires étrangères entreprenne de longues études sur des questions semblables. Cela me rappelle l'époque où le comité a étudié l'importance de la région Asie- Pacifique pour le Canada. Pendant que le comité effectuait cette étude, l'Asie s'est effondrée. Les honorables sénateurs s'en souviennent-ils?
J'aime que les comités amorcent des études à long terme et à court terme. Celle-ci devrait être intense et brève. Si cette question est renvoyée au Comité des affaires étrangères, le comité pourrait, tout en l'étudiant, poursuivre son étude sur l'Ukraine et la Russie.
Si on me demandait mon avis, je dirais que le dossier devrait être renvoyé au comité du sénateur Rompkey, puisque ce comité est nouveau. Les honorables sénateurs remarqueront que je ne me suis pas opposé à la création de nouveaux comités, même si je ne suis pas membre de ce nouveau comité.
Je remercie le sénateur Finestone d'avoir porté cet amendement à notre attention ainsi que le sénateur Kinsella de nous avoir aidés dans nos réflexions.
Le sénateur Kinsella: Je remercie les honorables sénateurs de leurs commentaires au sujet de mon intervention.
À mon avis, les interventions contribuent à mettre en évidence la question sérieuse sur laquelle nous nous penchons. Sommes-nous surtout préoccupés par la dimension «armement militaire stratégique»? Si c'est le cas, il se peut alors que le nouveau Comité sénatorial de la défense et de la sécurité soit le comité le plus pertinent.
Toutefois, si nous nous intéressons davantage aux relations internationales et, en particulier, au traité international sur les missiles antimissiles balistiques, ce sont d'après moi des enjeux qui relèvent nettement du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Les dimensions de cette question ont plus à voir avec un comité international et la paix internationale. Cela concerne directement l'élaboration de la politique gouvernementale destinée à régler cette question, qui est tout à fait d'ordre international. Ayant suivi le débat du point de vue d'un profane, je constate que de nombreux pays semblent attendre que les autres posent le premier geste. La Russie attend de voir ce que cela signifie. Dans ce contexte, cette question semble vraiment s'inscrire sous la rubrique des relations internationales.
Il serait peut-être utile, honorables sénateurs, que le leader du gouvernement au Sénat nous dise quel est, de l'avis du gouvernement, le comité qui serait le plus pertinent, ainsi que le mandat que nous voudrions que le Sénat confie au comité auquel la question sera renvoyée.
Malgré tout le respect que m'inspire la motion, je ne pense pas que, dans son libellé actuel, elle énonce de façon très claire et précise l'ordre de renvoi que nous donnerions à ce comité au sujet d'une question d'une telle importance.
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, puisque le sénateur Kinsella demande au gouvernement plus d'informations au sujet de l'amendement, je demande l'ajournement du débat. Je conviens avec tous les honorables sénateurs qu'il s'agit d'une question très importante. C'est une question d'actualité d'autant plus importante que cette semaine, une délégation viendra nous informer sur ce que devrait être le programme dont il est question.
[Traduction]
Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, pourrais-je ajouter une observation?
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'écoutais le sénateur Robichaud. Je veux bien interpréter le Règlement de manière à laisser autant de liberté que possible pour échanger des idées dans le débat. Nous sommes saisis d'une motion, ne pouvant faire l'objet d'un débat, de la part du sénateur Robichaud, qui propose l'ajournement du débat. Cependant, le sénateur Prud'homme veut absolument faire une observation, je présume, au sujet de cette motion.
Les honorables sénateurs permettent-ils au sénateur Prud'homme de faire une observation?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Prud'homme: Je remercie les honorables sénateurs. Je suis heureux que le leader adjoint du gouvernement ait dit que nous aurons des visiteurs cette semaine. Les honorables sénateurs auront ainsi l'occasion de se préparer pour la visite d'une très importante délégation de dix parlementaires russes de la Douma qui seront en visite officielle à Ottawa les 28 et 29 mai. Leur visite se fera sous l'égide du Président. En fait, ils seront les invités des Présidents des deux Chambres. Il y aura une réunion de l'association Canada- Russie, et ce serait alors le moment idéal pour commencer à poser des questions.
(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)
LA SITUATION DE L'AIDE JURIDIQUE AU CANADA
INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Callbeck, attirant l'attention du Sénat sur la situation de l'aide juridique au Canada et les difficultés qu'éprouvent de nombreux citoyens à faible revenu à obtenir une aide juridique satisfaisante, tant au criminel qu'au civil.—(L'honorable sénateur Hubley).
L'honorable Joan Cook: Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour poursuivre le débat sur la motion de l'honorable sénateur Callbeck concernant l'aide juridique au Canada. Je vais surtout aborder le sujet sous l'angle de l'aide juridique à Terre-Neuve et au Labrador en ce qui a trait à la problématique homme-femme.
L'aide juridique est un programme relevant de l'administration provinciale et partiellement financé par le gouvernement fédéral. Pour le moment, la Commission d'aide juridique n'a pas de manuel de politique ni même un énoncé de politique clair. Les politiques non écrites sont comprises et appliquées diversement par les membres du personnel des différents bureaux. La conséquence est un manque d'uniformité des services et une certaine confusion au sujet des services offerts. Les usagers sont inquiets, et il y a de l'animosité envers certains membres du personnel.
En général, les services d'aide juridique n'interviennent pas dans les questions de pension alimentaire pour enfants, mais se chargent des problèmes de droits de visite. Dans le premier cas, c'est le plus souvent la femme qui est intéressée, tandis que c'est l'homme dans le deuxième. Les services ne représentent pas une femme qui veut obtenir un engagement de ne pas troubler la paix pour se protéger d'un agresseur, mais ils fournissent un avocat à un agresseur inculpé au pénal pour violence conjugale.
Les services d'aide juridique viennent en aide surtout aux personnes inculpées d'actes criminels. Or, il est rare que les femmes soient inculpées de pareils actes. Quatre-vingt pour cent des femmes qui comparaissent devant les tribunaux ne sont pas des récidivistes, et elles sont habituellement inculpées d'infractions mineures comme le vol à l'étalage. Ces infractions sont normalement punissables par procédure sommaire, et l'aide juridique ne fournit pas d'avocat dans ces cas-là, sauf dans des circonstances exceptionnelles.
Honorables sénateurs, l'accès au système d'aide juridique est crucial si nous voulons faire respecter les droits garantis par la loi. Dire que les droits en soi ne sont rien est une lapalissade. C'est la capacité de les faire respecter qui compte.
(1650)
Dans le système juridique canadien, la capacité de faire respecter les droits que confère la loi signifie généralement la capacité d'engager les services d'un avocat. Les femmes constituent un pourcentage important des personnes pauvres et ont donc davantage besoin que les hommes des services juridiques qui sont offerts aux pauvres. Or, les clients de l'aide juridique sont en majorité des hommes.
Honorables sénateurs, les affaires dont sont saisis les tribunaux aujourd'hui sont très différentes de ce qu'elles étaient il y a 30 ans lorsque les services d'aide juridique ont été mis en place à Terre- Neuve et au Labrador; il faut donc rajuster les politiques et les programmes en matière d'aide juridique afin de répondre aux besoins actuels. Par exemple, l'aide juridique aux familles est de plus en plus en demande de la part des personnes sans ressources désireuses de quitter une relation conjugale sans porter atteinte aux droits que leur reconnaît la loi. Bien que la loi permette aux femmes de quitter un partenaire violent ou tout autre partenaire, les femmes n'ont pas accès à l'appareil judiciaire qui les aiderait à modeler les conditions de leur départ. Or, une personne qui essaie d'échapper à une situation violente a moins de chances d'obtenir les services de l'aide juridique que l'agresseur n'en a d'être défendu par l'aide juridique contre des accusations au criminel.
Honorables sénateurs, l'aide juridique ne fournit pas d'avocat à une personne qui essaie de se faire verser la pension alimentaire de ses enfants. Les pensions alimentaires représentent un besoin surtout pour les femmes. L'aide juridique fournit un avocat à une personne qui essaie d'avoir accès à ses enfants; l'accès représente un besoin surtout pour les hommes.
En fixant les objectifs de l'aide juridique, les décisionnaires devraient se souvenir que les deux ordres de gouvernement se sont engagés à améliorer l'équité et l'égalité. Si les responsables de l'orientation de l'aide juridique acceptent le leadership du gouvernement, les objectifs du programme d'aide juridique et les résultats qu'il doit atteindre devront être élargis et énoncés clairement de manière à inclure la reconnaissance des besoins des femmes en matière judiciaire.
Honorables sénateurs, le réalignement de l'aide juridique peut également profiter aux hommes. L'analyse basée sur le sexe peut révéler en quoi les valeurs et les hypothèses sur lesquelles reposent nos lois et politiques limitent également le choix des hommes. Certains des désavantages dont souffrent les femmes sont partagés par les hommes, et plusieurs des questions que la société définit comme ne concernant que les femmes sont en fait des questions qui touchent la famille, la collectivité et la société. De ce fait, les lois et les politiques qui tiennent compte explicitement des besoins et des priorités des femmes répondront mieux aux besoins des hommes et des femmes et auront pour effet d'améliorer le système pour nous tous.
(Sur la motion du sénateur Hubley, le débat est ajourné.)
[Français]
LA DÉFENSE NATIONALE
LA QUALITÉ DE VIE DES MILITAIRES—INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cohen, attirant l'attention du Sénat sur la qualité de vie des familles militaires et sur la manière dont cette qualité de vie est affectée par les décisions du gouvernement et les politiques des Forces armées canadiennes.—(L'honorable sénateur Pépin).
L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, le 3 avril dernier, le sénateur Cohen déposait un rapport intitulé: «Héros méconnus — Perspectives sur la qualité de vie des familles des militaires canadiens».
Rappelons que ce rapport est le fruit d'une enquête qu'elle a menée en septembre 2000 à la base des Forces armées canadiennes de Gagetown, au Nouveau-Brunswick. Une telle investigation a été rendue possible grâce à la collaboration d'épouses de militaires, d'officiers et de simples soldats.
Lors de son intervention précédant le dépôt de ce document, le sénateur Cohen nous interpellait sur la nécessité de prendre des actions qui permettront aux membres des Forces armées canadiennes ainsi qu'à leur famille de vivre dans de meilleures conditions. Nous remercions le sénateur d'avoir attiré notre attention sur cette question cruciale qu'est la qualité de vie dans la grande communauté des Forces armées canadiennes. C'est un aspect qui est intimement lié au raffermissement du moral de nos troupes.
Même s'il est hasardeux de généraliser les résultats de cette enquête à l'ensemble de l'armée, il n'en reste pas moins que je partage entièrement les préoccupations du sénateur Cohen. En effet, pour autant que les Forces armées canadiennes réussissent sur des questions telles que l'intégration des femmes dans les forces militaires, les Forces armées canadiennes doivent également faire face à des défis tout aussi importants liés à la qualité de vie et au bien-être des militaires et de leur famille.
Il faut reconnaître toutefois que les Forces armées canadiennes ont travaillé à corriger certaines situations, mais il leur reste plusieurs défis à relever. Actuellement, on m'assure que beaucoup de choses sont mises en marche pour améliorer la qualité de vie des membres des Forces armées canadiennes et de leur famille.
Plusieurs recommandations sur la qualité de vie des Forces armées canadiennes ont été mises en oeuvre avec succès depuis 1999. De plus, dans le «Rapport sur les plans et priorités 2001-2002», le ministre de la Défense nationale a réitéré son engagement de mener à bonne fin la mise en oeuvre des recommandations formulées par le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants. Nous les encourageons à persévérer dans cette voie.
Je conviens, avec le sénateur Cohen, que les compressions budgétaires entreprises par le gouvernement pour réduire le déficit n'ont pas aidé les Forces armées canadiennes à améliorer leur situation. Cependant, cette période morose semble se dissiper peu à peu. En 1999 et en 2000, le gouvernement a procédé à deux augmentations budgétaires. L'année dernière, le ministère de la Défense a reçu 175 millions de dollars pour des initiatives relatives à la qualité de vie des militaires.
Ces nouvelles rentrées d'argent ont permis à l'armée de souffler un peu et de mieux se recentrer sur ses principaux objectifs, dont celui d'améliorer le niveau de vie des membres des Forces armées canadiennes et de leur famille.
Aujourd'hui, j'aimerais revenir sur certains points soulevés par le sénateur Cohen. Il n'est pas question ici de me désolidariser de l'intervention de ma collègue, qui réclame du Parlement et du gouvernement fédéral qu'ils trouvent des façons d'améliorer les conditions de vie des familles militaires canadiennes. Mon intention est plutôt d'apporter quelques éclaircissements sur certains points afin que la situation qui prévaut à Gagetown ne nous mène pas à la généralisation.
Comme l'a également mentionné le sénateur Cohen en mai 2000, le Centre Muriel McQueen Fergusson de l'Université du Nouveau- Brunswick et le Centre de recherche pour l'élimination de la violence et des abus de l'Université du Manitoba se sont intéressés à la violence conjugale dans les familles de militaires. Cette équipe de recherche, dirigée par la professeure Harrison, en était arrivée à la conclusion que la violence faite aux
femmes constituait un problème sérieux au sein de la société canadienne et que la communauté des Forces armées canadiennes n'était pas en reste. Dans le but de corriger la situation, 51 recommandations tenant compte de la spécificité du monde militaire ont été adressées à la hiérarchie des Forces armées canadiennes.
J'adhère personnellement à ces recommandations parce que je considère que la violence et les mauvais traitements à l'égard des conjoints et de leurs enfants représentent un problème extrêmement grave.
Cette information sur la violence m'a immédiatement préoccupée. Après avoir communiqué avec les Forces armées canadiennes, j'ai constaté que les Forces armées canadiennes ne restaient pas les bras croisés face à cette importante question. Après avoir fait certains ajustements, elles se sont montrées très réceptives aux recommandations du groupe de travail de la professeure Harrison. Ces recommandations ont été intégrées à un plan d'action sur la violence familiale et il y a eu une rencontre avec Mme Harrison et les dirigeants militaires dans le cadre d'un comité formé afin d'enrayer ce problème. D'autres rencontres sont prévues avec Mme Harrison afin de faire un suivi.
Une brochure bilingue a été publiée à cet effet, en décembre 2000, par la Direction des services aux familles militaires en collaboration avec Santé Canada et l'appui du bureau de projet Qualité de vie des Forces armées canadiennes. Notons que cet outil éducationnel, distribué gratuitement à plus de 40 000 exemplaires, a été bien accueilli par les communautés militaire et civile.
Tout récemment, j'ai été nommée par le ministère de la Défense nationale pour participer aux travaux sur le plan d'action devant remédier au problème de la violence familiale au sein des Forces armées canadiennes. Je me suis engagée à rencontrer les épouses de militaires et leurs conjoints et de faire des visites sporadiques afin de constater les changements et les lacunes à corriger.
Nous n'ignorons pas que les membres des Forces armées canadiennes vivent des situations particulières liées à leur service militaire. S'engager dans l'armée, ce n'est pas seulement se trouver du travail. C'est également se défaire d'un style de vie pour en adopter un autre beaucoup plus exigeant. Les Forces armées canadiennes constituent une institution professionnelle qui exige de ses membres de servir leur pays et de faire passer les besoins de l'armée avant toute considération personnelle. Cet état de choses est rendu plus difficile par les fréquents déménagements et de longues périodes de séparation. Je ne reviendrai pas sur les tensions et les déchirements que cela implique pour les militaires et leur famille. Le sénateur Cohen en a largement fait mention lors de son intervention.
(1700)
Les Forces canadiennes sont conscientes des multiples sacrifices qui sont demandés aux familles ainsi que les difficultés auxquelles les militaires font face pour arriver à trouver un équilibre entre leur engagement envers leur pays et leur vie familiale. C'est la raison pour laquelle l'armée s'est fixé comme priorité de favoriser des politiques et des programmes axés sur l'amélioration de la vie de famille. Cela permettra ainsi aux militaires et à leur famille de maîtriser efficacement les exigences de la vie militaire et de trouver un meilleur équilibre avec leur vie familiale. La hiérarchie militaire nous assure que des mesures sont prises pour réduire les effets des tensions causées par la vie mouvementée et intrépide des soldats.
Les Forces canadiennes misent sur des programmes et des services de soutien et d'entraide aux familles, tels le bien-être économique, social et personnel, pour améliorer la qualité de vie des militaires et de leur famille. On y trouve des mesures facilitant la recherche de logements adaptés à leurs besoins, des soins de santé et des services de soutien pour les conjoints et les enfants. On travaille à une meilleure compréhension entre les militaires et leur famille, d'une part, et les civils et les communautés locales, d'autre part.
Les Forces canadiennes reconnaissent que leurs membres et leur famille vivent dans des conditions uniques qui donnent parfois lieu à de graves préoccupations professionnelles, personnelles et émotionnelles. Pour faire face à cette situation, le ministère de la Défense nationale et l'Agence d'hygiène et de sécurité au travail de Santé Canada ont établi un programme conjoint, le Programme d'aide aux membres des Forces armées canadiennes.
Ce programme est un service bilingue qui permet aux militaires et à leurs proches d'avoir accès 24 heures par jour, 365 jours par année, à de l'aide et à un soutien lorsque des problèmes graves surviennent, comme la consommation excessive d'alcool, la toxicomanie, les problèmes conjugaux, les problèmes de santé, les questions liées au travail — comme le stress post-traumatique, le harcèlement et l'agression sexuelle ainsi que l'épuisement professionnel — et toute autre question qui nécessite une aide d'urgence. Les personnes admissibles peuvent obtenir non seulement des avis immédiats par téléphone, mais elles ont également la possibilité de rencontrer un conseiller. Toutefois, après discussion avec le sénateur Cohen et la professeure Harrison, il semble qu'il y ait encore plusieurs difficultés d'accessibilité à corriger.
Les Forces armées canadiennes ont également mis à la disposition des familles un autre élément pour les aider. Il s'agit du Programme des services aux familles des militaires. Ce programme a vu le jour en 1991.
Les centres locaux de ressources pour les familles de militaires sont les réalisations majeures de ce programme. Les 43 centres sont régis par un conseil d'administration élu par la collectivité. Les conjoints civils des militaires doivent représenter au moins 51 p. 100 des membres. Chaque conseil travaille en association avec le commandant local afin de répondre aux besoins de toutes les familles des Forces armées canadiennes de la région concernée. Chaque centre a des particularités qui lui sont propres et doit être en mesure d'aider, de façon confidentielle, les victimes de mauvais traitements et de les diriger vers des ressources communautaires.
Le sénateur Cohen a dit que certaines personnes n'étaient pas satisfaites des services offerts dans le cadre de ce programme. Partant de ce constat, j'irai avec les membres du plan d'action m'enquérir de la situation afin de voir s'il y a eu des améliorations. Nous verrons si, malgré toutes les ressources déployées, les militaires doivent revoir le fonctionnement de ces centres.
Le sénateur Cohen pourrait peut-être m'accompagner dans ces démarches. L'implication des conjointes et des conjoints des militaires ne se limite pas seulement aux centres de ressources locaux. On les retrouve également au sein du Conseil consultatif national pour les familles des militaires. Celui-ci est chargé de servir de tribune pour les préoccupations importantes des familles et de s'assurer que les mécanismes permettant de prendre note de leurs préoccupations soient en place.
Les Forces armées canadiennes ont dernièrement effectué un examen de leurs politiques parentales et de maternité pour qu'elles soient conformes aux normes de la société contemporaine. Suite à cet examen, des changements ont été apportés afin de faire correspondre les prestations parentales de maternité offertes aux membres des Forces armées canadiennes avec celles dont profitent déjà les fonctionnaires fédéraux.
Depuis le 1er avril 1999, chaque centre de ressources pour les familles de militaires est tenu d'embaucher un coordonnateur pour la garde d'enfants. Il revient à ces coordonnateurs de maintenir les liens avec la collectivité et d'offrir des options améliorées de garde pour aider un nombre croissant de familles monoparentales.
On ne peut nier que les difficultés que rencontrent les militaires et leur famille ont des impacts sur leurs enfants. Les Forces armées canadiennes en sont conscientes et ont organisé un Sommet national de la jeunesse du 23 au 26 août 1999. Ce Sommet a permis aux jeunes de faire des recommandations pour la mise sur pied d'initiatives qui leur seraient avantageuses.
Honorables sénateurs, il y a plusieurs autres questions très importantes sur lesquelles j'aimerais revenir — le salaire des militaires, le logement, les nombreux déménagements, le bilinguisme, le processus d'affectation, la consultation en emploi pour les conjoints et conjointes de militaires — mais malheureusement, le temps ne me le permet pas. J'aimerais toutefois y revenir.
Honorables sénateurs, je reconnais que les militaires ont beaucoup de pain sur la planche, mais je peux vous affirmer que ce n'est pas par manque de bonne volonté. Au contraire! Le souci de perfection de la hiérarchie militaire, sa façon de réagir aux situations ainsi que sa politique demandent à être adaptés à notre monde civil. Les militaires veulent que tout fonctionne bien et que tout le monde soit heureux, qu'il n'y ait pas de violence et que les familles s'adaptent à des situations souvent incongrues. Pour ce faire, ils dépensent beaucoup d'énergie et manifestent de la discipline. Toutefois, ils réalisent qu'ils ont besoin d'aide pour faire adopter dans l'harmonie les changements à apporter à l'arrimage du monde civil et du monde militaire.
Nous devons les épauler. Il n'y a pas de solution miracle, surtout quand il s'agit d'une question aussi vaste que la qualité de vie des militaires. Je suis certaine que le nouveau Comité permanent de la défense et de la sécurité, dont je fais partie, veillera à ce que la problématique des familles militaires y soit efficacement abordée. Je remercie le sénateur Cohen ainsi que la professeure Harrison d'avoir attiré notre attention sur ces difficultés très importantes, et je salue les Forces armées canadiennes pour avoir réagi de façon positive. J'ajoute toutefois que tout n'est pas fini, ce n'est qu'un début.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je désire poser une question au sénateur Pépin. Vous avez parlé de confidentialité pour les divers programmes mis sur pied, et plus particulièrement pour les programmes sociaux et d'assistance aux familles. La carrière d'un militaire risque-t-elle d'être gênée dans un cas où lui-même ou un membre de sa famille recourrait à un de ces programmes? Le principe de la confidentialité sera-t-il respecté?
Le sénateur Pépin: C'est une excellente question, parce qu'effectivement, c'est un problème. Les conjointes nous disent qu'elles aimeraient utiliser ces services, mais qu'elles sont réticentes à le faire parce qu'elles s'inquiètent des conséquences de leurs démarches sur la carrière de leur mari. Actuellement, même s'il est bien entendu que toute intervention est confidentielle, il n'est pas encore bien compris dans les Forces armées canadiennes que l'on devrait laisser certaines choses dans la confidentialité pour ne pas entrer en conflit avec la carrière militaire. Le monde militaire devrait être tout à fait à part. Actuellement, c'est une difficulté.
(1710)
Je dois avouer que les Forces armées canadiennes ont répondu avec bonne volonté en disant qu'elles voulaient corriger la situation. Toutefois, elles fonctionnent toujours comme des militaires, alors c'est très difficile de leur faire accepter certaines façons de faire des civils. C'est là qu'est la difficulté. C'est donc actuellement un problème important, car s'il s'agit d'un recours pour les enfants à des services sociaux ou d'autres problèmes, par exemple, tout est inscrit au dossier du militaire. C'est une situation qui doit être corrigée, et nous espérons pouvoir nous entendre et nous comprendre.
(Sur la motion du sénateur Robichaud, au nom du sénateur Wilson, le débat est ajourné.)
(Le Sénat s'ajourne au mercredi 16 mai 2001, à 13 h 30.)