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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 94

Le mardi 4 novembre 2003
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le mardi 4 novembre 2003

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA SEMAINE DES ANCIENS COMBATTANTS 2003

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur une cérémonie qui a eu lieu dans cette enceinte ce matin et qui a été organisée en collaboration avec le ministère des Anciens combattants pour marquer le début de la Semaine des anciens combattants au Canada. L'édition de cette année se déroule sous le thème «Le Canada se souvient de la guerre de Corée». Ce conflit est souvent qualifié de la guerre oubliée.

Je souligne à l'intention des honorables sénateurs que la cérémonie de ce matin, en l'occurrence la sixième, était empreinte d'une splendeur et d'une dignité absolues comme les cinq éditions précédentes. Cette cérémonie est une initiative du Sénat qui nous sert tous très bien.

Honorables sénateurs, j'aimerais vous rappeler le tragique accident de chemin de fer survenu à Canoe River, le 21 novembre, il y a quelque 53 ans, qui a coûté la vie à 17 de nos braves soldats qui étaient en route pour aller se battre dans ce conflit outre Pacifique. Je cite leurs noms pour que nous puissions tous nous souvenir d'eux.

Canonnier Arden Joseph Atchison, Loon Lake, Saskatchewan

Canonnier Weldon Eugene Barkhouse, Wolfville, Nouvelle-Écosse

Canonnier Norman William Carroll, Pennant, Saskatchewan

Canonnier Frederick William Conway, Grand Falls, Terre-Neuve-et-Labrador

Canonnier Robert Arthur Craig, Foam Lake, Saskatchewan

Canonnier Austin Emery George, Canso, Nouvelle-Écosse

Canonnier Urbain Joseph Lévesque, Ottawa, Ontario

Canonnier Robert William Manley, Niagara Falls, Ontario

Canonnier Basil Patrick McKeown, Moscow, Ontario

Canonnier Albert Patrick Orr, Calgary, Alberta

Canonnier David Owens, Granby, Québec

Canonnier Leslie Albert Snow, St. John's, Terre-Neuve-et-Labrador

Canonnier Albert George Stroud, Howley, Terre-Neuve-et-Labrador

Canonnier Joseph Thistle, Conception Bay, Terre-Neuve-et-Labrador

Bombardier James Milo Wenkert, Cowansville, Québec

Canonnier James Joseph White, Placentia Bay, Terre-Neuve-et-Labrador

Canonnier William David Wright, Neepawa, Manitoba

Puisse leur âme reposer en paix.

LE JOUR DU SOUVENIR 2003

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, le très honorable John Diefenbaker a un jour déclaré:

Je suis Canadien, un Canadien libre, libre de m'exprimer sans crainte, libre de servir Dieu comme je l'entends, libre d'appuyer les idées qui me semblent justes, libre de m'opposer à ce qui me semble injuste, libre de choisir les dirigeants de mon pays. Ce patrimoine de liberté, je m'engage à le sauvegarder pour moi-même et pour toute l'humanité.

Il a tenu ces propos le 1er juillet 1960, lors du débat sur la Déclaration canadienne des droits.

Aujourd'hui, en commémorant la guerre de Corée, et à nouveau la semaine prochaine à l'occasion du jour du Souvenir, nous honorons les anciens combattants canadiens qui ont défendu ces valeurs et ces libertés. Grâce à leur engagement et à leurs services à l'égard de notre pays, ils ont montré à tous les Canadiens que la liberté devait être protégée.

Le jour du Souvenir, je vais me joindre à tous les Canadiens pour reconnaître et remercier nos anciens combattants pour les immenses sacrifices qu'ils ont consentis, avec leur famille, pour servir notre grand pays. Notre conscience collective en tant que nation est influencée par les actions courageuses de nos soldats.

Toutes les générations de Canadiens ne connaissent que trop bien la perte subie par une nation à la mort d'un soldat. La réalité, c'est que la liberté exige de grandes responsabilités et de grands sacrifices.

(1410)

En fonction de cette vérité, nous honorons tous les anciens combattants qui ont servi notre nation avec distinction, en nous rappelant que durant la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale, la guerre de Corée et la guerre du Golfe, 1 500 000 Canadiens ont servi à l'étranger et plus que 100 000 sont morts, donnant leur vie pour que nous puissions vivre en paix.

Aujourd'hui, nous rendons un hommage spécial aux anciens combattants de la guerre de Corée, en célébrant le cinquantième anniversaire de l'Armistice de la guerre de Corée. Nous devons profiter du jour du Souvenir pour affirmer notre responsabilité collective et pour appuyer les membres de nos forces armées qui travaillent à l'heure actuelle à la paix dans l'ex-Yougoslavie et en Afghanistan. Cela nous rappelle le courage de nos soldats qui ont récemment perdu la vie alors qu'ils servaient leur pays à l'étranger. Nous leur exprimons notre plus grand respect, notre plus grande admiration et notre plus grande gratitude.

Par-dessus tout, nous devons enseigner aux jeunes générations de Canadiens que notre pays n'a jamais hésité à contribuer à la protection de la démocratie et de la liberté dans le monde. Ainsi, au cours des deux guerres mondiales, de la guerre de Corée et d'innombrables missions de maintien de la paix, le Canada a formé et envoyé au combat une des forces les plus professionnelles, les mieux entraînées et les plus motivées du monde. Cette tradition d'excellence ne doit pas être abandonnée.

Il nous incombe, honorables sénateurs, d'honorer nos anciens combattants en continuant d'appuyer les hommes et les femmes qui nous servent maintenant et en protégeant l'héritage de ces soldats courageux qui ont fait le sacrifice ultime pour que nous puissions vivre en paix. Servir dans les forces armées pour assurer la liberté et la démocratie compte parmi les plus nobles sacrifices que nos concitoyens puissent faire.

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de l'honorable Zharmakhan Tuyakbai, président du Mazhilis du Parlement de la République du Kazakhstan. M. Tuyakbai est accompagné de M. Valeryan Zemlyanov, membre du Comité de la législation et de la réforme judiciaire; M. Serik Konakbaev, membre du Comité des affaires internationales, de la défense et de la sécurité; M. Rakhmet Mukashev, membre du Comité de la législation et de la réforme judiciaire; M. Amalbek Tshanov, membre du Comité des affaires internationales, de la défense et de la sécurité; de l'ambassade de la République du Kazakhstan, Son Excellence Kanat Saudabayev, ambassadeur au Canada, qui est accrédité auprès de Washington; et du consulat du Kazakhstan de Toronto, notre ex-collègue de l'autre endroit, l'honorable Robert Kaplan, consul général honoraire.

Soyez les bienvenus au Sénat du Canada.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool, présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles, présente le rapport suivant:

Le mardi 4 novembre 2003

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l'anglais), a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 7 mai 2003, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,
ROSE-MARIE LOSIER-COOL

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Losier-Cool, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

DROITS DE LA PERSONNE

LA MISSION D'INFORMATION DU 10 AU 17 OCTOBRE 2003—DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le septième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne intitulé «Rapport de la délégation du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur sa mission d'information à Genève (Suisse) et à Strasbourg (France), 10-17 octobre 2003».

(Sur la motion du sénateur Maheu, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'ÉTUDE SUR LES QUESTIONS JURIDIQUES RELATIVES AUX BIENS FONCIERS MATRIMONIAUX SITUÉS DANS LES RÉSERVES
EN CAS DE RUPTURE D'UN MARIAGE OU D'UNE UNION DE FAIT

DÉPÔT DU RAPPORT PROVISOIRE DU COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le huitième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne intitulé «Un toit précaire: Les biens fonciers matrimoniaux situés dans les réserves».

(Sur la motion du sénateur Maheu, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'EXAMEN DE LA LOI SUR LA FAILLITE ET L'INSOLVABILITÉ ET DE LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS AVEC LES CRÉANCIERS
DES COMPAGNIES

DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ DES BANQUES ET DU COMMERCE

L'honorable Richard H. Kroft: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le 15e rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce concernant l'examen de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et intitulé «Les débiteurs et les créanciers doivent se partager le fardeau: Examen de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies».

(Sur la motion du sénateur Kroft, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

L'ÉTUDE SUR LES PRESTATIONS ET LES SERVICES OFFERTS AUX ANCIENS COMBATTANTS, LES ACTIVITÉS COMMÉMORATIVES
ET LA CHARTE DES ANCIENS COMBATTANTS

DÉPÔT DU RAPPORT PROVISOIRE DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le dix-huitième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, portant sur l'étude, les prestations et les services offerts aux anciens combattants, des activités commémoratives et la Charte des anciens combattants.

(Sur la motion du sénateur Meighen, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1420)

[Traduction]

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À REPORTER LA DATE DE PRÉSENTATION DU RAPPORT FINAL CONCERNANT SON ÉTUDE DES RELATIONS
COMMERCIALES AVEC LES ÉTATS- UNIS D'AMÉRIQUE ET LE MEXIQUE

L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le 21 novembre 2002, la date du dépôt du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères concernant son étude des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis d'Amérique et entre le Canada et le Mexique, soit reportée du 19 décembre 2003 au 31 mars 2004.

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À DÉPOSER SES RAPPORTS AUPRÈS DU GREFFIER DU SÉNAT

L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit habilité, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer ses rapports auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

SÉCURITÉ NATIONALE ET DÉFENSE

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER PENDANT L'AJOURNEMENT DU SÉNAT

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mercredi 5 novembre 2003, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé, conformément à l'alinéa 95(3)a) du Règlement, à siéger le 17 novembre 2003 et le 24 novembre 2003 même si le Sénat pourrait alors être ajourné pour une période de plus d'une semaine.

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mercredi 5 novembre 2003, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à siéger à n'importe quelle heure le lundi 17 novembre 2003 et le lundi 24 novembre 2003, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À DÉPOSER SON RAPPORT PROVISOIRE AUPRÈS DU GREFFIER DU SÉNAT

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mercredi 5 novembre 2003, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé, en cas d'ajournement et nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat un rapport intérimaire sur les services d'intervention d'urgence, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

AGRICULTURE ET FORÊTS

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à siéger à 17 h 30 aujourd'hui, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne crois pas que ce soit nécessaire car nous avons adopté une motion d'ajournement.

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, cette motion s'applique aux mercredis.

Le sénateur Carstairs: Le sénateur demande-t-il la permission pour aujourd'hui?

Le sénateur Oliver: C'est exact.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

L'honorable Marcel Prud'homme: Objection.

Son Honneur le Président: Est-ce un non, sénateur Prud'homme?

Le sénateur Prud'homme: Non, c'est l'objection habituelle.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Prud'homme: Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

[Français]

LES LANGUES OFFICIELLES

LE STATUT BILINGUE DE LA VILLE D'OTTAWA—PRÉSENTATION D'UNE PÉTITION

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 4h) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter les pétitions signées de 500 autres personnes, pour un total de 15 500 signataires, qui demandent que la ville d'Ottawa, la capitale du Canada, soit déclarée bilingue et le reflet de la dualité linguistique du pays.

Les pétitionnaires prient le Parlement de considérer les faits suivants:

Que la Constitution du Canada reconnaît que le français et l'anglais sont les deux langues officielles de notre pays et ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du gouvernement du Canada;

Que l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 désigne la ville d'Ottawa comme le siège du gouvernement du Canada;

[Traduction]

Que les citoyens ont le droit dans la capitale nationale d'avoir accès aux services offerts par les institutions du gouvernement du Canada dans la langue officielle de leur choix, soit en français, soit en anglais;

Que la capitale du Canada doit être le reflet de la dualité linguistique qui est au coeur de notre identité collective et qui caractérise la nature même de notre pays.

Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement de confirmer dans la Constitution du Canada qu'Ottawa, la capitale du Canada, soit déclarée officiellement bilingue en vertu de l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 à 1982.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LA DÉFENSE NATIONALE

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—L'ÉTAT D'AVANCEMENT DU PROJET D'ACQUISITION

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. C'est un autre jour mémorable. Il y a dix ans jour pour jour, un homme, qui est aujourd'hui sur le point de prendre sa retraite et en train de célébrer ses dix années au pouvoir, a annulé, avec panache, le contrat des hélicoptères Sea King.

Des voix: Quelle honte!

Le sénateur Forrestall: Avec les enquêtes que mène actuellement la force aérienne sur les pannes de moteur des deux Sea King en vol stationnaire et en raison de l'interdiction de vol imposée à toute la flotte, madame le leader du gouvernement peut-elle nous donner des renseignements précis sur l'état d'avancement du projet de remplacement de l'hélicoptère maritime? Où en est-il rendu? Il y a encore un retard de deux ou trois mois. Quand les demandes de proposition seront-elles faites?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Comme le sait l'honorable sénateur, d'ailleurs il y a fait allusion dans le préambule à sa question, l'utilisation des Sea King a été suspendue parce que deux d'entre eux ont éprouvé des problèmes. Les vols normaux de toute la flotte ont effectivement été suspendus, mais cette suspension a maintenant été levée. Les Sea King volent à nouveau.

Il s'agissait d'une mesure de précaution. Bien que l'honorable sénateur ne semble pas toujours être d'accord, le gouvernement canadien et, plus particulièrement, les responsables des opérations militaires ne permettent pas l'utilisation d'une pièce d'équipement militaire qui est jugée non sécuritaire.

Pour ce qui est du processus d'acquisition en cours, comme je l'ai souligné au sénateur il y a quelques mois, une décision devrait être rendue au début de 2004.

Le sénateur Forrestall: Il pourrait être tentant de donner une autre définition des mots «immédiatement», «bientôt» et «grande priorité». Toutefois, tout cela représente tout simplement le passage du temps.

Comme le leader du gouvernement le sait peut-être, l'étape de la sélection préalable du projet de l'hélicoptère maritime s'est terminée le 30 octobre 2003. Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle donner aux sénateurs une réponse un peu plus précise que «au cours de l'année prochaine»? Pourrait-elle nous dire quand les demandes de propositions seront transmises à l'industrie, puisqu'on s'attendait à ce qu'elles le soient en septembre?

C'est aujourd'hui le 4 novembre 2003, soit exactement dix ans après l'annulation du contrat.

(1430)

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je vais essayer de savoir à quelle date les demandes de proposition devraient être envoyées à l'industrie et vous en ferai part.

Le sénateur Forrestall: Compte tenu des retards perpétuels dans le projet de l'hélicoptère maritime, des compressions actuelles dans le budget du ministère de la Défense et du fait qu'un nouveau premier ministre et un nouveau Cabinet ne seront pas liés par un engagement à l'égard du remplacement des Sea King, ni à l'égard d'aucun autre matériel dont les Forces canadiennes ont grandement besoin, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous confirmer que nos militaires recevront à tout le moins un remplaçant pour le Sea King désuet avant la fin de la présente décennie, ce qui voudra dire alors quelque 17 ans après l'annulation du programme des EH-101par le premier ministre actuel?

Le sénateur Carstairs: Comme les sénateurs le savent, il est impossible de préciser la date de livraison tant que les soumissions finales n'ont pas été reçues et que le choix d'un appareil n'a pas été confirmé.

LA SANTÉ

LA MISE À JOUR FINANCIÈRE—LES FONDS SUPPLÉMENTAIRES PRÉVUS POUR LES PROVINCES

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, hier, dans sa mise à jour économique, le ministre des Finances a averti les provinces qu'elles pourraient ne pas obtenir le paiement supplémentaire de 2 milliards de dollars pour les soins de santé annoncé dans le dernier budget. Les provinces ne recevront le plein montant que s'il reste un excédent de 2 milliards de dollars à la fin de l'exercice. S'il en reste moins, elles en auront moins.

Est-ce que madame le leader du gouvernement peut assurer au Sénat que le gouvernement ne tentera pas de se débarrasser de tout excédent de fin d'exercice en achetant des avions d'affaires ou en finançant des fondations, afin de conserver les 2 milliards de dollars réservés à la santé et de veiller à ce qu'ils soient affectés à ce secteur qui représente la toute première priorité des Canadiens?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il est vraiment incroyable que l'annonce très positive du ministre des Finances soit ainsi déformée par l'honorable sénateur d'en face. L'entente initiale avec les provinces prévoyait que celles-ci ne recevraient le montant que s'il y avait un excédent fédéral de 3 milliards de dollars. Le gouvernement a maintenant pris la décision de baisser ce seuil: si l'excédent est inférieur à 2 milliards de dollars, les provinces en obtiendront la totalité, ce qui est sensiblement supérieur à ce qui leur avait été promis lors de la signature de l'accord.

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, «déformer» est un mot que l'autre côté connaît fort bien. Ce côté-ci essaie de s'en tenir à un vocabulaire convenable.

Si j'ai bien lu le texte du ministre des Finances, il a dit essentiellement que s'il n'y a pas d'excédent, les provinces n'obtiendront rien. Les provinces s'efforcent de dispenser des services à leur population en se basant sur l'engagement relatif aux 2 milliards de dollars. Aujourd'hui, on a l'impression que ce montant pourrait ne pas être versé du tout. Nous ne saurons qu'en août lorsque les livres seront fermés ou peut-être même après, s'il restera un montant quelconque pour la santé.

Est-ce que madame le leader du gouvernement peut assurer au Sénat que le futur premier ministre ne révisera pas ce montant de 2 milliards de dollars comme il envisage de le faire dans le cas des 700 millions de dollars promis à VIA Rail? Peut-elle nous assurer que ce ne sera pas là un autre élément que le futur premier ministre entend réviser?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je serais très surprise qu'un nouveau premier ministre ne révise pas les programmes et les initiatives du gouvernement. Je crois qu'en le faisant, il ferait preuve d'une prudence extraordinaire.

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement nous dit-elle que l'engagement de 2 milliards de dollars du gouvernement actuel sera révisé par le futur premier ministre?

Le sénateur Carstairs: Je n'ai pas dit cela, sénateur. J'ai dit que le nouveau premier ministre réviserait toutes les initiatives du gouvernement, car faire autrement ne serait pas vraiment rendre service à la population du Canada.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question fait suite à celles de l'honorable sénateur Comeau. Elle découle du fait que les provinces pourraient ne pas obtenir ces 2 milliards de dollars.

Une autre série de chiffres, dans l'exposé économique, est tout aussi troublante. Dans la mise à jour économique de l'année dernière, de même que dans le budget, le gouvernement a dit qu'il consacrerait cette année 13,4 milliards de dollars aux arrangements fiscaux. Ce montant est surtout constitué de paiements de péréquation, mais il comprend aussi des transferts aux territoires et quelques autres transferts mineurs. Nous venons d'apprendre que le gouvernement ne s'attend à donner aux provinces que 11 milliards de dollars, c'est-à-dire 2,4 milliards de moins. Est-ce que madame le leader du gouvernement peut confirmer que la vraie question que se posent les provinces est à celle de savoir si elles ne se retrouveront pas avec 2,4 milliards de dollars de moins qu'on ne leur en avait promis en février, sinon avec 4,4 milliards de moins, en tenant compte des 2 milliards devenus douteux?

Le sénateur Carstairs: Les honorables sénateurs savent que les arrangements fiscaux convenus avec les provinces sont des ententes entre deux parties. Ces ententes n'ont fait l'objet d'aucun changement ni tentative de changement.

LES FINANCES

LA MISE À JOUR FINANCIÈRE—LES PAIEMENTS DE PÉRÉQUATION

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, dans chacune des années qui nous séparent de l'exercice 2007-2008, le gouvernement s'attend à ce que les transferts correspondant aux arrangements fiscaux soient de 2 à 2,4 milliards de dollars inférieurs à ce qu'on prévoyait au moment de la dernière mise à jour économique. Cela totalise plus de 11 milliards de dollars qu'on enlèvera sur cinq ans aux provinces qui peuvent le moins en supporter les conséquences. En même temps, les provinces bénéficiaires de la péréquation sont censées rembourser plus d'un milliard de dollars des paiements de l'année dernière. Pourquoi le gouvernement essaie-t-il, chaque fois qu'il a un déficit, de s'en décharger sur les provinces?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement ne cherche à se décharger de rien du tout. Comme le sénateur le sait, les paiements de péréquation se fondent sur une formule, qui sera respectée.

LE COMMERCE INTERNATIONAL

LA VENTE DE PRODUITS PHARMACEUTIQUES À DES HABITANTS DES ÉTATS-UNIS

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, mercredi dernier, le maire de la ville de New York, M. Michael Bloomberg, a demandé aux sociétés pharmaceutiques américaines de cesser d'approvisionner le Canada en médicaments. M. Bloomberg soutient que les consommateurs américains paient les médicaments plus cher parce que les sociétés pharmaceutiques sont contraintes de compenser la perte de profits attribuable au contrôle du prix des médicaments chez nous. Le leader du gouvernement au Sénat expliquait, la semaine dernière, que le Canada ne contrôle pas les prix des produits pharmaceutiques, mais qu'il les réglemente. De toute évidence, de nombreux Américains n'ont pas fait la distinction et pourraient exercer des pressions sur les sociétés pharmaceutiques pour qu'elles cessent de nous approvisionner en médicaments.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Quelle est la réponse du gouvernement fédéral à l'appel lancé par M. Bloomberg aux sociétés pharmaceutiques américaines, et le gouvernement craint-il que ces dernières ne répondent favorablement à cet appel?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il est déjà suffisamment difficile pour moi de répondre au nom de tous les ministres du gouvernement canadien. Je ne vais pas tenter de répondre pour le maire de New York.

Le sénateur Robertson: Honorables sénateurs, je crois que madame le ministre a mal compris ma question. Je veux savoir comment le gouvernement fédéral a réagi à l'appel lancé par M. Bloomberg aux sociétés pharmaceutiques américaines. Madame le ministre a mal interprété ma question.

LA SANTÉ

LA VENTE DE PRODUITS PHARMACEUTIQUES AUX HABITANTS DES ÉTATS-UNIS—LA POSSIBILITÉ DE PÉNURIE

L'honorable Brenda M. Robertson: J'ai aussi une question supplémentaire. Lundi dernier, Santé Canada a envoyé une lettre aux associations pharmaceutiques et médicales au Canada, pour les prévenir que la vente de produits pharmaceutiques sur Internet risque d'entraîner des pénuries de médicaments au Canada. Le ministère leur demande de lui communiquer toute tendance qu'elles pourront remarquer relativement aux approvisionnements en médicaments et à la sécurité et de lui faire part des répercussions sur les ressources dans le domaine de la santé humaine.

J'aimerais que le leader du gouvernement au Sénat nous dise si les pharmacies ont déjà informé Santé Canada qu'elles subissent des pénuries qui peuvent être attribuables à la vente de médicaments d'ordonnance canadiens à des consommateurs américains.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme l'honorable sénateur le sait, la lettre était datée du 27 octobre 2003, c'est-à-dire la semaine dernière. À ma connaissance, aucune réponse n'a encore été reçue, mais je pense que Santé Canada s'est montré très prudent en demandant aux pharmaciens canadiens, ainsi qu'aux associations médicales et aux agences de réglementation, d'informer le gouvernement de tout risque de pénurie de médicaments au Canada.

LE COMMERCE INTERNATIONAL

LA VENTE DE PRODUITS PHARMACEUTIQUES AUX HABITANTS DES ÉTATS-UNIS

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, certains d'entre nous sommes parlementaires depuis assez longtemps pour nous rappeler que le gouvernement précédent s'est battu âprement pour faire adopter une loi propre à instaurer dans notre pays une industrie pharmaceutique fondée sur la fabrication de médicaments de marque déposée.

(1440)

Le gouvernement a incorporé dans cette loi certaines sauvegardes pour protéger les intérêts du Canada. À l'époque, les collègues de madame le sénateur ont farouchement attaqué ce système, mais depuis, ils ont changé d'opinion et reconnaissent que c'est un très bon système.

Ne serait-il pas opportun de dire aux Américains que, contrairement à d'autres mesures où nous n'avons peut-être pas réussi aussi bien, en voilà une où nous avons excellé? Voilà une mesure qui a donné les fruits promis. Voilà un secteur où notre pays est intervenu au profit aussi bien des sociétés pharmaceutiques que des consommateurs; il en est donc résulté une situation gagnante pour tous les intéressés. S'ils ne savent pas obtenir un tel résultat, ils n'ont qu'à venir nous consulter et nous leur montrerons comment y parvenir.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'estime que le gouvernement américain connaît bien le système réglementaire canadien relatif aux médicaments d'ordonnance. Je crois qu'ils auraient beaucoup à apprendre de notre façon de gérer un système de soins de santé, mais ils n'ont pas jugé bon de le faire jusqu'à présent.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LES ÉTATS-UNIS—LE CITOYEN CANADIEN EXPULSÉ VERS LA SYRIE—DEMANDE D'ENQUÊTE

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, les gens n'ont pas fait très attention le mardi 22 octobre 2002, quand j'ai été le premier, au Sénat ou à la Chambre, à intervenir au sujet des événements scandaleux qui ont eu lieu concernant M. Arar. Je connais particulièrement bien la région d'où il vient. Mon père m'a toujours dit que, si on tenait aux droits de la personne, il fallait qu'ils soient universels ou bien ils n'existaient pas. S'il y a des abus dans des pays que je connais très bien, il n'en demeure pas moins que ce sont quand même des abus.

Nos amis les sénateurs Di Nino, Doody et Andreychuk sont intervenus, eux, le 18 septembre 2003, soit un an plus tard; ce fut ensuite le tour du sénateur Nolin, le 7 octobre, des sénateurs Di Nino, Kinsella et Lynch-Staunton, le 8 octobre, des sénateurs Nolin et Prud'homme, le 20 octobre 2003. Plusieurs d'entre nous ont manifesté un certain intérêt, mais un an plus tard après ma première intervention.

Étant donné toutes les réponses données par l'honorable leader du gouvernement — et je lui en sais gré — étant donné également la logique de toutes ses réponses et de tous les gestes du gouvernement, le moment est venu d'entreprendre une enquête.

Ce matin, j'ai écouté attentivement, pendant une heure et demie, la première conférence de presse donnée par M. Arar et son épouse. C'était une conférence publique, comme cela se fait au Canada. Je n'ai absolument aucun doute que rien d'autre ne satisfera l'opinion publique canadienne qu'une enquête publique indépendante et ouverte sur ce qui s'est passé exactement à New York et sur l'abus énorme dont a été victime ce citoyen canadien là-bas et aux mains de certaines forces en Jordanie.

Je suis quelque peu nerveux et surpris que personne n'ait encore posé cette question aujourd'hui. Le gouvernement envisage-t-il maintenant de tenir l'enquête publique et indépendante réclamée plus tôt par mes autres collègues du Sénat?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la présidente de la Commission des plaintes publiques contre la GRC a déposé une plainte, comme le permet la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. Cela a été fait avant la conférence de presse de M. Arar. Je peux seulement dire aux honorables sénateurs que, à la lumière de cette conférence de presse, le gouvernement du Canada va revoir l'affaire. Le Cabinet était en réunion au moment de la conférence de presse, ce qui explique qu'aucun d'entre nous n'a pu la suivre, mais quand le Cabinet aura examiné la teneur de cette dernière, il déterminera si le processus actuel est suffisant.

L'INDUSTRIE

LA COMPÉTITIVITÉ DU CANADA

L'honorable W. David Angus: Honorables sénateurs, tous les jours depuis jeudi dernier, les journaux ont publié des articles signalant que, d'après le Forum économique mondial, le classement du Canada au chapitre de la compétitivité avait dégringolé de la troisième à la seizième place en deux ans seulement. Notre classement semble s'écraser de plus en plus, un peu comme dans le cas des hélicoptères Sea King. Parmi les facteurs mentionnés par ce forum respecté, qui représente 95 pays, il y a lieu de citer les subventions gouvernementales qui faussent les échanges, le favoritisme dont le gouvernement fait preuve dans ses décisions, les tracasseries administratives, les restrictions sur la propriété étrangère et les impôts, entre autres choses. Toutefois, le principal motif mentionné pour cette chute embarrassante de notre classement est la baisse manifeste du niveau de confiance des gens d'affaires dans la capacité du gouvernement de limiter la corruption et le parti pris dans le secteur public.

Honorables sénateurs, il y a 10 ans, le premier ministre a pris le pouvoir en brandissant un livre rouge dans lequel un chapitre entier était consacré à l'intégrité du gouvernement et un autre chapitre entier à l'innovation dans l'économie. Que s'est-il passé? Pourquoi notre compétitivité a-t-elle dégringolé? Le Canada a-t-il perdu du terrain parce que les gens d'affaires du monde entier ont moins de confiance dans la capacité gouvernementale de limiter la corruption?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): L'honorable sénateur parle du FEM, ou Forum économique mondial, qui est l'une des nombreuses organisations qui publient chaque année des classements des pays. Je pense qu'il est important de noter que le classement du forum se fonde sur un sondage effectué auprès de seulement 75 cadres d'entreprises du Canada. C'est la portée de l'enquête effectuée chez nous. Par ailleurs, KPMG a réalisé l'année dernière une étude d'après laquelle le Canada se classe premier parmi les économies industrielles les plus avancées pour ce qui est de la rentabilité des investissements. Nous savons aussi que nous nous classons premiers parmi les pays du G-7. Par conséquent, pour répondre à la question de l'honorable sénateur, oui, le rapport est digne d'être examiné. Nous devons bien sûr l'étudier, mais nous devons aussi évaluer d'autres rapports, comme celui qu'a publié The Economist, qui classe le Canada comme l'un des meilleurs endroits du monde pour investir et faire des affaires.

Le sénateur Angus: Honorables sénateurs, que madame le leader du gouvernement accepte ou non les conclusions de ce forum économique très respecté, ses rapports sont lus par les décideurs du monde entier qui sont à la recherche d'endroits sûrs pour investir leurs fonds. Un rapport comme celui-ci ne peut que nuire à la réputation du Canada.

Heureusement, le rapport contient quelques bons éléments, notamment au sujet du secteur bancaire, de l'accès à Internet dans les écoles et de nos systèmes de communications. Toutefois, quelles mesures le gouvernement est-il disposé à prendre face aux preuves établissant que notre régime fiscal est inefficace, que les décisions des hauts fonctionnaires sont influencées par le favoritisme et que des formalités administratives excessives retardent des décisions importantes du gouvernement dans des dossiers qui intéressent le monde des affaires? Le gouvernement ne considère-t-il pas cela comme un brutal rappel à l'ordre?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, de toute évidence, le rapport du Forum économique mondial doit être examiné, en même temps que les rapports publiés par de nombreuses autres organisations. Par exemple, lorsque ce rapport a été publié, James Milway, directeur exécutif de l'institut torontois de la compétitivité et de la prospérité, en a rejeté les conclusions en disant: «Il n'y a vraiment pas là de quoi s'en faire.»

Je crois qu'il est très clair que le Canada demeure une économie très compétitive.

LA SANTÉ

LA DÉMISSION D'UN ANCIEN SOUS-MINISTRE ADJOINT À LA SUITE D'ACCUSATIONS DE CORRUPTION ET DE FRAUDE

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, je voudrais revenir sur certaines questions que j'ai posées plus tôt au sujet de M. Paul Cochrane et de son adjointe, Aline Dirks, anciennement de Santé Canada.

Le 17 septembre, dans cet endroit, le leader du gouvernement au Sénat a dit que les accusations de corruption et de fraude ont été portées après que M. Cochrane eut démissionné de son poste, et non avant. Nous savons que, en octobre 2000, Santé Canada a effectué une vérification judiciaire à propos de l'utilisation de fonds publics. En décembre 2000, M. Cochrane a été suspendu de la fonction publique. Pourtant, en décembre 2002, Travaux publics a retenu les services d'Aline Dirks et, en mars 2003, ceux de Paul Cochrane. Les contrats étaient évalués à un total d'environ 100 000 $.

Je pose encore une fois la question à madame le leader du gouvernement au Sénat: comment a-t-il pu arriver qu'une personne qui a été forcée de démissionner à la suite d'allégations de mauvaise utilisation de fonds publics, de corruption et de fraude ait pu par la suite obtenir des contrats en tant qu'expert-conseil?

(1450)

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme je l'ai dit précédemment au sénateur, dans notre pays, on est présumé innocent jusqu'à preuve du contraire. Des accusations n'entraînent pas nécessairement une condamnation. Dans le cas de M. Cochrane, une vérification judiciaire a permis de porter de graves accusations criminelles contre lui. C'est ce qui s'est produit et le procès débutera en temps opportun.

Le sénateur LeBreton: N'existe-t-il pas des mesures de précaution? Le ministère aurait sûrement pu retenir les services d'autres personnes que M. Cochrane et Mme Dirks.

Une série de vérifications a eu lieu auprès de l'ancienne direction de Santé Canada que Paul Cochrane dirigeait. L'ancien sous- ministre David Dodge a dit au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce que la haute direction s'apprêtait à examiner un certain nombre de questions à propos de l'ancienne direction des services médicaux lorsque cet incident a été découvert. Pourtant, en dépit des préoccupations au sujet du style de gestion de M. Cochrane, ce dernier a reçu une prime de rendement de 7 000 $ en 1999-2000.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire comment une prime de rendement peut être accordée au chef d'une direction générale qui a fait l'objet de vérifications et même d'une vérification judiciaire?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, ces primes de rendement sont accordées assez facilement, semble-t-il. Comme le sénateur le sait très bien, 95 p. 100 des fonctionnaires ayant droit aux primes de rendement en reçoivent. À mes yeux, c'est là une raison suffisante pour enquêter à fond sur les modalités d'attribution de ces primes et je crois savoir qu'une telle enquête est justement en cours.

LES ANCIENS COMBATTANTS

LE PROGRAMME POUR L'AUTONOMIE DES ANCIENS COMBATTANTS—L'ADMISSIBILITÉ DES VEUVES AUX PRESTATIONS

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, la semaine dernière, la Chambre des communes a approuvé à l'unanimité le sixième rapport de son Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.

Dans ce rapport, le comité recommandait à l'unanimité d'accorder à vie les avantages conférés par le PAAC aux conjoints survivants de tous les anciens combattants, y compris les anciens combattants décédés avant le 12 mai 2003. Comme les sénateurs le savent, cette mesure vise à rectifier une décision prise par Anciens Combattants Canada plus tôt cette année qui, malheureusement, accordait les prestations pour la vie entière uniquement aux veuves dont les conjoints étaient décédés après le 12 mai, laissant ainsi arbitrairement 23 000 veuves sans prestations du PAAC. Bien évidemment, chaque jour qui passe est un jour de plus pendant lequel ces veuves sont privées de l'aide dont elles ont besoin.

La question que je pose au leader du gouvernement au Sénat est donc la suivante: vu l'unanimité qui entoure cette question, ici et à l'autre endroit, et vu son importance cruciale pour quelque 23 000 veuves d'anciens combattants canadiens — et n'oublions pas que, nous allons, comme nation, célébrer le jour du Souvenir dans une semaine exactement — madame le ministre peut-elle dire aux sénateurs à quel moment son gouvernement prendra la mesure qui s'impose et annoncera ses intentions?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je peux dire à l'honorable sénateur que, même avant le dépôt du rapport, le premier ministre s'était déjà engagé à revoir le dossier et que cet examen est en cours.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je serais tentée de poser une question complémentaire à celle du sénateur Meighen. Après la publication d'un rapport comme celui de la Chambre, sur une question que je qualifierais d'assez simple, que reste-t-il encore à examiner au nom de ces veuves? Il faut maintenant faire preuve de compassion au lieu de scruter la question à la loupe, si je puis dire.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il est question d'une petite somme de l'ordre de 300 millions de dollars.

Le sénateur Andreychuk: Je pense qu'aux yeux des contribuables 300 millions de dollars c'est une somme justifiée et raisonnable pour aider ces familles qui ont risqué leur vie pour nous protéger.

Le sénateur Carstairs: Je vais certainement faire part au gouvernement du Canada que les honorables sénateurs estiment cette somme raisonnable. En revanche, j'espère que, si l'octroi de cette somme avait pour effet de réduire le montant versé aux provinces au titre des soins de santé, vous appuieriez aussi cette décision.

Le sénateur Andreychuk: À mon avis, ce n'est pas une comparaison valable. Le gouvernement dépense beaucoup d'argent pour garantir des prêts consentis à des sociétés et à des entreprises à risque. J'ajouterais que de nombreuses autres sommes sont dépensées judicieusement. Cependant, quand on soupèse les besoins humanitaires dans ce cas-ci et les impératifs de la justice, je pense que cela n'a rien à voir avec les montants versés aux provinces. Ce qui importe, c'est la façon dont le gouvernement fédéral exerce son pouvoir discrétionnaire de dépenser, et je me garderai de parler du registre des armes à feu ou de l'achat de jets. Le gouvernement a un pouvoir discrétionnaire de dépenser dans les limites de son enveloppe — et je l'exhorte à le faire au profit de ces veuves.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le sénateur a parfaitement raison de dire que le gouvernement doit établir ses priorités et c'est ce qu'il fait en étudiant la question.

Le sénateur Andreychuk: J'espère qu'il cessera d'étudier la question pour finalement agir.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

L'IRAK—L'AIDE À LA RECONSTRUCTION

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, le Canada a accepté d'offrir une somme de 300 millions de dollars pour aider à la reconstruction de l'Irak. Cependant, la situation précaire au plan de la sécurité dans ce pays a empêché le versement d'une bonne partie de l'argent promis. De fait, le nombre de soldats américains qui ont perdu la vie en Irak dépasse maintenant celui qu'avaient déploré les États-Unis pendant la guerre. Comme en témoigne l'attentat perpétré contre la Croix-Rouge en Irak, ni l'aide internationale ni les secours humanitaires ne sont à l'abri d'une attaque.

Je sais que la ministre de la Coopération internationale a promis que, sur les 300 millions de dollars susmentionnés, 100 iraient dans le fonds international de reconstruction de l'Irak. Elle a notamment déclaré ceci:

Nous pensons qu'à l'heure actuelle, suffisamment de conditions sont réunies pour croire que ce fonds permettra de réellement faire progresser le programme de reconstruction en Irak.

Ma question au leader du gouvernement au Sénat est la suivante: quelles sont ces conditions? Ont-elles rapport au fonds lui-même ou aux problèmes de sécurité en Irak?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, l'honorable sénateur sait fort bien que l'une des initiatives annoncées est la formation de policiers. Cette formation ne se fera pas en Irak, mais plutôt en Jordanie, si j'ai bien compris. Il n'y aura pas de problèmes de sécurité pour les personnes appelées à offrir cette formation en Jordanie.

Voilà une chose que nous pouvons faire, mais il est bien évident que la sécurité demeure une préoccupation importante. Nous savons que la Croix-Rouge a rappelé une bonne partie de son personnel, tout comme les Nations Unies d'ailleurs. Il sera difficile de dépenser les sommes prévues s'il nous est impossible de faire parvenir cette aide aux Irakiens qui en ont le plus besoin.

Le sénateur Andreychuk: En guise de question complémentaire, je demanderais à madame le ministre de nous dire si une partie des 100 millions de dollars a servi à la formation des policiers ou s'il faudra puiser à même les 200 millions de dollars restants pour financer cette formation. Autrement dit, y a-t-il de l'argent qui ira concrètement à la reconstruction en Irak ou bien les sommes prévues ne serviront- elles qu'à des fins de formation en dehors de ce pays?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je crois comprendre qu'une somme de 10 millions de dollars, tirée des 100 millions de dollars annoncés, a été mise de côté pour la formation des policiers, ce qui représente une mesure essentielle si on veut que l'argent qui reste soit dépensé efficacement.


[Français]

QUESTION DE PRIVILÈGE

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, conformément à l'article 43 du Règlement, le sénateur Kinsella avait donné avis, oralement et par écrit, de son intention de soulever une question de privilège, question qui a été prise en considération hier après l'étude des questions à l'ordre du jour. La question de privilège soulevée par le sénateur Kinsella concernait une réunion tenue le vendredi 31 octobre par le Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Au cours de cette réunion, le comité a terminé l'examen article par article du projet de loi C-34, qui vise à prévoir la nomination de conseillers en éthique distincts pour le Sénat et la Chambre des communes.

(1500)

Plus tôt au cours de la journée, le comité a fait rapport de ce projet de loi sans propositions d'amendement. Le sénateur Kinsella estime que toutes ces mesures constituent un outrage au Parlement.

Selon le leader adjoint de l'opposition, l'outrage tient au fait que la conduite du comité faisait déjà l'objet d'un rappel au Règlement et que la décision du Président n'avait pas encore été rendue à ce sujet. Comme le sénateur l'a souligné, «tenir une réunion alors que la validité de la réunion précédente avait été prise en délibéré par le Président donnait à penser que la décision de la présidence, et donc de cette assemblée, n'avait aucune importance». Selon le sénateur, la séance tenue par le comité vendredi dernier est un affront au Sénat lui-même.

[Traduction]

Le sénateur Robichaud, leader adjoint du gouvernement, a ensuite pris la parole pour contester le bien-fondé de la question de privilège. À son avis, il n'y a pas eu atteinte aux privilèges du Sénat. La réunion tenue la semaine dernière par le Comité du Règlement découlait d'une décision prise par le comité directeur de ce comité aux fins de l'étude du projet de loi C-34. Selon le leader adjoint, il n'y avait aucune motion ou ordre du Sénat qui empêchait ce comité de siéger. Tous les sénateurs qui voulaient assister à cette réunion pouvaient le faire et aucune action n'a été prise pour les en empêcher. Tout a été fait dans l'ordre, et les avis requis ont été envoyés.

[Français]

Appuyant la proposition du sénateur Kinsella, le sénateur Lynch- Staunton a demandé au Président de bien vouloir tenir compte des coutumes et traditions existant au Sénat et de ne pas se limiter aux règles écrites. En fait, comme le leader de l'opposition l'a expliqué, il s'agit là de la base de la question de privilège. Faisant référence au rappel au Règlement fait la semaine dernière, le sénateur Lynch- Staunton a déclaré que les droits de certains sénateurs soutenus par les coutumes et traditions avaient été violés. Cette violation de leurs droits est maintenant aggravée, estime-t-il, par le fait que le comité a décidé de se réunir vendredi dernier et d'adopter un rapport sur le projet de loi C-34.

[Traduction]

Plusieurs autres sénateurs ont pris part au débat sur la question de privilège. La présidente du Comité du Règlement, le sénateur Milne, a contesté l'idée voulant que le comité soit effectivement paralysé en vertu de la décision en suspens du Président. D'autre part, le sénateur Andreychuk a fait valoir que le rappel au Règlement invoqué eu égard à la séance du comité de jeudi dernier a également eu des implications inférentielles qui ont miné la validité de ce qui s'est passé vendredi dernier. Le sénateur Fraser a défendu le processus qu'a suivi le Comité du Règlement en donnant avis pour la séance de vendredi. Le sénateur a également fait remarquer qu'en comparaison avec la plainte concernant la séance de jeudi, il n'y avait aucun conflit d'horaire empêchant quelque sénateur que ce soit d'y assister. Pour le sénateur Stratton, la coopération, ou l'absence de celle-ci, est la question fondamentale. Le sénateur Rompkey m'a ensuite demandé de tenir compte de ce qui s'est passé en 1991 lorsque le Comité du Règlement s'est réuni pour adopter d'importantes modifications au Règlement du Sénat malgré un boycott délibéré de l'opposition libérale.

Enfin, pour clore le débat sur la question de privilège, le sénateur Kinsella a fait une autre intervention durant laquelle il a rappelé qu'à son avis, il existe une tradition voulant que toute activité faisant l'objet d'une décision du Président soit suspendue jusqu'à ce que ladite décision soit rendue. Par conséquent, la séance de vendredi dernier du Comité du Règlement et la présentation de son rapport sur le projet de loi C-34 ont enfreint cette tradition et constitué une atteinte au privilège. Selon le sénateur Kinsella, le fait que la décision rendue plus tôt jugeait que le rappel au Règlement était sans fondement n'a rien changé à cette proposition élémentaire. Selon ce point de vue, la séance de vendredi dernier du Comité du Règlement était invalide de même que le rapport qu'il a adopté.

[Français]

Je tiens d'abord à remercier tous les honorables sénateurs d'avoir pris part au débat sur la question de privilège. C'est toujours un défi pour le Président de composer avec ces questions de procédure complexes. En tant que Président je dois constamment tenir compte de mon obligation d'équilibrer le mieux possible les principes opposés qui sont au cœur même de notre système parlementaire — et permettre que les activités soient menées en temps opportun tout en préservant le droit des factions opposées d'être entendues. En assumant cette responsabilité, je suis conscient de la nécessité de tenir compte des coutumes et traditions du Sénat, mais je suis également obligé de me conformer au Règlement du Sénat lorsqu'il énonce des directives claires.

[Traduction]

L'article 43 du Règlement renseigne quelque peu sur la procédure à suivre pour faire un rappel au Règlement pour obtenir une décision du Président sur le bien-fondé du recours. Les exigences en matière d'avis ont été satisfaites et le débat a eu lieu. Le recours au Règlement a été fait à la première occasion et il concerne une question qui relève de la compétence du Sénat. Il reste à déterminer si le sujet du recours au Règlement est une «infraction grave et sérieuse».

Selon le sénateur Kinsella, le recours au Règlement est en fait un outrage au Parlement. Selon la page 52 de l'ouvrage de Marleau et Montpetit, La procédure et les usages de la Chambre des communes:

Même si elle ne porte atteinte à aucun privilège particulier, toute conduite qui cause préjudice à l'autorité ou à la dignité de la Chambre est considérée comme un outrage au Parlement.

Le texte poursuit en disant:

L'outrage peut être un acte ou une omission. Il n'est pas nécessaire de faire réellement obstacle au travail de la Chambre ou d'un député; la tendance à produire un tel résultat suffit.

L'ouvrage d'Erskine May, Parliamentary Practice, signale qu'il n'est pas réellement possible d'énumérer tous les outrages, mais explique qu'il s'agit généralement d'une conduite qui nuit à la Chambre dans l'exercice de ses fonctions.

Dans le cas qui nous intéresse, l'outrage au Parlement qui est supposé avoir enfreint les droits de certains sénateurs porte sur la décision du Comité du Règlement de se réunir vendredi dernier même si des questions concernant la réunion du jeudi 30 octobre du comité faisaient l'objet d'un recours au Règlement auquel le Président n'avait pas encore répondu. On affirme que, parce que la décision n'avait pas encore été rendue, le comité n'avait pas le droit de se réunir et de poursuivre ses travaux jusqu'à ce que ladite décision ait été rendue.

On m'a demandé de ne pas oublier les traditions et coutumes du Sénat, mais j'ai peine à saisir en quoi elles sont liées au recours. Il est vrai qu'un article au Feuilleton est normalement reporté s'il y a un recours au Règlement concernant une question de procédure qui nécessite une décision du Président. Cela s'explique du fait qu'il est habituellement impossible de poursuivre l'étude d'un point au Sénat lorsque sa probité procédurale est remise en question. Il y a de nombreux exemples de telles décisions, mais cela ne signifie pas pour autant que c'est toujours comme ça. Ainsi, l'an dernier, le débat sur deux projets de loi portant sur la sanction royale n'a pas été suspendu après un recours au Règlement quant à la nécessité d'obtenir le consentement royal.

Lorsqu'il est question des comités, nous sommes confrontés à quelque chose de très différent des travaux du Sénat figurant au Feuilleton. Les travaux d'un comité ne sont pas identiques aux travaux prévus au Feuilleton. Selon les traditions, us et coutumes, les comités du Sénat fonctionnent de manière autonome, même s'ils reçoivent leur mandat du Sénat. Chaque comité permanent a un mandat en vertu du Règlement du Sénat et reçoit de temps à autre un ordre de renvoi pour entreprendre une étude particulière. Les comités s'attendent à pouvoir effectuer leurs travaux sans ingérence indue du Sénat. Des arrangements sont souvent conclus entre les membres du gouvernement et de l'opposition pour orienter le fonctionnement des comités. Comme on en a discuté, les plages horaires sont attribuées aux comités après entente entre les leaders des partis, non par ordre du Sénat. Cela est fait, en partie, pour répondre aux besoins des sénateurs, qui sont souvent membres de plusieurs comités. Chaque comité élit son président et son vice- président pour superviser la conduite de ses travaux. La plupart des comités forment également un comité directeur chargé d'adopter l'ordre du jour et le calendrier de leurs réunions. Tout cela se fait sans consultation du Sénat et encore moins du Président.

(1510)

Dans ma décision d'hier, j'ai cité le commentaire 760(3) de la 6e édition de l'ouvrage de Beauchesne, dans lequel on explique que le Président de l'autre endroit avait plus d'une fois indiqué qu'il n'avait pas compétence pour statuer en matière de procédure des comités. J'ai déclaré à ce moment-là que cette affirmation s'applique également au Sénat; c'est l'un de ses us et coutumes. Cependant, aujourd'hui, le recours au Règlement me demande de faire le contraire et de déroger à cette pratique.

Le recours au Règlement de jeudi dernier concernait une objection à un arrangement quant à une réunion du Comité du Règlement ce matin-là. Si j'ai bien compris, il ne touchait pas le mandat du comité ni un ordre de renvoi. J'étais prêt à rendre ma décision le jour même, mais des circonstances m'en ont empêché. Néanmoins, rien dans le recours au Règlement n'indiquait que le comité n'avait pas compétence pour poursuivre ses travaux. L'objection concernant la méthode suivie par le comité quant à une réunion ne remettait pas en question le fonctionnement du comité ou son droit de convoquer des réunions. Suggérer autrement minerait sérieusement la compétence des comités de fonctionner et remettrait même en question les travaux du Sénat. Si je devais accepter l'idée sur laquelle repose le recours au Règlement, n'importe quel recours au Règlement interromprait immédiatement les travaux d'un comité sénatorial. Je ne pense pas que ce soit approprié. Ce n'est pas approprié sur le plan de la procédure et c'est contraire aux traditions du Sénat.

Comme j'ai tenté de l'indiquer dans ma décision sur le rappel au Règlement, je suis conscient du sentiment d'injustice que certains sénateurs de l'opposition et certains sénateurs du gouvernement ont exprimé relativement au rythme auquel se déroulent les délibérations sur le projet de loi C-34. D'une part, certains sénateurs estiment qu'il faudrait plus de temps pour étudier cette question complexe. D'autre part, le gouvernement croit que le travail déjà accompli par le Comité du Règlement devrait suffire pour lui permettre d'étudier le projet de loi à l'intérieur d'un certain délai. Il ne s'agit pas là d'une question de procédure, mais d'une question politique. À cet égard, j'apprécie l'analogie faite par le sénateur Lynch-Staunton au sujet de la décision de la Cour suprême et de la décision unilatérale de rapatrier la Constitution: même si c'était légal, ce n'était pas nécessairement sage ni correct. En tant que Président, cependant, je n'ai pas à me prononcer sur ces points de vue différents parce qu'il s'agit de questions de nature politique et non de questions de procédure.

Compte tenu des arguments qui ont été présentés, je conclus qu'il n'y a pas matière à question de privilège. Rien ne prouve que le Comité du Règlement a commis un outrage au Parlement en se réunissant vendredi dernier et en adoptant son rapport sur le projet de loi C-34.


ORDRE DU JOUR

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—MESSAGE DES COMMUNES—MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, c.p.:

Que, en ce qui concerne le message envoyé au Sénat par la Chambre des communes en date du 29 septembre 2003, concernant le projet de loi C-10B:

(i) le Sénat n'insiste pas sur son amendement no 2;

(ii) le Sénat n'insiste pas sur sa version modifiée de l'amendement no 3 que la Chambre des communes a rejeté;

(iii) le Sénat n'insiste pas sur sa version modifiée de l'amendement no 4, mais agrée l'amendement fait par la Chambre des communes à l'amendement no 4; et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

Et sur la motion de l'honorable sénateur Watt, appuyée par l'honorable sénateur Adams, que la motion, ainsi que le message de la Chambre des communes en date du 29 septembre 2003, au sujet du projet de loi C-10B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux), soient déférés au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude et rapport.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, selon le ministre de la Justice, la disposition relative à la cruauté envers les animaux de la version originale du projet de loi C-10 visait principalement à imposer des peines plus lourdes aux contrevenants aux dispositions relatives à la cruauté envers les animaux domestiques du Code criminel et non pas à établir de nouveaux droits ou infractions.

Lorsque le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a étudié les dispositions du projet de loi qui est maintenant le projet de loi C-10B, il s'est rendu compte qu'un régime tout à fait nouveau avait été établi et que le Code criminel comportait une nouvelle partie.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a consacré beaucoup de temps à ce projet de loi. Il a entendu un très grand nombre de témoins, et certains sénateurs ont passé beaucoup de temps à l'extérieur du comité pour tenter d'élaborer des amendements qui permettraient de faire avancer le projet de loi tout en protégeant les intérêts des personnes qui ont légitimement affaire aux animaux, tant domestiques que sauvages. Le projet de loi a été amélioré, quoiqu'il comporte encore un petit nombre de graves lacunes.

Je tiens à m'associer à l'excellente analyse, fort sérieuse, que notre président, le sénateur Furey, vient de livrer au Sénat, ainsi qu'aux propos des autres membres du comité qui ont parlé de la dernière position adoptée par le ministère de la Justice. Plus particulièrement, je tiens à appuyer l'amendement proposé par le sénateur Watt, qui concerne avant tout les effets du projet de loi sur les droits des peuples autochtones, ainsi que sa proposition portant que le projet de loi soit renvoyé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Bryden: Je suis en faveur du renvoi du projet de loi au comité, car nous sommes nombreux à ne pas vouloir encore renoncer à améliorer ce projet de loi. Nous sommes si près du but, et pourtant si loin. Les quelques problèmes qui subsistent touchent les droits fondamentaux de centaines de milliers de personnes. Le comité pourrait peut-être trouver des solutions à ces problèmes.

Le sénateur Watt et d'autres sénateurs ont examiné suffisamment les préoccupations des peuples autochtones que le comité devrait étudier.

Je vais parler rapidement de la nouvelle infraction criminelle créée dans le nouveau régime, c'est-à-dire l'infraction qui consiste à tuer un animal sans excuse légitime, et proposer une approche susceptible d'aider le comité et le gouvernement à dégager un consensus.

Le paragraphe 182.2(1) du projet de loi dit ceci:

Commet une infraction quiconque, volontairement ou sans se soucier des conséquences de son acte [...]

c) tue unanimal sans excuse légitime;

Les tribunaux ont dit que l'expression «sans excuse légitime» signifie simplement, en common law, par accident, sous la contrainte ou par erreur. Ils ont ajouté que l'expression avait peu de sens, à moins que le Parlement ne précise expressément cette signification.

Le fait qu'on ne fasse aucune distinction entre le traitement et l'abattage d'animaux domestiques dont une personne a la garde et le contrôle — ce qui fait l'objet d'une réglementation et est soumis à des interdictions et des peines particulières aux termes du Code criminel — semble avoir empêché l'autre endroit de prendre conscience que la nouvelle infraction pénale visant ceux qui tuent un animal dont ils n'ont pas la garde ou le contrôle — un animal sauvage — n'est pas assortie des moyens de défense qui sont à la disposition des propriétaires d'animaux domestiques.

La nouvelle infraction qui consiste à tuer volontairement un animal, n'importe quel animal, est incompatible avec le droit, prévu en common law, de tuer un animal. Le Code criminel dispose clairement que les moyens de défense fondés sur la common law sont incompatibles avec le code. En ajoutant la nouvelle infraction au code, on écarte tous les moyens de défense qui seraient autrement disponibles en common law, parce que cela serait incompatible avec la disposition législative créant l'infraction.

D'après la jurisprudence, la possession d'un permis ou d'une licence délivré par un gouvernement provincial ne constitue pas une excuse légitime. L'affaire Jorgensen en fournit un exemple: le propriétaire d'un magasin de films vidéo avait reçu l'approbation de la commission de censure provinciale, mais, malgré cela, la police l'a inculpé en vertu du Code criminel. La Cour suprême a statué que l'approbation des autorités provinciales ne constituait pas une excuse légitime.

En effet, le juge Sopinka de la Cour suprême a déclaré:

Deux propositions quelque peu connexes militent contre l'argument selon lequel l'approbation de la CCCO (le permis provincial) peut constituer une justification ou une excuse légitime. Premièrement, un palier de gouvernement ne peut déléguer ses pouvoirs législatifs. Deuxièmement, l'approbation donnée par un organisme provincial ne peut, en droit constitutionnel, empêcher qu'une poursuite soit intentée à l'égard d'une accusation portée en vertu du Code criminel.

(1520)

Pour donner un autre exemple, lorsque certaines provinces voulaient accorder des licences de jeux de hasard qui permettraient la tenue de loteries pour lever des fonds sur leur territoire, elles ont cherché à conclure avec le gouvernement fédéral des ententes et des exemptions expresses concernant l'application des dispositions du Code criminel sur les jeux de hasard.

Nous devons donner à l'expression «excuse légitime» un sens direct dans son application à la nouvelle infraction créée par ce projet de loi. C'est ce que l'on pourrait faire en ajoutant après l'alinéa 182.2(1)c) du projet de loi, dont voici le texte — je ne propose pas un amendement: je fais simplement une suggestion au comité —

Pour l'application du présent article, «excuse légitime» s'entend:

a) de la possession d'une licence ou d'un permis valide de chasse, de pêche ou de piégeage, délivré par le gouvernement du Canada, une province ou un territoire;

b) du droit des peuples autochtones de chasser, de pêcher et de poser des pièges conformément à leurs droits inhérents au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et conformément à tout traité ou accord entre l'État et les peuples autochtones.

Je crois que le comité, si on lui donne l'occasion d'examiner ce type d'approche ou une variante d'une approche comme celle-ci, particulièrement celle portant sur les questions autochtones, arrivera peut-être à une interprétation d'excuse légitime et à une énumération qui la rend acceptable pour le comité et pour le Sénat.

En guise d'appui à l'amendement du sénateur Watt, je serais favorable à ce qu'on renvoie ce projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour qu'il ait une autre occasion de mettre à profit une idée de ce genre afin que nous arrivions à régler cette question très difficile.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: L'honorable sénateur accepterait- il de répondre à une question?

Le sénateur Bryden: Certainement.

Le sénateur Beaudoin: J'approuve tout ce que l'honorable sénateur a dit. Le président de notre comité l'a très bien résumé.

Ma question est la suivante: se pourrait-il également que, dans cette affaire, nous allions à l'encontre de notre obligation de fiduciaire aux termes de l'article 35 de la Constitution, selon l'interprétation qu'en ont donnée les tribunaux? Je crois que nous allons à l'encontre d'un principe qui est codifié dans la Constitution. L'obligation de fiduciaire est impérative. Si nous ne l'acceptons pas, l'honorable sénateur ne pense-t-il pas que nous allons à l'encontre de la Constitution?

Le sénateur Bryden: Le sénateur Beaudoin connaît les détails de la Constitution et de l'article 35 beaucoup mieux que moi. Toutefois, d'après ce que je peux voir, ce qu'affirme l'honorable sénateur est exact. Au-dessus de tous ces droits et préoccupations relativement aux Autochtones à leur utilisation des terres et des ressources se trouve la relation de fiduciaire qui vient initialement de la Couronne et qui est une relation que nous avons comme société avec nos populations autochtones.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, si le sénateur Carstairs ne souhaite pas prendre la parole, je propose: Que le débat soit ajourné.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'ajournement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire: À mon avis, les oui l'emportent.

Des voix: Nous n'entendons pas!

Son Honneur la Présidente intérimaire: À mon avis, les oui l'emportent.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Anne C. Cools: J'invoque le Règlement. Je croyais que nous en étions à autre chose.

Sur quoi portait le vote, Votre Honneur, et pourquoi le vote?

Le sénateur Robichaud: Sur vous.

Le sénateur Tkachuk: Sur votre proposition d'ajournement.

Le sénateur Cools: Pourquoi un vote sur l'ajournement?

Le sénateur Carstairs: Cela ne fait rien. Ils peuvent voter n'importe quand, sénateur Cools.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le gouvernement ne veut pas de son propre projet de loi. Voilà pourquoi.

Le sénateur LeBreton: Le gouvernement fait de l'obstruction.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le Sénat libéral fait la vie dure au comité libéral.

Son Honneur la Présidente intérimaire: La motion d'ajournement du débat proposée par le sénateur Cools a été adoptée. Nous en sommes maintenant au projet de loi C-25.

Le sénateur Cools: Votre Honneur, je suis désolée, mais souvent dans ce coin-ci nous n'arrivons pas à entendre. C'est incroyable. Je ne comprends rien à ce qui s'est passé, mais les choses...

Son Honneur la Présidente intérimaire: Nous en sommes maintenant au projet de loi C-25.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il y a certains qui veulent nous voir à la télé.

Le sénateur Cools: J'ai entendu cela, honorables sénateurs.

PROJET DE LOI SUR LA MODERNISATION DE LA FONCTION PUBLIQUE

TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Harb, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-25, Loi modernisant le régime de l'emploi et des relations de travail dans la fonction publique, modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le Centre canadien de gestion et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'interviens à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-25. Comme les honorables sénateurs le savent certainement, je crains que le projet de loi C-25 n'abroge l'obligation imposée aux fonctionnaires de prêter serment d'allégeance.

À l'étape de la deuxième lecture, j'ai fait état de mes objections qui n'ont retenu l'attention ni du gouvernement ni du ministre. Je profite de l'occasion aujourd'hui pour faire inscrire de nouveau mes objections au compte rendu.

Honorables sénateurs, nous devrions savoir que ce qui se passe avec ce projet de loi, c'est qu'on se sert de la discipline de parti et du whip pour obtenir un vote abrogeant l'obligation imposée aux fonctionnaires de prêter serment d'allégeance. Je soutiens que loin d'être une question simple, c'est une question qui revêt hors de tout doute une grande importance constitutionnelle.

Avant de poursuivre mes observations, je saisis l'occasion pour dire que, plus tôt aujourd'hui, plus précisément à 11 heures ce matin, j'ai assisté à la sixième édition de la cérémonie annuelle du Jour du Souvenir qui se tenait au Sénat. L'événement s'est avéré un énorme succès. Il était parrainé par le Président du Sénat, le sénateur Dan Hays, et organisé par notre huissier du bâton noir, M. Terrance Christopher, et par notre porteur de la masse, M. Richard Logan. Je tenais à exprimer à ces deux organisateurs mon appréciation et celle des nombreuses personnes qui ont également assisté à la cérémonie.

(1530)

Fait intéressant, honorables sénateurs, le service de ce matin était axé sur les soldats et les autres personnes qui ont participé à la guerre de Corée. Cela m'était particulièrement agréable parce qu'il m'arrive souvent de penser que les anciens combattants de Corée sont parfois négligés.

Honorables sénateurs, tout cela nous prépare pour le jour du Souvenir, lorsque, de concert avec tout le pays, nous nous souviendrons de nos anciens combattants, de ceux qui sont morts en se battant et de l'effort de guerre. En fait, nous nous souviendrons de leur suprême sacrifice. Ces cérémonies feront ressortir l'immensité du sacrifice consenti par ces jeunes. Ce matin, j'ai été profondément touchée de constater que, dans l'organisation de la cérémonie, l'huissier du bâton noir et le porteur de la masse ont inclus l'hymne royal God Save the Queen.

Honorables sénateurs, nous vivons à une époque où l'on se plaît à démanteler les principes du système et à défaire notre histoire. Je veux profiter de cette occasion pour dire que tous les soldats canadiens, hommes et femmes, qui ont servi dans nos forces ont tous marché au service de Dieu, du Souverain et du pays. Nous nous en souviendrons.

Je voulais commencer par dire cela. Quand des soldats se montrent héroïques à ce point, qu'ils s'oublient totalement eux- mêmes, c'est habituellement parce qu'ils servent un idéal qui va bien au-delà du service au gouvernement. Les gouvernements peuvent être très mauvais, mais l'idéal du roi et de la reine relève d'une notion supérieure à celle du gouvernement. Les gouvernements peuvent être écartés, ils peuvent être bons ou mauvais, mais le roi et la reine demeurent à jamais. C'est une merveilleuse notion qui suscite en moi des émotions aussi fortes que profondes.

Honorables sénateurs, l'allégeance est une ancienne loi qui définit la structure morale des relations entre gouvernant et gouvernés. Entre la reine et ses sujets, l'allégeance est définie — je vais lire la définition du Jowitt's Dictionary of English Law, comme étant dérivée du français normand «aleggeaunce» et de «lige» qui veut dire «pur, absolu». Allégeance désigne donc l'hommage inconditionnel dû par le vassal à son seigneur. L'allégeance est décrite comme suit:

... l'obéissance naturelle, légale et fidèle que chaque sujet doit au magistrat suprême qui n'outrepasse pas ses prérogatives; le lien ou ligamen qui lie le sujet au souverain en contrepartie de la protection que le souverain assure au sujet...

Honorables sénateurs, c'est un aspect très particulier de la loi de l'allégeance que cette relation très personnelle qui existe entre la reine et le sujet.

Le serment d'allégeance, tel qu'il est prêté, établit la base morale de l'exécution des tâches dans la fonction publique. Nous devons comprendre qu'un serment est une déclaration solennelle faite en invoquant la divinité et en faisant appel à Dieu comme témoin, pour ainsi dire. Un serment est constitué de la déclaration et de l'invocation dans laquelle on demande à Dieu — en disant «Ainsi Dieu me soit en aide» — de servir de témoin de ce qui s'est produit.

Honorables sénateurs, le serment d'allégeance que nous prêtons à notre arrivée au Sénat — il figure dans la cinquième annexe de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique — est le suivant:

Je [...] jure que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté la reine Élizabeth Deux. Ainsi, Dieu me soit en aide.

Honorables sénateurs, comme je l'ai dit, ce serment d'allégeance forme la structure et la base morale de notre système constitutionnel. Il est complété par une autre partie du système de prestation de serment, qui est le serment de Sa Majesté lors du couronnement, qu'on appelle donc le serment du couronnement. Je voudrais lire une partie de ce serment prêté par Sa Majesté la reine Elizabeth II le 2 juin 1953. Dans ce passage, l'archevêque demande:

Promettez-vous et jurez-vous solennellement de gouverner les peuples du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, du Canada... de vos possessions et des autres territoires leur appartenant selon leurs lois et coutumes respectives?

Sa Majesté jurait alors de gouverner selon les lois et coutumes.

Sa Majesté a répondu:

Je le promets solennellement.

L'archevêque administre ensuite une autre partie du serment en disant:

Userez-vous de vos pouvoirs avec clémence pour établir le droit et la justice dans tous vos jugements?

La reine a répondu:

Oui, je le ferai.

L'archevêque a dit ensuite:

Ferez-vous tout en votre pouvoir pour faire prévaloir les lois de Dieu et la parole de l'Évangile?

À quoi la reine a répondu:

Je promets de faire tout cela.

La reine s'est ensuite agenouillée et a poursuivi, la main sur la Bible:

Les choses que j'ai ici promises, je les tiendrai et m'en acquitterai. Ainsi Dieu me soit en aide.

Honorables sénateurs, si les parlementaires et les membres du Cabinet acceptaient d'étudier les serments d'allégeance et le serment du couronnement, ils découvriraient que ces deux déclarations définissent les conditions éthiques et morales des fonctions et du service. Si nous nous conformions vraiment à ces déclarations, nous n'aurions pas besoin de projets de loi et de codes de déontologie parce que le respect de ces serments est en soi une affaire d'éthique.

Honorables sénateurs, la question que j'ai soulevée et ce que j'ai trouvé particulièrement difficile au sujet de l'abrogation de ce serment, c'est le fait que cette affaire n'a fait l'objet d'aucun débat public dans le pays. J'ai remarqué qu'au cours de ses audiences, le Comité des finances nationales n'a convoqué aucun témoin pour parler de cette question particulière. Il est vrai que la ministre Robillard a comparu devant le comité et a répondu aux questions que j'ai moi-même posées, je crois, mais aucun témoin indépendant n'a comparu devant le comité pour parler de l'opportunité d'abroger le serment d'allégeance. J'ai trouvé cette omission absolument effroyable. J'ai également trouvé très fâcheux que des millions de personnes dans le pays ne sachent pas ce que fait le projet de loi C-25, qui n'a pas bénéficié de beaucoup de publicité.

De plus, je rappelle aux sénateurs tout l'émoi causé en octobre de l'année dernière lorsque John Manley a fait sa déclaration très peu flatteuse concernant Sa Majesté pendant qu'elle était en visite au Canada. Je n'ai pas à évoquer de nouveau mes préoccupations parce que j'en ai déjà parlé au Sénat.

(1540)

Honorables sénateurs, en lisant le compte rendu des délibérations du comité, force est de constater que la question du serment d'allégeance a reçu peu d'attention. J'aurais cru et j'espérais que le comité entendrait plusieurs témoignages sur cette question.

J'ai un dernier point à soulever relativement aux délibérations du comité. J'ai posé à deux reprises une question à la ministre Robillard à ce sujet et les deux fois j'ai eu la nette impression qu'elle ne connaissait pas bien ces questions ni le serment d'allégeance. D'après ce que j'ai pu comprendre, elle n'aurait pas lancé elle- même l'initiative, ce serait un fonctionnaire de son ministère qui l'aurait lancée. De toute façon, il ressort clairement des délibérations, notamment de la séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales du mardi 16 septembre 2003, que la ministre a de la difficulté à répondre aux questions.

Lors de son témoignage, elle était accompagnée d'un avocat du ministère de la Justice, maître Henry Molot. Selon moi, ce témoin a donné des réponses très insuffisantes. Il est évident qu'on ne comprend pas bien toute la question de la prérogative royale et du serment d'allégeance. Je crois que plusieurs de ces avocats esquivent ces questions très rapidement et très aisément.

Honorables sénateurs, nous aurions intérêt à commencer à étudier certaines mesures qui régissent cette noble institution, qu'il s'agisse de la prérogative ou de la Loi sur le Parlement. Ce sont ces deux systèmes qui étaient censés guider et régir l'adoption des lois dans cet endroit.

De toute façon, je ne fais que formuler mes pensées. Selon moi, on comprend de moins en moins bien ces mesures. Par exemple, en ce qui concerne la prérogative, je me rappelle avoir lu des comptes rendus de la poursuite intentée par Conrad Black, désormais lord Black of Crossharbour, contre M. Chrétien. J'ai lu ce que les juges ont dit au sujet de...

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorable sénateur Cools, j'ai le regret de vous informer que votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Cools: Puis-je formuler une conclusion?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Je disais qu'il était devenu clair rapidement que ces juges ne connaissaient plus le droit de la prérogative dans ces domaines.

Honorables sénateurs, du fait que le projet de loi C-34 nous arrive aujourd'hui, je voudrais profiter de l'occasion pour encourager les sénateurs à consacrer un certain temps à l'étude de ces deux questions très difficiles. Entre-temps, je remercie les honorables sénateurs de leur attention et j'espère que j'ai fait part de ma très vive objection à la modification et à la suppression du serment d'allégeance. Je crois sincèrement qu'il aurait fallu plus qu'un simple projet de loi pour faire cela. Sa Majesté la reine Elizabeth aurait dû être partie prenante, du moins par l'entremise de la gouverneure générale du Canada. Je suis un peu désolée de constater que mes collègues au comité n'ont pas fait en sorte qu'on respecte la Constitution de notre institution et la Constitution du pays, en ce qui concerne la relation entre Sa Majesté la reine et ses sujets, les citoyens du Canada.

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, je veux, d'une façon peut-être plus familière et beaucoup moins informée que le sénateur Cools l'a fait lorsqu'elle a parlé de ces questions de serment, affirmer qu'en ce qui concerne les deux serments que je peux retrouver dans ce projet de loi dont nous sommes maintenant saisis, il s'agit, si vous me permettez cette expression familière, des serments les plus mièvres que j'ai jamais vus.

Le premier, qu'on retrouve à l'article 246, dit ceci:

Moi,......, je jure (ou j'affirme solennellement) que j'exercerai de mon mieux, fidèlement, sincèrement et impartialement les fonctions de...

Fidèlement à quoi? À qui? On ne peut simplement être fidèle de façon abstraite; il faut être fidèle à quelque chose et prêter serment à quelque chose. Ce n'est rien de plus qu'une vague promesse de faire de son mieux dans les circonstances. C'est le pendant canadien de l'expression «aussi Américain que la tarte aux pommes» qui, au Canada, se dit «aussi Canadien que possible dans les circonstances». C'est vraiment mièvre. Je reconnais que ce sont des serments pratiquement inutiles; si nous devons avoir des serments comme celui-ci, nous devrions simplement les éliminer au lieu de prétendre qu'il s'agit de véritables serments.

[Français]

L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, ce que l'on veut dire, c'est que le temps est arrivé pour les Canadiens d'être réellement ancrés dans la maturité.

[Traduction]

Le moment est venu pour nous de faire preuve de maturité; le moment est venu pour nous de jurer allégeance à notre pays; le moment est venu pour nous de dire que nous ferons pour le mieux et que nous promettons aux Canadiens — qui sont les souverains du Canada — de nous acquitter de nos devoirs à leur égard et de le faire du mieux possible. Le jour viendra où — dans un avenir qui n'est pas si lointain — mon successeur prêtera allégeance au Canada et non à la reine de Grande-Bretagne et aux royaumes situés au-delà de l'océan.

Le sénateur Banks: Puis-je poser une question?

Le sénateur LaPierre: Non.

Le sénateur Cools: J'invoque le Règlement. Je tiens à souligner que l'AANB exige que tout sénateur prête un serment d'allégeance. Selon moi, les déclarations qui viennent d'être faites ne concordent pas avec l'allégeance dont le serment est censé être le reflet. Si je peux arriver à trouver mon exemplaire du serment — Je l'ai juste ici.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorable sénateur Cools, je crois que c'est...

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, tout sénateur nommé ici...

Le sénateur LaPierre: J'invoque le Règlement.

Le sénateur Cools: Tout sénateur nommé ici doit, en notre présence à tous, faire des déclarations et prêter un serment. Certains ne prennent peut-être pas cela très au sérieux mais, selon moi, si c'est une si grande corvée, ils n'ont qu'à ne pas le faire. Il est préférable de ne pas se présenter ici et de ne pas prêter le serment plutôt que de se moquer de ceux d'entre nous qui croient au serment et qui le prennent très au sérieux. Je tiens à faire une surprise au sénateur LaPierre et à lui dire que tous les sénateurs, lorsqu'ils...

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorable sénateur Cools...

Le sénateur Cools: ...le prennent très très au sérieux.

Le sénateur LaPierre: Assez, c'est assez.

Son Honneur la Présidente intérimaire: À l'ordre. Honorable sénateur Cools, c'est un élément de débat et non un recours au Règlement.

Honorables sénateurs, êtes-vous prêts à vous prononcer?

Des voix: Le vote!

Le sénateur Cools: Le Règlement a été invoqué. D'honorables sénateurs veulent intervenir à ce sujet.

Son Honneur la Présidente intérimaire: À l'ordre. Il a été proposé par l'honorable sénateur Day, appuyé par l'honorable sénateur Harb, que le projet de loi C-25 soit lu une troisième fois. Vous plaît- il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: Avec dissidence.

(La motion est adoptée, et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)

(1550)

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique) et certaines lois en conséquence, soit lu une troisième fois.

— Honorables sénateurs, c'est un honneur pour moi de prendre la parole cet après-midi dans le cadre du débat de troisième lecture du projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada et constituant le poste de conseiller sénatorial en éthique et de commissaire à l'éthique.

Comme bon nombre d'entre vous le savent puisque je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises, le projet de loi C-34 marque l'aboutissement de plus de trente années de travail par les sénateurs et les députés dans le dossier des règles sur les conflits d'intérêts au Parlement. Jusqu'à maintenant, tous les projets mis en oeuvre sont morts au Feuilleton, y compris le livre vert de 1973 sur les conflits d'intérêts chez les parlementaires, la loi de 1978 sur l'indépendance du Parlement, le rapport Stanbury-Blenkarn de 1992 et le rapport Milliken-Oliver de 1995.

Les dispositions régissant les conflits d'intérêts pour les sénateurs ont généré beaucoup d'intérêt. Parmi les initiatives mises en oeuvre au cours des trente dernières années, on retrouve toute une gamme d'approches réglementaires et non réglementaires visant la nomination d'un conseiller en éthique parlementaire et l'adoption d'un code de conduite.

Au cours des 18 derniers mois, les sénateurs et les députés ont redoublé d'efforts pour mettre au point un code de conduite à l'intention des parlementaires. En mai 2002, le premier ministre a annoncé un programme d'éthique en huit points qui inclut un code de conduite à l'intention des parlementaires inspiré du rapport Milliken-Oliver. En octobre 2002, j'ai déposé au Sénat au nom du gouvernement un avant-projet de loi prévoyant la création d'un poste de commissaire à l'éthique indépendant et une ébauche de code de conduite à inclure dans le Règlement du Sénat. En avril 2003, le Comité du Règlement a déposé son rapport provisoire sur ces documents. Toutes les recommandations contenues dans ce rapport ont été acceptées par le gouvernement et incluses dans le projet de loi C-34.

Le comité a recommandé que chaque Chambre ait son propre conseiller en éthique et le projet de loi C-34 prévoit la nomination d'un conseiller sénatorial en éthique. Le comité a recommandé que le conseiller sénatorial en éthique soit nommé sur approbation des chefs des partis reconnus au Sénat et que cette nomination soit suivie d'un vote de confirmation au Sénat. Le projet de loi C-34 prévoit la nomination du conseiller sénatorial en éthique après consultation des chefs des partis reconnus au Sénat, suivie de l'adoption d'une résolution au Sénat, ce qui est conforme à l'approche adoptée pour d'autres charges au Parlement. Autrement dit, honorables sénateurs, à défaut d'un vote au Sénat, aucune nomination ne sera faite. C'est l'aspect important de la question.

Le comité a recommandé que le conseiller sénatorial en éthique exerce ses fonctions pour un mandat de sept ans renouvelable; le projet de loi C-34 prévoit cette disposition. Le comité n'est pas parvenu à un consensus pour ce qui est de savoir si le conseiller sénatorial en éthique devrait être nommé par voie législative ou par règlement. Le projet de loi C-34 adopte une approche équilibrée, à mon avis, soit la nomination du conseiller sénatorial en éthique par voie législative et l'adoption de dispositions sur les conflits d'intérêts par règlement adopté par le Sénat, pour le Sénat et pour nos sénateurs.

Bien entendu, le projet de loi C-34 ne prévoit un processus de nomination que pour le conseiller sénatorial en éthique. Nous avons déjà des dispositions sur les conflits d'intérêts dans notre règlement, ainsi que dans la Loi sur le Parlement du Canada. Le Comité du Règlement s'est demandé s'il fallait moderniser ces dispositions et les incorporer dans un seul code d'éthique. Cependant, les sénateurs pourront examiner cette question à l'avenir.

Autrement dit, le projet de loi est une mesure cadre. Il ne modifie pas le règlement actuel du Sénat sur les conflits d'intérêts et il n'adopte pas d'autres dispositions à cet égard. Ainsi, il appartiendra au Sénat seul d'établir des règles d'éthique qui respectent les privilèges, les immunités et les pratiques du Sénat.

Le Comité du Règlement a accordé une attention toute particulière à la constitutionalité et au privilège parlementaire. Je suis heureuse de constater que les témoins entendus par le comité ont confirmé que le projet de loi C-34 n'aurait aucun impact sur l'équilibre des pouvoirs entre le législatif, l'exécutif et le judiciaire, et qu'il ne soulèverait aucune nouvelle inquiétude par rapport au privilège parlementaire. M. Robert Marleau, un ancien greffier de la Chambre des communes et coauteur d'un essai hautement respecté sur la procédure parlementaire, M. Joseph Maingot, un expert en procédure parlementaire, ainsi que le légiste du Sénat ont tous affirmé que la nomination légale d'un conseiller sénatorial en éthique n'aurait aucun, et je répète aucun, impact préjudiciable sur les privilèges du Sénat. Lorsqu'il a témoigné devant le comité le 16 septembre 2003, M. Marleau a déclaré:

Le conseiller sénatorial en éthique serait tout simplement un autre fonctionnaire du Sénat; par conséquent, dans le cadre de ses fonctions, cette personne jouirait des privilèges habituellement accordés à tout fonctionnaire du Sénat exécutant un ordre du Sénat ou du comité.

Devant le même comité, M. Maingot a déclaré:

Le projet de loi stipule que le Sénat établira les règles concernant l'éthique des sénateurs. Dans ce cas, il s'agit d'une question interne au Sénat et les tribunaux ont toujours déclaré que, lorsqu'il s'agit des procédures internes de la Chambre ou du Sénat, il s'agit d'un pouvoir constitutionnel. Historiquement, les tribunaux ont toujours respecté ce qu'ont fait les Chambres du Parlement.

Au sujet des privilèges du Parlement prévus par la Constitution, M. Marleau a déclaré:

Quant à savoir si nous créons un nouveau privilège, je dirais que non, que ce projet de loi ne créerait pas un nouveau privilège. Cette mesure n'est pas vraiment différente du cas où l'on créerait un nouveau comité du Sénat, on embaucherait un nouveau greffier de comité et ce greffier recevrait des ordres du comité; toutes ces activités seraient protégées par l'immunité parlementaire habituelle.

M. Marleau a aussi déclaré:

Les fonctionnaires des Chambres sont depuis longtemps nommés en vertu de lois. En ma qualité de commissaire à la protection de la vie privée par intérim, je fais partie de ces fonctionnaires nommés en vertu d'une loi par le gouverneur en conseil, et dont la nomination est ratifiée par le Parlement. L'origine du greffier de la Chambre des communes, et du greffier du Sénat je crois, se trouve dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et ils sont nommés par le gouverneur en conseil.

Certains sénateurs ont exprimé des réserves par rapport à la confidentialité du travail du conseiller sénatorial en éthique. Le comité s'est fait dire que les attributions particulières de ce conseiller seraient énoncées dans le Règlement du Sénat et que la confidentialité y serait traitée en détail. L'autre endroit a adopté cette approche dans le code de conduite dont son comité a récemment fait rapport. C'est aussi l'approche préconisée dans le code présenté dans le rapport Milliken-Oliver.

Toutes les règles de confidentialité régissant la déclaration des conflits d'intérêts et l'enregistrement ou la publication des actifs seraient établies par le Sénat, et par lui seul. Le Sénat aurait le droit de limiter la divulgation, comme l'a fait l'autre endroit dans le code de conduite dont son comité a fait rapport et comme l'a préconisé le rapport Milliken-Oliver.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-34 est le résultat de 30 années de travail de la part de parlementaires sur la question des conflits d'intérêts. Le Comité du Règlement s'est fait dire que, par rapport aux provinces et à d'autres pays du Commonwealth, le Parlement du Canada accuse un certain retard à ce chapitre. Dans ces provinces et pays, les législateurs ont bénéficié de l'existence d'un conseiller parlementaire en matière d'éthique qui leur offre des conseils indépendants au sujet des questions d'éthique, ce qui leur permet de montrer à leurs électeurs qu'ils prennent ces questions au sérieux. Je pense que les honorables sénateurs connaîtront aussi cette expérience une fois que la création d'un poste de conseiller sénatorial en matière d'éthique sera approuvée à l'issue d'un vote à cet endroit et une fois qu'elle sera finalisée par le gouverneur en conseil.

À ceux qui pensent qu'il nous faut davantage de temps pour étudier cette question, je répondrai que nous l'étudions depuis 30 ans. Nous avons, dans le projet de loi C-34, une approche équilibrée qui est le résultat de ce travail. Les provinces et certains autres pays du Commonwealth ont un conseiller indépendant en matière d'éthique. Dans le secteur privé, il existe des règles à l'intention des conseils d'administration, et l'autre endroit veut se donner un conseiller en éthique indépendant. À cet endroit, je pense que la majorité des sénateurs sont d'avis que le moment est venu d'emboîter le pas au reste du monde en se dotant d'un conseiller indépendant en matière d'éthique qui fait rapport au Parlement. J'invite tous les honorables sénateurs à appuyer l'adoption du projet de loi C-34.

(1600)

L'honorable Anne C. Cools: Est-ce que l'honorable sénateur accepterait une question?

Le sénateur Carstairs: Très volontiers.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, j'ai plusieurs questions à poser. Je les poserai l'une après l'autre.

Les articles 72.06, 72.07 et 72.08 du projet de loi, sous le titre «Fonctions à l'égard des titulaires de charge publique», contiennent l'expression «premier ministre» quatre fois dans la version française et sept fois dans la version anglaise. «Premier ministre» est une expression très rare dans des textes législatifs. Elle n'est pas censée être utilisée dans les lois car certains mots n'ont pas vraiment d'existence du point de vue juridique.

Pourquoi l'expression «premier ministre» est-elle utilisée aussi souvent dans ces articles? C'est tout à fait inhabituel. À mon avis, ce sont les dispositions du premier ministre. Madame le leader du gouvernement au Sénat veut-elle répondre?

Le sénateur Carstairs: L'honorable sénateur devrait examiner l'article 72.061 du projet de loi, qui est ainsi libellé:

Le premier ministre doit établir des principes, règles et obligations en matière d'éthique pour les titulaires de charge publique.

Les sénateurs et les députés, à moins qu'ils ne soient également membres du Cabinet ou qu'ils ne fassent partie des secrétaires parlementaires, ne sont pas titulaires de charge publique d'après la définition du projet de loi. Comme c'est le premier ministre qui établira ces principes, règles et obligations en matière d'éthique, il est raisonnable que son titre soit mentionné dans un certain nombre de dispositions du projet de loi.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, j'ai une autre question concernant ce qu'on a traditionnellement appelé l'indépendance du Parlement. Le gouvernement sait que le Parlement, depuis des siècles, a toujours été très hostile à l'introduction de nouveaux titulaires de charge publique au Parlement. Je crois que c'est M. Marleau qui a dit que la nomination de ce nouveau conseiller est semblable à la nomination d'un nouveau greffier. Ce n'est pas cela du tout.

En fait, la première loi faisant obstacle aux titulaires de charge publique a été adoptée durant le règne de la reine Anne au début du XVIIIe siècle. Cette loi existait au Canada jusqu'à l'époque de Mackenzie King. Elle se basait sur le principe selon lequel un député ne pouvait pas être membre du Cabinet sans se soumettre d'abord à une réélection dans sa circonscription. C'est sur cette base que Mackenzie King avait réussi à battre le premier ministre Meighen et à invoquer cette crise.

La tradition et les règles du Parlement ont résisté à la nomination au Parlement de titulaires de charge publique ou de serviteurs de la Couronne. Je demande à l'honorable sénateur pourquoi ce grand principe du constitutionnalisme a été violé dans le projet de loi C-34.

En 1931, une mesure législative a été adoptée pour abroger une partie de cette loi afin de permettre aux ministres d'entrer au Cabinet sans être réélus. Les seuls titulaires de charge publique pouvant siéger au Parlement sont les ministres, comme le sénateur Carstairs. De plus, le Parlement a déclaré, il y a plus de 200 ans, qu'il ne voulait plus de titulaires de charge publique parmi ses membres. Même la nomination de ses hauts fonctionnaires est différente.

J'ai consulté la documentation. C'est sir John A. Macdonald qui a fait adopter la Loi sur l'indépendance du Parlement en 1868. Cette loi était semblable à celle de la reine Anne. Pourquoi sommes-nous aujourd'hui obligés d'adopter des lois et de prendre position d'un point de vue législatif d'une façon que le Parlement a traditionnellement rejetée et à laquelle il s'est toujours montré très hostile?

Le sénateur Carstairs: En réponse à l'honorable sénateur, je voudrais citer l'article 72.06, qui est ainsi libellé:

Pour l'application des articles 20.5, 72.05 et 72.07 à 72.09, sont des titulaires de charge publique...

Le projet de loi présente ensuite une liste des personnes considérées comme titulaires de charge publique.

Je voudrais signaler à l'honorable sénateur que, dès les premiers temps du Canada, nous avons eu des ministres, des ministres d'État et des secrétaires parlementaires, ainsi que des gens qui travaillaient pour eux.

Il y en a sûrement d'autres qui ont été nommés pour représenter le Parlement du Canada, comme le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire à l'information et le commissaire aux langues officielles. Ce sont tous des titulaires de charge publique. Ils ont reçu leurs pouvoirs parfois par voie législative et parfois selon les coutumes et les précédents.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je demanderai au sénateur Carstairs de faire une distinction, parce que nous parlons de fonctionnaires du Sénat, par opposition à des fonctionnaires du Parlement.

Honorables sénateurs, ne vous faites pas d'illusions sur l'expression «fonctionnaires du Parlement». Son histoire est très courte. La vraie position des fonctionnaires du Parlement demeure une inconnue, comme l'a démontré l'affaire de l'ancien commissaire à la protection de la vie privée Radwansky lorsque le sénateur Lowell Murray a évoqué les intérêts du Sénat à l'égard d'un fonctionnaire du Parlement. Il a découvert en fait que le Sénat n'avait pas vraiment d'intérêt à cet égard.

Nous parlons des relations entre le Parlement et les titulaires de charge publique. D'après la loi, les seuls titulaires de charge publique qui peuvent siéger et voter au Parlement sont les membres du Cabinet. Les autres titulaires ne sont pas autorisés à siéger ici. Par exemple, les juges n'ont pas de place au Parlement.

Il existe une ancienne norme, vieille d'à peu près 200 ans, voulant que les parlementaires ne soient en aucune façon soumis à des serviteurs de la Couronne, expression qui englobe les titulaires de charge publique.

Le sénateur Carstairs: En réponse à l'honorable sénateur, je dis que c'est exactement pour cela que son comité a si sagement insisté pour que le Sénat ait son propre conseiller en éthique et pour que ce dernier n'ait pas à s'occuper des titulaires de charge publique. Le comité a insisté pour qu'il s'agisse de deux personnes distinctes.

La Chambre des communes a choisi de confier à la même personne les fonctions de commissaire à l'éthique et de responsable des titulaires de charge publique. Nous n'avons pas choisi la même voie, ce qui, à mon avis, était une sage décision de la part de notre comité.

Le sénateur Cools: L'honorable sénateur ne comprend peut-être pas ce que je veux dire. Je parle des relations entre les parlementaires et les serviteurs de la Couronne, dont font partie les titulaires de charge publique. Le projet de loi sème la confusion sur cette question. La plupart des titulaires de charge publique, comme les ministres qui siègent au Parlement, sont nommés à titre amovible. Notre greffier, nos greffiers au Bureau sont nommés à titre amovible.

Par contre, le titulaire de charge publique qui sera nommé en vertu de ce projet de loi sera plus difficile à extirper que le diable. Il ne pourra être révoqué que sur adresse du Sénat au gouverneur en conseil.

Le Sénat ne présente pas d'adresse au gouverneur en conseil, honorables sénateurs. Le Sénat présente des adresses au Gouverneur général ou à Sa Majesté, mais pas au gouverneur en conseil. Le paragraphe 20.2(1) nous dit clairement que non seulement cette initiative crée un titulaire de charge publique qui contrôlera la conduite et les activités des sénateurs, mais aussi qu'il sera extrêmement difficile de révoquer cette personne.

(1610)

Les mots employés pour décrire ce titulaire correspondent au genre de terminologie qu'on retrouve dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique à l'égard des juges, par exemple l'expression «durant bonne conduite». Les honorables sénateurs doivent le savoir. Ils doivent être conscients de la profonde confusion et de la duperie créées par ce projet de loi.

Par exemple, le paragraphe 20.2(1) proposé stipule que les titulaires exercent leurs fonctions. Le conseiller en éthique du Sénat exercerait ses fonctions à titre inamovible pour un mandat de sept ans et pourrait faire l'objet d'une révocation motivée. Ça ne va pas. Le texte devrait faire référence à la révocation motivée ou à l'exercice des fonctions à titre inamovible, mais pas aux deux. La présence des mots «révocation motivée» et la référence à l'adresse au gouverneur en conseil montrent clairement que le titulaire sera loyal au cabinet du premier ministre. Un enfant l'aurait tout de suite compris.

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, je parlerai aujourd'hui, à l'étape de la troisième lecture, du projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada. Le projet de loi propose de créer un poste de conseiller en éthique pour le Sénat. Je n'avais pas, au départ, l'intention de parler de cette question. Toutefois, après avoir entendu les arguments des deux côtés, et en particulier ceux des sénateurs Lynch-Staunton, Andreychuk, Sparrow et Joyal, je me suis mis à réfléchir à ma vie politique et j'en suis venu à remettre en question, comme eux, la nécessité de cette mesure.

Très peu, sinon aucun parmi nous, sont venus en politique dans le but d'en tirer des gains personnels. Des cas mettant en cause l'éthique se sont produits si peu souvent au Sénat, en 135 ans, qu'on pourrait certainement les compter sur les doigts d'une main. Le plus récent, bien entendu, portait sur un problème d'assiduité, et nous l'avons réglé. Je dirais, a fortiori, que nous avons réglé la question de façon efficace.

Les honorables sénateurs qui sont avocats m'ont dit que, lorsqu'on rédige une loi, on le fait dans le but de lutter contre un mal et pour s'assurer que, si ce mal se produit, ses auteurs soient punis.

Après avoir examiné le projet de loi, les circonstances dans lesquelles il a été élaboré et la tentative du gouvernement de le faire adopter à toute vitesse au Sénat, je me suis senti obligé de me poser la question suivante: pourquoi faisons-nous cela? C'est la même question que celle que posait le sénateur Sparrow lorsque le gouvernement a eu recours à l'attribution de temps en deuxième lecture: pourquoi, pourquoi, pourquoi? Les réponses ne nous éclairent pas beaucoup. Si c'est pour tenir une promesse électorale faite en 1993, le gouvernement arrive un peu tard avec ce projet de loi, dix ans après.

S'il s'agit plutôt de régler les problèmes d'éthique qui se posent au Cabinet, il aurait suffi de présenter un projet de loi qui s'attaquerait uniquement à ce problème. Il y a des années que nous demandons un projet de loi semblable, une mesure législative qui créerait la charge de commissaire ou de conseiller en éthique qui serait vraiment indépendant et agirait comme fonctionnaire du Parlement.

Si ce projet de loi est présenté et adopté rapidement pour donner l'impression que le gouvernement a des normes éthiques élevées et croit que ces normes doivent être imposées à tous les députés et sénateurs, je dirai que le gouvernement a complètement raté son coup, car nous avons depuis de longues années des règles et des dispositions législatives pour régir efficacement ces questions.

Abstraction faite de l'idée que s'est fait le gouvernement, la réalité, c'est que nous n'avons pas vraiment besoin de cette loi au Sénat. Cela dit, qu'il soit parfaitement clair que je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Joyal et d'autres collègues qui ont exprimé le même sentiment: dans la gestion des affaires publiques, il n'y a rien de plus important que les normes éthiques, tant pour les gouvernants que pour les administrés. Comme le sénateur Joyal l'a ajouté, et je suis d'accord, le fondement d'un gouvernement efficace est la confiance de la population, et cette confiance est menacée lorsque les normes éthiques chancellent ou semblent chanceler.

Comme beaucoup d'honorables sénateurs l'ont signalé, ce projet de loi mine l'indépendance du Sénat, et il ne fait rien pour instaurer la nouvelle norme qui est censée être plus exigeante. Ma thèse est simple: nous avons été fort bien servis, et les Canadiens aussi, par le régime actuellement en place. Nous avons deux personnes d'une compétence extraordinaire à notre service, notre greffier et notre légiste et conseiller parlementaire. Ils ont la compétence et l'expérience voulues, ainsi que le respect de cette institution, le Sénat, pour nous conseiller sur toutes les questions liées à l'éthique ou aux conflits d'intérêts.

En ce qui concerne les normes légales qui existent pour nous guider, et les guider eux, nous avons le Code criminel, la Loi sur le Parlement du Canada, le Règlement du Sénat, la tradition parlementaire et, sans vouloir paraître trop philosophique — je réserve cela au sénateur Kinsella — nous avons la bonté inhérente à l'humanité.

Ces lois, règlements et traditions forment ensemble un recueil de droit portant sur l'éthique et notre comportement dans cette Chambre. Je suppose que nous devons témoigner d'une grande prudence, en examinant le projet de loi C-34, afin d'éviter que, dans notre hâte à réagir à la volonté d'un premier ministre désireux de laisser un héritage, nous ne finissions par mettre en place un système pour guider notre éthique et notre comportement qui soit inférieur à celui qui existe déjà.

Le Sénat est chargé de procéder à un second examen objectif. Nous devrions prendre le temps de réfléchir à l'utilité du projet de loi C-34. Je suppose que si nous prenions le temps d'étudier ce qui existe déjà et de le comparer avec le contenu du projet de loi C-34, nous choisirions de nous en tenir au régime actuel qui a bien servi le pays.

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, je suis entièrement d'accord avec ce que le leader du gouvernement au Sénat a dit sur ce projet de loi. Je ne crois pas que cette question puisse être différée plus longtemps. Une pression s'exerce inexorablement sur nous pour que nous fassions quelque chose. On s'entend généralement sur le résultat à obtenir, mais, comme je l'ai dit ailleurs, on ne s'entend pas sur la façon d'y parvenir.

Je crois que le projet de loi C-34 devrait être adopté. Je pense que cela devrait faire partie d'un projet de loi, mais que ce projet de loi devrait être modifié afin de veiller à ce que les dirigeants, peu importe comment on les appelle, ne choisissent ni ne nomment le conseiller sénatorial en éthique. Cette personne ne sera pas nommée uniquement pour le Sénat ou pour ceux d'entre nous qui sont présents ou uniquement pour l'actuel ou le futur premier ministre ou pour ce parti, mais pour l'avenir, peut-on présumer. Si un premier ministre peut la nommer et qu'il a l'autorité et le pouvoir de le faire, malgré tout — je crois que nous avons un droit de veto à cet égard — lorsqu'il est question de ces choses, comme nous le constatons souvent, le gouvernement exerce avec raison un certain degré de persuasion.

Lorsque le premier ministre peut nommer, il peut aussi indiquer une direction, et la personne que le premier ministre nommera, quelle qu'elle soit, sera notre confidente, une personne qui connaîtra peut-être nos secrets les plus profonds, et qui fera un jour, même en vertu de ce projet de loi, dans un certain sens, enquête sur nous. Une mise en garde à cet effet dans un projet de loi ne fait rien de bien. C'est comme si un juge disait au jury de ne pas tenir compte de ce qu'il vient d'entendre. Un conseiller sénatorial en éthique, qui nous a entendus dévoiler des choses que nous souhaitions lui dire, ne peut raisonnablement oublier ces choses-là lorsque nous lui demandons, ou qu'il décide, de mener une enquête ou de faire ce que pourrait lui dicter le projet de loi.

(1620)

Je suis d'avis que le projet de loi devrait aller de l'avant sous sa forme actuelle, exception faite des amendements proposés aux dispositions 20.1, 20.2(1) et (2), et 20.3. À toutes fins utiles, ces amendements remplacent l'expression «le gouverneur en conseil» par «le Sénat». L'article 20.1, par exemple, se lirait comme ceci: «le Sénat nomme le conseiller sénatorial en éthique...».

Les amendements apportés aux dispositions qui viennent immédiatement après cet article découleraient simplement de cette modification. Le Sénat, plutôt que l'exécutif ou le gouverneur en conseil, devrait nommer le conseiller en éthique. Si nous obtenons gain de cause, nous aurons une loi qui fera toutes les choses qui, selon madame le leader, doivent être faites, et que j'approuve. On verra alors clairement de qui relève le conseiller.

Madame le leader a rapporté que M. Marleau avait dit qu'il ne voyait pas beaucoup de différence entre ce conseiller et un greffier qui serait engagé au service d'un comité nouvellement créé par le Sénat, mais il y a une différence. Quand nous créons un nouveau comité sénatorial, nous engageons un greffier. «Nous» engageons un greffier parce que cette assemblée a décidé de le faire. Ce n'est pas la même chose.

Il est également vrai que chacun de nous ici est nommé par le gouverneur en conseil, comme le sont d'ailleurs le Président, le leader du gouvernement, le leader adjoint et les greffiers. Toutefois, il a toujours été entendu que, une fois nommés, nous n'avons, dans une certaine mesure, plus aucun lien de dépendance — pour reprendre l'expression consacrée. Toutefois, un commissaire ou un conseiller en éthique nommé, à toutes fins pratiques, par le premier ministre, et dont la nomination peut être reconduite par ce dernier, est sujet à une certaine influence, influence qui n'existe autrement pas au Sénat — ou, du moins, je l'espère.

Il y a un autre amendement beaucoup plus anodin, honorables sénateurs, qui, selon moi, devrait être apporté à la version anglaise du projet de loi. Je dis cela seulement pour prouver que j'ai lu le projet de loi d'un bout à l'autre. Je veux parler de l'article 72.08 à la page 8. Je demande aux honorables sénateurs d'imaginer ce que serait notre réaction si l'un des trois premiers articles du projet de loi disait qu'un député de la Chambre des communes pouvait saisir le commissaire sénatorial à l'éthique d'une question qui, selon lui, devrait faire l'objet d'une enquête; or, c'est exactement ce que propose l'article 72.08 concernant les affaires de l'autre endroit. Ce n'est pas juste. Ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre. Je pense que la version anglaise de l'article 72.08 devrait être amendée en supprimant les mots «the Senate» qui figurent à la première ligne de ce dernier. Ils n'ont pas leur place là.

Parlant de nettoyage, dans le même article 72.08, il y a une erreur, en anglais seulement, qu'il faut corriger. La troisième ligne avant la fin se lit maintenant comme suit: «the Prime Minister for public holders office.» Je suis certain que cela veut dire: «holders of office» ou «office-holders.» Il faudrait corriger cette expression.

Le sénateur Carstairs: L'honorable sénateur accepterait-il une question?

Le sénateur Banks: Bien évidemment.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, l'article 20.5 dispose ce qui suit:

(1) Le conseiller s'acquitte des fonctions qui lui sont conférées par le Sénat en vue de régir la conduite des sénateurs lorsqu'ils exercent la charge de sénateur.

(2) Lorsqu'il s'acquitte de ces fonctions, il agit dans le cadre de l'institution du Sénat et possède les privilèges et immunités du Sénat et des sénateurs.

Pourquoi l'honorable sénateur estime-t-il que le premier ministre aurait un pouvoir sur cette personne en particulier...

Le sénateur Nolin: Salaire, rémunération.

Le sénateur Carstairs: ... alors que, manifestement, le texte de loi donne tout le pouvoir sur cette personne à notre assemblée?

Le sénateur Banks: Le sénateur Carstairs a raison, bien sûr, dès lors que les paramètres de la nature des enquêtes — pour reprendre le terme du langage parlé — sont énoncés dans ce projet de loi. Je crois qu'ils sont corrects. Toutefois, cela ne répond pas à la question de savoir si, ou quand, nécessairement, on pourrait demander à quelqu'un de faire quelque chose en lui soufflant à l'oreille.

S'il vous plaît, comprenez-moi bien, je n'impute aucun motif ultérieur à l'actuel premier ministre ou à tout premier ministre subséquent. J'ai le plus grand respect pour l'actuel premier ministre et je sais qu'il ne ferait jamais rien de tel. Toutefois, je ne cherchais pas à dire que le premier ministre se mêlerait de déterminer les règles en vertu desquelles et dans le respect desquelles le conseiller sénatorial en éthique mènerait une enquête. Il pourrait exister une perception selon laquelle le gouverneur en conseil — à toutes fins utiles, cependant, c'est le premier ministre — détient un pouvoir considérable et c'est lui qui, en dernière analyse, déterminera si la personne obtiendra un autre mandat. Si une suggestion est faite par le premier ministre dans de telles circonstances — pour un motif quelconque que je n'attribue à aucun premier ministre, actuel ou futur —, cela aurait beaucoup de poids. Je crois que cela aurait moins de poids si un de nous suggérait à un mandataire choisi et nommé par le Sénat de faire la même chose. Aucun sénateur ne pourrait à lui seul déterminer si la nomination de ce mandataire serait renouvelée. Je ne parlais pas des règles. Je parlais d'ententes tacites.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, si cette personne est nommée de nouveau, cela ne peut se faire qu'au moyen d'une résolution du Sénat. S'il y avait des ententes tacites, elles devraient venir des sénateurs et non du premier ministre pour donner à la personne l'appui qu'on suppose qu'elle recherche.

Le sénateur pourrait-il aussi nous dire s'il croit que de telles ententes tacites pourraient intervenir dans le cas d'autres mandataires du Parlement, comme le vérificateur général, par exemple?

Le sénateur Banks: Ce n'est certainement pas le cas du vérificateur général. Cependant, ce projet de loi dit que «le gouverneur en conseil nomme le conseiller sénatorial en éthique par commission sous le grand sceau», énoncé qu'il modifie ensuite d'une certaine façon.

Le point que je veux faire valoir est que, s'il est question de renouveler la nomination d'une telle personne, que les sénateurs veuillent ou non que cette nomination soit renouvelée, le gouverneur en conseil pourrait refuser de le faire.

L'honorable Francis William Mahovlich: Honorables sénateurs, si ce projet de loi avait été adopté et que le conseiller sénatorial en éthique avait été en poste l'an dernier, le commissaire à la protection de la vie privée aurait-il commis les péchés qu'il a commis?

Le sénateur Banks: Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Je soupçonne que cela n'aurait fait aucune différence, mais je ne suis pas dans l'esprit de M. Radwanski et je ne l'ai jamais été, alors je ne le sais pas.

Le sénateur Mahovlich: Nous ne pouvons pas légiférer sur des questions de moralité.

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, nous avons appris la semaine dernière ce qui peut arriver lorsqu'un comité décide d'agir seul et d'imposer à une minorité la volonté de la majorité. Si j'ai bien compris, nos membres du comité étaient à une réunion d'un autre comité. Par conséquent, le Comité du Règlement a imposé à notre côté les opinions de la majorité. C'est une façon de voir les choses.

(1630)

Si le premier ministre nommait un commissaire à l'éthique pour imposer un ensemble de règles décidées par un comité n'ayant reçu aucun apport de la minorité, nous nous retrouverions alors dans une situation où, par exemple, je devrais ouvrir mes comptes personnels, selon la décision du Comité du Règlement, à ce conseiller en éthique. Je devrais aussi lui ouvrir les comptes de ma femme, selon ce qu'aurait décidé le Comité du Règlement.

Le sénateur Carstairs: Ce serait déterminé en fonction du Règlement du Sénat.

Le sénateur Comeau: Pas plus tard que la semaine dernière, le Comité du Règlement s'est réuni et a décidé d'imposer ses vues à la minorité. Cela arrive. C'est bien, à la condition que cela réponde aux vœux de la majorité; mais qu'adviendrait-il si le gouvernement changeait et si ce côté-ci entreprenait d'imposer ses vues?

Ne nous retrouverions-nous pas dans une bien meilleure position — je crois deviner que c'est dans cette direction que nous entraîne la proposition du député — si le conseiller en éthique était nommé par le Sénat dans une décision conjointe des leaders des deux côtés, de sorte que nous ne nous retrouverions pas dans une situation où, comme sénateur de la minorité, je devrais ouvrir mes comptes à une personne en qui je n'aurais peut-être pas confiance parce que ce côté-ci n'aurait été pour rien dans sa nomination?

Le sénateur Banks: Honorables sénateurs, je le répète, je ne traiterai pas de la question de savoir si cela devrait être basé sur un règlement ou sur une loi, car il y a ici des gens qui sont beaucoup plus qualifiés que moi pour défendre ces points. Je vais me cacher derrière les mêmes arguments pour répondre aux questions du sénateur. Je ne prétends pas avoir la moindre idée du processus que le Sénat pourrait suivre en fin de compte pour déterminer les règles envisagées dans ce projet de loi. Je ne connais pas assez le système des comités ou son fonctionnement, ni comment cela pourrait être fait, mais tout ce que je peux dire, c'est qu'à ma connaissance, depuis toujours, de façon générale, la majorité dans cette enceinte — quel que soit le côté où elle peut siéger ou même si elle est constituée de sénateurs des deux côtés — détermine de temps à autre en quoi consisteront les règles envisagées, comme ce sera le cas pour cette entente.

Le sénateur Comeau: C'est là où je voulais en venir avec ma question. La majorité décide et, bien entendu, nous devons accepter que, si la majorité décide d'aller dans une certaine direction, nous devons alors nous plier à sa volonté. Nous avons eu une indication de cela la semaine dernière, lorsque nous avons signalé qu'il y avait certains problèmes avec la date d'une réunion, car aucun de nos membres ne pouvait y assister. La réunion a eu lieu malgré tout et les intéressés ont pris une décision et ont fait rapport au Sénat. Cela aurait dû être une réunion de comité à laquelle la minorité aurait pu faire connaître son point de vue. Elle n'a jamais pu le faire.

Honorables sénateurs, si nous établissons le type de précédent que nous avons établi la semaine dernière, croyez-moi, les libéraux finiront par perdre le pouvoir. Il finira par y avoir un changement. Imaginez le jour où des gestes du genre qui ont eu lieu la semaine dernière seront l'oeuvre de gens de ce côté-ci. La situation sera inversée et vous vous trouverez dans une position où vous devrez dévoiler votre âme, vos finances personnelles et celles de votre conjoint à une personne dans laquelle vous n'avez aucune confiance. C'est le critère d'évaluation que vous devez appliquer à ce projet de loi.

Le sénateur Banks: Honorables sénateurs, j'ai trois choses à répondre à cela. Tout d'abord, on finit toujours par subir les conséquences de ses actes. Ensuite, il y a des poids et des contrepoids, car malgré ce qu'un comité pourrait soumettre au Sénat, c'est ce dernier qui va décider ce qui se passe en fin de compte. Enfin — et j'espère que nous nous rappelons tous de cela — la démocratie ne consiste pas simplement à appliquer la règle de la majorité. En démocratie, la majorité prend soin de tenir compte des intérêts et des besoins de la minorité à tous égards. J'espère que nous ferons toujours cela.

Son Honneur le Président: Je sais que les sénateurs Cools et Grafstein ont des questions, mais malheureusement, le temps de parole du sénateur Banks est écoulé.

Le sénateur Banks: Puis-je avoir la permission de continuer, Votre Honneur?

Son Honneur le Président: Le sénateur Banks a demandé la permission de continuer. La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Je vous remercie d'accepter d'entendre la question, sénateur Banks. Comme toujours, votre contribution au débat est stimulante. C'est toujours un plaisir de vous entendre.

Le paragraphe 20.2(1) du projet de loi traite de la révocation de cette personne. De nombreuses lois canadiennes comprennent des dispositions similaires prévoyant la révocation d'un titulaire de poste. Toutefois, nous savons tous qu'aucun titulaire de poste n'a été révoqué à la suite d'une adresse du Sénat ou de l'autre endroit ou des deux Chambres à la fois depuis au moins 100 ans, si jamais même cela s'est produit. Lorsque nous voyons les mots magiques «sur adresse», cela signifie que le titulaire du poste ne peut être révoqué. Le sénateur Banks a-t-il des observations à ce sujet? Par exemple, le greffier du Sénat, qui est assis au Bureau, est nommé à titre amovible, comme le sont la majorité des titulaires d'un poste semblable. Cela vaut aussi pour le greffier de la Chambre des communes et les ministres. De nombreux titulaires de poste sont nommés à titre amovible.

Le sénateur Banks peut-il jeter une lumière sur l'énoncé de cette disposition? À titre d'exemple, révoquer un de nos propres greffiers, même s'il est nommé à titre amovible, est une tâche difficile. Révoquer une personne en faisant appel à une adresse est quasi impossible, et c'était là l'intention des rédacteurs du projet de loi. Ils connaissent ces règles beaucoup mieux que moi. Cette disposition est rédigée de façon très particulière. Elle précise qu'un titulaire de poste peut être révoqué, mais pourvu que ce soit motivé. Habituellement, si la personne est nommée à titre inamovible, la révocation peut découler de quelque motif que ce soit. Une nomination est faite «à titre inamovible» et c'est notre assemblée qui détermine ce qui n'entre pas dans cette définition. Ils ont accolé un qualificatif à la révocation. L'expression «à titre inamovible» est assortie de la mention «sauf révocation motivée», ce qui est quelque peu inhabituel. Ils ont ensuite ajouté que l'adresse doit être communiquée non pas à Sa Majesté ou à la gouverneure générale, mais bien au gouverneur en conseil. Les honorables sénateurs devraient vraiment se pencher sur la question. C'est très particulier et cela va à l'encontre des intérêts du Sénat.

Le sénateur Banks a-t-il des commentaires?

Le sénateur Banks: Non, honorables sénateurs, je n'en ai pas dans le contexte de ce genre d'emploi. Si c'était un contrat de travail, honorables sénateurs, à l'extérieur de cet endroit, je connaîtrais à fond ce sujet, mais certes pas autant que le rédacteur. Sur la base limitée des connaissances que je possède à cet égard, je préférerais l'expression «révocation motivée» à l'expression «à titre amovible».

Le sénateur Cools: Oui, mais la plupart des nominations sont faites «à titre amovible». Par exemple, beaucoup d'ambassadeurs sont nommés à titre amovible. C'est la façon habituelle de procéder. Il en est de même pour les ministres et de nombreuses autres personnes.

La nomination «à titre inamovible» a découlé de l'établissement de relations entre les tribunaux et le Parlement. Les juges étaient nommés à titre inamovible, sous réserve d'une adresse des deux Chambres. C'est une notion hybride, mais il n'y a pas de doute que l'expression «révocation motivée» est tirée de la terminologie du droit de l'emploi. Ce n'est pas la terminologie des nominations de Sa Majesté, mais elle est sûrement liée à l'emploi. C'est le mélange qui est troublant. Ma préoccupation découle du fait que la révocation d'un titulaire de charge publique par adresse est tellement rare que je ne connais aucun cas où cela s'est produit. Je sais comment cela a commencé, comme dans le cas du juge Landreville et, je crois, la Banque du Canada et le gouverneur Coyne, mais ces cas ne sont pas allés très loin. Par conséquent, il n'y a pas d'exemples concrets à montrer dans notre cas. Je peux dire aux honorables sénateurs que toutes les assemblées législatives du pays ont eu, à l'occasion, à révoquer — je veux bien admettre que cela a été rare — des greffiers ou des fonctionnaires parlementaires pour une raison ou pour une autre. Cela se fait ordinairement d'une façon subtile, mais la question que je veux poser...

Vous devriez essayer d'y aller. Cela pourrait vous faire du bien. Oui, c'est excellent. Prenez cette voie, elle est extrêmement intéressante. J'étais en train d'encourager l'honorable sénateur à se lever pour prendre la parole.

(1640)

Le sénateur Watt: Allons donc!

Le sénateur Cools: Nous pouvons nous parler. Il n'y a rien de mal à cela.

Je me demandais si l'honorable sénateur y a réfléchi ou est disposé à le faire. Je ne suis pas membre du comité, mais peut-être que quelqu'un du comité a eu l'occasion d'étudier la question des adresses. Peut-être quelqu'un a-t-il pu découvrir combien de fois des titulaires de charge publique ont été révoqués par voie d'adresse. Je ne connais aucun cas. Je crois en fait que c'est presque impossible.

Le sénateur Banks: Je suis sûr que l'honorable sénateur a raison.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Je voudrais revenir à ce que disait le sénateur, à savoir que des membres du Sénat ne devraient pas, sans motifs raisonnables, alléguer que le titulaire d'une charge ailleurs qu'au Sénat a enfreint les règles d'éthique. Cela semble aller à l'encontre de ce que dit notre rapport, à savoir qu'il faut garder les deux questions séparées et distinctes de l'autre endroit. Il semble qu'un élément l'emporte sur l'autre. Est-ce le sens des propos de l'honorable sénateur?

Le sénateur Banks: Oui. La réponse la plus simple, c'est que ce qui vaut pour l'un vaut pour l'autre. Si nous séparons les deux parties du projet de loi sans vraiment les diviser, nous devrions alors être logiques et faire en sorte qu'il n'y ait pas d'intrusion dans les affaires du Sénat dans la première partie du projet de loi, ni d'intrusion dans les affaires de l'autre endroit dans la deuxième partie du projet de loi.

Le sénateur Grafstein: Je constate un problème plus profond soulevé par l'honorable sénateur, car j'ai lu l'article 72.08 du projet de loi plus attentivement après avoir entendu ce qu'il a dit. Or, cet article dit qu'un membre du Sénat qui a des motifs raisonnables de croire que le titulaire d'une charge n'a pas respecté les principes, règles et obligations que le premier ministre a établis peut écrire au commissaire de l'autre endroit.

Dans ce cas, quelle est la différence entre des principes et des règles en matière d'éthique? Peut-on se fonder sur des principes pour obtenir qu'un titulaire d'une charge publique soit démis de ses fonctions?

Le sénateur Banks: Encore une fois, l'honorable sénateur pose une question à laquelle je n'ai pas vraiment compétence pour répondre. Tout ce que je peux faire, c'est de le renvoyer aux commentaires et à la question du sénateur Mahovlich, et je pense que c'est ce à quoi l'honorable sénateur veut en venir, à savoir qu'il n'est pas possible de légiférer pour forcer les gens à avoir une bonne conduite. Une loi ne peut que prévoir des sanctions applicables à l'inconduite. Je pense que c'est ce dont il s'agit.

Cet article concerne exclusivement la Chambre des communes et a été établi par elle seule. Nous ne devrions pas nous immiscer, même si nous pensons que le mot «principes» est mal choisi, ou tenter de le modifier, car c'est l'affaire de l'autre endroit. Nos affaires, et je pense que c'est là le point de vue de nombreux sénateurs, nous regardent et les affaires de l'autre endroit regardent l'autre endroit. C'est pourquoi je pense que ce paragraphe ne devrait pas faire référence au Sénat.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, en étudiant le paragraphe 20.4(7), on peut constater que le nouveau conseiller aura évidemment une voiture, peut-être de nombreux collaborateurs et tout un budget. J'ai cherché dans le projet de loi comment seraient établies les prévisions budgétaires et les propositions de financement. Les honorables sénateurs remarqueront que les paragraphes 7 et 8 disent que le conseiller en éthique du Sénat préparera un état estimatif du montant nécessaire pour l'exercice suivant. Les prévisions de chacun des comités sénatoriaux sont étudiées de près par notre Comité de la régie interne. Mais ces autres prévisions ne seront pas soumises au même examen, ce qui sort de l'ordinaire.

Le paragraphe 8 dit que l'état estimatif est examiné par le Président du Sénat, puis transmis au président du Conseil du Trésor. Le sénateur Watt, qui a été membre du Comité des finances nationales, s'est-il interrogé sur le contrôle des deniers publics, dans le cas des dépenses de ce conseiller? N'oublions pas Radwanski.

Le sénateur Banks: Honorables sénateurs, à propos de l'affaire Radwanski, on peut sans doute dire que chat échaudé craint l'eau froide. Nous avons mis le doigt sur le poêle brûlant ou sur la peinture fraîche de la clôture, et je crois que nous retiendrons la leçon. Quoi qu'il en soit, à propos du paragraphe 20.4(8), je l'ai effectivement étudié. Il me semble acceptable que le budget soit soumis au Président puis, comme élément distinct, présenté aux Communes pour étude. Si le budget était soumis à l'un de nos comités, dans le sens normal du terme, on ne pourrait pas avoir l'impression qu'une justice absolue est possible, on croirait qu'il peut y avoir ingérence. Je préfère donc, uniquement dans ce cas et uniquement en ces matières, que le budget du conseiller soit soumis au Président du Sénat, puis à la Chambre des communes, plutôt qu'à un comité du Sénat, de façon qu'il soit clair qu'aucun comité du Sénat n'est mêlé à ces considérations.

Le sénateur Cools: Je n'ai pas d'objection à ce que l'état estimatif soit présenté au Président ou à quelqu'un d'autre pour être transmis au président du Conseil du Trésor. Ce que je me demande, c'est comment on limitera les dépenses du conseiller.

Le sénateur Banks: De la même façon et par les mêmes moyens que nous limitons toutes nos dépenses.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je tenais à participer au débat à l'étape de la troisième lecture, mais comme notre programme est très chargé, je serai bref.

En examinant le projet de loi et en passant en revue le débat à l'étape de la deuxième lecture et les délibérations du comité, il m'est apparu dans l'ensemble, comme le faisait remarquer le sénateur Carstairs, qu'il y a un mouvement dans les autres assemblées délibérantes non seulement au Canada, mais partout dans le monde et surtout au Parlement de Westminster, en faveur de l'établissement de codes de déontologie. En principe, cela ne me pose donc aucun problème. La tendance, en 2003, est à l'adoption de tels codes. On vit une situation semblable dans ma province.

Honorables sénateurs, devrions-nous adopter une telle mesure? Dans l'ensemble, il semble que ce soit le cas. Le sénateur Carstairs a toutefois énuméré toutes les études menées dans le but de déterminer le bon modèle à adopter ici, et j'ai écouté attentivement son intervention.

(1650)

Dans notre cas, il faut avant tout adopter le bon modèle. Il ne fait aucun doute que, dans le monde où nous vivons, en ce XXIe siècle, nous devons adopter un mécanisme quelconque, mais comment choisir le bon modèle?

Je me suis donc mis à songer au modèle à adopter. Si le modèle ne convient pas à tous les honorables sénateurs, à quoi servira d'imposer un régime que l'ensemble ou la vaste majorité des sénateurs refuseront d'appuyer? Nous connaissons tous des cas où on a tenté d'imposer un régime qui devait faciliter l'autoréglementation. Cela n'a pas fonctionné. Par conséquent, il me semble que nous devrions avant tout nous efforcer d'élaborer un modèle qui ferait quasiment l'unanimité. Vous ne parviendrez jamais à régir la conduite des gens en leur imposant un système qui ne leur plaît pas. À nous donc de consentir des efforts pour élaborer un modèle que nous sommes prêts à appliquer et qui fonctionnera.

Honorables sénateurs, en ce qui concerne le terme «éthique» qui est employé, la première question qui se pose quand nous parlons d'«éthique», de «commissaire à l'éthique» ou de «conseiller en éthique» est qu'entendons-nous par éthique? De la philosophie morale grecque ancienne à l'éthique d'Aristote ou de Nicomaque, des traités d'éthique du Moyen Âge à la scolastique, à travers tous les âges de l'histoire des idées, les définitions ont toutes une chose en commun: elles cherchent à définir la norme en matière d'éthique. Clairement, honorables sénateurs, nous devons nous demander quelle est la norme de conduite éthique par rapport à laquelle notre comportement doit être mesuré?

J'ai entendu certains sénateurs dire pendant le débat: «Eh bien, nous avons peut-être mis la charrue avant les boeufs. Nous devrions peut-être commencer par mettre en place, non pas un régime, mais plutôt une norme, un critère par rapport auxquels nous pourrions mesurer le comportement.» J'ai également entendu certains sénateurs dire pendant le débat: «Eh bien, vous savez, ce n'est pas que nous n'ayons pas certaines normes de conduite.»

Je suis donc allé consulter notre Règlement et, surprise des surprises, j'ai rapidement trouvé au moins deux règles importantes. La première, le paragraphe 94(1), dit ceci:

Un sénateur qui a un quelconque intérêt financier, qu'il ne partage pas avec tous les Canadiens, dans une affaire renvoyée à un comité, ne peut y siéger, et toute question soulevée par le comité au sujet de cet intérêt peut être tranchée par le comité, sous réserve d'un appel au Sénat.

C'est un élément normatif qui se trouve dans notre Règlement.

Également, sur le même sujet de l'intérêt pécuniaire, le paragraphe 65(4) prévoit ce qui suit:

Un sénateur n'a pas le droit de participer à un vote sur une question où il a un intérêt pécuniaire que ne partage pas le public. Son vote est alors annulé.

Ce sont là deux dispositions normatives sur l'éthique qui servent de norme par rapport à laquelle la conduite des sénateurs peut être mesurée.

J'ai également entendu dire pendant le débat que le travail nécessaire pour établir une norme d'éthique pourrait se faire en raisonnablement peu de temps et n'était pas hors de notre portée. Il me semble que la meilleure façon d'évaluer si ce modèle ou ces mécanismes sont appropriés serait d'évaluer ce à quoi ils seraient comparés, ou ce que ces mécanismes seraient censés gérer ou ce qu'ils seraient appelés à faire respecter, si on peut parler ainsi.

Dans toute évaluation de conduite par rapport à la norme établie en matière d'éthique, il est possible d'identifier certains facteurs déterminants. Cette évaluation porte sur le but recherché par le parlementaire, le but de son geste et les circonstances qui l'entourent. Je ne vois aucun élément dans le projet de loi qui puisse guider l'appareil gouvernemental dans son évaluation de la conduite en matière d'éthique et encore moins d'indication quant à la façon de procéder à cette évaluation sans connaître, d'entrée de jeu, la norme d'éthique.

C'est une lacune, mais il n'est pas impossible pour nous d'y remédier. En définitive, nous, les parlementaires, le Parlement et les Canadiens, serions nettement mieux servis si nous corrigions cette lacune plutôt que de simplement mettre en place un système pour répondre à une quelconque attente du public.

Je ne pense pas avoir entendu qui que ce soit dire que le principe d'un système d'éthique soit inacceptable. Honorables sénateurs, j'estime que nous devons essayer de trouver un modèle — en apportant certaines modifications à cette mesure législative, nous pouvons le faire — et tous les sénateurs l'accepteront avec enthousiasme parce que, après tout, cela doit les aider à s'acquitter de leur tâche dans l'intérêt public du Canada et d'une façon qui respecte les plus hautes normes que nous fixerions pour nous-mêmes. Honorables sénateurs, je soutiens qu'il n'y a pas grand-chose à gagner en proposant un système que peu de gens veulent et qu'il faudrait imposer par la force du nombre. À moins qu'un nombre considérable de sénateurs l'acceptent, le modèle proposé sera un échec.

J'estime que nous sommes sur le point de proposer un système pouvant fonctionner. Il faut élaborer le code d'éthique et un modèle susceptible d'être accepté, appuyé et élargi grâce au soutien enthousiaste de tous les sénateurs. Pour le moment, nous n'en sommes pas encore arrivés là, mais nous sommes en mesure de le faire et nous devrions faire appel à notre créativité, à notre bonne volonté et à notre sens du compromis pour faire ce qui s'impose et pour corriger cette lacune.

(1700)

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, ma question ne sera pas philosophique. Le sénateur a-t-il le projet de loi en main?

Le sénateur Kinsella: Non, je ne l'ai pas.

Le sénateur Bryden: Je sais que le sénateur le connaît probablement par cœur. Je lirai une partie de l'article 2 à l'intention de mes collègues. Il traite de l'article 20.1 qui est proposé dans le projet de loi à l'étude.

Le sénateur Kinsella: À quelle page?

Le sénateur Bryden: À la page 1.

De toute façon, on parle du conseiller sénatorial en éthique, et je cite:

Le gouverneur en conseil nomme le conseiller sénatorial en éthique, après consultation du chef de chacun des partis reconnus au Sénat et approbation par résolution du Sénat.

Ma question pour l'honorable sénateur et pour tous les Canadiens est la suivante: que se passera-t-il si le Sénat n'adopte pas de résolution approuvant la nomination proposée?

Le sénateur Kinsella: Pour répondre au sénateur, si ce paragraphe était rédigé un peu différemment et disait «après consultation du chef de chacun des partis reconnus et entente entre eux», on éviterait ce problème. Si les chefs de tous les partis reconnus en viennent à une entente, ils s'exprimeront au nom de leur caucus respectif et, à mon avis, l'adoption par le Sénat serait alors garantie.

Il est important de voir que la consultation auprès des chefs et l'entente entre eux renvoient au regroupement de sénateurs. Pour que cela fonctionne — et je dirais même si nous voulons que cela fonctionne — nous devons avoir l'appui de tous les sénateurs. Si nous ne changeons rien, le Sénat pourrait bien ne pas donner son accord. Cela ne nous mènerait pas très loin.

Je soutiens qu'il faut instaurer un système avec lequel les sénateurs pourront composer. Voilà un point que nous devrions prendre en considération. Nous devrions inclure les mots «avec l'approbation de ces chefs».

Le sénateur Bryden: Je pourrais peut-être raconter une petite anecdote à ce sujet. Un vieil Écossais en Écosse labourait son champ. Je me suis avancé pour lui parler et il m'a dit qu'il était payé pour faire ce travail. Je lui ai alors demandé: «Êtes-vous payé selon le nombre d'acres ou recevez-vous une subvention gouvernementale?» Il m'a répondu: «Non, je suis payé à l'heure.» J'ai ensuite demandé: «Combien recevez-vous?» Il m'a dit: «Vous savez, quand on veut vraiment, on peut prendre beaucoup de temps pour labourer un champ.»

Si nous le voulons vraiment, nous pouvons donc prendre beaucoup de temps pour adopter une résolution au Sénat. Nous pourrions étudier cette disposition pendant longtemps sans qu'aucune nomination ne soit faite car, si je me reporte à mes années d'arbitrage, je peux dire qu'il n'y a pas de décideur ici.

Le sénateur Nolin: Et la clôture?

Le sénateur Bryden: À moins que la mesure ne vienne du gouverneur en conseil — je ne vois aucune disposition d'exemption qui ferait en sorte que, après un certain temps, quelque chose se produira d'office.

Le sénateur Kinsella: La question du sénateur Bryden est fort importante. Nous devrions tous profiter de son immense expérience en matière de relations de travail. Je suis convaincu que le sénateur serait de notre avis et qu'il nous dirait même que le meilleur cadre pour des relations de travail est celui où les parties font énormément d'efforts pour que tout fonctionne, celui où les parties mettent à profit leur sens de la conciliation, du compromis et de la compréhension.

Le sénateur Bryden sait mieux que quiconque que, en bout de ligne, il faut que la ronde de négociations débouche sur une convention collective. Une partie ou l'autre pourrait remporter toutes les causes en arbitrage, mais si toutes les parties tirent chacune dans leur sens, le milieu de travail sera très inefficace et peu productif.

Il importe de prévoir une disposition qui permettra la consultation des chefs des partis respectifs et la conciliation afin qu'ils s'entendent sur le candidat choisi. Cette personne pourra alors être présentée au Sénat et nous échapperons à ce long et fastidieux procédé.

L'idée est de tenter d'avoir un système que nous pouvons faire fonctionner. Nous n'essayons pas d'élaborer un système que tout le monde pourra contourner.

Le sénateur Grafstein: J'attire l'attention du sénateur sur le paragraphe 20.2(2) qui est proposé. Je crois qu'il répond à la question du sénateur Bryden au sujet du projet de loi. Ce paragraphe dit:

En cas d'absence ou d'empêchement du conseiller ou de vacance de son poste, le gouverneur en conseil peut confier l'intérim à une personne compétente pour un mandat maximal de six mois.

Dans sa version actuelle, le projet de loi prévoit que le premier ministre peut faire une nomination s'il y a impasse au Sénat, ce qui est possible, pour une période provisoire de six mois.

Le sénateur Kinsella est-il d'accord là-dessus?

Le sénateur Kinsella: Oui.

(Sur la motion du sénateur Moore, au nom du sénateur Furey, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI SUR LA DATE DE PRISE D'EFFET DU DÉCRET DE REPRÉSENTATION ÉLECTORALE DE 2003

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Léger, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-49, Loi sur la date de prise d'effet du décret de représentation électorale de 2003.

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, je voudrais prendre quelques instants pour donner mon point de vue au sujet du projet de loi C-49.

Honorables sénateurs, ce projet de loi est le plus récent exemple du manque de respect du gouvernement à l'égard de notre régime démocratique. Selon le dicton, le pouvoir absolu corrompt absolument. Il semble que ce soit ce que le gouvernement pratique. Nous, au Sénat, sommes actuellement témoins de l'un des pires exemples de ce manque de respect, étant donné la façon dont le gouvernement traite le projet de loi C-49.

Honorables sénateurs, à mon sens, le projet de loi C-49 est un exemple flagrant d'un gouvernement ayant une forte majorité qui favorise son propre programme à des fins bassement politiques. Ce projet de loi revient à manipuler le système pour favoriser les plans électoraux du prochain premier ministre.

Honorables sénateurs, nous avons une commission électorale indépendante pour une raison. C'est pour que nous puissions avoir un arbitre impartial et sans parti pris de notre processus électoral. Les commissaires ont fait leur travail. Ils ont reconnu que l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta devraient détenir un plus grande nombre de sièges, conformément à nos lois et à nos règlements. La date à laquelle le nombre de représentants de ces provinces à la Chambre des communes devrait augmenter est le 25 août 2004. C'est une date fixe. C'est un fait. À compter de ce jour-là, sept sièges supplémentaires seront accordés à ces provinces.

(1710)

Je félicite la commission de ce processus ouvert et efficace, car il fonctionne. On nous demande maintenant de modifier la date d'entrée en vigueur pour une raison purement politique. On nous demande de chambouler le système, et ce n'est pas la première fois. Le premier ministre en attente presse la commission de délimitation des circonscriptions électorales et les deux Chambres du Parlement de modifier le système à des fins sectaires. C'est répréhensible. Voilà un exemple illustrant purement et simplement la tyrannie de la majorité, et la tyrannie de la majorité, c'est la corruption d'une démocratie saine. Nous savons que les libéraux détiennent une forte majorité de sièges ici et à l'autre endroit — nous pouvons faire le compte — mais cela ne les autorise pas à faire tout ce qu'ils veulent. Il doit y avoir certaines limites et il faut respecter l'intégrité de notre système.

Dans le discours qu'il a prononcé au Sénat au sujet du projet de loi C-49, le sénateur Lynch-Staunton nous a rappelé qu'en 1995, ce même gouvernement libéral a présenté le projet de loi C-69, une mesure législative visant à retarder le remaniement de la carte électorale, encore une fois à des fins politiques. On appelle cela un remaniement arbitraire des circonscriptions. Comme le sénateur Lynch-Staunton l'a relaté en parlant de cette mesure législative, M. Sarkis Assadourian, un député et fervent défenseur du projet de loi C-69, avait alors dit en partie ceci:

J'ai mis 20 ans à être élu député. En deux mois, j'ai perdu mon siège. Ce n'est pas juste.

Voici ce que j'ai répondu à cela, le 21 novembre 1995, au Sénat:

Si nous cédons aux pressions du gouvernement Chrétien en faveur de l'adoption de ce projet de loi, nous immortaliserons ainsi M. Assadourian, et le Canada possédera son propre terme pour désigner les futures manipulations des limites des circonscriptions électorales. On parlera de «sarkising».

Aujourd'hui, nous devrions peut-être parler plutôt de «martinizing». Les propos du sénateur Lynch-Staunton sur cette question devraient être une lecture obligatoire pour nous tous. Celui-ci a expliqué avec éloquence les raisons pour lesquelles nous devrions tous nous inquiéter de ce projet de loi.

Le projet de loi est symptomatique de l'ensemble de la présente session. Nous travaillons de longues heures pour adopter à toute vitesse des projets de loi qui auraient pu être présentés il y a des mois et même des années, certains nous ayant été promis en 1993. Ils nous sont tous présentés à l'intérieur d'une même session, une session qui sera abrégée, du moins c'est ce que nous croyons. Personne n'a eu la courtoisie de nous en informer directement. Nous ne sommes plus une Chambre de second examen objectif, mais plutôt une Chambre d'approbation à la chaîne. Nous renonçons collectivement à notre obligation de sauvegarder et de protéger la démocratie, et il faut mettre un terme à cette pratique, peu importe l'équipe à laquelle nous appartenons.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas faire grand-chose pour influer sur les travaux de l'autre endroit, mais nous pouvons certainement faire notre part pour respecter nos lois, nos règles et nos traditions. Autrement, nous contribuerions à miner encore davantage la confiance de la population dans nos institutions, nos leaders et notre démocratie à laquelle nous tenons tant.

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, je suis heureuse de participer au débat sur le projet de loi C-49 sur la date de prise d'effet du décret de représentation électorale de 2003. Selon le décret de représentation pris le 25 août 2003, les nouvelles limites des circonscriptions électorales devaient entrer en vigueur un an plus tard, soit en août 2004. Cela donnait le temps à Élections Canada de mettre en place la technologie requise, de produire les nouvelles cartes et de nommer les recenseurs et directeurs de scrutin nécessaires à la tenue d'élections justes et équitables. C'était éminemment logique, et ce l'est toujours.

Les dernières élections fédérales ont eu lieu en novembre 2000. Au mois d'août 2004, il restera encore un an complet avant la tenue obligatoire d'une élection. Les nouvelles limites des circonscriptions territoriales seront en place un bon trois mois avant le quatrième anniversaire de l'élection du présent gouvernement. Mais pour quelle raison tente-t-on de faire obstacle à ce projet de loi? Un article paru dans l'Ottawa Citizen le 18 juillet 2003 nous apprend ce qui s'est passé. M. Kingsley, notre directeur général des élections, suivait attentivement dans les médias les cogitations d'un certain Paul Martin, futur chef libéral. Le journal écrivait ceci:

En particulier, il...

— c'est-à-dire Kingsley —

... a dit qu'un article paru en juin dans le National Post révélant que M. Martin, au cours d'une rencontre privée avec une trentaine de sénateurs, avait indiqué qu'il voulait être prêt à tenir des élections hâtives au printemps 2004, l'avait porté à se pencher davantage sur la question dans le but d'accélérer les projets d'expansion.

Cependant, M. Kingsley a aussi admis qu'il avait reçu un coup de fil en juin d'Elly Alboim, un des principaux stratèges de la campagne de M. Martin dans la course à la direction du parti et un des directeurs de la firme Earnscliffe Research and Communications, qui voulait s'enquérir de la possibilité d'entreprendre plus vite que la loi actuelle ne le permet la révision des limites des circonscriptions électorales, ce qui aurait pour effet d'ajouter sept députés au Parlement, quatre de l'Ouest canadien et trois de l'Ontario.

De façon très inopportune, ce haut fonctionnaire du Parlement, M. Kingsley, réagissant aux réflexions du député de LaSalle—Émard dans les médias, entreprend d'écrire à M. Peter Adams, président du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre de l'autre endroit. Dans sa lettre du 16 juin 2003, M. Kingsley fait remarquer à juste titre que, selon la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, les nouvelles limites ne prennent effet qu'un an après la proclamation de l'ordonnance de représentation. Il se permet d'ajouter que, pour changer ce délai, il faudrait modifier la loi.

Dans cette même lettre, le directeur général des élections souligne que les limites des circonscriptions électorales sont essentielles à l'administration des élections et que les changements qui y sont apportés ont une incidence sur presque chacun des aspects de l'élection. M. Kingsley indique ce qui suit:

La nomination diligente des directeurs de scrutin dans les 308 circonscriptions électorales représente une condition importante. Il faudra nommer des directeurs de scrutin dans chacune des circonscriptions dont on a modifié les limites. Pour que les nouvelles limites soient mises en application d'ici le 1 er avril 2004, les directeurs de scrutin doivent tous avoir été nommés avant la mi-septembre 2003. Ceux-ci ont besoin d'une formation prolongée pour pouvoir accomplir leurs fonctions pendant les élections, ainsi que pour se familiariser avec leur circonscription électorale et exécuter certaines tâches en préparation pour les élections.

Nous voici, honorables sénateurs, en novembre 2003. La semaine dernière, à la Chambre des communes, le leader du gouvernement à la Chambre a confirmé que les 308 directeurs de scrutin nécessaires pour la tenue d'élections hâtives n'avaient pas encore tous été nommés. L'argument soulevé par le directeur général des élections, soit que les directeurs de scrutin auraient dû avoir été tous nommés au plus tard à la mi-septembre 2003 pour permettre la tenue d'élections hâtives, est valable, même de la part de M. Kingsley, qui est toujours prêt à aider. Élections Canada aura-t-il le temps de préparer les directeurs de scrutin et d'exécuter toutes les tâches nécessaires avant l'émission des brefs d'élection? C'est une question que nous devons examiner attentivement durant l'étude de ce projet de loi en comité.

Honorables sénateurs, si nous soulevons des questions et des préoccupations au sujet du rapprochement de la date d'entrée en vigueur des nouvelles circonscriptions électorales, cela ne veut pas dire que nous trouvons injuste que l'Alberta, la Colombie- Britannique et l'Ontario gagnent des sièges additionnels. C'était déjà prévu dans le décret de représentation du 25 août 2003. C'est chose faite. Nous appuyons totalement cette nouvelle carte électorale qui donne des sièges additionnels à l'Alberta, à la Colombie-Britannique et à l'Ontario pour refléter la croissance démographique dans ces provinces. Ce qu'on se demande, honorables sénateurs, c'est pourquoi le Parlement établit un processus qui est censé être indépendant des politiciens et le gouvernement abandonne ensuite ce processus lorsque c'est avantageux pour lui de le faire du point de vue électoral.

Honorables sénateurs, le sénateur Lynch-Staunton et le sénateur Stratton ont parlé des efforts précédents en vue d'influencer le processus de révision des limites des circonscriptions électorales. Le sénateur Stratton a dit hier que c'était là une tendance très déconcertante «qui semble signifier que la révision des limites des circonscriptions électorales n'est qu'un autre instrument que le gouvernement fédéral peut employer à sa discrétion».

Souvenons-nous, honorables sénateurs, que la révision des limites des circonscriptions électorales est exigée à la fois par la Constitution et par l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés. La Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales est le mécanisme législatif qui régit ce processus. Essentiellement, tous les dix ans, on ajoute des sièges aux provinces qui ont connu une croissance démographique importante et on révise les limites des circonscriptions pour refléter les déplacements de population à l'intérieur des provinces. Ce processus est mené par les commissions fédérales de délimitation des circonscriptions électorales dans chaque province, qui sont chargées de tenir des audiences publiques. Les commissions peuvent recevoir des observations écrites du public durant leurs délibérations.

(1720)

Ces commissions sont présidées par un juge nommé par le juge en chef de chaque province et comprennent également deux habitants de chaque province, nommés par le Président de la Chambre des communes. Les députés peuvent également faire connaître davantage leurs vues en formulant des objections dans le cadre d'un processus d'opposition, dont la coordination est assurée par un comité parlementaire, mais les principales décisions sur la révision des limites des circonscriptions électorales relèvent de la commission. Mes collègues de l'autre côté devraient se rappeler que c'est Lester Pearson, de leur parti, qui a procédé à ce changement, afin d'éviter ce genre de remaniement arbitraire. Ils oublient bien vite.

Bien que les commissions doivent respecter un certain nombre de critères dans leurs décisions, notamment les principes d'une représentation proportionnelle et efficace, le processus, en théorie, est censé être non partisan et non régi par les considérations électorales du gouvernement du moment.

Malheureusement, ces principes n'ont pas été mis de l'avant d'une façon évidente par ce gouvernement Martin-Chrétien.

À titre d'exemple, certains honorables sénateurs se rappelleront peut-être que, après les élections de 1993, le gouvernement Chrétien avait tenté de faire adopter le projet de loi C-18, qui visait essentiellement à bloquer le processus de révision des limites des circonscriptions électorales. Ce projet de loi avait été adopté rapidement par la Chambre des communes, mais les sénateurs progressistes-conservateurs siégeant au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles avaient dénoncé avec succès les graves ramifications de ce projet de loi. Il fallait veiller à ce que la révision des limites des circonscriptions électorales reflète la croissance et les déplacements de la population et qu'elle soit effectuée à temps pour les prochaines élections, survenues par la suite en 1997. À cette époque, on répétait abondamment que le projet de loi C-18 trouvait son origine dans l'insatisfaction régnant dans le caucus libéral au sujet des nouvelles limites envisagées pour les circonscriptions, comme vient de le dire mon collègue le sénateur Di Nino.

À la fin des audiences du comité, l'opinion publique s'était retournée contre cette initiative arbitraire d'un gouvernement qui tentait de faire adopter son projet de loi C-18. Ce revers s'explique en partie par l'opposition alors manifestée par les gouvernements des provinces de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, qui allaient perdre des circonscriptions additionnelles si le processus de révision était annulé.

Comme se le rappelleront de nombreux honorables sénateurs, les libéraux de Martin-Chrétien, confrontés à un renforcement de l'opposition et à des amendements à leur projet de loi, n'ont eu d'autre choix que d'offrir une solution de compromis. Le processus de remaniement de la carte électorale serait suspendu pendant une période de temps plus brève que prévu à l'origine. Ce compromis garantissait qu'une nouvelle délimitation des circonscriptions électorales serait réalisée avant les prochaines élections fédérales, mais il donnait aussi au gouvernement une occasion d'examiner un nouveau régime de redéfinition des limites des circonscriptions.

Malheureusement, la tentative suivante de réforme des élections électorales de la part du gouvernement, le projet de loi C-69, souffrait d'un vide moral aussi grand que lors de la première tentative.

Comme pour le projet de loi C-18, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dans le cas du projet de loi C-69, a été appelé à nouveau à démasquer l'attaque lancée par le gouvernement libéral contre un des principes démocratiques du Canada. Après des audiences approfondies, le comité a fait rapport du projet de loi assorti de plusieurs amendements qui furent adoptés par le Sénat et renvoyés à la Chambre des communes. Les Communes n'approuvèrent pas les propositions du Sénat et renvoyèrent le projet de loi ici.

À ce moment-là, la question du calendrier commençait à se poser, car la suspension du processus de remaniement des circonscriptions électorales prévue dans le projet de loi C-18 devait se terminer quelques jours plus tard. Après quelques querelles de procédure, le projet de loi et le message en provenance de la Chambre des Communes furent renvoyés au Comité des affaires juridiques pour étude plus poussée. À ce moment-là, le processus de remaniement des circonscriptions avait redémarré, et il devint encore plus clair que l'insistance du gouvernement, qui tenait à faire adopter le projet de loi C-69 s'expliquait par la volonté d'empêcher l'apparition de nouvelles limites électorales. Tout comme dans le cas du projet de loi C-18, les sénateurs progressistes-conservateurs restaient inflexibles dans leur opposition au projet de loi C-69. Ce dernier est mort au Comité des affaires juridiques lorsque le Parlement a prorogé ses travaux en février 1996.

Aujourd'hui, honorables sénateurs, nous assistons à une autre manipulation du processus de remaniement des limites des circonscriptions électorales. La question qui se pose est la suivante: pourquoi le leader du Parti libéral estime-t-il qu'il lui faut devancer les élections? Qu'est-ce qu'il y a de si pressant et urgent qui l'amène à penser qu'il lui faut un nouveau mandat d'ici avril prochain? Pourquoi veut-il pouvoir faire appel au peuple seulement trois et ans et demi après le début du mandat libéral? A-t- il peur de gouverner après le départ à la retraite de M. Chrétien?

Honorables sénateurs, un processus est en place pour le remaniement des limites des circonscriptions électorales. Il vise à promouvoir la qualité de la représentation et l'intégrité du scrutin. On ne devrait pas soumettre les parlementaires à d'intenses pressions pour qu'ils adoptent un projet de loi qui, dans les faits, correspond à un remaniement arbitraire des circonscriptions, parce qu'ils craignent d'être accusés de bloquer l'apparition de nouvelles circonscriptions dans des secteurs en forte croissance, ce qui, bien sûr, n'est pas vrai.

Le projet de loi C-49 nous révèle la manipulation grossière d'un système qui n'est pas censé être partisan. Les députés qui favorisent cette pratique et tous ceux parmi nous qui appuient ce type de manipulation de nos lois en rédigeant d'autres mesures qui permettent de contourner ces lois devraient avoir honte.

(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI DE CRÉDITS NO 3 POUR 2003-2004

DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Léger, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-55, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2004.

Une voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Day, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

PROJET DE LOI SUR LA BIBLIOTHÈQUE ET LES ARCHIVES DU CANADA

DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-36, Loi constituant Bibliothèque et Archives du Canada, modifiant la Loi sur le droit d'auteur et modifiant certaines lois en conséquence.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'aimerais présenter quelques observations sur le projet de loi C-36. En fait, j'ai à peu près 16 pages d'observations.

Ce projet de loi, en principe, vise à créer l'agence de la Bibliothèque et des Archives du Canada, à en croire le communiqué émis par le ministère du Patrimoine canadien le 8 mai 2003.

Si j'aborde la question par ce biais, c'est que, dans le communiqué du gouvernement paru en mai, on ne parle pas des importantes modifications à la Loi sur le droit d'auteur apportées par la même occasion. Apparemment, la création de cette nouvelle agence répond à un engagement pris dans le discours du Trône. Mais, dans tout le communiqué, on ne parle pas des modifications à la Loi sur le droit d'auteur. Comme pour le projet de loi C-10, où le gouvernement a ajouté des modifications sur le registre des armes à feu dans une mesure législative sur la cruauté envers les animaux, on a glissé des modifications de la Loi sur le droit d'auteur au milieu d'un projet de loi visant à créer une nouvelle agence de la Bibliothèque et des Archives du Canada.

Je ne suis pas le seul à penser qu'il est incongru de joindre des modifications à la Loi sur le droit d'auteur à un projet de loi visant à créer une nouvelle agence. Pour préparer mon intervention, j'ai examiné les débats de l'autre endroit. Il semble que, à un certain moment, on soit parvenu à un accord bipartisan, proposé par un député de l'Alliance canadienne -— nos nouveaux cousins -— consistant à retirer la disposition 21 du projet de loi. Le Comité du patrimoine canadien a accepté de le faire. D'ailleurs, Mme Carole- Marie Allard, secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, s'est engagée à retirer les dispositions 21 et 22 relatives à la Loi sur le droit d'auteur au cours d'une réunion d'un comité de la Chambre, en juin 2003. Curieusement, une autre réunion a été convoquée, sur un court préavis, après le début du congé parlementaire. S'y trouvaient surtout des députés ministériels qui ont veillé à ce qu'on réinscrive ces dispositions dans le projet de loi C-36.

En outre, ces députés du parti ministériel qui ont voté sur le projet de loi C-36 n'étaient pas les mêmes que ceux qui avaient participé aux audiences précédentes sur le projet de loi et, par un curieux hasard, ils n'avaient pas non plus participé à l'entente.

C'est l'article 21 qui pose problème, article auquel certains ont donné le nom de Lucy Maud Montgomery, l'auteur d'Anne aux pignons verts, entre autres oeuvres. Le patrimoine laissé par cette auteur comprend plusieurs carnets non publiés dont l'article 21 étend la protection en vertu du droit d'auteur pour une période additionnelle de 14 à 34 ans. L'article 21 n'offre cette protection que pour les œuvres des auteurs qui sont décédés entre le 1er janvier 1930 et le 1er janvier 1949. Lucy est morte en 1942.

(1730)

L'article 21 visait à corriger les modifications apportées à la Loi sur le droit d'auteur en 1997. La mesure adoptée à ce moment-là faisait en sorte que les œuvres non publiées soient traitées comme les œuvres publiées, c'est-à-dire qu'elles ne soient plus protégées par le droit d'auteur 50 ans après le décès de l'auteur. Auparavant, les œuvres non publiées jouissaient d'une protection perpétuelle par le droit d'auteur.

Je dirais que ce sont les puissants héritiers de Lucy Maud Montgomery qui ont exercé les pressions les plus fortes en vue de l'adoption de cet article. En effet, ils ont réussi à faire inscrire cet article dans une mesure législative qui ne concerne guère le droit d'auteur si ne n'est pour les modifications d'autres lois en conséquences.

Aux étapes de la première et de la deuxième lecture du projet de loi C-36, l'article 21 prévoyait que les œuvres non publiées seraient protégées jusqu'en 2017 en vertu du droit d'auteur. On compte 55 ans entre 1942 et 1997, année où la loi fut modifiée, et 20 ans de plus aux termes de la mesure actuelle, prolongation que les héritiers ont réussi à faire inscrire dans le projet de loi. En fait, la succession de Lucy Maud Montgomery est la grande gagnante, car les œuvres non publiées de l'auteure seront protégées plus longtemps que ne le seront celles d'un auteur décédé en 1950.

Le problème avec ce projet de loi, c'est qu'il prévoit des dispositions à la pièce. Chaque fois qu'on répond aux besoins d'un groupe en particulier, on ne peut qu'en offusquer un autre. La succession des auteurs qui sont morts avant 1949 a obtenu un délai supplémentaire de cinq ans en 1997 pour trouver des éditeurs. C'était sensé, car la succession de ceux qui étaient morts avant l'entrée en vigueur de cette mesure législative avait besoin de cinq ans de plus pour mettre de l'ordre dans ses affaires afin de voir si elle pouvait vendre les oeuvres, les donner ou le reste. C'est une exception qui n'a pas été offerte à ceux qui sont morts après 1949.

J'ose prétendre que les précédents établis ouvrent la voie à une modification de cette loi à nouveau dans quelques années, peut-être au moment de l'examen quinquennal de la Loi sur le droit d'auteur, et à une autre prolongation de cette protection. Nous ne pouvons nous permettre de légiférer de cette façon ni d'établir des précédents de ce genre, car nous sommes régis par la primauté du droit.

Après le tollé soulevé par l'insertion de l'article 21 dans le projet de loi C-36, l'accord qui a été conclu, la prise de contrôle qui a suivi et le vote de mauvaise foi au comité, les motions qui ont ensuite été rejetées à l'étape du rapport et les débats volumineux que tous peuvent lire dans le hansard, nous avons droit à un autre épisode de ce débat. Le 28 octobre, à la suite des pressions grandissantes à l'intérieur du caucus libéral et de l'excellent travail poursuivi par l'opposition, le gouvernement a enfin reconnu qu'il ne devait pas créer des lois pour certaines personnes en particulier. Après tout, il ne peut y avoir un «projet de loi Dave Tkachuk sur les attaques procédurales» ou un «projet de loi Herb Sparrow sur le comportement indiscipliné». Aucun d'entre nous ne peut être le seul sujet d'un projet de loi, Dieu merci. Cependant, nous devons être très prudents lorsqu'on laisse entendre que le projet de loi que nous étudions correspond à cette description.

Le problème, c'est qu'en accordant d'autres prolongations au profit de la succession de Mme Montgomery, nous allons octroyer d'autres prolongations du droit d'auteur à tous les auteurs morts qui ont des oeuvres posthumes non publiées avant 1948, mais après 1929, il s'agira d'une prolongation d'au moins trois ans.

Honorables sénateurs, j'ai quelques questions. Où a-t-on pris les dates 1929 et 1948? Elles me paraissent arbitraires.

Ensuite, qui profite de cela et qui allons-nous désavantager? Manifestement, la réponse à cela donnerait une certaine indication. Je crois comprendre que des Canadiens illustres comme Jack Granatstein, Wallace McLean et d'autres éminents universitaires qui se font un devoir de caractériser notre histoire canadienne dans l'intérêt de tous les Canadiens, pour leur avenir, s'inquiètent vivement de ces modifications spéciales.

Je vois le contesté article 21 offensant comme une forme d'abri. C'est un abri conçu dans l'intérêt d'une seule succession au Canada, au détriment de tous les autres intéressés, maintenant et à l'avenir, qui vraiment ont le droit, une fois que le droit d'auteur est expiré, d'avoir accès gratuitement à ces documents spéciaux.

Honorables sénateurs, si le gouvernement a une politique, un livre rouge concernant le traitement spécial réservé aux amis du parti libéral, par exemple, il devrait tout simplement le dire. Si les libéraux veulent faire adopter le projet de loi au profit d'un ami, ils devraient au moins avoir le courage de défendre ce en quoi ils croient et de faire adopter un projet de loi conçu pour cette personne.

Je peux même proposer un titre pour ce projet de loi. Pourquoi ne présentons-nous pas un projet de loi du Sénat? Nous pourrions dire que c'est le projet de loi S-50, Loi concernant la protection particulière de la succession de Lucy Maud Montgomery. Le numéro «50» correspond à une période de 50 ans, qui sera automatiquement renouvelée à perpétuité.

Dans le cadre du plus récent épisode de ce débat, nous apprenons qu'une nouvelle entente a été présentée et a fait l'objet d'un vote à l'étape de la troisième lecture à l'autre endroit. Certains y verront un compromis; d'autres, une dérobade à la Sheila Copps.

Selon les honorables sénateurs, est-ce là le mieux que l'on puisse faire avec ce gâchis? La nouvelle entente modifie l'article 21 et accorde une protection supplémentaire de trois ans aux successions d'auteurs décédés entre le 21 décembre 1929 et le 1er janvier 1949, ce qui signifie que la succession de Lucy n'a pas à se soucier du fait que la protection dont elle bénéficiait prend fin le 31 décembre 2003, ce qui découlait des modifications adoptées en 1997. Elle a trois autres années pour trouver un éditeur. Au lieu d'accorder aux successions une période de 14 ans supplémentaires qui aurait mené jusqu'au 31 décembre 2017, le compromis consiste à leur accorder trois autres années, jusqu'en 2006.

La situation diffère en ce qui concerne la succession d'auteurs décédés après le 1er janvier 1949. Voilà qui montre pourquoi les comités doivent accomplir beaucoup de travail. Je lis ce document et je crois le comprendre, mais je suis maintenant perplexe.

La succession des auteurs décédés en 1949 ou après est protégée jusqu'à la fin de 2048, peu importe que l'oeuvre n'ait pas été publiée, exécutée ou communiquée de quelque façon que ce soit.

Honorables sénateurs, 50 ans, c'est long — à peine moins que la durée de mon existence. On aurait certes pu trouver un éditeur au cours de cette période. Le sénateur Leo Kolber a trouvé un éditeur en un rien de temps quand ils ont appris qu'il manifesterait une franchise inhabituelle concernant les rouages internes du gouvernement libéral.

Honorables sénateurs, les modifications apportées en 1997 ont changé les règles applicables aux auteurs décédés avant le 1er janvier 1949. Dans un souci d'équité, on a institué une période de transition de cinq ans pour toute succession touchée. Je ne sais pas si une autre succession a dit avoir besoin de plus de 55 ans pour trouver un éditeur pour des oeuvres non publiées, mais je crois comprendre que seulement la succession Montgomery s'est manifestée à cet égard. Je crois aussi comprendre qu'un autre auteur célèbre, Steven Leacock, bénéficiera aussi du lobbyisme effectué dans le cas de la succession Montgomery.

En réalité, le projet de loi C-36 a pour objet de protéger les travaux non publiés pendant une période totale de 50 ans. Franchement, si un auteur est mort en 1948, soit il y a 55 ans, ses oeuvres non publiées, même sa correspondance personnelle d'importance historique, ont certainement été dénichées depuis longtemps. Les modifications apportées en 1997 ont été un coup de semonce indiquant aux successions de prendre des dispositions ou des mesures profitables pour la publication, dans les cinq années précédant l'expiration du droit d'auteur. Cette proposition semble fort raisonnable.

Si les Canadiens pensaient ou, pire encore, savaient que, au Canada, nous faisons des lois pour le seul avantage d'une personne ou d'une succession, je ne pense pas que nous serions tellement à l'aise ici.

Mon dernier argument contre l'inclusion, dans le projet de loi C- 36, de dispositions relatives au droit d'auteur repose sur la logique. En juin dernier, le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes a annoncé qu'il procéderait à un examen obligatoire de la Loi sur le droit d'auteur qui devrait être terminé d'ici juin 2004. Voici l'occasion d'élaborer une mesure législative sur le droit d'auteur. De deux choses l'une, des modifications considérables auraient dû être apportées à la Loi sur le droit d'auteur dans le projet de loi C-48 examiné au cours de la session précédente, puis dans le projet de loi C-11, adopté en décembre, ou des modifications devront être apportées par suite du rapport de 2004 du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes. Ce serait une façon appropriée de s'acquitter de la responsabilité d'encadrer la législation en matière de droit d'auteur au Canada. C'est pour cette raison, entre autres, que les Canadiens nous font confiance en ce qui concerne la protection de leur patrimoine et de leur droits. Si nous procédions ainsi, nous nous acquitterions comme il se doit de notre tâche. Ce n'est pas au moment de l'étude du projet de loi que nous devrions procéder à l'examen de la Loi sur le droit d'auteur.

Je vais poser ces questions à la ministre du Patrimoine canadien lorsque, comme je l'imagine, elle témoignera devant le comité pour faire valoir le bien-fondé de son projet de loi.

La récente découverte de documents non publiés de l'écrivain décédé Ernest Hemingway, soigneusement conservés à sa villa à Cuba, également connue sous le nom de Lookout Farm, constitue une situation similaire fort intéressante. Deux mois après son suicide, en 1961, sa quatrième épouse, Mary, a effectué un court séjour à Cuba et en a rapporté 200 livres de ses documents. Le reste est probablement resté intouché, utilisé ou lu par des intellectuels.

(1740)

Or, comme disait un professeur d'anglais de l'université de l'État de Pennsylvanie:

Ces documents relatent l'une des périodes les plus longues et les plus déterminantes de sa vie, mais également l'une des moins connues. Si ce document disparaît, c'est une partie de la vie d'Hemingway qui échappera à notre connaissance.

Mme Montgomery n'accumulait peut-être pas autant les documents qu'Hemingway, mais les Canadiens ont sûrement le droit de puiser dans ses ouvrages et documents non publiés, comme nous le faisons dans ses ouvrages publiés, pour en savoir plus sur la vie de l'un de nos plus célèbres auteurs.

Je ne pense pas que c'est ce que le gouvernement a voulu, mais nous sommes aujourd'hui saisis d'un projet de loi qui crée une agence ayant pour mandat de protéger des archives importantes pour l'histoire canadienne et pour la nation, mais qui, ironiquement, empêchera le public canadien et les institutions d'enseignement de pouvoir accéder à des documents qui devraient être du domaine public.

Dans le cas d'Hemingway, selon l'une des parties prenantes, la rencontre historique entre Cubains et Américains:

... n'a pas un but commercial. Elle vise à assurer la préservation de quelque chose de précieux et de très important.

Les revendications de la succession Montgomery ne sont-elles pas de nature commerciale?

Si Hemingway avait été Canadien, s'il avait vécu au Canada et s'il avait conservé son emploi au Star de Toronto, dans les années 20, ses documents non publiés, qui regroupent quelque 10 000 lettres, ainsi que de nombreux volumes de manuscrits, deviendraient accessibles au public dans huit ans, puisqu'il est décédé en 1961. En fait, la succession Hemingway tient autant à la préservation publique de ses archives que tout biographe éventuel ou intellectuel, et elle coopère pleinement avec les autorités au catalogage des ouvrages recueillis.

Mes dernières observations porteront sur le reste de la teneur du projet de loi et sur son objectif. En fait, les origines de ce projet de loi remontent à il y a quatre ans, au moment où on a voulu créer Bibliothèque et Archives du Canada. Il n'était alors pas question de modifier la Loi sur le droit d'auteur, parce que cette loi n'avait pas sa place dans le projet de loi.

Dans un rapport de 1999 intitulé «Rôle des Archives nationales du Canada et de la Bibliothèque nationale du Canada», la vision...

Son Honneur le Président: Sénateur Tkachuk, je regrette, mais votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Tkachuk: Puis-je avoir la permission de continuer?

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée? Le sénateur Tkachuk demande plus de temps pour parler.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis prêt à lui accorder encore quelques minutes parce que ce n'est que le deuxième discours à ce sujet.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk: Merci, c'est vraiment passionnant. Je ne pensais pas que cela le serait quand j'ai regardé le projet de loi une première fois. On peut faire confiance aux libéraux pour rendre intéressants les projets de loi de ce genre.

Dans le rapport intitulé «Rôle des Archives nationales», on a discuté de l'idée de créer un nouvel organisme, qui ferait en sorte que la Bibliothèque nationale, créée en 1953 pour préserver le riche patrimoine du Canada dans le domaine de l'édition, serait plus à même de remplir la partie de son mandat qui concerne la protection d'archives importantes en travaillant en partenariat avec les Archives nationales, créées beaucoup plus tôt, soit en 1872, pour préserver les documents d'un nouveau pays, le Canada. En outre, créer un seul organisme éliminerait les dédoublements de service aux Canadiens.

Le travail important que font la Bibliothèque nationale et les Archives nationales passe inaperçu, et je pensais profiter de l'occasion pour dire à quel point les Canadiens savent gré aux fonctionnaires de ces deux institutions de préserver notre mémoire collective avec un tel professionnalisme. Peut-être que, en travaillant ensemble sous le toit d'un même organisme, ils créeront une synergie qui sera plus grande que la somme de ses parties et de ses responsabilités. La création d'un seul organisme élimine l'étrange division du travail qui existe actuellement à cause de la fragmentation de l'approche législative.

Je dirais en terminant, en revenant sur un thème que j'ai déjà abordé, que le gouvernement ne s'est pas bien acquitté de ses responsabilités en ce qui concerne la législation sur le droit d'auteur. En résumé, j'aimerais passer en revue les points suivants.

Je pense que le projet de loi C-48, présenté pendant la première session de la 37e législature, et qui est devenu le projet de loi C-11 dans le cadre de la session actuelle, aurait été un instrument plus logique pour apporter des modifications à la Loi sur le droit d'auteur. Il a été adopté cette année. L'étude en comité de ce projet de loi aurait garanti que les témoins concentrent leur attention sur une seule mesure législative et donnent une idée très claire de ce qu'aurait dû être le cadre de cette législation.

Si nous scindons le projet de loi, ou si nous envoyons des instructions à cet effet au comité, ce dernier sera mieux équipé pour étudier correctement la création d'un nouvel organisme, indépendamment des questions relatives au droit d'auteur. De cette manière, nous ne retarderions pas inutilement la création de ce nouvel organisme, et, en même temps, nous séparerions des affaires qui n'ont rien en commun.

J'ai également remarqué que le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes avait annoncé dans un communiqué de presse publié le 6 octobre qu'il allait entreprendre immédiatement son examen de la législation et qu'il ferait rapport au plus tard en septembre 2004, ce qui représente une modification par rapport au communiqué de presse publié en juin 2003 annonçant que le rapport serait prêt en juin 2004.

Honorables sénateurs, le gouvernement a eu une attitude ambiguë au sujet de l'article 21. Il a apporté des changements, conclu des ententes et dénoncé ces ententes pour en conclure d'autres. Voilà qui révèle que quelque chose ne tourne pas rond dans ces dispositions.

Enfin, il est de mon devoir de parlementaire de m'élever contre des dispositions législatives qui n'ont pas leur place ici, qui sont conçues dans l'intérêt particulier d'un individu ou, dans ce cas, d'une succession. Plus tard, je vous demanderai de vous joindre à moi dans cette lutte.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais me faire l'écho des propos du sénateur Tkachuk, qui a fait une présentation schématique du projet de loi et expliqué à quel point il est répréhensible que le gouvernement ait contribué à retarder la fusion des deux entités, les Archives et la Bibliothèque nationale, parce qu'il a inséré deux dispositions qui n'ont rien à voir avec la fusion pour modifier la Loi sur le droit d'auteur. Si ces modifications n'avaient pas figuré dans le projet de loi, la fusion serait chose faite depuis des mois. La fusion a été recommandée par John English, qui a présidé un comité chargé d'étudier la question. Le comité a bien accueilli la proposition. Les personnels de deux institutions ont hâte de travailler ensemble. Je connais plus particulièrement les Archives pour une ou deux raisons spéciales, et je connais l'enthousiasme de cette institution pour la fusion. On me dit que la Bibliothèque nationale est également très favorable à la fusion.

Cette mesure est toutefois retardée en raison de ces deux modifications qui n'ont absolument rien à voir avec la fusion que le projet de loi vise à réaliser, des modifications controversées qui reposent sur une histoire plutôt scandaleuse. Comme le sénateur Tkachuk l'a souligné, une entente qui avait été conclue a soudainement été annulée, et les derniers changements ont été déposés au Sénat par le leader parlementaire sans aucun débat et sans que les intéressés puissent donner leur avis. J'espère que le comité en tiendra compte et qu'il recommandera qu'on fasse disparaître les dispositions portant sur le droit d'auteur et qu'il nous reviendra avec un projet de loi épuré que nous tiendrons, de notre côté, à faire adopter avec beaucoup d'enthousiasme.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, nonobstant le paragraphe 58(1) du Règlement, je demande la permission de revenir aux motions portant production de documents pour que je puisse proposer une motion.

Son Honneur le Président: Nous en sommes à la deuxième lecture de ce projet de loi. Nous devrions terminer avant de passer à autre chose.

Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur la deuxième lecture de ce projet de loi?

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Je ne vois personne debout. Je vais donc mettre la motion aux voix.

Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président: Quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

AVIS DE MOTION EN VUE DE DONNER DES INSTRUCTIONS AU COMITÉ

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f), je propose:

Qu'une instruction soit donnée au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour qu'il scinde le projet de loi C-36, Loi constituant Bibliothèque et Archives du Canada, modifiant la Loi sur le droit d'auteur et modifiant certaines lois en conséquence, afin qu'il puisse examiner séparément les dispositions concernant la création de Bibliothèque et Archives du Canada et les dispositions relatives à la Loi sur le droit d'auteur.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Tkachuk a-t-il la permission de présenter la motion?

Le sénateur Carstairs: Non.

(1750)

Son Honneur le Président: La permission n'est pas accordée.

La permission de revenir aux avis de motion est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, je donne avis que je proposerai:

Qu'une instruction soit donnée au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour qu'il scinde le projet de loi C-36, Loi constituant Bibliothèque et Archives du Canada, modifiant la Loi sur le droit d'auteur et modifiant certaines lois en conséquence, afin qu'il puisse examiner séparément les dispositions concernant la création de Bibliothèque et Archives du Canada et les dispositions relatives à la Loi sur le droit d'auteur.

PROJET DE LOI SUR LA PROCRÉATION ASSISTÉE

DEUXIÈME LECTURE—SUSPENSION DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Morin, appuyée par l'honorable sénateur Gauthier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-13, Loi concernant la procréation assistée.

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat de deuxième lecture du projet de loi C-13, qui porte sur la procréation assistée et la recherche connexe. C'est un projet de loi très important, controversé et chargé d'émotion. Les défenseurs et les détracteurs de cette mesure parlent de ces questions avec une grande connaissance et beaucoup de passion. Aujourd'hui, je vous parle avec objectivité, du moins je l'espère, en essayant de vous amener à vous concentrer sur la tâche extrêmement difficile qui nous attend. Notre évaluation minutieuse et informée de ce projet de loi est cruciale à l'exécution de cette tâche et donc cruciale pour tous les Canadiens.

Je dois d'abord féliciter tous ceux qui ont donné leur temps et leur énergie pour étudier ce sujet et rédiger le projet de loi C-13. Pour citer le sénateur Morin, ce projet de loi a eu une période de gestation extrêmement longue.

En novembre 1993, une commission royale présidée par la généticienne Patricia Baird a rendu public un document intitulé «Un virage à prendre en douceur», le rapport final de la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction.

Cette commission avait un mandat extrêmement vaste: elle était chargée d'étudier et d'évaluer différents aspects des nouvelles techniques de reproduction, par exemple leurs répercussions sociales, juridiques, éthiques et économiques, leurs répercussions sur la santé et sur le plan de la recherche, pour les femmes, les hommes, les enfants et la société dans son ensemble; elle devait aussi formuler des recommandations à cet égard.

Le rapport finalement connu sous le nom de rapport Baird contenait 293 recommandations; il interdisait notamment le clonage humain et la création d'hybrides animaux-humains ainsi que la maternité de substitution à des fins commerciales et il préconisait la création d'un organisme de réglementation indépendant chargé d'administrer les règles et règlements, d'octroyer des permis et de surveiller les activités pertinentes.

Dans les dix années qui ont suivi la publication du rapport de la commission royale, plusieurs tentatives en vue de légiférer dans ce domaine ont échoué. En 1995, celle qui était la ministre de la Santé à l'époque a présenté un moratoire volontaire sur le clonage et de nombreuses autres activités auxquelles la commission royale s'était opposée. Trois ans après le dépôt du rapport Baird, en juin 1996, le gouvernement a présenté le projet de loi C-47; celui-ci ne visait qu'à interdire certaines activités de procréation assistée, comme la sélection du sexe.

Ce projet de loi est mort au Feuilleton en 1997, au moment du déclenchement des élections. Une autre tentative en vue de légiférer sur cette question a été, elle aussi, infructueuse, lorsque le projet de loi C-247, qui visait essentiellement à interdire le clonage humain, n'a pas franchi l'étape de la deuxième lecture en 1999.

Le projet de loi C-56, Loi concernant la procréation assistée, a été présenté en mai 2001. Il a franchi les étapes de la première et de la deuxième lecture à l'autre endroit, puis il a été renvoyé au Comité permanent de la santé. Il est mort au Feuilleton au moment de la prorogation du Parlement en septembre 2002. Le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis a été présenté pour la première fois lors de la dernière session parlementaire, plus précisément le 29 octobre 2002.

Prenons un instant pour bien comprendre l'importance capitale de ce projet de loi pour les couples qui désirent avoir des enfants et qui ont besoin de l'aide de la technologie visée. Imaginez un couple au début de la trentaine; les deux sont heureux, ils sont mariés depuis deux ans, mais ils sont infertiles. Lorsqu'une femme apprend qu'elle ne peut devenir enceinte, elle peut avoir une réaction fortement dépressive, avoir de la difficulté à fonctionner et éprouver des problèmes relationnels. Le fait de se soumettre à des tests et à des traitements est une autre source de souffrance, d'angoisse et d'incertitude. L'infertilité menace ce qui était pour bon nombre le rêve de toute une vie, celui de donner naissance à un enfant et d'élever une famille. Les couples qui décident de recourir à la fécondation in vitro s'engagent dans un processus qui s'apparente aux montagnes russes: ils doivent se soumettre à des entrevues et à des tests, ils doivent attendre un donneur, subir des traitements douloureux, payer des coûts élevés et attendre, attendre, attendre.

L'infertilité, que certains considèrent comme un handicap physique, touche un Canadien sur six en âge de se reproduire. La donneuse d'ovules doit se prêter à tout un processus. Il lui faut d'abord se soumettre à de longues entrevues, puis rencontrer un avocat et subir une évaluation psychologique. Elle reçoit ensuite des injections douloureuses dans la jambe chaque soir pendant deux semaines afin d'augmenter son niveau hormonal, se rend cinq à six fois dans des cliniques d'infertilité pour s'assurer que son niveau hormonal est correct, se soumet à de nombreuses analyses sanguines ainsi qu'à des échographies pour s'assurer que le développement des ovules progresse normalement et finit par se faire extraire des ovules sous sédation.

On ne doit pas oublier le but principal de ce projet de loi, qui est de s'assurer que les techniques de reproduction sont utilisées de façon éthique et sécuritaire, en prenant soin d'en contrôler la qualité, et aussi de protéger les personnes vulnérables contre toute forme d'exploitation.

À l'article 2, le projet de loi C-13 énonce sept grands principes, correspondant aux alinéas a) à g), où le Parlement du Canada reconnaît et déclare ce qui suit:

a) la santé et le bien-être des enfants issus des techniques de procréation assistée doivent prévaloir dans les décisions concernant l'usage de celles-ci;

b) la prise de mesures visant à la protection et à la promotion de la santé, de la sécurité, de la dignité et des droits des êtres humains constitue le moyen le plus efficace de garantir les avantages que présentent pour les individus, les familles et la société en général la procréation assistée et la recherche dans ce domaine;

c) si ces techniques concernent l'ensemble de notre société, elles visent davantage les femmes que les hommes, et la santé et le bien-être des femmes doivent être protégés lors de l'application de ces techniques;

d) il faut encourager et mettre en pratique le principe selon lequel l'utilisation de ces techniques est subordonnée au consentement libre et éclairé de la personne qui y a recours;

e) les personnes cherchant à avoir recours aux techniques de procréation assistée ne doivent pas faire l'objet de discrimination, notamment sur la base de leur orientation sexuelle ou de leur statut matrimonial;

f) la commercialisation des fonctions reproductives de la femme et de l'homme ainsi que l'exploitation des femmes, des hommes et des enfants à des fins commerciales soulèvent des questions de santé et d'éthique qui en justifient l'interdiction;

g) il importe de préserver et de protéger l'individualité et la diversité humaines et l'intégrité du génome humain.

À mon avis, ce sont tous là des principes très raisonnables sur lesquels ce projet de loi devrait reposer. Je crois que personne ne peut les contester. Je pense qu'on s'entend tous pour dire qu'ils sont nécessaires.

Bien qu'il n'y ait pas de consensus sur le bien-fondé de toutes les parties de ce projet de loi, il semble que l'interdiction de la procréation par clonage recueille un appui considérable. Les éthiciens et les scientifiques s'opposent généralement au clonage humain. Actuellement, il n'existe aucun règlement exhaustif qui régit le clonage humain, une pratique généralement considérée inacceptable.

Dans ce cas en particulier, les scientifiques canadiens s'en tiennent à un moratoire volontaire. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que ce soit toujours le cas. En Italie, par exemple, en l'absence de lois et de règlements, on a créé un environnement où des médecins spécialistes de la fertilité ont fécondé une femme ayant passé l'âge de la ménopause; ils ont recueilli les ovules de foetus et de femmes décédées; et ils ont fait des essais sur la grossesse masculine. Bien que ce soit des exemples extrêmes, aucun d'entre nous ne voudrait qu'une telle situation se produise au Canada.

Par conséquent, cette partie du projet de loi recueille un très large appui. En effet, la partie du projet de loi qui concerne les «Actes interdits», même si elle a soulevé une grande controverse dans la société, est bien accueillie par la plupart des segments de la société. L'article 5 dit:

(1) Nul ne peut, sciemment:

a) créer un clone humain par quelque technique que ce soit, ou le transplanter dans un être humain...

b) créer un embryon in vitro à des fins autres que la création d'un être humain...

c) dans l'intention de créer un être humain, créer un embryon à partir de tout ou partie d'une cellule prélevée sur un embryon ou un foetus ou le transplanter...

Cet alinéa est important. L'alinéa d) dit:

d) conserver un embryon en dehors du corps d'une personne de sexe féminin après le quatorzième jour...

Je répète: «le quatorzième jour».

... de développement suivant la fécondation ou la création...

Son Honneur le Président: Sénateur Keon, je suis désolé de vous interrompre.

Il est 18 heures. Je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu'à 20 heures, à moins que les sénateurs souhaitent que je ne tienne pas compte de l'heure. Il suffit d'un seul sénateur pour que je doive tenir compte de l'heure.

Êtes-vous d'accord pour que je ne tienne pas compte de l'heure?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Non.

Le sénateur Prud'homme: Votre Honneur, j'invoque le Règlement...

Le sénateur Di Nino: Tenir ou non compte de l'heure ne peut faire l'objet d'un débat.

Le sénateur Prud'homme: J'aimerais laisser terminer le sénateur Keon, puis que l'on tienne compte de l'heure.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je ne peux aller au- delà de 18 heures, à moins d'obtenir le consentement unanime pour ne pas tenir compte de l'heure. Madame le sénateur Cools n'a pas donné son consentement à ce que je ne tienne pas compte de l'heure. Je quitte donc le fauteuil et j'y reviendrai à 20 heures.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)

(2000)

(Le Sénat reprend sa séance.)

PROJET DE LOI SUR LE RÈGLEMENT DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

MESSAGE DES COMMUNES—ADOPTION DES AMENDEMENTS DU SÉNAT

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-6, Loi constituant le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des Premières nations en vue de permettre le dépôt, la négociation et le règlement des revendications particulières, et modifiant certaines lois en conséquence, informant le Sénat qu'elles ont adopté sans amendements les amendements que le Sénat a apportés à ce projet de loi.

Des voix: Bravo!

PROJET DE LOI SUR LA PROCRÉATION ASSISTÉE

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Morin, appuyée par l'honorable sénateur Gauthier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-13, Loi concernant la procréation assistée.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, lorsque le débat a été suspendu à 18 heures, nous en étions à l'article 7 du Feuilleton, le projet de loi C-13, et le sénateur Keon avait la parole.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais ajourner le débat au nom du sénateur Keon pour le reste de son temps de parole.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Keon, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI DE 2002 SUR LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

DEUXIÈME LECTURE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Robichaud, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-17, Loi modifiant certaines lois fédérales et édictant des mesures de mise en oeuvre de la convention sur les armes biologiques ou à toxines, en vue de renforcer la sécurité publique.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, je serai prêt à faire une intervention sur cet article avant la fin de la semaine. Même si je dispose d'un temps de parole illimité, il y a tant à dire que je vais peut-être même dépasser cela.

(Le débat est reporté.)

[Français]

PÊCHES ET OCÉANS

PERMISSION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le Comité des pêches a commencé à siéger. Je demande donc la permission pour qu'il puisse continuer ses travaux même si le Sénat siège.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est- elle accordée?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

LA LOI SUR L'HYMNE NATIONAL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Poy, appuyée par l'honorable sénateur Milne, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national afin d'englober tous les Canadiens et Canadiennes.—(L'honorable sénateur Lapointe)

L'honorable Jean Lapointe: J'ai appris, honorables sénateurs, que voter en faveur du projet de loi S-3 aurait pour effet de rendre justice à l'honorable Stanley Weir, l'auteur de la version anglaise de notre hymne national. En appuyant le projet de loi du sénateur Poy, que je tiens à féliciter pour son excellent travail, nous réparons l'injustice faite à la suite des recommandations du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes en 1968, qui ont eu pour effet de changer le texte de M. Weir.

J'appuie à 100 p. 100 le projet de loi du sénateur Poy et j'exhorte tous les sénateurs à faire de même.

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, j'ai toujours admiré le dévouement du sénateur Lapointe à l'égard de l'intégrité artistique, mais est-il conscient que, même avec le projet de loi du sénateur Poy, on garderait d'autres changements faits par le Parlement, y compris quelques atrocités sur le plan stylistique et même dramatique, et que la pensée de feu M. Weir ne sera toujours pas reflétée fidèlement dans le texte?

Le sénateur Lapointe: Honorables sénateurs, je ne suis pas au courant s'il y a eu des massacres. Tout ce que je sais, c'est que l'on parle de la phrase «Our sons' command»; on retourne à la version intégrale. S'il y eu d'autres changements, je regrette, je ne suis pas au courant.

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, si je comprends bien, l'objectif du projet de loi est de refléter...

[Traduction]

Son Honneur le Président: Sénateur Joyal, avez-vous une question à poser ou voulez-vous dire quelque chose sur le projet de loi?

Le sénateur Joyal: Je voudrais poser une question.

[Français]

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, l'objectif du projet de loi, comme je le comprends, est de refléter l'égalité des hommes et des femmes, et de faire droit à la participation des femmes dans la construction et l'avènement du Canada. Toutefois, il va subsister, dans l'hymne, d'autres anomalies par rapport aux normes contemporaines. Le texte français, par exemple, dit — nous l'avons chanté ce matin en cette Chambre:

[...] car ton bras sait porter l'épée, il sait porter la croix.

La croix est un symbole de la foi chrétienne, et c'est un symbole qui ne représente pas la totalité de toutes les fois qui peuvent exister au Canada. Alors, si nous faisons des changements au texte original, ne devrait-on pas apporter les autres changements qui rendent compte des valeurs que le Canada d'aujourd'hui exprime dans ses législations, dans sa Charte, et en particulier, dans la diversité religieuse qui le caractérise?

(2010)

Le sénateur Lapointe: C'est une question d'interprétation, sénateur Joyal. Lorsque l'on dit: «il sait porter l'épée, il sait porter la croix», à mon sens, cela veut dire qu'il sait se battre et devenir soldat et qu'il sait porter le fardeau quotidien à travers les épreuves quotidiennes. Ce n'est pas une question de religion malgré ce que l'on dit. C'est une question d'interprétation et elle est fausse. Sans vantardise, je connais assez mon métier pour savoir ce qu'est une chanson.

À la lumière de ce que vient de dire le sénateur Fraser, je suis un peu réticent. Ceci étant dit, que l'on ne touche pas à l'hymne national canadien-français. Je vais le défendre jusqu'au bout envers et contre tous!

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, mon excellent ami, l'honorable sénateur Lapointe, avait prévu que j'allais lui demander de définir «la croix». Je l'ai déjà entendu dans un discours semblable. Je m'excuse, c'était ma question, et il y a magnifiquement bien répondu.

J'aurais une question supplémentaire. J'étais membre du comité, en 1968, nommé par M. Pearson. Il ne reste, comme survivants au Parlement, que le sénateur Forrestall et moi-même. Cela fait très longtemps. Ma crainte — que je crois bien fondée — vient justement de ce que viennent de nous dire le sénateur Joyal, le sénateur Kroft et de ce que d'autres sénateurs nous ont dit: «Si vous touchez tel mot, il faudra changer tel autre mot.»

Actuellement, certains députés veulent enlever le mot «God». D'autres, le mot «Native». Le danger est que lorsque nous ouvrons un hymne national, qu'il soit anglais ou français, il est très difficile après de dire non aux autres qui auront des propositions aussi intéressantes, aussi bien recherchées que celle du sénateur Poy. C'est ma crainte. C'est pour cette raison que je voterai contre ce projet de loi. J'aimerais connaître votre opinion sur le danger de réouvrir l'hymne national français ou l'hymne national anglais.

Le sénateur Lapointe: Je chante l'hymne national en anglais à l'occasion mais seulement la fin. Un hymne national, comme une chanson ou une symphonie, est une œuvre d'art créée par nos artistes. Essayez de changer 25 notes à la rhapsodie hongroise de Liszt, vous allez vous faire huer! Je ne crois pas que l'on doive changer quoi que ce soit à l'œuvre originale.

Lorsque le sénateur Poy me dit que nous avons fait une erreur en 1968, et que maintenant nous changeons le texte de 1968 pour le ramener au texte original, je suis tout à fait d'accord.

Vous avez raison. S'il y a un hymne national qui englobe tous nos problèmes multipliés par 50, c'est l'hymne national français, La Marseillaise. Essayez de changer une note ou un mot à l'hymne national français, qui est d'une violence incroyable, vous allez vous faire battre. Nous, nous n'avons besoin de battre personne. Nous sommes pacifistes.

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools: J'étais sur le point de poser une question au sénateur Lapointe, mais il a commencé à répondre à ce qui me préoccupait. Il parlait de la résistance absolue que l'on mettrait en France si quelqu'un s'avisait de changer l'hymne national, La Marseillaise, en modifiant un seul point, un seul mot ou une seule lettre. Il en va de même aux États-Unis avec The Star Spangled Banner. Leur hymne parle toujours de lutter contre les Anglais et de les réduire en mille morceaux.

Qu'est-ce qui se passe au Canada pour que l'on veuille changer notre histoire à chaque jour, alors que d'autres pays préservent et chérissent la leur?

[Français]

Le sénateur Lapointe: Si je comprends bien, vous répétez ce que je viens de dire, à moins d'avoir mal saisi votre question.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Je demandais au sénateur de se pencher sur le phénomène social. Il a parlé de La Marseillaise, et je suis d'accord avec lui. Ce sont des œuvres d'art, des œuvres historiques qui furent habituellement créées lors de la formation d'un pays. Elles reflètent le pays à un moment de son histoire. C'est comme cela.

Oui, la version de 1908 suscite une préoccupation, et c'est pour cela que j'ai posé ma question. Je crois savoir que les descendants de l'auteur des paroles du Ô Canada se demandent si ces paroles sont celles de 1908 ou s'il y a une autre version de l'hymne. Je crois que les descendants de M. Weir ne sont pas d'accord avec ces modifications.

Lorsqu'on nous dit que nous revenons à la version de 1908, il faut le montrer clairement et le prouver. Le fait est que les Canadiens acceptent depuis 60 ou 70 ans la version que nous modifions. C'est la version de l'hymne qui existe depuis la Première Guerre mondiale. Je me pose des questions sur cette manie de constamment réviser l'histoire.

Une voix: Le vote!

Le sénateur Cools: Je ne crois pas que l'égalité et la révision de l'histoire reviennent au même. Je m'oppose farouchement à ce qu'on pourrait appeler la déconstruction de l'histoire.

Une voix: Le vote!

Le sénateur Cools: Je parlais du phénomène qui consiste à réviser l'histoire. L'histoire demeure ce qu'elle est avec ses imperfections et ses défauts. Elle est comme les gens.

[Français]

Le sénateur Lapointe: Vous avez tout à fait raison. Nous ne devrions pas, comme l'avait dit le sénateur Prud'homme, faire des changements à une oeuvre d'art car nous risquons de ne plus la reconnaître au bout de 300 ans.

Aujourd'hui, l'heure est-elle venue d'apporter des changements? Je suis mal placé pour en être le juge. Dans un autre projet de loi, nous parlons du droit d'auteur. Le droit d'auteur est un droit sacré. Si vous n'aimez pas le tableau et que vous mettez de la peinture orange dessus, sous prétexte que c'est plus moderne, je crois que c'est un crime, que c'est un sacrilège. Je crois que toucher aux hymnes nationaux, c'est un péché.

[Traduction]

Le sénateur Cools: C'est ce que nous proposons.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis désolé, mais la période allouée au sénateur Lapointe est écoulée.

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, je souhaite appuyer le projet de loi S-3 et féliciter le sénateur Poy pour sa vision et sa persistance tout au long du processus qui a conduit à la troisième lecture de ce projet de loi.

Les arguments dont ce projet de loi a fait l'objet ont été bien exprimés. Le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a approuvé ce projet de loi à l'unanimité. Ne nous attardons pas à des trivialités car la discussion n'en finira plus. Soyons à la hauteur et ne tombons pas dans le piège de vouloir faire mieux, car le mieux est l'ennemi du bien. Il serait bon d'avancer dans l'étude de ce projet de loi.

(2020)

Nous ne refaisons pas l'histoire constamment; nous adaptons l'histoire à ce moment précis.

Le sénateur Cools: Si vous ne l'aimez pas, alors changez-le.

Le sénateur Roche: Ce projet de loi parle des femmes et de l'équité pour les femmes.

Honorables sénateurs, il est temps d'adopter ce projet de loi; ainsi, le Sénat fera un déclaration importante au nom de la justice pour les femmes du Canada. Ce projet de loi mérite qu'on l'adopte et ce serait tout à l'honneur du Sénat de l'adopter dès maintenant.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Cools: J'aimerais poser une question au sénateur Roche. La dernière fois que j'ai examiné les données, j'ai appris que la majorité des Canadiens étaient contre ce changement. Si c'est si bon pour le Canada, alors pourquoi les Canadiens n'en veulent-ils pas?

Le sénateur Roche: Je dois dire au sénateur Cools que ce n'est pas ainsi que j'interprète l'opinion publique. En fait, j'ai une chemise pleine de lettres venant de gens de presque toutes les provinces du Canada qui me demandent d'appuyer ce projet de loi au nom des femmes du Canada et au nom de la justice et de l'équité pour elles.

Le sénateur Cools: Je ne parlais pas de vos lettres. Nous recevons tous des lettres. J'ai aussi une chemise pleine de lettres venant de gens qui s'opposent à ce projet. Je parlais de preuves concrètes à l'effet que les citoyens du Canada veulent cette mesure et qu'elle n'est pas uniquement l'invention de quelques personnes appartenant à l'élite et siégeant en cette enceinte.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et que dire des enfants au Canada?

Le sénateur Roche: J'essaie de répondre à la question, Votre Honneur.

Le mouvement en faveur de l'équité et de la justice pour les femmes au Canada n'est pas le fruit de notre imagination; il est véritable. Il est omniprésent.

Le sénateur Cools: Je le sais. Je siège ici tous les jours.

Le sénateur Roche: Il y a des gens, des hommes et des femmes — et pendant que j'y suis, honorables sénateurs, il y a M. Stewart Lindop de Sherwook Park, une banlieue d'Edmonton, en Alberta — distingué ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale ayant reçu la médaille du Jubilé de la reine pour ses années de service dans l'armée et ayant été un remarquable partisan de ce changement au nom de la Légion canadienne des Forces armées canadiennes. Il n'y a pas que les femmes qui veulent bénéficier de ce traitement équitable. C'est aussi le cas de nombreux hommes. Il est temps que les hommes se réveillent et reconnaissent cette réalité du Canada contemporain.

Le sénateur Cools: En tant que femme — et aux dernières nouvelles j'en étais toujours une — je tiens à souligner que l'opinion que vous exprimez n'est pas celle de la majorité des Canadiens. J'estime également que ce n'est pas celle de la majorité des femmes du pays. Enfin, je tiens à dire que cette opinion n'est pas celle de la majorité de la population canadienne.

Je tiens à dire à l'honorable sénateur que beaucoup de femmes prétendent s'exprimer au nom des femmes. J'ai des nouvelles pour vous. C'est de la foutaise. Beaucoup de femmes croient très fermement que leurs racines dans ce pays sont valables...

Une voix: Le vote!

Le sénateur Cools: ...et qu'elles méritent d'être préservées, au même titre que l'histoire du Canada mérite de l'être sans être révisée.

Aussi imparfaite que puisse parfois être l'histoire, cela demeure la seule que nous avons.

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, à l'extérieur de cet immeuble, à quelques pas de marche sur la colline, on trouve une nouvelle et fort heureusement moderne statue consacrée à cinq femmes de l'Alberta qui sont intervenues à leur époque pour veiller à ce que les femmes obtiennent le droit de devenir sénateur. Grâce à ces pionnières, des femmes ont été nommées au Sénat et elles y rendent des services éminents. Elles méritent d'être représentées de la façon prévue dans le projet de loi du sénateur Poy, non seulement par des femmes, que l'on trouve en grand nombre partout au pays, selon les sondages, mais aussi par des hommes qui réagiront et diront qu'il est temps d'éliminer toute forme de discrimination à l'endroit des femmes au pays.

Le sénateur Cools: Je pense, honorables sénateurs...

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Cools: En toute franchise, il est vraiment exagéré d'affirmer que notre hymne national est discriminatoire ou qu'il s'attaque aux femmes. Je vais dire une chose aux honorables sénateurs. Ce matin, honorables sénateurs, j'ai assisté à cette célébration commémorative et si vous savez quoi que ce soit des hommes, honorables sénateurs, vous devriez savoir que tout l'argent qu'ils ont jamais gagné et tout ce qu'ils ont jamais eu, ils l'ont donné à leur femme et à leurs enfants.

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Cools: Nous siégeons dans cette enceinte tous les jours en attaquant l'histoire et en voulant la modifier. J'ai écouté le sénateur Poy. Elle a cité l'affaire «personne» et elle a parlé de lord Sankey, lorsqu'il se reportait à des temps barbares où les femmes étaient exclues de toute charge publique. Si vous regardez vraiment ce qu'il avait à dire, vous constatez que, lorsqu'il a fait ses déclarations relativement à des temps plus barbares que d'autres, il parlait d'une époque où les hommes venaient aux réunions armés et s'imposaient par les armes.

Honorables sénateurs, si nous devions examiner l'espace entre les deux côtés de notre Chambre, l'allée ici représente je ne me rappelle plus combien de longueurs d'épée, de façon intentionnelle, pour veiller à ce que le sang ne coule pas.

Honorables sénateurs, puisque j'ai l'occasion de le dire, l'expression «faire couler le sang» est une vieille expression parlementaire, qui remonte à l'époque où des conflits survenaient...

Une voix: Le vote!

Le sénateur Cools: ...au point que les passions s'enflammaient, que les épées se croisaient et que le sang pouvait couler.

Si nous voulons vraiment parler de notre histoire, honorables sénateurs, examinons-la. Je vais vous dire une chose. Nous sommes tellement élitistes dans cette enceinte. Eh bien, honorables sénateurs, la plupart des hommes au Canada sont des cols bleus. Ce sont des mineurs, des travailleurs de la construction, des plombiers et des soudeurs. Ils ne gagnent pas beaucoup d'argent. Ils ne seront jamais juges. Ils ne pourront jamais dire qu'ils veulent occuper tel ou tel poste dans cette enceinte. Tout ce que je dis, honorables sénateurs, c'est que nous devons être équilibrés et équitables.

Si je devais rédiger un hymne national, je ne reprendrais peut-être pas aujourd'hui le texte de M. Weir. Ce pourrait être amusant. Honorables sénateurs, si l'un de nous avait la chance de rédiger un nouvel hymne national, nous l'écririons bien différemment de celui que nous avons actuellement devant nous. Vous savez bien, honorables sénateurs, que si je devais écrire quoi que ce soit, je l'écrirais différemment de ce qui a été écrit il y a 100 ou 150 ans. L'hymne que nous connaissons est le produit d'un autre âge, un texte qui a été adopté en raison de sa popularité dans la communauté. C'est tout ce que j'essaie de dire aux sénateurs, soit que l'histoire et le passé du pays valent la peine d'être conservés.

Honorables sénateurs, comme vous le savez, je ne suis pas née au Canada, mais je pourrais tout aussi facilement dire que «Le Canada n'est pas la terre de mes aïeux.»

(2030)

Honorables sénateurs, cela ne me dérange pas. Tout le monde a le droit de parole ici.

Je défie le sénateur de me dire sur quoi il se base pour affirmer que cet ancien texte, cette ancienne pièce de musique, sont discriminatoires ou blessants pour qui que ce soit. C'est un peu comme de dire que John Graves Simcoe, pauvre lui, n'était qu'un homme et qu'il n'était pas suffisamment prévoyant pour anticiper beaucoup de choses. C'est le principal problème dans ce pays. Fondamentalement, nous ne croyons pas que notre histoire vaille la peine qu'on s'en souvienne et nous sommes d'avis que nous devons modifier la Constitution et l'histoire jour après jour. Vous n'aurez jamais mon appui dans ce but.

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, on a proposé que je présente mon point de vue. D'abord, lorsque j'ai pris la parole ce soir, je n'entendais pas me servir de l'événement de ce matin dans une partie de mon argumentation. Je parle du service commémoratif qui a eu lieu au Sénat ce matin, sous la présidence de Son Honneur. J'étais présent. J'estime que ceux qui ont perdu la vie dans les guerres, y compris dans la guerre de Corée, ne l'ont pas fait pour un sexe en particulier; ils l'ont fait pour l'ensemble de la population. C'est l'ensemble de la population qui devrait être reconnu dans notre hymne national. Si nous avons tardé à réparer un acte discriminatoire, ne fléchissons pas maintenant, car, comme le sénateur Banks nous l'a rappelé il y a longtemps dans ce débat, l'expression «in all of us», au lieu de «thy sons», existait dans la version anglaise originale de l'hymne national.

Le sénateur me demande des preuves de mon inquiétude. J'ai quatre filles, qui ont grandement contribué à mon éducation au fil des ans. J'estime que, comme échantillons de l'opinion publique, mes quatre filles représentent un assez bon reflet du sentiment des Canadiens au sujet du caractère équitable de l'hymne national.

Honorables sénateurs, je crois que nous avons discuté de cette question assez longtemps, et j'espère que nous pourrons voter ce soir et adopter le projet de loi.

Des voix: Bravo!

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Madame le sénateur Cools souhaite-t- elle prendre la parole?

Le sénateur Cools: Je souhaite le faire, mais pas maintenant. Je n'ai pas mon dossier ici, et il se fait tard.

Son Honneur le Président: Il est difficile de vous entendre de si loin.

Le sénateur Cools: C'est le genre de justice dont mes consoeurs femmes parlent toujours.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et non vos consoeurs hommes?

Le sénateur Cools: Le sénateur Lapointe vient de parler. Il est tout à fait normal que le débat se poursuive, avec un intervenant tel jour, un autre plus tard, mais mes consoeurs voudraient me refuser cette possibilité. Croient-elles faire avancer la cause de la sororité? Je ne le crois pas. J'ai une opinion, et je crois que les sénateurs savent que j'ai fait beaucoup de recherches sur le sujet. Le sénateur Lapointe vient de prendre la parole, et je voudrais avoir la possibilité de le faire aussi.

Voulez-vous intervenir maintenant, sénateur Banks?

Le sénateur Banks: Quand vous aurez terminé.

Le sénateur Cools: Je ne veux pas prendre la parole maintenant. Allez-y, sénateur Banks.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, on ne peut pas simplement se lever et dire que l'on veut prendre la parole, alors qu'en fait, on ne veut pas parler. Certains honorables sénateurs sont revenus à 20 heures pour écouter des discours sensés. Je vois que tout à coup nous sommes en train de nous égarer et de perdre énormément de temps. Il ne faudrait pas abuser de la patience de ceux qui sont ici pour faire un travail constructif.

Si quelqu'un désire prendre la parole, qu'il le fasse en laissant le temps aux autres de parler à leur tour. À mon avis, prendre la parole plus d'une fois constitue un abus du privilège des honorables sénateurs qui sont ici pour écouter des discours.

[Traduction]

Son Honneur le Président: S'agit-il du même recours au Règlement ou d'un autre, sénateur Prud'homme?

Le sénateur Prud'homme: Un autre.

Son Honneur le Président: Je les examinerai un à la fois.

Parfois, à cause du changement de microphones, j'ai de la difficulté à entendre les sénateurs qui se trouvent à l'autre bout de la salle. J'ai demandé au sénateur Cools, parce qu'elle s'est souvent levée, si elle posait une question ou prenait la parole. Je n'ai toujours pas compris si elle a dit qu'elle voulait prendre la parole ou poser une question. Si le temps le permet, mais je pense que le temps de parole du sénateur Roche s'écoule rapidement, elle pourrait poser une question. C'est très bien. Si elle voulait prendre la parole, je lui aurais dit que le sénateur Banks sera le prochain à intervenir, après quoi elle pourra faire un discours si elle le veut. Cette explication étant fournie, les honorables sénateurs comprendront peut-être mieux le problème qui se pose à la présidence.

Permettez-moi de lire quelques articles du Règlement, car je ne suis pas toujours certain où nous allons avec ces échanges dans les discours.

Tout sénateur peut évidemment refuser de répondre à une question ou de permettre un commentaire. L'article pertinent du Règlement est l'article 37, dont voici le texte:

Sauf dispositions contraires prévues dans le Règlement ou autre ordre du Sénat: [...]

(4) Sauf dans les cas prévus aux alinéas (2) et (3) ci-dessus, aucun sénateur ne parle pendant plus de 15 minutes, y compris les questions...

— notez le pluriel —

... ou commentaires...

— notez le pluriel —

... d'autres sénateurs que l'intervenant accepte au cours de son intervention.

Je voudrais également simplement rappeler aux honorables sénateurs l'article 51 du Règlement, dont voici le texte:

Les propos vifs, offensants ou accusateurs sont proscrits.

En ce qui concerne la courtoisie pendant les débats, la reconnaissance du temps de parole d'un orateur et le droit de poser des questions ou de faire des observations sans que cela ne donne lieu à beaucoup de chahutage ou à de nombreuses autres réactions à la Chambre facilitent notre travail, ce qui ne veut pas dire que le chahutage ou les échanges soient interdits. J'ai cru bon de rappeler ces deux règles aux honorables sénateurs.

Je voudrais maintenant clarifier la situation entre le sénateur Cools et moi-même. Je ne sais toujours pas si elle voulait poser une question ou prendre la parole.

Sénateur Cools, vouliez-vous faire une intervention ou poser une question?

(2040)

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, alors que je m'apprêtais à poser une question, j'ai entendu bien des commentaires généraux en provenance de ce coin-là. J'essayais d'expliquer très clairement au Sénat mon intention de prendre la parole. La troisième lecture vient tout juste de commencer au sujet de ce projet de loi et je suis très heureuse de céder la parole au sénateur Banks s'il veut intervenir maintenant. J'ai toutefois posé des questions qui étaient très claires. J'ai alors dit que je voulais...

Son Honneur le Président: Merci, sénateur Cools. Je comprends maintenant. Malheureusement, le temps dont disposait le sénateur Roche est écoulé. Le sénateur Banks a la parole.

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi. Je veux faire trois remarques succinctes à ce sujet, et j'espère que vous les trouverez pertinentes.

Premièrement, cet ancien hymne que nous modifions, d'après le sénateur Cools, date de 1980. L'hymne Ô Canada qui est actuellement autorisé a été présenté dans la Loi sur l'hymne national de 1980. Jusqu'en 1957, environ, tous les Canadiens chantaient des paroles différentes, mais en 1980, une ou deux modifications importantes ont été apportées aux paroles généralement acceptées du Ô Canada. C'est de cette période que datent les paroles.

Deuxièmement, M. Stewart Lindop, dont a parlé le sénateur Roche, a suggéré ce changement ou un changement similaire à la fin des années 80 dans une lettre qu'il a écrite à son député de l'époque. Le point convaincant est celui au sujet duquel le sénateur Cools a posé une question; il a trait aux successeurs de l'auteur et à leur avis. Avec tout le respect que je leur dois, la question des droits qui se pose ici, la question des droits moraux, devrait, je pense, être examinés en fonction de la position de l'auteur, et non de celle de ses successeurs.

L'auteur en question n'était pas Calixa Lavallée, car, comme nous le savons tous, il a écrit la musique. Les paroles qui sont à l'origine de la controverse ont été écrites par Son Honneur le greffier Robert Stanley Weir, de Montréal. J'ai devant les yeux, honorables sénateurs, la version qui a été enregistrée auprès du bureau du droit d'auteur des États-Unis par la compagnie Delmar Music en 1908. Cette même année, elle était inscrite, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, par la compagnie Delmar Music, au ministère de l'Agriculture qui était alors le dépositaire du droit d'auteur et des brevets au Canada.

Dans la version originale de M. Weir, à la troisième noire du troisième temps de la septième mesure, on trouve le mot «us».

Le sénateur Cools: En réponse à tout cela, honorables sénateurs, je propose l'ajournement.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Prud'homme, propose: Que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Non.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'ajournement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Je pense que les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs. Le timbre retentira pendant une heure, à moins d'une entente contraire.

(2140)

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

POURLES HONORABLES SÉNATEURS

Atkins Lynch-Staunton
Banks Nolin
Buchanan Prud'homme
Comeau Robertson
Cools Sparrow
Gustafson Stratton
Kinsella Tkachuk—14

CONTRELES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Lawson
Biron Léger
Callbeck Losier-Cool
Carney Mahovlich
Carstairs Milne
Chalifoux Pearson
Chaput Pépin
Christensen Poulin
Cordy Poy
Downe Robichaud
Fairbairn Roche
Graham Spivak
Hubley Trenholme Counsell
Johnson Wiebe—29
Kroft

ABSTENTIONL'HONORABLE SÉNATEUR

Fraser—1

Le sénateur Cools Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-3 pour faire connaître mon objection à ce que je crois être les prémisses philosophiques du projet de loi, à savoir que les hommes sont les ennemis des femmes et des enfants, et que les femmes sont opprimées par le patriarcat. Je voudrais, d'emblée, vous dire que ma mère était une méthodiste convaincue qui m'a enseigné à respecter la classe ouvrière. J'ai pu observer, il y a longtemps, que la plupart des hommes sont des travailleurs manuels, des mineurs, des ouvriers du bâtiment et des manœuvres, qui exécutent un travail pénible et salissant.

(2150)

Honorables sénateurs, je voudrais dire que je suis encore en faveur de l'égalité, mais cela fait quelques années que je me suis éloignée du féminisme radical et je devrais peut-être préciser aux honorables sénateurs pourquoi. Je trouve difficile à accepter que les femmes, du fait de leur sexe, sont fondamentalement vertueuses et que les hommes, parce qu'ils sont les mâles de l'espèce, sont fondamentalement agressifs et mauvais. J'ai dû m'éloigner de cette position, car je ne peux croire que le sexe d'une personne soit ce qui détermine sa moralité ou sa vertu. Je n'ai pu accepter la proposition voulant que les femmes soient supérieures sur le plan moral aux hommes, et que les hommes, d'une façon ou d'une autre, soient déficients sur le plan moral et qu'ils soient tous des violeurs et des batteurs de femmes en puissance.

Honorables sénateurs, je dis tout cela en tant que l'une des principales autorités au Canada en matière de violence familiale et l'une des premières personnes au Canada à soulever les problèmes de violence familiale. Honorables sénateurs, j'ai également été l'une des premières femmes au Canada à me battre pour l'égalité et l'indépendance chez les femmes, choses dans lesquelles je croyais alors et je crois toujours.

Je voudrais signaler aux honorables sénateurs l'une des raisons pour lesquelles j'ai commencé à m'éloigner du féminisme radical. Je pourrais citer Germaine Greer ou la juge Bertha Wilson qui a déclaré que les femmes juges font vraiment une différence et que les femmes sont plus compatissantes sur le plan éthique. J'en cite juste une, Sally Miller Gearhart, qui s'est décrite elle-même comme une féministe lesbienne radicale dans un article qu'elle a écrit et intitulé «The Future — If There is One — is Female» publié dans le livre de 1982 intitulé Reweaving the Web of Life: Feminism and Nonviolence. Sally Miller Gearhart a dit alors ce qui suit:

Pour garantir un monde de valeurs féminines et de liberté féminine, nous devons, selon moi, ajouter un élément de plus à la structure de l'avenir: le ratio entre hommes et femmes doit être réduit de façon marquée pour que les hommes ne représentent plus environ que 10 p. 100 de la population totale.

Hier, nous parlions de génocide. C'est une déclaration faite par une féministe américaine de premier plan.

Pour sa part, Germaine Greer a dit ceci:

[...] les hommes sont des accidents de la nature, fragiles, fantastiques et bizarres. Être mâle, c'est être une sorte de savant idiot, plein d'obsessions étranges au sujet d'activités fétichistes et d'objectifs fantaisistes, mû simplement par la poursuite d'objectifs arbitraires, condamné à la concurrence et à l'injustice à l'égard non seulement des femmes, mais également des enfants, des animaux et des autres hommes.

Honorables sénateurs, j'ai dû m'éloigner de ce point de vue.

Durant notre échange, un peu plus tôt, j'ai demandé au sénateur Roche de me donner la preuve que le public appuyait leur position. Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour préparer mon intervention, mais j'ai tout de même eu l'occasion de fouiller rapidement dans mes dossiers, où je suis tombée sur un sondage, en date du 8 août 2001, réalisé par le Globe and Mail. Il n'est peut-être plus très actuel, mais, tant que quelqu'un n'en apportera pas un plus récent, je peux me contenter de celui-ci et le présenter au Sénat. L'article porte le titre suivant:

Soixante-dix-sept pour cent des personnes interrogées dans un sondage s'opposent à la castration du «Ô Canada»

Plus loin, dans l'article, on lit ceci:

Un sondage Globe and Mail-CTV, dont les résultats ont été rendus publics hier, a permis de constater que pas moins de 77 p. 100 des Canadiens anglophones interrogés estiment que le fait de modifier les paroles de l'hymne national pour chercher à le rendre plus ouvert à la diversité et accueillant à l'endroit des femmes constitue une «mauvaise idée».

Et cette opinion était partagée autant par les hommes que par les femmes.

«Dans le cas présent, la population s'est exprimée: il n'est pas nécessaire de tout changer», en a conclu John Wright, porte-parole d'Ipsos-Reid. «Il y a des choses auxquelles il vaut mieux ne pas toucher.»

Honorables sénateurs, je trouve souvent difficile que l'on me catégorise comme une espèce de dinosaure, comme si, pour une raison ou une autre, je ne croyais pas à l'égalité des femmes. Car vous devriez avoir vu comment j'ai été élevée, honorables sénateurs: vous ne pouvez savoir ce qu'est l'égalité si vous n'avez jamais rencontré ma mère ou certains des membres de la famille avec lesquels j'ai été élevé, qui sont des descendants de gens de couleur des Antilles britanniques. Vous ne pouvez savoir ce qu'est l'indépendance si vous n'avez pas rencontré certaines de ces femmes. Ma mère m'a enseigné toute jeune à choisir ma propre route sans tenir compte de la foule parce que la foule agit comme un troupeau. Ma mère disait: «Si la foule court dans une direction, arrête-toi et pars dans l'autre sens.»

Honorables sénateurs, je voudrais clarifier quelques affirmations, si possible. Nous n'en avons pas le temps parce que ces questions sont si complexes que nous ne pouvons pas leur rendre justice. J'aimerais parler des Cinq femmes célèbres.

En premier lieu, elles ne sont pas célèbres du tout. La plupart des Canadiens n'ont jamais entendu parler des Cinq femmes célèbres. Personne ne sait qui elles sont. Honorables sénateurs, je n'ai pas participé à ce roulement de tambour au sujet de ces statues à l'extérieur entre autres parce que j'estime honteux que des femmes canadiennes soient allées au Conseil privé, un tribunal en Angleterre, pour essayer de renverser, de contourner, de dominer ou de soumettre un premier ministre canadien libéral, en l'occurrence Mackenzie King. Cela surprend peut-être certains d'entre vous, mais j'éprouve une grande loyauté envers King. Voilà ce que ces Cinq femmes célèbres ont fait. Cette statue à l'extérieur n'est le témoignage de rien d'autre que de quelques femmes, appartenant à une élite extrêmement privilégiée, qui se sont présentées devant un tribunal pour soumettre le premier ministre et le Parlement du Canada et obtenir une décision s'opposant à eux. Par surcroît, toute cette entreprise était insensée. Je vais vous dire pourquoi, honorables sénateurs. Au moment où ces cinq femmes se sont présentées en Angleterre, il y avait déjà des femmes qui siégeaient à la Chambre des communes, notamment Agnes Macphail, au sujet de qui j'ai énormément lu. Honorables sénateurs, à une certaine époque de ma vie, j'ai lu énormément d'ouvrages sur la question, pas récemment, mais je me suis abondamment documentée. Je vous enjoins de ne pas vous laisser berner par cette illusion. Les hommes et les femmes sont également imparfaits, également capables de fautes et également capables d'agression. La nature humaine est ainsi faite. L'être humain est imparfait, et Dieu sait à quel point je sais que nous sommes loin de la perfection.

Honorables sénateurs, je n'en parlerai pas beaucoup, mais certaines des choses que ces femmes ont faites sont loin d'être louables.

J'ai beaucoup lu, pas récemment, au sujet d'Emily Murphy. Elle était raciste. Elle a écrit un livre intitulé The Black Candle, que je n'ai pas consulté depuis quelques années. Néanmoins, je crois que cet ouvrage parle des drogues illicites. Mme Murphy a mené une enquête sur le narcotrafic et je vous signale, honorables sénateurs, que je ne veux pas répéter ce qu'elle a dit au sujet des non-Blancs, particulièrement des Chinois. Je refuse de rendre hommage à ses propos en les répétant.

Ne me présentez pas ces cinq femmes comme un groupe auquel je dois rendre hommage. En toute franchise, honorables sénateurs, un jour, j'ai entendu madame le sénateur Carstairs dire dans cette enceinte que les propos de ces femmes ne seraient pas tolérés dans la société d'aujourd'hui. J'ai des nouvelles pour vous, sénateurs: ces propos n'étaient pas davantage tolérables à l'époque. Nombre de personnes ne les ont pas acceptés, je ne suis donc pas la seule à être de cette avis.

Honorables sénateurs, il y a des différences entre les hommes et les femmes et il y a effectivement eu des injustices, mais il faut considérer ces injustices pour ce qu'elles sont. Il s'agissait d'actes qui s'inscrivaient dans le contexte d'une époque et qui reflétaient la perception courante des rôles des hommes et des femmes dans la société d'alors.

(2200)

Au sénateur Poy et aux autres qui estiment que nous devons modifier l'histoire et la réécrire, je citerai ce qu'a dit au sujet des femmes M. Blackstone, ce grand maître britannique de la common law. Je tire ce passage du volume I de Blackstone, édition de 1876, sous la direction de Robert Malcolm Kerr. Il existe de nombreuses éditions. À la fin du chapitre dans lequel Blackstone traite des rapports entre hommes et femmes et de l'autorité du mari, celui-ci écrit une phrase que j'invite les honorables sénateurs à méditer. Il dit:

Ce sont les principaux effets juridiques du mariage pendant le régime de protection maritale. On peut de là noter que même les interdictions frappant la femme ont en grande partie pour objet de la protéger et de l'avantager. En effet, le sexe féminin est grandement avantagé par les lois d'Angleterre.

Les interdictions qui frappaient les femmes, et elles étaient sérieuses, existaient croyez-le ou non parce qu'il y avait un sens de la protection. On ne s'attendait pas à ce que les femmes soient incitées à entrer dans les forces armées ou à aller à la guerre. Lorsque les détachements d'embaucheurs de force se présentaient, ils ne cherchaient pas des femmes. Lorsque Mackenzie King a eu recours à la conscription, il n'était pas à la recherche de femmes non plus. Les hommes devaient faire le travail.

Rappelez-vous du sénateur MacEachen, qui nous a raconté l'histoire de son père qui descendait dans les mines de charbon, dans le noir, avant même le lever du soleil. Certains de ces hommes ne voyaient jamais la lumière du jour — certains de ces hommes. Nous ne pouvons changer cela.

Honorables sénateurs, quand nous sommes témoins de violence entre hommes et femmes, voyons-y une pathologie de l'intimité, et non des hommes qui oppressent des femmes. Ce n'est pas le patriarcat qui opprime les femmes. Voyez-y une pathologie de l'intimité entre hommes et femmes.

Honorables sénateurs, si nous estimons que l'histoire a été imparfaite dans ce cas particulier, nous ne pouvons la modifier. Dieu sait que je ne suis pas de la même race que les autres personnes ici. Si je veux parler d'histoire, je peux remonter très loin dans le temps. Toutefois, j'ai choisi de ne pas agir de la sorte parce que je respecte la raison et l'intelligence.

C'est tout ce que j'attendais de la part des honorables sénateurs il y a quelques heures. Le débat venait à peine de débuter. J'ai dit que je voulais intervenir. En recourant à la force brute, à la malveillance ou peu importe le qualificatif que vous désirez utiliser, les sénateurs ont décidé de m'empêcher de parler. J'ai rapidement réuni quelques notes, et ce n'est certes pas ce que j'ai préparé de mieux dans ma vie.

En terminant, honorables sénateurs, je désire aborder une question qui me tracasse continuellement. Il s'agit de l'idée de modifier notre hymne national pour en revenir aux paroles originales du juge Weir. Peut-être le sénateur Poy a-t-elle raison. Je ne le sais pas.

Je sais toutefois, honorables sénateurs, que les descendants du juge Weir ont communiqué avec moi. Ils me disent n'avoir trouvé aucune preuve étayant les propos du sénateur Poy. La question a peut-être été étudiée en comité. Je ne le sais pas.

Steven William Weir Simpson m'a écrit le 27 février 2002 en me disant notamment:

... le Parlement a déjà causé assez de dommages. Je joins une copie de la version originale écrite en 1908 par le juge Weir lui- même. Je joins aussi la révision qu'il avait faite des paroles en 1921, qui avait été présentée je crois dans le cadre d'une conférence devant le Cercle canadien, et que nous avons toujours chantée, certainement au Québec et dans la plupart des régions de l'est du Canada.

L'exemplaire qu'il m'a fait parvenir ne correspond pas à ce que le sénateur Poy croit être la bonne version. Je suis bien prête à le reconnaître. Je ne suis pas personnellement interpellée par toute cette question. Cependant, il faudrait que nous nous penchions sur cette différence entre les diverses versions des paroles.

Honorables sénateurs, à mon avis, lorsqu'un débat n'est pas urgent, qu'il est encore nouveau et pas tout à fait mûr, on agit avec un grand manque de respect en votant contre les collègues qui veulent ajourner le débat. Je fais rarement cela. Chaque fois que j'ai recours à cette façon de faire, c'est habituellement parce qu'il s'agit d'une initiative du gouvernement et que la question est urgente.

Honorables sénateurs, je m'oppose à ce qui se passe. Rien au monde ne pourra m'amener à changer d'idée parce que, croyez-le ou non, j'aime mon pays et je crois en lui. Malgré tous ses «ismes», ses défauts et ses imperfections, je maintiens mon opinion. Peu importe ce que mon pays a fait à sa population autochtone, cela reste mon pays. Je n'appuie aucune initiative ayant pour effet de nous ramener à...

Son Honneur le Président: Je regrette d'avoir à informer l'honorable sénateur que son temps de parole est écoulé.

(Sur la motion du sénateur Prud'homme, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI CONCERNANT LES MOTOMARINES DANS LES EAUX NAVIGABLES

TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Banks, appuyée par l'honorable sénateur Spivak, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-10, Loi concernant les motomarines dans les eaux navigables.—(L'honorable sénateur Hervieux-Payette, c.p.).

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, j'ai souvent pris la parole sur ce projet de loi. Je remercie simplement tous ceux qui se sont exprimés sur celui-ci.

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, je crois ne pas me tromper en affirmant que, si madame le sénateur Spivak intervient maintenant, elle mettra fin au débat sur ce projet de loi.

Son Honneur le Président: Il s'agit de la motion du sénateur Banks; par conséquent, c'est lui qui clôturera le débat.

Le sénateur Banks: Je vous prie de m'excuser.

Le sénateur Spivak: Je remercie tous ceux qui ont comparu devant le comité partout dans le pays, qui ont exprimé leur opinion, favorable ou défavorable, mais dans l'ensemble favorable. Je remercie toutes les associations de propriétaires de chalet et chacune des personnes qui sont venues appuyer ce projet de loi. Je remercie également ceux qui ont pris la parole là-dessus, notamment le sénateur Moore...

Son Honneur le Président: Je suis au regret d'interrompre le sénateur Spivak, mais elle est déjà intervenue sur ce projet de loi et n'a le droit d'intervenir qu'une seule fois.

Le sénateur Spivak: Très bien.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Une voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée, et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)

(2210)

PROJET DE LOI INSTITUANT LE JOUR COMMÉMORATIF DE L'HOLOCAUSTE

TROISIÈME LECTURE

L'honorable Marie-P. Poulin propose: Que le projet de loi C-459, Loi instituant le Jour commémoratif de l'Holocauste, soit lu une troisième fois sous sa forme modifiée.—(L'honorable sénateur Poulin).

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'interviens au sujet du projet de loi C-459, Loi instituant le Jour commémoratif de l'Holocauste.

J'aimerais aborder deux éléments préliminaires qui ont peu à voir avec le projet de loi C-459, mais qui sont très étroitement liés aux travaux du Sénat. J'ajoute ma voix à celles de toutes les personnes qui ont exprimé leur profonde déception à l'égard de la façon dont cette mesure législative a été présentée au Sénat. Le Règlement établit clairement qu'il doit y avoir un motionnaire et une personne qui appuie la motion, tout simplement. L'acceptation d'une résolution ou du projet de loi est exprimée au cours du débat et, bien sûr, au moment du vote final.

Il serait inapproprié et injuste, envers les sénateurs qui n'ont pas été désignés comme soi-disant comotionnaires, de présumer qu'ils n'appuient pas le projet de loi C-459 ou, plus particulièrement, l'idée d'instituer un Jour commémoratif de l'Holocauste.

Les honorables sénateurs auront remarqué que je ne figurais pas sur la liste. À la différence de quelques autres sénateurs, j'ai été contactée par le sénateur Grafstein, mais sur le parquet du Sénat, lorsque je m'apprêtais à parler d'un autre sujet. Comme je le fais dans tous les dossiers, et pas seulement au Sénat, à cause peut-être de ma formation juridique et des années que j'ai passées dans la magistrature, peu importe à quel point un principe semble solide, je veux voir le projet de loi ou la motion avant de donner mon accord. J'ai donc répondu au sénateur Grafstein que je voudrais lire le projet de loi et que je lui en reparlerais. Je dois admettre qu'il a été d'accord.

Lorsque j'ai essayé d'aborder la question avec lui, il m'a dit qu'il n'était plus le parrain du projet de loi. Ce n'est que lundi, lorsque le projet de loi C-459 a été présenté, que j'ai appris que c'était le sénateur Poulin qui proposait la motion. À ce moment-là, on m'a dit qu'il ne serait pas fait mention de ceux qui appuyaient la motion, que les règles habituelles s'appliqueraient, avec un sénateur qui propose la motion et un autre qui l'appuie. À mon grand désarroi, la liste des noms a été lue, et, bien entendu, mon nom ne s'y trouvait pas.

J'aurais une deuxième question à aborder. La meilleure façon de commémorer l'Holocauste et de rendre hommage aux victimes, de prendre acte de la violence, de la terreur et de l'injustice dont ont été victimes 6 millions de juifs, hommes, femmes et enfants, entre 1933 et 1945, serait d'accorder toute mon attention au projet de loi, de prendre le maximum de précautions, de suivre les voies régulières et d'appliquer de solides principes démocratiques dans les travaux du Sénat. J'ai donc été très triste et déçue d'entendre certains sénateurs exprimer leur opposition à l'idée d'étudier ce projet de loi en comité plénier. Au même moment, certains sénateurs faisaient savoir qu'ils n'avaient rien su de l'Holocauste pendant qu'il était en cours ou même après, et ce jusqu'à très récemment. Je crois que la meilleure façon pour moi de démontrer mon appui à l'égard de cette phrase contenue dans le préambule —

...s'emploie à protéger les Canadiens contre la violence, le racisme et la haine par le biais de mesures législatives et de l'éducation et par la force de l'exemple et s'acharne à empêcher d'agir ceux qui encouragent ou commettent des crimes de violence, de racisme et de haine...

— est de la répéter aussi souvent que je le peux dans cette enceinte et, à titre de sénateur, d'appuyer les principes démocratiques et de ne pas les court-circuiter. La meilleure façon d'agir serait bien sûr de parler de cette situation chaque fois que c'est possible de le faire. Notre compte rendu n'est-il pas une source d'hommages et d'instruction?

Sur un plan personnel, je peux dire que j'ai moi-même vécu les répercussions de l'Holocauste, comme bon nombre de Canadiens d'ailleurs.

Pour en revenir au projet de loi C-459, j'aimerais faire part de mon appui sur le bien-fondé de ce projet de loi. Pour répondre à certaines des questions que j'ai posées hier, le sénateur Kroft a précisé — et je présume que les sénateurs Poulin et Grafstein sont d'accord puisqu'ils n'ont soulevé aucune objection — que ce projet de loi vise à instituer un Jour commémoratif de l'Holocauste pour les 6 millions d'hommes, de femmes et d'enfants juifs qui ont péri à cause des politiques de haine et de génocide ainsi que de la persécution délibérément planifiée et appuyée par l'État dont les juifs européens ont souffert de la part des nazis et de leurs collaborateurs entre 1933 et 1945.

En rendant hommage à ces personnes, nous ne nions pas que des génocides ou des actes haineux ont été commis auparavant par des États, mais nous disons que l'horreur de ce génocide a galvanisé la communauté internationale pour qu'elle tente d'en examiner les conséquences et de réaffirmer les droits de la personne.

Honorables sénateurs, chaque vie est précieuse et tous les êtres humains sont égaux. Il est de notre devoir de nous souvenir, d'agir et de prévenir d'autres atrocités, peu importe où elles pourraient se produire.

En ce qui concerne ces six millions de personnes, il est extrêmement important que nous poursuivions nos efforts pour enrayer l'antisémitisme partout où il existe. Si ce projet de loi nous rappelle de poursuivre ces efforts, il aura atteint un objectif au Canada. Nous ne pouvons pas entendre des commentaires comme ceux qu'a faits l'ancien premier ministre Mahathir, de la Malaisie, sans broncher et sans prendre les mesures les plus rigoureuses contre de tels propos. Nous ne pouvons pas permettre, sans réagir, que des synagogues et des cimetières soient profanés. Nous ne pouvons pas permettre que la liberté d'expression puisse amener des gens comme Keegstra à répandre la haine.

Je crois en ce précédent, à savoir que, pour favoriser la justice et la paix dans le monde, il vaut la peine d'appuyer un Jour commémoratif de l'Holocauste visant à rendre hommage aux six millions d'hommes, de femmes et d'enfants juifs et à les rappeler à notre souvenir.

Lorsqu'on regarde les atrocités qui se sont produites depuis l'Holocauste, on constate que le monde ne s'est pas encore engagé à affirmer les droits de la personne, mais j'implore tous les honorables sénateurs de s'efforcer de relever ce défi quotidiennement, en paroles et en actions.

Des voix: Bravo!

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Grafstein et les gens de l'autre endroit qui ont présenté ce projet de loi. Je sais qu'il convient tout à fait de rendre hommage aux victimes de l'Holocauste au moyen de cette mesure législative.

J'ajouterais une note personnelle. Ce projet de loi revêt une grande signification pour moi parce que mon grand-père maternel et la plupart de mes tantes, oncles et cousins ont été victimes de l'Holocauste. Cette mesure et les paroles très éloquentes qui ont été prononcées ici ce soir sont un hommage tout à fait juste pour tous ceux qui ont été victimes de l'Holocauste.

Des voix: Bravo!

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, dans la hâte, on a oublié de nous présenter tous les faits. Tel qu'exposé hier soir, et après en avoir discuté avec les honorables sénateurs, j'aimerais rappeler que plusieurs questions posées demeurent malheureusement sans réponse. Par conséquent, j'ai dû faire un peu de recherche et, comme vous le savez, je voterai en faveur de ce projet de loi. Toutefois, je n'aime pas la façon dont on a procédé, comme d'habitude, un peu en cachette et tellement rapidement que personne n'a pu répondre de façon satisfaisante aux questions posées hier.

Je vais donc énumérer, pour les honorables sénateurs intéressés par la question, dont l'honorable sénateur Mahovlich et quelques autres, les fêtes qui ont semblé troubler plusieurs collègues, afin de s'assurer qu'il n'y ait pas de confusion dans l'esprit des Canadiens pour plusieurs années à venir.

Parlons de la fête de Pâques qui aura lieu en 2004. On a constaté une certaine réticence chez certains à afficher leur conviction religieuse, soit chrétienne ou catholique romaine, alors que certains parlent déjà de déchristianisation de nos institutions. On se souviendra du discours mémorable prononcé par l'honorable sénateur Kelly. D'ailleurs, peu de sénateurs ont été attentifs, à cette époque, aux propos de l'honorable sénateur Kelly.

(2220)

Je suis catholique romain. Je sais qu'il y a des fêtes légales au Canada et des fêtes commémoratives, c'est différent. Lorsqu'on se rend dans un pays, on demande quelles sont les fêtes légales, et il y en a souvent six, sept ou huit. Par ailleurs, il y a plusieurs fêtes commémoratives, dont celle que nous propose la Chambre des communes. Il n'y aura pas de confusion, car plusieurs sénateurs craignaient que cela arrive le dimanche de Pâques ou le Vendredi saint.

En 2004, Pâques sera le 11 avril et la commémoration sera le 18 avril. — En 2005, la Pâques catholique sera le 27 mars, ce qui n'entre pas en conflit avec cette fête que nous commémorerions le 6 mai. Pâques, en 2006, sera le 16 avril et cette fête du Yom ha-Choah sera le 25 avril.

En 2007 — la question a été posée — Pâques, qui est fêtée au Canada, sera le 8 avril alors que le Yom ha-Choah sera le 15 avril. En 2008, le 23 mars sera la fête de Pâques et le Yom ha-Choah aura lieu le 2 mai.

L'année 2009 sera une grande année de départs, de même que 2004; 11 sénateurs nous quitteront en 2004, et 11 en 2009, dont moi, si Dieu me prête vie jusque là.

En 2009, Pâques sera le 12 avril et le Yom ha-Choah, que je fêterai, sera le 21 avril. C'est le genre de renseignements de base que des témoins auraient pu nous donner si nous les avions entendus. Cela veut dire que chaque année, la date va changer. Il faut se préparer, il faut être logique.

Ce que je trouve bizarre, et une personnne ici sait très bien de quoi je vais parler, ce qui m'ennuie, c'est qu'on dit toujours «plus jamais», tout le monde est beau, tout le monde s'aime, il n'y a plus d'horreur; et cela continue depuis ce temps-là.

Je pensais que mon pays, le Canada, pourrait éviter ces campagnes de haine. Je pensais que ma province — je n'ai pas dit «mon État», je n'en suis pas rendu là — le Québec, qu'on pointe souvent du doigt, le pourrait; que ma Ville de Montréal, qui va traverser — et c'est terrible — de grandes difficultés car on y parle de fusion et de défusion, de riches et de pauvres, de langue anglaise et de langue française, le pourrait. Et voilà qu'au moment où on nous parle d'amour, d'ouverture et d'amitié, le Suburban, dans son édition du 10 septembre — d'ailleurs vous allez en entendre beaucoup parler car nous avons bien l'intention d'organiser ce qu'il se doit en réaction à ceci— un invité à la Shaare Zion synagogue, M. Jody Benyunes, qui vient de la Floride, dit:

[Traduction]

«Les musulmans ne devraient pas avoir le droit d'immigrer dans des pays démocratiques».

L'article renferme des propos incroyablement haineux.

Les sénateurs doivent comprendre quelque chose. Le sénateur Fraser et moi-même sommes d'accord sur bien des questions, et il est certain que nous sommes d'accord sur le fait que le Suburban n'est pas notre journal préféré. Le problème, c'est le tort qu'il cause. Il est distribué gratuitement de porte à porte dans l'ouest de l'île de Montréal. Habituellement, il s'en prend avec beaucoup de plaisir aux Canadiens français. Toutefois, maintenant, c'est un commanditaire.

L'événement était parrainé par Mark et Judy Litvak. J'allais faire une déclaration à ce sujet demain parce que certaines personnes pourraient les traîner devant les tribunaux parce que, si la haine pure existe, c'est ce qui se passe actuellement. Nous essayons d'éduquer les gens et de leur rappeler ce qu'était l'Holocauste.

J'ai toujours dit au sénateur Grafstein, avec qui je suis totalement en désaccord sur nos politiques en ce qui concerne le Proche-Orient, que nous devrions unir nos efforts pour expliquer aux gens l'horreur de l'Holocauste. Il y a quelques instants, madame le sénateur Spivak nous a parlé de sa famille qui a vécu des moments horribles. Je dois admettre que le mari de madame le sénateur n'a pas été trop gentil avec moi lorsque j'ai été élu président du caucus libéral national dans un scrutin secret contre Sheila Copps, mais c'est une autre affaire. J'ai gagné, alors tout est bien.

En ce moment, nous nous efforçons d'ouvrir nos cœurs et nous invitons chacun des Canadiens à commémorer cet événement chaque année. Toutefois, je me retrouve dans le même bateau que les sénateurs qui préféreraient une date fixe, de façon à ce que les éducateurs puissent graver cette date dans l'esprit des enfants qui leur sont confiés. Bon, tant pis.

Je me sens juif. Je répète que mes propos de ce soir, je les dédie à une amie à moi de Montréal qui s'appelle Janet. Je ne vous donne pas son nom de famille, mais je vous le dirai un jour. Bien évidemment, elle est de confession juive. Ces propos lui sont dédiés.

Je veux essayer de convaincre mes collègues. Je sais que je vais mourir en tentant de convaincre des gens qui ne veulent pas être convaincus. Ils préfèrent manipuler les autres et tourner en rond, détruisant des réputations. Je peux certainement vous parler, honorables sénateurs, de réputations qui ont été détruites.

Ce n'est pas seulement notre collègue Leo Kolber qui peut écrire des livres. Les honorables sénateurs seront horrifiés d'apprendre ce que des gens peuvent dire derrière des rideaux, des choses qu'ils ne diraient pas ouvertement. Je les appelle les commères.

À ce moment, honorables sénateurs, lorsque nous voulons faire quelque chose de positif, je dis que la Chambre des communes s'y est mal prise. Elle l'a fait en secret. Elle l'a fait...

[Français]

«En catimini», cela veut dire «en cachette». Au Québec, c'est une expression très connue, «on va leur en passer une petite vite». Un petit peu comme hier soir.

[Traduction]

Cela fonctionne. C'est ce que j'ai entendu dire: C'est bien que nous ayons remis cela jusqu'à aujourd'hui. Le Suburban est un torchon.

[Français]

Si vous saviez toutes les insultes que nous, les Canadiens français, endurons! Vous, à Winnipeg, ne souffrez pas de cette maladie mortelle que nous avons à Montréal. C'est nous qui devons vivre à Montréal. Et ceux d'entre vous qui s'offusquent de mon propos, allez demander au sénateur Fraser, qui est une bonne amie.

(2230)

Demandez-lui quelques renseignements sur le Suburban, demandez-lui le mal que fait ce torchon, ce que cette guenille peut faire au moment où nous essayons de convaincre les gens de commémorer chaque année une des plus grandes horreurs.

Je vois quelques sénateurs qui me regardent avec de beaux grands yeux et qui ne sont pas branchés sur la langue que j'emploie. Je vous jure que c'est payant de se désâmer à essayer de convaincre ces honorables sénateurs. Certains ne peuvent probablement pas endurer. Non seulement ils ne se branchent pas pour écouter, mais ils sont prêts à quitter. Alors, quittez!

Une chose est certaine, quand on recherche la paix sociale, on commence chez soi, mais moi je vais combiner les deux. Ce torchon, cette guenille contre les musulmans, et je ne suis ni musulman, ni Arabe, ni Palestinien. Je suis un Canadien français du Québec et je suis nationaliste. Je ne m'en cache pas. Je respecte les autres qui sont Canadiens anglais du Québec et nationalistes.

C'est cela, le sain nationalisme. Je n'irai pas m'excuser. On vient juste de me faire parvenir ce torchon, au moment où nous avons à traverser des grands problèmes à Montréal. Au moment où nous parlons de beauté, de célébration et de commémoration, toute la communauté musulmane se fait insulter par ce torchon. Honorables sénateurs, j'allais proposer un amendement, j'avais prévenu que je le ferais. Tout de suite, le mot s'est répandu et j'ai entendu le retour, honorables sénateurs. Ce n'était pas gentil, on a dit que je voulais me servir du Règlement.

[Traduction]

Je dois vous dire que, si je propose un amendement ce soir, ce sera tout pour aujourd'hui. Je ne donnerai pas mon consentement pour le vote en troisième lecture du projet de loi; s'il y a un amendement, il faudra en terminer avec lui avant de pouvoir voter. Toutefois, je ne jouerai pas les jeux ridicules des roturiers de la Chambre des communes, où j'étais bien heureux d'assister secrètement aux débats, me servant du petit livre, ne bavardant qu'avec deux ou trois personnes. J'espère qu'on suivra mon exemple à l'avenir, lorsqu'on abordera des questions aussi importantes et aussi horribles que l'Holocauste. Ce n'est pas le moment des enfantillages, c'est le moment où les femmes et les hommes d'État doivent jouer leur vrai rôle.

Je voterai en faveur du projet de loi, et je me demande qui d'autre pourrait le défendre avec plus de passion. Il y a encore des personnes qui refusent de croire à l'Holocauste. Même si ces gens ne sont pas nombreux, je suis prêt à les confronter n'importe quand, n'importe comment.

Son Honneur le Président: Je regrette de devoir signaler au sénateur qu'il ne lui reste plus de temps.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais, ce soir, dire quelques mots sur ce projet de loi.

Quand nous instituons un jour commémoratif, comme le fait ce projet de loi, c'est en fait pour nos enfants et nos petits-enfants. Pour beaucoup d'entre nous, l'Holocauste est très réel. Nous avons entendu les propos du sénateur Spivak. Il est clair que sa proche famille a été durement touchée; et ces malheurs ont inévitablement affecté sa famille élargie. Or, ce que nous savons de l'histoire, c'est qu'elle est trop souvent et trop facilement oubliée, de sorte que d'autres événements et d'autres moments créent un souvenir différent et, d'une manière ou d'une autre, lui confèrent une couleur qui la rend plus acceptable que la réalité.

C'est pourquoi j'espère que chaque professeur du pays utilisera ce projet de loi comme instrument pédagogique pour expliquer à ses élèves les horreurs survenues et le sort réservé aux enfants.

Lorsque je me suis rendue au musée de l'Holocauste à Washington, j'ai trouvé qu'il était pénible de le parcourir. Pour moi, les sections les plus difficiles sont celles qui sont consacrées aux enfants, parce que ces enfants n'ont jamais pu avoir une vie. Ils n'ont jamais pu bénéficier d'une vie entière, riche, vu les atrocités perpétrées à leur endroit.

Je crois que nous adoptons une bonne mesure ce soir; nous adoptons une mesure noble. Cependant, elle ne sera noble que si elle est utilisée, si elle est autre chose qu'un assemblage de mots et qu'elle engage à l'action. Cette action sera de montrer à la génération actuelle, à la prochaine et aux futures générations que nous avons des leçons à apprendre de l'Histoire, que nous ne devons oublier ni ses horreurs ni ses beautés.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Sénateur Grafstein, n'êtes-vous pas intervenu?

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Je ne suis pas intervenu à l'étape de la troisième lecture. Je serai bref car il se fait tard.

Honorables sénateurs, à première vue, le projet de loi institue un jour commémoratif. Les sénateurs se sont assurément demandés ce qu'était un jour commémoratif. Le mot «commémoratif» vient du mot «mémoire». Le mot «mémoire» vient du verbe latin memorare, qui signifie mettre en mémoire. En hébreu le mot «mémoire», zecher, a un sens réfléchi et un sens actif. Le fait de se remémorer, de se souvenir, de mettre en mémoire nécessite à la fois un effort de réflexion et, comme le sénateur Carstairs l'a signalé, une action.

Ce projet de loi ne vise pas à nourrir la pensée dialectique lugubre et sombre qui a conduit à l'Holocauste. Au contraire, le but élevé du projet de loi est de susciter un dialogue d'espoir, la transformation de l'âme humaine et le renouveau de la condition humaine. Honorables sénateurs, il s'agit de poser des questions, de chercher et, comme un grand poète l'a déjà dit, de ne pas céder aux motivations sombres de la condition humaine. Ce projet de loi nous pousse vers la lumière qui nous extirpera des ténèbres et nous permettra de nous épanouir au soleil. J'invite les sénateurs à approuver prestement ce projet de loi.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu une troisième fois, est adopté.)

(2240)

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Mahovlich, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-250, Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse).—(L'honorable sénateur Tkachuk).

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je n'étais pas certain si j'allais intervenir sur ce projet de loi qui a été présenté en premier à la Chambre des communes. J'ai cependant été renversé du peu de temps qu'on y a consacré à l'autre endroit. Il m'arrive de penser que notre tête est subordonnée à notre coeur, bien qu'il nous appartienne de faire fonctionner les deux simultanément.

Ce projet de loi d'initiative parlementaire a suscité beaucoup d'anxiété au sein des milieux politiques. J'ai entendu d'autres honorables sénateurs parler du nombre de gens qui sont en faveur des modifications proposées à la Loi sur l'hymne national. Si on interrogeait les Canadiens, on s'apercevrait que personne n'est même au courant que nous traitons de ce projet de loi-là. Mais c'est bien différent dans le cas du projet de loi-ci. Je le répète, il a suscité énormément d'anxiété dans les milieux politiques. En tant que politicien, j'ai appris à écouter non seulement les réactions d'appui, mais aussi les voix discordantes. C'est notre lot en cet endroit.

L'auteur du projet de loi, un député de l'autre endroit et un homme qui se présente lui-même comme un homosexuel, décrit cette mesure législative comme un moyen de protéger les homosexuels contre tous ces gens dans la société qui s'attaquent aux autres pour la simple et unique raison qu'ils s'écartent de la norme. Il y a à notre porte des gens qui pensent que les homosexuels ne devraient pas être visés, en tant que groupe, par les dispositions du Code criminel concernant la protection contre la propagande haineuse. Il y en a qui ne reconnaissent pas le principe même des dispositions législatives en matière de propagande haineuse, et d'autres qui s'inquiètent des conséquences du projet de loi C-250 sur la liberté de religion et la liberté d'expression. Il est intéressant de constater que de nombreux groupes minoritaires protégés par les dispositions législatives en question, tels que les musulmans et autres, ne voient pas d'un bon oeil l'inclusion des homosexuels au nombre des groupes visés par ces dispositions. Des groupes juifs, musulmans et chrétiens, eux-mêmes formant des minorités, expriment tout haut leur inquiétude et même, dans certains cas, leur répugnance à l'endroit du projet de loi. Des évangélistes, des pentecôtistes et des catholiques leur emboîtent le pas.

Leur argument se fonde sur le fait qu'ils dénoncent le mode de vie des homosexuels et considèrent que c'est un anathème par rapport aux enseignements de leur Dieu. Ils craignent de perdre le droit de dénoncer un style de vie qu'ils n'approuvent pas.

Nous sénateurs avons le devoir de les écouter. Après tout, il y a de nombreuses minorités dans ces groupes. Le Sénat a été créé justement parce que la majorité ne pouvait protéger les droits des minorités — il était trop facile de profiter de ces minorités. Dans ce cas, je crois qu'un tel argument est un peu exagéré. Il suppose que la majorité, dans un État démocratique, est tellement ignoble et moralement dégénérée qu'elle n'a aucunement l'intention de protéger les droits des minorités. Après tout, la common law dit clairement que toute personne ou tout groupe qui incite quelqu'un à commettre des gestes pouvant causer des torts ou des blessures à une personne ou un groupe commet un acte criminel. Il existe donc une loi pour protéger les gens. Si vous conseillez à quelqu'un de blesser quelqu'un d'autre, si vous fomentez une conspiration pour causer un préjudice à quelqu'un ou si vous propagez l'idée de faire mal à quelqu'un, vous commettez un acte criminel. La majorité, qui a rédigé notre common law, comprend qu'il arrive parfois que des groupes ou des individus profèrent des menaces qu'il faut prendre au sérieux.

En vieillissant, j'ai appris qu'il fallait être précis dans nos lois et, dans le projet de loi C-250, nous incluons ce qu'on appelle l'«orientation sexuelle». J'apprécie la sagesse de nos tribunaux, mais j'ai appris, avec le temps, que les juges peuvent se tromper royalement. Comme nous, ils sont des êtres humains avec des faiblesses. À titre de législateurs, nous avons le devoir de ne pas mettre trop lourdement à contribution leur intelligence. Ce sont les tribunaux qui ont complètement chamboulé la définition du mariage et bon nombre de nos programmes sociaux. Ces programmes sociaux visaient à protéger les familles avec des enfants, de manière à ce que les mères puissent rester à la maison pour s'occuper des petits. Ils sont maintenant devenus un droit associé à l'acte conjugal. Ce n'est pas nous qui avons fait cela; ce sont les tribunaux.

Les gens nous disent que le système judiciaire comprend la signification de l'orientation sexuelle. Je ne crois pas cela un seul instant. Les tribunaux vont en étendre et en modeler la définition, et cet endroit n'aura absolument pas son mot à dire. Voilà ce qui préoccupe tant les groupes religieux et autres — les autres minorités, en fin de compte.

Comme bien d'autres, j'ai des raisons de me méfier du pouvoir des juges de légiférer en étendant le sens de définitions que nous croyions limpides et que les rédacteurs législatifs estimaient claires en 1982. Si le corps politique est divisé — et il l'est, honorables sénateurs — et, si les élus du peuple ont été aussi divisés au moment du vote libre sur cette question, nous avons alors le devoir d'aider à résoudre ce problème ou de le mettre en veilleuse.

Il n'y a pas de crise majeure dans notre pays et il y a de fortes chances pour que Svend Robinson, qui est politicien, se soit livré à de basses manœuvres. Nous ne le savons pas. Il représente une certaine communauté. Comme il tire des conclusions sur les gens qui s'opposent au projet de loi, je peux peut-être me permettre d'en tirer à son sujet. Il fait peut-être cela uniquement pour gagner les bonnes grâces de sa propre communauté.

L'orientation sexuelle peut signifier beaucoup de choses, qui vont de l'homosexualité au crime d'inceste et à la pédophilie. Les homosexuels ne forment pas une race. Ils ne se définissent que par l'attirance qu'ils ressentent pour les gens de leur sexe. C'est très bien, mais, selon eux, c'est leur comportement sexuel qui les distingue. D'après les statistiques que j'ai consultées, les victimes de crimes qualifiés de crimes contre la communauté homosexuelle sont des hommes, pas des femmes. Les femmes homosexuelles ne font pas l'objet de ce type de criminalité dans la rue.

Une autre donnée intéressante figurant dans les statistiques du ministère de la Justice à ce sujet est que les gens se proclamant victimes de crimes dits haineux sont pour la plupart victimes d'attaques par des bandes. Or, il s'agit des mêmes bandes qui s'en prennent aux personnes âgées, aux femmes hétérosexuelles, aux hommes de faible constitution et aux personnes obèses en les agressant et en les violant. Quiconque diffère des membres de la bande risque d'être agressé et violenté. Cela n'a rien de personnel. C'est simplement que ces gens sont méchants.

Svend Robinson a voté en faveur du registre des armes à feu, mais il aurait plutôt dû songer au milliard de dollars engagés pour éliminer la criminalité des gangs dans les villes de Montréal, Toronto, Vancouver et à la grandeur du pays. Honorables sénateurs, ce n'est pas le projet de loi qui protégera sa communauté contre les crimes haineux, mais la police et le système judiciaire, et la volonté de la communauté d'engager de l'argent dans la prévention de ce genre de criminalité.

La prostitution n'est pas illégale. Pourquoi, dans ce cas, ne protégeons-nous pas les prostitués? Nous avons tous été atterrés par le cas de cet homme qui a été agressé et tué dans le parc Stanley, à Vancouver. La police examine actuellement les fouilles d'une ferme porcine, dans les basses terres de la Colombie-Britannique, où pourraient se trouver les restes de 50 à 100 femmes. C'est le résultat d'un authentique crime haineux.

De nombreuses personnes sont préoccupées par la liberté religieuse et la liberté d'expression. Le projet de loi dit que nous devons protéger la liberté d'expression. Nous devrions peut-être mieux examiner notre Constitution, parce qu'il semble que nous n'y croyons pas suffisamment pour croire qu'elle protège la liberté d'expression. Des amendements ont été apportés au projet de loi, afin de renforcer la protection de la liberté d'expression et de la liberté religieuse. Notre Constitution n'est pas assez forte; nous avons dû modifier le projet de loi pour dire que la question nous tient tant à coeur que nous ajouterons du poids aux modifications constitutionnelles et que nous avons réellement l'intention de protéger la liberté d'expression. Nous voulons qu'il soit clair que le projet de loi ne touche pas à la liberté de religion ou à la liberté d'expression. Nous savons tous ce que cela signifie. Certains craignent que les tribunaux s'en donnent à coeur joie avec ce projet de loi.

(2250)

Honorables sénateurs, je suis un peu libertaire, mais, en même temps, je pense être démocrate. Il faut écouter tous les gens que la question inquiète. Je ne veux pas que nous passions deux jours ici à nous agiter et à nous convaincre qu'il faut adopter le projet de loi. Je veux que l'on tienne de nombreux débats dans cette enceinte. Nous avons tous la responsabilité de répondre aux préoccupations de ces gens, de faire des recherches et de réfléchir à ce que signifie ce projet de loi pour ensuite prendre les mesures qui s'imposent.

Sur ce, je n'en dirai pas plus long dans le cadre de ce débat.

(Sur la motion du sénateur Banks, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI SUR L'ASSOCIATION DES CONSEILLERS EN FINANCES DU CANADA

PROJET DE LOI D'INTÉRÊT PRIVÉ VISANT À MODIFIER LA LOI CONSTITUTIVE—TROISIÈME LECTURE

L'honorable Richard H. Kroft propose: Que le projet de loi S-21, Loi visant la fusion de l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance et de l'Association canadienne des planificateurs financiers sous la dénomination l'Association des conseillers en finances du Canada, soit lu une troisième fois.

— Honorables sénateurs, je ne souhaite pas parler bien longtemps à cette heure-ci, et l'objet de ce projet de loi n'exige vraiment pas que je le fasse. Ce projet de loi spécial vise à fusionner l'Association canadienne des planificateurs financiers et l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance. La société fusionnée sera connue sous la dénomination l'Association des conseillers en finances du Canada, ou Advocis.

Les modifications proposées par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce visent à corriger une certaine confusion relevée par l'Institut des fonds d'investissement du Canada, l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières et des courtiers en finances indépendants en ce qui concerne le nouveau rôle de l'association dans la réglementation de certaines activités comme la planification financière.

Des questions ont été soulevées en comité à propos du nom de l'association et d'une loi québécoise interdisant l'utilisation de titres semblables à celui de planificateur financier. La loi québécoise en question régit les activités des planificateurs financiers qui exercent leur profession au Québec et qui offrent des services financiers dans cette province. Le règlement d'application de cette loi dresse la liste de certains titres qui sont semblables à celui de planificateur financier et qui sont interdits.

Selon un avis provenant du Bureau du légiste parlementaire, cette mesure législative ne peut avoir d'incidence sur la dénomination donnée à une personne morale créée aux termes d'une loi fédérale. Par contre, cette personne morale serait tenue de respecter la loi du Québec lorsqu'elle donne des titres à ses membres qui exercent leur profession au Québec. Pour pouvoir porter le titre de planificateur financier au Québec, les membres de la personne morale devraient satisfaire entièrement aux exigences de la loi québécoise.

J'ajouterai ceci. Je sais que je partage entièrement l'avis de l'honorable leader de l'opposition à ce sujet. J'espère que c'est l'une des dernières fois que nous avons à traiter au Sénat une de ces lois spéciales de fusion ou de réaménagement. Il s'agit d'un anachronisme qui n'a plus sa place. Les parties visées par ce genre de loi spéciale doivent y consacrer du temps et de l'argent, tout comme le Sénat et un de ses comités qui doivent prendre du temps pour étudier une question qui ne relève pas vraiment d'eux. Bien que nous n'ayons pas vraiment contribuer à ce projet de loi, je crois parler au nom du Comité des banques en disant que nous songerons sous peu à modifier la Loi sur les corporations canadiennes afin que ces mesures ne soient plus nécessaires à l'avenir.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

[Français]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois que vous donnerez votre consentement pour reporter tous les points qui n'ont pas été abordés à la prochaine séance du Sénat sans que ces points perdent leur place respective au Feuilleton.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, que tous les points à l'ordre du jour qui n'ont pas été abordés soient reportés et gardent leur place au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 5 novembre 2003, à 13 h 30.)


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