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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 37e Législature,
Volume 141, Numéro 37

Le mercredi 5 mai 2004
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 5 mai 2004

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune d'un groupe de participants à l'édition printemps 2004 du programme des agents parlementaires. Ces hauts fonctionnaires représentent les organes parlementaires de divers pays. Certains d'entre nous ont eu le plaisir de les rencontrer au cours de leur séjour de deux semaines au Canada. Au nom des membres du Sénat du Canada, je leur souhaite la bienvenue dans cette enceinte.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE MOIS DE LA SENSIBILISATION À LA SCLÉROSE EN PLAQUES

L'honorable Yves Morin: Honorables sénateurs, mai est le Mois de la sensibilisation à la sclérose en plaques. Vous ne le savez peut-être pas, mais la sclérose en plaques, bien connue pour s'attaquer aux adultes dans la force de l'âge, affecte également les enfants; certaines victimes ont à peine trois ans. La section torontoise de la Société canadienne de la sclérose en plaques était certainement au courant de cette réalité puisqu'elle recevait des appels de parents dont les enfants avaient fait l'objet d'un diagnostic de sclérose en plaques. Les dirigeants de la société ont collaboré avec les autorités de l'hôpital pour les enfants malades de Toronto, en vue de la création de la première clinique pédiatrique de sclérose en plaques de l'Amérique du Nord et vraisemblablement du monde. Aujourd'hui, la clinique suit régulièrement plus de 90 enfants.

La clinique pédiatrique de sclérose en plaques de Toronto répond aux besoins particuliers des enfants atteints de cette maladie et de leur famille. Elle offre également une occasion unique d'élargir nos connaissances sur les causes de la sclérose en plaques. Plus tôt cette année, les chercheurs de la clinique ont réussi à montrer un lien possible entre la sclérose en plaques et le virus Epstein-Barr qui cause la mononucléose.

Hier, la Société canadienne de la sclérose en plaques et la Fondation pour la recherche scientifique sur la sclérose en plaques ont annoncé le lancement d'une nouvelle étude de 4,3 millions de dollars, qui portera sur les enfants de 22 villes canadiennes. Cette étude permettra aux chercheurs d'explorer les facteurs biologiques mis en cause dans le développement de la sclérose en plaques.

[Français]

Honorables sénateurs, la sclérose en plaques est une affection dont la prévalence est plus élevée au Canada. Il semble bien que nos enfants puissent aussi en être affectés. À l'occasion du Mois de la sclérose en plaques, apportons notre appui aux chercheurs qui tentent d'élucider les causes de cette terrible maladie.

[Traduction]

LES BOURSES D'ÉTUDES TD CANADA TRUST POUR L'EXCELLENCE EN AIDE COMMUNAUTAIRE

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'ai eu l'honneur d'assister hier, à Toronto, à la cérémonie nationale de remise des bourses d'études TD Canada Trust pour l'excellence en aide communautaire. Vingt élèves canadiens exceptionnels du niveau secondaire affichant des résultats scolaires tout aussi exceptionnels ont été choisis parmi 3 300 candidats des quatre coins du pays pour recevoir une bourse très convoitée de 60 000 $. Les 20 étudiants à l'image de la diversité canadienne ont apporté des contributions très précieuses à leur collectivité.

Honorables sénateurs, j'ai eu l'honneur de siéger au jury de sélection des candidats de l'Ontario. J'ai eu l'occasion d'interroger un certain nombre de ces jeunes élèves brillants remplis de talents et d'enthousiasme qui représentent le véritable avenir du Canada. J'ai été très fier de constater la force que nous avons chez nos diplômés des écoles secondaires.

Chaque bourse d'études TD Canada Trust, d'une valeur maximale de 60 000 $, comprend l'intégralité des frais de scolarité plus 5 000 $ de frais de subsistance par an pendant quatre années d'études au maximum dans un établissement collégial ou universitaire approuvé ainsi qu'une offre d'emploi d'été chez TD Canada Trust pendant la durée de la bourse.

Honorables sénateurs, le programme de bourses TD Canada Trust, l'un des meilleurs au pays, choisit de jeunes Canadiens qui se sont distingués non seulement par leurs résultats scolaires, mais également par leur dévouement exceptionnel à l'égard des gens et de l'environnement qui les entourent.

Comme l'a souligné Son Excellence la Gouverneure générale Adrienne Clarkson dans un message qu'elle a fait parvenir à la cérémonie d'hier:

Dans le cadre de leur devoir de citoyen, les Canadiens ont des responsabilités les uns envers les autres. Ces boursiers illustrent le sens du devoir et des responsabilités en mobilisant leurs talents exceptionnels pour résoudre des problèmes et améliorer la situation dans leur collectivité. Déjà, ils sont allés au-delà de ce qu'exigeait leur devoir pour aider leurs concitoyens, et ils n'ont pas encore réalisé leur plein potentiel.

Honorables sénateurs, un certain nombre de sénateurs ont également siégé au jury de sélection dans le cadre de cet important concours canadien. Cette année, l'honorable Marilyn Trenholme Counsell et l'honorable Landon Pearson faisaient également partie du jury.

Honorables sénateurs, c'est un honneur pour moi de saluer les 20 excellents gagnants des bourses d'études TD Canada Trust pour l'excellence en aide communautaire de cette année.

LE QUATRE-VINGTIÈME ANNIVERSAIRE DE L'AVIATION CANADIENNE

L'honorable Jane Cordy: Honorables sénateurs, l'Aviation royale canadienne a été créée le 1er avril 1924 par brevet royal. Je voudrais aujourd'hui souligner le 80e anniversaire de l'Aviation royale canadienne, devenue par la suite l'Aviation canadienne. En cette occasion, je tiens à rendre hommage à tous les membres, anciens et actuels, de l'Aviation canadienne qui ont servi non seulement dans l'Aviation royale canadienne, mais aussi dans le Royal Flying Corps et le Royal Naval Air Service pendant la Première Guerre mondiale. Je voudrais plus particulièrement rendre hommage à deux Néo- Écossais qui ont connu de brillantes carrières au service du Canada et de l'Aviation royale canadienne.

Né à New Aberdeen, tout près de Glace Bay, Harold «Gus» Edwards travaillait dans les mines du Cap-Breton lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté. M. Edwards s'est empressé de s'enrôler dans le Royal Naval Air Service, où il s'est très tôt vu confier des missions de vol au-dessus des lignes allemandes pour appuyer les troupes terrestres. Au cours d'une de ces missions, son avion a été abattu et il a été fait prisonnier. Il a été libéré par la suite et, après avoir terminé sa période de service, il est rentré chez lui continuer sa carrière. Dans les années 1930, Gus Edwards a été nommé commandant d'aviation de l'Aviation royale canadienne, à Dartmouth. Lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, en 1939, il a continué de gravir les échelons et a atteint le grade de maréchal de l'air. Il a été posté à Londres, en Angleterre, où il était responsable des opérations de l'Aviation royale canadienne pour les Canadiens qui servaient dans l'Aviation royale et pour ceux qui faisaient partie des escadrons canadiens.

(1340)

Un autre Cap-Bretonnais, Clarence Rupert «Larry» Dunlap, a également été maréchal de l'air et chef d'état-major de la Force aérienne. Né à Sydney Mines en 1908, M. Dunlap a décroché un diplôme de bachelier ès sciences en génie électrique à l'Université Acadia. Après l'obtention de son diplôme en 1928, Larry Dunlap a été admis à la formation au pilotage de l'Aviation royale canadienne. Il a été l'un des nombreux jeunes Canadiens recrutés dans les années 1920 par l'aviation, qui connaissait alors une croissance rapide. De simple officier subalterne, Larry Dunlap a gravi les échelons pour devenir maréchal de l'air et chef d'état-major de la force aérienne. En 1964, il est devenu commandant adjoint en chef du NORAD, poste qu'il a occupé jusqu'à sa retraite en 1968.

Ces deux hommes furent inspirés, lorsqu'ils étaient jeunes, par les exploits aériens d'Alexander Graham Bell, de Casey Baldwin et de John McCurdy, celui qui réussit le premier vol contrôlé de l'Empire britannique le 23 février 1909 en atterrissant à Baddeck sur l'île du Cap-Breton. Lorsqu'il était jeune, M. Dunlap a eu la chance de voir les hydravions à coque HS-2L de la marine américaine décoller et atterrir à la base de North Sydney. Il décrivait en ces termes les souvenirs de son enfance: «Depuis le même perchoir d'où j'avais jusque-là regardé les goélettes de pêche quitter le port de Sydney, j'avais maintenant la chance de voir un spectacle beaucoup plus passionnant, celui des hydravions à coque qui voltigeaient dans le ciel.»

Gus Edwards et Larry Dunlap furent deux des nombreux Canadiens qui ont fait partie de l'Aviation royale du Canada. Nous sommes redevables à ces hommes, et à tous les hommes et les femmes qui ont servi et qui continuent de servir notre pays, le Canada.

[Français]

LE CINÉMA QUÉBÉCOIS

LES PRIX GÉNIE

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, depuis longtemps le dynamisme et la vitalité de la création artistique québécoise sont reconnus non seulement au Québec, mais aussi dans l'ensemble canadien de même qu'à l'échelle internationale. Il est important pour moi de souligner, en tant que Québécois et Canadien, la performance exceptionnelle des cinéastes québécois, qui ont décroché la plupart des trophées, dimanche dernier à Toronto, lors de la remise annuelle des prix Génie du cinéma canadien.

Au-delà des créateurs et des artisans du cinéma, il est important de souligner que l'industrie cinématographique québécoise connaît, depuis quelques années, un dynamisme exceptionnel. L'appui constant et substantiel que le public québécois accorde à son cinéma, qui est l'expression par excellence de l'identité québécoise, est une des raisons pour lesquelles le Canada enviera le Québec.

Honorables sénateurs, alors que le cinéma canadien n'a réussi à intéresser que 2 ou 3 p. 100 de l'auditoire canadien-anglais au Québec, le cinéma québécois intéresse près de 15 p. 100 des Québécois; si on ajoute l'ensemble de la francophonie canadienne, ce sera peut-être davantage. C'est sans doute une des raisons qui permettent aux créateurs québécois dans le monde du cinéma de témoigner de la vitalité de l'identité culturelle québécoise. Ils contribuent à la construction de l'identité culturelle canadienne d'une manière extrêmement importante. Ils donnent au Québec et au Canada à l'échelle internationale une présence culturelle que l'on ne peut qu'admirer.

[Traduction]

Pour ceux qui ont manqué cela à l'époque de l'accord du lac Meech, c'est exactement ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de «Québec, la société distincte».

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME DES NATIONS UNIES

L'ÉLECTION DU CANADA AU NOMBRE DES PAYS MEMBRES

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais faire une déclaration au sujet de l'heureux événement dont j'ai parlé hier durant la période des questions, soit l'élection du Canada à titre de pays membre de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies.

Les sénateurs se souviendront sans doute que, en 1945, lors de la conférence de San Francisco où fut fondée l'Organisation des Nations Unies, il a été décidé de créer aussi la première commission fonctionnelle de cette organisation, et ce fut la Commission des droits de l'homme. Depuis cette date, les Canadiens ont toujours joué un rôle important dans les travaux de cette commission et y ont apporté des contributions spectaculaires, notamment durant la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'homme, à l'époque où la Commission des droits de l'homme était sous la présidence de Mme Eleanor Roosevelt, dont l'adjoint était nul autre que l'éminent professeur John Peters Humphrey, à qui bien des gens attribuent la version initiale de la Déclaration universelle.

Honorables sénateurs, le Canada a été élu membre de la Commission des droits de l'homme à plusieurs autres reprises. N'ayant pas toujours été membre de la commission, le Canada a-t-il quand même jouer le rôle de chef de file qu'il devrait jouer? Le Canada a fait preuve d'une grande créativité à maintes reprises — par exemple, du temps où son représentant était notre collègue, le sénateur Andreychuk, ou encore du temps où c'était l'ambassadeur Yvon Beaulne.

J'exhorte le gouvernement à prendre des mesures claires pour que le représentant du Canada à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies soit une personne qui, dans le domaine des droits de l'homme, fasse preuve de créativité. Honorables sénateurs, s'il est un domaine de la politique publique internationale où la créativité est indispensable dans ce monde de l'après-11 septembre, il me semble que c'est bien celui-là.

J'encourage donc le gouvernement du Canada à envoyer un représentant très expérimenté occuper le siège du Canada à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LE COMMISSARIAT À L'INFORMATION

L'INSUFFISANCE DU FINANCEMENT—L'ARRIÉRÉ DE DOSSIERS

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question, qui s'adresse au leader du gouvernement au Sénat, concerne l'accès à l'information.

Il y a quinze jours, M. Chuck Guité a dit au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes que très peu d'information concernant les commandites avait été consignée, et ce afin d'éviter les demandes en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

La même semaine, le commissaire à l'information, John Reid, a dit au Parlement que le financement de son commissariat par le gouvernement était insuffisant, particulièrement à une époque où il n'est plus de mise, au sein de l'appareil fédéral, de tenir des dossiers. Par exemple, il a dit que son commissariat n'avait pas suffisamment d'argent pour suivre l'effet des nouvelles lois sur la Loi sur l'accès à l'information.

(1350)

Depuis que M. Reid a fait ces déclarations, le gouvernement du Canada a-t-il pris des mesures pour en vérifier l'exactitude? Et, si elles sont exactes, quelles mesures prendra-t-on pour que le commissaire à l'information puisse appliquer les lois du Canada sur l'accès à l'information?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je prends note de la question.

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question complémentaire. Le leader du gouvernement au Sénat pourra la prendre elle aussi en note.

Il y a six ans, le commissariat à l'information était en mesure d'enquêter dans les quatre mois suivant une allégation. Maintenant, quand quelqu'un dépose une plainte concernant la non- communication de renseignements par un fonctionnaire, il faut attendre entre six et dix mois avant que ne débute l'enquête. Il y a actuellement un arriéré de plus de 1 000 plaintes.

Est-ce que le gouvernement considère que c'est là un délai acceptable et, dans la négative, quelles mesures entend-il prendre pour éliminer l'arriéré?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Oliver pour sa question et je vais également la prendre en délibéré.

LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

LE PROGRAMME FÉDÉRAL D'EXPÉRIENCE DE TRAVAIL ÉTUDIANT—L'ACCESSIBILITÉ EN DEHORS DE LA RÉGION D'OTTAWA

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, comme certains d'entre vous le savent, le programme fédéral d'expérience de travail étudiant a été mis sur pied pour aider les étudiants fréquentant à plein temps les universités, les collèges, les instituts techniques et les cégeps — en d'autres mots, les étudiants à temps plein de niveau postsecondaire — à acquérir une certaine expérience de travail auprès du gouvernement fédéral pendant leurs vacances estivales. Ces étudiants peuvent alors apprendre à connaître l'administration fédérale et devraient, pour cette raison, former l'un des meilleurs bassins de recrutement pour notre fonction publique plus tard.

Des étudiants m'ont approchée en me disant que ce programme n'est pas, en fait, fédéral, puisqu'il est principalement axé sur la région d'Ottawa. Étant donné que la plupart des emplois concernés relèvent de l'administration fédérale dans la région d'Ottawa, il est très difficile aux étudiants vivant à l'extérieur d'Ottawa d'y participer.

Forte de ces renseignements, j'ai consulté le site Web du ministère de la Justice Canada et voici la description du programme qui y est donnée:

accorde des chances égales et équitables de postuler un des emplois étudiants dans la Fonction publique du Canada. Ce programme offre aux étudiantes et étudiants une excellente occasion de se familiariser avec les rouages de l'administration fédérale tout en acquérant de l'expérience, en améliorant leurs compétences et leur aptitude à l'emploi.

Cependant, si vous contactez le ministère de la Justice, vous apprendrez qu'il accorde un emploi d'abord aux étudiants de la région de la capitale.

Ce sujet a été porté à l'attention du gouvernement. Est-ce que celui-ci continue de faire profiter uniquement les étudiants de la région d'Ottawa de la totalité de ce programme fédéral?

Le sénateur Kinsella: Bonne question!

Le sénateur Forrestall: Nous allons obtenir une bonne réponse, comme d'habitude.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Andreychuk de sa question précise et détaillée, je vais la prendre en délibéré.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Ce sujet revêt une certaine urgence puisque des emplois sont accordés en ce moment.

Le nombre de postes disponibles au ministère de la Justice de la Saskatchewan s'élève à environ deux. Presque tous les emplois se trouvent ici, au ministère de la Justice, qui est énorme, et ces emplois vont aux étudiants d'Ottawa.

Année après année, ce sujet a été porté à l'attention du gouvernement. Comment accorder des chances égales aux jeunes Canadiens? Comment ceux-ci peuvent-ils fréquenter l'Université de la Saskatchewan ou de la Colombie-Britannique et participer à un programme fédéral auquel ils n'ont absolument pas accès? Les postes sont en train d'être comblés au moment où nous nous parlons. Le ministre peut-il nous donner quelque assurance que tous les étudiants canadiens bénéficieront d'un accès égal et équitable à ce programme?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, encore une fois, je vais prendre la question en délibéré. Toutefois, je m'avance à dire, sans avoir quelque renseignement précis à offrir, que je tiens pour acquis que le sénateur Andreychuk demande au gouvernement du Canada de financer à la fois le transport des étudiants de différents endroits de notre pays jusqu'à Ottawa ainsi que leurs frais de subsistance durant leur séjour dans notre ville.

Le sénateur Andreychuk: Au contraire, ces étudiants sont prêts à venir à Ottawa et à se trouver un logement. Ils demandent simplement d'être traités équitablement dans le processus d'examen des demandes d'emploi. Ils feront l'effort nécessaire pour se rendre ici — et la Colombie-Britannique et la Nouvelle- Écosse sont tout aussi touchées par ce problème que la Saskatchewan et le Manitoba — afin d'acquérir une expérience qu'ils ne pourraient vivre autrement. Les étudiants sont disposés à venir dans cette région à leurs frais et à se trouver un logement, mais leur demande d'emploi n'est pas traitée équitablement, parce qu'ils ne fréquentent pas un établissement d'enseignement postsecondaire de la région de la capitale nationale.

Nous savons qu'il n'y a que deux universités à Ottawa. Certains étudiants iraient même jusqu'à utiliser un code postal de la région pour être traités de façon équitable. Est-ce là une façon de traiter les étudiants, qui sont notre investissement dans l'avenir?

Le sénateur Austin: Je serais heureux que le sénateur Andreychuk m'aide à défendre ce point de vue en me fournissant des noms et des exemples concrets afin que je puisse traiter de cas d'espèces en plus de généralités.

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

LE STATUT DE RÉFUGIÉ REVENDIQUÉ PAR M. ERNST ZUNDEL

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, en février dernier, Ernst Zundel a été expulsé des États-Unis vers le Canada. Le gouvernement avait promis de traiter son cas rapidement, mais M. Zundel est encore ici.

Comme bien des gens le craignaient, il semble content de pouvoir prolonger le plus longtemps possible les procédures judiciaires concernant le certificat national en matière de sécurité qui a été délivré à son égard. M. Zundel et ses partisans ont utilisé la couverture médiatique découlant de cette affaire pour promouvoir leurs idées antisémites. C'est troublant de constater que certains font de M. Zundel, cet homme qui exploite à fond notre système juridique, un défenseur des droits fondamentaux, lui qui a été déclaré un risque pour la sécurité de notre pays.

Je pose de nouveau la question que j'ai déjà posée et que je continuerai de poser tant que je n'aurai pas de réponse: combien de temps encore Ernst Zundel sera-t-il détenu au Canada, et combien tout cet exercice a-t-il coûté jusqu'à maintenant aux contribuables canadiens?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux que fournir aujourd'hui la même réponse que j'ai donnée auparavant. M. Zundel fait l'objet de poursuites judiciaires visant à éclaircir les questions que le sénateur Tkachuk a soulevées. Le sénateur Tkachuk n'est pas sans savoir que notre système juridique est fondé sur la présomption d'innocence de la personne faisant l'objet de poursuites. La Couronne a l'obligation d'exposer les motifs justifiant son expulsion.

Le sénateur Tkachuk: C'est peut-être son obligation, honorables sénateurs, mais toutes ces tergiversations dans le cas de M. Zundel auraient pu être évitées s'il avait été expulsé vers l'Allemagne dès que les agents canadiens ont établi son identité.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire si le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a mené une enquête quelconque pour déterminer ce qui s'est produit lorsque M. Zundel a été amené ici à l'origine, et pourquoi il n'a pas été immédiatement remis aux autorités allemandes, comme elles en avaient fait la demande?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, M. Zundel a le droit de tirer profit des avantages du droit canadien et il a le droit d'utiliser nos procédures judiciaires, et c'est ce droit qu'il exerce.

LA MONNAIE ROYALE CANADIENNE

LES DÉPENSES DE DÉPLACEMENT DE L'EX-PRÉSIDENTE

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier soir, à la SRC, on nous a donné une nouvelle preuve que George Radwanski n'est pas le seul haut fonctionnaire qui ait abusé des fonds publics. Il y a trois ans, Danielle Wetherup, qui était alors présidente de la Monnaie royale canadienne, a facturé aux contribuables canadiens une somme de 6 000 $ pour un voyage de deux semaines en Italie, dont seulement deux jours ont été consacrés à ses fonctions officielles — en l'occurrence, une journée en compagnie d'Alfonso Gagliano et de Gina Lollobrigida, et une journée passée à rencontrer certains responsables régionaux en Sicile. Elle a présenté une facture à la Monnaie royale canadienne pour le remboursement de ses séjours dans des hôtels luxueux, allant même jusqu'à facturer aux contribuables une visite au spa de l'un de ces hôtels.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il expliquer comment il est possible que quiconque puisse présenter une facture pour deux semaines de voyage sans qu'on lui demande de justifier son emploi du temps? D'ailleurs, pourrait-il expliquer comment il est possible qu'on demande aux contribuables de payer pour un massage personnel dans un spa sans que personne au ministère ne mette en doute cette réclamation?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, tout d'abord, je suis impressionné de voir qu'un certain nombre de sénateurs ont reconnu le nom de Gina Lollobrigida — et je dois avouer que je suis du nombre.

Pour ce qui est du reste de la question, je n'ai pas regardé ce reportage, mais je suis certain que, si c'est le cas, le gouvernement examinera ce dossier.

(1400)

Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, Mme Wetherup n'est maintenant plus à l'emploi de la Monnaie royale. Le gouvernement a-t-il l'intention d'essayer de récupérer l'argent facturé aux contribuables pour payer ses vacances en Europe?

Le sénateur Austin: Je vais prendre note de cette question.

L'ENVIRONNEMENT

LE PROCESSUS D'INSCRIPTION DES ESPÈCES EN PÉRIL

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, quand nous avons été saisis de la Loi sur les espèces en péril, il y a 18 mois, les sénateurs siégeant de ce côté-ci ainsi que les membres du Comité de l'environnement de la Chambre des communes ont fait valoir que l'on devrait confier à des scientifiques — cessons de penser à Gina Lollobrigida — la responsabilité de dresser la liste officielle des espèces en péril. Le gouvernement devrait avoir la responsabilité de décider ce qui doit être fait ou non pour protéger ces espèces. Nous avons trouvé un compromis parce que nous ne pouvons pas toujours avoir des projets de loi qui soient logiques et sensés. Ce compromis consiste en une loi accordant au gouverneur en conseil le droit de dresser la liste officielle dans les neuf mois suivant la réception de la recommandation du COSEPAC, le comité des experts scientifiques.

La loi a été promulguée en juin dernier. On nous dit que 12 des 91 espèces désignées le plus récemment par le COSEPAC sont dans un vide juridique. Elles ne figurent pas encore sur la liste officielle et n'ont pas été renvoyées au gouverneur en conseil. Parmi les espèces en cause, on compte la morue franche, le saumon rouge et l'escargot du lac Winnipeg, qui sont menacés par la pollution et le développement. Le marsouin commun et l'hyperoodon boréal figurent également sur la liste. Ils meurent dans des filets servant à prendre d'autres espèces de la côte atlantique. Le Sierra Club du Canada dit que les scientifiques du COSEPAC ont identifié certaines de ces espèces depuis au moins six ans.

Comme rien ne peut être fait pour protéger légalement ces espèces jusqu'à ce qu'elles figurent sur la liste officielle, pourquoi cette douzaine d'espèces n'ont-elles pas été inscrites sur la liste? La question plus fondamentale est: pourquoi les décisions du gouvernement ne se fondent-elles pas sur de solides données scientifiques?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je me demandais quel était le lien entre Gina Lollobrigida et les espèces en péril. J'ai demandé au sénateur Rompkey, mais il ne le savait pas.

Quant à la question, qui est sérieuse, je ne doute pas que madame le sénateur Spivak sait que la décision d'inscrire une espèce en péril dans l'annexe se fonde sur des données scientifiques et d'autres facteurs, y compris des facteurs économiques et des facteurs qui concernent les populations et le lien entre l'activité et les espèces en cause.

Si l'espèce est clairement menacée, je ne doute pas que le gouverneur en conseil l'inscrira sur la liste. En ce qui a trait au nombre d'espèces mentionnées dans les recommandations du comité scientifique qui ne figurent pas sur la liste, je crois qu'il y en a 15, le gouverneur en conseil a tenu compte d'autres facteurs.

Le sénateur Spivak: En toute déférence, le point central de la question est le suivant: le gouvernement a effectivement la responsabilité de décider ce qu'il faut faire, mais la question est celle de l'inscription des espèces sur la liste. En ce moment, c'est le gouvernement, et non le comité, qui s'en charge, en s'appuyant sur les conseils du comité. Il aurait été nettement préférable que les scientifiques dressent la liste des espèces à partir de données scientifiques. Le gouvernement aurait ensuite la responsabilité et le droit de décider ce qu'il va faire de la liste.

Va-t-on reprendre en considération le refus de faire dresser la liste par des scientifiques?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, n'importe quoi peut être repris en considération. Je vais signaler au ministre de l'Environnement les recommandations du sénateur Spivak.

Nous comprenons tous les deux la question, mais nous avons peut-être des façons différentes d'aborder la réponse.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LA SYRIE—LA POSSIBILITÉ QUE L'AMBASSADE SOIT CIBLÉE PAR LES TERRORISTES

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, la semaine dernière, des terroristes se sont attaqués aux bureaux de l'ONU à Damas, en Syrie. Cette attaque s'est produite près de l'ambassade du Canada. Il a été avancé dans la presse israélienne que les Canadiens étaient peut-être la cible visée. Le leader du gouvernement peut-il nous éclairer?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai aucun renseignement précis, mais j'ai lu également une autre opinion selon laquelle nous n'étions aucunement visés. Je dois cependant ajouter que je n'ai pu en discuter avec les terroristes qui ont préparé l'attentat.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, lorsque le ministre établira le contact, aura-t-il l'obligeance de nous mettre au courant?

Le sénateur Austin: Lorsque j'aurai établi le contact.

LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET LA PROTECTION CIVILE

LA PROTECTION DU PERSONNEL DU SERVICE EXTÉRIEUR CONTRE LES ATTENTATS TERRORISTES

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, Saif al- Adel, un des plus hauts commandants militaires d'Al-Qaïda, a dit et répété que c'était une priorité de tuer des Canadiens. Malheureusement, un Canadien est parmi les personnes qui ont été grièvement blessées le week-end dernier au cours d'un attentat contre des installations pétrolières saoudiennes.

À la lumière de ce qui semble être une flambée de violence contre les Canadiens et leurs biens, quelles nouvelles mesures le gouvernement envisage-t-il de prendre pour protéger les biens et, ce qui est plus important, les Canadiens à l'étranger?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai aucune preuve que l'attentat de Yanbu, en Arabie saoudite, était dirigé contre un Canadien. Il semblait être dirigé contre des étrangers sans égard aux Saoudiens présents sur les lieux. À ma connaissance, rien n'indique que le Canada est pris pour cible, que ce soit ses biens ou ses ressortissants.

Je reconnais cependant que l'honorable sénateur a raison lorsqu'il dit que le Canada est l'un des pays figurant sur la liste d'Al-Qaïda.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LA CÔTE D'IVOIRE—LA DISPARITION D'UN JOURNALISTE

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, tandis que j'ai la parole, j'aimerais répondre à la question, posée hier par le sénateur Prud'homme sur le journaliste Guy-André Kieffer. J'ai un communiqué publié par l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, qui fait des démarches en faveur de M. Kieffer.

Je crois savoir, mais sans en avoir de preuve documentaire, que, selon les nouvelles, M. Kieffer serait décédé. Il s'agit seulement d'une nouvelle qui n'a pas encore été confirmée.

(1410)

LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET LA PROTECTION CIVILE

LE SERVICE CORRECTIONNEL—L'ABUS PAR LES DÉTENUS DU PROGRAMME DES RÉCOMPENSES

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur un article paru le 2 mai 2004 dans un journal d'Ottawa.

On y signalait que le Service correctionnel du Canada avait mis en place une politique permettant aux détenus d'avoir accès à des restaurants-minute tandis qu'ils sont en prison. D'après le rapport, certains détenus de plusieurs établissements pénitentiaires fédéraux peuvent obtenir des aliments provenant de chez McDonald ou Kentucky, d'un comptoir de sous-marins ou même d'un restaurant chinois. Le Service correctionnel du Canada a admis qu'il ne s'agissait pas d'un programme établi et que cette initiative était laissée dans une large mesure à la discrétion des établissements. Le Service correctionnel du Canada a également admis que cette forme de récompense était pratique courante dans nos établissements lorsqu'une certaine unité n'avait pas connu d'incident depuis longtemps.

L'article signalait ensuite que certains détenus abusent de ce privilège pour introduire en fraude des drogues dans les établissements canadiens. Un agent de correction d'expérience a déclaré: «On peut toujours craindre que quelqu'un glisse de la drogue sous les pizzas.»

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il expliquer pourquoi on permet la poursuite de ce programme, alors qu'il présente plus de risques qu'autre chose, et pourquoi on fait jouer aux gardiens le rôle de pions dans ce scénario susceptible de faire courir des risques à l'ensemble des établissements, à supposer que l'on y fasse entrer clandestinement des armes ou des drogues?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai pas vu cet article, mais en écoutant ce qu'en dit le sénateur, il y a deux choses qui me sont venues à l'idée. Tout d'abord, dans le système pénal comme dans tant d'autres secteurs qui exigent une forme de gestion psychologique de base des objectifs, le principe de récompenses et de punitions fait partie intégrante du système. Deuxièmement, je n'ai pas bien compris si le sénateur St. Germain considérait le fait de servir des plats-minute aux prisonniers comme une récompense ou plutôt comme une punition.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, pour ceux d'entre nous qui viennent de la rue principale et non de la rue Bay, la restauration rapide fait partie de nos habitudes. Je suis persuadé que le sénateur Rompkey, qui vient du Labrador, pourra en témoigner.

Le même article nous apprenait en outre que, si ces repas sont en général livrés, il arrive qu'un employé de l'institution soit envoyé pour chercher la nourriture.

Honorables sénateurs, il y a des personnes âgées dans notre société qui ont du mal à payer leur loyer et à se nourrir convenablement. On a même rapporté que certaines d'entre elles doivent parfois manger de la nourriture pour animaux.

Je suis persuadé que les Canadiens, et surtout les personnes âgées, se demandent ce qui se passe lorsque les prisonniers ont droit aux repas-minute, aux visites conjugales, à des aiguilles stériles, à des condoms, et j'en passe.

En ce qui a trait au système de récompense, je dirais que la récompense du prisonnier est sa libération de l'institution. Je suis certain que la plupart des Canadiens ne seraient pas prêts à accepter ce genre de privilèges pour les détenus.

De plus, lorsque des employés sont envoyés pour chercher la nourriture, qui s'occupe de garder le fort? Il semble que ce soient les détenus qui dirigent la barque. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire ce qu'il en pense?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, bien que je n'aie aucun détail sur l'histoire qui a paru dans les journaux, je sais bien que notre politique gouvernementale vise la réadaptation des prisonniers. Dans le cadre de ce processus de réadaptation, nous encourageons les prisonniers à se prendre en main et à se comporter d'une façon appropriée qui leur permettra de devenir des citoyens à part entière dans la communauté. Si telle n'est pas sa philosophie, je dois dire que je ne la partage pas avec lui.

Il y a un risque que des matières qu'on fait entrer en prison servent à cacher des biens qui n'y ont pas leur place. Toutefois, on peut prendre des mesures pour détecter l'éventuelle entrée de ces biens.

La société n'est pas parfaite. Les gardiens de prison se comportent parfois de manière critiquable, mais, dans l'ensemble, je ne crois pas qu'on puisse nier le fait qu'à notre époque, nous voulons que tous nos citoyens soient respectueux de la loi et productifs. Lorsque certains citoyens ne sont pas productifs depuis un certain temps, nous souhaitons faire appel à tous les moyens pour les encourager à se réinsérer dans la société en qualité de citoyens apportant leur contribution.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je conviens du fait qu'il doit y avoir un programme de réadaptation. Toutefois, lorsqu'on se met à accorder des plats-minute et à demander au personnel d'aller les chercher pour les détenus, il y a un problème. Nous savons qu'il existe généralement une pénurie de personnel dans ces établissements.

Je reviens à ma préoccupation première en ce qui concerne les personnes âgées dans notre pays. J'ai vu les augmentations accordées au titre de la pension de retraite des personnes âgées. Ces augmentations ne sont que de maigres pitances. La plupart des prestataires ne pourraient pas se payer un repas dans un restaurant- minute, même si elles le voulaient, parce qu'elles n'en ont pas les moyens. Nous dépensons de l'argent pour offrir à nos détenus ce qui me paraît être un service pour les privilégiés.

Je suis en faveur de la réinsertion sociale et d'accord avec le sénateur, mais ce programme est exagéré. Je ne crois pas que les Canadiens, qui sont compréhensifs, pleins de compassion et qui souhaitent également la réinsertion sociale des détenus, estimeraient que cela est nécessaire.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, permettez-moi d'émettre une hypothèse au sujet du personnel. N'est-il pas plus prudent d'envoyer un membre du personnel, au lieu d'une personne qui n'a pas été identifiée ou autorisée à apporter des produits à la prison?

Si le gardien et la haute direction de la prison estiment que ce programme accroît la tranquillité, les risques que court le personnel se trouvent réduits. Il me semble que sous ce que le sénateur St. Germain dénonce se cache peut-être une politique saine et raisonnable.

En ce qui concerne les personnes âgées, un sujet non lié à la question qui nous occupe, le sénateur ne devrait pas comparer la situation d'une personne âgée à celle d'un détenu. À propos des personnes âgées et de cette question distincte, je conviens que certaines personnes âgées se trouvent dans une situation précaire, et le gouvernement doit examiner ce problème. Cependant, il s'agit là d'une responsabilité non seulement du gouvernement, mais également de la collectivité et de la famille de ces personnes âgées, lorsqu'elles ont une famille pour leur venir en aide. Le gouvernement ne peut pas tout faire dans la société, comme l'a souvent dit Stephen Harper.

Le sénateur St. Germain: C'est la meilleure citation de la journée.

LES ANCIENS COMBATTANTS

L'ANNONCE D'UNE NOUVELLE CHARTE—LES OBSERVATIONS DU MINISTRE

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, hier, le gouvernement a annoncé sa nouvelle charte des anciens combattants, qui vise à faciliter la réintégration des anciens militaires à la vie civile. Bien que nous, de ce côté-ci, accueillions favorablement cette initiative longuement attendue, elle n'arrive pas trop tôt, puisque nous avons également appris hier qu'un nombre alarmant de nos soldats quittent les Forces canadiennes au cours de la première année qui suit leur engagement.

Ce qui m'a intrigué au sujet de l'annonce d'hier, c'est une déclaration du ministre des Anciens Combattants dans laquelle il a dit que l'annonce n'aura aucune incidence négative sur les anciens combattants traditionnels et sur les pensions qu'ils reçoivent. Il a ajouté que certains d'entre eux «...pourront même profiter du travail effectué à l'endroit de nos anciens combattants des FC».

Ces propos sont intéressants. Encore une fois, ils évoquent la possibilité d'un traitement injuste ou inégal de nos anciens militaires. En faisant cette annonce, le gouvernement a pris soin de faire une distinction entre les anciens combattants traditionnels et ceux de l'ère moderne.

Ma question au leader du gouvernement au Sénat est la suivante: lorsque le ministre déclare que certains anciens combattants traditionnels pourraient en profiter, de qui parle-t-il et pourquoi seulement certains? Je croyais que, depuis 1991, un ancien combattant était un ancien combattant, et que quiconque avait été formé dans les Forces canadiennes était un ancien combattant.

Pourquoi le ministre a-t-il dit cela? Pourquoi, en outre, a-t-il dit «pourraient en profiter» plutôt que «en profiteront»? Si le leader du gouvernement au Sénat ne peut me donner une réponse aujourd'hui, et je suppose qu'il ne pourra pas le faire, je lui demanderais de chercher la réponse et de la déposer au Sénat dans les meilleurs délais.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais certainement chercher à obtenir la réponse plus précise que l'honorable sénateur a demandée et, s'il a une question complémentaire, je chercherai une réponse à celle-là aussi.

(1420)

LA DÉFENSE NATIONALE

L'EFFICACITÉ DU PROGRAMME DE RECRUTEMENT ET DE RÉTENTION

L'honorable Michael A. Meighen: Le leader du gouvernement a beaucoup de clairvoyance. J'ai effectivement une question complémentaire. Elle fait suite à un élément auquel j'ai fait allusion dans mon introduction plutôt prolixe.

Elle concerne précisément un article paru dans l'édition du 4 mai du Journal de Montréal. Le titre de cet article se lit comme suit:

[Français]

Jusqu'à 25 p. 100 des soldats abandonnent après moins d'un an de service.

Cette donnée statistique provient des documents internes du ministère de la Défense nationale.

[Traduction]

Ma question au leader du gouvernement au Sénat est la suivante: que se passe-t-il? Il est clair que le recrutement dont on fait l'éloge et, particulièrement, le programme de maintien de l'effectif ne fonctionnent pas. Que compte faire le gouvernement pour que ce programme fonctionne?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Je prendrai la question du sénateur en délibéré.

Toutefois, je signale au sénateur Meighen que la charte des anciens combattants offre surtout des programmes de réinsertion dans la vie civile conçus pour aider les anciens combattants de retour au pays. Je ne suis pas du tout convaincu qu'elle vise ceux et celles qui ont servi pendant une ou deux années seulement, car les programmes ont été conçus, dans l'ensemble, pour aider les militaires qui ont une période de service complète.

Le sénateur Meighen: Permettez-moi de clarifier un point, honorables sénateurs. J'ai posé deux questions et elles n'étaient pas nécessairement liées. Je signale au leader du gouvernement au Sénat que le programme de réinsertion à l'intention des membres des Forces canadiennes que nous avions en 1945 faisait l'envie du monde entier. Reprenons ce programme.

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter des réponses différées à cinq questions posées au Sénat.

Les deux premières sont des réponses à des questions posées par le sénateur Michael Forrestall le 29 mars 2004 au sujet du projet de modernisation progressive de l'Aurora et au sujet du projet des hélicoptères maritimes. La troisième est une réponse différée à une question posée par le sénateur LeBreton le 22 mars concernant la situation de Communication Canada. Les deux dernières répondent aux questions posées par le sénateur Meighen le 21 avril au sujet du radoub de mi-durée des frégates de classe Halifax ainsi que de l'acquisition de nouveaux navires de ravitaillement et de transport et au sujet de l'acquisition de nouvel équipement pour les Forces canadiennes et de la possibilité de mettre cet équipement à la disposition des soldats déployés en Afghanistan à l'automne 2004.

LA DÉFENSE NATIONALE

LE PROJET DE MODERNISATION PROGRESSIVE DE L'AURORA—LA SOUMISSION POUR LE SYSTÈME DE GESTION DES DONNÉES

(Réponse à la question posée par l'honorable J. Michael Forrestall le 29 mars 2004)

Le contrat original pour le Système de gestion des données a été accordé à General Dynamics Canada le 30 mai 2002 pour une somme de 197 639 176 $.

La première modification du contrat ajoutait l'exigence de livrer un simulateur de mission opérationnelle à Greenwood, en Nouvelle-Écosse, afin de former les équipes tactiques, ce qui a été réalisé le 17 avril 2003. Cette exigence était incluse comme option dans la demande de proposition originale. La valeur de la première modification était de 39 421 654 $.

Ces sommes ne comprennent pas les 15 p. 100 de taxe de vente harmonisée payable au moment de la livraison de l'équipement en Nouvelle-Écosse.

Dans la deuxième modification du contrat, l'État ajoutait des demandes d'exécution de travaux, lesquels ont été complétés le 14 octobre 2003. La valeur de la deuxième modification était de 2 025 193 $, ce qui porte à 239 086 023 $ le coût total actuel du contrat.

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—LA SOUMISSION POUR LE SYSTÈME DE GESTION DES DONNÉES

(Réponse à la question posée par l'honorable J. Michael Forrestall le 29 mars 2004)

Le Système de gestion des données en cours de production pour le Programme de modernisation progressive de l'Aurora n'est pas le même système que celui qui sera utilisé pour le Projet des hélicoptères maritimes.

Bien qu'il existe certaines similarités en ce qui a trait aux exigences techniques de base relatives à la gestion des données pour ces deux projets, il y a des différences importantes au niveau des capteurs gérés, de la manière dont les données seront présentées et de l'environnement dans lequel le système fonctionnera.

Il est prévu qu'un seul entrepreneur principal sera sélectionné pour le Projet des hélicoptères maritimes. Il fournira une solution clé en main au MDN. L'entrepreneur principal sera le seul responsable du rendement relatif à l'échéancier pour le contrat, alors que dans le cas du Programme de modernisation progressive de l'Aurora, l'État et l'entrepreneur assument ensemble les responsabilités.

Par conséquent, il est inapproprié et incorrect d'utiliser le plan de mise en œuvre du projet de modernisation de l'Aurora comme indicateur du rendement pour le Projet des hélicoptères maritimes.

Si des propositions sont reçues des deux soumissionnaires à la suite de la demande de proposition, les deux seront évaluées d'une façon juste et appropriée. Il ne conviendrait pas de procéder à une évaluation avant la réception des propositions.

LES TRAVAUX PUBLICS ET LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

LA SITUATION DE COMMUNICATION CANADA

(Réponse à la question posée par l'honorable Marjory LeBreton le 22 mars 2004)

TPSGC effectue actuellement un examen des programmes administrés anciennement par Communication Canada et qui lui ont été transférés. Le but de cet examen est de recommander la façon la plus rentable de gérer ces programmes afin de répondre aux besoins des Canadiens et des Canadiennes. Nous ne connaissons pas encore les résultats finals de cet examen, par conséquent nous ignorons les coûts liés à ces changements. Par contre, il est important de garder à l'esprit que des millions de dollars seront économisés à la suite de l'élimination du programme de commandites, que les niveaux de financement ont été réduits pour d'autres programmes, et qu'une réduction de 15 p. 100 des dépenses de publicité dans les médias a été mise en place pour les trois prochaines années.

Le 1er avril 2004, le gouvernement du Canada a transféré, de Communication Canada au Bureau du Conseil privé, la responsabilité à l'égard des secteurs suivants: Direction générale des opérations régionales, à l'exception du secteur des liaisons extérieures; la direction de l'analyse et de la recherche en opinion publique; Services d'information qui faisaient partie de la Direction générale des services de communication, à l'exception du Suivi électronique des médias; Groupe de conseil en communication qui faisait partie de la Direction des communications.

Environ 105 employés (équivalents temps plein) (ETP) ont été transférés au Bureau du Conseil privé le 1er avril 2004, mais les coûts liés à ces changements ne sont pas encore établis.

LA DÉFENSE NATIONALE

L'AFGHANISTAN—L'ACQUISITION DE NOUVEAU MATÉRIEL—LA DISPONIBILITÉ POUR LES TROUPES DÉPLOYÉES AU COURS DE LA PROCHAINE MISSION

(Réponse à la question posée par l'honorable Michael A. Meighen le 21 avril 2004)

Le premier ministre a annoncé l'intention du gouvernement d'acheter du nouvel équipement pour les Forces canadiennes, notamment des bâtiments de soutien, un système de canon mobile, des aéronefs de recherche et sauvetage à voilure fixe et des hélicoptères maritimes.

Compte tenu des longs délais d'exécution de ces projets d'acquisition de biens d'équipement, ce matériel ne sera pas mis en service au sein des Forces canadiennes avant août 2004.

Cela dit, avant l'envoi de soldats en Afghanistan en 2003, et afin d'être prêtes à réagir dans toutes sortes de situations dans le cadre de leur mission actuelle, les Forces canadiennes ont déployé, en Afghanistan, divers types d'équipement et de véhicules, y compris de nouveaux véhicules aériens sans pilote, des véhicules utilitaires légers (G Wagon, ILTIS), des véhicules blindés légers (VBL III, Coyote), des radars de contrebatterie et des pièces d'artillerie légère.

Au terme de l'engagement militaire actuel du Canada, en août, les Forces canadiennes demeureront en Afghanistan, mais leur présence sera réduite. La Défense nationale est en train de déterminer quels types d'équipement seront requis pour ce nouveau rôle.

LA REVALORISATION DES FRÉGATES—L'ACQUISITION DE NOUVEAUX NAVIRES DE RAVITAILLEMENT ET DE TRANSPORT

(Réponse à la question posée par l'honorable Michael A. Meighen le 21 avril 2004)

En ce qui concerne les frégates canadiennes, la Marine compte moderniser ses frégates de la classe Halifax. Le projet devrait débuter en 2010 et prendre fin en 2017.

Le programme de modernisation des frégates de la classe Halifax demeurera viable jusqu'à la fin de la durée de vie utile de ces dernières.

À propos de l'intention du gouvernement, annoncée récemment, d'acheter de nouveaux navires pour la Marine, aucune version des nouveaux bâtiments de soutien n'est disponible sur le marché. Par conséquent, ces navires seront conçus et construits pour la Marine, conformément à la politique actuelle sur la construction navale, qui précise que les navires fédéraux seront construits dans des chantiers navals canadiens, si des conditions de concurrence normale prévalent.

Le ministre de la Défense nationale a affirmé qu'il a l'intention de demander à ses représentants d'examiner la possibilité d'insérer des mesures incitatives dans les contrats visant les nouveaux bâtiments de soutien, de manière à faire avancer la date de livraison.


ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Morin, appuyée par l'honorable sénateur Downe, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada.

L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs, je présente quelques observations sommaires sur le projet de loi C-24, qui a fait l'objet d'un examen de la part du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Comme les honorables sénateurs le savent, le comité a ajouté à son rapport une série d'observations que j'invite les honorables sénateurs à lire. Bien que nous ayons fait rapport du projet de loi sans proposer d'amendement, nous considérons qu'il est utile que les sénateurs comprennent certaines de nos observations. J'aimerais dire un mot sur quelques-unes d'entre elles.

Les observations signalent en particulier que le but du projet de loi est de permettre aux parlementaires qui ont entre 50 et 55 ans de continuer à bénéficier de l'assurance-maladie, l'assurance dentaire et de l'assurance-vie même s'ils ne sont pas admissibles aux prestations de retraite avant l'âge de 55 ans. Lorsque l'on a modifié la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires, au début de la session en cours du Parlement — pour stipuler que les parlementaires ne touchent leurs prestations de retraite qu'à partir de 55 ans — il s'est ensuivi que les parlementaires qui prennent leur retraite avant 55 ans doivent attendre jusqu'à ce qu'ils aient 55 ans pour bénéficier de l'assurance maladie, d'assurance dentaire et d'assurance-vie. Cela tient au fait que, en vertu du programme en place, ils ne peuvent bénéficier de ces avantages sociaux avant de commencer effectivement à recevoir des prestations de retraite. Ainsi, les parlementaires qui prennent leur retraite entre 50 et 55 ans ne touchent ni leurs prestations de retraite ni leurs avantages sociaux en matière de santé pendant cet intervalle. Le projet de loi C-24 comble cet intervalle qui, pour être franc, résulte d'une inadvertance. Comme les témoins entendus par le comité l'ont signalé, il semble que personne n'ait pensé à cette conséquence.

Des fonctionnaires ont expliqué au comité que la modification à la Loi sur le Parlement du Canada placerait les parlementaires sur un pied d'égalité avec les fonctionnaires. Toutefois, d'autres témoignages ont fait ressortir que les fonctionnaires âgés entre 50 et 55 ans qui prennent leur retraite et quittent la fonction publique n'ont pas la possibilité de souscrire au régime d'avantages sociaux, à moins de recevoir aussi leur pension de retraite. En d'autres termes, les fonctionnaires qui prennent une retraite anticipée et qui ne touchent pas encore leur pension de retraite ne peuvent pas bénéficier du régime d'avantages sociaux. Dans les témoignages devant le comité, il y avait parfois une nette contradiction entre ce que disaient les fonctionnaires et ce que disaient les syndicats.

En effet, des témoins de l'Alliance de la fonction publique du Canada ont confirmé que ce projet de loi accorde dans une certaine mesure un traitement spécial aux parlementaires en leur faisant bénéficier d'avantages sociaux que n'ont pas des fonctionnaires fédéraux.

Par ailleurs, il est important de signaler que les fonctionnaires fédéraux ont un avantage que les parlementaires qui prennent leur retraite n'ont pas: ils peuvent toucher leur pension de retraite avant l'âge de 55 ans, même si elle est réduite, devenant ainsi admissibles aux régimes d'assurance-vie, d'assurance-maladie et d'assurance dentaire.

C'est pourquoi, dans ses observations, le comité a fait remarquer que la loi sur la retraite aurait dû être modifiée et non pas la Loi sur le Parlement du Canada. Si la loi sur la retraite était modifiée en ce sens, les parlementaires qui prennent leur retraite entre 50 et 55 ans pourraient toucher une allocation réduite et seraient automatiquement admissibles aux régimes d'assurance-vie, d'assurance-maladie et d'assurance dentaire. Étant donné que cela n'a pas été fait, une solution a été recherchée dans le projet de loi C- 24. Par conséquent, nous recommandons que, au cours de la prochaine session du Parlement, des modifications soient apportées à la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires.

Honorables sénateurs, je souligne que cette question a été soulevée parce qu'une députée de la Chambre des communes prend sa retraite pour des raisons de santé, alors qu'elle a moins de 55 ans et que, par conséquent, elle ne sera pas admissible au régime de soins de santé avant l'âge de 55 ans. Il s'agit d'une situation très sérieuse, que ce projet de loi cherche à corriger.

Dans sa version actuelle, le projet de loi s'applique à tous les parlementaires. Plutôt que de traiter d'un cas isolé, il a pris la forme d'un important changement de politique.

Le comité explique ce qui, d'ordinaire, se serait produit dans le secteur privé en pareilles circonstances. Précisément, il y aurait eu négociation entre l'employeur de la personne qui prend une retraite anticipée et l'assureur responsable du régime. Ils se seraient entendus sur ce seul cas sans modifier substantiellement la politique en vigueur.

Au comité, nous avons beaucoup insisté auprès des fonctionnaires afin de savoir pourquoi il n'en était pas ainsi. Ils nous ont répondu que cela n'était pas possible. C'est peut-être vrai, vu les conditions d'application du régime aux parlementaires. D'un autre côté, nous qui siégions au comité croyons qu'il y avait probablement moyen de traiter de ce cas unique sans modifier la politique générale.

Nous sommes inquiets à l'idée que ni le gouvernement ni le comité ne connaissent les conséquences de ce projet de loi sur les futures négociations collectives. Étant donné que le gouvernement affirme au comité que l'avantage consenti est exactement celui dont bénéficient les hauts fonctionnaires et que les syndicats viennent nous affirmer que tel n'est pas le cas, il me semble que si je me trouvais du côté des syndicats, je dirais: «Vous nous avez automatiquement accordé cet avantage à la ronde de négociations suivante, puisque vous avez déclaré que nous en bénéficions déjà; étant donné que vous avez tort, nous présumons que vous allez nous l'accorder gracieusement, puisque nous étions censés l'avoir.» Les conséquences à long terme ne sont pas claires.

(1430)

Enfin, honorables sénateurs, je souligne que l'une des raisons pour lesquelles le comité a examiné ce projet de loi avec sérieux, a tenu deux séances et a entendu une série de témoins, c'est que ce projet de loi a suivi une procédure accélérée à l'autre endroit. Il y a franchi les

trois étapes en moins de 60 minutes. Je crois même qu'il l'a fait en quelque 25 minutes, mais c'est difficile de s'en rendre compte à la lecture du hansard. Notre point de vue a été le suivant: pourquoi un projet de loi conférant un avantage aux parlementaires devrait-il être adopté aussi rapidement sans subir l'examen rigoureux que doit normalement subir toute autre mesure législative? C'est pourquoi nous avons décidé de procéder à un examen approfondi et compétent de ce projet de loi.

En conclusion, honorables sénateurs, compte tenu qu'un parlementaire doit prendre sa retraite en raison de graves problèmes de santé et qu'il doit bénéficier de la protection du régime, le comité a décidé de faire rapport du projet de loi sans amendement. Toutefois, nous signalons qu'il y avait probablement une façon de régler le cas à part et que, le cas échéant, on aurait dû le faire en modifiant la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires pour permettre de toucher une pension réduite avant l'âge de 55 ans, au lieu de procéder comme on l'a fait.

Au nom du comité, j'ai l'intention d'écrire aux divers ministres compétents pour leur faire remarquer que nous souhaitons que cette modification soit présentée lorsque, comme cela se produit habituellement après les élections, la question des avantages des députés sera abordée. J'espère que le comité se penchera alors sur la question. Si elle n'est pas abordée dans le projet de loi, je m'attends à ce que le comité veuille y ajouter quelque chose.

Enfin, même si nous reconnaissons l'importance du projet de loi, parce qu'il remédie à une lacune qui s'est produite de façon tout à fait fortuite, il convient de dire que le comité hésiterait beaucoup à examiner aussi rapidement un projet de loi portant sur les avantages sociaux des parlementaires, si on lui demandait de le faire de nouveau. Le cas échéant, nous nous hâterions lentement, car ce n'est pas le genre de projet de loi qui doit être adopté à toute vapeur. N'eut été du cas particulier pour lequel tous les membres du comité éprouvent beaucoup de sympathie, le comité aurait été beaucoup plus hésitant à adopter le projet de loi.

Cela étant dit, j'exhorte la Chambre à adopter le projet deloi C-24. J'espère que ce sera cette semaine.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'ai une question pour le sénateur Kirby.

Je tiens tout d'abord à féliciter le sénateur Kirby pour l'excellent rapport. Le rapport écrit faisait état, tout comme l'honorable sénateur dans ses observations d'aujourd'hui, de la solution qui a cours dans le secteur privé dans ces cas-là et qui consiste à tenter de parvenir à une entente avec l'assureur. L'honorable sénateur ou quelqu'un en son nom s'est-il informé? Si une telle solution existe, le projet de loi ne serait pas nécessaire.

Je sais que le sénateur Kirby a une formation en mathématiques. Il a déclaré, tant dans le rapport que dans ses propos aujourd'hui, qu'il ignorait, tant du point de vue mathématique que financier, quels seraient les coûts de cette mesure lors de la prochaine ronde de négociations.

L'honorable sénateur peut-il nous citer des chiffres qui nous donneraient une idée de l'ampleur des coûts de cette modification à la politique gouvernementale?

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, en réponse à la seconde question, non, je ne le puis pas. Tout dépendrait, premièrement, de l'inclusion de cette mesure dans une entente collective et, deuxièmement, du nombre de personnes qui décideraient de prendre une retraite anticipée mais d'attendre d'avoir 55 ans avant de toucher leur pension. À ma connaissance, il n'existe pas de données à ce sujet parce que toutes les personnes qui ont pris une retraite anticipée ont touché leur pension réduite pour pouvoir continuer de bénéficier du régime d'assurance-santé.

En ce qui concerne la première question, le dilemme devant lequel on se trouve est que, dans le secteur privé, même dans le cas d'un contrat avec le syndicat, il est tout à fait légitime pour l'employeur de décider d'augmenter les prestations, ce à quoi cette mesure revient, par compassion pour un employé partant à la retraite. Toutefois, aux termes des lois qui régissent la rémunération des parlementaires, cette latitude n'existe pas, car l'argent versé aux parlementaires dans le cadre du régime de retraite et dans le cas des parlementaires encore en activité relève de mesures législatives spécifiques. Il est impossible à l'employeur, que l'on considère que c'est la Chambre des communes ou le gouvernement du Canada, de conclure une entente distincte avec une seule personne. Ce n'est tout simplement pas permis.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, peut-être devrais- je préciser avant de mettre la motion aux voix que, même si le sénateur Lynch-Staunton dispose d'un temps de parole illimité en sa qualité de leader de l'opposition, on s'est entendu pour que le premier sénateur qui interviendra au nom de l'opposition, si ce n'est pas le sénateur Lynch-Staunton, ne disposera que de 45 minutes.

Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI SUR L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DE LA PREMIÈRE NATION DE WESTBANK

TROISIÈME LECTURE

L'honorable Ross Fitzpatrick propose: Que le projet de loi C-11, Loi portant mise en vigueur de l'Accord d'autonomie gouvernementale de la première nation de Westbank, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui dans le débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-11, Loi portant mise en vigueur de l'accord d'autonomie gouvernementale de la première nation de Westbank, avec le très fort sentiment que nous participons à une étape très importante de l'histoire de notre pays. Comme je l'ai dit à l'étape de la deuxième lecture, c'est l'aboutissement d'un processus entamé il y a plus de 14 ans par le chef Robert Louie et son conseil. C'est un modèle d'exercice de la démocratie auquel ont participé les membres de la bande vivant dans la réserve et hors de la réserve ainsi que des habitants de la réserve n'appartenant pas à la bande. Les jeunes et les anciens ont également participé à ce processus très inclusif. Je crois que cet accord aura des répercussions dans l'ensemble du pays. Il ouvre la voie à d'autres accords d'autonomie gouvernementale favorisés par la politique du gouvernement fédéral concernant les droits inhérents.

Honorables sénateurs, la mise en oeuvre de cet accord profitera non seulement aux membres des Premières nations et aux habitants des terres de Westbank, mais également aux autres bandes du pays. L'accord d'autonomie gouvernementale sera un exemple de ce qui peut être accompli et de la façon dont cela peut contribuer à la bonne gouvernance des Premières nations du Canada et à leur épanouissement économique.

L'un des objectifs clés de l'autonomie gouvernementale est la création d'un régime légitime, responsable et progressiste de gouvernance des Premières nations pour remplacer la dépendance de la Loi sur les Indiens. Un aspect important de l'amélioration de la gouvernance des Premières nations consiste à instaurer un climat de certitude pour toutes les personnes ayant des intérêts dans les terres des Premières nations ainsi qu'à améliorer les bases du développement économique et social.

Honorables sénateurs, aux termes de la Loi sur les Indiens, le pouvoir de décision appartient surtout au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien plutôt qu'aux gouvernements locaux des Premières nations. Le pouvoir décisionnel est donc éloigné de l'environnement local. Le processus décisionnel actuel peut être long et compliqué, et les mécanismes de règlement des différends, peu clairs. Cela engendre retards, indécision, incertitude et l'apparence d'un manque de transparence aux yeux des investisseurs qui, de ce fait, peuvent trouver risqué d'investir dans les réserves.

L'entrée en vigueur de l'accord d'autonomie gouvernementale de la Première nation de Westbank élcartera le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien du processus décisionnel et le remplacera par un gouvernement local régi par une constitution élaborée sur place qui reflétera les coutumes et les aspirations de la Première nation de Westbank. Les décisions seront prises en temps opportun; elles seront transparentes et il en sera rendu compte. Les investisseurs seront rassurés par le climat de certitude créé par l'exercice du pouvoir sur place.

L'accord établit clairement des mécanismes de règlement des différends auxquels pourront avoir recours tous ceux qui ont des intérêts dans les terres de la Première nation de Westbank. Toute loi, action ou décision de la bande de Westbank pourra être contestée devant les tribunaux de la Colombie-Britannique. La Première nation de Westbank pourra entamer des poursuites judiciaires et faire l'objet de telles poursuites.

La Première nation de Westbank devra respecter les modalités de l'accord, qui précisent bien que le gouvernement de la Première nation de Westbank et ses institutions devront se plier à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le gouvernement de la Première nation de Westbank sera régi par la constitution établie pour sa collectivité.

(1440)

Comme le prévoyait l'accord, la Première nation de Westbank a rédigé et ratifié une constitution prévoyant l'élection démocratique et légitime du gouvernement, la gestion financière interne, l'obligation de rendre compte aux membres, des règles régissant les conflits d'intérêts et la diffusion publique des lois et règlements établis par la Première nation de Westbank. La constitution prévoit également la destitution des membres élus du conseil qui violeraient la constitution ou leur serment professionnel. La constitution a été rédigée par les membres de la Première nation de Westbank et traduit les besoins et les aspirations de la collectivité. En termes simples, elle illustre la façon dont la collectivité envisage de fonctionner aujourd'hui et demain.

Aux termes de l'accord, la Première nation de Westbank exercera ses compétences dans des domaines qui, pour la plupart, sont déjà prévus dans la Loi sur les Indiens. La Première nation de Westbank mettra en place un gouvernement efficace et responsable, habilité à exercer son pouvoir législatif dans un certain nombre de domaines convenus, y compris la culture, la langue, l'éducation et la gestion des terres et des ressources.

L'accord prévoit le maintien de tous les baux existants tout en permettant à la Première nation de Westbank d'accorder des intérêts ou des licences concernant ses terres et aussi d'établir et de régir des procédures d'appels visant à régler les différends entre propriétaires et locataires. La Première nation de Westbank aura ainsi la latitude nécessaire pour créer des partenariats et diriger ses affaires de manière à satisfaire aux besoins locaux.

La Première nation de Westbank a déjà prouvé qu'elle savait gérer ses affaires de façon responsable. L'une de nos collectivités autochtones les plus progressistes au Canada, elle connaît énormément de succès et axe ses activités sur le milieu des affaires. Il y a déjà plusieurs années, la Première nation de Westbank a permis l'exploitation de ses terres et est devenue un propriétaire foncier occupé et fort respecté. De nos jours, dans la zone commerciale de Westbank, on trouve des centres commerciaux qui génèrent des revenus de location considérables et offrent de nombreux emplois aux membres de la bande. Toute cette activité commerciale a également contribué à inculquer aux membres de la Première nation de Westbank un certain esprit d'entrepreneurship. Plus de cent entreprises appartenant à des Autochtones sont maintenant membres de la Chambre de commerce locale.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-11 aura aussi des répercussions positives sur l'économie régionale. La Première nation de Westbank est déjà un membre actif de la commission de développement économique du district régional du centre de l'Okanagan. Une fois qu'elle aura acquis l'autonomie gouvernementale, la Première nation de Westbank pourra contribuer encore plus pleinement à la commission de développement économique et créer des liens nouveaux et plus solides avec les municipalités voisines. La Première nation de Westbank pourra participer pleinement au développement économique durable et écologique et au partenariat de l'Okanagan, deux approches régionales qui sont fondées sur la coopération et qui rendent l'économie de la région de l'Okanagan- Similkameen plus diversifiée et concurrentielle, dans le respect des principes du développement durable écologique.

Honorables sénateurs, le développement économique est mieux soutenu à long terme lorsque les décisions sont prises localement par ceux qu'elles touchent le plus. Lorsque l'accord sera mis en oeuvre, les membres de la Première nation de Westbank pourront cerner les nouvelles possibilités qui se présentent, retenir celles qui sont acceptables pour leur collectivité et les exploiter ensuite promptement et avec détermination. Avec en place un gouvernement stable, représentatif et efficace, la Première nation pourra mieux attirer les investisseurs et les partenaires commerciaux. Les entrepreneurs locaux pourront élargir les partenariats existants, en créer de nouveaux et stimuler ainsi l'économie.

La prospérité croissante de la Première nation de Westbank a été avantageuse pour tous les membres de la bande. La Première nation administre sa propre école et son centre communautaire, une garderie titulaire d'un permis provincial, un centre de la petite enfance et un centre de soins intermédiaires pour les aînés. Elle entretient aussi diverses installations de loisirs comme des plages, des terrains de camping et des terrains de baseball.

Je pense que cet accord d'autonomie gouvernementale sera à l'origine de possibilités économiques qui seront encore plus intéressantes et qui produiront de nouveaux avantages sociaux pour les membres de la bande, pour ceux qui vivent dans la réserve sans être membres de la bande ainsi que pour les collectivités voisines.

J'exhorte tous les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi C-11 et à soutenir la Première nation de Westbank dans sa démarche pour réaliser son plein potentiel et ses aspirations sur le plan de l'autonomie gouvernementale et de la stabilité. De toute évidence, tous les Canadiens en bénéficieront.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je suis heureux de conclure aujourd'hui mon intervention sur le projet de loi C-11 à l'étape de la troisième lecture. Comme l'a dit le sénateur Fitzpatrick, il s'agit d'un progrès très important et positif pour tous les Canadiens, et d'un pas de géant pour les membres de la bande de Westbank, dont certains sont ici parmi nous aujourd'hui. Ils pourront enfin être les maîtres de leur destinée. À titre d'homme d'affaires de premier plan dans la collectivité, le sénateur Fitzpatrick est conscient des multiples possibilités qui existent dans ce secteur, non seulement pour les Britanno-Colombiens, mais aussi, tout particulièrement, pour les membres de la Première nation de Westbank.

J'ai fait connaître ma position et la position qui est, je crois, celle de la grande majorité des Canadiens. Nous devons redonner aux Autochtones la place qui leur revient dans l'organisation de notre pays. Je crois que les tribunaux ont fait le bon choix en établissant que l'État et les Autochtones devaient négocier le type de gouvernance de la nation autochtone au sein de l'État-nation canadien souverain. Je pense que tous les honorables sénateurs souhaitent que notre assemblée tienne toujours compte de l'opinion de tous les Canadiens et agisse dans leur intérêt. Les Canadiens veulent être entendus, et je crois que le Parlement doit les écouter. Le gouvernement doit cesser d'utiliser sa majorité de façon dictatoriale pour faire adopter des projets de loi à toute vapeur. Les renseignements reçus indiquent que beaucoup trop d'habitants de Westbank ont été laissés dans une certaine ignorance. Lorsqu'ils ont demandé à être entendus, on les a renvoyés et, en fait, réduits au silence. C'est important d'écouter ce que les minorités ont à dire, parce qu'on peut en apprendre beaucoup.

Je remercie le comité sénatorial qui s'est penché sur cette facette du comportement du gouvernement. Le chef de mon parti, Stephen Harper, le caucus conservateur et, j'en suis convaincu, la majorité de mes collègues dans cette Chambre appuient l'objet du projet deloi C-11. Cependant, deux préoccupations subsistent chez certaines personnes. La première est que le projet de loi va créer untroisième ordre de gouvernement et que les habitants non autochtones et certains Autochtones perdront leurs droits constitutionnels ou les verront réduits d'une certaine manière. L'actuel gouvernement de Westbank a assuré le Parlement, à plusieurs reprises, que les non- Autochtones et les habitants non autochtones auraient leur mot à dire sur les sujets qui les concernent.

L'une des premières choses que fera le nouveau gouvernement sera de créer un conseil consultatif. Les membres élus du conseil devront démocratiquement rendre des comptes au gouvernement de Westbank, et celui-ci devra rendre des comptes aux gens qui vivent sur ces terres.

L'autre grande préoccupation à ce sujet concerne la création d'un troisième ordre de gouvernement. La Constitution canadienne ne prévoit pas et ne permet pas la création d'un troisième ordre de gouvernement, mais les gens ont tout de même peur. Certains croient qu'ils seront régis par une toute nouvelle entité et qu'ils perdront quelque chose. On leur a donné l'impression qu'ils seraient déracinés et qu'ils perdraient tout ce qu'ils ont investi dans la communauté. Cela, honorables sénateurs, est tout à fait faux. Toutefois, il y a une autre raison qui devrait convaincre le Parlement de débarrasser le pays de cette expérience sociale ratée qui a empoisonné les relations avec les Autochtones, c'est-à-dire le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Je crois que le nouveau gouvernement de Westbank fera ce qu'il faut. Il y a plusieurs types de gouvernement au Canada et celui de Westbank ne sera pareil à aucun autre. Il n'y a pas de modèle à suivre. Les Premières nations, les municipalités et les gouvernements provinciaux sont tous différents. La Première nation de Westbank aura des pouvoirs de type municipal, d'autres de type provincial ou fédéral et certains autres uniques aux Premières nations. Les secteurs de compétence ou les pouvoirs opérationnels sont décrits le plus précisément possible dans l'accord et la constitution qui ont été ratifiés par les Premières nations et la Couronne, et les membres de la Première nation de Westbank ont voté de façon démocratique sur son adoption. Les électeurs ont majoritairement appuyé cette proposition trois fois.

En résumé, honorables sénateurs, l'adoption du projet de loi C-11 ne mènera pas à la création d'un tout nouveau troisième ordre de gouvernement. On pourrait dire qu'il y aura un nouvel ordre de gouvernement dans deux secteurs, c'est-à-dire que le gouvernement de la Première nation de Westbank détiendra des pouvoirs constitutionnels souverains sur sa culture et ses terres, ce qui est logique à mon avis. Tous les autres pouvoirs gouvernementaux continueront de relever des pouvoirs constitutionnels souverains de la Couronne fédérale et, dans certains cas, de ceux de la Couronne provinciale. En établissant l'autonomie gouvernementale des Premières nations, nous ne créons pas d'États souverains indépendants de l'État souverain du Canada. La description constitutionnelle de la répartition des pouvoirs n'est aucunement modifiée. Nous ne devons pas oublier que c'est le plus haut tribunal du pays, celui qui a pour mandat d'interpréter et de protéger la Constitution du Canada et notre système de lois, qui a affirmé que les peuples autochtones ont le droit d'avoir l'autonomie gouvernementale.

(1450)

Honorables sénateurs, il existe des solutions aux questions qui ont été soulevées par les Canadiens. Il suffit au Parlement d'être à l'écoute. Encore une fois, je tiens à remercier le sénateur Fitzpatrick pour le professionnalisme dont il a fait preuve dans le cadre de l'examen de ce projet de loi et de l'usage qu'il a fait de la capacité que nous avons de convoquer des témoins.

Pour conclure, honorables sénateurs, je demande au Sénat de se prononcer et d'adopter le projet de loi C-11, afin que les résidants de Westbank puissent jeter les bases d'un avenir meilleur, pour eux- mêmes et pour tous les résidants de la Colombie-Britannique qui habitent à Westbank et dans les environs. Merci, honorables sénateurs.

[Français]

L'honorable Aurélien Gill: Honorables sénateurs, j'aimerais à mon tour exprimer ma satisfaction et remercier mes collègues des deux côtés de cette Chambre de leur appui constant lorsqu'il s'agit des questions qui concernent les Premières nations et de leur esprit non partisan. Je veux les remercier d'une façon particulière dans le cas de cette entente Westbank.

J'aimerais remercier le sénateur Fitzpatrick de son travail constant et de sa détermination à toujours vouloir faire avancer la cause. J'aimerais remercier le sénateur St. Germain, qui appuie constamment les causes des Premières nations. Permettez-moi de remercier le conseil actuel, mené par le chef Robert Louie, et tous les conseils de la communauté précédents qui ont travaillé à cette entente.

Honorables sénateurs, en arriver à un pareil accord est toujours un exploit. Voilà ce qu'il nous faut; cette entente nous servira d'exemple de courage, de ténacité et d'innovation. Reconnaissons le travail de tous ceux et celles qui ont contribué. Rien n'est parfait. Il est normal qu'il y ait des inquiétudes et même de grands désaccords. Nous avançons dans l'inconnu, nous avançons lentement, mais nous avançons.

Il faut quitter le statu quo, il faut créer nos gouvernements, capables de gérer nos affaires. La Première nation de Westbank a réussi, envers et contre tous, à maintenir le cap en réunissant les forces de tous. Les désaccords sont compréhensibles, les questions sont pertinentes et je suis confiant que le gouvernement autonome de Westbank saura grandir en trouvant dans l'avenir des réponses positives à toutes les questions, surtout à celles des opposants.

Il n'y a pas de recette magique, seulement de bonnes dispositions. Tout nous indique que le gouvernement de Westbank possède cette attitude.

[Traduction]

Encore une fois, je félicite les Autochtones et les non-Autochtones de Westbank et je leur souhaite bonne chance.

L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, mon intervention sera brève. Il est fort agréable et intéressant d'entendre une intervention comme celle qu'a faite le sénateur Fitzpatrick sur cette question. Je souligne également la qualité de l'intervention du sénateur St. Germain, qui a présenté l'autre aspect de cette question historique. Je voterai en faveur du projet de loi. J'estime qu'il serait approprié que des interventions d'un tel niveau de la part des sénateurs donnent lieu à un vote unanime en faveur de la troisième lecture du projet de loi.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

PROJET DE LOI SUR LE TRANSFÈREMENT INTERNATIONAL DES DÉLINQUANTS

DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Ione Christensen propose: Que le projet de loi C-15, Loi de mise en oeuvre des traités ou des ententes administratives sur le transfèrement international des personnes reconnues coupables d'infractions criminelles, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse de proposer la deuxième lecture du projet de loi C-15, dont le titre abrégé est «Loi sur le transfèrement international des délinquants». Cette mesure législative remplace la Loi sur le transfèrement des délinquants de 1978. Je suis ravie d'appuyer ce projet de loi parce que, d'une part, il renforce l'engagement du Canada à l'égard des objectifs humanitaires pour lesquels notre pays est reconnu à l'échelle internationale et parce que, d'autre part, il contribuera en définitive à améliorer la sécurité publique. Il y a quelque 25 ans, les États membres des Nations Unies ont convenu qu'il était souhaitable de prendre des mesures concernant le transfèrement international des délinquants, compte tenu de l'accroissement de la mobilité dans le monde et de la nécessité que ressentaient certains pays de collaborer en matière de justice pénale.

Peu après, le gouvernement canadien a adopté la Loi sur le transfèrement des délinquants pour autoriser la mise en œuvre de traités entre le Canada et d'autres pays par la négociation de traités bilatéraux et de conventions multilatérales concernant le transfèrement international des délinquants.

La loi actuelle et la nouvelle loi à l'étude aujourd'hui visent essentiellement un objectif humanitaire. Cela prend tout son sens lorsqu'on examine la situation d'un citoyen canadien incarcéré dans un pays où la langue et la culture lui sont étrangères, où l'environnement lui est inconnu et, parfois, dans des conditions sanitaires qui laissent à désirer. Dans bon nombre de cas, ces facteurs rendent l'emprisonnement plus pénible que si une peine semblable avait été imposée au Canada. Pour chaque personne incarcérée à l'étranger, il y a une famille et des proches au Canada qui sont inquiets et qui, dans la plupart des cas, sont incapables de communiquer régulièrement avec elle et de lui offrir du soutien.

Il y a également d'autres raisons pour justifier le transfèrement international des délinquants. Honorables sénateurs, la Loi sur le transfèrement des délinquants assure un niveau considérable de protection du public. Un délinquant incarcéré dans un État étranger risque de ne pas avoir la possibilité de se réadapter à cause des barrières linguistiques ou de l'absence de traitements ou de programmes de formation.

Dans les pays étrangers, les possibilités de toute forme de libération conditionnelle sont particulièrement compromises. C'est pourquoi les chances de réussir à réinsérer un délinquant dans la société tout en assurant la parfaite sécurité du public sont grandement réduites. En permettant aux délinquants canadiens de purger leur peine au Canada, la Loi sur le transfèrement des délinquants garantit leur transfert immédiat sous l'autorité du Service correctionnel du Canada ou des autorités correctionnelles provinciales, qui peuvent procéder à leur réinsertion graduelle et contrôlée dans la société. La libération graduelle et contrôlée pendant une peine d'emprisonnement est beaucoup mieux que la déportation des délinquants vers le Canada à la fin de leur peine, sans aucun contrôle.

Comme dans beaucoup d'autres domaines de coopération internationale, la plupart des pays sont disposés à coopérer avec les autres dans le domaine de la justice pénale. Tous les États interdisent certains comportements et s'efforcent de les contrôler par l'application du droit pénal et de sanctions. Il est évident que les pays ont un intérêt commun à collaborer pour prévenir les comportements criminels et y réagir. C'est précisément ce que les dispositions relatives au transfèrement des délinquants permettent aux États de faire. Une telle coopération protège en fait la souveraineté des deux États impliqués en empêchant les délinquants d'échapper à la justice. Une fois de retour au Canada, le délinquant doit purger la peine à laquelle il a été condamné à l'étranger. Parfois, il peut y avoir de la confusion au sujet des mécanismes d'extradition et de déportation et des dispositions pour le déplacement des délinquants en vertu de la Loi sur le transfèrement des délinquants. Il est important d'expliquer les différences.

(1500)

L'extradition se produit lorsqu'un État accepte de remettre une personne, à la demande d'un autre État où cette personne est accusée d'avoir commis un crime, ou a été déclarée coupable d'un crime et a quitté le territoire où elle devait purger sa peine. L'extradition, hors du Canada ou vers le Canada, est régie par la Loi sur l'extradition.

L'expulsion signifie qu'un citoyen non canadien est renvoyé du Canada en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Un citoyen non canadien qui purge une peine en détention au Canada pour un crime commis au Canada peut être expulsé vers son pays de citoyenneté si les conditions énoncées dans la loi sont respectées. Cependant, contrairement aux délinquants transférés en vertu de la Loi sur le transfèrement des délinquants, les délinquants expulsés ne sont pas tenus de purger la peine déterminée au Canada lorsqu'ils retournent dans leur pays de citoyenneté.

Comme dans le cas de l'extradition, l'expulsion a souvent lieu sans le consentement de la personne visée par la mesure d'expulsion. Cependant, aux termes de la Loi sur le transfèrement des délinquants, le citoyen en détention, le pays d'origine et le pays imposant la peine doivent donner leur consentement. Ils doivent tous approuver le transfert et, si une province ou un territoire est aussi en cause, alors cette quatrième partie doit aussi accorder son consentement.

Honorables sénateurs, comme d'autres l'ont déjà souligné, la Loi sur le transfèrement des délinquants est entrée en vigueur en 1978. Depuis cette date, seules des modifications de nature pratique ont été apportées à cette loi, quoiqu'on ait déterminé que certaines modifications de fond s'imposeraient éventuellement. Les questions administratives entourant les transferts internationaux se sont multipliées, à cause de l'expérience accrue du Canada avec les traités et à cause des modifications législatives instaurées par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, en 1992, le projet de loi C-41 de 1995 sur la détermination de la peine et le projet de loi C-45 de 1996 sur la réforme du calcul des peines.

En 1997, les fonctionnaires du ministère du Solliciteur général ont donc amorcé des consultations auprès de 91 organismes du secteur privé et du gouvernement qui ont ensuite procédé à un examen complet de la Loi sur le transfèrement des délinquants. Ces consultations et cet examen ont donné lieu à des propositions de modification de la Loi sur le transfèrement des délinquants qui visaient à rendre la loi plus conforme aux principes traditionnels des traités internationaux, à combler les lacunes constatées dans cette loi, à harmoniser celle-ci aux autres dispositions législatives et à améliorer l'efficacité de la loi.

Ces dernières années, des déclarations d'intention et de principe ont été ajoutées aux lois fédérales pour indiquer clairement l'objet des lois, pour assurer le soutien parlementaire de la démarche et de la politique à la base des lois et pour aider à la mise en œuvre des dispositions législatives. Le projet de loi C-15 renferme une telle déclaration, qui précise que l'objet de la proposition de transfèrement international des délinquants consiste à faciliter l'administration de la justice et la réhabilitation des délinquants et leur réintégration dans la société en leur permettant de purger leurs peines dans leur pays.

Au fil des ans, le Canada a fait la promotion de cinq principes clés pour guider le transfèrement international des délinquants, notamment la notion du consentement volontaire du délinquant, qui est fondé sur l'objectif humanitaire habituel des traités. Les chances de succès de la réhabilitation du délinquant, de son adaptation institutionnelle et de sa réintégration dans la société seraient compromises si le délinquant était transféré contre son gré. En outre, les États étrangers pourraient être moins portés à approuver un transfèrement pour des motifs humanitaires si le délinquant n'y donnait pas son consentement.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-15 renferme aussi l'important principe selon lequel les délinquants doivent être informés à l'avance des conditions et de la façon dont leur peine sera purgée au Canada. De même, le projet de loi exige qu'un délinquant étranger au Canada demandant le transfèrement dans son pays doit obtenir l'information reçue du pays étranger et décrivant la façon dont sa peine sera purgée dans cet État. Le consentement du délinquant serait ainsi pleinement éclairé.

Tous les traités signés par le Canada en vertu de la loi en vigueur reflètent le principe du consentement vérifié. Ce principe oblige l'État ayant infligé la peine à fournir à l'État où le délinquant sera transféré la possibilité de vérifier, avant le transfèrement, que le délinquant a donné son consentement. Cela est important parce que les perspectives de réintégration du délinquant seraient vraisemblablement compromises s'il n'y avait pas donné son consentement. C'est pourquoi le projet de loi C-15 exige que toutes les mesures raisonnables soient prises pour déterminer si le délinquant a donné son consentement volontairement. La clé d'un consentement volontaire est le droit du délinquant de retirer son consentement en tout temps avant le transfèrement. Le projet deloi C-15 comprendrait ce droit et il est conforme aux fondements relatifs au consentement et aux questions humanitaires du processus de transfèrement.

Honorables sénateurs, tous les traités signés par le Canada imposent certaines obligations jugées essentielles sur le plan juridique. Par exemple, ils obligent généralement les pays en cause à informer les ressortissants étrangers détenus sur leur territoire de l'existence d'un traité et de son contenu. Faute de connaître l'existence d'un traité, le contrevenant ne pourrait pas demander son transfèrement dans son pays d'origine. Il n'existe pas, en ce moment, de loi qui force le Canada à respecter cette obligation à l'égard des citoyens étrangers condamnés au Canada. Pour combler cette lacune, le projet de loi C-15 exige que les autorités fédérales ou provinciales compétentes informent tout délinquant étranger détenu dans leurs établissements de l'existence et du contenu de tout traité sur le transfèrement international des délinquants conclu entre le Canada et le pays de citoyenneté du délinquant.

Honorables sénateurs, comme vous pouvez le constater, la modernisation de l'actuelle Loi sur le transfèrement des délinquants porte sur un certain nombre de mesures qui s'imposent sur le plan juridique, même si elles semblent relever du simple bon sens. Notons par exemple le principe de l'application continue, qui est reconnue dans la majorité des traités sur le transfèrement des délinquants. Cette disposition administrative prévoit que la peine imposée à l'étranger continue de s'appliquer dans le pays de citoyenneté, en conformité avec le droit de ce dernier. Le projet de loi C-15 intègre cette importante procédure dans la nouvelle Loi sur le transfèrement international des délinquants.

De façon générale, les traités disposent que l'État qui accueille le détenu ne peut modifier le verdict ni la peine imposés par l'autre État. Une notion fondamentale du droit pénal est la non- aggravation de la peine. Cela veut dire que la durée totale de la peine ne doit pas être allongée. Pour donner une définition plus générale, on dirait qu'il n'y a pas d'aggravation dans l'administration de la peine. Il faudrait notamment tenir compte des dates d'admissibilité à la libération conditionnelle. Par exemple, le projet de loi C-15 maintiendrait cet important principe: la peine imposée à l'étranger ne peut pas être alourdie après le transfèrement au Canada.

Dans certains États étrangers, la peine débute dès que la personne est mise en détention, et non à la date de la détermination de la peine. Au Canada, les autorités correctionnelles calculent la date d'admissibilité à la libération conditionnelle à partir de la date où la peine est imposée. Le projet de loi C-15 dirait clairement qu'un délinquant transféré au Canada reçoit le crédit de la période passée en détention dans l'État étranger et comptée par cet État comme faisant partie de la peine.

Honorables sénateurs, en ce qui concerne des infractions particulières, l'actuelle Loi sur le transfèrement des délinquants ne fait aucune distinction entre les délinquants reconnus coupables d'un seul meurtre et ceux qui en ont commis plusieurs. Pour garantir qu'il soit conforme au Code criminel, le projet de loi C-15 ferait en sorte que les délinquants transférés au Canada et purgeant plusieurs peines d'emprisonnement pour meurtre soient assujettis à la règle d'admissibilité à la libération conditionnelle après 25 ans, comme le prescrit le Code criminel. Cette disposition favoriserait l'important objectif énoncé dans le projet de loi, à savoir que les délinquants transférés au Canada n'échappent pas à la justice.

(1510)

Honorables sénateurs, la règle de double incrimination est respectée lorsqu'un acte jugé criminel dans un État l'est également dans l'autre État. C'est une règle de droit international coutumier et une exigence figurant dans la plupart des traités signés par le Canada, car l'exécution d'une peine imposée à l'étranger pour une infraction qui n'existe pas au Canada — la consommation d'alcool, par exemple — pourrait contrevenir à des principes constitutionnels essentiels ou encore à des droits de la personne fondamentaux protégés. Le projet de loi C-15 ferait de la double incrimination une condition de transfèrement.

La Loi sur le transfèrement des délinquants qui est actuellement en vigueur prévoit le transfèrement au Canada des jeunes délinquants placés sous garde, mais pas de ceux qui sont en probation. Cela est incompatible avec les dispositions prévoyant le transfèrement des délinquants adultes, aussi bien ceux en probation que ceux placés sous garde. Le projet de loi C-15 supprimerait cette anomalie en prévoyant le transfèrement des jeunes délinquants en probation.

De plus, honorables sénateurs, aucune disposition de la loi en vigueur actuellement ne prévoit le transfèrement d'enfants canadiens. Le projet de loi C-15 remédierait à cela en prévoyant le transfèrement au Canada des enfants de moins de 12 ans. Le projet de loi précise aussi que les enfants transférés au Canada ne seraient pas détenus en raison de la peine infligée à l'étranger et seraient traités conformément aux lois en vigueur dans la province ou le territoire qui les accueille.

Rien n'est prévu dans la Loi sur le transfèrement des délinquants en vigueur ou toute autre loi canadienne pour le transfèrement international des personnes jugées non criminellement responsables pour troubles mentaux ou inaptes à subir un procès. Le projet deloi C-15 règle la question en autorisant la négociation d'ententes administratives avec les autorités d'un État étranger en vue du transfèrement des personnes atteintes de troubles mentaux entre cet État et le Canada. Cette modification favorise également l'objectif humanitaire du transfèrement des délinquants.

Honorables sénateurs, des enfants, des personnes atteintes de troubles mentaux et des contrevenants purgeant des peines en vertu de lois provinciales seraient aussi visés par la nouvelle mesure. Le projet de loi C-15 fait en sorte que nos partenaires provinciaux soient traités avec le respect auquel ils ont droit en indiquant clairement que leur consentement sera requis dans tous les cas relevant de leur compétence.

Comme on l'a dit, les deux pays visés par le transfèrement d'un délinquant condamné, de même que le délinquant lui-même, doivent consentir au transfèrement. De toute évidence, un ou l'autre peut refuser son consentement. Dans l'état actuel des choses, il n'existe pas de mesure législative qui oblige à informer un délinquant étranger au Canada des raisons motivant la décision du ministre de ne pas lui accorder son transfèrement dans son pays d'origine. Il est essentiel que le délinquant soit informé des raisons d'une décision négative et qu'il ait la possibilité de formuler ses observations pour que la décision soit renversée. En établissant ce critère, le projet de loi C-15 assure la conformité avec la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le devoir d'agir équitablement prévu dans la common law et la Charte canadienne des droits et libertés.

Honorables sénateurs, la plupart des traités sur le transfèrement des délinquants renferment des dispositions prévoyant que l'État qui accueille le détenu prend les dispositions nécessaires lorsqu'un État étranger a accordé réparation au délinquant ou réduit la peine qui lui avait d'abord été imposée. Le projet de loi C-15 préciserait que le Canada doit accepter la décision de l'État étranger d'accorder réparation. Le Canada prendrait alors les mesures qui s'imposent afin d'accorder réparation conformément à la peine imposée à l'étranger. Inversement, le projet de loi oblige le Canada à informer un État étranger de toute réparation accordée à un délinquant étranger de manière à ce que le délinquant puisse bénéficier de la réparation.

Le Règlement sur le transfèrement des délinquants précise les facteurs qui doivent être pris en compte avant d'approuver ou de refuser le transfèrement d'un délinquant, et notamment le fait qu'un délinquant a quitté le Canada avec l'intention de ne plus considérer le Canada comme le lieu de résidence permanente, ou encore le fait que le délinquant a des liens sociaux ou familiaux au Canada. Compte tenu de l'importance des facteurs pour le processus décisionnel, le projet de loi C-15 prévoit qu'ils seront expressément énoncés dans la nouvelle Loi sur le transfèrement international des délinquants.

Honorables sénateurs, aux termes de l'actuelle Loi sur le transfèrement des délinquants, le Canada ne peut conclure de traités, de conventions, d'accords ou d'arrangements internationaux pour le transfèrement international de délinquants qu'avec des États reconnus. La dissolution de l'URSS et de la Yougoslavie met en évidence la difficulté de traiter avec des territoires ou des administrations qui ne sont pas reconnus comme des États étrangers. Il peut s'écouler plusieurs années avant que certaines administrations ne soient officiellement reconnues comme des «États étrangers». Dans l'intervalle, selon la loi actuelle, le Canada ne peut conclure de traités avec elle. Il peut également se produire des cas où un traité négocié n'est pas ratifié avant plusieurs années. Les Canadiens incarcérés sur le territoire de ces administrations ou les délinquants de ces entités étrangères n'ont pas accès au processus de transfèrement international.

Par ailleurs, certains États étrangers peuvent être moins disposés à conclure un arrangement formel avec le Canada, mais plus enclin à négocier un arrangement de transfèrement officieux en vertu duquel chaque cas serait évalué individuellement. Afin de permettre aux délinquants qui se trouvent dans cette situation de bénéficier des transfèrements internationaux, le projet de loi C-15 autorise la négociation d'ententes administratives avec un État étranger ou une entité non étatique. La loi serait ainsi mieux adaptée à l'évolution de la situation internationale. Le Canada pourrait rapatrier ses citoyens, surtout dans les cas où des circonstances rendent la chose nécessaire. Il doit être bien clair, cependant, que les délinquants qui seront transférés purgeront la peine qui leur a été infligée à l'étranger, sous la surveillance des autorités correctionnelles canadiennes, de manière à pouvoir être réintégré graduellement et en toute sécurité dans la société.

Honorables sénateurs, les ententes de transfèrement sont avantageuses pour la plupart des délinquants. À ce jour, un nombre limité d'États sont liés par des traités et conventions sur le transfèrement des délinquants. En moyenne, 85 Canadiens sont transférés chaque année au Canada en vertu d'un traité ou d'une convention multiple sur le transfèrement de délinquants, appliqués sous le régime de la Loi sur le transfèrement des délinquants. Le projet de loi aurait cependant pour effet d'élargir la catégorie de délinquants pouvant bénéficier des transfèrements internationaux. Ne serait-ce que pour des motifs humanitaires, la chose est hautement souhaitable.

Encore une fois, le projet de loi à l'étude vise avant tout à permettre au Canada de demeurer un participant international à part entière dans le domaine de la justice pénale et d'adopter une attitude humanitaire qui est non seulement la bonne chose à faire mais qui servira d'exemple à d'autres. Les peines purgées à l'étranger sont souvent plus sévères. Je tiens à souligner que le transfèrement n'est pas uniquement dans l'intérêt des Canadiens détenus à l'étranger, mais également dans l'intérêt de tout ressortissant désireux de bénéficier d'un transfèrement entre des pays signataires d'une convention multiple. Si un délinquant est obligé de purger sa peine dans un pays étranger et qu'il est ensuite expulsé vers son pays, il ne pourra pas réintégrer sa communauté de façon contrôlée et ne sera pas encouragé à le faire. La sécurité publique s'en trouvera menacée, ce qui n'est certainement pas dans l'intérêt de la communauté ni dans celui du délinquant.

Le gouvernement fait tout ce qu'il peut, notamment en participant pleinement à la communauté internationale, pour s'assurer que les Canadiens incarcérés à l'étranger soient traités humainement. En permettant de négocier et de mettre en oeuvre des arrangements administratifs en plus des traités habituels, le projet de loi C-15 permettrait de faire la promotion des objectifs humanitaires dans des domaines importants où ce n'est actuellement pas possible. De plus, il est certain qu'en élargissant la catégorie des États et des entités non étatiques avec lesquels le Canada peut effectuer des transfèrements de délinquants, le projet de loi C-15 contribue à mieux servir les objectifs de protection publique par la réadaptation des délinquants.

Les objections basées sur la conviction que l'application de peines imposées à l'étranger empiétera sur l'intégrité nationale du Canada ou encore que ces peines ne seront pas convenablement appliquées au Canada ne sont pas fondées. De telles objections sont le fait de la crainte de l'inconnu et ne se fondent pas sur des raisons de principe réfléchies. Le Sénat ne devrait pas permettre que de telles objections entravent les efforts avant-gardistes visant à moderniser une loi qui a déjà fait ses preuves sous sa forme actuelle.

(1520)

Honorables sénateurs, la loi canadienne sur le transfèrement des délinquants et les traités qu'elle met en oeuvre ont atteint leur objectif. C'est pourquoi, sous leur forme nouvelle, ils demeureront une caractéristique importante de nos relations avec beaucoup d'autres pays.

En terminant, je dirais que des progrès considérables ont été accomplis dans le domaine du transfèrement des délinquants du point de vue du nombre de délinquants transférés ainsi que de la mise en oeuvre de traités et de conventions. Depuis 1978, près d'un million de Canadiens ont été rapatriés et plus d'une centaine de délinquants étrangers ont été renvoyés dans leur pays d'origine. Même si ce n'est pas beaucoup, honorables sénateurs, c'est une immense détresse qui a été soulagée. Le projet de loi C-15 permettra au gouvernement de continuer à améliorer sa poursuite d'idéaux humanitaires.

Enfin, honorables sénateurs, permettez-moi de dire pour conclure que le réalignement de la loi canadienne s'impose afin de mieux refléter nos objectifs humanitaires qui sont, premièrement, le rapatriement des citoyens canadiens; deuxièmement, la coopération internationale en matière de justice pénale; et troisièmement, la protection du public en réintégrant les délinquants dans la société de manière graduelle et sûre. Le projet de loi C-15 atteindra tous ces objectifs en intégrant les principes traditionnels propres aux traités internationaux, en comblant les lacunes cernées et en assurant la cohérence avec d'autres dispositions législatives. Le projet de loi C-15 contribuera également à la réalisation de ces objectifs en ajoutant des catégories supplémentaires de délinquants susceptibles d'être transférés et en accroissant le nombre des entités avec lesquelles le Canada pourrait passer des accords de transfèrement.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à adopter le projet de loi C- 15 et la création de la Loi sur le transfèrement international des délinquants. C'est une bonne mesure législative qui est sensée, humanitaire et progressiste. Je vous la recommande à tous et je vous demande d'appuyer le projet de loi.

L'honorable Anne C. Cools: Madame le sénateur accepterait-elle une question ou deux?

Le sénateur Christensen: Je serais ravie qu'on me pose une question. Je ne garantis pas que je pourrai y répondre, mais je me ferai un plaisir de l'entendre.

Le sénateur Cools: Là n'est pas le problème. Il est possible de répondre immédiatement ou plus tard.

Son Honneur le Président: Simplement à titre d'éclaircissement, je signale que nous en sommes toujours à l'intervention du sénateur Christensen. Le Règlement du Sénat prévoit des questions ou des commentaires, et le sénateur Christensen a accepté qu'on lui pose une question.

Le sénateur Cools: Ce projet de loi est intéressant dans la mesure où il introduit toute une série de nouveautés dans la loi; j'espère qu'il fera l'objet d'un examen en comité. Un des éléments nouveaux est celui de considérer un délinquant comme partenaire égal à Sa Majesté, au Canada, et comme partenaire égal aux chefs des États et aux souverains des autres pays avec lesquels ces ententes sont conclues. Cette situation est problématique parce que, lorsqu'un délinquant demande un transfèrement, comme c'est souvent le cas, il ne donne pas son consentement, il fait plutôt une demande aux deux gouvernements mis en cause. La réponse de l'autre gouvernement est l'acceptation de cette demande. Il ne s'agit pas vraiment d'un consentement entre partenaires égaux. Il y a quelque chose qui cloche très sérieusement ici.

Ma question a trait à la partie du discours de l'honorable sénateur qui portait sur les jeunes délinquants ou sur les enfants.

Le sénateur Christensen: Sur les deux.

Le sénateur Cools: J'aimerais savoir quelque chose à propos des jeunes délinquants. L'honorable sénateur pourrait peut-être nous éclairer davantage sur le nombre de jeunes personnes dont nous parlons ici. Je suis curieuse, par exemple, de savoir combien de jeunes délinquants canadiens purgent des peines d'emprisonnement à l'étranger.

Je me demande si les dispositions de ce projet de loi s'appliquent dans l'exemple que je vais vous donner. Il existe notamment un cas où trois membres d'une famille de Toronto, soit le père et ses deux fils, auraient apparemment combattu aux côtés du réseau Al-Qaïda. Les deux fils sont mineurs. Le père est décédé, un des fils est détenu à la base de Guantanamo et l'autre, qui est âgé de 14 ans, est malheureusement paralysé, quoique cela ne l'ait pas empêché de poursuivre des activités terroristes. Bref, je suis curieuse de savoir si les dispositions de ce projet de loi se seraient appliquées à ce jeune de 14 ans. Le projet de loi vise-t-il ce genre de cas? Je comprendrais que l'honorable sénateur n'ait pas la réponse à cette question, car ce cas est relativement récent.

Combien de jeunes délinquants canadiens seront transférés en vertu des traités ou des dispositions administratives du projet de loi proposé?

Le sénateur Christensen: Je remercie le sénateur. Relativement à sa première observation qui portait sur le consentement du contrevenant, la disposition du projet de loi proposé veille à ce que le contrevenant ait déjà consenti à son transfert si le Canada présente une demande à un autre pays, ou si un pays étranger présente une demande au Canada. Les prisonniers ne seront pas transférés sans leur consentement comme dans le cas de l'extradition.

En ce qui concerne les enfants, je ne connais pas le nombre d'enfants de plus de 12 ans qui sont présentement détenus dans d'autres pays ou qui ont été transférés et ramenés au Canada. J'ai seulement les chiffres indiquant globalement combien de personnes ont été ramenées au pays et combien ont été transférées vers d'autres pays.

Le changement que propose ce projet de loi relativement aux enfants de plus de 12 ans se trouve dans la partie traitant de probation. La loi présentement en vigueur ne prévoit pas le retour d'un enfant de plus de 12 ans qui est assujetti à une période de probation dans un autre pays. Cette possibilité est ajoutée parce qu'elle existe déjà pour les adultes.

L'article proposé pour les enfants de moins de 12 ans est nouveau. Encore une fois, je ne connais pas les chiffres exacts et je m'en excuse. La disposition permettrait aux enfants de moins de 12 ans d'être rapatriés au Canada. Ils ne purgeraient pas une peine en détention ici, mais ils seraient réinsérés dans la société sous surveillance.

Le sénateur Cools: Je suis toujours étonnée de voir qu'on ajoute des dispositions à des lois alors que, dans la réalité, le nombre de personnes qui exigeront l'application de ces dispositions est pratiquement nul. J'aimerais savoir combien d'enfants canadiens de moins de 12 ans, ou même plus vieux, sont détenus à l'étranger. Cela dit, je comprends qu'on pourra revenir sur ce point plus tard.

Ma deuxième question porte sur le nombre de détenus.

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): J'invoque le Règlement. Je signale que la journée sera très courte aujourd'hui. Le sénateur Kelleher est ici et il est prêt à prendre la parole.

Le sénateur Kelleher: À entendre l'honorable sénateur, on dirait que je ne suis jamais ici.

Le sénateur Rompkey: Le sénateur est présent aujourd'hui, comme d'habitude, et il est disposé à prendre la parole, comme il le fait habituellement. Le projet de loi sera renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel siège le sénateur Cools, et les membres de ce comité auront alors amplement le temps de se pencher sur les points importants soulevés dans le projet de loi.

Madame le sénateur Cools accepterait-elle d'entendre maintenant le sénateur Kelleher? Je ne veux pas bâillonner qui que ce soit; j'essaie simplement de dire que ces questions pourront être examinées dans le cadre d'une autre assemblée.

(1530)

Le sénateur Cools: Je ne pensais pas que nous manquions de temps. Je ne crois pas que le sénateur Kelleher parlera trop longtemps. Mes questions ne sont pas si longues que ça.

Je me réjouis de voir que le comité sera saisi du projet de loi, mais je dois dire aux honorables sénateurs que je ne crois pas que l'examen par le comité remplacera le genre de débat que nous pouvons tenir ici. Selon moi, sauf le respect que je lui dois, le sénateur Rompkey vient juste de prendre, pour formuler son observation, autant de temps qu'il m'en aurait fallu pour poser mes questions. Je veux poser une question. Pourquoi même se donner la peine de tenir des débats? Qu'est-ce que cet endroit est devenu?

Voici ma deuxième question: quelqu'un ici a-t-il une idée du nombre de détenus — je parle de détenus alors qu'ils parlent de délinquants — qui purgent des peines à l'étranger et de délinquants étrangers qui purgent leur peine au Canada? A-t-on des renseignements sur les taux relatifs de transfèrement? Autrement dit, serait-il possible qu'en réalité les délinquants étrangers préfèrent rester au Canada et que les détenus canadiens choisiraient plutôt de revenir au pays? Cela nous apprendrait peut-être quelque chose au sujet de nos pénitenciers. Pourrions-nous obtenir cette information pour mémoire?

Le sénateur Christensen: Honorables sénateurs, très brièvement, en 2002, il y avait 3 076 Canadiens dans les prisons à l'étranger; de ce nombre, 2 712 étaient admissibles au transfèrement au Canada. Par ailleurs, il y avait 952 délinquants étrangers dans nos pénitenciers, dont 278 étaient admissibles à un transfèrement dans leur pays.

Le sénateur Cools: Par conséquent, le processus d'échange se fait largement dans un sens seulement, n'est-ce pas? Autrement dit, les délinquants canadiens qui purgent leur peine à l'étranger veulent le faire dans un pénitencier canadien, et les délinquants étrangers décident de rester au Canada.

Le sénateur Prud'homme: Les étrangers aiment le Canada.

Le sénateur Cools: Cela semble bien être le cas. C'est peut-être un aspect que nous pourrions examiner. Je m'intéresse à vos chiffres. Je connais assez bien la question, et il est important que le Sénat soit saisi de ces informations et que nous en discutions.

Je voudrais également dire au sénateur Christensen que je la remercie vivement. Parallèlement, il y a longtemps que le Sénat, ou le Parlement en général, a examiné sérieusement la question des pénitenciers, des réductions de peine et des libérations conditionnelles, ou tout autre vaste domaine d'étude. Cela étant dit, je serai heureuse d'écouter — et il me tarde d'entendre les propos du sénateur Kelleher.

Des voix: Bravo!

L'honorable James F. Kelleher: Honorables sénateurs, il est agréable d'être accueilli par des applaudissements des deux côtés de la Chambre avant même de prendre la parole.

Je tiens à remercier le sénateur Cools d'avoir abrégé ses questions pour que je puisse intervenir à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-15.

Les sénateurs sont probablement plus conscients que la plupart des Canadiens de la valeur du temps. Ce sentiment doit être particulièrement vif chez nos collègues libéraux, en ces derniers jours de leur gouvernement. Il reste fort peu de temps, pendant la session parlementaire en cours, pour débattre les importants problèmes auxquels le Canada doit faire face. Pourquoi ne pas utiliser ce temps pour étudier un projet de loi qui assurera un meilleur sort à des criminels reconnus coupables, des criminels qui ont dû faire face à la justice et qui, à cause de leurs crimes, se retrouvent en prison au Canada ou à l'étranger?

Comme les honorables sénateurs le savent, le projet de loi C-15 abroge et remplace la Loi de 1978 sur le transfèrement des délinquants. Ce texte permet d'appliquer les traités conclus entre le Canada et d'autres pays au sujet du transfèrement international des délinquants. Le projet de loi à l'étude répond aux objectifs humanitaires de cette loi et des traités signés entre le Canada et des États étrangers. Il ajoute Macao et Hong Kong aux États avec lesquels nous aurons de tels arrangements et il permet le transfèrement de catégories plus nombreuses de Canadiens. Les enfants seront visés, de même que les personnes qui ont des troubles mentaux.

Honorables sénateurs, il vaut la peine de répéter que l'objet du projet de loi et des traités est essentiellement humanitaire, comme le gouvernement le souligne dans le document d'information qui accompagne le projet de loi.

Comme mes collègues sénateurs le savent, je me suis longtemps fait le défenseur d'une idée, celle d'amener les criminels canadiens, et surtout ceux du monde des affaires, dans l'environnement humain de nos prisons. Bien entendu, il reste à se demander ce qui est humain ou non, quand on parle de prisons.

D'après les informations les plus récentes sur nos prisons, la question est grande ouverte. Par exemple, si un Canadien qui languit dans une prison à l'étranger ne peut se faire livrer des repas dans sa cellule, est-ce inhumain? Ou s'il faut plus de 30 minutes pour se le faire livrer, est-ce inhumain? Et si vous ne recevez pas exactement ce que vous avez commandé? Serait-ce suffisant pour demander le transfèrement vers une prison canadienne, où, à ce qu'on me dit, la livraison des repas est excellente?

Je blague, bien sûr, mais c'est pour souligner la gravité du problème. Certains diront que, de par leur nature, les prisons sont inhumaines. D'autres diront que le simple fait d'enfermer quelqu'un dans une cage est inhumain en soi.

Honorables sénateurs, laissez-moi vous assurer que je ne fais pas partie de ceux qui trouvent cela inhumain, même si je suis en faveur du port de la combinaison orange, pour ceux qui s'interrogent. Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas de débat sérieux sur cette question, surtout lorsque les conditions dans les différentes prisons du monde et à l'intérieur d'un même pays — sans oublier à l'intérieur d'une même prison — varient.

Cependant, il y a beaucoup d'autres raisons de s'alarmer de ce projet de loi. Je m'inquiète du genre de criminels que nous pourrions ramener au Canada. Ce projet de loi reconnaît-il d'une quelconque manière le genre de crimes qui ont pu être commis et contre qui? C'est une chose que de transférer au Canada des prisonniers modèles présentant une possibilité de réadaptation; c'en est une autre de rapatrier des criminels endurcis qui peuvent contribuer à pourrir l'atmosphère des prisons du pays.

Ce qui soulève une autre question. Qui doit consentir au transfèrement? À l'autre endroit, mes collègues conservateurs ont attiré mon attention sur le paragraphe 8(1) du projet de loi, qui désigne le Canada, l'entité étrangère et le délinquant comme étant ceux qui doivent consentir au transfèrement avant qu'il ne survienne. Mais qu'en est-il de la victime ou de sa famille? Dans certains cas, cela n'a peut-être pas d'importance, mais, dans d'autres, notamment un meurtre, un viol, une agression ou un vol à main armée, il y a souvent des survivants plutôt que le contraire — des membres de la famille, des amis et les victimes elles-mêmes — tous traumatisés par le crime commis. Le présent projet de loi ne leur accorde pas la parole dans le processus de transfèrement. En ne leur fournissant pas l'occasion de se prononcer, n'allons-nous pas ajouter à leurs souffrances? Dans certains cas, sinon la plupart d'entre eux, nous devons assurément répondre par l'affirmative.

Rappelons-nous, honorables sénateurs, que le projet de loi C-15 insiste pour que soit parfaitement respecté le système canadien de justice pénale. Cela signifie que la peine imposée là où le crime a été commis peut ne pas être maintenue une fois que le prisonnier aura été transféré chez nous. Ce sont les lignes directrices canadiennes en matière de détermination de peine qui s'appliqueront; autrement dit, dans les cas où la peine étrangère sera plus longue que la peine maximale imposable au Canada pour un crime semblable, la moindre des deux peines sera purgée.

Justice sans cruauté, d'accord, mais pour qui? Imaginez-vous être la mère d'une victime de meurtre, incapable d'intervenir alors que le meurtrier de votre garçon ou de votre fille est transféré dans une prison plus confortable, où il purgera une peine réduite pour son crime. Il serait difficile de ne pas conclure que, dans une certaine mesure, il y a eu déni de justice et que le criminel a déjoué le système.

(1540)

Vous me pardonnerez, honorables sénateurs, si je tente de vous persuader que le paragraphe 8(1) est peut-être à revoir. Je ne crois pas que ce soit trop demander que les victimes ou leurs survivants aient leur mot à dire dans le processus de transfèrement.

Je crois également que nous devrions peut-être nous pencher sur la question de la détermination de la peine. Il importe de ne pas faire preuve de cruauté. Nul n'en disconvient, mais à quel prix? En rejetant la peine initiale, n'allons-nous pas à l'encontre de la justice en faveur de personnes reconnues coupables de crime? Ce faisant, nous obtiendrons peut-être le résultat inverse du but recherché dans le projet de loi. En pratique, nous pourrions malencontreusement réduire les possibilités qu'un criminel soit transféré, vu que le consentement de l'entité étrangère est indispensable. Cette entité sera certainement moins encline à consentir au transfèrement si on lui dit que ses prisons ne sont pas des plus modernes et que, en plus, elle impose des peines exagérées. Voilà, n'en doutons-pas, le message implicite contenu dans le projet de loi.

Honorables sénateurs, cela met un terme à mes commentaires sur le projet de loi C-15 pour le moment. Je me contenterai d'ajouter qu'à mon avis, ce projet de loi devrait être retravaillé. Merci.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Cools: Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Kelleher: Avec plaisir.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, le sénateur Kelleher est un ancien solliciteur général.

Le sénateur Oliver: Et un ancien diplomate.

Le sénateur Cools: Effectivement. À ce titre, le sénateur Kelleher doit certainement bien connaître notre système pénitentiaire et le Programme de transfèrement de détenus. Ainsi, puisqu'il y a un ancien solliciteur général qui parle au nom de nos vis-à-vis, je serais très heureuse de lui poser une question sur ce projet de loi. Ma question reprend essentiellement ce que j'ai déjà demandé au sénateur Christensen.

On utilise dans ce projet de loi le terme «consentement» en rapport avec les délinquants. Dans des cas de ce genre, des ententes entre États souverains sont en cause. Les États souverains s'entendent, mais c'est le délinquant qui demande aux autorités des deux États souverains la permission de revenir au Canada pour purger sa peine.

Selon mon interprétation de cet article, honorables sénateurs, les contrevenants sont élevés au rang de parties égales dans le cadre de cette soi-disant entente. Cela ne va vraiment pas, car, pour dire vrai, un contrevenant qui est incarcéré en vertu du pouvoir de Sa Majesté et du solliciteur général ne peut pas être une partie égale dans ce genre d'ententes. Je crains que ces articles n'ouvrent la porte à une multitude de poursuites ingénieuses dont nous n'avons pas encore idée.

J'aimerais entendre le sénateur Kelleher parler à titre d'ancien solliciteur général, car le terme «solliciteur général» n'existe plus dans l'usage populaire au Canada. Lorsque le sénateur Kelleher était solliciteur général, on l'appelait ainsi — le solliciteur général. Je ne pense pas que bien des sénateurs sachent qui est l'actuel solliciteur général — étant donné que cette expression est disparue du langage.

Le sénateur Oliver: La ministre McLellan.

Le sénateur Cools: Mais on ne l'appelle pas la solliciteure générale. Comment l'appelle-t-on?

Le sénateur Kinsella: La ministre.

Le sénateur Cools: Le solliciteur général est l'un des trois conseillers juridiques de la Couronne. C'est très important et c'est différent.

Le sénateur Kelleher a-t-il réfléchi aux dangers et aux malaises qui résulteraient du fait d'assimiler une demande de clémence, présentée à deux souverains par le délinquant qui souhaite changer de pays pour purger sa peine d'emprisonnement dans son pays, et de faire équivaloir cela à un contrat juridique entre trois parties égales? Je me demande si l'honorable sénateur y a pensé. S'il ne l'a pas fait, soit. Il pourrait peut-être y réfléchir et m'en reparler plus tard.

La question est posée sous l'angle de la manifestation d'un esprit humanitaire, mais il me semble que les rédacteurs du projet de loi C- 15 n'ont pas prêté suffisamment attention à la structuration de ce qu'ils se proposent de réaliser dans ces dispositions.

Le sénateur Kelleher: Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur de sa question très perspicace. Elle a soulevé une question importante, qui devrait être abordée lorsque nous débattrons ce projet de loi en comité.

Je suis heureux de voir que le projet de loi C-15 sera renvoyé à un comité. J'espère que madame le sénateur Cools assistera à ces audiences et qu'elle soulèvera cette question. Dans l'intervalle, je vais y réfléchir.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, j'en suis heureuse, car il n'arrive pas souvent qu'un ancien solliciteur général commente un projet de loi de cette nature.

On trouve une autre anomalie dans ce projet de loi, honorables sénateurs. Comme nous le savons, des traités sont en fait des ententes entre deux souverains — habituellement deux, si ces traités sont bilatéraux. L'anomalie dont je parle, ou la situation inusitée dans ce projet de loi, c'est qu'il porte sur des traités conclus avec des entités étrangères.

J'ignore si le sénateur Kelleher a une copie du projet de loi en main, mais l'article renfermant les définitions renvoie à des entités étrangères. Cela me préoccupe. Je crois que les sénateurs devraient s'en inquiéter.

Le sénateur Kelleher sait-il si ce projet de loi laisse présager qu'on aura le pouvoir de transférer des délinquants entre le Canada et, par exemple, les tribunaux pénaux internationaux ou la Cour pénale internationale? Je compte certes obtenir auprès du comité des éclaircissements sur ce qu'on entend par «entités étrangères». Je sais ce que signifient d'autres expressions, comme un «État étranger», un «pays étranger» et une «nation étrangère», mais je ne sais pas au juste si nous savons ce qu'est une «entité étrangère» au juste.

Je remarque ces bizarreries dans la loi, où il semble que des expressions de ce genre soient inventées en cours de route. Le sénateur Kelleher n'y a peut-être pas réfléchi, mais s'il l'a fait, pourrait-il me faire part de sa réflexion à cet égard?

Le sénateur Kelleher: Je remercie encore une fois madame le sénateur Cools d'une autre excellente question. Je vais être très honnête: je n'ai jamais réfléchi à cette question. J'ai quitté ce ministère il y a de nombreuses années. Je ne peux plus suivre ces dossiers comme je l'ai déjà fait. Quoi qu'il en soit, compte tenu des différents tribunaux qui ont vu le jour, notamment ceux parrainés par l'ONU, il est important de déterminer les intérêts qu'un pays étranger ou qu'un pays comme le Canada a dans les décisions rendues par ces tribunaux. Je suis certain que nous n'avons pas suffisamment réfléchi à cela.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je suis reconnaissante au sénateur Kelleher de sa réponse, car il y a actuellement des courants d'opinion qui se forment et que nous n'aurions pas pu imaginer il y a quelques années. Ainsi, en Angleterre, un groupe essaie actuellement d'intenter des poursuites contre le président Bush. De nombreux Européens ont aussi voulu intenter des poursuites contre le lieutenant-général à la retraite Roméo Dallaire. Je fais partie de ceux qui estiment que la question des cours ou des tribunaux pénaux internationaux n'a pas été vraiment débattue en cette enceinte. Ces tribunaux servent à intenter des poursuites contre certaines personnes, dans certains pays. Or, cela me bouleverse profondément. Le projet de loi C-15 sera renvoyé à un comité qui, je l'espère, en fera un examen satisfaisant. Souvent, un projet de loi renvoyé à un comité nous revient en l'espace de 24 heures.

(1550)

Les dispositions de ce projet de loi n'ont rien de futile. Souvent, elles vont à l'encontre des principes de la jurisprudence canadienne sur lesquels le gouvernement canadien s'est appuyé pendant de nombreuses années. Il y a quelques années, lors de l'étude d'un certain projet de loi à cet endroit, j'ai cité un passage concernant le tribunal pénal international. Il était question de passer outre au fardeau de la preuve et de modifier de nombreux aspects de la common law. Cela me préoccupe beaucoup parce que notre tradition fondée sur la common law est l'une des plus sophistiquées du monde. J'ai des réserves à l'égard des systèmes juridiques qui tentent de déroger à cette tradition. Je remercie le sénateur Kelleher, ex-solliciteur général.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président: Quand ce projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Christensen, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Français]

QUESTION DE PRIVILÈGE

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, jeudi dernier, le sénateur Cools a soulevé une question de privilège pour contester une décision rendue par la présidence le 28 avril au sujet de la validité des débats sur le projet de loi C-250, Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse). La conclusion de cette décision est qu'il n'y avait pas matière à question de privilège. Le sénateur Cools estime qu'il y a eu, dans cette décision, une erreur «monumentale et fondamentale» qui «constitue une nouvelle atteinte au privilège».

[Traduction]

Selon le sénateur Cools, l'erreur se trouve dans le résumé de sa position, dans le premier paragraphe de la décision, à la page 965 des Débats du Sénat:

Le sénateur estime que le Règlement du Sénat ne prévoit pas la possibilité qu'un sénateur puisse présenter une motion de clôture ou de guillotine ou que de telles motions puissent être présentées relativement à un projet de loi d'initiative parlementaire.

Le sénateur Cools soutient que ce résumé déforme son point de vue.

[Français]

J'ai eu l'occasion d'examiner les arguments qui ont été présentés le 27 avril ainsi que la décision rendue par Son Honneur la Présidente intérimaire le 28 avril. Je suis maintenant prêt à statuer sur la question.

[Traduction]

Le sénateur Cools a raison de dire que le résumé de sa position, dans la décision, n'est pas tout à fait exact. Dans les propos qu'elle a tenus le 27 avril, madame le sénateur a parlé de la guillotine pour l'attribution de temps et de la question préalable pour la clôture, et elle a reconnu que les simples sénateurs peuvent poser la question préalable. Le résumé n'a pas reproduit fidèlement ses propos à ce sujet. Cependant je crois qu'il vaut la peine d'établir une distinction entre les mots «question préalable» et «clôture». Comme l'indique la troisième édition du Vocabulaire de procédure parlementaire, la clôture s'entend de la «procédure qui a pour effet d'empêcher qu'un débat soit de nouveau ajourné et de provoquer un vote à la fin de la séance en cours. La clôture peut être appliquée à toute question à l'étude et à n'importe quelle étape d'un projet de loi». Par ailleurs, la question préalable est définie comme une «motion pouvant faire l'objet d'un débat qui a pour effet de provoquer un vote sur la question à l'étude et qui empêche la proposition d'amendements additionnels». Il s'agit de notions connexes, mais non identiques.

Contestant le droit du sénateur Murray d'avoir proposé cette motion, le sénateur Cools a déclaré que «les articles 38 et 39 du Règlement du Sénat sont très clairs». Ces paroles du sénateur sont extraites de la page 934 des Débats du Sénat: «À part cela, aucune règle du Sénat ne donne à un simple sénateur le pouvoir de proposer la guillotine.» Selon le sénateur, c'est un pouvoir que seul un ministre peut exercer conformément aux articles 38 et 39 du Règlement, qui portent sur l'attribution de temps. Madame le sénateur n'a pas contesté, toutefois, le droit d'un simple sénateur de poser la question préalable, même si elle a précisé que les motions du sénateur Murray et du sénateur Joyal constituaient toutes deux un abus envers la Chambre et une atteinte aux privilèges des sénateurs. Le sénateur Cools a aussi laissé entendre qu'il incombait au Président, en tant que Président du Sénat, de mettre cette assemblée «à l'abri des motions inhabituelles ou irrégulières, notamment lorsqu'il s'agit d'imposer la clôture ou le bâillon, ce qui est une procédure d'exception».

Les explications que le sénateur Cools a données au Sénat ne réduisent aucunement la valeur des réflexions qui ont conduit à cette décision ou de ses résultats. Si un sénateur voulait contester la décision, il aurait fallu qu'il la porte en appel immédiatement. Comme il n'y a pas eu appel de la décision de la présidence lorsque celle-ci a été rendue le mercredi 28 avril dernier, cette décision demeure une décision du Sénat comme tel. Il ne convient pas de tenter d'en appeler de cette décision indirectement au moyen d'une question de privilège.

[Français]

L'article 43 du Règlement énonce les critères à respecter pour soulever une question de privilège. La question de privilège doit notamment «viser à corriger une infraction grave et sérieuse» concernant les privilèges du Sénat ou des sénateurs. Même s'il y a effectivement eu une erreur dans le résumé de la position du sénateur Cools, j'estime que cela n'a pas d'incidence sur le fond, la logique ou les conclusions de la décision du 28 avril.

[Traduction]

Par conséquent, je déclare qu'il n'y a pas matière à question de privilège.

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 6 mai 2004, à 13 h 30.)


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