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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 37e Législature,
Volume 141, Numéro 29

Le jeudi 1er avril 2004
L'honorable Dan Hays, Président


 

LE SÉNAT

Le jeudi 1er avril 2004

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

HOMMAGES

L'HONORABLE DOUGLAS ROCHE, O.C.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 22(10) du Règlement, le sénateur Austin, leader du gouvernement au Sénat, m'a demandé de prévoir du temps dans le cadre des déclarations de sénateurs pour rendre hommage à l'honorable Douglas Roche, qui quittera le Sénat le 14 juin 2004.

Ainsi, nous passons aux hommages1 au sénateur Roche.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, ce serait vraiment mal approprié de qualifier de carrière le travail du sénateur Roche au cours de ces nombreuses décennies. La seule façon de bien décrire ce travail est de parler de vocation. En tant que journaliste, enseignant, politicien et diplomate, le sénateur Roche n'a jamais cessé son travail constructif pour mettre un terme aux impulsions destructives de l'humanité et il a lancé le message que seul un monde pacifique peut garantir l'avenir des générations futures et leur qualité de vie.

Même si le sénateur Roche a entrepris sa carrière politique en 1972, en tant que député progressiste-conservateur, il est passé ensuite à une politique d'un ordre plus élevé lorsqu'il est devenu ambassadeur du Canada au désarmement aux Nations Unies et a servi à titre de président du Comité du désarmement des Nations Unies durant son mandat là-bas. Lorsqu'il a été nommé sénateur, le 17 septembre 1998, par le très honorable Jean Chrétien, le sénateur Roche a manifestement refusé certains sages conseils, qui lui ont été prodigués, j'en suis persuadé, et il a préféré siéger en tant qu'indépendant, car il voulait ainsi pouvoir défendre librement ses valeurs et ses croyances sans être lié à un parti, ce qui était une raison tout à fait valable.

Le sénateur Roche a travaillé toute sa vie à faire en sorte que les Canadiens et les gens du monde entier aient un avenir. Il est l'auteur de 16 livres et il en a dédié deux à ses petits-enfants, Nicholas et Isabelle. Dans son livre le plus récent, The Human Right To Peace, le sénateur Roche dit:

L'objectif immédiat pour chaque génération est de veiller à ce qu'il y ait une autre génération qui la suive. Les progrès de la civilisation jusqu'à maintenant nous disent que l'humanité n'est pas destinée à disparaître; en fait, la nouvelle communauté humaine interreliée donne la force de continuer à établir la culture de la paix.

Parmi les nombreux prix et les nombreuses récompenses qu'il a reçus en reconnaissance de son travail en matière de développement, de désarmement nucléaire et de lutte contre la pauvreté mondiale, il a été nommé Officier de l'Ordre du Canada et Sa Sainteté le pape Jean-Paul II l'a fait chevalier commandeur de l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand.

Nous disons souvent des meilleurs politiciens qu'ils comprennent les valeurs constructives de la société et qu'ils ont également la capacité de communiquer avec les citoyens et de les toucher droit au coeur. Le sénateur Roche possède certainement ces qualités et il est un homme que nous respectons profondément pour ce qu'il est et pour ses convictions.

(1340)

Le sénateur Roche croit dans le potentiel de l'être humain et cette foi s'avère une véritable source d'inspiration pour ceux d'entre nous qui le regardons défendre nos intérêts. Par surcroît, il croit dans la bonté de la création et dans la beauté du monde et il estime qu'il vaut la peine de le protéger.

Nous avons tous une dette de gratitude envers le sénateur Douglas Roche et je suis persuadé qu'il estime qu'elle sera remboursée, si collectivement nous réussissons à bâtir une culture de paix pour les générations à venir.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, si nous avions siégé au Sénat de l'ancienne Rome, nous y aurions sans doute entendu les mots dicamus bona verba qui signifient «tenons des propos de bon augure». Aujourd'hui, en rendant hommage au sénateur Douglas Roche, je tiens à utiliser ces mêmes paroles pour décrire son travail au moment où il s'apprête à quitter le Sénat du Canada.

Le sénateur Roche a fait bénéficier notre institution de son expérience de parlementaire puisqu'il avait déjà été élu député fédéral à quatre reprises. Ses contributions aux questions intérieures et internationales ont été nombreuses, particulièrement dans le domaine du désarmement. Les Canadiens ont applaudi le choix qu'a fait l'ancien premier ministre Mulroney, en 1984, lorsqu'il a nommé le sénateur Roche ambassadeur du Canada au désarmement.

Depuis sa nomination au Sénat, en 1998, à titre de représentant de l'Alberta, le sénateur Roche a participé de façon tangible et assidue aux travaux de notre institution. Il a mis son expérience d'enseignant, d'écrivain, de parlementaire et de diplomate à la disposition du Sénat et des comités sénatoriaux. Encore récemment, son étude et ses recommandations sur le projet de loi C-6 sur la procréation assistée se sont révélées d'une extrême importance. Je me souviens qu'il a dit que l'idée d'adopter ce projet de loi l'inquiétait, mais que l'idée de ne pas l'adopter l'inquiétait encore davantage.

Les honorables sénateurs ne pourront plus bénéficier de ses sages conseils à cause de la disposition discriminatoire contenue dans la loi actuelle, imposant une limite d'âge pour siéger au Sénat. Toutefois, la bonne nouvelle pour tant de personnes qui vivent dans la région des contreforts des Rocheuses, c'est que, compte tenu de l'appel qui a été interjeté en vertu de la Charte et des dispositions d'exemption, nous espérons que le sénateur Roche reviendra siéger dans cette enceinte à titre de sénateur élu.

Peu importe ce que réserve l'avenir, je m'attends à continuer d'entendre parler de ses réalisations au cours de mes lectures hebdomadaires du Register.

En terminant, j'invite mon ami à continuer d'être un catalyseur d'énergie, de dévotion et de réforme pour la justice et l'égalité, à entretenir la flamme de la bonne volonté et de la vision d'une communauté planétaire où le développement et la justice peuvent cohabiter et où les vastes ressources de la terre servent à améliorer le sort des êtres humains.

Comme l'a dit lady Jackson, Barbara Ward:

Si vous avez l'impression qu'il s'agit d'une vision utopique, la foi chrétienne, il faut le préciser, est visionnaire; elle ose prier pour que le «règne arrive»; elle ose rêver du jour où Il dira: «Voici, je fais toutes choses nouvelles.»

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, je suis extrêmement heureuse de prendre la parole pour rendre hommage à l'honorable sénateur Douglas Roche. Je connais le sénateur Roche de réputation: comme député à l'autre endroit, comme fondateur du Western Catholic Reporter et, par-dessus tout, comme partisan acharné des Nations Unies et, plus particulièrement, du désarmement.

À l'arrivée de l'honorable sénateur, je lui ai demandé ainsi qu'à l'ex-sénateur Lois Wilson s'ils voulaient me rencontrer pour que je leur explique le Règlement, la procédure et les us et coutumes du Sénat, ce que les sénateurs libéraux appellent affectueusement «l'école du Sénat». Ils ont accepté et nous avons passé plusieurs heures ensemble. Tous les deux étaient avides d'apprendre toutes les règles et, plus particulièrement, comment ils pourraient en tirer avantage. Ce ne fut donc une surprise pour personne de voir le sénateur Roche, quelques jours plus tard, présenter un avis d'interpellation sur la question du désarmement.

Ce fut toutefois le sérieux avec lequel le sénateur Roche participa à l'étude spéciale du Comité des affaires sociales, qui avait abouti à la publication du rapport intitulé «Des soins de fin de vie de qualité: Chaque Canadien et Canadienne y a droit», qui a créé un lien durable entre nous. À l'époque, le Règlement du Sénat ne lui permettait pas de siéger en tant que membre du comité, mais cela ne l'a pas empêché de participer activement aux travaux du comité. Il assista à chaque séance. Sa connaissance subtile et sa compréhension des soins à dispenser à une personne en fin de vie et des répercussions de cette situation sur la famille nous furent d'une aide inappréciable.

Le sénateur Roche est un homme de principes. Il comprend l'importance du compromis, mais n'y sacrifie jamais le principe. Il a tout mon respect et mon admiration. Son départ sera une grande perte pour cette assemblée.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je me souviens de la satisfaction et de l'enthousiasme des organisateurs progressistes-conservateurs, en 1972, lorsqu'ils annoncèrent qu'ils avaient réussi à persuader Doug Roche de renoncer à une carrière influente et non partisane en tant que journaliste et auteur respecté, afin de représenter notre ancien parti, sous la direction de Robert Stanfield, comme candidat aux élections générales qui avaient lieu cette année-là. Cette satisfaction n'a d'égal que le regret que j'éprouve aujourd'hui à voir le sénateur Roche quitter cette assemblée.

Joe Clark a nommé Doug Roche porte-parole de l'opposition en matière d'affaires étrangères, Brian Mulroney l'a nommé ambassadeur du Canada pour le désarmement, et Jean Chrétien l'a nommé au Sénat. Si ces trois chefs l'ont nommé à ces fonctions, ce n'est pas parce qu'ils partageaient tous ses principes ou ses opinions, mais parce qu'ils croyaient qu'il était important que tous ses principes, ses opinions et sa voix soient compris et pris en compte dans la formulation de la politique nationale.

Cette politique — la sécurité mondiale par le désarmement et le développement international — était pour beaucoup d'entre nous une chose difficile à accepter sans réserve pendant la guerre froide. Elle n'est guère plus facile à accepter dans le contexte instable actuel, même si nous reconnaissons que la vision qu'a le sénateur de l'avenir du monde correspond à ce que nous souhaitons pour nous-mêmes et pour l'humanité. Quiconque défend les principes de Doug Roche et prône ses politiques a une rude besogne à accomplir.

Ce n'est pas qu'il ait jamais manqué de possibilités de s'exprimer. De fait, il n'a jamais eu besoin de la tribune que lui offre le Sénat, et on se demande d'ailleurs ce qu'il éprouve au moment de quitter l'arène parlementaire. Comment mesure-t-il le progrès accompli vers la réalisation de l'idéal lointain auquel il a voué son existence — en centimètres, ou devrais-je dire en «pouces» puisqu'il était membre d'un caucus qui s'est opposé si férocement au système métrique?

Pour les milliers de personnes ici et ailleurs, qui sont aussi déterminées que lui à se battre contre vents et marées en faveur d'une solution de rechange à la confrontation et aux conflits et d'un monde meilleur, Doug Roche est un chef de file vénéré et une source d'inspiration. Si j'ai choisi de parler de chef de file vénéré et de source d'inspiration, c'est parce qu'un homme imbu d'une consciencieuse théologie comme lui s'opposerait à être qualifié d'icône.

L'histoire montrera qu'il a fait preuve de rigueur, d'adresse, de ténacité et de courage pour faire progresser sa cause. Intransigeant quand il s'agissait d'une question de principe, il était toujours respectueux des autres et de leurs principes, même ceux auxquels il était farouchement opposé.

Au début de la séance, lorsque le Président du Sénat prie pour que nous servions la cause de la paix et de la justice dans notre propre pays et partout dans le monde, il nous est permis de croire que Doug Roche a été envoyé ici pour nous aider à accomplir cette tâche, et nous espérons que d'autres la défendront avec autant de ferveur que lui.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer: Honorables sénateurs, je suis heureuse et honorée de prendre la parole pour rendre hommage à notre collègue, le sénateur Roche. À titre d'enseignant, de diplomate, et de parlementaire, il est un modèle à suivre pour nous tous qui travaillons en faveur de la paix et de la sécurité.

Il a occupé de nombreuses fonctions, non seulement au Parlement à titre de député et de sénateur, mais également comme ambassadeur canadien pour les questions de désarmement, président de la Commission du désarmement des Nations Unies, puis conseiller en matière de désarmement auprès de la délégation du Saint-Siège à l'Assemblée générale des Nations Unies. Il a également assumé la présidence de l'Association canadienne des Nations Unies. Pourtant, malgré tout le travail qu'il a fait, il a trouvé le temps de rédiger 16 ouvrages sur le désarmement nucléaire, la paix et la sécurité dans le monde.

(1350)

Personnellement, je peux vous dire que le sénateur Roche a été une véritable inspiration pour moi et que son appui a été précieux et fort apprécié à l'époque où je travaillais sur la résolution 1325 des Nations Unies au sein du Comité canadien sur les femmes, la paix et la sécurité.

Je connaissais déjà le sénateur Roche avant d'être nommée au Sénat, car nous avons tous deux travaillé avec les pères Oblats. Le sénateur Roche, le père Laplante et moi avons travaillé en collaboration et nous tenons à rappeler aujourd'hui à tous les collègues quelle était sa prière favorite, celle sur laquelle il a toujours aligné sa vie, la prière du prophète Micah qui énonce les trois conditions essentielles de la justice sociale: Dieu vous demande d'agir avec justice, d'aimer sincèrement et de marcher humblement à ses côtés.

Le sénateur Roche respecte ces préceptes dans sa vie quotidienne. Il a été notre conscience et ses sages conseils nous manqueront cruellement.

L'honorable Yves Morin: Honorables sénateurs, c'est un plaisir et un privilège d'intervenir aujourd'hui pour rendre hommage à mon ami, Douglas Roche. Je dirais bien le «sénateur Roche», mais je risquerais alors d'oublier tous ses autres titres, soit ancien ambassadeur du Canada pour le désarmement, Officier de l'Ordre du Canada, ancien président de l'Association canadienne pour les Nations Unies, auteur de 16 ouvrages et professeur invité à l'université de l'Alberta. Je pourrais continuer, mais je perdrais la voix avant d'avoir énuméré toutes ses réalisations.

Le fil conducteur de ses nombreuses entreprises, y compris ses années de présence au Sénat, est un sens profond et tenace de l'engagement et du service à rendre à la population. Peu importe le sujet, développement social et économique équitable, désarmement nucléaire et même réforme du Sénat, le sénateur Roche a toujours été réfléchi, sincère et préoccupé par le bien-être de tous les citoyens du Canada et du monde.

J'ai toujours apprécié au plus haut point les occasions qui m'ont été données, au fil des années, de discuter de diverses questions avec le sénateur Roche et j'ai toujours pensé que ses opinions suscitaient la réflexion et qu'elles étaient un véritable catalyseur nous incitant à analyser les sujets dans différentes perspectives.

Je lui offre mes meilleurs voeux à l'occasion de sa retraite et j'espère que je pourrai avoir d'autres occasions de discuter de ces questions avec lui. Il nous manquera beaucoup.

Merci, Doug.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, malheureusement, les 15 minutes consacrées aux hommages sont maintenant écoulées. Je voudrais informer le sénateur Roche que j'ai encore sur ma liste les sénateurs Hubley, Banks, Prud'homme, Tkachuk, LaPierre et Fairbairn, et certains d'entre eux pourraient avoir la parole durant la période consacrée aux déclarations de sénateurs. Cependant, j'ai le devoir de lui demander maintenant de répondre.

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, il y a 20 ans, avant de quitter la Chambre des communes, j'ai prononcé ce que j'ai appelé alors mon dernier discours au Parlement. Cette fois-ci, je suis vraiment sérieux.

J'ai grandi dans la Côte de sable, à Ottawa, à quelques pâtés de maisons seulement du Parlement, dans les années 1930 et 1940. Je n'avais jamais pensé qu'un jour je servirais le Canada à titre de député, d'ambassadeur, puis de sénateur, mais tel est le genre de pays dans lequel nous vivons — c'est un pays où toute personne d'origine modeste peut aspirer à la fonction de parlementaire ou d'ambassadeur.

J'étais encore un jeune homme lorsque je suis parti dans l'Ouest et que je me suis établi en Alberta. Les Albertains ne m'ont pas seulement adopté, ils m'ont aussi choisi pour aller les représenter à Ottawa. C'est ainsi qu'a commencé ma carrière politique. À Edmonton, j'ai découvert l'énergie, la créativité et la motivation que je cherchais. Je remercie le ciel de m'avoir donné la chance de représenter la grande province de l'Alberta au Sénat, en compagnie de mes collègues albertains et de Son Honneur, leur chef.

Je dois dire aux sénateurs, en toute franchise, que durant les 12 années où j'ai siégé à la Chambre des communes et les six années ou presque où j'ai siégé au Sénat, j'ai toujours considéré comme un honneur de pouvoir prendre place dans ces deux grandes institutions.

Maintenant, le temps poursuit sa marche inexorable et je m'en vais, mais pas avant d'avoir témoigné ma profonde reconnaissance envers tous mes collègues au Sénat, à commencer par Son Honneur, que je félicite d'ailleurs d'avoir — au nombre de ses nombreuses et admirables qualités — une vue perçante lui permettant de reconnaître les visages dans ce coin-ci de l'enceinte.

Le greffier du Sénat, Paul Bélisle, les fonctionnaires du Bureau, les fonctionnaires du Sénat, les interprètes, les sténographes et les éditeurs parlementaires, les pages et tout le reste du personnel ont fait preuve d'innombrables gentillesses à mon égard.

Il est abondamment clair que je n'aurais pas survécu dans les milieux politiques d'Ottawa sans l'aide extraordinaire de Pam Miles-Seguin. Je l'ai engagée il y a une trentaine d'années, lorsqu'elle était fraîche émoulue de l'école, et elle m'a appuyé dans ma vie professionnelle depuis cette date. J'ai perdu le compte des nombreux problèmes logistiques et administratifs qu'elle a réglés pour ma famille et moi.

Honorables sénateurs, si vous voulez quelqu'un qui organise votre vie à votre place, quelqu'un qui peut faire une demi-douzaine de choses en même temps tout en gardant le sourire, partez vite, en courant, pas en marchant, à la recherche de Pam.

Je suis aussi reconnaissant à Bonnie Payne, mon assistante à Edmonton, qui m'a suivi pendant 15 ans, ainsi qu'à tous mes assistants de recherche, y compris Steve Grunau, Todd Martin et Chris Hynes.

Je ne pourrai jamais assez remercier mon épouse, Patricia McGoey, et mes enfants, Evita, Douglas Francis, Mary Anne et Patricia. Leur amour et leur appui m'ont donné des forces incommensurables.

Honorables sénateurs, en faisant mon dernier discours devant la Chambre des communes, il y a 20 ans, j'ai qualifié le désarmement et le développement de conditions indispensables à la paix et à la sécurité mondiales. Ces thèmes, de même que la protection des droits de la personne et de l'environnement, sont encore d'actualité.

Cependant, malgré les guerres contemporaines qui infligent des souffrances terribles à un si grand nombre de gens, le monde continue d'évoluer. Les éléments d'une culture de paix — le respect de toute vie, le rejet de la violence et le désir de justice sociale — passent au premier plan.

Bien entendu, il reste encore beaucoup à accomplir, un programme que je vous confie. Personnellement, aussi longtemps que Dieu m'en donnera la force, je n'aurai de cesse que les armes nucléaires, la force maléfique de notre époque, aient été éliminées.

Je termine en citant ces mots optimistes d'Isaïe: «Paix, paix à celui qui est loin et à celui qui est près!, dit l'Éternel. Je les guérirai.»

Honorables sénateurs, merci de m'avoir accueilli parmi vous. Je vous souhaite bonne chance. Que Dieu vous bénisse, et que Dieu bénisse le Canada!

Des voix: Bravo!

(1400)

L'HONORABLE BRENDA M. ROBERTSON

Son Honneur le Président: Sénateurs, conformément à l'ordre du Sénat du 23 mars 2004, selon lequel nous devons rendre hommage aux sénateurs Robertson et Roche aujourd'hui, et conformément au paragraphe 22(10) du Règlement et à une lettre du leader de l'opposition au Sénat demandant de prolonger la période consacrée aux déclarations de sénateurs, nous allons rendre hommage à l'honorable Brenda Robertson, qui prendra sa retraite le 23 mai prochain.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, Brenda Robertson a été appelée au Sénat il y a près de vingt ans, riche d'une expérience unique de la vie publique, surtout dans le domaine de la santé, qui a été fort utile à tous ses collègues sénateurs.

En 1967, elle a été la première femme à être élue à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, à laquelle elle a été réélue quatre fois. Elle a alors occupé un certain nombre de postes au Cabinet, dont celui de ministre de la Santé. C'est d'ailleurs à ce titre qu'elle a lancé le Programme extra-mural, en 1981, premier programme de soins de santé à domicile assuré par le gouvernement à être enregistré en vertu de la Loi canadienne sur la santé. Selon un mémoire soumis au comité Kirby-LeBreton sur l'état du système canadien de soins de santé, le Programme extra-mural «a pour mission de dispenser une gamme complète de services de santé coordonnés aux personnes de tout âge afin de promouvoir, de maintenir ou de restaurer leur santé dans le contexte de leur vie quotidienne». L'initiative du sénateur Robertson a par la suite servi de modèle dans beaucoup de pays.

En général, les rapports du Sénat plaisent beaucoup à leurs nombreux lecteurs, et on le doit au dévouement et à l'érudition de ses membres, qui ne craignent jamais de plonger dans des dossiers controversés, et Brenda a contribué à l'expertise qui fait leur grande valeur.

Ses années au Sénat se sont révélées des plus productives. J'épuiserais tout mon temps de parole si j'énumérais toutes ses réalisations. Je me contenterai donc d'en mentionner une seule, qui nous touche tous, individuellement et collectivement.

Après le chaos du débat sur la TPS, il était clair que le Sénat, dans le but d'éviter un incident similaire, avait besoin de règles plus claires pour guider son travail, règles qui, jusqu'à ce moment-là, n'avaient pas été jugées nécessaires. Nos règles, celles qui nous gouvernent aujourd'hui, sont le résultat des efforts du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, comme il s'appelait autrefois, qu'elle présidait. Nos collègues, qui sont aujourd'hui du côté du gouvernement, n'étaient pas du tout contents de la tournure des événements à l'époque et ils ont refusé de prendre part aux travaux du comité qui étudiait le Règlement. Mais de les voir, depuis quelques années, faire souvent appel au Règlement, et notamment à l'article sur l'attribution du temps, montre qu'ils ont, depuis, changé d'idée.

Les Néo-Brunswickois n'ont jamais oublié Brenda. Ils font encore appel à elle et à ses conseils pour les affaires provinciales. Elle répond toujours à leur appel.

Pendant des années, elle a fait la promotion de l'union des Maritimes. Je suis convaincu qu'elle aura désormais plus de temps à consacrer à cette cause.

Elle a toujours été fidèle à ses collègues du caucus, acceptant toutes les tâches sans rechigner et s'acquittant avec brio de tous ses engagements.

Je vous remercie, Brenda. Aujourd'hui vous mettez fin à une longue et distinguée carrière publique et je tiens à vous dire combien j'ai apprécié de travailler avec vous. J'espère que le Nouveau-Brunswick et le Canada pourront continuer de compter sur vos talents pendant encore de nombreuses années.

[Français]

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, je me joins à vous aujourd'hui pour rendre hommage à une collègue de notre institution, une concitoyenne de ma province et une consœur politique, l'honorable Brenda Robertson.

[Traduction]

Comme vous le savez — du reste, le sénateur Lynch-Staunton l'a signalé —, madame le sénateur Robertson a été la première femme élue à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, en 1967. En 1970, elle est devenue la première femme à siéger au Cabinet de la province, et elle a détenu cinq portefeuilles avant d'être nommée au Sénat du Canada en 1984. Je crois que, de tous ceux qui font de la politique dans la belle province du Nouveau-Brunswick, elle est celle qui est en activité depuis le plus longtemps.

Bien des sénateurs ont pu voir avec quel dévouement elle s'est intéressée aux enjeux sociaux depuis son arrivée parmi nous. Son travail infatigable au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie est la preuve de son dévouement de longue date aux problèmes des chômeurs, aux besoins des enfants défavorisés et aux difficultés du secteur de la santé.

[Français]

La carrière du sénateur Robertson a été jalonnée de premières chères à mon cœur de femme et de Néo-Brunswickoise. Son travail formidable de pionnière, bien avant son arrivée au Sénat et tout au long de son séjour parmi nous, me permet de lui répéter tout le respect que j'ai pour elle.

Je crois même que c'est son exemple qui m'a encouragée à demander et à obtenir, en 1983, la présidence de l'Association francophone des enseignantes et enseignants du Nouveau-Brunswick. Le sénateur Robertson était à l'époque ministre provinciale de la Réforme des programmes sociaux. Je me rappelle que nos responsabilités respectives ont permis à nos chemins de se croiser dès cette époque. J'espère qu'elle en garde un aussi bon souvenir que moi.

Mon premier regret, toutes ces années, aura été la préférence de ma collègue pour le bleu. Mais tous les goûts sont dans la nature et la tolérance est une caractéristique de la femme néo-brunswickoise. Je respecte donc son choix.

Mon second regret aura été de ne pas avoir pu racheter du sénateur Robertson cette magnifique maison qu'elle avait au bord de la mer à Shediac. J'ai donc dû devenir citoyenne de Moncton.

[Traduction]

On ne peut pas gagner sur toute la ligne, je présume.

Cher sénateur, puisse la prochaine décennie être aussi intéressante et stimulante que la dernière. Je vous remercie d'avoir été pour nous un phare. Vous me manquerez. Au revoir.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, les contributions aux affaires publiques de notre collègue et amie, le sénateur Brenda Robertson, ont été si nombreuses et d'une telle qualité que nous n'aurions pas assez de temps pour lui rendre justice dans nos hommages. Je vais néanmoins faire un effort. Je voudrais vous livrer quelques réflexions sur les thèmes de l'admiration, de la concorde et de l'affection, et souligner l'excellent travail que le sénateur a accompli pour ses concitoyens du Nouveau-Brunswick et du Canada.

Le sénateur a été non seulement le ministre de la Santé le plus exceptionnel que notre province ait connu, mais aussi un sénateur hors pair. Il est vrai, et il vaut la peine de le signaler, comme du reste on l'a déjà fait, que le sénateur Robertson a été la première femme élue à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, en 1967. Madame le sénateur a été réélue quatre fois de suite aux élections provinciales. Son travail à l'assemblée législative a été de toute première qualité, et c'est ce qui lui a valu d'être maintes fois réélue et lui a gagné l'estime et l'admiration des habitants du Nouveau-Brunswick.

Manifestement, ce sénateur est un modèle — un modèle, oui, pour les femmes qui participent aux affaires publiques, mais aussi un modèle pour tous ceux qui veulent exceller au service de la société.

Le sénateur Robertson possède l'un des meilleurs esprits politiques au pays, et elle m'a appris tant de choses au fil des ans, notamment à quel point la politique influence le milieu médical. Je sais que les docteurs Keon et Morin sont bien conscients de tout ce que j'aurais pu apprendre au sujet de la politique en milieu médical lorsque la ministre de la Santé de l'époque, Brenda Robertson, m'a demandé de mener une enquête publique sur la façon dont les droits hospitaliers sont accordés.

Honorables sénateurs, la première réunion constitutionnelle des ministres, en 1981, a été une autre occasion où notre collègue a fortement influencé l'avenir du Nouveau-Brunswick et du Canada. Le sénateur Robertson faisait partie de l'équipe du Nouveau-Brunswick qui appuyait la Charte des droits et libertés. En effet, nous nous trouvions avec les premiers ministres provinciaux et le premier ministre Trudeau dans une petite salle, au bout de la rue, lorsque l'ancien premier ministre a obtenu du premier ministre Lévesque qu'il accepte l'entente qui allait dissoudre le groupe des huit.

(1410)

Honorables sénateurs, il y a trois principales étendues d'eau près de la résidence du sénateur Robertson, au Nouveau-Brunswick. Comme l'a mentionné le sénateur Losier-Cool, il y a le détroit de Northumberland dans le golfe du Saint-Laurent, mais il y a aussi la baie de Fundy et la rivière Petitcodiac. Ces trois étendues d'eau peuvent servir de métaphore pour décrire un peu Brenda Mary, comme l'appellent affectueusement ses amis proches. Les eaux chaudes du détroit en été et la puissance de ses banquises en hiver représentent son courage et sa sollicitude dans le domaine de la politique sociale. Les hautes marées de la baie de Fundy évoquent les hauts niveaux d'accomplissement et d'excellence qu'elle cherche pour tous. Son enthousiasme pour l'action et son énergie, non seulement pour des causes dans un avenir assez lointain, mais aussi ici et maintenant, sont symbolisés par le mascaret de la rivière Petitcodiac, dans Moncton, sa ville bien-aimée.

C'est le sénateur Robertson qui m'a fait entrer au Sénat en 1990. Bien qu'elle doive peut-être nous quitter en raison d'une exigence légale, elle restera toujours un guide important pour moi et pour nous.

Des voix: Bravo!

L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs, je rends hommage à madame le sénateur Robertson, d'abord au nom de tous les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, en raison de son apport considérable à notre étude des soins de santé, mais surtout en mon nom propre, en raison de la longue période pendant laquelle je l'ai connue et de nos nombreuses discussions au cours des années sur les soins de santé et sur la politique.

J'ai d'abord connu le sénateur Robertson lors d'une réunion préparatoire du Conseil des premiers ministres des Maritimes en 1971, alors qu'elle était ministre du gouvernement du Nouveau-Brunswick et que j'étais chef de cabinet du premier ministre de la Nouvelle-Écosse. Nous inaugurions tout juste le conseil.

Nos routes se sont croisées à diverses occasions durant les années qui ont suivi, puis nous nous sommes retrouvés lorsqu'elle a siégé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, au début de notre étude des soins de santé. Madame le sénateur Robertson a mis de l'avant nombre d'idées lorsqu'elle était ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick. À propos, les deux premières ministres provinciales de la Santé au pays, les sénateurs Callbeck et Robertson, ont toutes deux siégé au Comité des affaires sociales. Voilà matière à réflexion comme solution pratique à nombre de nos problèmes.

Madame le sénateur Robertson s'est toujours dévouée bien au-delà de ce qu'exigeaient normalement ses fonctions. Comme les sénateurs le savent, l'une des principales questions que soulève le débat en ce domaine dans notre pays est celle des listes d'attente. Pendant que le comité étudiait les soins de santé, le sénateur Robertson a dû se faire remplacer une hanche. Il était utile pour le comité d'avoir parmi ses membres des gens ayant eu une expérience pratique des soins de santé. Elle a veillé soigneusement à ce que son opération prévue soit reportée trois fois, afin que le comité soit en mesure de dire en toute sincérité dans son rapport que ses membres avaient eu l'expérience de première main des longues attentes difficiles pour obtenir une grande opération. Nous vous savons gré, sénateur Robertson, de vous être donné ce mal, ce qui allait bien au-delà de ce qu'exigeaient normalement vos fonctions.

Il est également vrai — et le sénateur Lynch-Staunton l'a mentionné dans ses observations — que l'une des idées lancées par le sénateur Robertson, alors qu'elle était ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick, est celle de l'hôpital extra-muros. Cette idée est réapparue d'elle-même dans le rapport du comité du Sénat en tant qu'élément de base du programme de soins à domicile en phase post-aiguë, bien qu'elle soit motivée dans ce contexte par une raison différente. Un grand nombre d'entre vous qui viennent de la côte Est comprendront quel énorme potentiel de créativité ont ceux d'entre nous qui font de la politique dans les Maritimes lorsqu'il s'agit de mener un raid sur le Trésor fédéral. À l'époque de l'élaboration du programme des hôpitaux extra-muros du Nouveau-Brunswick, ce n'était pas seulement une bonne politique en matière de soins de santé, mais aussi une politique élaborée à une époque où le gouvernement fédéral assumait 50 p. 100 des dépenses des hôpitaux. C'est ce qui explique que la solution simple pour que le gouvernement fédéral assume 50 p. 100 des coûts des soins à domicile consistait à définir la maison d'un particulier comme un hôpital extra-muros.

C'était, en fait, l'une de ces merveilleuses astuces financières auxquelles le gouvernement fédéral n'a jamais trouvé de solution. C'était si créatif que, à mon avis, le gouvernement fédéral a dû décider qu'il devait financer le projet uniquement à cause de sa créativité. Honorables sénateurs, le fait est que nous avons adopté l'idée du sénateur Robertson dans notre proposition sur les soins à domicile en phase post-aiguë. Or, il est intéressant de constater que, un an et demi après la publication de notre rapport, deux autres provinces envisagent d'adopter cette proposition. C'est un hommage éloquent aux 25 ans — sur 30 ans — de dévouement du sénateur Robertson dans le secteur des soins de santé qu'une idée qui a pris naissance il y a 25 ans au Nouveau-Brunswick se retrouve, à la fin de la carrière du sénateur Robertson, dans un rapport fédéral dont s'inspire maintenant tout le Canada.

C'est pourquoi, sénateur Robertson, au nom de tous les membres du comité et en mon nom propre, je tiens à vous remercier de tout coeur pour votre énorme contribution.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je ne connaissais pas le sénateur Robertson lorsque je suis arrivé au Sénat, sauf de vue, assise au premier rang, où elle rayonnait d'une royale splendeur. Au début, nous étions très intimidés par sa seule présence.

Puis, heureusement, j'ai appris à la connaître telle qu'elle était et telle qu'elle est, c'est-à-dire un membre laborieux de tous les comités auxquels j'ai également siégé, dont les Comités de la régie interne et du Règlement. Ce sont là deux comités qui ne sont pas très bien connus à l'extérieur du Sénat, mais qui exigent de leurs membres beaucoup de discipline, compte tenu des dossiers dont ils sont saisis. J'ai découvert sa force de caractère en travaillant à ses côtés à ces comités, ainsi que sa sagesse et ses précieux conseils que j'ai toujours appréciés et que je continue d'ailleurs d'apprécier. S'il y a une chose que j'ai pu constater, tant au cours des courses à la direction qu'en siégeant à ses côtés à ces comités, c'est que cette femme ne change pas d'idée; elle n'a qu'une parole.

Je vous offre mes meilleurs souhaits de santé et de bonheur pour l'avenir, sénateur. Je sais qu'il vous arrivera de temps à autre de penser à nous, alors que vous serez confortablement installée à la maison le soir, un verre à la main. Je sais également que vous tournerez rapidement la page et que vous entreprendrez quelque chose de nouveau tout de suite après avoir quitté cet endroit. Je vous souhaite la meilleure des chances dans votre nouvelle vie et vous remercie de toute l'aide que vous nous avez apportée.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai le regret de vous informer que les 15 minutes réservées aux hommages au sénateur Robertson sont maintenant terminées, ce qui signifie que j'ai maintenant le devoir et le privilège de donner la parole au sénateur Robertson.

Je dois dire, sénateur Robertson, qu'il reste encore sur la liste les sénateurs Carstairs, Tkachuk, Murray, Bacon, Cools, St. Germain et Day. Nous pourrons entendre certains d'entre eux pendant la période réservée aux déclarations de sénateurs, mais je réfléchirai plus tard à la meilleure façon de le faire.

Je donne maintenant la parole au sénateur Robertson.

Des voix: Bravo!

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, je vous remercie de vos bonnes paroles. Je devrais sortir et revenir. Cela permettrait peut-être de prolonger cette période. C'était très agréable.

Honorables sénateurs, comme certains d'entre vous le savent déjà, le 23 mai prochain, je redeviendrai une simple citoyenne. Il est bien certain que cette enceinte et tous les amis que je m'y suis faits me manqueront, mais la vie continue. Je vous remercie tous des belles choses que vous avez dites à mon sujet. Je suis très heureuse d'avoir eu l'occasion de servir mon pays et, au moment de quitter la vie publique, je crois qu'il est important de continuer de travailler à renforcer nos collectivités, nos provinces et notre pays.

Avant d'arriver au Sénat, à l'instar de nombreux Canadiens, je tenais le Canada un peu pour acquis — sa prospérité, sa démocratie, sa liberté et sa sécurité. Maintenant, 20 ans plus tard, j'ai appris que nous ne devrions rien tenir pour acquis. Notre pays est extraordinairement compliqué et notre monde est dangereusement instable.

Il incombera à d'autres personnes en cet endroit, et à de nouveaux sénateurs, de comprendre la complexité de leur époque et de se prémunir contre les forces qui mettent en danger le type de pays où tous les Canadiens veulent vivre.

(1420)

Comme le temps passe! Je lisais dans mon journal local l'autre jour que je suis la plus ancienne politicienne active au Nouveau-Brunswick. Je ne le savais pas, mais cela fournit à n'en pas douter un motif pour réfléchir un peu. Ce fut tout un parcours: plus de 19 ans ici et, avant cela, plus de 17 ans au service de la population du Nouveau-Brunswick en qualité de députée à notre assemblée législative provinciale. Il y a tant à faire; voilà le problème.

Je ne suis pas sûre si l'intention de la disposition sur l'âge obligatoire de la retraite au Sénat était une estimation scientifiquement fondée que la plupart d'entre nous sont épuisés lorsqu'ils arrivent à l'âge de 75 ans. Manifestement, les rédacteurs de cette règle n'ont pas prévu l'accroissement de l'espérance de vie dans la société contemporaine, car, de nos jours, la plupart d'entre nous — y compris Doug Roche — terminent à peine leurs exercices d'échauffement à cet âge. Toutefois, comme nous le savons, les règles sont les règles ici et, par conséquent il nous faut obtempérer.

Bon nombre de sénateurs savent que j'ai toujours été en faveur de la réforme du Sénat, y compris le passage à un organe élu, mais certainement pas pour en faire une copie conforme de l'autre endroit. Eh bien, cela va peut-être se faire. À n'en pas douter, le nouveau chef du gouvernement conservateur en attente a pris position clairement sur cette question. Récemment, on s'est demandé si l'actuel premier ministre était bien disposé à cet égard. Toutefois, je crois que changer le Sénat sans changer tout le système constituerait une démarche futile. Personnellement, je trouve que l'on devrait étudier de près une forme de représentation proportionnelle. Certes, le premier ministre devrait être élu par le pays et non par une seule circonscription. Je sais que beaucoup sont d'avis qu'il est grand temps de procéder à quelques réformes.

Mes amis, les Canadiens méritent une Chambre haute qui soit davantage à l'image du pays et de nos valeurs contemporaines. Je pense que nous avons fait la preuve, par l'excellence du travail des comités en particulier, de notre contribution au processus parlementaire national et de la valeur que nous y ajoutons, conformément au mandat confié au Sénat. J'espère voir le jour où tous les Canadiens se tourneront vers le Sénat en quête de leadership et traiteront l'institution avec le respect dû à un organe législatif choisi par le peuple au lieu d'un organe dont les membres sont nommés par un premier ministre.

Nonobstant mes convictions et mes espoirs pour l'avenir du Sénat, je dois dire que ce fut un honneur et un privilège de servir mon pays et les habitants du Nouveau-Brunswick dans cette enceinte. J'ai toujours pris cette responsabilité très au sérieux. C'est une partie de ma vie dont je me souviendrai toujours avec fierté. Je veux rendre hommage à mes collègues passés et présents du Sénat. Quelles que soient nos capacités ou nos convictions politiques, nous venons tous ici dans un but commun: servir notre pays. Il n'y a pas de vocation beaucoup plus noble que le service public.

Permettez-moi d'exprimer mon appréciation aux gens qui permettent à cette institution de fonctionner — le personnel affecté au nettoyage, qui entretient cette salle et les bureaux des sénateurs, les chauffeurs d'autobus, les agents de protection, les pages, les recherchistes, le personnel de la Bibliothèque, les greffiers et leur personnel et, bien entendu, l'administration du Sénat et notre propre personnel de soutien. J'ignore comment j'aurais pu me débrouiller ces 10 dernières années sans Ross McKean, qui a toujours veillé à ce que je sois organisée. Les sénateurs qui me connaissent bien savent que je ne suis pas très organisée. Je jongle d'habitude avec environ six choses à la fois. Ross a dû s'en accommoder, ce qu'il a fait formidablement bien. Je vous remercie tous de rendre mon travail et le travail de chacun d'entre nous beaucoup plus agréable grâce à votre courtoisie et à votre professionnalisme tranquille.

Depuis 37 ans, j'ai l'honneur de représenter et de servir les habitants du Nouveau-Brunswick, et de travailler avec eux. J'aurai bientôt une occasion, en mai, d'en parler plus en détail dans ma province. Qu'il suffise de dire que je ne serais pas ici si je ne m'étais pas gagné la confiance des habitants de Riverview, qui m'ont accordé le privilège de les représenter. Je dois dire également que, à l'issue de quatre des cinq dernières élections auxquelles je me suis présentée, je leur ai pris leur dépôt. On n'en a pas parlé.

En 1967, je venais d'être élue députée et je siégeais dans l'opposition, à l'assemblée législative de la province, à Fredericton. J'étais dans l'opposition à mon arrivée et je suis toujours dans l'opposition à mon départ. J'ai siégé là-bas pendant trois ans avant de découvrir qu'il n'y avait pas de toilettes réservées aux femmes dans le salon des députés. La presse s'intéressait davantage aux vêtements qu'on portait qu'aux propos qu'on tenait. Bon nombre de gens pensaient que des hommes ne pouvaient pas travailler avec une femme à la tête d'un ministère. C'était vraiment fort intéressant; il y avait beaucoup de défis à relever, mais j'ai eu beaucoup de plaisir au cours de ces années. Pendant les trois années et demie au cours desquelles j'ai siégé dans le gouvernement, aux côtés d'un grand leader, mon ami Richard Hatfield, et bien d'autres collègues remarquables, j'ai eu la chance, ce dont je suis reconnaissante, d'avoir travaillé pour les Néo-Brunswickois. Bien sûr, je serai toujours reconnaissante à Brian Mulroney de m'avoir fait confiance pour que je serve ma province et mon pays au sein de cette institution.

Enfin, je voudrais souligner le soutien que m'ont apporté ma famille et quelques-uns de mes amis. Ma famille est à la tribune, y compris deux de mes enfants. Le troisième n'a pas pu se joindre à eux. Je n'aurais pas pu réussir sans eux. Pendant toutes ces années de vie publique, ils m'ont accordé un appui indéfectible. La confiance et les conseils que m'ont donnés ma famille et mes amis m'ont permis bien des fois de ne pas dévier du droit chemin. Nous avons partagé beaucoup de joies et quelques peines en cours de route, mais, comme je l'ai dit au début, le voyage a été fantastique. Je ne pourrais pas imaginer l'avoir entrepris sans ma famille et mes amis.

En vieillissant, nous ne voyons pas le temps passer. Aussitôt levés, nous devons aller au lit. Comme quelqu'un l'a dit: «Bonjour, je dois partir.»

Le livre est loin d'être terminé, honorables sénateurs et amis. Je tourne simplement une autre page. Je vous souhaite tous bonne chance au cours des années à venir.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, je vous informe que je compte donner la parole à trois sénateurs qui souhaitent prendre la parole à l'occasion du départ à la retraite du sénateur Roche. Il s'agit, dans l'ordre, des sénateurs Hubley, Prud'homme et Banks. Ils seront suivis de trois sénateurs dont le nom figurait sur la liste des sénateurs qui devaient rendre hommage au sénateur Robertson. Il s'agit des sénateurs Carstairs, Tkachuk et Murray.

L'HONORABLE DOUGLAS ROCHE, O.C.

HOMMAGES À L'OCCASION DE SA RETRAITE

L'honorable Elizabeth Hubley: Honorables sénateurs, c'est avec un grand plaisir que je prends la parole pour rendre hommage au distingué sénateur qui prend place juste en face. Le sénateur Roche suscite une vive admiration et un grand respect aux quatre coins du monde pour ses travaux sur le désarmement et le contrôle des armes. Depuis que je suis au Sénat, il y a relativement peu longtemps, je suis impressionnée non seulement par le savoir et l'expertise du sénateur, mais aussi par ses sentiments humanitaires et par le courage inébranlable dont il fait preuve pour s'attaquer aux enjeux mondiaux que sont la guerre et la paix.

Les pays armés forment une communauté mystérieuse où les frontières et les loyautés nationales sont souvent ignorées et où les lois sont bafouées et contournées. En tant que démocraties occidentales, bien que nous poursuivions des objectifs de paix et de désarmement, nous laissons nos fabricants et nos fournisseurs d'armes continuer d'armer le monde, surtout les pays en développement.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous fournir un exemple très concret et des plus décevants. Il y a un peu plus d'un an, alors que les États-Unis lançaient leur campagne internationale en vue de convaincre le reste du monde que le dictateur diabolique de Bagdad devait être destitué, juste avant le retour des inspecteurs en armement des Nations Unies en Irak, la Jordanie voisine était l'hôte d'une foire internationale unique. En effet, des fabricants et des fournisseurs d'armes des quatre coins du monde ainsi que leurs clients potentiels s'étaient donné rendez-vous à Amman dans le cadre d'un salon où était présenté le nec plus ultra en matière d'armement: des fusils aux mines terrestres, en passant par les chars et les avions de chasse jusqu'aux missiles et aux systèmes de poursuite les plus pointus. L'exposition sur les forces spéciales, ou la SOFEX, se tient tous les deux ans. La société britannique Vickers y présentait le char Challenger, récemment offert à la Jordanie, et le géant américain de la construction d'armement, Lockheed Martin, qui fabrique le missile tir et oubli Longbow, le missile antichar Hellfire II et l'avion de chasse F-16, était présent avec tout son arsenal.

Au nombre des exposants, on comptait aussi Raytheon, numéro un mondial du missile de croisière, notamment le Tomahawk, le type de missile qui avait été lancé sur l'Afghanistan un peu plus tôt cette année-là et le même qui allait être utilisé par les forces de la coalition lors de la deuxième invasion en Irak.

(1430)

Beaucoup des clients potentiels de la SOFEX sont bien connus. Deux des trois États voyous qui composent l'Axe du mal du Président Bush — l'Irak et l'Iran — y étaient, de même que la Syrie, la Libye et le Soudan, tous des pays que le département d'État américain considérait à l'époque comme des pays soutenant le terrorisme.

Sénateurs, cette affaire a quelque chose de presque incroyable. Elle nous rappelle que nous devrons faire encore beaucoup avant de pouvoir vivre dans un monde où la paix, le pacifisme et le civisme l'emportent sur la violence, la prolifération des armements et la guerre.

Le sénateur Roche sait mieux que quiconque ou presque les défis que nous avons à relever. Je tiens à le remercier de la contribution remarquable qu'il a apportée aux travaux du Sénat.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je n'ajouterai certainement pas à tout ce qui a été dit d'éloquent à propos de mon collègue et ami, le sénateur Roche.

Je l'ai connu comme étant le député le plus fervent siégeant au Comité des affaires étrangères et de la défense nationale, que j'ai eu l'honneur de présider à la Chambre des communes pendant près de dix ans.

Le sénateur Roche a toujours cru que le Comité des affaires étrangères devait être fusionné au Comité de la défense nationale, et vice versa. Pourquoi? Parce que ceux qui se spécialisent strictement dans les questions de défense nationale ignorent souvent les problèmes mondiaux qui touchent un peu plus ceux qui s'occupent des affaires étrangères, et vice versa. Les spécialistes des affaires étrangères et de l'ACDI ignorent souvent que, malheureusement, dans le monde, certaines personnes sont terribles et que nous avons donc besoin d'un ministère de la Défense. C'est ce que nous avons accompli et c'est ce que le sénateur Roche a accompli: sensibiliser et les uns et les autres au Comité des affaires étrangères et de la défense nationale.

Je veux remercier le sénateur Roche du rôle qu'il a joué pour sensibiliser ses collègues à ce comité. Il n'a jamais dévié de ses convictions profondes et il continuera, nous en sommes certains, à donner énormément à ceux qui ont cru en lui.

Je profite de l'occasion pour saluer, ce qui ne m'était pas permis, le sénateur Robertson et cet ami que nous allons perdre, le sénateur Beaudoin, qui a été un vibrant ami de toujours.

[Traduction]

Plus de quinze nominations seront possibles, et l'une des choses que je souhaite est que le prochain premier ministre, quel qu'il soit, passe enfin aux actes, car il aura la possibilité de créer l'égalité parfaite au Sénat en nommant des femmes jusqu'à ce que nous soyons 53 à 52. Nous pourrions atteindre ce magnifique objectif en moins d'un an et demi. Je vous remercie.

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, vous me permettrez, je l'espère, de m'adresser directement au sénateur Roche. Je revendique ce privilège pour deux raisons: d'abord, parce que c'est lui qui m'a présenté au Sénat — avec le sénateur Taylor, une autre victime de la discrimination fondée sur l'âge — le jour de mon arrivée en ces lieux et, deuxièmement — et c'est le seul avantage que j'aie sur tous mes collègues, je crois —, parce que j'ai le privilège et l'honneur de connaître Doug Roche depuis 1970, lorsqu'il était rédacteur en chef du Western Catholic Reporter. Je crois qu'avec ça, je bats à peu près tout le monde.

Sans vouloir ajouter à la liste longue — mais pas encore exhaustive — de vos nombreuses réalisations, Doug, je tiens à signaler que le leader vous a peut-être fait le compliment de dire que, si vous siégez ici comme indépendant, c'est pour ne pas être entravé par la discipline de parti, mais je sais que le sénateur Murray se ferait un plaisir de nous régaler d'anecdotes démontrant que la discipline de parti ne vous a jamais infléchi sur les questions de principe.

Chose certaine, depuis que je siège ici, vous personnalisez la conscience du Sénat à bien des égards. Je ne sais pas comment on parviendra à vous trouver un remplaçant ou un successeur, mais lorsque le premier ministre, quel qu'il soit, nommera un nouveau sénateur albertain, il réussira peut-être à trouver quelqu'un pour vous succéder, mais sûrement pas pour vous remplacer.

L'HONORABLE BRENDA M. ROBERTSON

HOMMAGES À L'OCCASION DE SA RETRAITE

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, d'autres ont parlé de la contribution remarquable de madame le sénateur Robertson au Nouveau-Brunswick, tant en sa qualité de députée à l'assemblée législative que de sénateur à Ottawa. Dans le peu de temps qui m'est accordé, je rappellerai avec quelle efficacité et discrétion elle a défendu les intérêts des personnes handicapées au Sénat.

Grâce à son intervention, le Sénat est plus sensibilisé aux besoins des membres de notre société atteints d'incapacité. C'est ainsi que le Sénat a persuadé des parlementaires du monde entier à produire un premier rapport de comité en langages ASL et LSQ à l'intention des malentendants. On a modifié la tribune pour la rendre plus accessible aux personnes handicapées. Un comité de travail est chargé de déterminer les besoins spéciaux des employés affectés aux comités sénatoriaux et de veiller à leur fournir l'équipement spécial dont ils ont besoin. Je suis sûre que vous êtes nombreux à ne pas être au courant de ces initiatives spéciales. Cela est caractéristique du travail accompli par madame le sénateur Robertson. Elle agit de façon effacée et efficace. Par conséquent, elle nous manquera énormément lorsqu'elle prendra sa retraite.

Je lui suis reconnaissante et je lui souhaite bonne chance.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je veux rendre hommage au sénateur Robertson. Brenda, vous et moi nous sommes toujours demandé si c'est la perspective de notre départ ou d'une nouvelle nomination qui pousse les sénateurs du parti ministériel à nous applaudir aussi gracieusement.

Par un heureux hasard, le 23 mai coïncide non seulement avec la date où le sénateur Robertson se retire du Sénat, mais aussi avec le jour où elle est arrivée en ce bas monde, il y aura de cela 75 ans. Je ne crois pas qu'elle prendra sa retraite du Sénat, parce que la femme que j'ai connue, le sénateur du Nouveau-Brunswick, ne risque guère de prendre sa retraite. Elle quittera simplement Ottawa.

Ce n'est pas au Nouveau-Brunswick que j'ai connu Brenda Robertson, cette femme courageuse qui a été élue à l'assemblée législative de cette province et la première femme à avoir été membre du Cabinet de cette assemblée législative. Je ne l'ai connue qu'au Sénat. Ce peut être toute une expérience. Ceux d'entre nous qui, au Sénat, ont participé aux discussions de notre caucus savent exactement de quoi je veux parler.

Nous avons beaucoup parlé de politique, un peu de stratégie, d'intrigues et de bons vieux complots politiques, et tout cela a été amusant, mais dans toutes ces discussions, vous m'avez montré à quel point vous êtes un esprit politique brillant.

J'ai un profond respect pour Brenda, qui a été une collègue merveilleuse, un sénateur honorable, et une personne que je considère comme une amie.

Brenda nous a montré à quel point elle est tenace, après avoir surmonté le défi physique que représentent deux chirurgies à la hanche et après avoir perdu son mari et meilleur ami, Wilmont, pour ensuite reprendre le dessus et nous donner, à nous tous et à l'ensemble des Canadiens, le meilleur d'elle-même jusqu'au moment de sa retraite.

Brenda a été une des premières, sinon la première parmi les membres du caucus de l'Atlantique, à saisir l'importance d'une fusion politique entre les deux partis conservateurs — et elle a travaillé très fort en ce sens — et l'importance de réorienter nos priorités en fonction des objectifs que nous devons réellement poursuivre.

Brenda, je sais que les membres de votre famille seront heureux de votre retour au Nouveau-Brunswick et j'espère qu'ils savent à quel point vous nous manquerez. Nous les remercions d'avoir partagé avec nous une Canadienne importante, précieuse et irremplaçable. À vous, Brenda, je souhaite la meilleure des chances, et que Dieu vous bénisse.

(1440)

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, nous entendons souvent les politiciens dire: «Si seulement nous pouvions réunir tous les électeurs à un même endroit, il serait plus facile de leur expliquer les avantages de notre politique.» En une occasion mémorable au milieu des années 1970, je croyais que Brenda avait pratiquement accompli cet exploit lorsque j'ai cru voir la plupart des électeurs du Nouveau-Brunswick réunis à l'extérieur de l'édifice de l'assemblée législative, à Fredericton, pour protester contre ses politiques lorsqu'elle était ministre des Affaires sociales de cette province.

Nous connaissons tous des politiciens et des ministres qui s'empressent d'aller se cacher dès que leurs politiques ou leurs programmes font l'objet de critiques. Cela n'a jamais été le cas de Brenda Robertson. À titre de ministre des Affaires sociales et, plus tard, de ministre de la Santé, elle a été responsable de changements controversés apportés aux politiques et aux programmes et a dû prendre des décisions difficiles. Ce que j'ai toujours admiré chez elle, c'est qu'elle n'a jamais reculé, expliquant et défendant sa position; et lorsqu'elle n'arrivait pas à persuader ses détracteurs, elle réussissait au moins à gagner leur respect et leur compréhension.

Il se trouve que beaucoup des changements qu'elle a apportés tant à titre de ministre des Affaires sociales qu'à titre de ministre de la Santé, changements qui inquiétaient les gens parce que c'était du nouveau, ont résisté à l'épreuve du temps et ont bien servi les habitants du Nouveau-Brunswick.

Comme le sénateur Lynch-Staunton l'a mentionné, on peut dire la même chose de la réforme exhaustive du Règlement du Sénat du Canada qu'elle a pilotée à titre de présidente du Comité du Règlement. Ce serait un euphémisme de dire que ce n'est pas là une mission qu'elle a voulu se voir confier, mais, dès que le gouvernement est devenu majoritaire au Sénat, nous l'avons priée d'accepter le défi, ce qu'elle a fait avec le courage et la détermination qui la caractérisent si bien. Lorsqu'elle a présenté les nouvelles règles, le leader de l'opposition libérale à l'époque, le sénateur MacEachen, nous a comparés, elle et nous, au régime totalitaire alors au pouvoir au Kremlin. Comme ce fut le cas pour bien d'autres initiatives de notre gouvernement, comme le libre-échange, l'ALENA et la TPS, les libéraux ont entériné intégralement les règles Robertson, sans vergogne, une fois arrivés au pouvoir.

Quel souvenir garderons-nous de Brenda? Nous penserons à elle chaque fois que les libéraux auront recours à la clôture ou refuseront d'ajourner un débat, ou qu'ils nous feront siéger un vendredi matin. C'est une autre façon de dire que nous ne vous oublierons jamais, Brenda.

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 22(7) du Règlement, je demande que la période réservée aux déclarations de sénateurs soit prolongée pour permettre au sénateur Moore de faire une déclaration.

Son Honneur le Président: Le Règlement prévoit que l'un ou l'autre whip peut présenter une telle demande au Président pour une prolongation de trois minutes.

Vous avez la parole, sénateur Moore.

LE CURLING

LA NOUVELLE-ÉCOSSE—FÉLICITATIONS AUX ÉQUIPES VICTORIEUSES

L'honorable Wilfred P. Moore: Honorables sénateurs, j'interviens avec beaucoup de fierté aujourd'hui pour signaler au Sénat les récents succès des curleurs canadiens sur la scène nationale et internationale. Cela a vraiment été un mois de réussite, non seulement pour notre pays, mais pour la Nouvelle-Écosse, étant donné que tous ces tournois regroupaient des équipes représentant ma province.

Le 29 février, à Red Deer, en Alberta, les championnes canadiennes en titre représentant le club de curling Mayflower de Halifax ont battu une équipe québécoise jeune, mais très talentueuse au compte de 7 à 4 dans le cadre du Tournoi des coeurs de Scott. Les championnes canadiennes — la capitaine Colleen Jones, la troisième Kim Kelly, la deuxième Mary-Anne Arsenault et la première joueuse, Nancy Delahunt — l'ont emporté pour la quatrième fois d'affilée et la cinquième fois en six ans, ce qui est phénoménal. Ce sont des records nationaux.

Ces femmes dévouées ont appris à gagner. Elles ne se reposent pas sur leurs lauriers, mais continuent de se pousser davantage pour toujours être à leur meilleur. L'équipe de Jones est un modèle pour tous les athlètes, hommes et femmes. Les championnes canadiennes participeront au Championnat mondial de curling féminin à Gavle, en Suède, du 17 au 25 avril.

Le 14 mars, au Nokia Brier, le Championnat canadien de curling masculin, à Saskatoon, en Saskatchewan, une autre équipe de la Nouvelle-Écosse, encore du club Mayflower de Halifax, a battu le champion canadien en titre, Randy Ferbey, de l'Alberta, 10 à 9, en revenant de l'arrière. L'équipe de la Nouvelle-Écosse était formée du capitaine Kevin Dacey, du troisième Bruce Lohnes, du deuxième Rob Harris et du premier joueur Andrew Gibson, et le cinquième était Matt Harris. Ces hommes ont réussi à suivre les traces de l'équipe Jones et représenteront le Canada au Championnat mondial de curling masculin à Gavle.

Enfin, au cours de la semaine dernière, le Championnat mondial de curling junior féminin a eu lieu à Trois-Rivières, au Québec. Comme je l'ai déjà dit, les championnes canadiennes venaient du club de curling Chedabucto, à Boylston, en Nouvelle-Écosse et elles ont fait honneur à leur pays. Formée de la capitaine Jill Mouzar, de la troisième Paige Mattie, de la deuxième Blisse Comstock et de la première joueuse Chloe Comstock, cette équipe a remporté dix victoires contre une défaite dans le tournoi. Sa seule défaite a été lors du dernier match contre la Norvège, au compte de 9 à 6. Cela lui a valu une médaille d'argent pour le Canada, chose dont nos championnes féminines junior peuvent être très fières.

Je suis heureux de transmettre aujourd'hui à ces trois équipes de la Nouvelle-Écosse les félicitations de cette Chambre pour leurs excellents efforts, et de souhaiter aux équipes Jones et Dacey bonne chance aux championnats mondiaux le mois prochain.

Des voix: Bravo!


AFFAIRES COURANTES

UN COMITÉ PARLEMENTAIRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE: DOCUMENT DE CONSULTATION PRÉALABLE POUR AIDER À LA MISE SUR PIED D'UN COMITÉ PARLEMENTAIRE MANDATÉ POUR EXAMINER LA SÉCURITÉ NATIONALE

DÉPÔT DE DOCUMENT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer un document intitulé «Un comité parlementaire chargé de la sécurité nationale: Document de consultation préalable pour aider à la mise sur pied d'un comité parlementaire mandaté pour examiner la sécurité nationale».

[Français]

L'ÉTUDE SUR LES QUESTIONS RELATIVES AUX ALLOCATIONS DE QUOTAS ACCORDÉES AUX PÊCHEURS DU NUNAVUT ET DU NUNAVIK

DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ DES PÊCHES ET DES OCÉANS

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, étant donné que nous sommes le 1er avril, la Journée mondiale du poisson d'avril, j'ai l'honneur de déposer le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Comeau, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

PROJET DE LOI DE 2002 SUR LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Joan Fraser, présidente du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, présente le rapport suivant:

Le jeudi 1er avril 2004

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a l'honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi C-7, Loi modifiant certaines lois fédérales et édictant des mesures de mise en œuvre de la convention sur les armes biologiques ou à toxines, en vue de renforcer la sécurité publique, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 11 mars 2004, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,

JOAN FRASER

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Day, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

L'ÉTUDE SUR LES INDUSTRIES DE MÉDIAS

DÉPÔT DU RAPPORT PROVISOIRE DU COMITÉ DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications intitulé «Rapport intérimaire sur les médias canadiens d'information.»

(Sur la motion du sénateur Fraser, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable George J. Furey, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le jeudi 1er avril 2004

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 25 février 2004, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,

GEORGE FUREY

Son Honneur le Président: Quand le projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1450)

L'AJOURNEMENT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 20 avril 2004, à 14 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

LA LOI ÉLECTORALE DU CANADA
LA LOI SUR L'IMPÔT SUR LE REVENU

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dans deux jours.)

LE GROUPE INTERPARLEMENTAIRE CANADA-JAPON

DÉPÔT DU RAPPORT DE LA RÉUNION GÉNÉRALE INAUGURALE DU FORUM INTERPARLEMENTAIRE POUR LE SERVICE SOCIAL, TENUE DU 28 AU 31 AOÛT 2003

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada-Japon, concernant sa participation à la réunion générale inaugurale du Forum interparlementaire pour le service social (FISS), tenue à Séoul, en Corée du Sud, du 28 au 31 août 2003.

DÉPÔT DU RAPPORT DE LA VISITE ANNUELLE AU JAPON DES COPRÉSIDENTS,TENUE DU 1ER AU 6 MARS 2004

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport du Groupe interparlementaire Canada-Japon de la visite annuelle des coprésidents au Japon, tenue à Tokyo du 1er au 6 mars 2004.

DÉPÔT DU RAPPORT DE LA 12E RÉUNION ANNUELLE DU FORUM PARLEMENTAIRE ASIE-PACIFIQUE, TENUE DU 12 AU 14 JANVIER 2004

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport du Groupe interparlementaire Canada-Japon/ Association législative Canada-Chine de la 12e réunion annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique (FPAP), tenue à Pékin, du 12 au 14 janvier 2004.

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER LE STATUT BILINGUE DE LA VILLE D'OTTAWA

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je donne avis que, le 20 avril 2004, je proposerai:

Que les pétitions demandant au Sénat de déclarer la ville d'Ottawa, la capitale du Canada, une ville bilingue soient renvoyées au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude;

Que le Comité considère le mérite de modifier l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867;

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 21 octobre 2004.

[Traduction]

LES LANGUES OFFICIELLES

LE STATUT BILINGUE DE LA VILLE D'OTTAWA—PRÉSENTATION D'UNE PÉTITION

L'honorable Nick G. Sibbeston: Honorables sénateurs, je suis originaire d'une région du Canada où de nombreuses langues officielles sont reconnues, notamment plusieurs langues autochtones. J'ai l'honneur aujourd'hui de déposer, conformément à l'alinéa 4h) du Règlement, des pétitions signées par 35 personnes demandant de déclarer Ottawa, la capitale du Canada, ville bilingue reflétant la dualité linguistique du pays.

Les pétitionnaires prient le Parlement de considérer les points suivants:

Que la Constitution du Canada reconnaît le français et l'anglais comme les deux langues officielles de notre pays, ayant un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du gouvernement du Canada;

Que l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 désigne la ville d'Ottawa comme le siège du gouvernement du Canada;

Que les citoyens ont le droit, dans la capitale nationale, d'avoir accès aux services offerts par les institutions du gouvernement du Canada dans la langue officielle de leur choix, soit en français, soit en anglais;

Que la capitale du Canada doit être le reflet de la dualité linguistique qui est au cœur de notre identité collective et qui caractérise la nature même de notre pays;

Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement de confirmer dans la Constitution du Canada qu'Ottawa, la capitale du Canada, doit être déclarée officiellement bilingue en vertu de l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 à 1982.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LA NOMINATION DE M. BHUPINDER LIDDAR AU POSTE DE CONSUL GÉNÉRAL À CHANDIGARH, EN INDE

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le leader voudrait-il nous informer de l'état actuel de la nomination de M. Bhupinder Liddar au poste de consul général à Chandigarh? M. Liddar ira-t-il ou non?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai rien d'autre à ajouter.

Le sénateur Comeau: Cela devient une caractéristique troublante de ce gouvernement. Nous avons été témoins de gestes similaires dans le passé contre Brian Mulroney. Nous savons ce qui est arrivé à François Beaudoin. Je ne nommerai pas les autres. Le leader du gouvernement au Sénat ne convient-il pas qu'il est grandement temps que le gouvernement protège la réputation de Canadiens distingués au lieu de la souiller?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je suis entièrement d'accord que la réputation de Canadiens ne devrait jamais être ternie par leur gouvernement sans raison valable. Dans le cas qui nous intéresse, rien n'indique la raison pour laquelle on retarde la nomination, mais il n'y a certainement rien non plus qui laisse entendre qu'on veuille miner la réputation de M. Liddar.

Le sénateur Comeau: Le leader du gouvernement vient de le répéter. On n'agirait pas ainsi sans raison valable. Faites-le ou laissez tomber. Quelle est la cause? Dites-le-nous afin que les Canadiens cessent de s'inquiéter de voir ce genre d'incertitude perdurer. Dans le cas de Brian Mulroney, l'incertitude a régné pendant des années. Finalement, il a eu son procès et a gagné. M. Liddar devra-t-il en arriver là pour restaurer sa réputation? Une épée de Damoclès pend au-dessus de sa tête.

(1500)

Le sénateur Austin: Malheureusement, honorables sénateurs, il faut du temps pour faire les choses en bonne et due forme. Cependant, c'est absolument nécessaire pour prendre une décision équilibrée. En pareil cas, il va sans dire que la patience est toujours de mise.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question supplémentaire au leader du gouvernement au Sénat. Je le crois quand il affirme qu'il ne participerait pas à de telles activités. Cependant, nous savons que cela s'est produit. Il s'agit d'un abus de pouvoir. Le ministre peut-il dire aux Canadiens ce que fait le présent gouvernement pour éviter que nous assistions de nouveau à un tel épisode, notamment marqué par une chasse aux sorcières et des attaques personnelles?

Le sénateur Comeau: Stevie Cameron!

Le sénateur St. Germain: Je ne veux pas donner de noms.

J'éprouve le plus profond respect pour le sénateur Austin en tant qu'individu et je sais que le ministre ne ferait pas une pareille chose à titre personnel. Toutefois, cela s'est produit. L'affaire a fait la manchette et nous savons tous qu'elle a eu lieu. Quelle mesure correctrice le présent gouvernement met-il en oeuvre pour interdire ces attaques personnelles malveillantes et ces abus de pouvoir qui viennent du cabinet du premier ministre et d'ailleurs?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je nie catégoriquement que le gouvernement se soit livré à des attaques malveillantes et à des abus de pouvoir.

Si le sénateur St. Germain parle des mesures prises par la Gendarmerie royale du Canada, il sait sûrement que ce corps policier a pris de son propre chef des décisions indépendantes, en vertu du pouvoir que lui a conféré le Parlement. Le gouvernement n'a pas à s'immiscer dans les décisions que prend la GRC dans le cadre de ses enquêtes. Si le sénateur St. Germain estime que le gouvernement a abusé de son pouvoir, j'aimerais qu'il fasse état d'une situation précise pour que nous puissions parler de cas tangibles et non de prétendus abus de pouvoir faisant l'objet de déclarations sans fondement qui ne sont rien de plus que des paroles en l'air.

Le sénateur St. Germain: Je peux affirmer au ministre qu'il ne s'agit pas d'allégations sans fondement et de paroles en l'air. Je vais citer des noms: Allan Rock et Stevie Cameron. Voilà deux exemples. Il y a aussi l'exemple d'une attaque malveillante contre un ancien premier ministre, un grand Canadien, quelqu'un qui a apporté une remarquable contribution à notre pays. Peu importe comment on analyse l'affaire, il a été malicieusement attaqué. Le gouvernement lui a remis 2 millions de dollars à cause de l'injustice qu'il avait subie et, pourtant, mon honorable collègue déclare ici aujourd'hui et que ces abus n'ont pas eu lieu.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, il ne sert à rien de rappeler dans quelles circonstances un ancien premier ministre, le très honorable Brian Mulroney, a réglé les litiges qui l'opposaient au gouvernement du Canada. Il a demandé que cette affaire soit oubliée, mise au rancart. Je ne comprends pas pourquoi le sénateur St. Germain tient à citer constamment le nom de M. Mulroney et à rappeler aux Canadiens ces événements qui appartiennent au passé.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai déjà posé cette question auparavant. Est-ce maintenant la pratique et la politique du gouvernement d'obtenir une autorisation de sécurité complète avant de nommer un chef de mission?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je crois comprendre qu'il est usuel d'obtenir des informations de sécurité relativement à toute personne susceptible d'être nommée par décret. Il s'agit d'une pratique de longue date.

Le sénateur Andreychuk: Selon la pratique en vigueur, lorsqu'on recommande quelqu'un en vue d'une nomination, la personne doit obtenir une autorisation de sécurité avant la promulgation du décret. Si cette règle a été suivie dans le cas de M. Liddar, l'honorable leader du gouvernement au Sénat est-il en train de nous dire que la GRC a assuré que l'autorisation de sécurité avait été accordée, mais que, entre-temps, un événement s'est produit qui justifiait une enquête, ou le leader dit-il plutôt que c'est la première enquête qui est maintenant en cours?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je n'ai aucune information à vous offrir au sujet du processus d'octroi de l'autorisation de sécurité dans ce cas précis. Je ne peux suivre madame le sénateur Andreychuk sur la piste de ses spéculations.

Le sénateur Andreychuk: Nous ne sommes pas au bal; permettez-moi de décliner l'offre.

Le sénateur Austin: J'irais volontiers à d'autres soirées dansantes avec vous cependant.

Le sénateur Meighen: Arrêtez de valser autour de la question!

Le sénateur Andreychuk: Ce n'est ni un tango ni une valse. C'est une question simple. La responsabilité revient au gouvernement. Il continue de réclamer de nouvelles mesures législatives pour assurer la sécurité des Canadiens. Or, la façon de garantir cette sécurité, c'est d'appliquer les pratiques et les politiques existantes.

Lorsqu'un chef de mission se rend à l'étranger, il a le pouvoir de prendre des engagements au nom de l'État. Sans une autorisation de sécurité complète, il ne devrait pas être nommé. Comme la nomination de M. Liddar a été annoncée, je présume qu'il a obtenu son autorisation. Il a donc dû y avoir une enquête en bonne et due forme de la GRC et une enquête du SCRS, et le gouvernement a dû recevoir des assurances.

Le gouvernement devrait répondre qu'il a demandé une autorisation et qu'elle a été reçue avant la nomination. J'admets que le leader ne peut entrer pour l'instant dans le détail des enquêtes de la GRC, mais le gouvernement a-t-il respecté la règle voulant que l'autorisation de sécurité précède la nomination? C'est la responsabilité du gouvernement, pas celle de la GRC ou du SCRS.

Le sénateur Austin: Comme je l'ai dit en réponse à la première question complémentaire du sénateur Andreychuk, j'ai la certitude que le gouvernement se conformera à la politique établie depuis longtemps, mais je n'ai aucune information particulière sur l'affaire en cause.

Le sénateur Andreychuk: Pourrais-je demander au leader du gouvernement au Sénat d'examiner la question et de vérifier si l'autorisation a été obtenue? Pourrions-nous avoir une réponse écrite en temps et lieu?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je doute fort de pouvoir obtenir de l'information à ce sujet avant que la nouvelle ne soit annoncée par le ministre des Affaires étrangères.

Le sénateur Andreychuk: Je ne demande aucun renseignement de sécurité, et je ne demande pas non plus d'évaluations que le gouvernement aurait faites. Je veux simplement savoir si le gouvernement a obtenu une autorisation de sécurité avant de faire la nomination, ou s'il a fait la nomination avant de l'obtenir. Il s'agit d'une responsabilité du gouvernement, et cette information devrait être à la disposition du public. Je demande si le gouvernement s'est conformé à la politique. Lorsque nous dépêchons des représentants à l'étranger, il est extrêmement important qu'ils aient la confiance pleine et entière des Canadiens et qu'ils aient l'autorisation de sécurité. Le gouvernement a la responsabilité de donner cette assurance aux Canadiens. S'il n'y a pas eu d'autorisation, nous devons le savoir; s'il y en a eu une, nous devons le savoir aussi. Quant au contenu de l'autorisation, nous n'avons pas à le connaître.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je suis persuadé qu'en temps voulu le renseignement demandé par le sénateur Andreychuk pourra être obtenu, sous réserve du droit à la protection des renseignements personnels dont bénéficie cette personne en vertu de la loi canadienne.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, l'homme en question a déclaré publiquement renoncer à son droit de ne rien révéler de ses renseignements personnels.

Honorables sénateurs, le Sénat ajourne aujourd'hui ses travaux et pourrait les reprendre ou non le 20 avril. L'affaire en question devient fort embarrassante. À la lecture du Hill Times, on se rend compte que des noms sont lancés par M. Cléroux, notamment celui de Stan Darling. J'ignore combien de sénateurs connaissent Stan Darling, mais il est honnête et droit comme une flèche. Nul ne peut trouver une personne plus méritoire que Stan Darling à la Chambre des communes.

Le nom de M. Corbett y figure également, pour lequel M. Liddar a travaillé; le sénateur Forrestall est également mentionné. Ces noms figurent dans l'article de M. Cléroux; je peux donc me permettre de les citer. Des noms comme celui de Joe Clark ont également été lancés. Des noms qui remontent à 20 ans. Mon nom figure également dans l'article. Ce serait beaucoup plus tragique si je devais dire exactement ce qui s'est passé. Je vais m'en abstenir parce que ce serait trop embarrassant et cela sèmerait trop de division. J'espère que le ministre écoute attentivement. Ce serait trop tragique et cela créerait trop de division. Il se trouve que le sénateur Macquarrie avait des opinions ou des vues qui n'étaient pas populaires à son époque; je n'ai pas eu de relations personnelles avec lui, hormis de savoir que nous nous sommes trouvés à partager la même opinion. Pour de nombreux sénateurs, il a été un grand mentor. Le sénateur Macquarrie n'était pas stupide. Il a été un grand historien et un grand érudit.

(1510)

Des noms sont lancés. La communauté sikhe au Canada gagne en nombre. Le Canada change substantiellement. Il y a des centaines de milliers de nouveaux Canadiens. Ils se demandent ce qui se passe. Qu'est-ce que cet homme a fait de mal? Assistons-nous à une chasse aux sorcières? Je l'ignore. Ayant siégé 40 ans au Parlement, je sais de quoi je parle, monsieur.

Le sénateur Stratton: La question!

Le sénateur Prud'homme: Comme vous le savez, il y a 30 ans, j'ai rencontré le commissaire de la GRC. J'avais demandé la cote de sécurité et j'étais très confiant dans ma requête.

Puisque nous sommes sur le point d'ajourner, le leader accepterait-il de transmettre la question aux autorités compétentes? Je garde mon calme à ce sujet, car je sais à quel point l'affaire pourrait s'enflammer et devenir explosive si ça traîne trop longtemps. C'est injuste pour M. Liddar.

Le sénateur Stratton: La question!

Le sénateur Prud'homme: J'ignore qui parle ainsi. Qui veut que je pose la question?

Son Honneur le Président: Sénateur Prud'homme, pourriez-vous en venir à votre question?

Le sénateur Prud'homme: J'aimerais que le gouvernement sache à quel point nous, comme sénateurs, entretenons une préoccupation pour les droits des Canadiens.

Le sénateur Austin: Je tiens à assurer au sénateur Prud'homme, de même qu'au sénateur Andreychuk, que les points de vue qu'ils ont exprimés sur cette question seront transmis au ministre des Affaires étrangères.

LA SANTÉ

LE FINANCEMENT À LONG TERME

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Un discours prononcé par le premier ministre à Winnipeg, vendredi dernier, a lié tous les espoirs en ce qui a trait au financement des soins de santé au résultat de la réunion des premiers ministres qui aura lieu cet été. Le Dr Sunil Patel, président de l'Association médicale canadienne, a dénoncé la décision du premier ministre de remettre la discussion à l'été en disant:

Si nous continuons à discuter et à tergiverser ainsi, cela pourrait bien sonner le glas du régime de santé publique au Canada.

Le gouvernement fédéral a-t-il prévu des solutions de rechange pour assurer le financement à long terme des soins de santé au cas où les provinces n'arriveraient pas à s'entendre cet été?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la question du sénateur Keon porte sur deux choses. Tout d'abord, une lutte concertée contre les problèmes auxquels le régime canadien de soins de santé est confronté et dont le sénateur a parlé dans la question qu'il a posée précédemment au Sénat exige la collaboration du gouvernement fédéral et des provinces en vertu de notre Constitution. Comme nous le savons bien, le rôle du gouvernement fédéral est principalement financier. Ce sont les provinces qui administrent le programme. Ce sont elles qui déterminent les priorités en vertu des pratiques actuelles. Deux conditions doivent être remplies pour que nous puissions ajouter de nouveaux articles au programme, c'est-à-dire une entente et des fonds. C'est ce à quoi doit servir la rencontre du mois de juillet.

Pour ce qui est de la deuxième partie de la demande du sénateur, je ne crois pas qu'il soit utile de répondre à une telle question hypothétique qui se résume à: «Qu'est-ce que le gouvernement fera s'il n'y a pas d'entente?» Le premier ministre prend toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que les provinces comprennent que le gouvernement du Canada veut que cette conférence soit un succès et qu'il est prêt à accroître le financement du régime de soins de santé, à condition qu'on en arrive à une entente quant aux objectifs et à l'obligation de rendre compte à l'égard de l'utilisation de ces fonds par la province.

J'aimerais également ajouter dans cette réponse, qui est déjà un peu longue, que le Conseil de la santé du Canada est conçu pour jouer le rôle d'un groupe de pairs critique, selon l'entente entre le gouvernement et les provinces, pour l'établissement de nouveaux objectifs au chapitre des soins de santé.

Le sénateur Keon: Je remercie le leader du gouvernement de sa réponse. Il est effectivement injuste de lui demander de formuler des hypothèses, mais je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que, à court terme, le gouvernement devra débourser davantage. Toute personne qui aborde cette question avec sincérité reconnaîtra également que l'argent n'est pas la réponse aux problèmes, et qu'il faudra beaucoup plus, notamment de la planification, de la communication, pour assurer la viabilité financière du système dans sa forme actuelle.

Nous accuserons un sérieux recul si, à court terme, des fonds ne sont pas dégagés pour assurer le fonctionnement du système jusqu'à ce que nous ayons conçu un plan directeur. Ma question complémentaire: Le ministre entrevoit-il des déboursés avant que tout ne soit réglé?

Le sénateur Austin: Comme le sénateur Keon le sait, cette assemblée a adopté le projet de loi C-18, et je suis certain que les chèques destinés aux provinces sont déjà dans la poste et que ces dernières recevront bientôt les 2 milliards de dollars versés à titre ponctuel. J'espère que cet argent servira au financement transitoire des opérations actuelles. Nous espérons tous que le gouvernement fédéral et les provinces concluront un accord équilibré qui assurera le respect des normes actuelles applicables aux soins de santé au Canada et même leur amélioration.

LA STRATÉGIE NATIONALE DE LUTTE CONTRE LE CANCER—SON FINANCEMENT

L'honorable Michael A. Meighen: Étant donné qu'avril est le Mois de la jonquille pour la Société canadienne du cancer, j'aurais une question complémentaire à poser au leader du gouvernement au Sénat. Cette question fait suite au discours livré par le sénateur Carstairs, le 23 mars dernier, et à une question générale portant sur le financement des soins de santé posée par le sénateur Keon.

Comme le leader du gouvernement le sait certainement, Santé Canada a établi une Stratégie canadienne sur le VIH-sida, qui cause entre 600 et 700 décès par année, dotée d'un budget de plus de 42 millions de dollars par année. Le ministère a également une Stratégie canadienne sur le diabète, qui cause environ 31 000 décès par année, dotée d'un budget moyen de 23 millions de dollars par année. Or, la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer de Santé Canada — une maladie qui cause près de 60 000 décès par année — est dotée d'un budget de seulement 600 000 $. C'est le montant que Santé Canada affecte à cette stratégie. Pourtant, l'organisme responsable de cette stratégie a élaboré un plan directeur qui vise à réduire sensiblement la morbidité du cancer et le nombre de décès causés par cette maladie au Canada.

Ma question au leader du gouvernement est la suivante: va-t-il chercher à obtenir du gouvernement du Canada l'engagement d'améliorer le financement de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer, pour lui permettre de mettre en oeuvre son plan directeur?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai reçu des appels pressants en ce sens de la part de groupes de lutte contre le cancer et de groupes de recherche de ma propre province, la Colombie-Britannique. Je suis conscient de leurs préoccupations concernant l'appui actuel du gouvernement fédéral à la définition stratégique du travail à faire et de l'établissement d'un réseau de personnes pour lutter contre le cancer au Canada. J'accorde une grande importance à cette intervention de l'honorable sénateur. J'ajouterai vos observations à celles dont j'ai déjà fait part au ministre de la Santé.

Je constate qu'il porte une épinglette pour montrer son appui à la recherche sur le cancer au Canada. J'ai reçu, ce matin à mon bureau, un bouquet de jonquilles en provenance de la Colombie-Britannique.

(1520)

LES ANCIENS COMBATTANTS

L'INDEMNISATION DES ANCIENS COMBATTANTS EXPOSÉS AUX ESSAIS CHIMIQUES—LE PAIEMENT DES FRAIS DE JUSTICE

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, ma question s'adresse de nouveau au leader du gouvernement au Sénat. J'aimerais approfondir une question que j'ai posée le mois passé et à laquelle, malgré tous les obstacles, je sais que je recevrai une réponse. Cette question concernait le misérable dédommagement que le gouvernement a décidé d'offrir aux anciens combattants qui ont servi de cobayes lors des essais de produits chimiques de notre gouvernement.

Honorables sénateurs, cela semble être la réaction préférée de ce gouvernement: ne rien faire pour dédommager nos anciens combattants jusqu'à ce qu'il soit forcé de le faire, habituellement par un procès intenté par les anciens combattants eux-mêmes. Ce cas-ci n'est pas différent. Ce n'est qu'après un long et coûteux recours collectif par les anciens combattants que le gouvernement a accepté de les dédommager en partie.

Cela signifie que les anciens combattants qui ont intenté le procès ont accumulé des frais de justice considérables, qu'ils doivent aujourd'hui régler.

Je pose la question suivante au leader: Maintenant que le gouvernement a décidé d'indemniser les anciens combattants, le leader va-t-il tenter de convaincre son collègue, le ministre des Anciens combattants, d'accepter de payer ces frais de justice, en plus du montant du dédommagement? Comme il le sait très bien, sans le procès, il n'y aurait pas eu de dédommagement. Les anciens combattants sont maintenant forcés d'acquitter une facture très élevée. Il me semble que l'équité et la justice exigent que le gouvernement paie ces frais de justice.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je transmettrai cette instance au ministre des Anciens combattants.

Cependant, je tiens à rappeler que tous les ministres sont tenus de suivre les avis du ministre de la Justice, représenté par le ministère de la Justice. Je crois qu'il serait possible pour le ministre des Anciens combattants et moi de rencontrer le ministre de la Justice pour discuter de cette question.

VIA RAIL

LE BUDGET—LA RÉDUCTION DU BUDGET D'IMMOBILISATIONS DE LA SOCIÉTÉ

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne VIA Rail.

De récents articles de journaux font ressortir le fait que le premier ministre Paul Martin, ancien propriétaire de la société de transport par autocar Voyageur, n'était pas reconnu comme un ami de VIA Rail, comme il l'a montré en sabrant les services offerts par cette compagnie dans ses premiers budgets.

Avant d'arriver au Cabinet, M. Martin critiquait ouvertement VIA Rail, comme en témoigne cet extrait d'un article publié dans le Globe and Mail du 10 mars 1989:

«On se sert de VIA Rail pour détruire Voyageur», accuse-t-il, ajoutant que les subventions fédérales versées à la société d'État créent une situation de concurrence déloyale.

Le leader du gouvernement pourrait-il dire au Sénat si la décision de réduire le budget d'immobilisations de VIA Rail dans le récent budget était celle du ministre des Finances seul ou si le premier ministre a joué un rôle dans cette décision?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, ai-je bien entendu le sénateur Oliver citer un article de journal datant du 10 mars 1989?

Le sénateur Oliver: Oui.

Le sénateur Austin: C'était à l'époque où le gouvernement du très honorable Brian Mulroney était au pouvoir. Est-ce exact? Si c'était bien le cas, Paul Martin ne siégeait pas du côté ministériel et, en fait, en tant que député d'arrière-ban, il avait le droit d'avoir et de gérer des investissements.

Je ne comprends pas très bien la question; le sénateur pourrait peut-être la reformuler.

Le sénateur Oliver: La question, honorables sénateurs, me paraît très claire. Le Globe and Mail du 10 mars 1989 rapportait une citation de M. Martin, qui, en tant que propriétaire de la société de transport par autocar Voyageur, disait qu'on se servait de VIA Rail pour détruire Voyageur. Il ajoutait que les subventions fédérales versées à VIA Rail, une société d'État, créaient une situation de concurrence déloyale. C'est ce que rapportait le Globe and Mail.

La question est la suivante: si c'est ce qu'il pensait à l'époque, la décision de réduire le budget d'immobilisations de VIA dans le plus récent budget venait-elle de lui?

Le sénateur Austin: Le sénateur me demande de spéculer de façon inutile, et je n'ai aucunement l'intention de me prêter à ce jeu.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

L'IRAK—LA MORT POSSIBLE DE CITOYENS CANADIENS

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je vais poser quelques petites questions au leader du gouvernement au Sénat. D'abord, le ministre sait-il si, à ce jour, les EH-101 Cormorant ont été remis complètement en service?

Ma question porte sur les Canadiens qui ont participé à la guerre en Irak. Avant de commencer, je tiens à exprimer ma plus profonde sympathie aux familles de ceux qui ont perdu la vie dans cette guerre mais aussi à celles de ceux qui ont été blessés.

Le 2 mars 2004, le quotidien britannique londonien Independent a rapporté qu'un groupe de terroristes peu connu, appelé Jaysh Ansar al-Sunnah, a prétendu dans un enregistrement vidéo avoir tué des agents de renseignement canadiens et britanniques près de Yusufiyah, le 5 janvier.

Le leader du gouvernement peut-il nous dire s'il y a eu des fonctionnaires du gouvernement canadien, permanents ou contractuels, qui ont été tués en Irak depuis l'invasion menée par les États-Unis?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, pour être en mesure de fournir une réponse précise, je vais devoir m'informer et je répondrai au sénateur Forrestall dès que possible.

Comme j'ai la parole, pour donner suite à une question que le sénateur Forrestall m'a posée hier, je voudrais attirer l'attention sur la publication, aujourd'hui, d'un document intitulé «Un comité parlementaire chargé de la sécurité nationale», qui est un document de consultation destiné à orienter la création d'un comité de parlementaires mandatés pour examiner la sécurité nationale.

Le sénateur Forrestall: Le ministre pourrait-il nous envoyer ce document?

J'ai une courte question complémentaire. J'hésite à la poser, mais le Toronto Star a rapporté l'autre jour que Richard Flynn, âgé de 54 ans, de Mississauga, un agent retraité de la GRC, a été tué dans une attaque à la bombe, le 5 janvier, près de Falloujah.

Le leader du gouvernement pourrait-il nous dire si cet ancien membre de l'équipe de protection des dignitaires de la Gendarmerie royale du Canada était au service d'un ministère ou d'une agence du gouvernement au moment où il a péri tragiquement dans cet incident?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, l'information dont je dispose est qu'il a pris sa retraite de la fonction publique et qu'il était à l'emploi d'une société privée.

LE COMMERCE INTERNATIONAL

LES ÉTATS-UNIS—L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE—L'OUVERTURE DE LA FRONTIÈRE AUX EXPORTATIONS DE BOEUF

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, j'ai une question rapide pour le leader du gouvernement au Sénat. La maladie de la vache folle a été très bien gérée par le gouvernement et, en particulier, par les autorités sanitaires qui ont agi ensemble pour essayer de faire rouvrir la frontière. Le ministre a-t-il de nouvelles informations sur la possibilité que la frontière rouvre prochainement?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, non, je n'en ai pas. Comme l'honorable sénateur le sait bien, nous attendons la fin de la période de consultation qui a été décidée par le département de l'Agriculture des États-Unis. Je crois comprendre que cette date est le 7 avril, c'est-à-dire dans une semaine, ce qui est évident. J'espère, comme je sais que l'honorable sénateur l'espère aussi, que peu après cette date, nous recevrons un signal des États-Unis.

LE NUNAVIK

LE COÛT DE LA VIE—LE RÉGIME FISCAL DISCRIMINATOIRE—PRÉSENTATION DE PÉTITIONS

Permission ayant été accordée de revenir à la présentation de pétitions:

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter une pétition de 94 ménages de la municipalité nordique d'Inukjuak, ce qui porte le total à 246 ménages de la région du Nunavik.

Les pétitionnaires prient le Sénat prenne en considération les éléments suivants:

Que les villages du Nunavik sont des collectivités nordiques isolées sans accès routier pour les biens et services payés par les contribuables et facilement accessibles dans l'ensemble du Sud du Canada;

Que le coût de la vie dans les villages nordiques du Nunavik est supérieur de 150 à 200 p. 100 à celui du Sud du Canada, la moyenne étant 182 p. 100;

Que le coût de la vie élevé au Nunavik et que la production des déclarations de revenus, dont les formulaires ne sont pas en langue inuite, constituent un fardeau pour le habitants de ces villages;

Que les habitants du Nunavik qui ne produisent pas de déclaration de revenus sont privés de remboursements appréciables auxquels ils ont droit;

Que ces conditions donnent lieu à des griefs légitimes et alimentent le mécontentement parmi les habitants du Nunavik;

Que l'égalité devant la loi exige non seulement qu'on traite les gens de la même manière, mais encore qu'on leur donne des chances et un accès égaux;

Par conséquent, vos pétitionnaires prient que le Sénat:

a) d'étudier leurs griefs énoncés dans la présente pétition, les discriminations systématiques faites à leur encontre par le régime fiscal et toutes les autres questions qu'il jugera pertinentes, dans le but de recommander des mesures susceptibles de faire la promotion d'un traitement équitable et du bien-être des habitants du Nunavik; et

b) d'exhorter le gouvernement du Canada à donner suite sans délai à ces griefs.


(1530)

ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI SUR L'ENREGISTREMENT DE RENSEIGNEMENTS SUR LES DÉLINQUANTS SEXUELS

TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Pearson, appuyée par l'honorable sénateur Poulin, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-16, Loi concernant l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, à propos du projet de loi C-16, le sénateur Cools m'a posé une question sur la situation dans laquelle les agents de police se trouvent lorsqu'il doivent enquêter sur des crimes contre des enfants et des femmes.

Je dirai simplement qu'intervenir dans des cas de ce genre est une des choses les plus pénibles qu'un agent de police ait à faire. Les auteurs de ces crimes sont en général des personnes vivant seules, alors que beaucoup d'autres types de crimes requièrent habituellement la participation de plus d'une personne.

N'importe qui peut commettre ces crimes horribles contre les enfants et les femmes. Ce pourrait être votre voisin de palier. En deux mots, c'est cela qui complique tellement le travail des policiers, d'où l'importance de créer un registre de ces délinquants.

L'honorable Consiglio Di Nino: Sénateurs, je suis heureux d'intervenir dans le débat de troisième lecture sur le projet de loi C-16. Ce projet de loi créerait un registre national des délinquants sexuels, et les sénateurs de ce côté-ci du Sénat l'appuient.

Le projet de loi C-16 a été adopté à l'autre endroit sous le numéro C-23 au cours de la deuxième session de la 37e législature, mais le mérite de l'initiative ne revient pas vraiment au gouvernement. Ce serait simplifier indûment les choses que d'en faire une initiative ministérielle. En fait, il n'existerait probablement pas n'eût été des efforts infatigables de Jim et Ann Stephenson, dont le fils, Christopher, a été tué par un délinquant sexuel. M. et Mme Stephenson ont convaincu la province de l'Ontario de créer un registre des délinquants sexuels et ont continué de faire des démarches pour obtenir la création d'une base de données nationale. À force de temps et de patience, toutes les provinces ont fini par s'entendre et par demander au gouvernement fédéral de constituer ce registre.

Le registre des délinquants sexuels sera utile aux forces de l'ordre qui enquêtent sur des agressions sexuelles, des rapts d'enfants, des homicides et d'autres crimes d'ordre sexuel. Le registre aidera également ceux qui ont été accusés de ces infractions en leur permettant d'être rapidement lavés d'un soupçon dans des enquêtes sur des crimes d'ordre sexuel.

Le projet de loi est modéré. Le registre n'est pas public. Les renseignements seront accessibles aux policiers, et non aux voisins. Bien que certains aient dit que le projet de loi n'est pas assez sévère, les témoignages semblent montrer qu'il s'agit de la meilleure approche. Elle accroîtra l'obligation du délinquant à respecter la base de données et évitera de stigmatiser les délinquants qui ont purgé leur peine.

Le projet de loi C-16 est très louable. Cela dit, il ne devrait pas être adopté sans que nous reconnaissions qu'il est loin d'être parfait. Pour reprendre le vieux dicton, la perfection est l'ennemi du bien. C'est pourquoi nous appuyons ce projet de loi, même s'il recèle des lacunes. Il constitue un bon point de départ et il sera possible de l'améliorer avec le temps, mais nous nous en voudrions de ne pas le critiquer publiquement.

Lorsque j'examine ce projet de loi, il m'apparaît évident que le gouvernement veut qu'on perçoive qu'il établit un registre des délinquants sexuels, mais, au fond, je soupçonne que certains membres du gouvernement trouvent l'idée déplaisante. Je présume qu'ils voient ce registre comme une question brûlante de maintien de l'ordre préconisée par la droite, qu'ils sont obligés d'établir pour des raisons politiques, mais qu'ils n'inscriraient pas normalement à leur programme politique. Cela est évident non seulement parce que les peines sont si légères, mais parce qu'il faut surmonter bien des obstacles avant de pouvoir faire inscrire un nom dans le registre.

Au comité, un témoin, le professeur Allan Manson, a dit qu'un registre des délinquants sexuels était une perte d'argent. Il a dit qu'il n'était pas très rentable. J'estime que son opinion reflète le véritable point de vue de certains membres du gouvernement et de la société. Il a dit que le registre coûterait trop cher et nous donnerait l'impression d'agir, alors qu'il nous empêcherait de prendre d'autres initiatives. Il a semblé justifier cela en disant que le nombre de crimes d'ordre sexuel n'était pas élevé.

Je vous demande, honorables sénateurs, que vaut une vie? Le professeur Manson a cité l'étude faite au Massachusetts sur la question du registre des délinquants sexuels. Il a dit que les chercheurs avaient étudié les homicides commis par le passé et avaient conclu que, si un registre des délinquants sexuels avait existé, il aurait fait une différence dans seulement quatre homicides sur 136. Pour lui c'était une condamnation, pour moi c'est une victoire. Le registre aurait permis de résoudre quatre de ces crimes odieux, et ce chiffre n'inclut pas les enlèvements et les agressions sexuelles qui n'aboutissent pas à un homicide.

Quand on l'a interrogé au sujet des autres catégories de victimes, il n'avait pas de chiffres à nous donner, mais il a fait remarquer que 79 p. 100 des agressions sexuelles contre les enfants sont perpétrées dans leur foyer par un membre de leur famille. Pour lui, c'était une condamnation alors que, pour moi, cela signifie que, dans 20 p. 100 des cas, un registre aurait été utile. Et même si ce n'était qu'un quart de ce chiffre, 5 p. 100, le coût en vaudrait la peine.

Ces statistiques ne font pas état des délinquants sexuels qui se tiennent sur leurs gardes parce qu'ils savent qu'on les surveille. Elles ne font pas non plus état de l'efficacité accrue avec laquelle la police pourra maintenant écarter les anciens délinquants sexuels et se concentrer sur d'autres aspects de leur enquête. Elles ne tiennent pas compte non plus des cas où des femmes qui, ayant été agressées sexuellement par un étranger, se souviennent de certaines de ses caractéristiques, un tatouage ou une cicatrice par exemple. La base de données serait très utile, car elle tiendrait compte de manière plus efficace des situations de ce genre et de nombreuses autres.

Prenons un exemple concret. Le jeudi 25 mars 2004, à la page D3, l'Ottawa Citizen racontait l'histoire d'un homme de 33 ans reconnu coupable de possession et de diffusion de pornographie juvénile, et de s'être servi d'Internet pour organiser une rencontre à des fins sexuelles avec ce qu'il pensait être deux jeunes filles de 13 ans, qui a été libéré après avoir passé six mois et demi en prison. Cet homme est en cours de traitement. Les autorités estiment qu'il y a très peu de risques qu'il récidive. Il se pourrait fort bien qu'il mène une vie productive, sans commettre d'autres crimes.

Nous devrions toutefois être au courant de ses allées et venues afin d'assurer la protection de nos enfants. En outre, le fait qu'il soit obligé de se présenter régulièrement lui rappellerait sa condamnation. Elle demeurerait fraîche à son esprit. Avec un peu de chance, cela devrait l'empêcher de récidiver. Cette base de données ne le marque pas au fer rouge, elle le tient raisonnablement en laisse.

C'est un instrument utile qui, je le répète, est loin d'être parfait. À l'étape de la deuxième lecture, j'ai émis un certain nombre de réserves, et j'espérais qu'on y répondrait au comité. Le ministre et les fonctionnaires ont répondu à certaines de mes questions, mais j'ai encore des réserves, et je ne suis pas le seul.

Honorables sénateurs, lorsque je faisais ma recherche sur ce projet de loi, j'ai demandé à la police de Toronto de me donner son avis. L'inspecteur d'état-major Bruce Smollett a acquiescé à ma demande en me faisant part des observations suivantes:

Premièrement, même si on peut entrer de manière rétroactive des données dans la nouvelle banque fédérale, ces données s'appliquent uniquement aux délinquants qui purgent une peine ou qui sont incarcérés à ce moment-là.

Deuxièmement, un enquêteur ne peut accéder à la banque de données fédérale que s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction de nature sexuelle a été perpétrée. Cela présente deux problèmes. D'abord, la police ne peut recourir à la banque de données pour exclure rapidement la possibilité d'un enlèvement à des fins sexuelles. Ensuite, il n'existe aucun pouvoir spécifique d'accéder à la banque de données afin de vérifier si les délinquants se conforment aux ordonnances.

Troisièmement, la divulgation de renseignements concernant les délinquants se trouvant dans la banque de données fédérale ne peut se faire qu'avec l'autorisation du commissaire de la GRC. Celle-ci ne peut déléguer ce pouvoir aux services de police provinciaux ou municipaux. Cela peut devenir un problème si des renseignements de cette banque doivent être communiqués à un bureau de la Couronne.

Quatrièmement, il n'y a pas de dispositions relatives au géocodage. Les enquêteurs ne peuvent chercher dans la banque de données des délinquants vivant dans un rayon donné de l'incident.

Cinquièmement, les délinquants ne doivent signaler un changement d'adresse que 15 jours après avoir changé de domicile. De même, s'ils partent en vacances prolongées, ils ne doivent le signaler que 15 jours après le début de leurs vacances — même par téléphone. Les délinquants devraient plutôt être tenus de signaler tout changement d'adresse ou tout séjour prolongé à l'extérieur de leur domicile 15 jours à l'avance.

L'inspecteur d'état-major Bruce Smollett craignait que «la banque de données fédérale ne serve que de système d'information statistique n'ayant guère d'utilité pratique pour les services de police».

(1540)

D'autres préoccupations ont également été soulevées. Premièrement, au cours des délibérations devant le comité, Tony Cannavino, président de l'Association canadienne des policiers, qui, je dois le préciser, appuie le projet de loi, a fait remarquer qu'un délinquant qui refuse de s'inscrire au registre des délinquants sexuels est passible d'une peine maximale de deux ans, mais qu'un individu qui refuse d'enregistrer son arme au registre des armes à feu est passible d'une peine maximale de dix ans. Lorsqu'on a soulevé ce point en comité, la ministre de la Sécurité publique n'a pu expliquer pourquoi il en était ainsi, se contentant de dire qu'elle jugeait que la comparaison n'était pas utile. Toutefois, ce point est utile. C'est une observation très juste des priorités du gouvernement.

Deuxièmement, comme l'ont souligné des collègues de l'autre endroit, le processus d'inscription au registre est beaucoup trop lourd et risque d'entraîner une application inégale de la loi. Pour inscrire le nom d'un délinquant au registre, le procureur de la Couronne doit présenter une demande à un juge. Si la demande est accordée, le délinquant a accès à des procédures distinctes au moyen desquelles il peut présenter une demande pour que son nom soit rayé du registre s'il juge que la stigmatisation découlant de son inscription a un effet nettement démesuré. Cette situation entraîne une iniquité dans le système puisque certains juges peuvent accéder aux demandes et d'autres, les refuser. D'ailleurs, certains avocats de la Couronne présenteront des demandes et d'autres pas. Une base de données obligatoire et des peines de non-conformité plus sévères permettraient d'améliorer le projet de loi.

Troisièmement, comme je l'ai mentionné dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, il n'est pas obligatoire de verser des photographies des délinquants au registre. À la discrétion du fonctionnaire qui fait l'entrevue avec le délinquant, les photos sont versées ou non au registre. Après enquête, on m'a informé que c'est parce que la base de données des services policiers faisait actuellement l'objet d'une mise à niveau qui permettra d'incorporer des photographies numériques. Il faut surveiller l'évolution de la situation et veiller à ce qu'une fois apportées ces améliorations servent aux fins prévues.

Quatrièmement, une lacune flagrante est que les jeunes contrevenants ne sont pas visés par cette base de données. Je comprends la nécessité de traiter différemment les jeunes contrevenants, mais je ne comprends pas pourquoi ils ne devraient pas être assujettis à cette loi. Ce n'est certainement pas à cause des préjugés. Le gouvernement a répété et répété que la base de données est un outil d'enquête et que seuls les enquêteurs auront accès aux renseignements qu'elle contient. Il a aussi souligné qu'il ne s'agissait pas d'une forme de punition, mais bien de «conséquences administratives».

Honorables sénateurs, j'appuie vigoureusement les programmes qui aident les jeunes en difficulté ou à risque à reprendre le droit chemin. Je m'oppose à ceux qui prônent l'idée de les enfermer quelque part et de jeter la clé, mais nous savons tous que les infractions sexuelles sont souvent le résultat d'un comportement compulsif. Ce comportement explique le taux de récidive élevé chez les délinquants sexuels.

Une nouvelle étude publiée dans le Canadian Journal of Behavioural Studies, qui a fait l'objet d'un article dans le Globe and Mail d'hier, le montre bien clairement. Je cite:

D'après une nouvelle étude, le fait de traiter les délinquants sexuels en détention pour leur comportement déviant a peu d'incidence sur les risques qu'ils récidivent ou qu'ils commettent d'autres infractions une fois qu'ils seront libérés.

L'article rapporte une conclusion de l'étude. Voici:

Il est raisonnable de conclure que, dans l'ensemble, le programme n'a pas eu une grande incidence sur les taux de récidive. Il reste encore beaucoup à apprendre sur les meilleurs moyens d'intervention auprès des délinquants sexuels.

Il me semble que les personnes aux prises avec de telles difficultés devraient être surveillées, peu importe l'âge qu'elles ont.

Enfin, pour ce qui est de l'examen fondé sur la Charte, des représentants du gouvernement ont souligné qu'ils croyaient que la base de données résisterait à l'épreuve, mais certains de mes collègues n'en sont pas convaincus. L'enregistrement rétroactif des délinquants dans la base de données semble être la principale préoccupation, notamment parce que cette nouvelle base de données fédérale renfermera tous les noms des délinquants sexuels devant présentement s'inscrire au registre des délinquants sexuels de l'Ontario. Cela signifie que des délinquants qui auront purgé leur peine figureront dans le registre de l'Ontario. Un autre délinquant qui aurait commis le même type d'infraction au Manitoba ou en Nouvelle-Écosse pourrait ne pas figurer au registre. Comme l'ont signalé plusieurs de mes collègues au sein du comité, cela crée une autre iniquité dans la base de données.

Qu'on me comprenne bien. J'appuie l'application rétroactive des mesures prévues, mais je soulève la question, parce que le gouvernement aurait pu minimiser et même éliminer le problème s'il avait réagi plus rapidement. Le Manitoba a créé un comité consultatif en matière de diffusion de renseignements à la population et l'a chargé d'examiner le cas de délinquants sexuels reconnus qui présentaient un risque élevé de récidive il y a huit ans, soit en 1995. Le président Clinton a fait adopter la Loi de Megan aux États-Unis, en 1996. Il y a trois ans, l'Ontario a mis sur pied son propre registre aux termes de la Loi de Christopher. Si le gouvernement fédéral avait collaboré avec les provinces à ce moment-là, s'il avait créé une base de données nationale de concert avec l'Ontario ou avant même que l'Ontario crée son registre, on aurait pu éviter bien des problèmes. Il a plutôt fallu le supplier d'agir.

Honorables sénateurs, les sénateurs de ce côté-ci appuient la mesure législative. C'est un pas dans la bonne direction. Elle offre un nouvel outil dont les policiers pourront se servir pour mener leurs enquêtes. Elle servira un jour, j'en suis persuadé, à sauver des vies et à empêcher bien des innocents de devenir des victimes. Par contre, nous devons nous montrer vigilants et chercher des moyens d'améliorer la loi au fil du temps.

Le registre doit faire l'objet d'un examen deux ans après sa mise sur pied. J'espère que le gouvernement prendra cet examen au sérieux et veillera à améliorer encore davantage ce nouvel outil à la disposition des policiers et de la société en général.

Honorables sénateurs, je ne me fais pas d'illusions. Le projet de loi C-16 n'éliminera pas, à lui seul, le problème des agressions sexuelles. Même une base de données parfaite ne serait pas la solution à tous les maux. Le simple fait d'avoir à adopter une telle mesure législative prouve à quel point notre société a lamentablement échoué à s'attaquer aux causes profondes de ce problème. Il ne faudrait pas adopter ce projet de loi, nous féliciter d'avoir pris une mesure concrète et oublier à tout jamais ce sujet délicat. Cela ne devrait pas nous empêcher d'élaborer des stratégies et d'accorder des ressources à d'autres programmes pouvant nous aider à prévenir et à combattre ces crimes horribles.

Le projet de loi C-16 est un outil important. Il devrait aider les policiers à accomplir la difficile tâche d'enquêter sur des crimes aussi odieux et contribuer à réduire le taux de récidive. Je voterai en faveur du projet de loi et j'exhorte tous les honorables sénateurs à faire de même.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je voudrais dire quelques mots au sujet de ce projet de loi que j'appuie. Je félicite madame le sénateur Pearson pour son intervention. Elle a décrit avec justesse et passion les raisons pour lesquelles nous devrions adopter ce projet de loi. Je ne reprendrai pas les arguments qu'elle a fait valoir. Elle a bien expliqué la nécessité du registre, et le sénateur Di Nino a fait des observations complémentaires à ce sujet aujourd'hui.

De plus en plus, la population s'attend à ce que cet outil, ce registre, serve l'intérêt des Canadiens. Il est à l'essai ailleurs dans le monde et, par conséquent, il est légitime que le Canada veuille l'essayer aussi. Cependant, j'ai déjà dit que nous ne devons pas nous leurrer. Le registre se heurtera à des difficultés. Ce n'est pas la première fois qu'un projet de loi suscite de graves questions quant à savoir s'il respecte la Constitution et s'il pourrait donner lieu à des contestations fondées sur la Charte. D'autres projets de loi ont été retirés parce qu'ils allaient clairement à l'encontre des principes de la Charte.

Je félicite le gouvernement d'essayer d'arriver à un juste équilibre entre la nécessité de protéger la société et la nécessité d'assurer le respect de la vie privée des délinquants. En fait, il a le devoir de le faire, dans la mesure où les délinquants ont purgé leur peine. Nous devons punir ceux qui commettent des infractions, mais, une fois qu'ils ont purgé leur peine, ils deviennent des citoyens comme les autres. C'est un principe très important de notre société. Le registre va plus loin que cela; il constitue une intrusion dans la vie privée et il stigmatise plus longtemps les délinquants que ne le faisait le modèle de punition classique. Je pense donc que nous devons agir avec prudence en créant le registre des délinquants sexuels.

(1550)

Honorables sénateurs, il existe une tendance qui consiste à adopter des lois et à les publiciser pour faire voir aux gens que nous les protégeons. Comme l'a signalé l'Association du Barreau canadien, par l'entremise de M. Manson, le registre pourrait être une arme à deux tranchants; les gens pourraient croire qu'ils sont maintenant protégés contre les délinquants sexuels et ne pas prendre les autres mesures qui s'imposent.

À la suite des discussions que nous avons eues au sein de notre comité, le sénateur Di Nino a déjà signalé que nous devons nous montrer vigilants pour garantir qu'il existe d'autres mécanismes et moyens de soutenir ceux qui pourraient être vulnérables dans notre société. Par conséquent, ce projet de loi n'est pas la solution ultime. C'est simplement un outil, et un outil qui présente des faiblesses.

Il est important de regarder le revers de la médaille. C'est ce qu'a fait l'Association du Barreau canadien, qui représente les avocats de la défense et les procureurs de la Couronne.

À la page 1530-3 du compte rendu des témoignages déposés le 24 mars 2004 devant le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, M. Manson a dit:

Je pense qu'il est important de comprendre pourquoi nous croyons que c'est une mauvaise politique. Cela pave la voie à d'éventuelles difficultés mettant en cause la Charte parce que si l'on suppose qu'à un moment donné, il pourrait y avoir des contestations constitutionnelles, les mêmes facteurs s'appliqueront pour ce qui est la justification prévue à l'article 1.

M. Manson a poursuivi en disant:

Nous croyons que le programme envisagé, comme d'ailleurs n'importe quel registre des dédlinquants sexuels, n'accomplira pas grand-chose, coûtera très cher et détournera l'attention des véritables sources de risque pour les enfants et les autres personnes vulnérables. Cela détournera l'attention de l'élaboration de stratégies potentielles pour diminuer ces risques, car tous doivent convenir que tel est bien l'objet de la création d'un tel programme, je veux dire le besoin de protéger les personnes vulnérables au sein de la collectivité, en particulier les enfants.

En réponse à une autre question posée par l'Association du Barreau canadien, la ministre a dit qu'elle ne pensait pas qu'il s'agissait d'une punition, que la création d'un registre en vertu du projet de loi C-16 allait fournir un outil d'enquête utile. La ministre a établi un parallèle avec la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques. Toutefois, lorsque M. Manson est venu témoigner devant le comité, je lui ai posé la question suivante:

Ce qui est troublant, c'est que dans son argumentation, le gouvernement dit que le fait d'être inscrit dans un registre ne constitue pas une punition. C'est un outil d'enquête et c'est à l'avantage des gens inscrits au registre tout autant que des gens qui pourraient un jour ou l'autre être victimes d'un prédateur sexuel. On affirme que les empreintes génétiques ont permis de disculper des criminels reconnus coupables aussi souvent que de confondre des criminels. Croyez-vous que le registre des délinquants sexuels est un élément de punition du crime qui a été commis, ou bien qu'il s'agit purement et simplement d'un outil d'enquête, une condition exigée mais pas nécessairement punissable?

Dans sa réponse, M. Manson a déclaré:

La création d'un fardeau qui empiète sur la liberté des gens doit être considérée comme un élément de la punition. On punit les gens en les obligeant à se présenter physiquement, mais surtout, ce qui est encore plus important, en assujettissant les gens à des pénalités potentielles s'ils ne se présentent pas.

M. Manson a ajouté:

Je pense qu'il est faux de supposer qu'il s'agit d'un outil d'enquête. C'est très improbable; ce n'est pas comme la banque d'empreintes génétiques.

Lorsqu'on lui a demandé quel type d'outil d'enquête respecterait la Charte, comme en témoigne la page 1530-9, il a déclaré ce qui suit:

Je vous reporte à un rapport du juge Archie Campbell de la Cour supérieure de l'Ontrario sur l'affaire Bernardo. On avait créé un groupe de travail formé d'une seule personne pour examiner cette affaire.

Soit dit en passant, c'est également le juge qui participait à l'enquête sur le SRAS. M. Manson a ajouté:

Il a fait une enquête longue et détaillée sur l'affaire Bernardo, s'intérrogeant sur les dérapages de cette enquête et se demandant pourquoi cela a pris tellement de temps, et cetera, et il parle beaucoup d'un nouveau logiciel qu'utilisent bon nombre de services de police. Cela s'appelle VIClass. Il sert à repérer les délinquants violents au moyen de caractéristiques de l'infraction. Je crois savoir que la plupart des services de police les plus perfectionnés au Canada s'en servent maintenant. Ce logiciel est un «outil». Il ne crée aucun fardeau, aucune pénalité. Cela veut dire que quand on fait enquête sur l'affaire X et que l'on intente des poursuites contre un délinquant, on inscrit tous les faits dans une base de données qui est à la disposition de tous les autres services de police. Les policiers de Vancouver, Saskatoon ou Restigouche peuvent se brancher et se dire: «Nous avons chez nous un cas semblable. Ce type là est-il passé dans notre province»? C'est un outil logique. L'ADN est un autre outil logique.

Il a ajouté que le registre n'était pas très sensé par contre.

M. Manson a émis une grande réserve. Il estime que cette mesure ne passera pas et qu'elle sera considérée comme un élément de la punition. Je pense que nous devons suivre l'évolution de cette mesure législative pour voir quelle école de pensée a raison.

Après avoir déclaré que c'était une mauvaise politique, M. Manson a précisé, à la page 1530-3, qu'il avait de graves réserves relatives à la Charte. Il a notamment dit que le projet ne permettrait pas d'arrêter les gens coupables d'homicide. Il a déclaré:

En 2001, sur 554 homicides au Canada, 39 étaient des meurtres d'enfants de moins de 12 ans. Trente ont été tués par leurs parents, six par des amis et des membres de leur parentés et seulement trois par des étrangers.

Il a averti qu'il était inutile de prendre d'autres personnes dans ce filet, qu'en fait, les enfants sont vulnérables dans leurs propres foyers et que nous devons nous pencher sur les familles dysfonctionnelles.

Il a ajouté:

Si l'on examine la nature de ce type de registre et si l'on écoute l'argument de la police voulant que cela aidera à mener des enquêtes et à arrêter les gens qui ont perpétré des crimes de cette nature, en particulier des crimes contre des enfants et d'autres personnes vulnérables, il ne faut pas perdre de vue qu'il y a trois conditions préalables pour que cela puisse se réaliser.

La première est que le véritable perpétrateur doit avoir été reconnu coupable antérieurement; par conséquent, des gens comme Paul Bernardo, par exemple, ne serait pas inscrits dans votre registre. Deuxièmement, si l'on fait cette supposition, le perpétrateur doit donc être inscrit au registre, avoir respecté les exigences de l'enregistrement, et avoir perpétré ou tenté de commettre une nouvelle infraction dans les parages de l'adresse inscrite au registre. S'il déménage dans le comté voisin, c'est une autre histoire.

M. Manson fait une mise en garde en soulignant qu'il faudra une quantité extraordinaire de ressources pour que tout le monde puisse avoir accès aux données et pour qu'on en fasse des recoupements à l'échelle nationale — c'est une tâche monumentale qui incombe au CIPC, le Centre d'information de la police canadienne, qui est exploité par la GRC.

Les violations potentielles de la Charte que M. Manson a évoquées sont énumérés à la page 1530-4. D'après lui, la première raison pour laquelle il pourrait y avoir violation de la Charte, c'est que les ordonnances sont d'une durée obligatoire, fondée exclusivement sur la durée de la peine maximale dont l'infraction est passible. On ne tient pas compte du principe de justice fondamentale énoncé à l'article 7 qui garantit la proportionnalité.

M. Manson a ajouté:

Il n'y a aucun lien entre le caractère répréhensible, la dangerosité et le risque et la durée des ordonnances. Les ordonnances sont toutes d'une durée de 10 ans, de 20 ans ou à perpétuité. Elles sont obligatoires et il n'y a aucun lien entre ces périodes et l'affaire en question et le risque que présente cette personne.

Deuxièmement, et ceci est compliqué, il y a la rétrospectivité. La mesure proposée comporte deux aspects à cet égard. Pour ce qui est des ordonnances obligatoires, la disposition pertinente est l'article 490.013, paragraphes (2) à (5). Pour ce qui est de la rétrospectivité, on la relève deux fois: d'abord au paragraphe 490.012(3), qui prévoit des ordonnances applicables à perpétuité dans le cas des personnes qui on antérieurement été reconnues coupables, y compris celles qui on été trouvées coupables avant l'entrée en vigueur de la loi. C'est la disposition rétrospective. Ensuite, il y a l'article 490.019 qui permet de signifier un avis à une personne qui a auparavant été reconnue coupable ou dont le nom est inscrit au registre de l'Ontario.

Notre argument est bien simple: le droit constitutionnel au Canada, autant la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, par exemple dans des affaires comme Gamble c. la Reine, qui date de 1988, stipule que les gens ont le droit de se voir infliger une peine qui est en conformité avec la loi qui existe au moment de la perpétration de l'infraction; et l'alinéa 11h) de la Charte stipule que nul ne doit être jugé ni puni de nouveau pour une infraction dont il a été reconnu coupable et pour laquelle il a été puni. [...]

Notre troisième préoccupation est l'exception prévue au paragraphe 490.012(4), qui stipule que le délinquant peut être exempté de l'application du régime s'il peut établir que son application aurait à son égard, notamment sur sa vie privée, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt que représente la protection de la société. À notre avis, il s'agit là d'une exemption illusoire et ces défenses sont constitutionnellement interdites comme l'explique le juge en chef Dickson dans la décision rendue dans l'affaire Morgenthaler.

(1600)

Je n'irai pas plus loin. L'Association du Barreau canadien affirme que nous sommes en terrain inconnu. Nous nous immisçons dans quelque chose qui a toujours fait partie de la punition dans une foule de cas. Nous essayons de proposer un outil en disant qu'il ne fait pas partie de la punition. Il sera très vite contesté devant les tribunaux.

Si nous adoptons le projet de loi et que les tribunaux statuent qu'il est inconstitutionnel ou qu'il viole la Charte, le Parlement assumera-t-il sa responsabilité ou jettera-t-il le blâme sur les tribunaux en disant: «Voici ce que nous avons fait, mais les tribunaux ont rejeté nos arguments»? Ainsi, nous minerions encore une fois ce que j'appelle l'autonomie des tribunaux et le rôle qu'ils doivent jouer.

Même si je nourris les mêmes craintes que l'Association du Barreau canadien, nous avons maintes fois mis ce projet de loi à l'épreuve...

Son Honneur la Présidente intérimaire: Je suis désolé d'interrompre l'honorable sénateur, mais son temps de parole est écoulé.

Le sénateur Andreychuk: Il me reste deux phrases. Je demande la permission de continuer, honorables sénateurs.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Madame le sénateur Andreychuk est-elle autorisée à continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Andreychuk: Nous avons vérifié la constitutionnalité du projet de loi et nous nous sommes efforcés de tenir compte du bien-fondé des craintes du Barreau canadien et de la proportionnalité entre l'intérêt personnel de la victime et celui du délinquant. Je crois que nous devrions courir le risque et voir si le projet de loi résisterait à une contestation en vertu de la Charte. Je pense toutefois que le ministère de la Justice devra être très prudent lorsqu'il évaluera ses cas et mettra le registre sur pied. Il devra suivre la situation de près de manière à ce que, dans deux ans, nous ayons la certitude d'avoir fait ce qu'il fallait et d'user des outils voulus pour arriver à nos fins. S'il s'avère qu'ils sont plutôt des châtiments, nous devrons être prêts à faire le nécessaire, comme investir dans le ViCLASS et d'autres choses qui, à mon avis, constituent des outils d'enquête plus indiqués.

Je crois qu'il y a encore des réserves juridiques à formuler au sujet de cet outil, mais qu'il y a des raisons d'ordre pratique d'en vérifier la constitutionnalité. Tout compte fait, j'appuie le projet de loi.

Des voix: Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire: L'honorable sénateur Pearson propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Poulin: Que le projet de loi soit lu pour la troisième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

LE TARIF DES DOUANES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur De Bané, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Finnerty, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-21, modifiant le Tarif des douanes.

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, je suis heureux d'intervenir dans le débat de deuxième lecture sur le projet de loi C-21, tendant à modifier le Tarif des douanes.

Comme chacun le sait, ce projet de loi prorogerait l'application du tarif de préférence général et du tarif des pays les moins développés pour dix ans, soit jusqu'en juin 2014.

Le Parti conservateur du Canada appuiera ce projet de loi, mais en exprimant toutefois certains commentaires. Ces tarifs, comme l'a noté le parrain de la motion, sont appliqués depuis un certain temps. Le tarif préférentiel général, ou TPG, existe depuis 1974. Il a été renouvelé à deux reprises depuis, chaque fois pour une période de 10 ans. Le tarif du pays le moins développé, ou TPMD, a été créé en 1983. Comme le TPG, il vient à expiration le 30 juin 2004.

La raison principale du gouvernement pour l'application du TPG et du TPMD est l'application d'un traitement commercial à tarif préférentiel aux pays en développement comme moyen de favoriser la croissance et le bien-être des nations plus pauvres.

C'était là la raison, au début, et elle est encore valable aujourd'hui, aux dires du parrain du projet de loi à l'autre endroit. Il a déclaré que:

... le fait de prolonger pour dix autres années le TPG et le TPMD réaffirme l'engagement du gouvernement en faveur de la capacité d'exportation et de la croissance économique des pays en développement et des pays les moins développés, soit la principale raison pour laquelle ces programmes ont initialement été mis sur pied.

[Français]

Honorables sénateurs, ce sont là de bien belles paroles qui traduisent de beaux sentiments. Quel dommage que la politique du gouvernement en matière de développement international n'y accorde pas l'importance qu'elle mérite! Si le gouvernement tenait réellement à favoriser le développement économique de ces pays, pourquoi a-t-il réduit de 29 p. 100, dans les années 1990, le budget consacré à leur assistance? Cette réduction est la plus importante pratiquée dans toutes les enveloppes de dépenses publiques au Canada. Par ailleurs, si le gouvernement est vraiment sérieux dans son engagement à l'égard du bien-être des pays les moins développés du monde, pourquoi notre programme d'aide n'est-il pas ciblé à leur intention? Vous serez peut-être surpris d'apprendre, honorables sénateurs, que, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques, le premier bénéficiaire en importance de l'aide officielle canadienne n'est pas un pays parmi les moins développés. Ce n'est ni Haïti, ni le Sierra Leone, ni le Tchad, comme on pourrait le croire, mais la Pologne, qui se classe parmi les premiers en vertu de l'Indice du développement humain des Nations Unies en 2003. En effet, la Pologne arrive 26e sur 175 pays, ce qui en fait, selon l'IDH, un pays à développement humain élevé.

Les deuxièmes bénéficiaires de l'aide canadienne en importance sont les pays de l'ex-Yougoslavie dont tous obtiennent un bon rendement selon l'IDH. Parmi les 34 nations jugées les moins développées selon l'Indice du développement humain des Nations Unies, seulement deux comptent parmi les dix bénéficiaires les plus importants de l'aide canadienne.

[Traduction]

Honorables sénateurs, ces statistiques, de même que les coupures record appliquées au budget d'aide par le gouvernement libéral me portent, tout comme vous j'en suis convaincu, à m'arrêter pour réfléchir, en particulier si l'on pense au mobile déclaré du gouvernement pour présenter le projet de loi C-21, c'est-à-dire que le renouvellement de ces tarifs est nécessaire pour promouvoir la croissance économique des nations en développement et des nations les moins développées.

Pour emprunter une expression de l'animateur de télévision Dr Phil, je demanderai au gouvernement: «Comment ça va pour vous jusqu'à maintenant?» La réponse serait, j'imagine: «Pas du tout».

Le sénateur Murray: C'est comme ça que vous passez l'après-midi?

Le sénateur Meighen: Cela vous prouve que je suis attentif à ce qui se passe autour de moi.

Autrement, nous n'aurions pas à faire face à la nécessité de renouveler ces tarifs pour une autre période de 10 ans. C'est pourquoi je pense qu'il est plutôt hypocrite de la part du gouvernement de rationaliser le projet de loi C-21 en l'intégrant à son initiative de promotion du développement, surtout en l'absence d'un cadre international d'ensemble pour le développement qui permettrait que ces mesures soient jugées et qu'elles atteignent leur but.

En fait, l'approche du gouvernement libéral à l'égard du développement a peut-être même été contraire aux objectifs du projet de loi C-21. Il n'est donc pas surprenant que nous soyons maintenant obligés de renouveler ces deux tarifs.

Je sais que le tarif de préférence général et le tarif des pays les moins développés ne servent pas uniquement à promouvoir le développement économique. En fait, le débat sur ce projet de loi à l'autre endroit a porté surtout sur l'impact de ces tarifs, de certains autres tarifs et des accords commerciaux sur l'industrie canadienne, et notamment l'industrie du textile. Ce sont là des questions fort importantes qui ont fait l'objet de longs débats lorsque le projet de loi C-21 a franchi les étapes successives à l'autre endroit. Il est certain que ces questions seront au centre des discussions lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité sénatorial approprié.

(1610)

Voilà pourquoi, honorables sénateurs, j'ai cherché aujourd'hui à apporter un certain redressement et à attirer l'attention sur le volet de ces mesures qui se rapporte au développement, puisque ces tarifs, avec plusieurs autres, sont le seul outil qui sert à favoriser non seulement le commerce, mais aussi la croissance économique dans les pays en développement.

L'objectif est de taille et il est fort louable, mais on ne l'atteindra jamais à moins d'ajouter à ces mesures des efforts sincères en vue de favoriser le développement

Puisque nous parlons d'objectifs, en 1968, Lester Pearson, qui venait à peine de prendre sa retraite et de quitter le poste de premier ministre du Canada, a été nommé président d'une commission des Nations Unies qui a fixé à 0,7 p. 100 du revenu national brut le niveau approprié de l'aide aux pays étrangers. La commission Pearson avait déterminé que la date butoir pour atteindre cet objectif serait 1975.

[Français]

Près de 30 ans après, le financement s'établit à 0,29 p. 100. Dans le budget déposé la semaine dernière, le ministre des Finances a annoncé que l'enveloppe de l'aide internationale sera accrue de 248 millions de dollars en 2005-2006. Cette augmentation s'inscrit dans l'engagement du gouvernement d'accroître cette enveloppe de 8 p.100 par année jusqu'en 2009, engagement pris en vue d'atteindre les objectifs de développement de l'ONU pour le millénaire, établis en décembre 2000.

En 2009, où en serons-nous par rapport à l'aide au développement? Elle atteindra un colossal 0,32 p. 100 de notre revenu national brut. Cela est moins de la moitié de l'objectif fixé pour le Canada par l'ancien premier ministre Lester B. Pearson en 1975, un objectif entériné par les Nations Unies, la Banque mondiale et l'OCDE.

[Traduction]

Honorables sénateurs, dans le projet de loi C-21, le gouvernement nous demande de renouveler pour encore dix ans certains tarifs favorisant des pays en développement — des tarifs qui ont déjà été renouvelés à plusieurs reprises et qui sont en vigueur depuis des décennies. Je suppose, et le gouvernement peut me corriger si je me trompe, que la raison pour laquelle ces mesures sont limitées dans le temps, c'est parce que nous espérons qu'un jour les pays profitant desdits tarifs n'en auront plus besoin. Nous espérons que les pays les moins développés qui ont besoin aujourd'hui d'une telle aide passeront à d'autres types de tarif. Je parie, toutefois, compte tenu de l'approche sans intérêt du gouvernement en matière de développement, que, dans dix ans — je serai toujours ici —, on nous demandera encore de renouveler ces mesures.

Honorables sénateurs, j'ai dit d'entrée de jeu que nous, de ce côté-ci, allons appuyer ce projet de loi parce que les mesures qu'il renferme sont nécessaires. Nous l'appuyons même si nous savons que ces mesures sont insuffisantes. Il est grand temps que le gouvernement crée un cadre de développement au sein duquel pareilles mesures seraient davantage susceptibles de porter fruit.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial des banques et du commerce.)

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—RETRAIT DE L'AVIS DE MOTION D'ATTRIBUTION DE TEMPS POUR LE DÉBAT

À l'appel de la motion no 1:

Que, conformément à l'article 39 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations ne soient attribuées à l'étude à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique) et certaines lois en conséquence;

Que, lorsque les délibérations seront terminées ou que le temps prévu pour le débat sera écoulé, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours au Sénat et mette aux voix immédiatement et successivement toute question nécessaire pour disposer de l'étape de la troisième lecture dudit projet de loi; et

Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit pris conformément au paragraphe 39(4) du Règlement.

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande que la motion inscrite à mon nom soit rayée du Feuilleton parce qu'elle est maintenant redondante, compte tenu de l'étude éminemment raisonnable de l'opposition.

Le sénateur Kinsella: Tout à fait d'accord.

(La motion est retirée.)

[Français]

LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition) propose: Que le projet de loi S-17, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le temps est venu pour le Parlement du Canada de faire preuve de leadership pour corriger une terrible erreur qui a transformé en victimes un groupe particulier de personnes.

[Traduction]

C'est exactement l'objectif visé par le projet de loi S-17, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté. Il vise à corriger le sort fait à une personne qui, enfant, a perdu la citoyenneté canadienne par l'action d'une loi, simplement parce qu'un parent de cette personne a acquis la nationalité ou la citoyenneté d'un autre pays que le Canada et a renoncé à sa citoyenneté canadienne.

Au Canada, la première loi sur la citoyenneté a été adoptée en 1947. Avant la Seconde Guerre mondiale, le Canada disposait d'un ensemble de mesures législatives disparates, notamment la Loi de naturalisation de 1914, la Loi sur les ressortissants canadiens de 1921 et la Loi sur l'immigration de 1910.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement.

Je crois que nous avons oublié quelque chose. Le sénateur Kinsella a proposé, avec mon appui, que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois, mais la présidence n'a pas mis la motion aux voix. Peut-être faudrait-il le faire.

Son Honneur le Président: Merci, sénateur Corbin, je crois que vous avez raison.

Le sénateur Kinsella propose, avec l'appui du sénateur Corbin: Que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Le sénateur Kinsella: Merci, honorables sénateurs.

En 1947, la Loi sur la citoyenneté canadienne a été la première loi adoptée à ce sujet par le Parlement canadien. Rédigée à cette époque, il y a plus de 50 ans, elle nous apparaît aujourd'hui discriminatoire à l'égard des femmes, de certaines minorités et des enfants. Les articles 17 et 18 de sa partie III avaient pour effet de faire perdre leur citoyenneté, sans leur consentement, parfois à leur insu, à des femmes et à des enfants nés Canadiens. Les droits des femmes et des enfants étaient subordonnés à ceux de leur mari ou de leur père. En conséquence, des Canadiens perdaient automatiquement la citoyenneté canadienne si leur mari ou parent avait ou adoptait la citoyenneté d'un autre pays.

Au vu de ces omissions et iniquités patentes, le Parlement a adopté en 1977 une nouvelle Loi sur la citoyenneté. En vertu de cette loi, tous les enfants nés au Canada après 1977 ne devaient jamais perdre leur citoyenneté, mais le Parlement n'a pas rendu cette loi rétroactive. Par conséquent, les enfants nés entre 1947 et 1977 dont les parents avaient renoncé à leur citoyenneté ont automatiquement perdu ce droit acquis à la naissance et, dans certains cas, sont devenus apatrides.

Des enfants ont cessé d'être canadiens sans recevoir automatiquement la citoyenneté d'un autre pays. Ils ont dû attendre l'âge de la majorité pour demander la citoyenneté. Dans une décision unanime qu'elle a rendue en 1997, la Cour suprême du Canada a conclu, dans l'affaire Benner c. Canada (Secrétaire d'État), que la loi de 1947 violait les droits des enfants nés à l'étranger de mères canadiennes. Des mesures ont donc été prises pour protéger les droits de ces enfants. Par conséquent, les enfants nés à l'étranger de mères canadiennes peuvent maintenant rentrer au Canada à titre de citoyens, par simple demande adressée au gouvernement.

Toutefois, des enfants nés au Canada des mêmes mères canadiennes ne peuvent automatiquement demander à récupérer leur citoyenneté canadienne. Ils doivent faire une demande d'immigration, se qualifier selon les normes qui ont cours, attendre des années pour obtenir un visa, venir au Canada comme immigrants reçus et vivre ici pendant plus d'un an avant de demander la citoyenneté. Cette procédure peut facilement exiger de trois à quatre ans.

Le gouvernement et des parlementaires de tous les partis ont pris conscience de cette erreur et cherchent à la corriger. Honorables sénateurs, il convient que notre assemblée, consciente des dispositions injustes que peut contenir la loi, soit disposée à y remédier. Je sollicite donc votre appui.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Corbin: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends aujourd'hui la parole pour appuyer le projet de loi S-17, qui vise à modifier la Loi sur la citoyenneté.

(1620)

Comme le sénateur Kinsella vient de l'indiquer, ce projet de loi corrigerait un problème auquel se heurtent diverses personnes que l'on a appelées les «enfants perdus du Canada». Ces personnes tentent de retrouver leur citoyenneté canadienne — citoyenneté perdue du fait de l'application de la loi et non en raison d'un choix conscient ou d'actions ou de décisions de leur part. Ce sont des gens nés au Canada de parents canadiens. Ils ont perdu leur citoyenneté canadienne parce que leurs parents ont quitté le Canada entre 1947 et 1977 et parce que le parent ayant la garde a acquis la citoyenneté d'un autre pays. Les particuliers touchés ont aujourd'hui au moins 57 ans, mais ils peuvent aussi n'avoir que 27 ans. Pendant ce temps, les enfants ont suivi, qu'ils le veuillent ou non, perdant leur citoyenneté canadienne, mais conservant celle de leur parent.

Honorables sénateurs, les Canadiens nés au Canada après 1977 ne sont pas confrontés à ce problème et ne peuvent pas l'être, parce que la Loi sur la citoyenneté a été corrigée pour eux. Malheureusement, la loi n'a pas été modifiée pour ceux qui sont nés avant 1977. À mon avis, la loi actuelle ne respecte pas comme il convient le droit à la citoyenneté dans le cas des personnes dépossédées de leur citoyenneté de cette façon.

Je suis certain que de nombreux enfants qui ont quitté le Canada en compagnie de leurs parents n'auront aucun désir particulier d'y revenir, mais ceux qui le souhaitent devraient pouvoir venir au Canada en qualité de citoyens, et non d'immigrants. Le projet de loi corrige cette injustice dans la loi. Nous ne connaissons pas le nombre des enfants dits perdus, mais nous savons qu'il y en a au moins quelques-uns parmi eux qui souhaitent revenir au pays de leur naissance pour y retrouver le droit découlant de leur naissance. Je veux souligner qu'ils ne viennent pas et ne devraient pas venir au Canada en qualité d'immigrants, assujettis aux diverses contraintes et restrictions qu'impose la Loi sur l'immigration, en plus des retards. Ils reviendront au Canada comme citoyens canadiens.

La question soulevée ici par le sénateur Kinsella ne concerne pas l'immigration. C'est une question de citoyenneté et de droit — de la possibilité pour les personnes nées dans ce pays de parents canadiens d'avoir et de conserver la citoyenneté du Canada, pays de leur naissance.

Honorables sénateurs, voici un cas où on a constaté qu'une des lois du Canada, une loi qui n'est plus en vigueur, a eu des conséquences inéquitables. La loi actuelle n'a pas remédié au problème et nous avons maintenant l'occasion de remédier au tort causé aux enfants perdus du Canada. C'est une question qui mérite un examen détaillé par un comité du Sénat.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Kinsella, appuyé par l'honorable sénateur Corbin, propose: Que ce projet de loi soit maintenant lu pour la deuxième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

LE QUEEN'S THEOLOGICAL COLLEGE

PROJET DE LOI D'INTÉRÊT PRIVÉ VISANT À MODIFIER LA LOI CONSTITUTIVE—MESSAGE DES COMMUNES

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes le projet de loi S-15, Loi modifiant la Loi constituant en corporation le Queen's Theological College, accompagné d'un message où elles disent avoir adopté le projet de loi sans amendements.

Des voix: Bravo!

PROJET DE LOI SUR LOUIS RIEL

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Gill, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-9, Loi visant à honorer Louis Riel et le peuple métis.—(L'honorable sénateur Stratton)

Son Honneur le Président: Sénateur Stratton, désirez-vous prendre la parole?

L'honorable Terry Stratton: J'aimerais avoir la permission de repousser mon intervention sur ce sujet à plus tard au cours de la journée.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour que nous revenions au projet de loi S-9 plus tard aujourd'hui?

Des voix: D'accord.

L'honorable Anne C. Cools: Est-ce obligatoire?

Son Honneur le Président: Si la permission est accordée, oui, nous y reviendrons plus tard au cours de la journée.

Le sénateur Cools: Ma question est basée sur ce qui s'est passé hier quand j'ai obtenu la permission de proposer l'ajournement du débat sur la motion du sénateur Mobina Jaffer. Il semblerait que ce ne soit pas aussi obligatoire que ça.

Je veux simplement vérifier que c'est réellement obligatoire.

Le sénateur Stratton: Je prendrai la parole plus tard aujourd'hui.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je pense que la permission s'appliquait dans les deux cas. Il y avait d'autres circonstances, si je me souviens bien, notamment un vote sur la motion d'ajournement, et je prends note de la position du sénateur Cools à cet égard.

Autre précision à apporter, sénateur Stratton: quand avez-vous l'intention de retourner à cette question aujourd'hui? Avez-vous une heure en tête? Est-ce que ce serait à la fin de la période réservée aux projets de lois d'intérêt public des Communes?

Le sénateur Stratton: Avant l'ajournement, ça me conviendrait.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs, pour que nous revenions au projet de loi S-9 immédiatement avant la motion d'ajournement?

Des voix: D'accord.

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l'honorable sénateur LaPierre, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-250, Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse).—(L'honorable sénateur Beaudoin)italic;.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, j'ai l'intention de parler de la légalité du projet de loi, mais comme mon collègue doit partir, je vais lui céder la parole.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, en vertu des dispositions à cet égard, si le sénateur Beaudoin cède la parole, il perdra son droit d'intervenir plus tard, à moins que la permission de le faire ne lui soit accordée.

La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'interviens pour commenter le projet de loi C-250 à l'étape de la troisième lecture.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-250 fait l'objet de bien des débats d'un bout à l'autre du pays. Dans ma région, particulièrement au cours des deux derniers mois, les Canadiens de l'Ouest ont dit haut et fort qu'ils ne voulaient pas que cette modification, telle qu'elle est actuellement libellée, soit apportée au Code criminel. Le fait que des représentants de toutes les grandes religions présentes au Canada — le catholicisme, l'islam, le judaïsme, l'hindouisme — aient tiré la sonnette d'alarme au sujet de ce projet de loi sur les crimes haineux devrait vous dire quelque chose.

Honorables sénateurs, la plupart des Canadiens qui pratiquent leur religion s'opposent farouchement au projet de loi C-250. La seule autre fois où je me rappelle que les Canadiens se sont aussi vigoureusement opposés à une mesure que leur Parlement s'apprêtait à adopter, c'était lors du débat sur le projet de loi concernant le registre des armes à feu. Que le gouvernement, et même le Sénat, semblent si déterminés à adopter précipitamment ce projet de loi, sans donner aux Canadiens la possibilité de se faire entendre et de faire examiner sérieusement leurs préoccupations, cela dépasse l'entendement.

Lorsque nous avons été saisis du projet de loi C-250 au cours de la session précédente, j'ai pris la parole. J'ai parlé des préoccupations des habitants de ma région, et je me suis opposé à ce que le Parlement l'adopte précipitamment. Honorables sénateurs, j'ai demandé que le comité soit chargé d'examiner en profondeur toutes les préoccupations soulevées par les Canadiens. J'ai soulevé quelques-unes de ces questions lors des récentes réunions du comité. J'avais demandé qu'on définisse l'orientation sexuelle et ce qu'elle signifie vraiment. J'ai demandé comment l'expression «orientation sexuelle» faisait des gais et des lesbiennes un groupe identifiable et si cette expression comprenait d'autres groupes.

(1630)

Honorables sénateurs, notre démocratie repose sur les valeurs judéo-chrétiennes et sur les principes du droit. Au Canada, il semble que les gouvernements libéraux qui se sont succédé n'aient voulu rien de plus que séculariser les religions et les retirer de notre démocratie et de nos lois. Le fait que nous ayons dû insérer une disposition de modification pour protéger nos collectivités qui pratiquent leur foi suscite réellement des préoccupations. Tous les Canadiens craignent que leurs droits constitutionnels ne soient bafoués, à tel point que leur liberté d'expression et de parole se limitera à leur liberté de pensée. Ce qui dérange la plupart des Canadiens, c'est que les dispositions concernant les crimes motivés par la haine sont formulées de façon vague.

Honorables sénateurs, les Canadiens ont exprimé très clairement leurs préoccupations au sujet du projet de loi, mais Carole Cole, de Dundalk, en Ontario, a résumé son opinion à cet égard lorsqu'elle a dit:

Le motif de «l'orientation sexuelle» ne correspond pas aux caractéristiques des groupes identifiables originaux. La couleur, la race et l'origine ethnique sont des caractéristiques qui sont généralement visibles (d'où l'expression «groupe identifiable») et naturelles.

Tous les Canadiens devraient avoir droit à la protection égale de la loi. La modification proposée, toutefois, non seulement crée une catégorie spéciale ou privilégiée de personnes sur la base de formes controversées de comportement sexuel, à l'égard desquelles tout crime défini aux articles 318 et 319 serait considéré comme un crime haineux perpétré contre une catégorie distincte de personnes, mais cette modification porte atteinte à la liberté d'expression et à la liberté de religion qui sont garanties par la Charte des droits et libertés.

Bien que la disposition actuelle contienne une défense pour un discours religieux de bonne foi, la modification relative à un «texte religieux», qui peut être considérée comme vague, et la défense actuelle sont inadéquates parce que: 1) Elles ne s'appliquent pas à toutes les infractions, 2) l'historique législatif et le libellé de la défense semblent en limiter l'application aux actes haineux commis contre des groupes religieux et 3) les tribunaux ont indiqué qu'ils feraient une interprétation étroite de la défense.

En outre, la jurisprudence récente montre que, dans les cas de soi-disant «collision de dignités» entre les droits des homosexuels et les droits religieux, les droits des homosexuels ont la préférence des tribunaux, et que ceux-ci auront généralement priorité.

Des précédents récemment créés par la jurisprudence, notamment dans les affaires Owen et Harding, indiquent que la liberté religieuse pourrait très bien être menacée par cette modification, ce qui aurait pour effet de reléguer la majorité judéo-chrétienne qui compose notre population à l'état de communauté de second ordre, et de l'empêcher d'exprimer ses convictions religieuses et ses règles morales sur la place publique.

La défense serait par conséquent inadéquate, en particulier compte tenu de la possibilité que la disposition puisse s'appliquer aux discours prononcés dans des lieux du culte et dans des établissements d'instruction religieuse. De plus, le fait que la haine ne soit pas définie par la loi mais constitue plutôt un concept juridique malléable, ajouté au fait qu'il suffit d'une intention délictuelle relativement faible pour qu'il y ait crime, feront inévitablement en sorte que, par peur de poursuites, des personnes ou des institutions hésiteront à exprimer des opinions, par ailleurs légitimes, ce qui aura pour effet de violer leurs droits reconnus par la Charte.

Les Canadiens croient qu'il est foncièrement mauvais d'adopter une loi qui puisse servir à intimider, accuser ou harceler des citoyens qui veulent faire valoir leur droit de défendre des sujets moraux ou religieux sur la place publique. Les valeurs judéo-chrétiennes relatives aux questions morales sont, à certains moments, non négociables.

Honorables sénateurs, j'espère que vous rejetterez ce projet de loi qui pourrait engendrer beaucoup de divisions. Il ne servirait pas l'intérêt national de la paix et du bon gouvernement ni celui de l'harmonie séculaire et spirituelle.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je propose, avec l'appui du sénateur Stratton:

Que le projet de loi C-250 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié, à la page 1, à l'article 1, par substitution, aux lignes 9 et 10, de ce qui suit:

«religion, l'origine ethnique ou le sexe.»

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Je sais que le sénateur Beaudoin souhaite prendre la parole. Lorsque le sénateur Beaudoin a cédé sa place, si je me souviens bien, la permission lui avait été accordée d'intervenir plus tard même si le Règlement prévoit dans un tel cas qu'il aurait perdu son droit de parole. Ma mémoire est-elle bonne, honorables sénateurs?

Des voix: Oui.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Je remercie mes collègues.

[Français]

Honorables sénateurs, le projet de loi C-250, sur le plan strictement juridique et constitutionnel, m'apparaît acceptable. Nous aurons un vote libre; à chacun de voter comme il lui plaît. Nous vivons dans des temps difficiles. Nous avons discuté en profondeur de la question constitutionnelle en comité. J'ai lu avec attention le discours prononcé vendredi dernier au Sénat par mon collègue, le sénateur Joyal, portant sur le projet de loi C-250.

J'arrive à la conclusion que ce projet de loi respecte la Constitution. La Cour suprême, j'en suis sûr, si jamais elle est saisie d'une demande d'interprétation, ira dans cette direction. La jurisprudence actuelle le laisse voir clairement, à mon avis.

Je sais que la question est controversée, mais nous n'avons pas le choix et, comme le vote est libre, évidemment, je laisse à chacun le soin d'exprimer sa pensée. Nous avons étudié en comité ces derniers jours la question constitutionnelle avec des experts. Je désire le souligner, c'est important. Dans l'affaire Vriend de 1988, la Cour suprême a déclaré qu'elle incluait dans la loi albertaine des droits de la personne les deux mots «orientation sexuelle», qui ne sont pas dans la loi et que le législateur albertain disait ne pas vouloir inclure. La Cour suprême les a inclus de force dans la loi à cause du principe de l'égalité devant la loi, énoncé à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982.

La Cour suprême ajoute que l'article 1 de la Charte ne justifie pas l'omission de l'expression «orientation sexuelle» dans la loi albertaine. On parle beaucoup dans les journaux des trois arrêts sur le mariage entre gens de même sexe.

Il y a quelques mois, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique et celle de l'Ontario se sont prononcées sur les mariages entre gens de même sexe. La Cour d'appel du Québec vient de le faire. Ces trois cours d'appel vont toutes dans la même direction. Les homosexuels ont donc le droit de se marier, d'après les trois cours.

La Cour suprême du Canada a été saisie d'un renvoi sur la question du mariage de gens de même sexe et sur la définition du mot «mariage». Les plaidoiries devaient commencer le 16 avril 2004. Elles ont été reportées au mois d'octobre 2004.

(1640)

Cette jurisprudence laisse croire que si le projet de loi C-250 était devant la Cour suprême, cette cour arriverait à la conclusion que l'expression «orientation sexuelle» est acceptable en droit et qu'elle peut être ajoutée à la liste des groupes identifiables à l'article 318 du Code criminel — je parle toujours du droit constitutionnel et non de la morale ou d'un autre droit. À mon avis, elle pourrait donc, de façon indirecte, faire référence au mariage des personnes de même sexe, tel qu'interprété par les Cours d'appel du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique dans la définition du mot «mariage». Tous les éléments laissent croire que la Cour suprême irait dans cette direction.

Or nous sommes en attente, et la question est reportée au mois d'octobre où l'on présentera les plaidoiries devant la Cour suprême. D'ici octobre, il se pourrait fort bien que les deux postes à la Cour suprême qui seront vacants en juin, suite au départ de la juge Louise Arbour et du Juge Frank Iacobucci, soient comblés par le premier ministre du Canada. Quoi qu'il en soit, la Cour suprême peut siéger avec sept juges.

Mon intervention ne porte que sur la question constitutionnelle. Chacun va dans la direction qu'il désire. Pour les autres, il est question de religion. Nous avons au Canada un article très clair. Chaque religion peut aller dans le sens qu'elle entend bien donner à son interprétation. Les catholiques, les protestants, les islamiques, les judéo-chrétiens ont tous droit à leur religion, et ce droit est inscrit dans la Constitution. Il ne fait donc aucun doute que les ministres du culte ont tous le pouvoir de suivre à la lettre leur religion.

Au Canada, comme l'a indiqué la cour, on est libre de ne pas avoir de religion. Sur ce plan, les droits de chacune de nos religions ne sont pas du tout en danger. À mon avis, comme ces religions sont égales, l'article 1 de la Charte ne pourrait pas, selon les tribunaux qui se sont déjà prononcés, restreindre l'application de l'article 1.

Soulignons clairement que, sur le plan religieux, chacun est libre de voter selon sa conscience. Cependant, sur le plan constitutionnel, je crois, à tort ou à raison, que la Cour suprême va accepter le principe du projet de loi C-250, car il est dans l'égalité, devant la loi, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

[Traduction]

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'interviens au sujet des modifications proposées par le sénateur St. Germain, car même si elles contribuent à améliorer la cohérence du Code criminel à l'égard de la protection déjà établie en vertu de la Charte, de la Constitution et de la Loi canadienne de 1976 sur les droits de la personne, je crois qu'elles ne vont pas assez loin. Bien que l'origine ethnique soit importante, comme l'a souligné à juste titre le sénateur St. Germain, je crois que l'origine nationale revêt également une grande importance et, en ce qui a trait à la propagande haineuse, il me serait difficile, personnellement, de déterminer lesquelles de mes origines sont les plus importantes à mes yeux: mes origines ukrainiennes ou celles de mon pays d'origine, le Canada. Elles définissent toutes deux ce que je suis. S'il nous faut modifier le Code criminel, que la propagande haineuse soit inacceptable dans un cas comme dans l'autre.

MOTION DE SOUS-AMENDMENT

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je propose, avec l'appui du sénateur Gustafson:

Que la motion d'amendement soit modifiée par substitution des mots «l'origine ethnique» par les mots «l'origine nationale ou ethnique».

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Sénateurs, je tiens à intervenir à l'appui du projet de loi C-250 à l'étape de la troisième lecture. Je vois que nous sommes saisis de deux amendements; je vais en parler aussi dans le cadre des arguments que j'ai tenté de faire valoir à l'appui du projet de loi lorsque je suis intervenu en deuxième lecture au sujet de son principe.

Nous en sommes maintenant à l'étape à laquelle nous devons étudier les détails de fond du projet de loi et son incidence, qui ont été étudiés en comité. J'abonde dans le même sens que mon collègue, le sénateur Beaudoin, pour dire que, du point de vue juridique, le projet de loi est parfaitement légal et constitutionnel.

Il y a toutefois au moins quatre choses que je voudrais expliquer, et je vais le faire dès maintenant.

Premièrement, j'estime que le projet de loi vise à protéger les droits de tout être humain en tant que personne. Nous sommes tous membres de la communauté humaine et, à ce titre, nous possédons tous les droits appelés droits de la personne. On parle souvent à ce propos de l'universalité de la notion de droits de la personne. Ignorer l'universalité de ces droits est exactement ce que font tous ceux qui les violent, qu'il s'agisse de gouvernements répressifs ou d'autres contrevenants. Ils sont prompts à revendiquer un tas de choses et à se protéger eux-mêmes, mais ils n'arrivent pas à saisir ou à respecter l'engagement afférent à l'universalité et à comprendre que l'idée même de droits de la personne implique une certaine forme d'égalité.

Le premier pas vers la violation systémique des droits de la personne réside invariablement dans le dénigrement des personnes ciblées. Il semble qu'on recourre toujours au même procédé psychologique odieux: miner la dignité et l'amour propre de ceux qu'on hait. Cette tactique endort la conscience et la sensibilité qui, normalement, empêchent de brutaliser les innocents. On use souvent d'une propagande grossière pour conforter et renforcer des croyances bizarres au sujet de la dignité humaine des personnes ciblées.

Deuxièmement, le Sénat, qui est la seconde Chambre de notre Parlement bicaméral, fait partie de l'organe législatif de notre système de gouvernance canadien. Cela m'amène à l'élément central de l'intervention du sénateur Beaudoin, à savoir que, si nous ne réussissons pas, en tant que législateurs, à agir dans ce dossier, nous ne devrions pas nous joindre à ceux qui critiquent notre système judiciaire lorsqu'il prend une position ferme sur une question d'égalité. Je parle de la règle ejusdem generis dans l'interprétation des lois, que certains qualifient de règle du motif analogue, étant donné que l'article 15 de la Charte des droits et libertés garantit que la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur une série de motifs précis. En outre, comme le sénateur Beaudoin l'a signalé, dans l'affaire Vriend, la Cour suprême a utilisé la règle ejusdem generis et a statué que l'orientation sexuelle constitue un motif analogue. Par conséquent, dans l'affaire Vriend, la cour a vu dans la Loi canadienne sur les droits de la personne un motif de discrimination que les législateurs avaient omis, soit l'orientation sexuelle.

(1650)

Il est inévitable que, si elles sont appelées à se prononcer sur la question, les cours canadiennes verront le motif analogue dans l'article 318 du Code criminel. Soit que nous agissions en tant que législateurs, soit que nous nous abstenions de critiquer les cours si elles font ce que nous ne faisons pas.

Le Sénat du Canada a aussi un rôle spécial à jouer dans notre système d'édiction des lois pour ce qui est de veiller à la protection des minorités au Canada. Un très petit nombre de groupes qui font l'objet de haine appartiennent à la majorité. Il va sans dire que la mesure dont nous sommes saisis parle au nom d'une minorité que d'aucuns pourraient décrire, malheureusement, comme une minorité méprisée.

Honorables sénateurs, nous devons intervenir, c'est notre rôle si nous en avons un. Notre analyse de ce projet de loi comporte donc une évaluation du ciblage dont font l'objet des Canadiens en raison de leur orientation sexuelle.

De plus, je me prononce sur la nécessité d'ajouter l'orientation sexuelle à la liste des motifs prévus à l'article 318 et visés à l'alinéa applicable de l'article 319 du Code criminel. Je porte à l'attention des honorables sénateurs les rapports annuels publiés chaque année par la Commission canadienne des droits de la personne et par ses homologues des provinces et des territoires. Ces rapports montrent clairement que la discrimination dont sont victimes des Canadiens ou d'autres personnes en raison de leur orientation sexuelle n'est absolument pas une abstraction, mais, malheureusement, un phénomène bien réel. Nous avons là les chiffres.

Je pense que les commissions des droits de la personne font de l'excellent travail pour ce qui est de promouvoir la justice sociale. Il faudrait les encourager à poursuivre leur travail, notamment dans ce domaine, indépendamment de l'adoption du projet de loi C-250 et des dispositions du Code criminel mentionnées précédemment.

Pourquoi est-ce que je dis cela, honorables sénateurs? Je le dis à cause des restrictions qui sont prévues, notamment au paragraphe 318(3):

Il ne peut être engagé de poursuites pour une infraction prévue au présent article sans le consentement du procureur général.

On a beaucoup misé sur cette disposition pour essayer de répondre à ceux qui craignaient une utilisation à mauvais escient de cet article.

Honorables sénateurs, c'est justement à cause de ce genre de réserve que l'on n'a pas intenté de poursuites, en vertu du Code criminel, contre l'enseignant antisémite Malcolm Ross, dans ma province, le Nouveau-Brunswick. Il a plutôt fallu déposer une plainte aux termes de la Loi sur les droits de l'homme du Nouveau-Brunswick, ce qui ne nécessitait pas le consentement du procureur général. Neuf juges de la Cour suprême du Canada ont confirmé à l'unanimité cette décision.

De toute évidence, je préférerais que la loi ne soit pas assortie de cette condition, mais je suis prêt à l'accepter, parce que je pense que le projet de loi est valable.

J'ai examiné les preuves recueillies par le comité sénatorial qui a étudié le projet de loi. J'ai aussi examiné attentivement les montagnes de documents que les groupes et les Églises ont présentés et dont tous les honorables sénateurs ont été saisis.

Une bonne partie des arguments concernent, à mon avis, des questions qui n'ont rien à voir avec le projet de loi. Certains présentent des points de vue qui sont censés être fondés sur des principes moraux et religieux. Je reconnais certainement à ceux qui émettent pareilles opinions le droit de s'exprimer, et je vais certainement défendre ce droit à la liberté de religion et d'expression.

Toutefois, j'ai beaucoup de mal à comprendre les principes théologiques sur lesquels se fondent bon nombre de ces positions. Je dirais même que ces positions ne reposent pas sur de bonnes analyses théologiques ou philosophiques. Dans tous les groupes confessionnels, on trouve des théologiens qui soutiennent de façon convaincante qu'il ne faut pas faire de discrimination ou dénigrer les gens en raison de leur orientation sexuelle, en faisant valoir que le commandement de l'amour de l'autre, comme nous créé à l'image de Dieu, doit l'emporter sur la haine.

Honorables sénateurs, c'est le but que vise ce projet de loi qui interdit la propagande haineuse. Le projet de loi dont nous sommes saisis n'a pour seul but que d'interdire la propagande et la haine ainsi que les conséquences qu'elles comportent, conséquences qui ne contribuent en rien à l'édification de notre pays.

Du point de vue théologique, la plupart des groupes confessionnels sont contre la haine. Par exemple, dans le catéchisme de l'Église catholique à laquelle j'appartiens, l'article 2303 précise ce qui suit:

La haine volontaire est contraire à la charité. La haine du prochain est un péché quand l'homme lui veut délibérément du mal. La haine du prochain est un péché grave quand on lui souhaite délibérément un tort grave.

J'interviens aujourd'hui en ma qualité d'étudiant de la théologie qui a beaucoup lu dans ce domaine. J'en ai tiré la conclusion que la plupart des théologiens reconnaissent que les êtres humains possèdent tous une dignité inhérente étant donné la nature, la source et l'origine de leur création.

Enfin, le catéchisme de mon Église précise aussi à l'article 2358 que les homosexuels:

[...] doivent être accueillis avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste.

L'honorable Lowell Murray: Je voudrais savoir si le leader adjoint de l'opposition a parlé des amendements proposés par ses collègues, les sénateurs St. Germain et Tkachuk. A-t-il quelque chose à dire à leur sujet?

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je crois que ma position est parfaitement claire. Je juge le projet de loi sous sa forme actuelle «parfaitement constitutionnel» pour reprendre l'expression de mon collègue, le sénateur Beaudoin. Il me satisfait. Il n'a pas besoin d'être amendé. De plus, le débat que cette question a suscité dans notre pays pourrait se révéler salutaire, puisqu'il nous a obligés à tracer la ligne entre, d'une part, les approches et les doctrines religieuses, comme la liberté de religion et la liberté de conscience et, d'autre part, l'ingérence au niveau de la primauté du droit.

(1700)

À mon avis, c'est là l'un des aspects positifs du débat que nous avons eu jusqu'à maintenant.

Le sénateur Murray: Je sais gré au sénateur d'avoir formulé ce point. À cet égard, mon collègue est-il d'accord avec moi pour dire que ce projet de loi, qui est déjà mort au Feuilleton deux fois, devrait faire l'objet d'un vote final et d'une décision définitive très bientôt?

Le sénateur Kinsella: Étant donné que c'est le deuxième jour de débat que nous avons à l'étape de la troisième lecture de ce projet de loi, j'ose espérer que nous allons avoir un débat complet avant de prendre une décision sur cette mesure.

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, j'aimerais expliquer très brièvement pourquoi j'ai l'intention de voter contre l'amendement et le sous-amendement proposés. Je suis d'avis que cet article devrait inclure le «sexe» au nombre des motifs de distinction illicite, mais je pense que cette inclusion devrait se faire séparément. Je ne peux absolument pas appuyer un amendement qui supprime l'allusion à l'orientation sexuelle. C'est précisément l'objet du projet de loi. Il s'agit de se porter à la défense, d'une façon publique, officielle, formelle et solennelle, d'une minorité extrêmement vulnérable.

Nous avons appuyé ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture et en comité. Personnellement, je l'appuie très fortement. Je tiens à dire que, lorsque le Sénat sera invité — et j'espère que ce sera dans un avenir assez rapproché — à inclure dans un deuxième projet de loi le sexe comme motif dans cette partie du Code criminel, je serai heureuse d'appuyer cette mesure.

L'honorable Anne C. Cools: J'aimerais avoir des précisions, parce que je sens que le sénateur Fraser s'exprimait sur deux points en même temps. Sauf erreur, la question dont nous sommes maintenant saisis est le sous-amendement du sénateur Tkachuk, et il faut trancher cette question avant de passer à l'autre.

Ai-je raison de dire que nous ne sommes pas en train d'étudier l'amendement du sénateur St. Germain en ce moment, mais bien le sous-amendement du sénateur Tkachuk?

Son Honneur le Président: Je pense que c'est une question pour le sénateur Fraser.

Le sénateur Fraser: Comme j'ai promis d'être brève, c'est la seule question à laquelle je répondrai, honorables sénateurs.

Je crois comprendre, à la lumière du débat en cours, que nous avons, de façon typique de la part du Sénat, un débat à très large portée sur toutes les questions reliées à ce projet de loi. C'est dans cet esprit que je suis intervenue.

Le sénateur Cools: Ma question peut s'adresser au sénateur Fraser, qui parraine le projet de loi ou à quelqu'un d'autre. Je crois comprendre que le Sénat est saisi à l'heure actuelle du sous-amendement du sénateur Tkachuk.

Pourrais-je obtenir des éclaircissements à ce sujet?

Son Honneur le Président: Le sénateur Fraser ne répondra pas à d'autres questions et c'est manifestement le cas, sénateur Cools.

Des voix: La question!

Le sénateur Cools: Je voudrais participer à ce débat, Votre Honneur, et je tiens à préciser clairement que je veux m'arrêter sur l'amendement du sénateur Tkachuk. Si je comprends bien le Règlement, les sénateurs peuvent intervenir sur chaque question. Ainsi, je me réserve le droit d'intervenir sur les autres questions au fur et à mesure que nous avancerons. J'essaie simplement d'être très claire quant à l'objet de mon intervention.

L'amendement du sénateur Tkachuk permet dans une certaine mesure seulement, à mon avis, de répondre à quelques-unes de mes préoccupations. Honorables sénateurs, étant donné que je n'ai pas eu l'occasion d'intervenir à l'étape de la deuxième lecture de ce projet de loi, il y a quelques semaines, je vais tabler sur ce que j'ai dit à l'étape de la deuxième lecture lors de la session précédente du Parlement.

Les honorables sénateurs se souviendront qu'à ce moment-là, j'ai émis des craintes au sujet de l'inclusion de l'expression «orientation sexuelle» dans l'article du Code criminel portant sur le génocide. Je l'ai fait, car je comprenais clairement que l'article 318 du Code criminel, tel qu'il était conçu, touchait des caractéristiques immuables, comme la race et la couleur.

M. Robinson nous a dit à un moment donné que la religion n'était pas immuable. Cependant, au moment où ces articles du Code criminel ont été établis, la religion était liée de façon inhérente à la race. En d'autres termes, la plupart des juifs étaient des Hébreux et la plupart des Arabes étaient également musulmans, et il y avait donc un lien inhérent.

L'amendement du sénateur Tkachuk permet dans une certaine mesure de répondre à certaines de ces préoccupations, mais je m'inquiète encore de l'inclusion de ces termes dans cet article du Code criminel. Selon moi, tout le monde devrait être protégé et pas simplement des groupes identifiables, peu importe ce que cela signifie. C'est un autre problème qui se pose pour moi; je ne suis pas certaine de la façon d'identifier l'«orientation sexuelle».

À certains égards, je suis l'exemple de M. Svend Robinson. Lors de sa comparution devant le comité, il a très clairement affirmé que le projet de loi C-250, de toute évidence, n'était pas nécessaire et que les dispositions actuelles du Code criminel étaient satisfaisantes pour intenter des poursuites judiciaires dans les cas où des infractions étaient commises.

Le 10 mars 2004, lors de sa comparution devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, M. Robinson a déclaré:

Ce projet de loi est surtout symbolique; je suis le premier à le reconnaître. Il ne donnera pas lieu à de nombreuses poursuites. Et pourtant, il est d'un symbolisme énorme car il dit aux gais et aux lesbiennes que notre vie et notre sécurité sont aussi importantes que celles des autres.

Honorables sénateurs, je ne connais personne dans cette enceinte qui ne soit pas convaincu que la vie des Canadiens, de tous les êtres humains en fait, est particulièrement importante. Je ne connais personne qui estime que la vie d'une personne homosexuelle n'est pas importante.

Cet état de fait a été confirmé lors de la séance du 11 mars 2004 du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles où M. Jones, de la police de Vancouver, est venu témoigner. J'ai pris la peine de demander à M. Jones si les forces policières avaient besoin de ces dispositions. Il a répondu essentiellement de la même façon. Il a dit:

Le pouvoir qu'a ce projet de loi-ci, c'est qu'il envoie un message aux Canadiens au sujet des valeurs qui nous sont chères — à savoir qu'il faut protéger les groupes désavantagés, minoritaires ou marginalisés.

Honorables sénateurs, le Code criminel est un outil puissant. À l'origine, lors de la création du droit criminel, on était loin de penser qu'il servirait d'outil social, d'outil didactique ou d'outil de relations publiques. Le danger que pose le recours au Code criminel, c'est qu'avec tout pouvoir de poursuite, vient nécessairement la tentation et la possibilité d'abuser de ce pouvoir. Comme William Lyon Mackenzie — en l'occurrence le grand-père de Mackenzie King — l'a dit un jour, il y a chez les humains en position de pouvoir une disposition naturelle à abuser de leur pouvoir et à rapidement substituer leurs intérêts personnels aux intérêts publics. Je vous signale cette observation.

(1710)

Honorables sénateurs, dans la fameuse cause Keegstra, l'une des cinq poursuites intentées en vertu de ces dispositions, la juge Beverley McLachlin émet une opinion dissidente, comme le juge Sopinka. Dans son jugement, elle dit que la liberté d'expression assurée par la charte «garantit le droit de diffuser ses idées». Elle parle aussi de «l'effet paralysant» sur l'exercice de cette liberté d'expression par les citoyens respectueux des lois, à cause du concept de haine qui est tout à fait subjectif. D'après elle, les sanctions criminelles ne dissuadent pas ceux qui veulent inciter les gens à la haine, tandis qu'elles paralysent la liberté d'expression chez les gens ordinaires, qui, craignant la poursuite pénale et à cause du flou inhérent à la disposition, s'abstiendront d'exercer leur liberté d'expression.

Elle cite ensuite l'article 319 du Code criminel en disant qu'il impose des restrictions à la liberté d'expression dans la recherche de la vérité, dans la protection d'un débat dynamique et ouvert et dans la promotion de l'épanouissement personnel. Elle affirme aussi que, d'après elle, et je partage son avis sur ce point, il y a lieu de se demander si la disposition sur la propagande haineuse favorise vraiment les principes et les valeurs de l'harmonie sociale, de la dignité individuelle, du multiculturalisme et de l'égalité.

Honorables sénateurs, des millions de Canadiens craignent que, si l'on criminalise la liberté d'expression, puisque c'est ce que fera le projet de loi, ils risquent de subir des poursuites vexatoires, menaçantes et malicieuses. C'est pourquoi le projet de loi C-250 est pernicieux et sans précédent. Il représente une attaque directe contre les Canadiens qui ont de solides valeurs morales, d'ordre religieux ou non, au sujet de la sexualité, de l'anatomie, du corps humain, de sa conception, de sa raison d'être et de ses fonctions. Ils ont de solides valeurs morales au sujet des pratiques sexuelles comme la sodomie, l'anilingus, le sadomasochisme, l'échange de partenaires et ainsi de suite.

Honorables sénateurs, non satisfait de l'égalité en droit, le projet de loi C-250 cherche à établir, par la coercition, une domination sur tous les dissidents; il vise à assujettir les dissidents à l'oppression et au poids du Code criminel.

Ne vous méprenez pas; si le projet de loi C-250 est adopté, de nombreux Canadiens seront frappés de poursuites pénales. En plus des gens ordinaires, ce projet de loi exposera les professionnels, comme les infirmières, les médecins et les enseignants, à des poursuites s'ils font des déclarations condamnatoires à l'égard de pratiques sexuelles dangereuses comme la pénétration anale du poing, l'anilingus, la sodomie et le sadomasochisme.

Honorables sénateurs, mes préoccupations ne sont pas sans fondement. J'aimerais donc rappeler les points de vue exprimés dans l'affaire Little Sisters. Cette affaire est très intéressante. Little Sisters est une librairie homosexuelle de Colombie-Britannique. J'aimerais citer le jugement rendu par la Cour suprême en 2000 dans Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Ministre de la Justice). Je cite le juge Binnie, qui cite l'appelant appuyé par le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes. Il a dit ce qui suit:

Les appelants, appuyés par les intervenants Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes et EGALE, soutiennent que le matériel érotique homosexuel contribue de façon importante à donner une image de soi positive aux gais et aux lesbiennes...

Cela est très intéressant. Puis il continue. Il parle au nom d'autres gens, en passant. Il relate les mémoires d'autres personnes.

Les gais et les lesbiennes sont définis par leur sexualité et par conséquent disproportionnément vulnérables à la censure sexuelle.

Je ne suis pas d'accord avec cette affirmation. Je crois que personne n'est ou ne devrait être défini par sa sexualité.

Il continue ainsi:

L'intervenant Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes a plaidé que le sadomasochisme a un effet émancipateur dans la culture gaie et lesbienne et devrait donc être jugé selon une norme différente de celle applicable à la culture hétérosexuelle.

Il s'agit là de déclarations tirés du mémoire de l'appelant. Manifestement, les gens qui adopteront un point de vue différent de celui-ci s'exposeront une forme ou l'autre de conduite blâmable de la poursuite. On peut en être certain.

Honorables sénateurs, j'aimerais répondre à un ou deux points qui ont été soulevés pendant le débat. Beaucoup de gens sont préoccupés par des questions telles que la paraphilie, dont fait partie la pédophilie. J'aimerais attirer l'attention des honorables sénateurs sur le fait que, par exemple, le 19 mai 2003, un essai a été présenté par les docteurs Charles Moser et Peggy Kleinplatz. Ils y défendent devant l'American Psychiatric Association que les paraphilies devraient être retirées du Diagnostic and Statistical Manual, le DSM.

Les honorables sénateurs sauraient ce que sont les paraphilies mais elles incluent certainement la pédophilie. Plusieurs s'inquiètent au moment où je parle de la possibilité qu'on cherche un jour à obtenir une sorte de protection juridique pour la pédophilie.

Honorables sénateurs, je voudrais lire un extrait d'une publication appelée Journal of Homosexuality. C'est le volume 20 qui a été publié en 1990. Ce volume est entièrement et exclusivement consacré à ce qu'est la pédophilie et il a pour titre «Rapports sexuels entre membres masculins de générations différentes: Perspectives historiques, sociales, psychologiques et juridiques». Je voudrais passer à un article particulier qui est intitulé «Relations homme-garçon: Différents concepts pour la diversité des phénomènes» et qui a été écrit par le Dr Theo Sandfort et deux autres personnes.

À la page 11 de cet ouvrage publié par Haworth Press, à New York, on lit ceci:

Il est difficile de prédire ce qui se passera dans l'avenir relativement aux relations homme-garçon, à la sexualité des enfants, à la place des enfants dans notre société. La pédophilie deviendra-t-elle une façon de vivre pour certaines personnes, selon leur orientation sexuelle personnellement conçue? La société permettra-t-elle à ces personnes d'adopter cette façon de vivre ou continuera-t-elle de les considérer comme des agresseurs d'enfants? Les relations sexuelles entre adultes et enfants doivent-elles être considérées uniquement comme des agressions sexuelles contre des enfants ou les professionnels et le public finiront-ils par se rendre compte qu'il y a différents genres de rapports intimes entre adultes et enfants et que des distinctions peuvent être faites entre des rapports ayant lieu par consentement ou par la force...

Son Honneur le Président: Sénateur Cools, je regrette de vous informer que vos 15 minutes sont écoulées.

Le sénateur Cools: J'étais sur le point de terminer.

Son Honneur le Président: Demandez-vous du temps supplémentaire?

Une voix: Non.

Le sénateur Cools: Je n'ai pas eu à le demander.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: La permission n'est pas accordée.

(1720)

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur le sous-amendement du sénateur Tkachuk?

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Je crois comprendre que nous sommes prêts à nous prononcer.

Sénateur Cools, invoquez-vous le Règlement?

Le sénateur Cools: Je voudrais un éclaircissement. Ces dernières semaines, de nombreux votes ont eu lieu parce que Son Honneur a répondu à certains sénateurs qui demandaient le vote. C'est arrivé il y a quelques semaines, par exemple, et j'ai été privée du droit de parler à l'étape de la deuxième lecture.

Il me semblerait préférable que, avant de demander si les sénateurs sont prêts à se prononcer, Son Honneur s'assure qu'aucun autre sénateur ne souhaite intervenir.

Le sénateur Robichaud: C'est ce qu'il fait toujours.

Son Honneur le Président: C'est un bon conseil, sénateur Cools. Toutefois, je ne vois aucun sénateur se lever, ce qui serait pour moi le signe qu'un sénateur veut prendre la parole.

Le sénateur Cools: J'étais alors debout.

Son Honneur le Président: Je demande ensuite aux honorables sénateurs s'ils sont prêts à se prononcer pour m'assurer qu'ils savent que nous allons passer au vote.

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Je vais mettre la question aux voix. Il est proposé par l'honorable sénateur Tkachuk, avec l'appui de l'honorable sénateur Gustafson:

Que la motion d'amendement soit modifiée par substitution des mots «l'origine nationale ou ethnique aux mots «l'origine ethnique»,».

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur du sous-amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés:

Le sénateur Stratton: En conformité avec l'alinéa 67(1), j'aimerais reporter le vote à la prochaine séance du Sénat à 17 h 30.

Le sénateur Murray: Peut-être pouvons-nous décider maintenant de discuter de l'amendement proposé par le sénateur St. Germain, ou devons-nous attendre le vote?

Son Honneur le Président: Un élément important du débat consiste à savoir si l'amendement est adopté ou non.

[Plus tôt]

Honorables sénateurs, j'ai un sujet d'importance auquel je dois donner la priorité.

[Français]

LA SANCTION ROYALE

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante:

RIDEAU HALL

Le 1er avril 2004

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable Marie Deschamps, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléant de la Gouverneure générale, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l'annexe de la présente lettre le 1er avril 2004 à 16 h 48.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire de la Gouverneure générale,

Johanne Mackenzie pour Barbara Uteck

L'honorable
        Le Président du Sénat
                Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le jeudi 1er avril 2004:

Loi concernant l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence (Projet de loi C-16, Chapitre 10, 2004)

Loi modifiant la Loi constituant en corporation le Queen's Theological College (Projet de loi S-15)

[Traduction]

LA LOI SUR LA CONCURRENCE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Anne C. Cools propose: Que le projet de loi C-249, Loi modifiant la Loi sur la concurrence, soit lu pour la deuxième fois.—(L'honorable sénateur Rompkey, C.P.).

— Honorables sénateurs, je parlerai seulement quelques minutes du projet de loi C-249, dont le parrain est l'honorable Danny McTeague, de la Chambre des communes. Le projet de loi C-249 traîne au Sénat depuis quelque temps, et on m'a persuadée de dire quelques mots.

Le projet de loi C-249 modifiera la Loi sur la concurrence. Les honorables sénateurs se rappelleront qu'il a été présenté à l'autre endroit il y a quelques années et qu'il a été adopté par une majorité de 175 voix contre 29 voix.

Ce projet de loi nous avait été soumis à la session précédente du Parlement et il avait été renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui l'étudiait lorsque le Parlement a été prorogé en novembre.

Honorables sénateurs, ce projet de loi a pour objet de clarifier les articles traitant de la défense de gains en efficience faisant partie des dispositions relatives à l'examen des fusionnements de la Loi sur la concurrence. Ce projet de loi permettra au Canada d'harmoniser l'examen des fusionnements avec les pratiques en vigueur en Europe et aux États-Unis.

Le paragraphe 96(1) de l'actuelle Loi sur la concurrence prévoit qu'un fusionnement ne doit pas être interdit si le Tribunal de la concurrence conclut que ce fusionnement «a eu pour effet ou aura vraisemblablement pour effet d'entraîner des gains en efficience, que ces gains surpasseront et neutraliseront les effets de l'empêchement ou de la diminution de la concurrence». Cette disposition prévoit qu'un fusionnement peut entraîner une grande efficience et j'estime qu'il faut inclure cette notion dans l'article révisé traitant des fusions.

Cependant, cette disposition a été interprétée par le Tribunal de la concurrence comme signifiant que la défense d'efficience peut être invoquée pour autoriser un fusion qui entraîne, de façon substantielle, une augmentation des prix et une diminution du choix aussi bien que de la qualité des produits.

La disposition a également été interprétée comme autorisant la création d'une situation de monopole qui, à mes yeux, est incompatible avec l'objectif de la Loi sur la concurrence.

Honorables sénateurs, comme je l'ai dit, ce projet de loi a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et y est resté bloqué en raison de la prorogation.

Je tiens à signaler un phénomène un peu curieux. Il est très intéressant que le Parlement ait prorogé la session le 12 novembre et que, le 13 novembre, le président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, le sénateur Richard Kroft, ait fait part par écrit au ministre d'alors, Allan Rock, de ses préoccupations au sujet de ce projet de loi. J'aimerais citer quelques extraits de la lettre du sénateur Kroft.

Cette lettre est datée du 13 novembre, le lendemain de la prorogation. Le projet de loi était donc déjà mort au Feuilleton.

La lettre se lit comme suit:

Cher M. Rock,

Comme vous le savez, le projet de loi C-249, Loi modifiant la Loi sur la concurrence, a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce le 17 septembre 2003.

Je ne vous ai lu que la première ligne de ce paragraphe, qui se poursuit ainsi:

En raison des autres questions dont il était saisi, le Comité n'a pas pu amorcer son étude du projet de loi avant le 5 novembre 2003, date à laquelle il a entendu le commissaire intérimaire de la concurrence. Le Comité a poursuivi son examen du projet de loi le 6 novembre, lorsqu'il a entendu cette fois l'Association du Barreau canadien, deux avocats du cabinet juridique Blake, Cassels & Graydon LLP de Toronto et M. Peter G.C. Townley.

Dans sa lettre, le sénateur Kroft poursuit ainsi:

À la lumière de ces témoignages, le Comité ne s'estime pas en mesure de faire rapport du projet de loi dans l'immédiat.

(1730)

On y lit ensuite:

Le document de discussion publié par le commissaire à la concurrence le 23 juin 2003, intitulé Options pour la modification de la Loi sur la concurrence: La promotion de marchés concurrentiels, a été signalé à l'attention du comité. Apparemment, ce document de travail représente l'aboutissement de deux ans de discussions et d'analyses, et le Bureau de la concurrence continue d'organiser des tables rondes et des consultations sur cette question. Le Comité n'a pas encore réussi à savoir pourquoi il n'y a pas eu de consultations de ce genre au sujet des modifications proposées dans le projet de loi C-249 ou pourquoi celles-ci n'ont pas été incluses dans les consultations en cours. Il estime qu'il pourrait être utile de mener de telles consultations avant qu'il ne poursuive son étude du projet de loi.

Plusieurs personnes nous ont fait savoir qu'elles étaient disposées à comparaître devant le comité à ce sujet, et des membres du comité ont signalé qu'ils aimeraient entendre certains témoins, notamment M. McTeague. Cependant, avant d'organiser des audiences à ce sujet, qui pourraient faire double emploi dans l'éventualité où votre ministère déciderait d'organiser des consultations sur la question, nous aimerions connaître votre réaction aux interrogations formulées dans la présente lettre.

J'espère recevoir bientôt une réponse et je suis à votre disposition si vous voulez discuter plus à fond de ces questions avec moi.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance de ma considération distinguée.

Le président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce,

Richard H. Kroft, C.M.

Honorables sénateurs, il est clair que, dans cette lettre, le sénateur Kroft indique que le comité n'était pas prêt à faire rapport sur le projet de loi parce qu'il estimait qu'il y avait lieu de procéder à de plus amples consultations sur certains enjeux et certaines questions.

Quelques jours plus tard, le ministre de l'époque, M. Rock, a fait la réponse suivante au sénateur Kroft:

Monsieur le Sénateur,

J'ai bien reçu votre lettre du 13 novembre 2003, dans laquelle vous vous disiez préoccupé de la durée des consultations dont a fait l'objet le projet de loi C-249, alors devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, et je vous en remercie.

Comme vous le savez, ce projet de loi émane d'un député, et pour cette raison, il n'a pas été soumis à des consultations publiques par le gouvernement avant d'être présenté à la Chambre des communes, en octobre 2000. Il a été étudié en deuxième lecture et a été renvoyé au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie le 25 février 2002.

À partir de là, le ministre décrit essentiellement ce que j'appellerais une partie du contexte dans lequel le projet de loi a évolué. Il écrit donc ce qui suit:

Le 23 avril 2002, le comité de la Chambre a déposé son rapport sur la question, rapport intitulé Plan d'actualisation du régime de concurrence canadien. La recommandation 28 de ce rapport porte sur le traitement des gains d'efficience et dit ce qui suit:

«Que le gouvernement du Canada constitue immédiatement un groupe de travail indépendant d'experts chargé d'étudier le rôle que devraient jouer les gains d'efficience dans tous les articles de la Loi sur la concurrence prévoyant un examen en droit civil et que le rapport du groupe de travail soit soumis à l'examen d'un comité parlementaire dans les six mois suivant le dépôt du présent rapport.»

Comme l'affaire de Supérieur Propane était devant les tribunaux et que le comité de la Chambre poursuivait son étude du projet de loi, le gouvernement a choisi de commander une étude du traitement des gains d'efficience dans l'examen des fusionnements à l'échelle internationale et de soumettre les résultats de ce travail d'étalonnage à un comité parlementaire. Le rapport de cette étude, intitulé Le traitement des gains en efficience dans l'examen des fusionnements: Une comparaison internationale, a été déposé à la Chambre des communes en février 2003.

Du 31 mars au 9 avril 2003, le comité des Communes a tenu des audiences sur le projet de loi C-249 au cours desquelles il a reçu les témoignages de huit personnes ou organisations. Il a adopté le projet de loi et en a fait rapport à la Chambre, où il a été fortement appuyé. Comme vous le savez, le projet de loi C-249 a été lu pour la première fois au Sénat en mai 2003 et a ensuite été renvoyé au comité sénatorial le 17 septembre 2003.

Les gains en efficience ont fait l'objet de longs débats au cours de la dernière décennie, surtout depuis que le Bureau de la concurrence a contesté la fusion de Supérieur Propane et de ICG Propane devant le Tribunal de la concurrence en 1999. Le rôle des gains d'efficience dans la révision des fusions, qui se trouve au cœur du projet de loi C-249, est à la base de bon nombre de présentations faites au cours de conférences sur les lois et politiques en matière de concurrence, et toutes sortes d'opinions ont été présentées dans divers articles portant sur ce sujet. Je vous renvoie au témoignage présenté devant le comité de la Chambre par M. Robert Russell, avocat de Borden Ladner Gervais...

De l'ancien cabinet d'avocat, Scott & Aylen.

... qui a dit:

«Aucun autre thème de la politique de la concurrence n'a fait l'objet de plus de débats dans notre système juridique que la défense des efficiences [...]. Aucun sujet n'a fait couler plus d'encre, n'a autant monopolisé les discussions et n'a fait l'objet de plus d'articles au Canada ou de réflexions au sein d'autres compétences...»

De même, le long processus de l'étude du projet de loi C-249 à la Chambre a donné amplement de temps à tous ceux que la chose intéressait de faire part de leur opinion sur la question. Par conséquent, je considère que le projet de loi C-249 a fait l'objet de suffisamment de consultations et, à l'instar de la plupart de députés, je l'ai appuyé.

Pour ce qui est de savoir pourquoi les amendements proposés dans le projet de loi C-249 n'ont pas fait partie du processus de consultation ayant entouré le document de travail du 23 juin 2003 intitulé Options pour la modification de la Loi sur la concurrence: La promotion de marchés concurrentiels, je dois souligner les importantes différences entre la nature des propositions contenues dans le document de travail et le projet de loi C-249.

De toute façon, M. Rock, qui était ministre à ce moment-là, a continué de présenter l'historique de ces documents de travail et des processus de consultation entrepris. Il a ensuite conclu en disant:

Compte tenu de ce qui précède...

Et c'est là le dernier paragraphe de la lettre de M. Rock, au sénateur Kroft.

... Industrie Canada n'a pas l'intention d'entreprendre des consultations précises sur le projet de loi C-249 comme tel, puisque ce projet de loi a déjà été adopté par la Chambre des communes. Néanmoins, j'espère que le comité sénatorial aura la chance de poursuivre son étude de ce projet de loi important, s'il est à nouveau renvoyé au comité sénatorial après la reprise des travaux du Parlement et que le comité sénatorial tiendra compte des longues discussions qui ont déjà eu lieu relativement aux gains en efficience. Dans cette optique, j'espère que ces renseignements seront utiles au comité pour prendre sa décision en vue de la tenue d'audiences supplémentaires sur la question.

Veuillez agréer l'expression de ma considération distinguée.

Allan Rock

Honorables sénateurs, ce qui se présente à nous, c'est une situation où, entre deux sessions du Parlement, le sénateur Kroft a écrit une lettre au ministre, lui disant que le comité ne pouvait pas continuer son examen du projet de loi parce qu'il fallait que le ministre étudie ce projet de loi davantage, et le ministre a répondu dans une lettre qu'il n'avait aucunement l'intention de l'étudier davantage, son ministère et tout un chacun l'ayant déjà amplement étudié.

Je voulais simplement que ce soit consigné au compte rendu.

Je dois dire aux honorables sénateurs que je travaille à de nombreuses choses, mais la Loi sur la concurrence n'en fait pas partie, bien que je comprenne très bien les questions que M. McTeague s'était efforcé, à l'époque, de faire figurer dans le projet de loi.

Je voudrais dire qu'à mon avis, il y a des causes dignes d'être défendues et des questions dignes d'intérêt, et même si ce ne sont pas mes questions à moi, j'ai consenti à accomplir cette petite tâche plutôt que de laisser le projet de loi languir et mourir, parce que je pensais que le projet de loi était assez important pour mériter d'être examiné convenablement. Je ne comprends vraiment pas pourquoi le projet de loi a dépéri et pourquoi il n'a pas fait l'objet d'une étude sérieuse, surtout que ce texte bénéficiait à l'époque du soutien intégral du ministre.

Je dois dire, honorables sénateurs, que j'ai été un peu vexée, pour ne pas dire abasourdie, du fait que tant de sénateurs libéraux se sont précipités pour essayer de faire en sorte que le projet de loi C-250 — un projet de loi d'un néo-démocrate — fasse l'objet d'un débat et soit mis aux voix, tandis que l'on a laissé le projet de loi d'un de nos propres collègues, Dan McTeague, dépérir et presque mourir, n'eût été de mon intervention d'aujourd'hui pour au moins le faire avancer.

Comme peuvent le voir les honorables sénateurs, les jours s'écoulent au Feuilleton et je crois que le projet de loi proprement dit en est au jour 14 et qu'il a besoin qu'on l'active.

(1740)

Honorables sénateurs, il se fait tard. Il se fait tard non seulement aujourd'hui, mais aussi dans la session. Bien que ce soit une nouvelle session, beaucoup, chez les libéraux du moins, s'attendent à ce que nous passions en mode électoral. Les libéraux s'y attendent depuis le mois de novembre. Ce n'est pas du tout inhabituel.

Honorables sénateurs, pour la postérité, au nom du dialogue, au nom du débat, et en vue d'aider un collègue de la Chambre des communes à faire avancer une idée qui lui est chère, je recommande chaudement le projet de loi à votre attention et à vos bons offices. Je regrette qu'il n'ait pas davantage progressé. Je regrette sincèrement que le Comité sénatorial des banques ne se soit pas saisi du projet de loi et ne lui ait pas accordé l'attention et la considération qu'il mérite. Comme nous le savons, il y a au Comité des banques un grand nombre d'hommes et de femmes très capables. Il est bien connu, par exemple, que, de tout temps, ce comité a compté parmi ses membres certains des hommes les plus éminents de notre pays. Certains de ces noms s'estompent de nos mémoires, notamment le sénateur Hayden, le sénateur Buckwold et d'autres. J'ai eu le privilège d'en connaître beaucoup.

Honorables sénateurs, pour abréger une longue histoire, ce projet de loi essaie de combler une lacune dans la Loi sur la concurrence en combinant les dispositions concernant l'examen des fusionnements pour que la question des gains en efficience soit prise en considération de concert avec toutes les autres questions qui doivent être étudiées quand a lieu une fusion.

Cette mesure bénéficiait précédemment de l'appui du Bureau de la concurrence. Il est intéressant que le ministre et le Bureau de la concurrence aient appuyé le projet de loi. Il y a à la Chambre des communes une règle magique selon laquelle les projets de loi peuvent être rétablis sans devoir être présentés une nouvelle fois, et ils gardent même leur numéro; c'est donc une bizarrerie constitutionnelle douteuse. Toutefois, c'est comme cela que ça se passe et personne ne semble se poser de questions. Je suppose que si personne ne se pose de questions, c'est que cela doit être bien et correct et dans les règles.

Quoi qu'il en soit, je recommande le projet de loi à la considération de nos collègues et je le recommande à l'étude de notre Comité sénatorial permanent des banques et du commerce — des hommes et des femmes très capables pour lesquels j'ai le plus profond respect.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme nous le savons tous, un projet de loi d'initiative privée qui a été présenté à l'autre endroit et qui nous vient de l'autre endroit doit être parrainé par quelqu'un ici. Je suis ravi que le sénateur Cools ait agi à ce titre et je sais que le député qui a parrainé le projet de loi dans l'autre endroit, M. McTeague, sera lui aussi ravi.

Évidemment, cela ne concerne pas le gouvernement. Sans parler au nom du gouvernement, mais plutôt comme sénateur, je suis d'accord pour renvoyer le projet de loi au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, au nom de l'opposition, je donne mon accord au principe général du projet de loi. Je recommande à nos collègues du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce d'analyser attentivement le projet de loi. Cela dit, j'appuie la deuxième lecture.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire: L'honorable sénateur Cools, avec l'appui de l'honorable sénateur Day, propose: Que ce projet de loi soit lu pour la deuxième fois. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Cools, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION

SIXIÈME RAPPORT DU COMITÉ— AJOURNEMENT DU DÉBAT

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (document intitulé Règlement administratif du Sénat), déposé au Sénat le 31 mars 2004.—(L'honorable sénateur Bacon)

L'honorable Lise Bacon propose: Que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse de présenter le Règlement administratif du Sénat, qui a été préparé sous la direction du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

Le projet de règlement administratif a été étudié par un groupe de travail créé par le comité, le 5 novembre 2003, et présidé par le sénateur George Furey. Les sénateurs Stratton et Jaffer étaient membres du groupe de travail. Le greffier du Sénat et le légiste et conseiller parlementaire ont collaboré étroitement avec le groupe de travail. J'apprécie beaucoup les efforts des sénateurs qui ont participé au groupe de travail, et je les remercie de leur contribution à la bonne gouvernance du Sénat.

Le projet avait pour principal objectif de colliger et de codifier dans un document cohérent, exhaustif et accessible à la population, les règles et les principes fondamentaux qui régissent l'administration interne du Sénat et l'affectation et l'utilisation de ses ressources.

Il y a quelques années, en 1992, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a envisagé la possibilité de prendre un règlement, mais a décidé à l'époque de ne pas choisir cette option. Au fil des ans, on a discuté de la nécessité et de l'opportunité d'adopter un règlement ou des règles régissant le Sénat. Le comité s'est laissé persuader, par des arguments convaincants, d'adopter un règlement administratif.

[Français]

Il faut dire que l'adoption d'un tel document permettra d'accroître la transparence et la responsabilité de mieux informer tous ceux qui sont affectés par les règles administratives et permettra à l'administration du Sénat de continuer d'améliorer les services.

Pour le public en général, il sera de nature à favoriser une plus grande confiance dans la bonne gouvernance de notre institution.

[Traduction]

Ce document permettra d'accroître la cohérence et la transparence des principes et des règles dont l'application sera recommandée. En offrant à tous, y compris aux sénateurs, à leur personnel et à la population, un meilleur accès à ces principes, ce document accroîtra l'obligation du Sénat à rendre des comptes.

[Français]

Enfin, comme il est dit à l'annexe A, à l'introduction du Règlement administratif du Sénat, le Règlement du Sénat est modifié par quelques changements utiles qui découlent de l'adoption du Règlement administratif du Sénat, dont une nouvelle formulation du mandat de votre comité.

[Traduction]

Je recommande l'adoption de notre sixième rapport.

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Furey et le sénateur Bacon qui ont participé à la rédaction de ce document. Je respecte les buts qu'ils visaient en cherchant à élaborer un processus plus transparent qui correspond à ce que l'administration fait déjà depuis un certain temps. Toutefois, je demanderais que nous ayons plus de temps pour étudier le document. Personnellement, je l'ai vu pour la première fois mardi seulement. J'étais absent la semaine dernière lorsqu'il a été distribué, et je dois avouer que je n'ai pas eu la chance d'y jeter un coup d'oeil avant mardi. Avec votre consentement, je demanderais que nous ayons un peu plus de temps pour l'examiner.

(1750)

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, j'appuie la suggestion du sénateur Atkins. Entre-temps, quelqu'un pourrait-il rédiger des notes explicatives résumant les grandes lignes du document? Il est difficile de trouver les réponses dans le livre même. Par exemple, le mandat du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a été modifié et l'annexe a été tirée du Règlement. La disposition obligeant le greffier à déposer les états financiers a été supprimée. Tout cela est peut-être reproduit dans le document, mais comme le sénateur Atkins, je n'ai pas eu le temps de l'examiner aussi attentivement que je l'aurais voulu.

Le sénateur Bacon: Je suis d'accord pour que l'on donne plus de temps aux sénateurs qui en ont besoin pour lire le document. Cependant, je signale que, à l'étape du comité, nous avons eu au moins cinq jours, plus deux jours cette semaine, pour lire le document et l'examiner.

J'invite le sénateur Furey à répondre aux questions.

L'honorable George J. Furey: Honorables sénateurs, bonne note est prise du point soulevé par le sénateur Lynch-Staunton, tout comme de celui de notre bon ami, en face, le sénateur Atkins.

Certains détails ont été modifiés, et on pourrait facilement les surligner de manière à ce que nos collègues puissent plus facilement les examiner et les contester, le cas échéant.

Par exemple, l'article 133 a été retiré du Règlement du Sénat parce qu'il semblait qu'il s'agissait d'une disposition administrative. Cette disposition a donc été incluse dans la partie portant sur l'administration. Cette modification pourrait être surlignée et accompagnée d'une note explicative. Je serai très heureux de répondre aux questions que mes collègues pourraient avoir à ce sujet. J'ai pris bonne note du point soulevé par le sénateur. Nous ferons cela avant la prochaine séance.

(Sur la motion du sénateur Atkins, le débat est ajourné.)

LA RECONNAISSANCE DES PRÉJUDICES CAUSÉS AU PEUPLE ACADIEN

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Comeau, attirant l'attention du Sénat sur les Débats de la Chambre des communes du 11 février dernier; particulièrement, sur les ennuis causés par la motion M-382 du député bloquiste Stéphane Bergeron dans laquelle il demande:

Qu'une humble Adresse soit présentée à Son Excellence, dans la foulée des démarches entreprises par la Société nationale de l'Acadie, la priant d'intervenir auprès de Sa Majesté afin que la Couronne britannique reconnaisse officiellement les préjudices causés en son nom au peuple acadien, de 1755 à 1763.—(L'honorable sénateur Losier-Cool).

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je crois comprendre que le sénateur Losier-Cool a terminé ses commentaires sur cet article. J'allais intervenir, mais je ne le ferai pas si j'ai mal compris.

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, la motion est inscrite en mon nom, mais je vais permettre au sénateur Kinsella de prendre la parole. La motion de la Chambre des communes dont il est question a été rejetée, si bien que je n'interviendrai pas.

Le sénateur Kinsella: Je vais d'abord formuler quelques commentaires pour le compte rendu.

[Français]

Honorables sénateurs, je saisis aujourd'hui l'occasion de commenter sur l'interpellation de mon collègue, le sénateur Comeau, sur la motion du député bloquiste Stéphane Bergeron, dans laquelle il demande que la Couronne reconnaisse les préjudices causés au peuple acadien entre 1755 et 1763. Mon siège du côté sénatorial du Parlement me fournit une perspective intéressante pour suivre le débat.

Je limiterai mes observations à la campagne de M. Bergeron, car le discours du sénateur Comeau a évoqué le bien-fondé de la motion.

[Traduction]

Honorables sénateurs, j'ai employé le mot «campagne» parce que toute initiative sérieuse de ce genre se fonderait normalement sur des techniques de campagne éprouvées. D'après mon expérience de nombreuses campagnes au fil des années, les principaux éléments de la campagne devraient inclure l'objectif, les tentatives visant à éveiller l'intérêt et à obtenir le soutien du public, une ligne de conduite organisée et un échéancier.

Une campagne devrait aussi tenir compte du champ d'action où a lieu l'engagement. Des stratégies et diverses tactiques sont sans aucun doute planifiées dans le secret de divers caucus de partis, mais, historiquement parlant, elles n'ont pas été exposées en public, à la Chambre des communes. Cette assemblée est une arène rude et implacable, où les prisonniers bénéficient rarement de la protection de la convention de Genève. Je ne dis pas cela pour dénigrer les députés par des stéréotypes. Bien au contraire, les députés de tous les partis à la Chambre jouent un rôle essentiel pour la démocratie dans notre système de gouvernement responsable.

Toutes les institutions ont leurs traditions propres, leurs systèmes de valeurs et leurs façons de faire les choses. C'est le cas des universités, des religions organisées, des forces armées et d'autres entités. Les institutions gouvernementales n'y font pas exception. La mission, le rôle, les règles et l'admission de membres, entre autres facteurs, confèrent à chaque institution ses caractéristiques particulières. Même la Chambre des communes et le Sénat fonctionnent très différemment.

Certains pourraient tenir pour acquis que le fait de reconnaître qu'on a eu tort de déporter les Acadiens constitue un acte simple et que l'affiliation politique et les convictions nationalistes de l'auteur de la motion ne devraient pas entrer en ligne de compte. La réalité, c'est que les Communes sont une assemblée antagoniste où règne une atmosphère partisane. Les députés fédéralistes sont constamment confrontés au fait que le Bloc québécois est un parti séparatiste qui a pour mission de séparer la province de Québec du Canada. Les députés fédéralistes servent en première ligne. Il ne fait guère de doute que le patriotisme exerce une influence. Il est par conséquent logique que les motifs de M. Bergeron éveillent les soupçons des fédéralistes. La plupart des initiatives du Bloc passent par le filtre du doute.

Il existe un dicton selon lequel la position que vous adoptez dépend de l'endroit où vous vous trouvez. C'est particulièrement vrai à la Chambre des communes. En toute justice, le Bloc québécois ne cache pas qu'il fait la promotion du sentiment voulant que la fédération canadienne soit désavantageuse pour les francophones en général et pour les francophones du Québec en particulier. Il incombe donc aux députés du Bloc de démontrer, par divers moyens, que la séparation du Canada est la seule solution viable.

La plupart seraient d'accord pour dire que le Bloc québécois serait justifié de se méfier des interventions favorables faites par des députés fédéralistes à l'égard des aspirations séparatistes. De même, il est compréhensible que les députés fédéralistes s'interrogent sur les intentions du Bloc. Cette motion ne fait pas exception. Les députés fédéralistes peuvent fort bien soupçonner que cette motion est un moyen de faire dire des choses inappropriées à des députés non informés. Ce point a été clairement présenté par le sénateur Comeau dans ses remarques.

Il n'échapperait pas aux députés fédéralistes que le manque de préparation donne à penser que le but visé était que la Chambre vote contre la résolution. Le Bloc pourrait alors accuser les Canadiens anglais d'être contre les Acadiens parce qu'ils sont francophones. Une résolution qui serait adoptée ferait des députés du Bloc québécois les grands protecteurs des Acadiens, tandis que les députés fédéralistes seraient blâmés si la résolution était rejetée. Indépendamment du résultat obtenu, le fait que le Bloc québécois gagne d'une façon ou d'une autre doit sûrement contrarier les députés fédéralistes.

M. Bergeron a gagné trois élections fédérales, ce qui donne à penser qu'il connaît les rouages d'une campagne électorale. Ce n'est pas un nouveau venu sur la scène politique. Par conséquent, il doit être bien conscient, comme le sont la plupart des parlementaires élus, de la nécessité de se préparer de façon minutieuse avant de déposer une motion s'il espère que celle-ci soit adoptée. Par conséquent, le manque de préparation est révélateur.

Honorables sénateurs, d'aucuns ont dit que la politique est l'art de rendre les choses possibles, mais cela exige des efforts, du temps et des compromis. Il n'y a pas de raccourcis pour faire adopter des résolutions parlementaires. En tant que député aguerri, M. Bergeron est conscient de la nécessité d'établir un plan d'action détaillé. L'élaboration d'un tel plan est une tâche longue, difficile et ardue, particulièrement dans l'opposition. Ce plan doit prévoir une multitude de réponses à des situations imprévues. M. Bergeron est conscient du fait que l'appui doit provenir d'un grand nombre d'intervenants dans bien des secteurs. Il lui aura fallu établir, motiver et entretenir un réseau national de partisans loyaux qui appuient la cause des Acadiens. Il serait essentiel que le plan soit inclusif et qu'il permette des compromis et d'en arriver à une bonne conclusion en fin de compte.

(1800)

Tout ce travail doit être effectué avant même le dépôt de la motion. Cette grande quantité de travail exige que la personne y croie vraiment, car le parrain devient bien souvent dépassé, le soutien de la cause prenant une dynamique propre.

Honorables sénateurs, le manque de préparation conduit à l'échec dans une assemblée législative, mais d'autres facteurs viennent aggraver les choses dans ce cas-ci. Ses allégeances séparatistes pourraient avoir été atténuées par une préparation et une consultation préalables avec d'autres parlementaires de diverses allégeances. Cependant, cela ne s'est pas produit. De plus, le fait que M. Bergeron ait récemment découvert ses racines acadiennes n'a pas aidé sa crédibilité. Les observations bloquistes sur la motion ont démontré un manque de compréhension offensant de la psyché acadienne.

[Français]

[...] que la blessure soit pansée pour qu'enfin, on puisse vivre au présent en travaillant pour le futur [...]

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures.

Le sénateur Rompkey: Votre Honneur, je crois que vous trouveriez consentement pour ne pas voir l'heure.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour ne pas voir l'heure?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, les observations formulées au Parlement et dans les médias par la majorité à la Chambre des communes permettaient de croire que la motion serait rejetée.

[Français]

Le ministre Stéphane Dion a dit que:

Cette motion ne passera pas par un parti séparatiste. Elle doit venir de la société acadienne.

[Traduction]

Un ardent défenseur de cette mesure dans le but de faire avancer la cause des Acadiens évaluerait de façon crédible et essentielle la possibilité que sa motion soit adoptée avant de la déposer. Il aurait réfléchi aux répercussions du rejet de cette motion. Le rejet ne laisse-t-il pas entendre que la Chambre des communes a reconnu que les Britanniques avaient des raisons de déporter les Acadiens? S'il avait vraiment cru dans la cause, il aurait hésité à déposer une motion très risquée qui avait de fortes chances d'être rejetée.

Rien ne prouve que des travaux préliminaires ont été effectués avant le dépôt de la motion. Je ne connais aucun groupe acadien qu'on a approché à ce sujet. La Société nationale des Acadiens n'a certes pas été consultée. En fait, elle était au départ exaspérée à juste titre de ne pas l'avoir été. Elle a demandé à M. Bergeron de retirer la motion afin que l'Acadie puisse étudier la question, mais M. Bergeron a refusé.

Tout le processus a été mis en branle avec le dépôt de cette motion. Le vote approchait à grands pas et aucun travail n'avait été effectué pour garantir l'adoption de la motion. Les groupes acadiens se sont sentis forcés d'organiser une campagne d'urgence pour obtenir l'appui à cette motion. Cela s'est fait aux conditions de M. Bergeron plutôt qu'en fonction des objectifs de la Société nationale des Acadiens. Il est compréhensible que les Acadiens ne voulaient pas d'un vote officiel au gouvernement fédéral qui, fondamentalement, laissait entendre que les Britanniques n'avaient pas eu tort de déporter les Acadiens.

[Français]

Honorables sénateurs, je terminerai en disant qu'il est relativement facile de déposer une motion d'un paragraphe. Et parfois, il s'ensuit une forte réponse médiatique qui fait bien paraître les motionnaires, comme dans ce cas-ci.

M. Bergeron n'avait mené aucune campagne. Il a déclenché un processus et laissé les événements suivre leur cours. Il aurait pu discuter de ces plans avec les parlementaires acadiens sur la colline du Parlement. Je suis convaincu que la majorité de ces derniers l'auraient conseillé judicieusement. Il existe d'autres moyens plus prudents pour arriver à obtenir une reconnaissance des préjudices. Il aurait pu emprunter une avenue moins risquée dans ce processus qui ne peut être que progressif. Il n'a rien fait de tout cela. C'était presque assuré que la motion serait défaite et son rejet est désormais inscrit dans les registres et les livres d'histoire de l'autre Chambre. On peut dès lors se demander si l'objectif visé était réellement l'adoption de la motion.

(Sur la motion du sénateur Corbin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L'AVANCEMENT DES MINORITÉS VISIBLES DANS LA FONCTION PUBLIQUE

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Donald H. Oliver, ayant donné avis le 30 mars 2004:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur les obstacles à l'avancement des minorités visibles dans la fonction publique du Canada.

— Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la crise de plus en plus alarmante qui sévit au sein de la fonction publique du Canada. Cette crise est engendrée par les obstacles à l'avancement des Canadiens de couleur dans la fonction publique du Canada.

En raison de ce racisme systémique, le progrès est pour ainsi dire inexistant pour les minorités visibles dont la contribution à la fonction publique du Canada est importante et précieuse. Il n'y a pas de mobilité ascendante et, plus important encore, le gouvernement, le gouverneur en conseil et le premier ministre ne montrent aucune volonté de faire quoi que ce soit à ce sujet. Le discours du Trône est resté silencieux à propos des minorités visibles. Le récent budget du gouvernement Martin est lui aussi muet à ce sujet. Qui plus est, le dernier rapport annuel du Parlement sur l'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale sous-estime le regrettable manque de politiques et de programmes visant à améliorer l'avancement des minorités visibles au sein de la fonction publique fédérale.

Il y a bien des années, John G. Diefenbaker, ruminant sur le caractère multiculturel de notre pays, a dit que le Canada n'était pas une mosaïque, «chose statique dont les éléments sont distincts et divisés», ni un creuset, analogie qui ne convenait plus non plus, selon lui. Il concevait plutôt le Canada comme «un jardin dans lequel avaient été transplantées les fleurs les plus vivaces et les plus magnifiques de nombreux pays et dont chacune retenait dans son nouvel environnement les plus belles des qualités pour lesquelles elle était aimée et convoitée dans sa terre d'origine».

Il m'apparaît clairement que le jardin multiculturel canadien est un désastre, que ses fleurs y sont étouffées par la mauvaise herbe, qu'il manque cruellement d'eau et qu'une négligence flagrante en a fait bien peu de chose. Il est temps de porter les problèmes qui l'affligent au grand jour, d'en exposer les racines et de répandre la semence de programmes et de politiques inédits propres à nous assurer des récoltes riches et nombreuses.

Aujourd'hui, je vais d'abord vous expliquer pourquoi une enquête sur les obstacles que doivent surmonter les membres des minorités visibles dans la fonction publique canadienne s'impose de toute urgence; ensuite, je vais traiter des causes du problème et, enfin, je vais exposer certaines des solutions que je préconise.

Le message que je tiens à communiquer est que le racisme systémique continue d'entraver l'avancement des membres des minorités visibles dans la fonction publique fédérale. Pourtant, le gouvernement refuse même d'admettre qu'il y a crise. Nous devons faire la lumière sur les problèmes, clarifier ce qu'il y a à faire et exposer la vérité, à savoir qu'une fonction publique fédérale pluraliste et inclusive sur le plan racial serait à l'avantage de tous les Canadiens, maintenant et dans l'avenir.

Permettez-moi d'abord de vous rappeler la Loi sur le multiculturalisme canadien, adoptée en 1988. Son premier objectif était de favoriser l'émergence d'une société qui reconnaisse, respecte et reflète diverses cultures afin que les citoyens de toutes origines sentent qu'ils appartiennent à notre pays et qu'ils y soient attachés. Elle visait en second lieu à bâtir une société capable de traiter avec justice et équité tous ses citoyens, quelle que soit leur origine, et de respecter leur dignité. Son troisième objectif consistait à faire en sorte que ses citoyens issus de diverses cultures deviennent des citoyens actifs ayant à la fois la possibilité et la capacité de contribuer à bâtir l'avenir de leurs communautés et de leur pays.

Reconnaissant le rôle crucial que les organismes fédéraux peuvent jouer dans la préservation et le renforcement du multiculturalisme canadien, la loi énonce des «directives précises à l'endroit du gouvernement fédéral». Il doit notamment:

  • faire en sorte que les Canadiens de toutes origines aient des chances égales d'emploi et d'avancement dans les institutions fédérales;
     
  • promouvoir des politiques, programmes et actions de nature à favoriser la contribution des individus et des collectivités de toutes origines à l'évolution du pays;
     
  • promouvoir des politiques, programmes et actions permettant au public de mieux comprendre et de respecter la diversité des membres de la société canadienne.

Ces instructions ont-elles été respectées? Les membres des minorités visibles bénéficient-ils d'une égalité d'accès à l'emploi dans la fonction publique fédérale? A-t-on mis en place des programmes pour leur permettre de pleinement mettre leurs talents et leurs capacités à la disposition de la fonction publique fédérale? Comprend-on leurs problèmes? Respecte-t-on leur diversité? La réponse à ces questions, honorables sénateurs, est non, non et non.

(1810)

Aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, le gouvernement fédéral doit assurer une représentation et une participation équitables des quatre groupes désignés — les Autochtones, les femmes, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles — au sein de son effectif. Pour répondre aux besoins particuliers de trois de ces groupes désignés, il y a des ministères, des secrétariats ou des centres de ressources fédéraux particuliers. Il y a des programmes exhaustifs de formation et de bourses ainsi qu'une aide financière, technique et professionnelle à l'appui de ces priorités.

Ces initiatives fonctionnent très bien, selon le dernier rapport sur l'équité en matière d'emploi; pourtant, il n'y a aucune mesure d'une telle ampleur et d'une telle profondeur pour les membres des minorités visibles. Même l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada, que le gouvernement a récemment créée, ne prévoit pas de mesures pour les minorités visibles.

Évidemment, il y a le plan d'action «Faire place au changement» que le gouvernement a approuvé en juin 2000 pour régler le problème de la sous-représentation des minorités visibles dans la fonction publique fédérale et pour refléter la société canadienne moderne. Le gouvernement a conçu le plan d'action «Faire place au changement» pour éliminer les barrières systémiques, pour encourager une culture organisationnelle propice et pour assumer directement la responsabilité de l'atteinte des objectifs établis pour bâtir une fonction publique fédérale représentative et inclusive.

Le plan est-il efficace? Y a-t-il, toutes proportions gardées, davantage de membres des minorités visibles qui sont embauchés? Les gens de couleur sont-ils promus à des postes qui comportent plus de responsabilités et dans le cadre desquels ils peuvent influer positivement sur la diversité culturelle de la fonction publique fédérale? Encore une fois, la réponse à toutes ces questions est non. Les minorités visibles demeurent au bas de l'échelle.

Voyons le rapport annuel sur l'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale qui a été rendu public le mois dernier et qui a été déposé au Parlement. On y vante les réalisations du gouvernement pour ce qui est de devenir une «institution nationale davantage représentative et inclusive». On y présente les derniers chiffres qui montrent une meilleure représentation de tous les groupes désignés dans la fonction publique canadienne — les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les minorités visibles. On s'y félicite aussi du fait que la représentation des trois premiers groupes dans la fonction publique dépasse leur disponibilité au sein de la population active.

Bien que le rapport reconnaisse que le gouvernement doit accélérer les progrès concernant les minorités visibles, il ne dit mot des faits essentiels suivants: premièrement, les progrès accomplis par le gouvernement à l'égard des minorités visibles est une honte. Deuxièmement, le gouvernement n'en fait pas assez pour régler le problème.

Les minorités visibles constituent actuellement 13,4 p. 100 de la population canadienne; or, les personnes appartenant à une minorité visible ne représentent que 7,4 p. 100 de la fonction publique fédérale — soit une augmentation de seulement 0,6 p. 100 au cours de la dernière année. Qui plus est, le pourcentage des nouvelles recrues appartenant à une minorité visible a diminué cette année.

Les chiffres sont très loin des cibles établies par le plan d'action «Faire place au changement». Ces cibles, que le gouvernement du Canada s'est engagé à atteindre, avaient pour but de faire en sorte que, d'ici 2003, une nouvelle recrue sur cinq, soit 20 p. 100 des personnes engagées à l'extérieur de la fonction publique, appartienne à une minorité visible. D'ici 2005, une personne sur cinq, soit 20 p. 100, de toutes celles qui accèdent au groupe de la haute direction, devrait être membre d'une minorité visible.

Néanmoins, en dépit de la lenteur relative des progrès, la Division de l'équité en emploi du BCP promet seulement de présenter «aux ministères des modèles de réussite», de leur fournir des outils et de les aider à se doter des capacités nécessaires pour effectuer le changement.

Honorables sénateurs, cela ne suffit tout simplement pas. Si ces modèles, ces outils et cette aide ne donnent pas de résultat aujourd'hui, qu'est-ce qui fait croire au gouvernement Martin qu'ils donneront des résultats demain? Nier les problèmes ne les feront pas disparaître et ne fera pas de la fonction publique un modèle pour les employeurs dans tous les secteurs de l'économie.

Honorables sénateurs, je crois que le problème fondamental est une forme de racisme systémique, un problème que les Canadiens de couleur connaissent depuis longtemps dans leur milieu de travail. Je vais vous donner un exemple. En 1984, l'Alliance urbaine sur les relations interraciales et le Conseil de planification social du Grand Toronto ont fait faire une étude sur la discrimination raciale dans le processus de recrutement. L'étude a conclu à l'existence d'un degré important de discrimination raciale à l'égard des personnes appartenant à une minorité visible qui sont à la recherche d'un emploi.

Honorables sénateurs, le racisme systémique dans la fonction publique du Canada atteint des niveaux records. Le moral des minorités visibles est au plus bas. Elles n'ont que peu, voire aucun espoir d'être promues ou d'être traitées à égalité. Rien n'est fait pour régler ce problème, car peu de personnes reconnaissent, comprennent ou acceptent la triste réalité de l'existence du racisme encore aujourd'hui dans notre pays. Beaucoup croient, à tort, que le racisme, les préjugés et la bigoterie sont des chose du passé, mais le fait est que le racisme continue à obscurcir le jugement des Canadiens. C'est un problème qui n'a tout simplement pas disparu.

Par exemple, les Noirs célébreront l'année prochaine le 400e anniversaire de leur présence au Canada. Pendant cette période, il a coulé beaucoup d'eau sous les ponts. Nous sommes passés de l'esclavage à la liberté, nous avons participé à deux guerres mondiales et nous avons aidé à façonner ce pays. Malgré tout, nous demeurons inégaux.

J'ai ressenti la blessure de la discrimination. Je sais, avec tristesse, comment on se sent lorsqu'on reçoit des messages haineux, lorsqu'on est bafoué, lorsque des occasions d'affaires nous passent sous le nez parce qu'on est Noir. Je connais la douleur de voir des concitoyens plier sous les pressions de la discrimination, avant d'abandonner. Je sais comment on se sent lorsqu'on voit des vies pleines de promesses être ruinées à cause du racisme. Je sais comment on se sent, et c'est pourquoi je veux y mettre fin.

Le racisme existe au Canada depuis que les Noirs y habitent. Dans les années 1840, un juge ontarien du nom de Robert Lachlan a affirmé que les 1 600 Noirs de la province étaient responsables de plus de crimes que leurs 16 000 concitoyens blancs réunis.

En 1912, George Parkin, enseignant respecté et ancien directeur du Upper Canada College de Toronto, a déclaré que l'un des avantages du climat rigoureux du Canada était qu'il «dissuadait les Noirs d'y venir».

Pendant la Première Guerre mondiale, on a refusé aux Noirs la possibilité de servir leur pays dans l'armée régulière. Ils ont été relégués aux bataillons spéciaux chargés de la construction. Ici même en Ontario, c'est seulement en 1965 que la dernière école ségréguée a fermé ses portes. Jusqu'en 1968, les Noirs n'avaient pas le droit d'être enterrés dans certains cimetières de la Nouvelle-Écosse.

Combien de cadres supérieurs de race noire trouvons-nous aujourd'hui dans les grandes banques ou les grandes compagnies d'assurance au Canada? Combien de présidents d'université sont de race noire? Combien de commandants des forces armées sont de race noire? Combien de politiciens sont de race noire? Combien de dirigeants dans la fonction publique fédérale sont de race noire? Pourquoi, après toutes ces belles paroles, les Noirs et autres minorités visibles ne représentent-ils que 7,4 p. 100 de la fonction publique fédérale alors qu'ils constituent 13,4 p. 100 de la population?

La Charte des droits et libertés dit que nous sommes tous égaux devant la loi. Elle interdit la discrimination fondée sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur ou la religion. La Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit que tous les individus ont droit à l'égalité des chances d'épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins sans crainte de discrimination. La Loi sur la citoyenneté canadienne précise que tous les Canadiens ont droit aux mêmes droits, pouvoirs et privilèges.

Malgré tout cela, les minorités visibles au pays continuent de faire l'objet de discrimination. Ce n'est peut-être pas aussi flagrant que ce que l'on voyait il y a 30 ou 40 ans, quand j'étais plus jeune et que l'on se faisait dire que l'on ne pouvait pas entrer dans tel ou tel restaurant. C'est beaucoup plus subtil et insidieux. Cela s'appelle le plafond de verre, un plateau au-dessus duquel les minorités visibles ne peuvent pas se hisser, peu importe leurs habiletés ou compétences ou réalisations. Les gens de couleur ne savent jamais au juste quand ils frapperont le plafond, mais ils savent qu'il existe. Ils savent que, si leurs aspirations sont trop élevées, ils seront laissés pour compte, retenus, évincés, et qu'ils se verront refuser la possibilité de participer pleinement et équitablement aux côtés de leurs concitoyens canadiens.

Honorables sénateurs, il y a une guerre pour l'égalité des droits au pays, et ne vous méprenez pas, il s'agit véritablement d'une guerre. La première étape pour la gagner consiste à dire la vérité purement et simplement.

Le racisme existe au Canada, en fait partout dans le monde, et il demeure largement invisible, grossièrement sous-estimé et omniprésent. Le journal londonien The Guardian a récemment publié un article qui m'a fasciné, un article qui décrit en termes très clairs les problèmes fondamentaux entourant le racisme. L'auteur de l'article en question, Martin Jacques, un Blanc et un professeur invité à la London School of Economics, décrit ses impressions et son expérience du racisme. Il commence son article en disant:

(1820)

J'ai toujours eu de la difficulté à comprendre le racisme. Ce n'était jamais intuitif. La raison en était simple. Comme tout autre Blanc, je ne l'avais jamais vécu moi-même; j'ai dû apprendre la signification de la couleur de la peau. L'élément déclencheur a été mon histoire d'amour avec mon épouse, une indo-malaysienne, et sa venue en Angleterre pour y vivre. Alors, avec le temps, j'en suis arrivé à voir mon propre pays d'une manière totalement différente, à travers ses yeux, son expérience. La couleur est une chose à laquelle les Blancs ne pensent jamais parce que, pour eux, ce n'est jamais un handicap, jamais une source de préjudice ou de discrimination, mais plutôt le contraire, une source de privilège. Aussi libéral et ouvert que j'essayais d'être, je voyais toujours le monde sous l'angle d'un Blanc. Mon épouse a commencé mon éducation.

Selon l'étude sur la diversité ethnique que vient de publier Statistique Canada, par exemple, près d'un tiers des Canadiens de race noire ont déclaré avoir été victimes de discrimination ou traités injustement au cours des cinq dernières années. Le rapport indique également que, en 2000, les Noirs âgés de 25 à 54 ans nés au Canada et à l'étranger gagnaient environ 6 000 $ de moins, en moyenne, que les autres Canadiens. De plus, le taux de sans-emploi chez les Noirs était d'au moins 1,9 p. 100 plus élevé que le taux du reste de la population pour l'année 2001.

C'est déplorable, et la situation n'est pas mieux dans la fonction publique fédérale.

En résumé, peu importe jusqu'à quel point quelqu'un essaie de nier ou d'ignorer le racisme, il montre toujours son affreux visage dans la fonction publique fédérale, dans le milieu de travail en général et dans l'ensemble de la société, et en notre qualité de sénateur, nous devons agir de manière positive et décisive pour régler ce problème.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorable sénateur Oliver, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous la permission de continuer?

Le sénateur Oliver: M'accordez-vous cinq ou six minutes supplémentaires, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Oliver: Ce n'est pas simplement une belle chose à faire ou la bonne chose à faire, c'est la chose intelligente à faire. Regardez les statistiques. Le nombre de personnes provenant de minorités visibles a doublé au Canada au cours de la dernière décennie. L'immigration compte maintenant pour plus de 50 p. 100 de la croissance de la population canadienne. Quarante-huit pour cent des étudiants de l'Université de la Colombie-Britannique font partie des minorités visibles. D'ici 2010, plus de la moitié de la population des grands centres urbains du Canada sera composée d'immigrants de la première génération et, d'ici 2016, près des deux tiers de la main-d'oeuvre canadienne sera formée de groupes désignés au titre de l'équité en matière d'emploi.

À la vitesse où le gouvernement fédéral progresse, il ne rattrapera jamais son retard.

Entre-temps, grâce aux lois progressistes en matière d'immigration, des milliers de Canadiens qui ne sont pas des Blancs sont venus d'Asie, d'Afrique, du Moyen-Orient et d'autres régions. Ils ont ainsi fait du Canada l'une des sociétés les plus multiethniques du monde, et peut-être même la plus multiethnique. La diversité est un fait concret dans ce pays. Mais ces nouveaux arrivants doivent surmonter d'importants obstacles. Ce n'est pas juste pour eux et cela n'apporte rien au Canada, du point de vue tant économique que social.

Ainsi, les nouveaux arrivants gagnent environ 15 p. 100 de moins que le Canadien moyen. Souvent, leurs titres de compétence professionnelle ne sont pas reconnus. Cela veut dire que, bien souvent, des médecins, des ingénieurs et d'autres professionnels qualifiés ne sont pas en mesure de faire profiter les autres Canadiens de leur expertise.

Il y a quelques semaines, j'ai lu dans le Globe and Mail qu'un savant chinois de génie, qui avait obtenu des prix, préparait des brioches à la cannelle dans une station de métro de Toronto. Nous entendons régulièrement parler de spécialistes en informatique qui, après avoir immigré au Canada, travaillent dans des cuisines de restaurant ou de médecins qui conduisent des taxis. Quel gaspillage de talent, de connaissances et de compétences! Ce gaspillage coûte entre 2 et 3 milliards de dollars par année à l'économie canadienne.

Comme je l'ai fait valoir, le Canada est une société de plus en plus diversifiée, mais je pense qu'il nous reste encore une longue route à faire avant de devenir une société authentiquement inclusive.

Comme l'a dit l'honorable David See-Chai Lam, ancien lieutenant-gouverneur de la Colombie-Britannique, philanthrope très distingué et Canadien:

Le mot «tolérant» est un peu négatif. C'est un peu comme de dire: «Vous sentez mauvais, mais je peux retenir ma respiration.»

Pour poursuivre la même métaphore, il y a une odeur déplaisante qui émane de la fonction publique fédérale. C'est une odeur de racisme systémique. On ne s'en sortira pas avec quelques jets d'assainisseur d'air. Nous devons ouvrir les fenêtres et laisser entrer le soleil de la vérité. Nous devons ouvrir toutes grandes les portes des possibilités pour les membres des minorités visibles.

Permettez-moi, en conclusion, de décrire brièvement certaines des mesures que, à mon avis, le gouvernement fédéral devrait prendre dès maintenant, avec fermeté, conviction et constance, pour éliminer le racisme systémique qui sévit dans la fonction publique fédérale.

Il faut premièrement, dans ce domaine, un leadership visible et énergique aux plus hauts échelons. Le très honorable Brian Mulroney a fait preuve d'un tel leadership lorsqu'il a nommé un Noir au poste de juge en chef de la Cour fédérale du Canada, un Noir au poste de lieutenant-gouverneur de l'Ontario et une Noire comme sénateur au Sénat du Canada. Le premier ministre Martin doit aspirer activement à prendre de telles mesures pour que certains membres des minorités visibles soient présents aux plus hautes fonctions de l'État.

Deuxièmement, il doit y avoir une commission des minorités visibles au Bureau du Conseil privé, un peu à l'image de la Commissaire aux langues officielles.

Troisièmement, je crois qu'un programme général d'échange de cadres serait un moyen très efficace, à court et à long termes, pour réduire le racisme systémique.

Quatrièmement, nous devons établir des objectifs clairs, pour que des dirigeants de couleur soient nommés à des postes de direction au sein des sociétés d'État, où ils pourront exercer une véritable influence sur la diversité culturelle des institutions fédérales.

Cinquièmement, nous devons éduquer les entreprises de recherche du secteur privé et les recruteurs de la fonction publique et les sensibiliser aux problèmes et aux questions qui font obstacle à l'avancement des minorités visibles.

Sixièmement, je crois que nous devons confier aux responsables des ressources humaines, dans les ministères fédéraux, un rôle plus important et des responsabilités accrues relativement à l'embauche de membres des minorités visibles. Ils doivent comprendre les problèmes auxquels sont confrontées les minorités visibles et faire leur part pour éliminer ces obstacles.

Septièmement, nous devons faire davantage, non seulement pour attirer des membres de minorités visibles mais aussi pour les garder en place. De nombreuses organisations, publiques et privées, souffrent du syndrome de la porte tournante: lorsqu'un membre d'une minorité visible qui accède à une organisation constate qu'il ne s'y sent pas à l'aise, il la quitte.

Je pense que nous devons avoir une meilleure idée du nombre de personnes provenant de minorités ethniques qui postulent des emplois, et du niveau auquel se trouvent ces emplois; nous devons savoir combien de candidats sont embauchés, combien sont promus et combien quittent leur emploi par la porte tournante.

Souvent, les organisations ne recueillent que des données sur le nombre de membres des minorités visibles embauchés, sans tenir de données plus complètes qui permettraient d'avoir une image fidèle des problèmes et des questions qui se posent.

Honorables sénateurs, je mène avec le Conference Board du Canada une étude dont les résultats seront rendus publics le 27 mai. Le rapport dressera une liste des bonnes pratiques que le secteur privé et le secteur public peuvent utiliser pour devenir des organisations diversifiées.

Le Conference Board cherchait également à savoir quelles organisations ont des techniques de recrutement et de sélection axées sur la diversité, des programmes faisant la promotion du développement professionnel des minorités et des pratiques de promotion équitables pour les minorités visibles et autres.

En terminant, honorables sénateurs, une société diversifiée est une société tournée vers l'avenir. C'est une société qui utilise pleinement ses possibilités. C'est une société où la coopération est fondée sur le talent et où le talent et les aptitudes comptent plus que la couleur de la peau. C'est le Canada que je me suis toujours efforcé de façonner. C'est le Canada que la fonction publique fédérale doit refléter; c'est le Canada que nous devons construire.

Honorables sénateurs, c'est maintenant au gouvernement d'agir.

(Sur la motion du sénateur Di Nino, le débat est ajourné.)

LA PROTECTION DU BASSIN VERSANTDE LA RIVIÈRE NAHANNI

MOTION EXHORTANT LE GOUVERNEMENT À AGIR—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Consiglio Di Nino, conformément à l'avis du 25 mars 2004, propose:

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada:

a) à agrandir la réserve du parc national Nahanni pour qu'elle comprenne tout le bassin versant de la rivière Nahanni Sud ainsi que les terrains karstiques Nahanni;

b) à mettre un terme à toutes les activités industrielles dans le bassin versant et, à cette fin:

(i) à suspendre le projet de mine à Prairie Creek et à remettre en état le site minier;

(ii) à veiller à ce que le site de la mine Cantung soit parfaitement assaini;

(iii) à déclarer immédiatement l'inaliénabilité temporaire des terres de tout le bassin versant de la rivière Nahanni Sud pour empêcher tout nouveau développement industriel dans le bassin versant;

c) à travailler en collaboration avec les premières nations du Deh Cho et du Sahtu dans les Territoires du Nord-Ouest pour atteindre ces buts.

— Honorables sénateurs, nous recevons tous régulièrement de nombreuses lettres et pétitions. À l'instar de vous tous, j'en suis certain, je fais mon possible pour les examiner toutes et, quand je le peux, j'essaie d'apporter mon aide.

Depuis plusieurs années, je connais un monsieur du nom de Neil Hartling qui réside à Whitehorse. Il organise de nombreuses expéditions dans le Nord canadien et il a écrit sur la beauté incomparable de l'Arctique canadien et sur quelques-uns de nos trésors canadiens irremplaçables. En outre, depuis deux ou trois ans, je reçois de l'information de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, qui fait état de ses efforts pour protéger les régions nordiques du Canada qui sont menacées, notamment le bassin hydrologique Nahanni, dans les Territoires du Nord-Ouest. C'est l'appel que vient de lancer M. Hartling ce printemps au sujet du bassin Nahanni qui m'a poussé à agir.

(1830)

J'ai décidé d'attirer l'attention du Sénat sur cette importante question qui me passionne vraiment, en présentant cette motion aux honorables sénateurs. J'avoue que, dans mon enthousiasme, je suis allé de l'avant sans en informer notre collègue, le sénateur Sibbeston, qui représente les Territoires du Nord-Ouest. Je ne lui ai pas fait part de mes intentions avant de présenter la motion. Il m'en a, à juste titre, fait le reproche. J'aurais dû le consulter. En dépit de cette erreur de ma part, le sénateur Sibbeston et moi avons décidé de collaborer pour faire avancer cette initiative.

La rivière Nahanni Sud et le milieu sauvage environnant constituent une des régions les plus spectaculaires et les plus renommées du Canada et du monde. La rivière Nahanni coule dans un coin très reculé des monts Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest, près de la frontière du Yukon. La rivière s'est creusé un passage entre les montagnes, formant des chutes qu'on appelle Virginia Falls, deux fois plus hautes que celles du Niagara — d'où émerge presque un impressionnant rocher appelé Mason Rock. La rivière poursuit son cours et traverse quatre grands canyons, parmi les plus profonds au Canada et presque aussi profonds que le Grand Canyon. Le bassin hydrologique ou le bassin de drainage, qui comprend les terrains karstiques Nahanni, couvre approximativement 35 000 kilomètres carrés de milieu sauvage, virtuellement non atteints par les routes et par l'incidence d'autres infrastructures construites par l'homme, et regorge d'une faune d'une diversité remarquable.

Les terrains karstiques offrent des paysages fascinants de pierre calcaire où l'érosion a provoqué des fissures, des dolines, des ruisseaux souterrains et des cavernes. Les terrains karstiques de Nahanni présentent un intérêt exceptionnel pour les scientifiques. On y trouve des cavernes et des sources souterraines qui rejoignent la rivière Nahanni sous le niveau du sol. Le Dr Derek Ford, de l'Université McMaster, a décrit les terrains karstiques comme «un assemblage topographique vraiment unique» et affirme qu'on ne trouve rien de comparable ailleurs dans le monde. Techniquement, les terrains karstiques ne font pas partie du bassin hydrologique de surface, mais ils constituent un élément important de la beauté et de l'intérêt de la région étudiée, c'est pourquoi j'en fais mention.

Il y a huit ans, je me lançais dans une aventure magique, quoique difficile, lors de mon voyage en canot sur la rivière Nahanni Sud, un endroit de renommée mondiale pour les adeptes de la descente en eaux vives. Les mots ne suffisent pas pour exprimer toute la beauté des lieux. Il ne serait pas exagéré de dire que cette aventure s'est révélée être une véritable expérience spirituelle. La beauté frappante de la rivière et ses points de vue imprenables inspiraient l'admiration, depuis les eaux calmes jusqu'aux rapides.

Les premiers rapides, qu'on appelle parfois Hell's Gate ou «la forme d'un huit», constituent un véritable défi même pour les canoéistes en eaux vives les plus expérimentés. Je me rappelle, au moment d'arriver à cet endroit, avoir éprouvé beaucoup d'appréhension, de peur, et enfin, une grande exaltation.

Le fait d'avoir franchi Hell's Gate, grâce en grande partie au formidable canoéiste qui m'accompagnait, fut un accomplissement remarquable. J'ai continué la descente, admirant les vallées, les points de vue de la montagne, les gorges et les magnifiques belvédères avant de m'offrir un moment de répit aux Krause's Hot Springs. La danse mystique des aurores boréales restera à jamais gravée dans ma mémoire. Le spectacle était d'une beauté saisissante.

Je peux encore apercevoir les aigles et les faucons voler et le mouflon de Dall à flanc de montagne. Je me souviens, près de la rive, du magnifique grizzli se tenant sur ses pattes de derrière et nous signalant avec fougue notre incursion dans son territoire. Je me rappelle avoir pagayé beaucoup plus rapidement en signe de respect. Je me rappelle aussi le sentiment de peur que j'ai alors éprouvé.

Je me souviens enfin des habitants du village autochtone de Nahanni Butte, situé à la base du bassin hydrologique. Chaque jour passé là-bas apportait son lot d'expériences nouvelles et de vues à couper le souffle de terres que vénèrent les membres des Premières nations et tous ceux qui s'y aventurent.

J'ai eu une nouvelle occasion de mieux comprendre pourquoi les Premières nations ont tant de respect pour la terre. J'espère avoir donné aux sénateurs ne serait-ce qu'une petite idée des raisons pour lesquelles je crois que ce coin des plus magnifiques du Canada mérite d'être protégé.

Une partie du bassin hydrologique est déjà protégée puisqu'elle est incluse dans une réserve de parc national. Même si cette réserve est gérée comme un parc national, le fait qu'elle ait la désignation de réserve indique qu'elle est visée par des revendications territoriales en attente de règlement, en l'occurrence les négociations sur l'autonomie gouvernementale entre les Premières nations Deh Cho et le gouvernement du Canada.

De plus, à l'automne de 2003, 18 000 kilomètres carrés de terres situés dans la partie Deh Cho du bassin hydrologique ont été soustraits à la mise en valeur pour une période de cinq ans dans le cadre des négociations; on compte les inclure éventuellement dans une réserve de parc national plus vaste. Cette superficie représente 68 p. 100 du bassin hydrologique et 85 p. 100 de la partie Deh Cho du bassin. Les Deh Cho militent depuis longtemps pour l'expansion du parc.

Dans la région du Sahtu, l'ébauche du plan d'occupation du sol publiée en janvier 2003 dit que les eaux d'amont du parc Nahanni, soit environ 20 p. 100 du bassin hydrologique, doivent être protégées et pourraient être englobées dans le parc national élargi.

Le mois dernier, la bande des Dénés du village de Tulita, dans la région du Sahtu, a adopté une motion proposant de les englober dans les zones visées par la stratégie des Territoires du Nord-Ouest sur les zones protégées dans l'espoir d'assurer leur protection à long terme. Cela permettra d'agrandir le parc national dans la partie supérieure du bassin hydrologique.

Le dossier progresse rapidement, mais cela ne sera pas suffisant pour protéger à long terme la faune, la qualité de l'eau et les atouts de la région comme aire de nature sauvage parce que dans l'état actuel des choses, même si les initiatives menées dans les régions du Sahtu et des terres des Deh Cho portent fruit, 15 p. 100 du bassin hydrologique — et 15 p. 100 qui sont importants — resteront sans protection.

Les circonstances qui ont mené à la création de cette réserve protégée ne sont pas sans intérêt. En 1970, Pierre Trudeau, premier ministre récemment élu et canoteur accompli, s'est rendu à la rivière Nahanni Sud et aux chutes Virginia. À son retour à Ottawa, il a demandé au ministre responsable des Parcs nationaux à l'époque, M. Jean Chrétien, de créer un parc national pour protéger la Nahanni. L'histoire dit que, lorsque M. Trudeau a vu la carte du parc proposé, il s'est exclamé: «C'est tout?» Qu'elle soit vraie ou mythique, cette histoire reflète la nécessité de protéger une plus grande région si nous voulons protéger efficacement la faune, les valeurs du milieu sauvage et la qualité de l'eau dans la région.

Une série de rapports préparés par le gouvernement fédéral ont proposé diverses façons d'agrandir le parc pour améliorer sa capacité de protéger la faune et de mieux représenter la région sauvage où il se trouve.

M. Trudeau avait raison de craindre que le parc ne soit trop petit. Les limites actuelles du parc protègent 4 766 kilomètres carrés, soit le septième du bassin hydrologique. Cela signifie que les eaux et les écosystèmes du parc sont vulnérables et sensibles aux effets de tout développement qui pourrait survenir sur les autres six septièmes du bassin hydrologique.

Les limites initiales avaient été établies pour protéger la rivière, les chutes et les canyons contre tout développement. On ne connaissait pas la valeur écologique de la région à l'époque. Les limites du parc actuel ne correspondent pas aux besoins de la faune et ne représentent pas adéquatement la région. Trois systèmes sont menacés à l'heure actuelle: la vie végétale, la faune et la culture et le mode de vie des Premières nations Deh Cho et Sahtu.

Le bassin hydrologique s'étend à travers les régions forestières boréales du Canada et ses sources thermiques sulfureuses, sa toundra alpine, ses chaînes de montagnes et ses forêts d'épinettes et de trembles abritent un grand nombre d'espèces d'oiseaux, de poissons et de mammifères. Un paysage naturel diversifié fournit l'habitat d'une faune et d'une flore riches et diversifiées, peu commun pour une région aussi nordique.

Le parc Nahanni protège les espèces menacées comme le caribou des bois et l'ours brun. Cependant, ses limites actuelles n'assurent pas un habitat adéquat pour ces espèces très mobiles.

Le 29 mars, l'Edmonton Journal a rapporté qu'un groupe de scientifiques avait découvert que le parc sauvage montagneux à la frontière du Yukon est également l'habitat de la population la plus diversifiée sur le plan génétique d'ours bruns de tout le continent. Cependant, les limites du parc sont insuffisantes pour protéger cette population.

Les recherches du Dr John Weaver, de la Wildlife Conservation Society, démontrent que les responsables du parc Nahanni ont réalisé depuis longtemps que les limites existantes ne sont pas suffisamment étendues pour protéger un carnivore comme l'ours brun.

Les collectivités autochtones de la région, les Deh Cho et les Sahtu, appuient avec vigueur la protection de l'ensemble du bassin hydrologique. Celui-ci fait partie du foyer traditionnel et il est la pierre angulaire du mode de vie et de la culture de ces nations.

Le 23 mars, j'ai reçu une lettre du chef Peter Marcellais, de la bande dénée de Nahanni Butte de la Première nation Deh Cho, dans laquelle il appuie sans réserve ma motion.

(1840)

Il écrit, notamment:

Par cette courte lettre [...] je voudrais vous remercier de toute mesure [...] qui aura pour effet de protéger nos terres et voies d'eau ancestrales du sud de la vallée de la Nahanni contre les dangers du développement industriel.

La Nahanni est hélas menacée. Même si le gouvernement canadien a réservé la plus grande partie des terres environnantes à un éventuel agrandissement, dans les 15 p. 100 du bassin hydrologique qui ne font pas encore partie des plans d'agrandissement, il existe un certain nombre de dangers sérieux pour l'avenir de l'intégrité écologique du parc. Selon Parcs Canada, l'exploitation minière constitue «la principale menace qui pèse sur l'intégrité écologique» du bassin hydrologique de la rivière Nahanni Sud. Il y a deux mines dans ce bassin hydrologique. La première, la mine Cantung, est située sur la rivière de plaine quelque 100 milles en amont de la réserve du parc national Nahanni, classée lieu du patrimoine mondial. La mine se trouve dans un important habitat du caribou des bois.

Cette mine à ciel ouvert a produit du tungstène dans les années 1960 et au début des années 1970. Elle a été fermée jusqu'en janvier 2002. Quelques semaines après sa réouverture, un déversement de carburant de plus de 23 000 litres s'est produit sur le terrain de la mine, mettant en évidence les préoccupations relatives aux répercussions sur le parc en aval. Des déchets ont été observés en aval jusqu'à 15 kilomètres de la mine, et jusqu'à 85 kilomètres environ en amont de la limite du parc. La mine est maintenant de nouveau fermée. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord a publié un rapport au mois de mars 2003 sur le remise en état de la mine Cantung. Selon le rapport, il en coûterait quelque 48 millions de dollars pour remettre complètement en état le terrain de la mine.

La seconde mine est la Prairie Creek Mine, qui est à l'état de projet. Elle est située dans le périmètre d'inondation, un tributaire de la rivière Nahanni Sud, 32 kilomètres en amont de la réserve du parc national Nahanni. Elle constitue une grave menace pour l'écosystème et la faune. Les préoccupations relatives à cette mine ont généralement trait aux résidus toxiques de la mine mise en exploitation il y a 20 ans, au danger de contamination si une mine est mise en exploitation et aux répercussions de l'ouverture possible dans la région de modelé karstique sensible qui sera protégée lorsque le parc sera agrandi.

La mine comprend l'infrastructure minière complète, mais elle n'a jamais été en exploitation. Certes, il y a eu des évaluations environnementales sur de modestes projets et activités à la mine, mais il n'y a jamais eu d'évaluation de l'ensemble des répercussions de ce site qui a maintenant 20 ans. Les évaluations qui ont été faites ont conclu que les activités minières proposées causeraient probablement des dommages importants, à moins qu'elles ne soient soumises à des conditions rigoureuses. Il est certain que la route proposée vers la mine de Prairie Creek abîmerait les terrains karstiques.

En 1966, la société a signé un accord de coopération au développement avec la bande dénée de Nahanni Butte des Premières nations du Deh Cho. Dans ses communications, la société a souvent fait allusion à cet accord. Toutefois, en octobre 2003, la bande dénée de Nahanni Butte s'en est retirée et a ensuite publié un communiqué disant qu'elle l'avait dénoncé. La bande craint l'impact de la mine et, comme il est dit dans la lettre qu'elle m'a fait parvenir, elle est en faveur de la protection des terres qu'assurerait l'agrandissement de la réserve du parc national Nahanni.

Ce sont là deux entreprises minières existantes, mais la prospection se poursuit dans les secteurs du bassin hydrographique qui ne font pas partie des terres mises de côté temporairement en 2003. Depuis un mois, deux permis de prospection ont été accordés dans le coin sud-ouest du bassin. Voilà qui fait ressortir l'urgente nécessité de mettre de côté l'ensemble du bassin pour le protéger contre une éventuelle contamination. Tarder davantage ne fera que rendre la tâche de protéger ces terres plus difficile et plus coûteuse.

Honorables sénateurs, il est temps de donner suite aux voeux des habitants des régions du Deh Cho et du Sahtu, dans les Territoires du Nord-Ouest, qui ont officiellement exprimé le désir de protéger l'ensemble du bassin hydrographique.

Il est temps de donner suite aux conseils des scientifiques, des agents de protection de la nature, des canoéistes comme moi et des amateurs de la nature sauvage du Canada tout entier et du monde, qui, en envoyant des milliers de lettres aux représentants gouvernementaux, ont demandé que soit protégé le bassin hydrographique, y compris les terrains karstiques de Nahanni. Je vous demande de vous joindre à moi pour inciter le gouvernement du Canada à agir rapidement pour agrandir la réserve du parc national Nahanni et protéger ainsi l'ensemble du bassin de la Nahanni Sud et les terrains karstiques. C'est un devoir envers les générations futures.

Honorables sénateurs, j'ai hâte d'entendre ce que le sénateur Sibbeston et d'autres collègues auront à dire dans ce débat.

L'honorable Nick G. Sibbeston: Honorables sénateurs, je suis heureux de participer au débat sur cette motion pour l'appuyer et proposer un amendement pour l'adapter à la réalité politique du Nord.

Au début, j'ai été fâché et même embarrassé de voir le sénateur Di Nino, qui vient de Toronto, proposer une telle motion portant sur un parc situé dans les Territoires du Nord-Ouest. Je prends mon travail de sénateur représentant les Territoires du Nord-Ouest au sérieux et je me suis demandé pourquoi un sénateur du Sud — de Toronto — se préoccupait d'une question visant tout particulièrement le Nord. J'imaginais déjà les gens du Nord me dire: «Où étiez-vous? En vacances au Mexique pendant que tout cela se passait?»

Toutefois, mardi, j'ai rencontré le sénateur Di Nino et nous sommes devenus de très bons amis. Nous sommes sur la même longueur d'onde et nous défendons tous les deux ce dossier. Je reconnais que j'ai peut-être réagi de manière excessive et en ce qui me concerne, tout cela n'a été qu'une tempête dans un verre d'eau.

Je le considère comme un allié et je suis heureux qu'il soit venu dans le Nord et qu'il ait visité le parc national Nahanni. C'est une magnifique région du Canada. C'est un endroit majestueux, magnifique et éblouissant que des gens de partout au monde viennent visiter. J'invite tous les sénateurs à venir constater la beauté et la majesté de ce magnifique parc.

La Société pour la protection des parcs et des sites naturels au Canada (CPAWS) a toujours fait la promotion des parcs et des aires de nature sauvage. Elle s'est rendue dans les Territoires du Nord-Ouest et a œuvré de concert avec les populations autochtones de notre région, faisant la promotion de questions touchant les parcs et l'expansion du parc de la Nahanni.

Lorsque j'ai rencontré ses représentants, l'autre jour, j'ai demandé: «De quel type d'organisation êtes-vous, au juste, pour faire faire votre travail et votre lobbying par quelqu'un du Sud?» Depuis, j'en suis venu à les apprécier et j'ai eu une bonne réunion avec eux hier.

Honorables sénateurs, le parc national de la Nahanni se trouve dans une région Deh Cho, près de Fort Simpson, où je suis né et où je vis. Le parc fait partie d'une région où mes ancêtres ont vécu. Mon grand-père — il est décédé maintenant —, un chasseur et un trappeur, a toujours une cabine dans la région de la Nahanni sur la rivière Flat. Sa cabane est juste en aval des chutes Virginia, des chutes magnifiques que les gens viennent voir.

Il y a un endroit sur la rivière Nahanni dont le sénateur Di Nino se souvient peut-être. On l'appelle George's Riffle, qui vient de mon grand-père. Apparemment, il descendait au printemps après avoir passé tout l'hiver en montagne, et il a chaviré; on a donc donné son nom à cet endroit.

Il y a un autre endroit qui s'appelle Lafferty Riffle; celui-là porte le nom d'un de mes parents. Il y a un lac dans la région qui porte le nom de mon père. Donc, sur les plans historique, culturel et émotif, je me sens en prise avec cette partie du Nord et j'y suis attaché.

Un de mes oncles, Fred Sibbeston, a guidé le bateau lorsque le premier ministre Trudeau a descendu la Nahanni pour la première fois. Mon oncle Ted était l'interprète de Trudeau lorsqu'il est arrivé à Nahanni Butte et a rencontré les gens. Il était assis en tailleur, rencontrant les gens, et Ted, mon oncle, était l'interprète.

J'ai fait de nombreuses excursions dans le parc de la Nahanni, avant même qu'il ne soit un parc, à compter du début des années 1970. Mes enfants — mes fils, en particulier — continuent d'y aller pour chasser et jouir de la nature.

Honorables sénateurs, j'ai une modification à proposer, qui porte sur deux aspects qui, selon moi, améliorera la façon de réaliser l'expansion du parc.

Le premier aspect concerne une exigence que le gouvernement fédéral élabore des politiques visant à ce que les parcs du Nord favorisent davantage, pour la population autochtone, l'emploi, la participation aux activités culturelles et les possibilités d'affaires. Un rapport sur cette question a été présenté par un sous-comité du Comité des peuples autochtones, en septembre 2001. Certains d'entre nous sont allés à Inuvik, à Whitehorse et à Iqaluit, et ont rencontré des gens qui s'occupaient des parcs nordiques, et nous avons produit un très bon rapport comportant de nombreuses recommandations. Essentiellement, lorsque nous avons rencontré des gens dans le parc et que nous nous sommes entretenus avec eux, nous avons constaté qu'on tentait d'appliquer les méthodes du Sud dans les parcs du Nord, et que cela ne fonctionnait pas toujours. On a conclu qu'il fallait adopter une approche unique, qui tienne compte des particularités culturelles, à l'égard des parcs du Nord. Ce rapport traite de cette question.

(1850)

Donc, avant qu'un parc ne soit agrandi, le gouvernement fédéral et Parcs Canada devraient donner suite à ce rapport et adopter des politiques qui répondent vraiment aux caractéristiques uniques des habitants du Nord. Un des amendements que je propose est l'étude du rapport.

Le deuxième aspect concerne la nécessité d'effectuer une évaluation complète des ressources minérales et énergétiques dans la zone du parc dont on propose l'agrandissement. Le processus d'Évaluation des ressources minérales et énergétiques, appelé ERME, a été établi en 1980 comme condition préalable à la création de parcs dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Je propose que cette évaluation soit faite. Des études ont porté sur certaines parties du parc qui doivent être agrandies, mais une étude complète n'a pas été réalisée. Par conséquent, avant que le parc ne soit agrandi, j'estime qu'une évaluation complète des ressources minérales qui se trouvent dans la zone doit être effectuée, afin que nous sachions tous de quoi il retourne. Il est déjà reconnu que ces terres renferment des minéraux, mais il est important de procéder à une évaluation complète des minéraux.

L'expansion est censée septupler la superficie du parc. Une fois les limites d'un parc établies, nous savons qu'il est très difficile, voire impossible de les changer.

Nous l'avons vu dans le cas du parc national Tuktut Nogait créé vers 1989. Le sénateur Adams s'est occupé de ce dossier. Les honorables sénateurs se rappelleront qu'une société d'exploration a découvert une région minéralisée après que les limites eurent été établies et elle voulait y exploiter une mine. Des démarches ont été tentées en vue d'exclure la région minéralisée après que les limites eurent plus ou moins été établies sur papier en demandant de réduire la superficie du parc.

La population de Paulatuk était favorable à la requête puisque le projet minier aurait créé 75 emplois. Les Inuvialuits, qui négociaient avec le gouvernement fédéral dans la région, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et même le sénateur représentant la région, ont tout fait pour faire réduire la superficie du parc afin de permettre l'exploration minière, mais le gouvernement fédéral a refusé de changer les limites, si bien que la requête a été rejetée. Une fois les limites établies, nous savons, honorables sénateurs, à quel point il est difficile, voire impossible de les changer. C'est pourquoi il est très important de déterminer ce que recèle une région avant d'autoriser toute expansion.

La délimitation d'un parc et son agrandissement sont une affaire très sérieuse. Par conséquent, avant que le parc national soit agrandi, nous devons savoir exactement ce que le territoire renferme.

Il y a un processus de revendication territoriale dans cette région du Nord. Je suis membre de ce groupe et je serai éventuellement bénéficiaire. Je suis donc intéressé et je veux avoir l'assurance que les choses seront faites comme il se doit.

Cette décision lierait des générations. Des jeunes sont éduqués et formés dans nos écoles et dans nos collèges du Nord en vue de pouvoir saisir des occasions d'emploi. Le piégeage est un mode de vie en voie de disparition. Il est encore important, mais, compte tenu du vieillissement de la population, il semblerait qu'il y ait de moins en moins de trappeurs. L'économie basée sur les salaires est donc importante et elle le deviendra de plus en plus pour les habitants du Nord.

Honorables sénateurs, dans l'avenir, il sera essentiel que les jeunes puissent compter sur des industries et sur le développement pour pouvoir participer pleinement à l'économie. À l'instar des gens qui vivent dans le Sud, ceux qui vivent dans le Nord aiment conduire des camions Ford, utiliser des ordinateurs et avoir toutes les commodités. De toute évidence, pour maintenir leur niveau de vie, ils auront besoins d'emplois.

Les parcs sont une bonne chose, mais j'ai toujours dit qu'on ne peut pas gagner sa vie simplement parce qu'on habite près d'un parc. Lorsque mon oncle se rendait à Nahanni Butte, il disait: «Quel beau paysage, mais on ne peut pas le manger.» On a besoin d'emplois, on a besoin d'occasions et on a besoin de gibier pour vivre.

Le projet qui est actuellement mis en oeuvre dans le Nord inclut des plans afin que les Premières nations du Deh Cho puissent un jour avoir leur propre gouvernement. À cet égard, des fonds, des redevances et des taxes seront nécessaires pour exploiter et fournir les services.

Pour toutes ces raisons, avant de décider d'agrandir le parc national de la Nahanni, il faut étudier attentivement les deux questions que j'ai soulevées, soit, premièrement, la gestion et l'administration du parc, afin que le gouvernement fédéral et Parcs Canada puissent élaborer une approche unique dans le Nord en matière de gestion des parcs et, deuxièmement, l'évaluation complète des ressources, afin que nous sachions véritablement ce qu'il y a dans ce terrain qui pourrait devenir un parc et ne plus pouvoir être exploité dans l'avenir.

Honorables sénateurs, j'ai un amendement dans ce sens. J'estime que ces modifications sont très bonnes et je m'attends à ce qu'elles soient bien accueillies.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Nick G. Sibbeston: Honorables sénateurs, je propose, avec l'appui du sénateur Ione Christensen:

Que la motion soit modifiée comme suit:

a) à l'alinéa a):

(i) en ajoutant le mot «éventuellement» après «comprenne»,

(ii) en ajoutant, après «les terrains karstiques Nahanni», les mots:

«au moment approprié et conformément aux intérêts culturels, sociaux et économiques des habitants de la région, des Territoires du Nord-Ouest et du Canada»;

b) à l'alinéa b):

(i) en remplaçant les mots «à mettre un terme à» par les mots «à protéger l'intégrité environnementale du bassin versant de la rivière Nahanni Sud en examinant»,

(ii) en remplaçant les mots «à cette fin» par les mots «y compris»;

c) au sous-alinéa b)(i), en supprimant les mots «à suspendre» et les mots «et à remettre en état le site minier»;

d) au sous-alinéa b)(ii), en supprimant les mots «à veiller à ce que» et les mots «soit parfaitement assaini»;

e) au sous-alinéa b)(iii), en supprimant les mots «à déclarer immédiatement l'inaliénabilité temporaire des terres de tout le bassin versant de la rivière Nahanni Sud pour empêcher»;

f) en ajoutant, après l'alinéa b):

(i) un nouvel alinéa c) qui se lirait comme suit:

«c) à inclure, dans le cadre de cet examen:

(i) une réponse au rapport du Sénat intitulé «Les parcs nationaux du Nord — Une nouvelle orientation» énonçant la politique du gouvernement pour faire en sorte que les collectivités autochtones locales profitent des emplois et des avantages sociaux résultant de la création des parcs du Nord,

(ii) une évaluation complète des ressources minérales et énergétiques de la région,

(ii) en renommant d) l'actuel alinéa c).

(Sur la motion du sénateur Christensen, le débat est ajourné.)

(1900)

AGRICULTURE ET FORÊTS

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER PENDANT L'AJOURNEMENT DU SÉNAT

L'honorable Donald H. Oliver, conformément à l'avis donné le 31 mars 2004, propose:

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé, conformément au paragraphe 95(3) du Règlement, à siéger du lundi 5 avril 2004 au jeudi 8 avril 2004 inclusivement, même si le Sénat est ajourné à ce moment-là pendant plus d'une semaine.

(La motion est adoptée.)

AUTORISATION AU COMITÉ DE DÉPOSER UN RAPPORT PENDANT L'AJOURNEMENT DU SÉNAT

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, conformément à l'avis donné le 31 mars 2004, je propose:

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer un rapport intérimaire auprès du greffier du Sénat du lundi 5 avril 2004 au vendredi 16 avril 2004, inclusivement, si le Sénat ne siège pas à ce moment, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

L'honorable Eymard G. Corbin: Sénateurs, je voudrais qu'on me dise la teneur ou l'importance de la question dont on a tellement hâte de faire rapport que cela ne puisse attendre le retour du Sénat. Je suis sérieux.

Le sénateur Oliver: Je vais vous le dire avec plaisir.

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts tient depuis plusieurs semaines déjà des audiences sur la crise de l'ESB dans l'ouest du Canada où on attend de pouvoir exporter aux États-Unis plus de 1 200 000 bêtes sur pied de moins de 30 mois. La crise est très grave. Nous avons produit un rapport qui comporte des recommandations, mais il n'a pas encore été traduit. Nous voudrions pouvoir le déposer dès que ce sera fait de manière à ce que ceux qu'il vise puissent en prendre connaissance immédiatement dans l'éventualité où le Sénat ne siégerait de nouveau que le 20 avril.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

PROJET DE LOI SUR LOUIS RIEL

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Gill, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-9, Loi visant à honorer Louis Riel et le peuple métis.—(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je serai bref. J'avais promis au sénateur Joyal d'intervenir à ce sujet.

Je suis heureux de participer aujourd'hui au débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-9 visant à honorer Louis Riel et le peuple métis. Je félicite la marraine du projet de loi, madame le sénateur Thelma Chalifoux. Je crois quelle a réussi, dans son projet de loi, à célébrer les nombreux aspects du riche patrimoine des Métis du Canada.

Le projet de loi traite de Louis Riel et de sa contribution à l'histoire tant du Canada que du Manitoba. Il reconnaît également la ceinture fléchée en tant que symbole du peuple métis. Il encourage les diverses agences du gouvernement du Canada à honorer le peuple métis en exposant la ceinture fléchée de façon appropriée. Enfin, il demande au ministre du Patrimoine canadien de prendre les mesures voulues pour perpétuer le souvenir de Louis Riel ainsi que promouvoir la culture et l'histoire métis. À l'article 3 du projet de loi, on reconnaît le rôle historique de Louis Riel à titre de patriote métis et son rôle actuel en tant que héros canadien.

À mon avis, honorables sénateurs, cette mesure est inutile. Je rappelle que, le mardi 10 mars 1992, le très honorable Joe Clark, qui était à l'époque ministre responsable des Affaires constitutionnelles, a proposé une résolution à la Chambre des communes qui a été adoptée par des députés de tous les partis politiques représentés aux deux Chambres. La résolution précisait ce qui suit:

Que le peuple métis de la terre de Rupert et du territoire du Nord-Ouest a pris, au moyen des structures et des procédures démocratiques, les mesures nécessaires pour maintenir l'ordre et protéger les vies, les droits et les biens de la population de la rivière Rouge;

Que la Chambre note que, en 1870, sous le leadership de Louis David Riel, les Métis de la rivière Rouge ont adopté une Liste des droits;

Que la Chambre note que, en se fondant sur cette Liste des droits, Louis Riel a négocié les conditions d'admission de la terre de Rupert et du territoire du Nord-Ouest dans le Dominion du Canada;

Que la Chambre note que ces conditions d'admission font partie de la Loi sur le Manitoba;

Que la Chambre note que, après avoir négocié l'entrée du Manitoba dans la Confédération, Louis Riel a été élu à trois reprises à la Chambre des communes;

Que la Chambre note que, en 1885, Louis Riel a payé de sa vie le fait qu'il était à la tête d'un mouvement qui a lutté pour le maintien des droits et libertés du peuple métis;

Que la Chambre note que la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des Métis;

Que la Chambre note que, depuis la mort de Louis Riel, le peuple métis honore sa mémoire et poursuit son oeuvre dans la lutte honorable pour le respect de ces droits;

Que la Chambre reconnaisse le rôle unique et historique de Louis Riel à titre de fondateur du Manitoba et sa contribution à la Confédération; et

Que la Chambre appuie de ses actions la véritable atteinte, tant en principe qu'en pratique, des droits constitutionnels du peuple métis.

À l'appui de cette résolution, M. Clark a déclaré qu'il était temps de reconnaître le rôle constructif et important joué par Louis Riel dans la défense des intérêts du peuple métis ainsi que sa contribution au développement politique du Canada et de l'Ouest canadien. Il a poursuivi en disant que l'adoption de cette résolution témoignait de la maturité du Canada comme nation et du fait que, de notre histoire commune, nous tirons force, et non faiblesse.

Il convient de souligner que le porte-parole du Parti libéral à cette occasion était le député de Saint-Boniface, feu le sénateur Ron Duhamel. Celui-ci a appuyé cette résolution, mais aurait aimé y faire ajouter que Louis Riel soit reconnu comme l'un des Pères de la Confédération. L'important à nos yeux, c'est que le sénateur ait appuyé cette résolution dans un esprit de réconciliation. Il a déclaré:

J'accueille favorablement cette résolution du gouvernement qui, à mon avis, a fait un grand pas en avant.

Il n'est pas inhabituel que le gouvernement cherche à redresser des torts commis il y a fort longtemps dans le développement de notre pays. À titre d'exemple, en septembre 1988, l'ancien premier ministre Mulroney est intervenu à l'autre endroit pour présenter officiellement, au nom du gouvernement du Canada, des excuses aux citoyens d'ascendance japonaise qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, ont été incarcérés à tort, ont vu saisir leur propriété et ont été privés de leurs droits. Il a dit à cette occasion:

Monsieur le Président, le traitement réservé en temps de guerre aux Canadiens japonais était non seulement injustifié sur les plans moral et juridique, mais encore il allait à l'encontre de la fibre même du pays.

Plus récemment, l'honorable Ron Duhamel, au moment où il était ministre des Anciens combattants, a traité à la Chambre des communes du dossier des 23 soldats canadiens qui ont été exécutés pour désertion pendant la Première Guerre mondiale et, dans un cas, pour lâcheté. Ces 23 membres de la Force expéditionnaire canadienne reposent dans un cimetière en Europe. Lorsqu'il a annoncé que le nom de ces Canadiens serait maintenant inscrit dans le Livre du Souvenir de la Première Guerre mondiale avec ceux de leurs collègues, le ministre Duhamel a déclaré:

Nous ne pouvons évidemment changer le passé. Nous ne pouvons revivre ces terribles années d'une nation en péril dans une guerre totale, et la culture de cette époque nous est par conséquent difficile à comprendre vraiment.

Je suis d'accord sur ce point de vue et sur la méthode utilisée pour aborder certaines périodes de l'histoire du pays.

À mon avis, honorables sénateurs, la résolution adoptée au Sénat et à la Chambre des communes en 1992 concernant Louis Riel et le peuple métis constitue la meilleure façon d'aborder tous les aspects de cette question. Je me réjouis à la perspective d'entendre les interventions d'autres honorables sénateurs.

(Sur la 2motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur LeBreton, le débat est ajourné.)

PEUPLES AUTOCHTONES

ADOPTION DE LA MOTION PORTANT ADOPTION DU SIXIÈME RAPPORT DU COMITÉ POUR LA DEUXIÈME SESSION ET DE LA REQUÊTE DEMANDANT AU GOUVERNEMENT D'Y RÉPONDRE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Sibbeston, appuyée par l'honorable sénateur Adams:

Que le sixième rapport du Comité permanent sénatorial des peuples autochtones, déposé au Sénat le 30 octobre 2003, durant la deuxième session de la 37e législature, soit adopté et que, en application du paragraphe 131(2) du Règlement, le Sénat demande au gouvernement de fournir une réponse complète et détaillée et de confier cette tâche aux ministres des Affaires indiennes et du Nord canadien, de la Justice, des Ressources humaines et du Développement des compétences, du Développement social, du Patrimoine canadien, de la Sécurité publique et de la Protection civile, de la Santé, et de l'Industrie; et l'Interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits.—(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable Nick G. Sibbeston: Honorables sénateurs, cet article est inscrit au Feuilleton depuis un bon bout de temps. Le sénateur Stratton convient que nous devrions l'expédier.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 20 avril 2004, à 14 heures.)


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