Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
3e Session, 37e Législature,
Volume 141, Numéro 11
Le mercredi 18 février 2004
L'honorable Dan Hays, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- Le commerce international
- Le solliciteur général
- Les travaux publics et les services gouvernementaux
- Le rapport de la vérificatrice générale—Le programme de commandites—L'incidence des chèques à découvert et des fausses factures
- Le rapport de la vérificatrice générale—Le programme de commandites—La divulgation de documents du Cabinet
- Le rapport de la vérificatrice générale—Le programme de commandites—La vérification ministérielle—La participation du premier ministre
- Les pêches et les océans
- La Banque de développement du Canada
- Les affaires étrangères
- L'agriculture et l'agroalimentaire
- Les affaires étrangères
- L'agriculture et l'agroalimentaire
- Le solliciteur général
- Réponse différée à une question orale
- La justice
- Le Sénat
- Visiteur de marque
- Les travaux du Sénat
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 18 février 2004
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
LES «RÉALISATIONS» DES GOUVERNEMENTS LIBÉRAUX
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, le sénateur Bryden a très bien énuméré les «réalisations» du Parti conservateur dans le passé et je vais maintenant énumérer certaines des «réalisations» du Parti libéral dans cette déclaration.
Il y a tout d'abord la volte-face relativement à la TPS; l'enquête dans l'affaire Airbus; le vote contre la promesse faite dans le livre rouge de nommer un commissaire à l'éthique indépendant; le registre des armes à feu, qui a coûté des milliards de dollars alors qu'il était censé coûter 2 millions de dollars; le Fonds du Canada pour la création d'emplois; l'affaire Radwanski, et je m'étais, soit dit en passant, opposé à la nomination de l'intéressé; le fiasco de l'aéroport Pearson; les séjours au camp de pêche de la famille Irving et les voyages à bord des avions du groupe Irving par des ministres et des députés; les voyages effectués par M. Martin à bord de jets de compagnies privées lorsqu'il était ministre des Finances; le scandale des commandites, dont le pays et tous les citoyens sont saisis à l'heure actuelle, y compris les enquêtes de la GRC sur les entreprises Communications Coffin et Groupaction, et les enquêtes possibles sur l'aile québécoise du Parti libéral du Canada; le Shawinigate; le collecteur de fonds du Parti libéral, Pierre Corbeil, qui a été accusé de fraude par la GRC parce qu'il s'était mis en rapport avec plusieurs entreprises québécoises cherchant à obtenir des subventions fédérales pour la formation professionnelle et leur avait demandé de verser de l'argent au Parti libéral; le fils de l'ancien ministre Gagliano qui a profité de contrats octroyés par le ministère de son père; l'ancienne rédactrice de discours de M. Gagliano, Michèle Tremblay, qui a reçu des avances honoraires de 5 000 $ par mois de la Société immobilière du Canada afin d'écrire des discours pour le ministre. L'ancien président, John Grant, l'a flanquée à la porte en disant que l'entreprise n'avait rien obtenu en retour. Selon M. Grant, toutes les sociétés d'État relevant de M. Gagliano avaient été forcées de verser des honoraires mensuels à Mme Tremblay.
L'achat des nouveaux avions Challenger pour le premier ministre, sans appel d'offres — ce qui est tout à fait honteux; les amis du Parti libéral nommés en tant que juges de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada faisant l'objet d'enquêtes de la part de la GRC; les fausses allégations d'Hedy Fry selon lesquelles on brûlait des croix à Prince George; Lawrence MacAulay et l'affaire du Holland College; les contrats accordés à l'ancienne petite amie du ministre Eggleton; les dépenses excessives de M. Boyer, l'ancien chef de cabinet de Mme Copps — et j'en passe.
Ce sont de grandes «réalisations». On peut ajouter à cela la démission de M. Collenette pour avoir violé les lignes directrices éthiques en écrivant une lettre à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada; l'enquête sur l'APEC; le contrat de Santé Canada octroyé par le ministre Rock à une entreprise spécialisée dans le nettoyage des voitures; les pressions exercées par M. Manley sur la CIBC pour le compte de M. Rod Bryden; la suggestion faite par le collecteur de fonds de M. Manley qui a invité les donateurs à sa campagne à la direction à déduire ces dons en tant que frais professionnels — et j'en passe encore.
Honorables sénateurs, je pense que les Canadiens ont le droit de connaître tous ces cas et nous allons les leur rappeler aux prochaines élections fédérales.
Le sénateur Robichaud: Je suis persuadé que vous allez le faire. C'est la seule chose que vous serez en mesure de dire. Vous n'avez aucun programme.
L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD
LE TRANSPORT AÉRIEN COMMERCIAL
L'honorable Elizabeth Hubley: Honorables sénateurs, letransport aérien commercial à destination et en provenance de l'Île-du-Prince-Édouard est devenu un peu plus facile et plus abordable le 5 février avec l'instauration, par la société Prince Edward Air, d'une liaison aérienne régulière pour les voyageurs entre Charlottetown et Halifax. Le nouvel horaire du transporteur aérien comprend trois vols aller-retour du lundi au vendredi et deux vols quotidiens le samedi et le dimanche, ce qui permet des correspondances faciles avec les vols réguliers de CanJet, Jetsgo, WestJet et Air Canada à l'aéroport international de Halifax.
Prince Edward Air, dont le siège social est situé à Charlottetown, n'est pas un nouveau venu dans le ciel du Canada atlantique. C'est un transporteur aérien régional bien établi et respecté qui est en activité partout dans la région de l'Atlantique depuis 1990 et qui jouit, à juste titre, d'une excellente réputation auprès de sa clientèle parce qu'il respecte ses heures d'arrivée et de départ et que son service est axé sur le client.
Outre ce nouveau service de transport de passagers, ce petit transporteur aérien dynamique offre aussi des vols nolisés, des vols d'évacuation sanitaire, des services spécialisés de fret et de courrier de New York au Labrador, de St. John's, Terre-Neuve, à Hamilton, Ontario, et à peu près partout entre ces villes. Prince Edward Air, honorables sénateurs, exploite une flotte de 15 aéronefs et emploie une centaine d'employés, dont des pilotes, des ingénieurs, des techniciens, du personnel de soutien administratif et des agents, ce qui en fait une industrie du Canada atlantique qui est un chef de file dans le secteur de l'aviation.
Honorables sénateurs, le transport aérien commercial dans le Canada atlantique s'est grandement détérioré ces dernières années; il y a quelques mois à peine, Air Canada a réduit ses vols quotidiens entre Charlottetown et Halifax, de sorte qu'il est devenu encore plus difficile pour les gens d'affaires locaux et les autres personnes de se déplacer vers des destinations dans la région et à l'extérieur de celle-ci. Prince
Edward Air, une société qui appartient à des intérêts locaux et dont le siège est dans la région, vient maintenant d'offrir à ce marché mal desservi des services de transport de passagers commerciaux fiables, confortables et abordables.Je félicite cette entreprise insulaire et son président, M. Bob Bateman, de l'existence de ce transporteur et de leur initiative.
LA NOUVELLE-ÉCOSSE
LES CÉLÉBRATIONS EN L'HONNEUR DU JOUR DU DRAPEAU AU DIGBY REGIONAL HIGH SCHOOL
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je suis ravi de présenter aujourd'hui un compte rendu du magnifique après-midi que j'ai passé, le 16 février dernier, avec les élèves de l'école secondaire régionale de Digby, en Nouvelle-Écosse, à l'occasion du Jour du drapeau. Des représentants de la ville et de la municipalité de Digby se sont joints au personnel de l'école et aux élèves pour participer à cette très importante célébration. La célébration a débuté par un défilé ayant à sa tête des agents de la GRC, des membres de la Colour Guard de la Légion royale canadienne de Digby et des invités. Nous avons été accueillis par le maître de cérémonie, M. Richard Levy. L'aînée Agnes Potter de la Première nation de Bear River a récité sept prières, puis, plusieurs députés fédéraux et provinciaux, le maire de Digby, le directeur de la municipalité de Digby et d'autres officiels ont présenté leurs souhaits.
(1340)
J'ai rappelé aux élèves qu'il y a 39 ans, par une journée froide sur fond de tempête, le drapeau rouge à feuille d'érable blanche, distinctif du Canada, était hissé pour la première fois sur la colline parlementaire à Ottawa ainsi que dans des centaines de collectivités, petites et grandes, d'un océan à l'autre, au Canada. J'ai mentionné aux élèves que dans les jours qui ont précédé la proclamation du drapeau par Sa Majesté la reine Elizabeth II, M. George F.G. Stanley, aujourd'hui décédé, avait déclaré:
Un drapeau, c'est plus qu'un moyen d'identification. C'est l'incarnation d'un pays: le symbole du génie ou de l'esprit d'un peuple, ses espoirs, ses aspirations, sa volonté de vivre et sa détermination de jouer le rôle qui lui revient dans l'histoire.
J'ai rappelé aux élèves que partout dans le monde, le drapeau canadien flotte sur le toit de nos ambassades et de nos entreprises et qu'il est estampillé sur les aliments que nous envoyons à d'autres pays. Il est reproduit sur la manche des uniformes de nos soldats et cousu sur le sac à dos des voyageurs canadiens.
Honorables sénateurs, j'ai fait remarquer aux élèves qu'en tant que groupe, les Canadiens forment une mosaïque de cultures du monde entier. Ensemble, nous cherchons une voie commune pour l'avenir de notre pays. Pensons au rôle que le drapeau joue actuellement dans notre vie de tous les jours et de quelle façon nous respectons les vertus de l'unifolié, tant au pays qu'à l'étranger. À titre de Canadiens, nous pouvons être des chefs de file et apporter des contributions importantes sur la scène internationale.
En conclusion, honorables sénateurs, j'ai rappelé aux quelque 250 élèves de la 9e à la 11e année qui étaient présents que l'unifolié fait partie de notre paysage familier. On peut notamment le voir flotter dans les ports de pêche, les grands centres urbains bouillonnant d'activité, les Prairies, les fermes et la toundra de l'Arctique. Nous le voyons tous les jours et pourtant nous prenons rarement le temps de l'admirer dans l'immensité du ciel et de constater que ses lignes épurées et puissantes témoignent de notre citoyenneté et de nos aspirations communes ainsi que de notre sentiment d'appartenance à la communauté.
Honorables sénateurs, j'ai été très honoré de participer à cette importante cérémonie avec notre drapeau national qui nous rappelle toutes les nations tolérantes, pacifiques et bienheureuses du Canada.
AFFAIRES COURANTES
RÈGLEMENT, PROCÉDURE ET DROITS DU PARLEMENT
DÉPÔT DU DEUXIÈME RAPPORT DU COMITÉ
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le deuxième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, qui est une réimpression du Règlement du Sénat datée de février 2004.
LE SÉNAT
AVIS DE MOTION VISANT LA PRISE D'EFFET DE L'HEURE D'AJOURNEMENT DE MERCREDI
L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le jeudi 19 février 2004, je proposerai:
Que, pour le reste de la présente session, lorsque le Sénat siège un mercredi, il s'ajourne au plus tard à 16 heures; et
Que, si un vote est différé un mercredi jusqu'à 17 h 30 le jour même, le Président interrompe les délibérations à 16 heures pour suspendre la séance jusqu'à 17 h 30 pour la mise aux voix du vote différé, et entre-temps, que les comités puissent se réunir.
[Français]
LES LANGUES OFFICIELLES
LE STATUT BILINGUE DE LA VILLE D'OTTAWA—PRÉSENTATION DE PÉTITIONS
L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, conformément à l'article 4h) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer en cette Chambre les pétitions de 1 000 autres signataires, pour un grand total de 26 840 à ce jour, demandant de déclarer Ottawa, la capitale du Canada, une ville bilingue reflétant la dualité linguistique du pays.
Les pétitionnaires prient le Parlement de considérer les pointa suivanta:
Que la Constitution du Canada reconnaît le français et l'anglais comme les deux langues officielles de notre pays, ayant un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du gouvernement du Canada;
Que l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 désigne la ville d'Ottawa comme le siège du gouvernement du Canada;
Que les citoyens ont le droit, dans la capitale nationale, d'avoir accès aux services offerts par les institutions du gouvernement du Canada dans la langue officielle de leur choix, soit en français, soit en anglais;
Que la capitale du Canada doit être le reflet de la dualité linguistique qui est au cœur de notre identité collective et qui caractérise la nature même de notre pays;
Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement de confirmer dans la Constitution du Canada qu'Ottawa, la capitale du Canada — la seule mentionnée dans la Constitution —, doit déclarée officiellement bilingue en vertu de l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 et 1982.
[Traduction]
VISITEUR DE MARQUE
Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de l'honorable Alvin Curling, Président de l'Assemblée législative de l'Ontario.
Au nom des honorables sénateurs, je lui souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
PÉRIODE DES QUESTIONS
LE COMMERCE INTERNATIONAL
L'INDEX DE LA TRANSPARENCY INTERNATIONAL—LES RÉPERCUSSIONS DE LA CORRUPTION SUR LE COMMERCE
L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement et porte sur l'index de transparence. La Transparency International classe les pays en fonction de la perception du degré de corruption des fonctionnaires et des politiciens. Wesley Cragg, de Transparency International Canada, affirme que l'actuel scandale des commandites se traduira vraisemblablement en termes mesurables lors de la publication, l'an prochain, de l'index annuel de corruption. Dans l'index publié en 2003, le Canada est passé du 5e rang mondial, en 2000, au 11e rang, en 2003.
Honorables sénateurs, cette perception rendra la tâche plus difficile aux Canadiens faisant affaire à l'étranger. Le gouvernement a-t-il une idée de ce que coûteront aux entreprises les dernières révélations concernant la corruption et les irrégularités?
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la question est très intéressante. Si je me fie à ma propre expérience dans le domaine des affaires sur la scène internationale, j'imagine que rien de ce qui se passe maintenant au Canada n'affectera le moindrement la crédibilité des entreprises canadiennes qui font affaire à l'étranger.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Tkachuk: Sachant que le leader du gouvernement fait affaire en Chine, je ne suis pas surpris d'entendre ses propos.
Des voix: Oh, oh!
Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, l'automne dernier, un rapport du très respecté Forum économique mondial révélait que la compétitivité du Canada avait reculé du troisième au seizième rang, en deux ans seulement. En outre, le principal facteur de ce déclin était la baisse de confiance des exploitants d'entreprises à l'égard de la capacité du gouvernement de limiter la corruption et la partialité au sein du secteur public. Ce rapport a été publié avant que n'éclate au grand jour le scandale des commandites. Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire si le gouvernement a une idée des effets que produira cette florissante culture de corruption sur la compétitivité du Canada?
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je ne connais pas ce rapport. Je vais prendre le temps de le lire avant de répondre à toute autre question s'y rapportant.
Cependant, en réponse au sénateur Tkachuk, j'espère que sa première phrase ne visait pas à me dénigrer ou à critiquer mon expérience en affaires.
LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL
L'ENQUÊTE POLICIÈRE SUR LES ALLÉGATIONS D'IRRÉGULARITÉS DE LA PART DU PARTI LIBÉRAL
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur les descentes policières effectuées à l'assemblée législative de la Colombie-Britannique.
Le ministre présent en cette enceinte faisait partie de l'équipe Martin. Selon les allégations, certains individus auraient pu avoir des comportements illicites relativement à du financement qui aurait été versé par le truchement du Parti libéral. Le ministre peut-il nous dire quelles mesures seront prises si ces allégations se révèlent fondées?
Des voix: Oh, oh!
(1350)
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur St. Germain a déjà fait partie du Cabinet fédéral. Il sait pertinemment que j'ai pour responsabilité de répondre au nom du gouvernement, et de nul autre.
Pour ce qui est du reste de sa question, elle est tellement hypothétique qu'elle relève du rêve.
LES TRAVAUX PUBLICS ET LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LE PROGRAMME DE COMMANDITES—L'INCIDENCE DES CHÈQUES À DÉCOUVERT ET DES FAUSSES FACTURES
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Dimanche dernier, le premier ministre a promis que l'enquête sur le Programme de commandites permettrait de découvrir ce qui s'est passé.
Par ailleurs, le premier ministre a affirmé que des gens ont signé des chèques sans provision et produit de fausses factures. En tant qu'avocat, le leader du gouvernement au Sénat sait que la falsification des chèques et des factures constitue une infraction aux termes du paragraphe 381(1) du Code criminel. Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous fournir des détails au sujet de ces cas de chèques à découvert dont parlait le premier ministre?
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme l'honorable sénateur Oliver le sait bien, le gouvernement a mis en place un processus afin d'exposer les faits. La GRC fait enquête. Ces questions peuvent être soulevées au Comité des comptes publics de l'autre endroit, sans parler de l'enquête judiciaire qui aura lieu. Le premier ministre est prêt à témoigner dans le cadre de cette enquête. Tous les faits seront exposés en temps opportun.
Je n'ai rien d'autre à ajouter à ce sujet pour l'instant.
LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LE PROGRAMME DE COMMANDITES—LA DIVULGATION DE DOCUMENTS DU CABINET
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, le premier ministre a déclaré qu'aucun ministre ne pourrait se cacher derrière le traditionnel secret ministériel. Le leader du gouvernement peut-il nous dire si des documents du Cabinet, comme les comptes rendus de décisions ou les rapports de comités qui sont classés secrets, seront visés par la Loi sur la protection de l'information? Ces documents du Cabinet seront-ils déposés devant la commission d'enquête publique et divulgués aux Canadiens?
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme l'honorable sénateur Oliver le sait bien, les ministres doivent respecter leur serment d'office et la loi. Je n'ai rien d'autre à répondre à ce sujet. Le gouvernement a pour principe, comme le disait la vice-première ministre, de ne rien dissimuler.
Le sénateur Stratton: Dix-neuf fois.
Le sénateur Austin: Cependant, je ne vais le dire qu'une fois dans cette enceinte.
LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LE PROGRAMME DE COMMANDITES—LA VÉRIFICATION MINISTÉRIELLE—LA PARTICIPATION DU PREMIER MINISTRE
L'honorable Donald H. Olivier: Honorables sénateurs, pour ce qui est de ce que le premier ministre Martin savait ou ignorait, il ressort clairement de la vérification des Travaux publics, publiée en 2000, qu'il y avait, en ce qui concerne le Programme de commandites, davantage que des erreurs administratives. Ce rapport de presque 2 000 pages cite une série d'exemples de pratiques douteuses en matière de facturation, auxquelles se livraient les agences de publicité. Les cercles gouvernementaux étaient au courant du rapport, et l'opinion publique en a été saisie en 2001. Est-ce que le leader du gouvernement s'attend vraiment à ce que les Canadiens croient que le premier ministre n'a pas eu vent du scandale avant le rapport de la vérificatrice générale?
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Je demande pardon au sénateur Oliver, mais pourrait-il me dire à quel rapport il fait au juste allusion?
Le sénateur Oliver: Je parle du rapport sur la vérification des Travaux publics qui a été rendu public en 2000. C'est un rapport de quelque 2 000 pages qui donne des détails sur certaines irrégularités.
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je me demande si l'honorable sénateur Oliver est conscient du fait que le sous-ministre de l'époque a dit que, malgré l'existence d'irrégularités administratives, ce rapport ne faisait mention d'aucun problème relatif à d'autres actes plus ou moins graves.
LES PÊCHES ET LES OCÉANS
LES FONDS ALLOUÉS POUR LA RECONSTRUCTION DU QUAI DE L'ÎLE SATURNA
L'honorable Pat Carney: Honorable sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur les priorités du Parti libéral lorsqu'il s'agit de dépenser l'argent des contribuables. Nous savons que le gouvernement libéral a dit oui au programme de commandites de 250 millions de dollars, au fiasco de 1 milliard de dollars du registre des armes à feu et au gâchis de 1 milliard de dollars au ministère du Développement des ressources humaines. Les Canadiens devraient savoir quand les libéraux ont dit non.
En juin de l'année dernière, le quai public de l'île Saturna a été détruit par un incendie de cause inconnue. Il s'agissait de l'unique quai public de l'île située près de la frontière américaine. Il était utilisé par les habitants de la localité pour accommoder le bateau scolaire qui transporte les écoliers à l'école intermédiaire et à l'école secondaire ainsi que pour les services médicaux, ambulanciers, téléphoniques et d'approvisionnement électrique, pour la distribution du courrier et des journaux, pour les services de police, le trafic aérien, bref une foule d'utilisations par la collectivité.
Les fonctionnaires du MPO ont travaillé avec la population pour revoir la conception du quai. Cependant, j'ai reçu une lettre du ministre des Pêches, M. Geoff Regan disant que, malheureusement, il n'y avait pas de fonds pour reconstruire le dock du gouvernement sur l'île Saturna.
Le leader du gouvernement peut-il m'expliquer, pour que je puisse l'expliquer à mon tour à mes voisins sur l'île Saturna, pourquoi il ne peut trouver de fonds pour reconstruire un quai public alors que ses collègues et lui en ont trouvés pour payer leurs amis libéraux dans le secteur de la publicité?
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est la première fois que j'entends parler de la question du quai de l'île Saturna. Je vais m'informer à cet égard et je ferai connaître le résultat de mes recherches au sénateur Carney.
En ce qui concerne le reste de la question de madame le sénateur, je considère cela comme une opinion politique et je n'y répondrai pas pour l'instant.
Des voix: Oh, oh!
Le sénateur Carney: Je sais que notre parti considérait cela comme une question de priorités politiques des libéraux.
Quant à la réponse, je tiens à souligner que 60 p. 100 du territoire de l'île Saturna fait partie d'un parc national. La première chose que les gens voient quand ils approchent de l'île, c'est cette masse, cette énorme ruine noircie et malodorante qu'est devenu le quai et qui constitue — et ceci est une opinion politique — le symbole des espoirs libéraux sur la côte du Pacifique.
Le ministre s'engagera-t-il à travailler avec ses collègues, le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Stephen Owen, et le ministre de l'Environnement, David Anderson, afin de trouver les fonds nécessaires durant le prochain exercice pour reconstruire le quai public de cette collectivité isolée?
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je reconnais que madame le sénateur Carney, une habitante de l'île Saturna, est au courant des détails de cette affaire qu'elle vient de nous présenter. Je répète ce que j'ai dit en répondant à sa première question. Je n'étais pas au courant de cette question, mais je vais m'informer.
LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CANADA
LA RENCONTRE ENTRE SES REPRÉSENTANTS ET LES MINISTRES
L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, lorsquele leader du gouvernement au Sénat a rapporté les paroles de lavice-première ministre qui aurait dit: «Nous n'avons rien à cacher», ne voulait-il pas dire plutôt: «Nous n'avons nulle part où nous cacher»?
Ma question s'adresse au leader du gouvernement du Sénat et porte sur les observations de la vérificatrice générale au sujet du manque d'éthique de la Banque de développement du Canada, qui a versé des fonds à des agences de publicité en l'absence de contrats.
Nous apprenons maintenant, dans une décision rendue récemment par le juge Denis dans l'affaire Beaudoin, que Jean Carle, qui travaillait à l'époque à la Banque de développement du Canada, a rencontré le ministre Alfonso Gagliano, le ministre Martin Cauchon, la ministre Lucienne Robillard ainsi que Chuck Guité.
Il devient donc évident, à la lumière des témoignages entendus par le tribunal, que sont impliqués dans le scandale des commandites non seulement des bureaucrates incontrôlés mais également des ministres de premier plan. Le leader du gouvernement peut-il nous dire si le premier ministre Martin a demandé à la ministre de l'Industrie, Mme Robillard, de quoi exactement il a été question au cours de cette rencontre?
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, quelqu'un à l'autre endroit a également utilisé l'expression «nulle part où se cacher» que j'ai trouvée fort intéressante.
Le sénateur LeBreton: Je pensais être originale.
Le sénateur Austin: C'est intéressant de constater que le sénateur LeBreton a jugé bon de reprendre l'expression.
Pour répondre directement à la question qui m'était posée — tout en faisant abstraction du préambule que je refuse de commenter puisque je ne l'approuve pas —, je dirai que je ne suis pas au courant de la question qui a pu être posée. Je ne connais pas la teneur de la demande qu'on a pu soumettre à la ministre de l'Industrie concernant l'affaire Beaudoin. Je ne suis pas sûr d'ailleurs que je pourrai répondre à la question du sénateur LeBreton à une date ultérieure.
(1400)
LA DÉCISION DE LA COUR SUPÉRIEURE DU QUÉBEC EXONÉRANT L'ANCIEN PRÉSIDENT
L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, la situation est très claire, d'après le témoignage de M. Carle. Chantal Hébert l'explique succinctement dans le Toronto Star d'aujourd'hui. Voici ma question complémentaire: dans la décision qu'il a rendue sur l'affaire Beaudoin, le juge Denis a critiqué de façon particulièrement virulente le comportement des employés de la BDC, et surtout de Michel Vennat et de Jean Carle.
Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire si le gouvernement approuve les mesures prises par les employés de la BDC contre M. Beaudoin et, dans la négative, les dispositions précises qui seront prises pour prévenir une autre vendetta?
Honorables sénateurs, c'est le juge Denis qui parle de «vendetta», pas moi.
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement n'est pas responsable de ces actes. J'ai fait une réponse analogue hier.
Je serais très heureux de pouvoir compter sur les conseils de l'honorable sénateur au sujet des vendettas.
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
LA CHINE—LA CONDAMNATION D'UN AGENT CONSULAIRE POUR DIFFAMATION DU FALUN GONG
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire quelles mesures le gouvernement du Canada prend contre le gouvernement chinois pour s'assurer que ses diplomates en sol canadien n'abusent pas de leur pouvoir? La question me préoccupe vivement, car le renseignement et la sécurité sont des dossiers qui nous intéressent tous, aujourd'hui.
Un représentant chinois à Toronto vient d'être condamné par les tribunaux pour diffamation contre le Falun Gong. Quelles dispositions le gouvernement prend-il ou a-t-il prises à l'égard du gouvernement chinois pour que ce type de comportement ne se répète pas au Canada? En ce qui concerne les membres du Falun Gong, ce type de comportement ne se limite pas à un agent consulaire. Il est omniprésent au Canada.
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, selon les renseignements dont je dispose, certains habitants de Toronto qui ont cru qu'on avait porté atteinte à leur réputation ont intenté une poursuite contre le consul général adjoint, qui avait envoyé une lettre, et le gouvernement chinois n'a pas comparu devant le tribunal, se croyant à l'abri en vertu de son immunité diplomatique. Peut-être le gouvernement chinois a-t-il été mal conseillé, puisqu'un jugement a été rendu par défaut de comparaître.
Ce qu'il adviendra de ce dossier, je n'en sais rien, mais je suis sûr que l'honorable sénateur va bientôt me poser la question.
Le sénateur Andreychuk: J'ai une question complémentaire. Je suis persuadée que le gouvernement a déjà abordé la question avec le gouvernement chinois — et ce serait regrettable s'il ne l'avait pas fait. Le gouvernement canadien a déclaré que, à son avis, le mouvement Falun Gong n'a rien fait de mal au Canada et qu'il est pacifique. Si ce n'est déjà le cas, nous devrions adopter cette position à la Commission des droits de l'homme ainsi que dans nos pourparlers bilatéraux.
J'ai été amenée à croire que certains de ces pourparlers étaient en cours depuis un certain nombre d'années, mais nous détenons maintenant la preuve incontestable, puisqu'il y a eu des allégations selon lesquelles une délégation consulaire du gouvernement chinois sur notre territoire aurait commis une diffamation à l'égard du Falun Gong. Les tribunaux viennent de juger qu'il y a bien eu diffamation. Nul doute, le gouvernement canadien ne peut fermer les yeux et doit soulever la question auprès des autorités chinoises.
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je peux dire avec une certaine certitude, bien que je n'en aie pas la confirmation, que des discussions se tiendront entre les représentants de l'ambassade de Chine et le ministère des Affaires étrangères, mais je dois m'informer pour savoir ce qui se passe.
L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE
L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE—L'AIDE AU SECTEUR DE L'ÉLEVAGE BOVIN
L'honorable Leonard J. Gustafson: Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur certains problèmes très graves qui sévissent dans le secteur agricole.
Les exploitants de parcs d'engraissement de la Saskatchewan me disent qu'ils perdent environ 350 $ par tête de bétail. L'un de ces parcs compte 25 000 bêtes. Il s'agit donc de pertes importantes.
Le temps joue contre eux. Les agriculteurs doivent faire les semailles dans une soixantaine de jours. Si la frontière avec les États-Unis reste fermée, la situation sera catastrophique dans le secteur de l'élevage bovin. C'est là où on en est. Bon nombre d'agriculteurs ne savent plus quoi faire.
Je sais que certains programmes ont été mis en oeuvre et qu'ils donneront des résultats à long terme. Le gouvernement a-t-il prévu un programme qui pourrait aider à court terme les agriculteurs à faire face à la difficile situation dans laquelle ils se trouvent? Ils auront besoin d'une aide financière à court terme, sans quoi ils ne seront pas en mesure de semer cette année.
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement est en communication constante avec les gouvernements provinciaux afin de tenter de mettre au point de nouveaux programmes qui pourraient alléger les problèmes dont parle le sénateur. Je reconnais que les conséquences sont graves pour le secteur de l'élevage bovin. Ce qu'on craint à l'heure actuelle, c'est que si la frontière américaine n'est pas bientôt réouverte, les dommages seront structuraux et non cycliques.
Après en avoir discuté avec le sénateur Fairbairn, qui est de Lethbridge en Alberta et qui connaît bien la région, je dirais que les torts causés actuellement à l'industrie des parcs d'engraissement de cette province sont substantiels et sont en train de prendre des proportions d'une crise aussi grave que partout ailleurs au pays. La crise ne touche pas uniquement les producteurs, comme le sénateur Gustafson le sait bien. Elle touche aussi les travailleurs de parcs d'engraissement, les camionneurs et les employés d'abattoirs.
Le sénateur Lynch-Staunton: Que ferez-vous pour remédier à la situation?
Le sénateur Austin: L'honorable sénateur Lynch-Staunton veut savoir ce que nous comptons faire. Nous ne pouvons pas rouvrir unilatéralement la frontière. Si c'est ce à quoi le sénateur s'attend, il sera déçu. Nous discutons avec les États-Unis. Tous les décideurs connaissent très bien le dossier. Comme tous mes collègues, y compris le sénateur Gustafson, j'espère de tout cœur que des mesures pourront être prises bientôt.
Le sénateur Lynch-Staunton: Il demande de l'aide.
Le sénateur Gustafson: Comme l'honorable sénateur le sait, les agriculteurs remplissent actuellement des formulaires pour la fin de mars dans le cadre du nouveau programme. On se demande si le programme sera en place avant le temps des semailles, afin qu'ils puissent recevoir de l'aide pour l'année 2003. Ils remplissent également des formulaires pour l'année 2004.
Il me semble que ce programme ne leur apportera probablement rien avant la fin de l'automne. Pourtant, ce secteur d'activité est essentiel au Canada. L'agriculture compte pour 25 p. 100 du produit national brut. Un dollar investi dans le secteur agricole donne des retombées diverses. Comme l'honorable sénateur vient de le mentionner, cette situation touche un grand éventail de personnes — y compris des emplois dans le secteur de la fabrication, pour n'en nommer qu'un exemple. C'est pourquoi cette question est si importante.
Je suis persuadé que cette question a déjà été discutée au sein du Cabinet, mais le ministre envisage-t-il de la soulever à nouveau au Cabinet et de souligner à ses membres l'importance qu'elle représente pour l'ensemble du secteur et le pays en général comme, j'en suis sûr, il le sait?
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, c'est bien ce que j'ai fait, et c'est pourquoi je peux rendre compte du fait que le ministre Speller a déployé des efforts prodigieux pour régler cette question.
Je peux vous dire que le gouvernement fédéral n'est pas le seulen cause pour résoudre ce problème. Cela exige la participationdes provinces et la participation de nombreuses instances au sein du secteur agricole. Cela dépend également du dialogue avec lesÉtats-Unis et les nombreux intervenants qui représentent le secteur agricole, soit les producteurs, les exploitants d'abattoirs et ainsi de suite; enfin, bien sûr, de tous les scientifiques dont les conseils sont essentiels pour résoudre ce problème.
(1410)
Il s'agit d'une question on ne peut plus complexe et difficile. J'ai la conviction que le gouvernement fédéral continuera inlassablement de réclamer une solution équilibrée, qui préserve ce secteur d'activité.
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
LES RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je crains que l'ensemble du problème ne sera pas réglé si nous ne concluons pas un accord avec les États-Unis.
J'ai déjà fait mention de la page de couverture du numéro du 9 février 2004 du magazine Maclean's, intitulé «Les Canadiens à Bush: on espère que tu vas perdre, là», illustrée d'une photo du président des États-Unis, ce qui laisse sous-entendre que les Canadiens espèrent qu'il perdra ses élections. Si les Américains devaient nous faire la même chose, il y aurait des appels au meurtre, car nous aurions le sentiment qu'ils s'ingèrent dans notre processus politique. En outre, nous sommes complètement en émoi à propos de comédiens et de gens du spectacle comme Don Cherry et Conan O'Brien, qui ont tenu certains propos désobligeants et inappropriés.
Honorables sénateurs, le cœur et l'âme de notre secteur agricole se voient compromis; pourtant, je n'entends pas un soupçon de plainte de la part du gouvernement. Je sais que le numéro de Maclean's soulève la question de la liberté de la presse; néanmoins, je crois que nous avons une responsabilité de nous faire entendre, d'envoyer un message aux Américains, à savoir que nous ne donnons pas notre accord à ce genre de choses. Comment pouvons-nous nous attendre à ce que le président George W. Bush coopère avec nous si nous demeurons passifs et acceptons ces propos péjoratifs employés par d'anciens députés et, maintenant, un article défavorable dans un de nos plus grands magazines nationaux? Quelle est la réaction du ministre à cela?
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Ma réaction est que ceux qui n'apprécient pas l'article devraient annuler leur abonnement à Maclean's.
Le sénateur St. Germain: Je l'ai fait. Toutefois, dans l'état actuel des choses, je n'ai même pas besoin de m'abonner pour recevoir ce magazine; ils continuent de nous l'envoyer.
L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE
LE PRIX DU BOEUF À LA CONSOMMATION
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, les agriculteurs sont aux prises avec des difficultés dans leur exploitation agricole. Cependant, une visite dans n'importe quel supermarché du pays révèlera que le prix du boeuf n'a pas baissé de trois sous. Le gouvernement s'est-il demandé pourquoi les consommateurs ne bénéficient pas de prix moins élevés pour le boeuf? Le prix du veau est passé de 1,20 $ à 60 cents la livre. Les prix ont baissé d'exactement 50 p. 100 à l'enchère à laquelle j'assistais la semaine dernière, à Langley.
Le leader du gouvernement peut-il expliquer aux Canadiens pourquoi ils ne bénéficient pas d'une réduction du prix d'une livre de boeuf?
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai moi-même soulevé la question auprès du ministre de l'Agriculture.
Le sénateur Lynch-Staunton: Quel est son nom?
Le sénateur Austin: Le sénateur Lynch-Staunton ignore le nom du ministre de l'Agriculture. Il s'appelle Bob Speller.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'est pas au leader du gouvernement que je m'adressais.
Le sénateur Austin: Je demande pardon au sénateurLynch-Staunton, mais je pouvais l'entendre clairement en face. Je demanderais au sénateur de baisser un peu le ton s'il ne s'adresse pas à moi.
Honorables sénateurs, la première réponse que j'ai reçue, c'est que toute la chaîne d'approvisionnement est touchée par les quantités qui sont acheminées. À mesure que les quantités baissent, le coût à l'unité augmente. J'ignore si cette réponse satisfait le sénateur St. Germain. Elle ne me satisfait pas; je continue de me renseigner.
[Français]
LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL
TRANSGRESSION POSSIBLE DU CODE D'ÉTHIQUE DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, ce matin, sur les ondes de la station radiophonique CKAC, on a rendu publique une nouvelle que je demanderais au ministre de vérifier, car elle pourrait avoir des conséquences sur les enquêtes reliées à l'affaire des commandites.
Un journaliste a dévoilé le texte d'une lettre de la Gendarmerie royale du Canada selon laquelle la société VIA Rail aurait mis gratuitement à la disposition des hauts-officiers de la GRC un train à l'occasion d'une fête qui se déroulait dans la région de Québec. Ce geste aurait été commis à l'encontre de l'article 54 du Code d'éthique de la Gendarmerie royale du Canada, qui interdit aux officiers de la GRC de recevoir quelque cadeau que ce soit.
Par conséquent, je demanderais au ministre de vérifier l'exactitude de ces informations. Si ces informations s'avèrent exactes, compte tenu de l'implication de VIA Rail dans le dossier des commandites, je demanderais au ministre s'il ne serait pas à propos de remettre en question la crédibilité de la GRC à poursuivre la partie de l'enquête concernant VIA Rail.
Le ministre pourrait alors informer son collègue du fait suivant:
[Traduction]
Il y a aussi des irrégularités à l'extérieur du Québec. Cela n'implique pas nécessairement des Québécois.
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, en ce qui concerne la dernière observation du sénateur Rivest, je ne doute aucunement qu'il ait raison. Il y a des irrégularités partout parce qu'il y a des gens qui enfreignent les règles partout.
Pour ce qui est de la question du sénateur, je la soumettrai au président du Conseil du Trésor, afin qu'il fournisse une réponse.
RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE
L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question posée par l'honorable sénateur Beaudoin le 4 février 2004, au sujet de l'examen parlementaire du projet de loi C-36, Loi antiterroriste.
LA JUSTICE
L'ÉTUDE DE LA LOI ANTITERRORISTE
(Réponse à la question posée par l'honorable Gérald-A. Beaudoin le 4 février 2004)
Aux termes du projet de loi C-36, c'est-à-dire la Loi antiterroriste, un comité parlementaire doit entamer un examen global des dispositions de la Loi et de leur application dans les trois ans suivant la sanction royale de la Loi. Celle-ci a été reçue le 18 décembre 2001. L'examen doit donc être entamé au plus tard le 18 décembre 2004. Compte tenu de ces paramètres, c'est au Parlement qu'il revient de décider à quel moment l'examen doit commencer. Le comité doit déposer son rapport dans l'année qui suit la date où l'examen a été entamé, ou dans les délais supplémentaires qui pourront être autorisés par le Parlement. À l'heure actuelle, le ministère de la Justice fait ses préparatifs en vue de l'examen, à venir.
LE SÉNAT
PRÉSENTATION DE LA GREFFIÈRE PRINCIPALE ADJOINTE, CATHERINE PICCININ
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer à l'ordre du jour, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que Mme Catherine Piccinin, greffière principale adjointe des comités, sert pour la première fois en tant que greffière au Bureau. Mme Piccinin, qui a commencé sa carrière au Sénat en 1998, a été nommée greffière principale adjointe en janvier de cette année.
Des voix: Bravo!
VISITEUR DE MARQUE
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de Mélanie Bratkoski, une ancienne page en chef. Comme nous le savons tous, Mélanie est originaire de la Saskatchewan. Bon retour parmi nous.
Des voix: Bravo!
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Herbert O. Sparrow: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader adjoint du gouvernement et porte sur le dépôt d'une réponse à une question. Je lui demande, si cela ne contrevient pas au Règlement, qu'il fasse lecture des réponses données, de sorte qu'elles seront inscrites au hansard. Je demanderais par ailleurs, et cela devra peut-être faire l'objet d'une motion, que toutes les réponses qui ont été reportées soient lues au Sénat, de sorte que tous les sénateurs puissent lire les réponses dans le hansard.
L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois qu'une partie de la réponse est imprimée dans le hansard. Je me ferai un plaisir d'examiner ce qu'on pourrait faire de plus pour nous assurer que la totalité de la réponse figure dans le hansard.
Le sénateur Lynch-Staunton: On les retrouve dans le hansard.
ORDRE DU JOUR
PROJET DE LOI SUR LA BIBLIOTHÈQUE ET LES ARCHIVES DU CANADA
PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur LaPierre, appuyée par l'honorable sénateur Fraser, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-8, Loi constituant Bibliothèque et Archives du Canada, modifiant la Loi sur le droit d'auteur et modifiant certaines lois en conséquence.
L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'ai pris la parole à propos de ce projet de loi à l'occasion de sa deuxième lecture lorsque nous l'avons examiné pendant la dernière session du Parlement, et qu'il portait un numéro différent. Par ailleurs, lundi dernier, j'ai écouté avec intérêt l'allocution du sénateur LaPierre sur le projet de loi C-8.
(1420)
Le gouvernement Martin a remis à l'ordre du jour la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada. Cette mesure va plus loin que le simple regroupement en une seule institution de notre Bibliothèque nationale et des Archives nationales. Elle propose des modifications à la Loi sur le droit d'auteur, modifications qui étendraient la protection du droit d'auteur aux oeuvres non publiées, selon la date du décès de l'auteur, et qui sont souvent associées à Lucy Maud Montgomery, dont la succession s'est débattue pour faire prolonger, avant la fin de l'année dernière, le 31 décembre, la protection de ses journaux personnels non publiés. Les successions d'auteurs décédés avant 1949 bénéficiaient déjà d'une prolongation de cinq ans accordée en 1997 pour leur permettre de trouver des éditeurs, de sorte qu'ils étaient protégés jusqu'au 31 décembre 2003.
À cette date, à cause de la prorogation, le projet de loi C-36 et toutes les autres mesures étaient déjà morts au Feuilleton depuis plus d'un mois. Le 1er janvier, il y a plus d'un mois et demi, ces oeuvres non publiées ont cessé d'être protégées par la loi et sont tombées dans le domaine public. Strictement parlant, historiens, archivistes, chercheurs, bibliothécaires, généalogistes et bien d'autres encore ont maintenant accès à ces oeuvres. Pourtant, la semaine dernière, le gouvernement a décidé de présenter à nouveau ce projet de loi tel qu'il était avant la prorogation du Parlement, comme si le temps s'était arrêté.
Comment se fait-il que le projet de loi a été présenté à nouveau avec les mêmes modifications visant la Loi sur le droit d'auteur? Il semble y avoir une ou deux explications possibles. Soit que le gouvernement a l'intention de donner un effet rétroactif à la protection de ces oeuvres non publiées, ou encore qu'il n'a nullement l'intention de le faire et souhaite que le Sénat supprime ces dispositions lorsqu'il examinera le projet de loi.
La première explication possible soulève des questions importantes sur les pouvoirs que pourrait posséder le gouvernement sur les plans juridique et politique pour lui permettre de prolonger la durée de protection du droit d'auteur une fois que cette protection a cessé d'exister. La deuxième explication possible sous-entend que le gouvernement cherche simplement un moyen d'éviter de recommencer toutes les étapes pour l'adoption de ce projet de loi.
La réalité, c'est que nous ignorons ce que le gouvernement veut faire dans ce dossier, sans doute parce que le gouvernementlui-même ne le sait pas. Chose certaine, le sénateur LaPierre a bien dit que ces dispositions du projet de loi visant le droit d'auteur — l'article 28, si je ne m'abuse — cesseraient d'exister. Elles sont bel et bien là, cependant, et leur élimination aurait sans doute pour résultat de créer un nouveau projet de loi et il faudrait recommencer à la première étape et à la première lecture à la Chambre des communes, parce que le fond du projet de loi serait tellement modifié que l'on ne pourrait permettre que cette mesure puisse continuer son cheminement à partir de l'étape où elle serait normalement rendue.
Aux États-Unis, chaque fois que la compagnie Walt Disney a été menacée de perdre les droits d'auteur sur son célèbre dessin animé, Steamboat Willy, elle fait des pressions, avec succès, sur le Congrès américain pour faire changer les règles régissant le droit d'auteur. Je crains qu'on soit en train de faire la même chose ici avec la succession L.M. Montgomery. Deux fois en l'espace de cinq ans, la succession a entrepris des démarches auprès du ministère du Patrimoine canadien pour proposer des changements à nos lois sur le droit d'auteur, avec succès dans un cas. Et dans le deuxième cas, elle aurait eu le même succès n'eût été de la prorogation.
Le ministère n'a jamais fait état d'aucune autre succession qui aurait demandé des changements semblables. Une prolongation unique a déjà été accordée, qui profitait à la succession de tous les auteurs décédés avant 1949, dont Montgomery. Combien d'autres prolongations uniques cherchera-t-on à obtenir dans l'avenir?
Honorables sénateurs, il est difficile de savoir comment aborder ce projet de loi tant que le gouvernement n'aura pas clarifié ses intentions concernant les dispositions relatives à la Loi sur le droit d'auteur. Le rapport de la vérificatrice générale de la semaine dernière indiquait que la Bibliothèque nationale et les Archives du Canada avaient un urgent besoin d'aide. La fusion de ces deux établissements est un pas dans le sens d'une amélioration de leur fonctionnement; cependant, les modifications touchant le droit d'auteur incluses dans ce projet de loi doivent être clarifiées avant que nous puissions aller de l'avant avec ce qui aurait toujours dû être l'objet principal de ce projet de loi.
J'ai eu des discussions, honorables sénateurs, avec le président du comité et j'ai une assez bonne idée de la façon dont les choses vont se dérouler. Je laisse donc ce projet de loi entre vos mains, étant donné que j'ai essayé d'obtenir des clarifications sur ce qui s'est passé. Lorsque le projet de loi se retrouvera devant le comité, nous allons discuter de ces articles et peut-être allons-nous les supprimer.
Son Honneur la Présidente intérimaire: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
RENVOI AU COMITÉ
Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Rompkey, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)
PROJET DE LOI SUR LA REPRÉSENTATION ÉLECTORALE 2003
DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-5, Loi sur la date de prise d'effet du décret de représentation électorale de 2003.
L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, je me suis déjà prononcé sur ce projet de loi lorsqu'il s'appelait projet de loi C-49 et je vais essayer de ne pas répéter un trop grand nombre des observations que j'avais formulées à ce moment-là. Ma position est bien connue. Plus particulièrement, je ne veux pas discuter de la position prise par le directeur général des élections en ce qui concerne la mise en application précoce du décret de représentation électorale. Il s'agit d'une question qui exige une étude détaillée parce qu'elle remet en question l'impartialité d'un haut fonctionnaire du Parlement.
Je voudrais d'abord parler de la lettre rédigée par le directeur général des élections le 15 juillet de l'année dernière et adressée au député libéral Peter Adams, président du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, avec copies adressées au député libéral Don Boudria, qui était alors ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, au sénateur libéral, George Furey, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles; et finalement, à la députée libérale Paddy Torsney, présidente du Sous-comité de la révision des limites des circonscriptions électorales du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Le directeur général des élections déclare dans cette lettre qu'il a lu «des articles publiés dans les journaux sur la possibilité d'accélérer la mise en place des nouvelles circonscriptions électorales pour que le tout soit en vigueur le 1er avril 2004».
J'ai pensé que mes collègues seraient intéressés à lire ces articles que le directeur général des élections a lus et qui l'ont incité à écrire sa lettre. Voici un éditorial publié le 5 juillet de l'année dernière dans le Vancouver Sun:
Si des élections anticipées sont déclenchées, l'Ouest pourrait être privé des sièges additionnels qui lui reviennent de droit.
Heureusement, M. Martin donne des indices qu'il est sérieux et qu'il entend tenir la promesse qu'il a faite aux gens de l'Ouest.
On dit qu'il s'efforce de trouver une manière d'accélérer le processus du redécoupage électoral, de manière que la Colombie-Britannique et l'Alberta se voient attribuer leurs sièges additionnels si des élections sont déclenchées au printemps.
Dans une dépêche de Nouvelles Télé-Radio datée du même jour, le 5 juillet, le directeur général des élections aurait entendu ceci:
[Français]
Il y aura sept places de plus aux Communes: deux en Colombie-Britannique, deux en Alberta, et trois en Ontario.
Selon une source dans le camp Martin, ce dernier ne tient pas nécessairement à déclencher des élections dès le printemps, mais il veut pouvoir le faire.
[Traduction]
Ensuite, en première page du Globe and Mail du 4 juillet, sous la manchette suivante «Martin tire des plans pour des élections au printemps, il veut accélérer le redécoupage électoral pour donner leur dû aux provinces de l'Ouest», le directeur général des élections aurait lu ceci:
Le favori dans la course à la direction du Parti libéral Paul Martin prévoit ordonner à Élections Canada d'accélérer le redécoupage des circonscriptions à la Chambre des communes pour faciliter la tenue possible d'élections au printemps, ont déclaré hier nos informateurs. M. Martin, dont tout le monde s'attend à ce qu'il soit couronné chef en novembre, envisage de déclencher des élections au printemps 2004, mais il s'expose à un ressac potentiel dans l'Ouest du Canada s'il les déclenche avant que la Colombie-Britannique et l'Alberta n'obtiennent les nouveaux sièges auxquels elles ont droit.
Le redécoupage, tenant compte de l'évolution démographique révélée par le recensement de 2001, est censé entrer en vigueur à la mi-juillet 2004...
Il y a ici une petite erreur; c'est plutôt vers la fin août de cette année —
...mais le gouvernement pourrait forcer Élections Canada à avancer la date en apportant une modification à la loi.
(1430)
Selon une source dans le camp Martin, le candidat est très conscient du problème potentiel dans l'Ouest du Canada s'il déclenchait des élections avant que la Colombie-Britannique et l'Alberta n'obtiennent les deux nouveaux sièges que le redécoupage accordera à chacune de ces deux provinces.
M. Martin s'est engagé à s'attaquer de façon prioritaire à l'aliénation de l'Ouest et à la réforme démocratique, et il serait quasiment impensable, d'après cette même source, de déclencher des élections qui diminueraient le poids relatif de l'Ouest.
Notre informateur a dit que M. Martin ferait pression sur Élections Canada pour que le processus soit accéléré, qu'il «ne ménagerait aucun effort pour s'assurer que l'Ouest ne soit pas privé de la représentation à laquelle il a droit».
Il a insisté sur le fait que M. Martin ne prévoit pas nécessairement déclencher des élections générales anticipées s'il remporte la course à la direction, quoiqu'il veuille posséder la latitude voulue pour le faire, le cas échéant.
Puis, le 10 juillet, le directeur général des élections aurait lu ce qui suit, encore une fois dans le Globe and Mail:
Le ministre de premier plan du gouvernement libéral de la Colombie-Britannique a déclaré que ses collègues du Cabinet doivent s'empresser de mettre en place les nouvelles limites électorales, à temps pour d'éventuelles élections au printemps. Le ministre des Ressources naturelles, Herb Dhaliwal — ministre politique du premier ministre Jean Chrétien pour la Colombie-Britannique —, a déclaré hier qu'Élections Canada devrait accélérer la mise en oeuvre du régime, qui accorde des sièges additionnels à la Colombie-Britannique, à l'Alberta et à l'Ontario.
«Je crois que le gouvernement doit sérieusement envisager d'adopter tout amendement ou mesure législative nécessaire pour s'assurer que les sièges additionnels seront pourvus si des élections sont convoquées au printemps ou avant la date limite fixée pour le nouveau redécoupage,» a-t-il déclaré.
Des stratèges de Paul Martin, le favori dans la course à la direction du Parti libéral, ont précisé qu'ils aimeraient qu'une mesure législative soit déposée cet automne pour obliger Élections Canada à mettre le nouveau système en place d'ici le 1er avril.
L'article paru le 10 juillet poursuit ainsi:
Hier, à Victoria, M. Martin a déclaré que s'il remporte la course à la direction, il aura une «très très forte préférence pour la tenue d'élections après le redécoupage».
Il a déclaré qu'il était «certes possible» d'accélérer le redécoupage.
Le directeur général des élections, Jean-Pierre Kingsley, «a indiqué que c'est possible, et évidemment c'est le genre de chose que l'on doit faire», a déclaré M. Martin à l'issue d'un discours de 15 minutes prononcé devant 500 partisans du Parti libéral.
Cet article n'est paru que cinq jours avant la lettre du directeur général des élections au député fédéral libéral Peter Adams. Bien entendu, il peut s'être aussi agi d'un appel téléphonique en juin de Elly Alboim, un stratège de haut niveau de la campagne à la direction de la machine Martin, qui a concentré son attentionsur une mise en oeuvre précoce. Dans un article paru le 18 juillet dans l'Ottawa Citizen sous le titre «Plan en vue d'accélérer le redécoupage de la carte électorale: le directeur des directions appelé à agir rapidement en raison de rumeurs d'élections anticipées», le directeur général des élections aurait dit:
J'ai effectivement reçu un appel téléphonique à un moment donné de quelqu'un qui travaille pour le camp Martin. Il m'a demandé ce qui était faisable (pour ce qui est d'accélérer le redécoupage électoral). Je lui ai répondu que j'avais l'intention d'en parler au Parlement (en premier).
Dans ce contexte et à la lumière des commentaires formulés par des ministres libéraux, des conseillers libéraux et celui qui est censé pour le moment, de l'avis de presque tous, devenir le prochain premier ministre libéral, peut-on ne pas comprendre le directeur général des élections qui s'est senti obligé d'obtempérer? Cela dit, ma grande inquiétude, comme celle de tout le monde, c'est qu'il semble avoir cédé à la pression politique, quelle qu'en soit l'origine.
Malgré ce battage médiatique, permettez-moi de retourner à sa lettre du 15 juillet pour en analyser certains détails, que mon collègue le sénateur Smith, dans ses commentaires, a fait bien attention de ne pas souligner. Le directeur général des élections a déclaré:
J'ai examiné la faisabilité d'une mise en application hâtive et j'aimerais vous informer que nous pourrions y parvenir d'ici le 1er avril 2004 si toutefois certaines conditions sont remplies.
Je répète: «...pourvu que certaines conditions soient réunies». Quelles étaient ces conditions et celles-ci ont-elles été respectées?
La première condition était que les nouveaux directeurs du scrutin — tous sans exception — soient nommés au plus tard à la mi-septembre 2003 parce que, et encore une fois, je cite la lettre:
Les directeurs du scrutin ont besoin d'une formation poussée pour exécuter leurs tâches durant l'élection tout comme de bien connaître leur circonscription et d'exécuter un certain nombre de tâches préélectorales dans le cadre de la préparation d'une élection.
Cette condition a-t-elle été respectée? Les directeurs du scrutin ont-ils tous été nommés avant la mi-septembre?
En vertu de la loi, le gouvernement est tenu de nommer, par décret, des directeurs du scrutin dans chacune des nouvelles circonscriptions, et de maintenir un effectif complet dans les 301 circonscriptions existantes. On peut supposer que la plupart, sinon la totalité des directeurs du scrutin en place dans ces 301 circonscriptions seront prêts à continuer à remplir ces fonctions si on le leur demande et qu'ils seront probablement, si ce n'est déjà fait, transférés dans le contingent de 308 directeurs du scrutin. Néanmoins, le 15 septembre, à la date limite que s'était imposée le directeur général des élections, seulement neuf directeurs du scrutin sur les 308 avaient été officiellement nommés par décret. Le compte le plus récent des nominations — qui a été fait le 12 février — révèle que seulement 106 des 308 directeurs du scrutin nécessaires avaient été nommés.
Encore une fois, il existe un écart entre mes chiffres et ceux qui ont été fournis par le directeur général des élections. Selon le bureau du directeur général des élections, il reste neuf postes à doter sur les 308, et non pas 202, qui est le chiffre que l'on obtient si l'on se fie aux nominations faites par décret. Il peut fort bien y avoir une raison valable qui explique cet écart. Peut-être que les décrets n'ont pas encore été chargés en ligne ou rendus publics, ce qui ne serait pas inhabituel. Peut-être y a-t-il un nombre suffisant de personnes qui assument ces fonctions pour un autre mandat et qui ont déjà reçu la formation nécessaire. Ce sont là des questions qui, on l'espère, seront soulevées au cours des audiences du comité.
Il n'en demeure pas moins que le délai du 15 septembre n'a pas été respecté et que cinq mois plus tard, tous les directeurs du scrutin n'ont pas été nommés. En termes simples, Élections Canada n'a pas respecté la condition fondamentale que l'organisme lui-même s'était imposée en juillet dernier.
Quoi qu'il en soit, nous constatons que, dans l'intervalle, le directeur général des élections a émis un autre communiqué de presse, cette fois-ci le 12 novembre, dans lequel il garantissait aux Canadiens qu'Élections Canada était prêt, comme toujours, à tenir une élection générale ou un référendum en tout temps. La raison pour laquelle il a pris la peine de nous assurer qu'il était en mesure de bien s'acquitter de son travail m'échappe. Plus exactement, il a ajouté qu'Élections Canada «[...] continue de se préparer pour être en mesure d'ici le 1er avril 2004 de tenir une élection générale sous le scénario de 308 sièges».
Ce que votre serviteur et, je l'espère, d'autres veulent savoir, c'est de quel droit Élections Canada se prépare pour la mise en oeuvre le 1er avril d'une carte électorale comprenant 308 circonscriptions alors que la loi actuelle précise clairement que cette nouvelle carte n'entrera en vigueur que le 25 août. Depuis quand les aspirations du Parti libéral de demeurer au pouvoir ont-elles force de loi?Depuis quand est-il approprié qu'un haut fonctionnaire du Parlement écrive aux députés d'un seul parti — dans ce cas-ci le parti ministériel — qu'il va exaucer tous leurs souhaits? Si je laisse entendre certaines conclusions en fonction de preuves incomplètes, qu'un sénateur dans cette enceinte me contredise immédiatement, car je suis le premier à vouloir que toute suggestion voulant que la loi n'ait peut-être pas été respectée à la lettre soit confirmée de façon convaincante.
Chose certaine, il aurait été préférable qu'Élections Canada vienne devant le Parlement et explique que les progrès technologiques permettent maintenant la mise en oeuvre d'une proclamation en moins d'un an — même six mois, comme l'a recommandé en 1991 la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis. Il ne fait aucun doute que tous les partis auraient pu alors s'entendre après de telles consultations pour rendre permanente une modification appropriée à la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.
Affirmer, cependant, qu'il avait lu un certain nombre d'articles de journaux dans lequel des députés libéraux de premier plan et un futur premier ministre libéral peut-être indiquaient qu'ils voudraient que les nouvelles limites prennent effet le 1er avril plutôt que le 25 août et s'empresser ensuite de proposer cette date même cinq jours seulement après l'appel urgent lancé par M. Martin à Victoria, est loin d'être une recommandation fondée sur des principes et une analyse attentive des considérations opérationnelles et de leurs répercussions sur tous les partis politiques. On recommande d'avancer la date pour que soient accomplies les priorités partisanes d'un seul parti politique dans un cas isolé; cette recommandation est louche.
(1440)
En lisant les débats qui ont eu lieu lorsque la loi prévoyant l'établissement de commissions de délimitation des circonscriptions électorales a été présentée en 1964, j'ai été particulièrement impressionné par les propos du ministre des Transports de l'époque, Jack Pickersgill, parrain du projet de loi et une personne qui n'était pas nécessairement connue pour sa neutralité politique. On peut lire à la page 779 du hansard du 10 mars 1964 ce qu'a dit alors M. Pickersgill:
Je dirai immédiatement que le gouvernement n'a pas l'intention d'essayer d'imposer sa volonté et qu'il ne désire pas le faire: je veux insister sur ce point. Comme je l'ai dit précédemment, nous sommes liés au principe d'une délimitation indépendante et impartiale, qui s'exécutera hors de cette Chambre.
À la page 775, on peut lire qu'il a dit ceci:
Monsieur l'Orateur, on se souviendra aussi que, pendant la dernière session, nous avons eu une discussion exhaustive sinon prolongée, à l'étape du projet de résolution précédant la présentation du bill concernant le commissaire à la représentation et au cours du débat sur la mesure elle-même. Sauf erreur, la Chambre avait alors accordé son appui unanime aux deux principes généraux suivants.
Il a parlé également du processus de consultation qui a eu lieu. En d'autres mots, cette mesure n'a pas été déposée au Parlement et adoptée à toute vitesse en faisant fi des autres points de vue. À la page 739, il poursuit en disant:
Nous étions convenus aussi que le gouvernement n'aurait pas plus d'influence à ce sujet...
— c'est-à-dire la délimitation des circonscriptions électorales —
... que tout autre parti représenté à la Chambre, car la question intéresse l'ensemble du Parlement où nous avons des responsabilités égales et où, je l'espère, nous souhaitons tous que les Canadiens soient justement représentés.
Nous voilà maintenant, presque 40 ans plus tard, obligés de faire affaire avec un gouvernement libéral résolu à modifier la loi pour satisfaire ses propres besoins partisans et à faire fi de ce que pensent tous les autres.
Le sénateur Kinsella: C'est scandaleux.
Le sénateur Lynch-Staunton: Comme l'a fait remarquer le sénateur Smith, pendant la dernière session, d'autres partis dans l'autre endroit étaient favorables à cette mesure, appelée à ce moment-là le projet de loi C-49. Il n'a pas ajouté qu'au cours de la présente session, cette mesure a franchi les étapes à toute vapeur à la Chambre des communes sans que l'on vote sur le fond de celle-ci et même si une motion visant à empêcher le rétablissement du projet de loi C-5 a recueilli l'appui non pas d'un parti mais bien de deux partis.
L'enthousiasme du gouvernement à l'égard de ce projet de loi va sans doute osciller en corrélation directe avec la faveur de l'opinion publique qu'il recueille. Même si le gouvernement décide d'utiliser sa majorité pour faire adopter cette mesure à toute vitesse en dépit des objections fondées qui sont soulevées de ce côté-ci, rien ne peut empêcher que tout cela soit en vain, car c'est toujours au premier ministre de décider du moment de l'élection; et il ne cesse de nous répéter qu'il déclenchera l'élection «lorsqu'il conviendra de le faire».
Si les élections avaient lieu à une date fixe, comme on l'a déjà décrété en Colombie-Britannique, nous n'aurions pas à subir tout ça. Les incertitudes et les contraintes associées au processus actuel disparaîtraient en grande partie et tous ceux qui doivent s'occuper de l'organisation et du déroulement d'une élection s'en réjouiraient énormément.
On pose de plus en plus des questions au sujet d'un système en vertu duquel le premier ministre choisit une date d'élection en fonction des intérêts supérieurs du parti au pouvoir ou déclenche une élection surprise à la suite de ce que l'on appelle un vote de confiance perdu, situation qui a toujours eu une certaine importance jusqu'à ce que M. Chrétien s'en serve constamment comme menace lors d'un vote, quel que soit son objet, pour intimider son caucus.
La grande préoccupation de l'heure est que le premier ministre manipule de façon stratégique la gestion du pays pour parvenir à des fins partisanes, ce qui risquerait de se faire uniquement au détriment à long terme du pays, et contribuerait à répandre une impression déjà trop généralisée concernant l'ensemble des parlementaires.
Des élections à date fixe permettraient aux députés de la Chambre des communes de voter selon les souhaits de leurs électeurs, ou en fonction de ce qu'ils perçoivent comme étant les intérêts supérieurs du pays, plutôt que de respecter la ligne du parti. En soi, le rejet d'un projet de loi ne devrait pas entraîner la chute d'un gouvernement et le déclenchement d'une élection.
Outre les préoccupations en matière de politique, il y a un aspect pratique à des élections à date fixe en ce sens que cela faciliterait grandement l'administration et l'organisation des élections.
Honorables sénateurs, en principe, le projet de loi C-5 devrait être rejeté du revers de la main, non pas parce que le fait de devancer la date de mise en oeuvre est fondamentalement mauvais, mais parce que le fait de permettre au premier ministre et à son gouvernement, pour le moment, de manipuler la loi électorale à des fins personnelles et partisanes ne peut tout simplement pas être toléré dans une démocratie éclairée.
C'est indéfendable de la part du premier ministre, qui promettait encore tout récemment de corriger ce qu'il appelle le «déficit démocratique», de l'élargir, dans les faits, en insistant pour faire adopter cette modification unique à une loi seulement pour permettre la tenue d'une élection à une date qui satisfait ses ambitions dans un délai que n'avaient pas considéré ses auteurs. Tout changement devrait être permanent, et uniquement après une vaste consultation publique, de façon à satisfaire à l'affirmation de M. Pickersgill selon qui, dans le cadre du redécoupage, «le gouvernement ne devrait pas avoir plus de poids que tout autre parti de la Chambre...»
Le Parti libéral a été porté au pouvoir en novembre 2000, soit il y a un peu plus de trois ans. De prétendre que l'arrivée d'un nouveau premier ministre sous-entend qu'un nouveau gouvernement mérite d'être confirmé rapidement par l'électorat est fallacieux, et c'est le moins que l'on puisse dire. Un grand nombre de Canadiens ont insisté dernièrement pour dire que certaines pratiques douteuses, qui ont eu cours à l'époque où le premier ministre était ministre des Finances et vice-président du Conseil du Trésor, et aux premières loges d'une culture de corruption, méritent des explications satisfaisantes, afin qu'on puisse porter un jugement approprié fondé sur des faits, et non pas sur des mea culpa sans intérêt et non convaincants ni sur le port mal à propos du cilice.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-5 a beau être indispensable à la stratégie électorale du gouvernement, il doit tout de même faire l'objet d'une étude attentive en comité. Toute tentative visant à en précipiter l'examen à cette étape ne ferait que confirmer les appréhensions évoquées et bien d'autres encore.
L'honorable David P. Smith: L'honorable sénateur accepte-t-il de répondre à une question?
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.
Le sénateur Smith: Le sénateur Lynch-Staunton a dit que, en principe, il croit que le projet de loi C-5 devrait être carrément rejeté parce qu'il contrevient à certains principes qu'il juge sacro-saints. L'honorable sénateur tire-t-il la même conclusion au sujet du projet de loi du sénateur Kinsella, puisqu'il fait exactement la même chose que le projet de loi actuel, mais 10 semaines plus tard? Rejetterait-il aussi d'emblée ce projet de loi?
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.
Des voix: Oh, oh!
Le sénateur Rompkey: La réponse est succincte.
Le sénateur Smith: Je vous remercie de cette précision.
J'aimerais soulever un autre point auprès de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, que j'ai toujours considéré comme une personne équitable, et je le dis en toute sincérité. Lorsque l'impartialité d'un fonctionnaire, comme le directeur général des élections, M. Kingsley, est mise en cause, il s'agit d'une grave allégation. Indépendamment de la façon dont l'honorable sénateur et les autres sénateurs voteront en fin de compte, l'honorable sénateur ne pense-t-il pas que, par respect pour le directeur général des élections, qui a déclaré sans équivoque que ce n'est pas sous la pression qu'il a fixé cette date butoir du 1er avril et qu'il était au courant du débat, sur lequel il a attiré l'attention du comité, la chose à faire serait de renvoyer l'affaire au comité, afin que M. Kingsley puisse y être convoqué en tant que premier témoin? Je suis certain que les honorables sénateurs accepteraient de permettre à M. Kingsley de comparaître en tant que premier témoin, afin de pouvoir s'expliquer sur la question soulevée par l'honorable sénateur. Lorsqu'un doute plane sur l'intégrité et l'impartialité de quelqu'un, nous devons faire preuve d'équité. M. Kingsley devrait venir s'expliquer devant le comité et le Parlement, dont relève ce projet de loi. Ne serait-ce pas équitable?
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce serait assurément équitable. C'est pourquoi j'ai tenu à dire, en parlant des allégations, qui n'ont d'ailleurs pas encore été infirmées, que M. Kingsley devrait avoir la possibilité de démontrer leur absence de fondement. Je veux qu'on infirme ces allégations. Je souhaite qu'il comparaisse devant le comité, pour me dire que le rôle qu'on lui prête généralement dans cette affaire, ce que je déplore, n'est que pure fiction.
(1450)
Comme je l'ai dit, j'ai été influencé par des comptes rendus présentés dans les médias qui étaient le fruit des désirs des porte-parole d'un seul parti politique. Ce à quoi je me suis objecté, c'est à une modification à une loi qui, dans la mesure du possible, devrait être soustraite à toute influence politique quelle qu'elle soit, proposée pour répondre aux désirs d'un seul parti politique. Je crains que M. Kingsley ait été entraîné dans ce différend, sciemment ou non. Je ne veux aucunement insinuer ici qu'il a mal agi. Je ne fais qu'exposer toutes ces inquiétudes pour qu'elles figurent au compte rendu de manière qu'il puisse en prendre connaissance et qu'il ait le temps de préparer son intervention devant le comité.
Le sénateur Smith: Je remercie l'honorable sénateur. J'espère que nous aurons votre collaboration pour renvoyer ce projet de loi au comité dans les plus brefs délais de manière que nous puissions offrir cette occasion au directeur général des élections.
L'honorable Lowell Murray: Je n'ai pas de question pour le leader de l'opposition. J'ai quelques mots à dire.
Son Honneur le Président: Il y a une question. Sénateur Mercer?
L'honorable Terry M. Mercer: Honorables sénateurs, si le sénateur Lynch-Staunton accepte une autre question, je me demande si l'honorable sénateur est au courant du fait qu'un comité consultatif rencontre régulièrement, sur une base trimestrielle, le directeur général des élections? Ce comité compte des représentants de tous les partis politiques, dont celui de l'honorable sénateur. À la dernière réunion à laquelle j'ai participé, dans mes fonctions antérieures, tous les partis politiques représentés dans ce comité pressaient M. Kingsley d'être prêt pour une élection rapide, d'accélérer le processus de manière que tous les partis politiques puissent avoir tout le matériel et toute l'information nécessaires pour se préparer à une élection. L'honorable sénateur était-il au courant de l'existence de ce mécanisme?
Le sénateur Lynch-Staunton: Je suis au courant de l'existence du comité consultatif. Mais je suis également au courant du fait qu'il n'y a pas eu de consultation publique sur cette question. Il ne suffit pas qu'un petit groupe de personnes arrivent à une entente autour d'une table, malgré tout le respect que j'ai pour elles. Il aurait fallu que cette question soit renvoyée devant un comité parlementaire et discutée de manière approfondie.
Ce ne sont pas uniquement les partis politiques qui ont des sièges à la Chambre des communes qui sont touchés par cette question. Il y a 15 ou 20 partis inscrits à l'heure actuelle et il y a des candidats indépendants et d'autres personnes qui aimeraient prendre part au processus. Cependant, tout cela a été fait apparemment — avec ou sans l'accord du comité consultatif, mais il est certain que cela a été fait — d'une manière qui ne respecte pas l'esprit de la loi.
Une voix: Ni son application.
Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, j'ai quelques petites choses à dire au sujet du projet de loi. Avec l'indulgence de la Chambre, je vais faire quelques observations préliminaires aujourd'hui et terminer mon intervention demain.
Ce qui me pousse à prendre la parole, c'est l'échange que nous venons d'entendre entre le sénateur Smith et le sénateur Lynch-Staunton et entre le sénateur Mercer et le sénateur Lynch-Staunton. Lorsque le sénateur Smith a présenté le projet de loi, vendredi dernier, l'un de ses premiers arguments en faveur du projet de loi, a été de dire que cette mesure a l'appui d'à peu près tous les partis à la Chambre des communes.
Je dois dire que, dans la majeure partie des dossiers, ce genre d'appui à un projet de loi me donnerait à réfléchir. Comme la plupart des sénateurs, je serais vraiment porté à croire qu'un projet de loi qui jouit d'un pareil appui à la Chambre doit avoir beaucoup de bon. Toutefois, le sénateur Smith a ajouté que, après tout, le projet de loi porte sur les élections, que les élections concernent les députés, pas nous, et que, pour cette raison, nous devrions adopter le projet de loi, peut-être même les yeux fermés. Ce n'est pas la première fois que j'entends cet argument au Sénat. D'éminents sénateurs y ont eu recours, mais j'ai toujours eu des réserves à ce sujet, et même des soupçons.
Il me semble qu'un projet de loi qui porte sur les élections et même — peut-être surtout — un projet de loi qui vient des Communes avec un appui quasi total, mérite d'être étudié avec beaucoup d'attention et peut-être avec scepticisme par le Sénat. Le fait est que les intérêts des députés en poste ne sont pas forcément identiques à ceux des autres protagonistes de notre démocratie parlementaire, notamment les électeurs.
L'autre jour, j'ai demandé au sénateur Smith pourquoi, par exemple, si le gouvernement est tellement convaincu que la période doit être ramenée de douze à cinq, six ou sept mois, il n'a pas simplement modifié la loi au lieu de prévoir une exception ponctuelle qui limite cette période à cinq mois. Sa réponse? Nous faisons une modification ponctuelle cette fois, mais nous pourrions, pour la suite, réexaminer la loi.
Depuis nos échanges de vendredi, j'ai fait quelques recherches sur le sujet. J'ai découvert que, comme l'a mentionné précédemment le leader de l'opposition, au début des années 90, la commission Lortie a recommandé un délai de six mois entre la fin du processus de redécoupage de la carte électorale et l'entrée en vigueur des nouvelles limites. J'ai d'ailleurs découvert, en remontant aussi loin en arrière qu'en 1994, que le directeur général des élections avait alors dit au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles que ce délai pourrait être ramené à six mois. Cela nous amène donc à nous poser la question suivante: pourquoi les gouvernements Mulroney, Chrétien et Martin n'ont-il pas donné suite à la recommandation de la commission Lortie ou à la déclaration qu'a faite le directeur général des élections il y a près de 10 ans?
Je crois connaître la réponse à cette question. À mon avis, c'est parce que, même si le directeur général des élections pense pouvoir faire le travail en moins de 12 mois, en général, les députés des différents partis à l'autre endroit ne sont pas aussi certains que cela puisse se faire dans cette période. Il semble que nous nous retrouverons avec une loi qui prévoit un délai de 12 mois, mais que, lorsque le gouvernement — ou tous les députés — jugera opportun du point de vue politique de prolonger ce délai ou de le raccourcir, c'est ce qu'il proposera de faire. Je réponds à mon honorable collègue que ce n'est pas ainsi qu'on gère un système d'élection et de redécoupage électoral impartial. Je vais revenir sur ce point demain.
(Sur la motion du sénateur Murray, le débat est ajourné.)
LE CODE CRIMINEL
PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Wilfred P. Moore propose: Que le projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel (fraude sur les marchés financiers et obtention d'éléments de preuve), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, nous sommes saisis du projet de loi C-13, antérieurement C-46, qui est mort au Feuilleton à la dernière session avant que le Sénat n'ait la possibilité d'en commencer la deuxième lecture. Le projet de loi vient d'être rétabli, sans amendement, par l'autre endroit.
Les mesures prévues dans cette mesure législative visent, d'une part, à renforcer la confiance des investisseurs dans nos marchés financiers et, d'autre part, à clairement faire savoir à ceux qui menacent l'intégrité de nos marchés que leurs activités illégales ne seront pas tolérées. Le projet de loi vise cet objectif en apportant diverses améliorations aux lois criminelles régissant la fraude sur les marchés en capitaux et dans des secteurs connexes.
Nous sommes tous au courant des scandales d'entreprises qui ont ébranlé les marchés aux États-Unis en 2001 et en 2002, et dont l'onde de choc s'est répercutée partout sur la planète. En outre, nous savons pertinemment que la solidité de la confiance des investisseurs est une force de stimulation clé à la base d'une économie prospère. Pour faire avancer cette cause, je suis heureux d'appuyer le projet de loi C-13 aujourd'hui.
Les honorables sénateurs se rappellent peut-être que nos collègues du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce ont récemment examiné la performance et le dynamisme desmarchés financiers du Canada et ont cherché des formules pour soutenir la confiance des investisseurs. En juin 2003, quelques jours à peine après la présentation par le gouvernement de l'ancien projet de loi C-46, devenu maintenant le projet de loi C-13 dont nous sommes saisis, notre comité avait publié son rapport intitulé «Après «la tempête du siècle»: Rétablir la confiance des investisseurs».
(1500)
Ce rapport exhaustif et d'une grande portée a examiné la question de la confiance des investisseurs et une vaste gamme de méthodes pour l'améliorer. Le rapport a reconnu l'importance de renforcer l'application des dispositions pénales en matière de fraude sur les marchés financiers. Le comité a relevé la nécessité de s'assurer que la loi est adéquate et que les ressources affectées à son application le sont également. Le comité a également insisté sur la nécessité de protéger les employés dénonciateurs des sociétés comme autre moyen de rétablir la confiance des investisseurs et l'intégrité du marché.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-13 est fidèle aux recommandations du rapport de notre comité des banques concernant le droit criminel. À titre de précisions, le projet de loi C-13 comprend quatre éléments séparés: deux nouvelles infractions; des mesures renforcées de détermination de la peine; des instruments de collecte d'éléments de preuve améliorés; et une juridiction fédérale concurrente en matière de poursuites pour fraude et infractions liées au marché.
Avant de décrire ces puissants nouveaux instruments, il est essentiel de noter que les modifications législatives prévues dans le projet de loi C-13 s'accompagnent d'une stratégie nationale améliorée d'application de la loi. Dans le cadre de cette grande stratégie, des équipes intégrées d'application de la loi dans les marchés, ou EIALM, seront mises sur pied dans quatre grands marchés financiers au Canada: Toronto, Vancouver, Montréal et Calgary. Des équipes sont déjà en place à Toronto et à Vancouver. Une somme pouvant aller jusqu'à 30 millions de dollars par année, pour les cinq prochaines années, est prévue au budget de 2003-2004 au titre de la création et du maintien de ces équipes. Le gouvernement est sérieux dans sa détermination de s'attaquer au problème de la criminalité dans les marchés financiers.
Ces équipes sont composées d'enquêteurs de la GRC, d'avocats fédéraux, de juricomptables et de professionnels d'autres disciplines qui travaillent à la poursuite d'un objectif commun. Elles ont pour but d'enquêter en cas de graves infractions au Code criminel en matière de fraude sur les marchés financiers impliquant des sociétés cotées en bourse d'envergure nationale, c'est-à-dire les cas où ces activités criminelles représentent une réelle menace pour la confiance des investisseurs et la stabilité économique au Canada.
La stratégie d'application améliorée de la loi du gouvernement est essentielle pour restaurer la confiance des investisseurs et indiquer aux délinquants que leurs jours sont comptés. Le projet de loi C-13 vient compléter cet effort. Permettez-moi d'exposer brièvement les éléments clés de cet important projet de loi.
Le premier élément du projet de loi C-13 comporte deux nouvelles infractions ciblées. Comme peuvent en attester les criminels corporatifs actuellement derrière les barreaux, nous disposons déjà, en vertu du Code criminel, de lois puissantes et efficaces pour contrer la fraude sur les marchés financiers. Le Code criminel sanctionne actuellement les infractions pour fraude, les infractions liées à l'obstruction de la justice, au dépôt d'un faux prospectus, à la falsification de documents de diverses sortes, etc. Cependant, le projet de loi C-13 cherche maintenant à combler deux lacunes qui, de l'avis du gouvernement, existaient dans les lois actuelles.
La première d'entre elles concerne les transactions d'initiés, qui sont inacceptables. Ces transactions frappent au coeur des structures d'un marché financier solide et violent les principes fondamentaux d'équité et de transparence sur lesquels reposent les transactions dans les marchés financiers. La fraude nuit aux Canadiens ordinaires; elle peut causer du tort aux sociétés et elle peut gravement menacer l'intégrité de nos marchés financiers à l'échelle internationale.
Comme les honorables sénateurs le savent sans doute, les délits d'initiés sont actuellement interdits au titre de la législation provinciale sur les valeurs mobilières et dans certains cas au titre de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Cependant, ces dernières années, il est évident que le recours au droit pénal constitue un outil supplémentaire dont on a besoin pour prévenir cette forme de délit de sociétés en raison de la puissante valeur symbolique du droit pénal et de ses sanctions plus sévères. Le message est clair: des activités de ce genre, lorsqu'elles se font à grande échelle, feront l'objet de sanctions sévères si le Sénat juge approprié d'adopter ce projet de loi.
L'autre nouveau délit créé par le projet de loi C-13 est une forme de protection du dénonciateur qui, par dissuasion, protégerait les employés qui signalent une conduite illégale à un organisme d'exécution de la loi. Le délit sera assorti de sanctions contre un employeur qui profère des menaces reliées à l'emploi ou qui prend des mesures de rétorsion à l'endroit des employés qui aident effectivement à faire appliquer la loi. Les employés peuvent jouer un rôle important, et le font souvent, dans la détection des délits de particuliers et de sociétés, et les enquêtes relatives à ces délits et, en bout de ligne, dans la protection de la société dans son ensemble. Ils méritent vraiment d'être protégés par la loi.
Le deuxième élément du projet de loi a trait à des dispositions plus rigoureuses concernant la détermination de la peine. Le projet de loi C-13 propose des sanctions plus sévères applicables à la fraude et à d'autres infractions connexes, ce qui aura une incidence sur les fraudes commises par les employés en général, ainsi que sur les fraudes sur les marchés financiers. Il propose de faire passer de 10 à 14 ans la peine d'emprisonnement maximal pour la principale infraction de fraude visée à l'article 380 du Code criminel, et de cinq à dix ans pour les manipulations frauduleuses d'opérations boursières visées à l'article 382.
Il faut signaler qu'un emprisonnement maximal de 14 ans, qui s'appliquerait aux termes du présent projet de loi à la principale infraction de fraude, l'infraction pour laquelle on porte le plus souvent des accusations dans les affaires de fraudes sur les marchés financiers, est la peine maximale la plus forte prévue au Code criminel, à l'exception de l'emprisonnement à vie. Cette sanction plus lourde pourra également être imposée pour d'autres fraudes graves et on peut s'attendre à ce qu'elle ait un effet d'entraînement sur le châtiment des crimes commis par des employés en général, y compris les crimes contre la personne tels que le télémarketing frauduleux qui cible des groupes vulnérables comme les personnes âgées.
Le projet de loi codifierait également certaines règles applicables aux circonstances aggravantes et atténuantes lors de la détermination de la peine. Ces règles sont une façon pour le Parlement de dire aux tribunaux que certaines circonstances — notamment un grand nombre de victimes, une perte d'une valeur élevée ou l'exploitation de la situation de confiance d'une personne au sein de la collectivité — méritent une sanction plus sévère. Certaines formes de conduite frauduleuse sont plus graves que d'autres, et le châtiment refléterait en conséquence ces circonstances aggravantes.
Honorables sénateurs, je pense que vous conviendrez que ces mesures envoient un message clair et direct: si vous commettez une fraude grave à l'endroit des Canadiens et si vous menacez la sécurité de nos marchés financiers ou si vous faites de nombreuses victimes parmi la population canadienne ou chez des résidants d'autres pays à partir du Canada, vous serez châtié en conséquence.
Le troisième élément du projet de loi C-13 est la création d'outils améliorés pour l'obtention d'éléments de preuve. En réponse aux besoins légitimes des enquêteurs de première ligne, le projet de loi C-13 créera deux types de pouvoirs liés à une «ordonnance de communication» dans le Code criminel. Pour la plupart, ces ordonnances de communication se fondent sur des normes semblables et des mesures de protection tels les mandats de perquisition. Un mandat de perquisition permet à la police de fouiller un certain lieu pour y trouver des éléments de preuve, alors qu'une ordonnance de communication oblige une personne à produire les renseignements pertinents, même s'ils se trouvent à l'extérieur du Canada, à la police dans un délai précis et un lieu précis.
Tout d'abord, l'«ordonnance de communication générale» obligera une personne autre que celle visée par une enquête à produire des documents ou des données si un juge est convaincu qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise, que les documents ou les données fourniront la preuve de la perpétration de l'infraction et que ces documents ou données sont en la possession de la personne en cause ou à sa disposition. Il s'agit de la norme de base concernant les mandats de perquisition.
Deuxièmement, une «ordonnance de communication personnalisée» oblige à communiquer des renseignements à l'égard desquels les attentes en matière de confidentialité sont plus faibles. Ce type d'ordonnance spécialisée sera d'une portée plus restreinte en ce sens qu'elle s'appliquera uniquement aux institutions financières et autres organisations précisées dans la loi. On aurait accès à des renseignements de nature générale relatifs aux comptes en banque, par exemple le nom du détenteur du compte ou le type ou l'état d'un compte, mais pas aux transactions qui ont été faites dans ce compte. Le juge de paix ou le juge devra également être convaincu qu'il y a des motifs raisonnables de soupçonner que les renseignements demandés seront utiles à l'enquête relative à l'infraction. Les renseignements ainsi obtenus aideront les organismes d'application de la loi à décider s'il y a lieu de demander une ordonnance de communication générale ou un mandat de perquisition.
Honorables sénateurs, il est important de signaler que ces nouvelles ordonnances de communication seront disponibles de manière générale dans le cadre des enquêtes portant sur toutes les infractions criminelles. Elles seront particulièrement utiles pour recueillir d'une manière efficace et en temps voulu les renseignements d'ordre financier qui sont essentiels pour faire enquête dans les affaires de fraude sur les marchés financiers et autres crimes commis par des cols blancs. Les organismes d'application de la loi et les procureurs demandent depuis un certain temps ce nouvel outil législatif. Compte tenu de l'informatisation croissante des dossiers, de la prolifération d'Internet et de l'adoption généralisée des nouvelles technologies de communication, le moment est venu de créer ce nouvel outil d'enquête.
(1510)
Ces nouveaux pouvoirs viennent compléter la nouvelle approche renforcée du gouvernement en matière d'enquêtes. Ils seront extrêmement utiles aux enquêteurs des équipes intégrées d'application de la loi dans les marchés, et l'adoption de ces modifications à la loi est fort attendue à la fois par les organismes d'application de la loi et par les intervenants des marchés boursiers.
Honorables sénateurs, le quatrième et dernier élément de ce projet de loi est la proposition visant à donner au gouvernement fédéral le pouvoir concurrent de poursuivre les auteurs présumés de fraudes et d'autres infractions liées aux marchés. L'application des ressources fédérales en matière de poursuites dans ce domaine sera restreinte à une gamme étroite de cas qui menacent l'intérêt national et l'intégrité de nos marchés financiers. Le gouvernement fédéral n'a pas l'intention de remplacer ou de se substituer aux compétences provinciales en matière de poursuites, mais plutôt de les compléter. Pour assurer une bonne coordination, le gouvernement du Canada travaille actuellement avec les provinces pour élaborer des protocoles de poursuite qui reconnaîtront le rôle primordial des provinces dans ce domaine et garantiront une mise en oeuvre coordonnée et efficace des compétences concurrentes. L'objectif ultime est le partenariat, car c'est seulement grâce au partenariat avec nos collègues provinciaux que nous pourrons renforcer la confiance de nos investisseurs et traduire devant la justice ceux qui menacent cette confiance.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je me permets de vous rappeler à l'ordre. Je demanderais à ceux qui ont des conversations d'aller les tenir à l'extérieur de la Chambre. Je vous en serais reconnaissant. J'aimerais entendre le sénateur Moore.
Le sénateur Moore: Honorables sénateurs, en conclusion, les mesures législatives proposées dans le projet de loi C-13, conjuguées à l'engagement ciblé de nouvelles ressources sous la forme des équipes intégrées d'application de la loi dans les marchés, aideront à renforcer la détection, les enquêtes, les poursuites et, en fin de compte, le châtiment des activités frauduleuses qui nuisent à nos marchés financiers et à notre économie.
Cette mesure législative complète envoie le message que les Canadiens veulent nous voir transmettre à tous ceux qui commettent des fraudes sur les marchés financiers, à savoir que tous ceux qui se livrent à de telles activités s'exposent à un risque sensiblement accru d'être décelés, pris, accusés, condamnés et punis. Je demande à tous les honorables sénateurs d'appuyer le projet de loi C-13.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Kelleher, le débat est ajourné.)
PROJET DE LOI MODIFICATIF ET RECTIFICATIF (2003)
DEUXIÈME LECTURE
L'honorable John G. Bryden propose: Que le projet de loi C-17, Loi modifiant certaines lois, soit lu une deuxième fois.
— Honorables sénateurs, comme vous le savez, ce projet de loi est une réimpression du projet de loi C-41, qui a franchi l'étape de la deuxième lecture le 29 octobre 2003. À ce moment-là, le sénateur Lynch-Staunton, le chef de l'opposition, a déclaré que son parti et lui appuyaient essentiellement la teneur du projet de loi. Néanmoins, je pense qu'il convient de rappeler ce que renferme ce projet de loi et je vais le faire le plus rapidement possible.
Le projet de loi apporte des modifications mineures à des lois canadiennes afin qu'elles soient exactes et à jour. C'est la deuxième mesure du genre que le gouvernement a présentée durant la dernière session; c'est la première de la présente session.
L'an dernier, le Parlement a adopté le projet de loi C-43, dont nous avons discuté, qui apportait des rectifications à un éventail de lois. Le projet de loi C-17 vise certes à apporter des rectifications de forme à nos lois, mais il n'est pas conçu pour se substituer au programme de lois correctives. Plusieurs modifications proposées dans le projet de loi C-17 requièrent l'engagement de deniers publics et ne répondent donc pas aux conditions strictes du programme de lois correctives.
Je parlerai brièvement des modifications proposées dans le projet de loi C-17. La première modification concerne les lieutenants-gouverneurs. Je ne pense pas qu'il porte sur les anciens lieutenants-gouverneurs. Nous en avions deux avant, mais nous n'en avons plus qu'un, et l'un des deux est avec nous.
Plusieurs articles du projet de loi mettent à jour les dispositions relatives aux allocations d'invalidité des lieutenants-gouverneurs, conformément aux changements récemment apportés au programme de rémunération parlementaire.
Les sénateurs se souviendront qu'en 2001 les dispositions relatives aux allocations d'invalidité des parlementaires ont été mises à jour. En vertu des modifications de 2001, les parlementaires de 65 ans ou plus avaient droit aux allocations d'invalidité. Avant cela, les parlementaires de plus de 65 ans n'avaient plus droit à ces allocations. Les parlementaires peuvent continuer de cotiser à leur régime de pension pendant qu'ils touchent des allocations d'invalidité. Par exemple, les sénateurs qui deviennent invalides peuvent toucher des allocations d'invalidité jusqu'à l'âge de 75 ans. Cette période est comprise dans les services validables des sénateurs.
Le projet de loi C-17 mettrait à jour les allocations d'invalidité des lieutenants-gouverneurs de façon semblable. Les lieutenants-gouverneurs âgés de 65 ans ou plus pourraient toucher des allocations d'invalidité durant une période maximale de cinq ans. À l'heure actuelle, les prestations d'invalidité ne sont versées qu'à ceux et celles qui ont 65 ans et moins. Les lieutenants-gouverneurs pourraient contribuer à leur fonds de pension tout en touchant des prestations d'invalidité.
Diverses modifications visent les nominations ou, plutôt, le titre des postes comblés par nomination. Plusieurs modifications clarifient les dispositions relatives à certaines nominations. Par exemple, le titre français «commissaire adjoint» de l'Agence des douanes et du revenu du Canada deviendrait «commissaire délégué», terme censé être plus juste. Le «directeur général» de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie serait remplacé par un «président», titre plus moderne. Le projet de loi clarifierait la définition des «administrateurs-dirigeants» dans la Loi sur la gestion des finances publiques.
Le projet de loi C-17 apporte des corrections relativement aux douanes. La Loi sur les douanes serait modifiée de manière à fournir les renvois exacts à l'accord de libre-échange entre le Canada et le Costa Rica dans la version française du texte. La Loi sur l'importation des boissons enivrantes renverrait directement à la liste des dispositions tarifaires de l'annexe du Tarif des douanes, de manière à mieux cadrer avec d'autres dispositions.
Par ailleurs, certaines corrections ont un effet rétroactif. Premièrement, le projet de loi C-17 apporterait une correction administrative de manière à assurer que le prix des services consulaires spécialisés s'appliquent d'avril 1998 à janvier 2003. Cette correction est rendue nécessaire en raison de l'erreur procédurale qui a été faite lors du décret pris en 1998 au sujet de ces prix.
Deuxièmement, le projet de loi prévoit le paiement rétroactif de l'indemnisation accordée aux présidents et aux vice-présidents des comités spéciaux. Plus tôt cette année, l'indemnisation parlementaire a été mise à jour de manière à ce que les présidents et les vice-présidents des comités spéciaux touchent la même indemnisation que les présidents et les vice-présidents des comités permanents. Toutefois, cette modification n'avait pas d'effet rétroactif, si bien que les anciens présidents des comités spéciaux ne sont pas admissibles à une indemnisation additionnelle.
Le projet de loi C-17 redresserait cette situation en donnant à ces paiements un effet rétroactif au 1er janvier 2001, date à laquelle les présidents et les vice-présidents des comités permanents ont commencé à toucher une indemnisation additionnelle. Cette question a suscité davantage d'intérêt dans l'autre endroit, mais une disposition parallèle pour les comités sénatoriaux a été ajoutée de manière à assurer un traitement identique aux deux Chambres.
(1520)
En conclusion, honorables sénateurs, ces amendements sont de nature technique et n'apportent aucune modification importante de politique. J'espère que les honorables sénateurs seront favorables à l'adoption du projet de loi. En particulier, j'espère que nous pourrons bientôt renvoyer ce projet de loi au comité, qui en fera une étude détaillée au nom du Sénat.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)
LE DISCOURS DU TRÔNE
MOTION D'ADOPTION DE L'ADRESSE EN RÉPONSE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Trenholme Counsell, appuyée par l'honorable sénateur Massicotte, tendant à l'adoption d'une adresse à Son Excellence la Gouverneure générale en réponse au discours qu'elle a prononcé à l'ouverture de la troisième session de la trente-septième législature.—(9e jour de reprise du débat)
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, pour commencer, je félicite le sénateur Trenholme Counsell pour son Adresse proposant l'adoption du discours du Trône.
[Français]
L'honorable sénateur Trenholme Counsell fut lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick pendant plus de six ans et membre du Cabinet provincial. Nous sommes privilégiés de pouvoir compter dans nos rangs une personne possédant une expérience aussi précieuse dans la fonction publique.
[Traduction]
De plus, j'aimerais remercier l'honorable sénateur Paul Massicotte pour son tout premier discours très perspicace et pour avoir appuyé la motion d'adoption de l'Adresse en réponse au discours du Trône.
En ma qualité de leader du gouvernement au Sénat, je tiens à transmettre ma reconnaissance aux sénateurs pour leur compréhension, leur soutien et leur dur labeur au nom du Sénat du Canada et au nom du peuple du Canada et des régions que nous représentons. Je veux travailler avec chacun d'entre vous pour susciter un plus grand respect à l'égard du Parlement, pour assurer l'intégrité politique et le bien-être du Canada.
À ma gauche siègent les sénateurs Carstairs, Graham et Fairbairn, qui ont tous agi à titre de leader du gouvernement au Sénat, tout comme l'honorable sénateur Murray, qui siège de l'autre côté. En notre nom à tous, je leur offre notre reconnaissance pour les services extraordinaires qu'ils ont rendus.
De plus, j'aimerais adresser des remerciements aux sénateurs Robichaud et Rompkey pour le leadership dont ils ont fait preuve, du côté du gouvernement, au cours de la dernière session.
Quant à vous, Votre Honneur, je vous offre notre plus haute estime alors que vous continuez de remplir vos importantes fonctions au service de cette Chambre avec la solennité et la courtoisie qui s'imposent.
Le leader de l'opposition au Sénat, l'honorable sénateur John Lynch-Staunton, a mérité le respect de tous dans cette Chambre, tout comme son adjoint, le sénateur Kinsella. Je suis certain de parler au nom de tous mes collègues lorsque je dis que nous sommes impatients d'entreprendre de nombreux débats édifiants avec nos collègues d'en face et que nos actions législatives s'avéreront, avec le temps, à l'avantage du peuple canadien.
Laissez-moi commencer en citant les paroles du premier ministre Paul Martin au moment où il a pris la direction du Parti libéral du Canada il y a quelques mois. Il a dit:
Le monde n'attend pas après nous — il évolue, il se transforme. Alors nous devons être prêts à relever de nouveaux défis avec de nouvelles solutions et de nouvelles idées.
Aux termes de la Constitution du Canada, le Sénat dispose pratiquement des mêmes pouvoirs législatifs que la Chambre des communes. Les exceptions bien connues ont trait à la présentation de projets de loi de finances et le rôle limité qu'il peut jouer dans l'étude des modifications constitutionnelles qui ont reçu l'approbation nécessaire de la Chambre des communes et des assemblées législatives provinciales.
Un des éléments déterminants de la négociation de 1980-1981 pour le rapatriement de la Constitution a été l'incapacité du premier ministre du Canada et des premiers ministres des provinces de s'entendre sur les changements touchant les rôles constitutionnels et législatifs du Sénat. Le peuple canadien n'était pas prêt non plus à appuyer le changement constitutionnel qui a été proposé dans le cadre de l'accord de Charlottetown.
L'autorité du Sénat repose sur l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, maintenant appelé Loi constitutionnelle de 1982. Comme on le sait bien, les négociateurs qui représentaient les colonies canadiennes avaient décidé, lorsqu'ils ont créé une Chambre haute, qu'elle aurait pour rôle de représenter les populations des diverses régions du Canada et de réduire les excès éventuels dans le zèle social et politique qu'un vote populaire de tous les citoyens adultes de sexe masculin pourrait engendrer. Comme le premier ministre sir John A. Macdonald l'avait dit, il s'agissait d'une soucoupe permettant de refroidir les ardeurs de l'opinion déraisonnable.
Cependant, le marché de 1867, qui constitue toujours notre mandat en vertu de la Constitution, a vu ses fondements politiques minés. Les régions ou les provinces ne comptent plus sur le Sénat pour protéger leur pouvoir et elles se représentent elles-mêmes très efficacement. Nos citoyens en général ont adopté les principes de la représentation démocratique et ne considèrent plus qu'un organisme désigné les représente, s'il les a déjà représentés. Quant aux intérêts commerciaux et immobiliers, ils ont trouvé depuis longtemps d'autres meilleurs moyens pour qu'on réponde à leurs préoccupations.
Le Sénat doit donc déterminer si d'autres intérêts de la société canadienne doivent faire entendre leur opinion et leur voix. De toute évidence, bien des collectivités et des groupes constatent, en raison d'un manque de pouvoir politique, de leur taille ou de notre culture politique, que le Sénat leur donne une voix dans le système politique canadien, voix qu'ils n'auraient pas autrement. Qu'on songe aux rôle particulier que les sénateurs jouent dans l'intérêt des enfants, de la santé — y compris de la santé mentale —, des soins palliatifs, de l'alphabétisation, des questions autochtones, de l'octroi de pouvoir aux femmes, du rôle des médias, de la culture et du patrimoine, des langues officielles et le reste.
Il est rare que la Chambre des communes puisse accorder son attention aux préoccupations des collectivités moins visibles, mais actives, particulièrement au cours de périodes très partisanes, comme à l'heure actuelle, à l'approche des élections. Nous le pouvons et nous le faisons, ce qui améliore grandement le bon gouvernement au Canada.
Un autre aspect particulier, c'est que bien des populations et des collectivités du Canada sont trop peu nombreuses ou trop largement dispersées pour avoir une vraie chance de faire élire un député à la Chambre des communes. Cependant, avec les nominations, elles peuvent être représentées au Sénat. Honorables sénateurs, qu'on songe au sénateur Adams, le premier Inuit à être représenté au Parlement, ou au sénateur Chalifoux, la première Métisse, ou au sénateur Poy, la première femme d'origine chinoise, ou à tout sénateur de l'Alberta, si on tient compte de la façon de penser du Parti libéral.
Cela ne fait pas si longtemps que, dans trois provinces, le parti ministériel de M. Trudeau n'a pas réussi à faire élire un député à la Chambre des communes et on a nommé des sénateurs, dont moi-même, au Cabinet pour représenter les intérêts des régions.
Le Sénat ne devrait pas être habituellement un lieu de vie politique axée sur l'affrontement, mais plutôt un lieu de débat et d'analyse réfléchis, de compromis et de persuasion. L'opposition ici n'émane pas seulement de l'autre côté du parquet, mais aussi de la tension essentielle entre les Chambres haute et basse du Parlement.
Même si, à certaines périodes de notre histoire, nous avons résisté farouchement à des projets de loi ministériels, notre rôle normal, comme le veut la convention, consiste à examiner, à conseiller et à infléchir, dans la mesure du possible, jusqu'à ce que le Parlement dans son ensemble soit satisfait du projet de loi qu'il envoie au Gouverneur général.
En général, nous avons gardé nos pouvoirs législatifs en réserve. Nous avons pris en considération le mandat politique que détient la Chambre des communes grâce aux élections. Lorsque nous l'avons conseillée, et qu'elle à résisté, nous avons accepté sa position. Il n'y a que peu d'exceptions, mais elles sont liées à des questions très importantes où, si un projet de loi est adopté, cette mesure n'est pas réversible. Cela a été le cas de l'Accord de libre-échange de 1988, que le Sénat a choisi de ne pas adopter. Le gouvernement Mulroney a alors demandé et remporté un mandat en faveur du libre-échange.
Le Sénat est depuis longtemps la cible de critiques, qui sont, dans une large mesure, mal informées, malheureusement. J'ai entendu des sénateurs eux-mêmes, nouvellement nommés, exprimer surprise, puis admiration lorsqu'ils arrivent et découvrent le travail très précieux accompli par leurs collègues. Je crois que nous nous sentons tous privilégiés d'être ici. Moi-même, je me sens honoré de pouvoir servir dans un poste où tellement d'hommes et de femmes de qualité ont servi avant moi.
Le Sénat d'aujourd'hui, malgré sa réputation dans certains cercles, est un endroit tourné vers l'avenir et disposé à relever de nouveaux défis. Les travaux de nombreux comités du Sénat méritent d'être remarqués, mais tous les sénateurs seront d'accord pour dire que, dans ces seules quelques dernières années, nous avons fait des contributions de première importance aux politiques publiques dans des domaines comme les soins de santé, la sécurité et la défense, ainsi que les politiques concernant les Autochtones. Je crois qu'aujourd'hui, honorables sénateurs, l'institution dont nous faisons partie est confrontée à des questions qui exigent des réponses renouvelées.
Ce matin, j'ai eu l'occasion de lire un discours donné le lundi 16 février, il y a donc deux jours, à un public de Halifax, par notre collègue, le sénateur John Lynch-Staunton. Il a pour titre: «Le Sénat, nommé ou élu? Ce n'est pas si simple.»
(1530)
C'est un discours que tous les sénateurs, comme bien d'autres gens, devraient lire s'ils sont intéressés et préoccupés par les questions relatives à la réforme du Sénat. Les points essentiels s'y retrouvent et sont traités en profondeur. Il est indéniable qu'il y a encore là matière à débats, mais ce discours constitue un bon guide.
Le débat sur le Sénat et la réforme constitutionnelle se poursuivra et sera hors de notre contrôle final. Nous pouvons cependant faire plus pour que le Sénat devienne une institution qui participe davantage à la vie quotidienne des Canadiens. Nous avons parlé d'inclure un plus grand nombre de Canadiens dans nos travaux de formulation des politiques, grâce à une commission sénatoriale de citoyens. Faisons cela. Nous avons déjà parlé d'une présence accrue du Sénat et de ses comités dans les régions du Canada. Faisons-le. Montrons aux Canadiens comment nous pouvons être à leur service.
Après réflexion, la nomination de nombreuses femmes a été l'un des changements les plus importants et les plus profitables pour le Sénat pendant les trente années que j'ai passées ici. Depuis le premier ministre Trudeau et ensuite pendant le mandat du premier ministre Mulroney suivi, en particulier, par celui du premier ministre Chrétien, les femmes ont été nommées en nombre suffisant pour exercer une présence importante et, pourrais-je ajouter, presque majoritaire. Cela n'a eu que des conséquences positives. Le Sénat compte actuellement 35 femmes sur un total de 99 sénateurs. Comme je l'ai dit l'automne dernier dans un article paru dans The Hill Times, le Sénat compte la meilleure représentation de femmes, parmi les assemblées législatives de tous les systèmes démocratiques du monde, à l'exception de la Suède, mais nous attendons avec impatience et en temps et lieu d'autres nominations qui nous rapprocheront de l'objectif visé, dans cette enceinte, à savoir un nombre égal d'hommes et de femmes qui seraient également représentatifs de la mosaïque canadienne.
Sur la scène internationale, le Canada a un rôle important à jouer sur le plan de la diplomatie parlementaire. Les sénateurs sont en bonne position pour faire la promotion des intérêts du Canada à l'étranger. La diplomatie parlementaire s'est développée à une vitesse vertigineuse au cours des dix dernières années et les pays en développement font appel à nous pour les aider à se définir au chapitre de la gouvernance. Comme les sénateurs occupent leurs fonctions pendant plus longtemps, ils sont capables de jouer un rôle efficace en établissant des relations à plus long terme avec des responsables clés de gouvernements, d'assemblées législatives et de localités à l'étranger.
Bien que la plupart des sénateurs se soient impliqués activement dans nos associations parlementaires, je mentionnerai plus spécifiquement quelques-uns de nos collègues. Le sénateur Pierre De Bané s'est rendu à plusieurs reprises au Proche-Orient, à la fois pour le Canada et pour certains Canadiens, où il a tissé des liens cruciaux permettant un dialogue informel, et il est parvenu à obtenir le rapatriement de citoyens canadiens incarcérés à l'étranger. L'ancien sénateur Heath Macquarrie a eu des activités semblables. Le sénateur Jerry Grafstein a joué un rôle précieux dans l'établissement de relations et de discussions avec les États-Unis et il a collaboré récemment au processus démocratique en Géorgie.
Le sénateur St. Germain: Nous avons besoin de plus de personnes comme Jerry Grafstein.
Le sénateur Austin: À d'innombrables reprises, le sénateur Al Graham s'est rendu observer des élections à l'étranger en compagnie de dirigeants comme l'ancien président américain Jimmy Carter. Le sénateur Marcel Prud'homme est l'un des fondateurs du mouvement des associations parlementaires et il a voyagé partout dans le monde. Les honorables sénateurs se souviendront de notre ancienne collègue Lois Wilson et du travail important qu'elle a accompli au Soudan et en Corée du Nord. Madame le sénateur Mobina Jaffer, l'envoyée spéciale du Canada, poursuit maintenant le travail au Soudan. Je tiens également à souligner l'importance du rôle joué par le sénateur Doug Roche dans le cadre du travail des Nations Unies et du processus de paix mondiale.
Permettez-moi maintenant d'aborder la question de la présence du Canada dans la communauté mondiale. En Afghanistan, le Canada s'acquitte actuellement de son plus grand engagement militaire envers un autre pays. Cet investissement dans un pays terriblement déchiré par la guerre fournit une aide réelle aux Afghans, qui ont maintenant adopté une constitution. Nous sommes reconnaissants envers nos militaires canadiens et envers les autres Canadiens, qu'ils travaillent ou non pour le gouvernement, qui s'emploient à pacifier et à développer l'Afghanistan.
Je souligne également que le Canada s'est joint aux autres nations du G7 pour la réduction récente de la dette irakienne et fournira à ce pays, au cours des cinq prochaines années, une aide supplémentaire de 300 millions de dollars à des fins humanitaires et de reconstruction. Au récent Sommet des Amériques, le Canada a joué un rôle de chef de file auprès du groupe des pays des Caraïbes, qui forme la CARICOM, lors des discussions visant à restaurer la démocratie en Haïti.
Les sénateurs s'intéressent activement et concrètement à la promotion de la démocratie parlementaire et ils se sont rendus dans plusieurs de ces pays.
Nous vivons à une époque où des multinationales, qu'il s'agisse de sociétés, d'associations de citoyens ou d'associations formées d'un grand nombre de pays, font l'objet d'une attention sans précédent pour la simple raison qu'elles dictent nos vies comme jamais auparavant. Nous avons été témoins de manifestations contre des compagnies, ainsi que contre des sommets tels ceux de l'APEC et de l'OMC. Le fil conducteur est la crainte de la part de notre population de remettre le contrôle de l'avenir à de grands organismes qu'elle ne peut ni contrôler ni comprendre. Les forces du marché, les changements environnementaux et les exigences financières internationales peuvent tous être regroupés de façon à améliorer notre qualité de vie ou à empirer la condition humaine.
L'avantage pour le Canada dans un tel monde est que, de façon très générale, on nous fait confiance. À une époque où les tribunes multilatérales ne peuvent pas toujours contenir la nature et la rapidité des changements modernes, ou même où les Nations Unies ne peuvent exercer de contrôle sur les conflits, le Canada occupe une place particulière. Notre pays a souvent été l'intermédiaire dans des conflits antérieurs et s'est fait le porte-parole de populations qui n'ont pas eu voix au chapitre sur la scène internationale, et les sénateurs ont fait partie intégrante de cette contribution à la stabilité à l'étranger. J'espère que nous continuerons à favoriser entre nous cet aspect de notre institution, car je suis convaincu que cela en dit long sur les valeurs que les Canadiens et les Canadiennes ont à coeur et sur la responsabilité de tous les sénateurs individuellement.
Les sénateurs occupent également une place particulière dans l'élaboration des politiques pour le pays. Le Sénat a toujours été bien avisé pour cerner les nouveaux enjeux et attirer l'attention sur des questions qui ont eu pour effet de mobiliser la population canadienne et l'ont incitée à exiger un changement de la part de nos gouvernements et de nos institutions. Les sénateurs et les comités du Sénat ont publié de nombreux rapports de cette nature: le rapport de 1971 du sénateur Croll sur la pauvreté au Canada; le rapport de 1984 du sénateur Sparrow sur l'érosion du sol; le rapport du sénateur Davey sur les médias au Canada; la participation importante de ma prédécesseure, madame le sénateur Carstairs, à deux rapports sur les questions relatives à la cessation de la vie humaine; et le comité spécial du sénateur Nolin sur les drogues illicites. Une autre de mes prédécesseures, le sénateur Fairbairn, a travaillé sans relâche à l'amélioration de l'alphabétisation partout au pays et elle poursuit cette oeuvre encore aujourd'hui.
Les projets de loi d'initiative parlementaire émanant du Sénat ont également contribué à la qualité de vie des Canadiens et des Canadiennes. Le dépôt par le sénateur Oliver d'un projet de loi d'initiative parlementaire visant à empêcher la diffusion sur Internet de messages non sollicités a, j'en suis convaincu, l'appui d'un grand nombre de nos concitoyens et concitoyennes. Le projet de loi du sénateur Kenny est un exemple d'un projet de loi devenu loi, mais de nombreux autres projets de loi présentés par divers sénateurs ont incité le gouvernement à agir et à présenter sa propre mesure législative parallèle à la Chambre des communes.
Comme je l'ai dit déjà, le premier rôle d'un sénateur est celui de législateur et ce rôle comporte des responsabilités concomitantes. Les sénateurs savent très bien que, en leur qualité de membres d'une institution parlementaire qui étudie des projets de loi provenant d'une Chambre de représentants élus, ils doivent traiter avec respect les volontés du gouvernement du jour dont la présence se concrétise à l'autre endroit. On reconnaît généralement que, les sénateurs étant nommés et non élus, ils doivent exercer leurs pouvoirs avec circonspection.
J'ai mentionné le discours prononcé par le sénateur Lynch-Staunton à Halifax lundi dernier; or, le sénateur y a fait valoir ce même point.
Néanmoins, les Canadiens veulent être tenus au courant et ils tolèrent un dialogue dynamique entre les deux Chambres lorsqu'ils considèrent que ce dialogue est constructif et instructif.
Le Sénat fait souvent preuve de retenue quant au rejet de projets de loi venant de l'autre endroit. Nous avons tacitement accepté de nous conformer au document Salisbury-Addison issu de Westminster et, conformément à cette convention, de ne pas nous opposer aux mesures proposées par le gouvernement si elles correspondent à une partie fondamentale du mandat confié aux élus. La discussion est centrale à tout débat démocratique et les élections représentent le forum le plus public pour débattre de divers points et établir l'orientation de la politique publique.
Cependant, il nous appartient de modifier les projets de loi lorsqu'ils ne sont pas réalisables ou ne répondent pas aux besoins des entités les plus touchées par les propositions. Nous pouvons proposer, et avons parfois proposé, de meilleurs moyens d'atteindre l'objectif énoncé dans le projet de loi original lorsqu'une entité en particulier est menacée. Même dans ce cas, nous soumettons nos observations à l'approbation de nos collègues de l'autre endroit car nous sommes pleinement conscients de notre situation à titre d'institution qui doit, en bout de ligne, refléter la volonté de la population qui a donné son assentiment pour que le gouvernement remplisse le mandat spécifié.
À mon avis, le Sénat a été bien servi lorsque ses membres ont réussi à maintenir une perspective équilibrée, à mi-chemin entre le regard tourné vers le passé, à la recherche de conseils tirés des pratiques antérieures, et le regard tourné vers l'avenir et les éventuels besoins de cette institution à mesure qu'elle évoluera.
(1540)
Le vicomte Whitelaw, qui assumait les fonctions de lord président du Conseil du Royaume-Uni, à Westminter, a déclaré en 1984:
J'ai appris qu'une certaine souplesse, unie à une certaine compréhension de la convention, avait permis d'obtenir de bons résultats à la Chambre.
Je souscris de tout coeur à ce sentiment; je reviendrai là-dessus lorsque j'aurai l'occasion de parler du projet de loi C-4, portant sur l'éthique.
J'espère que cette approche ouverte pour définir la fonction du Sénat au sein du Parlement aura un effet de rajeunissement permanent sur le Sénat et soutiendra notre rôle en tant qu'institution vouée à la préservation de la démocratie.
Honorables sénateurs, chaque gouvernement joue son rôle selon son optique et en fonction de différentes priorités. Chaque gouvernement définit ses propres objectifs et ses propres méthodes pour atteindre ces objectifs. C'est ce que l'on voit dans le discours du Trône qui a été lu à la Chambre le 2 février 2004. Le gouvernement actuel s'est engagé publiquement à modifier le visage du Parlement et le mode d'interaction des parlementaires avec l'exécutif. Il a pris l'engagement de favoriser la discussion, de tenir compte de tous et de rechercher le consensus lorsqu'il y a lieu de prendre des décisions et, dès la première semaine, il a présenté des lignes directrices en matière de réforme démocratique. Or, une telle réforme démocratique, axée sur le mode d'interaction du gouvernement avec ses députés et ceux de l'opposition à la Chambre des communes, soulève certaines questions pour les membres de notre Chambre.
En effet, les comités à la Chambre des communes auront plus de pouvoir en vertu de ces changements parce qu'un grand nombre de projets de loi seront envoyés à un comité pour examen après la première lecture, au lieu de l'être après la deuxième lecture quand la forme et l'intention du projet de loi sont en grande partie définies. Grâce à cette intervention hâtive de membres de comité, le gouvernement sera en mesure de profiter des idées des députés, tant du gouvernement que de l'opposition, qui connaissent bien les questions abordées dans le projet de loi. Le gouvernement pourra intégrer les amendements qui lui semblent mériter de l'être avant la deuxième lecture, lorsque l'on débattra du projet de loi à la Chambre.
Quelles sont les conséquences de cette nouvelle procédure pour les sénateurs? Que fera le Sénat maintenant que les projets de loi font l'objet d'un examen plus approfondi et d'un plus large consensus des députés élus avant de nous parvenir?
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, le Sénat utilise régulièrement le mécanisme de l'étude préalable pour examiner des projets de loi qui sont inscrits dans le processus législatif à l'autre endroit, mais dont l'étude législative n'est pas encore terminée et qui n'ont pas été renvoyés au Sénat.
Les sénateurs n'ignorent pas que d'autres assemblées législatives bicamérales dans le monde peuvent étudier des projets de loi concurremment. L'étude préalable des projets de loi au Sénat a été inaugurée en 1943 par celui qui était alors leader du gouvernement au Sénat, l'honorable James Horace King. Au début, l'étude préalable était effectuée par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, mais depuis, d'autres comités se sont prévalus de cette procédure.
L'honorable Paul Martin père a défendu la pratique de l'étude préalable quand il était leader du gouvernement. Il a déclaré:
Nous ne nous penchons pas sur le principe du projet de loi en question; nous anticipons sur le projet de loi.
Cette pratique a été utilisée fréquemment par le sénateur Hayden il y a 30 ans et demeure une option pour les sénateurs. L'étude préalable ne limite aucunement l'éventail des choix des sénateurs en matière législative, mais il aide à alléger la charge de travail des sénateurs quand un grand nombre de projets de loi nous sont renvoyés par l'autre endroit dans une brève période.
L'étude préalable présente donc des avantages, mais elle soulève bien sûr certaines préoccupations. Une conséquence de l'intervention anticipée dans le processus législatif est que le Sénat semble moins actif parce que la majorité des débats sur les mesures législatives ont pris fin de manière anticipée, alors que des amendements ont été apportés à la Chambre des communes à la suite de notre étude préalable.
Quand mon prédécesseur, l'honorable Allan J. MacEachen, a exprimé son opinion sur l'étude préalable, il s'est abstenu d'approuver cette procédure, estimant préférable que le Sénat n'étudie pas les projets de loi au préalable, mais plutôt qu'il soit fidèle à sa véritable nature de Chambre de deuxième réflexion et qu'il étudie donc les projets de loi en suivant le processus établi. Cependant, il n'en demeure pas moins que l'étude préalable se révèle parfois un précieux outil législatif.
Comme beaucoup de sénateurs s'en rappelleront, l'option de l'étude préalable a été utilisée récemment durant l'étude d'un projet de loi antiterrorisme qui était devenu prioritaire pour le gouvernement dans la foulée des événements qui se sont produits dans les États-Unis d'Amérique le 11 septembre.
D'autres questions seront soulevées relativement à la mise en oeuvre d'une réforme démocratique idéale. En quoi cela changera-t-il nos relations avec l'autre endroit — c'est-à-dire notre rôle dans l'examen des lois? Pouvons-nous faire à la fois l'étude préalable et l'étude a posteriori du même projet de loi? J'invite respectueusement les honorables sénateurs à réfléchir au cours des prochains mois à ces questions, qui ne constituent pas une liste exhaustive des répercussions de la réforme démocratique.
[Français]
Honorables sénateurs, comme vous le savez, mon homologue à l'autre endroit, l'honorable Jacques Saada, sera responsable de la réforme démocratique. Je m'entretiendrai régulièrement avec lui au sujet des répercussions de la réforme démocratique sur le Sénat.
[Traduction]
Je suis sûr que les sénateurs ont chacun leur opinion sur l'évolution du rôle du législateur et j'ai hâte d'entendre leurs points de vue à ce sujet. J'espère que la question suscitera de vifs débats chez les sénateurs et qu'ils pourront ensemble contribuer à définir leur nouveau rôle.
Honorables sénateurs, le nouveau gouvernement s'est fixé des priorités dans trois domaines d'une grande importance aux yeux des Canadiens. Nous veillerons à solidifier nos assises sociales, à bâtir l'économie du XXIe siècle et à prendre notre place sur la scène mondiale. Ces préoccupations seront au coeur même de notre programme législatif et politique.
Pendant que nous chercherons à atteindre ces objectifs, le travail de notre gouvernement sera évalué en fonction de sa façon de gouverner, au moyen de critères comme la transparence, la responsabilité, l'imputabilité financière et le respect des règles d'éthique.
Quatre nouveaux postes de secrétaire parlementaire ont été créés dans le but d'appuyer le premier ministre dans des secteurs prioritaires. Le secrétaire parlementaire chargé des relations canado-américaines aidera le premier ministre à élaborer une stratégie intégrée et à l'appliquer aux relations que nous entretenons avec les États-Unis et s'emploiera à améliorer la collaboration entre nos gouvernements tout en préservant nos propres valeurs nationales et en respectant les souhaits du peuple canadien.
Le secrétaire parlementaire responsable des villes épaulera le premier ministre dans le but d'améliorer les communications entre les villes canadiennes et le gouvernement fédéral et d'élaborer de meilleures stratégies visant à aider les villes à relever les défis qui les attendent.
Le secrétaire parlementaire responsable des sciences et des petites entreprises collaborera avec le conseiller national en sciences pour déterminer les façons dont les sciences peuvent aider nos petites entreprises à accroître leur productivité et à mieux exploiter l'expertise au plan de la recherche.
Le secrétaire parlementaire chargé des affaires autochtones collaborera avec le Comité des affaires autochtones du Cabinet et avec le Secrétariat des affaires autochtones du Bureau du Conseil privé afin de faire avancer plus rapidement les dossiers autochtones et d'améliorer l'efficacité des politiques gouvernementales touchant les autochtones.
Leurs fonctions ayant été enrichies, tous les secrétaires parlementaires joueront un rôle plus actif dans l'élaboration des politiques relatives à leur portefeuille.
En 1997-1998, le gouvernement libéral est parvenu à équilibrer le budget de la nation et ce fut là «un événement marquant», selon les mots de mon collègue le ministre des Finances. Depuis lors, il y a eu six surplus budgétaires consécutifs. Nous avons réduit la dette nationale de 52 milliards de dollars au cours de ces six années, le résultat net étant qu'aujourd'hui, nous payons trois milliards de dollars de moins en intérêts sur cette dette. Le Canada est passé de l'avant-dernier rang au deuxième rang parmi les pays du G7 dans le classement des pays selon le rapport dette-PIB.
La gestion financière responsable se fait non seulement en maîtrisant l'endettement mais aussi en utilisant nos ressources financières pour bâtir un pays meilleur. Depuis que nous sommes parvenus à équilibrer le budget, nous pouvons plus facilement prendre les décisions qui concernent nos priorités nationales, nous pouvons renforcer plus efficacement nos assises sociales et nous pouvons fixer nos objectifs avec plus de certitude en prenant les mesures nécessaires pour la prochaine génération.
Nous devons en partie notre prospérité économique actuelle à notre nouveau premier ministre, le très honorable Paul Martin. Pendant qu'il a été ministre des Finances, il a présidé à des décisions qui ont mis à l'épreuve le peuple canadien, mais qui se sont avérées salutaires pour le destin de la nation. Ces réalisations auraient été impossibles, bien sûr, sans le soutien inconditionnel de l'ex-premier ministre, le très honorable Jean Chrétien. M. Chrétien a été un remarquable serviteur du peuple du Canada pendant quatre décennies, et tous les Canadiens lui souhaitent une retraite heureuse et épanouissante. N'eût été du très honorable Jean Chrétien et du leadership dont il a fait preuve, et aussi de la compétence et des convictions personnelles du très honorable Paul Martin, je pense que notre pays serait beaucoup moins prospère qu'il ne l'est aujourd'hui.
Nous avons fait des progrès remarquables au cours des dix dernières années, mais il y a encore, bien sûr, beaucoup de défis. L'année dernière, l'économie du Canada a été mise à rude épreuve: épidémie de pneumonie atypique à Toronto, panne générale d'électricité en Ontario, ouragan dans la région atlantique du Canada, maladie de la vache folle dans l'ouest du Canada et terribles feux de forêt dans ma province natale de Colombie-Britannique. Depuis ces événements, les pouvoirs publics aux différents échelons ne conduisent plus de la même façon leurs relations les uns avec les autres.
Comme les honorables sénateurs le savent, le premier ministre a tenu dernièrement une assemblée des premiers ministres du pays, la première d'une série de telles réunions faisant partie d'un processus qui, selon sa description, consiste à «bâtir un partenariat renouvelé et productif». Cette redéfinition des rôles fédéraux, provinciaux et territoriaux aura à long terme un impact sur les Canadiens au fur et à mesure qu'ils auront une meilleure idée de la façon dont ils veulent que se déroule le dialogue entre premiers ministres, maires, fonctionnaires et parlementaires, y compris les sénateurs.
(1550)
Ces désastres ont fait sentir leurs effets non seulement sur notre économie, mais également sur les Canadiens. Le gouvernement est extrêmement conscient du fardeau que ces événements ont imposé aux Canadiens et sait à quel point leur bien-être général et leur quotidien en ont été affectés. Je crois également que les Canadiens peuvent comprendre que l'embarras causé par ces événements aurait pu être pire si ce pays était encore aux prises avec un déficit de 40 milliards de dollars.
L'économie n'a crû que de la moitié de ce qui était prévu pour 2003 en raison de ces événements, mais la croissance de l'emploi est forte, les exportations sont en hausse, les dépenses des entreprises et des consommateurs augmentent et les taux d'intérêt demeurent bas. Le dernier budget fédéral était basé sur des prévisions économiques de 3,5 p. 100 de croissance. Des prévisionnistes du secteur privé prédisent maintenant que la croissance du Canada atteindra probablement les 3 p. 100 cette année. C'est un écart non négligeable par rapport à la performance éventuelle du Canada. Ce différentiel aura un impact sur notre situation budgétaire tant que l'économie ne le comblera pas.
À l'heure actuelle, il y a 2,3 milliards de dollars dans ce qui était une réserve pour éventualités de trois milliards de dollars. L'actuel gouvernement prend des mesures immédiates pour réévaluer sa position financière et pour respecter les priorités établies, y compris examiner à la loupe les dépenses et imposer un gel sur les nouvelles dépenses en capital et sur la taille de la fonction publique. Nous cherchons des façons de continuer à payer la dette pour ramener notre rapport dette-PIB à 25 p. 100 et demeurer ainsi crédibles sur les marchés internationaux.
La mise sur pied d'un comité d'examen des dépenses est essentielle pour réaliser nos objectifs financiers. Ce comité examinera toutes les dépenses pour s'assurer que les dollars des contribuables sont dépensés avec parcimonie et prudence, et que chaque dépense est nécessaire. Je peux comprendre que ces plans économiques enjoignant à une prudence financière laissent sceptiques certains détracteurs. Notre budget tourne autour de 180 milliards de dollars. Cependant, toute erreur d'appréciation de nos recettes, de seulement 2 p. 100, par exemple, pourrait représenter 3,5 milliards de dollars pour notre budget. Il faut toujours être attentifs à notre situation financière, malgré d'apparentes perspectives économiques prometteuses et durables.
Ces mesures ont été prises pour établir la balance des comptes et s'assurer que le montant supplémentaire de deux milliards de dollars qui a été promis aux provinces et aux territoires pour la santé sera disponible. La santé est un secteur tout à fait prioritaire pour les Canadiens. Le premier ministre s'est engagé à faire en sorte que les Canadiens, quels que soient leur revenu et leur lieu de résidence, aient accès à des soins de qualité et en temps opportun, conformément aux principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé. Les soins de santé constituent une question nationale qui a une dimension internationale et c'est pourquoi nous allons créer l'Agence de la santé publique du Canada. Cette nouvelle agence va collaborer avec ses homologues du monde entier et fera en sorte que nos experts au pays puissent faire face aux urgences en matière de santé.
Les Canadiens ont toujours ressenti l'obligation morale d'aider les moins fortunés qu'eux et notre ancien premier ministre a fait beaucoup dans ce domaine. En reconnaissance de ses efforts, nous allons déposer la loi de l'engagement de Jean Chrétien envers l'Afrique, qui vise à fournir à bas prix des médicaments contre le VIH/sida aux pays d'Afrique, afin que ceux-ci puissent lutter plus efficacement contre une menace contemporaine grave à leur santé publique.
Nous établissons des priorités gouvernementales, mais nous voulons aussi que les Canadiens nous fassent part de leurs priorités. À cette fin, le ministre des Finances, l'honorable Ralph Goodale, est en train de tenir des consultations prébudgétaires pour 2004. Un bon nombre de dossiers sont prioritaires aux yeux des Canadiens: la santé, l'éducation, les besoins d'une population vieillissante, la création d'une économie innovatrice et bien d'autres enjeux. L'importance de ces questions va nécessiter un engagement permanent envers les Canadiens de toutes les régions du pays.
L'éducation est une priorité pour les Canadiens et nous allons mettre en place un nouveau programme de subvention pour l'épargne-études au niveau postsecondaire. Nous allons restructurer le programme de prêts étudiants et de bourses afin d'aider les étudiants à mieux supporter leur endettement et d'aider les étudiants à faible revenu par l'entremise d'une bourse pour la première année de cours.
Une autre priorité recensée par le gouvernement est la situation des villes de notre pays, qui nécessitera une plus grande attention de notre part, étant donné que les budgets et les infrastructures de ces villes doivent répondre à de nouveaux besoins. Dans le discours du Trône, le gouvernement s'est engagé à instituer une nouvelle politique en vertu de laquelle nos villes n'auront plus à payer la TPS. Cette mesure se traduira pour les villes par une remise de sept milliards de dollars sur une période de dix ans. Nous allons continuer à travailler avec les municipalités afin de s'assurer qu'elles sont en mesure de fournir de meilleurs logements, services de transport et routes, de façon à améliorer la qualité de vie de leurs résidants.
J'aimerais citer le premier ministre relativement à l'un de nos engagements les plus importants. Il a dit:
Le discours du Trône définit un programme ambitieux en ce qui concerne l'eau, l'air et le changement climatique. Il confirme une fois de plus notre intention de relever le défi de Kyoto, et accorde aux technologies environnementales une place importante dans nos programmes social et économique. Nous devons faire montre d'ambition si nous voulons laisser aux générations futures une planète en meilleur état.
L'initiative visant à assainir les étangs bitumineux illustre clairement l'importance que le gouvernement accorde à la protection de l'environnement et des milieux urbains dans lesquels la plupart d'entre nous vivent. Comme la majorité des Canadiens habitent dans les centres urbains, nos villes sont importantes aux yeux des Canadiens; or, ils s'identifient aussi largement à leur province de résidence.
Je suis fier de parler de ma province, de son dynamisme, de sa beauté et de sa diversité. Entrée dans la Confédération en 1871, la Colombie-Britannique est l'une des plus belles régions du pays. Les Britanno-Colombiens de toutes les régions du globe ont réussi à en faire l'une des collectivités les plus accueillantes que l'on puisse trouver. Nous avons hérité de vastes forêts dont le développement a fait naître une industrie qui existe encore aujourd'hui. Nos mines ont contribué à bâtir des collectivités comme celles de Kimberley et de Trail, et l'industrie de la pêche, des collectivités telles que Prince Rupert et Campbell River. Aujourd'hui nos universités favorisent l'éclosion de nouvelles technologies et d'emplois à valeur ajoutée.
La semaine dernière, le service de recherche du magazine The Economist publiait les résultats de son sondage de 2003 sur des villes de partout dans le monde. Vancouver, ma ville, s'est classée au premier rang des meilleures villes au monde où vivre. Elle partage ce titre avec les villes de Melbourne, en Australie, et de Vienne, en Autriche. Montréal s'est classée au 6e rang, Toronto au 13e, et Calgary au 16e — des rangs tous très enviables. Parmi les facteurs dont on a tenu compte, on retrouve la beauté des paysages, l'environnement, les transports, les services de santé, la sécurité personnelle et les activités culturelles.
Si nous nous réjouissons que l'on reconnaisse ces points positifs pour le Canada et les villes canadiennes, nous savons très bien qu'il existe des problèmes importants sur les plans de l'infrastructure, de la protection contre le crime, des soins de santé, de l'éducation et des services sociaux offerts aux plus vulnérables de nos concitoyens, pour ne mentionner que ceux-là. Une reconnaissance de la part du magazine The Economist devrait être considérée comme une motivation de plus à nous pencher sur les problèmes les plus graves au pays, dans le but de faire du Canada une société encore plus juste.
Comme le souligne le discours du Trône, le Canada et la Colombie-Britannique ont obtenu que les Jeux olympiques d'hiver de 2010 se tiennent à Vancouver et à Whistler. C'est à la fois un défi qui nous obligera à respecter des normes très élevées et une occasion qui nous permettra de faire connaître le Canada et la Colombie-Britannique à l'échelle internationale.
Ma province a toujours d'importants défis à relever. Comme les sénateurs le savent probablement, la Colombie-Britannique est passée au cours des dernières années de province contributrice à province récipiendaire de paiements de péréquation. Les habitants de la Colombie-Britannique ont eu du mal à s'ajuster. Dans le discours du Trône qui a été prononcé à l'assemblée législative de la Colombie-Britannique plus tôt cette semaine, et dans le budget qui y a été déposé cette semaine également, le gouvernement provincial s'est engagé à équilibrer ses dépenses et ses revenus au cours de l'exercice 2004-2005. Le gouvernement du Canada s'est également engagé à assurer la stabilité et la croissance de la Colombie-Britannique et il a annoncé récemment le versement de sommes d'argent à cet effet. Le gouvernement fédéral a tenu d'intenses discussions sur la question des pêches sur la côte ouest et il a intenté des poursuites judiciaires pour aider à résoudre le conflit du bois d'oeuvre.
Bon nombre d'emplois seront créés par suite des efforts déployés par le gouvernement fédéral pour assurer la tenue des Jeux olympiques d'hiver de 2010 à Vancouver. De plus, Vancouver agrandit actuellement son centre des congrès et des travaux de construction ont été entrepris dans la région en vue de la mise sur pied d'un réseau de transport en commun des plus perfectionnés, le Richmond-Airport-Vancouver Rapid Transit Line. Le gouvernement a engagé des sommes importantes pour ces trois projets.
Un des projets intéressants et prometteurs actuellement en cours est l'aménagement du port d'escale pour les navires de croisière à Campbell River. Des fonds sont versés à la bande indienne de Campbell River et à ses partenaires à cette fin. Le projet créera environ 150 emplois et engendrera des recettes annuelles de 8,5 millions de dollars. C'est un projet important, malgré l'existence d'autres ports d'escale pour les navires de croisière dans la province, parce qu'il permettra d'offrir aux touristes des excursions culturelles et des excursions de plein air qui ne sont pas accessibles dans les grands ports urbains de Vancouver et de Victoria.
Les sénateurs ne savent peut-être pas que le gouvernement fédéral envisage maintenant d'établir un centre national de lutte contre les maladies. Le Canada a été victime du SRAS même si, heureusement, personne n'est décédé de cette maladie en Colombie-Britannique. Récemment, l'apparition de la grippe aviaire en Asie a été une source de préoccupation.
Le seul centre de lutte contre les maladies au Canada est situé à Vancouver et existe depuis 1996. Il a fait un travail superbe sur le SRAS et a été le premier à en identifier la structure génomique.
(1600)
L'établissement d'un tel centre national a été recommandé par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie dans son rapport de novembre 2003. Je suis déterminé à travailler en faveur de l'établissement de ce centre à Vancouver, compte tenu de l'équipe existante et de son expertise.
Notre gouvernement continuera de faire des questions autochtones une priorité et verra à ce qu'on mette davantage l'accent sur les initiatives fédérales dans ce domaine. L'avenir des Canadiens autochtones dépend des efforts que nous déployons aujourd'hui. Comme beaucoup d'entre vous le savent, la population de jeunes Autochtones connaît une croissance rapide. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas profiter des possibilités que cette nouvelle population aura à nous offrir. Il y a bien des exemples de réussite dans les collectivités autochtones qui s'attaquent elles-mêmes aux problèmes sociaux et économiques. Si ces expériences sont diffusées partout dans le pays, nous serons en mesure d'améliorer grandement l'avenir de nos enfants autochtones.
Comme les honorables sénateurs le savent, il y a un nouveau Comité du Cabinet chargé des affaires autochtones qui est présidé par le premier ministre. De plus, un nouveau Secrétariat des affaires autochtones a été créé au sein du Bureau du Conseil privé. Tout cela montre l'importance des affaires autochtones pour notre premier ministre et pour mes autres collègues du Cabinet, alors que nous nous penchons sur les façons d'améliorer le sort des collectivités autochtones de tout le pays et les perspectives d'avenir des entreprises autochtones.
Comme les honorables sénateurs le savent, j'ai toujours eu un intérêt spécial pour les affaires autochtones et je suis très privilégié d'avoir été le parrain du projet de loi C-9, Loi sur l'Accord définitif nisga'a, il y a cinq ans, ici au Sénat. Le gouvernement fédéral participe déjà activement à des pourparlers avec d'autres Premières nations pour établir des accords d'autonomie gouvernementale. Nous allons sans aucun doute être saisis, dans un avenir rapproché, de mesures législatives touchant les Autochtones et les Premières nations du Canada. J'espère que les sénateurs continueront de contribuer au débat sur cette question, car ces contributions se sont révélées très utiles aux gouvernements du passé pour guider ces principes.
Je suis persuadé, d'après mon expérience avec les Nisga'as, que le gouvernement du Canada, nos Premières nations et la société autochtone réussiront à l'avenir à créer de meilleures collectivités dans lesquelles les intéressés pourront vivre, ainsi qu'à améliorer les communications entre toutes les parties. Le gouvernement fédéral entend rejoindre nos Premières nations et nos Autochtones, ainsi qu'établir de nouveaux liens afin que leurs enfants soient en mesure de faire davantage partie du tissu social de notre pays.
En tant que ministre représentant la Colombie-Britannique, je compte plus particulièrement améliorer encore davantage les liens que nous avons avec l'Ouest et avec ma province, en particulier. Je voudrais souligner une observation faite par le premier ministre à l'occasion d'une assemblée publique en mai dernier à Vancouver — un commentaire qu'il a répété il y a deux semaines à Ottawa — sur l'importance des provinces de l'Ouest pour notre pays.
En réponse à une question sur ce sujet, le premier ministre Martin a répondu:
Lorsque je ne serai plus premier ministre, lorsque mon mandat aura expiré, si l'aliénation de l'Ouest est encore ce qu'elle est maintenant, je considérerai alors que je n'ai pas réussi en tant que premier ministre. Voilà l'importance que j'accorde à cette question.
Je crois que les parlementaires qui représentent les Canadiens habitant les provinces de l'Ouest — qu'ils siègent sur les banquettes ministérielles ou celles de l'opposition — seront encouragés, tout comme moi, par le fait que le premier ministre fait grand cas des voix qui représentent l'ouest du pays.
Lorsque nous élargissons notre perception de l'identité canadienne au-delà de l'ouest du pays, nous pouvons voir que le Canada occupe une place stratégique dans le monde puisqu'on retrouve au Sud, les États-Unis, la plus grande puissance du monde et au nord, la Russie, le pays ayant la plus grande superficie et d'énormes réserves de ressources non exploitées, qui a également le potentiel de devenir une grande économie émergente; plus au sud se trouve le Mexique, un pays très peuplé avec lequel nous avons signé un accord de libre-échange. Le Canada croit qu'il y a des avantages immenses à retirer de la libéralisation des échanges commerciaux, et nous avons signé des accords semblables avec le Chili et le Costa Rica. Nous sommes également engagés dans des discussions exploratoires avec cinq pays d'Amérique du Sud.
Le Canada est un membre important de l'Organisation des États américains, la plus ancienne organisation régionale au monde. Récemment, le Canada a présidé avec succès le Sommet des Amériques, pendant trois ans. Le premier ministre a récemment participé au Sommet spécial des Amériques, qui se tenait à Monterrey, au Mexique, où il a eu l'occasion de discuter de sujets importants pour le Canada avec les dirigeants d'autres pays de l'hémisphère occidental.
À l'est, le Canada entend conserver ses liens traditionnels importants avec l'Europe, d'où sont venus ceux qui ont fondé ce nouveau pays qu'était le Canada. Cette région du monde occupe une place importante dans notre histoire. Quoi qu'il en soit, j'ai trop de respect pour les innombrables liens qui nous unissent à ce continent pour pouvoir lui rendre justice maintenant.
De l'autre côté du Pacifique se trouvent les pays de la région d'Asie-Pacifique. Le Canada, à ce moment-ci de son histoire, est très bien placé pour servir de porte d'entrée aux pays d'Asie-Pacifique en Amérique du Nord. Depuis un certain temps déjà, les pays d'Asie connaissent la plus forte croissance économique au monde. Conscient de la chose, le gouvernement entend faciliter les ouvertures et miser sur ce que nous avons réalisé dans le passé. Les entreprises doivent toutefois tirer profit des débouchés qui leur sont offerts par ces économies florissantes dans le contexte historique actuel.
Dans la région d'Asie-Pacifique, le Japon fait figure de pays à part entière en raison de la grande puissance qu'il exerce sur la scène internationale. Ce pays possède d'énormes réserves de devises, une capacité technologique qui surpasse les nôtres, et il a établi des réseaux commerciaux plus étendus que ceux que nous avons créés.
Le premier ministre a mentionné, parmi d'autres pays, la Chine, dont nous devrons faire un partenaire si nous voulons nous assurer une place dans l'avenir. Il y a deux ans, la Chine a été accueillie au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Bien que de nombreuses grandes entreprises canadiennes, mais aussi de plus modestes, font aujourd'hui des affaires avec la Chine, le Canada ne tire pas encore suffisamment profit des partenariats qu'il a créés avec ce pays.
En outre, le Canada a l'avantage d'avoir accès à des réserves intarissables de capital moral, dans la population chinoise, en raison des liens de longue date qui unissent le Canada et la Chine, et qui résultent notamment des échanges de blé, de la célèbre oeuvre humanitaire du Dr Bethune, et de nombreux échanges politiques. Le très honorable Pierre Elliott Trudeau avait établi des relations avec la Chine, et le dernier premier ministre, le très honorable Jean Chrétien, s'est rendu en Chine à six reprises et a accueilli cinq fois des délégations chinoises au Canada.
L'honorable Lloyd Axworthy, ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement du premier ministre Chrétien, écrit ce qui suit dans l'ouvrage qu'il a récemment publié:
Le premier ministre a accordé un intérêt particulier à l'établissement de liens de qualité avec le régime chinois, parce qu'il considérait que la Chine offrait d'énormes possibilités pour faire avancer nos intérêts commerciaux... Cela a effectivement... fourni un modèle de politique d'engagement au chapitre des droits de la personne qui s'est appliqué à de nombreux pays, dont Cuba et l'Indonésie.
Le premier ministre Wen Jiabao, lors d'une récente visite au Canada, a livré un message spécial au très honorable Jean Chrétien, le dernier jour où celui-ci occupait le poste de premier ministre. C'était un message calligraphié par le premier ministre Jiabao, qui disait que «L'amitié entre le Canada et la Chine sera éternelle».
Les entreprises canadiennes doivent être attentives pour percevoir ce genre d'ouverture. Elles doivent également se concentrer davantage sur les occasions d'affaires en Extrême-Orient, particulièrement en Chine, parce que c'est un pays qui a grandement besoin de notre aide et de notre expertise. L'an dernier, les importations de la Chine vers le Canada se sont chiffrées à 16 milliards de dollars alors que nos exportations vers la Chine ne représentaient que 3,6 milliards de dollars. Cet écart constitue une véritable occasion d'affaires pour les Canadiens. Pourtant, le Canada n'a pas relevé le défi de la concurrence en maintenant la croissance dans les investissements et les exportations vers la Chine.
La Chine est un pays où l'énergie est rare. En outre, elle a besoin non seulement de nos ressources mais aussi de notre industrie de la pâte à papier et de la fabrication de machines, de notre expertise scientifique, de notre population instruite et de notre compétence à fournir des moyens à d'autres nations en matière d'éducation de la population. Au fil des ans, le Canada a accueilli des dizaines de milliers d'étudiants de la Chine, ce qui prouve que les Chinois tiennent nos institutions d'enseignement en haute estime. Si le Canada peut saisir les occasions qui s'offrent à lui en Chine, les Chinois et les Canadiens en tireront avantage. À l'instar des gouvernements antérieurs, le présent gouvernement continuera de favoriser le maintien de bonnes relations avec la Chine, et il a hâte de voir encore davantage de croissance en matière d'échanges sociaux et économiques.
Le Canada doit également collaborer plus étroitement avec les pays membres de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est et avec l'Inde. Comme ces pays ont une population de plus d'un demi milliard de personnes, en excluant l'Inde et la Chine, nous ne pouvons nous permettre de ne pas tenir compte de l'importance d'une région émergente si considérable. Le forum de l'ANASE + 3 — qui comprend entre autres la Chine, le Japon et la Corée — est une association encore plus essentielle pour la prospérité future de notre économie.
Lors d'une réunion de 1997 à Kuala Lumpur, les pays membres de l'ANASE ont défini les objectifs de leur propre région, des objectifs qui correspondent aux ambitions de notre pays.
Nulle part la diversification est-elle plus importante que dans ma province, la Colombie-Britannique, mais toutes les régions du Canada ont tiré parti et continueront de tirer parti des relations commerciales avec ces grands pays. Cette année, nous célébrons le 75e anniversaire de nos relations diplomatiques avec le Japon. Il est au deuxième rang de nos partenaires commerciaux, et ce pays est en train de réévaluer son approche de la politique commerciale.
(1610)
La Chine est notre troisième partenaire commercial et plus de 400 entreprises canadiennes ont une présence permanente dans ce pays. Ces facteurs sont de bon augure pour le Canada, à un moment où la Chine et toute la région est en train de s'affirmer rapidement comme une puissance économique capable de concurrencer les autres économies plus traditionnelles de la planète.
Je vais conclure, au grand désarroi de mes collègues.
Des voix: Encore.
Le sénateur Austin: Très bien. C'est d'accord.
Le Canada est un pays qui a de la chance...
Le sénateur St. Germain: Relisez-le.
Le sénateur Austin: Notre économie nous permet de participer à certaines des réunions qui ont le plus d'influence dans le monde. Nous faisons partie du G7, du G8, du G20, de l'Organisation mondiale du commerce, du Fonds monétaire international et, depuis huit ans, le secrétaire général de l'Organisation de coopération et de développement économiques est le Canadien Donald Johnston.
[Français]
Les citoyens de notre pays occupent aussi une position enviable sur le plan géopolitique. Nous ne cherchons pas la controverse sur le plan politique, mais bâtissons plutôt des partenariats avec d'autres nations.
[Traduction]
Nous croyons en la diplomatie discrète, et nous avons atteint nombre d'objectifs humanitaires là où le recours à d'autres moyens aurait exacerbé les tensions. Néanmoins, nous n'avons pas négligé nos obligations quand nos alliés ou les valeurs que nous défendons ont été menacés. Nous avons combattu avec distinction dans les guerres mondiales et, aujourd'hui, nous avons des troupes dans le monde qui maintiennent la paix et défendent des gouvernements démocratiques à l'état naissant.
Le Canada a toujours été un ferme partisan du multilatéralisme et de la formation d'alliances pour promouvoir ses valeurs dans le monde. Nous avons édifié une société multiculturelle, grâce à laquelle nous profitons de liens avec de nombreux autres pays, et nous sommes un peuple tolérant qui soutient et défend les droits de tous ses habitants.
Le rôle important que nous avons joué dans le passé sur la scène mondiale nous est utile au moment où nous examinons le rôle que nous pouvons jouer dans l'avenir. Étant donné que nous sommes un pays d'immigrants, nous pouvons compter sur une multitude de ressources. Nous pouvons nous servir du multiculturalisme pour tisser de nouveaux liens avec d'autres pays, pour rétablir de vieux liens et pour accéder à de nouvelles possibilités jusque-là insoupçonnées. Nous devons demeurer ouverts et lutter contre les politiques d'isolationnisme et d'insularité partout où nous en sommes témoins, surtout au Canada.
Le Sénat doit jouer un rôle pour faire progresser tous ces intérêts, honorables sénateurs, car ce sont les intérêts des Canadiens.
L'honorable Gerry St. Germain: Le sénateur voudrait-il répondre à une question?
Le sénateur Austin: J'en serais ravi.
Le sénateur St. Germain: Le sénateur a mentionné que le sénateur Chalifoux était le premier sénateur métis à être nommé au Sénat.
Une voix: De sexe féminin.
Le sénateur St. Germain: Le leader du gouvernement a dit «sénateur», sauf erreur; je ne crois pas qu'il a dit «de sexe féminin». Je souligne que le premier ministre Brian Mulroney a nommé le premier sénateur métis au Sénat, soit moi-même, et ensuite, le premier lieutenant-gouverneur métis du Manitoba. Cela devrait être signalé.
Le sénateur n'a pas parlé dans son discours de l'exploitation des ressources hauturières en Colombie-Britannique, ce qui est très important. Un rapport rédigé par trois éminents professeurs traite de la possibilité d'exploiter les ressources hauturières en toute sécurité. Nous aurions tort, puisque notre province n'est pas nantie en ce moment, de ne pas examiner cette question. Je me demande si elle a été laissée de côté intentionnellement.
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de me corriger. Je suis ravi qu'il soit le premier Métis à siéger à la Chambre; je vais corriger le hansard pour y inscrire «de sexe féminin» et, avec votre permission, ajouter également votre nom comme premier sénateur métis.
Le sénateur Kinsella: Le premier de sexe masculin.
Le sénateur Austin: Pour ce qui est du récent rapport de la société royale, je veux l'y laisser afin de permettre à l'honorable sénateur de m'interroger plus avant à la période des questions. Le moment présent n'est pas propice aux questions élaborées. Je sais qu'il va y revenir.
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que j'ai entendu le leader du gouvernement attirer notre attention sur l'usage de l'étude préalable. Je me demande, compte tenu du travail déjà accompli par la Chambre pour des projet de loi sur la dénonciation et compte tenu de l'intérêt que semble manifester l'actuel président du Conseil du Trésor à protéger les fonctionnaires dénonciateurs, si le ministre pourrait nous expliquer ce mécanisme. Si le gouvernement présentait immédiatement un projet de loi sur la dénonciation, vu notre expérience, ce serait une excellente chose, puisque tout le monde souhaite en finir avec cette question. Nous avons besoin d'un tel projet de loi. Nous pourrions effectuer une étude préalable d'un projet de loi en cette matière, de sorte que celui-ci puisse entrer en vigueur dans un délai de trois semaines.
Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, cette suggestion me plaît; je vais en débattre avec mes collègues. Je serai alors en mesure d'y répondre de façon plus précise. J'espère que l'honorable sénateur encouragera ses collègues à se montrer favorables à la mise en œuvre de cette suggestion.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)
LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES
PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gauthier, appuyée par l'honorable sénateur Gill, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l'anglais).—(L'honorable sénateur Stratton).
L'honorable Maria Chaput: Honorables sénateurs, j'appuie les propos de l'honorable sénateur Gauthier et de l'honorable sénateur Poulin sur le projet de loi S-4, qui vise à préciser la portée de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles de façon à pouvoir le faire respecter.
[Français]
Il s'agit du troisième projet de loi que le sénateur Gauthier présente au Sénat à ce sujet au cours des trois dernières sessions parlementaires.
Mon intervention sera très brève et portera sur l'extrême importance d'adopter une loi qui précise le caractère impératif de l'engagement énoncé à la partie VII de la loi.
Les gestionnaires de la fonction publique, en général, comprennent mal les articles 41 et 42 de la Loi sur les langues officielles. Nombre d'entre eux n'y lisent que des exigences minimes relatives à la prestation de services dans les deux langues officielles. Ils considèrent généralement que la promotion de cette dualité linguistique relève principalement du ministère du Patrimoine canadien, et pas de leur domaine. Le projet de loi S-4 précise non seulement le caractère, mais aussi les obligations des institutions fédérales pour la mise en œuvre de cet engagement.
La faiblesse du gouvernement fédéral n'est peut-être pas dans sa volonté, mais dans l'application de celle-ci, qui nécessite la reconnaissance des obligations de ses ministères et des pratiques obligatoires à suivre dans l'application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
L'appareil fédéral, comme vous le savez, est parfois lent, parce qu'il ne comprend pas ce que les Canadiens et les Canadiennes attendent de lui. C'est la raison pour laquelle les communautés de langues officielles en situation minoritaire demandent depuis longtemps que le gouvernement agisse, que son engagement soit ferme et qu'il favorise leur développement.
C'est le message que je voulais transmettre aujourd'hui et qui vient appuyer le projet de loi de l'honorable sénateur Gauthier.
(1620)
[Traduction]
J'ai la certitude que le Sénat respectera le mandat que lui confère la Constitution afin de protéger, de défendre et de promouvoir, de façon opportune, les droits de toutes les minorités et afin de représenter les régions.
(Sur la motion du sénateur Chaput, au nom du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)
PROJET DE LOI ANTI-POURRIEL
DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Oliver, appuyée par l'honorable sénateur Gustafson, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-2, Loi visant à empêcher la diffusion sur l'Internet de messages non sollicités.—(L'honorable sénateur Rompkey, C.P.).
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je prends la parole inopinément pour parler du projet de loi S-2, qui est proposé par l'honorable sénateur Oliver. J'appuie ce projet de loi qui vise à trouver un moyen d'interdire ce qu'on appelle communément les pourriels. Ces derniers non seulement sont une nuisance parmi les courriels que les gens reçoivent à leur bureau ou directement, pendant qu'ils naviguent sur Internet, souvent à des fins généalogiques, mais ils nuisent aussi à la recherche internationale et dérangent considérablement les gens qui, en cette ère d'interconnexion, travaillent à la maison.
La nature de l'emploi au Canada est actuellement en évolution. La plupart des gens travaillent pour de petites et moyennes entreprises, et une part de plus en plus grande de ces employés travaillent, grâce à Internet, au moins une partie du temps à partir de leur domicile. Grâce à Internet, les parents ont la capacité de travailler et de gagner un revenu à partir de leur domicile tout en s'occupant de leurs enfants, ce qui est un avantage énorme, mais la croissance exponentielle des pourriels mine cette capacité. Cela nuit au travail qui se fait non seulement à partir de la maison, mais aussi dans des bureaux, et pas seulement dans des entreprises, mais également ici, sur la Colline.
Je crois comprendre que le personnel des députés doit supprimer des milliers de pourriels chaque semaine. À l'heure actuelle, le Sénat lui-même est aux prises avec ce problème. C'est d'ailleurs pourquoi je soulève la question aujourd'hui. À 16 heures aujourd'hui, mon bureau avait reçu plus de 450 pourriels, envoyés sous trois ou quatre titres différents, mais renfermant tous le même contenu. Grâce à l'intervention du service de gestion de l'information du Sénat, qui se penche sur le problème, la pluie de messages a ralenti. Nos informaticiens tentent de bloquer l'arrivée des messages. À ma connaissance, la Chambre des communes n'est pas touchée.
Le problème des pourriels s'aggrave de jour en jour. Voilà pourquoi j'appuie fortement le projet de loi du sénateur Oliver.
(Sur la motion du sénateur Poulin, le débat est ajourné.)
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, si Son Honneur le demandait, il constaterait qu'il y a consentement du Sénat pour que tous les points à l'ordre du jour qui n'ont pas été abordés soient reportés à la séance de demain sans perdre leur place respective au Feuilleton.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous avez entendu l'intervention du sénateur Rompkey. Y a-t-il consentement pour que tous les points à l'ordre du jour qui n'ont pas été abordés soient reportés à la prochaine séance sans perdre leur place respective au Feuilleton?
Des voix: D'accord.
(Le Sénat s'ajourne au jeudi 19 février 2004, à 13 h 30.)