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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 32

Le mercredi 5 février 2003
L'honorable Dan Hays, Président


 

LE SÉNAT

Le mercredi 5 février 2003

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

LE DÉCÈS DU TRÈS HONORABLE RAMON JOHN HNATYSHYN, C.P. C.C., C.M.M., C.D., C.R.

HOMMAGES

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui relativement au décès d'un Canadien très spécial. Le très honorable Ramon John Hnatyshyn aura été un gouverneur général qui occupait une place spéciale dans le coeur des Canadiens. Sa chaleur humaine et l'intérêt qu'il manifestait à l'égard des gens étaient des traits caractéristiques de sa personne. Il a su rapprocher les fonctions qu'il occupait des Canadiens et il a réussi à faire partager à tous ceux qu'il a rencontrés son amour et son appréciation de la citoyenneté canadienne.

Le premier gouverneur général de descendance ukrainienne était particulièrement apprécié dans ma province et dans les autres provinces des Prairies. Il a fait de Rideau Hall un lieu public lorsqu'il a ouvert l'endroit aux gens en créant la série de concerts d'été du gouverneur général, et en réouvrant la patinoire au public, ce qui a fait en sorte que les Canadiens se sentent les bienvenus.

M. Hnatyshyn et sa femme étaient des mécènes très appréciés dans le domaine des arts. M. Hnatyshyn a créé les prix du gouverneur général pour les arts de la scène et le prix John Ramon Hnatyshyn pour le bénévolat dans les arts de la scène. Le fait de souligner la contribution d'héros et d'héroïnes qui travaillent souvent dans l'ombre, à savoir les bénévoles, est typique de M. Hnatyshyn.

M. Hnatyshyn était un ardent promoteur du multiculturalisme, de l'alphabétisation et de l'éducation. En 1989, il a été honoré par le Congrès mondial ukrainien, qui lui a décerné la médaille Saint- Volodymyr en reconnaissance de sa «contribution exceptionnelle à la promotion de la justice et des libertés civiles».

Nous avons tous vu les manifestations d'affection et de respect des Canadiens lors du décès de M. Hnatyshyn qui occupera toujours une place dans l'histoire et dans le coeur du peuple canadien, notamment en raison du fait qu'il nous a quittés beaucoup trop tôt.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je remercie madame le leader du gouvernement pour l'hommage chaleureux qu'elle vient de rendre à notre regretté collègue. La vie du très honorable Ramon Hnatyshyn est une histoire canadienne remarquable sur les plans politique et personnel. À la Chambre des communes, il a été le leader parlementaire de l'opposition et, plus tard, du gouvernement. Le leader parlementaire est à l'avant- scène de la lutte parlementaire, mais il doit savoir quand s'élever au- dessus de la mêlée. Le bon leader parlementaire a la confiance des collègues de son propre caucus et, tout aussi important au moins, celle de ses adversaires. Les leaders parlementaires ont entre les mains les travaux quotidiens du Parlement et également, dans une certaine mesure, le bien-être de l'institution elle-même.

Parmi les divers postes ministériels que Ray Hnatyshyn a occupés sous les gouvernements Clark et Mulroney, c'est le portefeuille de la justice qu'il avait toujours voulu, qu'il a aimé le plus et où il s'est le plus illustré. Tout comme le leader parlementaire, un bon ministre de la Justice est une personne pas comme les autres. Il est membre d'une équipe politique, mais il doit parfois transcender la loyauté à son parti et même au Cabinet. Cela est attribuable au fait que le ministre de la Justice, plus que les autres ministres, doit avant tout respecter les critères de sa profession, la primauté du droit et les principes de justice naturelle. Il ne doit jamais laisser le gouvernement perdre de vue ces choses. Plus que tout autre ministre, il doit être digne de confiance.

À tous ces égards, comme à celui de son dévouement pour le Parlement et son engagement envers la loi, Ray Hnatyshyn n'a jamais manqué à ses devoirs de ministre. Il ne fait aucun doute qu'en tant que leader parlementaire, il n'était jamais assez partisan pour certains de ses collègues et en tant que ministre de la Justice, jamais assez conservateur pour d'autres, mais il se tenait debout. C'est grâce à l'affabilité et à la plaisanterie qu'il parvenait à injecter une dose de modération bienvenue dans des conflits qui paraissaient très difficiles à régler. Si parfois cela exigeait d'exposer certaines choses absurdes et de choquer certains, eh bien tant pis s'ils n'avaient pas un meilleur sens de l'humour.

C'était un homme de principe, un homme intelligent et extrêmement humain. C'était un homme de l'Ouest et durant sa carrière politique, un conservateur, mais personne n'allait lui dire comment un homme de l'Ouest ou un conservateur devait penser ou agir. En tant que jeune avocat à Saskatoon, il a servi sa collectivité en occupant divers postes allant de président de Centraide à président de l'Association canadienne pour les Nations Unies. Ray Hnatyshyn pensait mondialement et agissait localement avant même que ce slogan ne soit lancé.

Son héros avait été John Diefenbaker, un autre avocat de la Saskatchewan et défenseur des minorités et des droits de la personne. En 1974, il s'est joint avec fierté à M. Diefenbaker à la Chambre des communes. Lorsqu'à une occasion M. Diefenbaker a dérogé à ses principes dans le cadre d'un vote sur la peine de mort, Ray s'en est tenu à ses principes et n'a pas suivi le chef.

Durant son dernier mandat au Parlement, Ray Hnatyshyn a piloté à la Chambre des communes la nouvelle Loi sur les langues officielles de 1988, l'Accord constitutionnel du lac Meech ainsi que les premières résolutions visant à combler le vide législatif en matière d'avortement. Ses responsabilités ministérielles et les miennes se recoupaient dans ces trois dossiers. Il a toujours été pour moi, et pour nous tous, le plus réfléchi et le plus éclairé des collègues tout en manifestant le plus grand esprit de collégialité et de soutien qui soit. Je ne sais pas — Ray étant ce qu'il était, il n'en a jamais parlé — à quel point l'un ou l'autre ou la totalité de ces trois grands dossiers controversés peut avoir contribué à la perte de son siège aux élections de novembre 1998. Il se peut que dans sa circonscription, le thème des élections soit devenu le libre-échange. Si c'est le cas, ce serait quelque peu ironique. En effet, c'est en consultation avec Ray Hnatyshyn que le juge à la retraite Emmett Hall a décidé d'intervenir dans cette campagne pour contrer la propagande alarmiste des personnes laissant entendre que l'universalité des soins de santé était menacée par l'Accord de libre-échange. Les Canadiens qui avaient éprouvé de la crainte à la suite de certains de ces propos électoralistes ont été rassurés par l'intervention du juge Hall, et il se peut fort bien que plusieurs des collègues de Ray doivent leur élection ou leur réélection à cet épisode.

[Français]

Son accession en 1990 au poste de gouverneur général a suscité des critiques parce qu'il venait de quitter l'arène politique fédérale. Or, à la fin de son mandat, les chroniqueurs ont surtout retenu la façon dont M. Hnatyshyn a ouvert Rideau Hall au public. Ils ont rappelé qu'il a rapproché la Couronne canadienne et la population canadienne. Ils ont souligné son dévouement auprès des artistes, des jeunes et le fait qu'il favorisait la promotion de l'éducation et du multiculturalisme. Comme l'a dit le sénateur Carstairs, ces gestes concrets ont laissé l'empreinte de M. Hnatyshyn et de Mme Hnatyshyn sur l'institution du gouverneur général et sur le Canada.

En 1907, son père est arrivé au Canada en provenance de l'Ukraine alors qu'il n'était âgé que de deux mois. En 1959, John Hnatyshyn, avocat de profession, fut nommé à cette Chambre, le premier sénateur nommé de la ville de Saskatoon, et le premier sénateur d'origine ukrainienne. Vous pouvez donc imaginer l'émotion avec laquelle son fils, le très honorable Ramon Hnatyshyn, issu de la première génération canadienne de cette famille, s'est rendu en Ukraine un jour de 1992, en visite officielle, en tant que gouverneur général du Canada. C'est un volet remarquable de l'histoire canadienne.

[Traduction]

Nous pouvons être humblement reconnaissants d'habiter un pays où une telle histoire est possible, et il faut prier pour que notre pays demeure digne d'abriter des gens comme les Hnatyshyn.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je tiens également à souligner la vie et l'apport exceptionnels de feu le très honorable Ramon Hnatyshyn. Pour quelqu'un qui, comme moi, a grandi à Saskatoon, la famille Hnatyshyn était bien connue pour son apport à la collectivité, au Canada et à une échelle encore plus grande.

Le père de Ramon Hnatyshyn fut le premier sénateur de descendance ukrainienne à être nommé par le très honorable John Diefenbaker. Sa mère, Helen, a grandement contribué à l'avènement plus rapide des droits et des débouchés pour les femmes dans le cadre des diverses associations et organisations dont elle a fait partie, y compris les conférences des Nations Unies sur les femmes.

À l'exemple de ses parents, M. Hnatyshyn s'est rapidement voué à une vie d'excellence dans sa profession et au service du public, et il en a été ainsi pendant toute sa vie. Pendant les années où il a exercé sa profession à Saskatoon, il a participé aux travaux de nombreuses institutions et organisations, dont bon nombre d'organisations ukrainiennes. Je vais m'abstenir à ce stade-ci de souligner les nombreuses façons dont il a contribué non seulement à la vie et au tissu social des Ukrainiens au Canada, mais aussi au tissu multiculturel du pays. Je le soulignerai peut-être à un autre moment.

Permettez-moi simplement de dire que j'ai été frappée par les propos que me tenaient, pendant que je parcourais le Canada, de simples citoyens canadiens qui connaissaient les réalisations de cet homme. Chacun tenait à me raconter une anecdote illustrant le sens de l'humour de M. Hnatyshyn.

Tout au long de sa carrière politique, notamment quand il était ministre de la Justice, sa quête de la justice sociale et son dévouement envers les minorités l'ont amené à dénoncer d'innombrables injustices. Il s'est notamment attaqué aux crimes contre l'humanité.

Lorsqu'il a été nommé premier gouverneur général de souche ukrainienne, il est devenu un modèle pour environ 1 million de Canadiens d'origine ukrainienne, à qui il a enseigné que leur contribution pourrait et serait acceptée au sein de notre société et enrichirait les politiques, les pratiques et la vie quotidienne du Canada.

On aurait tort de sous-estimer la valeur symbolique qu'a pu revêtir un tel événement pour les Canadiens qui ne sont ni d'origine anglaise ni d'origine française. Ce qui est intéressant dans le cas de M. Hnatyshyn, c'est que son oeuvre n'était pas simplement symbolique. La façon dont il a vécu sa vie a de quoi rendre fiers tous les Canadiens. Loin d'être symboliques, les efforts soutenus et réels qu'il a déployés ont prouvé que les Canadiens de tous les milieux peuvent, grâce à leurs compétences et à leur dévouement, enrichir leurs racines et leur patrimoine.

Ray Hnatyshyn prenait les problèmes à cœur, mais il ne se prenait jamais au sérieux. Sa vivacité d'esprit, sa nature réaliste, son ouverture et sa capacité de comprendre les autres étaient inspirants et ouvraient toutes sortes de possibilités d'accomplissement dans son sillage.

Ray Hnatyshyn était un véritable modèle. L'expression de son attachement à ses racines et de son respect pour la détermination de ses ancêtres résonnaient comme un engagement à l'égard des buts et des idéaux du Canada. Moi le premier, d'ailleurs, qui ai grandi à Saskatoon et ailleurs en Saskatchewan, je me suis inspiré de son exemple.

Il était aussi un exemple pour toute la communauté multiculturelle. Le Dr Dmytro Cipywnyk, ex-président du Conseil ethnoculturel du Canada, a tenu des propos très admiratifs à l'égard de l'ancien gouverneur général quand il a dit:

C'était un homme d'État exemplaire et un politicien modèle qui a servi son pays avec fierté et dignité. Il a ouvert les portes de Rideau Hall à tous les Canadiens de tous les horizons sociaux et culturels. C'est au cours de son mandat que le Conseil ethnoculturel du Canada s'est vu octroyer ses propres armoiries, par l'intermédiaire de l'Autorité héraldique du Canada, qui exerce les prérogatives héraldiques de la Couronne au Canada. Les armoiries du conseil ethnoculturel du Canada montrent que la diversité culturelle est un aspect naturel de notre société qui a le pouvoir de nous rendre plus forts. Lors de l'octroi de ces armoiries, M. Hnatyshyn a rappelé au Conseil qu'il était essentiel qu'il reflète le fait que notre grand pays avait été édifié par des gens venus des quatre coins du monde et que cette diversité était un héritage solide qui appuyait nos valeurs pour l'avenir. Voilà un exemple de ce qu'il a légué à tous les Canadiens.

On voit bien là la grandeur d'un homme qui pouvait saisir de telles occasions et laisser un tel exemple. Il continuera d'être une source d'inspiration.

J'offre mes condoléances à Gerda, qui chérissait et partageait les mêmes valeurs que lui et qui a consacré d'innombrables heures à l'aider dans ses activités. J'offre aussi mes condoléances à son fils et à tous les membres de la famille Hnatyshyn, à qui je suis reconnaissante d'avoir partagé aussi généreusement Ramon avec nombre d'entre nous.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, on a déjà entendu une bonne partie de ce que je souhaitais dire au sujet de la vie de Ray Hnatyshyn.

C'est par son comportement en tant que parlementaire que M. Hnatyshyn se distinguait. En 1994, quand j'ai été nommé sénateur, il n'était alors question que de démocratie directe. Les honorables sénateurs se souviendront peut-être que, à l'époque, on ne disait qu'une chose, et c'était combien il était important pour les députés de sonder leurs électeurs pour savoir comment ces derniers souhaitaient qu'ils votent sur telle ou telle question. Tout député qui votait contre le voeu de son électorat passait pour être un mauvais député. Or, Ray Hnatyshyn était un homme politique qui n'avait pas besoin de sonder l'électorat.

(1350)

J'en ai pour preuve deux exemples que je vais donner aux honorables sénateurs. J'ai fait la connaissance de Ray Hnatyshyn après les élections de 1974, époque à laquelle nous avions entrepris de constituer le Parti conservateur de la Saskatchewan. Il existait différentes coalitions en ces temps-là. Les conservateurs fédéraux en Saskatchewan ne souhaitaient pas se rapprocher des conservateurs de cette province, car ils avaient conclu une entente avec les libéraux, en vue de causer la défaite du NPD. John Diefenbaker, député de ma circonscription et homme que j'admire de tout coeur, m'a beaucoup déçu car, lors des élections de 1975, il avait refusé de faire campagne pour nous au prétexte d'une coalition qu'il avait conclue avec David Steuart à Prince Albert. Mais Ray Hnatyshyn a prêté main forte au parti conservateur provincial à Saskatoon, dans une circonscription qui, en temps normal, n'était pas conservatrice. Ray Hnatyshyn a contribué à la campagne en frappant aux portes pour le compte d'un parti qui n'avait pas de siège dans une circonscription qu'il venait de remporter sur la scène fédérale. Il a pris un grand risque sur le plan politique pour ce faire, embrigadant même Gerda Hnatyshyn dans cette campagne, et tous ses collaborateurs aussi d'ailleurs. Tous ont frappé aux portes des électeurs.

Honorables sénateurs, Ray Hnatyshyn a gagné les élections suivantes en 1979. C'était un abolitionniste dans une circonscription plutôt intransigeante. Près de 80 p. 100 de la population devait être en faveur de la peine capitale. Ray Hnatyshyn n'a jamais forcé les députés à dire ce qu'il convenait de dire. Ray Hnatyshyn était un modèle exemplaire de député. Une campagne électorale est à la fois une chose très difficile et très satisfaisante à faire et j'admire vraiment les gens qui ont réussi à se faire réélire à plusieurs reprises.

Toutefois, il a compris une chose que tous les bons députés ont comprise, c'est-à-dire qu'on juge un député d'après ce qu'il a fait au cours de son mandat et non sur un dossier particulier qu'il défend. Les gens de Saskatoon et de la Saskatchewan ont élu Ray Hnatyshyn en 1974, 1979, 1980 et 1984. Il a été député pendant 14 ans. Une personne ne peut recevoir un plus grand hommage que de se voir envoyé à cette auguste assemblée à Ottawa par ses pairs pour les représenter. Cela démontre bien ce qu'ils pensent de lui.

Au nom de tous les bénévoles du Parti progressiste-conservateur de la province de la Saskatchewan et du fédéral pour lesquels il a travaillé si fort, je transmets toutes mes condoléances et mes sympathies à Gerda, Carl, John et à tous les autres membres de leur famille.

[Français]

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, j'ai bien connu M. Ray Hnatyshyn à la Chambre des communes. Il m'a impressionné lorsqu'il a été ministre de la Justice et leader du gouvernement à la Chambre. J'étais alors le whip de mon parti et on se rencontrait presque tous les jours pour discuter de stratégie et de l'ordre du jour. Les libéraux n'avaient à cette époque que 40 députés sur 210. À titre de leader du gouvernement, jamais Ray Hnatyshyn ne nous a fait sentir que nous étions en situation de désaccord. Ses remarques étaient toujours justes. Il était attachant et avait un sourire désarmant.

Lorsqu'il a été nommé gouverneur général, vous vous souviendrez que je représentais la circonscription d'Ottawa—Vanier. Je lui ai téléphoné pour le féliciter et je lui ai dit: «En passant, Ray, peut-être que tu pourrais ouvrir les barrières de cette propriété de quelque 100 acres qui est la tienne maintenant». Il m'a répondu: «Ne t'inquiète pas.» Il a ouvert Rideau Hall au public. Pour moi, c'était important.

Il était un homme du peuple qui avait à coeur de favoriser les échanges, la paix et l'amitié. J'aimerais dire à sa femme, Gerda, qu'il nous manque beaucoup.

[Traduction]

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, j'aimerais raconter une anecdote un peu plus amusante au sujet de Ray Hnatyshyn.

Ray avait le don de faire sourire n'importe qui, même au milieu d'une discussion sérieuse. Un jour, nous nous trouvions dans le cabinet du premier ministre lorsqu'il me dit: «Len, un jour tu comprendras ce qu'est le pouvoir des immigrants ukrainiens.» À la réception donnée à l'occasion de son accession à la haute fonction de gouverneur général, mon épouse et moi faisions la queue pour lui offrir nos félicitations. Au moment où je lui serrais la main, je lui dis: «Ray, maintenant je comprends ce qu'est le pouvoir des immigrants ukrainiens.» Il réussissait toujours à faire sourire les gens.

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, je crois pouvoir affirmer que les Canadiens qui écoutent généralement la radio, regardent la télévision ou lisent les journaux pour s'informer de la vie sur la Colline du Parlement ont l'impression que, de façon générale, les occupants de la Colline ne s'entendent pas très bien et que cette enceinte est un lieu de conflits et de débats acerbes où chacun défend énergiquement ses allégeances politiques et trouve toujours quelque chose à redire chez les autres.

J'aimerais parler brièvement de Ray Hnatyshyn, car les deux Chambres du Parlement sont des endroits où, pour peu qu'on le veuille, il est possible de développer des amitiés remarquables, peu importe nos allégeances politiques, et le Sénat en est un excellent exemple.

Ray Hnatyshyn et moi avons entretenu une longue amitié sur la colline du Parlement. Je garderai toujours de lui le souvenir de ce jeune qui faisait partie d'un groupe de fringants députés conservateurs de l'Ouest. Il affichait toujours un air d'émerveillement devant le fait qu'il représentait sa province, sa région et les Ukrainiens au Parlement. C'est sans doute l'humilité qu'il éprouvait devant la grande chance qu'il avait eue d'être élu au Parlement qui le rendait si attachant à tout le monde.

Il était un travailleur acharné. Ce qui ressort le plus des remarquables hommages que lui rendent aujourd'hui ses collègues, c'est son habilité à travailler au gouvernement dans des portefeuilles difficiles sans trahir ses principes et, en fin de compte, à faire à sa propre manière.

Je crois que sa nomination au poste de gouverneur général dépassait toutes ses attentes, et c'est dans cet esprit qu'il s'est acquitté des responsabilités de sa charge. Je pense que toutes les personnes qui sont entrées à la résidence du gouverneur général pendant le mandat de Ray Hnatyshyn se souviendront de son sourire. Cet homme chaleureux, qui n'avait jamais oublié ses origines, était toujours souriant. Il comprenait toutes les personnes qui franchissaient le seuil de sa résidence, aussi bien les gens puissants que les Canadiens ordinaires qui, comme lui, aimaient leur pays passionnément et avec émotion.

(1400)

Il aurait été le premier à dire qu'il n'aurait jamais pu faire tout ce qu'il a fait sans l'appui et sans la force de Gerda, qui était son roc, pendant tout le temps où il a été parmi nous et, certainement, pendant ses derniers jours. Je tiens à assurer Gerda et sa famille de toute mon amitié et de mon affection. J'espère qu'ils trouvent un certain réconfort dans les souvenirs extraordinaires qu'ils ont de ce merveilleux Canadien, souvenirs que ceux qui ne l'ont pas connu ne peuvent qu'imaginer.


DÉCLARATION D'UN SÉNATEUR

L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE

LE COMPTE DE STABILISATION DU REVENU NET

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, les petites exploitations agricoles risquent d'être bientôt une chose du passé au Canada. Les politiques du gouvernement qui limitent l'accès au financement en temps de besoin et le changement d'attitude envers le mode de vie rural en général affaiblissent les petites exploitations familiales.

Le nombre de fermes au Canada diminue rapidement. Le recensement de 2001 révèle qu'approximativement 30 000 fermes ont disparu, ce qui représente une diminution de 10 p. 100 en quatre ans. Le nombre de jeunes agriculteurs est également en baisse. Selon Statistique Canada, en 1991, il y avait au Canada 18 435 agriculteurs âgés de moins de 35 ans. En 2001, ils étaient moins de 9 000, soit une diminution de 52 p. 100.

La façon dont les programmes du gouvernement sont conçus joue un rôle dans le déclin des petites exploitations agricoles au Canada. Le Compte de stabilisation du revenu net, ou CSRN, est un système conçu pour assurer un financement supplémentaire aux agriculteurs en temps de besoin. Selon ce système, les agriculteurs qui contribuent à ce fonds peuvent y verser annuellement jusqu'à 3 p. 100 du montant de leurs ventes admissibles. Les gouvernements participants y déposent un montant égal aux cotisations des agriculteurs jusqu'à ce qu'un maximum soit atteint. Dans chaque cas, le solde maximum du compte est déterminé par la moyenne des ventes annuelles de l'exploitation calculées sur plusieurs années.

L'idée derrière le CSRN est de mettre un filet de sécurité à la disposition des agriculteurs pour les années où ils font une mauvaise récolte ou pour celles où les prix ne couvrent pas les coûts de production. Toutefois, l'accès aux fonds détenus dans le CSRN n'est possible que si l'agriculteur a subi des pertes énormes pour l'année en cause ou s'il est totalement sans ressources. Le mécanisme de déclenchement est la partie la plus faible du programme. En 2001, Ipsos-Reid a rédigé un rapport d'analyse du CSRN pour le compte du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, qui indique clairement que le mécanisme de déclenchement est le point le plus faible du programme. En voici un extrait:

De nombreux intervenants souhaitent que les seuils d'intervention soient supprimés ou modifiés de manière à permettre un accès plus rapide et plus simple aux comptes. Les répondants qui sont exaspérés par le programme perçoivent souvent très mal qu'il leur soit impossible d'avoir accès à leur argent lorsqu'ils en ont besoin.

La politique déficiente des seuils d'intervention a deux conséquences. Des fonds ne sont pas accessibles lorsque les agriculteurs en ont vraiment besoin et les soldes qui augmentent dans les fonds du CSRN donnent au gouvernement fédéral la fausse impression que les agriculteurs n'ont pas besoin d'une aide financière. Selon les lignes directrices actuelles sur la politique, les soldes des comptes atteignent leur plafond parce que les seuils d'intervention pour faire un retrait n'ont pu être atteints.

Honorables sénateurs, le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a maintenant la preuve que la politique des seuils d'intervention devrait être modifiée pour permettre un meilleur accès aux fonds du CSRN. Les usagers du CSRN ont dit que le mécanisme des seuils d'intervention constituait le principal problème que pose le programme. Si une modification n'est pas apportée pour permettre ce meilleur accès, les petites exploitations agricoles du Canada risquent de disparaître. Nos agriculteurs devraient pouvoir avoir accès à leurs fonds du CSRN lorsqu'ils en ont besoin, et non seulement lorsque la politique le dicte.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

LA LOI SUR LA STATISTIQUE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) présente le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la statistique.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Robichaud, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour dans deux jours.)

L'ASSOCIATION PARLEMENTAIRE CANADA-EUROPE

DÉPÔT DU RAPPORT DE LA QUATRIÈME SESSION ORDINAIRE DE 2002 DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE, TENUE DU 23 AU 27 SEPTEMBRE 2002

L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire Canada-Europe à la Quatrième partie de la session ordinaire 2002 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tenue à Strasbourg, en France, du 23 au 27 septembre 2002.

LANGUES OFFICIELLES

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À EXAMINER LA LOI SUR LES TERRITOIRES DU NORD-OUEST

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je donne avis que mardi, le 11 février prochain, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à examiner la question des langues officielles dans les Territoires du Nord-Ouest; et

Que ledit comité en fasse rapport au plus tard le 11 avril 2003.

LE COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE

AVIS DE MOTION TENDANT À RECEVOIR EN COMITÉ PLÉNIER ET À AUTORISER LA DIFFUSION DES DÉLIBÉRATIONS

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je donne avis que mardi, le 11 février prochain, je proposerai:

Que le rapport du commissaire à la protection de la vie privée pour l'année financière se terminant le 31 mars 2002, déposé au Sénat le mardi 4 février 2003, soit renvoyé au comité plénier, qui recueillera le témoignage du commissaire à la protection de la vie privée, M. George Radwanski, et fera ensuite rapport;

Que la Chaîne d'affaires publiques par câble (CPAC) soit autorisée à apporter des caméras de télévision à la Chambre afin de diffuser les délibérations du comité plénier, en dérangeant le moins possible ses travaux.

[Traduction]

L'ACCÈS AUX DONNÉES DU RECENSEMENT

PRÉSENTATION D'UNE PÉTITION

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter 467 signatures de Canadiens de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, de l'Ontario, du Québec, du Nouveau- Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard qui cherchent leurs ancêtres, ainsi que les signatures de 89 Américains, de trois Australiens, de deux Norvégiens, d'un Islandais et d'un Britannique qui cherchent leurs racines canadiennes; cela représente en tout 563 personnes, dont certaines s'appellent Lynch, Fraser, Léger, Losier, Smith, Morin, Graham et Kenny. Jason Milne — aucun lien de parenté — de Vancouver, et même un certain George Baker, également de Vancouver, ont signé la pétition.

Ces personnes disent ce qui suit:

Vos pétitionnaires demandent au Parlement de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour modifier de façon rétroactive les dispositions qui portent sur la confidentialité et la protection des renseignements personnels dans les lois sur la statistique depuis 1906 pour permettre, après une période de temps raisonnable, la publication des résultats des recensements postérieurs à 1901, en commençant par le recensement de 1906.

Honorables sénateurs, j'ai maintenant présenté des pétitions renfermant 20 486 signatures au cours de la trente-septième législature et des pétitions contenant plus de 6 000 signatures lors de la trente-sixième législature. Ces pétitions réclament toutes que des mesures soient prises immédiatement à l'égard de cette question très importante qui concerne l'histoire du Canada.

(1410)

Je suis heureuse d'informer les sénateurs qui ne l'ont peut-être pas entendu que, le vendredi 24 janvier, à 11 h 15, le gouvernement a rendu publics les résultats du recensement nominatif de 1906. De plus, comme nous l'avons entendu il y a quelques instants, le gouvernement a présenté une mesure législative pour régir la publication des résultats du recensement de 1911 et des recensements subséquents. Au nom de...

Son Honneur le Président: Sénateur Milne, je regrette de vous interrompre, mais je dois rappeler aux sénateurs que la rubrique «Présentation de pétitions» des affaires courantes doit justement servir à présenter des pétitions, rien de plus.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LA DÉFENSE NATIONALE

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—L'ÉNONCÉ DES BESOINS OPÉRATIONNELS

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. En réponse à la question que j'ai posée hier, elle m'a informé que l'énoncé des besoins opérationnels, ou EBO, en ce qui concerne le nouvel hélicoptère maritime n'avait pas changé. Elle m'a rassuré à cet égard. J'étais très heureux d'entendre cela et je me suis dit «enfin».

Ce que madame le ministre a omis de nous dire, et ce que je n'ai pas remarqué, c'est qu'on a dilué la spécification pour l'acquisition de l'hélicoptère maritime, qui est censée refléter l'EBO, pour l'adapter à un hélicoptère de capacité beaucoup moindre. Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle confirmer cette information?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Comme je l'ai affirmé au sénateur hier, l'énoncé des besoins opérationnels n'a pas été changé. Je ne peux pas parler de la spécification pour l'acquisition même, mais je ne comprends pas comment elle aurait pu être changée et diluée notablement si l'énoncé des besoins opérationnels n'a pas été modifié. Ces spécifications sont fondées sur des analyses militaires, des recherches statistiques approfondies et des scénarios de planification réalistes d'après les opérations des Forces canadiennes. La position est claire: l'énoncé des besoins opérationnels n'a pas été changé.

Puisque je suis debout, je vais en profiter pour répondre à une question posée par le sénateur au sujet de la visite en France de représentants du ministère de la Défense. J'ai quelques informations à lui fournir à cet égard.

Le gouvernement du Canada cherche l'aéronef approprié. Le but de la visite de janvier était un vol de démonstration de l'hélicoptère NH-90. Le sénateur a peut-être cru, ou peut-être pas, que l'on étudiait encore une fois l'appareil d'Eurocopter. De toute façon, j'ai été surprise de voir que l'hélicoptère NH-90 ait été montré à l'usine d'Eurocopter. Quelqu'un aurait pu penser que nous sommes passés à un autre stade et que nous offrons maintenant des vols ou des séances d'information sur l'appareil Cougar. Ce n'est pas le cas. Le Cougar n'est plus dans la course, mais l'appareil NH-90 a fait l'objet d'une démonstration à l'usine d'Eurocopter.

Le sénateur Forrestall: Il n'y avait aucune confusion dans mon esprit. Il serait intéressant de demander aux collègues de madame le ministre si oui ou non les Canadiens ont accepté l'offre de participer à la démonstration du NH-90. Bien entendu, la réponse à cette question est non.

Hier, il n'y avait aucun doute quant au scénario. Cependant en cours de route, quelque part entre l'EBO et ce qui existe maintenant, il y a eu autorisation d'accepter des compromis. Permettez-moi d'interroger madame le ministre précisément au sujet d'un compromis qui me préoccupe. Je pose la question à la lumière du fait que deux exemplaires du EH-101, le Cormorant, ont réalisé des sauvetages exceptionnels à long rayon d'action d'environ 1 600 km qui ont permis de sauver des vies, ce qui n'est possible que si on emploie un gros appareil à long rayon d'action de ce genre.

Madame le ministre peut-elle confirmer que la version la plus récente des spécifications représente une diminution d'environ 60 p. 100 de la capacité de charge de matériels opérationnels et d'équipements d'autodéfense que le nouvel hélicoptère maritime doit emporter pour ses missions?

Le sénateur Carstairs: Comme le sénateur l'a indiqué, à titre d'hélicoptère de recherche et de sauvetage, le Cormorant a donné des résultats exceptionnels. Il a récemment permis de secourir une personne atteinte d'une crise cardiaque. Nous sommes tous fiers du travail que les Forces canadiennes peuvent accomplir dans de telles situations de vie ou de mort.

Pour ce qui est de la question extraordinairement précise du sénateur, je n'ai pas les informations pour lui répondre maintenant, mais je vais m'informer et lui procurer une réponse plus tard.

Le sénateur Forrestall: Madame le ministre pourrait-elle répondre à cette brève question: a-t-on compromis la sécurité pour alléger le poids et accepter un hélicoptère beaucoup moins performant? Je vais choisir deux exemples parmi les nombreux que je pourrais présenter: la protection réduite contre les tirs d'armes de petit calibre et l'élimination d'un altimètre de secours.

Il semble que, par tous les moyens, nous allons élargir le processus d'acquisition de l'appareil de remplacement de l'hélicoptère embarqué pour accueillir des candidats qui ne seront pas acceptables compte tenu de la charge de travail exigée d'eux. Il ne s'agit pas simplement d'un appareil militaire; c'est aussi un appareil de recherche et de sauvetage. C'est un appareil qui servira à 101 autres bons usages canadiens.

Si madame le ministre pouvait obtenir la réponse à ces questions pour moi, je lui en serais reconnaissant.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je puis dès maintenant dire catégoriquement qu'il n'y a pas eu de compromis au chapitre de la sécurité. La sécurité du personnel qui devra participer à des activités de recherche et de sauvetage à bord de ces appareils est hautement prioritaire pour le gouvernement.

Je tenterai de fournir dès que possible la réponse à la question concernant l'EBO aux fins de l'acquisition.

Le sénateur Forrestall: Le plus rapidement possible.

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

LE REJET EN APPEL DE LA DEMANDE DE STATUT D'IMMIGRANT D'UNE FAMILLE NIGÉRIANE

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, le 5 décembre 2002, j'ai porté à l'attention de madame le leader du gouvernement au Sénat le cas d'une une mère nigériane et de ses quatre filles qui s'étaient réfugiées dans une église de Calgary parce que leur demande de statut de réfugié avait été rejetée. La famille craignait qu'à son retour au Nigeria, les filles aient à se soumettre à une pratique culturelle appelée la mutilation génitale des femmes, une pratique maintenant condamnée par le Canada.

Le 12 décembre, la famille a obtenu une prolongation de 30 jours. Au début de janvier, elle a demandé une évaluation des risques avant le renvoi, c'est-à-dire un examen visant à déterminer si les personnes à qui on a déjà refusé le statut de réfugié seraient en danger si elles retournaient dans leur pays. Citoyenneté et Immigration Canada a jusqu'à la mi-février pour prendre une décision dans cette affaire.

À ce moment, madame le ministre a dit qu'elle aborderait cette question avec le ministre concerné. Je voudrais savoir si elle l'a fait et si elle a obtenu des assurances qu'une évaluation sera aussi faite en fonction de considérations humanitaires advenant l'échec de l'autre processus visant à permettre à cette famille de rester au Canada.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Permettez- moi tout d'abord expliquer la démarche. Dès qu'un sénateur pose une question, celle-ci est renvoyée au ministre sans délai, dans les heures qui suivent. Je peux donner aux honorables sénateurs l'assurance que la question a été soulevée auprès du ministre et que les observations du sénateur et les miennes lui ont été communiquées.

(1420)

Comme vous le savez, le gouvernement a pris des mesures importantes dans cette affaire, d'abord en accordant la prolongation, puis en procédant à un examen. Cela dit, il existe des règles très claires. Les décisions sont prises en toute indépendance, comme il convient, jusqu'à la dernière étape, et le ministre peut alors intervenir. Dans cette affaire, la décision ne viendra pas avant la mi-février.

Il est toujours tenu compte de l'aspect humanitaire. Je présume donc que cette affaire ne fait pas exception. Évidemment, si on s'en remet à une directive ministérielle, l'aspect humanitaire constituera un élément important.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai examiné certaines de ces procédures. Il est vrai que nos agents reçoivent une formation sur les politiques concernant l'immigration et le statut de réfugié, mais je crains qu'ils ne reçoivent que peu d'information portant expressément sur l'évaluation des intérêts supérieurs des enfants. Quelles sont les lignes directrices et les règles qui guident les agents dans l'évaluation des intérêts bien compris des enfants qui se trouvent en sol canadien?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je serais très étonnée que les agents de l'immigration et du statut de réfugié ne tiennent aucun compte de l'intérêt supérieur des enfants. C'est leur travail de le faire. Ils doivent tenir compte dans ces cas-là de l'intérêt supérieur non seulement du Canada, mais aussi des demandeurs qui se présentent devant eux. Même si la demande est présentée par un adulte ou un parent, les agents savent pertinemment que l'intéressé a peut-être des enfants qui risquent de pâtir de leur décision.

Pour ce qui concerne les lignes directrices que doivent respecter les responsables de l'immigration, je ne les ai pas à la portée de la main, comme vous pouvez vous en douter, mais je mettrai à la disposition de l'honorable sénateur toute information que je pourrai obtenir à ce sujet.

[Français]

LES LANGUES OFFICIELLES

LA LOI SUR LES TERRITOIRES DU NORD-OUEST

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, hier, le leader du gouvernement au Sénat a affirmé en cette Chambre au sujet de la Loi sur les langues officielles dans les Territoires du Nord-Ouest:

Il appartient donc au gouvernement territorial d'en déterminer les orientations et de proposer les modifications législatives nécessaires. Le gouvernement du Canada ne va pas s'immiscer dans cette fonction.

L'article 43.1 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest stipule que le commissaire en conseil ne peut modifier ou abroger l'ordonnance sur les langues officielles que si le Parlement donne son agrément à cet effet par voie de modification de la présente loi.

Dans ce contexte, le gouvernement fédéral va-t-il intervenir auprès des autorités des Territoires du Nord-Ouest avant que la Loi sur les langues officielles soit modifiée, soit avant le début du mois de mars 2003?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Le sénateur a posé hier cette question à laquelle j'ai répondu au mieux de ma connaissance. Je ne peux rien ajouter aujourd'hui.

Il nous faut faire preuve de prudence. L'affaire est en instance devant les tribunaux et je ne crois pas que nous voulions entrer dans les arguments qui seront effectivement présentés devant la justice.

Je me permets de répéter ce que j'ai dit hier. La Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest jouit assurément d'un statut spécial. Elle prévoit toutefois que le commissaire et le Conseil des Territoires du Nord-Ouest peuvent modifier ou abroger la loi si le Parlement donne son accord à cet effet en modifiant la Loi sur les langues officielles. C'est très clair. Il existe un statut spécial.

Cela étant dit, la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest est de compétence territoriale.

[Français]

Le sénateur Gauthier: Honorables sénateurs, dans la défense déposée le 28 février 2002, les Territoires du Nord-Ouest prétendent qu'ils n'ont pas à se conformer aux articles 16 à 20 de la Charte et nient avoir été en contravention de la Charte des droits et libertés. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, comme le gouvernement fédéral, la Chambre des communes, le Sénat et la Bibliothèque du Parlement, sont des institutions fédérales liées à la Charte. Compte tenu de l'article 32 de la dite Charte, le commissaire en conseil et le gouvernement des territoires sont-ils tenus, à titre d'institutions du Parlement, de respecter les droits linguistiques garantis aux articles 16 à 20? C'est clair. Ce n'est pas une question adressée au tribunal, c'est une question de Charte, une loi fondamentale du pays. On nous dit que les territoires sont au- dessus de la Charte? Je dis que non.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, la position continue d'être celle à laquelle s'oppose le sénateur. Selon cette position, les Territoires du Nord-Ouest ne sont pas assujettis aux articles 16 à 20 de la Charte parce qu'ils ne sont pas une institution du Parlement et du gouvernement du Canada. Le procureur général soutient que la partie 7 de la Loi sur les langues officielles ne crée pas d'obligations ni de droits.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire.

Le leader du gouvernement a fait allusion à la convention relative aux affaires en instance devant les tribunaux, mais absolument rien n'empêche une assemblée législative comme le Sénat de discuter de tout point, de toute question intéressant la compétence fédérale. Nous avons de nombreux précédents à cet égard. Cela étant dit, nous restons prudents, bien sûr, mais nous pouvons discuter de questions de droit constitutionnel.

D'après notre discussion d'hier, nous pouvons voir que le leader du gouvernement défend un point de vue. J'ai un point de vue différent. L'affaire est en instance devant les tribunaux. Nous voudrions que le gouvernement agisse avant le prononcé du jugement; cela pourrait être utile. En définitive, je le répète, les tribunaux trancheront la question. Toutefois, je ne puis toujours pas être d'accord avec le leader du gouvernement.

Quand un territoire est créé, à mon avis, c'est une institution fédérale, une création fédérale. Si cela ne l'est pas, qu'est-ce que c'est alors? Quoi d'autre cela peut-il être? C'est un territoire fédéral disposant d'un très large pouvoir délégué, et je suis d'accord là- dessus. Nous l'avons fait à au moins trois reprises au cours de notre histoire, mais j'estime toujours que lorsque le Parlement crée une institution aussi importante qu'un territoire, le gouvernement est tenu — ainsi que le Parlement — de respecter la Constitution. Dans le secteur fédéral, il y a égalité entre le français et l'anglais. Je ne suis pas le seul à le dire.

Son Honneur le Président: Sénateur Beaudoin, je regrette de vous interrompre. Je crois devoir rappeler aux sénateurs que, d'après notre Règlement, les questions et les réponses durant la période des questions doivent être brèves.

Le sénateur Beaudoin: Si vous le permettez, je poserai une autre question. Mon argument est le suivant. On crée un territoire au moyen d'une loi et on crée une province au moyen de la Constitution, ce qui n'est pas la même chose. Il y a une différence non pas de degré, mais de fond, entre un territoire et une province. Le Parlement du Canada doit respecter l'article 16 de la Charte des droits et libertés parce qu'il fait partie intégrante de la Constitution. Certains nous renverront à la Loi sur les langues officielles. La Constitution a préséance sur cette loi. Elle établit clairement que les deux langues sont égales dans le domaine fédéral et ses institutions. S'il y a une question que je devrais poser à madame le sénateur, c'est de savoir si elle est d'accord ou non avec cela, mais je sais qu'elle est d'accord.

(1430)

Le sénateur Carstairs: L'honorable sénateur, fort de toutes ses connaissances en matière constitutionnelle, soulève un point intéressant. D'entrée de jeu, je suis entièrement d'accord avec lui à propos de la nécessité de faire preuve de prudence. C'est la raison pour laquelle j'ai bien indiqué qu'il fallait faire attention de pas entrer dans les détails, mais plutôt s'en tenir à des considérations plus générales. Je suis cependant un peu en désaccord avec lui au plan de la sémantique.

Nous nous demandons s'il s'agit d'une création ou d'une institution. Je vais continuer de soutenir que les deux choses peuvent être passablement différentes. Une création n'est pas nécessairement une institution.

Le sénateur Beaudoin: Qu'il s'agisse d'une création ou d'une institution, la Constitution s'applique toujours. Une institution est aussi une création. Que peut-elle être d'autre? Madame le sénateur dit que l'article 16 de la Charte ne s'applique pas.

Son Honneur le Président: Je suis désolé de vous interrompre, honorables sénateurs. La période des questions sert à poser des questions et à y répondre, et non à tenir un débat.

Le sénateur Beaudoin: Aujourd'hui, je n'ai rien à ajouter.

L'honorable Marcel Prud'homme: Ce débat bénéficie des connaissances du sénateur Beaudoin.

La Commission de la capitale nationale adopte de plus en plus fréquemment une certaine pratique. J'ai toujours pensé que le Canada, c'est un drapeau canadien, 10 drapeaux provinciaux et les 3 drapeaux territoriaux. De plus en plus souvent, la Commission de la capitale nationale utilise 13 drapeaux plus celui du Canada. Nous voyons que les territoires sont invités à des conférences sur la Constitution. Pourtant, quand il s'agit de modifier la Constitution canadienne, on ne peut pas dire que l'on a 13 entités égales, seulement 10. La formule de modification de la Constitution parle de 7 des 10 assemblées législatives provinciales représentant 50 p. 100 de la population. On est en train d'établir un précédent. Je veux observer cela de près.

Madame le leader considère-t-elle maintenant que les 10 provinces et les 3 territoires sont sur un pied d'égalité? Dans l'affirmative, nous devons commencer à examiner une nouvelle formule de modification de la Constitution. Si les 13 doivent être égaux, ils devraient avoir des obligations égales. C'est logique, non?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il est clair que les 13 ne sont pas sur un pied d'égalité. Les territoires ne sont pas des provinces. Nous voulons faire preuve d'ouverture et de collaboration avec les territoires. C'est pourquoi je considère importante leur présence aux réunions des premiers ministres. Autrement, les citoyens du pays qui habitent les territoires ne seraient pas représentés de façon adéquate.

LE BUDGET

LA CRÉATION D'AGENCES INDÉPENDANTES—LA NOMINATION DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL À TITRE DE VÉRIFICATEUR

L'honorable Donald H. Oliver: Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne la comptabilité publique.

Ces dernières années, le gouvernement a été enclin à utiliser ses budgets pour créer des fondations indépendantes. Il le fait souvent à des fins comptables, soit pour ramener des dépenses de l'année suivante à l'exercice en cours. Cependant, il arrive souvent que ces organismes ne rendent pas des comptes au Parlement et ne font pas l'objet des vérifications comptables habituelles.

Ces dernières semaines, on a laissé entendre que le prochain budget prévoira la création de deux autres organismes indépendants. Le premier, le Conseil canadien de la santé, surveillera les dépenses des provinces en santé; le deuxième, l'Institut canadien sur l'apprentissage, servira de carrefour pour la présentation de nouvelles idées en recherche et en éducation. Ces deux secteurs relèvent depuis toujours des provinces. Comme ces organismes auront un mandat qui mènera inévitablement à des conflits avec les gouvernements provinciaux, madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous assurer que, contrairement aux fondations et aux centres créés dans les budgets antérieurs, ces nouveaux organismes rendront des comptes au Parlement du Canada?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Comme les sénateurs le savent, des principes plus rigoureux sont appliqués aux fondations ces dernières années.

On a parlé de conseils qui, par le passé, étaient censés être des fondations. Je songe ici au Fonds pour l'Afrique. De fondation, il est devenu un fonds, afin qu'il soit directement responsable. Le sénateur anticipe un peu en ce qui concerne le Conseil canadien de la santé et l'Institut canadien sur l'apprentissage.

Le sénateur Oliver: C'est le premier budget du gouvernement depuis que la vérificatrice générale a signalé l'année dernière la multiplication des agences indépendantes. Dans son rapport intitulé Soustraire des fonds publics au contrôle du Parlement, elle fait remarquer que:

Le Parlement ne reçoit pas de rapports de vérification indépendante et de large portée portant non seulement sur les états financiers des mécanismes de régie déléguée, mais également sur la conformité aux autorisations, le bien-fondé et l'optimisation des ressources. À quelques exceptions près, le vérificateur au service du Parlement devrait être nommé vérificateur externe des fondations actuelles et de toutes celles qui seront établies dans l'avenir. Il pourrait ainsi fournir l'assurance qu'elles exercent un contrôle serré des ressources publiques et des pouvoirs importants qui leur sont confiés.

Madame le leader du gouvernement peut-elle nous assurer que la vérificatrice générale sera la vérificatrice de tous les nouveaux instituts ou conseils qui seront annoncés dans le prochain budget?

Le sénateur Carstairs: Non, je ne suis pas en mesure de donner cette assurance. Franchement, je ne suis pas d'accord avec cette idée. Je ne crois pas que confier toutes les vérifications à la vérificatrice générale est dans le meilleur intérêt du pays. On trouve de bonnes entreprises de comptabilité et de vérification partout au Canada. Elles ont les compétences voulues pour vérifier diverses institutions. Je ne souscris pas à la proposition de l'honorable sénateur de confier toutes les vérifications à la vérificatrice générale.

LA JUSTICE

L'EXPLOITATION DU REGISTRE DES ARMES À FEU

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, le gouvernement a récemment commandé deux études qui lui ont coûté 150 000 $, je crois, pour examiner le registre fédéral des armes à feu. Un des rapports, celui de Raymond Hession, a été rendu public hier ou avant hier et parle de «sous-optimisation» de l'exploitation du registre.

En tant qu'ancien professeur d'anglais, je me demande si le ministre trouve que la création d'un terme élégant comme «sous- optimisation» pour décrire le registre des armes à feu au lieu de termes communs ou péjoratifs comme «fiasco» ou «gâchis» a valu les 150 000 $ que le gouvernement a payés?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, en tant qu'ancienne professeure d'anglais, même si j'ai surtout enseigné l'histoire, je dois vous avouer que je n'aime pas les néologismes créés de toute pièce. La plupart du temps j'ignore leur signification.

LES NATIONS UNIES

LA POSSIBILITÉ D'UNE GUERRE CONTRE L'IRAK

L'honorable David Tkachuk: M. Colin Powell ayant démontré de manière décisive, dans l'exposé qu'il a fait aujourd'hui devant les Nations Unies, que l'Irak était en contravention flagrante avec les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, quelle position prendra le Canada à l'égard d'une action militaire dirigée contre l'Irak?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, beaucoup de Canadiens diront que l'exposé fait par M. Powell ce matin était concluant. Beaucoup d'autres soutiendront qu'on ne peut pas en tirer de conclusion. Quoi qu'il en soit, il est clair que M. Powell a apporté des preuves fort inquiétantes et persuasives, dont certaines n'avaient pu être communiquées jusque- là à ceux qui suivent la situation de très près.

Il importe de signaler que le Conseil de sécurité des Nations Unies poursuit en ce moment même un débat sur la question. J'ai eu la chance de pouvoir écouter les interventions des ministres des Affaires étrangères de la France et du Mexique avant de venir ici. Il demeure clair à ce stade que le Conseil de sécurité des Nations Unies ne s'est pas encore prononcé sur la question de savoir dans quelle mesure l'Irak a manqué à ses obligations prévues dans la résolution 1441. Il est à espérer que le Conseil de sécurité prendra sa décision très prochainement, mais il nous reste à entendre le rapport que M. Blix doit présenter le 14 février.

(1440)

Le sénateur Tkachuk: Je sais que les Nations Unies discutent de cette question. Elles en parlent depuis quelque temps déjà. Quelle est la position du Canada sur les déclarations de Colin Powell et quelle est, dans le cadre des Nations Unies, la position du Canada relativement à une intervention en Irak? Le Canada va-t-il, oui ou non, appuyer la position des États-Unis?

Le sénateur Carstairs: Nous allons appuyer la position des Nations Unies.

Le sénateur Tkachuk: Quelle est la position des Nations Unies? Mais surtout et avant tout, quelle position adoptons-nous, au nom des Canadiens, à l'égard des Nations Unies?

Le sénateur Carstairs: Notre position est claire. Nous respectons la résolution 1441. Nous avons exprimé très clairement notre appui à l'égard de cette résolution. Celle-ci a été adoptée à l'unanimité. Le Conseil de sécurité procède maintenant à des inspections. Il a délégué en Irak M. Blix et son équipe qui doivent chercher et trouver, si elles existent, ces armes de destruction massive, mais la position du gouvernement du Canada consiste à appuyer les Nations Unies.

Son Honneur le Président: Le temps alloué à la période des questions est maintenant écoulé.

[Français]

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer deux réponses à des questions orales. La première est en réponse à la question posée par l'honorable sénateur Tkachuk le 23 octobre 2002, concernant l'allégement fiscal accordé aux organisations du Hezbollah. La deuxième est en réponse à une question orale du sénateur Nolin, posée au Sénat le 6 novembre 2002, concernant des activités illégales au Canada de la Drug Enforcement Agency et le cas de l'affaire Licht.

LE REVENU NATIONAL

L'ALLÉGEMENT FISCAL ACCORDÉ AUX ORGANISATIONS DU HEZBOLLAH

(Réponse à la question posée le 23 octobre 2002 par l'honorable David Tkachuk)

Les dispositions en matière de confidentialité interdisent à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) de parler de cas particuliers, mais l'ADRC peut garantir à l'honorable sénateur qu'elle surveille les organismes de bienfaisance et fait enquête sur leurs activités lorsque c'est justifié.

L'enregistrement à titre d'organisme de bienfaisance n'est offert qu'aux organismes qui résident au Canada et qui ont été créés ou établis au Canada. En outre, l'organisme doit démontrer qu'il a été établi et qu'il exerce ses activités exclusivement à des fins de bienfaisance.

Des dispositions spéciales qui relèvent de la partie 6 de la Loi antiterroriste sont entrées en vigueur en décembre 2001 par suite de l'adoption de la Loi sur l'enregistrement des organismes de bienfaisance (renseignements de sécurité). Ces dispositions législatives reconnaissent que l'argent est fongible et que plusieurs groupes terroristes cherchent à se créer un vernis de légitimité et des possibilités de démentis en

établissant des réseaux de soutien constitués de services humanitaires et sociaux. C'est pourquoi la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme demande instamment à tous les états de prendre des mesures pour empêcher et contrer le financement des terroristes et des organisations terroristes, que ce financement soit direct ou indirect, par l'intermédiaire d'organisations qui ont ou prétendent avoir aussi des objectifs de bienfaisance ou encore des objectifs sociaux ou culturels.

Ces nouvelles dispositions législatives prévoient des motifs qui rendent une organisation non admissible à l'enregistrement lorsqu'il y a de solides éléments de preuve que l'organisation consacre des ressources à des activités de soutien au terrorisme. Elles offrent un cadre légal qui permet à l'ADRC d'utiliser et de protéger des renseignements de nature délicate sur la sécurité pour déterminer si une organisation est admissible à l'enregistrement.

Aux termes de cette loi, le Solliciteur général du Canada et le ministre du Revenu national peuvent signer ensemble un certificat de sécurité spécial fondé sur des renseignements en matière de sécurité ou de criminalité. Il s'agit d'un processus qui est fondé sur les faits et qui est assujetti à un examen judiciaire automatique.

Pour signer un tel certificat, ils doivent avoir des motifs raisonnables de croire qu'un organisme de bienfaisance enregistré ou qu'un demandeur du statut d'organisme de bienfaisance enregistré a mis, met ou mettra, directement ou indirectement, des ressources à la disposition d'un groupe terroriste qui est une entité inscrite au sens du Code criminel, ou d'une entité qui se livre à des activités terroristes ou à des activités de soutien à celles-ci. Hezbollah a été nommée comme entité inscrite en vertu du Code criminel le 11 décembre 2002.

Si la Cour fédérale entérine un certificat délivré pour les motifs susmentionnés, il s'agit d'une preuve décisive que l'organisation n'est pas admissible à l'enregistrement à titre d'organisme de bienfaisance en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et qu'elle ne peut donc pas délivrer de reçus aux fins d'impôt aux donateurs.

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL

LES ACTIVITÉS ILLÉGALES AU CANADA DE LA DRUG ENFORCEMENT AGENCY

(Réponse à la question posée le 6 novembre 2002 par l'honorable Pierre Claude Nolin)

L'honorable sénateur a cité la décision rendue récemment par la Cour suprême de la Colombie-Britannique, qui a ordonné la suspension des procédures visant une demande d'extradition des États-Unis.

Je suis au courant des faits entourant cette affaire et je puis vous assurer qu'il s'agit d'un incident isolé qui s'est produit à l'insu de la GRC et de la Drug Enforcement Agency des États- Unis. Par conséquent, la Cour suprême de la Colombie- Britannique a reconnu avec raison qu'il ne s'agissait pas d'une enquête en bonne et due forme de la part d'un organisme étranger au Canada.

Les honorables sénateurs reconnaissent que dans toutes les organisations de grande taille qui emploient des milliers d'employé(e)s, certains incidents se produiront. Il serait donc inapproprié et irresponsable de calomnier les excellentes relations entre le Canada et les États-Unis en matière policière à cause d'un incident isolé.

Bien au contraire, nous devrions être fiers que tant de gens dévoués risquent beaucoup pour garder nos citoyens hors de danger

Je tiens également à souligner que la GRC et la Drug Enforcement Agency respectent à la lettre le protocole d'entente concernant la coopération et les enquêtes transfrontalières et leurs politiques respectives dans l'utilisation de sources et d'agents de police au sein d'administrations étrangères. Par respect pour la souveraineté du Canada, il n'y a pas de raisons de déposer une plainte formelle auprès des autorités américaines.

L'arrestation en janvier 2002 de 121 individus impliqués dans le trafic d'une drogue illicite du Canada vers les États- Unis représente un excellent exemple de cette collaboration.

Nous convenons tous que la menace que fait peser le trafic international de la drogue sur le bien-être des Canadiens nécessite des efforts soutenus et coopératifs entre les services de police canadiens et étrangers. Compte tenu de la croissance des activités criminelles transnationales et de la menace terroriste, les autorités nationales ne peuvent plus agir seules. Nous devons travailler avec le milieu international de l'application de la loi pour cerner les priorités communes et établir des interventions efficaces.

Le Canada entretient des partenariats très efficaces avec des organismes d'application de la loi partout dans le monde.

Je tiens à souligner certains efforts importants déployés par la GRC et d'autres partenaires fédéraux pour maintenir des relations de travail étroites avec nos voisins immédiats.

La Déclaration sur la frontière intelligente, signée en décembre dernier, a constitué une étape importante sur le plan de la sécurité entre le Canada et les États-Unis. Grâce aux efforts combinés de la GRC, de l'Agence des douanes et du revenu du Canada et de Citoyenneté et Immigration Canada, cette initiative conjointe nous permet de cerner les risques pour la sécurité et de nous y attaquer, tout en gardant la frontière ouverte aux voyageurs et aux échanges commerciaux légitimes.

Le déploiement de dix équipes intégrées de la police des frontières entre le Canada et les États-Unis constitue un autre exemple frappant du niveau actuel de coopération qui existe entre les deux pays au chapitre de l'application de la loi.

À la lumière des événements de septembre 2001, la création et le maintien de relations solides continueront d'être des facteurs essentiels à l'intégrité de nos frontières.

Je suis persuadé que nous disposons des mécanismes appropriés pour assurer une approche en matière d'application de la loi axée sur la collaboration, qui respecte la souveraineté de chacun des deux pays.

Lorsque des organismes étrangers travaillent au Canada, ils doivent respecter notre cadre législatif et constitutionnel et consulter les organismes canadiens d'application de la loi. L'expérience nous apprend que c'est exactement ce qui se produit, grâce aux partenariats solides que la GRC a créés avec ses homologues étrangers.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI SUR LOUIS RIEL

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Chalifoux, appuyée par l'honorable sénateur Taylor, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-9, Loi visant à honorer Louis Riel et le peuple métis.—(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler du projet de loi C-9, Loi visant à honorer Louis Riel et le peuple métis. C'est la deuxième session de la présente législature et c'est la deuxième fois que ce projet de loi est déposé. Les sénateurs ne seront donc pas étonnés d'apprendre que c'est également la deuxième fois que j'ai l'occasion de dire ce que je pense de ce dossier.

Lorsque j'ai parlé de ce projet de loi au cours de la première session de la législature, j'ai précisé très clairement que je ne l'appuyais pas. Je ne crois pas qu'il soit possible de réécrire l'histoire et je ne crois pas non plus que le Parlement doive faire plus que ce que le gouvernement progressiste-conservateur a fait en 1992. À ce moment-là, une résolution a été proposée et adoptée à l'unanimité par la Chambre des communes et par le Sénat. La résolution reconnaissait la contribution importante et diversifiée que Louis Riel a apportée au Canada et au peuple métis, et tout particulièrement son rôle unique et historique à titre de fondateur du Manitoba. Que nous faut-il de plus? Que voulons-nous de plus?

Avant de continuer, j'aimerais reconnaître que le projet de loi à l'étude a été un peu modifié depuis la dernière session en ce sens qu'il ne réhabilite pas Louis Riel. Il n'annule pas la condamnation qui a été prononcée contre lui. Il ne tente pas de l'exonérer.

Le peuple métis est reconnu comme l'un des peuples autochtones du Canada dans la Loi constitutionnelle de 1982. Le Parlement a adopté une résolution à ce sujet en 1992. Il y a certainement des choses plus importantes concernant les peuples métis du Canada qu'une autre reconnaissance du rôle de Louis Riel. Je pense, par exemple, à la définition et à la délimitation de l'assise territoriale, à la détermination de la qualité de Métis et à l'indemnisation pour la privation des terres ou du statut pendant des années. J'ai toute un liste de questions que j'espère pouvoir poser au sénateur Chalifoux cet après midi.

Par exemple, pourquoi madame le sénateur a-t-elle modifié le projet de loi de sorte qu'il n'annule plus la condamnation de Riel et ne le réhabilite plus? Comme ne l'ignore pas le sénateur, de nombreux Indiens ont participé aux incidents de Frog Lake et de Duck Lake. Les chefs Big Bear et Poundmaker ont tous deux purgé une peine au pénitencier de Stony Mountain, au nord de Winnipeg, à l'instar de nombre de leurs compatriotes. Ne devrions-nous pas rétablir la vérité des faits à l'égard de ces hommes comme on essaie de le faire pour Louis Riel?

Selon le sénateur, que prévoit ce projet de loi qui ne se trouve pas, en fait, déjà dans la résolution conjointe de 1992?

Honorables sénateurs, le sénateur Chalifoux conviendra sûrement que ce n'est pas là le problème qui préoccupe au plus haut point les Métis du Canada. Ces questions méritent une réponse. Nous ne pouvons pas essayer constamment de réécrire l'histoire d'il y a plus d'un siècle en fonction des croyances d'aujourd'hui. Ce faisant, comme le dit un célèbre historien des autochtones, nous transformons des éléments vraiment fascinants de l'histoire du Canada comme la personne du rebelle et poète Riel en caricature mièvre et timorée. Je suis impatient de mener d'autres consultations là-dessus.

(Sur la motion du sénateur St. Germain, le débat est ajourné.)

RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION

ADOPTION DU HUITIÈME RAPPORT DU COMITÉ

Le Sénat passe à l'étude du huitième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (crédits supplémentaires (B) du Sénat pour 2002-2003), présenté au Sénat le 4 février 2003.—(L'honorable sénateur Bacon).

[Français]

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, le Comité de la régie interne a approuvé une demande supplémentaire de budget de 639 000 $ qui fait l'objet de son huitième rapport au Sénat.

[Traduction]

Des fonds supplémentaires sont mentionnés dans le rapport pour les éléments suivants:

Des fonds de 90 000 $ pour que le Sénat assume sa part de 30 p. 100 des fonds supplémentaires demandés par le Conseil interparlementaire mixte. Le financement accordé aux associations parlementaires au début de l'exercice financier est insuffisant pour permettre au Canada de respecter ses obligations relatives aux contributions internationales et au financement suffisant des activités des associations.

(1450)

Le Conseil interparlementaire mixte a examiné les demandes de financement accru des associations et il demande au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et au Bureau de régie interne de la Chambre des communes la permission d'obtenir un montant supplémentaire de 299 748 dollars. De ce montant, la part de 30 p. 100 du Sénat représente 89 924 dollars.

Un montant de 549 000 dollars est requis pour le financement des dépenses accrues que doivent engager les sénateurs pour leur bureau et la recherche. Le budget des dépenses de bureau et de recherche est établi annuellement à un niveau qui reflète le taux d'utilisation prévu. Pour 2002-2003, on prévoyait un taux d'utilisation de 78 p. 100 de l'allocation de 127 500 dollars pour 98 sénateurs. On prévoit maintenant un taux d'utilisation plus élevé, si bien qu'il y a un dépassement budgétaire potentiel de 549 000 dollars.

[Français]

Le mémoire concernant le Budget supplémentaire des dépenses doit être prêt avant le 7 février afin que les besoins du Sénat figurent dans ce budget qui sera déposé au Parlement le 17 février.

[Traduction]

Honorables sénateurs, afin que nous puissions poursuivre notre précieux travail et satisfaire des délais serrés, je vous invite à appuyer ce rapport.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'ÉTUDE DES INCIDENCES SUR L'INTÉRÊT PUBLIC DES FUSIONS DE BANQUES

LE RAPPORT DU COMITÉ DES BANQUES ET DU COMMERCE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé Concurrence et intérêt public: les fusions de grandes banques au Canada, présenté au Sénat le 12 décembre 2002.—(L'honorable sénateur Kolber).

L'honorable E. Leo Kolber: Honorables sénateurs, le 12 décembre 2002, j'ai eu l'honneur de déposer le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce sur les répercussions en matière d'intérêt public de la fusion des grandes banques. J'imagine que tous les honorables sénateurs ont eu l'occasion de parcourir ce rapport et de lire tous les articles écrits à ce sujet depuis que le Comité des banques a entrepris ses audiences en novembre dernier.

Je tiens à remercier les honorables sénateurs qui siègent à ce comité et leur personnel pour le travail assidu qu'ils ont effectué dans le cadre de cette étude. Je voudrais remercier également tous les témoins qui ont remis des mémoires au comité, car les renseignements qu'ils nous ont ainsi transmis nous ont permis d'examiner en détail tous les éléments d'intérêt public liés à la fusion des grandes banques au Canada.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais proposer l'ajournement du débat. Il s'agit d'un rapport important. Toutefois, le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a recommandé au Sénat de modifier son Règlement afin de pouvoir, s'il le désire, demander au gouvernement de répondre à un rapport de comité dans les 150 jours. J'espère que nous accepterons la recommandation du Comité du Règlement, que nous adopterons ensuite le rapport du Comité des banques et appliquerons la nouvelle disposition du Règlement, de sorte que le gouvernement devra répondre au rapport dans les 150 jours.

Voilà pourquoi je propose l'ajournement du débat.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, en tant que membre du Comité des banques, j'ai beaucoup de choses à dire à propos de ce rapport. Il y a en particulier un aspect que je n'approuve pas. J'étais donc disposé moi aussi à proposer l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)

[Français]

RÈGLEMENT, PROCÉDURE ET DROITS DU PARLEMENT

ADOPTION DU QUATRIÈME RAPPORT DU COMITÉ

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Finnerty, tendant à l'adoption du quatrième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (le dépôt de rapports de comités), présenté au Sénat le 21 novembre 2002.—(L'honorable sénateur Corbin).

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je serai bref. Lors d'interventions faites avant les fêtes, j'ai fait connaître certaines de mes préoccupations. Je suis en désaccord avec cette façon de procéder. Je crois que le dépôt de rapports de comités auprès du greffier pendant une période d'ajournement prive la Chambre — je parle de la Chambre, non pas des honorables sénateurs mais de cette institution — du droit de premier regard et de premier commentaire sur le travail du comité.— Il faut se souvenir en tout premier lieu que les comités sont des créations du Sénat. Un ordre de cette Chambre oblige les comités à étudier des questions précises. Ils doivent faire rapport à cette Chambre. Je présume que cela signifie lorsque cette dernière est en séance et non pas en intersession.

Qu'arrive-t-il généralement? Prenons, par exemple, le numéro trois à l'ordre du jour, le rapport du sénateur Kenny. Il l'a déposé auprès du greffier le 21 janvier 2003. La presse a fait un tollé. Le ministre des Transports a contredit certaines données du rapport. Il y a eu selon moi un fiasco de relations publiques au ministère des Transports au sujet de cette question. Il en est résulté que le ministre des Transports s'est hâté de rendre publique une nouvelle politique de sécurité pour les ports maritimes canadiens, alors même que cette Chambre n'avait pas eu l'occasion d'étudier le rapport. C'est une façon d'éroder la crédibilité de cette institution. C'est pour cela que je m'y objecte. Certains diront que les propos du sénateur Corbin — pour emprunter les dires du sénateur Prud'homme — après 35 ans au Parlement ne comptent plus, que le monde évolue. Le monde n'évolue pas dans le bon sens, à mon avis. On alimente la presse qui, après tout, n'est qu'une opération commerciale. La presse retient à la une les histoires de moeurs, de meurtres, de guerres et de tueries. Que faisions-nous au cours de cette période? Le Sénat était en vacances. Personne ne s'occupait de la boutique. Le rapport était sur la table. Le débat a lieu ailleurs qu'à l'endroit où il devait avoir lieu. Pour cette raison, je m'inscris en faux contre ces pratiques qui n'apportent absolument rien de positif à cette institution. Si vous voulez vivre par les relations publiques, vous allez mourir par celles- ci, parce que la presse n'est pas l'amie de cette institution. Les présidents et les membres de comités sont imputables à cette Chambre au moment du dépôt du rapport et non un, deux ou trois mois après. On sait que l'opinion publique se forme non pas tellement à partir du contenu du rapport, mais bien souvent à la suite de la réaction du gouvernement ou de ses porte-parole.

Quel est donc notre rôle? Il faudrait y réfléchir.

[Traduction]

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, j'ai la témérité de prendre la parole pour exprimer brièvement mon désaccord avec l'honorable sénateur, dont je respecte beaucoup les opinions. Toutefois, le sénateur Corbin a dit une chose sur laquelle il faut, selon moi, s'interroger et que je veux porter à son attention.

(1500)

L'honorable sénateur a dit que si nous vivons par les relations publiques, nous allons mourir par les relations publiques; cette remarque est au moins partiellement vraie. Toutefois, jusqu'à maintenant, si l'on se fie à la vision caricaturale du Sénat qu'ont la plupart des rédacteurs en chef de journaux et la majorité des Canadiens, nous savons tous que nous, et ceux qui nous ont précédés, n'ont pas vécu par les relations publiques, mais en sont morts.

Depuis un certain temps, un bon nombre d'éléments donnent à penser que nous commençons à vivre par les relations publiques. Les éditoriaux, qui ne déterminent pas ce que nous faisons et qui ne traitent pas de ce que nous faisons de plus important, parlent de notre institution et de la façon dont celle-ci est perçue par les Canadiens. Les éditorialistes ont commencé à écrire sans employer automatiquement des qualificatifs péjoratifs chaque fois qu'ils font allusion au Sénat. Ils en sont venus à dire que le Sénat est l'endroit où les idées innovatrices émergent, et ils disent maintenant: «Pour l'amour de Dieu, envoyez cette question au Sénat; au moins, les sénateurs vont y porter attention, ils vont nous dire la vérité, et ils vont s'en occuper de façon appropriée».

Honorables sénateurs, je pense qu'il n'est pas présomptueux de dire que nous avons mieux fait en tant qu'institution dans l'esprit des Canadiens, grâce à de petites mesures, en partie grâce à nos bonnes relations publiques. Il ne fait aucun doute dans mon esprit, après avoir déjà joué ce jeu, que le moment où nous présentons nos rapports a beaucoup à voir avec l'attention que les médias — aussi commerciaux soient-ils — et du même coup, les Canadiens leur portent.

Comme l'honorable sénateur l'a dit, ce ne sont pas des choses sans importance, mais des questions de fond. Je les considère comme très importantes. L'étude de l'efficacité en fin de compte de la publication de nos rapports et du moment où elle est faite est une question extrêmement importante qu'on doit examiner très attentivement.

L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, je dois dire que je suis d'accord avec le sénateur Corbin. Je pense que je connais tout des relations publiques, ou du moins beaucoup, ainsi que l'importance du moment choisi, et j'ai souscrit à la proposition du sénateur Kenny voulant que le rapport puisse être rendu public.

On m'a téléphoné au sujet des deux rapports qui ont fait les nouvelles, c'est-à-dire celui sur la défense et le magnifique rapport sur la santé publique. J'ai dit que je n'accorderais pas d'entrevue car il s'agissait de rapports de comités et que le Sénat n'avait pas encore adopté ces rapports. J'avais été membre d'un comité à un moment donné, mais ce n'est plus le cas et je n'étais pas membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. J'ai dû donc attendre d'avoir mon mot à dire dans le cadre du débat de ce rapport au Sénat.

J'en suis maintenant venu à la conclusion qu'il devrait y avoir une mise en garde lorsque nous rendons publics des rapports. Il faudrait préciser qu'il ne s'agit pas d'un rapport du Sénat en tant que tel, car il n'a pas encore été présenté au Sénat, ou qu'il sera présenté au Sénat à une date ultérieure aux fins d'approbation ou de rejet. Un rapport pourrait être remis aux médias en conservant le principe que c'est notre institution, le Sénat, qui approuve ou rejette un rapport de l'une ou plusieurs de ses créations. Ainsi, nous pourrions, dans notre sagesse, reporter l'étude du rapport pendant deux ou trois mois car nous ne siégeons pas.

Il y a eu de nombreuses discussions diverses d'une importance considérable au moment du rapport sur la sécurité. Je n'ai aucune objection à sa publication. Honorables sénateurs, je ne suis pas d'accord, par contre, pour que les Canadiens croient que le Sénat a fait rapport ou a dit que la situation dans les forces armées est insensée — peu importe le contenu du rapport. J'aurais préféré qu'on dise très clairement que ces rapports n'étaient pas les rapports du Sénat, mais ceux des comités, et qu'ils avaient été remis au greffier pour débat ultérieur au Sénat. Cette façon de faire aurait été préférable.

[Français]

On pourrait sauver la chèvre et le chou en même temps, ne pas trop s'embarquer et défavoriser le principe fondamental selon lequel cette institution est propriétaire des données de ses commettants. Il revient à cette institution de dire que ses commettants, les sénateurs, sont d'accord ou non. J'appuie la très bonne idée du sénateur Corbin et je l'en remercie.

[Traduction]

L'honorable Lorna Milne: L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Son Honneur le Président: Acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur LaPierre: C'est contre mes principes, mais pour vous, madame le sénateur, j'accepte n'importe quoi.

Le sénateur Milne: Merci, sénateur LaPierre. Honorables sénateurs, comme je ne peux intervenir une deuxième fois dans le débat sur le rapport, je voudrais demander à l'honorable sénateur s'il est au courant que le Sénat a toujours le loisir de refuser à n'importe quel comité la permission de déposer un rapport pendant que le Sénat ne siège pas. Le rapport du comité doit être remis au Sénat, et la permission de celui-ci est nécessaire, conformément à notre Règlement, pour qu'il soit déposé lorsque le Sénat ne siège pas.

Le sénateur LaPierre: Honorables sénateurs, je suis au courant, car je suis présent la plupart du temps, et j'entends des sénateurs proposer des motions à cet effet, et je donne mon accord. Ce que je dis, c'est qu'on présume que les rapports sont des rapports du Sénat, et donc des documents officiels du Sénat, acceptés par le Sénat, et que, par conséquent, tous les honorables sénateurs sont associés aux conclusions qui y sont tirées.

Il y a des aspects du rapport relatif à la sécurité sur lesquels je suis profondément en désaccord, comme les membres du comité le savaient lorsque j'assistais à leurs réunions. En conséquence, j'aurais voulu avoir l'occasion de faire valoir mon point de vue avant que les médias disent que c'est la chose la plus merveilleuse depuis l'invention du pain tranché. Peut-être que certains d'entre nous ont des points de vue différents qui sont totalement perdus dans cette discussion.

Honorables sénateurs, je ne propose pas d'empêcher la parution des rapports si les membres du comité et du Sénat jugent que c'est nécessaire. Toutefois, il devrait être précisé que le rapport sera présenté et débattu plus tard au Sénat. Entre-temps, voici ce que le comité du Sénat a découvert. Je ne veux rien de plus.

Son Honneur le Président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Une voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée, et le rapport a été adopté avec dissidence.)

[Français]

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence à notre tribune des invités de marque de notre collègue l'honorable sénateur Ferretti Barth, soit les membres du Conseil des fiduciaires, des membres gouverneurs de la Fondation communautaire canadienne-italienne du Québec, ainsi que des représentants de la presse italienne à Montréal et de RAI International.

Je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

(1510)

LANGUES OFFICIELLES

ADOPTION DE LA MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À ÉTUDIER LE RAPPORT INTITULÉ ÉTAT DES LIEUX SUR LA SITUATION DE L'ACCÈS À LA JUSTICE
DANS LES DEUX LANGUES OFFICIELLES

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion, telle que modifiée, de l'honorable sénateur Gauthier, appuyée par l'honorable sénateur Fraser,

Que le rapport intitulé État des lieux sur la situation de l'accès à la justice dans les deux langues officielles, révisé le 25 juillet 2002 et commandé par le ministère de la Justice du Canada, soit déféré au Comité sénatorial permanent des langues officielles pour étude et rapport;

Que le Comité étudie ledit rapport en vue de clarifier l'accès et l'exercice aux droits linguistiques concernant la Loi sur le divorce, la Loi sur la faillite, le Code criminel, la Loi sur les contraventions et d'autres lois en conséquence, s'il y a lieu;

Que le Comité fasse rapport au plus tard le 31 mai 2003.—(L'honorable sénateur Corbin).

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je vais d'abord vous rassurer tous, ainsi que le sénateur Gauthier, en disant que je serai bref. Je voulais me donner un peu de temps pour considérer la portée de la motion du sénateur Gauthier. J'ai eu la chance, pendant l'intersession, d'en arriver rapidement à la conclusion qu'il nous faudrait l'adopter.

Le sénateur Gauthier vous a déjà fait part de ses arguments. Il est inutile de les répéter, mais je sais pertinemment, pour avoir fait partie du comité de la Chambre des communes au moment de la mise sur pied de la première Loi canadienne sur les langues officielles, que certaines choses n'ont pas beaucoup progressé dans le domaine de l'accession de la justice dans les deux langues officielles au Canada.

Certaines choses ont changé, certaines choses se sont améliorées, mais il y a des régions dans ce pays où il est impossible d'obtenir justice dans la langue de son choix. En 1969, au moment de l'étude du premier projet de loi sur les langues officielles, j'avais pertinemment demandé au ministre de la Justice de l'époque, le très honorable John Turner, pourquoi il n'étendait pas l'emprise de la loi dans les régions où il y avait d'importantes minorités linguistiques. Je n'ai pas eu le temps de retourner au compte rendu de l'époque. Toutefois, je me souviens de l'essentiel de sa réponse. J'attends depuis ce moment que les choses changent, évoluent, mais elles n'ont ni changé ni évolué. Il m'avait répondu qu'il n'y avait pas d'infrastructure en place pour répondre à mes attentes et aux attentes des minorités du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et d'ailleurs au pays. Je ne veux pas uniquement signaler l'Ouest canadien. Il y a d'autres régions où une loi bien faite aurait pu rendre service et répondre aux attentes des minorités de langues officielles.

Nous en sommes encore au même point aujourd'hui. Depuis l'adoption de la Loi sur les langues officielles en 1969, soit 34 ans, notre collègue, le sénateur Jean-Robert Gauthier, se lève pour que justice soit faite sous ce rapport. Je sais qu'en privé on lui donne des réponses évasives et qu'on élude la question.

Cela me laisse croire que rien ne changera dans les 34 prochaines années. Je crois qu'il faut adopter la motion du sénateur Gauthier et la renvoyer au Comité sénatorial permanent des langues officielles afin qu'il fasse rapport au Sénat du Canada, dans les meilleurs délais, parce que la situation est devenue ridicule, caricaturale et intenable.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs d'adoption la motion?

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

MOTION VISANT À RENVOYER AU COMITÉ LA RÉSOLUTION DE BERLIN DE 2002 DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE L'ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ
ET LA COOPÉRATION EN EUROPE—SUITE DE DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P.,

Que la résolution suivante, qui renferme la résolution de l'OSCE (PA) mise de l'avant à Berlin en 2002, soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères pour étude et rapport avant le 30 juin 2003:

Attendu:

que le Canada est un pays fondateur de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de l'accord d'Helsinki de 1975;

que tous les États membres de l'accord d'Helsinki ont affirmé leur respect du droit des individus qui appartiennent à une minorité nationale d'être égaux devant la loi et de bénéficier pleinement des droits humains et des libertés fondamentales et que les États membres reconnaissent que c'est là un élément essentiel de la paix, de la justice et du bien-être nécessaires pour assurer le développement de relations amicales et de la coopération entre les individus et les États membres;

que l'OSCE a condamné l'antisémitisme dans le Document de clôture Copenhague 1990 et a pris les mesures nécessaires pour protéger les individus de la violence antisémite;

que le Document de clôture Lisbonne 1996 de l'OSCE a réclamé la mise en oeuvre améliorée de tous les engagements humanitaires, en particulier ceux concernant les droits de la personne et les libertés fondamentales et a exhorté les États membres à combattre le grave problème de l'antisémitisme;

que dans la Charte de 1999 sur la sécurité européenne, le Canada et d'autres États membres se sont engagés à combattre les violations des droits de la personne et des libertés fondamentales, y compris la liberté de pensée, de conscience, de religion et de croyance, et les manifestations d'intolérance, de nationalisme agressif, de racisme, de chauvinisme, de xénophobie et d'antisémitisme;

que le 8 juillet 2002, lors de son assemblée parlementaire tenue au Reichstag, à Berlin (Allemagne), l'OSCE a adopté à l'unanimité une résolution (ci-jointe) condamnant les actes antisémites commis actuellement sur le territoire de l'OSCE;

que la résolution de Berlin de 2002 a appelé tous les États membres à reconnaître publiquement la violence exercée à l'encontre des juifs et des propriétés culturelles juives comme étant de la violence antisémite, et à dénoncer avec vigueur ces actes de violence;

que la résolution de Berlin de 2002 a exhorté tous les États membres à combattre l'antisémitisme en demandant aux autorités locales et nationales d'appliquer sévèrement la loi;

que la résolution de Berlin de 2002 a appelé les États membres à réitérer l'importance de la lutte contre l'antisémitisme en explorant des moyens efficaces pour prévenir l'antisémitisme et en s'assurant que les lois, les règlements, les pratiques et les politiques sont conformes aux engagements de l'OSCE à l'égard de l'antisémitisme;

que la résolution de Berlin de 2002 a aussi encouragé les délégués de l'assemblée parlementaire à condamner avec force et sans condition les manifestations de violence antisémite dans leurs pays respectifs;

qu'une augmentation alarmante des incidents et de la violence antisémites a été observée au Canada, en Europe et ailleurs dans le monde.

Annexe

RÉSOLUTION SUR LA VIOLENCE ANTISÉMITE DANS L'ESPACE DE L'OSCE Berlin, 6 - 10 juillet 2002

1. Rappelant que l'OSCE, en élaborant le document de Copenhague de 1990, a figuré parmi les organisations qui ont réussi à obtenir de la communauté internationale qu'elle condamne publiquement l'antisémitisme;

2. Notant que tous les États participants, comme indiqué dans le Document de Copenhague, s'engagent à «condamner sans équivoque» l'antisémitisme et à prendre des mesures efficaces pour protéger les personnes de tout acte de violence antisémite;

3. Rappelant le Document de Lisbonne 1996, qui met en lumière «l'approche globale» de la sécurité adoptée par l'OSCE, appelle à «des progrès en matière d'exécution de tous les engagements intéressant la dimension humaine, eu égard en particulier aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales», et engage les États participants à s'attaquer aux «problèmes aigus», tels que l'antisémitisme;

4. Réaffirmant la Charte de sécurité européenne adoptée à Istanbul en 1999, qui engage les États participants à «contrer les menaces pour la sécurité que constituent les violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris de la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction, et les manifestations d'intolérance, de nationalisme agressif, de racisme, de chauvinisme, de xénophobie et d'antisémitisme»;

5. Reconnaissant que le fléau de l'antisémitisme n'est pas propre à un quelconque pays, et invitant les États participants à faire preuve d'une persévérance inébranlable à cet égard;

L'Assemblée parlementaire de l'OSCE

6. Condamne sans équivoque l'inquiétante recrudescence de la violence antisémite dans tout l'espace de l'OSCE;

7. Se déclare vivement préoccupée par la récente recrudescence d'actes de violence antisémites, des personnes de religion juive et le patrimoine culturel juif ayant fait l'objet d'attaques dans de nombreux États participants de l'OSCE;

8. Demande instamment aux États qui s'engagent à restituer les biens confisqués à leurs propriétaires légitimes ou à défaut à les indemniser de veiller à ce que leurs programmes de restitution et d'indemnisation soient mis en oeuvre de façon non discriminatoire et conformément aux règles du droit;

9. Reconnaît les efforts louables déployés par de nombreux États post-communistes pour réparer les injustices commises par les précédents régimes en ce qui concerne le patrimoine religieux, étant entendu qu'il reste dans l'intérêt de la justice beaucoup à faire à cet égard, notamment pour ce qui est de la restitution des biens individuels et collectifs ou de l'indemnisation correspondante;

10. Consciente du danger que représente la violence antisémite pour la sécurité européenne, compte tenu en particulier de la tendance à une intensification de la violence et des attaques dans toute la région;

11. Déclare que les événements sur la scène internationale ou les questions politiques ne justifieront jamais la violence à l'égard des juifs ou toute autre manifestation d'intolérance, et que cette violence fait obstacle à la démocratie, au pluralisme et à la paix;

12. Demande instamment à tous les États de faire des déclarations publiques reconnaissant que la violence à l'égard des juifs et du patrimoine culturel juif constitue un acte d'antisémitisme, et de diffuser des déclarations publiques condamnant fermement les déprédations;

13. Invite les États participants à faire en sorte que les administrations locales et nationales appliquent la loi avec fermeté, notamment en enquêtant sur les actes criminels antisémites, en appréhendant leurs auteurs, et en engageant les poursuites pénales et les procédures judiciaires appropriées;

14. Demande instamment aux États participants d'accorder davantage d'importance à la lutte contre l'antisémitisme en organisant un séminaire de suivi ou une réunion sur la dimension humaine en vue d'étudier des mesures efficaces pour prévenir l'antisémitisme, et à faire en sorte que leurs lois, règlements, pratiques et politiques soient conformes aux engagements pertinents pris au titre de l'OSCE face à l'antisémitisme; et

15. Encourage tous les représentants à l'Assemblée parlementaire à condamner énergiquement et sans réserve les manifestations de violence antisémites dans leurs pays respectifs et au sein de toutes les instances régionales et internationales.—(L'honorable sénateur Spivak).

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je suis heureuse de parler de cette motion concernant la résolution de Berlin de 2002 de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, qui, je l'espère, sera renvoyée à un de nos comités.

Comme mon collègue, le sénateur Grafstein, je crois qu'il est crucial pour le Parlement d'exprimer sa profonde inquiétude à l'égard du nouveau sentiment antisémite, ou anti-juif, qui se manifeste non seulement à l'étranger, mais aussi au Canada. La résolution de Berlin, qui implore les États de combattre l'antisémitisme, fournit un excellent mécanisme pour contrer ce nouveau fléau, et j'espère que nous pourrons l'examiner de plus près par l'entremise d'un de nos comités.

J'ai parlé du nouveau sentiment «anti-juif». Cette expression ne vient pas de moi, mais bien du professeur Irwin Cotler, qui est peut- être mieux connu par de nombreux sénateurs comme étant un collègue de l'autre endroit. Il est en congé de l'Université McGill, où il enseigne le droit et dirige le programme des droits de l'homme de cette université.

Le mois dernier, il a publié un article dans lequel il sonne littéralement l'alarme en ce qui concerne la situation des droits de la personne et la nouvelle forme d'antisémitisme qui se manifeste maintenant:

Le phénomène dont nous sommes témoins aujourd'hui, qui s'est développé graduellement, presque imperceptiblement et parfois sous l'oeil bienveillant de la société depuis une trentaine d'années, est une nouvelle expression d'antisémitisme virulent, voire même atroce, à l'échelle du monde, comme on n'en avait jamais connu depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale et qui n'est pas sans nous rappeler l'atmosphère qui régnait dans les années 30.

Ce phénomène se manifeste, selon lui, par la discrimination, le rejet ou les agressions pratiquées contre une nation ou des particularités nationales, lorsqu'elles s'adonnent à être juives, par le traitement différent et discriminatoire réservé à l'État d'Israël et aux juifs sur la scène internationale et, dans sa forme la plus atroce, par les agressions, telles que les attentats suicides à la bombe, perpétrées contre Israël et les juifs.

M. Cotler a imaginé 13 indices pour mesurer cette nouvelle expression d'antisémitisme. Je ne vais pas tous les décrire, mais je serais heureuse de faire circuler cet article aux honorables sénateurs qui aimeraient le lire au complet. J'aimerais souligner quelques passages.

Premièrement, il y a les appels publics à la destruction d'Israël et du peuple juif lancés par des organisations terroristes, des religieux islamiques radicaux et des États comme l'Iran et l'Irak.

Israël est le seul État et les juifs sont le seul peuple qui, à l'heure actuelle dans le monde, font l'objet d'une série de menaces permanentes de la part d'organismes gouvernementaux, religieux et terroristes souhaitant leur destruction. Ce qui est le plus troublant, c'est le silence...

— un aspect dont le sénateur Grafstein a parlé —

... l'indifférence et parfois même l'indulgence face à un tel antisémitisme génocide.

Il parle aussi de l'antisémitisme politique — la «démonisation d'Israël» et de la dénégation de son caractère légitime — ainsi que de l'antisémitisme idéologique et théologique.

Il évoque deux autres indices auxquels, à mon avis, nous devons accorder une attention spéciale au Canada. L'un est l'antisémitisme culturel, qui trouve notamment son expression dans les attitudes, les sentiments et les insinuations, dans les milieux de l'enseignement, dans les parlements et ailleurs, y compris dans le discours des «intellectuels de gauche» et des élites éclairées. À titre d'exemple, il cite une observation de l'ambassadeur français au Royaume-Uni qui a amené la journaliste britannique Petronella Wyatt à écrire ce qui suit:

L'antisémitisme et son expression ouverte ont maintenant leur place autour de la table pendant les repas à Londres.

Le deuxième indice dont nous devrions en particulier nous préoccuper est celui qu'il décrit comme l'antisémitisme européen. Toutefois, comme l'a souligné le sénateur Grafstein, il n'est pas limité à l'Europe. Les attaques et la profanation dont ont fait l'objet des synagogues, des cimetières et des institutions juives au cours des deux dernières années en constituent un excellent exemple. Comme le sénateur Grafstein l'a dit, quatre synagogues ont été incendiées ou légèrement endommagées par des incendies. Ce sont quatre synagogues situées dans quatre provinces canadiennes.

La dénégation de l'Holocauste, la discrimination économique à l'endroit des juifs et l'antisémitisme sanctionné par l'État — ce sont là les nouveaux exemples du nouveau mouvement anti-juifs.

Irwin Cotler lance un cri d'alarme, non seulement en ce qui concerne Israël et le peuple juif, mais aussi en ce qui a trait à la collectivité mondiale et à la condition humaine dans son ensemble. Voici ce qu'il a dit à ce sujet:

L'histoire ne nous a que trop bien appris que, même si la persécution et la discrimination débutent avec les juifs, elles ne se limitent pas à eux.

Honorables sénateurs, à mon avis, nous ne devrions pas demeurer silencieux devant ce qui se produit dans le monde en général, et aussi dans notre propre cour. Adopter la motion du sénateur Grafstein constitue un excellent point de départ. C'est un engagement important et opportun pour un de nos comités permanents.

(Sur la motion du sénateur LaPierre, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 6 février 2003, à 13 h 30.)


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