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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 93

Le lundi 3 novembre 2003
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le lundi 3 novembre 2003

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

QUESTION DE PRIVILÈGE

AVIS

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 43(7) du Règlement du Sénat du Canada, je donne avis oral que je soulèverai la question de privilège cet après-midi. Plus tôt aujourd'hui, conformément au paragraphe 43(3) du Règlement du Sénat, j'ai donné un avis par écrit au greffier du Sénat, l'informant que je soulèverai la question de privilège à propos de la séance que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a tenue le vendredi 31 octobre 2003, même si le Président n'a pas encore rendu décision au sujet du rappel au Règlement effectué le jeudi 30 octobre 2003 concernant la pratique permettant aux comités de siéger en dehors de leurs heures de séance régulières.

En temps voulu, je demanderai à Son Honneur le Président de se fonder sur les faits détaillés que je présenterai afin de déterminer si la question de privilège lui paraît fondée, comme je le crois. Si la question de privilège est jugée fondée, je serai disposé à proposer la motion appropriée.

[Français]

LANGUES OFFICIELLES

LE VOYAGE DU COMITÉ DANS L'OUEST

L'honorable Maria Chaput: Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir que je reviens aujourd'hui sur les audiences publiques que le Comité sénatorial permanent des langues officielles a tenues la semaine dernière dans l'Ouest canadien, notamment dans ma province du Manitoba. Je tiens tout d'abord à remercier la présidente et le vice-président du comité, les sénateurs Losier-Cool et Keon, qui ont grandement contribué au succès des audiences publiques de cette semaine.

Je les remercie également d'avoir choisi Saint-Boniface pour accueillir les représentants franco-manitobains ou fransaskois. Je remercie tous les autres sénateurs du comité qui se sont intéressés à la cause de mes concitoyens et qui m'ont aidée à la défendre. Je remercie enfin le Centre culturel franco-manitobain de nous avoir si aimablement fourni les locaux et l'aide logistique essentielle pour la tenue de nos réunions.

Par-dessus tout, je remercie les témoins du Manitoba que notre comité a reçus, du survol de la vie en français au Manitoba que nous a offert la Société franco-manitobaine à l'incroyable table ronde de quatre ministres du gouvernement provincial, en passant par les témoignages de la division scolaire franco-manitobaine et le Collège universitaire de Saint-Boniface. Notre comité a appris le succès et les difficultés de l'éducation en français dans ma province.

Je tiens à souligner particulièrement la très grande qualité de la présentation de nos témoins, d'autant plus remarquables qu'ils avaient eu moins de trois semaines pour se préparer. Grâce à ces témoins, notre comité est maintenant mieux armé pour poursuivre son étude de l'éducation en français en milieu minoritaire. Grâce à notre comité, les francophones de l'ouest du Canada ont maintenant un interlocuteur de plus au sein de l'appareil fédéral. Je vous remercie en leur nom.

[Traduction]

LES MINORITÉS VISIBLES

L'ÉTUDE RÉALISÉE PAR LE CONFERENCE BOARD DU CANADA

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, en septembre, je suis intervenu dans cette enceinte au sujet d'une étude réalisée à ma demande par le Conference Board du Canada sur les obstacles à l'avancement des minorités visibles. Ce projet est plus qu'une étude. Il vise à mettre en place, à l'échelle canadienne, des normes visant à faire en sorte que les minorités visibles aient un accès égal à l'emploi et aux postes de direction, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

Aujourd'hui, je suis heureux d'annoncer que le projet entre dans sa deuxième phase qui comprend l'analyse de la contribution économique des minorités visibles au Canada, des séances de consultation avec les représentants des minorités visibles et des immigrants nouveaux-venus, des études de cas d'organisations nationales et internationales exemplaires, dont les politiques et les pratiques ont réussi à créer des milieux de travail inclusifs.

Grâce à l'appui général tant du secteur public que du privé, le Conference Board a été en mesure de procéder à un examen approfondi des documents et des données disponibles sur les minorités visibles. La présélection pour les groupes de consultation et l'élaboration des guides d'entrevue pour l'étude de cas sont présentement en cours. Les critères de sélection des organisations pour l'étude de cas sont rigoureux. Les personnes retenues doivent montrer que leurs techniques d'embauche et de sélection des employés tiennent compte de la diversité; les minorités visibles doivent avoir accès à des programmes de promotion de carrière et il doit y avoir, au sein de la collectivité minoritaire, un engagement marqué de la part des entreprises et une forte participation. Enfin, les gestionnaires doivent montrer leur capacité de rendre des comptes lors de l'évaluation du rendement et de la mise en oeuvre des programmes de formation. Plus important encore, la représentation des minorités visibles doit correspondre à la disponibilité sur le marché du travail, particulièrement quand on examinera la représentation des minorités visibles dans les postes de direction et de gestion.

Honorables sénateurs, les résultats obtenus fourniront des balises importantes en vue de l'élaboration de solutions à appliquer aux entreprises canadiennes. Ces résultats seront également inclus dans le guide des pratiques exemplaires de l'employeur. Il est prévu que cette étape se terminera d'ici la fin novembre. L'étape finale du projet comprend entre autres un sommet du leadership.

Honorables sénateurs, selon moi, c'est l'étude la plus impressionnante et la plus importante jamais entreprise au nom des minorités visibles du Canada. Grâce au travail du Conference Board et à l'appui de généreux commanditaires des secteurs public et privé, nous sommes sur le point de créer une société canadienne plus inclusive.


AFFAIRES COURANTES

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Lorna Milne, présidente du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, présente le rapport suivant:

Le lundi 3 novembre 2003

Le Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a l'honneur de présenter son

DOUZIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique) et certaines lois en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du 27 octobre 2003, étudié, ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Votre Comité note qu'il a donné instruction au légiste et conseiller parlementaire d'apporter une correction d'ordre administratif au parchemin, à la page 14 de la version anglaise, article 12, ligne 26, en remplaçant les mots «Ethics Commissioner» par les mots «Senate Ethics Officer».

Respectueusement soumis,

La présidente,
LORNA MILNE

(1410)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose: Que la troisième lecture du projet de loi C-34 soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et l'étude du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

LA LOI SUR LES PRODUITS DANGEREUX

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-260, Loi modifiant la Loi sur les produits dangereux (cigarettes à inflammabilité réduite).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Robichaud, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dans deux jours.)

LE GROUPE INTERPARLEMENTAIRE CANADA-JAPON

DÉPÔT DU RAPPORT DE LA 24e ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L'ANASE, TENUE DU 7 AU 12 SEPTEMBRE 2003

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le rapport de la 24e Assemblée générale de l'Organisation interparlementaire de l'assemblée des Nations de l'Asie du Sud-Est, à Djakarta, en Indonésie, tenue du 7 au 12 septembre 2003.

LANGUES OFFICIELLES

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et par dérogation de l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à siéger à 17 h 30 aujourd'hui, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est- elle accordée?

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je me trouve dans une situation difficile dont j'aimerais vous faire part. L'ordre du jour du comité, qui est affiché, indique la comparution d'un témoin distingué, mais cela ne pourra se faire puisque celui-ci doit aussi participer aux travaux du Sénat. Le comité doit débattre d'un projet de loi que j'ai parrainé et je le remercie de bien vouloir l'étudier. Cependant, je me trouve dans la même situation que beaucoup d'honorables sénateurs, celle d'avoir à me trouver en même temps au Sénat et à un comité.

Si je comprends bien, les heures de séance habituelles d'un comité seraient lorsque le Sénat ne siège pas. Par conséquent, lorsque le Sénat lève sa séance, je viendrai à coup sûr au comité. J'ai examiné la minute avec l'honorable sénateur Robichaud et nous nous sommes entendus pour dire que le programme de cet après-midi serait très chargé. Sachant l'ordre du jour, qui comprend un vote, je crois pouvoir affirmer avec certitude que nous siégerons encore à 17 heures cet après-midi.

Son Honneur le Président: La permission n'est pas accordée, honorables sénateurs.

SÉCURITÉ NATIONALE ET DÉFENSE

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER DURANT L'AJOURNEMENT DU SÉNAT

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je donne avis que mardi prochain, le 4 novembre 2003, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé, conformément à l'alinéa 95(3)a) du Règlement, à siéger pendant l'ajournement du Sénat le 17 novembre 2003 et le 24 novembre 2003, même s'il se pourrait que le Sénat se soit alors ajourné pour une période de plus d'une semaine.

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À DÉPOSER SON RAPPORT PROVISOIRE AUPRÈS DU GREFFIER DU SÉNAT

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je donne avis que mardi prochain, le 4 novembre 2003, je proposerai:

Que, nonobstant les pratiques habituelles, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à déposer un rapport intérimaire sur les services d'intervention d'urgence et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

[Français]

LANGUES OFFICIELLES

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER LA RADIODIFFUSION DE LANGUE FRANÇAISE DANS LES COMMUNAUTÉS
MINORITAIRES FRANCOPHONES

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je donne avis que, mardi prochain, le 4 novembre 2003, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de langues officielles soit autorisé à examiner et à faire rapport sur les mesures à prendre pour encourager et favoriser la prestation et l'accès au plus large éventail possible de radiodiffusion de langue française dans les communautés minoritaires francophones du Canada et,

Que ledit comité fasse rapport à la Chambre le ou avant le 16 février 2004.

Honorables sénateurs, cela fait trois fois que je présente la même motion depuis trois ans, je suis fatigué!


PÉRIODE DES QUESTIONS

QUESTIONS AU FEUILLETON

DEMANDE DE RÉPONSES

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader adjoint du gouvernement, l'honorable sénateur Robichaud, qui manifeste une intention gouvernementale de répondre aux questions écrites. Il y a plusieurs questions qui sont inscrites au Feuilleton depuis le 11 octobre dernier. Toutes ces questions concernent la Loi sur les carburants de remplacement, adoptée par le Parlement. Ces questions visent le ministre des Transports, le sous-ministre des Transports et les fonctionnaires du ministère des Transports, le ministre des Affaires intergouvernementales, son sous-ministre ainsi que les fonctionnaires de ce ministère et, enfin, le greffier du Conseil privé et les fonctionnaires du Conseil privé.

Quand l'honorable leader adjoint du gouvernement pense-t-il que nous aurons les réponses à ces questions?

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je porterai certainement votre question à l'attention du leader du gouvernement, l'honorable sénateur Carstairs. Je suis certain qu'elle verra à quérir l'information pour savoir quand nous pourrons recevoir les réponses à ces questions.


[Traduction]

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—RECOURS AU RÈGLEMENT—DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant que nous ne passions à l'ordre du jour, je voudrais rendre ma décision sur les séances de comité consacrées à l'étude du projet de loi C-34.

Honorables sénateurs, comme vous le savez, jeudi dernier, le 30 octobre, le sénateur Kinsella a invoqué le Règlement à propos d'une réunion que le Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement avait tenue plus tôt ce jour-là. Le comité s'était réuni à 10 heures pour entendre deux témoins dans le cadre de l'examen du projet de loi C-34 qui vise à modifier la Loi sur le Parlement du Canada pour prévoir la nomination de conseillers en éthique distincts pour le Sénat et la Chambre des communes.

(1420)

Le sénateur Kinsella a critiqué le fait que la séance du comité avait eu lieu en dehors des heures habituelles et que, par conséquent, aucun des membres de l'opposition faisant partie de ce comité n'avait pu assister à cette séance au complet à cause de conflits d'horaire. Le leader adjoint de l'opposition a soutenu que cette façon de faire allait à l'encontre des pratiques, coutumes et usages établis au Sénat. Lorsqu'il a invoqué le Règlement, le sénateur Kinsella m'a prié de tenir compte de cela et de déclarer que l'audience de jeudi matin du Comité du Règlement a été «illégalement tenue».

[Français]

D'autres sénateurs sont intervenus en faveur de la position prise par le sénateur Kinsella. Le sénateur Lynch-Staunton a critiqué le fait qu'aucun des membres de l'opposition faisant partie du comité, sauf un, n'avait été consulté au sujet de la séance de jeudi matin. Comme le leader de l'opposition l'a déclaré, «ce que nous déplorons — et c'est peut-être autorisé par le Règlement — c'est qu'un président de comité, avec l'appui d'un membre du comité directeur, puisse unilatéralement perturber l'horaire de travail d'un comité et décider du moment où il siégera. Cela se fait peut-être et c'est peut- être permis, mais la courtoisie la plus élémentaire, l'usage et, espérons-le, le respect mutuel que nous nous portons devraient empêcher que pareille situation se produise».

[Traduction]

Le sénateur Cools a aussi participé à la discussion, soulignant que, à sa connaissance, un comité ne peut se réunir hors des périodes qui lui sont allouées qu'en application d'une décision unanime de ses membres: ce n'est pas une décision que peut prendre seul le comité directeur. Les sénateurs Joyal et Andreychuk ont chacun fait valoir la difficulté d'équilibrer leurs engagements envers les comités qui se réunissent en même temps et pareils conflits les empêchent de bien remplir leurs responsabilités. Faisant allusion à ce qui s'est passé jeudi dernier, le sénateur Andreychuk a déclaré: «Il faut lire le Règlement en fonction de ce qui est équitable, juste et pertinent. Le Règlement n'est pas simplement là pour qu'on en profite.» Le sénateur Grafstein a lui aussi exprimé son malaise par rapport à la situation. Enfin, le sénateur Kinsella a réitéré que, comme Président, je devais prendre en considération la pratique, l'usage et les coutumes, car le Règlement ne couvre pas tout.

Le sénateur Carstairs, leader du gouvernement, et le sénateur Milne, présidente du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, ont également pris la parole. Déclarant qu'il n'y avait pas matière à invoquer le Règlement, le leader du gouvernement a noté que les conflits d'horaire ne sont pas rares, surtout lorsqu'un grand nombre de comités siègent. Le sénateur Carstairs a ajouté qu'on essaie malgré tout de réduire ces conflits au minimum et de concilier les intérêts des sénateurs, notamment tout au début, quand le Comité de sélection établit la composition des comités permanents. Néanmoins, comme l'a souligné le sénateur Carstairs, il se produit inévitablement des conflits, c'est la nature du système parlementaire. Le leader du gouvernement a conclu ainsi son intervention: «Il est évident que les sénateurs d'en face n'ont pas aimé ce qui s'est passé. Je peux le comprendre, mais sincèrement, cela ne confère aucune légitimité à leur recours au Règlement.»

[Français]

Le sénateur Milne a expliqué pour sa part que le comité directeur du Comité du Règlement avait été autorisé par le comité à établir le programme et le calendrier des audiences, mais cette autorisation ne restreint pas le comité à l'horaire fixé. Selon le sénateur Milne, la décision de se réunir jeudi a été prise par le comité directeur mardi de la semaine dernière mais n'a malheureusement pas été annoncée au comité à sa séance de mercredi. Néanmoins, comme l'a fait remarquer le sénateur Milne, l'avis a été dûment donné et le Règlement a été pleinement respecté.

[Traduction]

Je tiens à remercier tous les honorables sénateurs de leur participation à la discussion de jeudi dernier. Vous vous souvenez peut-être que j'ai quitté mon fauteuil brièvement après les échanges sur le recours au Règlement, afin d'étudier ma décision. J'étais prêt à trancher, mais les circonstances m'en ont empêché. J'ai profité du temps supplémentaire ainsi accordé et suis maintenant prêt à rendre ma décision.

Dans ma décision, je tiens compte du fait qu'on m'a pressé de prendre en considération les coutumes, pratiques et usages établis par le Sénat et pas uniquement le Règlement. Le mode de fonctionnement du Sénat n'est certes pas dicté entièrement par des règles écrites. Le déroulement des séances et de nos travaux est, dans une large mesure, marqué au sceau de la coopération, de la collégialité et du respect mutuel. Le Sénat a toujours mis un point d'honneur à travailler par consensus quand il le peut. Même quand cela est impossible, il réussit habituellement à éviter les disputes partisanes et les âpres affrontements mettant aux prises les sénateurs du parti ministériel et ceux de l'opposition ou même d'autres sénateurs.

Quand il a invoqué le Règlement, le sénateur Kinsella a reconnu l'importance relative de la pratique comparativement aux règles, puisqu'il a affirmé qu'«à moins qu'il n'y ait une règle explicite pour écarter la pratique, la coutume doit être respectée». Il s'agit là d'un bon conseil que j'ai tenté de suivre. Par ailleurs, je constate que plusieurs sénateurs, dont les deux leaders au Sénat, ont reconnu qu'en tenant sa réunion jeudi dernier au matin, le Comité du Règlement n'a pas enfreint de règle explicite. La question soulevée concerne plutôt le respect et la courtoisie dont fait preuve habituellement le Sénat dans ses travaux. Cependant, en ma qualité de Président, je ne suis pas habilité à imposer la coopération. Seuls les sénateurs peuvent choisir de la pratiquer. Que le grief soit justifié ou non, mon rôle consiste à interpréter les règles de mon mieux et à exercer mon pouvoir de façon à protéger les intérêts supérieurs du Sénat.

Compte tenu des arguments qui ont été présentés, rien ne m'autorise à intervenir de façon extraordinaire pour annuler les travaux du Comité du Règlement. Je ne pense même pas être investi d'un tel pouvoir. Cependant, pour autant que je puisse voir, la réunion du Comité du Règlement n'avait rien d'«illégal», les règles ayant été respectées. En effet, avis de la réunion avait été donné et il y avait quorum. L'opposition a exprimé ses objections et plusieurs sénateurs se sont plaints des conflits causés par la simultanéité et le chevauchement de séances de comités. De tels conflits sont certes exaspérants et peuvent susciter un sentiment d'injustice, mais il n'y a rien que je puisse faire en tant que Président, puisque aucune disposition du Règlement n'a été violée.

Selon certains, le whip de l'opposition n'aurait pas consenti à ce que la séance du Comité du Règlement soit déplacée. Il est admis qu'on obtient habituellement le consentement des deux whips avant qu'un comité tienne une séance en dehors de ses heures habituelles. Il s'agit d'une pratique ou d'une coutume qui s'est établie au cours des dernières années afin de servir les intérêts du gouvernement et de l'opposition, ainsi que de l'ensemble des sénateurs. Mais cette pratique ne concerne aucunement le Président et elle ne figure pas dans le Règlement. Comme le Sénat n'a pas intégré cette pratique dans le Règlement afin de l'officialiser, elle échappe à ma compétence.

Comme on l'a dit jeudi dernier, les comités jouissent d'une grande autonomie en matière de procédure. D'ailleurs, le paragraphe 760(3) de la sixième édition du Beauchesne précise que le Président de l'autre endroit a plus d'une fois expliqué qu'il n'avait pas compétence pour statuer en matière de procédure des comités. J'estime qu'en l'absence de violation d'une disposition expresse du Règlement, il en va de même au Sénat.

Le rappel au Règlement est donc irrecevable.


[Français]

ORDRE DU JOUR

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, dans les affaires du gouvernement, j'aimerais qu'on appelle d'abord, sous la rubrique «rapports de comité», l'article no 1, pour ensuite reprendre l'ordre proposé au Feuilleton.

[Traduction]

LE BUDGET DES DÉPENSES DE 2003-2004

ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ PERMANENT DES FINANCES NATIONALES SUR LE BUDGET SUPPLÉMENTAIRE DES DÉPENSES (A)

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Biron, tendant à l'adoption du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget supplémentaire des dépenses (A) 2003-2004), présenté au Sénat le 22 octobre 2003.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, je veux consacrer quelques minutes au Budget des dépenses. Je souhaite poursuivre dans la même veine que les sénateurs Comeau et Doody, qui ont parlé la semaine dernière de la difficulté que pose l'analyse du budget lorsque celui-ci renferme des renseignements incomplets, voire trompeurs. Par ailleurs, comme on l'a aussi souligné, nombre de ministères et d'agences participent parfois au même programme et les données sont réparties dans tout le document du budget, si bien qu'il est extrêmement difficile de trouver le montant exact dépensé pour un grand nombre d'activités. J'ai été encouragé, mardi dernier, lorsque le leader du gouvernement au Sénat a assuré aux sénateurs qu'elle écrirait à la présidente du Conseil du Trésor en joignant leurs observations à sa lettre, et comme elle l'a dit, «en ajoutant ma voix à la leur pour que le budget soit plus facile à consulter à l'avenir».

(1430)

Soit dit en passant, les sénateurs ne sont pas les seuls à avoir de la difficulté à comprendre le budget dans sa forme actuelle. Dans sa décision sur un recours au Règlement relativement au budget qu'il a rendue il y a à peine un mois, le Président de l'autre Chambre a dit ceci: «Cette question met en évidence la nécessité de fournir au Parlement des renseignements clairs et complets afin qu'il puisse s'acquitter de ses responsabilités.»

Afin de réitérer l'importance de la question, je veux fournir un autre exemple qui s'ajoutera à ceux déjà fournis par mes collègues.

Le document d'information, qui ne fait pas partie du livre bleu, indique que le montant de 130,4 millions de dollars d'aide au secteur canadien du bois d'œuvre résineux au chapitre d'Industrie Canada est divisé entre le ministère lui-même, 105,9 millions de dollars, et 24,5 millions de dollars à l'Agence de développement économique du Canada pour la région du Québec. Dans le livre bleu, on présente le montant de 105,9 millions de dollars sur une page et celui de 24,5 millions de dollars sur une autre. Il faut avoir un regard aiguisé pour s'apercevoir que les deux concernent le même programme et, sans le document d'information, cela aurait peut-être échappé même aux regards les plus avertis.

En fait, un examen du Budget des dépenses depuis novembre 2001, il y a tout juste deux ans, moment où il a été fait mention pour la première fois du programme d'aide pour les travailleurs du bois d'œuvre, révèle qu'un montant de plus de 250 millions de dollars lui a déjà été consacré, partagé entre les ministères du Commerce international, des Ressources naturelles, de l'Industrieet des Affaires étrangères. D'après ce que je peux voir, le même programme a été confié à ces ministères, et peut-être à d'autres, mais s'ils existent, on ne les a pas encore trouvés, sans coordination visible entre eux, de sorte qu'il est impossible de se faire une idée globale de la façon dont les crédits affectés à ce programme sont dépensés, ni où.

Cette façon de faire est assez courante. La façon de présenter l'information est assez courante aussi. Les prochains Jeux olympiques de Vancouver, par exemple, pour ne citer qu'un cas très récent, font intervenir de nombreux ministères et il n'existe pas de document public qu'on puisse consulter pour obtenir une mise à jour immédiate du total des dépenses gouvernementales réelles et projetées qui sont consacrées à ce projet.

La semaine dernière, le sénateur Doody a parlé des 31 millions de dollars prévus dans le Budget des dépenses sous la rubrique «Acquisition de biens immobiliers situés à Gatineau» par la Commission de la capitale nationale. On ne précise pas l'endroit exact ou le but de l'acquisition dans le Budget des dépenses ou le document d'information, qui est un document distinct qui paradoxalement renferme plus d'informations que le livre bleu, même s'il ne précise pas dans ce cas-ci l'achat par la Commission de la capitale nationale. Ce n'est qu'en interrogeant des fonctionnaires du Conseil du Trésor qu'on a obtenu de vagues détails. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi ils n'ont pas été insérés dans le livre bleu, surtout du fait que la Commission de la capitale nationale ne cache pas depuis des années qu'elle souhaite faire l'acquisition des terrains appelés Weston-Eddy. Pourquoi ne pas en parler dans le livre bleu?

Ce qui est beaucoup plus inquiétant, c'est l'évolution de la transaction, alors que malheureusement, c'est un autre exemple où le Parlement ne sert qu'à approuver sans discussion les projets. Permettez-moi d'expliquer ce que je veux dire par là.

Le 18 juin 2003, le Conseil du Trésor a approuvé l'inclusion de 31 122 885 $ dans le Budget supplémentaire des dépenses au titre de l'acquisition. Le 19 juin, le lendemain, un décret a autorisé l'achat. À ma connaissance, aucune annonce publique n'a été faite au sujet de cette transaction non négligeable avant le 2 octobre, lorsque la Commission de la capitale nationale a tenu une conférence de presse pour annoncer l'acquisition de terrains industriels sur la rive québécoise de la rivière des Outaouais. L'acte de vente avait été signé la veille.

On va prétendre que tout cela respectait la pratique de longue date, et je n'ai aucun doute là-dessus. Quoi qu'il en soit, c'est une pratique qui se moque de ce qui a déjà été l'une des plus importantes, voire la plus importante, des responsabilités du Parlement, en particulier la Chambre des communes, soit le contrôle des cordons de la bourse. Bien entendu, le Parlement pourrait refuser d'approuver les montants déjà dépensés, qui sont simplement une avance consentie par le Conseil du Trésor, mais on ne permettra pas que cela se produise, même si cela devrait arriver. Quoi qu'il en soit, il y a lieu de se demander: pourquoi le Parlement n'a pas au moins été informé du fait qu'une entente de principe avait été conclue avant que l'entente ne soit signée, scellée et délivrée. Pourquoi ces 31,1 millions de dollars n'ont-ils pas été inclus dans le Budget principal des dépenses en mars, alors qu'il est évident, à la lecture de l'acte de vente, que c'était une transaction complexe qui était en préparation depuis des mois?

C'est le dernier exemple qui montre qu'on a réduit le rôle du Parlement à celui d'un spectateur impuissant dans un domaine où il a déjà eu un pouvoir important. Tout cela est peut-être légal, mais pour reprendre une expression populaire de nos jours, ce n'est certes pas éthique.

En ce qui concerne les avances consenties par le Conseil du Trésor, le Comité sénatorial des finances s'est penché sur l'étendue et la portée des activités financées à l'aide des crédits pour éventualités pendant de nombreuses années et a présenté une analyse très fouillée de la question dans un rapport en date du 6 juin 2002. Je recommande la lecture du rapport, car il s'agit d'une excellente évaluation de la question. Je me contenterai d'en citer quelques extraits, car ceux-ci témoignent très bien des préoccupations que devraient partager tous les parlementaires. Le rapport parle du pouvoir d'avancer des fonds dont dispose le Conseil du Trésor et du remboursement effectué par les ministères en cause au moment de l'autorisation du projet de loi de crédits.

En vertu de cette autorisation, le Conseil du Trésor peut engager des dépenses relativement à des initiatives n'ayant pas été préalablement soumises à l'examen du Parlement. Normalement, un ministère qui se voit allouer des crédits pour une dépense autre que la feuille de paie est tenu de les rembourser par le biais des crédits obtenus en vertu du Budget supplémentaire des dépenses. Ainsi, la dépense est portée à l'attention du Parlement, qui l'approuve lors de l'adoption du projet de loi de crédits.

Tout est là. Le Conseil du Trésor consent des avances, le gouvernement dépense, et le Parlement donne son approbation. En effet, ceux qui ont en main les cordons de la bourse se font dire: «Vous faites mieux d'approuver les dépenses car vous n'avez pas le choix. Vous ne savez absolument pas ce que nous avons fait ni comment nous y sommes parvenus, mais l'argent est dépensé et, par conséquent, vous n'avez d'autre choix que de l'approuver.»

En de nombreuses occasions, notre comité a discuté avec les fonctionnaires du Conseil du Trésor de la possibilité de clarifier les lignes directrices concernant les crédits pour éventualités et de veiller à ce qu'elles correspondent davantage à leur objectif initial. Le rapport précise ce qui suit:

La vérificatrice générale a fait remarquer que le libellé du crédit pour éventualités est extrêmement général et que les termes «diverses menues dépenses imprévues» n'ont été définis d'aucune façon par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Selon elle: «Ce libellé a donné au Secrétariat beaucoup de latitude au fil des ans pour interpréter l'autorisation de dépenser.» Elle a aussi souligné que les analystes avec lesquels son bureau avait discuté au cours de la vérification en vue de son rapport publié en avril 2002 avaient tous des points de vue différents sur le sens de ces termes. Cette latitude dans l'interprétation du libellé est inquiétante. De l'avis de la vérificatrice générale, elle a donné lieu à des dépenses gouvernementales n'ayant pas été approuvées par le Parlement. Lors des audiences du comité elle a déclaré:

Nous craignons que les dépenses faites par le gouvernement sous forme de subventions, en vertu de l'autorisation provisoire de dépenser conférées par le crédit pour éventualités du gouvernement, ne soient pas conformes à l'intention du Parlement.

On précise à la fin du rapport que le Conseil du Trésor examine actuellement «ses pratiques et lignes directrices» et qu'il «s'attend à pouvoir annoncer des changements à l'automne 2002.»

Un an a passé, et nous attendons toujours.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je voudrais prendre la parole à l'étape de l'étude du neuvième rapport du Comité sénatorial des finances nationales, et plus spécifiquement en ce qui a trait à la transaction intervenue entre la Commission de la capitale nationale et l'entreprise Weston, concernant un terrain situé dans la ville de Gatineau. Ce terrain est facile à voir, il est situé de l'autre côté de la rivière. C'est à juste titre, je le pense, que la CCN a, depuis longtemps, envisagé d'acquérir ce terrain. Ce terrain n'est pas tellement esthétique, car nous avons, d'une part, un symbole de la culture, le Musée des civilisations, et d'autre part, cette usine. Même si cette usine fournit de l'emploi à des Québécois de la région, il n'en reste pas moins que d'un point de vue esthétique, ce n'est pas très beau.

(1440)

La CCN n'a donc jamais caché son intention d'acquérir ce terrain.

Il est important, honorables sénateurs, que nous examinions notre rôle dans ce dossier. On nous demande d'approuver ce rapport. J'ai quelques réticences à approuver ce rapport. Mes réticences seraient moindres si on acceptait de mettre en exergue ou de retirer du rapport, ou des estimés budgétaires, cette demande de 31 millions de dollars pour cette transaction.

Les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor ont offert de l'information aux honorables sénateurs ayant participé aux travaux du comité afin de faire la lumière sur cette transaction. Cette offre était suffisamment importante pour que les rédacteurs du rapport consignent au rapport cette offre des fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor. À ce moment-ci, si je ne m'abuse, cette lumière n'a toujours pas été faite. On nous demande d'approuver un rapport qui laisse encore plusieurs questions sans réponse.

Par conséquent, j'ai effectué quelques recherches personnelles. Ces recherches ont révélé que la transaction existe déjà. Cette vente a bel et bien eu lieu au début du mois d'octobre, et quittance a été accordée au moment de la transaction. En effet, un transfert de sommes d'argent a été effectué pour le montant prévu à la transaction.

Cette vente se distingue des simples ventes immobilières dûment enregistrées que l'on voit couramment au Québec dans les bureaux de notaires. Il s'agit d'une vente sans garantie. En général, dans le cadre d'une transaction immobilière, lorsqu'un acheteur offre d'acheter un immeuble sans garantie, cela soulève des questions sur les responsabilités du vendeur. Ces questions doivent être posées. Lorsqu'un acheteur acquiert un immeuble, de surcroît industriel depuis 1888, est-il raisonnable de prétendre qu'il accepterait d'acheter un terrain sans que son vendeur ne lui garantisse la vente?

Pourquoi la CCN décide-t-elle d'acquérir un terrain industriel sans garantie?

Autre élément cocasse, cette transaction contient un usufruit. On va tenter de nous éblouir avec cet usufruit, car il fait en sorte que la CCN va recevoir, au cours des 25 prochaines années, environ 28 millions de dollars. Nous avons donc une transaction de 36 millions de dollars et un usufruit échelonné d'une valeur de quelque 28 ou 29 millions de dollars, ce qui ne représente pas un grand risque.

Pourquoi donc ne pas avoir transféré l'immeuble avec la contrainte qui existe déjà sur ce titre, c'est-à-dire un bail pour les 25 prochaines années — bail qui vient d'être renouvelé, comme par hasard, il y a quelques mois, entre Weston et la compagnie de papier Scott? Pourquoi la CCN n'aurait-elle pas acheté le bail également, plutôt que d'élaborer une transaction selon laquelle on reprendrait une partie de l'investissement échelonné sur une période de temps?

On nous demande d'approuver des estimés budgétaires et, plus spécifiquement, cette allocation de fonds à la CCN, alors que les fonctionnaires ont offert de faire la lumière sur cette transaction — ce qu'ils n'ont toujours pas fait. Et on nous demande d'avoir confiance, de donner notre bénédiction car les informations viendront plus tard.

Dans l'hypothèse où nous approuvons le rapport, nous avons devant nous un projet de loi qui nous demande d'approuver ces estimés budgétaires. Allons-nous recevoir ces informations? Allons- nous obtenir réponse à ces questions fort troublantes? J'aimerais qu'on m'explique pourquoi on acquiert un terrain industriel sans garantie. Je crois que nous en présumons un peu la raison. Nous pouvons présumer que cette absence de garantie peut comporter une pollution industrielle, une dépollution et un investissement majeur pour dépolluer un terrain riverain sur la rivière des Outaouais. Qui va défrayer les coûts pour dépolluer ce terrain? Vous et moi et tous les autres Canadiens devront défrayer ces coûts, car le petit usufruit de 28 millions de dollars ne couvrira pas l'étendue des coûts rattachés à un effort de dépollution. Qui sait, peut-être s'agit-il d'un terrain propre?

Autre information pertinente, ce terrain a fait l'objet d'un protocole d'entente en 1996, il y a sept ans. Que sait la CCN lorsqu'elle signe, en 2003, un acte de vente comme acheteur et accepte que le vendeur ne lui offre aucune garantie? Qu'a-t-elle appris depuis 1996?

À la limite, honorables sénateurs, la question est douteuse. Des questions doivent définitivement être posées, non seulement aux fonctionnaires du Conseil du Trésor, mais à ceux et celles qui ont eu connaissance d'informations depuis 1996 — et avant 1996 pour signer ce protocole d'entente — jusqu'à aujourd'hui. Il y va de nos fonds en tant que contribuables, de l'argent de nos enfants et de nos petits-enfants. Est-ce là notre objectif lorsque nous décidons de faire un travail consciencieux? Pour ma part, lorsqu'on me demande d'approuver une transaction sans garantie, mon travail est de poser toutes les questions et d'obtenir toutes les réponses.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne se lève pour prendre la parole, je poserai la question: les honorables sénateurs sont-ils prêt à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Day, avec l'appui de l'honorable sénateur Biron, propose: Que le rapport soit adopté.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté avec dissidence.)

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—MESSAGE DES COMMUNES—MOTION D'AMENDEMENT—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, c.p.:

Que, en ce qui concerne le message envoyé au Sénat par la Chambre des communes en date du 29 septembre 2003, concernant le projet de loi C-10B,

i) le Sénat n'insiste pas sur son amendement no 2;

ii) le Sénat n'insiste pas sur sa version modifiée de l'amendement no 3 que la Chambre des communes a rejeté;

iii) le Sénat n'insiste pas sur sa version modifiée de l'amendement no 4 mais agrée l'amendement fait par la Chambre des communes à l'amendement no 4; et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

Et sur la motion de l'honorable sénateur Watt, appuyée par l'honorable sénateur Adams, que la motion, ainsi que le message de la Chambre des communes en date du 29 septembre 2003, au sujet du projet de loi C-10B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux) soient déférés au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude et rapport.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, ce message de l'autre endroit nous a été envoyé il y a déjà quelque temps. Le fait que le gouvernement fasse obstruction à son propre projet de loi nous laisse plutôt perplexes. Quoi qu'il en soit, nous vivons des temps inhabituels. Il est difficile de savoir si les sénateurs d'en face rament tous dans la même direction. Il semble parfois que certains rament dans une direction, et les autres dans la direction opposée. Il est à espérer que ce projet de loi n'est pas victime d'un manque d'unité.

Nous sommes saisis d'une motion d'amendement du sénateur Watt, motion que j'appuie. Je souhaite que nous puissions au moins prendre rapidement une décision à ce sujet. Quand je dis «rapidement», je veux dire aujourd'hui ou demain.

(1450)

Espérons que le gouvernement ne fera pas traîner les choses parce qu'il ne parvient pas à prendre parti quant à la proposition.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le mot clé a été dit par le sénateur Kinsella. Je m'attends à ce que l'honorable sénateur Bryden puisse s'exprimer à ce sujet «bientôt». Comme il vient tout juste d'arriver, il ne sera prêt que demain. Ensuite, nous pourrons discuter de l'amendement.

[Traduction]

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, comment le leader adjoint du gouvernement au Sénat peut-il justifier de refuser à certains des sénateurs de son parti d'intervenir dans un débat sur un projet de loi du gouvernement — un projet de loi qu'il appuie entièrement — en imposant une attribution de temps, tout en permettant aux sénateurs qui s'opposent à un projet de loi que le leader adjoint supporte également, de prendre tout le temps dont ils ont besoin pour manifester leur opposition?

[Français]

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je n'ai pas de commentaires sur l'affirmation que vient de faire l'honorable sénateur Lynch-Staunton. Le processus suit son cours et le débat se poursuit. Les choses se passent comme elles doivent se passer.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, les choses sepassent comme elles doivent se passer selon l'interprétation de la procédure du leader adjoint.

[Traduction]

Il importe de souligner que, quoi qu'il advienne de ce message et du projet de loi, nous n'avons aucune responsabilité à l'égard du retard à prendre le vote sur ces deux éléments. L'opposition tente d'accélérer la prise de décision d'un côté ou de l'autre. Je vais voir à ce que toutes les protestations que j'ai entendues, particulièrement de la part de ceux qui s'inquiètent des mesures portant sur la cruauté envers les animaux, soient transmises à nos vis-à-vis qui continuent de mettre un frein à ce processus.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je n'ai aucun doute que le leader de l'opposition en ferait autant.

(Le débat est reporté.)

[Traduction]

PROJET DE LOI SUR LA DATE DE PRISE D'EFFET DU DÉCRET DE REPRÉSENTATION ÉLECTORALE DE 2003

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Léger, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-49, Loi sur la date de prise d'effet du décret de représentation électorale de 2003.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je tiens à participer au débat sur le projet de loi C-49 qui vise à accélérer la mise en place de la nouvelle délimitation des circonscriptions électorales.

En termes simples, ce projet de loi permet de faire passer du 25 août 2004 au 1er avril 2004 la date de mise en vigueur de la nouvelle carte électorale. Les nouvelles limites des circonscriptions électorales qui sont basées sur le recensement de 2001 entreront en vigueur après la première dissolution du Parlement.

Avant de passer aux principaux points que je veux soulever, j'aimerais revoir certains des renseignements de base portant sur la mesure législative proposée. Honorables sénateurs, à la suite de chaque recensement décennal, on remanie les cartes électorales pour tenir compte des changements démographiques. Comme le soulignent les documents d'information du gouvernement à propos du projet de loi C-49, le remaniement est prévu par la Loi constitutionnelle de 1867 et par le principe de représentation effective, inscrit dans l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le mécanisme législatif qui sous-tend le processus de remaniement électoral du Canada est la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

Par ce processus, des modifications ont lieu tous les 10 ans, ce qui comprend l'ajout d'un plus grand nombre de sièges pour les provinces dont la population s'est accrue considérablement, et un remaniement des cartes électorales pour tenir compte des mouvements de population à l'intérieur des provinces.

Le processus prévu dans la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales comprend des commissions fédérales de délimitation des circonscriptions électorales, établies dans les provinces et chargées de tenir des audiences publiques pour faciliter le processus de remaniement. Les commissions, qui sont présidées par un juge nommé par le juge en chef de chaque province, se composent également de deux habitants de chaque province désignés par le Président de la Chambre des communes. Ces commissions peuvent accepter des mémoires de la population au cours de leurs délibérations. En outre, les députés de la Chambre des communes ont l'occasion d'apporter une autre contribution en recourant à un processus d'objections coordonné par un comité parlementaire. Cependant, les décisions finales concernant le remaniement des limites des circonscriptions électorales incombent aux commissions.

En prenant leurs décisions, les commissions se fondent sur plusieurs facteurs. Par exemple, sauf dans des cas exceptionnels, la population de chaque circonscription électorale d'une province doit toujours représenter plus ou moins 25 p. 100 de la population moyenne des circonscriptions de cette province. En outre, les commissions doivent également examiner des questions comme la communauté d'intérêts et les modèles historiques d'une circonscription électorale pour tirer leurs conclusions. Comme l'a souligné la Commission royale de 1991 sur la réforme électorale et le financement des partis, le respect de critères de ce genre vise à favoriser une représentation effective.

En ce qui concerne la répartition et la nouvelle répartition des sièges par province, la Constitution dit que les sièges de la Chambre des communes doivent être répartis entre les provinces en fonction de leur population. Cette mesure vise à assurer l'égalité parmi les électeurs. Comme l'a dit la commission royale de 1991:

L'égalité des électeurs est assurée si la répartition des sièges entre les provinces est conforme au principe de la représentation proportionnelle et si la délimitation des circonscriptions électorales respecte le principe de la représentation selon la population.

Il est clair que le degré d'application de chacun de ces principes au Canada a changé en fonction de l'évolution des mécanismes, législatifs ou autres, qui ont joué un rôle dans la définition des limites des circonscriptions électorales tout au long de notre histoire nationale. Je reviendrai sur cet élément plus tard, car il s'agit d'une question qui m'intéresse tout particulièrement — la relative sous- représentation de certaines provinces de l'Ouest.

Pour l'instant, il suffit de dire que, lorsque les nouvelles limites de la présente redistribution entreront en vigueur, le nombre de sièges à la Chambre des communes passera de 301 à 308. L'Ontario obtiendra trois sièges supplémentaires, alors que la Colombie- Britannique et l'Alberta en auront chacune deux de plus.

En vertu de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, les nouvelles limites prennent normalement effet pour des élections déclenchées un an après que l'on a donné avis des nouvelles limites. Dans le cadre du remaniement actuel de la carte électorale, l'avis a été donné le 25 août 2003. Cela veut dire que, s'il devait y avoir des élections au printemps, principal motif pour lequel le gouvernement a présenté le projet de loi C-49, ces élections se tiendraient normalement dans le cadre des anciennes limites, alors que les nouvelles limites seraient utilisées si la dissolution du Parlement avait lieu le 25 août 2004 ou plus tard.

L'effet net du projet de loi C-49 est d'avancer de cinq mois la date à partir de laquelle la nouvelle carte électorale sera en vigueur, c'est- à-dire au 1er avril 2004.

En présentant ce projet de loi, M. Don Boudria, ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, a donné l'explication suivante:

Ce projet de loi offre une meilleure assurance que les prochaines élections se tiendront dans le cadre des nouvelles limites des circonscriptions électorales. [...] Il permettra à tous les partis politiques, à tous les candidats et à Élections Canada de s'adapter à la nouvelle carte électorale. Pris isolément, ces objectifs semblent louables. Cependant, j'ai bien dit «pris isolément».

(1500)

Je ne veux pas déclencher un débat sur la valeur relative de ce que propose ce projet de loi pris isolément, mais je tiens à souligner une chose: si l'on considère cette mesure législative dans le cadre plus vaste de l'attitude et de l'approche générale du gouvernement à l'égard du processus de délimitation des circonscriptions électorales — comme en fait foi son bilan de bricolage à cet égard — ce projet de loi confirme une tendance déconcertante. Celle-ci révèle une attitude de la part du gouvernement Martin-Chrétien qui semble signifier que la révision des limites des circonscriptions électorales n'est qu'un autre instrument que le gouvernement fédéral peut employer à sa discrétion, qu'on peut changer comme on le veut les mesures et les mécanismes prévus dans la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, pourtant conçus pour assurer la prévisibilité, la fiabilité et le bon fonctionnement du processus de révision des circonscriptions électorales, pour satisfaire aux caprices politiques, et souvent à court terme, du parti au pouvoir.

Ce n'est pas la première fois que le gouvernement Martin- Chrétien change la date d'entrée en vigueur de nouvelles limites de circonscriptions électorales. Contrairement aux deux tentatives précédentes, ce projet de loi hâte l'entrée en vigueur des nouvelles circonscriptions au lieu de la retarder.

Je suis convaincu que les honorables sénateurs se souviendront qu'en 1994, de nombreux députés libéraux d'arrière-ban se sont opposés aux nouvelles cartes électorales élaborées après le recensement de 1991. À cette occasion, le gouvernement a réagi en présentant le projet de loi C-18, qui aurait mis au rebut tout le travail déjà accompli en matière de révision des circonscriptions et aurait interrompu le processus pendant deux ans. Si cette mesure législative à courte vue et fortement intéressée avait été adoptée, les élections de 1997 auraient été tenues à partir des circonscriptions électorales établies seize ans auparavant.

À l'époque, nous, sénateurs du Parti progressiste-conservateur, étions en nombre suffisant pour faire modifier le projet de loi C-18. Le résultat concret de nos amendements, c'est que la période de suspension a été ramenée de deux à un an, les commissions de délimitation des circonscriptions électorales ont eu le droit de compléter la phase en cours de leurs travaux et que, après une année, les commissions ont eu le droit de poursuivre leurs travaux à partir du point où elles les avaient interrompus.

Un objectif essentiel des amendements conservateurs était d'empêcher que le projet de loi C-18 ne fasse échec au nouveau découpage électoral, et que, si des élections étaient déclenchées en 1997, elles aient lieu, et à juste titre, conformément aux données du recensement de 1991.

N'étant pas parvenu à ses fins avec le projet de loi C-18, le gouvernement a ensuite essayé d'atteindre le même objectif — empêcher le redécoupage électoral en 1995 — en présentant le projet de loi C-69. Certains sénateurs se souviendront que ce projet de loi est mort au Feuilleton, les sénateurs progressistes-conservateurs ayant insisté pour que le projet de loi et les questions connexes fassent l'objet d'un examen en règle au comité.

Comme le prouvent ces exemples, le bilan du gouvernement en matière de respect de l'intégrité et de la prévisibilité du processus de révision des circonscriptions électorales laisse à désirer.

Cela dit, la modification réfléchie et pour le long terme de ce système est une question qui mérite notre attention constante en tant que législateurs fédéraux. À cet égard, j'aimerais faire une ou deux remarques.

Premièrement, le fait que le gouvernement essaie de modifier la date de proclamation des nouvelles limites, et ce de manière ponctuelle, donne à penser que la période originale d'un an est sans doute trop longue, quelles que soient les circonstances. Autrement dit, la question du délai devrait être étudiée indépendamment des considérations électorales à court terme qui semblent motiver le projet de loi C-49. Personnellement, je ne serais pas opposé à ce que l'on raccourcisse le délai de manière permanente, particulièrement si le bureau du directeur général des élections peut s'en accommoder.

Peut-être qu'à l'avenir, afin d'éviter d'avoir à apporter ce genre de modification mineure, on devrait envisager de modifier de manière permanente le laps de temps prévu entre la proclamation et l'entrée en vigueur, le faisant passer d'un an à six mois, et de modifier en conséquence la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Ce serait une modification raisonnable à la loi. Toute mesure contribuant à accélérer un processus long et lourd devrait être bien accueillie.

La deuxième et dernière remarque que j'aimerais faire concerne la formule qui est actuellement utilisée pour assurer que la représentation soit proportionnelle. La formule a été établie par la Loi de 1985 sur la représentation électorale. Bien que le but principal de cette formule soit de garantir aux petites provinces un nombre minimum de représentants, il n'en demeure pas moins qu'elle défavorise les provinces à croissance rapide comme l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Ontario.

La Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis a dit ce qui suit dans son rapport de 1991, connu sous le nom de rapport Lortie:

L'application de cette formule accentuera les inégalités entre les provinces avec le temps si les projections démographiques actuelles s'avèrent justes, car l'effectif de la Chambre ne peut augmenter que pour rajuster le nombre de sièges des provinces dont la représentation, autrement, diminuerait. Ainsi, la formule actuelle a pour effet d'accentuer l'inégalité entre les provinces. En défavorisant ainsi les provinces dont les populations s'accroissent plus rapidement que l'ensemble de la population canadienne, elle ne peut que créer des frictions inutiles au sein du pays.

Le rapport Lortie poursuit en ces termes:

En somme, la formule présente deux lacunes. Elle n'accorde pas assez d'importance au principe constitutionnel de la représentation proportionnée; et les restrictions qu'elle impose à l'élargissement de la Chambre des communes, restrictions qui pénalisent les provinces en croissance démographique, ne sont conformes à aucun principe de représentation.

Au moment où nous amorçons le débat sur ce projet de loi, je pense que nous ne devrions pas hésiter à mettre en lumière des domaines où des améliorations pourraient être apportées à tout le processus de révision des limites des circonscriptions électorales. Cela pourrait être utile ultérieurement.

Quant aux provinces qui connaissent une croissance démographique rapide, la perspective de sous-représentation relative de l'Alberta et de la Colombie-Britannique au sein de nos institutions nationales est aussi perçue dans une optique régionale. Que l'on parle de la désaffection de l'Ouest ou que l'on emploie n'importe quelle autre expression pour décrire le fait que l'Ouest a l'impression d'être lésé au sein de la Confédération, la réalité, c'est que l'ouest du Canada connaît depuis longtemps des tensions régionales avec le reste du Canada et, plus particulièrement, avec le gouvernement fédéral. Voici un extrait d'un sondage récent mené par la Canada West Foundation, concernant les attitudes qui existent actuellement dans l'ouest du Canada:

Au cours des premières années du XXIe siècle, on a vu naître, de manière sporadique, des partis séparatistes, on a entendu une voix régionale inefficace et souvent caustique au Parlement fédéral et des arguments populaires en faveur de cloisons de protection provinciales; de plus, des émissions de radio apparemment interminables, des commentaires éditoriaux et des opinions dans la presse écrite ont exprimé le mécontentement régional par rapport au fédéralisme et au gouvernement fédéral.

En outre, le même document de la Canada West Foundation comprend aussi un sondage sur les attitudes des Canadiens de l'Ouest par rapport à la façon dont le gouvernement fédéral s'occupe de leurs intérêts. Le sondage a révélé ceci:

Le nombre de répondants qui trouvent que leur province est mal ou très mal représentée est assez frappant: sept Canadiens sur 10 qui habitent dans l'Ouest trouvent que les intérêts de leurs provinces ne sont pas défendus comme il se doit au niveau fédéral.

Il s'agit là de perceptions qu'il faut absolument prendre en considération, car elles touchent la légitimité de notre gouvernement fédéral, de nos institutions fédérales et de notre démocratie représentative.

Je donne l'exemple du Manitoba, qui a une population d'un million d'habitants. Cette province compte 14 circonscriptions électorales fédérales, ce qui correspond à augmenter d'environ 70 000 personnes par circonscription. Il serait intéressant de connaître — et c'est ce que nous apprendrons sans doute en comité — les populations de l'Alberta et de la Colombie-Britannique par rapport au nombre de sièges dont disposent ces provinces. En 1991, on dénombrait 25 000 habitants de plus par circonscription en Alberta et en Colombie-Britannique qu'en Saskatchewan et au Manitoba. C'est une différence de taille qui s'est probablement accentuée depuis. Par conséquent, on devrait augmenter de bien plus que deux le nombre de sièges en Alberta et en Colombie-Britannique.

(1510)

Son Honneur le Président: Je suis désolé d'interrompre l'honorable sénateur, mais je dois l'informer que son temps de parole est écoulé.

Le sénateur Stratton: Je demande la permission de continuer.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, le futur premier ministre du Canada a dit vouloir s'attaquer au problème de la désaffection des provinces de l'Ouest et au déficit démocratique au Canada. Tout indique qu'il aura fort à faire. L'examen des déséquilibres issus de la révision des limites des circonscriptions électorales constituera certainement une initiative utile de la part du futur premier ministre, mais il devra s'accompagner d'autre mesures si le gouvernement tient vraiment à s'attaquer à ce qu'il est convenu d'appeler le déficit démocratique et la désaffection de l'Ouest.

En fait, en plus d'adopter les changements au sujet d'un délai de six mois pour l'établissement des nouvelles limites, l'examen de la formule de révision des limites des circonscriptions électorales est une initiative que j'accueillerais avec plaisir.

En terminant, je tiens à dire que les principaux objectifs du système canadien de révision des limites des circonscriptions électorales sont de promouvoir l'égalité des voix et une représentation efficace. Ce sont des principes constants qu'en tant que législateurs, nous devons essayer de faire respecter.

Je suis heureux d'avoir eu l'occasion de parler de ces questions dans le cadre du débat sur le changement envisagé dans le projet de loi C-49.

(Sur la motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur Di Nino, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI DE CRÉDITS NO 3 POUR 2003-2004

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Joseph A. Day propose:

Que le projet de loi C-55, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2004, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi C-55, dont nous sommes maintenant saisis, aura pour titre Loi de crédits no 3. La première étape pour moi, dans le cadre de l'examen de ce projet de loi de crédits, a été de le comparer au Budget supplémentaire des dépenses et, dans ce dernier, il y a une annexe au projet de loi de crédits. J'ai comparé l'annexe proposée du Budget supplémentaire des dépenses à l'annexe jointe au projet de loi C-55 et je constate qu'elles sont identiques.

L'annexe proposée dans le Budget supplémentaire des dépenses fait partie des documents que le comité a examinés. Cela a été à la base du neuvième rapport du comité qui a été adopté avec dissidence il y a quelques minutes, et je n'entends donc pas procéder à nouveau à une analyse de tous ces chiffres.

Je voudrais remercier tous les honorables sénateurs qui ont participé au débat sur l'adoption de notre rapport. Je peux leur garantir que nous tiendrons compte de leurs observations en continuant au cours de l'année à étudier, et on peut l'espérer, à améliorer les prévisions budgétaires soumises au comité par le Conseil du Trésor.

Le Budget supplémentaire des dépenses (A) et le projet de loi de crédits no 3 tendent à faire approuver des dépenses de 5,5 milliards de dollars. Il s'agit de crédits à mettre aux voix pour le reste de l'exercice 2003-2004.

Cette somme de 5,5 milliards de dollars fait partie des dépenses de 180,7 milliards de dollars prévues par le gouvernement pour cet exercice. Ce n'est pas un montant additionnel; c'est seulement que les détails n'étaient pas suffisamment connus pour régler cette question lorsque nous avons été saisis du projet de loi de crédits no 1 et du projet de loi de crédits no 2. Ce Budget supplémentaire des dépenses entre encore dans les dépenses globales prévues.

Honorables sénateurs, je vous demande en toute déférence d'appuyer ce projet de loi de crédits à l'étape de la deuxième lecture.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, restons sur ce sujet des principes. Les arguments soulevés par les différents sénateurs qui ont discuté du neuvième rapport seront-ils pris en considération au moment de l'examen détaillé en comité du projet de loi que vous nous demandez d'approuver en deuxième lecture?

Le sénateur Day: La procédure, en ce qui a trait aux projets de loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale, veut normalement que le projet de loi ne soit pas renvoyé au comité. Nous avons déjà fait notre étude. Ce sont les mêmes annexes que dans les estimés du Budget supplémentaire. Ces points de vue seront considérés parce que nous continuons, au cours de l'année, d'étudier les prévisions budgétaires.

Le sénateur Nolin: J'ai posé la question comme étant une question de principe. Libre aux autres de l'évaluer comme ils le voudront mais personnellement, je considère qu'il est fort important que des fonctionnaires viennent expliquer pourquoi nous devrions voter ces cinq et quelque milliards de dollars additionnels, si ces mêmes fonctionnaires nous offrent d'éclaircir, d'ajouter des informations afin que cette décision soit prise en toute connaissance de cause lorsqu'ils nous offrent des informations. Ne serait-il pas opportun de reprendre l'examen de ces prévisions supplémentaires pour entendre les fonctionnaires et, peut-être, examiner une documentation pertinente?

C'est pour cela que je vous ai posé cette question. Vous me répondez qu'il n'y aura pas d'examen en comité. Trouvez-vous juste et raisonnable, malgré les arguments qui ont été soulevés, qu'on ne retourne pas au comité au moins pour étudier à nouveau ces questions à la lumière de l'offre qui avait été faite par les fonctionnaires?

Le sénateur Day: Je suis d'accord, cela est toujours très important d'avoir, en principe, l'information. Nous continuons d'améliorer la situation avec les témoins qui comparaissent. Toutefois, pour ce Budget supplémentaire des dépenses (A), nous avons inclus nos commentaires dans le rapport. Nous avons assez d'informations pour procéder à ces dépenses supplémentaires et adopter ce projet de loi.

Le sénateur Nolin: Permettez-moi d'utiliser, sans les lire, les mots à peu près exacts que vous avez utilisés dans votre propre rapport: «Nous reconnaissons ne pas avoir toute l'information nécessaire.» Vous l'avez dit et même écrit dans votre rapport.

(1520)

Je vous offre donc la possibilité de reprendre, au moins pour cette question — et pour d'autres qui ont été soulevées — l'examen des témoins pour au moins être logique avec ce que vous avez écrit dans votre rapport. Je comprends que le comité continuera à faire des examens des prévisions budgétaires principales et supplémentaires du gouvernement, et c'est tant mieux. On cherche à faire un travail efficace. Vous avez là des fonctionnaires qui ont répondu à vos questions et qui ont reconnu que nous n'avions pas toutes les informations; ils ont offert de fournir des informations additionnelles et on n'accepte même pas leur invitation. Où va-t-on?

Le sénateur Day: Honorables sénateurs, le comité a décidé qu'il a eu assez d'informations pour présenter le rapport. C'est ce que le comité a fait; nous avons discuté du rapport et nous avons voté sur le rapport qui a été adopté par le Sénat.

[Traduction]

L'honorable C. William Doody: Honorables sénateurs, cette question ne s'éteint pas devant le comité. Lorsque le Comité des finances est saisi d'un Budget des dépenses, ce dernier peut demeurer à l'étude au comité jusqu'à ce qu'il fasse enfin l'objet d'un rapport à la fin de l'exercice. Puis un autre Budget des dépenses apparaît miraculeusement, mystérieusement issu des méandres du Sénat, et on nous accorde une autre année pour lire et assimiler ce qui est inassimilable. Cette question n'est en rien réglée. Elle fera l'objet d'un examen et d'une analyse plus poussée de la part du comité.

Durant les 25 années où j'ai siégé au Comité des finances, en plus des quelque 10 années que j'ai passées au ministère des Finances et au Conseil du Trésor du gouvernement de Terre-Neuve, je n'ai jamais vu un Budget des dépenses aussi difficile à assimiler que celui de cette année. Je n'ai toujours aucune idée de ce que coûtera en dernière analyse le registre des armes à feu. D'autres postes étranges et mystérieux du Budget supplémentaire des dépenses n'ont toujours pas été pleinement expliqués. Il est juste de tenir pour acquis que le comité approfondira encore ces questions lorsque les fonctionnaires du Conseil du Trésor comparaîtront de nouveau devant nous, comme ce sera le cas.

Il n'est pas dans la tradition du Sénat de débattre du projet de loi de crédits. Nous avons cru comprendre que les crédits relèvent de la Chambre des communes, que nous analysons le Budget des dépenses et que nous faisons des suggestions en vue de l'améliorer, quoi que j'aie parfois eu envie de proposer une modification au projet de loi de crédits juste pour voir si quelqu'un s'en rendrait compte à la Chambre des communes. Ils consacrent si peu de temps à leur principale responsabilité. Celle-ci consiste d'abord et avant tout à protéger l'argent des contribuables, et ils consacrent moins de temps que nous à l'analyse du Budget des dépenses et des politiques en matière de dépenses de quelque gouvernement que ce soit — et non pas uniquement du gouvernement actuel, selon mon expérience.

Bien que notre apport à l'examen du Budget des dépenses et du Budget supplémentaire des dépenses soit relativement modeste par rapport aux sommes en jeu, il demeure beaucoup plus important que celui de nos collègues d'en face.

Peut-être vais-je un jour proposer une modification pour voir ce qui se produira. Je soupçonne qu'un greffier avertira la Chambre des communes que l'on se livre à une petite machination insidieuse pour voir s'ils sont toujours réveillés. Jusqu'à maintenant, nous ne tenons pas comme tel de débat de fond sur les crédits.

C'est un peu à contrecœur que je termine mes observations sur cette question et que je laisse au Sénat le soin de juger.

Le sénateur Nolin: Si l'honorable sénateur Doody le permet, j'aimerais poser quelques questions. L'honorable sénateur était-il au courant qu'on lui a demandé d'approuver le financement de l'acquisition d'un terrain sans garantie?

Le sénateur Doody: Dès le début, l'acquisition du terrain de l'autre côté de la rivière s'est avérée un mystère. Dans le Budget des dépenses, on nous a simplement indiqué qu'il fallait 31 millions de dollars pour l'acquisition de terrains à Gatineau. Il n'a pas été possible d'obtenir davantage d'information et les hauts fonctionnaires de l'époque n'en ont pas eu non plus. Néanmoins, ils ont par la suite trouvé certaines explications et ont fourni des lettres que le président de la Commission de la capitale nationale a adressées au Conseil du Trésor. Toutefois, autant que je sache, il n'a jamais été question de garantie. La question n'avait pas encore été réglée à ma satisfaction lorsque le débat s'est terminé. J'ai tout à fait l'intention de la ramener sur le tapis à une séance ultérieure du comité.

Le sénateur Nolin: L'honorable sénateur convient-il que le manque d'information devrait au moins susciter des questions et mérite des éclaircissements? Le sénateur pense-t-il que son comité ou le Sénat a le pouvoir d'empêcher cette transaction?

Le sénateur Doody: Honorables sénateurs, ce n'est pas la responsabilité du comité — et ce n'est pas mon comité. J'en suis simplement membre. Nous tentons de trouver autant d'information que possible dans les délais qui nous sont impartis. Lorsque nous quittons la table, je ne prétends pas que les transactions approuvées par la myriade de bureaucraties qui gouvernent le Canada ont été réglées à la plus grande satisfaction de tous les membres du comité.

Néanmoins, j'affirme, comme je l'ai fait précédemment, que la transaction mettant en cause la Commission de la capitale nationale ne nous a pas été expliquée de façon satisfaisante et je m'attends certainement à ce que nous en discutions de nouveau. Par ailleurs, ce Budget des dépenses et le précédent contiennent bien d'autres éléments qui ne nous ont pas été expliqués comme il se doit, et nous tentons toujours de faire la lumière là-dessus. Nous disposons d'un temps, de ressources et d'un pouvoir limités, mais nous les utilisons du mieux que nous le pouvons.

Le sénateur Nolin: La réponse du sénateur confirme le bien-fondé des plaintes selon lesquelles il manque des renseignements dans le rapport. Le sénateur serait-il d'accord pour dire qu'il serait raisonnable de réouvrir l'étude faite par le comité et d'écouter les divers représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor et, espérons-le, de la Commission de la capitale nationale? Si je pouvais fournir des renseignements selon lesquels un protocole d'entente concernant cette acquisition impliquant la CCN avait été signé en 1996, un protocole d'entente montrant que la transaction est déjà faite et remonte à octobre de cette année et qu'il n'y a aucune garantie, est-ce que cela serait important? Ce serait peut-être important de savoir ce qu'on a appris du représentant de la CCN entre 1996 et la signature de l'acte de vente. Le sénateur ne croit-il pas qu'il serait raisonnable de réouvrir la discussion avec ces représentants de l'exécutif?

Le sénateur Doody: Honorables sénateurs, j'ai déjà dit au moins deux fois au cours des 10 ou 15 dernières minutes que nous étions prêts à réexaminer la question et à obtenir plus d'information. Je ne sais pas ce que je peux dire d'autre à ce sujet. La Commission de la capitale nationale est un organisme autonome qui, avec autant de fierté que d'arrogance, reste indépendante du gouvernement et certainement aussi du Parlement pour ce qui est de fournir de l'information et d'assurer sa collaboration à n'importe quel moment.

Le sénateur Nolin a certes le droit d'assister à toutes les réunions du Comité des finances nationales auxquelles il désire assister et il a le droit de poser toutes les questions qu'il veut aux fonctionnaires du Conseil du Trésor. Il n'a pas besoin que je l'autorise ou que je l'invite à le faire. Il a les mêmes privilèges que tout autre sénateur. En ce qui me concerne, je serais ravi de le voir aux séances du Comité des finances nationales.

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, comme il est 15 h 30, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 30 octobre 2003, je dois interrompre les délibérations pour mettre aux voix la motion d'amendement du sénateur Oliver concernant le projet de loi C-25.

Le timbre retentira pendant 30 minutes. Le vote aura donc lieu à 16 heures.

Convoquez les sénateurs.

(1600)

PROJET DE LOI SUR LA MODERNISATION DE LA FONCTION PUBLIQUE

TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Harb, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-25, Loi modernisant le régime de l'emploi et des relations de travail dans la fonction publique, modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le Centre canadien de gestion et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Oliver, appuyée par l'honorable sénateur Robertson, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié,

a) à l'article 2:

(i) à la page 88, par substitution, aux lignes 38 à 41, de ce qui suit:

«(2) La Commission canadienne des droits de la personne peut, si elle estime que l'intérêt public le justifie, examiner la question visée au paragraphe (1) comme s'il s'agissait d'une plainte déposée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, auquel cas la procédure d'arbitrage est suspendue à la demande de celle-ci.

(3) Si, dans les trente jours suivant la suspension de l'arbitrage, la Commission canadienne des droits de la personne ne décide pas de poursuivre la question comme une plainte déposée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la procédure d'arbitrage est reprise.»,

(ii) à la page 91, par substitution, aux lignes 8 à 11, de ce qui suit:

«(2) La Commission canadienne des droits de la personne peut, si elle estime que l'intérêt public le justifie, examiner la question visée au paragraphe (1) comme s'il s'agissait d'une plainte déposée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, auquel cas la procédure d'arbitrage est suspendue à la demande de celle-ci.

(3) Si, dans les trente jours suivant la suspension de l'arbitrage, la Commission canadienne des droits de la personne ne décide pas de poursuivre la question comme une plainte déposée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la procédure d'arbitrage est reprise.»,

(iii) à la page 92, par substitution, aux lignes 25 à 28, de ce qui suit:

«(2) La Commission canadienne des droits de la personne peut, si elle estime que l'intérêt public le justifie, examiner la question visée au paragraphe (1) comme s'il s'agissait d'une plainte déposée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, auquel cas la procédure d'arbitrage est suspendue à la demande de celle-ci.

(3) Si, dans les trente jours suivant la suspension de l'arbitrage, la Commission canadienne des droits de la personne ne décide pas de poursuivre la question comme une plainte déposée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la procédure d'arbitrage est reprise.»;

b) à l'article 12, à la page 139, par substitution, aux lignes 1 à 5, de ce qui suit:

«(6) La Commission canadienne des droits de la personne peut, si elle estime que l'intérêt public le justifie, examiner la question visée au paragraphe (5) comme s'il s'agissait d'une plainte déposée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, auquel cas la procédure devant le Tribunal est suspendue à la demande de celle-ci.

(6.1) Si, dans les trente jours suivant la suspension de la procédure devant le Tribunal, la Commission canadienne des droits de la personne ne décide pas de poursuivre la question comme une plainte déposée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la procédure devant le Tribunal est reprise.».

Son Honneur la Présidente intérimaire: Le vote porte sur la motion suivante: L'honorable sénateur Oliver, avec l'appui de l'honorable sénateur Robertson, propose:

Que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié a) à l'article 2...

Puis-je me dispenser de tout lire, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur la présidente intérimaire: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien se lever.

(La motion d'amendement, mise au voix, est rejetée.)

POURLES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk LeBreton
Atkins Lynch-Staunton
Beaudoin Meighen
Di Nino Nolin
Doody Oliver
Forrestall Prud'homme
Johnson Rivest
Kelleher Robertson
Keon Spivak
Kinsella Stratton—21
Lawson

CONTRELES HONORABLES SÉNATEURS

Adams Joyal
Bacon Kenny
Banks Kolber
Biron Kroft
Bryden LaPierre
Callbeck Lapointe
Chalifoux Lavigne
Chaput Léger
Cook Losier-Cool
Cools Maheu
Corbin Mahovlich
Cordy Merchant
Day Milne
De Bané Morin
Downe Pearson
Fairbairn Phalen
Finnerty Plamondon
Fraser Poulin
Furey Poy
Gauthier Ringuette
Gill Robichaud
Grafstein Rompkey
Graham Smith
Harb Sparrow
Hervieux-Payette Trenholme Counsell
Hubley Wiebe—52

ABSTENTIONL'HONORABLE SÉNATEUR

Roche—1

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous venons de tenir un vote sur une motion d'amendement au projet de loi C-25. Nous pourrions revenir à l'ordre du jour et appeler l'article no 2, soit la suite du débat tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-25.

[Traduction]

Des voix: Le vote!

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je crois comprendre que le vote qui vient d'être tenu portait sur la motion d'amendement du sénateur Oliver. Nous devons maintenant voter sur la motion principale.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je crois comprendre que nous revenons à la motion principale.

Des voix: Oui.

Le sénateur Cools: Je souhaite intervenir à ce sujet demain, si bien que je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

[Français]

PROJET DE LOI DE 2002 SUR LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

DEUXIÈME LECTURE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-17, Loi modifiant certaines lois fédérales et édictant des mesures de mise en oeuvre de la Convention sur les armes biologiques ou à toxines, en vue de renforcer la sécurité publique.

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Lynch-Staunton m'a dit qu'il allait prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture de ce projet de loi avant le 7 novembre. Je voulais tout simplement l'encourager à nous faire part de ses propos avant cette date parce que nous attendons avec impatience son discours.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, j'attends avec la même impatience que le sénateur Bryden prenne la parole sur le projet de loi C-10B.

(Le débat est reporté.)

LA LOI SUR L'HYMNE NATIONAL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Poy, appuyée par l'honorable sénateur Banks, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national afin d'englober tous les Canadiens et Canadiennes.—(L'honorable sénateur Cools)

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je désire appuyer le projet de loi S-3, proposé par l'honorable sénateur Vivienne Poy. Elle propose un amendement à l'hymne national.

(1610)

Comme j'ai eu l'occasion de le dire par le passé, il est exact qu'on ne peut changer l'histoire, qu'on ne peut la réécrire. Bien sûr, on doit respecter les œuvres des auteurs. Cependant, dans le cas qui est le nôtre, nous revenons à la première version employée par l'auteur. On revient aux premiers mots qu'il a choisis, au tout début, et qu'il a mis par écrit. C'est la raison pour laquelle j'appuie ce projet de loi, et c'est la seule raison.

De plus, cette première version a le mérite de mieux refléter le principe de l'égalité des hommes et des femmes, principe que nous avons consacré dans la Charte des droits et libertés en 1982. L'égalité des hommes et des femmes est l'un des plus grands événements du XXe siècle. On a commencé, dans nos constitutions et dans nos lois, à donner aux hommes et aux femmes les mêmes droits. Cette égalité a pris des siècles à être acceptée.

La Déclaration universelle des droits et libertés de 1948 reconnaît cette égalité, et l'article 28 de la Charte des droits et libertés est l'un des joyaux de notre Charte. Elle réaffirme cette égalité. C'est la raison de mon appui total.

En conclusion, je tiens à dire clairement que ce projet de loi mérite d'être adopté.

(Sur la motion du sénateur Lapointe, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI INSTITUANT LE JOUR COMMÉMORATIF DE L'HOLOCAUSTE

DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Poulin, appuyée par l'honorable sénateur Fairbairn, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-459, Loi instituant le Jour commémoratif de l'Holocauste.—(L'honorable sénateur Prud'homme, c.p.).

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'avais indiqué mon intention de prendre la parole sur cette motion très importante. J'attendais les propos de l'honorable sénateur Fairbairn puisqu'elle a appuyé la motion. Toutefois, je constate que l'honorable sénateur Fairbairn est sans doute occupée par un autre projet de loi. J'aurais aimé entendre les propos des honorables sénateurs sur cette très importante question. Nous constatons que des discussions ont eu lieu entre quelques honorables sénateurs.

De tous les crimes du XXe siècle contre l'humanité, il est difficile d'accorder priorité au crime le plus épouvantable. On pourrait citer un auteur en disant qu'un seul crime est déjà trop. Une mort est une mort. Ce crime horrible qu'est l'Holocauste ne peut rester incompris et ne peut demeurer à l'écart. Il ne faut pas que ce crime disparaisse de la mémoire et de la conscience humaines.

Comme toujours, certains parlementaires ont l'art de saboter les meilleures causes soumises à l'attention de leurs collègues. Que ce soit par l'intrigue, par le silence ou par ignorance de certains parlementaires envers les autres, on essaie de passer rapidement, sans bien informer tous les parlementaires sur les causes que l'on aimerait soumettre avec beaucoup d'attention au vote.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous relater quelques événements, et je vous laisserai à votre réflexion.

Je dédierai mes propos d'aujourd'hui à une très bonne amie de Montréal, de religion juive. Comme je ne désire pas l'embarrasser, je dirai simplement que c'est ma très chère Jeannette. Elle est très connue de certains collègues de Montréal. Très active et très vigoureuse, elle a inspiré ma réflexion au Comité permanent des banques et du commerce en me disant que je me devais de m'opposer à la fusion des banques.

Honorables sénateurs, voici comment le tout s'est déroulé, comme toujours, à la Chambre des communes, de la manière la plus stupide, la plus rapide, lorsqu'on met dans le secret seulement quelques députés pour discuter d'une question.

Un matin, à 10 heures, le député de Brossard se lève et dit: «C'est avec beaucoup d'émotion que je vous demande la permission pour le député du Bloc de Charlesbourg-Jacques-Cartier de déposer immédiatement un projet de loi intitulé Loi instituant le jour commémoratif de l'Holocauste». Et, pour un événement aussi monstrueux que l'Holocauste, il ajoute: «et qu'un député de chaque parti puisse se prononcer sur la question pendant, au plus, deux minutes; et ensuite que le projet de loi soit réputé lu une deuxième fois, renvoyé à un comité; et que, lorsque le comité ait fait rapport, le rapport soit adopté, lu une troisième fois et le projet de loi adopté».

Voilà comment on a voulu, rapidement, sans consultation auprès des députés, adopter un projet de loi pour commémorer une des tragédies les plus atroces, un des événements les plus écœurants et des plus dégoûtants du XXe siècle.

(1620)

Voilà qu'à la Chambre des communes ils ont voulu banaliser, rapidement, par surprise, alors que c'est l'ensemble de toute la députation et du Sénat qui aurait dû être «mis au parfum» de ce qui se préparait.

Et ce n'est pas la première fois. On a procédé de la même manière lors d'un autre événement en 1985. Je trouve que ce n'est pas la bonne manière de procéder. Un grand linguiste du Québec m'a dit qu'il valait mieux employer, plutôt que le mot «trivialiser», le mot «banaliser». Et là, immédiatement, rapidement, comme si on préparait quelque chose en cachette, cinq députés se lèvent, et ils ont un droit de parole de deux minutes chacun seulement. On nous dit non seulement que cela va bien, mais qu'on a déjà une entente. Les sénateurs Jerahmiel Grafstein et Noël Kinsella se sont engagés à faire en sorte que ce projet de loi soit adopté rapidement au Sénat. Je vous remercie, sénateur Kinsella, de nous avoir informés. Toutefois, la Chambre des communes est déjà au courant qu'il y a une entente. C'est là qu'on a vu cet événement regrettable la semaine dernière.

Le projet de loi n'est pas présenté par le sénateur Grafstein ou le sénateur Kinsella, mais par le sénateur Poulin, appuyé par le sénateur Fairbairn. On a commencé à nous énumérer toute une série de sénateurs qui appuyaient le projet de loi, alors que ce n'était pas nécessaire. Je pourrais vous donner toutes les notes que j'ai prises.

Comment des gens sérieux, des gens pleins d'émotion ont-ils pu, une fois de plus, dans la surprise générale, vouloir banaliser l'événement le plus écœurant, le plus monstrueux, mais certainement le plus connu, le plus organisé: l'Holocauste?

On ne nous a pas dit qu'il y avait eu un débat semblable en avril 1996 à la Chambre des communes. Aucun sénateur ne sait cela. À la Chambre des communes, en 1996, à l'occasion du génocide — qu'on ne peut pas appeler Holocauste — arménien. Après des négociations très longues entre les Arméniens et le Congrès juif du Canada, on en est arrivé à une entente.

[Traduction]

La semaine commémorant l'inhumanité de l'être humain envers son prochain a lieu du 20 au 27 avril de chaque année. Une période de commémoration existe déjà. De plus, ce n'est pas une seule journée, mais toute une semaine qui est consacrée à cette fin. Apparemment, les gens ont la mémoire courte.

À quand la prochaine surprise lorsque quelques-uns de nous seulement au Sénat seront au courant? Et devant la décision, qui s'y opposera?

Honorables sénateurs, je refuse cette façon de procéder car je la juge inacceptable. À mon avis, il s'agit de la démarche la plus irréfléchie quand on veut attirer l'attention de tous les honorables sénateurs et de tous les députés de la Chambre des communes.

Je ne blâme pas les cinq députés qui sont arrivés à la Chambre des communes à 10 heures un matin. Les honorables sénateurs sont au courant de la façon qu'on fonctionne là-bas. Quand les députés sont arrivés, le débat était terminé parce qu'il y avait cinq d'entre eux qui étaient d'accord. Le député de Brossard, qui présidait à ce moment- là, a déclaré à la Chambre que personne ne pourrait parler plus de deux minutes et que le Sénat avait déjà accepté le projet de loi.

Combien de fois encore allons-nous banaliser l'un des crimes les plus graves contre l'humanité? Si vous touchez à un seul cheveu d'une personne en raison de sa religion, sa couleur, son orientation sexuelle ou son affiliation politique, c'est moi que vous touchez en premier.

C'est pourquoi je me suis toujours rangé, sur ce sujet, particulièrement, du côté des personnes qui croient qu'il est important de ne pas oublier. Je sais que d'autres honorables sénateurs veulent nous signaler d'autres grandes causes, mais j'espère qu'ils ne le feront pas de la façon dont les députés s'y sont pris à la Chambre des communes. Sur une question de cette nature, il faut nous prévenir de votre intention de nous demander d'appuyer la création d'une journée nationale pour commémorer un événement particulier, pour prier ou pour se souvenir collectivement, afin que nous puissions nous préparer sur le plan émotif à faire un discours intelligent.

[Français]

On pourra s'exprimer en français ou en anglais, en yiddish ou en allemand sur cette question. La date de cette journée commémorative va changer d'année en année. On laisse à quelqu'un d'autre le soin de nous dire quel jour ce sera. Du point de vue pédagogique, je préférerais, en tant que Canadien, qu'on décide que ce sera toujours la même journée, chaque année.

On ne nous en a pas parlé dans le projet de loi. On laisse cela à d'autres. Je n'ai pas d'objection, mais pour les gens qui aiment parler aux étudiants dans les collèges, dans les universités, il est beaucoup plus facile de dire à des jeunes que chaque année, il y aura une journée commémorative à une date précise.

Par exemple, le 15 février est le jour où l'on célèbre le drapeau du Canada. Je suis le seul ici qui a voté pour le drapeau du Canada. Je pourrais vous en parler longtemps. Je sais que le 15 février 1965, j'ai assisté à cet événement. Le vote a eu lieu en 1964. Les seuls survivants de ce grand événement sont Jean Chrétien et moi.

En voulant aller trop vite, peut-être, on laisse le soin à d'autres de décider, alors que ce devrait être une responsabilité du gouvernement du Canada, de Patrimoine canadien, de fixer le jour où nous commémorerons l'Holocauste. J'en discuterai avec le sénateur Grafstein et d'autres qui s'y connaissent mieux que moi ou qui sont plus directement touchés, mais je ne veux pas que quelqu'un dise: «Je suis plus directement touché.»

[Traduction]

Honorables sénateurs, je demande la permission de terminer sur une bonne note. Je ne vois pas de désaccord.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Le sénateur Prud'homme demande-t-il la permission de continuer?

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, je demande la permission.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Prud'homme: Des gens comme les sénateurs Grafstein, Kroft et Austin affirment que nous devons chercher la coopération la plus étroite. Cela nous touche tous. Nous devons serrer les rangs. Ce jour-là, nous devrions tous dire: «Aujourd'hui, j'ai l'impression d'appartenir à la religion juive. Je tiens à montrer au monde entier que je m'exprime avec une totale sincérité en me levant et en priant, ou en assistant à toute cérémonie commémorative qui pourrait avoir lieu.»

(1630)

Ça, c'est du Prud'homme. J'ai toujours dit que nous devrions procéder ainsi, mais les gens refusent de le faire et cela me contrarie. Seules quelques rares personnes seraient au courant. C'est un peu comme ce qui s'est produit lorsque nous avons nommé M. Mandela citoyen honoraire du Canada. Qui pourrait s'opposer à une telle mesure? Tous ceux qui seront au courant voudront participer. Quel jour merveilleux ce fut alors! La cérémonie avait été bien planifiée. La Chambre des communes avait été mise au courant et le Sénat aussi. Le premier ministre et tous les intervenants étaient présents pour signer lorsque M. Mandela est devenu citoyen canadien. C'est ainsi qu'il faut procéder. C'est ainsi qu'ils ont agi aux États-Unis, où deux personnes seulement ont été nommées citoyens honoraires, soit Winston Churchill et Raoul Wallenberg. Les choses ont été faites selon les règles, toutes les personnes concernées ont été mises au courant et ont participé aux cérémonies.

Je ne sais pas ce qu'il adviendra de ce projet de loi. Si nous procédons de bonne foi, je participerai et j'aiderai ceux qui ont saisi le Sénat de ce projet de loi, tant les députés à la Chambre des communes que ceux qui ont participé avec eux, car il viendra un temps où nous devrons savoir comment procéder.

Avez-vous remarqué, honorables sénateurs, que c'est toujours la même histoire? Lorsque nous voulons proclamer une journée nationale, quelqu'un propose un projet de loi et on s'empresse de l'adopter. C'est ce que j'appelle banaliser les choses.

Je voterai en faveur de cette mesure. Je ne comprends ni l'excitation qui régnait ici au cours des deux dernières semaines ni la nervosité qui animait certains sénateurs, comme si j'allais m'opposer à ce projet de loi ou organiser une campagne pour le dénoncer. Il faudrait être malade pour organiser une campagne contre une telle mesure législative. Ce que certains jugent méprisable, c'est le caractère secret de toutes les tractations qui se sont déroulées. Je vois mes bons amis qui sourient.

[Français]

Honorables sénateurs, j'entends mes amis dire que j'avais probablement raison, que nous aurions dû procéder autrement. J'aurais été honoré, si je l'avais su à l'avance, d'être de ceux qui participeront à la création de cette journée qui, je n'en ai aucun doute, existera. Je songe à d'autres personnalités que nous pourrions inviter, comme le général Dallaire.

Pourquoi disons-nous «jamais plus» alors que des tragédies de ce genre sont de plus en plus fréquentes? Nous n'avons qu'à penser au Rwanda. Je donnerai mon appui lorsque viendra le temps, mais calmement et sans empressement.

[Traduction]

L'honorable Laurier L. Lapierre: Honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi car je veux expier mon ignorance de jeunesse. J'appuie le projet de loi car il symbolise l'expérience de tous ceux qui ont souffert pendant le siècle où j'ai vécu.

J'avais 16 ou 17 ans lorsque la Deuxième Guerre mondiale a pris fin et je n'avais jamais entendu parler de l'Holocauste. Je n'avais jamais entendu parler de ces gens qu'on jetait dans les fours, de tout ce peuple assassiné pour la simple raison qu'il était juif. Au pensionnat, je priais pour que Franco, Salazar et Mussolini aient raison du communisme, mais je ne priais pas ou on ne me demandait pas de prier pour un peuple qui se faisait exterminer.

Aujourd'hui, ce projet de loi me donne l'occasion d'expier le silence que j'ai gardé pendant ma jeunesse. J'aurais dû savoir et j'aurais dû dénoncer, mais je ne l'ai pas fait. Évidemment, je n'ai pas cessé de le faire depuis, mais cette journée va me donner l'occasion de...

[Français]

J'aimerais me soulager de cette grande peine, de ce grand fardeau que j'ai sur la conscience depuis l'âge de 15 ans.

[Traduction]

Je vois aussi dans ce projet de loi un symbole. Il s'agit évidemment de l'Holocauste, mais pour moi, et sans doute aussi pour les jeunes qui vivaient à cette époque mais qui ignoraient tout, l'Holocauste est devenu une déclaration ou un symbole de l'inhumanité de l'homme pour son prochain. J'ai commencé la lecture du livre de Dallaire, que j'ai interviewé à plusieurs reprises dans le passé, et à chaque fois j'ai versé des larmes devant l'énorme souffrance et l'horrible anxiété qu'il a supportées. Pour moi, il s'agit d'un autre genre d'Holocauste, pas celui dont nous parlons, mais un Holocauste qui m'atteint profondément. Ce jour commémoratif fera en sorte que chaque année, pendant cette journée spéciale, nous pourrons nous rappeler ces événements. Nous ferons le serment et dirons à nos enfants et à nos petits-enfants que jamais plus ces événements ne doivent se reproduire. Si nous ne nous en souvenons pas, ils se reproduiront.

Je ne vois aucun complot dans ce projet de loi. Je remercie les sénateurs Poulin et Grafstein et tous les autres qui sont intervenus parce qu'ils m'ont offert une occasion remarquable que j'attendais depuis de nombreuses années.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je suis d'accord avec le principe de ce projet de loi. Le sénateur LaPierre a exprimé mieux que moi l'importance et la solennité pour ce Parlement d'instituer cette journée commémorative. C'est le manque d'information à l'époque qui a fait en sorte que le sénateur s'impose aujourd'hui un acte de contrition qui est tout à son honneur. J'imagine que le sénateur le fait au nom de tous les Canadiens et Canadiennes qui ont vécu comme lui dans l'ignorance de ce qui se passait.

Honorables sénateurs, je veux partager avec vous le sentiment d'inconfort que suscitent en moi les récents débats que je lis et que j'entends sur cette journée commémorative. Il est malheureux, si nous nous fions aux rumeurs, que nous discutions d'une mesure si importante à la dernière minute.

Si nous voulons instruire nos enfants sur l'atrocité de cette organisation, de cette systématisation du meurtre, de cette planification de l'horreur, ce n'est pas uniquement pour en perpétuer le souvenir, mais pour que plus jamais de telles atrocités n'aient lieu. J'aurais voulu que, dans un débat aussi solennel, nous prenions acte sérieusement d'autres événements qui, malgré toute la bonne foi et toute l'horreur de ce qu'on nous demande de commémorer, se sont quand même produits au vu et au su de la planète par la suite, puisque dans le cas du Rwanda, des bulletins de nouvelles quotidiens nous rapportaient l'horreur de ces événements.

J'aurais voulu que nous fassions sérieusement référence à cela lors de l'examen de ce projet de loi. J'aurais voulu que nous discutions du génocide au Timor. J'aurais aimé que nous nous remémorions ce qui s'est passé en Ukraine. J'ai l'impression que l'on me couvrira d'opprobre si j'émets des commentaires sur la facture du projet de loi. Il fait référence à ce que nous devrions faire pour éviter que de telles horreurs ne se reproduisent.

(1640)

Pourquoi la Chambre des communes serait-elle la seule à être investie de cette noble responsabilité de voir à ce que cela ne se reproduise plus jamais?

Je me sens interpellé en tant que parlementaire. Pourquoi? Malheureusement, j'ai l'impression qu'on va m'ostraciser parce que je vais suggérer que cette mesure, fort importante et solennelle, est malheureusement incomplète. Oui, de 1933 à 1945, six millions de juifs ont péri, résultat d'une planification systématique du meurtre en série. Malheureusement, d'autres personnes ont aussi passé à travers cette systématisation de l'élimination collective. Je pense entre autres aux infirmes, il en est question un peu, mais aussi aux Tchécoslovaques, aux Polonais et aux romanichels.

Je ne voudrais pas, parce que nous sommes à la dernière heure d'un Parlement ou d'une session parlementaire, que l'on soit obligé, par pression morale, de dire oui à un texte qui, selon moi, est incomplet. Ce document contient des lacunes et cela ne devrait pas être. C'est trop important. Je voudrais dire à mes enfants: «Voici ce pourquoi j'ai voté.» Je m'impose ce devoir et c'est à vous que je le transmets.

J'espère avoir une fausse impression. Nous sommes à l'étape de la deuxième lecture et si nous pouvons corriger ce texte, nous devons le faire. Ce projet de loi contient des lacunes et nous devons absolument tenter, dans le peu de temps qu'il nous reste, de produire le travail le plus parfait possible.

[Traduction]

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention de prendre la parole au sujet de ce projet de loi, que j'appuie sans réserve, mais certains commentaires qui ont été faits ici aujourd'hui m'ont amenée à la conclusion que je devais exprimer mon opinion.

J'appuie le principe et la forme de ce projet de loi, et je crois qu'il convient d'instituer un jour commémoratif de l'Holocauste, plutôt qu'un jour commémoratif d'un génocide, non pas parce qu'il n'y a pas eu d'autres génocides — il y en a eu de notre vivant — mais parce que l'Holocauste est fondamentalement différent, et pire. Il n'est pas différent parce que la très grande majorité de ses victimes étaient des juifs, car les génocides, par définition, visent l'extermination d'un peuple. Ce qui différencie l'Holocauste, c'est le lieu où il s'est produit et la leçon que nous pouvons et que nous devons en tirer.

Quand on pense au Rwanda, au génocide arménien, au Cambodge ou à l'Ukraine, on se rassure en se disant que ce genre de chose ne pourrait pas se produire au Canada. Nous pouvons, dans une certaine mesure, ne pas nous sentir concernés. En fait, je pense que les Canadiens éprouvent un sentiment justifié de culpabilité au sujet du Rwanda et ce, en grande partie grâce au général Dallaire. Je crois cependant que les Canadiens éprouvent une certaine culpabilité justifiée en grande partie grâce au général Dallaire. Je ne pense pas que nous éprouvions ce sentiment ou que nous tirions la même leçon des autres horribles événements qui sont survenus.

Pourquoi faut-il accorder une attention particulière à l'Holocauste? Nous devons le faire parce que ce ne sont pas les juifs, les tziganes, les homosexuels, les handicapés mentaux ou les dissidents politiques qui ont été responsables. Ce ne sont pas eux qui ont adopté des lois, qui ont conçu le système, qui ont construit et fourni les installations industrielles créées uniquement pour exterminer des êtres humains. Les responsables ont été le gouvernement et les citoyens d'un des pays les plus avancés, les plus civilisés que le monde ait jamais connus. L'Allemagne avait été un phare de la civilisation pendant des siècles. Il suffisait de visiter Berlin pour prendre conscience qu'il s'agissait d'un grand centre mondial. Ce pays avait des universités où on accourait du monde entier, y compris du Canada, pour se civiliser davantage, enrichir et approfondir sa pensée philosophique. Si l'Holocauste a pu avoir lieu en Allemagne, il peut avoir lieu partout.

Il n'y a aucune excuse. Il n'y a pas moyen de se dire: «Nous ne sommes pas comme cela. Nous n'avons pas à nous inquiéter.» Et nous devons tous nous inquiéter, nous devons tous être conscients que n'importe quelle société peut retomber dans le mal si elle n'est pas éternellement vigilante.

Voilà pourquoi il me semble opportun d'établir un Jour commémoratif de l'Holocauste et de choisir la date prévue dans le projet de loi pour souligner le fait horrible que l'écrasante majorité des victimes ont été des juifs.

Un grand nombre de ceux qui ont été emprisonnés mais qui ont réussi à survivre sont venus au Canada. La venue de ces survivants de l'Holocauste a été pour notre pays une bénédiction et un enrichissement incommensurables. Mon mari a été l'un d'eux. En leur honneur, j'estime opportun de retenir la date proposée dans le projet de loi. Toutefois, le projet de loi ne s'adresse pas uniquement à eux. Il est destiné à chacun de nous et nous concerne tous.

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, pas plus que le sénateur Fraser, je n'avais l'intention d'intervenir dans l'espoir d'accélérer l'approbation du projet de loi par le Sénat. C'est moi qui ai appuyé la motion du sénateur Poulin et j'en suis fière. Bien des raisons, dont beaucoup ont été expliquées aujourd'hui au Sénat avec passion et sensibilité, justifient ce projet de loi.

Nous devons tout d'abord nous souvenir de ces événements historiques, qu'ils soient survenus en Allemagne, au Rwanda ou ailleurs dans le monde, parce que c'est seulement en les ayant en mémoire que nous pouvons espérer empêcher la répétition de pareilles tragédies et atrocités dans l'avenir. Par la même occasion, notre peuple doit aussi se souvenir qu'au moment où ces événements se sont produits, notre partie du monde n'était pas bien renseignée sur ce qui se passait à l'étranger. Certes, il y avait des navires qui venaient dans notre partie du monde en provenance de l'Europe, des navires remplis de juifs qui tentaient d'échapper au sort qui les attendait clairement dans cet important conflit. Lorsqu'ils approchaient des ports du Canada, nous ne les invitions pas à accoster.

(1650)

Honorables sénateurs, comme vous le savez parce que j'en parle sans cesse, j'ai consacré les 20 dernières années de ma vie à la lutte contre l'analphabétisme. Celui-ci revêt de nombreuses formes, l'une d'elles étant l'analphabétisme historique. Une des grandes tragédies de notre pays, c'est qu'on n'enseigne pas suffisamment à nos jeunes d'un océan à l'autre l'histoire de leur pays, l'histoire du Canada, ce qui a présidé à la naissance de notre pays et de sa Constitution. Si on ne comprend pas l'histoire de son propre pays, comment peut-on participer aux débats mémorables qui ont eu lieu ces dernières années au sujet de notre Constitution et de notre Charte des droits, grâce à laquelle nos droits individuels sont protégés mieux que n'importe où ailleurs dans le monde? Si les jeunes Canadiens ne peuvent comprendre ce qui s'est passé dans leur propre pays, comment pourront-ils comprendre les événements historiques qui ont provoqué l'Holocauste et tous les problèmes, toute la folie et l'inhumanité qui ont entraîné le sacrifice de si nombreuses vies, la torture d'un si grand nombre de familles et l'arrivée dans notre pays d'un si grand nombre de malheureux n'ayant pour tout avoir que les souvenirs à jamais gravés dans leur mémoire de la tragédie qu'ils avaient vécue?

Il est extrêmement important que, chaque année, un jour soit réservé — un jour sur 365 — pour permettre aux jeunes Canadiens d'apprendre et de comprendre à quel point l'histoire peut être brutale, afin que notre pays ne refoule plus jamais de bateaux, si on nous demandait d'intervenir. En fait, quand on pense à des exemples plus récents, comme celui du général Dallaire et de la contribution importante qu'il apporte à notre pays pour faire connaître l'histoire du Rwanda, au prix de grands tourments personnels, comment pourrions-nous faire moins que d'appuyer la motion dont le Sénat est saisi aujourd'hui?

Des voix: Bravo!

L'honorable Richard H. Kroft: Honorables sénateurs, je me sens obligé d'intervenir, car les derniers discours ont pris une orientation différente, parlant de nos enfants et de la nécessité de savoir, que ce soit le regret du sénateur LaPierre de ne pas avoir su quand il était jeune ou l'exhortation du sénateur Fairbairn à faire en sorte que nos enfants puissent savoir. J'aimerais prendre un instant pour vous donner une petite lueur d'espoir.

Mon cher et regretté ami, Izzy Asper, était terriblement préoccupé par ce sujet. Il y a quelques années, il a emmené quelques élèves d'une école juive locale — car sa préoccupation était d'abord d'éduquer les élèves juifs — passer une semaine à Washington pour y visiter le musée commémoratif de l'Holocauste afin que, en rentrant, ils racontent leur expérience à leur condisciples. L'année suivante, ils étaient plus nombreux à se rendre à Washington. Puis, l'année d'après, ils étaient encore plus nombreux et représentaient toutes les religions et toutes les écoles du Manitoba. Honorables sénateurs, cette année, mille élèves venant de toutes les régions du pays se rendront à Washington dans le cadre du programme mis sur pied par Izzy Asper.

Les aspects éducatifs du programme vont au-delà de la visite du musée commémoratif de l'Holocauste. Les élèves commencent par apprendre pendant un mois les éléments fondamentaux du fonctionnement d'une communauté. Ils signent un engagement écrit certifiant qu'ils comprennent la notion de droits de la personne. Quand ils arrivent à Washington, ils visitent non seulement le musée commémoratif de l'Holocauste, mais également d'autres sites et d'autres endroits si magnifiques dans cette ville qui est le symbole des droits de la personne et de la dignité humaine. Ce programme prend une ampleur croissante chaque année. Non seulement chacun de ces élèves apprend, mais il apprend en vue de transmettre son savoir.

Je n'avais pas parlé d'Izzy devant cette assemblée et j'ai trouvé que c'était une bonne manière de le faire.

Des voix: Bravo!

L'honorable Serge Joyal: Je rappellerais aux honorables sénateurs le symbolisme et le sérieux avec lesquels ce projet de loi important guide nos consciences. Un buste de la première femme à avoir été nommée au Sénat, le sénateur Wilson, se trouve à l'entrée de cette salle. Elle a été nommée par le regretté premier ministre Mackenzie King. Lorsque madame le sénateur Wilson a été nommée, on se demandait quelle contribution les femmes pouvaient apporter au monde des hommes.

L'histoire nous apprend que pendant toutes les années où madame le sénateur Wilson a été sénateur, elle s'est battue pour que de jeunes enfants juifs quittent l'Europe pour venir au Canada. Elle s'est battue contre le premier ministre Mackenzie King; elle s'est battue contre le sous-ministre de l'Immigration de l'époque, tous les jours, régulièrement et continuellement, parce qu'il lui a dit qu'un juif était un juif de trop. Implacablement, elle a poussé le gouvernement à tenter de porter à l'attention des politiciens du temps la situation critique du peuple juif, surtout des enfants dans les camps de concentration.

Lorsque vous entrerez dans cette salle demain, saluez-la parce que si elle siégeait au Sénat aujourd'hui, elle appuierait ce projet de loi.

Des voix: Bravo!

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je suis très ému du profond soutien de chacun des sénateurs à l'égard de ce projet de loi aujourd'hui. Certains s'inquiètent de la procédure et je les comprends. Toutefois, ce projet de loi jouit d'un appui profond, rationnel et émotionnel.

Les honorables sénateurs devraient savoir, et je crois que vous le comprendrez, que ce projet de loi ne provient pas du Sénat. Comme l'a mentionné l'honorable sénateur Prud'homme, il provient, rapidement et étonnamment d'une certaine manière, de l'autre endroit, où il a été approuvé à l'unanimité par tous les partis. Il nous a été envoyé dans l'espoir que nous lui accorderions le même traitement. J'ai été surpris, comme les honorables sénateurs l'ont été, lorsqu'on m'a demandé si je pouvais apporter mon concours pour que ce projet de loi soit adopté rapidement.

Comment aborde-t-on l'Holocauste? Cela fait 58 ans que la Seconde Guerre mondiale est terminée. Il y a 58 ans, on a fermé les gaz, on a éteint abruptement les feux de l'Holocauste et on a contrecarré un plan froidement raisonné et calculé: la solution finale.

(1700)

Comment bouche-t-on les fentes lorsque le mal s'immisce dans le monde? Confronté au mal au-delà de l'imaginable, le bien ne peut que l'emporter, nous enseigne-t-on, lorsque chacune des âmes tente de poser de petits gestes simples; de tout petits gestes, des actions de peu d'importance par lesquelles est entreprise la réparation du tort causé au monde.

Un soir de 1995, je regardais une émission de télévision intitulée 60 Minutes. Il y avait un débat au sujet de l'Holocauste, à savoir si cet événement avait eu lieu ou non. Cela m'a tellement mis hors de moi que j'ai consulté un vieil ami, Roy Fabish, qui a travaillé avec le sénateur LaPierre durant de nombreuses années à la télévision. Fabish m'a amené à publier un livre, ce que j'ai fait en six mois. Dans la préface du livre, intitulé Beyond Imagination, j'ai écrit ce qui suit:

Nous vivons et mourons par des mots. Dans notre esprit, l'Holocauste est un mot qui ne nous laisse jamais en repos. Nos têtes résonnent du déni à l'apathie, quasiment comme si nous craignions constamment de percer les coins les plus profonds et les plus secrets de notre esprit. Oui, cela fait 58 ans qu'a pris fin la Seconde Guerre mondiale, que l'on a coupé les gaz, éteint les fours de l'Holocauste et mis fin à la solution finale. Mais l'Holocauste, même 58 ans plus tard, qu'aujourd'hui on l'imagine ou qu'on se le rappelle, refuse de nous laisser indifférents.

Il y a des gens pour prétendre que, après l'Holocauste, il n'y a plus de mots, de prose, de poésie, de musique ni d'histoire pour décrire cet événement. Lord Bullock a été l'un des brillants historiens de la Seconde Guerre mondiale, l'un des éminents historiens du nazisme. Dans son livre, il soutient que l'Holocauste, après qu'il l'eût étudié, se distinguait comme un événement singulier et unique pour deux raisons: le nombre de gens tués et le fait qu'ils aient été tués uniquement parce qu'ils avaient une foi, leur foi juive.

En ce qui me concerne, honorables sénateurs, j'ai de ces événements un souvenir à la fois passif et actif. Nous ne pouvons pas nous contenter de regarder derrière, comme l'ont dit beaucoup d'honorables sénateurs, sans regarder le présent et sans regarder devant.

J'ai dédicacé mes livres, honorables sénateurs, à mes deux petits- fils, Daniel Aaron et Edward Adam. Un troisième petit-fils s'est ajouté depuis, Isaac Morgan. Je leur lance le défi, comme je me le suis lancé moi-même, de tirer pour eux-mêmes les leçons encore cachées de l'Holocauste, comme les sages de la Bible l'enseignent à chaque génération, c'est-à-dire de faire en sorte que chaque être vivant témoigne de chaque épisode, passé ou présent, dans le cours sinueux et accidenté de la condition humaine.

Nous sommes saisis d'un projet de loi très modeste, approuvé à l'unanimité par l'autre endroit, pour établir une journée en tant que Jour de l'Holocauste, le Yom Ha-Choah, tel que fixé par l'ancien calendrier juif. Cette journée a été choisie pour commémorer la fin de l'Holocauste. Cette journée est célébrée dans de nombreux pays du monde. Elle est célébrée et commémorée non seulement par des membres de ma foi, non seulement par mes coreligionnaires, mais par tout le monde, car ce n'est pas simplement une leçon morale pour les juifs. Cela préviendra des activités aussi viles à l'avenir. Ce sera une journée pour se rappeler le passé et une journée, on l'espère, pour changer pour le mieux l'avenir; une journée où tous peuvent se rappeler, comme de nombreux sénateurs l'ont déjà dit, la devise: Plus jamais.

J'exhorte les honorables sénateurs à appuyer cette modeste mesure pour rappeler chaque année aux Canadiens la nécessité de corriger notre monde imparfait. Je tiens à dire aux honorables sénateurs qui ont le sentiment qu'ils n'ont pas eu assez de temps pour examiner cette question et voir s'ils vont appuyer ce projet de loi, qu'ils auront cette occasion en troisième lecture. Comme d'autres honorables sénateurs l'ont dit, l'occasion sera donnée tous les ans à ceux d'entre vous qui, je l'espère, vont appuyer à l'unanimité cette mesure très modeste.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Prud'homme: L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Je pense que c'est une grande journée, car, sans mon entêtement, je crains que le Sénat n'ait adopté de façon extraordinairement rapide un projet de loi extrêmement important pour commémorer l'événement en question. Il s'agit d'un enseignement que nous allons donner tous les ans. Il est question de sensibiliser les jeunes également, et nous-mêmes aussi.

Ne pensez-vous pas, honorable sénateur, que nous venons de faire une bonne réflexion et que nous en aurons une autre pas plus tard que demain, j'en suis persuadé. Le fait que quelqu'un ait dit que ce n'était pas la façon de procéder signifie qu'on peut en parler tout d'abord puis veiller à ce que le projet de loi soit adopté. Nous sommes lundi et nous savons donc qu'il sera adopté. Je ferai tous les efforts possibles en ce sens et en fait, je vais m'assurer qu'il soit adopté au plus tard demain si vous vous en remettez à moi. Le fait que le processus ait forcé des honorables sénateurs à intervenir fera partie de l'histoire qui sera utilisée lorsque nous marquerons cette journée, le 19 avril prochain.

Dans l'éditorial d'aujourd'hui du Hill Times, il y a une certaine confusion, comme si le projet de loi était déjà adopté. Ce n'est pas la façon de faire. Les intéressés parlent comme si, pour eux, tout était réglé. Ce sera réglé quand ce le sera. On n'aurait pas dû parler de cela de cette façon. Je ne m'insurgerai pas contre la façon dont on a procédé.

Ayant écouté le sénateur Grafstein, le sénateur Fairbairn et d'autres, je peux dire que je suis heureux de voir les émotions que j'ai provoquées la semaine dernière grâce à ma participation. «Que cherche-t-il?» «Que fera-t-il?» Je suis content d'avoir forcé certaines personnes à prendre la parole. D'autres ne l'ont pas fait; ils applaudiront. N'êtes-vous pas d'accord que nous éduquer est la meilleure chose que nous puissions faire au Sénat? Nous devenons de meilleurs éducateurs si nous nous laissons éduquer par les gens.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, l'histoire du Sénat témoigne du fait que chaque sénateur célèbre, commémore et agit selon ses prédilections et ses expériences personnelles.

Honorables sénateurs, dans ma famille, la tradition veut que nous célébrions chaque année la mort des membres de notre famille immédiate et de nos compatriotes. Cela n'a rien de nouveau pour moi. C'est un temps de l'année où nous nous tournons à la fois vers le passé et vers l'avenir. Cette tradition vieille de 5 000 ans que nous pratiquons s'appelle Yartsa. Lorsqu'on fait cela chaque année, on sent en quelque sorte qu'on joue un rôle dans l'histoire et on se dit qu'on s'efforcera du mieux qu'on peut de faire une différence dans le monde afin que les maux que nous avons vaincus dans le passé ne reviennent pas nous vaincre à l'avenir.

Encore une fois, je remercie les sénateurs de leurs remarques profondes. J'espère que nous allons maintenant pouvoir faire avancer l'étude du projet de loi. Cela fait déjà 58 ans et cette mesure n'arrive pas une minute trop tôt.

(1710)

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter à mon tour quelques mots sur le sujet.

J'ai entendu les propos du sénateur Fairbairn. Il m'est revenu en mémoire cette observation que j'aurais dû noter: trop souvent, lorsque des gens dans le monde ont cherché chez nous un sanctuaire — et c'est là un terme lourd de sens dans la philosophie judéo- chrétienne — nous les avons repoussés. Peut-être apprendrons-nous à agir autrement à l'avenir.

Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler du Yom Ha-Choah, le Jour commémoratif de l'Holocauste. Nous sommes tous au courant des atrocités qui ont été commises au cours de la Deuxième Guerre mondiale. D'innombrables adversaires du régime nazi ont été brutalement et sauvagement assassinés. La communauté juive de l'Europe nazie a été la principale cible de ces actes inhumains. Des hommes, des femmes et des enfants sans défense ont été victimes des pires atrocités. Des millions de gens ont été torturés et tués impitoyablement.

Malheureusement, les auteurs de ces crimes contre l'humanité n'étaient pas les premiers à se comporter de façon aussi sauvage. L'histoire est remplie d'actes de folie semblables, dont certains sont encore frais à notre esprit. La proclamation du Yom Ha-Choah permettra d'honorer la mémoire des victimes de ces actes de barbarie et nous rappellera sans cesse, à nous et aux générations futures, tout le mal que les hommes sont capables de faire à leurs semblables.

Elle doit aussi nous rappeler que nous ne pouvons trouver de consolation dans la dénonciation, car, que ce soit par commission ou par omission, nous sommes tous responsables de ces actes de folie.

Le sénateur LaPierre, le sénateur Fairbairn et moi-même n'étions peut-être pas conscients de la situation à l'époque parce que nous étions trop jeunes, mais le monde savait ce qui se passait en Allemagne nazie. Il savait également ce qui se passait en Yougoslavie, au Rwanda, au Tibet et dans bien d'autres parties du monde, et pourtant on a laissé d'autres génocides et holocaustes se dérouler devant nos yeux. Malgré les images des atrocités commises à ces endroits que nous renvoyait la télévision, nous avons continué à nous la couler douce comme si de rien n'était.

Honorables sénateurs, j'ai passé mon enfance en Italie, à l'époque la Seconde Guerre mondiale, et je conserve des souvenirs très noirs de ces années. J'ai déjà visité Yad Vashem, une des expériences les plus émouvantes de ma vie. Au long des années, j'ai rencontré un certain nombre de survivants de l'Holocauste, qui m'ont étonné par le peu de haine qu'ils éprouvaient envers ceux qui avaient commis ces crimes. Ils éprouvaient beaucoup de tristesse, mais, en général, pas de haine. Je ne sais pas si je serais personnellement capable d'autant de générosité.

C'est pour cette raison que ce jour de commémoration est si important. La haine est l'une des principales causes de folie et d'atrocité. La haine à l'égard d'un tort passé, qu'il soit réel ou imaginaire, c'est cela qui conduit au meurtre, au génocide, à l'holocauste. Même si je ne suis pas certain de notre succès, nous ne devons jamais relâcher notre vigilance. Nous ne devons jamais cesser de nous souvenir du mal qui existe en chacun de nous. En nous rappelant le passé, nous réussirons peut-être, dans une certaine mesure, à empêcher quelque folie de l'avenir.

Faisons en sorte que Yom Ha-Choah — le Jour de l'Holocauste — rappelle perpétuellement à chacun d'entre nous que la folie n'est pas le fait d'une race, d'une couleur ou d'une croyance particulière, et que lorsqu'elle frappe, elle crée des dégâts et une douleur insupportables, en particulier pour les innocents.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

ÉTUDE EN COMITÉ PLÉNIER

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, je propose: Que le projet de loi soit maintenant renvoyé au comité plénier.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Invoquez-vous le Règlement, sénateur Corbin?

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, est-il possible de débattre de cette motion?

Son Honneur le Président: Non, je ne crois pas que ce soit possible, mais je vais le vérifier.

Aux termes du paragraphe 59(16) du Règlement, une motion pour que le Sénat se forme en comité plénier peut être présentée sans avis. Je pourrais poursuivre mes recherches, mais je crois qu'il n'est pas possible de débattre de ce type de motion.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, ne doit-on pas déposer une motion pour autoriser le Sénat à se former en comité plénier?

Son Honneur le Président: Oui, une motion est nécessaire.

Le sénateur Cools: L'ordre des motions peut être un peu étrange, mais il me semble qu'il faut une résolution ou une motion du Sénat pour se former en comité plénier.

Son Honneur le Président: C'est le cas, sénateur Cools, et j'attire votre attention sur notre Règlement. Cela n'a rien à voir avec une motion.

Il va sans dire qu'il faut déposer une motion pour renvoyer un projet de loi à un comité pour pouvoir passer à la prochaine étape. Le point important sur lequel il faudra se pencher par suite de la question du sénateur Corbin sera de déterminer s'il s'agit d'une motion pouvant faire l'objet d'un débat. J'ai tenté de répondre en attirant l'attention sur la règle qui prévoit qu'il ne s'agit pas d'une motion exigeant le dépôt d'un avis. Autrement dit, elle peut être déposée maintenant, et elle a été correctement déposée par le sénateur Poulin.

Il s'agit maintenant d'établir si elle peut faire l'objet d'un débat. En plus de ce que je viens de dire, j'aimerais renvoyer les sénateurs à l'article 62 du Règlement qui prévoit un genre de processus inverse. Le paragraphe 62(2) du Règlement dit ceci:

Sauf dans les cas prévus ailleurs dans le Règlement, sont sujettes à débat les motions suivantes:

L'un des cas prévus, (i), a été mentionné ici. Il y en a plusieurs autres.

On me dit que cela n'y est pas. Je peux lire tous les alinéas, si c'est ce que veulent les honorables sénateurs, de a) à r).

Si le sénateur Corbin le désire, je lirai tous les alinéas pour que nous puissions le confirmer, mais à mon avis, cette motion n'est pas sujette à débat puisqu'elle n'est pas mentionnée dans la liste des motions sujettes à débat à l'article 62 du Règlement.

Le sénateur Corbin: Je considère qu'il s'agit là de votre décision. Toutefois, puis-faire un recours au Règlement?

Les sénateurs se souviendront que, lorsque je suis intervenu dans le débat de deuxième lecture, j'ai attiré l'attention de notre assemblée sur le fait que le Sénat n'était pas inclus. Je présume qu'un amendement sera apporté à cet effet en comité plénier.

L'autre point que j'ai souligné avait trait au fait que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s'était récemment penché sur un certain nombre de projets de loi portant sur des propositions de commémoration. Je voulais vérifier auprès du gouvernement s'il existait un protocole pour l'établissement de dates et d'événements commémoratifs importants au Canada. La réponse est loin d'être claire. Au fil des ans, j'ai exprimé un vif intérêt pour l'élaboration d'un protocole.

J'ai dit très clairement que j'appuie cette initiative. Ce projet de loi n'est pas contesté; ce qui est contesté, c'est le processus en général, qui touche les jours de commémoration. J'ai dit expressément craindre que nous ne sachions pas exactement, d'une année à l'autre, à quelle date précise aura lieu la commémoration de l'Holocauste. Il suit le calendrier juif, qui est plus ou moins basé sur le calendrier lunaire.

(1720)

Il est pertinent de vouloir savoir à quelles dates cette commémoration aura lieu à l'avenir. Je voudrais savoir si ces dates entreront en conflit avec d'autres dates importantes de commémoration.

Avant que nous ne nous engagions dans ce débat, j'ai demandé au sénateur Grafstein s'il savait, par exemple, à quelle date cette commémoration aura lieu cette année. Il n'a pas pu me donner une réponse. Il importe de savoir de quelle façon d'autres dates de commémoration pourraient être touchées.

Je suis en train de prononcer un discours et de poser une question. Je m'en rends compte. J'espère que les sénateurs et Son Honneur le reconnaissent également. Cependant, lorsque nous nous réunirons en comité plénier, quelqu'un répondra-t-il à la question que je viens de poser?

Son Honneur le Président: S'il s'agit d'une question, sénateur Corbin, je ne peux pas vous aider.

Quant à savoir s'il convient ou non d'aller de l'avant, je risque une décision, à savoir que si le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est peut-être saisi d'un renvoi sur la question en général concernant la désignation de dates pour commémorer des journées spéciales, le fait qu'il n'a pas présenté de rapport ou terminé ses travaux ne constitue pas un problème en ce qui concerne le vote sur la motion dont nous sommes saisis. Par conséquent, je mets la motion aux voix, honorables sénateurs.

L'honorable sénateur Poulin, appuyée par l'honorable sénateur Grafstein, propose: Que le projet de loi soit maintenant renvoyé à un comité plénier.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Je quitte le fauteuil et demande au sénateur Pépin de présider le comité plénier.

Le sénateur Cools: Le Sénat n'a pas adopté la résolution de se former en comité plénier. Il vient tout juste d'adopter la résolution de transmettre le projet de loi au comité plénier. Une résolution ou une motion s'impose pour que le Sénat puisse se former en comité plénier.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, compte tenu de la motion qui vient tout juste d'être adoptée, êtes-vous d'accord pour que nous nous formions en comité plénier?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Je quitte maintenant le fauteuil et le sénateur Pépin présidera les travaux du comité plénier.


Le Sénat s'ajourne à loisir et se forme en comité plénier sous la présidence de l'honorable Lucie Pépin.

La présidente: Honorables sénateurs, le Sénat est maintenant formé en comité plénier pour étudier le projet de loi C-459, Loi instituant le Jour commémoratif de l'Holocauste.

Honorables sénateurs, l'article 83 du Règlement précise ce qui suit:

Lorsque le Sénat se forme en comité plénier, chaque sénateur doit occuper sa place. Un sénateur qui veut prendre la parole se lève et s'adresse au président du comité.

Êtes-vous d'accord pour renoncer à l'application de l'article 83 du Règlement?

Le sénateur Cools: Pourquoi renoncer à l'application de l'article 83 du Règlement?

La présidente: C'est la tradition.

Acceptez-vous de renoncer à l'application de l'article 83 du Règlement, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

La présidente: En conformité avec le commentaire 690 de l'ouvrage de Beauchesne, l'étude du préambule et du titre du projet de loi est reportée.

Honorables sénateurs, nous étudions l'article 1 du projet de loi.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, j'ai un problème. Nous sommes en comité plénier et nous sommes passés directement à l'étude article par article du projet de loi. Le comité plénier devrait nous accorder la possibilité de dialoguer et de poser des questions au parrain du projet de loi. L'étude article par article devrait constituer la dernière étape de nos délibérations et elle ne devrait pas prendre trop de temps, car le projet de loi ne comprend qu'un article. Peut- être devrions-nous autoriser une période de débat.

Madame la présidente, je crois que le comité plénier doit prendre la décision de passer à l'étude article par article du projet de loi.

La présidente: Il me semble que c'est la façon dont nous procédons lorsque nous discutons du premier article d'un projet de loi.

Le sénateur Cools: Ce n'est pas nécessairement le cas, madame la présidente. Nous avons eu de nombreux comités pléniers. Des ministres et des témoins ont comparu à l'occasion de comités pléniers. Il existe un vaste éventail de façons de procéder. Certains sénateurs ne connaissent peut-être pas beaucoup cette procédure. Je m'attendais à ce que, par exemple, les sénateurs Grafstein ou Poulin puissent soulever quelques autres questions à des fins de débat.

La présidente: Acceptez-vous, honorables sénateurs, de tenir une discussion d'ordre général?

[Français]

Le sénateur Prud'homme: Nous avons l'exemple parfait de ce qui arrive lorsqu'on veut hâter et précipiter les choses. Tout aurait pu se dérouler de la bonne façon. À qui va-t-on poser des questions? En comité plénier, nous avons quand même quelqu'un à qui poser des questions. On ne peut pas poser de questions au sénateur Grafstein puisqu'il n'est pas le parrain de ce projet de loi. On ne peut pas avoir de témoins. Franchement, qu'est-ce que cette histoire? Le sénateur Grafstein a été tellement clair, cela fait 58 ans que les événements ont eu lieu et voilà qu'au lieu de procéder pendant un jour ou deux, nous nous formons en comité plénier. Nous avons même dû siéger vendredi dernier, à mon avis d'une manière bien erronée. Pourquoi? Je sais que certains sont bien préparés, mais comme par hasard, je le suis aussi. Les règlements disent que les sénateurs peuvent parler de leur place ou de n'importe quel siège et ce, aussi souvent qu'ils le désirent. J'adore le comité plénier à la Chambre des communes, je trouve cela intéressant, mais ici au Sénat, il n'y en a jamais ou si peu depuis dix ans.

J'aurais aimé que le député Marceau, parrain du projet de loi, soit convoqué en tant que témoin. D'abord, cela donnerait de l'ampleur à ce que nous voulons faire. Ce projet de loi a déjà été déposé par le NPD il y a trois ans et, après entente entre amis, ils ont décidé de le donner au Bloc Québécois. Qui est le parrain du projet de loi que l'on pourrait questionner? Je ne vois personne en cette enceinte qui pourrait le faire. Pourquoi ne pas suivre nos règles habituelles avec calme? Si nous avons des questions, à qui les poserons-nous? Au sénateur Carstairs? Elle va dire que ce n'est pas un projet de loi du gouvernement, que c'est un projet de loi privé de la Chambre des communes. Au sénateur Grafstein? Non, son nom a été mentionné, mais il n'est pas le responsable de ce projet de loi. Au sénateur Kinsella peut-être? Non plus, son nom est mentionné partout, mais son nom n'est pas là. Il ne nous reste plus que les sénateurs Fairbairn et Poulin qui devraient prendre leurs sièges et nous répondre, puisqu'elles parrainent ce projet de loi au nom des parrains de la Chambre des Communes.

[Traduction]

Ce serait la façon correcte de procéder en comité plénier.

[Français]

Autrement, cela devient décourageant pour les nouveaux sénateurs. Ils se diront que si c'est cela un comité plénier, nous ferions mieux de ne jamais en avoir.

(1730)

[Traduction]

Le sénateur LaPierre: Tout d'abord, je voudrais savoir pourquoi nous n'adoptons pas immédiatement ce projet de loi à l'unanimité. C'est un projet de loi inoffensif. Deuxièmement, en ce qui concerne la date, Israël a désigné un jour spécial dans l'année: le Jour de l'Holocauste, ou un titre semblable. Nous pourrions facilement retenir la même date chez nous. L'avons-nous fait? Une date est prévue dans le projet de loi. Il nous suffit maintenant de proposer l'adoption du projet de loi à l'unanimité. J'en fais la proposition.

Le sénateur Mahovlich: Est-ce le calendrier juif?

Le sénateur LaPierre: Les juifs ont un calendrier. En septembre, il indiquait l'année 5000 et quelque.

Ils ont un calendrier que nous pouvons utiliser. Après tout, il s'agit de quelque chose qui leur appartient et qui nous appartient aussi. Nous pouvons utiliser leur calendrier. Qu'y a-t-il de mal à cela?

Le sénateur Mahovlich: Cela pourrait entrer en conflit avec notre propre calendrier. C'est ce que nous disons. Si la date figurait sur notre calendrier, il n'y aurait pas de conflit.

Le sénateur LaPierre: Vous voulez une date permanente.

Le sénateur Mahovlich: Les catholiques ont la Toussaint. Nous célébrons la fête des morts le 2 novembre de chaque année; c'est simple.

Le sénateur LaPierre: Nous célébrons tous les saints, qui sont tous au Sénat.

Le sénateur Kinsella: La raison pour laquelle je m'assois, c'est que nous avons décidé de ne pas appliquer le Règlement. Lorsque la Chambre siège en comité plénier, la tradition veut que nous puissions prendre la parole depuis nos fauteuils.

Nous possédons toute l'information et toutes les ressources, en comité plénier, pour régler toutes les questions que les honorables sénateurs voudront soulever.

Lorsque nous reviendrons au préambule, plus précisément au sixième paragraphe, nous entendons proposer un amendement. Nous croyons que le texte devrait stipuler «que le Parlement» et non pas simplement «que la Chambre des communes». Le sénateur Nolin y a fait allusion pendant le débat de deuxième lecture.

Puisque le sénateur qui défend le projet de loi et celui qui l'appuie se trouvent parmi nous, nous pourrons nous en remettre aux explications de ces honorables sénateurs, mais également à tous les autres honorables sénateurs.

Je pense qu'il s'agit d'un exercice simple. Nous siégeons en comité. Je présume que nous nous sommes assurés de ne pas avoir à faire appel à des témoins de l'extérieur. Cela étant dit, nous examinerons l'opportunité de proposer un amendement au sixième paragraphe du préambule.

[Français]

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, j'ai une question de procédure et le sénateur Kinsella vient d'y faire référence. En ce moment, discutons-nous de l'article 1 du projet de loi? À quel moment vais-je pouvoir déposer mon amendement? C'est tout ce que je veux savoir.

La présidente: Nous allons avoir une discussion générale et ensuite vous pourrez déposer votre amendement.

[Traduction]

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au sénateur Poulin — j'avais entendu dire qu'il y aurait peut- être un amendement précisant que la Chambre des communes et le Sénat sont résolus à adopter un projet de loi. Je ne me mêlerai pas de ça. Toutefois, quelle est l'intention du deuxième alinéa du préambule? En voici le texte:

[Attendu] que six millions d'hommes, de femmes et d'enfants juifs ont péri sous le coup de cette politique de haine et de génocide;

L'alinéa suivant se lit comme suit:

[Attendu] que des millions d'autres personnes ont été victimes de cette politique en raison d'une incapacité physique ou mentale ou de leur race, religion ou orientation sexuelle.

Le premier alinéa que j'ai cité concerne le fait de périr, c'est-à-dire le fait de mourir; il concerne six millions d'hommes, de femmes et d'enfants juifs. Où, dans cette déclaration du préambule, prenons- nous note des nombreux hommes, femmes et enfants juifs qui ont été victimes de ces politiques, mais n'ont pas péri? On peut les classer parmi les victimes, parce qu'ils vivent l'Holocauste de manière différente de nous.

Deuxièmement, en ce qui concerne le deuxième alinéa que j'ai cité, nous savons, par exemple, grâce à l'ouverture, enfin, des archives soviétiques, que ces catégories sont en croissance. Est-ce qu'on a voulu limiter cet alinéa uniquement à ces autres catégories de victimes? L'alinéa exclut certaines victimes — les hommes, femmes et enfants juifs en qualité de victimes.

Vous qui avez proposé ce projet de loi, pouvez-vous me préciser la pensée qui sous-tend ces deux alinéas?

[Français]

Le sénateur Poulin: Honorables sénateurs, je remercie ma collègue de sa question. Je reconnais l'intérêt qu'elle porte à cette importante législation. Nos collègues de l'autre endroit, qui ont rédigé le préambule, n'avaient pas l'intention d'exclure quelque groupe que ce soit. L'honorable sénateur vient de le mentionner, notre histoire demeure vivante. Nos recherchistes de par le monde entier continuent à découvrir des faits, des dates. Ces faits et dates continuent à nous enrichir d'une meilleure connaissance d'un drame aussi important que l'Holocauste.

[Traduction]

Le sénateur Andreychuk: Compte tenu de l'explication donnée par mon honorable amie selon laquelle des millions d'autres ont été victimes de cette politique, pourquoi le deuxième alinéa du préambule ne dit-il pas «[Attendu] que six millions d'hommes, de femmes et d'enfants juifs ont péri sous le coup de cette politique de haine et de génocide» et pourquoi le troisième alinéa ne dit-il pas: «Attendu que d'autres ont péri ou ont été victimes»?

[Français]

Le sénateur Poulin: Honorables sénateurs, comme je vous le disais, nos collègues à l'autre endroit ont préparé le préambule. Ici, en tant que comité du Sénat, nous avons l'occasion de faire des ajustements, comme les honorables sénateurs aimeraient le faire aujourd'hui. Si l'honorable sénateur veut apporter un amendement pour rendre plus clair le projet de loi, je l'invite à le faire.

[Traduction]

Le sénateur Bryden: J'ai levé la main un peu plus tôt. Je suis conscient que la motion ne peut pas être débattue, mais je me demande pourquoi nous procédons de la sorte. Pourquoi ne suivons-nous pas la procédure habituelle et ne renvoyons-nous pas le projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles qui pourra régler certaines questions rapidement? Nous avons examiné rapidement un projet de loi modifiant le Code criminel. Je sais que le Règlement ne me le permet pas, mais j'aurais soulevé ce point plus tôt. C'est pourquoi j'ai levé la main.

Le sénateur Kroft: Je comprends que le sénateur Andreychuk a reformulé sa question. Si j'ai bien entendu, je crois qu'il y a une réponse fort simple à celle-ci et, si on me le permet, j'aimerais la présenter.

(1740)

Le sénateur Andreychuk: En fait, j'ai une série de questions. Premièrement, alors qu'environ six millions d'hommes, de femmes et d'enfants juifs ont péri à cause de cette politique favorisant la haine et le génocide, le projet de loi ne mentionne pas les juifs qui en ont été victimes. Il parle uniquement des personnes qui ont péri. L'honorable sénateur Poulin, qui a rédigé et proposé le projet de loi me dira-t-elle que le verbe «périr» peut englober les personnes qui sont mortes de même que les personnes qui ont été victimes de tortures physiques, des conséquences sur le plan émotif et mental de subir ces tortures et de la peur et de la haine? On a du mal à supporter ces horreurs de génération en génération. À mon avis, le projet de loi ne tient pas compte de toutes les situations.

Deuxièmement, d'autres ont perdu la vie parmi les personnes qui ont aidé les juifs. En fait, ces derniers temps, en Israël, on a honoré comme on le fait depuis un certain nombre d'années, les personnes qui ont soutenu les juifs pendant l'Holocauste. On a souligné tout particulièrement le fait que certains sont morts en leur venant en aide.

Si cela devait être un préambule omnibus, j'espère qu'il vise également les juifs qui ont péri et ceux qui ont été victimes du génocide. J'espère que nous pourrons ajouter dans le préambule que d'autres ont péri ou en ont été victimes. Si le libellé actuel peut être interprété comme incluant ces groupes, je serais ravie que cette interprétation soit inscrite au compte rendu.

Le sénateur Kroft: Nous n'avons pas l'intention d'élargir le libellé pour inclure toute une série de situations et de souffrances humaines. La commémoration de l'Holocauste et le projet de loi instituant le Jour commémoratif de l'Holocauste ont pour objet de se remémorer ceux qui sont morts. Selon les chiffres historiques acceptés, six millions de personnes ont péri lors de ce génocide. Ce projet de loi a pour but de rendre hommage à la mémoire de ceux qui sont morts.

Vous pouvez, en approfondissant votre étude du sujet, discuter des répercussions de cette tragédie sur tous ceux qui ont connu d'autres souffrances, mais l'objet du projet de loi C-459 est de désigner un jour à la mémoire de ceux qui ont péri, et c'est pour cette raison que le projet de loi est si précis. Au lieu de chercher un verbe plus englobant que le verbe périr, j'exhorte le Sénat à comprendre que l'objet du projet de loi est simplement de se souvenir de ceux qui sont morts.

Le sénateur Andreychuk: Pourquoi alors a-t-on ajouté l'alinéa suivant si l'objet de cette mesure législative est de rendre hommage à la mémoire des six millions de juifs qui ont péri mais non des juifs qui ont été victimes du génocide? Pourquoi avoir mis le troisième alinéa?

Le sénateur Kroft: J'ai exposé mon argument aussi clairement que possible en ce qui concerne le projet de loi. Je ne pense pas que qui que ce soit aimerait laisser entendre que c'est la seule horreur de l'holocauste. Des termes plus généraux et non exclusifs seraient appropriés si vous voulez, mais j'estime qu'il ne serait pas judicieux, à cette étape-ci de notre histoire, de compliquer la question en se demandant ce qu'on entend par «ont péri» et qui est compris dans les six millions.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Je suis surpris de cette discussion. Je suis de l'avis du sénateur Bryden. À mon avis, ce projet de loi aurait dû être soumis au Comité des affaires juridiques et constitutionnelle, car on constate des problèmes juridiques très importants dans ce projet de loi. J'appuie le projet de loi à 100 p. 100, mais si on reste en comité plénier, il faudra que quelqu'un réponde aux questions. Les questions du sénateur Andreychuk sont très bonnes. Si on a mis deux «attendus», c'est qu'on avait une raison. Et si on en veut seulement un, c'est-à-dire «la mort de six millions de personnes», c'est une autre question.

[Traduction]

En ce qui concerne ces deux alinéas, je ne suis pas certain que nous ayons pris la bonne orientation. De toute évidence, le projet de loi soulève des questions d'ordre juridique. Si nous restons en comité plénier, nous devrions nous limiter à ce qu'a dit le sénateur Kroft.

Si le comité plénier décidait de modifier le projet de loi, cela me conviendrait, mais je suggère que l'on fasse les choses dans les règles. Quand on étudie trop rapidement un projet de loi, on risque toujours de faire une erreur quant à sa structure et d'en altérer la légalité, s'il était adopté.

Si les sénateurs désirent rester en comité plénier, quelqu'un devrait venir répondre à nos questions. Nous n'avons pas le choix. Si les sénateurs veulent renvoyer le projet de loi au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, c'est une autre question. C'est important à mon avis.

Le sénateur St. Germain: J'ai une chose à ajouter. Le sénateur Bryden a fait une suggestion à laquelle le sénateur Grafstein et d'autres essaient de répondre. Serait-il contraire au Règlement de recommander que le projet de loi soit envoyé immédiatement au comité pour qu'il l'étudie dans les plus brefs délais et le renvoie au Sénat demain après-midi? C'est un projet de loi important. Nous ne devrions pas le mettre en danger en procédant d'une certaine manière alors qu'une autre manière serait plus rapide, plus efficace et conforme aux exigences et à la volonté de cette assemblée qui, je crois, est entièrement en faveur de ce projet de loi.

Honorables sénateurs, nous ralentissons peut-être le processus en en faisant l'étude en comité plénier.

Le sénateur Di Nino: J'aimerais répondre à la question très valable soulevée par le sénateur Andreychuk.

La dévastation causée pendant cette terrible période de notre histoire, aussi horrible qu'elle ait été en termes de pertes de vie, a également touché des millions de personnes qui ont été atteintes psychologiquement et économiquement. Des millions ont souffert d'une manière ou d'une autre. J'ai été frappé par la question du sénateur Andreychuk et je comprends que nous pouvons passer le projet de loi au peigne fin.

Toutefois, le troisième «attendu» dit «que l'effroyable destruction et les terribles souffrances entraînées par l'Holocauste ne doivent jamais tomber dans l'oubli.» Je pense que nous pouvons probablement y voir également les autres souffrances horribles infligées par l'Holocauste au reste de l'humanité, et plus particulièrement à la communauté juive. Je serai satisfait si ce fait était reconnu dans le troisième «attendu».

[Français]

Le sénateur LaPierre: Je suis totalement scandalisé.

[Traduction]

Je suis scandalisé de voir cette importante question discréditée parce qu'on se montre tatillon au sujet de la procédure et sur le sens des mots.

Une personne qu'on tire de chez elle en pleine nuit, qu'on sépare de ses enfants, qu'on jette dans un wagon rempli d'excréments et qu'on envoie très loin, meurt. C'est le début de la souffrance. Discuterons-nous de chaque mot de ce projet de loi pendant les dix prochaines années? Voyons, honorables sénateurs, soyez sérieux et acceptez ce projet de loi afin que nous n'insultions pas les Canadiens en reportant son adoption pour discuter de l'évidence. Des gens sont morts et on oublie qu'ils sont morts.

(1750)

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, le comité plénier est peu commode pour présenter des amendements. Pour répondre à la question du sénateur Andreychuk concernant ceux qui sont morts et ceux qui ne sont pas morts, le but et le préambule du projet de loi sont compris dans son titre: le Jour commémoratif de l'Holocauste.

Honorables sénateurs, les commémorations concernent habituellement des disparus. Le projet de loi vise à commémorer les six millions de personnes qui ont péri. On utilise le mot «péri». Périr est un mot très propre pour dire mourir.

Honorables sénateurs, je propose que nous supprimions différents alinéas du préambule plutôt que de les modifier l'un après l'autre. C'est plus simple. Nous pouvons conserver le premier alinéa du préambule. Nous pouvons garder le deuxième. Nous pouvons supprimer le troisième. Nous gardons le quatrième et le cinquième et supprimons le sixième et le septième. De cette manière, nous réglons les difficultés de procédure et nous obtenons des résultats.

Il est beaucoup plus facile de voter sur une suppression que sur chaque changement de mot ici et là. Le projet de loi a manifestement pour but de créer une journée en souvenir des victimes de l'Holocauste. La suppression de ces deux alinéas du préambule serait tout à fait conforme à son intention. Cette mesure nous permettrait de procéder rapidement à l'approbation des dispositions législatives comme telles.

Honorables sénateurs, les auteurs du projet de loi craignent de manquer de temps parce que, si le Sénat décidait d'apporter des changements, il faudrait envoyer un message à la Chambre des communes. Donc, le temps presse.

Je propose cette solution car je suis convaincue qu'en supprimant ces deux alinéas du préambule, nous n'aurions plus à nous demander s'il faut ajouter le mot «Sénat», enlever l'expression «Chambre des communes» ou utiliser le terme «Parlement». On pourrait facilement supprimer les deux alinéas en question sans rien enlever au fond, à l'esprit et à l'objet du projet de loi.

Comme je l'ai dit auparavant, honorable sénateur Andreychuk, les événements commémoratifs se tiennent à la mémoire de personnes décédées. Ma proposition nous éviterait ce qui pourrait se transformer en un énorme fardeau sur le plan de la procédure.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, j'ai écouté attentivement les propos de mes collègues et je ne trouve pas que ce soit là un processus compliqué. Il reconnaît l'importance et le sérieux de cette question, que nous a signalés le sénateur Prud'homme, et, plutôt que de s'adresser à un comité individuel, sollicite l'avis de tous les sénateurs sur le but de ce projet de loi. Comme l'a souligné avec raison le sénateur Prud'homme, nous recourons habituellement au comité plénier pour étudier des projets de loi de la plus haute importance. Concentrons-nous sur la question dont nous sommes saisis, c'est-à-dire les mots que nous étudions. Nous avons convenu à l'unanimité que le projet de loi traite d'une question sérieuse et profonde. C'est la raison pour laquelle nous siégeons en comité plénier.

Les sénateurs Di Nino et Kroft, qui ont écouté les propos de tous les députés, en ont fait un résumé. Il faut lire chacun des attendus pour comprendre le sens ou l'intention du projet de loi. Les «attendus» ne sont pas exécutoires. Ils sont indicatifs. Les sénateurs Beaudoin et Andreychuk savent tous deux que les «attendus» ne donnent que des orientations sur le plan légal. Ils ne sont pas exécutoires. La portion exécutoire du projet de loi est la mention de la journée.

C'est un libellé impeccable. Il n'y a qu'une seule correction, que le sénateur Kinsella a signalée, qui devrait être apportée. Il est question de l'«attendu» no 6 qui dit: «que la Chambre des communes». Comme le sénateur Kinsella le propose, on devrait changer un mot. L'«attendu» devrait dire: «que le Parlement s'emploie...» ce qui inclut les deux Chambres. Cela règlerait l'aspect libellé du projet de loi.

J'exhorte tous les honorables sénateurs à lire lentement et attentivement tous les éléments. Cela inclut tout ce que le monde a dit. C'est merveilleusement résumé près de la fin du dernier «attendu» où on dit: «est un jour propice de réflexion sur les leçons durables de l'Holocauste et une occasion de se sensibiliser à celles-ci et de réaffirmer l'engagement de faire respecter les droits de la personne».

C'est inclusif. Cela englobe tout. De plus, cela couvre l'histoire et les progrès relativement à cet événement particulier. On permet à toutes les personnes de réfléchir à cette journée et d'expliquer, si elles le choisissent, le sens de cette journée — maintenant, dans le passé et à l'avenir.

L'autre Chambre a préparé un projet de loi impeccable. Il vise toutes les préoccupations. Le sénateur Di Nino a très bien exprimé les choses: Tout est dans les «attendus». Il incombe donc à chaque sénateur et député de réfléchir à cette journée et de nous aider à comprendre les leçons de l'Holocauste.

Madame la présidente, je dirais que c'est un libellé impeccable. Il ne s'agit pas d'un jargon de juristes. Il est question d'intention. Les «attendus» ne sont pas exécutoires sur le plan légal, mais le projet de loi l'est. Il vise toutes les émotions et préoccupations exprimées par tous les sénateurs.

Honorables sénateurs, j'appuie l'initiative du sénateur Kinsella tendant à amender l'«attendu». Cela va signaler que les deux Chambres du Parlement vont s'employer à protéger les Canadiens contre la violence, le racisme et la haine par le biais de mesures législatives et de l'éducation et par la force de l'exemple et s'acharner à empêcher d'agir ceux qui encouragent ou commettent des crimes de violence, de racisme et de haine. C'est une façon tout à fait appropriée d'aborder la question.

Le sénateur Beaudoin: Honorables sénateurs, après avoir entendu le sénateur Grafstein, si le comité plénier a l'intention de faire ce que le sénateur dit, je serai d'accord. Il y a, bien entendu, une autre possibilité. Nous pourrions renvoyer le projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous rédigerions un rapport et le renverrions au Comité des affaires juridiques, et cela prendrait du temps.

Si nous voulons rester et terminer l'étude du projet de loi immédiatement, nous pouvons le faire. Nous devrions cependant l'étudier de la même manière que le ferait le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous devons être précis. Nous devons faire en sorte que cette mesure soit parfaite. La perfection est possible, il suffit d'y mettre le temps. Si nous voulons rester ici, restons.

Toutefois, nous devons étudier très soigneusement les intentions qui sous-tendent le projet de loi. Cela peut demander un certain temps, mais nous devons le faire. Je suis d'accord avec le sénateur Grafstein pour dire que l'origine du projet de loi n'est pas la légalité, mais que le projet de loi est très important. Il sera cité. Il figurera dans les manuels d'histoire. Nous devons être sûrs de notre fait.

J'approuve la proposition du sénateur Grafstein qui veut que nous amendions les attendus correctement.

(1800)

D'accord, restons en comité plénier, mais faisons les choses correctement, c'est-à-dire légalement. Il n'y a pas d'autres possibilités.

La présidente: Honorables sénateurs, il est 18 heures.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je crois que vous trouverez probablement consentement à ce qu'on ne voie pas l'horloge pour continuer cet important débat.

De même, honorables sénateurs, nous devons reconnaître que le Comité permanent des langues officielles devait siéger à l'ajournement. Par conséquent, je crois que, par consentement, nous pourrions permettre au Comité des langues officielles de siéger afin que l'on puisse entendre l'honorable sénateur Kinsella. Je suis à votre entière disposition. Je sais que le Règlement existe, mais par consentement nous pourrions accorder cette permission.

[Traduction]

Le sénateur Corbin: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Nous ne pouvons, avec le consentement unanime, continuer à siéger en comité plénier. Il faut faire rapport et demander la permission de continuer à siéger.

La présidente: Il est 18 heures. Voulez-vous que je lève la séance et demande à ce que nous ne tenions pas compte de l'heure?

Le sénateur Kinsella: Oui.

Le sénateur Cools: Il faut lever la séance du comité plénier.

La présidente: Est-on d'accord pour que je lève la séance et demande à ce que nous ne tenions pas compte de l'heure?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Son Honneur ne peut être à la fois présidente du comité plénier et Présidente du Sénat.


Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

RAPPORT DU COMITÉ PLÉNIER

L'honorable Lucie Pépin: Votre Honneur, le comité plénier demande que nous ne tenions pas compte de l'heure et demande à siéger de nouveau.

Son Honneur le Président: Merci de votre rapport, madame la présidente.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, que nous ne tenions pas compte de l'heure pour que le comité plénier continue à siéger?

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois que nous pourrions consentir à ce qu'on ne voie pas l'horloge et, de même, permettre au Comité permanent des langues officielles de siéger même si le Sénat siège en comité plénier.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, ma question est la même. J'aimerais connaître vos intentions pour le reste de la soirée. Certains d'entre nous sommes ici depuis l'ouverture. Je n'ai aucune objection. Néanmoins, le corps humain a ses limites. Devons-nous passer à travers l'ordre du jour au complet, jusqu'à minuit, comme ce fut le cas la semaine dernière? J'aimerais connaître vos intentions.

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je croyais, plus tôt aujourd'hui, que nous pourrions compléter nos travaux avant 18 heures. Toutefois, les choses ont pris un autre tournant. Nous sommes au milieu d'un débat très important.

Nous avons terminé les affaires du gouvernement. Il reste à déterminer pendant combien de temps ce débat devra se poursuivre en comité plénier pour revenir ensuite au Sénat. Je n'ai pas l'intention de garder les honorables sénateurs en Chambre jusqu'à minuit. Comme les honorables sénateurs, j'aimerais également jouir d'un peu de repos.

Sans prendre d'engagement, nous verrons au fur et à mesure comment les choses se dérouleront et, s'il y a lieu, nous demanderons le consentement.

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, en réponse au leader adjoint du gouvernement, j'allais justement dire que les sénateurs seront sûrement d'accord pour autoriser le comité à siéger; aussi, il devrait peut-être présenter une motion à cette fin.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au sénateur Robichaud. Oui, nous devrions poursuivre nos travaux en comité plénier, mais j'aimerais connaître les intentions du sénateur. Il y a d'autres questions dont il faut traiter. Est-il prêt à en reporter l'étude demain, si quelqu'un doit s'absenter?

[Français]

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, mon intention était de se rendre au moins jusqu'au point suivant. Cet article fait l'objet de discussions depuis déjà un bon moment. Plusieurs d'entre nous aimerions que l'étude de ce projet de loi puisse avancer. Par conséquent, s'il y a disposition pour reporter le tout, je vous en ferai la proposition et demanderai s'il y a consentement.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Je rappelle aux honorables sénateurs qu'une question de privilège figure sur la liste des questions à aborder et je pense qu'il faut l'examiner aujourd'hui. Certains seraient peut-être d'accord pour en reporter l'étude, mais d'après ce que je comprends, nous devons nous pencher sur cette question aujourd'hui.

La première chose que je dois faire, toutefois, c'est de confirmer votre intention de ne pas tenir compte de l'heure.

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Il est convenu que nous ne tenions pas compte de l'heure. Êtes-vous maintenant disposés à ce que nous poursuivions nos travaux en comité plénier?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Avant de le faire, je pense que le sénateur Robichaud veut proposer une motion.

[Français]

LANGUES OFFICIELLES

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÈGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et par dérogation à l'alinéa 58(1) du Règlement, je propose:

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à siéger pendant la séance du Sénat d'aujourd'hui, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'aimerais avoir un engagement du sénateur Robichaud. Je tiens à prendre la parole au sujet du projet de loi C-250, mais j'ai un rendez-vous à 19 h 15 que je dois absolument respecter. Nous avons décidé de ne pas tenir compte de l'heure et nous avons donné la permission de poursuivre en comité plénier. Le leader adjoint consentira-t-il à reporter le débat sur le projet de loi à demain?

(1810)

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le projet de loi C-250 n'est pas un projet de loi du gouvernement. J'essaie de faire avancer les travaux du Sénat. Ce soir, la décision reviendra aux sénateurs qui parrainent ce projet de loi.

S'ils sont d'avis qu'ils peuvent le reporter à demain, je n'ai pas d'objection. Mais cela fait un certain temps que nous essayons de faire avancer ce projet de loi ainsi que toutes les affaires du gouvernement. Nous verrons alors si nous pouvons parler de ce projet de loi avant que le sénateur quitte la Chambre pour sa réunion. Je l'espère bien.

[Traduction]

L'honorable Francis William Mahovlich: Honorables sénateurs, est- il possible que le Sénat siège en comité plénier pendant qu'un autre comité siège?

Son Honneur le Président: Nous avons accepté d'autoriser le Comité des langues officielles à siéger en même temps que le comité plénier.

Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour que l'on reprenne les travaux en comité plénier?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Je vais donc quitter le fauteuil.

PROJET DE LOI INSTITUANT LE JOUR COMMÉMORATIF DE L'HOLOCAUSTE

ÉTUDE EN COMITÉ PLÉNIER

Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, le Sénat s'ajourne à loisir et se forme en comité plénier sous la présidence de l'honorable Lucie Pépin pour étudier le projet de loi C-459, Loi instituant le Jour commémoratif de l'Holocauste.

Le sénateur Corbin: Je crois qu'il importe que tous les sénateurs expriment leur point de vue et fassent état de leurs préoccupations. Je ne souscris pas aux appels pressants que nous avons reçus plus tôt aujourd'hui nous poussant à adopter cette motion sans plus de débat.

J'ai deux questions à poser. Je ne sais pas si quelqu'un ici pourra répondre. Si personne ne peut le faire, alors j'espère qu'on pourra me fournir une réponse à l'étape de la troisième lecture. Je n'insisterai pas davantage.

Je cherche une information depuis le tout début. Je ne connais pas le calendrier juif. À quelle période de l'année cette commémoration aura-t-elle lieu? Autrement dit, à quelle date, selon le calendrier en usage au Canada? Vous m'avez déjà entendu et je ne répéterai pas les observations que j'ai déjà faites, mais il importe non seulement pour les Canadiens individuellement, mais pour la collectivité, que nous sachions à l'avance à quelle date, en 2004 par exemple, la commémoration aura lieu. Je sais que ceux qui impriment des calendriers aimeraient avoir cette information.

Nous avons parlé des enfants à l'école. Il faut qu'ils participent à la commémoration. Les gens devront savoir à l'avance à quelle date cela aura lieu. Est-ce que quelqu'un ici peut me dire à quelle période de l'année surviendra ce jour commémoratif? La date changera selon le calendrier juif.

Le sénateur Lynch-Staunton: Entre tous, je suis en mesure de répondre à cette question.

Le calendrier lunaire des religions chrétienne et juive est établi 200 ans à l'avance parce que les phases de la lune sont connues. Vous pouvez tirer cette information d'Internet ou vous renseigner dans toute synagogue ou église catholique.

L'an prochain, le Jour commémoratif sera le 18 avril. Au cours des années subséquentes, cette commémoration aura lieu les jours suivants: 6 mai, 25 avril, 15 avril, 2 mai, 21 avril, 11 avril et 1er mai. Comme pourront vous le confirmer d'autres personnes à qui le calendrier est familier, ces dates sont connues des siècles à l'avance.

Le sénateur Corbin: C'est bien si vous possédez le calendrier lunaire, mais je n'ai pas encore pris l'habitude de me le procurer. Toutefois, mes amis juifs l'ont en main. Ils vivent selon ce calendrier et je respecte leur choix.

Le sénateur Mahovlich: Une église orthodoxe chrétienne utilise aussi un calendrier. Ils fêtent Noël à une autre date. Toutefois, les Canadiens ne fêtent pas Noël à cette date. Les Canadiens célèbrent Noël le 25 décembre.

Une voix: Ce n'est pas le cas de tous les Canadiens.

Le sénateur Mahovlich: Non, ce n'est pas le cas de tous les Canadiens. Les Canadiens d'origine ukrainienne ou de confession orthodoxe chrétienne célèbrent Noël un autre jour. Toutefois, la majorité des écoles célèbrent Noël le 25 décembre, et cette fête est indiquée sur la plupart des calendriers canadiens. La majorité des Ukrainiens célèbrent Noël à une autre date que le 25 décembre.

Le sénateur Stratton: La célébration de Pâques suit le calendrier lunaire.

Le sénateur Corbin: Je n'ai pas terminé. Je désire poursuivre.

Le sénateur Fraser: Je souligne tout simplement que nous sommes habitués aux congés flottants, au Canada. C'est non seulement le cas du congé de Pâques, qui est fête religieuse chrétienne, mais c'est aussi celui du jour d'Action de grâce. Vous ne savez pas à quelle date ont lieu ces congés à moins de consulter le calendrier. Nous avons tous l'habitude de consulter le calendrier et de le faire au besoin plusieurs années à l'avance. Il n'est pas inhabituel ou, à proprement parler, «contraire à la façon de faire canadienne» d'avoir une date de congé qui change.

Le sénateur Corbin: Si l'on avait respecté mon temps de parole, j'en aurais dit autant. C'est exactement ce que j'allais dire.

L'aspect important, c'est que nous convenons tous que ce sera un important jour commémoratif et que nous devons nous y préparer. Nos amis juifs marquent cette journée depuis un certain temps déjà et nous devons inculquer l'importance de l'Holocauste aux Canadiens et nous préparer à cela. C'est tout ce que je dis. Ce jour devrait être commémoré avec dignité.

La présidente: Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole...

Le sénateur Beaudoin: Je crois que nous devrions revenir à la motion principale. Un amendement a été proposé par le sénateur Kinsella. Dès que nous aurons réglé cela, il restera à nous prononcer sur les deuxième et troisième paragraphes du préambule, comme le faisait remarquer le sénateur Andreychuk. Je reconnais qu'ils ne font pas partie de la mesure législative comme telle, mais c'est très important.

[Français]

La présidente: Honorables sénateurs, nous allons passer à l'adoption de l'article 1. Par la suite, nous passerons à l'article 2, et nous reviendrons au préambule et à la motion l'amendement.

[Traduction]

Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

La présidente: L'article 1 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

L'article 2 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

Le préambule est-il adopté?

[Français]

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, je propose, appuyé par le sénateur Lynch-Staunton:

Que le projet de loi C-459 soit amendé à la page 1, ligne 21, en remplaçant les mots «la Chambre des communes» par les mots «le Parlement du Canada».

Et ce, dans les deux langues officielles.

[Traduction]

(1820)

Je veux utiliser le mot «Parlement» parce qu'il existe évidemment deux Chambres, sans oublier le troisième élément, la Reine. Celle-ci doit collaborer à cet effort.

Le sénateur Milne: Puis-je vous proposer d'utiliser l'expression «Parliament of Canada» dans la version anglaise plutôt que «Canadian Parliament»?

Le sénateur Nolin: Je n'ai jamais dit «Canadian Parliament». J'ai parlé du «Parlement du Canada», qui se traduit en anglais par «Parliament of Canada».

[Français]

La présidente: Il est proposé: Que le projet de loi C-459 soit amendé à la page 1, ligne 21, en remplaçant les mots «la Chambre des communes» par les mots «le Parlement du Canada».

Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

[Traduction]

Le sénateur Prud'homme: L'honorable sénateur Nolin a à juste titre parlé de la ligne 21. En général les numéros des lignes correspondent, mais, cette fois-ci, ce n'est pas le cas. Si nous amendions la ligne 21 de la version anglaise, cela aurait l'air...

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, non.

La présidente: Honorables sénateurs, le sénateur Nolin propose: Que le projet de loi C-459 soit amendé à la page 1, ligne 18, en remplaçant les mots «la Chambre des communes» par les mots «le Parlement du Canada».

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

Le préambule, tel qu'amendé, est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

Le titre du projet de loi est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

Dois-je faire rapport du projet de loi tel qu'amendé?

Des voix: D'accord.


Le Sénat reprend sa séance.

RAPPORT DU COMITÉ PLÉNIER

L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, le comité plénier, auquel a été renvoyé le projet de loi C-459, Loi instituant le Jour commémoratif de l'Holocauste, a examiné le projet de loi et m'a demandé d'en faire rapport au Sénat avec des propositions d'amendement.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons- nous ce rapport?

L'honorable Marie-P. Poulin: Avec la permission du Sénat, je propose: Que le rapport soit adopté maintenant.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Invoquez-vous le Règlement, sénateur Prud'homme?

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement. Le sénateur Poulin désire que le rapport soit adopté. Je crois que le projet de loi devrait être lu une troisième fois à la prochaine séance du Sénat, afin que nous puissions entendre d'autres discours.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs, pour que nous inscrivions la troisième lecture de ce projet de loi à l'ordre du jour de la prochaine séance?

L'honorable Pierre Claude Nolin: Le rapport est adopté.

Son Honneur le Président: Le rapport est adopté. Pour répondre à la question: «Quand étudierons-nous ce rapport?», l'étudierons-nous à la prochaine séance?

Des voix: Maintenant.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, pour clarifier les choses, je crois que les sénateurs sont d'accord pour dire que le rapport du comité plénier est adopté.

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: J'ai posé la question et obtenu la réponse. La question suivante que j'ai posée s'adressait au sénateur Poulin: «Quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?» Il est demandé que la permission soit accordée pour étudier le projet de loi maintenant.

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: La permission n'est pas accordée.

Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Poulin, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Mahovlich, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-250, Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse).—(L'honorable sénateur St. Germain, c.p.).

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui au sujet du projet de loi C-250. En mai dernier, j'ai fait une déclaration relativement au projet de loi C-250 dans laquelle je proposais que la partie du Code criminel sur les crimes motivés par la haine et les groupes identifiables soit modifiée pour inclure «l'origine ethnique». Depuis ce temps, mes collaborateurs ont fait de nombreuses recherches sur ce sujet et ils ont découvert que l'origine ethnique avait fait l'objet d'études et de recommandations lors de la création de cette partie du code.

Honorables sénateurs, nous savons qu'en 1965 le comité Cohen avait étudié et recommandé la création d'une partie portant sur les infractions liées aux crimes motivés par la haine, qu'un certain nombre de projets de loi d'intérêt privé ont été présentés, et qu'après cinq années de débats les articles 318 à 320 ont été inscrits dans le Code criminel.

Bien que le comité Cohen ait envisagé d'inclure le «sexe» et l'«origine ethnique» dans les groupes identifiables, il ne l'a pas fait finalement parce que le comité s'inquiétait surtout de la propagande antisémite et raciste.

La modification du Code criminel a été suivie, en 1977, de la loi sur les droits de la personne qui incluait le «sexe» parmi les groupes identifiables:

...la race, l'origine nationale ou ethnique, la religion, l'âge, le sexe, la situation de famille ou l'état de la personne gracié.

De plus, le paragraphe 15(1) de la Charte de 1982 inclut le mot «sexe».

La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Honorables sénateurs, en considérant qu'il y a eu un débat complet ayant mené à l'identification claire d'un groupe identifié par le «sexe» dans ces lois, il semble raisonnable d'harmoniser l'ancienne loi en incluant le mot «sexe» dans le Code criminel sous les groupes identifiables.

Honorables sénateurs, notre histoire parlementaire et les souhaits des Canadiens sont clairs. Tous sont d'accord pour dire que les actes à caractère haineux commis à l'endroit d'autres...

Le sénateur Cools: Pas si vite.

Le sénateur St. Germain: ...personnes et par conséquent les crimes motivés par la haine ne seront pas tolérés au Canada.

Je n'avais jamais remarqué que j'avais des partisans aussi attentifs, alors je vais ralentir.

Bien que les Canadiens n'approuvent pas d'actes haineux contre autrui, qu'ils soient citoyens canadiens ou citoyens provenant d'autres pays, la population canadienne a fortement laissé entendre qu'elle ne souhaitait pas que le projet de loi C-250 soit adopté. Les Canadiens de toutes les régions craignent que le projet de loi C-250 n'ait des conséquences néfastes sur leur droit à la liberté d'expression et à la liberté de religion. D'après Statistique Canada, 83 p. 100 des Canadiens se déclarent croyants et la plupart des Églises ont exprimé leur opposition à ce projet de loi.

(1830)

Les Canadiens ont dit que ce projet de loi comportait des problèmes fondamentaux. Nul n'a montré que ce projet de loi particulier était indispensable. Les statistiques sont rares et les exemples relevés par les parrains du projet de loi sont déjà interdits par le droit en vigueur. La législation actuelle sur le libelle diffamatoire et sur les voies de fait protège tous les citoyens.

Les termes employés dans le projet de loi sont imprécis et ambigus, par exemple ceux d'«orientation sexuelle», de «haine» ainsi que des expressions connexes comme «sujet religieux». Au fur et à mesure que leurs définitions évoluent, comme cela a été le cas pour le «mariage», ils peuvent créer de nouvelles difficultés pour l'expression de la foi religieuse. Ainsi, l'«orientation sexuelle» couvre les homosexuels et les lesbiennes, bien sûr, mais comprend- elle aussi les bisexuels, les transsexuels et les travestis, et également les pédophiles ou ceux qui se livrent à la bestialité? Qu'en est-il de la polygamie? Comment un tribunal définira-t-il à l'avenir l'expression «orientation sexuelle»?

Le projet de loi risque d'entraver les libertés d'expression et de croyance religieuse dont nous jouissons depuis longtemps, y compris la liberté d'exprimer raisonnablement notre désapprobation du comportement homosexuel. Les moyens de défense prévus dans le Code criminel n'offrent pas une protection fiable dans le cas des discours à caractère religieux.

Le projet de loi C-250 vise à donner aux membres de groupes d'intérêts spéciaux et aux juges qui militent pour la rectitude politique le pouvoir, en vertu du droit pénal, de poursuivre ceux qui ne sont pas d'accord avec eux.

La liberté d'expression doit s'étendre non seulement à ceux avec qui nous sommes d'accord, mais également à ceux avec qui nous ne le sommes pas. Les poursuites ou menaces de persécution empêcheraient l'exercice du droit de liberté d'expression.

Mme le juge McLachlin, avec le concours des juges John Sopinka et Gerard LaForest, a décrit la «liberté d'expression» de la charte comme le droit de répandre ses idées dans le monde. Elle parle d'un «effet de douche froide» sur d'autres personnes qui voudraient exercer leurs droits constitutionnels à cause de la subjectivité de la notion de «haine». D'après elle, les sanctions criminelles n'ont pas un effet dissuasif pour les gens qui incitent à la haine, mais elles ont un effet de douche froide sur la liberté d'expression de leurs idées «chez les personnes ordinaires qui, par crainte de poursuites criminelles et par suite du caractère intrinsèquement vague de la disposition, éviteront d'exercer leur liberté d'expression».

Elle a également affirmé:

que l'article 319 impose des limites à la liberté d'expression dans le cadre de la recherche de la vérité, d'une pratique solide et ouverte du débat et de la valeur de l'affirmation de soi.

À son avis:

La disposition relative à la propagande haineuse est fortement problématique pour ce qui est de décider si elle soutient les principes et valeurs de paix, de dignité personnelle, de multiculturalisme et d'égalité.

Pour la plupart des Canadiens, l'objet principal du projet de loi C- 250 semble être d'empêcher l'usage de mots «blessants» pour parler de l'orientation sexuelle d'une personne; mais dans les faits, en punissant les opinions blessantes, on supprime certaines libertés civiles et l'expression de la vérité.

Honorables sénateurs, la critique n'est pas une affaire criminelle. Il existe déjà assez de lois pour protéger les Canadiens, et les Canadiens croient qu'il n'est pas nécessaire d'élargir cette protection en adoptant une loi criminelle ambiguë. En renforçant notre protection sous cette forme, il semble que l'on prive arbitrairement les Canadiens des droits garantis par la Charte pour satisfaire les caprices de groupes d'intérêts particuliers et des tribunaux.

Honorables sénateurs, le gouvernement a déclaré que les groupes religieux étaient entièrement protégés parce que l'on a modifié l'alinéa 319(3)b) en ajoutant une disposition de protection pour les «textes religieux». Je pose la question: pourquoi tant de Canadiens s'inquiètent-ils encore de cette supposée dérogation religieuse?

Voici ce que disait un éditorial du National Post dans le numéro du 5 août 2003:

Il y a trois ans, la Commission des droits de la personne de l'Ontario a refusé de reconnaître la conviction religieuse comme moyen de défense dans les cas de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Aujourd'hui, un projet de loi à l'étude [...] ferait de la «propagande» anti-gaie une infraction. Si l'on tient compte de la cour libérale activiste, on comprend aisément pourquoi la liberté religieuse préoccupe tant les gens.

Honorables sénateurs, si l'article du code relatif aux crimes haineux doit être modifié, ce ne devrait être qu'après un débat exhaustif, et non pas de façon automatique comme certains au Sénat et, je crois, à l'autre endroit, le voudraient. Les opposants à ce projet de loi luttent pour protéger leurs libertés. Le gouvernement ne semble pas comprendre que ce ne sont pas les politiciens et les fonctionnaires qui accordent les libertés. Les Canadiens voient dans la liberté un droit inhérent. Ils croient qu'au Canada les gens ont la liberté d'exprimer leurs opinions, qu'ils ont la liberté de critiquer leurs politiciens, de promouvoir des thèmes ou des priorités qui sont importants pour eux, pour leurs entreprises, ou qui occupent une place importante dans leurs valeurs. Les libertés sont les piliers de notre démocratie.

Les Canadiens croient que leur liberté d'expression signifie qu'ils ne peuvent être jetés en prison pour avoir exprimé leur opinion. Les citoyens canadiens sont libres de participer pleinement aux institutions démocratiques et, selon leur conception de la démocratie, les politiciens sont censés défendre les libertés, et non pas y porter atteinte.

Les Canadiens ont fait savoir que, sans des dispositions de protection explicites, ce projet de loi pourrait soulever des problèmes à l'égard d'un certain nombre de publications courantes, puisque des déclarations et des textes concernant l'homosexualité pourraient être criminalisés. Il n'existe pas encore beaucoup de jurisprudence, mais la tendance des tribunaux semble être de favoriser les intérêts d'un groupe d'intérêt particulier par rapport aux droits d'autres minorités et de la majorité.

Les Canadiens craignent que l'interdiction d'un certain type d'expression ne finisse par porter préjudice à des publications des communautés chrétienne, juive et musulmane et d'autres communautés religieuses, que des textes religieux non précisés, du matériel pédagogique, des enseignements et des forums d'instruction puissent être interdits et que, par conséquent, des déclarations contenues dans ces documents ou faites à ces tribunes ne fassent l'objet de sanctions pénales en vertu du projet de loi.

Certains se demandent si des textes comme la Bible ou le Coran, utilisés pour promouvoir la haine ou un génocide, par exemple, pourraient être considérés comme des textes haineux. Lorsque des fonctionnaires du ministère de la Justice ont comparu aux audiences du comité de l'autre endroit sur le projet de loi C-250, ils n'ont pas pu répondre de façon précise à la question suivante: des textes religieux pourraient-ils faire l'objet d'une censure ou même d'une interdiction?

Certains Canadiens ont le sentiment que le projet de loi, par substitution, fera porter la discrimination sur un groupe différent. Si tel est le cas, honorables sénateurs, ce n'est pas une solution satisfaisante. Ayant chassé le système de valeurs judéo-chrétiennes de la place publique, des écoles et des tribunaux, les activistes veulent maintenant les chasser des églises.

Le projet de loi C-250 n'est peut-être pas la solution législative appropriée pour empêcher l'expression de la haine à l'égard des homosexuels. Les droits et les libertés constitutionnelles d'un groupe de Canadiens ne devraient pas être sacrifiés pour une proposition irréfléchie en vue de faire avancer les intérêts d'un autre groupe.

Par contre, puisque les articles 318 et 319 du Code criminel sont des dispositions exclusives qui ne protègent que quatre groupes désignés, il est possible qu'en excluant tous les autres groupes, ils constituent une forme de discrimination. Honorables sénateurs, nous devrions peut-être envisager d'éliminer la liste des groupes désignés qui figure aux articles 318 et 319 et de rédiger à nouveau ces articles afin que tous les Canadiens bénéficient de cette protection.

Honorables sénateurs, étant donné les préoccupations des Canadiens, je ne suis pas certain que l'expression «orientation sexuelle» devrait être hâtivement ajoutée au Code criminel au nombre des motifs de distinction des groupes identifiables. Je suis certain toutefois que nous devons examiner très soigneusement cette mesure et que cela prendra un peu de temps.

Dans le cadre d'un tel examen, nous manquerions à notre devoir si nous ne procédions pas à une étude détaillée de tous les «groupes identifiables» pertinents. Bien entendu, il faudrait également examiner l'inclusion de l'origine nationale, comme je l'ai dit plus tôt.

Honorables sénateurs, dans une déclaration que j'ai faite devant cette assemblée sur ce sujet, j'ai dit ceci:

L'une des choses dont nous sommes depuis longtemps fiers au Canada est la liberté d'expression — la possibilité de s'exprimer sans crainte d'être censuré parce qu'une personne ou un groupe ne partage pas notre point de vue. Ce privilège implique la responsabilité d'éviter de parler en public d'une manière qui puisse susciter la haine.

Le Code criminel n'offre aucune protection à ceux qui pourraient être visés par des attaques verbales haineuses pour la simple raison qu'ils sont citoyens d'un pays donné. Par conséquent, un autre groupe identifiable doit être protégé, celui des gens qui se distinguent par leur origine nationale. Cette lacune a des conséquences réelles. Elle permet à certains d'inciter à la haine contre les ressortissants d'autres pays. Quel que soit le pays dont ils sont citoyens, tous méritent la même protection que celle que nous offrons à ceux qui se distinguent par leur race, leur couleur, leur origine ethnique ou leur religion. Honorables sénateurs, l'article 318 du Code criminel doit être modifié afin de les protéger contre ceux qui incitent à la haine.

(1840)

Je demande instamment à tous les honorables sénateurs de remédier à cette lacune dans la législation sur les crimes de haine. Je demande instamment au Sénat d'examiner soigneusement le projet de loi C-250, car la plupart des Canadiens ont de la difficulté à l'appuyer dans son libellé actuel.

(Sur la motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

L'ÉTUDE DES QUESTIONS TOUCHANT LES JEUNES AUTOCHTONES VIVANT EN MILIEU URBAIN

RAPPORT DU COMITÉ DES PEUPLES AUTOCHTONES—AJOURNEMENT DU DÉBAT

Le Sénat procède à l'examen du sixième rapport (final) du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé Les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain — Plan d'action pour le changement, déposé au Sénat le 30 octobre 2003. —(L'honorable sénateur Chalifoux).

L'honorable Thelma J. Chalifoux propose:

Que le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit adopté et que, conformément à l'alinéa 131(2) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée de la part du gouvernement, les ministres des Affaires indiennes et du Nord, de la Justice, du Développement des ressources humaines, du Patrimoine canadien, de la Santé et de l'Industrie, le solliciteur général et l'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits étant identifiés comme étant les ministres chargés de répondre au rapport.

— Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui au sujet du sixième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé «Les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain — Plan d'action pour le changement.» Ce rapport marque la première fois qu'un comité parlementaire examine les besoins et la condition des jeunes Autochtones vivant en milieu urbain au Canada.

Permettez-moi, tout d'abord, de remercier mes estimés collègues qui ont siégé avec moi au Comité des peuples autochtones. Je souhaite prendre un moment pour rendre hommage à leur labeur acharné, à leur dévouement indéfectible et à leur engagement à l'égard de cette question importante.

Comme l'indique le titre, le rapport du Comité ne constitue pas une étude de plus sur les peuples autochtones. Nous nous sommes plutôt efforcés de formuler un plan d'action détaillé et concret afin de combler les besoins économiques, sociaux et culturels des jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. Prises collectivement, les 19 mesures recommandées dans le rapport jettent les bases d'une stratégie de réforme qui est positive, proactive et progressiste.

Honorables sénateurs, comme vous le savez tous, les jeunes Autochtones vivant dans les régions urbaines sont très désavantagés par rapport aux autres jeunes Canadiens selon presque tous les indicateurs sociaux et économiques.

Pour beaucoup de jeunes Autochtones, la vie urbaine est souvent une expérience difficile. Ils sont en territoire inconnu. Leur avenir est incertain. Bien que les villes semblent offrir de belles promesses, d'innombrables jeunes Autochtones y arrivent mal préparés pour profiter de toutes ces possibilités, et les promesses font vite place au désespoir.

Honorables sénateurs, imaginez comment vous vous sentiriez si on vous envoyait à la dérive dans un kayak sur l'océan Arctique, et vous commencerez à comprendre comment se sent un jeune Métis, un jeune Inuit ou un jeune membre d'une Première nation qui arrive en ville. Ces paroles éloquentes prononcées par un jeune Inuk ont créé une image puissante. Cette image nous est restée à l'esprit durant toutes nos délibérations. J'espère qu'elle vous restera aussi à l'esprit.

Honorables sénateurs, trop souvent, la vie de ces jeunes s'ajoute simplement aux statistiques négatives. Nous, les sénateurs, devons résister à la tentation de lire ces chiffres sans réagir et plutôt chercher à mieux comprendre la souffrance réelle qui se cache derrière ceux-ci. Si nous n'unissons pas nos efforts pour corriger les problèmes structurels à l'origine de ces sombres statistiques, ces jeunes risquent fort d'être perdus à jamais pour leurs collectivités et pour nous tous.

Sans leur potentiel, nous sommes diminués. Nous devons voir à ne pas empêcher une autre génération de jeunes Autochtones d'exploiter son potentiel.

Lorsque le comité a commencé à examiner les questions qui touchent les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain, nous n'aurions pas pu imaginer la ténacité affichée par beaucoup de ces jeunes devant des défis aussi colossaux. Nous avons été impressionnés par leur force, leur détermination, leur honnêteté à parler aussi franchement de leur vie et leur désir sincère de se sortir de leur situation, aussi difficile qu'elle puisse paraître parfois.

Honorables sénateurs, c'est difficile. Le fait que de nombreux jeunes Autochtones semblent sans but, ce qui se manifeste souvent dans la criminalité de rue et l'appartenance à des bandes de jeunes, est davantage un échec de la société canadienne au plan des structures de rechange qu'un reflet de ces jeunes eux-mêmes. La vie des jeunes Autochtones est profondément influencée tant par les injustices historiques que par les injustices actuelles.

Les problèmes auxquels les jeunes sont confrontés trouvent leur racine dans la colonisation, le racisme, le fait qu'on les ait éloignés de leur territoire traditionnel, de leurs collectivités et de leurs traditions culturelles, et les impacts intergénérationnels du système des pensionnats.

Honorables sénateurs, lorsque les jeunes Autochtones se heurtent à des obstacles, nous devons éliminer ces obstacles dans leur intérêt. La population croissante de jeunes Autochtones dans les villes, marginalisés tant sur le plan social qu'économique, est une importante question d'intérêt public. Le fait de faire abstraction des défis que doivent relever ces jeunes peut avoir et aura des effets nuisibles tant sur les collectivités autochtones que sur la société canadienne dans son ensemble.

Malheureusement, les mesures que prend actuellement le gouvernement mettent l'accent sur le problème et non pas sur les individus. Dans le meilleur des cas, ces initiatives n'ont que des incidences bénéfiques à court terme. Ce sont des solutions provisoires qui ne permettent pas de créer de solides bases en vue d'apporter des changements durables. Le rapport à l'étude s'éloigne des mesures réactives et recommande des changements plus fondamentaux en matière de politiques et de compétences ainsi qu'en matière de conception et de mise en œuvre des programmes et des services axés sur les jeunes. Il souligne également l'importance de la coopération entre tous les intervenants.

Fait important, le rapport recommande au gouvernement fédéral d'éliminer les restrictions artificielles d'admissibilité à l'aide aux études postsecondaires en fonction du statut de façon à ce que tous les jeunes Autochtones, indépendamment de leur statut, puissent en profiter. Honorables sénateurs, un bagage d'instruction postsecondaire est essentiel à l'amélioration des conditions économiques et sociales des jeunes Autochtones et à la réalisation de progrès importants et permanents.

Comme nous le savons tous, l'instruction postsecondaire est aussi nécessaire à la création d'une classe moyenne dynamique. Il s'agit d'une vision progressiste où les jeunes représentent une ressource qu'il faut appuyer plutôt qu'un problème à régler. De plus, les jeunes doivent avoir une instruction postsecondaire pour se trouver des emplois valables dans une économie de plus en plus axée sur le savoir. L'époque où des études secondaires suffisaient pour trouver un emploi rémunérateur à long terme est révolue. Le marché du travail a considérablement changé au cours de la dernière décennie, en grande partie en raison des changements technologiques et de la mondialisation. Les économies postérieures à l'ère industrielle attachent une grande importance au savoir et aux compétences, et le lien entre les études et l'emploi n'a jamais été aussi primordial. Selon des études, comme la table ronde nationale de l'Alberta sur l'apprentissage, d'ici 2004, un emploi sur quatre nécessitera un diplôme universitaire.

(1850)

Cependant, malgré certains progrès convaincants, les jeunes Autochtones continuent d'avoir du retard sur le reste de la population canadienne, à un moment où les emplois nécessitent de plus en plus d'instruction. Assurer un véritable accès des jeunes Autochtones à des études supérieures est un investissement non seulement dans leur avenir, mais aussi dans le nôtre.

Devant des pénuries imminentes de main-d'oeuvre, les jeunes Autochtones — un segment des populations urbaines qui augmente — constituent une ressource importante pour aider à répondre aux besoins en main-d'oeuvre. Les jeunes Autochtones sont très prometteurs, car ils peuvent contrer la pénurie imminente de main-d'oeuvre canadienne. Des jeunes Autochtones instruits et motivés pourraient former une composante dynamique et importante de la main-d'oeuvre de demain. Si nous ne commençons pas à nous attaquer aux obstacles structurels, cela ne pourra pas se produire.

Il est urgent que le gouvernement investisse des ressources dans des initiatives visant à améliorer les résultats scolaires des jeunes Autochtones, afin qu'ils puissent acquérir la formation et les compétences nécessaires pour trouver des emplois intéressants. C'est dans cet esprit que nous recommandons également que les programmes fédéraux visant à accroître la participation des jeunes Autochtones sur le marché du travail offrent une formation stratégique à long terme et que la composante des jeunes en milieu urbain de la stratégie de développement des ressources humaines autochtones soit augmentée pour tenir compte de l'importance de cet enjeu.

Honorables sénateurs, en tant que société, nous pouvons contester notre responsabilité à l'égard des politiques malavisées du passé, mais nous devrions être moralement et socialement responsables de redonner aux jeunes Autochtones d'aujourd'hui ce qui n'aurait jamais dû être enlevé à ceux d'hier — un espoir pour l'avenir et une possibilité de prendre la place qui leur reviendra alors? Des études universitaires ne suffiront peut-être pas à faire disparaître les innombrables maux sociaux qui affligent un grand nombre de jeunes innocents, mais il s'agit d'un important tremplin pour rétablir leur mieux-être et leur confiance. Un jeune Autochtone instruit sera moins vulnérable à une foule de facteurs sociaux et économiques qui minent sa capacité d'être un membre productif, à part entière, de la société canadienne, et sera mieux en mesure de contribuer à la capacité de sa collectivité et de ses institutions. Il est inadmissible de croire que nous leur devons moins que cela.

Honorables sénateurs, pour que les choses s'améliorent, il faudra d'abord préciser le cadre des compétences. L'approche actuelle du gouvernement en ce qui concerne la politique autochtone ne reflète plus la réalité géographique des peuples autochtones dont les deux- tiers vivent actuellement à l'extérieur des réserves. L'urbanisation croissante des peuples autochtones accroît les pressions en vue de l'adoption de nouvelles orientations au niveau de l'élaboration de politiques. L'évolution démographique de la population autochtone vers les villes a des répercussions profondes sur la responsabilité fédérale à l'égard des peuples autochtones. En termes pratiques, cela signifie qu'avec le temps, le gouvernement a vu ses responsabilités porter sur de moins en moins de gens. Des près de 8 milliards de dollars que le gouvernement fédéral dépensera pour les programmes autochtones, seulement 270 millions iront aux programmes s'appliquant en milieu urbain et hors-réserves. Cela a entraîné un niveau de services inférieur pour les jeunes et les peuples autochtones qui vivent dans les villes.

Honorables sénateurs, dérogeant sensiblement de la politique fédérale actuelle qui restreint la responsabilité du gouvernement aux Indiens inscrits vivant dans les réserves et aux Inuits, le comité exhorte le gouvernement fédéral à reconnaître le droit des peuples des Premières nations lorsqu'ils quittent leurs réserves. De plus, nous recommandons que le gouvernement fédéral adopte des mesures officielles pour préciser les droits des peuples métis du Canada, qui sont les plus urbanisés de tous les peuples autochtones.

Bien qu'ils soient reconnus par la Constitution comme l'un des trois groupes autochtones au Canada, les Métis ne jouissent pas des mêmes droits que les peuples des Premières nationss et les Inuits. Le rapport recommande que le gouvernement fédéral entame des négociations avec les Métis pour préciser les questions de droit et de compétence qui ne sont toujours par réglées. Comme les honorables sénateurs le savent bien, la décision rendue récemment par la Cour suprême dans l'affaire Powley rend cette recommandation encore plus pertinente et opportune et nous exhortons le gouvernement à prendre des mesures dans ce sens sans tarder.

Honorables sénateurs, l'incapacité des gouvernements fédéral et provinciaux d'accepter, de préciser et de coordonner leurs compétences a mené à ce que la Commission royale sur les peuples autochtones a appelé un «vide politique», les besoins des peuples autochtones vivant dans les villes et hors des réserves étant les premiers touchés dans ce flous de compétences. Il devient de plus en plus difficile pour les gouvernements de faire fi de tous les défis, besoins et problèmes auxquels les Autochtones sont confrontés. Non seulement les jeunes Autochtones représentent un pourcentage important de la population urbaine, particulièrement dans les provinces de l'Ouest, mais en général, ils sont plus susceptibles d'être sans emploi et d'avoir moins d'instruction, plus de démêlés avec la justice et une plus mauvaise santé que les non-Autochtones. Il nous paraît clair que les questions de compétence toujours en suspens jouent un rôle important dans les mauvaises conditions sociales et économiques auxquelles bon nombre de peuples autochtones et de jeunes sont soumis au pays. La situation doit changer et notre rapport propose des façons d'apporter de tels changements.

Honorables sénateurs, de toutes les questions touchant les Autochtones vivant en milieu urbain, les plus pressantes sont certes les besoins des jeunes Autochtones. Nous devons absolument répondre à ces besoins, surtout dans le cas des jeunes ayant perdu tout contact avec leur culture et la collectivité générale dans laquelle ils vivent. Il faut trouver un moyen de créer une dynamique plus constructive pour les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain et atténuer leur exclusion sociale. Honorables sénateurs, il n'y a pas de panacée. La solution fait intervenir divers moyens de soutien, tels que les services d'éducation, de loisirs et de transition urbaine, la préparation à entrer sur le marché du travail, de bonnes compétences parentales et un vigoureux soutien aux plans familial, culturel et communautaire. Sans ces appuis nécessaires, les jeunes Autochtones et leurs familles risquent d'avoir de la difficulté à surmonter les obstacles qu'ils rencontrent et à jouir d'une qualité de vie comparable à celle des autres Canadiens.

Le rapport fait plusieurs recommandations destinées à offrir de nouvelles possibilités aux jeunes et à alléger certaines des pressions auxquelles ils doivent faire face à la ville. Par exemple, nous recommandons la mise en place de services de transition urbaine afin d'aider les jeunes à s'adapter à la vie en ville, l'adoption de mesures pour réduire les taux élevés de décrochage scolaire, la création de programmes communautaires pour les jeunes favorisant le développement de bonnes compétences parentales et la mise en oeuvre de programmes d'emploi et de formation durables.

Le rapport du comité recommande également l'élaboration d'une campagne nationale de sensibilisation auprès des jeunes et des pré- adolescents autochtones en vue de traiter des questions de santé et de sexualité chez les jeunes, de promouvoir des pratiques sexuelles saines et de prévenir les grossesses à l'adolescence. Beaucoup trop de nos enfants deviennent parents avant d'atteindre l'âge adulte. Des recherches sérieuses nous apprennent que les jeunes Autochtones utilisent rarement des moyens de contraception. Non seulement s'exposent-ils ainsi à des grossesses involontaires, mais ils deviennent aussi vulnérables aux différentes maladies transmises sexuellement, dont le VIH et le sida. Il est troublant de constater que, pendant que le nombre de cas de sida a diminué dans l'ensemble de la population, il a augmenté au sein de la collectivité autochtone et connu une progression fulgurante chez les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. C'est un cycle qu'il faut briser.

Je suis fermement convaincue que les mesures recommandées dans le rapport ouvriront de nouveaux horizons aux jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. Il faudra cependant pour cela compter sur l'appui indéfectible de tous les ordres de gouvernement et de leurs ministères et services. Je crois que les circonstances se prêtent parfaitement à l'apport des changements nécessaires pour éviter qu'une autre génération d'Autochtones soit sacrifiée en raison de l'étroitesse de vues de nos politiciens.

Le comité a élaboré un plan d'action réaliste et des mesures concrètes qui, si elles sont mises en oeuvre de façon sérieuse et attentive, pourraient donner lieu à une réforme considérable et durable. Ce rapport présente une stratégie de changement positif et significatif. Il aide à mettre en place un système de soutien positif pour les jeunes Autochtones et leur famille.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorable sénateur, je regrette de vous informer que votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Chalifoux: Honorables sénateurs, je demande la permission de poursuivre.

Son Honneur la Présidente intérimaire: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Chalifoux: Honorables sénateurs, le rapport s'écarte des programmes répressifs qui considèrent les jeunes Autochtones comme des problèmes à régler. Il propose plutôt de créer des occasions permettant à ces jeunes d'exprimer leurs talents et répondant à leurs aspirations et espoirs de connaître une vie meilleure.

(1900)

Honorables sénateurs, ce rapport ne marque pas la fin du chemin à parcourir; ce n'est que le début. Pour assurer la réussite, tous les ordres de gouvernement et les organisations autochtones doivent prendre des mesures dès maintenant.

(Sur la motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur Johnson, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI SUR L'ASSOCIATION DES CONSEILLERS EN FINANCES DU CANADA

PROJET DE LOI D'INTÉRÊT PRIVÉ VISANT À MODIFIER LA LOI CONSTITUTIVE—ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ

Le Sénat passe à l'étude du quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce (projet de loi S- 21, Loi visant la fusion de l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance et de L'Association canadienne des planificateurs financiers sous la dénomination L'Association des conseillers en finances du Canada, avec un amendement), présenté au Sénat le 30 octobre 2003.—(L'honorable sénateur Kroft).

L'honorable Richard H. Kroft propose: Que le quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit adopté.

— Honorables sénateurs, ce projet de loi spécial vise la fusion de l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance et de l'Association canadienne des planificateurs financiers sous la dénomination de l'Association des conseillers en finances du Canada, qu'on appellera Advocis.

Des voix: Le vote.

Son Honneur la Présidente intérimaire: L'honorable sénateur Kroft, avec l'appui de l'honorable sénateur Moore, propose que le rapport soit adopté maintenant.

Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

Sur la motion du sénateur Kroft, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, pourrait-on nous dire combien de temps nous allons encore siéger? Je sais que nous avons convenu de ne pas voir l'heure à 18 heures. J'ai cru comprendre, alors, que nous voulions terminer le débat sur le projet de loi C-459 en comité plénier.

Je ne croyais pas que nous continuerions de siéger jusqu'à une heure tardive. Je ne me plains pas, mais nous n'avons pas dîné.

Pourrait-on nous donner une idée de l'heure à laquelle nous terminerons? Ce serait utile. Certains sénateurs veulent peut-être retirer la permission qu'ils ont donnée de ne pas tenir compte de l'heure.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, lorsqu'on m'a demandé si nous allions siéger tard, il avait été mentionné peut-être jusqu'à minuit, comme la semaine dernière — d'ailleurs ce n'était pas minuit mais plutôt 23 h 15. Cela nous ramène à la question de savoir jusqu'où les honorables sénateurs voudraient continuer la séance. Nous avons actuellement devant nous une question de privilège qui a été soulevée par le sénateur Kinsella. Il est en ce moment en comité pour défendre son projet de loi. Je crois que nous devons, sans être d'accord à l'avance sur sa question de privilège, continuer à siéger pour qu'il puisse revenir présenter sa question de privilège, ce qu'il doit faire avant 20 heures aujourd'hui.

Une fois que nous en serons là, nous devrons tenir le débat sur la question de privilège et je crois qu'après cela nous pourrons peut- être trouver consentement pour reporter tout ce qui restera au Feuilleton.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, il vaudrait peut-être mieux que nous reportions à demain l'étude de la question de privilège du sénateur Kinsella.

Je demande au sénateur Robichaud de le faire. Nous ne prenons pas souvent une telle mesure, mais cela s'est déjà produit. Étant donné l'heure tardive, le débat sur ce qui semble être matière à soulever la question de privilège a été reporté au jour de séance suivant.

Je comprends, d'après les propos du sénateur Robichaud, que le sénateur Kinsella témoigne en ce moment-même devant un comité au sujet de ce projet de loi. Par conséquent, je ne crois pas que le sénateur Kinsella s'opposerait au fait que nous reportions cet article à demain. Il existe amplement de précédents à cet égard. Les sénateurs accepteront-ils de procéder ainsi?

[Français]

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je ne serai pas prêt à accepter, tout simplement parce que la question de privilège traite d'une réunion qui a été tenue par un comité vendredi et je crois qu'on devrait l'entendre. Un rapport a été déposé au Sénat, il traite d'un projet de loi et je crois qu'il est important que l'on entende cette question de privilège.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, à mon avis, le Sénat souhaite entendre la question de privilège demain et non aujourd'hui. Cette approche ne causerait aucun préjudice relativement à la question.

Honorables sénateurs, nous avons siégé pendant des heures prolongées la semaine dernière et aujourd'hui. En outre, il est évident qu'une semaine difficile nous attend.

La proposition des sénateurs Grafstein et Poulin visant à ne pas tenir compte de l'heure pour étudier le projet de loi C-459 en comité plénier m'a beaucoup impressionnée. Nous aurions peut-être dû voir l'horloge, mais il est un peu tard maintenant.

Honorables sénateurs, nous pouvons nous arrêter maintenant et reprendre demain exactement là où nous avons interrompu les travaux aujourd'hui. Le sénateur Kinsella et sa question de privilège n'en subiront aucun préjudice. Puisqu'il remplit une double tâche en témoignant maintenant devant un comité, je crois que le sénateur sera soulagé d'apprendre que nous serons disposés à lui donner la parole demain.

Il s'agit effectivement d'une question de privilège et c'est important, mais je suis convaincue que la question sera tout aussi importante demain.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Nous passons maintenant à l'ordre du jour.

Le sénateur Cools: Il n'est pas acceptable qu'on m'ignore tout simplement. Je suis en train de poser une question à Son Honneur. Nous siégeons à un moment où ne le devrions pas car nous avons accepté de ne pas tenir compte de l'heure afin de mener à bien une tâche particulière. La décision de ne pas tenir compte de l'heure ne saurait être interprétée comme autorisant le Sénat à siéger indéfiniment.

Le Sénat a étudié la proposition préconisant que nous n'étudiions pas la question de privilège aujourd'hui, mais que nous le fassions plutôt demain.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Invoquez-vous le Règlement, sénateur Cools?

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, à 18 heures, le Sénat a donné son consentement unanime afin de ne pas tenir compte de l'heure relativement à des points très précis inscrits à l'ordre du jour. De toute évidence, lorsque les honorables sénateurs ont donné leur consentement à ce moment-là, ils voulaient étudier ces points à l'ordre du jour, puis pouvoir ajourner la séance afin d'aller manger ou de faire les autres choses qu'ils avaient à faire; ils s'attendaient à cela.

Honorables sénateurs, il n'est pas acceptable ni conforme au Règlement que, sous prétexte que les sénateurs ont accepté d'étudier le projet de loi C-459 inscrit au nom des sénateurs Poulin et Grafstein, on interprète cette permission comme s'appliquant à tous les autres points.

Certains sénateurs n'auraient peut-être pas donné leur consentement s'ils avaient su que c'est ce qui se produirait.

(1910)

Honorables sénateurs, le Sénat devrait peut-être envisager la possibilité de s'ajourner maintenant et de laisser le sénateur Kinsella présenter sa question de privilège demain.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'un rappel au Règlement soit justifié. Lorsque la permission fut accordée, on m'a demandé d'énumérer les points que l'on entendait appeler. J'ai alors répondu à l'honorable sénateur St. Germain que je désirerais certainement appeler le projet de loi C-250 et que l'on verrait à ce moment-là s'il y avait disposition. Cependant, je ne me suis pas engagé à reporter le tout après cet article à l'ordre du jour.

Je crois que nous poursuivons, en grande partie, pour satisfaire l'honorable sénateur Kinsella, actuellement témoin au Comité des langues officielles pour parler de son projet de loi. Je crois que d'ici 20 heures, nous pourrons poursuivre le débat. J'ose espérer que l'honorable sénateur Kinsella sera alors en mesure de revenir au Sénat afin de présenter sa question de privilège.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, nous avons connu des situations par le passé où, en raison de l'heure, l'étude de questions de privilège en vertu du paragraphe 43(5) du Règlement a été remise au lendemain. Il me semble, honorables sénateurs, que nous avons un horaire extrêmement chargé, le programme du Parlement étant très bien rempli. Lorsque les honorables sénateurs ont demandé à 18 heures qu'on ne tienne pas compte de l'heure, lorsque ces engagements sont pris et lorsque les honorables sénateurs ont obtenu la permission de continuer à siéger, il me semble que cette permission devrait être respectée et on ne devrait pas la contourner, l'enfreindre ou la violer.

C'est clair comme de l'eau de roche pour moi, parce que j'étais ici, au moment où il a été décidé de ne pas voir l'heure, que les honorables sénateurs ne s'attendaient pas à siéger pendant quelques heures encore. Il était clair, du moins en ce qui me concerne, que nous acceptions d'adopter le projet de loi du sénateur Grafstein à toute vapeur.

Ce n'est pas convenable, Votre Honneur, et je dirais même que c'est contraire au Règlement, de procéder ainsi. Si nous devons procéder ainsi à l'avenir, vous pouvez avoir la certitude que plusieurs d'entre nous y réfléchirons à deux fois avant d'accepter de poursuivre le débat à 18 heures. Vous devriez y penser. Il n'y a aucune raison qui justifie le fait que nous siégions ce soir. Nous avons siégé plusieurs soirs...

Son Honneur le Président: Je crois comprendre que le rappel au Règlement porte sur le fait que l'accord pour ne pas tenir compte de l'heure était conditionnel, mais ce n'est pas ainsi que je l'ai compris, je dois l'avouer, honorables sénateurs. En conséquence, je crois que lorsque nous avons accepté de ne pas tenir compte de l'heure, c'est exactement ce à quoi nous nous sommes engagés. Toutefois, le sénateur Cools a raison sur un point, soit que, souvent, nous acceptons de procéder de la sorte parce que nous prévoyons terminer notre travail rapidement.

Quant à la question du consentement unanime conditionnel, il faudrait que cela soit libellé avec grand soin et, dans le cas qui nous occupe, je n'ai pas compris les choses de cette manière lorsque j'ai posé la question aux honorables sénateurs. En réalité, je me rappelle distinctement avoir dit que nous étions toujours saisis de la question de privilège. Par leur nature même, ces questions ont une certaine priorité. Par conséquent, sénateur Cools, j'ai le regret de vous dire que votre rappel au Règlement n'est pas fondé.

Le sénateur Cools: Les consentements unanimes conditionnels n'existent pas, pas plus que les accords conditionnels. Toutefois, il existe bel et bien une prémisse, et le consentement a été accordé pour certaines raisons, et c'est de cela que je parle, honorables sénateurs. Le consentement a été accordé pour permettre aux sénateurs Grafstein et Poulin de faire avancer l'étude du projet de loi C-459. Au moment où il a été accordé, il était clairement entendu que nous ajournerions peu après. Je soutiens, honorables sénateurs, que, lorsque ce type d'accord est donné, il devrait être respecté et honoré, et on ne devrait pas en abuser.

LE SYSTÈME AMÉRICAIN DE DÉFENSE CONTRE LES MISSILES BALISTIQUES

MOTION RECOMMANDANT AU GOUVERNEMENT DE NE PAS PARTICIPER—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Roche, appuyée par l'honorable sénateur Plamondon,

Que le Sénat du Canada recommande que le gouvernement du Canada refuse de participer au système de défense contre les missiles balistiques proposé par les États-Unis pour les raisons suivantes:

1. En appuyant implicitement, voire explicitement, les politiques américaines de développement et de déploiement d'armes dans l'espace, le Canada compromettrait sa politique de longue date en matière de non-militarisation de l'espace.

2. Le système de défense intégrerait encore plus les politiques militaires et les forces armées canadiennes et américaines, sans toutefois permettre au Canada de participer de façon constructive au contenu de ces politiques.

3. Le système de défense ne mettrait pas le monde, y compris le Canada, plus à l'abri du danger. Au contraire. —(L'honorable sénateur Graham, c.p.).

L'honorable B. Alasdair Graham: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Roche d'avoir présenté la motion à l'effet: Que le Sénat du Canada recommande que le gouvernement du Canada refuse de participer au système de défense contre les missiles balistiques proposé par les États-Unis pour trois raisons, clairement exposées, que j'essaierai d'aborder au cours de mon intervention ce soir.

Les propos du sénateur Roche étaient très instructifs et, comme toujours, étaient fondés sur sa grande expérience des domaines de la défense et de la sécurité, qui revêtent une grande importance pour les Canadiens. J'ai écouté avec le plus grand intérêt ce qu'a dit le sénateur LaPierre pour appuyer la motion, et je le remercie d'avoir contribué au débat avec tant d'humanité.

Quelqu'un a dit que la perception, c'était la réalité. Il n'existe aucun autre domaine où cette remarque s'applique mieux que celui, complexe, de la défense contre les missiles balistiques. À mon avis, il est actuellement impossible de prédire où et comment le système de défense contre les missiles balistiques, qui dépend si étroitement d'un complexe de technologies et de budgets en cours d'élaboration, évoluera avec le temps. Comme on l'a vu à de nombreuses reprises en ce qui concerne les dépenses de défense des États-Unis, un article du budget consacré à l'organisme de défense contre les missiles peut très bien ne pas déboucher sur une politique officielle de la part des États-Unis. Il y a plus d'une décennie, on proclamait qu'un bouclier de protection antimissiles fonctionnel serait mis en place avant la fin du siècle. Le monde a attendu. Des délais ont été fixés, que l'on a renoncé à respecter, avec une régularité prévisible dans un système de freins et contrepoids. Comme les administrations vont et viennent, je suppose que le Canada doit répondre au jour le jour à la politique définie par les États-Unis dans ce domaine.

Entre-temps, les Canadiens qui s'inquiètent à ce sujet ont présenté une pléthore d'arguments pour défendre leur opposition à un système de défense contre les missiles balistiques. L'un de ces principaux arguments met l'accent sur la théorie selon laquelle les missiles balistiques américains donneraient inévitablement lieu à leur mise à l'essai dans l'espace. Le sénateur Roche prétend que le système de défense contre les missiles balistiques débouchera sur une domination des États-Unis axée sur l'utilisation de l'espace et que la participation canadienne à un système de défense contre les missiles, quelque modeste qu'elle soit, constituerait une acceptation des visées américaines de militarisation de l'espace.

Le sénateur LaPierre a rejeté — et il a tout à fait raison — l'idée que le Canada était aspiré par le soi-disant tourbillon de militarisme et d'unilatéralisme américains qui semble émaner de la théorie du sénateur Roche. Si je croyais que ce tourbillon correspondait effectivement à la réalité, et si je croyais un seul instant que le secrétaire des Forces aériennes des États-Unis, James Roche, était le porte-parole de la politique officielle du pays, je serais, moi aussi, extrêmement inquiet. Malheureusement, alors que nous cherchons tous à obtenir des réponses simples à propos de nos rapports bilatéraux avec le colosse du sud, cela n'est pas possible. Jetons, d'un autre point de vue, un rapide coup d'œil sur la politique américaine qui se dessine en matière de système de défense contre les missiles et sur la militarisation de l'espace.

Posons-nous d'abord quelques questions légitimes. Existe-t-il la moindre preuve que les États-Unis ont l'intention de violer les obligations qu'ils ont contractées en vertu du Traité sur l'espace extra-atmosphérique, suivant lequel l'accès à l'espace et son utilisation, pour tout pays, sont uniquement réservés à des fins pacifiques? Je n'en connais aucune.

La politique américaine est-elle vraiment ancrée dans un complot visant à établir dans l'espace un pouvoir impérial doté d'une capacité de combat que l'on n'a vue que dans La guerre des étoiles, ou, comme l'avance le sénateur LaPierre, visant à réaliser une transformation de l'espace en zone militaire où les États-Unis pourront attaquer n'importe qui à leur gré? Ne pouvons-nous pas dire, peut-être avec beaucoup plus d'équanimité, que les États-Unis s'inquiètent du fait que leur domination dans l'espace extra- atmosphérique est, en réalité, hautement contestable, et de plus en plus, du fait que l'espace est maintenant vulnérable à des menaces émanant de pays qui ont la capacité de lancer un missile équipé d'une ogive nucléaire pouvant frapper des cibles dans l'espace extra- atmosphérique et qui, de ce fait, causeront beaucoup de dégâts aux économies occidentales, y compris à la nôtre?

(1920)

Comment percevons-nous tout cela? La défense antimissiles balistiques vise-t-elle la domination ou la protection? En ce qui concerne nos capacités de combat, les tentatives d'aller à la guerre dans l'espace n'y laisseront-elles pas un véritable gâchis? Qui paie le prix le plus fort pour cela? Ne pourrait-on pas faire valoir que ce sont les États-Unis qui paieront le prix le plus fort? Quels intérêts les États-Unis auraient-ils hypothétiquement à commencer une guerre? Où sont les certitudes dans tout cela? Je crains que la situation ne soit beaucoup trop compliquée pour qu'on puisse situer la question de la défense antimissiles dans le cadre du soi-disant tourbillon du militarisme.

La chose que nous savons, honorables sénateurs — et nous le savons avec certitude —, c'est que l'administration Bush a fait de la défense antimissiles une de ses principales priorités en matière de sécurité. Elle a déclaré que, d'ici l'automne 2004, elle élaborera un ensemble initial de capacités de défense antimissiles en vue de protéger la partie continentale des États-Unis et, peut-être, le territoire canadien contigu. J'ajouterais que cela comprendra des intercepteurs sur terre et en mer.

Les États-Unis ont conclu un accord avec le Royaume-Uni afin d'améliorer le radar d'alerte lointaine, installé à Flyingdales, et discutent actuellement avec le Danemark pour mettre à niveau le radar d'alerte lointaine utilisé au Groenland, ce qui permettra aux États-Unis de couvrir l'ensemble de l'Amérique du Nord.

Les Canadiens trouveront alors peut-être un peu de réconfort dans toutes les initiatives bilatérales prises pour assurer la défense contre les missiles balistiques. Nous ne sommes peut-être pas seuls chez nous, après tout, avec un voisin aussi puissant au sud de notre frontière. Nul besoin de rappeler aux honorables sénateurs que les Américains se sont retirés du Traité sur les missiles antimissiles en juin dernier et que le président Bush et le président Poutine ont ensuite signé un traité devant mener à une réduction notable de leur arsenal nucléaire. Les missiles antimissiles étaient l'un des grands sujets de préoccupation des nombreux opposants au système de défense contre les missiles, mais plus maintenant.

Par ailleurs, les Américains ayant offert de partager leur technologie, le projet pourrait intéresser les Russes, ce qui aurait été inimaginable il y a encore 18 mois et qui aurait causé de grands remous au niveau géopolitique. On pourrait même conclure qu'à long terme, les États-Unis pourraient inviter la Russie à participer à un grand nombre d'initiatives dans le cadre du système de défense antimissiles, mais une telle hypothèse, comme d'ailleurs la plupart des aspects du système de défense contre les missiles balistiques, souffre du climat d'incertitude qui règne.

En fait, il m'apparaît clairement qu'il n'est pas très sage, pour l'instant, de se laisser aller à de grandes généralisations concernant les intentions des Américains, les retombées au niveau international du système de défense contre les missiles balistiques, et cetera, des généralisations qui peuvent être constamment remises en question. Nous devons faire face aux vraies possibilités lorsqu'elles se présentent, sinon, nous pourrions nous retrouver dans la position de l'homme de Kierkegaard qui a vécu sa vie dans des degrés croissants d'abstraction au point où il s'est réveillé mort un bon matin.

Certaines de ces vraies possibilités sont axées sur le monde dans lequel nous vivons. Les honorables sénateurs sont bien conscients que les attaques terroristes en Amérique du Nord peuvent prendre de nombreuses formes. Mentionnons-en seulement une: la menace constante de navires transportant des armes nucléaires ou chimiques et la terrifiante perspective d'une explosion dans un port des États- Unis ou du Canada. Dans le grand ordre des choses, le système de défense contre les missiles balistiques n'est qu'un élément de l'arsenal complexe conçu pour repousser les dangers actuels.

La prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs est un problème de plus en plus sérieux. Certains prétendent que le Canada est peu susceptible d'être une cible directe d'une attaque au moyen de missiles balistiques lancés par exemple par les dirigeants irrationnels d'un État voyou. Cependant, comme notre population vit en général près de la frontière américaine et comme les missiles balistiques intercontinentaux de première génération manquent de précision, le Canada fait en gros face à la même menace que les États-Unis. Pouvons-nous nous permettre, en tant que Canadiens, de tenir pour acquis qu'une attaque contre Detroit ne sera pas une attaque contre Windsor ou qu'une attaque contre Buffalo ne dévastera pas Toronto? Même si nous savons qu'il n'existe aucune protection totale contre les missiles balistiques lancés par des États voyous ou de façon accidentelle, il n'est que sensé de penser qu'une défense partielle est préférable à rien du tout.

À mon avis, ceux qui prétendent que la défense antimissiles ne peut être perçue qu'en termes de notions préconçues quant à la prétendue relation de propriétaire à locataire que le Canada entretient avec la grande république font fi du processus plus large de la définition continue de notre intérêt national à leurs risques et périls. Pensez-y: Le Canada vit depuis des décennies avec la garantie que les États-Unis assureront la sécurité du continent, et cette garantie nous a coûté très peu.

On pourrait prétendre que la théorie de certains Américains selon laquelle le Canada s'en tire à bon compte est injuste envers le Canada, mais il y a une certaine part de vérité là-dedans. Nous consacrons environ 300 millions de dollars par année au NORAD, soit environ 10 p. 100 du coût total de l'alliance. Selon les représentants de l'armée canadienne que j'ai rencontrés lorsque je faisais partie de la délégation parlementaire qui s'est rendue au complexe de Cheyenne Mountain à Colorado Springs, notre contribution est considérée comme un montant symbolique en retour duquel le Canada reçoit beaucoup plus sur le plan du renseignement aérospatial. Au fil des décennies, le NORAD a offert des services essentiels de collecte de renseignements et de surveillance de notre territoire. Je crois que nous devons continuer à participer pleinement à la défense de l'Amérique du Nord et continuer d'avoir une voix importante au sein du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord qui, depuis 1958, nous a bien servis dans la défense commune de ce continent.

Je reviens au point soulevé par le sénateur Roche selon lequel la question immédiate à laquelle le Canada fait face est la possibilité de négocier notre participation à un élément d'un système américain beaucoup plus vaste de défense antimissiles. Comme James Fergusson, directeur adjoint du Centre for Defence and Security Studies à l'université du Manitoba, l'a signalé au Comité des affaires étrangères de la Chambre en juin dernier, la principale question qui doit nous préoccuper à l'heure actuelle est:

... le lien entre ce développement opérationnel, ce volet des plans de défense antimissiles des États-Unis et l'avenir du NORAD, notamment l'attribution du commandement et du contrôle de ce système par rapport au NORAD [...] Cela n'inclut pas les discussions ou les négociations concernant la participation du Canada à d'autres aspects du système de défense antimissiles des États-Unis proposé par le secrétaire à la Défense, M. Laird. (Nous n'y participons pas de toute façon.)

M. Fergusson ajoute ensuite ceci:

Actuellement, la participation du Canada ne vise absolument pas la défense spatiale. Le volet spatial est tout à fait distinct du NORAD à la suite d'une décision que les États-Unis ont prise l'an dernier dans leur plan de commandement unifié, décision qui sépare le commandement spatial du NORAD et qui fusionne le commandement spatial avec le commandement stratégique dont les bureaux sont situés à Omaha, au Nebraska. [...] La défense spatiale n'est pas matière à négociation, et il est présomptueux pour les Canadiens de croire qu'elle pourrait l'être, même si le Canada n'était pas de cet avis. Les États-Unis n'essaient pas de piéger le Canada dans la défense spatiale. [...] les États-Unis sont parfaitement au courant de la politique adoptée de longue date par le Canada au sujet de la militarisation de l'espace et ils ont pratiquement dissocié cette question de la poursuite de la coopération concernant la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord.

Comme M. Fergusson le signale, ce que le Canada envisage, ce qui est à sa portée, c'est la poursuite de la coopération sur le plan de la défense, de la surveillance et du contrôle aérospatiaux au sein du NORAD, quelque chose que nous avons toujours fait en tant que partenaire dans la défense, soit notre participation à la détection lointaine. Autrement dit, le Canada continuerait de fournir des centres de commandement et de contrôle où les données des capteurs seraient transmises aux sites américains d'interception. Si nous n'apportions aucune contribution, cela signifierait la disparition de la collaboration des Américains et des Canadiens à Cheyenne Mountain — quelque chose que j'ai pu voir personnellement, comme je l'ai mentionné plus tôt —, de ce partenariat aux racines profondes entre frères et soeurs des deux côtés de ce qui, jusqu'à récemment, était la plus longue frontière non défendue au monde, partenariat qui deviendrait un chapitre plutôt sombre d'un livre d'histoire sur les occasions manquées.

Comme le ministre des Affaires étrangères, Bill Graham, l'a si bien dit récemment, nous ne pouvons pas poser des questions à moins d'avoir les entretiens. Nous ne pouvons pas établir des conditions préalables si nous ne pouvons pas négocier. La défense antimissiles est désormais une réalité; les États-Unis présenteront un premier système d'ici l'automne 2004. Actuellement, des discussions sont en cours entre nos deux pays et il n'y a pas d'échéancier pour les terminer. Aucune décision ne sera prise par le gouvernement du Canada tant que ses évaluations ne seront pas terminées.

Cependant, le sénateur Roche nous dit dans son allocution que cette idée de discussion est «une illusion fantaisiste et dangereuse... l'administration Bush révèle une détermination à aller de l'avant avec des politiques, peu importe les positions adoptées par ses alliés ou par la communauté internationale en général».

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, je suis désolée d'informer le sénateur Graham que son temps de parole est écoulé.

Demande-t-il la permission de continuer?

Le sénateur Graham: Oui, et je serai aussi bref que possible.

Des voix: D'accord.

Le sénateur Graham: Je ferai tout mon possible.

Le sénateur Roche présente l'Irak comme un exemple convaincant de cette logique. Je partage le respect qu'a le sénateur Roche pour la position adoptée par le premier ministre Chrétien contre la guerre menée par les États-Unis en Irak, ce qui a contrevenu à la volonté et à l'autorité du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Dans un discours que j'ai prononcé au Sénat le 25 février dernier, au sujet de la motion qu'a présentée encore une fois le sénateur Roche, à propos de la sanction d'une action militaire contre l'Irak dans le cadre du droit international, j'ai cité un passage du discours d'acceptation de Lester B. Pearson, lorsqu'il a reçu le prix Nobel de la paix, en 1957. Pour aboutir à la paix, a-t-il dit, il faut une nouvelle et vigoureuse détermination d'utiliser toutes les techniques de discussion et de négociation disponibles ou, plus important encore, susceptibles d'être rendues disponibles pour apporter une solution aux problèmes inextricables et effrayants qui nous divisent aujourd'hui, dans un climat de peur et d'hostilité.

J'ajoute qu'en ce qui concerne la défense antimissiles balistiques, nous discutons avec un ami, qui joue certes parfois les Don Quichotte, mais qui n'en demeure pas moins un ami. Nous sommes un des rares pays à être si étroitement en harmonie avec les sentiments, les frustrations et les espoirs américains; nous avons tant de points communs sur le plan des valeurs, des défis, de l'histoire et des idéaux. Bien que nous partagions à l'heure actuelle une table de négociation étroite avec les États-Unis en ce qui concerne le système BMD, est-il le moindrement logique de dire à notre voisin et allié parfois ambivalent: «Désolé, mais ce dossier nous pose tellement de problèmes que nous devons nous retirer et mettre un terme aux discussions»? Une telle solution est-elle vraiment le moindrement logique? Pour ma part, je ne le pense pas.

Comme je viens tout juste de le dire, honorables sénateurs, les rapports uniques que nous entretenons avec nos voisins du Sud nous permettent d'aborder dans le cadre de négociations des problèmes d'une énorme importance pour la planète. Le problème de la prolifération nucléaire et les pressions exercées sur des pays qui sont continuellement en conflit avec les États-Unis, parce qu'ils veulent acquérir de nouveaux systèmes d'armes, constitue un des principaux défis de notre époque. Qu'avons-nous à gagner, alors que nous sommes un des rares pays au monde en mesure de rappeler aux États-Unis qu'une des façons d'atténuer la pression dans le sens de la prolifération consiste pour eux à ratifier notamment le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires?

Le fait que nous siégeons à la même table que les États-Unis, que nous posons des questions et que nous exerçons une influence quotidienne en faisant appel à toute mesure incitative que nous pouvons imaginer signifie-t-il que nous sommes favorables à une importante expansion d'un nouveau système d'armes qui ne servirait qu'à favoriser l'escalade? La bonne réputation internationale que nous avons acquise pour avoir exercé un rôle de premier plan en ce qui concerne la non-prolifération et de la limitation des armements, l'adoption de traités visant à éliminer les mines terrestres et la conclusion de pactes interdisant les armes chimiques et biologiques devient-elle entachée de quelque vile façon? Quand on pense à notre réputation fort bien méritée en matière de rétablissement et de maintien de la paix dans toutes les parties du globe, est-ce que cela signifie que le respect que l'on voue à notre drapeau dans toute la planète s'évanouit? Honorables sénateurs, je réponds un non très catégorique.

Selon moi, les pays ne feraient que constater une insécurité supplémentaire dans un univers tourmenté si le Canada — celui qui peut toucher le coeur et l'esprit de l'Amérique — devait dire: «Écoutez, beaucoup de questions se posent, mais nous n'avons pas la volonté ni la détermination de continuer.» Si nous agissions de la sorte, ce serait l'absence totale de pertinence. Ce n'est certes pas la voie que je souhaite voir le Canada adopter. Ce n'est pas le Canada que je connais. Ce n'est pas le genre de Canada et d'héritage triste et tragique que l'un ou l'autre d'entre nous voudrait transmettre aux futures générations.

Nous devons nous rappeler que toute participation que nous pourrions avoir dans un système de défense antimissiles ne serait qu'un aspect d'une approche diplomatique canadienne pour dissuader ceux qui cherchent une prolifération des missiles et de la technologie des missiles. Le Canada est un membre fondateur du Régime de contrôle de la technologie relative aux missiles pour lutter contre la prolifération des missiles. Le Canada a également participé à l'élaboration du code de conduite de La Haye, qui établit les seules normes existantes au sujet des missiles balistiques et des activités connexes.

L'authenticité de notre opposition de longue date à la militarisation de l'espace est bien connue de la communauté internationale. Faute de temps, je ne peux dresser une liste plus longue de nos efforts multilatéraux, mais je signale cependant que le professeur David Haglund, directeur du Centre d'études internationales à l'Université Queen's, soutient que la diversité des défis en matière de sécurité que le Canada doit relever, en collaboration avec les États-Unis, à la suite des événements du 11 septembre, offre des occasions sans précédent aux décideurs. Je cite M. Haglund à ce sujet:

Pour la première fois depuis le tout début de la guerre froide, le Canada revêtira une importance considérable pour la sécurité physique des Américains et les contradictions du processus décisionnel seront exacerbées, au fur et à mesure que les compromis deviendront plus clairement identifiables. Dans ce nouveau contexte, il sera plutôt paradoxal de voir les décideurs à Ottawa rêver d'un hier plus tranquille, où ils n'avaient qu'à élaborer les mesures les plus appropriées face aux défis du ministère de la Défense nationale et de la défense contre les missiles balistiques.

Honorables sénateurs, je me rappellerai toujours un voyage que j'ai fait au siège social des Nations Unies à New York et ma découverte de la célèbre statue de Saint-Georges tuant le dragon nucléaire — un amalgame des débris de missiles américains et soviétiques détruits. Ces missiles n'ont pas été détruits parce que les nations qui avaient des positions divergentes ont quitté la table de négociation, ont éteint les lumières et sont rentrées chez elles. Ils ont été détruits parce les deux superpuissances qui s'affrontaient dans la guerre froide ont reconnu que rien ne remplacera jamais une ferme détermination de recourir à toute les méthodes de discussion et de négociation qui s'offrent à nous, comme M. Pearson nous l'a rappelé en 1957.

Sans cet engagement de tous les instants, nous restons sans voix sur le continent et nous réaliserons un jour, en nous réveillant, que le Canada a renoncé à son avenir sans qu'un seul coup de fusil n'ait été tiré.

Je remercie les sénateurs de leur attention.

L'honorable Douglas Roche: Le sénateur Graham accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Stratton: Le temps est écoulé.

Son Honneur le Président: Je crois que la réponse est non, sénateur Roche.

Le sénateur Roche: Je m'en tiendrai à une courte question. Je sais l'heure qu'il est. Je tiens à féliciter le sénateur Graham. Il a livré un discours de grande qualité, comme il sait le faire.

Le sénateur reconnaît-il qu'il a très peu parlé du Traité sur les missiles antimissiles balistiques pour une très bonne raison? Ce traité a été conclu il y a plus de 30 ans dans le but de mettre fin à la prolifération des armes offensives. Le sénateur dit que la militarisation de l'espace n'est pas en cause, mais reconnaît-il qu'on dit clairement sur le site web de l'agence américaine de la défense antimissiles que la première étape de la défense antimissiles balistiques sera de procéder à des essais dans l'espace? Ne reconnaît- il pas, à l'instar de M. John Polanyi, un prix Nobel canadien lui aussi, que la défense antimissiles balistiques est un convoyeur, comme il le dit, pour les armes dans l'espace?

(1940)

Enfin, ne croit-il pas que nombre de scientifiques ont raison de dire que la défense antimissiles balistiques ne fonctionnera pas, que les analystes ont raison de dire qu'elle a un effet déstabilisateur pour les questions de sécurité internationale et que les éthiciens ont raison de dire que les sommes énormes qui seront consacrées à la défense antimissiles balistiques empêchent le monde d'investir dans la véritable sécurité humaine?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je ne peux pas répondre oui ou non à ces questions parce qu'elles constituent des points de vue différents aux questions importantes du sénateur Roche. Je l'invite à lire et à relire mon discours. On obtiendra des points de vue différents au sein de la communauté scientifique, parmi les professeurs, parmi les experts, voire parmi les gens comme vous, sénateur Roche, et au bout du compte on devra peser tous les éléments de preuve.

Le Canada examine les preuves. Il examinera toutes les preuves avant de tirer une conclusion. Je suis convaincu que le point de vue de l'honorable sénateur sera également pris en compte. Je le remercie de ses questions et de sa participation.

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le débat est ajourné.)

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

RETRAIT DE LA MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Stollery, appuyée par l'honorable sénateur Watt:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, conformément à l'article 95(3)a) du Règlement du Sénat, soit autorisé à siéger les 14 et 15 octobre 2003, même si le Sénat s'est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine.—(L'honorable sénateur Di Nino).

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, permettez- moi d'intervenir brièvement pour retirer cette motion inscrite en mon nom à la page 11. Il s'agit de la motion no 147 inscrite au Feuilleton.

De toute évidence, nous avions demandé à siéger il y a plusieurs semaines. Le temps a passé, et je retire maintenant ma motion.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est- elle accordée?

Des voix: D'accord.

(La motion est retirée.)

LE SÉNAT

ADOPTION DE LA MOTION TENDANT À CRÉER UN COMITÉ SPÉCIAL CHARGÉ DE SUPERVISER L'APPLICATION DE LA RÉSOLUTION AUTORISANT LA RADIODIFFUSION
ET LA TÉLÉDIFFUSION DES DÉLIBÉRATIONS

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gauthier, appuyée par l'honorable sénateur Fraser:

Que le Sénat approuve la radiodiffusion et la télédiffusion de ses délibérations et de celles de ses comités, avec sous-titres en temps réel, selon les principes analogues à ceux qui régissent la publication des comptes rendus officiels des débats; et

Qu'un comité spécial, composé de cinq sénateurs, soit constitué pour surveiller l'application de cette résolution;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Robichaud, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Gauthier, que la motion soit renvoyée au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration; et

Que le Comité fasse rapport au plus tard le 27 mai 2004.—(L'honorable sénateur Kinsella).

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je suis d'accord avec le sénateur Robichaud: sa motion d'amendement tendant à renvoyer l'affaire au Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration est une bonne idée.

Son Honneur le Président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Il y a la motion principale et une motion d'amendement. Je mettrai d'abord l'amendement aux voix.

L'honorable sénateur Robichaud, c.p., avec l'appui de l'honorable sénateur Gauthier, propose l'amendement suivant à la motion principale: Que la motion soit renvoyée au Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

(La motion d'amendement est adoptée avec dissidence.)

Son Honneur le Président: Je vais relire la motion amendée.

L'honorable sénateur Gauthier, avec l'appui de l'honorable sénateur Fraser, propose:

Que le Sénat approuve ....

Des voix: Suffit!

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion amendée?

Des voix: D'accord.

Une voix: Avec dissidence.

(La motion amendée est adoptée avec dissidence.)

QUESTION DE PRIVILÈGE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous avons maintenant terminé l'étude des questions à l'ordre du jour. Conformément à notre Règlement et à l'avis qui a été donné plus tôt aujourd'hui, je donne la parole au sénateur Kinsella pour qu'il présente sa question de privilège.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'interviens pour présenter une question de privilège pour laquelle j'ai déposé un avis écrit plus tôt aujourd'hui, aux termes du paragraphe 43(3) du Règlement, et donné un avis verbal aux termes du paragraphe 43(7) du Règlement. Cette question fait suite à une mesure prise le vendredi 31 octobre dernier par le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. C'est donc la première occasion que j'ai de soulever cette question.

Très brièvement, je crois que les sénateurs comprennent bien les faits. Les voici: le comité directeur du Comité du Règlement s'est réuni. La majorité des membres du comité directeur a décidé que le comité se réunirait en dehors des heures qui lui avaient été fixées. Il n'en a pas été fait mention au moment de la rencontre régulière du comité mercredi dernier pour savoir si cette décision tenait réellement compte de l'opinion des membres du comité. D'autres comités tenaient leur rencontre régulière au moment choisi par la majorité au comité directeur et cela a entraîné un conflit d'horaires pour plusieurs sénateurs. En conséquence, un recours au Règlement a été soulevé quant au bien-fondé de convoquer une réunion en dehors des périodes assignées et sans avis adéquat ou convenable.

Après un certain nombre d'interventions, Son Honneur a alors pris la question en délibéré et, comme les honorables sénateurs s'en souviendront, il a rendu sa décision à ce sujet plus tôt aujourd'hui.

Le vendredi 31 octobre, le Comité du Règlement s'est à nouveau réuni afin d'entendre d'autres témoins qui auraient pu être disponibles malgré un très bref préavis et afin d'étudier le projet de loi C-34, article par article. Le comité a étudié le projet de loi C- 34, article par article, et il a maintenant fait rapport du projet de loi au Sénat, sans proposition d'amendement.

J'estime, honorables sénateurs, que la réunion que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a tenue le vendredi 31 octobre était inacceptable. Elle constituait un outrage au Sénat et au Parlement. J'emploi le mot «outrage» dans son acception parlementaire.

Il y a eu atteinte à mes privilèges et à ceux de tous les sénateurs. En résumé, la question concernant la légitimité de la réunion que le Comité du Règlement a tenue le jeudi 30 octobre, en dehors de son créneau habituel et en même temps que de nombreux autres comités se réunissaient durant leur créneau horaire habituel, était une question en instance.

Les honorables sénateurs se souviendront que le Président avait alors pris la question en délibéré. À cet endroit, la décision de la présidence est la décision du Sénat. Elle peut être annulée par un vote majoritaire, conformément au paragraphe 18(4) du Règlement, si les sénateurs n'acceptent pas la décision de la présidence. C'est toutefois au Sénat du Canada qu'il appartient de décider de l'issue de la question, dans un sens ou dans l'autre. Il peut s'agir d'une décision explicite, lorsqu'il y a un vote qui maintient ou qui rejette la décision, ou il peut s'agir d'une décision implicite, lorsque la décision n'est pas contestée, comme c'est généralement le cas, mais pas toujours, comme on a pu le constater plus tôt cette année.

(1950)

Tenir une réunion alors que la validité de la réunion précédente avait été prise en délibéré par le Président donnait à penser, du moins à notre avis, que la décision de la présidence, et donc de cette assemblée, n'avait aucune importance. J'affirme que ce geste est un affront au Sénat lui-même.

Quand le Président réserve sa décision au Sénat, la question qui fait l'objet de sa décision est en suspens dans l'attente de cette dernière. C'est ce que nous pensions et c'est pourquoi nous avons trouvé que la réunion de vendredi allait à l'encontre des règles. Elle était, si vous voulez, mise en échec ou mise en suspens du fait que la question était en suspens tant que le Président n'avait pas rendu sa décision.

La raison en est claire. Le Sénat ne peut pas risquer d'avoir à revenir en arrière et à renverser des décisions qui ont été prises, particulièrement du fait que certaines décisions ne peuvent pas être renversées, comme lorsqu'un projet de loi est adopté et qu'il a reçu la sanction royale.

En décidant s'il y a eu outrage en l'occurrence, la conclusion de la décision rendue aujourd'hui par le Président, à savoir que le rappel au Règlement était sans fondement, ne règle pas la question. Il y a eu outrage parce que la réunion a eu lieu alors qu'une décision était attendue.

Une mesure a été prise par la suite, à savoir le dépôt d'un rapport issu de la réunion du vendredi 31 octobre pendant laquelle le projet de loi a été étudié article par article. Toutefois, le dépôt a eu lieu alors que le Sénat attendait la décision du Président. Souvenez-vous que, si le Sénat n'avait pas aimé la décision, il aurait pu la contester.

En soi, cela indique clairement que le dépôt du rapport au Sénat aujourd'hui, alors que la question avait été prise en délibéré par le Président et donc par notre assemblée, va à l'encontre des règles.

Le comité a fait rapport du projet de loi sans amendement, même si, dans sa décision, le Président aurait pu exiger du comité qu'il entende à nouveau les témoins dans le cadre d'une réunion tenue conformément aux règles. Le fait que le Président n'ait pas tranché en ce sens ne peut pas avoir pour effet de corriger rétroactivement une erreur qui a été commise.

Honorables sénateurs, il est clair qu'il y a eu outrage. Il y a eu atteinte aux privilèges de tous les honorables sénateurs.

Je suis disposé à proposer la motion qui convient si Son Honneur estime qu'il y a présomption d'atteinte aux privilèges, mais je signale que, comme c'est le Comité du Règlement qui est ici visé, je ne proposerai pas que la question soit renvoyée à ce comité, comme le Règlement le prévoit.

Des voix: Bravo!

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'il y ait eu atteinte aux privilèges. La réunion, qui a eu lieu vendredi, a été tenue selon la pratique du Sénat. La décision avait été prise par le comité directeur. Aucun règle n'a été violée lors de la tenue de cette réunion.

D'ailleurs, Son Honneur l'a soulevé dans sa décision sur le rappel au Règlement aujourd'hui. Ce comité a siégé, ce n'est pas un affront au Sénat, je trouve que c'est aller assez loin. Il n'y avait aucune motion ou ordre du Sénat qui empêchait ce comité de siéger. Je crois que tout a été fait dans l'ordre, les avis ont été envoyés.

Tous les sénateurs qui voulaient assister à cette réunion pouvaient le faire et aucune action n'a été prise pour les empêcher de le faire. Tous ceux qui voulaient s'exprimer l'ont fait. Les sénateurs qui voulaient voter et qui étaient membres de ce comité l'ont fait. Le comité a agi selon le Règlement du Sénat.

Je ne vois pas d'atteinte aux privilèges du Sénat ou des sénateurs. Je crois que tout était dans l'ordre et je ne vois pas de question de privilège.

[Traduction]

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Votre Honneur, je suis conscient de la décision que vous avez rendue sur le dernier rappel au Règlement du sénateur Kinsella, selon laquelle vous n'avez le pouvoir de vous prononcer sur rien d'autre que le Règlement. Je vous prie néanmoins de reconsidérer cette décision.

Je rappelle à Son Honneur que même la Cour suprême a reconnu que, en marge de la procédure légale, il faut tenir compte d'autres facteurs. Ce qui me rappelle cela, c'est la décision que la Cour suprême a rendue en 1981 dans une affaire où un certain nombre de provinces s'opposaient au rapatriement de la Constitution. La Cour suprême a dit que même si ce que le gouvernement tentait de faire était parfaitement légal, il allait à l'encontre de certaines règles de comportement, d'usages et de traditions.

Tout cela fait partie de l'ensemble. Les règles non écrites n'en sont pas moins des règles. Les usages sont des usages. Les traditions demeurent des traditions. La courtoisie est essentielle, tout comme le respect.

Dans ce cas-ci, c'est la même chose. Le privilège qui a été violé, c'est le respect qui est dû aux sénateurs. Certains sénateurs ont été dans l'impossibilité de participer aux délibérations du comité, alors qu'ils auraient voulu le faire.

Par ce recours au Règlement, nous disons que Son Honneur n'a pas la compétence pour reconnaître les règles non écrites du Sénat. Si nous devons nous en tenir uniquement aux règles écrites, alors nous serons obligés de réécrire toutes les règles, pour couvrir toutes les possibilités. Je dis cela parce que nous aurons des présidents qui nous diront qu'ils doivent s'en tenir à ce qui est écrit dans le petit livre. Tout ce qui s'est produit au Sénat, tout ce qui a été reconnu et accepté comme étant une coutume du Sénat sera réfuté lorsque nous tenterons de fonder nos arguments sur les règles non écrites.

Dans votre évaluation pour savoir si la question de privilège est fondée à première vue, je demande à Son Honneur de ne pas se limiter au petit livre, mais de tenir compte également des coutumes, des traditions et de ce que la Cour suprême appelle les règles de comportement qui régissent notre assemblée depuis si longtemps.

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai lu attentivement le recours au Règlement invoqué par l'honorable sénateur Kinsella l'autre jour. Il ne concernait que notre séance de jeudi. Il ne concernait pas du tout la séance de vendredi, ce que l'opposition a appris le mardi suivant la réunion du comité directeur sur le sujet.

Un avis valable de 24 heures a été envoyé pour la tenue d'une séance vendredi. Les textes de référence n'ont rien prévu concernant la capacité d'un comité de poursuivre ses travaux lorsque le Président étudie un recours au Règlement. Aussi, je crois qu'il n'y a aucune règle, aucune tradition, ni aucun privilège parlementaire à défier dans ce cas-là. Je crois que le Comité du Règlement n'a rien fait de répréhensible.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'appuie les propos du sénateur Lynch-Staunton. Ce faisant, je ne discuterai pas du litige qui nous chagrine. Il ne reposait pas sur des règles. Il était fondé sur l'équité et la capacité de l'opposition à faire valoir son point de vue.

(2000)

Nous ne pouvions pas tenir nos réunions le jeudi et nous avons souligné le fait que nos témoins auraient de la difficulté à respecter le calendrier que la majorité avait établi. Indirectement, pour ne pas dire implicitement, nous avons parlé de jeudi et de vendredi. Il a été question de la conduite et de l'attitude à avoir à l'égard de la minorité. La presse a compris que l'opposition boycotterait les séances du jeudi et du vendredi. Je tiens donc à préciser que si telle avait été notre intention, nous aurions mobilisé toutes nos forces et cherché à obtenir l'appui de sénateurs de la majorité, et nous aurions facilement renversé la majorité. Les sénateurs Grafstein et Joyal ont été mentionnés et certains sénateurs n'étaient pas très heureux de la tournure des événements. Nous aurions pu mettre un terme au processus, mais par respect pour la majorité et en raison du fait qu'on avait recouru à un comité directeur, nous avons invoqué des motifs raisonnables de ne pas assister à la séance en question. La majorité a refusé d'entendre raison, mais certains de ses membres ont exprimé leur opinion. Nous avons perdu faute d'avoir mis tous les atouts de notre côté.

Nous n'avons joué à aucun jeu. Nous avons simplement exprimé sincèrement notre point de vue et nous avons fait, dans l'après-midi, un recours au Règlement qui se résumait essentiellement à un appel au Sénat par la voix de Son Honneur. Si cet appel était encore entre vos mains à ce moment-là, alors à quoi bon nous aurait-il servi d'assister à la séance du vendredi, car les deux séances étaient liées inextricablement à la présence des témoins et des sénateurs?

J'espère que la question de privilège sera bien accueillie, sinon nous ne pourrions plus compter sur la présidence pour faire observer la coutume et les conventions et garantir le second examen objectif au Sénat.

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, je voudrais reprendre à mon compte les observations faites par le sénateur Milne. Pendant toutes les discussions qui se sont prolongées sur le recours original au Règlement, personne n'a fait mention de la séance du vendredi, même si on savait bien qu'elle était prévue à l'horaire. Le fond du débat relatif à ce recours au Règlement — la question sur laquelle nous attendions la décision de Son Honneur — était la pertinence d'organiser une réunion du Comité du Règlement pendant les réunions régulières d'autres comités. Or, le vendredi matin, il n'y avait pas de séance du Sénat ni d'aucun autre comité. Il ne pouvait donc pas y avoir de conflit d'horaires. Évidemment, il aurait été désagréable pour les sénateurs de l'opposition d'assister à la réunion, comme ce le fut pour certains d'entre nous. Mais nous nous sommes présentés parce qu'il s'agissait d'affaires du Sénat qui devaient prendre le pas sur tout autre projet que nous aurions pu avoir.

Le point essentiel, c'est la différence fondamentale entre la réponse que nous attendons de la présidence et la question de savoir si la réunion de vendredi était conforme au Règlement.

Le sénateur Lynch-Staunton: Madame le sénateur Fraser savait peut-être qu'il y avait une réunion vendredi, mais, en ce qui nous concerne, nous ne l'avons appris qu'à la réunion de jeudi. J'ai examiné les travaux des autres comités lorsqu'ils voulaient se réunir à d'autres moments que leurs heures habituelles et je n'ai encore trouvé aucune occasion où l'ensemble des membres n'ont pas été consultés avant la tenue de pareille réunion. Dans le cas présent, cela n'a pas été fait.

Le recours au Règlement est fondé sur un élément encore plus important. Je voudrais revenir sur les propos de madame le sénateur Fraser parce qu'elle a laissé entendre que la réunion de vendredi a été annoncée plus tôt durant la semaine. Les sénateurs de son côté le savaient peut-être, mais, de notre côté, nous l'avons appris trop tard pour pouvoir changer nos plans.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, nous ne sommes pas tous du triangle Montréal-Toronto-Ottawa. Certains d'entre nous doivent parcourir de grandes distances et ont fait des plans en prévision de ce voyage dans la région qu'ils représentent. Ils se sont peut-être déjà engagés à participer à certains événements. Ce qui m'inquiète par-dessus tout dans cette façon qu'on a d'utiliser la procédure, c'est que cela signifie que vous n'aurez pas notre collaboration. C'est le message qu'on peut en tirer en ce qui concerne toute autre question. Pourquoi voudrions-nous collaborer? Dans quel but voudrions-nous collaborer, si c'est là, le genre de collaboration à laquelle on peut s'attendre au Sénat? À quoi cela servirait-il? De quoi parlons-nous ici? Nous sommes sans aucun doute saisis d'une question de privilège, et c'est le privilège du respect d'autrui. Si vous voulez vous faire respecter, vous faites preuve de respect envers les autres. On ne fait pas comme si on ignorait ce que c'est que le respect.

Le rapport a été déposé au Sénat sans que la décision de la présidence ait été entendue. Est-ce là le respect auquel notre assemblée est en droit de s'attendre? Je ne le crois pas. C'est très près d'être un manque de respect pour chacun de nous en cette enceinte, et si cela ne suffit pas pour invoquer la question de privilège, je ne sais pas ce qu'il faudrait.

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, pour essayer de contribuer au débat, il pourrait être utile de rappeler certains précédents sur lesquels Son Honneur pourrait vouloir réfléchir au moment de se prononcer. J'aimerais citer un cas où le Comité du Règlement s'est réuni puis a fait rapport à la Chambre alors qu'aucun sénateur de l'opposition n'était présent. Les libéraux formaient alors l'opposition. Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement s'était réuni les 4 et 5 juin 1991, sans qu'un seul sénateur libéral fût présent, pour délibérer sur les amendements qu'il convenait d'apporter au Règlement du Sénat. Le comité a adopté le rapport le 5 juin 1991, rapport qui a donné lieu à de nouvelles règles pour le Sénat.

Le sénateur Balfour avait alors déclaré que les sénateurs de l'opposition avaient décidé de ne pas participer aux travaux. Les sénateurs présents au Comité du Règlement étaient alors les suivants: huit conservateurs et aucun libéral. Les sénateurs qui étaient membres de ce comité — et qui sont toujours au Sénat — étaient: le sénateur Di Nino, le sénateur Robertson, le sénateur Kinsella et, je crois, le sénateur Meighen. La réunion du Comité du Règlement avait lieu au début d'une nouvelle session et aucun libéral n'avait encore été nommé par le comité de sélection pour siéger au Comité du Règlement. Il s'agissait d'une réunion d'organisation, et la première question a été l'étude des amendements à apporter au Règlement du Sénat. Le comité a continué, même si aucun membre de l'opposition libérale n'était présent.

La lettre du sénateur Corbin demandant un ajournement du Comité du Règlement du fait de l'absence de membres libéraux a été consignée au compte rendu, mais elle n'a pas eu de suite. Les conservateurs ont invoqué les motifs suivants pour justifier la poursuite des travaux du Comité du Règlement sans la présence des sénateurs libéraux. Le sénateur Kinsella a dit que le Sénat avait créé le comité et lui avait confié le mandat de mener ses travaux. Le sénateur Di Nino l'a appuyé.

La même année, soit le 20 juin 1991, le sénateur Kelleher a proposé que le projet de loi C-6 soit lu une deuxième fois et le projet de loi a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Ce comité ne s'est réuni que deux fois pour examiner le projet de loi C-6. Les sénateurs présents étaient les honorables sénateur Bolduc, Di Nino, Kelleher, Kinsella, Murray, Ottenheimer, Castonguay et Lavoie-Roux. Aucun sénateur libéral n'était présent.

Il convient que Son Honneur réfléchisse à ces cas lorsqu'il se prononcera sur la question de privilège à la lumière des précédents et de l'application du Règlement du Sénat dans le passé.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je me souviens aussi du premier cas. Le sénateur Olsen s'est présenté à une réunion; il a été vivement repoussé par le leader et probablement envoyé en exil. Il convient de noter que ces réunions se tenaient à des heures régulières et bien connues. C'est cela, la différence. Dans le cas actuel, deux réunions se sont tenues hors des heures normales sans que l'on consulte tous les membres. C'est cela qui fait toute la différence.

(2010)

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, quelqu'un a émis l'autre jour l'opinion selon laquelle, dans un débat, il est important de défendre sa position et de manifester son désaccord. Cela est justifiable. Toutefois, il n'est jamais justifiable d'être désagréable.

Je tiens à souligner une distinction très importante. Si la raison pour laquelle Son Honneur le Président ne trouve pas qu'il y a présomption d'atteinte aux privilèges, c'est que le Président — comme cela a été indiqué dans la décision rendue plus tôt aujourd'hui, que nous acceptons — ne s'ingère pas dans les travaux d'un comité, c'est une chose. Toutefois, comme le sénateur Stratton vient de le faire observer, le privilège crucial auquel on a porté atteinte est qu'il existe une longue tradition voulant que les délibérations sur une question ne se poursuivent pas quand la légitimité des délibérations est en doute, dès lors qu'on a demandé au Président de rendre une décision à ce sujet.

Comme je l'ai dit plus tôt, ce n'est pas seulement le Président, mais aussi la force du Sénat qui soutient la décision du Président. Au bout du compte, le Sénat peut prendre cette décision parce que contrairement à la Chambre des communes, ce n'est pas seulement le Président qui décide. Au Sénat, le Président décide et sa décision peut être confirmée ou infirmée par l'ensemble des sénateurs.

L'atteinte aux privilèges est survenue au sein du comité et le Président ne voulait pas s'en mêler. Toutefois, il est arrivé au Sénat aujourd'hui quelque chose qui a porté atteinte aux privilèges. Il y avait une question relevant de la «Présentation de rapports de comités permanents ou spéciaux». C'était le dépôt d'un rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Ce comité faisait rapport au Sénat sur le projet de loi C- 34 sans proposition d'amendement.

Honorables sénateurs, cela s'est passé dans cette assemblée. Le Sénat avait parfaitement compris que le Président prenait la situation en délibéré avant de faire connaître sa décision. On attendait la décision du Président, mais ce geste est clairement allé à l'encontre de toutes les traditions et de toutes les coutumes.

Il est évident que nous ne poursuivons pas un débat sur une question qui doit faire l'objet d'une décision du Président. Cet incident ne s'est pas produit au sein du comité. Cet incident s'est produit ici, au Sénat. Il s'est produit pendant que le Président était au fauteuil.

Les conséquences de tout cela sur notre privilège, c'est que nous, moi du moins, fonctionnons d'après la perception que c'est la pratique de cet endroit que nous ne poursuivons pas l'examen d'une question qui doit faire l'objet d'une décision du Président. Telle est la situation qui s'est produite jeudi après-midi, lorsque Son Honneur a pris cette question en délibéré en vue de rendre une décision. Honorables sénateurs, d'après mes 13 années d'expérience au Sénat, cela voulait dire que toute la question restait bloquée jusqu'à ce que l'on sache si elle était légitime ou non. Nous avons su cet après-midi qu'il a été statué qu'elle ne l'était pas, mais nous l'ignorions jusque- là.

Jeudi après-midi, j'ai su qu'un comité dont je suis membre d'office se réunirait le lendemain matin. Je croyais ne pas pouvoir m'y rendre et que la réunion n'aurait pas lieu parce que le Président avait pris la question en délibéré. Le Règlement a été invoqué en raison précisément de la légalité de cette réunion. Par respect pour mes privilèges et ceux de tous les autres honorables sénateurs, cette réunion n'aurait pas pu avoir lieu parce que le Président avait pris la question en délibéré.

Nous récoltons aujourd'hui au Sénat le fruit de ce labeur. Le Président peut intervenir directement parce qu'il ne s'agit pas de quelque chose qui se passe en comité, auquel cas les présidents hésitent à se prononcer. C'est quelque chose qui s'est produit ici même, dans cette enceinte.

Il y a eu une tentative de dépôt d'un rapport portant sur un sujet que le président avait pris en délibéré. Il y a donc certainement présomption d'atteinte aux privilèges. Nous espérons que cette importante et grave question de privilège sera étudiée de façon approfondie en comité, car elle influe à présent sur la forme que doivent prendre les règles. Elle a des répercussions sur nos traditions et nos coutumes.

Nous savons où se trouve la majorité mais si cet endroit doit fonctionner, il doit le faire selon les règles, les traditions et les pratiques.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: J'ai dit que le dernier à prendre la parole serait le sénateur Kinsella. Je crois que j'en ai assez entendu, honorables sénateurs, pour me faire une idée de la question. Les choses ont été bien présentées. Je vais prendre en délibéré la question de savoir s'il y a à première vue atteinte au privilège et je vous ferai rapport dans les meilleurs délais.

LE SÉNAT

ADOPTION DE L'AVIS DE MOTION SUR LES AJOURNEMENTS DU MERCREDI

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition), conformément à l'avis du 30 octobre 2003, propose:

Que, pour le reste de la présente session, lorsque le Sénat siège un mercredi il s'ajourne au plus tard à 16 heures;

Que, si le Sénat n'a pas terminé ses travaux à 16 heures, le Président interrompe les délibérations et suspende la séance du Sénat jusqu'à 20 heures; et

Que, si un vote est différé un mercredi jusqu'à 17 h 30 le jour même, le Président interrompe les délibérations à 16 heures pour suspendre la séance jusqu'à 17 h 30 pour la mise aux voix du vote différé.

— Honorables sénateurs, j'ai donné avis de cette motion la semaine dernière. Il avait été convenu de régler cette question le jour même avec la permission des sénateurs, mais nous ne l'avons pas abordée. Il s'agit simplement de permettre au comités de savoir que le mercredi, ils peuvent fixer le début de leurs travaux à une heure donnée.

Dans la partie de la motion précisant «Que, pour le reste de la présente session, lorsque le Sénat siège un mercredi», j'ai utilisé l'expression «il s'ajourne». On devrait plutôt y trouver l'expression «il suspende ses travaux». Je demande la permission de changer cette expression.

La motion devrait donc être ainsi libellée:

...il suspende ses travaux au plus tard à 16 heures;

Que, si le Sénat n'a pas terminé ses travaux à 16 heures, le Président interrompe les délibérations et suspende la séance du Sénat jusqu'à 20 heures afin de permettre aux comités de siéger; et

(2020)

Les comités sauront qu'un mercredi, s'ils veulent se réunir et que leur horaire le leur permet, au lieu d'attendre que le Sénat s'ajourne, ils peuvent dire à leurs témoins et à toute autre personne qui s'intéresse à leurs travaux que les audiences du comité commenceront au plus tard à 16 heures.

La motion ajoute ensuite ce qui suit:

Que, si un vote est différé un mercredi jusqu'à 17 h 30 le jour même, le Président interrompe les délibérations à 16 heures pour suspendre la séance jusqu'à 17 h 30 pour la mise aux voix du vote différé.

Cette motion a pour objet de permettre aux comités censés siéger un mercredi après-midi d'avoir l'assurance que l'heure à laquelle ils fixent leur réunion sera respectée.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous appuyons la motion d'amendement demandant que le Sénat suspende sa séance. Le sénateur Lynch- Staunton serait-il également consentant pour ajouter, après les mots «20 heures», les mots suivants: «afin de permettre aux comités de siéger».

En effet, on pourrait peut-être s'interroger sur le fait que si la séance est suspendue, on ne donne pas le droit aux comités de siéger. Cela rendrait tout simplement la question plus claire et permettrait d'assurer que les comités puissent siéger.

[Traduction]

Le sénateur Lynch-Staunton: Je suis d'accord.

Son Honneur le Président: Le sénateur Lynch-Staunton a demandé que sa motion soit modifiée et que l'on remplace le mot «ajourne» par le mot «suspende» et que l'on ajoute, après les mots «20 heures», au deuxième paragraphe, la phrase suivante: «afin de permettre aux comités de siéger».

Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour que la motion du sénateur Lynch-Staunton soit modifiée comme il l'a demandé?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Sommes-nous prêts à passer au vote?

Le sénateur Lynch-Staunton: Je me demande si le Comité du Règlement ne pourrait pas se pencher sur ce point pour que l'on ait une règle permanente à notre retour pour la prochaine session, ou après le congé du jour du Souvenir. Je crois que le Comité du Règlement devrait étudier cette motion.

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion amendée?

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 4 novembre 2003, à 14 heures.)


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