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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 85

Le lundi 20 octobre 2003
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le lundi 20 octobre 2003

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

LA SANCTION ROYALE

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante:

RIDEAU HALL

Le 20 octobre 2003

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que la très honorable Adrienne Clarkson, Gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l'annexe de la présente lettre le 20 octobre 2003 à 9 h 14.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

La secrétaire de la Gouverneure générale,
Barbara Uteck

L'honorable
        Le Président du Sénat
                Ottawa

Projet de loi ayant reçu la sanction royale le lundi 20 octobre 2003:

Loi concernant la protection de l'environnement en Antarctique (Projet de loi C-42, chapitre 20, 2003)


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE SYSTÈME DES PARTIS POLITIQUES

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, comme tous les modèles de gouvernement, notre système canadien de gouvernance a ou devrait avoir comme objectif l'intérêt public et le bien commun de notre société. Depuis 1867, l'intérêt public dans la pratique de la liberté canadienne a été bien servi par notre système canadien de démocratie parlementaire. Malgré un certain nombre de problèmes, la justice sociale et le progrès ont triomphé. Manifestement, il doit y avoir du bon dans notre système de gouvernance, mais comme dans le cas du modèle britannique de Parlement, Westminster, ce système est fondé sur des partis politiques solides.

Nous sommes témoins aujourd'hui au Canada d'une évolution importante de la situation au sein des partis libéral et conservateur. Il est bon que cette évolution demeure centrée sur le principal objectif, soit le bien de la société canadienne, plutôt que le bien de tout mouvement politique.

J'encourage tous les Canadiens à participer activement à cette période de réflexion politique partisane. En particulier, j'adresse mes meilleurs voeux à mes collègues du Parti libéral du Canada qui se préparent à leur congrès à la direction du parti et mettent en place les mécanismes voulus pour englober les diverses opinions politiques.

En fait, tout parti politique qui est plus centré sur le bien du pays que sur lui-même doit trouver les moyens d'accepter à l'intérieur des partis nationaux un éventail de positions politiques. Comme R. M. Punnett l'écrit dans son livre intitulé British Government and Political Parties, à la page 105:

Ainsi, l'existence d'un système surtout bipartite en Grande- Bretagne ne signifie pas nécessairement que de nombreuses positions politiques différentes ne se retrouvent pas au sein de la collectivité; cela signifie plutôt qu'elles sont représentées au sein des deux partis. Ainsi, en un sens, tous les gouvernements britanniques sont une «coalition» de plusieurs intérêts, éléments et positions regroupés sous l'étiquette large du Parti travailliste ou du Parti conservateur.

Honorables sénateurs, il convient de noter que le processus de réflexion politique que mènent à l'heure actuelle de nombreux conservateurs canadiens est fondé sur des principes comme une politique sociale progressiste; le droit aux soins de santé indépendamment du revenu; la diversité régionale, culturelle et socio-économique; les responsabilités et droits individuels; l'égalité de tous les Canadiens; l'égalité des collectivités anglophone et francophone au Canada; le droit à la sécurité de sa personne et à la protection de sa vie privée; les droits de chaque citoyen; les droits environnementaux; le droit de propriété; les droits de solidarité à l'égard des peuples du monde; et le droit au commerce équitable.

En fonction de ces principes, les Canadiens souhaitent tout le succès possible aux conservateurs durant cette période de réflexion dans l'intérêt de notre système parlementaire de gouvernance.

[Français]

L'HONORABLE LOUIS J. ROBICHAUD, C.P., C.R., C.C.

FÉLICITATIONS À L'OCCASION DE L'OBTENTION DU PRIX HUMANITAIRE DE LA CROIX-ROUGE

L'honorable Marilyn Trenholme Counsell: Honorables sénateurs, je suis fière d'offrir mes félicitations à notre ancien collègue, l'honorable Louis J. Robichaud. La semaine dernière, le 15 octobre, notre ami a reçu le Prix humanitaire de la Croix-Rouge du Nouveau-Brunswick.

En acceptant cet honneur, l'honorable Louis J. Robichaud a su joindre un groupe très distingué dans ma province: M. Herzel Herchetsky, l'honorable Margaret Norrie McCain, l'honorable Gordon Fairweather, l'ancien juge de la Cour suprême, l'honorable Gérard LaForest et une autre ancienne collègue du Sénat, l'honorable Erminie Cohen.

J'aimerais mentionner d'autres distinctions honorifiques qui ont été décernées récemment à ce champion: un Certificat de membre honoraire de l'Association des enseignantes et des enseignants francophones retraités du Nouveau-Brunswick; le Life Membership Law Society of New Brunswick; le New Brunswick Pioneer of Human Rights Award; the Order of New Brunswick 2002; le Prix de mérite, Association des enseignantes et enseignants francophones du Nouveau-Brunswick; un Certificat de graduation honoraire de l'École Louis-J. Robichaud; la présentation à l'Université de Moncton d'une copie de la charte originale de l'Université de Moncton.

(1410)

De plus, le 25 octobre 2003, il recevra la Légion d'honneur de la France. Pour nous tous, cet ami, le petit Louis, restera une inspiration. Son message est clair; travaillez toujours afin d'offrir une chance égale à chacun et chacune. Le Prix humanitaire de la Croix-Rouge, à l'occasion de la cérémonie du 15 octobre, était un témoignage à sa passion et à ses merveilleuses contributions au Nouveau-Brunswick et au Canada.

[Traduction]

LA GOUVERNEURE GÉNÉRALE

LES VISITES D'ÉTAT EN FINLANDE ET EN ISLANDE

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, tous ceux d'entre nous qui ont accompagné la gouverneure générale et son époux lors de leur récente visite en Finlande et en Islande ont été témoins de l'extraordinaire dynamisme que Leurs Excellences insufflent à notre pays. La gouverneure générale était à la tête d'une délégation dépassant en qualité et en envergure toutes celles qu'il m'a été donné de voir en 30 ans de vie parlementaire. Outre le sénateur Oliver, la députée Karen Kraft-Sloan et moi-même, la délégation comptait des architectes, des producteurs de vin, des musiciens, des directeurs de musées d'art, des anthropologues, des écrivains, des gens d'affaires et des chefs autochtones de l'Arctique. Cette mosaïque fort colorée est l'image du Canada que Leurs Excellences ont présentée au monde circumpolaire.

Nous avons proposé à ces pays de constituer un partenariat avec nous pour protéger et améliorer un bien commun, la région polaire. Par leurs idées, leurs propos et la force de leur personnalité, Adrienne Clarkson et John Ralston Saul ont fait comprendre que la santé de l'écosystème et des populations nordiques est importante, non seulement pour la région septentrionale mais aussi pour le monde entier. C'est pourquoi des organisations comme le Conseil de l'Arctique et l'Université de l'Arctique revêtent une si grande importance. Le message que nos deux meilleurs ambassadeurs ont livré à nos voisins du Nord doit également être entendu par les Canadiens du Sud.

Les présidents, les pêcheurs, les maires et les éleveurs de rennes nous ont réservé une réception marquant un net contraste par rapport aux critiques acerbes que nous avons entendues ici au Canada, entre autres de la part de certains membres de mon propre parti à l'autre endroit. En ce qui me concerne, cette critique est le produit d'esprits étroits et d'une mentalité de clocher. Le Canada a un important rôle à jouer dans le monde circumpolaire.

Le Labrador est une région subarctique, mais il donne l'impression de faire partie du monde polaire. Pour mettre cette région en valeur, il est essentiel de rendre visite à nos amis et voisins et d'aborder avec eux des sujets d'intérêt commun. La fonte rapide de la calotte glacière et la surabondance de phoques dans les eaux septentrionales ne sont que deux signes qui montrent la nécessité de s'attaquer ensemble aux problèmes de la région polaire.

Honorables sénateurs, ce fut la plus belle mission canadienne qu'il m'ait été donné de voir, et ce fut un honneur pour moi d'y prendre part.

LA SÉCURITÉ NATIONALE ET LA DÉFENSE

LE NOUVEAU-BRUNSWICK—LES ALLÉGATIONS SELON LESQUELLES CAMPBELLTON SERAIT UN POINT D'ENTRÉE POUR DES CLANDESTINS

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, le jeudi 9 octobre 2003, le Sénat a exprimé son intérêt relativement à l'une des audiences tenues récemment par le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, que je préside. Permettez-moi de fournir certains renseignements sur cette question.

Au cours de la troisième semaine de septembre, notre comité a tenu des audiences publiques à Halifax relativement à la défense côtière et aux premiers intervenants. Nous comptons déposer bientôt les rapports concernant ces questions.

Lors de l'audience publique sur la défense côtière tenue dans l'après-midi du lundi 22 septembre, nous avons entendu des témoignages de fonctionnaires de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Au cours de cette réunion, un des membres du comité a posé des questions à ces fonctionnaires relativement à l'arrivée de clandestins par bateau à Campbellton. Les fonctionnaires ont dit ne pas être au courant de telles activités illégales. Quiconque le souhaite peut prendre connaissance du compte rendu de cet échange.

Honorables sénateurs, il s'agit d'un sénateur qui pose des questions qu'il estimait pertinentes compte tenu du sujet à l'ordre du jour. Quelques quotidiens ont publié des articles sur cet échange, mais il est évident, d'après tous les articles que j'ai lus, que l'on rapporte les questions d'un sénateur à un témoin.

Par la suite, on a soulevé une préoccupation dans cette enceinte quant à savoir «sur quoi le Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense s'est fondé pour affirmer que des clandestins pénètrent en Amérique du Nord en passant par le port de Campbellton, au Nouveau-Brunswick».

Je peux assurer à mes honorables collègues que le comité n'a pas exprimé d'opinion sur cette question précise et que, dans les délibérations sur la défense côtière, rien n'indique que notre rapport renfermera quelque commentaire que ce soit au sujet de Campbellton.

En terminant, je tiens à souligner que le Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense est un comité consciencieux et infatigable qui a la réputation de mener des études rigoureuses et approfondies.

LA DÉFENSE NATIONALE

LES SNOWBIRDS—L'ÉTAT DE L'AVION TUTOR

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je parlerai aujourd'hui du spectacle aérien des Snowbirds, qui constituent sans doute un des symboles les plus connus du Canada. Il y a environ 22 mois, je suis intervenu en cette Chambre pour vous faire part de la détérioration continue de l'avion à réaction utilisé par les Snowbirds, soit le Tutor. Les autorités gouvernementales confirment maintenant que les avions Tutor utilisés par les Snowbirds continuent de poser une menace à la vie et à la sécurité des Canadiens qui les pilotent et que ces appareils doivent être remplacés le plus rapidement possible.

En décembre, j'ai parlé d'un capitaine ayant participé pendant plus de 20 ans à l'entretien des avions Tutor. À ce moment-là, il a dit que les avions des Snowbirds devraient être interdits de vol parce qu'ils présentaient des signes de fatigue du métal et qu'une importante catastrophe pourrait se produire à moins que l'on ne fasse quelque chose pour corriger la situation. Peu de temps après, le ministère de la Défense nationale a lancé un appel d'offres en vue de déterminer combien coûteraient les avions de remplacement des Snowbirds.

Près de deux ans plus tard, cette initiative fait de nouveau les grands titres des journaux. L'Ottawa Citizen et le National Post d'aujourd'hui comprennent de grands articles précisant la nécessité pour le gouvernement de remplacer les avions vieillissants par des avions à réaction Hawk fabriqués par British Aerospace.

Le National Post révèle avoir obtenu un résumé d'un examen interne effectué par le ministère de la Défense nationale, dans lequel on précise ce qui suit:

Il ne s'agit pas de savoir si l'on va remplacer le Tutor, mais bien de déterminer quand on va le faire. D'une année à l'autre, les risques sur les plans techniques, financiers et de la sécurité qui sont liés à la prolongation de la vie utile du Tutor sur une cinquième décennie et au-delà iront en augmentant. Ces risques sont importants.

Selon le rapport ayant fait l'objet d'une fuite, le coût de ce projet s'établit à 330 millions de dollars. Comme solution de rechange, les militaires envisagent aussi la possibilité de procéder à une mise à niveau de ces avions à réaction pour un montant estimé à 32 millions de dollars. Il permettrait de prolonger la durée utile des avions jusqu'en 2010, mais vous devez être bien conscients que la mise à niveau n'est qu'une solution à court terme.

Il faut compter environ cinq ans pour que les avions à réaction Hawk soient construits au Royaume-Uni, livrés et adaptés aux normes des Snowbirds pour les spectacles aériens, et pour que les pilotes de l'équipe soient formés comme il convient. Si cette décision est prise avant la fin de 2003, les nouveaux avions des Snowbirds prendront l'air en toute sécurité à l'occasion du spectacle aérien de 2009, seulement trois ans après que les avions Tutor aient atteint leur durée utile maximale.

Je souhaite que les Tutor dangereux et vieillissants cessent de voler et soient remplacés. Ainsi, la sécurité des pilotes et des Canadiens passera au premier plan. Depuis l'entrée en service du Tutor, en 1971, cinq pilotes des Snowbirds ont trouvé la mort: quatre sont décédés pendant qu'ils participaient à un spectacle aérien ou qu'ils s'entraînaient, et un autre est mort dans un accident d'automobile à la suite d'un spectacle aérien. Un incident est aussi survenu en Écosse où deux avions à réaction écossais se sont écrasés pendant qu'ils s'entraînaient en vue d'un spectacle aérien devant être présenté à Londres.

Au vu de ces statistiques, je crois qu'en remplaçant l'avion Tutor par des réactés modernes et sécuritaires, nous réduirions considérablement les risques d'accidents mortels. Il est temps d'assurer la sécurité des pilotes canadiens.

En conclusion, je suis heureux que le gouvernement prenne des dispositions pour permettre aux pilotes de Snowbirds de piloter des appareils sûrs. Je crois que les Snowbirds sont un symbole important pour le Canada. Il est impératif de moderniser le matériel, non seulement pour sauver des vies, mais aussi pour préserver le spectacle aérien, qui est devenu si précieux pour beaucoup de gens.

L'ALBERTA

L'UNIVERSITÉ DE L'ALBERTA—LA DÉCOUVERTE DANS LE DOMAINE DE LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, je suis heureux et fier de parler aujourd'hui d'une percée scientifique importante qui vient d'être réalisée à l'Université de l'Alberta. Il s'agit d'une nouvelle méthode de production d'électricité. Apparemment, on sait depuis de nombreuses décennies, même si moi je l'ignorais, que lorsqu'un liquide comme l'eau est mis en contact avec un solide non conductible, comme le verre, la céramique ou la pierre, il se produit entre les deux éléments une réaction microscopique qui crée une charge à la surface. La proximité de l'eau, qui a une charge positive, et de solides, qui ont une charge négative, engendrent une interaction.

Deux scientifiques de l'Université de l'Alberta, se fondant sur la théorie voulant que, lorsqu'on fait passer de l'eau dans un microcanal, les ions positifs et négatifs se déplacent de façon qu'une extrémité du canal devient positive et l'autre négative, créant ainsi une pile, ont réalisé cette percée, pour la première fois en 160 ans, qui permet de produire de l'électricité.

Messieurs Daniel Kwok et Larry Kostiuk, professeurs en génie à l'Université de l'Alberta, et leurs collaborateurs ont réussi à illuminer une petite ampoule en injectant de l'eau potable provenant des robinets d'Edmonton dans un filtre de céramique contenant des trous microscopiques. Ils appellent cela une pile électrocinétique. Une pile de cette taille peut aisément produire jusqu'à dix volts, soit à peu près l'équivalent d'une batterie d'automobile, mais le courant utilisé n'a qu'une fraction d'ampère. Il est peu probable qu'on utilise cette technique pour alimenter des lampes de poche, mais les possibilités d'application de la découverte sont vraiment révolutionnaires. Cette source d'énergie pourrait avoir des applications en nanotechnologie. Elle pourrait aussi servir à alimenter des dispositifs électriques comme des assistants électroniques, des calculatrices ou des téléphones cellulaires, au moyen de piles à eau. Cette découverte a été annoncée aujourd'hui par l'Institut de physique.

(1420)

J'invite les honorables sénateurs à joindre leurs voix à la mienne pour féliciter l'équipe de l'Université de l'Alberta qui a réalisé cette percée remarquable et pour lui souhaiter bonne chance dans l'exploitation de cette excellente nouvelle technologie.


AFFAIRES COURANTES

SÉCURITÉ NATIONALE ET DÉFENSE

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à siéger à 17 heures aujourd'hui, le lundi 20 octobre 2003, même si le Sénat siège à ce moment- là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est- elle accordée?

L'honorable sénateur Prud'homme souhaitait-il refuser son consentement?

L'honorable Marcel Prud'homme: Non, je souhaite poser la question habituelle. Combien y a-t-il d'autres présidents de comité qui se proposent de demander la permission de siéger pendant que le Sénat siège, de manière à ce que nous puissions mieux exercer notre jugement sur le point de savoir s'il convient ou non d'être d'accord? Si cela devait être la seule demande aujourd'hui — c'est prévu pour 17 heures et je ne suis pas membre du comité moi-même —, il me paraîtrait difficile de rejeter cette demande. Toutefois, s'il y en a trop d'autres qui formulent le même type de demande, il faudra alors réévaluer notre Règlement, sans quoi il ne restera plus d'honorables sénateurs au Sénat, ils seront dans les comités.

S'il s'agit de la seule demande, j'y souscrirai en l'occurrence, mais s'il y a d'autres sénateurs qui se proposent de demander la même chose, veuillez le demander maintenant. Ne nous prenez pas au dépourvu plus tard cet après-midi en vous levant et en demandant s'il y a consentement unanime à un moment où ceux qui s'opposent habituellement sont temporairement absents. Si l'honorable sénateur est le seul, je ne répéterai pas la même chose, je donnerai mon accord.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

LANGUES OFFICIELLES

LE STATUT BILINGUE DE LA VILLE D'OTTAWA—PRÉSENTATION D'UNE PÉTITION

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, conformément à l'article 4h) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer en cette Chambre les pétitions de 2 000 signataires supplémentaires aux 6 000 déjà déposées la semaine passée, demandant de déclarer Ottawa, la capitale du Canada, une ville bilingue et le reflet de la dualité linguistique du pays. Les pétitionnaires prient le Parlement de prendre en considération ce qui suit:

Que la Constitution du Canada reconnaît que le français et l'anglais sont les deux langues officielles de notre pays ayant un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du gouvernement du Canada;

Que l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 désigne la ville d'Ottawa comme le siège du gouvernement du Canada;

Que les citoyens ont le droit, dans la capitale nationale, d'avoir accès aux services offerts par les institutions du gouvernement du Canada dans la langue officielle de leur choix, soit en français, soit en anglais;

Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement qu'Ottawa, la capitale du Canada, se doit de refléter la dualité linguistique qui est au cœur de notre identité collective et qui caractérise la nature même de notre pays.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai une question pour madame le leader du gouvernement au Sénat. La ministre pourrait-elle dire au Sénat — je sais que tous les honorables sénateurs aimeraient connaître la réponse — combien de lundis entre maintenant et Noël elle pense que le Sénat sera appelé à siéger?

Je pose cette question sachant que beaucoup de sénateurs doivent prendre des dispositions à l'avance, étant donné leurs nombreux engagements. La ministre pourrait-elle nous donner une vague idée de ce qu'elle prévoit pour les lundis d'ici à Noël?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, tout ce que je puis dire pour le moment, c'est que nous siégerons le lundi et le vendredi si le calendrier législatif le demande, c'est-à-dire s'il faut que nous siégions le lundi et le vendredi pour disposer du temps nécessaire pour débattre les projets de loi dont nous sommes saisis.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, nous avons tous reçu le calendrier du Sénat, sous réserve de changements, pour cette année. En date du 20 octobre, nous disposons de huit semaines d'ici Noël pour traiter les projets de loi d'initiative ministérielle et nous avons pour habitude de siéger du mardi au jeudi.

Quel projet de loi, qui n'est pas encore au programme de l'autre endroit — que j'ai examiné en détail ce matin — nécessiterait qu'on en accélère l'étude, étant donné que nous serons saisis plus tard cet après-midi d'une motion d'attribution de temps, alors qu'ils nous reste encore huit semaines? Pourquoi cette précipitation? Pourquoi imposer l'attribution de temps alors qu'il nous reste encore huit semaines?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, en ce qui concerne la motion d'attribution de temps — et nous ne devrions réellement pas en parler, car elle sera présentée plus tard aujourd'hui — nous avons apporté des amendements positifs à ce projet de loi, des amendements excellents, selon moi, et il faut que l'autre endroit ait le temps de les étudier.

Quant à la question plus générale du sénateur concernant les jours de séance qui nous restent, ça dépend. Je m'attends à ce que, cette semaine, nous recevions jusqu'à quatre nouveaux projets de loi de l'autre endroit. Nous avons besoin de temps pour passer à l'étape de la deuxième lecture, puis à celle de l'étude en comité et du renvoi au Sénat. C'est un processus qui prend du temps. Par exemple, je pense que nous en sommes maintenant au douzième jour de débat à l'étape de la troisième lecture d'un seul projet de loi.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, le calendrier du Sénat qui a été publié, et qui est sujet à changement, indique que nous siégerons le lundi 15 décembre, mais pas les lundis 8 décembre ou 1er décembre ou encore 24 novembre ou 17 novembre. La semaine du 17 novembre m'intéresse plus particulièrement. Madame le ministre s'attend-elle à ce que nous siégions le 17 novembre, qui est un lundi?

Le sénateur Carstairs: Non, pas pour le moment, honorable sénateur.

Tout dépendra de la rapidité avec laquelle nous étudierons les projets de loi d'ici au 17 novembre.

(1430)

LA DÉFENSE NATIONALE

L'AFGHANISTAN—LA MORT DE DEUX SOLDATS—LA DISPONIBILITÉ DES VÉHICULES BLINDÉS—LA DÉMISSION DU MINISTRE

L'honorable J. Michael Forrestall: J'adresse ma question, que j'ai déjà posée à au moins deux reprises, au distingué leader du gouvernement au Sénat. Je vais la poser à nouveau; à mes yeux, cette question est sérieuse. Le sénateur Oliver a parlé aujourd'hui de la nécessité d'avoir des avions sûrs. J'ai déjà mentionné mille fois la nécessité d'employer des hélicoptères sûrs — plus tôt nous les aurons, mieux cela vaudra.

Le 19 juillet dernier, le ministre de la Défense nationale a notamment déclaré que, en effet, il démissionnerait s'il était établi qu'un seul Canadien était décédé en raison d'un manque de préparation ou d'équipement. Comme les honorables sénateurs doivent malheureusement le constater, deux soldats canadiens sont morts en conduisant un véhicule utilitaire léger Iltis, de type Jeep.

Le commandant du groupement tactique a affirmé qu'il ne disposait que du tiers des véhicules blindés dont il avait besoin — une trentaine. Le ministre a annoncé que seulement 15 autres seraient mis à leur disposition.

Quand le gouvernement enverra-t-il les 45 véhicules blindés dont a besoin le groupement tactique? Les enverra-t-il aujourd'hui, demain, la semaine prochaine ou le mois prochain? Les Canadiens qui ont survécu seront-ils déjà rentrés au pays avant que nous leur ayons envoyé les véhicules blindés réclamés?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Comme le sénateur le sait bien, les troupes canadiennes étaient bien équipées lorsqu'elles sont allées en Afghanistan. Elles disposaient de l'équipement qui avait été demandé par les responsables. Cet équipement a été transporté en même temps que les troupes, qui ont pu s'en servir dès leur arrivée. Par la suite, ce qui semble avoir été un attentat terroriste les a poussées à réévaluer le danger de certaines missions — de certaines seulement puisque d'autres sont toujours effectuées à bord de jeeps, à pied ou dans des véhicules blindés. C'est pourquoi nous envoyons d'autres véhicules blindés à Kaboul.

Le sénateur Forrestall: Nous savons qu'il est un peu difficile de croire le ministre de la Défense nationale sur parole pour quoi que ce soit. Je n'aime pas présumer que les ministres sont prêts — vous pourrez trouver cela intéressant — à faire de grands discours promettant de démissionner si les choses ne se passent pas comme ils l'ont dit. Nous commençons à savoir ce que cela veut dire.

Madame le leader pourrait-elle faire savoir au ministre de la Défense nationale que bon nombre de Canadiens aimeraient que le gouvernement s'emploie à envoyer le plus rapidement possible les 45 véhicules blindés supplémentaires dont le groupe tactique a besoin, selon son commandant? Ou bien, le ministre ne devrait-il pas conférer une certaine dignité au poste de ministre de la Défense nationale et démissionner?

Le sénateur Carstairs: Comme le sénateur le sait bien, les véhicules blindés VBL III supplémentaires devraient arriver à Kâboul à la mi- novembre, et les Bisons, qui ont également été commandés, devraient arriver peu après.

L'AFGHANISTAN—LA DISPONIBILITÉ DE VÉHICULES BLINDÉS—LES INTENTIONS DU DÉPUTÉ DE LASALLE-ÉMARD

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, cela est loin de correspondre au nombre de véhicules blindés dont le commandant du groupe tactique croit avoir besoin pour mener à bien sa mission là-bas. C'est de cela dont je voudrais parler maintenant.

Si madame le leader n'est pas disposée à poser la question au ministre de la Défense nationale ou au premier ministre, peut-être pourrait-elle avoir la gentillesse de demander à M. Paul Martin s'il ne pourrait pas se manifester quelque part au Canada, au cours des deux ou trois prochaines semaines, pour nous faire part de ses intentions dans ce dossier.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Le gouvernement a l'intention de fournir de l'équipement supplémentaire à la demande des officiers sur le terrain à Kaboul.

L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU

LAVAL, AU QUÉBEC—LE VOL D'ORDINATEURS CONTENANT DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le 4 septembre, des voleurs ont dérobé quatre ordinateurs portatifs et deux ordinateurs de bureau dans les locaux de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, à Laval, au Québec. Ces ordinateurs contiennent les renseignements personnels et les dossiers privés d'environ 120 000 résidants du Québec. Cet incident constitue à ce jour la plus grande perte de renseignements personnels au Canada. Or, ce n'est que le 19 septembre, deux semaines après l'entrée par effraction, que la ministre du Revenu, Elinor Caplan, a éloigné les employés de leurs fonctions habituelles pour s'occuper de la situation.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire pourquoi la ministre du Revenu n'a pas agi plus rapidement au sujet de cette importante question de protection des renseignements personnels?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je crois savoir, honorable sénateur, que le ministère a agi rapidement lorsqu'il a été mis au courant de la nature délicate des renseignements contenus dans ces ordinateurs.

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

LA CARTE D'IDENTITÉ NATIONALE BIOMÉTRIQUE—LA SÉCURITÉ DES RENSEIGNEMENTS

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, c'est l'exemple le plus récent de la mauvaise utilisation que fait le gouvernement des renseignements personnels des Canadiens. En mai, les renseignements personnels d'environ 200 Canadiens ont été volés par un employé de l'Agence des douanes et du revenu du Canada et ont été vendus à un tiers — fort probablement à une organisation criminelle. Le mois dernier, le bureau québécois de l'Agence des douanes et du revenu du Canada a envoyé les renseignements fiscaux de 49 Canadiens à la mauvaise adresse. Ces incidents devraient, encore une fois, soulever de sérieuses questions au sujet de la carte d'identité nationale qu'on propose d'adopter. Le gouvernement ne peut pas protéger adéquatement les renseignements qu'il détient actuellement, et encore moins une banque de données confidentielles qui intéresserait particulièrement des criminels.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire comment une banque de données liée à une carte d'identité nationale serait mieux protégée que les renseignements qui sont actuellement entre les mains du gouvernement?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Comme l'honorable sénateur le sait, absolument aucune décision n'a été prise au sujet d'une carte d'identité nationale. Il faut examiner attentivement la façon dont le gouvernement pourrait garantir la sécurité et la confidentialité des renseignements personnels des Canadiens avant qu'une initiative de ce genre ne puisse être envisagée plus à fond.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

L'IRAK—L'AIDE À LA RECONSTRUCTION

L'honorable Douglas Roche: Ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Peut-elle nous préciser la position du Canada en ce qui a trait à la conférence pour la reconstruction de l'Irak, qui aura lieu plus tard cette semaine, à Madrid? On apprend aujourd'hui qu'une nouvelle agence, dirigée par la Banque mondiale et les Nations Unies, sera chargée d'administrer les milliards de dollars d'aide à la reconstruction de l'Irak. Cela permettra à la communauté internationale d'exercer un certain contrôle sur l'Irak, contrôle auquel se sont opposés jusqu'à maintenant les États-Unis.

Il ne fait aucun doute que la dernière résolution concernant l'Irak adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité a renforcé dans une certaine mesure le rôle de l'ONU. Vers qui les fonds que le Canada consacre à l'Irak actuellement sont-ils acheminés? Comment le premier versement de 100 millions de dollars a-t-il été acheminé? Comment le seront les 200 millions que nous verserons bientôt? Madame le leader du gouvernement confirmera-t-elle que les fonds du Canada pour l'Irak ne seront pas versés aux forces de l'occupation, mais seront plutôt consacrés directement à la reconstruction de l'Irak?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): L'honorable sénateur peut avoir l'assurance que les fonds seront consacrés à la reconstruction de l'Irak. Quant au moyen par lequel l'argent sera acheminé, j'informerai mes collègues au Cabinet des préoccupations du sénateur et tenterai d'obtenir des renseignements à ce sujet. J'imagine que l'honorable sénateur veut que l'argent passe par le groupe de donateurs dont font partie la Banque mondiale et les Nations Unies.

Le sénateur Roche: Je remercie l'honorable leader. D'où viendra la somme de 300 millions de dollars que le Canada consacrera à l'Irak? Sera-t-elle tirée du budget de l'ACDI? Le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a demandé aujourd'hui aux pays industrialisés de prendre des mesures radicales pour mettre fin à la pauvreté dans le monde. Il a déclaré que, dans les pays en développement, près de 24 000 personnes, en bonne partie des enfants, meurent chaque jour de faim et de pauvreté extrême. Si nous voulons atteindre les objectifs de développement du millénaire, il n'y a pas de temps à perdre, a-t-il déclaré.

(1440)

Madame le ministre peut-elle assurer au Sénat que l'Aide publique au développement, un programme qui demeure bien en-dessous de la cible de 0,7 p. 100 fixée par les Nations Unies, ne souffrira pas de nos nouvelles contributions à l'Irak, qui n'est certes pas un pays en développement?

Le sénateur Carstairs: Mon honorable ami a tout à fait raison; l'Irak n'est pas un pays en développement comme on l'entend habituellement, mais c'est un pays actuellement ravagé par la guerre.

La question du sénateur est très précise. Étant donné que le Comité permanent des finances nationales siège cette semaine pour étudier le budget des dépenses, je lui propose de poser la question directement aux membres de ce comité. Ils seront peut-être en mesure de lui dire exactement d'où vient cet argent et de quel poste du budget.

LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CANADA

LE RAPPORT IMMINENT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LE VERSEMENT DES FONDS DE COMMANDITES

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Des articles parus dans les journaux du week-end affirment que le rapport de la vérificatrice générale sur les commandites et la publicité du gouvernement inquiète ceux qui, au sein de la bureaucratie, essaient normalement de préparer une réponse ministérielle aux questions soulevées dans ce rapport. Le Globe and Mail dit que des sociétés d'État, et notamment la Banque de développement du Canada, ont joué un rôle important dans ces programmes de commandites. Il signale aussi qu'une source aurait affirmé qu'on utilisait les sociétés d'État pour «blanchir les fonds fédéraux».

Madame le leader du gouvernement peut-elle nous dire si le gouvernement a identifié les personnes responsables du soi-disant blanchiment des fonds fédéraux et si M. Jean Carle, de la Banque de développement du Canada, a participé de quelque façon que ce soit au versement de sommes au nom de la Banque de développement du Canada?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne vais certes pas commenter un rapport de la vérificatrice générale qui n'a pas encore été déposé.

LA DÉFENSE NATIONALE

LE RAPPORT IMMINENT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING

L'honorable Marjory LeBreton: Il semblerait que, dans son rapport, la vérificatrice générale critiquera l'acquisition, l'an dernier, de deux jets Challenger dont se servent le premier ministre et les membres du Cabinet. Nous savons que les appareils qui étaient alors en service avaient un taux de fiabilité de 99,1 p. 100, selon le ministère de la Défense nationale. Les honorables sénateurs ont appris, grâce à une réponse donnée l'an dernier à une question inscrite au Feuilleton, que le ministère de la Défense nationale a commandé les deux appareils Challenger le 28 mars 2002, signé le contrat le même jour et obtenu les titres de propriété le jour même. Les honorables sénateurs savent également que la demande de propositions pour le remplacement des Sea King n'a pas encore été lancée.

Madame le leader du gouvernement peut-elle dire pourquoi il a suffi d'une journée pour une commande, un contrat et un transfert de titres de propriété afin d'acquérir des appareils pour le Cabinet, tandis que les forces armées canadiennes attendent toujours le remplacement des Sea King, dix ans après l'annulation du contrat des EH-101 par le premier ministre?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): L'honorable sénateur me demande encore une fois de commenter un rapport qui n'a pas été déposé et qui ne le sera pas avant un mois. Je vais m'abstenir de commenter des documents et des décisions hypothétiques au sujet de ce que la vérificatrice générale pourrait dire lorsqu'elle déposera son rapport, sans doute aux environs du 25 novembre.

Le sénateur LeBreton: Est-ce que nous avons toutes ces séances du lundi et du vendredi parce que le gouvernement ne veut pas siéger à la fin de novembre, au moment où le rapport de la vérificatrice générale doit normalement être rendu public?

Le sénateur Carstairs: Il faudra que le gouvernement siège, sans quoi la vérificatrice générale ne pourra pas déposer son rapport.

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, madame le ministre a laissé entendre que le rapport serait déposé le 25 novembre. Peut-elle dire si, oui ou non, il sera effectivement déposé à cette date? La Chambre des communes siégera-t-elle à ce moment-là?

Par ces questions, nous essayons de voir comment nous pouvons organiser notre travail. D'après le calendrier qui a été approuvé, nous pourrions siéger jusqu'à la veille de Noël si nécessaire. Si le gouvernement a d'autres intentions, quels que soient les moyens envisagés, il devrait avoir la courtoisie de renseigner ses sénateurs et ceux de l'opposition, de leur dire qu'il entend faire adopter certains projets de loi avant telle ou telle date et de leur expliquer comment il entend s'y prendre. Ne nous laissez pas languir dans ce faux suspense. Dites-nous ce que vous entendez faire.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Lorsque je saurai quelle est l'intention du premier ministre et que je serai autorisée à vous en informer, je ne manquerai pas de le faire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Compte tenu de cela, notre intention est de respecter le calendrier sur lequel les deux Chambres se sont entendues, et, je l'espère bien, elles respecteront également toutes les deux le calendrier et nous ne serons pas poussés à accélérer les choses pour répondre à certaines intentions politiques ou à celles d'une personne en particulier.

[Français]

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LES ÉTATS-UNIS—LE CITOYEN CANADIEN DÉPORTÉ EN SYRIE—LA POSSIBILITÉ D'UNE ENQUÊTE PUBLIQUE

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, il y a dix jours environ, madame le leader du gouvernement au Sénat a répondu aux questions que je lui posais à propos de M. Arar. Sa réponse a été sensiblement la même à chacune de ces questions: Elle ne voulait pas commenter les opérations internes de l'Agence de sécurité ou les opérations internes de la Gendarmerie Royale du Canada.

Depuis ce temps, M. Arar a demandé au gouvernement une enquête publique sur les agissements du ministère des Affaires étrangères, de l'Agence de sécurité et de la GRC. Le gouvernement a-t-il l'intention de donner suite à cette demande de M. Arar?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): À ma connaissance, M. Arar n'a pris aucune mesure. Il a fait savoir qu'il voulait blanchir sa réputation. Si cela est possible, il va sans dire que nous voudrions tous que cela ait lieu en ce qui le concerne.

[Français]

Le sénateur Nolin: Dois-je comprendre qu'advenant le cas où M. Arar en faisait la demande personnellement, votre gouvernement serait ouvert à mettre sur pied une telle enquête publique?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Non, le gouvernement n'a pas l'intention de tenir une enquête publique.

L'honorable Marcel Prud'homme: Je présume que si M. Arar a besoin de l'appui du gouvernement canadien pour intenter une action en justice contre les autorités américaines qui ont procédé à son arrestation — après tout il a été arrêté non pas au Canada, mais aux États-Unis —, il l'obtiendra. Que s'est-il passé aux États-Unis à son retour de la Tunisie? Que s'est-il passé en Jordanie, où le transfert a pris 12 jours? Quiconque a visité cette région sait que cela peut prendre trois heures, mais je serai généreux. Dix heures de voiture sont plus que suffisantes, mais il a été retenu 12 jours en Jordanie et près d'un an en Syrie.

Le gouvernement ne souhaite peut-être pas la tenue d'une enquête au Canada, mais serait-il prêt à aider un citoyen canadien à prendre les mesures nécessaires dans les trois pays mentionnés, en commençant par les États-Unis?

Le sénateur Carstairs: Comme le sait l'honorable sénateur, le gouvernement a déjà protesté auprès des États-Unis au sujet de la déportation de M. Arar en Syrie — via la Jordanie, selon les renseignements dont semble disposer le sénateur — et il a dit clairement aux Américains qu'il jugeait cela tout à fait déplacé dans le cas d'un citoyen canadien. Un Canadien voyageant avec un passeport canadien, s'il doit être déporté, devrait l'être vers le Canada.

Je peux assurer à l'honorable sénateur que si M. Arar a besoin d'aide afin de plaider sa cause dans des pays étrangers, le gouvernement est disposé à la lui fournir.

[Français]

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer en cette Chambre trois réponses différées à des questions orales: une réponse différée à une question du sénateur Andreychuk, posée le 24 septembre 2003, concernant le respect du Règlement concernant l'attribution de contrats à fournisseur exclusif; une réponse différée à la question du sénateur LeBreton, posée le 17 septembre 2003, concernant les services d'Aline Dirks et de Paul Cochrane; et une réponse différée à une question orale du sénateur Lawson, posée le 7 octobre 2003, concernant l'assurance-emploi et l'admissibilité des agents de bord.

L'AGENCE CANADIENNE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

LE RESPECT DU RÈGLEMENT CONCERNANT L'ATTRIBUTION DE CONTRATS À FOURNISSEUR EXCLUSIF

(Réponse à la question posée le 24 septembre 2003 par l'honorable A. Raynell Andreychuk)

L'ACDI a mis en place un processus de suivi efficace pour assurer le respect de la réglementation en matière de marchés publics et des pouvoirs délégués. Ce processus comprend un suivi continu, des vérifications et des évaluations.

Pour s'assurer de la conformité et connaître les progrès réalisés, l'ACDI, dans le cadre de son processus d'amélioration continu, a réalisé une vérification de suivi des rapports 1999 et 2000 du Bureau du vérificateur général sur les marchés à fournisseur unique. Dans un esprit d'ouverture et de transparence, l'ACDI a rendu publiques les conclusions de cette vérification en décembre 2002.

Le rapport de vérification interne de l'ACDI, publié en décembre 2002, souligne que l'ACDI a fait des progrès considérables au regard des problèmes systémiques soulevés par le vérificateur général. Par exemple, un programme de formation en gestion des marchés à l'intention des gestionnaires et des agents de contrats a été lancé en octobre 2002 et se poursuit. Dans le cadre du programme de formation de l'Agence, les conclusions de la vérification sont utilisées pour expliquer avec des exemples concrets l'importance d'avoir un plan de marché, les situations qui justifient le recours à un marché à fournisseur unique, la façon de justifier le recours à ce type de marché et ce qu'il faut faire pour avoir un dossier complet.

L'ACDI continuera d'évaluer régulièrement les progrès réalisés au regard de la passation de marché à fournisseur unique et de la conformité à la réglementation en matière de marchés publics et produira des rapports à cet égard.

LA SANTÉ

LA DÉMISSION D'UN ANCIEN SOUS-MINISTRE ADJOINT À LA SUITE D'ACCUSATIONS DE FRAUDE ET D'ABUS DE CONFIANCE

(Réponse à la question posée le 17 septembre 2003 par l'honorable Marjory LeBreton)

En décembre 2002, la Direction générale des ressources humaines de TPSGC a conclu une entente contractuelle avec CMS dans le but d'aider Conseils et Vérification Canada (CVC) à remplir ses exigences en matière de ressources humaines. CMS a affecté Mme Dirks à cette tâche. Ses services ont été retenus au moyen d'une commande subséquente à une offre à commandes existante passée à l'entreprise CMS. De décembre 2002 à juin 2003, le coût total des services de Mme Dirks s'élève 74 385,06 $, réparti ainsi:

Décembre 2002 - Mars 2003   349 153,12 $
Avril 2003 - Juin 2003     25 231,94 $
Total   74 385,06 $

Lorsque Mme Aline Dirks a pris deux semaines de vacances en mars 2003, l'entreprise CMS a recommandé les services de M. Paul Cochrane. Conseils et Vérification Canada ont eu recours aux services de M. Cochrane par le biais d'une commande subséquente à l'offre à commandes passée à l'entreprise CMS. En raison de la charge de travail élevée dans le secteur des ressources humaines, il a été décidé de retenir ses services pour rédiger des descriptions de travail ainsi que l'accord de niveau de service entre CVC et la Direction générale des ressources humaines. Le coût total des services de M. Cochrane s'élève à 23 834,26 $, soit:

Mars 2003 - Juin 2003  

23 834,26 $

LE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

L'ASSURANCE-EMPLOI—L'ADMISSIBILITÉ DES AGENTS DE BORD

(Réponse à la question posée le 7 octobre 2003 par l'honorable Edward M. Lawson)

Une nouvelle interprétation du nombre des heures d'emploi assurable des agents de bord est en vigueur depuis le 1er avril 2003. Cette modification, conjuguée à des événements récents dans le secteur du transport aérien, a eu des répercussions importantes sur la situation des agents de bord. Vous pouvez toutefois tenir pour certain que, conformément à la législation, les agents de bord, à l'instar de tous les Canadiens et Canadiennes qui exercent un emploi assurable, sont admissibles au bénéfice des prestations de l'assurance-emploi auxquelles ils ont droit.

Voici une explication de la situation. En vertu du paragraphe 11(1) du Règlement sur l'assurance-emploi, un employé à temps plein, dont le nombre maximal des heures de travail hebdomadaire est restreint par des lois fédérales ou provinciales ou leurs règlements d'application à moins de 35 heures, est réputé exercer un emploi assurable pendant 35 heures par semaine.

Un employé de Royal Aviation avait demandé qu'une décision soit rendue sur la question de l'assurabilité de son emploi. De concert avec Transport Canada, l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) a déterminé que seuls les membres de l'équipage de conduite sont assujettis à des restrictions et, contrairement à ce que Développement des ressources humaines (DRHC) et l'ADRC croyaient auparavant, seuls le pilote et les navigateurs sont considérés comme faisant partie de l'équipage de conduite.

Aucune disposition législative fédérale ou provinciale ne porte sur le nombre maximal des heures de vol durant lesquelles il est permis aux agents de bord de travailler. Par conséquent, seules les heures qu'ils ont réellement travaillées et pour lesquelles ils ont reçu une rémunération, peuvent être considérées comme des heures d'emploi assurable.

Tant que Transports Canada ne mettra pas en application des dispositions législatives fédérales à cet égard, DRHC n'aura d'autre choix que de prendre en considération le nombre des heures réelles de travail rémunérées comme cela est fait à l'endroit de la plupart des travailleurs canadiens.

En mars 2003, nous avons averti le secteur du transport aérien que les relevés d'emploi remplis le 1er avril et par la suite devaient refléter les dispositions du contrat de service normal; c'est-à-dire que seules les heures qu'auront travaillées les agents de bord et que l'employeur aura rémunérées seront considérées par l'assurance-emploi.

Environ au même moment, Air Canada a annoncé d'importantes mises à pied. DRHC a reconnu que les modifications au système de relevés d'emploi de cette entreprise limiteraient la capacité de celle-ci à émettre rapidement des relevés d'emploi à ses employés. Nous avons donc établi, en collaboration avec le Service de la paie de Air Canada, des procédures intérimaires. D'une part, Air Canada a pu se servir de son système actuel pour émettre rapidement des relevés d'emploi démontrant 35 heures d'emploi assurable par semaine, lequel nombre a été réduit manuellement jusqu'au moment où les relevés d'emploi comptabilisant le bon nombre d'heures d'emploi assurable puissent être émis. Cette mesure temporaire a permis d'émettre rapidement les paiements de prestations aux agents de bord.

Au même moment et à la demande de Air Canada, l'ADRC a examiné la convention collective entre cette entreprise et ses agents de bord, puis a émis une opinion sur le nombre des heures d'emploi assurable dont il faudrait tenir compte. À l'heure actuelle, le nombre maximal des heures assurables comprend les heures du temps de service au sol en plus de celles de la période de service de vol, car ces heures sont rémunérées. Air Canada s'est servi de cette opinion pour apporter les modifications pertinentes à son système de relevés d'emploi.

Air Canada a remis les relevés d'emploi modifiés et finaux à ses agents de bord à la fin septembre 2003, en fonction des heures réelles que les agents de bord avaient travaillées et qui avaient été rémunérées. La majorité des demandes de prestations d'assurance-emploi ont été recalculées.


ORDRE DU JOUR

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, à l'ordre du jour, sous la rubrique des motions, j'aimerais que l'on appelle l'article no 1, pour poursuivre avec l'article no 2, sous «projets de loi», et ensuite reprendre l'ordre suggéré au Feuilleton.

(1450)

PROJET DE LOI SUR LE RÈGLEMENT DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

ADOPTION DE LA MOTION D'ATTRIBUTION DE TEMPS

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis du 9 octobre 2003, propose:

Que, conformément à l'article 39 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations ne soient attribuées à l'étude à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-6, Loi constituant le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des Premières nations en vue de permettre le dépôt, la négociation et le règlement des revendications particulières, et modifiant certaines lois en conséquence;

Que, lorsque les délibérations seront terminées ou que le temps prévu pour le débat sera écoulé, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours au Sénat et mette aux voix immédiatement et successivement toute question nécessaire pour disposer de l'étape de la troisième lecture dudit projet de loi; et

Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit pris conformément au paragraphe 39(4) du Règlement.

— Honorables sénateurs, le projet de loi qui fait actuellement l'objet de cette motion d'attribution de temps est devant nous depuis le 19 mars 2003. La deuxième lecture a débuté le 25 mars, et pendant cinq jours de séance, six sénateurs ont pris la parole au cours de ce débat.

Le projet de loi C-6 a ensuite été renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, le 2 avril 2003. Le comité a étudié ce projet de loi pendant 20 heures et demie et a entendu 47 témoins. Le comité a ensuite fait rapport le 12 juin 2003, avec cinq amendements au projet de loi.

C'est alors que l'honorable sénateur Chalifoux a proposé l'adoption du rapport. Le rapport a été adopté le 19 juin 2003.

Le débat à l'étape de la troisième lecture a débuté et s'est poursuivi jusqu'au mois de septembre. Le 25 septembre 2003, avec la permission du Sénat, le projet de loi C-6 a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones pour une étude plus poussée. Le comité a fait rapport le 7 octobre 2003. Durant cet intervalle, le comité avait entendu sept témoins.

Le débat s'est ensuite poursuivi à l'étape de la troisième lecture; sur dix jours de séance, il y a eu sept jours de débat sur ce projet de loi. À ce jour, honorables sénateurs, 26 sénateurs ont participé au débat sur ce projet de loi. C'est aujourd'hui le dixième jour de débat tendant à la troisième lecture.

Il y a deux semaines, j'ai donné avis que j'allais proposer la motion qui est présentement devant nous, soit celle qui a pour effet d'allouer six heures additionnelles de débat en troisième lecture de ce projet de loi et sur toutes les autres motions qui s'y rattachent.

Honorables sénateurs, je crois que nous avons fait en sorte que les sénateurs qui voulaient s'exprimer ont pu le faire puisque le projet de loi C-6 a fait l'objet d'une étude approfondie en comité et a fait l'objet d'amendements adoptés ici en Chambre. Le projet de loi a également fait l'objet d'un deuxième renvoi en comité et il est revenu devant nous.

Je crois donc qu'il serait temps que le Sénat en arrive à la fin de la troisième lecture afin que ce projet de loi retourne à la Chambre des communes. Comme je l'ai déjà dit, il s'agit d'un projet de loi amendé qui doit retourner à l'autre endroit pour considération.

À mon avis, les honorables sénateurs ont eu amplement de temps pour s'exprimer, et, avec l'adoption de cette motion que j'invite les honorables sénateurs à appuyer, il y aura six heures additionnelles de débat.

[Traduction]

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, je veux demander au leader adjoint du gouvernement s'il est d'accord pour dire que, en imposant l'attribution de temps, il se trouvera en fait à confirmer qu'on ne devrait tenir aucun compte de la lettre écrite par le chef national, nouvellement élu, de l'Assemblée des Premières Nations, dans laquelle il critique sévèrement ce projet de loi, et que les opinions des principaux porte-parole des Autochtones concernant ce projet de loi, des gens reconnus par tous les gouvernements, ne valent même pas la peine d'être examinées.

Je trouve répréhensible que, encore une fois, nous ayons ici un projet de loi qui n'est assorti d'aucun délai et qui fait pourtant l'objet d'une attribution de temps. Bien sûr, le Parlement en est saisi depuis un certain temps, mais n'est-ce pas le cas de tous les projets de loi controversés? Heureusement, on a proposé certains amendements qui l'amélioreront, mais il manque d'autres amendements clés. Le Parlement, qui, pour autant que nous sachions, siégera encore pendant deux mois et pourrait être rappelé en janvier, se fait dire soudainement qu'il est urgent d'adopter cette mesure législative.

La deuxième question est: pourquoi est-ce si urgent? Toutefois, la principale question est: comment le sénateur peut-il rejeter du revers de la main des objections valables et fondées du chef de l'Assemblée des Premières Nations?

[Français]

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je ne crois pas que cette motion visait à signifier l'intention de ne pas écouter les gens qui se sont exprimés. Au contraire, l'occasion a été donnée à toutes les personnes intéressées de faire valoir leur point, tant en comité qu'en cette Chambre.

D'un côté comme de l'autre, plusieurs sénateurs se sont exprimés sur cette question avec autant d'ardeur, qu'ils soient pour ou contre le projet de loi. Nous en sommes arrivés au point où il faut prendre une décision. Ceci ne met pas un terme au débat pour le moment puisqu'il y a une période de temps supplémentaire pour débattre ce projet de loi. Je suis certain que les sénateurs qui veulent profiter de cette attribution de temps le feront.

[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): L'honorable sénateur voit-il une différence entre une attribution de temps liée aux impératifs du calendrier et une attribution de temps imposée parce que le gouvernement juge que l'on a suffisamment débattu de la question?

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, une attribution de temps est une attribution de temps. Cela signifie qu'il nous reste tant de temps, à partir de maintenant, pour discuter de la question qui nous occupe.

(1500)

Je crois, comme tous les sénateurs de ce côté-ci, que l'on a accordé amplement de temps pour l'étude de ce projet de loi. Tous les intéressés ont eu la chance de se prononcer sur la question. Nous sommes saisis de ce projet de loi depuis de nombreux jours, et depuis tout ce temps personne n'a exprimé la moindre opinion sur le sujet. Il nous faut maintenant décider si ce projet de loi sera adopté ou non à l'étape de la troisième lecture. Nous sommes ici pour étudier des projets de loi et prendre des décisions. Nous devons maintenant nous prononcer et envoyer le projet de loi modifié à la Chambre des communes, aux fins d'étude.

Le sénateur Kinsella: L'honorable sénateur ne croit-il pas qu'avec encore huit semaines à la session d'automne, nous avons amplement le temps de débattre de ce projet de loi et le gouvernement a suffisamment le temps d'atteindre son objectif, si bien qu'il est inutile d'invoquer l'attribution de temps afin de gérer ou de limiter le temps consacré à ce projet de loi? Nous reste-t-il encore huit semaines ou le gouvernement nous cache-t-il des choses? Se pourrait-il que nous n'ayons plus huit semaines, mais seulement trois parce qu'il nous faudra ajourner nos travaux le 7 novembre? Le gouvernement pourrait-il nous éclairer à ce sujet?

Le sénateur Lynch-Staunton: Bravo!

[Français]

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, ce n'est pas la première fois qu'on entend des spéculations des gens d'en face, à savoir que nous ne serons pas ici après telle date. Nous allons suivre le calendrier. Je crois sincèrement que nous avons eu le temps de nous exprimer et proposer des amendements, entre autres lors de l'étude en comité à deux reprises. Le projet de loi nous est revenu. Il faut, à un moment donné, en arriver à une décision. Je crois que le temps est tout simplement arrivé, peu importe ce qui se passera dans l'avenir.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette, mais les 10 minutes du sénateur Robichaud sont écoulées.

Le sénateur Nolin: Trente minutes sont allouées.

Son Honneur le Président: Le sénateur Nolin a maintenant la parole.

Le sénateur Kinsella: Le leader a droit à trente minutes!

Le sénateur Nolin: Lisez le Règlement!

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, de toute évidence, les sénateurs veulent poser des questions au leader adjoint. Je suis certaine que, si le leader adjoint demande une prolongation, nous serons heureux de la lui accorder.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: On pourrait demander une prolongation du débat?

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je n'ai pas l'intention de demander le consentement pour continuer; je préférerais entendre les autres sénateurs qui ont quelque chose à dire sur cette motion.

[Traduction]

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais nous voulons vous demander pourquoi. C'est honteux!

Le sénateur Kinsella: Le Président pourrait peut-être éclaircir ce point. À ma connaissance, selon l'alinéa 40(2)b), chaque leader a 30 minutes à sa disposition.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Kinsella, vous avez raison. La disposition à laquelle nous sommes actuellement assujettis ne respecte pas la norme pour ce qui est du temps de débat. Nous devons actuellement nous conformer à l'article 40. Je vais lire l'alinéa 40(2)b), qui en traite, je l'espère:

b) le leader du gouvernement au Sénat et le leader de l'opposition peuvent tous deux parler pendant au plus trente minutes; chaque leader d'un autre parti reconnu au Sénat peut parler pendant au plus quinze minutes;

c) sauf dans les cas prévus à l'alinéa b) ci-dessus, aucun sénateur ne peut parler plus de dix minutes...

Il y a d'autres dispositions du règlement qui mentionnent le leader du gouvernement et le leader de l'opposition où on a ajouté les titres des leaders adjoints, mais ce n'est pas le cas ici. Je dois donc conclure que la période de 30 minutes ne s'applique qu'aux titulaires des postes précisés dans l'alinéa. Par conséquent, le sénateur Robichaud ne disposait que de 10 minutes.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est malin! Très habile.

Le sénateur Cools: Votre Honneur, cela nous amène à une autre question, puisque, de toute évidence, la question de l'attribution de temps à l'égard de ce projet de loi est très importante. Il me semble que les leaders auraient pu demander aux sénateurs lequel ils souhaitaient entendre parler de cette motion particulière. Il me semble que les sénateurs ont de nombreuses questions importantes à poser et que le gouvernement a le devoir de répondre à ces questions.

Si le sénateur Robichaud ne veut pas continuer de répondre à ces questions, madame le sénateur Carstairs serait peut-être heureuse de prendre sa place et elle pourrait ainsi se prévaloir de 15 minutes supplémentaires.

Il me semble, honorables sénateurs, qu'il s'agit là d'une question importante et qu'un échange s'impose entre le gouvernement et entre les leaders du gouvernement et les sénateurs.

Le sénateur Carstairs: Le vote!

[Français]

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, plutôt que de vous poser la question, je vais faire un petit discours.

Le sénateur Robichaud: Un petit sermon?

Le sénateur Nolin: L'honorable sénateur vient de nous dire qu'il avait, avec beaucoup de magnanimité, laissé s'exprimer tous ceux qui voulaient s'exprimer, tant les honorables sénateurs que le public. Il souligne aussi qu'à deux reprises, le comité s'était réuni pour entendre des témoins. Lorsque l'honorable sénateur informe le Sénat de cette magnanimité, est-ce qu'il a en tête le fait que, lorsque le comité s'est réuni pour la deuxième étude, on a mis fin abruptement à ces réunions et qu'on n'a pas pu entendre tous les témoins qui devaient être entendus?

Je trouve particulier que le gouvernement ne daigne pas — pour reprendre les paroles du leader de l'opposition — accorder toute l'importance qu'il devrait à une communication du nouveau président d'un organisme canadien qui représente les Premières nations. Il se réfugie derrière le fait qu'il a laissé la possibilité à tous ceux qui voulaient se faire entendre alors qu'il sait — s'il ne le sait pas, il devrait le savoir — qu'on n'a pas laissé à tous les témoins qui voulaient se faire entendre, lors de la deuxième étape de l'étude en comité, la possibilité de le faire.

Honorables sénateurs, on nous demande de voter sur une motion d'attribution de temps du débat en troisième lecture, alors qu'on n'a même pas pu entendre tous les témoins, ne serait-ce que celui qui a signé cette fameuse lettre dont on n'entend pas respecter la teneur en cette Chambre.

Honorables sénateurs, la réponse nous appartient; se pliera-t-on à cette volonté du gouvernement ou fera-t-on reconnaître les droits de certains Canadiens qui ne méritent que d'être entendus?

[Traduction]

Le sénateur Cools: Votre Honneur, j'ai quelques réserves en l'occurrence. Nous sommes peut-être saisis d'un rappel au Règlement, ou peut-être pas. Il me semble que cette Chambre et les sénateurs ont le droit de s'attendre à des réponses du gouvernement. Le gouvernement a proposé une motion d'attribution de temps. Il me semble que, conformément à toutes les règles et à tous les principes qui régissent notre système, le gouvernement devrait fournir des explications et des éclaircissements satisfaisants aux sénateurs.

Votre Honneur, nous pourrions peut-être poursuivre nos travaux en prenant en considération un rappel au Règlement. Je crois comprendre que le gouvernement ne peut tout simplement pas refuser d'expliquer sa conduite et que, de par la Constitution, les deux Chambres du Parlement sont tenues de veiller à ce que le gouvernement fournisse des réponses concernant toutes les questions d'intérêt public et toutes les questions ou décisions relevant de l'État.

(1510)

Je n'ai jamais vu rien de tel: le gouvernement se fie au Président du Sénat pour lire une décision qui revient à dire que tout semble indiquer que le leader du gouvernement n'a pas à se prononcer sur cette importante question et que le leader adjoint est intervenu et de plus, seulement pour dix minutes.

Il y a vraiment quelque chose de répréhensible dans le cas présent, Votre Honneur. Je ne sais pas à qui m'adresser. C'est peut-être toute l'idée en l'occurrence — nous sommes peut-être censés ne parler qu'à nous-mêmes. Si c'est la façon dont les choses sont censées se passer, je suis persuadée que beaucoup ici pourraient le faire pour nous.

Cependant, même si je n'ai pas encore l'habitude de me parler à moi-même, notre Chambre, si c'est une Chambre honorable, devrait trouver une façon plus noble de procéder. C'est une question importante. Pour ma part, je ne suis pas heureuse d'être écartée ainsi par le gouvernement.

Lorsque le gouvernement propose une motion de clôture, il doit au moins essayer de persuader les sénateurs de voter en faveur de cette motion. En tant que sénateur libéral siégeant sur les banquettes de ceux qui appuient le gouvernement, je m'attendrais à ce que les sénateurs de mon côté essaient au moins de me persuader, d'user de la raison, de l'intelligence et des principes pour guider le débat plutôt que de décider par un tour de passe-passe qu'ils veulent cette clôture, un point c'est tout. Ce n'est pas la façon dont le Parlement fonctionne.

Si Son Honneur le voulait, je pourrais peut-être invoquer le Règlement à ce sujet.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, c'est probablement la raison pour laquelle le sénateur Cools est intervenue. Il faut comprendre qu'elle ne parlait pas de la motion. De plus, comme le sénateur Robichaud n'a pas permis qu'on ait plus de temps à ce sujet, l'intervention de l'honorable sénateur ne pouvait être une question qui lui était adressée.

D'autres sénateurs voudraient-ils parler du recours au Règlement du sénateur Cools?

Le sénateur Cools: Étant donné que nous ne pouvons parler au gouvernement ici, d'après ce que je peux voir, nous devons alors nous adresser à Son Honneur. Étant donné que c'est votre décision qui compte, semble-t-il, ce devrait être encore le cas peut-être cette fois-ci.

Son Honneur doit admettre qu'il est très inhabituel de la part d'un gouvernement de refuser de répondre lorsqu'il s'agit de questions d'une telle importance. Si le gouvernement a des motifs valables, il devrait alors les exposer aux honorables sénateurs. Nous nous ferons un plaisir d'en évaluer la pertinence.

Nous semblons oublier qu'on demande au Sénat de se prononcer sur la question de la clôture elle-même. Le gouvernement demande aux sénateurs de l'appuyer en votant en faveur de la clôture. En d'autres termes, nous devons déclarer que la clôture est souhaitable, qu'elle est voulue et que c'est une façon appropriée de procéder. J'estime que les leaders du gouvernement ont le devoir d'intervenir et de nous exposer les motifs valables pour lesquels ils optent pour cette formule.

Nous ne vivons pas au Moyen Âge. Nous ne sommes pas dans une assemblée médiévale où le leader intervient pour déclarer que c'est comme cela que le gouvernement veut que cela se passe, un point c'est tout. Les leaders du gouvernement ont le devoir de se lever, de nous répondre et de nous aider à comprendre pourquoi cette motion particulière a été présentée alors qu'il n'y a pas d'urgence en vue. À mon avis, il ne semble pas y avoir de motif justifiant la présentation de cette motion, mais à part le fait que c'est un acte d'absolutisme.

Le sénateur Kinsella: Bravo!

Son Honneur le Président: Le sénateur Cools m'a demandé, en qualité de Président, d'indiquer s'il y a un moyen d'obliger un sénateur, en l'occurrence le leader ou le leader adjoint, à prendre la parole. Je ne connais aucune règle, disposition, coutume ou pratique qui permette de prendre une telle mesure, même si le Sénat adopte une motion à cet égard.

[Français]

L'honorable Aurélien Gill: Honorables sénateurs, 20 heures de débat en cette Chambre semblent tenir de l'exploit. C'est pourtant bien peu en comparaison de la patience des citoyens des Premières nations. Je sais que des sénateurs sont prêts à en discuter davantage. Je sais aussi que le système exige que nous procédions au vote. Cependant, n'est-ce pas un des objectifs de cette Chambre que de défendre les droits des minorités? Tenir des débats non partisans n'en est-il pas un également?

Pour une fois, il y a consensus au sein des Premières nations. Les membres du comité ont entendu la majorité des témoins dire qu'ils ne voulaient pas de ce projet de loi, et, au pire, que nous devions y apporter des amendements majeurs. Pour une fois! Qu'attendons- nous? La terre va continuer de tourner quand même. Demain, nous serons encore vivants et sénateurs. Pourquoi nous obstiner à défendre un système alors que nous savons que les besoins sont autres! Règle générale, chaque fois que des tribunaux se sont penchés sérieusement sur la question autochtone, ils sont toujours arrivés à des jugements justes et favorables pour les Premières nations, parce que les juges avaient pris le temps d'évaluer la situation. Je comprends qu'ici, au Sénat, on a plus d'expérience que les autres. Peut-être avons-nous plus de droits que les autres, mais ici, nous réglons les choses plus vite.

J'ai toujours eu beaucoup de respect pour cette Chambre et les membres qui la composent, mais de grâce, pour une fois, mettons notre pied à terre et prenons la décision d'aller dans le sens des Premières nations. Quatre cents ans d'histoire constituent également un exploit pour les Premières nations. Ne serait-il pas temps de les écouter pour une fois et courir le risque d'avoir raison? Et si les problèmes cessaient de proliférer comme ils le font présentement? Et si les suicides diminuaient? Faisons confiance au processus. Il n'est pas trop tard et il ne sera jamais trop tard.

J'ai parfois l'impression que nous voulons leur faire porter l'odieux de la longueur de ce débat. Ce jeu, je l'espère, ne marchera pas. C'est ce que nous avons toujours fait jusqu'à maintenant. Les débats sur la situation des Autochtones prennent toujours trop de temps. Honorables sénateurs, j'espère que cette fois ce sera différent.

[Traduction]

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, j'aimerais à mon tour dire quelques mots sur cette motion de clôture.

Honorables sénateurs, je ne comprends pas l'urgence de mettre un terme à ce débat à ce moment-ci. Je crois que nous sommes tous des gens raisonnables. Je ne suis d'ailleurs pas ici pour juger des motifs personnels qui pourraient pousser les sénateurs à prendre une telle mesure. Toutefois, nous devons parfois nous pencher sur certaines questions qui sont assez délicates pour les gens qui sont visés.

(1520)

Nous avons entendu des témoins de partout au Canada nous dire très clairement pourquoi ils considéraient que le projet de loi C-6 ne pouvait être appliqué. J'ai prononcé un discours à ce sujet il y a un certain temps. Je sympathise avec nos dirigeants et je reconnais qu'ils traitent de ce projet de loi depuis un certain temps déjà, mais je crois que ce dossier mérite un tel traitement.

Nous ne sommes pas seulement des gens raisonnables, nous sommes également tous des gens sincères. Je crois que nous faisons notre travail avec beaucoup de sincérité. L'une de nos responsabilités consiste à représenter les gens qui ne sont pas toujours représentés équitablement, ceux qui sont sous-représentés, tels les Autochtones, par exemple.

Bon nombre de sénateurs ont traité avec les peuples autochtones à un moment ou à un autre. J'ai moi-même traité avec mon propre peuple. Je connais les conditions actuelles dans ces collectivités et je suis persuadé que bon nombre d'entre vous savent bien ce qui s'y passe.

Ce projet de loi nous donnera une réponse maintenant et une autre réponse demain, mais nous ignorons quand la première réponse ne sera plus acceptable. J'espère que les honorables sénateurs me comprennent bien. Le projet de loi traite du problème de façon fragmentaire. Il dit que telle solution sera satisfaisante pour l'instant, mais que nous y repenserons pour voir ce qu'il faudrait faire d'autre. Ce genre de démarche n'est plus acceptable.

Honorables sénateurs, il est très important que nous fassions notre travail correctement. C'est particulièrement difficile en ce moment, étant donné le vide en matière de leadership qui existe actuellement au Canada.

Je voudrais formuler une recommandation au sujet de ce problème. Je sais que nous en discutons depuis un bon moment, mais je crois qu'il faut poursuivre la discussion. Ce projet de loi ne disparaîtra pas complètement, même si le gouvernement actuel ne reste pas aux commandes. Nous pouvons y revenir sous un nouveau gouvernement, et j'espère que nous pourrons l'améliorer. Je soutiens toujours que les quatre amendements que nous avons proposés ne sont rien de plus qu'un arrangement administratif.

Comme nous l'avons dit sans cesse, ce projet de loi a des conséquences juridiques et constitutionnelles pour les Autochtones. Je n'ai pas assisté à la première audience du Comité des peuples autochtones. Je suis allé à la deuxième et à la dernière pour écouter ce que les participants avaient à dire. À la dernière séance, on a présenté une motion portant renvoi du projet de loi au Sénat sans propositions d'amendement. Ce que nous voulions — moi compris, puisque je fais partie de cette institution — c'était qu'il ne se passe rien, peu importe ce que les témoins nous avaient dit.

Un des témoins était Peter Hudson, avec lequel j'ai transigé dans le passé. C'est un avocat plaidant, un négociateur et un conseiller fort bien qualifié. Selon moi, on n'a pas prêté attention à ses propos. Il a souligné ce qui n'allait pas dans le projet de loi. Il a mentionné qu'il recelait un problème juridique. Il a même dit qu'il présentait des difficultés sur le plan constitutionnel. Toutefois, nous n'avons pas porté attention à ce qu'il a dit; nous n'avons pas mentionné que nous chercherions à corriger les problèmes. Il fut plutôt décidé de renvoyer le projet de loi au Sénat aux fins de la troisième lecture et de l'adoption, pour que l'on en finisse. Ce n'est pas correct. Selon moi, nous sommes loin de traiter ce dossier de la bonne façon.

J'aimerais suspendre le débat jusqu'à l'arrivée d'un nouveau gouvernement et à l'adoption d'une nouvelle démarche face à tout le dossier des questions régionales. J'espère que je me suis exprimé clairement.

L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, je ne prévoyais pas intervenir au sujet de cette motion aujourd'hui, mais j'estime que, dans l'intérêt du comité et du Sénat et compte tenu de notre Règlement, je dois intervenir.

Cette question fut soulevée la première fois en 1946 lorsque le gouvernement de l'époque, avec la participation du Sénat, a mentionné que les Premières nations avaient besoin d'une institution distincte chargée de régler les revendications particulières. La question a été abordée dans les années 60, 80 et 90. Par conséquent, il est inexact de prétendre que la question n'a pas été longuement discutée. Au contraire, elle fait depuis très longtemps l'objet de discussions.

Un choix s'offre à nous. Notre comité a fait preuve d'ouverture d'esprit dans ses travaux, comme il se doit. J'ai dit aux membres du comité, comme je le fais toujours, d'écouter le point de vue de tous et non seulement celui du gouvernement, et c'est ce que nous avons fait.

La fin de semaine dernière, j'ai revu plusieurs des exposés présentés au comité. La Confédération des Pieds-Noirs est un gouvernement des Premières nations depuis des centaines et des centaines d'années. C'est à n'en pas douter un gouvernement. L'Assemblée des Premières nations voulait exercer une maîtrise complète sur les nominations, mais le chef Shade a dit non. Il a dit que toutes les nations devraient participer aux nominations.

La Confédération des Pieds-Noirs est un gouvernement, et nous devons l'écouter. Elle n'était pas satisfaite du projet de loi, mais elle a dit qu'elle pourrait s'en accommoder si quelques modifications y étaient apportées, car c'est une oeuvre en devenir.

J'ai examiné l'exposé présenté par la nation des Tsuu T'ina du sud de l'Alberta. Son avocat-conseil, Ron Maurice, a dit que le projet de loi ne le satisfaisait pas mais que les Tsuu T'ina pouvaient l'accepter en tant que point de départ. Ils voulaient quelque chose comme une commission des droits de la personne, mais, selon lui, cela pourrait se concrétiser avec le temps.

Honorables sénateurs, nous avons un choix à faire aujourd'hui. Soit nous avançons d'un pas, soit nous nous satisfaisons du statu quo, ce qui signifierait qu'il faudrait attendre encore 30 ou 40 ans pour traiter les réclamations moins complexes.

C'est un projet de loi avec exercice d'option. Les Premières nations n'ont pas à participer à la mesure si elles ne le veulent pas. Elles peuvent choisir la commission ou le projet de loi et l'institution.

Honorables sénateurs, je sais que ce projet de loi n'est pas parfait. Je sais qu'il suscite nombre de préoccupations. Toutefois, il a fait l'objet d'amendements et d'observations. Plutôt que d'attendre trois ou cinq ans pour la tenue d'un examen, nous pouvons commencer le processus d'examen maintenant, de manière à ce que les groupes de pression et les gouvernements autochtones puissent amorcer un dialogue fructueux dans trois ans. Ce projet de loi est un début; il propose un cadre, un cadre pour une institution indépendante.

Hier soir, j'ai parlé du projet de loi à Joe Cardinal, un ancien très sage de Saddle Lake. Il m'a dit: «Thelma, je crois que le temps est venu. Nous devons commencer à mettre en place les institutions en vue de l'autonomie gouvernementale.»

(1530)

J'ai demandé à M. Cardinal de me parler de l'autonomie gouvernementale et il m'a dit que la confédération était un gouvernement et qu'il fallait traiter avec le gouvernement, mais que cela concernait les Pieds-Noirs. Les Cris aussi font l'objet d'un processus en constante évolution. Une fois cette institution créée, les Cris auront aussi une forme de gouvernement.

J'appuie cette motion sans réserve. La période entre 1946 et 2004 est très longue et il est temps d'aller de l'avant.

Le sénateur Cools: Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Chalifoux: Non.

Le sénateur Cools: Dans ce cas, c'est à la présidente du comité que j'aimerais adresser ma question.

Son Honneur le Président: Je veux être aussi libéral que possible dans ces affaires, honorables sénateurs. La règle que le sénateur évoque permet que l'on adresse des questions aux présidents des comités pendant la période des questions. La discussion porte maintenant sur la motion d'attribution de temps.

Le sénateur Cools: Votre Honneur, tout est parfaitement clair en ce qui concerne la motion à l'étude; il n'y a absolument aucun doute. Je crois savoir, cependant, qu'alors que certains sénateurs peuvent se permettre de refuser de répondre à des questions, les présidents de comité n'en ont pas le loisir. Je me suis levée et j'ai demandé à madame le sénateur si elle accepterait de répondre à une question à titre personnel. Je me suis ensuite levée et j'ai dit que je lui poserais la question en sa qualité de présidente du comité.

Je crois savoir qu'une fois qu'une personne a été élevée à la fonction de parlementaire par Sa Majesté, elle ne peut plus refuser de répondre à des questions.

Je crois que l'honorable sénateur qui vient de prendre la parole, le sénateur Chalifoux, parlait d'une question pressante, à l'appui de la motion de clôture du gouvernement, et que le sénateur est tenu de répondre à une question concernant l'étude du comité. C'est ce que je crois.

Son Honneur le Président: Au risque de me répéter, honorables sénateurs, il est vrai qu'il est permis de poser des questions à la présidence d'un comité ainsi qu'à des ministres pendant la période des questions. Toutefois, nous n'en sommes pas à la période des questions; comme nous le savons tous, nous débattons la clôture ou la motion d'attribution de temps proposée par le sénateur Robichaud, et appuyée par le sénateur Rompkey. Nous n'en sommes pas à la période des questions ou à quoi que ce soit qui s'en rapproche. Par conséquent, un sénateur ne peut être contraint de répondre à une question, ou même de prendre la parole.

Aussi, nous reprenons le débat.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je voudrais clarifier un malentendu. Je ne crois pas que moi-même ou quiconque au Sénat croyait que nous en étions à la période des questions. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de rappeler aux honorables sénateurs que nous ne sommes pas à la période des questions.

En fait, les sénateurs ont tenté, à tour de rôle, de faire valoir que nous tenons un débat sur une motion de clôture. Quels que soient nos efforts, nous ne parvenons apparemment pas à faire démarrer le débat, car les auteurs de la motion et ceux qui l'appuient refusent de répondre. Ils semblent avoir trouvé un certain appui auprès de Son Honneur.

Le sénateur Robichaud: À l'ordre!

Le sénateur Cools: C'est tout à fait réglementaire. Au Sénat, nous pouvons nous adresser à Son Honneur. Nous ne sommes pas à la Chambre des communes; nous sommes au Sénat.

Honorables sénateurs, je voudrais vous faire part, pour les fins du compte rendu et pour la postérité, d'un certain nombre de choses. Je voudrais tout d'abord vous expliquer comment je comprends la clôture et quel en est l'objet.

Quand la notion de clôture et la guillotine et les procédures de ce genre ont été inventées, c'était, d'après ce que je comprends, pour contrer les cas graves d'obstruction et surmonter les obstacles placés sur le chemin d'une mesure, en l'occurrence, d'un projet de loi.

Honorables sénateurs, afin de blanchir la réputation et l'honneur de deux honorables sénateurs, notamment le sénateur Gill et le sénateur Watt, j'aimerais dire que, en ma qualité de sénateur siégeant ici, je n'ai vu aucun signe d'obstruction, de mesure dilatoire ou de temporisation. Il faudrait vraiment faire preuve d'une imagination très fertile pour appeler obstruction ce qui s'est passé jusqu'à présent.

Honorables sénateurs, j'étais déjà membre de cette Chambre pendant le débat sur la TPS. Je comprends ce que c'est que de faire de l'obstruction systématique. Je sais combien de talent et d'ingéniosité cela demande. Je sais que Son Honneur, le sénateur Hays, était membre de cette Chambre pendant le débat sur la TPS et qu'il se remémore probablement les événements aussi clairement que moi.

Honorables sénateurs, je dois répéter une fois de plus que la motion proposée par le gouvernement est sans fondement et injuste. Elle est aussi inutile. D'après les propres réponses du leader aux questions qui lui ont été posées, il n'y a aucune urgence puisque le Parlement va probablement siéger pendant encore plusieurs semaines. Le temps n'est évidemment pas un problème.

Il y a deux points: premièrement, il n'y a aucune urgence — ces mesures parlementaires sont censées être utilisées en cas d'urgence — deuxièmement, il n'y a aucune obstruction. Honorables sénateurs, ces deux éléments essentiels à une motion de clôture sont inexistants.

Pour ce qui est de blanchir l'honneur de deux de nos remarquables sénateurs autochtones, le sénateur Gill et le sénateur Watt, j'aimerais dire que, contrairement aux sénateurs ministériels, j'ai entendu ces deux messieurs présenter des instances très sincères à cette Chambre, lui demandant d'écouter les préoccupations des Autochtones à ce sujet.

Je ne pense pas du tout que mon intervention soit déplacée. Quand le sénateur Gill a parlé de l'époque où il était chef — j'ignorais qu'il avait été chef; je ne pense pas être bien informée au sujet des questions autochtones —, je dois dire que j'ai été profondément touchée.

Il y a plusieurs jours, quand le sénateur Sibbeston, bien qu'il y ait un désaccord au sujet du projet de loi, a parlé des besoins réels des Autochtones, j'ai été là encore profondément touchée et préoccupée. Pour presque la première fois de l'histoire du Canada, nous avons maintenant dans cette Chambre des représentants véritables de ces communautés. Honorables sénateurs, il nous incombe d'accorder à ces sénateurs toute notre attention et de les écouter avec soin, pas seulement de les écouter au sens abstrait de ne pas les interrompre, mais de les écouter au sens où nous donnons une voix à leurs préoccupations.

(1540)

Honorables sénateurs, je ne vois pas la vie comme Autochtone, mais je crois que le sentiment d'isolement et le sentiment de ne pas être entendu sont profondément enracinés chez les Autochtones. Ces sénateurs ont accompli un travail splendide pour tenter d'obtenir une audience. Il est déplorable que tant de gens fassent la sourde oreille.

Il y a quelques jours, honorables sénateurs, une lettre adressée au sénateur Chalifoux et provenant de Phil Fontaine, chef national de l'Assemblée des Premières nations, a été annexée aux Débats du Sénat. Je voudrais citer quelques passages de cette lettre aujourd'hui. La lettre englobe la question que je voudrais poser au sénateur Chalifoux.

Dans un passage de sa lettre, le chef national Fontaine a déclaré:

Les amendements que le Sénat a proposés jusqu'à maintenant sont insatisfaisants. L'APN n'a jamais eu la possibilité de les commenter devant un comité sénatorial.

Honorables sénateurs, comme je l'ai dit précédemment, je n'ai pas participé considérablement à l'étude des questions de fond qui sont liées à ce projet de loi. Lorsqu'on entend un homme d'envergure comme le chef national Fontaine — il a de l'envergure; il est très posé —, on se doit d'éprouver un grand respect pour lui.

Le chef national Fontaine rejette les mêmes amendements qui, selon le sénateur Robichaud, sont excellents; pourtant, le sénateur Robichaud dit que nous devons immédiatement passer au vote sur une motion de clôture pour que la Chambre des communes puisse se prononcer sur ces amendements.

Il y a quelque chose qui va très mal, honorables sénateurs, car le chef national Phil Fontaine a également dit que l'APN n'avait jamais eu la possibilité de commenter ces amendements devant un comité sénatorial. Lorsqu'un chef de cette envergure s'adresse à nous ainsi, le comité devrait entendre ce qu'il a à dire. Il s'agissait peut-être d'un oubli ou d'un malentendu, mais je crois que cette honorable Chambre devrait veiller à ce que l'APN ait la possibilité de nous exposer son point de vue. Aurait-il été si pénible et si difficile pour la Chambre de se réunir en comité plénier pour écouter l'Assemblée des Premières Nations?

Je suis totalement renversée de voir que le Comité des peuples autochtones n'a pas honte de n'avoir pas donné à l'Assemblée des Premières Nations l'occasion de s'exprimer. Je ne comprends tout simplement pas. Tout ce que je peux dire, c'est que je ne suis pas membre de ce comité; si j'en avais été membre, je serais intervenue.

Je me souviens aussi que les sénateurs Gill et Watt ont essayé de régler une partie de ces problèmes en présentant des motions portant renvoi du projet de loi à un autre comité, le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui aurait pu regarder le projet de loi d'un autre oeil. Il aurait peut-être tiré des conclusions différentes de celles du Comité permanent des peuples autochtones. D'après ce que je sais du déroulement des travaux au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, je crois qu'il aurait au moins essayé de faire témoigner M. Fontaine afin de lui accorder l'audience qu'il mérite.

Honorables sénateurs, je veux que vous sachiez que nous siégeons ici jour après jour et que nous nous sentons astreints et poussés par les gouvernements à adopter des projets de loi déplorables, incomplets ou inadéquats. Je répète sans cesse que nous devons agir consciencieusement et avec pondération. Dans le présent cas, nous adoptons un projet de loi et nous proposons une motion qui fait outrage à l'indépendance du Parlement. Nous adoptons des mesures qui auront un impact sur des milliers et des millions de vies. Je crois que nous devrions accorder à ces questions le temps qu'elles méritent.

Son Honneur le Président: Sénateur Cools, je regrette, mais je dois vous aviser que les dix minutes qui vous étaient allouées sont écoulées.

Le sénateur Cools: Pourrais-je avoir quelques instants pour terminer mon intervention?

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: Non.

Le sénateur Cools: Je voulais seulement citer le chef Fontaine.

Son Honneur le Président: Je suis désolé, sénateur Cools, mais la permission ne peut être accordée qu'à l'unanimité et j'ai entendu plusieurs sénateurs dire non. Par conséquent, votre demande est rejetée.

Le sénateur Cools: Le chef national Fontaine lira sûrement le compte rendu.

Son Honneur le Président: Sénateur Chalifoux, vous avez déjà pris la parole.

Le sénateur Chalifoux: Votre Honneur, je voudrais commenter plusieurs questions soulevées par les honorables sénateurs.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le Règlement est clair: les sénateurs ne peuvent intervenir qu'une fois sur une motion. Le sénateur Chalifoux est déjà intervenue.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, permettez-moi de faire un bref rappel historique de notre évolution. En juin 1991, notre Règlement a été modifié dans le but de permettre l'attribution de temps. Auparavant, c'est-à-dire avant le débat sur la TPS, le Sénat avait ses propres règles internes qui étaient écrites mais qui restaient vagues. Chaque sénateur était respecté et respectait le Sénat. Après le débat sur la TPS, il a été jugé nécessaire de mettre fin à l'application excessive de nos règles vagues. De nouvelles dispositions du Règlement ont été rédigées sous la direction du sénateur Robertson — dispositions, soit dit en passant, qui n'ont pas été approuvées par nos amis libéraux. Les libéraux en ont même boycotté l'étude au Comité du Règlement. Le sénateur Olson, qui s'était présenté à une des séances du comité, a reçu l'ordre des dirigeants de son parti de ne plus assister aux séances de ce comité.

Voilà dans quelles circonstances ces dispositions de notre Règlement ont vu le jour. Nous en sommes venus à les considérer comme de très bonnes dispositions. D'ailleurs, les quelques modifications qui y ont été apportées depuis n'ont pas modifié l'objet même de ces règles, c'est-à-dire...

Son Honneur le Président: Je suis désolé, sénateur Lynch-Staunton, mais on me pose une question concernant votre intervention.

Le sénateur Lynch-Staunton aborde la motion.

Le sénateur Kinsella: Il a 30 minutes.

Le sénateur Maheu: Il a déjà parlé.

Son Honneur le Président: Je crois que le sénateur Lynch-Staunton a posé une question. Je vais demander aux greffiers d'éclaircir ce point.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si l'attitude des gens d'en face est que je ne peux pas parler parce qu'il faut respecter la date limite du 7 novembre, qu'ils le disent et qu'on mette fin à ce petit jeu. Je ne veux pas perdre mon temps ni celui du Sénat.

Honorables sénateurs, pourquoi madame le sénateur Maheu dit- elle que j'ai déjà parlé alors que ce n'est pas le cas et pourquoi demande-t-on à Son Honneur de quoi je parle lorsque je parle de la motion? Quelle est cette urgence soudaine? Nous sommes encore ici pour au moins huit semaines, n'est-ce pas?

Son Honneur le Président: Le sénateur Lynch-Staunton a la parole. Il n'a pas encore parlé. Il a 30 minutes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je veux simplement signaler que les règles qui ont été mises en place avaient pour but de faire régner l'ordre dans cette enceinte et de mettre fin à l'obstruction systématique constante et à l'utilisation excessive de règles vagues pour nuire à l'adoption de mesures législatives, lesquelles n'ont jamais été renversées une fois que les obstructionnistes ont eu le pouvoir de le faire. Je parle de la TPS, mais nous garderons ce débat pour un autre jour.

(1550)

Ce qui m'inquiète et ce qui devrait inquiéter tous les sénateurs, c'est que la motion d'aujourd'hui n'est absolument pas justifiée. Quelle est l'urgence? La seule explication que j'ai entendue est que ce projet de loi est assorti de certains amendements et que, par conséquent, il devra retourner à l'autre endroit pour y être débattu de nouveau. Je reconnais ce fait. Toutefois, ces amendements ne sont pas controversés. Ils sont pleinement appuyés par cette Chambre ainsi que par le gouvernement à l'autre endroit. Par conséquent, tout débat sur ces amendements ne sera que pour la forme. Il y aura peut-être des objections, mais la majorité à l'autre endroit a déjà décidé que ces amendements seront appuyés. Donc, que le projet de loi retourne à l'autre endroit demain ou la semaine prochaine ou même dans un mois, il sera adopté sans que des changements soient apportés à la version dont nous serons saisis au moment d'ajourner pour le congé de Noël.

Quelle est cette hâte? Il n'y a aucune hâte, si ce n'est que pour respecter la date limite du 7 novembre, ce qu'on n'a pas encore admis, afin de satisfaire aux objectifs d'une personne au nom de laquelle nous recevrons également un autre projet de loi nous demandant d'accélérer l'entrée en vigueur des nouvelles circonscriptions électorales, encore une fois pour servir les intérêts de cette même personne.

Nous constatons maintenant que le Parlement est non seulement l'instrument d'un parti, mais qu'il est aussi en train de devenir celui du nouveau chef de ce parti. Voulons-nous être complices de cela? Le Sénat sera-t-il au service de Paul Martin ou sera-t-il le wagon de queue du train de Paul Martin? Je refuse cela et je crois que la plupart des sénateurs respectent assez le rôle du Parlement pour ne pas tomber dans ce piège. Voilà ce que j'essaie d'expliquer.

Par conséquent, je pense que rien ne presse. D'après ce que j'en sais, les amendements ont l'appui de tous les sénateurs. Ils ne vont pas aussi loin que le souhaiteraient certains d'entre eux. Ils recevront l'appui du parti ministériel à l'autre endroit. Jusqu'à preuve du contraire, nous sommes ici jusqu'à quelques jours avant Noël, alors qu'est-ce qui se passe? Le sénateur Robichaud n'a pas répondu. Ce qu'il a dit en réalité, c'est qu'il en a par-dessus la tête de ce débat. Vous savez, nous avons eu 20 heures...

Le sénateur Robichaud: Je n'ai pas dit cela.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le comité a été saisi du projet de loi à deux occasions...

Le sénateur Carstairs: Le 29 mars 1993, un seul discours a été prononcé avant l'attribution de temps.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et alors? Et puis après?

Le sénateur Kinsella: Où voulez-vous en venir?

Le sénateur Carstairs: Il y a eu 26 discours en l'occurrence.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je vais laisser le sénateur Carstairs me répondre. Je vous remercie.

Laissez-moi aller au bout de mon idée. Quand, pour la dernière fois, a-t-on convoqué le Sénat à siéger à 14 heures un lundi après- midi aussi tôt avant l'ajournement de Noël? Eh bien, nous avons fait des recherches. C'était en octobre 1980. J'espère pouvoir vous dire demain ce qui justifiait cela. Nous poursuivons nos recherches. Il est tout à fait inhabituel et exceptionnel que le Sénat soit convoqué un lundi, si longtemps avant l'ajournement traditionnel de Noël et du Nouvel An.

En septembre 1988, le 12 septembre, le Sénat a été convoqué à 15 heures. C'était deux mois avant les élections. On se souvient du débat qui avait lieu à l'époque; c'était compréhensible.

Pourquoi sommes-nous donc ici en ce lundi? Pour quelles raisons la tenue de ce débat n'a pu attendre à demain? Pourquoi sommes- nous aussi peu nombreux que nous devrions l'être? Parce que nous n'avons pas été informés à temps. C'est la raison pour laquelle le sénateur Kinsella a demandé à madame le leader du gouvernement de nous aviser à l'avance lorsqu'elle souhaite que nous siégions les lundis et les vendredis, de sorte que nous puissions nous organiser en conséquence. C'est plus facile pour certains d'entre nous qui habitons près, mais le sénateur Carney, le sénateur Austin et d'autres qui habitent la côte ouest doivent écourter leur fin de semaine pour être ici le lundi. Ayez la bonté de les aviser à l'avance, ainsi que le sénateur Sparrow, le sénateur Christensen et le sénateur Sibbeston et tous les autres qui viennent de loin. Ils ont le droit de savoir. Ne dites pas que vous nous le ferez savoir quand bon vous semblera; que cela dépend de votre humeur. Je demande avec instance à madame le leader du gouvernement de traiter cette Chambre avec un peu plus de respect.

Je ne sais pas si cela a un lien avec la motion, honorables sénateurs, mais je tenais à le dire. Je crois avoir parlé au nom d'un bon nombre de sénateurs. À mon avis, la question principale est que nous n'avons pas besoin de cette motion, et j'invite tous les sénateurs à voter contre. Ne nous laissons pas mener par le bout du nez.

Son Honneur le Président: Avez-vous une question?

Le sénateur Cools: Est-ce que l'honorable sénateur a une question à poser, ou peut-être veut-il réserver le temps qu'il lui reste pour plus tard?

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, j'ai terminé, merci. Je vais écouter.

Le sénateur Cools: Est-ce que quelqu'un de l'opposition acceptera de répondre à une question? Je ne savais pas qu'il était si facile de se dérober aux questions.

Je m'intéresse à la lettre du chef Fontaine qui était annexée aux Débats du Sénat du 9 octobre 2003. J'avais auparavant essayé de poser une question au président du comité; je vais donc essayer de voir si le chef de l'opposition pourrait m'apporter quelques éclaircissements sur les raisons évoquées.

Dans sa lettre, le chef Fontaine déclare ce qui suit:

De graves problèmes juridiques et constitutionnels ont été relevés dans le projet de loi C-6. En effet, le projet de loi est non seulement malsain sur le plan de la politique, mais aussi incompatible avec les principes de la justice naturelle...

Le chef Fontaine poursuit en disant:

Je l'affirme respectueusement, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones n'a pas su cerner ces problèmes ni s'y attaquer de façon satisfaisante. Sur certaines questions, il semble subsister une incompréhension tout à fait fondamentale. La plus élémentaire justice exige qu'on dissipe cette incompréhension.

Le chef Fontaine indique dans sa lettre qu'il ne croit pas que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones traite de questions particulières et importantes.

Jusqu'ici, je ne réussis pas à poser de question au président du comité, ni au leader du gouvernement, ni au leader adjoint du gouvernement. J'ai donc pensé que, en sa qualité de leader de l'opposition, l'honorable sénateur pourrait m'aider dans ma détresse.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ce qui me semble important, c'est que le comité a reçu une lettre du porte-parole officiel de l'Assemblée des Premières Nations, lequel a des observations à présenter. Que je sois d'accord avec lui n'entre pas en ligne de compte. Ce qui compte, c'est que l'Assemblée des Premières Nations ait été, jusqu'ici, acceptée par le gouvernement en tant que porte-parole officiel. D'autres personnes ici présentes, qui savent mieux que moi comment les choses fonctionnent, me contrediront peut-être. Mais c'est ainsi que je l'entends.

D'anciens chefs ont exaspéré le gouvernement actuel ou d'autres gouvernements, tandis que d'autres chefs se sont montrés plus coopératifs. Mais il ne s'agit pas de cela. Ils ont tous été reconnus en tant que porte-parole.

Permettez-moi de lire la lettre. Il est vrai qu'elle a été déposée, mais cela ne suffit pas. Écoutez cette lettre, écoutez le porte-parole officiel de l'Assemblée des Premières Nations, dûment élu...

Le sénateur Watt: Le chef national.

Le sénateur Lynch-Staunton: Merci. Le chef national. La lettre a été adressée au Comité sénatorial des peuples autochtones le 2 octobre:

L'Assemblée des Premières Nations (APN) a été invitée à commenter les répercussions de la décision rendue dans l'affaire Powley sur le projet de loi C-6. Quelques observations s'imposent au préalable. Avant de commenter cette décision, il importe de tirer au clair le contexte des questions plus vastes qui entourent le projet de loi C-6.

Pendant plusieurs années, l'APN et des fonctionnaires fédéraux ont participé à un Groupe de travail mixte chargé d'étudier les exigences auxquelles devait répondre un organisme efficace de règlement des revendications particulières. Dans un esprit de partenariat sans précédent, le Groupe a produit un modèle de système sain et efficace.

(1600)

Si l'un ou l'autre d'entre vous veut contredire ce que je lis, n'hésitez pas à m'interrompre.

Ce travail aurait dû constituer un jalon dans l'élaboration coopérative de la politique.

Ce qui s'est plutôt passé, c'est que le gouvernement fédéral a rejeté le modèle proposé par le Groupe et a mis fin aux consultations. Il a proposé un projet de loi qui, loin de résoudre les problèmes du passé, les perpétue, notamment les retards et le conflit d'intérêts où se trouve le gouvernement fédéral.

L'APN a demandé de façon répétée la reprise de ses entretiens directs avec le Canada afin d'élaborer un projet de loi qui soit vraiment juste et efficace. Jusqu'à maintenant, elle n'a pas reçu de réponse favorable.

Il n'est pas trop tard. Malgré tout ce qui s'est passé, si le gouvernement fédéral veut renouer un dialogue constructif qui se déroule dans le respect et soit axé sur les résultats, il trouvera du côté de l'APN un partenaire bien disposé.

De graves problèmes juridiques et constitutionnels ont été relevés dans le projet de loi C-6. En effet, le projet de loi est non seulement malsain sur le plan de la politique, mais aussi incompatible avec les principes de la justice naturelle, notamment la nécessité qu'un organisme d'arbitrage jouisse d'une authentique indépendance. Un fiduciaire doit non seulement éviter les conflits d'intérêts, mais aussi tenir compte des manquements à ses obligations envers les Premières nations avec une diligence raisonnable et sans exclure arbitrairement des catégories entières de revendicateurs des Premières nations, par exemple ceux à qui on a promis unilatéralement des réserves qu'ils n'ont jamais obtenues. Je l'affirme respectueusement, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones n'a pas su cerner ces problèmes ni s'y attaquer de façon satisfaisante. Sur certaines questions, il semble subsister une incompréhension tout à fait fondamentale. La plus élémentaire justice exige qu'on dissipe cette incompréhension.

Une fois encore, j'invite mes collègues à m'interrompre si certaines de ces affirmations sont exagérées ou même seulement presque excessives. La lettre se poursuit en ces termes:

Il y a plus d'un an, l'APN a déposé publiquement une analyse juridique détaillée du projet de loi. Les préoccupations alors exprimées demeurent. Elles sont appuyées par une jurisprudence qui n'est pas moins importante que l'affaire Powley. Il serait regrettable que les Premières nations constatent que les tribunaux sont leur seul recours pour obtenir une réaction constructive à ces préoccupations. Le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles devrait avoir toute latitude pour étudier maintenant les problèmes soulevés et trouver les moyens de s'y attaquer de façon constructive. Si le ministère de la Justice a des réponses d'ordre juridique, il devrait les documenter et les rendre publiques pour que la population puisse les étudier et les commenter.

Les amendements que le Sénat a proposés jusqu'à maintenant sont insatisfaisants. L'APN n'a jamais eu la possibilité de les commenter devant un comité sénatorial.

Un amendement «permet» à ceux qui présentent des revendications particulières de faire des propositions au sujet de la nomination des commissaires, mais le ministre conserve le pouvoir de nomination.

Le texte législatif n'accorde aucun rôle à l'APN, qui est un organisme national auquel les Premières nations ont délégué le pouvoir de coordonner les propositions et de s'associer au gouvernement fédéral pour veiller à ce que seules des personnes compétentes et impartiales soient nommées.

L'amendement qui relève le plafond des revendications particulières de 3 millions de dollars (et fait ainsi passer le maximum à 10 millions de dollars) est un progrès, mais trop modeste. Pour la plupart des revendications, si on se fie à des prévisions indépendantes et dignes de foi, on ne pourrait pas s'adresser au Tribunal.

Un autre amendement porte sur un aspect extrêmement limité du problème de conflit d'intérêts. Le contrôle fédéral sur les nominations et leur renouvellement subsiste, tout comme subsiste pour les fonctionnaires fédéraux (mais non pour les membres des institutions des Premières nations) l'accès privilégié aux postes des nouveaux organismes.

Un autre amendement encore permet à celui qui comparaît devant la Commission de s'adresser au Tribunal pour obtenir une assignation. Ce mécanisme ne saurait remplacer le droit dont sont privés les revendicateurs, soit obtenir une enquête publique de la Commission sur une revendication, avec publication d'un rapport. Une minorité de revendicateurs pourra s'adresser au Tribunal, mais, pour les revendications qui dépassent le plafond, il n'y aura aucun moyen efficace d'exercer des pressions sur un gouvernement fédéral qui, déraisonnablement, tergiverse ou rejette une revendication.

Le gouvernement fédéral peut toujours rencontrer l'APN, rétablir l'esprit d'un bon partenariat et travailler avec l'Assemblée pour élaborer un projet de loi qui sera dans l'intérêt de tous les Canadiens. Si on agit rapidement pour régler les revendications, on favorisera le développement économique et social des Premières nations et des collectivités qui vivent près d'elles. On fera disparaître un obstacle qui empêche depuis longtemps la réconciliation et on aidera à réorienter les relations entre les Premières nations et les autorités fédérales, qui au lieu de chercher à réparer les erreurs du passé, tâcheront de bâtir l'avenir ensemble. Si le gouvernement préfère persister dans la voie de l'unilatéralisme et imposer un projet de loi fondamentalement injuste, les Premières nations n'auront d'autre choix que de recourir énergiquement aux solutions de nature judiciaire et politique.

L'APN a été invitée avec un très court préavis à commenter la décision Powley.

Il ne doit y avoir aucun doute au sujet de certains principes fondamentaux:

Tout d'abord, l'APN est en faveur d'une réponse raisonnable et juste aux justes revendications de tous les peuples autochtones, y compris les Inuits et les Métis.

Deuxièmement, l'APN reconnaît le pluralisme des Premières nations ainsi que des peuples désignés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. L'égalité n'exige pas que différents groupes soient traités de façon identique, et il arrive même qu'elle ne le permette pas. Leur histoire, leurs droits, leurs intérêts et leurs choix politiques propres doivent être pris en considération comme il convient.

Pour ce qui est des détails de l'affaire, il importe de reconnaître que la décision Powley n'est pas la seule décision rendue par la Cour suprême du Canada qui soit ici pertinente. Dans l'affaire Blais, la Cour suprême du Canada a décidé que les Métis n'étaient pas des «Indiens» au sens de la Loi constitutionnelle de 1930. Il semble que les motifs invoqués par la Cour s'appliqueraient assurément à la question de savoir si les Métis sont des Indiens aux fins du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Autrement dit, la Cour a reconnu que les Premières nations et les Métis ont, au moins sur quelques points importants, des histoires et un statut constitutionnels différents. Dans l'affaire Lovelace, la Cour suprême du Canada a reconnu que la situation juridique et sociale propre aux Premières nations voulait dire que le gouvernement pouvait concevoir des programmes en partenariat avec les Premières nations qui valent pour elles uniquement, et pas nécessairement pour les Métis. Il ne s'agit aucunement de nier que les Métis soient un peuple autochtone qui a des droits, et que les gouvernements (p. ex., la Loi sur le Manitoba, la législation albertaine sur les établissements métis) ont créé des programmes distincts pour tenir compte des droits des Métis.

Pour régler les revendications particulières, il est raisonnable et acceptable que le gouvernement fédéral et l'APN conçoivent, de façon particulière, et fassent fonctionner en collaboration un système réservé aux revendications des Premières nations. Depuis plus d'un siècle, la Loi sur les Indiens vise à accorder aux Premières nations un contrôle de plus en plus grand sur les terres et les actifs des Indiens. C'est de cette loi que découlent de nombreuses revendications particulières. La Loi sur les Indiens, comme la Cour suprême du Canada le signale dans l'affaire Blais, a établi une distinction claire entre les Indiens et les Métis.

L'APN reconnaît que les organisations métisses ont présenté des revendications fondées sur leur propre histoire et leurs propres droits constitutionnels. Elle se réjouirait du règlement juste et rapide de ces problèmes par les gouvernements provinciaux. Le gouvernement fédéral aurait peut-être même un rôle à jouer à cet égard.

Toutefois, étant donné la longue histoire de déni de justice que les Premières nations ont vécue dans le contexte des revendications particulières, on ne saurait leur demander d'attendre encore pendant qu'on procède à de nouvelles consultations. Pendant des décennies, les efforts du passé n'ont pu aboutir à un consensus, mais les discussions bilatérales entre l'APN et les fonctionnaires fédéraux ont donné le modèle du Groupe de travail mixte, et nous n'avons que trop attendu la mise en place d'un système juste fondé sur ce modèle.

L'un des aspects du projet de loi C-6 qui fait le plus problème est qu'il vise à écarter l'APN de son rôle — pleinement reconnu dans le Groupe de travail mixte et par lui — dans la coordination et l'expression de l'opinion des Premières nations sur les nominations et dans l'examen du nouveau système après une période de trois ans. Peu

d'organisations fonctionnent de façon aussi démocratique que l'APN. Le chef national doit détenir un mandat d'au moins 60 p. 100 des chefs qui représentent l'écrasante majorité des Premières nations. Aucune organisation ne convient mieux pour consulter les revendicateurs et ceux qui pourraient présenter des revendications et pour se faire leur interprète. Sa position sur le projet de loi C-6 est appuyée par les Premières nations aux niveaux régional et local dans l'ensemble du Canada. Il n'existe aucun clivage entre la base et les dirigeants. Les Premières nations de tout le Canada rejettent toute tentative du gouvernement fédéral pour empêcher l'APN de participer pleinement à la création ou au fonctionnement d'un système vraiment juste et efficace sous prétexte que le Canada a d'autres peuples autochtones en dehors des Premières nations. Le gouvernement fédéral devrait être disposé à s'engager dans des processus de politique distincts avec l'APN d'une part et, le moment venu, avec les représentants légitimes des Métis d'autre part.

Le gouvernement fédéral continue de sous-financer le règlement des revendications particulières. L'arriéré s'alourdit. Des dettes qui engagent l'honneur de la Couronne et concernent des obligations prévues par la loi n'ont toujours pas été réglées. Des collectivités continuent de souffrir. Il faut que les autorités fédérales dégagent plus de ressources pour honorer leurs obligations. L'APN n'accepte aucun modèle fédéral dans lequel les revendications des Métis s'ajouteraient à celles des revendicateurs existants, alors que les ressources prévues restent identiques, voire diminuent. Les revendications des Métis, non encore définies de façon satisfaisante, devraient être abordées à part, selon leur mérite, et les gouvernements fédéral et provinciaux doivent fournir le financement supplémentaire nécessaire à partir de leurs propres ressources plutôt qu'en niant les droits des Premières nations et en les dépouillant.

Soit dit en passant, on prendra note que l'affaire Powley portait sur une revendication particulière à un site. La revendication en cause ne relèverait pas du mandat de l'organisme chargé des revendications particulières prévues dans le modèle du Groupe de travail mixte ou dans le projet de loi C-6. Parce que le gouvernement fédéral a insisté, aucun des deux modèles ne permet la présentation de revendications fondées sur les droits ou les titres autochtones. On remarquera également que le gouvernement fédéral a insisté pour limiter la portée de l'expression «revendications particulières» (p. ex., en excluant les revendications qui ont moins de 15 ans) pour permettre une meilleure focalisation. Il existe sans nul doute des problèmes difficiles, complexes et distincts qui mettent en cause les Métis et qui pourraient et devraient faire l'objet d'un autre dialogue et d'un autre système.

Dans l'immédiat, l'APN espère qu'on reprendra le travail là où le Groupe de travail mixte l'a laissé et que la raison et le dialogue reprendront leurs droits, pour créer un mécanisme juste, efficace, indépendant et accessible afin de régler les revendications particulières.

Je vous prie de recevoir, madame le sénateur, messieurs et mesdames les membres du Comité sénatorial des peuples autochtones, l'expression de mes sentiments respectueux.

Le chef national,Phil Fontaine

(1610)

L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, bien entendu, nous savons gré au leader de l'opposition de son invitation à l'interrompre, mais il était difficile de l'accepter aux termes du Règlement du Sénat. C'est pourquoi je me suis abstenu de l'interrompre.

Toutefois, je tiens à dire aux honorables sénateurs, comme je l'ai fait à maintes reprises, que la lettre de Phil Fontaine a été présentée par l'avocat de l'APN, Bryan Schwartz, et étudiée, discutée et remise en question pendant les délibérations du comité. Tout cela, honorables sénateurs, se résume à quelques points très simples.

Premièrement, le projet de loi C-6 a été adopté par la Chambre des communes et, par conséquent, ce sont les souhaits de la Chambre des communes que nous examinons.

Deuxièmement, le projet de loi a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, qui a tenu des audiences pendant plusieurs semaines afin d'étudier les enjeux.

Troisièmement, à quatre reprises, j'ai fait valoir les mérites du projet de loi et j'ai souligné un certain nombre de ses avantages clés. Le projet de loi permet la tenue de négociations. De plus, comme le sénateur Chalifoux l'a précisé plus tôt aujourd'hui, les collectivités autochtones n'ont pas à adhérer au projet de loi.

Quatrièmement, le groupe de travail mixte a discuté pendant deux ans, de 1996 à 1998. Il a formulé des recommandations, quoique le gouvernement n'ait pas encore pu accepter bon nombre des recommandations d'un groupe de travail technique ni en tenir compte au cours de l'élaboration des politiques dans ce secteur. Même si j'encourage fortement les échanges entre les représentants de l'APN et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, c'est le gouvernement qui doit déterminer les mesures qui doivent être prises dans tous les dossiers et, en particulier, dans ceux que nous examinons actuellement.

Dans sa lettre, le chef national Fontaine énonce clairement que l'une des grandes priorités de l'APN — peut-être la deuxième en importance — est d'être reconnue par la loi, mais le gouvernement n'est pas prêt à acquiescer à cette demande. Le gouvernement ne veut pas créer le fondement législatif nécessaire à cette fin.

Le Sénat devrait songer sérieusement à la possibilité d'accorder à l'APN un statut parlementaire officiel, c'est-à-dire un statut reconnu par la loi. On devrait examiner cette idée pour ce qu'elle vaut avec la communauté autochtone dans son ensemble. Nous n'avons reçu aucune demande de statut reconnu par la loi de la part des principaux chefs au pays. Si ces derniers sont en faveur du statut juridique actuel dont jouit l'APN, cela ne veut pas dire qu'ils sont d'accord, en principe ou dans les faits, pour qu'on consacre ce statut par voie législative.

Le point le plus important à retenir est que ceux qui préconisent le report ou l'annulation de ce projet de loi sont mus par des desseins politiques. Après avoir entendu les témoignages sur la question, je ne crois pas que les revendications particulières faites aux termes des traités et des accords existants figurent au nombre de leurs principales préoccupations. Ils se servent de ce projet de loi pour essayer d'établir un ordre de souveraineté pour les Premières nations. Mais peut-être cela est-il souhaitable?

J'ai siégé au sein du comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes en 1980-1981. J'étais très fier à l'époque de la création de l'article 35 et je le suis encore aujourd'hui. Il reste à voir si, au cours de ma carrière parlementaire, les Canadiens seront prêts à accepter la création d'un troisième ou d'un quatrième ordre de gouvernement. Cette question ne devrait cependant pas figurer dans le projet de loi C-6.

De nombreuses questions importantes ayant trait aux relations avec les Autochtones ont été ajoutées à ce projet de loi par les sénateurs Gill, Watt et Adams et devront être abordées par le Parlement, espérons-le dans un proche avenir. Elles ne concernent pas le présent projet de loi.

Beaucoup voudraient aborder des questions n'ayant rien à voir avec un simple projet de loi visant à créer un tribunal indépendant pour régler les revendications particulières. Je veux que les honorables sénateurs le comprennent bien. Le mérite des divers arguments ne doit pas les plonger dans la confusion. Avec le projet de loi C-6, nous ne pouvons et ne cherchons pas à régler les difficultés qui assaillent les communautés autochtones du Canada. Ce projet de loi vise à régler un seul problème: celui des revendications particulières formulées en vertu des traités et des accords actuellement en vigueur. Nous visons à passer du régime par décrets du conseil, adopté en 1983, puis modifié et amélioré en 1991, comme je l'ai déjà dit, à une nouvelle procédure statutaire, de sorte que le tribunal puisse faire la preuve de son indépendance dans ses décisions. Voilà l'objectif visé par le projet de loi C-6. Celui-ci ne porte pas sur toutes ces autres questions, qui méritent d'être traitées par ailleurs.

Honorables sénateurs, le gouvernement a rayé du Feuilleton le projet de loi C-7, qui portait sur la gouvernance. Nombre des questions soulevées au Sénat devraient plutôt être abordées à l'occasion du débat sur ce projet de loi.

Je pourrais poursuivre, mais je crois avoir fourni aux honorables sénateurs les éléments fondamentaux les plus clairs possible pour qu'ils comprennent les arguments invoqués par le gouvernement aussi bien que par les autres intéressés.

[Français]

Le sénateur Gill: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question au sénateur Austin, s'il me le permet.

Honorable sénateur, vous avez semblé indiquer que l'Assemblée des Premières nations demande, selon votre interprétation, un statut législatif dans le cadre du projet de loi C-6. Je ne sais pas si c'était votre idée de le dire précisément de cette façon, «un statut législatif».

Je vous dirais qu'il y a une grosse différence entre un «statut législatif» — j'imagine que vous êtes au courant — et une «demande de consultation réelle». Vous avez admis vous-même dans cette assemblée, honorable sénateur, que même s'il y avait une consultation et qu'elle allait à l'encontre de ce projet de loi, vous n'étiez pas obligé de tenir compte de la consultation des Premières nations.

Ma question est la suivante: est-ce que la lettre du chef des Premières nations demande un statut législatif?

[Traduction]

Le sénateur Austin: Comme nous aimons le dire, honorables sénateurs, la lettre est explicite et elle est claire à ce sujet.

(1620)

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, la situation dans laquelle nous nous trouvons est claire. Des sénateurs qui ont une responsabilité particulière à l'égard des peuples autochtones du Canada ont pris la parole ici et ont demandé au Sénat de ne pas suivre la voie que nous sommes en train de suivre. Je demande donc au gouvernement de retirer sa motion d'attribution de temps.

À n'en pas douter, le gouvernement n'a pas besoin qu'on lui donne d'autres raisons lui indiquant pourquoi il devrait retirer cette motion d'attribution de temps. Le fait que nous sommes manifestement des sénateurs ayant des responsabilités particulières à l'égard des communautés minoritaires au Canada et le fait que deux de nos distingués collègues se sont exprimés sur la question avec tant d'éloquence et de raison font que je me demande pourquoi le gouvernement veut exercer ce pouvoir particulier. Cela revient à se munir d'une masse pour faire la chasse à un moustique.

Honorables sénateurs, le gouvernement demande, par cette motion, à ce qu'on fasse tomber la guillotine. Pourquoi le gouvernement estime-t-il qu'il lui faut utiliser un instrument aussi radical pour faire cesser le débat sur cette question?

Comme le sénateur Lynch-Staunton l'a indiqué clairement, le projet de loi dont nous sommes saisis en est à la troisième lecture; il comporte des amendements qui ont reçu l'appui du gouvernement, lequel jouit d'une grande majorité à l'autre endroit. Il n'y a pas à craindre que le projet de loi soit rejeté à l'autre endroit et il n'y a pas à craindre qu'il soit rejeté ici, compte tenu de la majorité et de la domination du caucus libéral au Sénat.

En réalité, nous avons beaucoup de temps. Nous avons jusqu'au 19 décembre pour trancher cette question, à moins que, comme on l'a dit plus tôt, le gouvernement ne prévoie ajourner le Parlement le 7 novembre parce qu'il ne veut pas revenir devant la Chambre des communes après l'élection d'un nouveau chef du Parti libéral, par crainte d'être confronté à un vote de censure, ce qui est probable. Il tomberait, j'en suis sûr, dans le cas d'un vote de censure après l'élection de M. Martin comme chef du Parti libéral. Honorables sénateurs, cela place le Parlement entre les mains du Parti libéral. Subitement, le Parti libéral est plus important même que le Parlement. Il est certainement plus important que les simples députés, parce que les simples députés ne comptent pas pour beaucoup.

Le sénateur Cools: C'est le cas également au Sénat!

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je sais que nous n'avons pas le pouvoir. Nous savons compter et nous n'avons pas le nombre de sénateurs voulus dans l'opposition. Notre Chambre est dominée par les sénateurs libéraux. Cependant, honorables sénateurs, nos sénateurs autochtones sont intervenus dans cette enceinte et ont présenté des arguments. Des sénateurs qui sont des Indiens ayant statut légal sont intervenus ici et ont présenté des arguments convaincants, rationnels et raisonnables montrant pourquoi ce projet de loi devrait être abordé de la manière qu'ils ont proposée. Il me semble que la majorité dans cette enceinte devrait écouter très attentivement ce qu'ils ont à dire.

Je crains, honorables sénateurs...

Le sénateur Chalifoux: Si je n'ai pas le statut légal, je suis victime de discrimination.

Le sénateur Kinsella: Je crains, honorables sénateurs, que le recours à cette guillotine, à l'attribution de temps, ne soit absolument pas justifié dans ces circonstances. Nous avons beaucoup de temps au programme parlementaire. Le gouvernement laisse-t-il entendre, parce qu'il a une date secrète à l'esprit, le 7 novembre, que même nos membres des Premières nations seront écartés du revers de la main parce qu'on veut s'empresser de protéger l'héritage? Quel héritage, honorables sénateurs que de s'en prendre aux plus faibles de notre société!

Honorables sénateurs, l'attribution de temps est tout à fait injustifiée en l'occurrence. La motion devrait être retirée. Cependant, permettez-moi de revenir sur le fond de notre débat, au-delà du processus.

Il y a six questions soulevées dans la lettre du chef Fontaine qui doivent être soulignées. La première c'est que ce projet de loi est une tentative pour changer le rôle des membres des Premières nations représentés par l'Assemblée des Premières Nations. On pourrait se demander pourquoi le gouvernement n'a pas poursuivi le processus proposé par l'APN. Le chef Fontaine laisse entendre que ce projet de loi, et je cite:

...loin de résoudre les problèmes du passé, les perpétue, notamment les retards et le conflit d'intérêts où se trouve le gouvernement fédéral.

Ensuite, le chef Fontaine affirme, et je cite:

De graves problèmes juridiques et constitutionnels ont été relevés dans le projet de loi C-6. Ce dernier est non seulement malsain sur le plan de la politique, mais aussi incompatible avec les principes de la justice naturelle...

Cela devrait suffire, honorables sénateurs, à justifier une réflexion sérieuse de la part de notre Chambre, et plus précisément de notre Chambre. Le chef Fontaine continue et précise un domaine de justice naturelle où ce projet de loi échoue, soit le fait que l'organisme d'arbitrage n'est pas vraiment indépendant, selon lui.

Le troisième point pour lequel il n'a pas eu de réponse parle des réserves promises, mais qui sont demeurées lettre morte. Avec tout le respect que mérite ce genre de questions, le chef Fontaine soutient que le comité sénatorial n'y a pas accordé l'importance qu'elles méritent et ne les a pas examinées.

Le quatrième point que soulève le chef Fontaine est de savoir pourquoi nous allons clore le débat alors qu'il reste tant de questions en suspens venant de l'Assemblée des Premières Nations. Cela demeure une question ouverte qui concerne les amendements adoptés au comité sénatorial. Le chef Fontaine estime qu'ils sont inadéquats.

Honorables sénateurs, écoutez bien ceci. Le chef Fontaine affirme que l'Assemblée des Premières Nations n'a jamais eu l'occasion de donner son point de vue sur les amendements devant un comité sénatorial. Je lis un extrait de sa lettre, pour que ce soit parfaitement clair. Voici ce que le chef Fontaine déclare dans sa lettre d'intérêt à la table, que le sénateur Lynch-Staunton a lue, aujourd'hui, aux fins du compte rendu:

Les amendements que le Sénat a proposés jusqu'à maintenant sont insatisfaisants. L'APN n'a jamais eu la possibilité de les commenter devant un comité sénatorial.

(1630)

Honorables sénateurs, le cinquième point est que le chef Fontaine, en l'occurrence le chef élu de l'Assemblée des Premières Nations, nous a dit que le gouvernement fédéral essayait unilatéralement d'imposer une mesure législative fondamentalement injuste. Le simple fait que le chef déclare par écrit que le projet de loi est injuste donne des frissons dans le dos.

Je conclus avec le sixième point. Le chef de l'Assemblée des Premières Nations soutient qu'un des aspects les plus problématiques du projet de loi C-6 vient du fait que c'est une façon de déposséder l'Assemblée des Premières Nations de son rôle.

Honorables sénateurs, je crois que le gouvernement, s'il était prudent, sachant qu'il y a suffisamment de temps, devrait retirer cette motion d'attribution de temps.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, j'ai cru que le sénateur Kinsella posait une question au sénateur Austin. Je voulais moi aussi lui poser une question.

Son Honneur le Président: J'étais sur le point d'intervenir pour signaler que le temps de parole du sénateur Kinsella est écoulé. J'ai pensé que vous alliez vouloir lui poser une question.

Le sénateur Cools: Lorsque le sénateur Kinsella parlait, je croyais qu'il allait poser une question au sénateur Austin, mais je suppose que le temps a fui.

Le sénateur Robichaud: À l'ordre!

Le sénateur Cools: Reste-t-il du temps au sénateur Kinsella pour qu'il puisse répondre à une question?

Son Honneur le Président: Je suis désolé, mais les dix minutes du sénateur Kinsella sont écoulées.

Le sénateur Carstairs: Le vote!

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Le sénateur Cools: Non, non.

Son Honneur le Président: Sénateur Cools, vous êtes intervenue.

Le sénateur Robichaud: À l'ordre!

Le sénateur Cools: J'invoque le Règlement. Nous avons entendu très clairement qu'il y a habituellement un fondement philosophique et moral pour justifier la présentation d'une motion de clôture.

Le sénateur Robichaud: À l'ordre!

Son Honneur le Président: Sénateur Cools, je me trouve dans la situation délicate où je dois peser les intérêts des sénateurs qui souhaitent intervenir et les intérêts de l'assemblée du Sénat qui souhaite respecter le Règlement et aller de l'avant afin d'accomplir l'une de ses plus importantes fonctions, soit se prononcer sur les motions. Les sénateurs qui veulent intervenir peuvent le faire. Sénateur Cools, vous êtes intervenue et vous n'avez plus la parole.

Que les sénateurs qui veulent intervenir se lèvent.

Le sénateur Cools: Votre Honneur, je ne vous demandais pas la permission d'intervenir de nouveau.

Je respecte le Règlement, honorables sénateurs. C'est le gouvernement qui est dans l'erreur. C'est le gouvernement qui s'attend à ce que les sénateurs se prononcent sans que les explications et les justifications appropriées leur aient été fournies. Je respecte le Règlement.

Oui, Votre Honneur, vous avez un rôle à jouer dans la détermination du tour de parole, mais cela ne veut pas dire que vous pouvez refuser unilatéralement la parole aux sénateurs qui tentent d'invoquer le Règlement. Le fait est qu'il y a eu rappel au Règlement. Le fait est qu'on demande au Sénat de réprimer les droits des sénateurs à participer à un débat en présentant une telle motion. Ces motions ont toujours fait naître beaucoup d'amertume.

Le sénateur Robichaud: À l'ordre!

Le sénateur Cools: Je dois dire, Votre Honneur, que je trouve très fatigant et ennuyeux d'entendre à bon nombre de reprises, lorsque j'interviens dans les débats en cette Chambre, le leader adjoint du gouvernement au Sénat faire un rappel à l'ordre et de voir Son Honneur se lever aussitôt. C'est contraire au Règlement.

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Carstairs: C'est scandaleux.

Le sénateur Cools: C'est contraire au Règlement. Je connais bien le système.

Le sénateur Carstairs: C'est scandaleux!

Le sénateur Cools: Il n'y a absolument rien qui justifie une mesure disciplinaire ici. Qu'est-ce qui donne ce droit au leader adjoint? L'intervention du leader adjoint allait à l'encontre du Règlement. Je demande à Son Honneur...

Son Honneur le Président: J'écoutais les propos du sénateur Cools pour tenter de déterminer s'il y avait quoi que ce soit dans ses commentaires qui portait sur le Règlement ou les usages du Parlement, tels que le décrivent les ouvrages auxquels elle fait normalement référence.

Le sénateur Cools: Je n'ai pas encore terminé mes observations.

Son Honneur le Président: Je n'ai rien entendu qui pourrait me porter à croire qu'il pourrait y avoir matière à rappel au Règlement ici. Je pose donc la question à nouveau. Y a-t-il un sénateur qui désire prendre la parole? Sinon, je demanderai aux sénateurs s'ils sont prêts à se prononcer.

Le sénateur Robichaud: Le vote!

Des voix: Le vote!

Le sénateur Cools: Non, nous ne sommes pas prêts, Votre Honneur. Le Sénat n'est pas prêt à se prononcer. Je crois qu'il est très clair que...

Son Honneur le Président: Sénateur Cools, je suis désolé de ne pas pouvoir vous accorder la parole une autre fois. Je regrette que...

Le sénateur Cools: Nous ne devrions pas avoir recours à la clôture...

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Sénateur Kinsella, vous vouliez...

Le sénateur Cools: Ce n'est pas conforme au Règlement, Votre Honneur. Vous ne devriez pas le permettre. En fait, c'est vous qui devriez être rappelé à l'ordre...

Le sénateur Robichaud: Mettons la question aux voix. Allons-y.

Son Honneur le Président: Je ne vois aucun sénateur que le Règlement autorise à le faire se lever pour prendre la parole.

Sénateur Kinsella, aviez-vous une question?

Le sénateur Kinsella: Sur un tout autre sujet, honorables sénateurs, je crois qu'il serait utile que tous les sénateurs comprennent précisément les règles qui régissent les débats sur les motions d'attribution de temps. Le Président pourrait peut-être rappeler ces règles. En ce qui concerne le vote, que se passe-t-il après la tenue du vote? Par exemple, honorables sénateurs, il est peut-être important de savoir que si la motion est adoptée, nous passons immédiatement au débat, sans tenir compte de l'heure. Il est important que tous les sénateurs sachent comment les choses fonctionnent. Le Président voudra peut-être...

Le sénateur Robichaud: Le vote!

Son Honneur le Président: Je vous ai entendu, sénateur Kinsella.

Je renvoie tous les honorables sénateurs à la règle pertinente; le fait que je la lise n'y changerait rien. Je compte sur les honorables sénateurs pour prendre eux-mêmes connaissance des dispositions du Règlement.

Je vais maintenant voir si un autre sénateur, autorisé à le faire, désire prendre la parole.

Je ne vois personne se lever. Par conséquent, je vais mettre la question aux voix.

L'honorable sénateur Robichaud, avec l'appui de l'honorable sénateur Rompkey, propose:

Que, conformément à l'article 39 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations ne soient attribuées à l'étude à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-6, Loi constituant le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des Premières nations en vue de permettre le dépôt, la négociation et le règlement des revendications particulières, et modifiant certaines lois en conséquence;

Que, lorsque les délibérations seront terminées ou que le temps prévu pour le débat sera écoulé, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours au Sénat et mette aux voix immédiatement et successivement toute question nécessaire pour disposer de l'étape de la troisième lecture dudit projet de loi; et

Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit pris conformément au paragraphe 39(4) du Règlement.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que tous les honorables sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs. Le timbre retentira pendant une heure, ce qui signifie que le vote aura lieu à 17 h 40.

(1740)

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

POURLES HONORABLES SÉNATEURS

Austin Kroft
Banks LaPierre
Carstairs Maheu
Chalifoux Merchant
Christensen Milne
Cordy Moore
Day Pearson
De Bané Phalen
Fairbairn Poulin
Finnerty Ringuette
Fraser Robichaud
Furey Rompkey
Graham Smith
Hubley Stollery
Kenny Trenholme Counsell
Kirby Wiebe—33
Kolber

CONTRELES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Kinsella
Atkins Lawson
Beaudoin LeBreton
Carney Lynch-Staunton
Cochrane Meighen
Cools Nolin
Corbin Oliver
Di Nino Prud'homme
Forrestall Robertson
Gill Spivak
Gustafson St. Germain
Johnson Watt—24

ABSTENTIONSLES HONORABLES SÉNATEURS

Bacon Gauthier
Ferretti Barth Mahovlich—4

PROJET DE LOI SUR LE RÈGLEMENT DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

TROISIÈME LECTURE—MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT—REPORT DU VOTE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Austin, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Joyal, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-6, Loi constituant le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des Premières nations en vue de permettre le dépôt, la négociation et le règlement des revendications particulières, et modifiant certaines lois en conséquence, tel que modifié;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Gill, appuyée par l'honorable sénateur Watt, que le projet de loi C-6 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit lu une troisième fois dans six mois de ce jour.

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, j'espère que la majorité des sénateurs seront toujours présents lorsque j'aurai donné un aperçu du sérieux du sujet traité.

Je suis heureux de participer au débat sur ce projet de loi élaboré à l'autre endroit et renvoyé au Sénat il y a quelque temps. Il avait été renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones qui l'a étudié. Je ne répèterai pas ce que j'ai déjà dit au sujet du déroulement des travaux au sein du comité lui-même.

Je crois sincèrement que ce projet de loi est déficient. Il ne va aider ni le gouvernement ni les peuples autochtones.

Il est grand temps que nous comprenions le rôle et la responsabilité des parlementaires. Je crois personnellement que, parfois, je n'arrive pas à me faire entendre par la majorité en cette enceinte. Malheureusement, il se trouve que cette majorité appartient à mon propre parti. C'est bien triste, mais c'est ainsi. Espérons que les choses changeront éventuellement.

J'espère que le prochain chef du gouvernement se demandera sérieusement si nous n'avons pas produit une mesure législative qui n'est rien d'autre qu'un obstacle aux intérêts du pays et au progrès des peuples autochtones. Il nous arrive parfois d'adopter des projets de loi sans tenir compte des conséquences.

Je parle maintenant de l'aspect économique de la question. À cet égard, nous n'avons pas suffisamment examiné le projet de loi. Quels seront ses impacts économiques à long terme sur le pays tout entier? Nous ne nous sommes pas penchés longuement sur cette question. En fait, je crois que nous ne l'avons pas examinée du tout. Cela me déçoit profondément.

Notre rôle et notre responsabilité consistent à faire honneur à l'importance de cette institution. À cet égard, honorables sénateurs, nous avons échoué encore une fois aujourd'hui. Les peuples autochtones de ce pays travaillent d'arrache-pied pour rester en vie, pour survivre économiquement, socialement, politiquement, sur le plan de l'éducation et sur tous les plans.

Parfois, nous sommes très déçus des mesures que prennent nos voisins du Sud, c'est-à-dire le gouvernement. C'est ce qui s'est passé encore une fois aujourd'hui. Je répète que j'espère voir cette situation changer éventuellement.

(1750)

Je suis peut-être optimiste, mais j'ai un travail à accomplir. Qu'on le veuille ou non, à un certain moment, je dois prendre position; à un certain moment, je dois dire des choses que les gens ne veulent peut- être pas entendre. J'ai des responsabilités à assumer. J'ai des responsabilités envers les gens qui sont sous-représentés. Je rends hommage au Sénat. Le Sénat a pour rôle de représenter les régions et les minorités qui ne sont pas représentées équitablement par la Chambre des communes. Ce qui est plus important, nous avons une responsabilité envers les Autochtones que, à mon avis, nous avons laissés tomber encore une fois aujourd'hui.

Je ne sais pas ce que les honorables sénateurs ne veulent pas entendre. Si on offre aux Autochtones la possibilité de grandir et de s'épanouir, cela deviendra-t-il un obstacle pour la société canadienne? Je ne le crois pas. Nous devrions considérer que cela améliorerait les relations entre les deux groupes. Ce serait également avantageux sur le plan économique.

J'ai entendu un homme, invité par l'Assemblée des Premières Nations, s'adresser à une grande foule d'Autochtones. Il a souligné combien il a toujours été important et il est encore important aujourd'hui pour les Autochtones d'aller de l'avant et de s'améliorer. J'ai été très encouragé par la volonté de cet homme de faire avancer les Autochtones en même temps qu'il tente de faire avancer les autres Canadiens. Cet homme sera probablement notre prochain premier ministre.

Il a parlé avec son coeur, je crois, en évoquant deux canots descendant une rivière côte à côte, le maintien du dialogue et un avenir brillant pour tous. Je vois aujourd'hui qu'un des canots devance largement le deuxième, qui est ralenti par toutes sortes d'incertitudes au plan légal. Cela ne devrait pas arriver.

Honorables sénateurs, les mots me manquent parce que je m'intéresse à ce projet de loi et que j'essaie de rallier des sénateurs à mon avis depuis longtemps. J'ai traité de la question en comité et au Sénat et j'ai tenté de convaincre les sénateurs de l'importance de ne pas permettre que ce projet de loi soit adopté, parce qu'il n'est bon ni pour les Autochtones, ni pour le gouvernement en général, ni pour le pays.

Honorables sénateurs, comme je l'ai indiqué dans mes observations sur la clôture, j'aimerais maintenant proposer de suspendre le débat sur le projet de loi C-6 jusqu'à l'arrivée d'un nouveau gouvernement, qui pourrait bien avoir un regard nouveau sur cette question. J'espère que vous prendrez cette démarche très au sérieux. Je propose, avec l'appui du sénateur Gill, la suspension du débat sur le projet de loi C-6. Le sénateur Gill a proposé une suspension de six mois. Je propose pour ma part qu'on attende l'arrivée d'un nouveau gouvernement ayant une nouvelle optique.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vois ici plusieurs vices de procédure. Premièrement, le Sénat est déjà saisi d'un amendement. Le seul genre d'amendement que nous pourrions examiner, donc, serait un sous-amendement, et la motion proposée par le sénateur Watt n'est pas un sous-amendement à une motion de renvoi.

En outre, le paragraphe 39(7) du Règlement du Sénat établit ce qui suit quand une question a fait l'objet d'une attribution de temps:

On n'ajourne pas l'étude d'un article pour lequel une période de temps précise a été attribuée, et on n'y admet ni amendement ni motion sauf pour demander que tel sénateur soit entendu sur-le-champ.

Le Règlement est clair. Maintenant que nous avons adopté la motion d'attribution de temps, nous ne pouvons accepter la présentation d'un amendement à la question à l'étude, c'est-à-dire l'amendement du sénateur Gill.

Je dois donc malheureusement déclarer irrecevable l'amendement proposé.

L'honorable Anne C. Cools: Votre Honneur, vous n'aviez pas à rendre un jugement. Personne dans cette Chambre n'a invoqué le Règlement et personne n'a mis en doute l'initiative du sénateur Watt. Les présidents n'ont pas l'habitude de statuer sur des rappels au Règlement, à moins qu'on leur demande de le faire.

Je rappelle aux honorables sénateurs que Son Honneur acceptait, il y a à peine une semaine ou deux, de traiter toutes sortes d'amendements et de sous-amendements simultanément ou consécutivement. J'ai alors insisté sur le fait que les sous- amendements devaient être traités comme des amendements aux amendements. Je crois que Son Honneur a alors rejeté mon objection et affirmé que nous étions très souples au Sénat et qu'il nous arrivait de traiter de diverses motions et de divers amendements et sous-amendements en même temps. Les honorables sénateurs se souviendront que j'ai alors dit à la blague à un de mes collègues qu'il pourrait peut-être proposer l'ajournement de la motion principale et qu'un autre sénateur pourrait proposer l'ajournement du sous-amendement.

Il y a incohérence ici. J'admets que la proposition du sénateur Watt pose certains problèmes bien réels au niveau de la procédure. Je vous signale toutefois, Votre Honneur, que vous avez agi précipitamment en jugeant sa motion non réglementaire, et ce pour deux raisons. Premièrement, personne ne vous a demandé de rendre une décision. Deuxièmement, si on parvenait à éclaircir la situation, le sénateur Watt serait peut-être disposé à retirer son initiative et à la présenter d'une autre façon au Sénat, car il veut essentiellement que les sénateurs débattent de cette question.

Je ne sais pas comment vous demander de rendre une décision au sujet de votre propre intervention, Votre Honneur. C'est plutôt amusant, mais c'est ce qui se produit. Il n'y a pas de rappel au Règlement, car aucune objection n'a été soulevée.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je pensais que Son Honneur se fondait sur le paragraphe 18(1) du Règlement. Je faisais peut-être erreur.

Son Honneur le Président: Je ne voulais pas faire de ce problème un rappel au Règlement, je voulais simplement attirer l'attention du sénateur Watt sur le problème.

(1800)

Je suppose que si la Chambre voulait prendre connaissance d'un amendement aux termes des dispositions concernant le consentement unanime, elle pourrait le faire. Toutefois, je ne cherchais pas à établir que le sénateur Watt a enfreint le Règlement. J'agissais en fonction de la règle régissant notre débat. La motion présentée par l'honorable sénateur n'était pas recevable selon le Règlement. C'est tout ce que je cherchais à faire.

Le sénateur Cools: Je comprends.

Son Honneur le Président: J'accepte votre critique, sénateur Cools, et je chercherai à faire preuve de plus de circonspection à l'avenir, lorsque quelqu'un tentera de soulever ces questions.

Le sénateur Cools: Non. Je sais que Son Honneur n'avait aucune mauvaise intention; j'en suis absolument sûre. Ce sont là des erreurs commises de bonne foi. Toutefois, Son Honneur est libre de participer au débat à quelque moment que ce soit. C'est là une des merveilles de cette Chambre. Le Président a le droit de vote et peut prendre part au débat. Selon la tradition, lorsque le Président choisit de participer à un débat, il doit quitter son fauteuil et intervenir à partir de son siège de sénateur. C'est une vieille tradition qui mérite d'être conservée. Toutefois, je sais que Son Honneur n'avait aucune intention malveillante.

Son Honneur le Président: Le sénateur Carstairs a la parole au sujet du recours au Règlement.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, malgré tout le respect que je dois au sénateur Cools, mes remerciements vont au sénateur Kinsella, car il a souligné à la Chambre la procédure que doit respecter le Président. Le paragraphe 18(1) du Règlement précise ce qui suit:

Le Président maintient l'ordre et le décorum au Sénat. Il peut le faire sans qu'on lui ait signalé de manquement à l'ordre ou au décorum. Le Président est de plus autorisé à agir de son propre chef et à interrompre tout débat pour rétablir l'ordre ou faire appliquer le Règlement du Sénat.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Cools: Votre Honneur, ce que vient de dire le sénateur Carstairs tient certainement de la méprise, si ce n'est d'une mauvaise compréhension du paragraphe 18(1) du Règlement. J'étais au Sénat lorsque le paragraphe 18(1) du Règlement a été adopté et je sais très bien quelles étaient les intentions visées.

Il est vrai que le paragraphe 18(1) du Règlement avait pour objet de donner au Président l'occasion ou le pouvoir d'agir de son propre chef. Toutefois, il existe une condition préalable: le désordre doit régner à la Chambre. Le mot désordre ne s'entend pas d'une hypothèse erronée de la part d'un sénateur, d'une erreur de procédure ou peut-être même de la présentation d'une motion viciée ou de quelque chose du genre.

Le pouvoir que cette disposition du Règlement confère au Président visait à habiliter celui-ci à agir en cas de véritable désordre, comme nous avons pu le constater lors du débat sur la TPS, les sénateurs vivant alors ce qu'on aurait pu décrire comme une situation d'agression et d'agitation. Je comprends les explications du sénateur Carstairs en ce qui concerne cette disposition du Règlement. Cependant, sauf le respect que je lui dois, je crois comprendre que cette disposition a été adoptée comme mesure de protection en cas de désordre grave.

Après tout, conformément aux modalités de fonctionnement du Sénat, les sénateurs sont censés être les maîtres des destinées du Sénat, beaucoup plus que les députés ne le sont des destinées de la Chambre des communes. Ainsi, si un sénateur fait une proposition incorrecte, inadéquate ou laissant à désirer, il devrait y avoir suffisamment de sénateurs présents à cet endroit pour se rendre compte de l'erreur qui a été commise et pour intervenir aussitôt afin d'aider le sénateur à rectifier la situation.

Quand vient le moment de comprendre et de mettre en application ces dispositions du Règlement, nous aurions intérêt à ne pas nous en tenir uniquement au libellé des dispositions, mais aussi aux principes qu'elles sous-tendent. Conformément à ces principes, le Sénat devrait pouvoir décider du sort à réserver à la motion du sénateur Watt. À mon avis, voilà ce qu'il en est et voilà ce à quoi tient le débat.

Le sénateur Watt a fait une proposition qui est peut-être mal présentée, mais si madame le sénateur Carstairs veut que la proposition soit déclarée irrecevable, elle doit prendre la parole et expliquer, avec arguments, précédents et références justificatives à l'appui, pourquoi la proposition du sénateur Watt devrait être déclarée irrecevable.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur Watt, si le temps d'intervention qui lui était alloué n'est pas écoulé.

Son Honneur le Président: Il reste encore du temps au sénateur Watt si vous voulez lui poser une question.

Le sénateur Cools: Vous pouvez lui poser une question, mais il n'a pas enfreint le Règlement. Voilà toute la question.

Le sénateur St. Germain: Je n'interviens pas à propos d'un recours au Règlement, n'est-ce pas?

Son Honneur le Président: Non, le sénateur Watt n'a jamais enfreint le Règlement. C'est sa motion qui était irrecevable à cause de la disposition du Règlement que j'ai lue. Il reste encore sept minutes au sénateur Watt, et vous pouvez vous en prévaloir s'il accepte de répondre à une question.

Le sénateur St. Germain: L'honorable sénateur acceptera-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Watt: Oui, j'accepte.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je suis quelque peu perplexe parce que je vois deux de mes amis et collègues autochtones du côté du parti ministériel qui ont traditionnellement appuyé le gouvernement dans la plupart des cas. Pour certains projets de loi, comme le projet de loi C-68, ces sénateurs ont remis en question certains points qui étaient exagérément discriminatoires envers les Autochtones, mais, en fin de compte, ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour appuyer le gouvernement.

Nous avons ici une mesure législative qui semble tellement boiteuse que deux de nos collègues autochtones disent qu'ils exprimeront leur point de vue et feront tout ce qu'ils peuvent pour reporter de six mois l'étude de ce projet de loi, conformément à la dernière demande qui a été faite. Ils ont d'abord demandé que le projet de loi ne soit pas adopté du tout, mais ils demandent maintenant un renvoi à six mois. Je trouve que c'est là une demande raisonnable, compte tenu de leur opposition.

Ma question est simple: parmi tous les aspects du projet de loi C-6 qui sont offensants pour les Autochtones, lequel est si répugnant qu'il rend ce projet de loi inacceptable pour les Premières nations? J'aimerais qu'on réponde à cette question d'abord, puis je poserai une question complémentaire.

Son Honneur le Président: Je sais que certains sénateurs se demandent pourquoi nous n'avons pas encore ajourné puisqu'il est passé 18 heures. Lorsque nous étudions une mesure à l'égard de laquelle une motion d'attribution de temps a été adoptée, comme c'est le cas maintenant, le Règlement prévoit que nous ne tenions pas compte de l'heure. Autrement dit, nous continuons. Les seules limites que nous ayons sont la période de six heures, qui s'applique dans ce cas, ou minuit, qui ne s'applique pas ici parce que la période de six heures se terminera avant minuit.

Le sénateur Watt: Je suis heureux que le sénateur m'ait posé cette importante question au sujet des lacunes fondamentales de ce projet de loi et de son incidence sur les Autochtones.

Honorables sénateurs, j'ai fait ressortir quatre points en ce qui a trait aux répercussions juridiques et au non-respect des droits constitutionnels. Ces quatre points étaient inclus dans l'amendement que j'ai présenté plus tôt.

Le plafond des revendications était de 7 millions de dollars et a été haussé à 10 millions. Ce chiffre n'est toujours pas acceptable. Je ne crois pas que nous devrions créer un précédent. Dans un sens, nous nous trouvons à établir une limite à ce que les Autochtones peuvent revendiquer. Ce n'est pas juste.

(1810)

L'autre point, c'est le fait que le ministre des Affaires indiennes, depuis l'adoption de l'article 91.24 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, a reçu le mandat de non seulement répondre aux besoins des peuples autochtones, mais également de superviser et d'aider ceux-ci. Le ministre a compris que sa responsabilité était de diriger la vie de chacun des divers peuples au niveau des communautés — au niveau des réserves. Je ne crois pas que cela soit acceptable.

Voilà deux points que je peux citer et qui ne seront jamais acceptés par les groupes autochtones.

En quoi ce projet de loi est-il déficient? Premièrement, il n'est pas à toute épreuve. Nous avons entendu le sénateur Lynch-Staunton lire une lettre du grand chef de l'Assemblée des Premières Nations, Phil Fontaine, dans laquelle celui-ci soulevait un certain nombre de points à élucider. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles voulait avoir tout le loisir d'examiner les questions soulevées et de trouver la façon de les traiter de façon constructive. Il souhaitait établir si le ministère de la Justice possédait une réponse technique susceptible d'être documentée et soumise à l'examen et aux observations de la population. La lettre du chef national mettant en lumière les imperfections de ce projet de loi est, à mes yeux, importante.

Je le répète, honorables sénateurs, je ne sais quoi dire, si ce n'est que, encore une fois, on n'écoute pas la population autochtone.

Le sénateur St. Germain: Puis-je poser une question complémentaire?

Son Honneur le Président: Auparavant, sénateur St. Germain, je dois aviser le sénateur Watt que ses 15 minutes sont écoulées. Toutefois, il peut demander une prolongation.

Le sénateur Watt: Puis-je obtenir une prolongation?

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Je suis désolé, sénateur Watt, la permission n'est pas accordée.

Le sénateur St. Germain: Bien que les 15 minutes accordées au sénateur Watt soient écoulées, ne lui reste-t-il pas encore un certain temps pour répondre aux questions?

Son Honneur le Président: Non, cela doit être fait durant les 15 minutes. Si on ne lui accorde pas la permission de prendre plus de temps, cela est impossible. Mais vous pouvez cependant prendre la parole, sénateur St. Germain.

Le sénateur Cools: Son Honneur, je n'ai pas entendu que l'on refusait la permission. J'étais peut-être assise trop loin.

Son Honneur le Président: La permission n'est accordée que s'il n'y a pas de voix dissidente. Or, j'ai entendu un «non».

Le sénateur Lynch-Staunton: On impose sans cesse le bâillon. C'est très élégant!

L'honorable Laurier L. LaPierre: N'est-il pas possible que le sénateur St. Germain ait dit «non» parce qu'il n'avait pas exactement compris de quoi il s'agissait?

[Français]

Le sénateur St. Germain: Je n'ai pas dit non. C'est le leader du gouvernement qui a dit non.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Je crois que le sénateur St. Germain devrait prendre la parole pour répondre à cette question parce que le «non» ne venait pas de l'allée. Il ne venait pas de ce coin.

Le sénateur LaPierre: À mon avis, il a mal compris. Je ne pense pas qu'il ait dit «non» à la proposition faite que le sénateur Watt puisse prendre plus de temps. Je ne voudrais pas que ma tentative soit mal interprétée, comme on serait en droit de le faire en temps normal, mais il n'y a pas lieu de le faire en ce moment.

Le sénateur Robichaud: Reprise du débat.

Le sénateur Watt: Votre Honneur, ai-je encore sept minutes ou est- ce que mon temps est écoulé?

Son Honneur le Président: Non, malheureusement, les 15 minutes sont écoulées. Le Règlement indique clairement que les sénateurs peuvent poser des questions et présenter des observations, mais dans les limites du temps qui leur est accordé. Malheureusement le temps dont disposait le sénateur Watt est écoulé. Je tiens à faire remarquer que l'on n'a pas tenu compte, dans le calcul de ce temps, du temps écoulé durant le recours au Règlement.

Voulez-vous prendre la parole, sénateur St. Germain?

Le sénateur St. Germain: Puis-je intervenir?

Son Honneur le Président: Oui.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai été abasourdi et déçu par le gouvernement pour ce qui est de ce projet de loi. Pour dire les choses simplement, j'avais toujours espéré, je rêve peut-être en technicolor, que quelque part dans notre monde, nous pourrions traiter certaines questions de manière non partisane, ouverte, dans l'intérêts supérieur des électeurs que nous tentons de servir. Il se trouve que ces électeurs, ce sont nos propres peuples autochtones. Je m'écarte brièvement du projet de loi C-6.

Je suis un Métis. Notre peuple est reconnu dans la Constitution depuis 1982; pourtant, nous n'avons pas été reconnus à proprement parler. Il nous a fallu passer par l'avenue des tribunaux pour tout. Les droits que nous avions comme peuple métis n'ont pas été reconnus à ce titre d'un point de vue juridique à l'intérieur du système; il nous a fallu faire appel aux tribunaux. La décision Powley qui vient d'être rendue en est un exemple éloquent qui fait jurisprudence. Lorsque le sénateur Austin présentait la position du gouvernement sur cette question particulière des droits des Métis, la question a été soulevée au comité simplement du fait de cet arrêt faisant jurisprudence. On a estimé qu'il était dans l'intérêt de chacun qu'il soit au moins débattu à l'échelle d'un comité et ici même, ce qui s'est fait. Il s'est levé fièrement et a affirmé: «Eh bien, dans la Constitution de 1982, nous avons donné à notre peuple métis certains droits» et, pourtant, ils n'ont pas été donnés. C'étaient des droits sur papier, mais ils n'ont jamais été mis en vigueur.

Honorables sénateurs, depuis la création de la Loi sur les Indiens, nous avons imposé notre volonté aux Autochtones, sans tenir compte de ce qu'ils voulaient. Nous étions convaincus de savoir ce qui convenait. Nous avons créé un empire au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qui imposait sa loi, jusqu'au niveau des réserves, comme l'a indiqué le sénateur Watt — dictant aux gens comment vivre, quoi faire, comment élever leurs familles et comment s'assimiler au reste des collectivités canadiennes et les forçant à fréquenter des pensionnats et à ne pas parler leur langue. Nous avons nié leur mode de vie traditionnel. Aujourd'hui, nous sommes aux prises avec un désastre. Des centaines de milliers d'Autochtones errent, déboussolés, dans nos centre-ville, dénués d'espoir, de rêves et d'aspirations. Voilà le résultat de mesures très semblables à celles que nous examinons ici aujourd'hui.

(1820)

Le sénateur Gill a été chef. Il a travaillé pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien à titre de directeur régional. Le sénateur Watt a également été chef dans sa région et le sénateur Adams a été un des chefs de file de sa collectivité. Ils ne tiendraient pas les propos qu'ils tiennent actuellement et ils ne feraient pas ce qu'ils font s'ils n'y voyaient pas de justification et la nécessité d'intervenir. Je me demande quand nous saisirons vraiment le défi qui se pose au gouvernement à cet égard et agirons en tenant compte de l'intérêt des circonscriptions et des électeurs que nous essayons de servir.

Il est question d'un plafond et ils s'inquiètent du bien-être financier du pays, ce qui est une bonne façon de voir les choses. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a un budget total de plus de 10 milliards de dollars. Pourquoi imposerait-on un plafond alors qu'on a enlevé à ces gens les territoires visés par les revendications particulières, alors qu'on leur a refusé le droit d'utiliser ces territoires, pour une raison quelconque? Prenons l'exemple de la vallée de l'Okanagan, en Colombie-Britannique, où les Autochtones de la région de Penticton ont été privés de l'utilisation d'un territoire reconnu comme leur appartenant. On a privé ces Autochtones de l'utilisation de ce territoire, et on s'entend maintenant sur l'importance de ces revendications. Je ne comprends tout simplement pas.

Il est tout à fait insensé d'imposer un plafond de 7 millions de dollars alors que ce ministère dispose de milliards de dollars. Je ne connais pas les chiffres exacts, mais la part du budget consacrée à l'administration est effarante. Il s'agit de milliards de dollars. Le gouvernement suggère l'imposition d'un plafond pour des biens qu'on a retirés à des Autochtones après les leur avoir consentis. Pourquoi imposer un plafond? Pourquoi ces contraintes? Tout le processus a consisté à expédier les choses en voulant rendre justice à ces gens, afin qu'ils soient traités équitablement, alors que ces droits leur sont refusés depuis plus de 100 ans.

Phil Fontaine, le grand chef de l'APN, a demandé que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. De toute évidence, cette association, qui représente un très grand nombre de peuples autochtones du pays, a dû procéder à une évaluation et à une réflexion sincères. C'est ce qu'elle demande. Il doit y avoir une justification raisonnable à cette requête. Je ne peux pas croire que les honorables sénateurs veuillent essayer d'accélérer l'adoption d'une telle mesure alors qu'une simple requête de cette nature a été faite.

Je n'essaie pas d'enlever quoi que ce soit au Comité des peuples autochtones, auquel j'ai siégé à plusieurs reprises au fil des ans. Toutefois, certains dossiers devraient être étudiés par certains comités en raison de leur expertise en la matière. Le sénateur Austin a vaillamment essayé de nous expliquer pourquoi ce projet de loi doit être adopté, mais il n'est pas justifié, étant donné la clientèle que nous essayons de servir.

La nomination des membres de la commission est une autre considération. Je me rends compte que c'est une question délicate, mais au lieu de la laisser à la discrétion du ministère et du ministre, au lieu de satisfaire les deux côtés, le gouvernement et les Autochtones, on aurait pu trouver un juste milieu qui aurait rendu le processus de nomination des membres de la commission transparent, pour donner au moins une certaine mesure de réconfort aux Autochtones. Honorables sénateurs, il y a toujours moyen de faire appel. Je suis certain qu'une recommandation venant de la commission prévoirait des freins et des contrepoids. J'ai beaucoup de respect pour l'argent des contribuables, mais j'ai également beaucoup de respect pour les peuples autochtones. Il doit y avoir un équilibre. On ne peut pas dire qu'on va faire quelque chose pour ensuite ne rien faire.

Ce que j'entends les Autochtones dire, c'est que ce projet de loi n'est que de la poudre aux yeux ayant pour objet de faire croire au reste du monde que nous faisons quelque chose de positif pour eux. En réalité, il pourrait être davantage un obstacle et réduire la valeur de leurs revendications particulières. En imposant un plafond, on force souvent les gens à accepter un règlement moindre. Je trouve cela injuste pour eux.

Honorables sénateurs, je comprends que la majorité décide, que nous vivons dans une société démocratique. Le gouvernement a manifestement eu recours à la clôture contre un groupe minoritaire de gens qui sont pratiquement impuissants dans la société. C'est terriblement décevant. Leurs représentants luttent avec bravoure dans cette enceinte et au comité. Dans le cadre des audiences de comité auxquelles j'ai assisté, la majorité des Autochtones qui ont comparu devant le comité étaient opposés à cette mesure législative sous sa forme actuelle. Si nous devons continuer de cette façon, nous allons miner toute possibilité de vraiment aider nos peuples autochtones. Si chaque fois qu'ils essaient de faire quelque chose, c'est le désespoir total qui les attend, comment peuvent-ils entretenir de l'espoir et avoir des rêves et des aspirations?

Lorsque j'ai commencé à parler aujourd'hui, j'ai pensé à nos quartiers défavorisés et à ce qui est arrivé dans le passé. En tant qu'Autochtone ou Métis, j'aurais très bien pu me retrouver dans ces quartiers défavorisés où nos membres marchent sans but et sans espoir. Ce manque d'espoir est basé sur le fait que l'attitude paternaliste du MAINC les a pratiquement empêchés d'établir la situation et les rôles qui leur reviennent dans notre société. Qu'il s'agisse des réserves ou des pensionnats, ou encore de toute la série de mesures législatives qui ont été adoptées et qui ont permis au MAINC de contrôler leur développement à tous les niveaux, je trouve cela terrible.

Les sénateurs Watt et Gill se sont battus vaillamment contre cette mesure législative, mais malheureusement, je constate ce soir que le gouvernement veut traiter nos peuples autochtones comme il l'a toujours fait. Je le répète, il ne prend pas de mesures en leur faveur, bien au contraire. J'ai demandé au gouvernement de reconsidérer la demande du sénateur Watt de reporter l'étude de ce projet de loi de six mois et de réfléchir sérieusement à la question. Nous aurons, c'est évident, un nouveau premier ministre et j'aime à penser qu'un gouvernement différent pourrait voir sous un autre jour les questions autochtones.

(1830)

Sur ce, je vous remercie, honorables sénateurs, de votre attention.

[Français]

L'honorable Aurélien Gill: Est-ce que je peux prendre la parole?

[Traduction]

Son Honneur le Président: Je ne sais pas, sénateur Gill, mais je vais demander au greffier. Selon la liste que j'ai ici, vous êtes déjà intervenu dans le débat sur votre motion et nous traitons actuellement de la motion d'amendement. Les sénateurs n'ont le droit d'intervenir qu'une seule fois et vous l'avez déjà fait. Vous pourriez poser une question au sénateur St. Germain.

[Français]

Le sénateur Gill: Ma proposition est-elle encore là?

[Traduction]

Son Honneur le Président: Oui.

[Français]

Le sénateur Gill: Puis-je poser une question? Je vais faire un commentaire d'abord.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il ne reste que quelques minutes.

[Français]

Le sénateur Gill: Honorables sénateurs, on voit dans cette enceinte que l'histoire se répète; on peut toujours parler, jaser, chialer, critiquer, le pouvoir est implacable. Il dit: «Nous savons ce qu'il vous faut, nous connaissons vos besoins, nous allons régler cela pour vous, soyez tranquille, restez dans vos réserves.» Je trouve que l'histoire se répète implacablement.

J'espère également, comme le sénateur Watt l'a dit, et j'ai toujours bon espoir, que l'on va, à la fin, avoir une communication. Or, pour cela il faut d'abord avoir un respect de l'autre et s'intéresser à l'autre, sinon il est clair qu'il n'y aura pas de communication. C'est ce que nous essayons d'établir depuis que nous sommes là, autrement dit une communication entre ceux qui sont venus et ceux qui étaient là. Cette communication est très difficile à établir.

Je vous demande, tout simplement, d'essayer de nous reconnaître un jour. J'espère que ce sera avant 50 ans.

Ma question au sénateur St. Germain est la suivante: je sais que l'honorable sénateur St. Germain a déjà fait état de son statut de Métis. Pense-t-il, étant donné son statut et son expérience, être capable de participer à une décision convenable pour ses citoyens? Je ne connais pas son pourcentage de sang indien, mais je présume que c'est du côté indien qu'il est Métis ou des deux côtés. Je présume que c'est cela. Peut-il nous parler de son expérience?

[Traduction]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il ne reste qu'une minute et le sénateur St. Germain devrait pouvoir répondre.

Le sénateur St. Germain: Je comprends ce qui vous préoccupe. Je ne crois pas que je puisse me mettre à votre place parce que des gens comme vous et le sénateur Watt avez vécu une expérience bien différente de la mienne.

Je peux comprendre comment vous devriez être traités, mais je ne comprends pas vos besoins réels parce que je ne suis pas dans la même situation que vous. Je suis Métis, je ne suis pas un Autochtone et je n'appartiens pas à une première nation. Une partie de mon éducation culturelle est autochtone, mais j'ai aussi subi une forte influence européenne dans ma vie.

Tant qu'on ne peut pas réellement se mettre à la place de quelqu'un d'autre, ce que je n'ai pas fait, on ne peut pas vraiment comprendre. Je respecte les peuples autochtones. Je suis assez intelligent pour reconnaître le triste sort qui leur est réservé au pays. Je dis aujourd'hui, comme je l'ai déjà dit auparavant, que le traitement que nous avons accordé à nos peuples autochtones par le passé se répète. Il n'y a rien qui change, quel que soit le parti qui forme le gouvernement — libéral, NPD, progressiste-conservateur ou allianciste. C'est toujours la même chose, sénateur Gill. Le gouvernement continue de dire aux Autochtones ce qui est le mieux pour eux et cela n'est pas correct, comme on peut le constater d'après les résultats.

Mes proches métis, à Winnipeg, vivent parmi des Autochtones dans nos centres urbains, et j'ai pu observer les conséquences des erreurs qui ont été commises. Nous parlons de responsabilité. Mon peuple a des droits, mais ces droits comportent des responsabilités et il veut les assumer. C'est un aspect fondamental et c'est la raison pour laquelle mes congénères veulent contrôler leur propre destinée, et devraient le faire.

Son Honneur le Président: Je regrette, sénateur St. Germain, mais votre temps de parole est écoulé.

L'honorable Eymard G. Corbin: J'invoque le Règlement. En prévoyant six heures de débat avant la tenue du vote, le gouvernement a pris sa revanche.

Le sénateur Cools: C'est exact.

Le sénateur Corbin: Il nous reste maintenant six heures pour tenir un débat digne de ce nom avant que la guillotine ne tombe. Votre Honneur, sauf tout le respect que je vous dois, compte tenu des circonstances, vous devriez exercer votre discrétion afin de permettre aux gens de se faire entendre sur cette question. Plus ou moins 24 sénateurs disposeront de six heures pour se faire entendre sur le sujet. Certains auront assez de deux minutes, mais d'autres voudront plus de temps. Nous devrions faire preuve de patience et laisser tout le temps voulu à ceux qui voudront prendre la parole, sans les interrompre, conformément au Règlement.

Comme je le disais, le gouvernement a eu sa revanche; il aura gain de cause. Je ne vois pas d'objection, sauf dans le cas actuel, compte tenu de la nature du sujet du débat. C'est pourquoi je me range aux côtés des sénateurs Watt, Gill et des autres. Il faudrait parvenir à un compromis, afin de permettre à ceux qui le veulent de se faire entendre, même si leur temps de parole de 15 minutes est écoulé.

Son Honneur le Président: La présidence est liée par le Règlement, et le sénateur Corbin a soumis un recours au Règlement à l'examen du Sénat. Je ne crois pas que le sénateur St. Germain ait demandé l'autorisation de prolonger son temps de parole pour une période définie. Toutefois, en tant que Président, je ne suis pas en mesure de deviner ce que souhaite chaque sénateur. Pour que nous puissions déroger au Règlement, il ne doit y avoir aucune dissidence.

Je laisse à tous les honorables sénateurs le soin d'examiner les propos du sénateur Corbin, que nous avons tous compris. Je ne crois pas utile de répéter que nous disposons d'un temps limité. Est- ce que la règle des 15 minutes vous semble raisonnable, dans ce contexte?

Cela étant dit, je n'ai d'autre choix que d'appliquer le Règlement et de faire mon possible pour en assurer le respect.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, devrais-je demander la permission de continuer?

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur St. Germain: Sénateur Gill, pour répéter ce que j'ai dit lorsque j'ai répondu à votre question au sujet de mon image en tant que Métis, je ne peux pas me mettre à votre place, car je n'ai jamais vécu les mêmes choses que vous. Cependant, je peux imaginer ce qui a pu se passer dans notre pays parce que des gouvernements n'ont pas écouté des gens comme vous, qui, au lieu de seulement tenir de beaux discours, savent vraiment ce que c'est que la vie des Autochtones, ce que c'est que d'être un chef qui tente de diriger une collectivité autochtone et de composer avec une énorme bureaucratie paternaliste comme le ministère des Affaires indiennes.

(1840)

Lors d'une réunion du Club Rotary en Colombie-Britannique, l'autre jour, on m'a demandé: si j'avais le choix de supprimer un ministère fédéral, quel serait-il? J'ai réfléchi sérieusement et j'ai dit — avec beaucoup d'hésitation, car j'ai précisé que je ne voulais pas mettre davantage en péril nos peuples autochtones — que le ministère qui nécessiterait le plus d'attention serait le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, pas en raison de ce qu'il coûte, mais en raison de ce qu'il fait et de ce qu'il n'a pas su faire pour nos peuples autochtones.

Je crois que le projet de loi C-6 est piloté par le ministère. C'est le ministère qui pilote ce programme, et ce sont les bureaucrates qui veulent son adoption. Ce projet de loi leur donnerait un autre mécanisme de contrôle qui leur permettrait de dominer et de dicter leur volonté jusqu'aux fondements de nos collectivités autochtones. À mon avis, c'est totalement inadmissible.

J'ai le plus grand respect pour le chef Stewart Phillip, de Penticton, car il a pris position pour son peuple. Lorsqu'il me dit que le projet de loi C-6 est totalement inacceptable sous sa forme actuelle, que son libellé ne nous aidera aucunement et qu'il pourrait même être source de problèmes plus nombreux pour nous, je salue mes collègues autochtones en cette enceinte et ceux qui nous ont précédés car ce sont eux qui ont le plus à gagner si ce projet de loi meurt au Feuilleton, et le plus à perdre.

[Français]

Le sénateur Gill: Honorables sénateurs, si l'on regarde un peu comment est constitué le projet de loi C-6, j'ai de la difficulté à voir de quelle façon ce tribunal, les commissaires ou les juges nommés auront leur indépendance. J'ai beaucoup de difficulté à voir cette indépendance.

Je ne suis pas juriste. On me dit qu'au Canada les juges doivent avoir une certaine indépendance. Une indépendance totale c'est encore plus exigeant. Je ne vois pas cette indépendance dans ce projet de loi.

Je pense que l'on veut créer, de temps en temps, l'illusion que l'on va faire quelque chose qui n'existait pas auparavant et que l'on possédera maintenant un outil pour permettre aux groupes d'espérer encore un peu plus. Je pense que l'on serait mieux de s'abstenir au lieu de créer des illusions. On doit faire des choses réelles. Je devrais peut-être poser la question à un juriste.

Suite à l'expérience de l'honorable sénateur, peut-être pourra-t-il nous répondre. Voit-on une certaine indépendance, une possibilité de ne pas être juge et partie à la fois?

La difficulté que nous avons est celle du ministère qui agira à la fois comme juge et partie. Le juge décide. Comme partie, il s'arrange pour que cela ne soit pas trop difficile.

Qu'arrive-t-il aux Premières nations? Je comprends que nous sommes des mineurs au sens de la loi. Le ministre doit toujours signer ou endosser tout ce nous faisons. Mais de là à ne pas nous laisser de marge de manœuvre pour éventuellement fonctionner et vivre convenablement afin de participer à la vie du pays, il y a beaucoup à faire.

Que fait-on de l'indépendance? Que fait-on des juges? Avons-nous deux poids, deux mesures? Avons-nous une façon de nommer les juges au pays et une autre façon de nommer les juges autochtones ou pour les institutions reliées aux Autochtones?

[Traduction]

Le sénateur St. Germain: Je ne suis certes pas un expert en droit. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien n'a jamais, dans toute son histoire, accepté de renoncer à un iota de pouvoir. Il a l'intention de maintenir un contrôle absolu et sans équivoque sur la vie des Autochtones et le fonctionnement des communautés autochtones. De toute évidence, ce projet de loi n'est rien d'autre que le prolongement de ce comportement.

Honorables sénateurs, je ne sais pas qui dirigera le prochain gouvernement, si ce sera Paul Martin ou peut-être même le sénateur Andreychuk, si elle décide de se porter candidate à la direction du Parti conservateur du Canada proposé, mais ce modèle de comportement ne changera jamais tant que nous n'aurons pas un gouvernement déterminé à faire changer le schème de pensée qui règne au sein de ce ministère.

La responsabilité fiduciaire du ministre et du gouvernement à l'égard de notre peuple autochtone a malheureusement été employée au détriment de ce peuple autochtone. Ils ont instauré cette attitude paternaliste envers nos peuples. Ils disent: «Si nous ne vous traitons pas adéquatement, poursuivez-nous en justice.» La rengaine est toujours la même; si cela ne fonctionne pas, vous avez toujours accès aux tribunaux.

Les choses ne devraient pas être ainsi. Nos concitoyens ne devraient pas avoir à se présenter constamment devant les tribunaux pour tout contester. Je crois comprendre que le projet de loi C-6 n'est qu'une prolongation des pouvoirs du ministère qui dit: «Nous nommerons les membres de la commission, et personne d'autre n'aura son mot à dire à ce sujet.» Les nominations ne se feront pas indépendamment de la volonté du gouvernement. Elles ne ressembleront pas aux nominations des juges de la Cour suprême ou d'autres magistrats. Ce n'est qu'une prolongation des pouvoirs du ministère. Nous devons trouver une façon de diminuer tout le pouvoir qu'exerce le ministère sur les peuples autochtones.

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Je voudrais revenir à ma motion originale afin d'accélérer l'étude de cette question. Puisque j'ai appuyé la motion du sénateur Gill, je suis en droit, il me semble, de signaler que je suis disposé à proposer un amendement. Si cela convient au sénateur Gill, je propose que la motion d'amendement soit amendée par l'ajout après le mot «jour» de ce qui suit: «lorsqu'un nouveau gouvernement, un nouveau premier ministre et une nouvelle approche seront en place».

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, comme Son Honneur l'a fait remarquer, le problème, c'est qu'il n'est pas réglementaire de proposer, à ce stade-ci, un nouvel amendement. Le Règlement du Sénat ne permet pas à mon honorable collègue de proposer un amendement à ce stade-ci. Le sénateur Gill a proposé une motion d'amendement dont le Sénat est encore saisi. Toutefois, notre Règlement ne permet pas au sénateur Watt de proposer un amendement supplémentaire.

(1850)

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, le sénateur Watt suggère peut-être que l'amendement du sénateur Gill soit modifié. Autrement dit, au lieu de proposer une motion, ou un sous- amendement, nous pourrions peut-être apporter une précision à la motion dont nous sommes saisis. Je suis d'accord avec le sénateur Carstairs: à ce stade, on ne peut pas proposer d'autres amendements. Le Sénat pourrait peut-être accorder son consentement unanime pour que le sénateur Watt répète la correction qu'il aimerait apporter à la motion dont nous sommes saisis.

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, je suis disposé à procéder de cette manière.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs désirent-ils commenter le rappel au Règlement du sénateur Watt?

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, pourrais-je relire ma proposition?

Son Honneur le Président: Je vais vous demander de la lire.

Le sénateur Watt: Il y est dit que la motion du sénateur Gill soit modifiée par l'ajout après le mot «jour» de ce qui suit: «lorsqu'un nouveau gouvernement, un nouveau premier ministre et une nouvelle approche seront en place».

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, j'ai l'impression que c'est ce que le sénateur Watt essayait de faire depuis le début. Nous sommes saisis d'une motion de renvoi. Comme le savent les honorables sénateurs, une motion de renvoi est l'une de ces rares formes de motions qui peuvent être proposées à l'étape de la deuxième lecture. Peu importe que le Règlement précise le nombre d'amendements qui peut être proposé. Le fait est que, à l'étape de la deuxième lecture, le nombre de motions et d'amendements qui peuvent être proposés est fixe et constant.

Ce que dit le sénateur Watt est conforme à ce que dit le sénateur Kinsella. Toutefois, c'est également conforme à la motion du sénateur Gill. La motion du sénateur Gill demande que le projet de loi ne soit pas lu maintenant pour la deuxième fois, mais dans six mois. Essentiellement, le sénateur Watt ajoute un commentaire de son cru à la motion d'amendement en précisant le moment et en clarifiant un peu plus la motion de renvoi. La motion du sénateur Watt propose l'ajout de quelques mots à la motion du sénateur Gill, après le mot «jour».

Par conséquent, nous sommes saisis de la même motion. Il s'agit encore de la motion de renvoi à plusieurs mois. Cela n'a absolument pas changé. La motion prévoit essentiellement que le projet de loi soit lu dans six mois jour pour jour. Cela n'est donc pas changé. Le sénateur Watt ajoute simplement une observation de forme.

En réalité, la motion de renvoi à plusieurs mois est recevable. Cette motion était recevable. L'ajout ou la modification l'est aussi.

Son Honneur le Président: Tout à l'heure, j'ai fait certaines observations au sujet du Règlement, non pas après qu'on m'eut invité à rendre une décision, mais pour aider le sénateur Watt quant à la recevabilité de ce qu'il avait proposé. Le sénateur Watt m'a maintenant demandé de rendre une décision en bonne et due forme.

Je renvoie d'abord les sénateurs à la disposition du Règlement dont j'ai parlé tout à l'heure, soit le paragraphe 39(7). Cette disposition est assez claire. Elle est ainsi libellée:

On n'ajourne pas l'étude d'un article pour lequel une période de temps précise a été attribuée...

— c'est précisément le cas qui se présente à nous —

...et on n'y admet ni amendement ni motion sauf pour demander que tel sénateur soit entendu sur-le-champ.

Ces derniers mots renvoient à une autre disposition du Règlement qui permet à l'ensemble du Sénat d'annuler une décision du Président lorsque celui-ci accorde la parole à un sénateur. Cette partie du Règlement n'est pas pertinente en l'occurrence. Je l'explique parce qu'elle peut porter à confusion la première fois qu'on la lit.

La disposition est claire. On ne peut pas proposer d'amendement.

Il y a aussi d'autres ouvrages que l'on consulte souvent en pareil cas. Dans la sixième édition de l'ouvrage de Beauchesne, il est question des motions de renvoi à plusieurs mois; c'est ce que le sénateur Gill a proposé, ce dont nous discutons actuellement et ce sur quoi nous devons nous pencher avant de revenir à la motion principale.

Le sénateur Gill, avec l'appui du sénateur Watt, propose la motion suivante: Que le projet de loi ne soit pas lu une troisième fois, mais qu'il soit lu une troisième fois dans six mois de ce jour.

Le commentaire 668 de la sixième édition du Beauchesne prévoit ceci:

Un long usage veut que, pour marquer son opposition à l'adoption d'un projet de loi en deuxième lecture, on propose d'en modifier le texte en supprimant tous les mots qui suivent «que» et en y substituant ce qui suit: «le projet de loi C-..., Loi ..., ne soit pas maintenant lu une deuxième fois, mais qu'il soit lu une deuxième fois dans (six) mois à compter de ce jour.»

Voici ce que dit le commentaire 669:

Une formule consacrée de proposition d'amendement comme le renvoi à six mois, dont on se sert pour faire rejeter un projet de loi, n'est pas sujette à amendement.

Ainsi, le Règlement et l'usage indiquent clairement que cet amendement du sénateur Gill, appuyé par le sénateur Watt, n'est pas susceptible d'être amendé. Il me semble que cela s'explique assez facilement: effectivement, un tel amendement torpille le projet de loi. Le fait de revenir à une motion qui mettrait fin à la délibération sur le projet de loi n'est pas compatible avec ce dont la Chambre est actuellement saisie.

Je statue donc que la motion est irrecevable.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat sur les questions dont nous sommes saisis, en particulier la motion du sénateur Gill.

Je suis non seulement d'accord avec le sénateur Gill sur cette motion, mais également d'accord avec lui et son collègue, le sénateur Watt, au sujet de la motion principale.

Les honorables sénateurs, en particulier mes collègues d'en face, se souviendront que, dans le livre rouge libéral de 1993, il était promis de mettre en place une commission indépendante sur les revendications, laquelle serait chargée de résoudre certains types de différends entre le gouvernement et les Premières nations. Il s'agit là d'un engagement pris par les libéraux de Chrétien dans le livre rouge de 1993.

Le sénateur Watt semble laisser entendre, à la façon dont il voulait clarifier la motion du sénateur Gill, que sous un gouvernement libéral dirigé par Paul Martin, il y aurait de meilleures chances de voir se réaliser cette promesse du livre rouge libéral.

(1900)

Compte tenu du contexte politique, donc, il tombe sous le sens d'appuyer la motion d'amendement du sénateur Gill parce qu'elle permettra à nos amis d'en face de respecter une promesse du livre rouge que, selon le sénateur Watt, le futur premier ministre Paul Martin aurait l'intention de tenir. Je ne siège pas encore de l'autre côté de la Chambre, mais comme je l'ai indiqué au cours des déclarations des sénateurs, nous tâchons quant à nous de faire la part des choses.

Quoi qu'il en soit, nous avons ici matière à réflexion. Son Honneur nous a dit il y a un moment qu'en agissant de cette façon, nous signerions l'arrêt de mort du projet de loi. Pourquoi en serait-il ainsi? Ce n'est pas du tout nécessaire d'annuler pour cela le projet de loi. Beaucoup de travail a été accompli jusqu'à présent et on pense qu'il vaut la peine de bien faire les choses. Respectons les promesses du livre rouge; faisons ce que le sénateur Watt est convaincu que ferait le futur premier ministre Martin.

Honorables sénateurs, j'espère que nous trouverons de nombreux appuis chez les sénateurs libéraux au moment du vote sur cette question.

En 1998, un groupe de travail mixte composé de représentants du gouvernement et des Premières nations a aussi conclu qu'une commission de règlement des revendications devrait échapper au contrôle et à l'autorité du gouvernement. On a longuement débattu de cette question et entendu de très bons arguments sur le sujet. Toutefois, à la lumière de tout ce qui a été dit, je ne peux que conclure que, en proposant le projet de loi C-6, le gouvernement a rompu sa promesse de créer une commission de règlement des revendications vraiment indépendante. Au cours des audiences en comité, le gouvernement ne semblait pas en faveur d'amendements qui auraient procuré un certain degré d'indépendance à la commission.

Il est difficile de comprendre pourquoi le gouvernement refuse d'appuyer une proposition visant à réaliser une des promesses du livre rouge et de faire précisément ce que préconise l'Assemblée des Premières Nations, malgré la place très spéciale qu'occupe cette dernière dans le paysage politique canadien.

L'Assemblée des Premières Nations a exprimé très clairement son désir de voir un organisme indépendant de règlement des revendications. C'était la position de bon nombre des témoins qui ont comparu devant notre Comité permanent des peuples autochtones. Je crois que nous voudrions tous voir un organisme indépendant de règlement des revendications qui soit vraiment juste et efficace. Malheureusement, le projet de loi C-6 ne permet pas d'atteindre ces objectifs. Par conséquent, il n'est pas trop tard, selon moi, pour que le gouvernement du Canada fasse preuve de leadership, retire cette mesure législative et retourne à une table conjointe avec les Premières nations. Si le gouvernement actuel et son chef veulent laisser un héritage de vrai leadership pour ce qui est des questions touchant les Premières nations, voici l'occasion, au crépuscule du gouvernement Chrétien, de faire quelque chose de bien pour les Premières nations du Canada en retirant ce projet de loi. Tout n'est pas perdu.

Comme le sénateur Watt nous l'a dit, nous pouvons profiter de cette occasion pour réfléchir au travail qui a été fait et pour permettre au gouvernement Martin d'achever ce travail et de remplir la promesse faite dans le livre rouge.

La motion du sénateur Gill dont nous sommes actuellement saisis ne vise pas à reporter l'étude de ce projet de loi juste pour le plaisir de le faire, mais bien à mettre de côté cette mesure afin qu'une nouvelle équipe de libéraux à l'esprit frais se penche sur cette promesse du livre rouge et présente au Parlement un projet de loi qui fera ce que le projet de loi C-6 ne fait malheureusement pas.

Lorsque viendra le moment de voter sur cette question, j'encourage donc mes collègues d'en face à voter en faveur de l'amendement proposé par le sénateur Gill. Donnons au nouveau régime libéral, qui devrait voir le jour dans un avenir pas trop lointain, la chance de faire preuve de vrai leadership.

Cette question pourrait peut-être être soulevée demain soir au caucus du nouveau chef du parti. Vous voudrez peut-être vous donner le temps d'en discuter au caucus de M. Martin.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, se pourrait- il que, de part et d'autre, nous soyons de bonne foi?

Le gouvernement, il faut le présumer, est de bonne foi. Nous avons entendu plusieurs de nos collègues énumérer des arguments à savoir pourquoi nous devrions appuyer ce projet de loi. La plupart d'entre nous, qui ne sont pas familiers avec la réalité des affaires autochtones, sont un peu perturbés.

D'une part, un groupe d'individus de bonne foi nous dit que c'est un bon premier pas. Cela fait 45 ans que l'on cherche une solution. Ce n'est pas parfait, mais on s'en va vers une bonne solution.

D'autre part, le chef national élu de l'Assemblée des Premières nations nous dit: «Nous, les Premières nations, et les représentants du gouvernement avons, de bonne foi, accepté de participer à une réflexion commune pour tenter de trouver une solution à un problème qui perdure depuis trop longtemps.»

Il nous l'a écrit dans une lettre. Cette lettre a été déposée à la table et nous a été lue, aujourd'hui, par le sénateur Lynch-Staunton.

De part et d'autre, peut-être que tout le monde est de bonne foi. D'un côté, le gouvernement est convaincu de faire un effort valable, qu'il fait un pas dans la bonne direction, sachant que son pas n'est pas complet, mais de bonne foi.

D'un autre côté, il y a un groupe de Canadiens représentés adéquatement par un nouveau chef qui nous dit: «Nous avons participé au processus. Par contre, ce que nous avons devant nous n'est pas tout à fait la solution et nous voudrions l'examiner un peu plus.»

Le sénateur Gill se fait le promoteur de cette demande. Il ne nous demande pas beaucoup. Il est certain que même si l'on adopte ce projet de loi, personne ne va déterrer la hache de guerre; permettez- moi le jeu de mots. Encore une fois, nous avons la chance de démontrer aux peuples des Premières nations que, malgré les affres de l'histoire, de plus en plus, nous acceptons de reconnaître nos torts et, une fois de temps en temps, de réfléchir en leur faveur.

(1910)

Honorables sénateurs — le sénateur LaPierre me corrigera si je fais erreur sur mes notes historiques —, les rois et les reines de quelque régime que ce soit, qui ont régné sur notre territoire depuis à peu près 470 ans, les gouverneurs qui ont agi — pas tous, mais la plupart de ces gouverneurs — au nom de ces rois et reines, les gouvernements qui ont suivi et qui ont assumé cette souveraineté ont — utilisons les vrais mots — leurré ces peuples qui sont ici depuis un peu plus de 40 000 ans. Ils les ont leurrés, ils leur ont menti, ils ont violé leurs femmes, ils ont déporté ces populations lorsque cela satisfaisait leurs besoins de reconnaissance de souveraineté.

J'arrive d'Iqaluit. Je comprends que ce projet de loi touche les Premières nations, mais on a déporté des communautés inuites pour satisfaire nos besoins de souveraineté. Il me semble que le chef Fontaine ne nous demande pas grand-chose; il nous dit: «Laissez- moi le temps de digérer cette mesure, de la comprendre, de faire œuvre d'éducation populaire et d'expliquer aux gens de quoi retourne cette bonne foi, mais aidez-moi à vous aider.» Je pense que c'est ce que le chef Fontaine nous demande. Et nous, on est en train de lui dire qu'on ne le croit pas et qu'on ne lui fait pas confiance: «Nous, on sait ce qui est bon pour toi, écoute-nous.» Ces gens nous disent qu'ils sont prêts à jouer le jeu de notre système judiciaire, mais ils ont l'impression que quelqu'un joue avec les dés, avec le système. Ce système n'est pas tout à fait indépendant.

De part et d'autre, je crois que les gens sont de bonne foi. Ils recherchent une solution viable. Oui, c'est un problème qui a trop longtemps duré. Cette époque où l'on pouvait duper ces personnes parce qu'on était les plus forts et les plus riches est terminée. Ils nous demandent un système impartial et indépendant; ils questionnent l'indépendance du système devant nous. Il me semble que, pour faire un peu d'éducation populaire auprès d'une communauté qui ne demande pas mieux que de jouer le jeu du système judiciaire, on peut leur accorder six mois.

C'est pour cette raison que je vais voter en faveur de l'amendement du sénateur Gill. Je vous implore, honorables sénateurs, de faire de même.

Le sénateur Corbin: Honorables sénateurs, ma position vis-à-vis de ce projet de loi est bien connue. Ce n'est pas la première fois que j'ai à me prononcer sur un projet de loi concernant les peuples autochtones. C'est un projet de loi qui affecte leurs droits, leur mode de vie et leur espérance d'un avenir meilleur. Cela fait plus de 36 ans que je suis au Parlement et, de vote en vote, j'ai eu la naïveté d'espérer que finalement, le jour arriverait où on réglerait ces questions.

Je me souviens qu'après ma première élection — deux jours après l'élection —, la première réunion à laquelle j'ai assisté était une réunion des chefs des réserves des provinces maritimes, à Moncton. J'ai traversé la province et je suis allé à cette réunion. On leur avait laissé entendre que les choses changeraient et j'ai eu la naïveté de croire que les choses changeraient pour le mieux, en leur faveur. Il se peut qu'en 36 ans, il y ait eu des améliorations, il se peut qu'il y ait eu des progrès sur le front des négociations. Il y a aussi eu des reculs et cela fait partie de l'histoire.

Comme le disait le sénateur St. Germain plus tôt — et il connaît l'Ouest canadien beaucoup mieux que je ne le connais, parce que je n'y ai séjourné qu'occasionnellement et en simple touriste —, il est vrai que la situation des peuples autochtones et des Métis dans les grands centres de l'Ouest est déplorable et va en s'empirant. Il a mis le doigt sur le problème lorsqu'il a parlé, plus tôt ce soir. Le problème se perpétue et tant que les deux Chambres du Parlement ne prendront pas leur pleine et entière responsabilité de dire au gouvernement du jour qu'il ne fait pas assez, qu'il ne va pas aussi loin qu'il le pourrait, qu'il ne négocie pas de bonne foi et qu'il continue à exercer son paternalisme envers ces premiers citoyens du pays, il n'y a pas lieu de trop espérer pour l'avenir.

Honorables sénateurs, j'aurais aimé quitter un jour, prochainement, la vie politique avec la fierté de pouvoir regarder derrière moi et dire que finalement, on a apporté pleine justice aux revendications et aux réclamations des peuples autochtones de ce pays. Depuis le temps que cela dure, après tout! Ce n'est pas la joie au cœur que je vote contre cette proposition du gouvernement. Je le fais parce que je crois dans certains principes de justice pour tous dans un pays démocratique.

Le sénateur Austin nous disait plus tôt qu'il était fier de l'inclusion, dans la Loi constitutionnelle, de certaines dispositions qui visaient à maintenir et à sauvegarder certains droits des peuples autochtones et des Métis. J'ai fait partie de ce comité présidé, entre autres, par le sénateur Joyal et coprésidé par le père de Son Honneur. Je n'ai manqué qu'une seule réunion de ce comité et c'était à cause d'une tempête de neige. Quand on voyageait le long du fleuve Saint-Laurent, au début de janvier, on n'avait qu'à rester dans le banc de neige ou retourner chez soi, on ne pouvait aller plus loin.

Honorables sénateurs, même au moment du processus constitutionnel, on avait soulevé de grands espoirs. On y a partiellement répondu; je ne suis pas totalement négatif ce soir. Je crois sincèrement que depuis ce temps, on aurait pu faire mieux et plus vite. Je partage le sentiment de plusieurs de mes collègues, à savoir que le ministère des Affaires indiennes n'est pas toujours de bonne foi. J'ai eu affaire au ministère des Affaires indiennes; j'ai eu à intervenir pour des commettants autochtones. Je peux vous dire que cela tournait rond et en rond, et on ne voyait jamais la lumière avec ces gens. Il y avait toujours un bon argument quelque part dans un règlement selon lequel on ne pouvait pas répondre aux justes réclamations des personnes pour qui j'intervenais. Plusieurs d'entre vous ont eu à vivre ce genre de frustrations.

Ce n'est pas la première fois que je me lève avec mes collègues qui représentent les peuples autochtones. J'ai déjà voté et je me suis abstenu de voter pour des projets de loi du gouvernement, pour démontrer que je les appuie, que je suis de leur côté. J'inviterais davantage de nos collègues à appuyer leurs justes revendications.

(1920)

Dorénavant, si Dieu me prête vie, je voterai toujours avec mes collègues autochtones sur quelque question que ce soit pour démontrer au gouvernement et au ministère des Affaires indiennes mon mécontentement presque total.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, souvent les orateurs disent qu'ils n'avaient pas l'intention de participer au débat. Ils se lancent dans un débat qui n'en finit plus. Je vais faire l'inverse. Je n'avais pas l'intention de participer au débat. Je pense que les votes que j'ai exprimés reflèteront, pour moi, le meilleur discours qui puisse être fait dans les circonstances.

Je me pose beaucoup de questions. Bientôt, je vais célébrer mon 40e anniversaire au Parlement du Canada. Je suis donc le plus ancien, pas nécessairement le plus vieux, mais le plus ancien dans la formule française parlementaire. Le très honorable Jean Chrétien est le plus ancien de la Chambre des communes, et notre ami et collègue, le sénateur Sparrow, est le plus ancien des sénateurs; mais moi je suis le plus ancien des deux Chambres.

Lorsque j'ai été nommé au Sénat il y a dix ans, je savais que le Sénat avait un rôle différent de celui de la Chambre des communes. Je l'avais compris. Mes professeurs à l'université l'avaient compris et me l'avaient bien expliqué.

Le Sénat, c'est la Chambre de réflexion, la Chambre où l'on prend le temps nécessaire et où l'on applique la maxime qui veut que l'ordre exclue hâte et précipitation, indépendamment de la rapidité de l'opinion publique; indépendamment des meutes qui nous courent après comme si nous, au Sénat, étions incapables de réflexion sur notre pays. C'est presque devenu une perte de temps.

[Traduction]

Je crois que c'est pratiquement une perte de temps. J'ai souvent voté autrement que je ne l'avais prévu après avoir écouté les interventions de mes collègues. C'est pour cela que je suis toujours ici. Je ne parle pas de ceux qui sont absents ou qui sont indifférents. Chacun de nous doit juger pour lui-même, mais c'est pour cela que je participe au débat. Je n'ai pas honte de dire que j'ai souvent changé d'opinion. J'avais une opinion lorsque je suis arrivé. J'ai toujours une opinion, à l'instar de la plupart des sénateurs, mais je suis toujours prêt à entendre les opinions des autres et je n'ai pas honte de changer d'opinion.

[Français]

Je trouve étrange que chaque fois que nous parlons des Acadiens, pour qui j'ai beaucoup d'amour et d'amitié, on semble être plus sensible. Je n'ai pas dit que nous le sommes. Cela doit faire mal à certains de se faire rappeler la déportation des Acadiens, d'en entendre parler et de les voir devenir l'objet de célébrations. Pourtant, le Sénat n'hésite pas parce que nous savons qu'une injustice a été commise envers un peuple.

Je suis profondément nationaliste, Canadien français du Québec et fédéraliste. C'est pourquoi je ne peux pas me réconcilier avec mes amis du Bloc et du Parti québécois. Je n'ai pas honte de dire que je suis nationaliste. Mon nationalisme s'arrête là où celui du sénateur Cools peut commencer. Ma fierté s'arrête toujours là où la fierté des autres commence. C'est un sain nationalisme et non un nationalisme étroit.

Honorables sénateurs, nous devons avoir le sens de l'histoire. Bien avant que mes ancêtres n'arrivent au Canada, il y avait des gens qui y habitaient. Je me souviens, pendant 20 ans, je parcourais tout le Canada et je défendais toutes les belles politiques.

[Traduction]

J'ai été très fier des deux peuples fondateurs jusqu'au jour où je suis arrivé au Château Frontenac, à Québec, en 1970, avec notre cher Président, le sénateur Molgat, et où j'ai pris la parole devant 1 500 personnes. J'ai commencé mon discours en disant: «Nous, les deux peuples fondateurs...» Un homme grand et fort s'est alors levé pour dire: «C'est dommage car demain on ne pourra pas entendre la clameur, on ne pourra que lire les commentaires». C'était Max Gros-Louis, grand chef huron de la nation huronne-wendat. J'ai eu honte, mais je l'aimais. Il était un bon ami à moi. J'ai commencé à penser qu'il avait raison.

Mes ancêtres sont arrivés ici au XVIIe siècle. Ils ont délogé des gens et ils ont formé des alliances avec d'autres. Voilà ce qui explique pourquoi nous avons moins de difficulté au Québec, non pas que nous sommes meilleurs, mais parce que nous avons une association de plus longue date. Nous nous entendons peu à peu avec nos 11 nations. Pour les sénateurs qui ne le sauraient pas, le Québec compte 11 nations. Nous nous entendons avec la plupart d'entre elles en raison de notre association de longue date avec elles. Je vous souhaite bonne chance, surtout à ceux qui vivent en Colombie-Britannique, parce que votre association avec les Premières nations est plus récente. Si vous manquez de sensibilité pour comprendre, vous aurez de graves problèmes.

J'ai écouté l'intervention du sénateur Austin. À ma grande surprise, il a tenu des propos très affirmatifs et décisifs. Néanmoins, son intervention m'inquiète, particulièrement à cause des rumeurs laissant entendre qu'il sera peut-être le prochain leader du gouvernement au Sénat. Avec lui, c'est sa façon de voir qui prévaut; si on n'est pas d'accord, il faut s'en aller. Ce n'est pas ma façon de faire et ce n'est pas non plus une formule qui devrait exister au Sénat.

Ce ne sont que les réflexions d'un vieil homme à la fin de la journée, après un week-end épuisant à Montréal où je suis allé pour affaires, pour des questions d'ordre public et familial. Je pense que le Sénat ne joue pas vraiment le rôle qui lui revient. C'est extrêmement décevant pour un vieil homme comme moi qui croit fermement que le Sénat a un rôle à jouer.

Il ne faut pas toucher aux autres sans les comprendre. Il faut comprendre les Premières nations. Il ne faut toucher à personne en ce qui concerne les questions religieuses. Si un citoyen est un fier Canadien de confession juive, devant moi, il vaut mieux le respecter, autrement, il y aura toute une querelle. Malheureusement, ce n'est pas la réputation que certains me prêtent auprès de nouveaux sénateurs. Une personne m'a encore dit cet après-midi qu'on raconte des choses incroyables à mon sujet. Elle a même ajouté qu'elle ne me connaissait pas et que je suis bien différent de la description qu'on avait faite de moi.

Découvrez par vous-mêmes. Trouvez le rôle que vous pouvez jouer. À l'exception de un, de deux ou de trois sénateurs que je vois dans cette enceinte et qui sont dans la cinquantaine, la plupart d'entre nous sont légèrement plus âgés. Pouvons-nous être fiers devant nos petits-enfants? En ce qui me concerne, j'ai de nombreux neveux et nièces, petits-neveux et petites-nièces. Pour autant que je sache, je n'ai pas d'enfant, et je le regrette, au cas où quelqu'un veut sourire, et vous pouvez le faire si vous en avez envie. Il faut être en mesure de dire aux enfants et aux petits-enfants: «Voilà ce que je peux faire. Voilà ce que le Sénat est en mesure de faire.»

(1930)

Certains sénateurs, par exemple, ont fait le tour du monde. Lorsque je prononce un discours, l'un d'entre vous me fait souvent penser à une histoire ou à un événement. Je ne mentionnerai pas de nom pour ne pas rendre le débat personnel, mais je parle de l'Union interparlementaire. Nous parlons de démocratie aux gens et ils nous demandent comment nous sommes élus. Il est très difficile pour les sénateurs, qui sont nommés et non élus, de parler de démocratie et d'élections dans des pays où les gens ne savent même pas d'où proviendra leur prochain litre de lait.

J'espère que les nouveaux sénateurs se demanderont, comme je le fais tous les jours, s'ils peuvent être fiers du rôle qu'ils ont joué au Sénat, plutôt que de se contenter d'être les marionnettes de leur whip, des gouvernements et des premiers ministres. Si c'est le cas, à quoi sert le Sénat? Lorsque les gens ont des sentiments aussi forts que ceux qui ont été exprimés par les sénateurs Gill, Watt et Adams — et je préfère ne parler que de ceux-là, même si je suis un bon voisin du sénateur St. Germain, ce qui est une tout autre histoire — il est de mon devoir de les écouter. De cette façon, Marcel Prud'homme peut jouer un rôle, enseigner au reste du Canada et tenter de les convaincre de regarder ce que nous faisons ici au Canada. Nous avons deux Chambres. L'une qui cède rapidement sous la pression, c'est-à-dire celle dont les membres sont élus. J'ai été élu à 10 reprises — choisi 10 fois à titre de libéral — puis je suis venu au Sénat. Je sais qu'il arrive que nous devions prendre des décisions sous pression. C'est la raison pour laquelle les pères de la Confédération ont jugé bon de prévoir une seconde Chambre où, sans trop de modernisation, ils pourraient jouer un certain rôle. Chacune des propositions de réforme du Sénat peut être remise en question. Je le ferai d'ailleurs en temps opportun, d'un bout à l'autre du Canada, aussi discrètement que je suis forcé de le faire maintenant, et non comme j'avais autrefois l'habitude de le faire.

Si les Canadiens savaient quel rôle nous pourrions jouer, ils défendraient le Sénat avant de défendre la Chambre des communes. Quoi qu'il en soit, nous devons jouer notre rôle. Je demande aux nouveaux sénateurs de jouer leur rôle de sénateur. Chacun de vous a un devoir envers le pays et un devoir envers les Canadiens de ne pas vous laisser bousculer, de ne pas faire des choses que vous estimez n'être pas tout à fait correctes, mais de vous rappeler d'abord la raison d'être du Sénat, qui est d'écouter ceux qui ne sont peut-être pas nombreux, d'écouter ceux qui ont peut-être un point de vue différent, ceux qu'on appelle la minorité et qui ont peut-être une origine différente de la vôtre. C'est très important.

Il y a des gens très heureux au Sénat. Je ne blâme pas ceux qui sont unilingues anglais, mais, à l'occasion, lorsqu'on parle en français, ils n'utilisent même pas leurs écouteurs. Lorsque cela se produit, c'est comme si je m'adressais au mur. Cela me chagrine, et c'est triste, car nous savons que tous nos efforts ne valent rien et que nous parlons à des convertis.

Aujourd'hui, nous avons été témoins d'un exemple magnifique d'une personne à l'esprit ouvert, de notre nouveau sénateur, madame le sénateur Trenholme Counsell. Je voudrais citer madame le sénateur Trenholme Counsell en exemple.

[Français]

Ce n'est pas un sénateur francophone comme moi-même ou comme les sénateurs Ringuette-Maltais, Bacon ou Joyal. Quel remarquable plaidoyer elle a fait pour rendre hommage au sénateur Louis J. Robichaud! Elle aurait pu le faire en anglais, sa langue maternelle. Elle l'a fait de manière resplendissante. Elle a démontré qu'elle avait une sensibilité de l'autre, une sensibilité de son vis-à-vis, d'une personne qu'elle a connue; et quelle belle manière de lui offrir ses hommages, comme elle l'a fait, dans la langue que Louis J. Robichaud a toujours tenté de défendre! Cela ne veut pas dire que, si elle l'avait fait exclusivement en anglais, son témoignage aurait eu moins de valeur, mais j'ai été impressionné. Des choses magnifiques peuvent se produire au Sénat.

[Traduction]

Cela peut sembler très banal pour certains sénateurs, mais pour un homme sensible comme moi, ce n'est pas banal. Cela montre qu'elle possède assez de sensibilité pour comprendre la raison d'être du Sénat, qui est de s'occuper de ceux qui font partie de la minorité.

En guise de conclusion, vous pensez peut-être que c'est facile. Pensez-vous que c'est facile? Je m'adresse ici à des gens qui peuvent travailler, se divertir et gagner de l'argent uniquement en anglais, et je m'adresse aussi aux Canadiens français, car je crois parfois que le bilinguisme vise les Canadiens français. Quoi qu'il en soit, pensez- vous qu'il est facile pour le sénateur Adams d'exprimer ses sentiments dans une langue qui n'est pas la sienne? Comme il a plus de mal à s'exprimer en anglais, il participe probablement moins aux délibérations du Sénat. C'est pourquoi nous devrions l'écouter plus attentivement, car il n'est pas aussi à l'aise en anglais que la plupart des sénateurs le sont.

Je vais contribuer au débat en décrivant ce qui m'est arrivé il y a quelques années, durant une tournée pancanadienne de conférences dont le but était de sauver l'accord de Charlottetown. À Vancouver, j'étais vraiment en forme et j'ai essayé d'expliquer ce qu'était le Canada. Un jeune homme de la Saskatchewan, que le sénateur Merchant connaît, m'a interpellé en anglais. J'exprimais toute la fierté d'être Canadien français. Pendant trois jours, je suis demeuré calme, mais j'allais perdre mon calme lorsqu'une vieille dame leva la main pour parler. C'était un chef indien. Elle a demandé la parole et je me suis dit que je pourrais être apostrophé par n'importe qui, mais pas par une représentante des Premières nations, alors j'étais prêt. Elle a déclaré «Je comprends la fierté de cet homme, Marcel Prud'homme, et son désir de sauvegarder sa langue et sa culture. Tout ce qui m'agace par rapport à vous, jeune homme, c'est que moi, femme et chef indien, je dois exprimer ma fierté en anglais parce que j'ai perdu ma langue.» Par conséquent, honorables sénateurs, je comprends ceux qui, au Sénat, sont attachés à leur culture; par ailleurs, le Sénat est le meilleur endroit pour réfléchir avant d'aller trop vite.

(1940)

Le sénateur LaPierre: Il est très difficile de faire ce que je m'apprête à faire et, ce faisant, je ne renie pas mes gestes passés. Je suis resté assis ici et j'ai été profondément blessé par les sermons qui se sont répétés. J'ai été profondément blessé d'être associé aux crimes qui pourraient avoir été commis et ont effectivement été commis contre les Premières nations de mon pays. J'ai siégé ici et on m'a fait croire que si je votais contre cette résolution du sénateur Gill et que j'acceptais la position du gouvernement, je trahirais mon passé, mon avenir et toute forme de décence que je pourrais posséder.

Je le déplore, honorables sénateurs. J'ai toujours cru que cette Chambre était un endroit sacré où ce genre d'attitude n'existait pas.

[Français]

Les procès d'intention qui se font sans arrêt depuis le commencement de ce débat ne devraient pas avoir lieu.

[Traduction]

L'autre jour le sénateur Sibbeston a été attaqué bruyamment et avec une bassesse que je n'avais pas vue depuis de nombreuses années. Nul doute que le débat mène à ce genre de comportement. J'ai étudié le projet de loi C-6 avec le sentiment que je voterais contre. Au cours des derniers mois, j'y ai réfléchi et j'en suis venu à la conclusion que, parce que je suis un enfant des Lumières et que je crois en la perfection inévitable de l'être humain, le projet de loi remplit une condition requise, soit un règlement indépendant des revendications particulières des Premières nations. Je me demandais pourquoi ce projet de loi ne pourrait pas être un nouveau départ pour que les hommes et les femmes de bonne volonté puissent continuer à étudier ce projet de loi et à l'améliorer au fil du temps, plutôt que de se dénigrer les uns les autres. Aucune loi n'est jamais gravée dans la pierre. On me dit que le prochain chef du Parti libéral fera un meilleur travail. D'accord, laissons-le modifier le projet de loi. Au moins, il aura été déclaré que ce droit à un tribunal indépendant pour régler les revendications particulières existe et doit exister. C'est là le principe du projet de loi, rien d'autre. Par conséquent, le Parlement doit l'accepter pour que nous puissions avancer et, en temps opportun, adapter les éléments nécessaires du projet de loi conformément aux témoignages brillants du sénateur Watt, du sénateur Adams et du sénateur Gill.

Je me prononcerai contre la position adoptée par le sénateur Gill, geste qui m'est difficile parce que je le respecte plus que toute autre personne sur la planète. Je voterai en faveur du gouvernement parce que j'estime qu'un nouveau départ s'impose. J'en ai ras le bol de me sentir coupable du fait que, depuis 1653, les miens n'ont rien fait d'autre que de porter atteinte aux Autochtones. Je n'ai rien eu à voir avec cela. Je me sens parfois comme Margaret Mead ou comme le grand américain James Baldwin qui, à l'occasion d'un dialogue qu'il a entretenu avec celle-ci à la télévision avant que la majorité d'entre vous ne viennent au monde, l'a accusée de tous les crimes imaginables concernant l'homme blanc et la pauvreté chez les noirs, et ainsi de suite. Elle a répondu qu'elle n'en était pas responsable, mais qu'elle ne voulait pas que cela se reproduise. Elle a mentionné qu'une union des coeurs s'imposait pour amener les gens à une résolution et à une affirmation. Je vous remercie de votre observation, madame.

En dernière analyse, il faut commencer quelque part, et il se peut que ce soit dans cette enceinte aujourd'hui en acceptant le projet de loi C-6. Ce faisant, nous ferons fond sur ce nouveau départ et viendra le jour où nous n'aurons plus jamais, au grand jamais, à tenir un tel débat. Les enfants, les fondateurs et les premiers habitants de notre pays vivront dans toute la gloire émanant des droits et des promesses de leur avenir.

Le sénateur Watt: Je devrais peut-être réagir en posant une question, mais j'aimerais plutôt adresser une observation au sénateur LaPierre.

Son Honneur le Président: Sénateur LaPierre, permettez-vous au sénateur Watt de vous faire une observation?

Le sénateur LaPierre: Oui, c'est un endroit libre et il peut faire ce qu'il veut.

Le sénateur Lynch-Staunton: À l'ordre!

Le sénateur Cools: Nous croyons au débat.

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, j'essaierai de réagir raisonnablement aux propos que j'ai entendus, mais ce ne sera pas facile.

Honorables sénateurs, nous ne sommes pas ici pour personnaliser nos débats. Le Sénat n'est pas le bon endroit pour agir de la sorte. Si je voulais personnaliser le débat, je pourrais facilement le faire. Toutefois, je vais m'en abstenir autant que faire se peut. Le projet de loi mérite d'être abordé en fonction de sa valeur intrinsèque, et c'est ce que nous cherchons à faire.

Honorables sénateurs, nous avons dit à maintes et maintes reprises, et c'est vrai, que ce projet de loi est inacceptable aux yeux des Autochtones et qu'il ne bénéficiera ni aux Autochtones ni au gouvernement du Canada.

Je sais que les honorables sénateurs ont exprimé leurs sentiments, leurs opinions et qu'ils ont fait part de leur expérience. Nous, Autochtones du Sénat, ne sommes toutefois pas ici pour vous sensibiliser au point de vous faire sentir coupables. Nous ne nous livrons pas à des attaques personnelles contre des sénateurs et nous ne le ferons jamais.

Nous préférons parler du projet de loi C-6 et d'un système qui ne fonctionne pas. Nous avons dit haut et fort que le système ne fonctionne pas et qu'il faut y voir. Ce n'est pas en abordant la question de manière fragmentaire, comme nous le faisons, que nous réglerons le problème. Nous devons maintenir le débat à ce niveau sans le personnaliser, sinon, nous n'en sortirons jamais.

Honorables sénateurs, nous avons examiné la question en profondeur, et je m'en réjouis, mais je ne veux pas que quiconque se sente attaqué personnellement. Nous n'attaquons personne. Nous faisons simplement notre travail. Si nous ne disons pas ce que nous avons à dire, nous ne représenterons pas les nôtres. Que cela vous plaise ou non, vous devez écouter ce que nous avons à dire. C'est notre responsabilité et c'est pour cela que nous sommes ici. Nous continuerons d'assumer cette responsabilité. J'ai bon espoir qu'un jour, nous réaliserons une percée et qu'il y aura davantage d'Autochtones dans cet endroit. J'aimerais que leur nombre augmente. J'aimerais que des femmes autochtones deviennent sénateurs; les honorables sénateurs pourraient ainsi connaître leur point de vue et celui des enfants. Une bonne partie de ce que nous entendons dans cet endroit est de l'information de deuxième main.

(1950)

Honorables sénateurs, nous vous demandons simplement de nous laisser utiliser cet instrument, qui est à la disposition de tous, pour le bénéfice de nos concitoyens, tant des Autochtones que des non- autochtones, de l'ensemble des habitants de notre pays, le Canada. Gardons-le tel quel.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, j'ai écouté très sagement les interventions de mes collègues tout en réfléchissant à la question et je dois dire aux honorables sénateurs que je sens parfois qu'il est de mon devoir de donner un coup de main à mes collègues autochtones. J'ai bien précisé que je n'ai pas participé à l'étude des questions fondamentales abordées dans le projet de loi, mais je dois dire, honorables sénateurs, que j'aimerais bien poser une question au sénateur Prud'homme.

Le sénateur Prud'homme a le grand avantage d'avoir servi sous plusieurs premiers ministres, d'avoir siégé dans les deux Chambres et — franchement en tant que libéral — d'avoir donné de nombreuses années de service distingué. Le sénateur Prud'homme est bien connu pour l'appui qu'il donne à des dossiers difficiles, notamment pour son appui aux Palestiniens, et il est respecté de tous les Canadiens.

J'ai écouté le sénateur Prud'homme — de même que tous ceux qui ont parlé de leur conscience collective raciale, et je n'ai pas commenté, car je ne parle jamais de ma conscience. Si nous devions nous lancer dans de tels débats, les esprits s'échaufferaient. Toutefois, en écoutant les sénateurs Prud'homme et Watt, je me suis surprise à penser à un ouvrage que je n'ai pas lu depuis longtemps, soit Lamentation sur l'échec du nationalisme canadien, de George Grant. Je ne sais pas ce que mes collègues pensent de cet ouvrage de George Grant, mais j'y réfléchissais, car les propos du sénateur Prud'homme se voulaient une lamentation sur le Sénat, une lamentation sur le Parlement et une lamentation sur le fait que ces institutions, la plus grande réalisation du constitutionnalisme — le Parlement du Canada...

Son Honneur le Président: Le sénateur Robichaud invoque le Règlement.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne sais plus où nous en sommes. Sommes- nous sur une question au dernier orateur, sur un commentaire ou un discours? Pardonnez mon ignorance, mais j'ai perdu le fil du débat.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Le sénateur Cools parle du projet de loi et n'est pas intervenue auparavant, même si nous l'avons entendue soulever des recours au Règlement et poser d'autres questions.

Le sénateur Cools: J'aurais pensé qu'il était tout à fait clair que j'étais sur la question principale, puisque le Président a décidé un peu plus tôt, à la demande de beaucoup dans cette enceinte, que le Sénat ne pouvait être saisi que d'une seule question. Ainsi, je pensais qu'il était tout à fait clair pour tous que je parlais de la motion, car elle n'a pas encore fait l'objet d'un vote et nous en sommes toujours saisis.

Je pense que ce que le sénateur Robichaud m'incite à dire alors, c'est que le Sénat a pour devoir impérieux d'agir en tant que Chambre indépendante ayant une opinion indépendante. Il a le devoir impérieux et la responsabilité constitutionnelle d'examiner tous les projets de loi dont il est saisi et d'interroger le ministre et le gouvernement de la façon la plus véhémente possible. C'est ce que nous sommes censés faire.

Beaucoup de sénateurs et députés pensent qu'ils sont censés faire autre chose, mais permettez-moi de leur signaler qu'ils se trompent. Le rôle approprié du Parlement et du Sénat est de surveiller très jalousement ce que le gouvernement fait. Nous sommes censés relever toutes les lacunes dans tous les projets de loi. C'est tout à fait, selon moi, ce que les sénateurs Watt et Gill essaient de faire.

Honorables sénateurs, le sénateur Prud'homme a beaucoup parlé de sensibilité. Je me considère comme une personne extrêmement sensible. Je pense également que les sénateurs Watt et Gill l'ont aussi été. Ils ont abordé une situation extrêmement délicate avec beaucoup de magnanimité, d'éloquence et d'élégance. Je pense que la plupart d'entre nous ici ont le sentiment d'avoir une énorme dette envers eux.

Je voudrais dire en terminant que du fait de mes propres antécédents, je ne connais pas beaucoup les Autochtones. Je n'ai pas eu beaucoup de contacts dans ma vie avec des Autochtones. Comme les honorables sénateurs le savent, je suis née dans les Caraïbes orientales et les Autochtones de l'endroit — les Caribes de l'île de la Barbade et les Arawaks — ont disparu depuis longtemps si ce n'est, sauf erreur, sur une ou deux îles où il y a des réserves. Cependant, je voudrais dire que j'espère que c'est la dernière fois dans cette enceinte que le gouvernement a recours à cette action coercitive appelée attribution de temps pour faire adopter ainsi un projet de loi.

Honorables sénateurs, je ne suis pas du genre à me livrer à de grandes confessions, à verser des larmes et à faire toute une scène sur le parquet de la Chambre. Ce n'est pas mon style et je ne crois pas que ce type de comportement soit bien indiqué. Cependant, il doit être très douloureux et très difficile pour ces deux messieurs d'origine autochtone, des non-Blancs donc, d'exhorter sans cesse leurs collègues à leur prêter l'oreille. Ce doit être extrêmement difficile. Si vous me voyez les aider de temps en temps à éclaircir une question de procédure, c'est parce que je crois sincèrement qu'ils sont profondément convaincus du bien-fondé de leur action et qu'ils tentent d'améliorer la situation de leurs pairs.

Je sais qu'il y a beaucoup d'autochtones à la tribune ce soir. Je leur demande d'écouter attentivement et de bien comprendre ce que je dis. Il leur est arrivé d'entendre des propos très cruels et insensibles prononcés sur ce parquet, mais ils doivent se rappeler que l'avenir est en marche. Tout ce qui a été dit figure au compte rendu des débats. Les sénateurs Gill et Watt ont exprimé des opinions très fermes et, bien qu'ils ne remporteront peut-être pas cette bataille, je peux vous promettre qu'ils finiront par gagner la guerre.

Nous nageons dans la confusion au plan constitutionnel, car les deux institutions du Parlement ne sont pas autorisées à fonctionner comme telles. Je suis peut-être bien naïve — et je dois être bien ennuyante aux yeux de bien des gens à vouloir toujours soulever tel ou tel principe, tel ou tel concept — mais croyez-moi, honorables sénateurs, en bout de ligne rien ne vaut ce Parlement et les débats qui y ont cours.

(2000)

Je sais que lorsque des Autochtones comme vous écoutez ce genre de débats, vous êtes rongés par la pensée suivante: «Encore ces Blancs. Ces Blancs qui ne nous comprennent pas, qui ne nous écoutent pas, qui font la sourde oreille, qui n'entendent pas, qui sont indifférents.» Je veux que vous sachiez que ce sont des pensées que vous devez rejeter. Faites face à la situation telle qu'elle est. Comme l'a dit si justement le sénateur Watt, cela n'a rien de personnel. Ce n'est pas une attaque personnelle contre un sénateur en particulier. S'il vous plaît, acceptez que, avec toutes leurs limitations, il y a ici des gens qui essaient vraiment de faire de leur mieux.

Aujourd'hui, j'ai eu un étrange sentiment pendant quelques instants. Comment se fait-il que, historiquement, les trois uniques sénateurs qui portent réellement le flambeau ne soient pas blancs? Comment cela se fait-il? Est-ce un accident? Nous savons tous que je ne parle jamais de race. Toutefois, je peux dire à tous les honorables sénateurs que je suis le produit de plusieurs siècles de métissage. Les gens parlent d'oppression, entre autres choses. L'esclavage est un sujet sur lequel j'ai beaucoup lu.

Je suis descendante de personnes — je ne pense pas qu'il y ait deux sénateurs dans cette Chambre qui sachent quoi que ce soit à ce sujet — qui s'appelaient des gens de couleur libres. Je veux que les honorables sénateurs sachent qu'il y avait un système appelé la manumission. Souvenez-vous, l'esclave était un bien fait de chair humaine. La manumission permettait aux esclaves accomplis d'acheter leur émancipation.

À l'intention de ceux qui se sentent un peu gênés que ces questions raciales aient fait surface, je dirai que, par exemple, en 1790, à la Jamaïque, il y avait 10 000 personnes de couleur libres. La jalousie qu'elles s'attiraient était si énorme qu'à un moment on a voulu taxer la manumission. On a imposé des amendes de 500 livres. Dans une certaine île, le prix de la manumission était de 1 000 livres — les autorités étaient déterminées à éviter le mélange des races. Les gens qui étaient ainsi affranchis légalement, les personnes de couleur libres, devenaient rapidement des dirigeants de la communauté en raison de leurs talents naturels.

Je n'en parle pas souvent, car le sujet peut devenir sentimental, chargé d'émotion et de passion. En outre, très souvent, cela ne fait pas avancer le débat.

Je ne voulais pas laisser filer ce moment sans faire comprendre aux Autochtones présents à la tribune qu'il y a beaucoup de sénateurs ici qui respectent et honorent le travail des sénateurs Watt et Gill. Cet échange doit être perçu comme étant ce qu'il est, soit un débat.

Je dois cependant remercier le sénateur Prud'homme et préciser que, selon moi, ses préoccupations sont justifiées. Avec le nouveau chef que nous aurons au cours du mois prochain, espérons-le, ces institutions pourront fonctionner comme les institutions du Parlement sont censées fonctionner. Ce qui est arrivé, c'est que les parlementaires des deux Chambres sont devenus habitués à la situation actuelle.

Quoi qu'il en soit, le débat achève. La question sera mise aux voix. Puis, la question principale sera mise aux voix. Et ce sera fini. Il y aura une autre bataille un autre jour.

Je voulais dire cela au sénateur Prud'homme parce qu'il est au Parlement depuis longtemps. Je suis ici depuis un certain temps, mais pas depuis aussi longtemps que vous. Il est très important que vous partagiez ces expériences.

Je suis également d'avis que les Canadiens commencent maintenant à comprendre un peu mieux les questions touchant les Autochtones. Ils commencent maintenant à comprendre, tout comme le monde a commencé à comprendre il y a environ deux ans qu'il y avait...

Son Honneur le Président: Sénateur Cools, je regrette de vous informer que votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Kinsella: Demandez la permission de continuer.

Le sénateur Cools: Non, c'est fini. Ça va, maintenant. Nous avons fait valoir notre point de vue.

Le sénateur Kinsella: Avez-vous demandé la permission de continuer?

Le sénateur Cools: Quoi?

Le sénateur Kinsella: Avez-vous demandé la permission de continuer?

Le sénateur Cools: Oh, oui. Puis-je avoir la permission de continuer?

Son Honneur le Président: Comme aucun autre sénateur ne demande la parole...

Le sénateur Kinsella: Ai-je le temps de poser une question au sénateur?

Son Honneur le Président: Non, son temps de parole est écoulé. Elle n'a pas demandé la permission de continuer.

Le sénateur Cools: Voulez-vous que je le fasse? Je croyais que c'était une plaisanterie.

Son Honneur le Président: Demandez-vous la permission de continuer, sénateur Cools?

Le sénateur Cools: Je considérais la chose comme...

Son Honneur le Président: Le sénateur Cools a demandé l'autorisation de continuer. Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Je m'excuse, sénateur Cools, mais la permission ne vous est pas accordée.

J'essaie de voir s'il y a un autre sénateur qui désire prendre la parole. Comme nous le savons, nous devons nous conformer à un ordre d'attribution de temps de cette Chambre. Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, je dois mettre la question aux voix.

Je ne vois aucun autre sénateur se lever.

L'honorable sénateur Joyal désire-t-il prendre la parole?

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, comme le disait Cicéron, la patience est une vertu dont on abuse aisément, mais je vous demanderais encore dix minutes.

Ce projet de loi revêt une importance fondamentale parce qu'il concerne la Constitution. Il est différent de nombreux autres projets de loi dont cette Chambre a été saisie. Il se rapporte, essentiellement, à l'article 35 de la Constitution et à la responsabilité de fiduciaire de la Couronne.

Cette responsabilité place le gouvernement et les législateurs que nous sommes dans une situation embarrassante, car nous sommes à la fois juge et partie. Juge, parce que nous sommes responsables des affaires indiennes en vertu du paragraphe 914.24, et partie parce que nous sommes fiduciaires des peuples autochtones depuis 1763.

C'est pourquoi, lorsque se pose une question autochtone liée à la Constitution, nous sommes en contradiction. Nous devons à la fois statuer et représenter les intérêts des Autochtones. Le mécanisme ou le système proposé par le projet de loi C-6 permettrait de résoudre plus de 600 revendications territoriales. Lorsqu'il est question de terres revendiquées par les Autochtones, il ne s'agit pas des terres auxquelles pensent les non-autochtones. Il s'agit des droits constitutionnels des peuples autochtones à l'égard de leurs terres. Autrement dit, leurs terres sont protégées par la Constitution.

En 1998, le ministère des Affaires indiennes et le ministère de la Justice ont oeuvré à la production d'un rapport conjoint, dont le sénateur Austin a parlé. Dans l'affaire Delgamuukw, la Cour suprême du Canada a établi le critère que nous devons appliquer aux revendications territoriales des Autochtones.

La Cour déclare, au paragraphe 168 de sa longue décision, que nous devons consulter les peuples autochtones au sujet des revendications territoriales.

(2010)

Le terme «nous» s'entend de l'État qui consulte les Autochtones, mais il ne suffit pas de se contenter d'obtenir leur point de vue. Nous devons aussi reconnaître ces points de vue conflictuels si nous voulons résoudre les revendications.

Il est proposé dans ce projet de loi d'établir un tribunal. Un tribunal est une cour de justice; c'est un organisme indépendant. Selon tout conseiller juridique, cet organisme indépendant doit satisfaire à trois critères. Premièrement, sa situation financière doit être sûre. Autrement dit, son fonctionnement ne doit pas être tributaire du financement assuré par un tiers. Deuxièmement, les membres du tribunal doivent être inamovibles, c'est-à-dire qu'ils doivent demeurer longtemps en poste pour être à l'abri de toute influence indue. C'est donc dire qu'ils ne doivent pas rendre des décisions pour plaire aux personnes ayant le pouvoir d'effectuer des nominations. Nous pouvons facilement comprendre cela. Troisièmement, le tribunal doit bénéficier de l'autonomie institutionnelle, c'est-à-dire qu'il doit régir ses activités entièrement à l'abri de tout genre d'influence. Ce sont là les trois critères servant à déterminer l'indépendance d'un tribunal.

Quel est l'enjeu de ce projet de loi? Ce document prévoit essentiellement l'obligation constitutionnelle d'établir un système d'arbitrage satisfaisant à ces critères afin que les gens qui se présentent devant le tribunal aient l'assurance que leurs revendications recevront un traitement approprié.

Lorsque nous appliquons ces trois critères au projet de loi à l'étude, nous constatons qu'il y a des problèmes non résolus. L'un d'entre eux est lié au fait que les juges sont nommés pour une période de cinq ans et qu'ils peuvent être reconduits dans leurs fonctions ou nommés à tout autre poste. C'est ce que prévoit le paragraphe 41(7) du projet de loi. C'est donc dire qu'une personne pourrait rendre des décisions tout en sachant qu'elle est susceptible d'être reconduite dans ses fonctions ou nommée à tout autre poste.

C'est un élément très important, car les tribunaux administratifs comme celui dont il est question dans ce projet de loi font présentement l'objet d'une enquête menée par l'ex-juge en chef Antonio Lamer. Son rapport, qui doit être déposé en décembre, analysera les diverses normes auxquelles doivent satisfaire les tribunaux administratifs pour continuer à rendre des décisions pertinentes, pour assurer non seulement la justice, mais aussi l'apparence de justice.

D'autres aspects de ce projet de loi soulèvent aussi des problèmes quant à l'autonomie institutionnelle. Le projet de loi précise à divers égards que les membres du tribunal sont assimilés à des fonctionnaires. Ils n'ont pas l'autonomie dont devrait bénéficier le personnel d'un tribunal pour demeurer à l'abri de toute influence.

Sur le plan de l'autonomie financière, le Conseil du Trésor définit l'échelle salariale. Cela pose aussi un problème. Comme vous le savez, la Cour suprême a rendu une décision concernant la rémunération des juges, et elle a établi des critères très rigoureux. Nous devons aborder ici ces problèmes.

Il y a deux aspects que nous devons concilier au sujet de ce projet de loi. Nous devons harmoniser notre action de façon à ce que, lorsque nous agissons comme fiduciaires des Autochtones, nous ne nous placions pas en conflit d'intérêts, autrement dit que nous ne rendions pas de décisions plus favorables aux non-autochtones qu'aux Autochtones. En même temps, nous sommes ceux qui devront payer la facture. Par conséquent, le système prévu dans le projet de loi cherche à réaliser un équilibre très délicat entre ces deux objectifs contraires. Le mécanisme que vise à mettre en place le projet de loi soulève de graves questions. Nous devons veiller à ce qu'il passe le test des tribunaux.

Comme l'a dit le grand chef Fontaine dans la lettre qu'il nous a adressée, le projet de loi C-6 soulève des problèmes juridiques et constitutionnels, mais le grand chef n'a pas explicité sa pensée. Lorsque j'ai lu sa lettre, après les propos du sénateur Gill, il y a deux semaines, j'ai commencé à me demander quels aspects du projet de loi pouvaient poser des difficultés.

Honorables sénateurs, ceci est très important. La façon dont nous traitons le système prévu dans le projet de loi aura une incidence sur la résolution de la question posée par notre collègue, le sénateur Chalifoux, relativement aux Métis, puisque les principes s'appliquant aux Indiens ayant statut légal s'appliquent également aux Métis. Il est donc très important pour nous de ne pas oublier, malgré toute la passion et toute la tension suscitées par la présente discussion, que, après nous être prononcés au sujet de ce projet de loi, comme nous disons en français...

[Français]

Nos actes vont nous suivre. Les représentants des peuples autochtones qui liront nos débats, les juges qui auront à prendre connaissance de la substance de la loi, indépendamment de l'émotion que nous aurons apportée dans le débat sur le projet de loi, en liront le texte tel qu'il se présente. Ils seront amenés à juger sur la base de ce que le texte lui-même dit et non pas uniquement sur des intentions très généreuses, des intentions très réparatrices à l'égard du passé, comme notre collègue le sénateur LaPierre a voulu le mentionner, et avec lesquelles nous sommes tous d'accord.

Mais lorsque les tribunaux auront à déterminer si ce projet de loi est constitutionnel, ils devront se satisfaire de ce que ce projet de loi réconcilie parfaitement les objectifs du comité mixte.

[Traduction]

Ce comité mixte comptait des représentants du ministère de la Justice, d'Affaires indiennes et du Nord Canada, ainsi que des populations autochtones. J'ai lu la lettre pendant notre récent congé. Il apparaissait bien clairement que l'objectif consistait à établir un mécanisme indépendant pour régler les 600 revendications en attente afin que les deux parties puissent faire confiance au tribunal ou au système judiciaire qui a été mis en place. Puisqu'il s'agissait d'un système judiciaire, ils créaient, incontestablement, un volume très élevé d'exigences relatives au respect de normes juridiques qui s'appliquent normalement à un système judiciaire.

Honorables sénateurs, lisez les articles 40 à 70 et vous vous rendrez compte que c'est vraiment une cour de justice que l'on propose.

(2020)

Lorsqu'il évalue la fiabilité de ce système, un tribunal applique les normes qui sont habituellement opérationnelles dans un système judiciaire. Cela est important, car cela garantit que les populations autochtones obtiendront une réelle satisfaction. Si elles n'en sont pas convaincues, que se passera-t-il? Tous nos débats n'auront servi à rien. Toutes les heures et les longues séances du Comité des peuples autochtones, sous la présidence du sénateur Chalifoux, et le temps que d'autres sénateurs auront consacré à ce projet de loi ne seront d'aucune utilité, parce que le système ne sera pas digne de confiance.

Nous avons la lourde responsabilité de nous convaincre que ce projet de loi satisfait à ces critères. J'ai la certitude que, ce faisant, nous aidons les populations autochtones à accepter ce problème typiquement canadien que sont des questions autochtones non résolues, en attente, qui existent depuis des siècles, et à élaborer une nouvelle approche que nous aimerions avoir en tant qu'égaux.

Honorables sénateurs, il a été dit plus tôt cet après-midi qu'on ne renvoie pas aux Premières nations dans le présent projet de loi. Il est fait mention des Premières nations dans ce projet de loi. L'article 45(2) du texte dispose que les règles qu'adoptera le tribunal seront publiées dans la Gazette des Premières nations ou dans une publication similaire. En d'autres termes, le projet de loi reconnaît le statut des Premières nations. La Gazette des Premières nations a été le véhicule approprié pour la publication des règles du tribunal. Il ne fait aucun doute que si nous ne rétablissons pas la confiance des Autochtones dans le système que nous mettons en place, nous ne résoudrons pas le problème auquel nous heurtons depuis des siècles.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je suis entièrement d'accord sur les trois principes exposés par le sénateur Joyal. L'affaire Valente est très claire. Elle porte sur l'indépendance, l'autonomie financière, l'inamovibilité de la magistrature et sur l'indépendance institutionnelle.

J'ai voté dans le même sens que mes collègues parce que, tel qu'indiqué dans l'affaire Sussex, qui remonte à 1924, il faut non seulement rendre justice, mais il faut aussi montrer que justice a été rendue. Cette décision britannique s'applique assez bien à la réalité canadienne.

Comme nous avons une obligation de représentants à l'égard des peuples autochtones, et comme il faut non seulement rendre justice, mais aussi montrer que justice a été rendue, nous devons respecter l'amendement proposé par les peuples autochtones. Cela me suffit, car il y a peut-être un doute en ce qui les concerne. Ils ne sont peut- être pas satisfaits de la façon dont nous traitons cette question. Ils ont peut-être besoin de temps pour réfléchir à la question.

Il existe des tribunaux administratifs, mais on peut toujours exercer son droit d'appel. Ce droit est fondamental. Pour ce qui est du droit d'en appeler de la décision d'un tribunal administratif, le nom du tribunal importe peu, c'est la responsabilité du tribunal qui compte.

J'ai assez parlé. J'ai réagi en juriste, mais les lois doivent respecter la primauté du droit. Je voterai comme je l'ai fait la première fois parce que l'apparence de justice doit être préservée et que nous avons un devoir de fiduciaire à l'endroit des Autochtones. Voilà ma position.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'interviens en ma qualité de Président relativement à la démarche à suivre si aucun sénateur ne souhaite prendre la parole. Conformément à l'article du Règlement du Sénat au sujet de l'attribution du temps, je dois mettre le projet de loi C-6 aux voix. Puisque aucun sénateur ne s'est levé, je vais de l'avant.

Nous commencerons par la motion proposée par le sénateur Gill. Je vais la mettre aux voix de façon officielle. Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Gill, avec l'appui de l'honorable sénateur Watt, propose que le projet de loi C-6 soit lu une troisième fois, dans six mois.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les honorables sénateurs qui s'opposent à la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, sauf erreur, le Règlement prévoit que le vote soit reporté d'office à 17 h 30 demain après-midi.

Son Honneur le Président: Le Règlement prévoit que le vote soit reporté à la demande d'un whip. Le demandez-vous, sénateur Rompkey?

L'honorable Bill Rompkey: Oui, Votre Honneur.

Son Honneur le Président: À la demande du whip du gouvernement, le vote aura lieu à 17 h 30 demain et le timbre sonnera pendant 15 minutes.

[Français]

LA LOI SUR LA PENSION DE RETRAITE DES FORCES CANADIENNES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et d'autres lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dans deux jours.)

[Traduction]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, soyons clairs. Nous avons eu six heures de débat et puis... j'ignore combien de temps. Je sais que le personnel du greffier le précisera. Est-ce que l'heure précédant le vote fait partie des six heures?

Soit dit en passant, plus tôt dans l'échange, j'espère que tous auront compris que je n'ai pas dit du mal de la direction actuelle du gouvernement. Je parlais de la direction future. Je le signale au passage.

Je voudrais savoir exactement combien d'heures il nous reste.

Le sénateur Carstairs: Aucune.

Le sénateur Prud'homme: Je dois me déplacer entre Ottawa et Montréal. Combien de temps restera-t-il, sans compter le vote?

(2030)

Son Honneur le Président: La période de débat est terminée. Tout ce qu'il reste à faire, c'est voter à toutes les étapes de l'étude du projet de loi. Cela se fera demain, à 17 h 30. Le vote sera précédé d'une sonnerie d'appel de 15 minutes.

[Français]

PROJET DE LOI SUR LA MODERNISATION DE LA FONCTION PUBLIQUE

TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Harb, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-25, Loi modernisant le régime de l'emploi et des relations de travail dans la fonction publique, modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le Centre canadien de gestion et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Beaudoin, appuyée par l'honorable sénateur Comeau, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 12, à la page 126, par substitution, aux lignes 9 à 13, de ce qui suit:

«30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique par la Commission sont indépendantes de toute influence politique, sont fondées sur le mérite et sont faites par concours ou par tout autre mode de sélection du personnel permettant d'établir le mérite relatif des candidats qui, de l'avis de celle-ci, sert les intérêts de la fonction publique.

(1.1) Malgré le paragraphe (1), une nomination peut être fondée sur le mérite individuel dans les circonstances prévues par règlement de la Commission.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite individuel»;

Et sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Di Nino, appuyée par l'honorable sénateur Nolin, que la motion d'amendement soit modifiée

a) par substitution, au passage «à la page 126, par substitution, aux lignes 9 à 13», de ce qui suit:

«a) à la page 126, par substitution, aux lignes 9 à 12»;

b) par adjonction, après les mots «indépendantes de toute influence politique», de ce qui suit:

«et de favoritisme bureaucratique»;

c) par substitution, au passage «de la Commission. (2) Une nomination est fondée sur le mérite individuel», de ce qui suit:

«de la Commission.»; et

b) à la page 127, par adjonction, après la ligne 9, de ce qui suit:

«(3) Les qualifications mentionnées à l'alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i) et toute norme de qualification mentionnée au paragraphe (1) établies pour une nomination à un poste ou à une catégorie de postes s'appliquent aux nominations futures à ce poste ou cette catégorie de postes, sauf si l'administrateur général ou l'employeur a modifié ces qualifications ou normes de qualification, selon le cas, avec l'approbation de la Commission.».

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai pas fait la demande pour que le débat sur le projet de loi C-25 soit reporté. Ce projet de loi fait présentement l'objet d'un amendement et d'un sous-amendement. J'aimerais qu'on dispose d'un amendement ou de l'autre, à moins que quelqu'un demande l'ajournement du débat.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Le sénateur Comeau a préparé un discours. Je croyais qu'il prononcerait son discours demain, mais la décision a été prise de siéger aujourd'hui. Le sénateur Comeau a demandé l'ajournement du débat jeudi, n'est-ce pas?

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je ne veux pas qu'on entre dans un débat, mais aucun sénateur ne détient l'ajournement au point no 3, sous «Affaires du gouvernement» de l'ordre du jour.

Je crois comprendre que l'honorable sénateur Comeau est actuellement dans l'Ouest avec le Comité des langues officielles, qui devrait y passer plusieurs jours, ce qui voudrait dire que nous ne pourrions considérer aucun des amendements si l'on attend son retour. C'est pourquoi j'aimerais qu'on fasse avancer le projet de loi en tenant des votes sur les amendements qui sont actuellement devant nous.

Le sénateur Kinsella: Jeudi dernier, après que fut présentée la motion d'amendement, l'ajournement du débat a été demandé par le sénateur Comeau. J'étais tout à fait prêt à entendre le discours du sénateur Comeau.

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je ne conteste pas le fait que le sénateur Comeau a demandé jeudi dernier l'ajournement ou que la suite du débat soit reportée à la prochaine séance. La prochaine séance était aujourd'hui. Le sénateur Comeau est actuellement dans l'Ouest avec le Comité des langues officielles. Il est tout à fait normal qu'il soit avec le comité puisqu'il en est membre.

Si nous devions attendre qu'il revienne, cela voudrait dire que l'on doit attendre au moins une semaine. Je veux simplement faire avancer ce dossier.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, l'opposition a un autre point à apporter à ce sujet. Je suis certain que demain, un de mes collègues pourra prendre la parole sur ce sujet et qu'on n'aura pas à attendre le retour du sénateur Comeau.

(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

La Loi sur le Parlement du Canada

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Graham, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-34, Loi

modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique) et certaines lois en conséquence.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais vous informer que demain, le sénateur Oliver utilisera la période de 45 minutes qui lui est allouée, à titre de critique de l'opposition sur ce projet de loi. Il est certain qu'il parlera demain.

(Le débat est reporté.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois que si vous le demandiez, vous trouveriez consentement pour que tous les points à l'ordre du jour qui n'ont pas été abordés soient reportés à la prochaine séance, sans perdre leur place respective au Feuilleton.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, que tous les points à l'ordre du jour qui n'ont pas été abordés soient reportés et gardent leur place au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne au mardi 21 octobre 2003, à 14 heures.)


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