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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 8

Le mardi 22 octobre 2002
L'honorable L'honorable Lucie Pépin, Présidente intérimaire


LE SÉNAT

Le mardi 22 octobre 2002

La séance est ouverte à 14heures, la Présidente intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, je voudrais attirer votre attention sur la présence à notre tribune de membres de l'exécutif national canadien de la YWCA, qui se trouvent à Ottawa dans le cadre de la Semaine sans violence contre les femmes, créée par leur organisation. Elles sont les invitées de l'honorable sénateur Mobina Jaffer.

[Français]

Au nom de tous les sénateurs, bienvenue au Sénat du Canada.

[Traduction]

Des voix: Bravo!

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA JUSTICE

LE PROFILAGE RACIAL DANS LES LOIS ADOPTÉES DEPUIS LE 11 SEPTEMBRE 2001

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, tandis qu'on se pose des questions sur le service de police du Toronto métropolitain, qui aurait fait preuve de discrimination dans son traitement des Noirs, il est temps pour nous d'examiner soigneusement les lois adoptées depuis le 11 septembre 2001 pour déterminer si elles ont donné lieu à du profilage racial et à de la tolérance à l'égard de la discrimination raciale.

L'Agence des douanes et du revenu du Canada a commencé à faire une collecte systématique des données relatives aux passagers aériens. Ces données, qui sont conservées pendant six ans, comprendront tous les détails des déplacements des Canadiens à l'étranger.

George Radwanski, commissaire à la protection de la vie privée du Canada, a déclaré à ce sujet que «Le gouvernement n'a pas à suivre systématiquement à la trace les Canadiens et les Canadiennes respectueux de la loi pour noter où nous voyageons, avec qui nous voyageons et à quelle fréquence nous le faisons.»

Les données relatives aux passagers qui sont recueillies et stockées sans discernement peuvent être consultées et utilisées en toute liberté par ceux qui les réunissent. Pour les membres des minorités visibles, cette perspective peut être effrayante.

Je soutiens que les sénateurs doivent être vigilants pour veiller à ce que les pouvoirs de ce genre accordés à un organisme gouvernemental ne lui permettent pas de s'en servir comme base pour faire du profilage racial. Les propos du sous-ministre de la Justice, Morris Rosenberg, ne sont d'ailleurs pas très encourageants à cet égard. Au cours d'une récente conférence d'experts de la sécurité et du renseignement, M. Rosenberg a dit qu'il n'écarterait pas automatiquement la technique du profilage racial pour cibler certaines personnes à la frontière et dans les aéroports.

Au cours des douze derniers mois, nous avons adopté des mesures législatives qui peuvent donner aux autorités l'impression que les parlementaires tolèrent ou encouragent le profilage racial.
Mme Anuradha Bose, directrice générale de l'Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible du Canada, s'est adressée au comité spécial qui étudie le projet de loi C-36 sur le terrorisme. Elle a dit: «Depuis le
11 septembre, nous, membres des minorités visibles, sommes passés des soupçons aux accusations ouvertes.»

Honorables sénateurs, nous devons veiller, à mesure que ces lois sont appliquées, à ce que le profilage racial ne devienne pas l'une des méthodes utilisées à l'égard des passagers qui voyagent au Canada et à l'étranger. Le profilage racial est non seulement indéfendable sur le plan moral, mais aussi contraire à notre Charte canadienne des droits et libertés et à notre législation sur les droits à personne.

HABITAT FOR HUMANITY

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, je suis ravie de prendre la parole aujourd'hui pour saluer les efforts de tous les individus, dans le monde, qui collaborent avec ce merveilleux organisme qu'est Habitat for Humanity.

Depuis 1976, cet organisme de bienfaisance a fait construire plus de 125000 maisons dans plus de 80 pays. Son action, menée sans égard à la race, à la religion ou aux origines ethniques, lui permet d'offrir des logements à prix abordables dans le monde entier à des individus défavorisés.

Le week-end dernier, j'ai eu l'insigne honneur d'assister à une cérémonie, organisée à Charlottetown, au cours de laquelle on a remis à trois familles insulaires les clés de trois nouveaux logements. N'eut été de cet excellent organisme, ces familles n'auraient pas eu accès à ce que nous sommes nombreux à tenir pour acquis.

Ces trois logements — une maison unifamiliale et deux logements en duplex — ont été construits par plus de 200 bénévoles dévoués et par les familles elles-mêmes, qui ont été présentes sur le site pratiquement tous les jours pendant les travaux.

Les avantages pour les familles bénéficiaires des logements construits grâce aux bons soins de Habitat for Humanity sont considérables et vont au-delà du luxe apparent de dormir dans un lit chaud et bien à l'abri, dans un lieu confortable où faire vivre les siens. Grâce à des prêts hypothécaires plus avantageux, ces familles peuvent consacrer une plus grand part de leurs revenus à l'achat de nourriture, par exemple, et à l'éducation.

Habitat for Humanity permet de concrétiser des rêves et des ambitions, mais surtout, et c'est peut-être le plus important, de donner à nos enfants les meilleures chances de réussite qui soient.

Je m'enorgueillis du travail accompli dans la région de Queens, dans l'Île-du-Prince-Édouard, par Jim Wicks, président de Habitat for Humanity, par son conseil d'administration et par tous les bénévoles. Je leur souhaite beaucoup de succès dans l'avenir pour leur travail de bienfaisance.

[Français]

LE SOMMET DE LA FRANCOPHONIE DE 2002

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, la neuvièmeconférence des chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le français en partage s'est tenue à Beyrouth, du 18 au 20octobre 2002.

Le Canada, on le sait, a deux grandes caisses de résonance sur le plan externe, une dans le Commonwealth et l'autre dans la Francophonie.

(1410)

C'est le reflet extérieur de notre histoire. Ce sont là deux portes ouvertes sur le monde, ce qui nous permet de participer aux grands débats de l'heure. En plus, le Canada est membre du G-8.

Le premier ministre du Canada, comme il se doit, représentait notre pays à Beyrouth. Nous avions aussi une participation provinciale.

Le gouvernement du Canada avait proposé au début des
années 70, sous le premier ministre Pierre Elliott Trudeau, le statut de «gouvernement participant» dans le cadre de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie. Ce statut fut accordé au Québec en 1971 et au Nouveau-Brunswick en 1977. Les deux premiers ministres de ces deux provinces étaient présents à Beyrouth.

C'est en 1985, sous l'impulsion du premier ministre Mulroney et du président François Mitterrand, que fut mis sur pied le Sommet de la Francophonie. Dans le cadre de ces sommets, le Québec et le Nouveau-Brunswick ont le statut de gouvernements participants.

Je me réjouis de cette heureuse collaboration au sein de la fédération canadienne. Je désirais le souligner.

[Traduction]

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

L'honorable MobinaS.B.Jaffer: Honorables sénateurs, la YMCA a choisi la présente semaine pour dénoncer la violence et pour rallier les Canadiens à la lutte contre ce fléau dans nos collectivités, particulièrement lorsqu'il vise les femmes. Au moins
51 p.100 des Canadiennes ont été victimes de violence physique ou sexuelle, sous une forme ou sous une autre. C'est inacceptable. L'an dernier, plus de 75000 Canadiens ont participé à plus de 150activités organisées par les sections locales de la YWCA. Je suis heureuse d'informer les honorables sénateurs que des représentants du conseil national de la YWCA sont présents dans cette enceinte aujourd'hui.

La YWCA est la plus grande organisation altruiste aux services des femmes au Canada. La violence contre les femmes constitue un obstacle dans l'atteinte de l'égalité, du progrès et de la stabilité sur le plan social. Cette violence, en plus de violer les droits des femmes garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, a également une incidence sur la capacité des femmes de devenir des membres sains et bien adaptés de la société canadienne.

Les actes de violence contre les femmes se produisent partout: à la maison, à l'école et dans le milieu de travail. La violence se manifeste de diverses façons— elle peut être émotive, psychologique, sexuelle ou physique — et elle affecte l'image de soi, la confiance en soi et l'estime de soi des femmes qui en sont victimes. Les victimes de violence sont plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé chroniques, notamment la dépression, les désordres alimentaires et l'anxiété. De plus, ces femmes sont davantage susceptibles d'être hospitalisées et de commettre un suicide. L'expérience de la violence fait qu'il est plus difficile pour les victimes de conserver un emploi et de jouir de la sécurité financière. La violence emprisonne les victimes dans un cercle vicieux.

La violence est un traumatisme que nombre de victimes supportent en silence. Les femmes autochtones et les femmes appartenant à des groupes minoritaires sont particulièrement vulnérables. Pour mettre fin à cette violence dans notre société, il faut prendre les mesures qui s'imposent. Il faut dénoncer la violence de façon à influencer les valeurs et les attitudes et à faire changer les comportements.

Honorables sénateurs, cette semaine sans violence organisée par les YWCA nous rappelle le travail qui reste encore à faire à l'égard de la violence faite aux femmes.

[Français]

LE DÉCÈS DU PROFESSEUR HUBERT GUINDON

HOMMAGE

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, le pays vient de perdre un de ses plus lucides intellectuels. Hubert Guindon nous a quittés la semaine dernière. J'ai connu Hubert durant mes études postuniversitaires aux États-Unis en 1952. Natif de l'est de l'Ontario, il était diplômé en philosophie et étudiait alors au département de sociologie de l'Université de Chicago.

Mais Hubert ne vivait pas comme nous; il jouait au bridge le soir à l'International House où nous habitions, travaillait la nuit et dormait tard le matin. Je ne sais pas si cela faisait partie de sa mentalité de non-conformiste, mais toujours est-il qu'il réfléchissait beaucoup et que son sens de l'observation sociale et politique était bien aiguisé.

De Marx à Louis Irving Horowitz, il avait tout lu, dans la meilleure tradition de l'université. Durant l'été, il faisait de l'analyse empirique sur le terrain, reprenant entre autres les travaux de Léon Gérin à Saint-Denis de Kamouraska. Il dirigeait aussi une équipe avec Fernand Cadieux, qui a exercé une grande influence sur Pierre Elliott Trudeau.

À son retour de Chicago, il enseigna à l'Université de Montréal, où j'étais aussi chargé de cours en administration publique. Notre dialogue s'y est poursuivi entre les périodes de hockey au Forum et jusqu'à tout récemment. Ses étudiants l'adoraient car il était un professeur né.

Je ne crois pas que nous ayons connu au Canada un spécialiste des sciences sociales plus comparable à C.W.Mills. Il a couvert tout le vaste domaine de l'organisation et de l'action sociale chez nous. Il fut le premier à souligner, dès 1963, que nous étions en train de faire une révolution bureaucratique à Québec suite à la nationalisation des collèges et des hôpitaux.

Hubert Guindon était sceptique quant aux conséquences à venir de ces nouvelles aventures comme il prenait avec un grain de sel les déclarations moralisatrices des leaders de divers mouvements sociaux et groupes à tendances corporatistes. Il n'était pas tendre vis-à-vis des institutions comme l'Église, les universités, le Parlement et les partis politiques, les professions et les syndicats.

Hubert quitta l'Université de Montréal à cause d'un désaccord pédagogique et fit carrière à l'Université Concordia. Il a publié surtout en anglais. Il y a quelques années, une maison d'édition de Toronto a réédité des textes choisis parmi ses écrits pour des revues académiques. Son discours à la Société royale du Canada, intitulé «Du sérieux et du solennel», marque bien sa finesse d'esprit et son sens de l'humour. Ces dernières années, il était à terminer un livre sur la grande Hannah Arendt. J'espère qu'un de ses collègues pourra l'éditer.

Hubert était aussi un homme d'une grande charité qui a accompagné plusieurs sidatiques jusqu'à la fin. Il vivait dans le quartier populaire de Saint-Henri et tout le monde l'aimait. Il était une sorte de saint François d'Assise des temps modernes à qui une Église meurtrie, avec laquelle il s'était réconcilié, lui demandait conseil de temps à autre. À sa retraite, dans sa maison de campagne, il fabriquait du pain qu'il remettait aux religieuses carmélites de son voisinage.

[Traduction]

LES RELATIONS CANADA-ÉTATS-UNIS

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur une situation que l'on ne peut que qualifier de déplorable, la situation entre le Canada et les États-Unis. Les relations bilatérales ont atteint un creux jamais atteint en 20 ans, en fait elles n'ont peut-être jamais été aussi mal en point. On n'a pas vu régner un tel mépris entre nos deux pays depuis l'ère Trudeau. Sous l'instigation du premier ministre Mulroney, le Canada et son principal partenaire et meilleur ami avaient renoué leurs liens pour bâtir la meilleure relation bilatérale du siècle dernier. Ces bonnes relations nous avaient conduits à des ententes sur l'environnement, à une position internationale solide et à la sécurité pour les Canadiens, au libre-échange et à l'ALENA. Certes, il y eut des différends, mais des compromis mutuellement acceptables ont toujours été dégagés.

Aujourd'hui, nous nous retrouvons en mauvais termes avec nos amis américains sur la question du bois d'œuvre, les subventions agricoles, les problèmes environnementaux, l'immigration et la sécurité nationale, et j'en passe.

Sur un pied d'égalité économique avec les États-Unis il y a quelques années à peine, le Canada traîne maintenant la patte derrière ses amis et voisins américains. Un récent sondage révèle que 66 p. 100 des Canadiens sont d'avis que des liens économiques et culturels plus serrés avec les États-Unis contribueraient à rehausser leur niveau de vie. Le sondage conclut que les députés à tendance gauchiste du caucus libéral, les députés néo-démocrates et les nationalistes sont loin des Canadiens. Quatre-vingt-sept pour cent des Canadiens sont d'avis que le Canada doit regarder au-delà de ses frontières pour assurer sa survie économique. Sachant que quelque 80 p. 100 de tous les biens et services produits au Canada sont vendus aux États-Unis, il y a tout lieu de croire que l'entretien de relations cordiales entre ces deux nations amélioreront encore le climat économique au Canada.

Une étude de J.P. Morgan publiée vendredi dernier montre que tous les gains réalisés par le truchement du libre-échange se sont envolés au cours des deux dernières années. Seuls les libéraux socialistes et les quémandeurs de subventions craignent les Américains. Seuls ceux qui ne sont pas prêts à participer au libre marché sur un pied d'égalité et qui veulent une politique privilégiant un dollar faible s'opposent au renforcement des liens

inter-frontières. Les Canadiens souhaitent et méritent un meilleur niveau de vie. Les Canadiens veulent un gouvernement qui n'a pas peur de se tenir debout et d'épauler nos sœurs et nos frères américains.

Honorables sénateurs, la peur engendre la peur.


(1420)

AFFAIRES COURANTES

COMITÉ DE SÉLECTION

PRÉSENTATION DU TROISIÈME RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Bill Rompkey, président du Comité de sélection, dépose le rapport suivant:

Le mardi 22 octobre 2002

Le Comité de sélection a l'honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Conformément à l'article 85(1)b) du Règlement du Sénat, votre Comité présente la liste des sénateurs qu'il a désignés pour faire partie des comités suivants:

COMITÉ PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

Les honorables sénateurs Carney, Chalifoux, Christensen, Gill, Hubley, Johnson, Léger, Pearson, Sibbeston,
St. Germain, Stratton et Tkachuk.

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DES FORÊTS

Les honorables sénateurs Chalifoux, Day, Fairbairn, Gustafson, Hubley, LaPierre, Lapointe, LeBreton, Moore, Oliver, Tkachuk et Wiebe.

COMITÉ PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE

Les honorables sénateurs Angus, Fitzpatrick, Hervieux- Payette, Kelleher, Kolber, Kroft, Meighen, Poulin, Prud'homme, Setlakwe, Taylor et Tkachuk.

COMITÉ PERMANENT DE L'ÉNERGIE, DE L'ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

Les honorables sénateurs Baker, Banks, Buchanan, Christensen, Cochrane, Eyton, Finnerty, Kenny, Milne, Spivak, Taylor et Watt.

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES

Les honorables sénateurs Adams, Baker, Cochrane, Comeau, Cook, Hubley, Johnson, Mahovlich, Moore, Phalen, Robertson et Watt.

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Les honorables sénateurs Andreychuk, Austin, Bolduc, Carney, Corbin, De Bané, Di Nino, Grafstein, Graham, Losier-Cool, Setlakwe et Stollery.

COMITÉ PERMANENT DES DROITS DE LA PERSONNE

Les honorables sénateurs Beaudoin, Jaffer, Ferretti Barth, Fraser, LaPierre, Maheu, Poy, Rivest et Rossiter.

COMITÉ PERMANENT DE LA RÉGIE INTERNE, DES BUDGETS ET DE L'ADMINISTRATION

Les honorables sénateurs Angus, Atkins, Austin, Bacon, Bryden, De Bané, Doody, Eyton, Gauthier, Gill, Jaffer, Kroft, Poulin, Robichaud et Stratton.

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

Les honorables sénateurs Andreychuk, Baker, Beaudoin, Bryden, Buchanan, Cools, Furey, Jaffer, Joyal, Nolin, Pearson et Smith.

COMITÉ MIXTE PERMANENT DE LA BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT

Les honorables sénateurs Bolduc, Forrestall, Morin, Lapointe et Poy.

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

Les honorables sénateurs Biron, Bolduc, Cools, Day, Doody, Eyton, Ferretti Barth, Finnerty, Furey, Gauthier, Mahovlich et Murray.

COMITÉ PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE

Les honorables sénateurs Atkins, Banks, Cordy, Day, Forrestall, Kenny, Meighen, Smith et Wiebe.

COMITÉ PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

Les honorables sénateurs Beaudoin, Comeau, Ferretti Barth, Gauthier, Keon, Lapointe, Léger, Losier-Cool et Maheu.

COMITÉ PERMANENT DU RÈGLEMENT, DE LA PROCÉDURE ET DES DROITS DU PARLEMENT

Les honorables sénateurs Andreychuk, Bacon, Di Nino, Grafstein, Joyal, Losier-Cool, Milne, Murray, Pépin, Pitfield, Robertson, Rompkey, Smith, Stratton et Wiebe.

COMITÉ MIXTE PERMANENT D'EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

Les honorables sénateurs Biron, Hervieux-Payette, Hubley, Kelleher, Moore, Nolin et Phalen.

COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS ET COMMUNICATIONS

Les honorables sénateurs Adams, Biron, Callbeck, Day, Eyton, Fraser, Graham, Gustafson, Johnson, LaPierre, Phalen et Spivak.

Conformément à l'article 87 du Règlement, l'honorable sénateur Carstairs, c.p. (ou Robichaud, c.p.) et l'honorable sénateur Lynch-Staunton (ou Kinsella) sont membres d'office de chacun des comités particuliers.

Respectueusement soumis,

Le président,
WILLIAM ROMPKEY

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

L'honorable Marcel Prud'homme: À la prochaine séance.

Le sénateur Rompkey: Je crois que tous les sénateurs savent déjà que nous faisons face à des contraintes de temps. Le rapport sera distribué et j'espère que nous pourrons en discuter plus tard au cours de la journée.

Le sénateur Lynch-Staunton: Irrecevable.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Permission accordée?

Des voix: Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Sauf votre respect, honorables sénateurs, il s'agit là d'une question de procédure. Si nous n'obtenons pas le consentement unanime pour étudier le rapport aujourd'hui, cette question sera inscrite d'office au Feuilleton pour être étudiée demain. La tenue d'un vote n'est donc pas nécessaire.

Des voix: Bravo!

(L'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

RÈGLEMENT, PROCÉDURE ET DROITS DU PARLEMENT

AVIS DE MOTION VISANT L'ADOPTION DU QUATORZIÈME RAPPORT DU COMITÉ PRÉSENTÉ LORS DE LA PREMIÈRE SESSION DE LA TRENTE-SEPTIÈME LÉGISLATURE

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 24 octobre 2002, je proposerai:

Que les recommandations et les dispositions proposées dans le quatorzième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement présenté au Sénat pendant la première session de la 37e législature le 11 juin 2002 soient adoptées, notamment:

1. a) Recommandation

Que le Sénat adopte une procédure en vertu de laquelle

a) le Sénat, après avoir adopté le rapport d'un comité spécial, pourrait le faire remettre au gouvernement et lui demander d'y faire une réponse globale dans les
150 jours civils suivants;

b) le leader du gouvernement au Sénat devrait soit déposer la réponse du gouvernement au cours de la période de 150 jours, soit fournir une explication au Sénat, et

c) le rapport et la réponse globale seraient réputés, dès son dépôt, être déférés au comité particulier pour étude, ou la question serait réputée avoir été déférée au comité particulier pour étude, dans l'éventualité où le délai de 150 jours civils expirerait sans qu'une réponse globale n'ait été faite.

b) Disposition proposée

Que le Règlement du Sénat soit modifiéà l'article 131:

a) par le changement de la désignation numérique de l'article 131 à celle de paragraphe 131(1);

b) par adjonction, après le paragraphe 131(1), de ce qui suit:

«Demande de réponse du gouvernement

(2) Lorsque le Sénat, dans les soixante jours suivant l'adoption du rapport d'un comité particulier autre que le rapport sur un projet de loi, adopte une résolution demandant au gouvernement de fournir une réponse complète et détaillée au rapport, le greffier du Sénat transmet la demande au leader du gouvernement au Sénat qui doit alors, dans les cent cinquante jours civils suivant l'adoption du rapport, déposer la réponse du gouvernement ou justifier au Sénat l'absence d'une telle réponse.

(3) En cas d'adoption par le Sénat de la résolution visée au paragraphe (2), le rapport du comité particulier ainsi que la réponse du gouvernement ou la justification du leader du gouvernement de l'absence d'une réponse sont réputés renvoyés au comité particulier à l'expiration des cent cinquante jours civils suivant l'adoption du rapport.»

2. a) Recommandation

Que le Sénat adopte une règle inspirée de la suggestion du sénateur Gauthier concernant les pétitions, qui énoncerait les conditions de forme et de contenu, ainsi qu'une procédure de présentation, et qui prévoirait que le sujet de chaque pétition populaire est renvoyé au comité permanent compétent pour qu'il l'étudie et, s'il y a lieu, qu'il en fasse rapport au Sénat avec ses conclusions et recommandations.

b) Disposition proposée

Que le Règlement du Sénat soit modifiépar remplacement des articles 69 à 71 par ce qui suit:

«Présentation des pétitions

69. (1) Tout sénateur peut présenter au Sénat une pétition, notamment une pétition demandant l'adoption d'un projet de loi d'intérêt privé ou la réparation d'un grief.

Signature du sénateur

(2) Le sénateur qui présente une pétition au Sénat la signe à titre de parrain, mais sa signature ne signifie pas qu'il est d'accord avec son contenu.

Plusieurs parrains

(3) Une pétition peut être parrainée par plus d'un sénateur.

Rapport

(4) Le sénateur qui présente une pétition visée à
l'article 71 y joint le rapport de l'examinateur des pétitions.

Contenu de la pétition

(5) La pétition présentée au Sénat doit:

a) être désignée comme telle;

b) être adressée au Sénat ou au Sénat réuni en Parlement;

c) demander respectueusement au Sénat de faire quelque chose qu'il est en mesure de faire;

d) si elle est présentée par une ou plusieurs personnes physiques, contenir la signature originale des pétitionnaires, leur nom et leur adresse exacte et la date à laquelle ils l'ont signée;

e) si elle est présentée par une personne morale, être datée, dûment authentifiée et porter le sceau de celle- ci.

Forme de la pétition

(6) La pétition présentée au Sénat doit:

a) respecter la forme prévue par le comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement et être rédigée sur du papier de format lettre ou de grand format;

b) être un document original et non une photocopie ou une télécopie;

c) être lisible, qu'elle soit sous forme manuscrite, dactylographiée ou imprimée ou une combinaison de ces formes;

d) ne contenir dans son libellé aucune correction et aucune question non pertinente;

e) sur chaque feuille, être désignée comme pétition adressée au Sénat ou au Sénat réuni en Parlement et reproduire le libellé de la requête, si elle comporte plus d'une feuille de signatures et d'adresses.

Examinateur des pétitions

(7) Le directeur des comités est l'examinateur des pétitions.

Pétition au nom d'une assemblée publique

70. Les pétitions signées par des personnes qui se présentent comme représentantes d'assemblées publiques sont reçues uniquement à titre de pétitions des signataires.

Pétitions d'intérêt public

71. (1) Dans le présent article, «pétition d'intérêt public» s'entend d'une pétition adressée au Sénat ou au Sénat réuni en Parlement par au moins 25 personnes, autres que les sénateurs et les députés de la Chambre des communes, qui est déposée pour examen, présentation, renvoi et rapport aux termes du présent article.

Dépôt pour examen

(2) Toute personne peut déposer une pétition d'intérêt public auprès du greffier du Sénat; celui-ci, à la demande du sénateur qui entend la parrainer, la remet à l'examinateur des pétitions qui détermine si elle est conforme à l'article 69.

Renvoi

(3) Lorsqu'un Sénateur présente au Sénat une pétition d'intérêt public avec un rapport de l'examinateur des pétitions attestant que la pétition est conforme à
l'article 69, celle-ci, la question qu'elle vise et le rapport qui y est joint sont renvoyés, sans avis ni débat, au comité permanent compétent.

Rapport

(4) Le comité saisi de la pétition d'intérêt public visée au paragraphe (3) peut présenter un rapport faisant état de ses conclusions et, le cas échéant, de ses recommandations au Sénat.».

3. a) Recommandation

Que le Sénat adopte, à l'exclusion des paragraphes 26.1(8)
à (11), la teneur de la motion du 16 octobre 2000 du sénateur Kinsella, appuyée par le sénateur Forrestall, visant à ajouter une disposition 26.1 au Règlement de façon à permettre l'étude accélérée par le comité plénier des questions référendaires sur la sécession dès leur dépôt devant une assemblée législative provinciale ou les résultats des référendums sur la sécession dès leur publication officielle par d'autres moyens d'information.

b) Disposition proposée:

Que le Règlement du Sénat soit modifié, à l'article 26:

a) par adjonction, avant le paragraphe (1), de ce qui suit:

«Affaires constitutionnelles

(1) affaires constitutionnelles: motions présentées en vertu du paragraphe 26.1(3);»;

b) par le changement de la désignation numérique des paragraphes (1) et (2) à celle de paragraphes (2) et (3) et par le changement de tous les renvois qui en découlent;

c) par adjonction, après l'article 26, de ce qui suit:

«Étude de la question

26.1 (1) Dès que le gouvernement d'une province a déposé devant son assemblée législative ou autrement communiqué officiellement le texte de la question qu'il entend soumettre à ses électeurs dans le cadre d'un référendum sur un projet de sécession de la province du Canada, les motions visant à renvoyer la question à un comité plénier pour examen et rapport peuvent être présentées sans permission à la prochaine séance du Sénat et, une fois qu'elles ont été présentées, le Sénat les examine et en dispose en priorité avant tous les autres ordres du jour.

Majorité claire à considérer

(2) Dès que le gouvernement d'une province, après la tenue d'un référendum sur un projet de sécession de la province du Canada, cherche à engager des négociations sur les conditions auxquelles la province pourrait cesser de faire partie du Canada, les motions visant à renvoyer à un comité plénier pour examen et rapport la question de la clarté de la majorité obtenue lors du référendum peuvent être présentées sans permission à la prochaine séance du Sénat et, une fois qu'elles ont été présentées, le Sénat les examine et en dispose en priorité avant tous les autres ordres du jour.

Ordre des travaux

(3) Malgré le paragraphe 23(8), le Président passe à l'appel des motions présentées en vertu du présent article en vue de les examiner en premier lieu après la période des questions.

Priorité

(4) Le Sénat examine les motions présentées en vertu du présent article et en dispose dans l'ordre suivant: la motion, le cas échéant, du leader du gouvernement au Sénat; la motion, le cas échéant, du leader de l'opposition; la motion, le cas échéant, du leader d'un autre parti reconnu au Sénat; les motions, le cas échéant, des autres sénateurs.

Disposition présumée

(5) Un seul ordre de renvoi à la fois peut être donné en vertu des paragraphes (1) ou (2) et, dès l'adoption d'un ordre de renvoi, avec ou sans amendement, les motions qui restent sont rayées du Feuilleton.

Délai

(6) En cas d'adoption d'un ordre de renvoi par le Sénat en application du présent article, le comité plénier doit présenter son rapport dans les quinze jours suivant le début des délibérations du Sénat aux termes des paragraphes (1) ou (2).

Communication des conclusions

(7) En cas d'adoption par le Sénat d'une résolution portant sur le rapport présenté conformément au présent article, le Président du Sénat remet des copies de la résolution et des délibérations tenues conformément au présent article au Sénat et en comité plénier — y compris une copie du texte intégral de toutes les observations présentées en vertu du présent article — au Président de la Chambre des communes et au président de chacune des assemblées législatives provinciales et territoriales au Canada.»


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LA DÉFENSE NATIONALE

LES COMPRESSIONS DANS LE BUDGET DE LA RÉSERVE

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Madame le leader est-elle en mesure de confirmer que toutes les unités de la milice ont été informées qu'elles auraient à affronter une compression de 10 p. 100 de leur budget?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): L'honorable sénateur pose une question à laquelle je ne peux pas répondre. Si les unités de la réserve ont été informées qu'elles auraient une compression de 10 p. 100 de leur budget, je n'en ai absolument aucune connaissance. Je vais cependant aller aux renseignements au nom du sénateur.

Je profiterai d'ailleurs du fait que j'ai la parole pour répondre à deux autres questions qu'il a déjà posées à deux reprises.

En ce qui concerne l'équipement lourd du PPCLI qui a été renvoyé d'Afghanistan au Canada, il se trouve maintenant au port de Vancouver, où il attend d'être déchargé.

Pour ce qui est de la question du sénateur concernant le groupement tactique 2RCR, ce groupement a entrepris un entraînement collectif qui l'amènera progressivement à un haut degré de préparation, conformément au calendrier de préparation antérieurement approuvé de l'armée.

C'est un aspect parfaitement normal de l'entraînement de cette unité. L'honorable sénateur à raison, il y a eu quelques reports de congés parentaux. Ces congés ont été non pas annulés, mais reportés. Les hommes ont accepté ce report.

Le sénateur Forrestall: Reporter un congé de maternité tiendrait du miracle.

Je comprends que madame le ministre ne soit pas en mesure de répondre à ma première question. Je ne crois pas d'ailleurs qu'elle puisse répondre à ma première et peut-être même à ma seconde question complémentaire. Toutefois, je vais quand même les lui poser dans l'espoir qu'elle s'efforcera d'obtenir les renseignements. Peut-elle nous trouver la raison de ces compressions budgétaires? Ont-elles pour objet de financer l'opération Apollo et de contribuer à réduire le déficit du budget de fonctionnement et d'entretien de l'armée, qu'on évalue actuellement à environ 175 millions de dollars par an? Madame le ministre peut-elle nous dire en outre si toutes les unités des Forces canadiennes subiront des compressions de
10 p. 100 de leur budget?

(1430)

Le sénateur Carstairs: Comme l'honorable sénateur l'a mentionné dans le préambule de sa question, je ne suis pas en mesure de lui donner ces renseignements, sauf en ce qui concerne l'opération Apollo, à laquelle il manque environ 400 millions de dollars qui seront financés par des crédits du budget supplémentaire. Cela ne s'inscrit pas dans la catégorie mentionnée par le sénateur, mais je m'efforcerai d'obtenir l'information qu'il a demandée au sujet des autres dépenses.

Le sénateur Forrestall: J'exprime l'espoir, au nom de beaucoup de Canadiens, que le budget supplémentaire tiendra compte des hommes et des femmes qui doivent voler à bord des hélicoptères Sea King.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LE SOMMET DE LA FRANCOPHONIE DE 2002—LE COMMUNIQUÉ APPROUVANT LA PROPOSITION SAOUDIENNE D'ÉCHANGE DES TERRITOIRES EN CONTREPARTIE DE LA PAIX

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement. Au Sommet de la Francophonie de Beyrouth, le Canada a signé le communiqué final qui approuvait, semble-t-il, l'entente d'échange des territoires en contrepartie de la paix proposée en mars par l'Arabie saoudite. Est-ce que l'initiative saoudienne en faveur d'une solution aux actes terroristes palestiniens est devenue la politique du gouvernement du Canada?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai compris le préambule dans la mesure où il était question de l'entente d'échange des territoires en contrepartie de la paix, mais je crains d'avoir raté la seconde partie de la question de l'honorable sénateur. Aurait-il l'obligeance de la répéter?

Le sénateur Tkachuk: Au Sommet de la Francophonie de Beyrouth, le Canada a signé le communiqué final à l'instar de tous les autres pays. Ce communiqué final approuvait, semble-t-il, l'entente d'échange des territoires en contrepartie de la paix proposée en mars par l'Arabie saoudite. Est-ce que l'initiative saoudienne en faveur d'une solution aux actes terroristes palestiniens est devenue la politique du gouvernement du Canada?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, premièrement, je ne puis dire au sénateur si le communiqué final incluait l'approbation de l'entente d'échange des territoires en contrepartie de la paix qui avait été proposée par l'Arabie Saoudite. Il me faudrait examiner le communiqué avant de pouvoir en dire davantage sur cette question.

Le sénateur Tkachuk: Faut-il donc présumer que le leader du gouvernement au Sénat ne connaît pas les détails du communiqué final qui a été signé par le premier ministre le week-end dernier.

Le sénateur Carstairs: Je dois dire à l'honorable sénateur que je n'ai pas lu le communiqué final. À ma connaissance, je ne l'ai pas reçu à mon bureau. Je ne puis donc pas dire si l'entente dite d'échange des territoires en contrepartie de la paix faisait partie du communiqué.

LE SOMMET DE LA FRANCOPHONIE DE 2002— LA PRÉSENCE DU CHEF DU HEZBOLLAH

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, le cheik Hassan Nasrallahle, le soi-disant «chef spirituel» du Hezbollah, une organisation terroriste, a assisté au Sommet de la Francophonie. Est-ce que le premier ministre savait à l'avance que le cheik serait présent et avons-nous formulé des objections à sa présence?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois comprendre que le premier ministre ignorait que cet homme était présent, même si je trouve intéressant que la personne siégeant à côté de l'individu en question était l'ambassadeur des États-Unis. En ce qui concerne les personnes présentes à la réunion, si je ne m'abuse, le premier ministre ignorait que le cheik était présent.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, je ne sais trop quoi penser. Madame le ministre sait qui siégeait à côté du dirigeant terroriste du Hezbollah, mais elle ignore ce qui figurait dans le communiqué que M. Chrétien a signé la fin de semaine dernière en tant que premier ministre du Canada. Ma collègue est ministre du Cabinet et leader du gouvernement au Sénat. Nous savons qui siégeait à côté du chef terroriste, mais nous ignorons ce que contient l'entente et ce à quoi le premier ministre s'est engagé.

Comment ma collègue sait-elle que l'ambassadeur des États-Unis siégeait à côté du dirigeant du Hezbollah? Le sénateur LeBreton, qui siège à côté de moi, affirme que ce n'est pas vrai et qu'il n'a pas signé le communiqué, mais je l'ignore. Je voudrais savoir si le gouvernement du Canada et le ministre des Affaires étrangères savaient à l'avance que le cheik assisterait à la conférence de Beyrouth et s'ils ont protesté contre sa présence?

Le sénateur Carstairs: Si je ne m'abuse, le premier ministre ignorait que ce dirigeant du Hezbollah assistait à cette conférence. J'ignore si d'autres étaient au courant de cette présence. En ce qui concerne la présence de l'ambassadeur des États-Unis, il y avait une photo dans le journal et il était donc relativement facile d'obtenir cette information.

Le communiqué qui a été signé ne m'a pas été transmis; je n'ai reçu dans mon bureau que des journaux. Ainsi, je ne peux dire à ce stade-ci à mon honorable collègue ce que renfermait ce communiqué. Si cela inquiète l'honorable sénateur, je suis persuadée que je pourrais obtenir des copies du communiqué et les déposer au Sénat.

LA RECONNAISSANCE DU HEZBOLLAH EN TANT QU'ORGANISATION TERRORISTE

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat et le gouvernement du Canada reconnaissent-ils le Hezbollah comme une organisation légitime ou comme une organisation terroriste?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Le Hezbollah a de nombreuses sections. Celle qui offre de l'aide humanitaire et celle qui apporte un soutien culturel n'ont pas été déclarées par le Royaume-Uni comme des organisations terroristes. Il y a cependant certains aspects du Hezbollah qui l'ont été, même si certains pays n'ont pas encore accompli tout le processus officiel que nous avons suivi pour ce qui est d'identifier certaines organisations comme des organisations terroristes au plus haut niveau législatif possible à l'heure actuelle.

[Français]

L'honorable Pierre De Bané: Le leader du gouvernement au Sénat reconnaît-elle que l'une des constantes de la politique étrangère du Canada est de travailler contre l'exclusion des participants à des forums internationaux?

Cette politique du gouvernement canadien a été constante depuis des années, et l'un des pays qui en a profité est Israël; nous nous sommes toujours battus pour ne pas exclure personne. Le leader du gouvernement au Sénat est-elle d'accord que le Liban est un pays démocratique et que le Hezbollahest un parti qui a élu plusieurs députés au Parlement libanais?

Le gouvernement canadien, depuis des années, a des contacts avec ce parti qui siège au Parlement libanais. Si le gouvernement canadien devait suivre la tendance de mon collègue, il devrait se retirer de tous les organismes internationaux où il n'est pas d'accord avec l'un ou l'autre des représentants qui y siègent.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Je remercie le sénateur de sa question. Comme il l'a dit, le Canada est reconnu pour ses pourparlers et ses dialogues — ou ses réparties, si vous voulez — en vue d'assurer la paix et la sécurité dans un ordre mondial épris de paix et de sécurité. Le Liban est effectivement un pays démocratique. Cela pourrait étonner les sénateurs d'en face d'apprendre que, dans cette démocratie, 12 députés élus par le peuple sont membres du parti politique Hezbollah.

La question est fort simple. Le gouvernement du Canada poursuit le dialogue. Il condamne les activités terroristes, peu importe qui en sont les auteurs.

LA JUSTICE

LES NOMINATIONS DE MEMBRES DE MINORITÉS VISIBLES À LA MAGISTRATURE

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne les nominations de membres de minorités visibles aux cours supérieures du Canada. Madame le ministre est bien consciente de nombreux problèmes d'égalité des sexes qui continuent d'affliger le Canada. Je sais également qu'elle est sensible au fait que nos grandes institutions doivent mieux refléter la diversité de la population canadienne.

Madame le ministre peut-elle nous donner le nombre de membres de minorités visibles, telles que définies dans les lois fédérales, qui ont été nommés aux cours supérieures depuis l'arrivée du gouvernement Chrétien au pouvoir, en 1993? Combien de juges de la Nouvelle-Écosse ont été nommés par le gouvernement fédéral depuis 1993? Combien de juges sont membres de minorités visibles? Combien d'avocats de race noire ont été nommés aux cours supérieures du Canada depuis 1993? Combien de Noirs ou de membres de minorités visibles sont actuellement juges en chef d'un tribunal au Canada?

(1440)

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur pose une question extraordinairement détaillée. Je devrai donc lui donner une réponse tout aussi détaillée et je le ferai dans les plus brefs délais possibles. Il sait toutefois que, lorsque quelqu'un affirme qu'il fait partie d'une minorité visible, il fait une auto-désignation. Par conséquent, je ne pourrai peut-être pas lui procurer tous les détails qu'il demande à ce sujet.

Pour ma part, j'ai été très heureuse de la récente nomination d'un membre d'une communauté autochtone à la cour du Manitoba. Cela représentait une première dans ma province, et un immense pas en avant selon moi. Puisque j'ai passé une bonne partie de ma vie en Nouvelle-Écosse, je comprends ce qui motive le sénateur et je vais essayer de lui procurer les informations les plus détaillées possibles.

L'ENVIRONNEMENT

LE RAPPORT DE 2002 DE LA COMMISSAIRE À L'ENVIRONNEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE—L'ASSAINISSEMENT DES SITES FÉDÉRAUX CONTAMINÉS

L'honorable W. David Angus: Honorables sénateurs, la commissaire à l'environnement et au développement durable, Mme Johanne Gélinas, a publié ce matin son rapport pour l'année 2002. Le titre du chapitre 2 de ce document en six chapitres est: L'héritage des sites fédéraux contaminés. Quel pénible et déplorable héritage, honorables sénateurs.

Même le gouvernement canadien ne connaît pas le nombre exact de sites contaminés. Les propres sites du gouvernement sont contaminés par des hydrocarbures pétroliers, des métaux lourds et d'autres substances toxiques qui menacent gravement la santé humaine et le bien-être des citoyens.

La commissaire a constaté que le gouvernement fédéral ne sait pas encore combien de ses sites sont contaminés, qu'il n'a toujours pas de vue d'ensemble des risques pour la santé humaine et l'environnement, ni de ce qu'il pourrait lui en coûter pour s'occuper des sites, c'est-à-dire les assainir ou les gérer. En outre, le gouvernement n'a pas encore classé les sites les plus dangereux, selon le niveau de risque, il n'a toujours pas de financement stable, à long terme, pour gérer le problème efficacement et, fait encore plus important, il n'y a toujours pas d'engagement et de leadership fermes à l'échelon central, et notamment de plan d'action pour s'occuper de la gestion et de l'assainissement, dans des délais appropriés, des sites qui présentent les risques les plus élevés.

Honorables sénateurs, la menace à la santé est très réelle. Il existe un réel danger de contamination de l'eau dans des emplacements situés partout au pays. La santé de nos citoyens les plus vulnérables — enfants, personnes handicapées et personnes âgées — est menacée.

Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Les Canadiens doivent obtenir immédiatement l'assurance que le gouvernement affectera plus de fonds au nettoyage de tous les sites contaminés du pays. Pouvons- nous avoir cette assurance de la part du gouvernement?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, l'honorable sénateur fait état d'un rapport déposé ce matin par la commissaire à l'environnement et au développement durable, et ce document n'est pas porteur de bonnes nouvelle pour le Canada. Il a tout a fait raison. Les bonnes nouvelles s'y font rares. On y mentionne que nous avons légèrement progressé par rapport à 1996, que l'information est plus abondante, que les crédits ont légèrement augmenté et qu'on peut espérer de légères améliorations. Toutefois, la réalité est la suivante: si nous n'intervenons pas de façon marquée, les problèmes se poursuivront et empireront.

Honorables sénateurs, je suis d'accord avec le sénateur Angus et, en nos deux noms, je communiquerai ses observations au Cabinet, car ce rapport nous montre qu'il nous en reste encore beaucoup à accomplir.

Le sénateur Angus: Honorables sénateurs, je remercie madame le ministre de cette réponse franche et de l'indication selon laquelle elle communiquera ce message au pouvoir central. Je lui signale qu'un sondage mené par Environics en octobre 2001 a révélé que 84 p. 100 des Canadiens estiment que le nettoyage des secteurs affligés par ce genre de déchets et de contamination toxiques est très important et que 78 p. 100 d'entre eux estiment que cette tâche est plus importante encore que la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers, cette proportion passant à 91 p. 100 dans le cas des impôts sur les sociétés. Arrêtez-vous à y penser, honorables sénateurs.

Le rapport de la commissaire mentionne qu'il est beaucoup plus facile et moins onéreux — il en coûte jusqu'à 40 p. 100 moins cher dans le cas de la contamination de l'approvisionnement en eau souterraine, selon une estimation de l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis — de prévenir les dégâts causés à l'environnement que de chercher à corriger la situation après coup. La prévention de la pollution est très importante, comme en convient très clairement madame le ministre.

Par conséquent, que prévoit faire le gouvernement pour éviter toute future contamination de ce genre et, bien sûr, pour endiguer la contamination actuelle et assurer le nettoyage?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, j'ignore si je peux aller jusqu'à dire au ministre des Finances que l'honorable sénateur Angus se prononce contre toute réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers ou des sociétés et souhaite que tout l'argent soit consacré à l'environnement. J'ai peut-être interprété avec quelque liberté les propos du sénateur, aussi ne vais-je pas lui mettre ces mots-là dans la bouche.

Cependant, il s'est fait des choses constructives, dont certaines après la vérification. Ainsi, en 2002, cette année-ci, le Conseil du Trésor a publié des lignes directrices sur la façon d'estimer les coûts et les obligations à l'égard des sites fédéraux contaminés, car nous ne connaissons pas ces coûts avec certitude et il nous faut au moins avoir une estimation raisonnable. En 2002 toujours, le Conseil du Trésor a publié un répertoire des sites fédéraux contaminés qui donne une évaluation du risque qu'ils représentent. C'est une première.

Je conviens que ces progrès modestes ne sont pas suffisants, mais il semble que nous allions dans la bonne direction.

L'honorable Marcel Prud'homme: Question complémentaire. Pendant que madame le ministre fait des recherches pour fournir des réponses, aurait-elle l'obligeance de vérifier combien il existait de ces sites entre 1984 et 1993?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je crois qu'on peut affirmer avec assurance que tous les sites en question existent depuis fort longtemps. À dire vrai, je ne crois pas que ce soit un prétexte pour ne pas agir. Il faut agir sans relâche. C'est un legs que nous laissons à nos enfants, à nos petits-enfants et peut-être même à nos arrière-petits-enfants. Il ne faut pas leur laisser tout le problème sur les bras.

LES ANCIENS COMBATTANTS

LES POURSUITES INTENTÉES PAR DES ANCIENS COMBATTANTS HANDICAPÉS CONTRE LE GOUVERNEMENT

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser à madame le leader du gouvernement au Sénat. Comme elle le sait pertinemment, la Cour suprême du Canada a accepté la semaine dernière d'entendre un appel concernant un recours collectif interjeté au nom d'environ 10000 anciens combattants handicapés qui ont été déclarés inaptes à gérer leurs affaires. Ils poursuivent le gouvernement pour obtenir l'intérêt qui ne leur a pas été payé sur l'argent que le gouvernement détient en fiducie pour eux depuis des dizaines d'années. Le montant qui est dû à ces anciens combattants pourrait se situer entre 3 et 5 milliards de dollars.

Honorables sénateurs, cette cause aurait pu être réglée il y a des années. En la contestant, le gouvernement a impitoyablement privé les anciens combattants d'une source de revenus et fait grimper le coût des indemnités que doivent absorber les contribuables. On estime que les intérêts augmentent de 2millions de dollars par semaine dans cette affaire où deux tribunaux inférieurs se sont déjà prononcés contre le gouvernement.

Madame le leader pourrait-elle nous dire pourquoi le gouvernement n'a pas réglé cette cause dès qu'il en a eu la chance? Prendra-t-il maintenant la décision qui s'impose et
versera-t-il aux anciens combattants l'indemnité qui leur revient avant que d'autres meurent sans avoir vu la couleur de cet argent?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, de toute évidence, le gouvernement ne croit pas que cette cause est légitime. Voilà pourquoi ce litige est toujours devant les tribunaux et, dans de telles circonstances, je ne peux commenter l'affaire, comme le sait fort bien le sénateur.

L'ENVIRONNEMENT

LA RATIFICATION DU PROTOCOLE DE KYOTO

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le premier ministre a déclaré qu'il consulterait le Parlement avant de ratifier le Protocole de Kyoto, puis, il y a quelques semaines, il a laissé savoir que la ratification se ferait avant Noël. Les provinces ont bien précisé qu'elles devaient analyser les faits, le plan du gouvernement et les coûts de mise en oeuvre avant de donner leur aval. La ratification du Protocole de Kyoto pourrait avoir sur l'ouest du pays des répercussions pires que tout ce qu'on a pu voir ces derniers temps.

Madame le ministre peut-elle dire au Sénat quand le gouvernement diffusera son plan et s'il attendra d'avoir le soutien unanime de toutes les provinces avant de ratifier le protocole?

(1450)

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux devaient se réunir hier pour parler du Protocole de Kyoto. Cette réunion a été reportée d'une semaine. Elle aura lieu lundi prochain. Le gouvernement fédéral présentera alors un plan aux provinces dans l'espoir que les provinces en discutent et lui proposent des moyens de respecter les objectifs de Kyoto.

Le vote de ratification qu'a annoncé le gouvernement aura lieu dans les deux chambres. Le gouvernement souhaite que ce vote se tienne avant Noël. Comme ne l'ignore pas l'honorable sénateur, toutefois, le Parlement a souvent son propre échéancier. Je puis assurer au sénateur que la ratification aura lieu à la Chambre des communes et au Sénat du Canada.

Très franchement, comme le Protocole de Kyoto est un traité international, il n'est pas nécessaire que toutes les provinces l'approuvent pour que le Canada le ratifie.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser.

Il s'agit peut-être d'un traité international, mais le sénateur du Manitoba et leader du gouvernement au Sénat sait à quel point le Programme énergétique national a semé la discorde. On semble se préoccuper trop peu des besoins de l'Ouest.

Prenez les parcs, par exemple. Le gouvernement souhaite transformer tout l'ouest et le nord du Canada en parcs au détriment des besoins économiques de ces régions. Le plus gros des voix vient de l'est du Canada.

Voici que le leader du gouvernement au Sénat dit encore que le gouvernement n'a pas besoin d'un appui unanime. Le gouvernement ne comprend-il pas qu'il faut absolument qu'une initiative de ce genre reçoive un appui unanime pour ne pas susciter la discorde et ne pas encourager le sentiment séparatiste qu'ont fait naître dans l'Ouest les décisions du Canada central?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je vais revenir sur quelques-uns des points soulevés par le sénateur.

Premièrement, je viens d'une province de l'Ouest dont le gouvernement appuie sans réserve la ratification du Protocole de Kyoto.

Il est intéressant de noter que, au moment où est né le Programme énergétique national, j'étais en transition de l'Alberta vers le Manitoba et je me considérais comme une Canadienne de l'Ouest à part entière. J'ai appuyé le Programme énergétique national, parce qu'en le comparant avec la politique du nouveau et de l'ancien pétrole en vigueur au sud de notre frontière, notamment au Texas, je me suis dit que les Albertains avaient un net avantage par rapport à leurs confrères américains.

Le sénateur St. Germain:Honorables sénateurs, ce même sénateur qui siège actuellement au Sénat a dit, pendant le débat sur l'Accord du lac Meech, que cette assembleé devrait être abolie ou éliminée.

Comment madame le leader du gouvernement au Sénat
justifie-t-elle maintenant l'argument selon lequel, sous prétexte qu'elle a appuyé le Programme énergétique national, ces divisions n'existent pas ou sont alimentées par les opposants au genre de projet à l'égard duquel on ne cherche pas à obtenir l'unanimité?

Le sénateur Carstairs:Honorables sénateurs, je veux que l'on comprenne bien ma position au sujet du Sénat; nous ne récrirons pas l'histoire ici, mais je tiens à dire que, jamais, sur quelque tribune que ce soit, je n'ai parlé de l'abolition du Sénat. Il m'aurait été très difficile de le faire, car mon père a siégé à cet endroit pendant 25 ans. Si je l'avais fait, il serait ressuscité pour me laisser savoir que mes idées sur cette question étaient carrément erronées.

Si le sénateur me demande si j'ai appuyé les initiatives visant un Sénat égal, élu et efficace, je lui répondrai que j'ai effectivement appuyé ces initiatives et que je les appuie toujours.

L'honorable Leonard J. Gustafson:Honorables sénateurs, y a-t-il un risque que le Canada signe un accord comme il l'a fait devant le GATT lorsqu'il a fait des concessions et respecté sa part de l'entente, contrairement aux autres pays? L'agriculture en a toujours souffert depuis. Nous avons pris des mesures positives, conformément à l'accord, mais les autres pays ne l'ont pas fait. Y a-t-il des garanties dans ce domaine?

Le sénateur Carstairs:Honorables sénateurs, les Américains nous ont dit qu'ils n'appuieraient pas le Protocole de Kyoto. Par contre, nous savons que tous les pays de l'Union européenne l'appuient, à l'instar de nombreux autres États dans le monde.

Nous devons agir dans l'intérêt supérieur du Canada. Je crois qu'il était dans l'intérêt de notre pays de signer le Protocole de Kyoto.

En signant ce protocole, nous subissons peut-être des inconvénients mineurs. Il y aura toutefois des avantages extraordinaires, dont, je l'espère, la reconnaissance de la nécessité d'employer un pourcentage accru d'éthanol dans notre essence partout au Canada.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LE SOMMET DE LA FRANCOPHONIE DE 2002—LA PRÉSENCE DU CHEF DU HEZBOLLAH

L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question complémentaire au sujet du Sommet de la Francophonie.

Honorables sénateurs, je ne veux pas que l'on croie que le premier ministre de mon pays se tient avec des terroristes; je ne veux pas que cela se produise. En conséquence, la question que je pose au leader du gouvernement au Sénat est la suivante: le gouvernement savait-il que le chef du Hezbollah avait été invité non pas par le secrétariat de la Francophonie, mais par le président du pays souverain qu'est le Liban? Il n'a assisté, si ma mémoire est bonne, qu'à la première séance, c'est-à-dire la séance inaugurale, aux côtés de l'ambassadeur américain et de l'évêque de l'Église maronite orthodoxe du Liban.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie le sénateur de nous avoir donné cette information, qui ne fait que confirmer de nouveau ce que j'ai dit plus tôt, à savoir que le premier ministre ne savait pas que cette personne avait été invitée et qu'elle était dans la pièce.

En fait, comme il l'a dit ensuite aux médias, il n'aime pas tout ce que les gens disent et les gens n'aiment peut-être pas tout ce qu'il dit. Toutefois, j'espère que le Canada continuera de participer au dialogue.

L'EXPULSION D'UN CITOYEN CANADIEN EN SYRIE PAR LES ÉTATS-UNIS

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je suis sûr que nous sommes tous d'accord sur ce qu'a dit plus tôt le sénateur Oliver.

Comme vous le savez, les nouvelles lois américaines en matière d'immigration permettent aux autorités d'arrêter des citoyens canadiens nés en Syrie, en Irak, en Iran, en Libye, au Soudan, en Arabie saoudite, au Yémen et au Pakistan aux postes frontière et de les forcer à faire prendre leurs empreintes digitales, à se faire photographier et à remplir un formulaire détaillé sur leurs plans de voyage. Le Canada a protesté fermement parce que cela pénalise certains Canadiens.

Voici ma question: y a-t-il du nouveau sur le citoyen canadien dont on est sans nouvelles? Je communiquerai avec le gouvernement de la Syrie cet après-midi. Y a-t-il du nouveau? S'il s'agissait d'une personne d'une autre origine ou d'une autre religion, je pense que le Canada, la presse et les deux chambres du Parlement protesteraient vivement.

Jusqu'à preuve du contraire, cet homme est un citoyen canadien qui, comme l'a indiqué le gouvernement canadien, a passé avec succès toutes les étapes du processus de sécurité avant d'obtenir la citoyenneté canadienne. Je me demande si madame le leader est au fait de ce très dangereux précédent que l'on crée en expulsant quelqu'un parce qu'il se s'est trouvé à débarquer aux États-Unis.

S'il y a un endroit vers où il aurait dû être expulsé, c'est bien au Canada, d'où il vient.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Comme l'honorable sénateur l'a expliqué, les autorités syriennes ont indiqué que M. Maher Arar se trouvait en Syrie. Selon elles, il n'aurait pas été en Syrie pendant tout ce temps. Il aurait apparemment séjourné en Jordanie pendant quelque temps, mais il est actuellement en Syrie.

Malheureusement, il n'est pas seulement un citoyen canadien; il est aussi un citoyen syrien. Les États-Unis auraient dû lire attentivement son document de voyage, constater qu'il s'agissait d'un citoyen canadien et l'expulser vers le Canada, s'ils tenaient vraiment à l'expulser. Nous n'avons pas les mêmes pouvoirs auprès de la Syrie parce que celle-ci peut le traiter comme un citoyen syrien et non comme un citoyen canadien. Le gouvernement canadien a fait des démarches auprès de la Syrie et nous espérons que M. Arar sera autorisé à rentrer au Canada parce que, même s'il a conservé sa citoyenneté syrienne, c'est au Canada qu'il a décidé de s'établir.

(1500)

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, c'est avec une certaine tristesse que je prends la parole pour déplorer une situation, dans cette enceinte, qui est discriminatoire envers certains sinon beaucoup d'entre nous qui n'ont pas les doigts très agiles. De nombreux membres de cet auguste groupe se servent de ce petit appareil appelé «Blackberry», «blueberry», «raspberry» ou je ne sais trop quoi et obtiennent toute l'information dont ils ont besoin. Ceux d'entre nous qui souffrent d'arthrite aux mains ne peuvent pas se servir de ce genre d'appareil. Il s'ensuit que nous faisons l'objet de discrimination parce que nous ne pouvons pas apporter nos ordinateurs dans la salle. Les ordinateurs qu'utilisent les journalistes du Parlement et le sénateur Gauthier ne font aucun bruit. La plupart des ordinateurs modernes sur la planète ne font pas de bruit.

Le temps est venu pour Son Honneur de nous sortir du XIIe siècle et de nous faire entrer dans le XXIe siècle en nous permettant d'utiliser des ordinateurs portatifs dans cette enceinte, comme cela se fait dans toutes les assemblées législatives civilisées sur cette planète.

L'honorable Marcel Prud'homme: Premièrement, honorables sénateurs, je félicite chaleureusement madame le sénateur Pépin pour sa nomination à la fonction de Président intérimaire.

Deuxièmement, je demanderais au sénateur LaPierre de présenter la motion nécessaire pour renvoyer cet important recours au Règlement au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement pour étude.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, merci d'avoir soulevé ce point, mais je pense que nous devons procéder avec l'ordre du jour.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI SUR LES ESPÈCES EN PÉRIL

DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Tommy Banks propose: Que le projet de loi C-5, Loi concernant la protection des espèces sauvages en péril au Canada, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis encore une fois fier de vous présenter la doyenne des mesures législatives, la Loi sur les espèces en péril.

En examinant le projet de loi sur la protection des espèces en péril, nous devons nous rappeler qu'il bénéficie aujourd'hui d'un très grand soutien. Les Canadiens ne tiennent pas à ce que des espèces disparaissent du fait de l'activité de l'homme. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui ne nous est pas inconnu. Voilà neuf ans qu'il est en cours d'élaboration. Il est fruit d'une consultation et d'une étude remarquablement poussées et il a été réexaminé et modifié. Il est le fruit d'un processus cumulatif de négociations et d'accords. Je suis

fier de vous soumettre ce projet de loi, honorables sénateurs. Il prend en compte les différentes solutions et les divers intérêts de tous ceux qui sont partie à la protection des espèces. On a consacré beaucoup de temps à la recherche d'un juste équilibre et des meilleures pratiques à retenir pour faire du projet de loi C-5 une mesure législative efficace et équitable.

Ce projet de loi est largement appuyé au Canada. Les gouvernements provinciaux et territoriaux, les administrations municipales, les Autochtones, les organisations non gouvernementales, les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs, les représentants de l'industrie et beaucoup d'autres Canadiens intéressés l'appuient.

J'espère que les sénateurs me permettront de présenter un bref récapitulatif de quatre des principaux éléments du projet de loi sur les espèces en péril. Je rappelle, dans un premier temps, que le projet de loi n'est qu'un des éléments d'une stratégie globale visant à protéger les espèces en péril. Le succès de cette stratégie repose sur une collaboration fédérale-provinciale-territoriale efficace dans le cadre de l'accord sur la protection des espèces en péril.

Le mois dernier, les ministres canadiens chargés de la faune se sont réunis à Halifax lors d'une rencontre fructueuse pour faire le point de la question. Leur accord sur protection des espèces en péril a donné lieu à une foule d'initiatives provinciales et territoriales pour protéger les espèces en péril, dont bon nombre ont fait l'objet de lois. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui est la réponse du gouvernement du Canada qui honore les engagements pris en vertu de cet accord. Nous ne pouvons ni ne devons exiger moins de nous- mêmes que nous n'exigeons de nos partenaires provinciaux et territoriaux.

Deuxièmement, la protection de l'habitat s'avère d'une importance cruciale pour la préservation des espèces. Si nous encourageons les propriétaires fonciers à appliquer des mesures volontaires de conservation, au lieu de les y forcer, il est possible de protéger les habitats menacés. Ces mesures sont à la fois officielles et informelles, et concernent toutes des accords d'intendance impliquant les gouvernements et des organismes bénévoles, les entreprises et l'industrie.

Nombre de Canadiens participent aux mesures d'intendance pour protéger nos précieuses espèces et leurs habitats respectifs. Le Canada doit soutenir la vaste gamme d'écosystèmes qu'il renferme. L'intendance constitue l'élément principal du plan d'action. L'accord entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires prévoit des mesures d'intendance. En fait, l'intendance constitue l'essence même de la mesure législative que nous étudions présentement et qui, je le souhaite, deviendra loi.

Troisièmement, la mesure législative proposée prévoit un processus scientifique rigoureux et indépendant pour l'évaluation des espèces. Ce processus s'effectuera indépendamment du gouvernement. Il entraînera la création de mécanismes et de pouvoirs pour donner suite à ces évaluations par des plans pour aider les espèces à se rétablir.

Quatrièmement, le projet de loi prévoit une indemnisation. Comme nombre d'honorables sénateurs en conviendront sans doute, quiconque subit, injustement ou autrement, une perte liée aux mesures exceptionnelles de protection de l'habitat essentiel, devrait recevoir une indemnisation juste et raisonnable. On a déjà commencé à préparer un règlement général sur l'indemnisation et des règlements plus pointus seront élaborés au cours des prochaines années. Cette réglementation reposera sur l'expérience pratique acquise lors de la mise en oeuvre de la mesure législative sur l'intendance des espèces sauvages en péril.

De plus, la mesure législative proposée sert de complément aux mesures déjà en cours d'application. Elle offre une approche véritablement pancanadienne parce qu'elle met l'accent sur la coopération au moyen de mesures de conservation, d'incitatifs et de plans d'intendance. Elle propose des mesures plus strictes pour la protection de l'habitat essentiel. Elle prévoit également une évaluation scientifique indépendante des espèces en péril. Enfin, elle prévoit des mesures d'indemnisation appropriées.

Honorables sénateurs, Il est grand temps d'aller de l'avant avec cette mesure législative. J'ose espérer que les honorables sénateurs conviendront qu'il faut renvoyer le projet de loi C-5 au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles pour examen. L'examen approfondi et rigoureux du projet de loi par le comité constitue une étape essentielle pour enfin assurer une protection efficace aux espèces en péril au Canada. Il est grand temps de mettre cette mesure législative en application, là où elle peut vraiment faire une différence et donner les résultats escomptés. Je recommande cette mesure à l'attention des honorables sénateurs.

(1510)

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je suis heureuse de parler du projet de loi C-5, la Loi sur les espèces en péril. Pour me faire l'écho des paroles du sénateur Banks, je tiens à dire: «Nous y voilà de nouveau.» Je tiens à remercier le sénateur Banks de ses remarques tout à fait pertinentes. Je suis persuadée qu'il ne sera pas surpris d'apprendre que mon interprétation de ce projet de loi diffère légèrement de la sienne.

Il y a plus de dix ans, le premier ministre Brian Mulroney a commencé le processus pour le Canada et pour le monde entier. Au Sommet de la Terre, il a défendu la Convention mondiale sur la diversité biologique — la convention tendant à freiner la disparition des espèces. Il a lutté contre l'opposition américaine à ce traité. Il a été le premier dirigeant d'un pays industrialisé à s'engager à appuyer ce traité et il a ainsi incité des pays hésitants comme la Grande- Bretagne et l'Allemagne à souscrire à ce traité.

En juin 1992, le premier ministre Mulroney a obtenu la Convention sur la diversité biologique. Six mois plus tard, le Canada est devenu le premier pays industrialisé à la ratifier. Le
29 décembre 1993, elle est entrée en vigueur. Depuis, elle a exigé — et c'est important — que le Canada légifère pour protéger les espèces en voie de disparition.

Le gouvernement actuel a parlé de ses engagements à l'égard de la protection des espèces. C'est une promesse contenue dans son livre rouge. Cependant, comme T.S. Eliot l'a déjà dit, entre la pensée et l'action, il y a un monde. En octobre 1996, le gouvernement a présenté le projet de loi C-65, Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada, qui est mort au Feuilleton à l'étape de l'étude en comité à l'autre endroit à la suite du déclenchement des élections. En avril 2000, le gouvernement a présenté le projet de loiC-33, la Loi sur les espèces en péril. Ce projet de loi est mort au Feuilleton également à la suite du déclenchement d'élections. Le gouvernement a présenté le projet de loi C-5, la Loi sur les espèces en péril, en février 2001, et ensuite, le mois dernier, il a prorogé le Parlement. Nous sommes maintenant saisis du projet de loi C-5, qui reprend la troisième version, avec certains amendements louables du Comité de l'environnement de la Chambre des communes.

Dix ans et quatre projets de loi. Cela donne un nouveau sens à l'expression «mieux vaut tard que jamais».

D'un autre point de vue, dix ans, ce n'est rien. Pensez au temps qu'il faut aux espèces pour évoluer et se développer. Une décennie ne veut rien dire. Pensez à l'extinction d'une espèce. Dix ans, cela ne veut rien dire là encore. Lorsque le dernier individu d'une espèce meurt, cette espèce disparaît à jamais de notre planète. Nous avons perdu et nous ne pouvons récupérer la tourte voyageuse, le doré bleu qu'on retrouvait dans les eaux de l'Ontario ou le caribou de Dawson qui vivait dans les bois de la Colombie-Britannique.

Par ailleurs, dix années signifient beaucoup. Pendant que le gouvernement présentait ses projets de loi et les laissait devenir caducs, on a déclaré deux espèces de poisson disparues en Colombie-Britannique. Depuis le milieu du XIXe siècle, au Canada, onze espèces ont disparu, dont deux en 1999. Le Canada compte 402 espèces menacées, notamment le rorqual bleu, le plus gros animal de tous les temps sur la planète. En mai, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada a ajouté le rorqual bleu à sa liste des espèces en péril, ce qui signifie la disparition imminente de cet animal.

Les grenouilles offrent un autre exemple. Il y a deux ans, une équipe de scientifiques dirigée par Jeff Houlahan, de l'Université d'Ottawa, a analysé des données recueillies dans 37 pays. Elle a constaté que le nombre total d'amphibiens diminuait depuis des décennies au rythme de 2 p. 100 par année. Au Canada, la population de grenouilles léopards a diminué de 60 p. 100, et cette espèce a disparu complètement de la Colombie-Britannique.

Cette situation est attribuable avant tout à la destruction de l'habitat. Les torts que nous causons à la nature sont nombreux: destruction de l'habitat, importation d'espèces envahissantes, pollution, explosion démographique et récoltes excessives — nous en savons quelque chose de la surpêche dans nos eaux côtières.

Mais pourquoi s'en faire? Je ne saurais dire mieux qu'Edward Wilson, éminent biologiste de l'Université Harvard et lauréat du prix Pulitzer. Dans son livre intitulé La diversité de la vie, il écrit:

Quelle différence la disparition de certaines espèces, même de la moitié de toutes les espèces, peut-elle faire? Laissez-moi compter les pertes. De nouvelles sources d'information scientifique seront perdues. Une vaste richesse biologique potentielle sera détruite. Des médicaments, des plantes, des chronométreurs, des fibres, des matières ligneuses, des plantes régénératrices des sols, des succédanés du pétrole et d'autres produits et services qui n'ont pas encore été découverts ne verront jamais le jour.

La diversité de la vie est une police d'assurance pour notre avenir, car elle nous fournit des moyens d'adaptation au changement climatique et à d'autres problèmes environnementaux. Voulons- nous vraiment prendre le risque de nous priver de cette couverture?

J'ai lu L'avenir de la vie d'Edward Wilson, l'été dernier, lecture que je recommande fortement d'ailleurs. L'auteur nous fait comprendre, notamment, à quel point nous sommes dépendants des cadeaux et des surprises du monde qui nous entoure. Il parle par exemple des antibiotiques, des médicaments antipaludiques, de l'esthétique, des analgésiques, des anticoagulants, des inducteurs de coagulation sanguine, des stimulants et régulateurs cardiaques, des médicaments immunodépresseurs, des anticancéreux, des médicaments contre la fièvre, vous voyez un peu le tableau.

Environ 40 p. 100 de tous les médicaments sur ordonnance sont tirés des plantes, des microorganismes ou des animaux. Par conséquent, peut-on bien me dire pourquoi nous voudrions détruire une espèce dont nous pourrions avoir besoin dans les années à venir? La réalité, c'est que les scientifiques ont des connaissances au sujet de 71 000 espèces inventoriées au Canada. Ils estiment également qu'un nombre à peu près égal d'espèces demeurent non décrites ou non inventoriées par la science. Notre pays comprend près d'un cinquième des aires de nature sauvage dans le monde. Il compte le quart des zones humides, le cinquième de l'eau potable et le dixième de toutes les forêts dans le monde. Le moins que l'on pourrait faire, semble-t-il, serait de sauver les quelques douzaines d'espèces que nous savons en péril ainsi que celles qui sont menacées.

Selon Edward Wilson:

La vigueur de l'éthique de conservation de chaque pays est mesurée à l'aune de la sagesse et de l'efficacité de ses lois en matière de protection de la biodiversité.

Nous sommes réunis ici aujourd'hui pour examiner ces éléments de sagesse et d'efficacité et pour juger de la sagesse du projet de loi. Si nous agissons de façon inappropriée, ce ne sera pas efficace. Si nous n'agissons pas de façon appropriée, les générations futures ne nous jugeront peut-être pas avec beaucoup de bienveillance. Ces observations m'amènent maintenant à aborder le contenu du projet de loi.

Les honorables sénateurs se sont fait dire une fois que ce projet de loi correspond à ce que le gouvernement pouvait faire de mieux, et nul doute qu'on le leur répétera à plusieurs reprises. On évoquera notamment les neuf années de travail et toutes les séances de consultation qui ont conduit à la rédaction de ce projet de loi. Peut- être ne devrions-nous rien y changer. Peut-être ce projet de loi mérite-t-il tout notre respect.

Deux possibilités s'offrent à nous. Nous pouvons prétendre que c'est le cas. Nous pouvons prétendre que le projet de loi est le fruit d'un travail très soigné et marqué de beaucoup de compromis et, partant, qu'il ne devrait pas être modifié, ou encore nous pouvons regarder la réalité en face et constater que ce n'est pas le projet de loi pour lequel nos collègues du Comité de l'environnement de la Chambre des communes ont mené une longue et dure lutte dans un souci de le rendre potable. Ce n'est pas le projet de loi qu'ils ont recommandé. Ce n'est pas le projet de loi qui, selon
1 300 scientifiques, est nécessaire pour assurer une protection efficace aux espèces en péril au Canada. Ce n'est pas le projet de loi que souhaitent les propriétaires fonciers. C'est le projet de loi que le gouvernement était disposé à nous donner, modulé par la crainte d'une révolte dans ses rangs s'il n'acceptait pas un compromis.

C'est à tous égards un projet de loi timide qui ne met même pas en branle — ce pourrait être une première étape — les droits que le gouvernement fédéral pourrait exercer selon la loi pour protéger les espèces en péril.

Avant de parler très humblement des lacunes du projet de loi, j'aimerais en soulever les points positifs. Du côté positif, comme l'a dit le sénateur Banks, ce projet de loi crée le COSEPAC, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, qui est chargé de l'évaluation scientifique du statut des espèces. Le projet de loi exige que le ministre consulte certains organismes scientifiques comme la Société royale du Canada avant de faire des nominations au Comité. Il n'exige pas toutefois, comme les scientifiques l'ont demandé, qu'au moins la moitié des membres du Comité viennent de l'extérieur du gouvernement, dans le but d'assurer l'indépendance politique de ce comité.

Le projet de loi crée également le Conseil autochtone national sur les espèces en péril qui devra donner des conseils et assurer une certaine sagesse au processus. Voilà également un aspect très positif. Toutefois, pour chacun des principaux éléments de la mesure législative sur les espèces en péril, inscription, portée, protection de l'habitat et indemnisation, le projet de loi est très peu précis.

Pensons au premier élément, c'est-à-dire l'inscription. Le projet de loi confirme l'autorité du COSEPAC pour ce qui est de l'évaluation des espèces, puis il donne au Cabinet le pouvoir de les inscrire comme étant disparues du pays, en voie de disparition, menacées ou préoccupantes. Et il donne au gouverneur en conseil le pouvoir d'ignorer complètement la preuve scientifique. C'est une formule menant à l'ingérence politique dans la suite logique d'un exercice scientifique.

Un renard en voie d'extinction n'est pas moins en voie d'extinction parce que le Cabinet refuse de l'inscrire sur la liste. Toutefois, aux yeux du monde, ou aux yeux de ceux qui ne connaissent pas très bien le système, nous pouvons avoir l'air de faire un bon travail en maintenant les listes assez courtes.

Un régime plus logique devrait permettre de distinguer clairement entre la science et la politique. Par l'intermédiaire du COSEPAC, les scientifiques pourraient dresser la liste des espèces et le Cabinet devrait déterminer les mesures nécessaires pour les protéger. On tiendrait compte des considérations d'ordre économique et politique. Ces dernières seraient clairement établies.

Le sénateur Banks a dit que la plupart des provinces et des territoires ont déposé une mesure législative ou y ont apporté des amendements après avoir signé l'entente nationale sur la protection des espèces. Cependant, quelles sont les applications pratiques de leurs lois? À venir jusqu'en avril dernier, le bilan des provinces était épouvantablement cohérent. La discrétion politique en matière d'établissement de la liste peut s'exercer partout sauf en Nouvelle- Écosse. À cause de la discrétion politique, le tiers seulement des espèces inscrites par le COSEPAC se retrouvaient sur les listes provinciales, de sorte que 67 p. 100 des espèces inscrites par le COSEPAC ne bénéficiaient dans ces territoires d'aucune protection juridique, d'aucun accès au financement ni d'aucune recherche ni planification de rétablissement.

(1520)

L'établissement de la liste constitue la pierre angulaire de la loi sur les espèces en voie de disparition. Comme beaucoup d'autres, je crois que l'établissement de cette liste devrait être fondé sur des considérations scientifiques. Le comité des Communes nous a donné un compromis — la possibilité d'inverser le fardeau de la preuve grâce à laquelle une espèce inscrite sur la liste du COSEPAC ferait partie de la liste officielle dans un délai de six mois à moins que le Cabinet n'en dispose autrement. Le gouvernement, menacé d'une révolte de son caucus, a accepté de prolonger ce délai à neuf mois. Lorsque le Cabinet prend cette décision, le ministre doit exposer pourquoi dans une déclaration à déposer dans le registre public. Ce n'est pas la meilleure approche, mais c'est un compromis que la plupart des gens peuvent accepter.

Il est important de noter que 233 espèces figurant déjà sur la liste du COSEPAC feront automatiquement partie de la liste officielle lors de la promulgation de cette loi, et qu'il incombera alors au Cabinet d'annuler la décision s'il le juge bon.

La portée du projet de loi est le deuxième élément jugé insuffisant. Le gouvernement voudrait nous faire croire que le projet de loi protégera les espèces en voie de disparition partout où elles vivent au Canada, que ce soit sur le territoire domanial ou dans un parc provincial. Comme le ministre l'a affirmé à maintes reprises, il doit croire que c'est vrai. Cependant, en examinant le libellé même du projet de loi interdisant d'abattre ou de harceler une espèce en voie de disparition ou de détruire son habitat en vertu de l'article 34, le projet de loi ne s'applique pas. Aux termes de l'article 34, en effet, les dispositions «ne s'appliquent dans une province, ailleurs que sur le territoire domanial, que si un décret [...] prévoit une telle application». Il s'agit d'un décret pris par le gouverneur en conseil. On parle de «filet de sécurité» à propos de cette approche, une approche que préconisait le Parti progressiste-conservateur. Que les provinces fassent leur travail. Si elles ne le font pas, déployons le filet de sécurité. Cependant, la mesure à l'étude n'assure pas que l'on déploiera un jour le filet de sécurité.

Le gouvernement a présenté au cours de la dernière session parlementaire un projet de loi C-5 rédigé de telle sorte qu'il accorde au gouverneur en conseil la liberté d'intervenir ou non sur les terres provinciales ou territoriales. Le comité de la Chambre des communes a remplacé le terme «peut» par «doit», tout en laissant encore un peu de jeu. Le Cabinet ne devrait invoquer la loi fédérale que si, de l'avis du ministre, cela était nécessaire. Le gouvernement a trouvé même cela inacceptable.

Nous nous retrouvons donc, dans ce projet de loi, avec deux catégories distinctes d'espèces en péril. Il y a celles qui ont le bonheur de fréquenter les terres domaniales, qui représentent environ 5 p. 100 de la superficie totale du pays, en dehors des territoires. La loi leur garantit une protection, à elles ainsi qu'à leurs tanières et à leurs nids, si elle se trouvent à proximité d'un bureau de poste, d'un aéroport, d'une base militaire, d'un poste de la Garde côtière ou d'un parc national. Puis, il y a les autres espèces dont la vie et l'habitat peuvent ne pas être protégés par un décret du Cabinet, à moins qu'il s'agisse d'espèces aquatiques ou d'espèces protégées en vertu de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Voilà ce que dit le projet de loi.

Je ne peux m'empêcher de croire que, lorsque le ministre a écrit que le gouvernement sera obligé d'imposer des interdictions pour les protéger, il devait avoir en tête une obligation morale. Ce projet de loi n'impose au gouvernement aucune obligation légale de faire quoi que ce soit en dehors des terres domaniales pour protéger toute espèce en voie d'extinction, sauf s'il s'agit d'une espèce aquatique ou protégée par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, et il ne renferme aucune disposition particulière concernant des espèces transfrontalières comme le grizzly, le caribou des forêts et le renard véloce.

Les spécialistes en matière constitutionnelle affirment que le gouvernement a le pouvoir de protéger les espèces transfrontalières et leur habitat. Ce pouvoir lui est accordé par l'article 132 de la Loi constitutionnelle de 1867 et l'article 91 de la Constitution concernant le pouvoir d'assurer l'ordre, la paix et un bon gouvernement. Une version antérieure de ce projet de loi, le projet de loi C-65, contenait des mesures en ce sens. Étant donné que de
80 à 90 p. 100 de toutes les espèces en péril au Canada traversent la frontière canado-américaine, cette absence de protection constitue la faille la plus évidente dans le projet de loi.

Il y a trois ans, douze sénateurs américains ont écrit au président Clinton pour le prier, avant sa visite au Canada, de demander à notre premier ministre de faire en sorte que tout nouveau projet de loi en la matière prévoie la protection de l'habitat de toutes les espèces communes aux États-Unis et au Canada, sur toutes les terres. Ils doivent être déçus. Le Sénat pourrait peut-être combler cette lacune dans le projet de loi, mais vous me voyez sourire.

Le troisième élément, la protection de l'habitat, est un élément tellement essentiel de la protection des espèces qu'il mériterait un débat à lui seul. L'éminent écologiste canadien David Schindler a dit ceci:

Protéger des espèces sans protéger leur habitat correspondrait pratiquement toujours à un impossibilité scientifique totale. Penser différemment équivaudrait à soutenir que la Terre est plate.

Pendant un certain temps, la dernière version du projet de loi C-5 ne prévoyait aucune protection obligatoire de l'habitat essentiel, même sur le territoire domanial. L'habitat d'une espèce menacée était protégée, et c'était tout. C'est un peu comme si nous disions à des gens qu'ils peuvent demeurer chez eux, mais que nous allons détruire leur jardin, leur bureau, leur école, leurs routes et leurs centres commerciaux. Le comité des Communes s'est efforcé de corriger cette importante lacune, et nous avons maintenant un projet de loi qui défend l'habitat essentiel des espèces sur le territorial domanial ou des espèces aquatiques. Ailleurs, cette protection est discrétionnaire. Est-ce suffisant?

J'ai un exemple très précis dont je voudrais faire part aux sénateurs aujourd'hui, et j'espère en faire part au ministre et à ses collaborateurs lorsqu'ils comparaîtront devant le comité. On trouve cet exemple dans ma province natale, le Manitoba, qui est également la province d'origine du leader du gouvernement au Sénat.

Au bord de la frontière ontarienne est situé le parc provincial Nopiming, une zone très spéciale de pins majestueux et de caribous des forêts. Un permis d'exploitation forestière d'environ 60 p. 100 du parc a également été accordé à Tembec, une multinationale établie au Québec. Oui, le Manitoba autorise des sociétés à exploiter les forêts de nos parcs provinciaux. En mai 2000, la stratégie de protection du caribou des forêts du gouvernement manitobain inscrivait dans la liste des espèces menacées le troupeau de caribous de Nopiming. On y disait que les activités d'exploitation forestière et l'accroissement d'autres activités constituaient la principale menace à sa survie. Le gouvernement manitobain a interdit toute activité de chasse et a défendu aux campeurs de monter leur tente dans les zones où les caribous élevaient leurs petits. Un plan provincial recommande de protéger les deux tiers des zones du parc où sont concentrés les caribous. Cependant, les coupes à blanc, qui détruisent carrément l'habitat, sont toujours autorisées. En mai dernier, le COSEPAC a procédé à un autre examen et a inscrit les caribous des forêts de la forêt boréale du Manitoba dans la liste des espèces menacées, ce qui signifie qu'ils deviendront probablement en péril si les conditions menaçantes ne sont pas éliminées.

Avant que nous n'adoptions ce projet de loi, j'aimerais que le ministre nous explique comment cette mesure va protéger les caribous du parc Nopiming. Si j'ai bien compris, une fois la loi promulguée, le Cabinet pourra interdire toute chasse, mais le gouvernement du Manitoba a déjà pris cette mesure. Le Cabinet pourrait exercer ses pouvoirs discrétionnaires pour protéger l'habitat du caribou, mais cela ne servira à rien. Les caribous ne peuvent survivre que s'ils disposent de forêts matures pour s'abriter et de lichen mature pour se nourrir. Pour protéger l'habitat à l'intérieur du parc, il faudra adopter un programme de rétablissement et établir un plan d'action pour la mise en oeuvre de ce programme. Selon l'article 42, le ministre a deux ans pour élaborer ce programme de rétablissement. Le comité de la Chambre des communes voulait accorder deux autres années au ministre pour l'élaboration des plans d'action, mais cette disposition n'a pas été adoptée. Il n'existe donc pas de délai. Le ministre pourrait prendre cinq, dix ou même vingt ans pour élaborer une stratégie de rétablissement. Pis encore, la protection des habitats essentiels dans un parc provincial ne peut se faire que sur décret du Cabinet et à la discrétion de celui-ci. Or, un décret du Cabinet exige une recommandation ministérielle et prend fin après cinq ans.

Un élément salvateur de ce projet de loi, c'est que, une fois l'habitat essentiel repéré grâce à un programme de rétablissement ou un plan d'action, le ministre doit, tous les 180 jours, faire publiquement rapport des mesures prises pour protéger cet habitat. Combien de rapports de la sorte lirons-nous au sujet des caribous du parc Nopiming?

Je respecte certainement la volonté du gouvernement, comme l'a dit le sénateur Banks, d'appuyer la structure constitutionnelle canadienne et d'établir de solides relations de travail avec les provinces. Cependant, nous devons savoir exactement quel sera l'impact de ce projet de loi devant un gouvernement provincial ayant un lourd bilan de destruction des habitats dans ses parcs, à savoir, celui de ma propre province. Que fera cette mesure législative par rapport à un gouvernement si profondément engagé en ce sens qu'il propose même de prolonger les chemins d'exploitation forestière dans la région et a déjà supprimé 138 kilomètres carrés dans le parc sauvage Atikaki. En saulteux-ojibwa, le mot Atikaki signifie pays du caribou.

Nous devons avoir une réponse à cette question car, si ce projet de loi est sans effet ou si les gouvernements d'aujourd'hui et de demain n'ont pas la volonté requise pour exercer leurs pouvoirs discrétionnaires, il serait peu judicieux de sanctionner cette mesure législative. De toute évidence, elle sera inefficace.

En ce qui concerne l'indemnisation, en principe le projet de loi C-5 fait un pas dans la bonne direction. Il reconnaît que les propriétaires fonciers ne devraient pas être les seuls à assumer le coût économique de la protection des espèces.

(1530)

Nous ne savons pas, toutefois, ce que prévoira le règlement, et nous ne le saurons peut-être pas avant de nous prononcer sur ce projet de loi. Il vaudrait mieux pour nous, et surtout pour les propriétaires fonciers, que ce règlement soit présenté à notre comité. J'espère sincèrement que le ministre nous permettra de l'examiner.

Enfin, je tiens à rappeler à tous les sénateurs que le Sénat s'est déjà exprimé sur certains aspects critiques de ce projet de loi. En juin 1999, nous avons adopté le rapport du Sous-comité de la forêt boréale du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Il était dit dans ce rapport que le Canada avait besoin d'une solide loi sur les espèces menacées qui reconnaisse la nécessité de préserver l'habitat dont les espèces menacées ont besoin pour survivre. Selon le comité sénatorial, le gouvernement fédéral «doit utiliser son pouvoir constitutionnel en matière», notamment, «d'espèces menacées».

Je crois que le présent projet de loi ne donne pas suite à cette recommandation. Nous avons donc le choix: ou nous entendons des témoins, débattons de bons amendements et adoptons le projet de loi sans en changer une virgule parce que c'est ce que veut le gouvernement qui forme la majorité au Sénat, ou nous sommes un peu plus critique à l'égard du projet de loi. Nous savons tous quelle est la situation à l'autre endroit en ce qui concerne ce projet de loi. Ce que nous devons nous demander, c'est quelle est la situation au Sénat. Allons-nous nous engager dans un exercice purement formel ou allons-nous faire ce que les Canadiens de bonne volonté attendent de nous?

Aux prises avec un projet de loi qui présente des lacunes, mais qui a du potentiel, pouvons-nous oublier notre esprit partisan et travailler ensemble à l'améliorer? J'espère sincèrement que les sénateurs d'en face profiteront du temps dont nous disposons sur ce projet de loi pour faire cela.

Le sénateur Banks: Honorables sénateurs, madame le sénateur Spivak répondra-t-elle à une question?

Le sénateur Spivak: Bien sûr.

Le sénateur Banks: Je me réjouis que le sénateur ait souligné dans quelle mesure le gouvernement a exaucé les souhaits du Parlement, dans quelle mesure il fait du bon travail. Je me réjouis aussi d'avoir entendu le sénateur dire que le gouvernement fait ce qu'il doit faire, c'est-à-dire gouverner et prendre des décisions relativement à des questions comme les droits des provinces. Je me réjouis que le sénateur ait reconnu l'existence même de ces droits. Une des fonctions du Sénat consiste justement à défendre les droits des provinces.

Le sénateur veut savoir comment le gouvernement réagira si une province est récalcitrante. L'intention du gouvernement, dans ce projet de loi, est de se servir de la carotte plutôt que du bâton. Toutefois, le sénateur a demandé comment réagira le gouvernement et a dit que cela exigerait une grande volonté. Je réponds qu'il est difficile de mettre de la volonté dans une loi. Cependant, je partage tous les autres souhaits formulés par le sénateur.

Madame le sénateur ne convient-elle pas qu'il vaudrait mieux étudier cette question le plus rapidement possible et renvoyer le projet de loi à un comité dès que possible pour que son adoption ne soit pas retardée une quatrième fois par une prorogation du Parlement?

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, je pense que le projet de loi devrait être renvoyé dès que possible à un comité. Je me demande si le sénateur sait quelque chose que nous ne savons pas de ce côté-ci au sujet d'une future prorogation. Combien peut-il y en avoir durant une législature?

En réponse à la question du sénateur au sujet des provinces, la protection environnementale est une compétence partagée. Il est évident pour quiconque a un peu de bon sens que si l'habitat d'un parc provincial est complètement détruit, il n'y aura plus de caribous. C'est une situation d'urgence.

Il me semble que, peut-être, ce projet de loi paralyse le Cabinet à certains égards. J'espère que nous pourrons en discuter en comité.

Quand le sous-comité a examiné les questions relatives à la forêt boréale, nous sommes allés dans le Nord du Québec où nous avons entendu des piégeurs ne parlant pas anglais. Ils nous ont parlé par l'entremise d'un interprète et ont décrit comment une société forestière avait coupé tous les arbres autour de leurs petites cabanes. Ils ne pouvaient plus chasser parce qu'il n'y avait plus d'animaux sauvages. J'ai dit: «C'est terrible, mais pourquoi ne vous êtes-vous pas installés ailleurs?» Ce à quoi ils ont répondu: «Nous ne pouvons pas parce que tous les territoires ont été attribués depuis des milliers d'années.»

J'espère qu'un comité se penchera sur les pouvoirs dont le gouvernement fédéral disposera réellement aux termes du projet de loi pour corriger cette situation tout à fait terrible qui existe dans ma province. Je ne me suis même pas arrêtée à ce qui se passe dans les autres provinces.

Le sénateur Banks: Madame le sénateur est-elle d'accord pour dire que, si le projet de loi n'est pas adopté, le gouvernement ne pourra rien faire, car même s'il est déterminé à faire quelque chose, nous avons besoin du projet de loi comme mesure punitive?

Le sénateur Spivak:Je ne suis pas d'accord. Je répondrai simplement ceci:si le gouvernement ne peut rien faire avec ce projet de loi, serons-nous bien avancés?

L'honorable Gerry St. Germain:Honorables sénateurs, je sais que madame le sénateur Spivak est farouchement en faveur de l'immigration, ce qui est une orientation louable pour tout pays. Cependant, tout pays dont la densité démographique est trop élevée détruit pratiquement son habitat.

L'autre point que je veux soulever, c'est le fait que le Canada a pour politique d'encourager les nouveaux arrivants à s'établir dans l'arrière-pays. J'ai été un passionné de plein air et un chasseur pendant la majeure partie de ma vie. Je vois les habitats disparaître et les espèces sauvages être menacées. Ce ne sont pas les chasseurs ou les piégeurs autochtones qui les menacent, mais l'incursion humaine. Les gens détruisent tout. Il reste à voir ce qu'ils n'ont pas détruit.

Je ne dis absolument pas que nous devrions nous opposer à l'immigration. Mais prenez des pays comme l'Inde ou la Chine; les incursions humaines y ont pratiquement détruit chaque parcelle d'habitat existant. Comment pouvons-nous siéger ici et souhaiter que davantage de personnes vivent dans l'arrière-pays tout en prétendant protéger l'environnement?

Le sénateur Spivak:De toute évidence, honorables sénateurs, c'est une question de pure forme. La raison, c'est que, si nous ne protégeons pas la Terre, nous n'aurons pas une économie ou un endroit adéquat où l'homme puisse vivre. De nombreux documents signalent qu'il y a un équilibre à rechercher entre l'endroit où les gens devraient vivre et ce que nous devrions protéger. Il est certain que, si nous n'utilisons pas notre bon sens, nous ne survivrons pas.

Je ne crois pas que la question de l'honorable sénateur en soit vraiment une. Ou bien nous voulons survivre, ou bien nous ne voulons pas survivre. Sincèrement, le Canada est un immense pays. Il me semble qu'il y a amplement d'espace pour accueillir des immigrants. Notre pays est aussi un des derniers du monde à abriter une véritable nature sauvage, un trésor qui est non seulement essentiel à notre survie, mais qui est aussi une richesse économique. Les gens voudront voir une nature sauvage lorsque celle-ci aura disparu de leur pays, ce qui est fort regrettable.

(1540)

Son Honneur la Présidente intérimaire: Le Sénat est-il prêt à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Banks, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)

[Français]

PROJET DE LOI SUR LES PRODUITS ANTIPARASITAIRES

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Yves Morin propose: Que le projet de loi C-8, Loi visant à protéger la santé et la sécurité humaines et l'environnement en réglementant les produits utilisés pour la lutte antiparasitaire, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi C-8 sur les produits antiparasitaires. Ce projet de loi est parrainé par la ministre de la Santé et remplace la loi adoptée en 1969. Ce projet de loi fut adopté par la Chambre des communes le 13 juin 2002 et constitue l'aboutissement de plusieurs années de travail, non seulement au sein de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, mais également au sein de groupes de Canadiens dont les intérêts étaient divergents et même parfois opposés.

En effet, les pesticides sont utilisés surtout pour l'agriculture dans une proportion de 90 p. 100 et contribuent à garantir aux Canadiens et aux citoyens du monde la subsistance à un coût qui soit acceptable. D'autre part, plusieurs de ces produits présentent un risque assez élevé pour l'environnement et surtout pour la santé. On peut alors comprendre que des conflits et des tensions puissent exister face à cette situation.

[Traduction]

La réglementation des pesticides au Canada est un domaine de compétence partagée. L'évaluation et l'approbation des pesticides sont de compétence fédérale, alors qu'une fois qu'ils ont été approuvés, leur vente, leur utilisation et leur élimination sont de compétence provinciale. Les objectifs du projet de loi C-8 sont d'améliorer la protection de la santé et de l'environnement, de rendre le système plus transparent et de renforcer les contrôles des pesticides après leur approbation.

Le projet de loi C-8 interdit que des pesticides soient importés, vendus ou utilisés à moins qu'ils n'aient été homologués par le ministre. Une fois homologués, leur utilisation est contrôlée de très près conformément à des instructions détaillées.

Aux termes du projet de loi C-8, l'homologation des pesticides est fondée sur une approche scientifique. Un nouveau produit ne sera approuvé ou accepté que si on a une certitude raisonnable qu'il ne menace pas la santé humaine, les générations futures ou l'environnement lorsqu'on respecte les conditions rattachées à son approbation.

L'homologation doit également tenir compte d'une exposition possible venant de sources multiples, comme les aliments, l'eau, la maison et l'école, ainsi que prendre en compte l'exposition à des pesticides qui agissent de la même façon. C'est ce qu'on appelle un risque cumulatif.

Enfin, l'homologation doit tenir compte des situations particulières de certaines populations, comme les femmes enceintes, les enfants, les agriculteurs et leurs familles.

La protection de la santé et de l'environnement aux termes du projet de loi C-8 serait également assurée par l'homologation seulement des pesticides qui sont plus efficaces que ceux déjà utilisés et par l'accélération du processus d'évaluation des pesticides qui sont considérés comme moins risqués.

L'évaluation post-homologation d'un pesticide serait effectuée régulièrement. De plus, on pourrait procéder à cet examen lorsqu'il est question d'effets secondaires, en fonction de l'information reçue de gouvernements ici ou ailleurs ou enfin, à la suite de la présentation de demandes de la part d'un seul citoyen même.

L'application de la loi proposée sera renforcée par l'octroi de pouvoirs accrus aux inspecteurs et l'imposition de sanctions plus élevées qui peuvent aller jusqu'à un million de dollars d'amende et six mois d'emprisonnement.

Le projet de loi C-8 rendra le processus d'homologation des pesticides beaucoup plus transparent en faisant participer la population à tous les niveaux du processus décisionnel, en rendant le registre disponible aux fins d'étude par n'importe quel citoyen canadien et enfin, en établissant un comité consultatif qui aidera la ministre à s'acquitter de ses fonctions aux termes de la loi.

[Français]

Honorables sénateurs, le projet de loi C-8 représente une législation d'homologation antiparasitaire qui place le Canada à l'avant-garde sur le plan de la protection de la santé et de l'environnement tout en donnant à l'agriculture canadienne toute la place dont elle a besoin pour remplir son rôle si important à l'échelle mondiale. Ce processus d'homologation est particulièrement transparent et limpide et implique les Canadiens et les Canadiennes à toutes les étapes décisionnelles. Voilà pourquoi je vous invite instamment, honorables sénateurs, dans notre intérêt à tous, à appuyer ce projet de loi afin qu'il soit en vigueur le plus rapidement possible.

[Traduction]

L'honorable Brenda M. Robertson: Le sénateur acceptera-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Morin: Volontiers.

Le sénateur Robertson: De quel ministère relèvera ce projet de loi?

Le sénateur Morin: Du ministère de la Santé. Il existe actuellement une Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, un organisme qui relève du ministère et du ministre de la Santé. C'est cette agence qui est chargée d'évaluer et de réglementer les pesticides.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

(1550)

[Français]

LE CODE CRIMINEL
LA LOI SUR LES ARMES À FEU

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Mobina S. B. Jaffer propose: Que le projet de
loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux et armes à feu) et la Loi sur les armes à feu, soit lu une deuxième fois.

Honorables sénateurs, je suis très heureuse d'avoir aujourd'hui l'occasion de prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux et armes à feu) et la Loi sur les armes à feu. Ce projet de loi représente la première occasion pour moi de parrainer un projet de loi devant cette Chambre. Je tiens à remercier tous mes collègues, particulièrement le sénateur Fraser, pour leur appui.

[Traduction]

Le projet de loi a été présenté au Parlement une première fois en décembre 1999, dans le cadre d'un projet de loi d'ensemble. Les dispositions relatives à la cruauté envers les animaux et aux armes à feu en ont été dissociées en 2001, pour en faire les seuls objets du présent projet de loi.

Honorables sénateurs, je voudrais commencer par les dispositions concernant la cruauté envers les animaux, que l'on retrouve dans le projet de loi C-10. Elles représentent la première grande réforme en plus de 50 ans, et la première réforme depuis 1892, année où l'on a adopté les dispositions relatives à la cruauté envers les animaux, visant à situer les infractions dans un contexte plus intégré.

[Français]

Comme vous le savez, les changements proposés s'inscrivent dans le contexte du débat portant sur l'utilisation des animaux dans la société. Ce débat perdure depuis des décennies. Il y a cependant des gens qui confondent ce vaste débat avec les buts et objectifs du projet de loi C-10. Il est extrêmement important de clarifier ce point: le projet de loi C-10 ne modifie pas le statut des animaux devant la loi.

[Traduction]

Les amendements au projet de loi C-10 visent deux objectifs principaux, soit, en premier lieu, accroître les sanctions maximales prévues pour les infractions de cruauté et, en second lieu, moderniser la loi et en retirer les complexités et les anachronismes.

Je prends quelques minutes pour expliquer le raisonnement qui sous-tend ces changements. Les motifs qui justifient le resserrement des sanctions prévues dans les cas de cruauté et de négligence criminelle sont très clairs. Traditionnellement, la façon pour la société de reconnaître la gravité d'une infraction particulière est d'imposer une peine précise. Or, les Canadiens ont clairement fait savoir que les dispositions sur la cruauté faite aux animaux ne reflètent plus la façon dont la société perçoit cette infraction. En outre, des recherches scientifiques révèlent de plus en plus l'existence d'un lien entre la cruauté faite aux animaux et la violence à l'égard des humains, particulièrement dans les cas de violence familiale. La documentation scientifique permet de croire qu'il y a un lien entre la cruauté envers les animaux pendant l'enfance ou l'adolescence et des agressions dangereuses et répétées contre les gens à un âge plus avancé.

Une étude américaine souligne que, même si la plupart des gens qui s'en prennent aux animaux ne vont pas commettre des meurtres qui font sensation, les tueurs en série ont presque toujours eu des épisodes de violence envers les animaux plus tôt dans leur vie. De nombreux tueurs en série célèbres, y compris Alberto DeSalvo, l'étrangleur de Boston, avaient commencé dans leur jeunesse à s'en prendre aux animaux.

La recherche confirme que la cruauté envers les animaux est un crime violent et elle illustre pourquoi il est fallacieux et inapproprié de faire entrer les abus contre les animaux dans les infractions contre les biens.

[Français]

Le projet de loi C-10 augmente substantiellement la peine liée à la cruauté intentionnelle en créant une infraction mixte et en faisant passer la peine maximale à cinq ans pour un acte criminel et à dix- huit mois pour une infraction à procédure sommaire.

Cette grande souplesse en matière de détermination de la peine permet à la Couronne d'adapter la peine selon les circonstances et signale aux juges, aux poursuivants et aux membres du grand public que les actes de cruauté envers les animaux sont des actes de violence.

Une forte majorité de Canadiennes et de Canadiens ont dit clairement qu'ils veulent que les personnes coupables de cruauté envers les animaux soient punies plus sévèrement.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le projet de loi C-10 porte de deux ans à la perpétuité la durée maximale d'une ordonnance interdisant à un contrevenant de posséder un animal ou d'en avoir la garde. Le projet de loi C-10 permet également aux tribunaux d'ordonner à un condamné de rembourser à une personne ou à une organisation les frais qu'ils ont engagés dans les soins d'un animal que le contrevenant a maltraité. Cette mesure permettra aux sociétés protectrices des animaux de récupérer une partie des coûts engagés dans les traitements et les soins animaliers. Elle constitue également un moyen supplémentaire d'obliger les délinquants à assumer la responsabilité de leurs actes dans le cadre de la peine qui leur est infligée.

Deuxièmement, les modifications du projet de loi C-10 aux dispositions relatives à la cruauté envers les animaux permettront de moderniser la loi, notamment en éliminant les anachronismes qui, au lieu d'éclaircir la loi, l'embrouillaient. L'un de ces anachronismes porte sur les distinctions que fait la loi entre divers types d'animaux. Par exemple, un article porte exclusivement sur le bétail, alors qu'un autre vise les chiens, les oiseaux ou les animaux qui sont légalement gardés en captivité. Le moment est venu de moderniser et de clarifier les dispositions relatives aux infractions de cruauté envers les animaux.

Les mesures de modernisation auront également pour effet de supprimer une échappatoire dans la loi. À l'heure actuelle, une personne qui tue un animal de façon sauvage ou cruelle, mais avec une excuse légitime, ne peut être accusée de cruauté, sauf si une douleur, souffrance ou blessure lui est causée sans nécessité. Le projet de loi C-10 crée une nouvelle infraction, qui consiste à tuer intentionnellement un animal de façon sauvage ou cruelle, peu importe que l'animal souffre ou non. Voici des exemples de ce genre de comportement: le fait d'attacher un animal à une voie ferrée, d'attacher un explosif à un animal ou de placer un animal dans un four à micro-ondes.

Honorables sénateurs, pendant le débat public sur ce projet de loi, nous avons entendu toutes sortes de questions touchant la nécessité d'apporter d'autres modifications aux dispositions relatives à la cruauté envers les animaux dans ce projet de loi. Je voudrais faire quelques observations à ce sujet.

Depuis 1892, la loi canadienne ne dispense personne de se conformer à des normes minimales imposées par la législation pénale. Toutes les personnes qui ont des rapports avec des animaux, qu'il s'agisse de propriétaires d'animaux de compagnie, d'agriculteurs, de chercheurs ou de piégeurs, sont tenues par la loi de traiter les animaux sans cruauté. Les médecins et les joueurs de hockey n'échappent pas aux dispositions de la loi relative aux agressions. De même, l'industrie et les propriétaires d'animaux de compagnie demeurent soumis aux dispositions relatives à la cruauté envers les animaux.

Le traitement sans cruauté des animaux n'est pas un crime. De fait, la décision judiciaire la plus importante en matière de cruauté envers les animaux reconnaît que les animaux peuvent être utilisés à certaines fins qui leur causent de la douleur. Il ne s'agit pas d'éviter de causer de la douleur aux animaux, mais d'éviter de leur causer de la douleur lorsqu'elle peut être évitée. Je crois que les agriculteurs, les chercheurs et les autres sont en grande majorité respectueux des dispositions de la loi relative à la cruauté envers les animaux.

[Français]

Je crois qu'il est aussi important de répondre aux attentes des Canadiennes et des Canadiens selon lesquelles tous ceux qui s'occupent des animaux doivent continuer de satisfaire aux normes minimales de comportement établies en droit pénal.

[Traduction]

En fait, la Criminal Lawyers Association a déclaré devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes que, selon les membres de son association, les dispositions sur la cruauté ne nuiraient en rien aux moyens de défense mis à la disposition des personnes accusées. J'espère que cela rassurera ceux qui craignent que la modification de la loi n'entraîne la disparition de certains moyens de défense.

(1600)

Honorables sénateurs, je m'en voudrais de ne pas mentionner deux critiques formulées à l'égard du projet de loi qui pourraient probablement être débattues au Sénat. Parmi les opposants au projet de loi C-10, certains pensent que, si des moyens de défense ne sont pas prévus dans les dispositions créant l'infraction, les groupes de défense des droits des animaux pourraient traduire en justice les agriculteurs, les chercheurs et les piégeurs. J'ai trois observations à faire à ce sujet. Premièrement, comme je l'ai déjà dit, les pratiques sans cruauté ne constituent pas des infractions. Deuxièmement, certaines modifications apportées récemment au Code criminel prévoient d'importantes mesures de protection contre toute personne intentant des poursuites à des fins non judiciaires. Troisièmement, même si cela n'était pas nécessaire au point de vue légal, le comité de l'autre endroit a apporté un amendement au projet de loi afin de confirmer que tous les moyens de défense prévus par la common law s'appliquent tout particulièrement aux infractions de cruauté envers les animaux.

Selon une deuxième critique formulée à l'autre endroit, la loi doit tenir compte du fait que les animaux peuvent être utilisés à des fins légitimes. Je ne sais pas à quel point cette précision peut être utile, puisque les tribunaux sont très clairs à ce sujet.

[Français]

Les sénateurs seront intéressés d'apprendre que mon mari et moi étions autrefois des producteurs de volailles. En fait, mon père était propriétaire d'une importante ferme avicole. Je suis donc au courant des méthodes liées à l'exploitation d'une ferme.

Je sais que les gens qui gagnent leur vie en utilisant des animaux peuvent craindre que les nouvelles dispositions mettent leurs activités en péril ou les exposent à de nouvelles formes de poursuites. J'espère que les discussions qui se tiendront au cours des prochaines semaines, dans cette Chambre et au sein du comité permanent, aideront à dissiper ces craintes.

Sur ce, je passe à la deuxièmepartie du projet de loi, c'est-à-dire aux modifications relatives à la Loi sur les armes à feu.

En 1995, le Parlement a adopté le projet de loi C-68, créant ainsi un programme général visant à assurer la sécurité en matière d'armes à feu. Nous proposons maintenant des modifications qui permettront de rationaliser l'administration du programme des armes à feu.

Ces changements proposés sont issus de longues consultations auprès des partenaires du programme et des intervenants, dont les services de police et les propriétaires d'armes à feu. Le projet de loi permettra d'augmenter l'efficacité de l'administration sans que cela ait des conséquences sur les dispositions du programme qui ont trait à la sécurité.

On y gagne à coup sûr. Les propriétaires d'armes à feu obtiennent des changements qu'ils ont demandés et le public canadien obtient un programme qui, tout en étant plus économique, ne néglige pas les aspects de la sécurité publique que les Canadiens jugent importants.

[Traduction]

Ces changements administratifs simplifient les processus et les exigences. Par exemple, le contrôle préalable des visiteurs apportant des armes au Canada rendra aussi le processus frontalier plus efficace. Le projet de loi améliorera l'administration courante du programme de contrôle des armes à feu en prévoyant une responsabilité plus directe. Il s'agit de consolider le pouvoir décisionnel au niveau opérationnel entre les mains d'un commissaire canadien aux armes à feu qui relèvera directement du ministre de la Justice.

Les statistiques révèlent la nécessité d'établir davantage de normes de sécurité pour l'utilisation des armes à feu. Dans ce pays, chaque année, il y a en moyenne plus de 1 000 décès faisant intervenir une arme à feu et de plus en plus de Canadiens sont hospitalisés pour des blessures causées par des armes à feu. En outre, le Canada occupe la cinquième place parmi les pays industrialisés pour ce qui est du taux de décès causé par une arme à feu chez les enfants âgés de 15 ans et moins.

[Français]

Dans l'ensemble, le taux d'homicides au Canada est à son niveau le plus bas depuis 1967, mais nous savons que les homicides commis avec une arme à feu arrivent en première place. Tous ceux qui sont présents aujourd'hui — et en fait, toute la population du Canada — veulent que des mesures concrètes soient prises pour réduire l'utilisation des armes à feu à des fins criminelles.

Le programme canadien des armes à feu est un autre instrument qui aide à garder les armes à feu hors des mains de personnes qui ne devraient pas en avoir en leur possession. Examinons le taux d'homicides familiaux au pays. Quand j'étais présidente du YWCA, une grande partie de mon travail consistait à l'élimination de la violence faite aux femmes et la violence familiale. J'espère que tous les honorables sénateurs appuient ce projet de loi. Nous savons que les armes à feu sont la source première de la mort des femmes victimes d'homicides familiaux. Entre 1979 et 1998, 40 p. 100 d'entre elles ont été tuées par balle.

Une grande majorité des homicides familiaux ont été perpétrés avec ce qu'on appelle des carabines et des fusils de chasse. Ainsi, les statistiques de 1998 révèlent que, dans 63p. 100 des homicides familiaux perpétrés avec une arme à feu au Canada, l'arme utilisée était une carabine ou un fusil de chasse. Vingt et un pour cent de ces victimes ont été tuées au moyen d'une carabine ou d'un fusil de chasse tronqué.

C'est pourquoi une intervention pratique en matière de violence conjugale doit comprendre une approche proactive en ce qui concerne les fusils de chasse et les carabines.

[Traduction]

Honorables sénateurs, permettez-moi de faire le point de la situation actuelle concernant les permis. La mise en oeuvre du programme est presque terminée. Il s'agit de la délivrance de permis aux propriétaires d'armes à feu et de l'enregistrement de leurs armes. La délivrance de permis et l'enregistrement des armes à feu contribuent à éloigner les armes de ceux qui ne devraient pas en posséder et à encourager l'utilisation sécuritaire et responsable des armes de poing.

La loi oblige tous les propriétaires d'arme à feu à se munir d'un permis. Bien que la grande majorité des propriétaires d'arme à feu utilisent leur arme de façon responsable et sécuritaire, tous les demandeurs de permis font l'objet d'une vérification en vue d'assurer qu'ils ne menacent aucunement la sécurité publique. Les propriétaires sont aussi soumis à des contrôles continus après qu'un permis leur a été délivré. Cette mesure contribue à éloigner les armes à feu de ceux qui pourraient être dangereux pour leur personne ou autrui.

[Français]

Depuis le 1er décembre 1998, plus de 7000 permis ont été refusés ou révoqués par des agents de sécurité publique. Ce nombre est 50fois plus élevé que le nombre total des révocations des cinq dernières années du précédent régime de contrôle des armes à feu.

Comme je l'ai déjà mentionné, un élément clé du régime de délivrance de permis aide à réduire le nombre d'homicides familiaux par balle. Avant d'octroyer un permis, la loi prévoit qu'il faut en informer les conjoints actuels ou précédents du demandeur avec lesquels celui-ci habite ou a habité au cours des deux dernières années.

De plus, les conjoints et les membres de la famille du demandeur et d'autres personnes concernées peuvent communiquer avec le Centre canadien des armes à feu pour exprimer leurs préoccupations. À ce jour, 26 000 appels ont été faits pour signaler des infractions ou exprimer des inquiétudes au sujet d'un propriétaire ou d'un propriétaire éventuel.

(1610)

[Traduction]

Les Canadiens continuent d'appuyer majoritairement ce programme. Selon un sondage récent, 76 p. 100 des Canadiens sont en faveur d'un registre national des armes à feu. Les organismes d'application des lois demeurent aussi d'ardents partisans de ce programme à cause des outils essentiels qu'il leur offre pour lutter contre la criminalité.

Même si le programme d'enregistrement des armes à feu en est encore à l'étape de la mise en oeuvre, c'est un investissement national dans la sécurité publique qui a déjà rapporté des dividendes. Les modifications à la Loi sur les armes à feu que renferme le projet de loi C-10 aideront à garantir que les principaux objectifs en matière de sécurité publique de la Loi sur les armes à feu seront atteints, tout en veillant à ce que l'application du programme soit plus efficiente, efficace et conviviale.

Dans 10, 20 ou 30 ans, lorsque nous penserons à l'introduction de cet important programme, nous serons tous fiers que le Canada ait été un chef de file mondial dans ce secteur essentiel de la sécurité publique.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'ai une série de questions. Je ne suis pas certain d'avoir bien compris. Le concept d'un animal capable de ressentir de la douleur s'applique-t-il à un poisson?

Le sénateur Jaffer: Honorables sénateurs, comme c'est la première fois que le sénateur me pose une question, je ne sais pas s'il me tire la pipe ou s'il est sérieux.

La définition d'un «animal» est énoncée dans le projet de loi. Je suis certain que le sénateur est très capable de déchiffrer lui-même ce que cela veut dire. Aux termes du projet de loi:

«animal» s'entend de tout vertébré — à l'exception de l'être humain — et de tout autre animal pouvant ressentir la douleur.

Le sénateur Tkachuk: Cela comprend les poissons.

Le sénateur Jaffer: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Qui décidera ce qui constitue une douleur évitable?

Le sénateur Jaffer: Comme le sénateur le sait très bien, selon la façon dont le processus fonctionne, s'il y a un cas possible de cruauté envers les animaux, le cas est d'abord soumis aux autorités policières puis au procureur, qui détermine s'il y a lieu d'intenter des poursuites. En bout de ligne, ce sont les tribunaux du pays qui décident.

Le sénateur Tkachuk: Je ne poursuivrai pas sur ce sujet. Je suis convaincu que le comité se penchera sur la question d'une personne qui pêche, qui est dénoncée et qui doit ensuite prouver devant les tribunaux que l'animal n'a pas éprouvé une souffrance qui peut être évitée.

Je veux obtenir le point de vue de madame le sénateur sur cette question, étant donné qu'elle parraine ce projet de loi. J'ai été intrigué lorsqu'elle a fait mention des tueurs en série. Le gouvernement prétend-il que l'adoption de ce projet de loi empêchera les tueurs en série de devenir ce qu'ils sont? Selon moi, si une personne devient un tueur en série, il se peut qu'elle se fasse la main sur quelques chiens et chats en cours de route. Je ne vois pas dans cette mesure un moyen d'empêcher une personne de devenir un tueur en série. Le gouvernement prétend-il qu'il se fondera sur le fait qu'une personne ou un jeune manifeste de la cruauté envers les animaux pour prédire qu'il deviendra un tueur en série?

Le sénateur Jaffer: Honorables sénateurs, le ministre interviendra devant le comité, et ce sera le moment idéal de poser cette question.

Le sénateur Tkachuk: Le sénateur Jaffer est celle qui prononce le discours. C'est une question qu'elle aurait dû poser au ministre, étant donné qu'elle a le discours devant elle. À titre d'exemple, «Qu'est-ce que cela signifie? Est-ce là la position que vous adoptez?» Étant donné que c'est elle qui a prononcé ces paroles, elle doit savoir ce qu'elles signifient. Je veux qu'on me les explique, car je ne comprends pas de quoi il retourne.

Le sénateur Jaffer: Avec tout le respect que je lui dois, si l'honorable sénateur m'avait demandé ma position à ce sujet, je la lui aurais communiquée. Toutefois, il m'a demandé quelle était la position du gouvernement, et j'estime que la personne la mieux placée pour répondre à cette question est le ministre, et non moi.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Tkachuk: Permettez-moi de reformuler la question. Quelle est la position de l'honorable sénateur à ce sujet?

Le sénateur Jaffer: J'estime que les enfants font l'apprentissage de la violence à de nombreuses sources. S'ils commencent à faire l'apprentissage de la violence en s'en prenant à des animaux, c'est une première étape. De nombreux sondages ont montré clairement que les Canadiens ne veulent pas que les enfants fassent l'apprentissage de la violence à quelque étape que ce soit. Selon moi, la cruauté envers les animaux est une façon dont les enfants font l'apprentissage de la violence, et il nous incombe en tant que société de protéger les animaux.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Tkachuk: En parlant de la Loi sur les armes à feu, l'honorable sénateur a mentionné que le Canada vient au cinquième rang pour ce qui est du pourcentage d'enfants décédés à cause d'une arme à feu. Combien d'enfants sont décédés des suites d'un accident mettant en cause une arme à feu et combien d'entre eux ont été assassinés à l'aide d'une arme à feu?

Le sénateur Cools: Par des mères.

Le sénateur Jaffer: Puis-je demander au sénateur de clarifier ce qu'il entend par «accident» et par «meurtre»? Je ne comprends pas sa question.

Le sénateur Tkachuk: Madame le sénateur affirme que nous venons au cinquième rang pour le nombre d'enfants tués au moyen d'une arme à feu. Je voudrais savoir combien de ces morts sont voulues et combien sont des accidents ou des suicides.

Le sénateur Jaffer: Je tiens à dire au sénateur que je ne le sais pas. Je vais me renseigner. Je suis persuadée, toutefois, que le sénateur, qui a l'habitude des comités, saura soulever la question auprès des témoins compétents.

L'honorable Gerry St. Germain: Dans le milieu canadien des éleveurs et des agriculteurs, une coutume qui remonte aux premiers temps de la colonie veut qu'on attrape les animaux au lasso et qu'on les marque au fer rouge. Cela suscite un tollé de protestations de la part de soi-disant amis ou défenseurs des bêtes. Pourquoi ne répondons-nous pas à l'attitude radicale de ces groupes dont certains ne seront jamais satisfaits? Certaines personnes sont allées jusqu'à se déclarer végétariennes parce qu'elles estiment qu'il ne faut pas tuer les animaux. Que ferons-nous avec ces groupes? Les organisateurs du Calgary Stampede ont déjà été défiés par des groupes de ce genre et je crois que le gouvernement exacerbe une situation qui fait partie de nos traditions, du moins dans l'Ouest.

(1620)

Le sénateur Jaffer: Honorables sénateurs, il s'agit de deux questions. Tout d'abord, quelles sont les normes actuelles, et ensuite, comment nous assurerons-nous que les agriculteurs ne seront pas pénalisés en raison des pratiques actuelles?

Je tiens à souligner que le projet de loi donne une définition expresse du terme«négligent». Aux termes de ce projet de loi, «par négligence» s'entend «d'un comportement qui s'écarte de façon marquée du comportement normal qu'une personne prudente adopterait». J'aimerais respectueusement souligner à mon honorable collègue que toute personne désirant intenter des poursuites devrait prouver que les mesures adoptées s'écartaient de façon marquée du comportement normal.

Pour ce qui est de la deuxième question, sauf votre respect, on parle beaucoup partout au pays de la question du traitement des animaux. Ce dont le sénateur a parlé n'est pas prévu dans le projet de loi. Le projet de loi définit très clairement les pratiques dénuées de cruauté. Ce dont le sénateur parle ne fait pas partie de la mesure législative proposée.

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, j'aimerais tout d'abord remercier le sénateur Jaffer d'avoir prononcé une si longue partie de son discours en français. C'est un bon exemple.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Fraser: J'ai été particulièrement frappée par le fait que le sénateur Jaffer ait souligné que sa famille travaillait dans le domaine de l'aviculture. C'est très intéressant. Je ne sais pas s'il y a au Sénat beaucoup d'autres avocats dont la famille élève des poules. Madame le sénateur est-elle d'avis qu'il y a quoi que ce soit dans ce projet de loi qui pourrait empêcher sa famille de mener ses affaires?

Le sénateur Jaffer: J'aimerais remercier le sénateur Fraser de ses gentilles remarques. Pour ce qui est de mon français, je me pratique encore. Je vous prierais d'être patients à mon égard si je fais des erreurs de prononciation.

En ce qui a trait à mes liens familiaux avec l'aviculture, mon mari et ma famille font partie des plus importants éleveurs de volaille dans la vallée inférieure du Fraser. Je peux vous dire en toute confidence et en toute honnêteté aujourd'hui qu'il n'y a rien dans l'actuel projet de loi qui pourrait empêcher ma famille de faire son travail.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je me trompe peut-être, mais je crois avoir entendu le sénateur Jaffer dire que, d'après certaines statistiques, 63 p. 100 des homicides familiaux sont commis au moyen d'armes à feu.

Le sénateur Jaffer: Je n'ai pas entendu la question de l'honorable sénateur. Aurait-elle l'obligeance de la répéter?

Le sénateur Cools: Certainement. J'ai cru entendre l'honorable sénateur dire, mais je n'en suis pas certaine puisque nous sommes éloignées l'une de l'autre, que 63 p. 100 des homicides familiaux étaient commis au moyen d'armes à feu.

Le sénateur Jaffer: Honorables sénateurs, je ne suis pas certaine d'avoir dit cela. Avec la permission de Son Honneur, je demande à répondre à la question après l'intervention du sénateur Stratton.

Le sénateur Cools: Son Honneur n'a pas le pouvoir de suspendre les règles de cette façon. Je pose une question à l'honorable sénateur tout de suite. Cependant, si elle ne veut pas répondre, je le comprends.

Le sénateur Jaffer: Ce n'est pas que je ne veuille pas répondre; je désire vérifier mes notes.

Le sénateur Cools: Je comprends cela. L'honorable sénateur veut être précise.

Dans son intervention, l'honorable sénateur a parlé des femmes, de la violence conjugale et du taux d'homicides familiaux. Ma question porte sur le taux d'homicides familiaux. Comment les taux d'homicides familiaux commis au moyen d'armes à feu se comparent-ils aux taux d'homicides familiaux commis au moyen de couteaux, d'instruments contondants ou à mains nues?

Le sénateur Jaffer: C'est une question importante. Comme l'honorable sénateur et moi faisons toutes deux partie du Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, je lui suggérerais de poser cette question à nos témoins, car ils seront mieux en mesure d'y répondre.

Le sénateur Cools: Je suis heureuse que l'honorable sénateur soit au courant que nous siégeons au même comité. Toutefois, je cherchais à obtenir une réponse pour la gouverne du Sénat. À mon avis, la réponse à une question devant un comité sénatorial ne peut pas remplacer une réponse devant le Sénat.

Je veux que ce soit clair car la politique du présent gouvernement sur les armes à feu était censée être en grande partie motivée par la question de la violence faite aux femmes. Je suis prête à dire, sans équivoque, que la question est mal posée et que la violence faite aux femmes n'a jamais été un véritable facteur dans le dossier des armes à feu. Si les sénateurs regardaient les données sur les homicides, ils s'apercevaient rapidement que le nombre d'assassinats par strangulation à main nue, par exemple, est beaucoup plus élevé. Beaucoup plus de personnes sont tuées à main nue et à l'arme blanche que par une arme à feu. Je me suis toujours demandé pourquoi le gouvernement avait mis l'accent sur les armes à feu plutôt que, par exemple, sur les couteaux. D'ailleurs, des milliers de personnes sont tuées tous les jours dans des accidents de la route. À ce que je sache, on ne s'en préoccupe guère.

Pour revenir à la question des homicides au sein de la famille, la question est importante et nous devrions connaître la réponse.

Le sénateur Jaffer: J'ai maintenant la réponse sur le chiffre de 63p.100. Le sénateur Tkachuk m'a rappelé que j'avais dit que dans 63p.100 des cas de violence familiale, une arme d'épaule avait été utilisée.

Le sénateur Cools: J'avais bien raison. C'est bien ce que j'avais entendu, à savoir qu'une arme d'épaule était présente dans 63p.100 des cas. Où avez-vous trouvé ce chiffre? Est-il absolu? Est-ce que ce 63p.100 représente 10 ou 20 personnes? D'où vient ce chiffre et quel est le chiffre absolu? Qu'est-ce qu'il représente?

Le sénateur Jaffer: Pour que ce soit clair, honorables sénateurs, je préciserai qu'une arme d'épaule a été utilisée dans 63p.100 des cas de mort par arme à feu. C'est ce qu'indiquent mes statistiques.

Le sénateur Cools: Ces statistiques viennent-elles de Statistique Canada? Madame le sénateur a seulement répété le chiffre qu'elle avait déjà donné.

Le sénateur Jaffer: Je pense que le chiffre vient de Statistique Canada, mais je vous le confirmerai plus tard.

L'honorable Willie Adams: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question. Quel est le lien entre les chasseurs et les animaux qu'ils tuent et le projet de loi C-10? Ces chasseurs tuent des animaux. Je sais qu'ils ont parfois des accidents de chasse, mais cela n'a rien à voir avec la cruauté envers les animaux.

(1630)

Le sénateur Jaffer: Je n'ai peut-être pas compris le sénateur. Demande-t-il s'il y a cruauté envers les animaux lorsqu'on les chasse à l'aide d'un fusil? Je n'ai peut-être pas compris la question.

Le sénateur Adams: Le sénateur a donné le pourcentage de personnes tuées dans des accidents de chasse. Qu'est-ce que cela a à voir avec la cruauté envers les animaux? Plus tôt, le sénateur a mentionné que des gens sont tués dans des accidents de chasse. Peut- être que le coup est parti et que quelqu'un a été atteint, mais quel est le rapport avec le projet de loi C-10?

Le sénateur Jaffer: Honorables sénateurs, le projet de loi que je parraine comporte deux parties. Une partie concerne la cruauté envers les animaux, et l'autre, les armes à feu. Ce projet de loi comporte deux parties distinctes, et c'est peut-être cela qui suscite de la confusion.

Le sénateur Adams: Pourquoi avons-nous dû apporter une modification à la loi avec le projet de loi C-10? Est-ce parce que la loi C-68 initiale ne fonctionnait pas?

Le sénateur Jaffer: Honorables sénateurs, cela fait quelques années que la Loi sur les armes à feu a été adoptée. Le projet de loi qui nous occupe modernise la description des armes à feu, prévoit que des objets ne peuvent être confisqués et que les autorisations, permis et certificats d'enregistrement afférents aux armes à feu ne sont pas révoqués ou annulés. Comme je l'ai dit dans mon allocution, cela facilite le traitement des demandes. C'est là l'objet du projet de loi.

Le sénateur Adams: Le sénateur a mentionné le piégeage. Le projet de loi C-10 ne mentionne rien au sujet du piégeage. Il mentionne seulement la cruauté envers les animaux. Des gens doivent vivre et nourrir leurs familles. Ils ont été touchés pendant tellement d'années. Je crois que, il y a 20 ans, Greenpeace a empêché tout le monde de chasser, de faire du piégeage, et quoi encore. Le sénateur a mentionné également le piégeage plus tôt. Quel rapport avec la cruauté envers les animaux?

Le sénateur Jaffer: Honorables sénateurs, je fais peut-être erreur, mais je ne me rappelle pas avoir dit grand-chose au sujet du piégeage. Cependant, j'ai dit que ce projet de loi ne rend pas illégales les pratiques non violentes. Les pratiques utilisées jusqu'ici se poursuivront. Ce projet de loi ne prévoit des sanctions que lorsque les pratiques sont jugées non raisonnables.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, en conséquence de ce projet de loi, les stampedes, comme ceux de Calgary, de Morris et de Swan River, seront menacés à l'avenir. C'est ce que je prévois si le projet de loi est adopté.

Honorables sénateurs, je suis heureux de parler du projet de
loi C-10, qui modifie le Code criminel en ce qui concerne la cruauté envers les animaux, ainsi que la Loi sur les armes à feu. Comme on l'a dit plus tôt, ce projet de loi formait une partie du projet de
loi C-15 original, un projet de loi omnibus qui comportait des dispositions sur l'exploitation sexuelle des enfants. Il a été divisé en deux parties, C-15A et C-15B. Le projet de loi C-15B est mort au Feuilleton à la prorogation. Il nous est présenté à nouveau sous le numéro C-10.

Cette mesure législative vise à prévenir la cruauté envers les animaux et le débat a été très vif, comme on l'a constaté aujourd'hui. Je veux exposer le point de vue des gens qui s'occupent de la faune. J'ai ici une lettre de Dick Reeves, directeur exécutif du Wildlife Information Network du Manitoba. J'aimerais citer ce qu'il dit du projet de loi C-15B, qui s'appelle maintenant
C-10, car ses propos résument l'essentiel des inquiétudes de l'autre point de vue sur cette mesure législative:

Nous approuvons les préoccupations du gouvernement fédéral au sujet du bien-être des animaux et nous encourageons tous les efforts responsables et raisonnables visant à régler efficacement les questions liées au bien-être des animaux. Toutefois, sans un libellé plus précis pour protéger les industries utilisant les animaux, notamment l'agriculture, la chasse, la pêche, le piégeage et la recherche médicale, le projet de loi C-15B créera un environnement propice à des centaines de poursuites et de contestations par des groupes et des organisations de défenseurs des droits des animaux. Malheureusement, l'approche que reflète le projet de
loi C-15B n'est ni raisonnable, ni responsable.

Voilà donc l'autre point de vue sur le projet de loi. Jusqu'à maintenant, je n'ai rien vu qui ait démenti ce point de vue.

Dick Reeves dit ensuite:

Il faudrait au moins reformuler le projet de loi afin qu'il stipule explicitement qu'on n'en viendra jamais à considérer comme un traitement violent et cruel envers les animaux toutes les utilisations traditionnelles et légales des animaux décrites dans les lois provinciales sur la faune et la pêche à la ligne. En outre, la mesure législative ne devrait pas donner aux organisations extrémistes de défense des droits des animaux l'occasion d'intenter des poursuites judiciaires pour obtenir, par le truchement des tribunaux, un appui qu'elles ne trouvent pas dans l'opinion publique en vue de faire modifier les pratiques employées à l'égard des animaux.

Ce passage de la lettre explique clairement la question.

Le projet de loi C-10 propose aussi de modifier le Code criminel et la Loi sur les armes à feu. Honorables sénateurs, ces modifications proposées ont été décrites comme de simples modifications de forme. Le projet de loi créera le poste de commissaire aux armes à feu. Je me demande qui obtiendra ce poste et à quel échelon il se situera. Le titulaire sera en fonction au gré du gouvernement et le Cabinet déterminera son salaire. Je peux vous assurer que celui-ci ne sera pas inférieur à 150000$ par année.

Le commissaire sera chargé de l'application de toute la Loi sur les armes à feu, mais ses fonctions lui seront déléguées par le ministre de la Justice. En d'autres termes, le commissaire ne sera guère qu'un sous-fifre qui fera exactement ce que le ministre de la Justice lui dit.

Cependant, l'article 52 du projet de loi modifie l'article 97 de la Loi sur les armes à feu pour autoriser le gouverneur en conseil, le ministre de la Justice ou le ministre provincial à dispenser les employés de certaines entreprises de certaines dispositions de la Loi sur les armes à feu pendant au plus un an. Le ministre pourrait aussi dispenser tout non-résident de l'application de la loi.

On pourrait invoquer ce nouveau pouvoir lorsqu'un policier américain, comme un agent de sécurité aérienne, se trouve à bord d'un vol commercial et séjourne temporairement au Canada. Le projet de loi n'exige pas que le ministre ou le gouverneur en conseil disent à qui ces dispenses sont accordées, et le gouvernement n'est pas tenu de faire rapport sur le nombre de dispenses accordées pendant une période donnée.

Ce que je trouve horrible, c'est que le coût du registre des armes à feu augmente depuis le début, en 1996. Au départ, les coûts d'enregistrement devaient s'élever à 85 millions de dollars pendant la période de 1996 à 2003. Les frais d'enregistrement devaient permettre d'absorber les coûts d'application du système, si bien qu'il n'en coûterait que 5 millions de dollars au contribuable. Telles sont les projections que le ministre Rock nous a données au comité. D'après lui, ce ne devait pas être plus que cela.

Le sénateur Oliver: Est-ce davantage aujourd'hui?

Le sénateur Stratton: En novembre 2001, un fonctionnaire du Conseil du Trésor, Richard Neville, a dit au Comité sénatorial des finances nationales que les coûts sont aujourd'hui huit fois plus considérables que les prévisions initiales du ministre, qui étaient de 85 millions de dollars. Nous en sommes maintenant à près de
700 millions de dollars, et nous devrions nous rapprocher du milliard. C'est absolument condamnable. C'est immoral ou pire encore.

La plupart des nouvelles modifications de forme seront contenues dans un règlement que le Parlement n'a pas encore vu. Les Canadiens ignorent si ces modifications contenues dans le projet de loi et son règlement d'application réduiront ou au moins freineront ces coûts croissants et permettront de résorber les problèmes administratifs du registre des armes à feu.

(1640)

Comment peut-on apporter des changements de forme quand on ne contrôle pas les coûts? Le gouvernement n'a pas plus de crédibilité en présentant ce projet de loi qu'il n'en avait dans le cas du projet de loi C-68 parce qu'il n'a réussi, à aucun moment, à nous prouver que les coûts n'augmenteront pas. Vous ne pouvez pas nous affirmer que les coûts ne monteront pas. Ils vont augmenter, et le sénateur le sait bien.

Les honorables sénateurs examineront ce projet de loi au comité. Nul doute que leur étude va susciter des questions. Je serai enchanté de voir comparaître le ministre.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, madame le sénateur Jaffer nous a présenté un excellent exposé en essayant de défendre l'indéfendable. C'était impossible. Ils l'ont chargée d'une mission impossible, sans l'appui d'hélicoptères ou de chars. Le sénateur Jaffer est une victime. Le gouvernement devrait avoir honte d'avoir imposé cela à une distinguée représentante de la Colombie- Britannique. Vous n'avez plus aucune fierté, aucune honte, vous autres?

Madame le sénateur sait-elle que les coûts vont grimper, de plus de 700 millions de dollars à un milliard?

J'ai présenté une demande de permis de possession et d'acquisition. Ce permis vous autorise à posséder une arme à feu sans restrictions ainsi qu'une arme à feu à autorisation restreinte. Je précise que je n'ai jamais eu d'armes à feu à autorisation restreinte, mais je voulais demander le meilleur permis que je puisse obtenir. Cependant, j'ai reçu une lettre de l'association des armes à feu du Nouveau-Brunswick me disant qu'on veut révoquer mon permis. Quand j'ai communiqué par téléphone avec l'organisme, on m'a mis en attente et avisé que la période normale d'attente au téléphone était de 64 minutes. Honorables sénateurs, c'est ainsi que les choses se passent après des dépenses de plus de 700 millions de dollars. Vous devez attendre 64 minutes avant qu'on vous réponde au téléphone, et cela après que vous ayez composé quelques milliers de numéros sur votre clavier. Le sénateur est-il au courant de cette situation? Il fallait en tout cas que cela figure à notre compte rendu.

L'adoption de ce projet de loi touchera beaucoup d'entre nous. Ce n'est pas tellement le cas pour moi, qui suis Métis, mais qui ne vis plus de la terre. Toutefois, beaucoup de Métis vivent encore de la terre, comme leurs ancêtres.

Soit dit en passant, j'ai appris qu'on s'attaquait encore aux Métis ce soir sur les ondes de la CBC.

Madame le sénateur était-elle au courant de ce délai d'attente et de l'inefficacité qui sévit dans cet organisme?

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, ce n'est qu'un autre exemple de l'inefficacité classique du système. Non, je ne le savais pas. Je trouve incroyable qu'on puisse faire attendre quelqu'un pendant 64 minutes.

J'ai une histoire à vous raconter. J'avais présenté une demande pour un simple permis de possession. Il m'a fallu dix mois pour l'obtenir. J'ai envoyé ma demande, mais elle m'a été renvoyée parce que, m'a-t-on dit, j'avais oublié d'insérer le chèque dans l'enveloppe. J'ai donc envoyé le chèque, mais il y a eu un autre prétexte. Ma demande a dû faire au total six ou huit allers et retours avant que je finisse par obtenir mon permis de simple possession. Il a fallu dix mois. Je commençais à m'inquiéter parce que le délai approchait. C'est un autre exemple classique — et il y en a des milliers — de l'inefficacité du système. J'espère que cela répond à la question.

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de
loi C-10. Cependant, compte tenu du fait que le Sénat va tout probablement renvoyer le projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, j'ai cru qu'il serait utile de vous faire part de quelques préoccupations que suscite pour moi le projet de loi.

Je vais limiter mes observations à la première partie du projet de loi, qui traite de la cruauté envers les animaux.

Pendant la période de relâche, j'ai essayé de comprendre ce qu'on nous demandait de faire avec le projet de loi à l'étude. Je parlerai d'abord de ce qui m'inquiète quant aux définitions établies dans le projet de loi. Comme l'a signalé le sénateur Tkachuk, les définitions dans un projet de loi sont toujours très importantes. C'est particulièrement vrai dans ce cas puisque, dans le Code criminel, le mot «animal» n'est pas défini.

Avec ce projet de loi, nous définissons ce qu'est un animal. Comme le sénateur Jaffer l'a dit, un animal est un vertébré. Si je me souviens bien de mes cours de zoologie lorsque j'étais au collège, un vertébré est essentiellement un animal doté d'un système nerveux. Je vois le sénateur Keon. Il comprend la subtilité de ce que signifie «système nerveux».

La question que ce projet de loi m'a amené à me poser, c'est comment d'autres systèmes comparables à notre common law définissent le terme «animal». J'ai constaté que, dans la Protection of Animals Act du Royaume-Uni, on dit que le mot «animal» s'entend de tout animal domestique ou gardé en captivité. On définit ensuite ce qu'est un animal domestique ou gardé en captivité.

Quand on y réfléchit un instant, on constate qu'un animal domestique ou gardé en captivité, c'est un animal qui est sous le contrôle d'un être humain. Le projet de loi à l'étude ne prévoit pas cela. Il fait mention d'un vertébré qui peut vivre de manière autonome. C'est donc cohérent avec une autre disposition qui modifie le Code criminel de manière à ce que les animaux ne soient plus considérés comme un bien.

Dans le Code criminel, il y a deux catégories de crimes:ceux contre la personne et ceux contre les biens. Les animaux sont classés dans la catégorie des biens. Avec l'adoption de ce projet de loi, nous créons une autre catégorie qui n'est pas celle des êtres humains, ni celle des biens, mais celle des animaux, une catégorie distincte. Voilà pourquoi la définition du projet de loi fait mention d'un vertébré, en d'autres mots, une créature vivante qui n'est pas un être humain ni un bien statique.

Le problème, c'est que nous faisons avec ce projet de loi quelque chose qui n'est pas unique, mais qui est assez particulier. Nous modifions le Code criminel de manière à créer une nouvelle catégorie d'objet de délit. Autrement dit, si, comme l'honorable sénateur l'a dit, vous faites quelque chose qui, par négligence, peut être préjudiciable à un animal, vous commettez une certaine infraction et vous êtes passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller de six mois à cinq ans.

Quelles sont les infractions, dans le Code criminel, qui peuvent donner lieu à une peine d'emprisonnement d'un maximum de cinq ans?

(1650)

J'ai regardé dans le code et je cite un exemple: incendie criminel par négligence. C'est une infraction grave. Une agression contre autrui peut entraîner une peine de cinq ans. Notre Code criminel doit être cohérent.

Quelle est l'infraction la plus grave contre une personne et quelle est la peine maximale? En ce qui concerne les dommages causés à la propriété, quelle est la peine maximale? Toutes les infractions mineures entraînent des peines à des degrés différents en dessous de la peine maximale.

Ce que nous sommes en train de faire, c'est créer une nouvelle catégorie dans le Code criminel et y assortir une peine maximale de cinq ans. On doit examiner les deux autres catégories. Quel acte faut-il avoir perpétré pour être passible de la peine maximale pour une infraction contre la propriété ou contre la personne? Les principes de détermination de la peine du code doivent être cohérents. Cela est tellement vrai que le ministre de la Justice a dit le mois dernier, comme on le lit dans l'Ottawa Citizen, qu'il avait l'intention d'amorcer une refonte majeure du Code criminel et, notamment, des peines irrationnelles, parce que, au fil des ans, le Parlement, le Sénat et l'autre endroit ont modifié le Code criminel. Nous avons alourdi des peines, redéfini des infractions et créé de nouvelles infractions. Nous devons nous pencher sur les répercussions de tous ces changements et nous demander si notre système de détermination de la peine est cohérent.

Les honorables sénateurs savent très bien que certains Canadiens estiment qu'une peine d'emprisonnement de sept ans pour possession de marijuana est excessive et devrait être réexaminée. Un comité sénatorial a examiné la question et il a présenté une proposition qui semble mieux adaptée à la situation actuelle. La détermination de la peine est un des éléments majeurs du Code criminel qui doit être réexaminé.

Quand j'examine les peines établies pour les infractions liées à la cruauté envers les animaux en Nouvelle-Zélande, en Australie et au Royaume-Uni, je constate qu'aucun de ces pays ne prévoit une peine maximale de cinq ans pour ces infractions.

Notre système, qui est un système de common law, doit être logique. Comment énoncer les principes de détermination de la peine pour maintenir la cohérence du Code criminel? Nous ne voulons pas établir une peine plus sévère pour un type d'infraction et une peine moins sévère pour une infraction plus grave que la précédente. Il doit y avoir de la logique dans tout cela.

Selon le ministre de la Justice et selon Don Stewart, un professeur en droit pénal à l'Université Queen's qui a rédigé un article sur le sujet, il s'agit d'une question très grave. Je comprends qu'il existe un lobby voué à la protection des animaux et je pense que le ministre à l'autre endroit a fait preuve de candeur lorsqu'il a affirmé que ce projet de loi est le fruit de pressions très fortes exercées par un lobby. Nous savons que le lobby en question est très efficace, qu'il parle fort et qu'il a une grande visibilité. On en parle presque quotidiennement dans les journaux. Je crois cependant qu'il nous appartient, en tant que législateurs, d'être très logiques lorsque nous modifions le Code criminel.

Le sénateur Milne et le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont mis en doute la question de la détermination de la peine et émis l'opinion qu'il faudrait revoir cet aspect à un moment donné au cours de nos travaux pour tenter de rétablir l'équilibre dans le Code criminel.

Honorables sénateurs, je ne m'oppose pas à ce projet de loi, mais je tiens à vous faire remarquer qu'il fait bien plus que simplement augmenter la peine maximale. Il modifie un aspect fondamental du Code criminel, un aspect important pour nos citoyens autochtones parce qu'il s'agit de pratiques à l'endroit des animaux en usage depuis de nombreuses années, que ce soit à la ferme ou en forêt. Il ne faut pas oublier que notre pays a été colonisé par des Européens essentiellement au moyen de la chasse. C'est ce qui a attiré les Européens ici. La chasse est au coeur même de nos traditions, de nos usages. Il importe que l'on ait amplement l'occasion de réviser ces points en comité. Je trouve que ce sont des éléments très importants, et je félicite le sénateur Jaffer de les avoir portés à notre attention aujourd'hui.

Honorables sénateurs, bien que certains souhaitent que le projet de loi C-10 soit adopté rapidement, nous devons être sûrs de ce que nous faisons et des répercussions que pourrait avoir ce projet de loi sur notre système de justice.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, le sénateur Joyal a soulevé des points très intéressants et j'aimerais avoir l'occasion de jeter un coup d'oeil à ce projet de loi. Je propose donc l'ajournement du débat.

L'honorable John G. Bryden: Le sénateur Joyal acceptera-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Joyal: Oui.

Le sénateur Kinsella: Une motion visant à ajourner le débat a été présentée.

Le sénateur Cools: J'avais proposé l'ajournement, mais, après que je l'ai fait, la présidence a donné la parole au sénateur Bryden. Je suis tout à fait disposée à lui céder la parole.

Le sénateur Bryden: Je crois comprendre que nous avons créé une nouvelle catégorie. Ce n'est pas un bien et ce n'est pas un humain. C'est un vertébré, quelque chose entre les deux. Le sénateur s'inquiète que la peine maximale pour la cruauté envers un vertébré est de cinq ans, une peine qui correspond à des infractions relativement graves prévues dans le Code criminel.

Le sénateur a déclaré que l'on peut écoper de cinq ans de prison pour avoir incendié un bâtiment par négligence. Peut-on écoper de cinq ans pour le vol d'un million de dollars? Dans bien des cas de cruauté envers un vertébré, il se pourrait fort bien qu'une peine de cinq ans soit fort appropriée. Dans le cas où un individu garde un animal en vie pendant des jours et des semaines dans le seul but de lui arracher lentement la peau de son vivant, je ne vois pas pourquoi celui qui se rend coupable d'un tel acte à l'endroit d'un vertébré ne mériterait pas une peine de cinq ans de détention, au même titre que l'individu qui volerait de l'argent ou un bien d'une valeur supérieure à je ne sais quelle somme. Nous avons créé une nouvelle catégorie, mais invoquer la longueur de la peine comme source de préoccupation me pose un problème. Je voudrais que le sénateur me donne son opinion là-dessus.

En Grande-Bretagne, la loi sur les droits des animaux définit l'animal comme étant un être captif ou sous le contrôle d'un humain. Je me demande si cette définition ne vise qu'à protéger la chasse au renard.

(1700)

Le sénateur Joyal: Pour la seconde question, l'honorable sénateur a déjà la réponse. À l'heure actuelle, le Royaume-Uni s'intéresse de très près à la réglementation de la chasse traditionnelle. Il est bien connu dans cette enceinte que les citoyens britanniques se préoccupent énormément de la chasse au renard et que le Parlement de la Grande-Bretagne a été appelé à légiférer sur la question. Le débat sur la question ne s'arrêtera pas simplement avec ce projet de loi.

À la première question de l'honorable sénateur, je réponds que ce qui me préoccupe, c'est que la peine maximale soit maintenant de cinq ans, alors que dans la plupart des pays de common law, elle est de trois ans. Je comprends bien que nous voulions resserrer les peines. Au cours des cinq ou dix dernières années, il y a peut-être eu une augmentation considérable des cas de cruauté envers les animaux. Je ne sais pas. Nous entendrons le témoignage du ministre et des fonctionnaires de son ministère ainsi que d'autres témoins. C'est peut-être devenu un problème endémique au Canada dont nous avons soudainement pris conscience et que nous voulons enrayer immédiatement. Je ne sais pas si c'est le cas. Parfois, certaines situations dont nous ignorions l'existence se manifestent, c'est alors que nous échangeons de l'information.

Il doit certainement y avoir des motifs exceptionnels pour que la peine soit tellement plus sévère en comparaison avec ce qu'elle était auparavant. Encore une fois, si on compare à ce qui se fait ailleurs, on constate qu'aucun des autres pays de common law semble avoir fixé la peine maximale à cinq ans. Voilà ma principale préoccupation.

Ma deuxième préoccupation vient du fait que si nous devons fixer une peine maximale, elle doit être cohérente avec le système. Comme l'honorable sénateur le sait déjà, certains principes de droit régissent l'imposition des peines. Or, ces principes ne ressortent pas de façon évidente à la lecture du projet de loi dans sa forme actuelle. Voilà pourquoi j'ai soulevé ces questions.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, je regrette de vous informer que, conformément à l'article 37, le temps de parole de l'honorable sénateur Joyal est écoulé. Le sénateur Joyal désire-t-il demander plus de temps?

Le sénateur Joyal: Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

Le sénateur Cools: J'ai une question.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Sénateur Joyal, demandez- vous la permission de poursuivre?

Le sénateur Joyal: Je demande la permission de répondre à des questions.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, comme j'ai souvent à le faire, même si ce n'est pas un rôle qui me plaît énormément, je suis prêt à accorder le temps nécessaire au sénateur Joyal pour qu'il termine ses remarques concernant la dernière question qui lui a été posée.

[Traduction]

Son Honneur le Présidentintérimaire: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Joyal: Je remercie les sénateurs de leur indulgence.

Comme nous créons une peine très sévère comparativement à l'ancienne, je voudrais saisir l'occasion de prendre la parole devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelle pour faire part au ministre de la Justice et aux fonctionnaires du ministère des principes qui régissant la définition de la peine. Dans les observations qu'il a faites à la fin de septembre, le ministre de la Justice a souligné que la détermination de la peine constitue un problème majeur dans le Code criminel actuel.

Sauf erreur, mes collègues qui étaient membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, comme l'honorable sénateur Milne, en ont presque arrivés à la conclusion, lors de la dernière session, qu'il fallait proposer une étude spéciale des éléments de notre Code criminel. Comme nous étions débordés de travail, nous ne l'avons pas fait. Cependant, le problème subsiste dans notre esprit, surtout compte tenu d'un projet de loi qui crée une catégorie totalement nouvelle et des peines plus sévères.

Le sénateur Cools: Le sénateur a présenté un phénomène intéressant au Sénat, et j'estime qu'il faudrait l'explorer.

Son Honneur la Présidente intérimaire: La permission est-elle accordée?

[Français]

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, nous sommes dans une impasse. Je suis d'accord pour donner mon consentement à deux questions, c'est-à-dire celle de l'honorable sénateur Cools et celle de l'honorable sénateur St. Germain.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Ma question porte sur la nouvelle catégorie qui est créée dans le Code criminel. Les deux catégories sont les crimes contre la propriété et les crimes contre la personne. Or, la notion de personne n'englobe pas tout ce qui est humain. Les enfants à naître, par exemple, ne sont pas des personnes.

J'ai demandé un exemplaire du Code criminel pour me pencher sur le crime d'infanticide qui, comme les sénateurs le savent, est un crime féminin. Un homme ne peut être accusé d'infanticide. C`est un crime qui normalement prévoit de petites sanctions lorsqu'une telle accusation est portée et que la personne en question est poursuivie. L'article 233 du Code criminel nous donne la définition d'infanticide. On nous y dit clairement ceci:

Une personne du sexe féminin commet un infanticide lorsque, par un acte ou une omission volontaire, elle cause la mort de son enfant nouveau-né...

Je demande aux honorables sénateurs de se reporter à
l'article 237, qui parle de la punition de l'infanticide. Je crois que le sénateur Joyal a tout à fait raison dans son raisonnement au sujet de ce phénomène en matière de détermination de la peine. La punition pour l'infanticide est établie à l'article 237 où on dit:

Toute personne du sexe féminin qui commet un infanticide est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans.

Ainsi, le sénateur Joyal nous dit que, d'une façon ou d'une autre, des animaux vont acquérir un statut supérieur à ceux des nouveau- nés. C'est tout à fait intéressant pour moi. Nous devrons examiner cette question.

Étant donné que nous avons une nouvelle catégorie d'êtres, qui ne sont pas des personnes ni des biens, les enfants à naître sont-ils maintenant des animaux?

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, je n'oserai pas fournir à l'honorable sénateur une réponse possible, car c'est une question extrêmement délicate. À ce stade-ci de notre débat, l'étape de la deuxième lecture, je crois qu'il convient de faire part de mes préoccupations. Les honorables sénateurs vont se rendre compte de la gravité de ces préoccupations. Je remercie l'honorable sénateur d'avoir signalé que la sanction pour l'infanticide est une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans, car cela montre la gravité d'imposer une peine maximale pour la cruauté envers les animaux.

Je voudrais remercier madame le sénateur d'avoir posé sa question, car la question qu'elle soulève sera certes discutée avec les représentants du ministère de la Justice.

Le sénateur St. Germain: Le sénateur Joyal s'intéresse à la détermination de la peine et c'est certainement un sujet de préoccupation. Cependant, ce qui préoccupe avant tout les gens, c'est de savoir comment on définira la «cruauté». C'est un concept tellement subjectif.

J'ai écouté attentivement les propos du sénateur Joyal, car il a bien parlé. Il a affirmé que les groupes de lobbyistes comme les groupes de défenseurs des droits des animaux sont ceux qui tiennent les rênes dans ce dossier. Ils forcent le gouvernement à prendre des mesures, non parce que certains indices laissent croire que la cruauté envers les animaux a augmenté, mais plutôt parce que ces groupes semblent être mieux financés et plus revendicateurs.

(1710)

Cet aspect subjectif de la cruauté me semble bien plus inquiétant que la peine. Une peine d'emprisonnement, qu'elle soit d'un an ou de six mois, est dévastatrice pour un agriculteur, un éleveur, un Autochtone, un chasseur ou qui que ce soit. La profession de l'honorable sénateur et sa pratique du Code criminel l'incitent sans doute à considérer que la durée de la peine est importante. Cependant, certains parmi nous vivent dans le monde concret de l'élevage, de la chasse et du piégeage.

Le sénateur a présenté cette nouvelle dimension concernant le Code criminel ainsi que les crimes contre la personne ou les biens. Le sénateur n'est-il pas d'avis que toute cette question des vertébrés est justement ce qui rend la définition de la cruauté aussi complexe?

Le sénateur Joyal: Je vais essayer d'être bref car je sais que le leader adjoint a d'autres points à l'ordre du jour.

L'honorable sénateur soulève deux aspects. L'un concerne la définition du mot «cruauté», et l'autre, la notion de «volontaire». Cedoit être un geste conscient de la part de la personne. Abordons la question de la cruauté.

Mes parents n'ont pas eu l'occasion d'avoir une exploitation porcine, mais mon père travaillait dans le domaine de l'épicerie. Lorsque j'étais enfant, il m'a emmené dans une exploitation où l'on abattait des porcs. On assommait les porcs d'un coup à la tête, puis on les suspendait à l'aide d'un crochet. On ouvrait ensuite le porc et on le préparait pour la saignée. Le sang doit être chaud pour la préparation de certains genres de produits. Il arrivait qu'un porc reprenne ses sens parce qu'on ne l'avait pas assommé avec assez de vigueur. Qu'en est-il là de la cruauté et du geste volontaire? C'est un cas où il n'est manifestement pas facile de trancher.

En toute équité, et je ne souhaite pas effrayer les honorables sénateurs en évoquant le volet agricole de cette mesure législative, il s'agit d'un aspect important du projet de loi C-10. Nous devons saisir exactement ce que nous entendons lorsque nous utilisons dans une même phrase les mots «cruauté» et «volontaire».

Comme le sénateur Jaffer l'a souligné, cela s'écarte de la pratique traditionnelle et de la façon dont celle-ci a évolué au fil des ans. Nous devons entendre des témoins. En toute humilité, je ne suis pas un spécialiste. J'essaie tout simplement de comprendre la mesure législative que l'on nous a transmise.

L'honorable sénateur s'inquiète parce qu'il pourrait y avoir un lobby bruyant menant la lutte pour que soient prévues des peines plus lourdes dans les cas de cruauté envers les animaux. Les agriculteurs sont bien représentés au Canada et il leur serait réservé un bon accueil s'ils voulaient comparaître devant le comité pour nous faire part de leurs préoccupations comme le ferait tout autre groupe de l'ouest du Canada afin que nous puissions comprendre toutes les conséquences de cette mesure législative.

Elle semble bien intentionnée. Nous devons en féliciter le ministre et l'honorable sénateur, mais elle a des conséquences réelles pour les Canadiens se livrant à des activités agricoles et de loisirs et se préoccupant de la protection des animaux, ce qui constitue un objectif valable et honnête à poursuivre dans une société qui se comporte de manière civilisée.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

COMITÉ DE SÉLECTION

ADOPTION DU TROISIÈME RAPPORT DU COMITÉ

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité de sélection du Sénat présenté plus tôt aujourd'hui.

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, je propose l'adoption du rapport inscrit à mon nom.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, plus tôt aujourd'hui, j'ai retenu mon accord parce que je ne m'attendais pas à ce qu'un rapport complet soit présenté à 14 heures.

Je comprends les explications qui m'ont été données par mon ancien collègue à la Chambre des communes, l'honorable sénateur Rompkey, disant qu'on ne pouvait se réunir avant 13 h 30 et qu'on ne pouvait entrer en communication. Par contre, je n'aimerais pas retarder les pourparlers qui se poursuivent actuellement étant donné que les honorables sénateurs veulent former les comités parlementaires le plus rapidement possible.

Le sénateur St. Germain et moi nous sommes consultés. Nous entretenons plusieurs appréhensions sur la manière de disposer de nos personnes dans ces temps de réforme. Paul Martin parlait hier de grande réforme parlementaire et voilà que nous, au Sénat, nous nous contenterions de simplement et bêtement dire oui sans même faire une intervention sur la composition de certains comités!

Après consultation avec le sénateur Stratton, j'ai pensé que je ne devrais pas indûment retarder ce qui pourrait se faire demain. Ayant été nommé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, vous vous imaginez quelle révolution se prépare!

[Traduction]

Quelle révolution! Marcel Prud'homme au Comité des banques. Je ne veux pas faire pleurer le sénateur Kolber. Il est venu me demander si j'allais donner mon consentement aujourd'hui. Je ne voudrais pas irriter un sénateur qui pourrait devenir mon président de comité. Je suis partisan des réformes et je l'ai toujours été. J'ignore si le sénateur sera le président du Comité des banques, mais j'imagine qu'il a déjà été choisi. Ce serait un étrange début à mes relations comme membre de ce comité pour les jours, les semaines, les mois ou les années où je pourrais y rester, puisque je devrai m'initier à un tout nouveau domaine d'activité. C'est très dangereux. On me dit que bien des gens s'intéressent à ce débat.

Les honorables sénateurs savent que j'amorce bientôt ma quarantième année de vie parlementaire. Je suis entré en politique fédérale et non en politique provinciale, où je devais d'abord aller. En 1960, j'étais candidat libéral dans Montréal-Laurier. À la demande de M.Jean Lesage, j'ai cédé ma place à M.René Lévesque. Je m'orientais au départ vers la politique provinciale, mais j'étais intéressé par la politique fédérale, que j'ai étudiée.
Je ne m'éclipse jamais en me disant: «Si vous voulez faire de la politique fédérale, vous devez avoir des préoccupations internationales. Vous devez vous intéresser à la dimension internationale, la comprendre et y être sensible.»

(1720)

J'étais assez bon pour que Pierre Elliott Trudeau me protège à la Chambre des communes, où j'ai présidé non seulement le Comité des affaires étrangères, mais aussi le Comité de la défense nationale — pendant plus de dix ans!

Dès que je suis entré à l'université, je me suis occupé d'affaires étrangères. Je me suis occupé de la question vietnamienne. Dans un ouvrage qui a été publié aux États-Unis, il est dit que M. Trudeau s'est servi de moi pour modifier la loi au Canada. Mais c'est là une autre question.

J'ai participé à la révolution de la Tchécoslovaquie en aidant des gens de ce pays à venir au Canada. J'ai brûlé en effigie Orville Faubus, de l'Arkansas, pour sa politique raciste. Je fréquentais alors l'Université d'Ottawa.

Je me suis toujours intéressé aux affaires internationales. J'irai jusqu'à dire — et je regrette de devoir le dire — qu'on m'empêche de mieux servir mon pays en m'empêchant de faire partie du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. On m'a dit pourquoi en termes non équivoques. Il se trouve qu'un certain lobby ne veut pas que je siège au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Je ne parlerai pas éternellement. Je sais que certains d'entre vous diront que je me répète, mais que je finirai par me taire, que je jappe, mais que je ne mords pas, que je suis un bon gars. Je fais partie d'un club. C'est ici le meilleur club au monde. Nous pouvons demander ici aux meilleurs d'entre nous de faire tout leur possible pour insuffler un peu de logique dans les affaires étrangères.

Je suis triste de constater à quel point le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères manifeste peu d'intérêt à l'heure actuelle en ne voyant pas l'utilité de tenir une séance d'information sur ce qui se passe dans le monde. Je ne demande pas une séance d'information sur l'Afrique, quoiqu'elle soit très importante. L'Afrique ne risque pas d'enflammer le monde en ce moment. Je ne demande pas une séance d'information sur l'Amérique latine, quoiqu'elle soit très importante pour les francophones du Québec.

Le Comité des affaires étrangères est probablement le seul du monde occidental à n'avoir pas jugé bon de se prononcer ou de tenir une réunion ou une séance d'information ou autre sur ce qui pourrait devenir une guerre mondiale. Que les honorables sénateurs ne s'imaginent pas que je vais cesser de parler et de mettre un peu à contribution mon expérience et mes connaissances. Je le fais afin que ces jeunes gens qui sont nos pages aujourd'hui ne soient pas envoyés au combat pour nous défendre, nous les aînés, parce que nous aurons manqué d'ouverture par rapport à ce qui se passe dans le monde aujourd'hui.

Mon domaine de prédilection a toujours été les affaires étrangères. Je dis toujours que je suis en politique fédérale parce que j'ai des préoccupations internationales et que je veux comprendre certaines questions internationales délicates.

Je ne suis pas quelqu'un qui a une idée fixe — le Proche-Orient, le Proche-Orient, le Proche-Orient. Il y a d'autres questions importantes. C'en est certainement une, mais personne ne veut s'en mêler ou l'aborder.

Honorables sénateurs, la plupart d'entre vous êtes nouveaux au Sénat. Je n'ai pas voulu parler de cela parce qu'un des sénateurs que je pourrais nommer a passé un moment difficile aujourd'hui. Je m'abstiendrai donc de le nommer.

En 1982, 1983 et 1984, le Sénat a tenu des débats sur le Moyen- Orient. Lisez le rapport, honorables sénateurs. Voyez ce qu'il est advenu de tous les sénateurs qui étaient membres du comité à ce moment-là. Ils ont été accusés! Comment osons-nous accuser d'antisémitisme le sénateur Hicks, de la Nouvelle-Écosse? N'a-t-il pas recueilli des fonds pour des causes juives au Canada? Comment osons-nous accuser le sénateur Van Roggen? Cet homme d'honneur était président du Comité sénatorial des affaires étrangères. Il ne reste que deux témoins. L'un d'eux est le sénateur Murray qui, je l'espère, participera au débat. Pour la simple raison que j'ai des opinions qu'on ne partage pas dans certains milieux, surtout les milieux financiers ou de collectes de fonds, je suis privé du droit de donner mon avis sur le seul sujet que je connaisse vraiment, les affaires mondiales!

Je vais dire une chose aux honorables sénateurs au sujet du récent voyage au Liban. Croyez-vous que je sois tellement tenté par un voyage de deux jours après les problèmes cardiaques que j'ai connus? Croyez-vous que j'aie besoin d'un voyage de deux jours? J'aurais pu payer mon passage. Je n'ai pas besoin d'être parrainé. Je peux aller n'importe où, et je compte le faire. Je n'ai pas besoin d'être choisi par un whip ou quelqu'un d'autre. J'aurais pu être utile. Je connais tout le monde au Liban. Les honorables sénateurs ne croient-ils pas que j'avais quelque chose à offrir à mon premier ministre? Je connais non seulement les dirigeants politiques, mais aussi chacun des chefs religieux du Liban. Je les connais tous et je vais leur rendre visite. Les honorables sénateurs croient-ils vraiment que je n'ai rien à offrir au Canada?

Pourquoi cette cabale secrète? Personne n'osera prendre la parole ici, au Sénat, pour donner les vraies raisons pour lesquelles je ne peux pas mieux servir mon pays en étant proposé comme membre d'un comité où j'ai quelque chose à offrir. C'est très bien. Mon nom a été porté sur la liste des membres du Comité des banques. Je vais devoir m'adapter. Je ne sais pas ce que je vais faire. J'irai suivre des cours, j'apprendrai. Quelques personnes très intéressantes siègent à ce comité. Ils ne savent pas ce qui les attend. Je ne partagerai peut- être pas toutes leurs opinions sur les sujets d'un grand intérêt dont ils sont saisis. Ne prenez pas cela pour une plaisanterie. Qui sait? J'aurais peut-être besoin d'une certaine compétence.

[Français]

Je pourrais demander à mon ancien député du comté de Gouin, M. Yves Michaud, de devenir mon adjoint lorsque le comité discutera de questions relatives aux banques. C'est une blague en passant. Je regrette cette façon de nommer les membres des comités. Je ne les ai pas choisis. Je vois le sénateur Andreychuk tout près de moi. Je constate qu'elle n'apparaît pas sur la liste des membres du Comité des droits de la personne et pourtant, elle a fait un travail extraordinaire à ce comité. C'est peut-être son choix.

Nous sommes là pour parler de réforme. Peut-être pourrions-nous un jour avoir un peu plus notre mot à dire sur les nominations des membres des comités.

Son Honneur a toujours été reconnue comme une femme avant- gardiste au Québec. Silencieusement, elle souhaiterait peut-être que le temps soit venu pour que les membres des comités choisissent leur président et leur vice-président. Il peut y avoir des recommandations. Qu'est-ce que c'est que cette histoire de cabale secrète et d'intrigues? J'aime les choses ouvertes, au risque de recevoir des centaines de lettres insultantes.

J'aurai donc le plaisir d'aller un peu plus de l'avant grâce aux bons conseils des hauts fonctionnaires du Sénat tels que M. O'Brien,
M. Armitage et M. Bélisle en entamant un débat sur cette question. Pour cette raison, après réflexion et suite aux demandes des sénateurs Rompkey et Robichaud, ainsi qu'après d'amicales consultations avec le sénateur Stratton, je ne m'opposerai pas à ce que chacun s'organise aujourd'hui. Il y a d'autres façons de mener la lutte.

[Traduction]

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, à l'instar du sénateur Prud'homme, j'éprouve une certaine inquiétude au sujet du processus qui a été employé. Comme l'honorable sénateur l'a mentionné, il y a bien des gens qui parlent de la réforme parlementaire et de l'importance d'accorder plus d'égards aux députés de la Chambre des communes, au lieu de les traiter comme de vulgaires quidams lorsqu'ils se trouvent à 50 mètres de la colline ou même lorsqu'ils sont sur la colline. Je pense que notre travail à nous, les sénateurs, est de ne pas se poser comme des obstacles au progrès.

(1730)

Lorsque des honorables sénateurs sont invités à faire partie d'un comité, on leur donne le choix entre le comité A et le comité B, et c'est tout. On ne leur offre pas vraiment un choix. On leur dit où aller. En général, ils se retrouvent dans un comité auquel les gens ne tiennent peut-être pas à siéger.

Je suis heureux qu'on ait apporté un changement et tenté d'accommoder ceux d'entre nous qui siègent comme indépendants. Cependant, je pense qu'on pourrait rendre le processus un peu plus juste en faisant usage du savoir-faire existant, comme l'a précisé le sénateur Prud'homme. Il y a ici beaucoup de talents, de connaissances et de compétences qui peuvent être mis à contribution là où c'est utile. Quel danger présenterait cet homme s'il siégeait au Comité des affaires étrangères? Il n'a qu'une seule voix en tant qu'indépendant. Il lui serait impossible de renverser une décision du gouvernement.

Je crois pouvoir parler au nom de mon collègue assis à ma gauche en disant que, faute d'apporter un semblant d'équité dans le système, nous ferons tout en notre pouvoir, dans le respect des règles et du Règlement, pour rendre cet endroit un peu plus équitable.

Il n'y a peut-être pas d'injustice dans le système. Je crois que c'est le cabinet du premier ministre qui tire les ficelles, comme Paul Martin l'a dit. Le temps est peut-être venu de changer les choses. Nous devrons peut-être imposer le changement en appliquant le Règlement du Sénat.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Puis- je poser une question au sénateur St. Germain?

Le sénateur St. Germain: Oui.

Le sénateur Kinsella: L'article 85 prévoit qu'un changement à la composition d'un comité peut être effectué conformément à une certaine procédure. Il prévoit qu'un changement peut être apporté:

a) dans le cas des membres du gouvernement, par le Leader du gouvernement au Sénat ou tout sénateur désigné par le Leader du gouvernement au Sénat, et

b) dans le cas des membres de l'Opposition, par le Chef de l'opposition au Sénat ou tout sénateur désigné par le Chef de l'opposition au Sénat.

Honorables sénateurs, que pense l'honorable sénateur, en tant que sénateur indépendant, quant à savoir qui aurait l'autorité d'apporter un changement le concernant?

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, dans le cas des sénateurs indépendants, je crois que la décision reviendrait tant au leader du gouvernement qu'au leader de l'opposition, tant qu'un autre processus n'aura pas été établi. Je crois que ce sont les sénateurs ministériels qui ont décidé, vers la fin de la dernière session, que les sénateurs indépendants pourraient être membres des comités. Puisque les sénateurs ministériels ont pris la décision, et je les en félicite d'ailleurs, en vertu du Règlement actuel, tant que les règles n'auront pas changé de manière à refléter davantage la situation à la Chambre des communes, la décision relèvera du gouvernement.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Je suis ravi de voir que le leader du gouvernement a fait son entrée au Sénat.

Toutes les nominations à des comités sont faites sur recommandation du Comité de sélection, avec le consentement unanime du Sénat. Des dispositions prévoient le remplacement des sénateurs ministériels et des sénateurs de l'opposition par leur propre whip ou chef ou par quiconque est désigné par le leader. Dans le cas d'un sénateur indépendant, nommé sur recommandation du Comité de sélection, je dirais que seul le Comité de sélection peut recommander son remplacement au Sénat.

Le sénateur St. Germain: Je n'ai aucune objection, car les ministériels représentent la majorité au sein du comité de sélection. Je présume donc qu'il reviendrait indirectement au gouvernement de prendre la décision.

Le sénateur Kinsella: Si c'est le cas, compte tenu que le Règlement est silencieux à ce sujet, y a-t-il un risque qu'un sénateur indépendant évite, en raison de pressions exercées à son endroit, de prendre parti contre une opinion exprimée, de crainte que la majorité ne présente une recommandation du comité de sélection visant à l'expulser du comité en question? L'honorable sénateur éprouve-t-il cette crainte?

Le sénateur St. Germain: Je suis peut-être intrépide, mais je n'ai pas de craintes à ce sujet car je ne pense pas que nous influencions beaucoup la situation d'ensemble. Nous siégeons à titre indépendant et tout ce que nous faisons, nous le faisons à titre individuel. Je reflète davantage les opinions de l'opposition officielle que celle sdu Parti libéral, mais je ne craindrais pas de me retrouver face aux sénateurs Rompkey, Robichaud ou Carstairs. Je crois que le degré d'équité à mon endroit serait proportionnel à l'importance de mon rôle en tant que sénateur indépendant.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai pas participé au débat depuis le début, mais j'ai entendu la réponse, ou l'intervention du sénateur Lynch-Staunton. Je crois que certaines observations de ma part seraient indiquées.

Je suis enchantée que des sénateurs indépendants nous aient fait connaître leurs choix et qu'ils serviront maintenant à titre de membres à part entière, comme ce fut le cas pendant la dernière session. Je crois cependant qu'il pourrait se produire des circonstances extraordinaires, que nous préférons peut-être ne pas envisager. Par exemple, si un sénateur indépendant était nommé à un comité et qu'il venait à mourir, causant ainsi une vacance au sein du comité, ou si un sénateur indépendant me faisait savoir ou

informait le sénateur Lynch-Staunton ou la Chambre qu'il ne désire plus siéger au comité, il faudrait combler la vacance ainsi créée. Je pense, cependant, à l'instar du sénateur Lynch-Staunton, que la seule façon de combler le poste vacant consisterait, étant donné que ce poste était occupé par un sénateur indépendant, à convoquer une séance du comité de sélection pour qu'il prenne une décision et en fasse rapport à la Chambre.

Son Honneur la Présidente intérimaire: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(1740)

LA LOI SUR LE DROIT D'AUTEUR

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Joseph A. Daypropose: Que le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole sur le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, à l'étape de la deuxième lecture. Cette mesure porte sur le lien entre la loi sur la radiodiffusion, qui est appliquée par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, et la Loi sur le droit d'auteur. Le projet de loi traite aussi de la question de l'Internet et de celle des dispositions sur les licences obligatoires de la Loi sur le droit d'auteur.

Dans le discours du Trône, le gouvernement s'est engagé à réexaminer les règles canadiennes en matière de droit d'auteur pour veiller à ce que le Canada ait un régime progressiste soutenant l'investissement accru dans l'acquisition de connaissances et les travaux culturels. Ce projet de loi est conforme à cet engagement, mais il n'est qu'un petit pas vers ce que je prévois être une refonte globale de la Loi sur le droit d'auteur relativement aux activités actuelles. Nous avons entendu le sénateur LaPierre parler des raspberries, des blueberries et des différents types de dispositifs organisationnels. Nous sommes en plein coeur de la révolution numérique, et il est important que la loi reflète ces changements.

[Français]

Une loi sur le droit d'auteur moderne est cruciale pour la survie des auteurs, des artistes canadiens ainsi que pour les industries culturelles dans lesquelles ils travaillent. Comme l'a dit à de nombreuses reprises la ministre du Patrimoine canadien, nous avons besoin d'un plus grand nombre de voix canadiennes pour raconter un plus grand nombre d'histoires canadiennes.

[Traduction]

Cependant, il faut que nos créateurs et nos industries culturelles puissent fonctionner dans un marché qui soit fondé sur des règles claires et prévisibles. La propriété intellectuelle est importante pour l'industrie de la radiodiffusion, comme elle l'est dans d'autres secteurs d'activité culturelle. Cela est doublement important si nous voulons encourager l'innovation et le succès des Canadiens dans la

nouvelle économie. Le gouvernement a adopté à l'égard du droit d'auteur une approche modérée qui prend en compte aussi bien le droit des créateurs de savoir que leurs efforts seront récompensés que le besoin des Canadiens d'avoir accès à une variété de contenus canadiens dans une variété de formats. Je le répète: les Canadiens doivent avoir accès à une variété de contenus canadiens dans une variété de formats.

Les sénateurs se rappelleront les discussions que nous avons tenues avant la prorogation sur la concentration et la convergence des médias. J'espère que l'un des comités permanents du Sénat s'occupera de cette question importante.

La reconnaissance par le gouvernement de l'importance cruciale du droit d'auteur se reflète dans le processus de réforme du droit d'auteur lancé en juin 2001. Le rapport, intitulé «Stimuler la culture et l'innovation: Rapport sur les dispositions et l'application de la Loi sur le droit d'auteur», a été déposé au Sénat le 3 octobre et invite le Parlement à participer au processus de révision concernant le droit d'auteur.

[Français]

Ce processus reconnaissait que l'une des priorités sur lesquelles il fallait se pencher était une disposition de la loi qui est maintenant désuète dans un monde où les changements technologiques sont rapides.

[Traduction]

Honorables sénateurs, les dispositions concernant le régime de licence obligatoire, prévu à l'article 31 de la Loi sur le droits d'auteur, permet aux câblodistributeurs et aux entreprises de distribution par satellite de radiodiffusion directe, entre autres, de retransmettre à leurs abonnés les signaux de radio et de télévision présents sur les ondes, ce qu'on appelle la télévision en direct. Aux termes de ce régime, la retransmission peut avoir lieu sans avoir au préalable obtenu l'autorisation directe des propriétaires des droits d'auteur — les détenteurs des droits — tant que les retransmetteurs versent une redevance, dont le montant est fixé par la Commission du droit d'auteur, et se conforment aux autres conditions prévues par la loi.

L'objectif original était de se doter d'une bonne politique d'intérêt public visant à s'assurer que tous les Canadiens, où qu'ils habitent, puissent continuer à avoir accès à une vaste gamme de signaux de radio et de télévision en direct tout en s'assurant que les détenteurs des droits soient traités de manière juste et équitable. Cette disposition est entrée en vigueur en 1989.

Honorables sénateurs, dans un certain sens, cela ne fait pas très longtemps mais, du point de vue technologique, c'était une autre ère — l'ère pré-Internet. La retransmission telle qu'elle s'était faite pendant cette ère a pris fin en 1999, soit juste 10 ans plus tard, lorsqu'une société de Toronto a commencé à envoyer des signaux de télévision canadiens et américains sur Internet. Cette société prétendait qu'elle pouvait elle aussi profiter du système et demander une licence obligatoire et que par conséquent elle n'avait pas besoin de l'autorisation des détenteurs des droits concernant ce qu'elle retransmettait sur Internet. Les détenteurs des droits protestèrent et le procès qui suivit n'a été suspendu que lorsque la compagnie a accepté de mettre fin à ses activités.

Par la suite, une société établie à Montréal a annoncé son intention de transmettre des signaux de télévision sur Internet. La demande d'un tarif de redevance particulier à Internet qu'elle avait faite auprès de la Commission du droit d'auteur n'a été retirée que l'an dernier quand ce projet de loi a été présenté à la Chambre des communes.

La prétention que le régime de licence obligatoire prévu par la Loi sur le droit d'auteur couvre la retransmission par Internet est un sujet de grande inquiétude pour les détenteurs de droits d'auteur. Ce qui les inquiète particulièrement est l'aspect mondial de l'Internet et du Worldwide Web. La retransmission non réglementée de programmes sur l'Internet minerait les ententes particulières à un territoire qui viennent avec une licence obligatoire. Cela pourrait porter grandement atteinte à la capacité des producteurs canadiens d'émissions télévisées et de films de profiter au maximum de leurs droits négociés sur les marchés étrangers. Cependant, le gouvernement s'est fait dire par d'autres intervenants que la licence doit demeurer applicable et adaptable aux changements technologiques. Nous devons nous adapter à l'Internet.

Le gouvernement reconnaît que la confusion entourant la portée de l'application du régime de licence obligatoire n'était pas désirable et que l'article 31 de la Loi sur le droit d'auteur devait être clarifié, d'où la publication d'un document de consultation très détaillé et la mise en route d'un processus consultatif d'envergure pour étudier à fond ces questions et donner à tous les Canadiens l'occasion de faire connaître leur point de vue. On a reçu plus de 40 mémoires, dont on a tenu compte; le projet de loi C-11 est en grande partie la somme de ces points de vue.

[Français]

Au cours des audiences du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des Communes, les détenteurs des droits d'auteur ont exprimé leurs préoccupations selon lesquelles ce projet de loi n'était pas assez clair.

[Traduction]

Des amendements ont été présentés à l'autre endroit dans le but de préciser que la mesure législative proposée permet d'assurer que les retransmetteurs Internet fonctionnant en vertu d'un décret d'exemption précis du CRTC non relié aux médias ne peuvent bénéficier du régime de licence obligatoire prévu par l'article 31 de la Loi sur le droit d'auteur. D'un autre côté, les entreprises de distribution par câble et celles de distribution par satellite de radiodiffusion directe continueraient de bénéficier de la licence obligatoire. De plus, les parlementaires de l'autre endroit ont voulu s'assurer qu'aucun retransmetteur ne pourrait tirer des avantages de la transmission de programmes d'autres personnes en y insérant leurs propres publicités, comme les bannières publicitaires que l'on voit sur Internet, le long du programme. Ainsi, ils ont renforcé les termes du projet de loi pour garantir que le signal serait retransmis sans modification. Cela n'empêche évidemment pas l'apport de modifications technologiques prévoyant par exemple la numérisation du travail, et cela ne signifie pas qu'il ne sera pas retransmis avec la publicité d'un tiers parti.

Honorables sénateurs, avec ces amendements, le projet de loi C-11 a obtenu l'appui de tous les partis à la Chambre. De plus, le gouvernement a demandé au CRTC de consulter le public et de faire rapport des commentaires obtenus sur la question du cadre réglementaire du système de radiodiffusion pour ceux qui retransmettent par Internet des émissions de radio et de télévision.

Avec l'évolution du réseau Internet, il pourrait devenir pertinent que le CRTC revoie la décision qu'elle a prise en 1999 de ne pas réglementer l'Internet. Si le réseau Internet devait être utilisé aux fins de radio et de télédiffusion, il devrait être soumis à des conditions permettant d'assurer la poursuite d'objectifs de politiques générales au Canada.

(1750)

[Français]

Ce projet de loi assure la transparence et la prévisibilité du marché de la retransmission. Il retire l'incertitude qui affecte les détenteurs des droits et les diffuseurs potentiels depuis trois ans. Il permet de maintenir et de renforcer la protection consentie aux détenteurs de droits qui seraient menacés sans cette mesure législative.

[Traduction]

Le projet de loi maintient et renforce la protection accordée aux titulaires de droits, protection qui, sans la présence de cette mesure législative, risquerait d'être sapée. Je m'attends à ce que les sénateurs acceptent de renvoyer ce projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie aux fins d'une étude approfondie. Je vous prie de lui accorder votre appui à l'étape de la deuxième lecture.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Day de son excellent exposé. Il y a un aspect de ce projet de loi dont il a omis de parler. Il s'agit de la réglementation, qui jouera un rôle important lorsque le projet de loi sera adopté.

Trop souvent, nous nous retrouvons devant ce que nous avons commencé à qualifier de loi-cadre, soit une mesure législative précisant en des termes généraux quels sont ses objectifs. Toutefois, son vrai contenu se concrétisera dans la réglementation. Bien que nous ayons un Comité mixte d'examen de la réglementation et des textes réglementaires, celui-ci travaille de façon très efficace après l'adoption des règlements et ne se penche que sur leur légalité sans se demander s'ils constituent la réponse la plus appropriée aux problèmes existants.

La réglementation constitue la méthode permettant aux gouvernements d'éviter que leurs lois fassent l'objet d'un examen de la part du Parlement. Nous avons en main un très important projet de loi traitant de la protection du droit d'auteur lorsque des signaux de diffusion sont retransmis par l'entremise de nouveaux genres de centres de distribution, y compris l'Internet. Toutefois, comme c'est souvent le cas maintenant, les modalités réelles de protection du droit d'auteur seront précisées dans la réglementation.

Je prie les sénateurs de penser à quel point il sera important pour l'industrie des communications et les consommateurs canadiens de faire en sorte que les règlements pris en vertu de ce projet de loi soient soumis pour examen au Sénat ou à la Chambre des communes avant leur entrée en vigueur. En notre qualité de parlementaires, nous devons reprendre la place qui nous revient au sein du processus législatif. Nous ne devons pas permettre au gouvernement de contourner l'examen en faisant appel au pouvoir de réglementation. Le Sénat doit adopter comme pratique de présenter des modifications à tous les projets de loi-cadre qui leur sont soumis afin de prévoir un rôle utile pour le Sénat dans le processus de réglementation.

Le sénateur Day: Le sénateur souhaite-t-il que je réagisse à cette déclaration? Est-ce une question ou un commentaire? Si c'est un commentaire, je suis d'accord.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Rivest, le débat est ajourné.)

[Français]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec le consentement unanime des sénateurs, les articles à l'ordre du jour qui n'ont pas encore été abordés pourraient être reportés à la prochaine séance et nous pourrions procéder à l'ajournement.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 23 octobre 2002, à 13 h 30.)


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