Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 21

Le mercredi 1er décembre 2004
L'honorable Daniel Hays, Président


 

LE SÉNAT

Le mercredi 1er décembre 2004

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

HOMMAGES

LE DÉCÈS DE PIERRE BERTON, C.C.

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 22(16) du Règlement, je demande le consentement du Sénat pour qu'au plus dix minutes soient attribuées maintenant afin de rendre hommage à Pierre Berton, décédé hier.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, c'est avec un profond regret que les Canadiens ont appris hier la mort de Pierre Berton, à l'âge de 84 ans.

Par ses écrits, il a montré aux Canadiens le vrai visage de leur pays et il nous a montré nos réussites passées et les possibilités qui s'offraient à nous à l'avenir. Pierre Berton nous connaissait si bien, parce qu'il avait connu les frontières de notre Grand Nord et la sophistication de nos centres urbains.

Né au Yukon, il a poursuivi pendant un certain temps ses études à l'Université de la Colombie-Britannique, où il a commencé à apprendre l'art d'écrire au journal étudiant The Ubyssey. Au cours de sa carrière, il a écrit 50 livres et il a été pendant longtemps un chroniqueur dans un journal et communicateur, en plus d'être à une époque rédacteur en chef du magazine MacLean's.

Pierre Berton était un membre de l'Ordre de l'Ontario. Il est devenu Officier de l'Ordre du Canada en 1974 pour ensuite obtenir le titre de Compagnon de l'Ordre du Canada en 1986.

La mort de Pierre Berton marque la disparition d'une institution canadienne, mais tous ceux qui connaissent sa carrière savent qu'il préférait se voir comme un iconoclaste. M. Berton a reçu de nombreux prix — certains à plusieurs reprises — qui honorent ses nombreuses réalisations : les prix du Gouverneur général, les prix Nelly pour la radiodiffusion, le Concours canadien de journalisme, la Médaille Stephen Leacock de l'humour et le premier prix de la Société d'histoire nationale pour souligner ses réalisations exceptionnelles en vue de populariser l'histoire du Canada.

M. Berton était un membre du Temple de la renommée du journalisme canadien et il a reçu 14 grades honoris causa, mais je crois qu'il a conservé une perspective modeste à l'égard de sa contribution à notre pays.

Pierre Berton était grandement apprécié par ses concitoyens à cause de son attachement personnel très vif et de son grand dévouement à l'égard du Canada. Lorsqu'il a été récemment choisi comme l'un de nos grands Canadiens, il a fait remarquer qu'il ne méritait pas cette reconnaissance, alors qu'il se voyait simplement comme un simple chroniqueur de la vie des gens qui ont fait notre pays. De façon caractéristique, Pierre Berton ne voyait pas comment il méritait une place parmi les plus grands du Canada, du fait qu'il nous a compris, qu'il a compris notre place spéciale dans le monde, comme peu ont réussi à le faire. Il comprenait très bien l'énorme influence exercée par notre voisin au Sud et des pays comme nos pays fondateurs en Europe notamment. Il croyait que nous devions examiner nos relations avec ces pays. Ses écrits ont maintenu et renforcé notre identité nationale d'une façon extraordinaire.

Je sais fort bien qu'il existe un lien étroit entre Pierre Berton et Pierre Trudeau. Les deux homes affichaient un optimisme inébranlable à l'égard du Canada. Pierre Berton est devenu un symbole national parce que nous voyions en lui l'incarnation de ce que nous voulions être — compatissant, drôle, judicieux, intègre et parfois rebelle.

Les Canadiens seront reconnaissants à jamais à Pierre Berton de leur avoir fait prendre conscience de leurs réalisations et de leur potentiel. C'était un de nos plus grands meneurs de ban.

Nous remercions son épouse, Janet, et ses nombreux enfants et petits-enfants de l'avoir partagé avec le Canada.

L'honorable Pat Carney : Honorables sénateurs, je tiens également à rendre hommage à l'auteur canadien Pierre Berton, décédé hier à l'âge de 84 ans, qui laisse aux Canadiens un grand héritage, en l'occurrence notre conscience de l'histoire du Canada.

Né à Whitehorse, au Yukon, Pierre a écrit quelque 50 ouvrages en autant d'années et a récréé pour ses lecteurs certains des événements les plus emballants et des réalisations les plus remarquables du Canada, qu'il s'agisse de Klondike, son histoire de la ruée vers l'or, où il décrit les champs aurifères, ou de ses ouvrages Le grand défi : le chemin de fer canadien et Le dernier mille qui traitent de la construction du chemin de fer national du Canada qui a donné accès à l'Ouest canadien et a uni le pays.

Comme le sénateur Austin l'a déclaré, Pierre Berton a gagné trois prix du gouverneur général, a reçu quatorze diplômes honorifiques et a été nommé Compagnon de l'Ordre du Canada, mais la plupart des Canadiens se souviendront de Pierre Berton comme de notre grand conteur national qui a fait revivre l'histoire du Canada. D'après sa description célèbre du Canadien qui est capable de faire l'amour dans un canot d'écorce, on comprend qu'il a lui-même réussi.

Allan Fotheringham, qui, à l'instar de Pierre Burton, a été un des panélistes invités à l'émission Front Page Challenge, présentée à la CBC, a dit que de nombreux universitaires en voulaient à Pierre parce qu'il avait rendu l'histoire du Canada lisible.

Journaliste, officier dans l'armée, commentateur et communicateur, Pierre a toujours fait figure de pionnier dans tous les domaines qu'il a abordés. À l'Université de Colombie- Britannique, mon alma mater, il a obtenu un diplôme en arts, alors que sa spécialité était de sécher les cours pour travailler pour un journal étudiant, The Ubyssey. Il a été le jeune reporter flamboyant du News Herald de Vancouver avant de faire une entrée remarquée dans le monde de l'édition à Toronto.

Il a fait don de sa modeste maison famille de Dawson City, au Yukon, à des écrivains en résidence. C'était un nationaliste convaincu et un grand défenseur du Nord.

Mon histoire favorite de Berton est celle où il raconte comment, jeune reporter, il est allé à Paris pour interviewer cet autre symbole canadien originaire du Yukon, Robert Service, qui nous a donné The Cremation of Sam McGee et d'autres classiques canadiens. Pierre avait demandé à Robert Service si le Yukon lui manquait. Ce à quoi Robert Service avait répondu qu'il n'avait plus jamais pensé au Yukon.

Il a été l'un des fondateurs du Writers' Trust et d'autres organismes qui viennent en aide aux écrivains, à qui il a toujours apporté un soutien indéfectible.

Lorsque je l'ai revu ces dernières années dans le cadre d'une activité de la Writers' Union, j'ai été frappée de constater que, malgré son apparence frêle, son esprit était aussi vif qu'avant.

Son absence laissera un grand vide, et au nom des honorables sénateurs, je tiens à offrir mes condoléances à sa femme, Janet, et à sa famille.

L'honorable Ione Christensen : Honorables sénateurs, je désire à mon tour rendre hommage à Pierre Berton. Le Canada a perdu un historien passionné et fort intéressant.

Bien que Pierre Berton ait vécu la plus grande partie de sa vie dans le sud du pays, il avait des racines profondes dans le Nord qu'il aimait passionnément, en particulier le Yukon.

Nos chemins se sont croisés de diverses façons. Le père de Pierre s'est établi dans le Nord pendant la ruée vers l'or du Klondike. Une fois la ruée terminée, il a travaillé comme registraire minier dans l'administration publique. Juste après la ruée vers l'or, sa mère est venue exercer sa profession d'enseignante à Dawson. Elle a d'ailleurs enseigné à ma mère lorsque cette dernière était à la maternelle. Après leur mariage, le père et la mère de Pierre ont déménagé à Whitehorse. C'est là que Pierre est né. La famille est retournée s'installer à Dawson en 1920, juste de l'autre côté de la rue où habitaient mes grands-parents. Ma grand-mère et Mme Berton étaient de bonnes amies.

Pierre avait 12 ans lorsque sa famille a quitté Dawson, mais il y revenait pour travailler pendant l'été dans les campements miniers au cours de ses études universitaires.

Il a fait ses débuts comme journaliste au Vancouver Sun. À l'âge de 21 ans, il était le plus jeune rédacteur en chef d'un quotidien canadien. C'est à Vancouver qu'il a épousé sa femme, Janet qui, à l'époque, était la rédactrice en chef du Province, le journal concurrent.

En 1979, lorsque j'ai démissionné de mon poste de commissaire du Yukon, on m'a invitée à participer à la tribune télédiffusée Front Page Challenge. Pierre n'a pas mis longtemps pour découvrir tous les détails de cette histoire.

(1340)

En 1985, Parcs Canada a célébré son centenaire et Pierre et sa famille ont été invités à se rendre de Whitehorse à Dawson en bateau. Mon père, qui avait 85 ans à l'époque, et moi avons été invités à servir de guides pour le voyage. En tant que membre de la GRC, mon père avait parcouru pendant de nombreuses années le fleuve Yukon lors de ses patrouilles, et le père de Pierre avait fait le même voyage en 1898.

Le voyage devait durer dix jours. Janet, la femme de Pierre, et tous les enfants de ce dernier et la plupart de leurs conjoints faisaient partie de l'armada. Pierre s'est chargé de la cuisine, du ménage et du divertissement. Nous avons été divisés en neuf équipes; chaque soir, une équipe devait présenter un spectacle. Tout était réglé au quart de tour, et nous avons eu beaucoup de plaisir.

Pierre retournait au Yukon chaque fois que c'était possible. Son ancienne maison à Dawson, après avoir été transformée en « maison pour écrivains en résidence », est devenue une retraite convoitée par les écrivains canadiens pratiquant leur art.

Son livre Klondike et le livre de photos Klondike Quest, qui a été publié plus tard, demeurent la meilleure source de documentation sur la ruée vers l'or du Klondike.

Pierre laisse derrière lui une mine de renseignements historiques documentés. Il nous a montré à quel point le Canada est un pays fier et coloré. Nous avons perdu un grand pionnier canadien et un grand Yukonnais.

[Français]

LA JOURNÉE MONDIALE DU SIDA

L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, j'interviens en ce 1er décembre pour souligner la Journée mondiale du sida, une pandémie qui ne cesse de progresser. Malgré tous nos efforts, la propagation du VIH est plus rapide que notre riposte.

Ici au pays, le sida continue de tuer parce que notre population a oublié le caractère dangereux du VIH. La sensibilisation et la lutte contre la discrimination faite aux sidéens sont des défis qui continuent de nous interpeller.

À travers le monde, le nombre de personnes vivant avec le VIH a augmenté pour atteindre les 40 millions, un niveau jamais enregistré. C'est ce que nous apprend le rapport annuel de l'ONUSIDA et de l'OMS. Ce document met également en évidence la féminisation croissante de l'épidémie. Le nombre de femmes porteuses du virus a augmenté dans chacune des régions du globe.

Un lien direct existe entre les différentes formes de la violence faite aux femmes et cette croissance du taux d'infection du VIH. Plusieurs femmes ont été contaminées suite à un viol, une forme de violence de plus en plus utilisée comme arme de guerre. L'augmentation des violences domestiques participe aussi à l'accélération du sida.

Dans les pays à forte prévalence, de nombreuses femmes ne possèdent pas les connaissances de base pour se protéger contre le VIH. Le manque chronique de pouvoir des femmes les rend aussi vulnérables. Dans beaucoup de sociétés, bien sûr dominées par les hommes, les femmes et les jeunes filles continuent de faire les frais des comportements irresponsables de leurs partenaires. De plus, pour des millions d'autres femmes, le sexe demeure malheureusement leur source unique de revenu.

L'effort d'aider les femmes doit être accentué en Afrique subsaharienne, qui est la région la plus durement frappée. Dans cette partie du monde, près de 60 p. 100 des adultes vivant avec le VIH sont des femmes et 76 p. 100 des 15 à 24 ans vivant avec le virus sont des filles. C'est énorme. Presque toute une génération risque d'être emportée. Selon l'UNICEF, en Afrique du Sud ou au Zimbabwe, où près d'un quart de la population adulte est infectée, le sida finira par emporter près de la moitié de tous les jeunes qui ont aujourd'hui 15 ans. Ces jeunes sont l'avenir de leur pays. Dans ces endroits, le sida est donc réellement un facteur de régression économique.

Encore aujourd'hui, neuf personnes sur dix à travers le monde ont besoin d'un traitement. Même si ces médicaments existent désormais sous forme de génériques moins onéreux, ils demeurent inaccessibles pour plusieurs millions de personnes. Nous devons continuer de nous montrer généreux et, pourquoi pas, militer pour leur gratuité dans certains pays où le sida a fait chuter l'espérance de vie au- dessous de 40 ans.

Nous devons nous impliquer davantage. Je vous invite, honorables sénateurs, à continuer d'appuyer toutes les personnes qui oeuvrent pour arriver au bout de ce fléau.

[Traduction]

L'honorable Wilbert J. Keon : Honorables sénateurs, c'est aujourd'hui la 16e édition de la Journée mondiale du sida. En ce jour, nous nous souvenons de tous ceux qui sont morts de cette terrible maladie et nous renouvelons notre appui à ceux qui vivent avec le sida. À l'échelle mondiale, quelque 39 millions de personnes souffrent du sida, dont 56 000 au Canada d'après les dernières estimations.

Le taux mondial d'infection est plus élevé que jamais. En dépit de tous les efforts pour sensibiliser la population à la nécessité de pratiquer la prévention, 4,9 millions de personnes ont été infectées cette année.

Le sida demeure une maladie incurable même si les chercheurs ont fait d'immenses progrès en vue de trouver un vaccin. Je suis fier de dire que les chercheurs canadiens jouent un rôle important à cet égard dans le cadre de l'Initiative canadienne pour un vaccin contre le VIH. La première année, nous y avons investi 15 millions de dollars. Une fois de plus, nos amis américains nous ont fait honte en promettant un investissement d'un milliard de dollars au cours des deux prochaines années.

Le sida prive les gens de leur santé et de leur avenir. Dans l'Afrique subsaharienne, il a détruit des villages entiers et créé une génération d'orphelins que l'on évalue à quelque 15 millions.

De plus en plus, ce sont les femmes qui portent le fardeau de cette maladie, non seulement en tant que soignantes, mais aussi en tant que victimes. Le taux d'infection chez les femmes a augmenté en 2004. Ce problème croissant est le thème de la Journée mondiale du sida de cette année, à savoir : « Les femmes, les jeunes femmes, le VIH et le sida ».

L'Afrique, comme c'est si souvent le cas, est plus particulièrement touchée. Selon ONUSIDA, 57 p. 100 des personnes infectées sont des femmes; 76 p. 100 des personnes infectées âgées de 15 à 24 ans sont des femmes et vivent dans cette région de l'Afrique. Aujourd'hui, l'Organisation mondiale de la santé et l'ONUSIDA lancent un appel commun à tous les pays pour qu'ils veillent à ce que les femmes aient elles aussi accès aux programmes de prévention et de traitement.

Au fil des ans, le Canada a pris de nombreux engagements à l'égard de la lutte internationale contre le sida, accroissant son appui financier au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria ainsi qu'à l'initiative de l'Organisation mondiale de la santé dont l'objectif est de traiter trois millions d'Africains d'ici 2005?

Je suis certain que les honorables sénateurs se joindront à moi pour exhorter notre gouvernement à appuyer fermement ce mouvement.

LES ENFANTS CANADIENS

L'honorable Landon Pearson : Honorables sénateurs, le 20 novembre, nous célébrions la Journée nationale de l'enfant. Je n'ai pas pu intervenir à ce moment-là. Je le fais donc aujourd'hui pour célébrer les enfants canadiens car, à mon avis, nous devrions célébrer les enfants chaque journée de l'année.

Je suis heureuse de pouvoir affirmer que la plupart des enfants du Canada vivent bien, mais, malheureusement, pas tous. Il y a encore trop d'enfants en marge de la société canadienne qui sont victimes de mauvais traitements, qui sont négligés, exploités ou qui vivent dans la pauvreté, comme nous l'a rappelé la semaine dernière le rapport annuel de Campagne 2000. Quinze ans après l'adoption de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, nous avons encore beaucoup de chemin à faire.

Cela étant dit, je crois que, grâce à la Convention relative aux droits de l'enfant et à des événements symboliques tels que la Journée nationale de l'enfant, nous sommes tous de plus en plus sensibles à l'importance de nos enfants et à la nécessité de protéger leurs droits et d'assurer leur bien-être. Je suis encouragée lorsque je suis témoin du ralliement des collectivités.

J'ai passé la plus grande partie de la Journée nationale de l'enfant à célébrer en compagnie d'enfants de Montréal et d'Ottawa. J'ai terminé la journée par un banquet rassemblant des participants de générations et de confessions multiples. À la table, une place avait été réservée pour l'« enfant inconnu », qui, au Canada ou à l'étranger, se coucherait sur sa faim ce soir-là. Des habitants d'Ottawa de divers milieux ont participé à cet événement pour honorer non seulement les enfants, mais aussi les habitants de notre ville, hommes et femmes, qui ont montré combien les enfants pouvaient être importants pour eux.

Des événements tels que le « Manger Meal », ainsi que la célébration très réussie de la Journée nationale de l'enfant, qui s'est tenue ici même au Sénat le 19 novembre dernier, grâce aux sénateurs Mercer et Munson, me remplissent d'espoir, ce même espoir que chacun de nous ressent en tenant un nouveau-né dans ses bras, une nouvelle vie pleine de possibilités et une nouvelle chance pour l'humanité. Je suis plus convaincue que jamais que nous devons créer un environnement propice où nos enfants pourront grandir et se développer. Nous devons encore faire davantage pour bâtir un Canada à la mesure des enfants.

[Français]

L'EXÉCUTION DE MARGARET HASSAN

L'honorable Madeleine Plamondon : Honorables sénateurs, aujourd'hui j'aimerais partager avec vous un sentiment de révolte qui va habiter pour longtemps beaucoup de Canadiens et pour lequel il n'y a pas eu de manifestation sur la colline. Je veux parler de l'Anglo-Irakienne Margaret Hassan, responsable de l'organisation humanitaire CARE, qui a été lâchement exécutée. Cet événement est survenu il y a quelque temps et me hante tous les soirs. Elle a été kidnappée et exécutée pour rien. Margaret Hassan n'avait fait qu'aider pendant 30 ans de sa vie. Elle n'était pas armée. Elle ne dénonçait personne. Elle n'avait pas d'ennemis. C'est un meurtre gratuit.

Honorables sénateurs, la barbarie vient de franchir de nouvelles frontières. Ce ne sont pas seulement des ennemis qui s'affrontent. Ce sont des lâches qui se servent d'innocents comme boucliers. Je suis atterrée par cette nouvelle donne dans les conflits mondiaux. Je crains la banalisation de ces actes pour plusieurs raisons.

(1350)

La première raison, c'est que le meurtre d'innocents survient quand les luttes armées traditionnelles ne sont pas suffisantes aux yeux des terroristes pour secouer l'opinion mondiale. La deuxième, c'est que la décapitation, l'exécution d'innocents devient tellement courante qu'une escalade de la terreur est à craindre.

À quand les bébés et les vieillards torturés en direct? Qu'est-ce qu'on attend pour s'impliquer? Le Canada est un pays pacifique. Notre gouvernement doit amorcer des processus de paix durable.

[Traduction]

Je me demande si le premier ministre du Canada et le président des États-Unis ont trouvé le temps, pendant leur réunion d'hier soir, de discuter du massacre de victimes innocentes qui n'ont rien à voir avec les conflits militaires.

[Français]

Honorables sénateurs, le monde a besoin d'une paix qui amène la réconciliation et non d'une paix obtenue en acceptant, comme conséquence inévitable, la mort d'innocents comme Margaret Hassan.


AFFAIRES COURANTES

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Lise Bacon : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger à 16 heures, aujourd'hui, le mercredi 1er décembre 2004, même si le Sénat siège à ce moment-là et que l'application de l'article 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER LE STATUT BILINGUE DE LA VILLE D'OTTAWA

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 2 décembre, je proposerai :

Que les pétitions déposées au cours de la troisième session du 37e Parlement, demandant au Sénat de déclarer la ville d'Ottawa, la capitale du Canada, une ville bilingue, soient renvoyées au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude;

Que le Comité considère le mérite de modifier l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867;

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 30 avril 2005.

[Traduction]

BANQUES ET COMMERCE

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à siéger à 16 heures demain, le mercredi 1er décembre 2004, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Eymard G. Corbin : L'honorable sénateur pourrait-il expliquer pourquoi cette permission est demandée? Il s'agit du deuxième comité à le faire. Je comprends que les leaders se sont peut-être déjà mis d'accord mais le reste d'entre nous n'en connaissent pas la raison.

Son Honneur le Président : Nous avons fini avec cette motion. Cependant, je suis convaincu que les honorables sénateurs voudront connaître la réponse à la question du sénateur. Le sénateur Grafstein souhaite-t-il répondre à la question du sénateur Corbin?

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Très certainement.

Comme vous le savez, honorables sénateurs, nos leaders nous ont dit hier que nous aurions une petite séance ce jour-là tout comme aujourd'hui. Le Sénat a donné instruction au Comité des banques de faire avancer rapidement certaines études, y compris une étude sur les dons de bienfaisance. Pour que le comité puisse participer de façon valable à la préparation du budget, il lui importe de se réunir dès que possible. La durée prévue des témoignages devant le comité était de quatre heures, soit de 16 heures à 20 heures, mais elle est réduite depuis aujourd'hui puisque le comité a été informé qu'il ne pouvait agir de la sorte. Par conséquent, la durée des témoignages a été comprimée à deux heures. On a dit aux sénateurs qu'ils siégeraient jusqu'à 18 heures aujourd'hui. Les témoins du comité, en provenance d'Ottawa et de l'extérieur, sont en attente. Par conséquent, il s'agit de respecter les témoins aussi bien que le travail du Sénat.

L'honorable Marcel Prud'homme : Il y a des années que je m'oppose à cette pratique, qui n'a rien à voir avec l'excellent travail qu'accomplit le Comité des banques, de façon particulière. Je crains qu'il ne reste pas assez de sénateurs dans la salle pour qu'il y ait quorum après 16 heures. J'ai fait valoir mon point de vue hier, au sujet de la permission accordée au Comité des affaires étrangères de siéger aujourd'hui pendant que le Sénat siège. Aujourd'hui, deux comités demandent le même privilège. Je le répète, ma crainte, c'est qu'il n'y ait pas les 15 sénateurs qu'il faut dans la salle pour qu'il y ait quorum si trop de comités sont autorisés à siéger en même temps que le Sénat. Je m'inquiète de ces exceptions. Hier, les circonstances étaient exceptionnelles.

Le président du Comité des banques siège aussi au Comité des affaires étrangères. J'ignore comment il partagera son temps lorsque les deux comités siégeront en même temps. C'est un principe établi de longue date que le Sénat s'ajourne à 16 heures. Il n'y a pas beaucoup d'articles au Feuilleton d'aujourd'hui, de sorte que les leaders pourraient décider que l'ajournement ait lieu à l'heure habituelle du mercredi. Cela réglerait la question. Si l'ordre du jour du Sénat était particulièrement chargé, la question serait tout autre. Le Sénat devrait s'ajourner à l'heure habituelle du mercredi afin d'éviter qu'un autre sénateur demande la permission qu'un autre comité siège en même temps que le Sénat. Le leader du gouvernement comprendra sûrement les difficultés que cela peut occasionner — c'est-à-dire le fait que des sénateurs veuillent siéger en même temps à un comité et au Sénat. L'honorable leader pourrait peut-être informer les sénateurs de la question de savoir si le Sénat s'ajournera à 16 heures ou non aujourd'hui.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, il est toujours difficile de juger le temps requis pour l'étude des affaires du Sénat. Toutefois, j'ai personnellement bon espoir que nous terminions nos travaux à 16 heures au plus tard aujourd'hui. Si nous ne les terminons pas à cette heure-là, nous pourrions envisager la motion du sénateur à ce moment-là.

Le sénateur Grafstein : J'invoque le Règlement, honorables sénateurs. La motion a-t-elle été adoptée?

Son Honneur le Président : Je signale aux sénateurs que les recours au Règlement ne sont pas permis durant les affaires courantes. Cependant, les questions visant à déterminer où nous en sommes seront admises. Le sénateur demande où nous en sommes. J'ai demandé aux sénateurs la permission que le sénateur Corbin puisse poser une question au sénateur Grafstein. La marche à suivre habituelle est de poser la question d'abord, puis d'accorder la permission. J'ai signalé que j'avais posé la question, j'ai demandé aux sénateurs s'ils étaient d'accord et j'ai entendu les sénateurs dirent que si. L'affaire était réglée. C'est notre façon de procéder et c'est ce que j'ai fait.

(1400)

Cela étant dit, je constate une certaine réprobation de la part de certains sénateurs. Lorsqu'une permission est demandée, je devrais être plus vigilant pour m'assurer que les sénateurs qui souhaitent poser des questions ou refuser la permission aient la chance de le faire. Je croyais que j'avais fait cela. À l'avenir, je donnerai plus de temps avant de continuer.

Le sénateur Prud'homme : La permission est cependant accordée.

MISE EN OEUVRE DU PLAN D'ACTION « UN CANADA DIGNE DES ENFANTS »

PRÉSENTATION DE LA PÉTITION

L'honorable Landon Pearson : Honorables sénateurs, pour démontrer ce que j'ai déjà affirmé, je prends la parole pour présenter 801 pétitions, inspirées de la Journée nationale de l'enfant, qui ont été soumises par des Canadiens des différentes régions du pays, y compris l'Ouest, les territoires, l'Ontario, le Québec et l'Atlantique, qui demandent la mise en oeuvre du plan d'action national du Canada pour les enfants intitulé « Un Canada digne des enfants ».


PÉRIODE DES QUESTIONS

LE PATRIMOINE

LES ENFANTS DES PREMIÈRES NATIONS MOWACHAHT ET MUCHALAHT—DEMANDE DE FINANCEMENT D'UNE VISITE À OTTAWA POUR L'INAUGURATION DE L'EXPOSITION YUQUOT

L'honorable Pat Carney : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je voudrais une précision sur sa réponse à ma question d'hier au sujet du financement nécessaire pour faire venir cinq jeunes Autochtones de Gold River à Ottawa pour l'inauguration de l'exposition Yuquot au Musée canadien des civilisations.

Dans sa réponse, le leader a dit que la bande n'avait jamais demandé de financement et que la première demande avait été faite dans une lettre de moi, et c'est exact.

Ma mise au point est la suivante : le leader veut-il dire qu'une demande de financement formulée par un sénateur conservateur est inacceptable? Cette bande se trouve dans une circonscription représentée par un député conservateur. Sous un gouvernement libéral minoritaire, est-ce que les députés et les sénateurs libéraux sont les seuls à pouvoir demander des fonds publics?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, la question de madame le sénateur Carney trahit une interprétation complètement erronée de ma réponse. J'ai dit qu'aucun membre de la bande n'avait fait une demande et que, par conséquent, la lettre dans laquelle le sénateur présente des instances serait considérée comme une demande.

Le sénateur Carney : En réalité, la bande a formulé une demande par mon entremise. Je demande si cela était acceptable. Est-ce que seules les demandes de fonds des députés et des sénateurs libéraux sont jugées recevables? Le leader répond que la bande n'a jamais formulé de demande. Or, je signale qu'elle l'a fait, mais par l'entremise de mon bureau.

Lorsque nous avons écrit à la ministre pour lui demander de préciser les programmes dont nous pourrions nous prévaloir, elle a répondu qu'il n'y en avait aucun pour ce type d'entreprise. Toutefois, le ministère du Patrimoine canadien avait des fonds : 50 000 $ pour Bubbles Galore, un film pornographique; 98 000 $ pour un livre de blagues sur les blondes; près de 200 000 $ pour Frank the Rabbit, qui traite de la façon dont les humains et les lapins formulent et justifient leurs croyances.

Le leader du gouvernement pourrait-il demander à la ministre de dire à quels programmes on a eu recours pour financer ces projets, qui semblaient si importants pour le patrimoine canadien?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je suis mystifié par cette incapacité de faire comprendre mon message au sénateur Carney. J'ai dit que la bande n'avait pas fait de demande directement et que, par conséquent, la lettre du sénateur formulant des instances était considérée comme une demande. Cela n'a rien à voir avec la politique, l'esprit de parti, le Parti libéral ou le Parti conservateur. C'est une façon de faire qui m'a semblé juste et généreuse de la part du ministère.

Quant au reste de la question, madame le sénateur a déjà signalé ces points. J'ai répondu que j'exercerais un mandat de surveillance concernant la ministre du Patrimoine canadien. Je l'ai dit hier. Je continuerai dans la même voie.

LA SANTÉ

L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'HÉPATITE C

L'honorable Wilbert J. Keon : Honorables sénateurs, ma question, que j'adresse au leader du gouvernement au Sénat, porte sur l'indemnisation de toutes — je dis bien toutes — les victimes de l'hépatite C.

La semaine dernière, le ministre de la Santé a annoncé que le gouvernement fédéral commencerait des négociations en vue d'accorder une indemnisation aux victimes de l'hépatite C qui n'ont pas eu droit à la première indemnisation. Ces victimes et leurs familles ont attendu six longues années avant que le gouvernement fédéral reconnaisse leur situation. De ce groupe, on estime que 400 personnes ayant reçu du sang contaminé sont déjà décédées dans l'attente d'une assistance fédérale tandis que beaucoup d'autres sont devenues gravement malades.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous assurer que les négociations commenceraient très bientôt en vue d'indemniser ces victimes?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, comme le sait l'honorable sénateur, le ministre de la Santé, l'honorable Ujjal Dosanjh, a annoncé, le 22 novembre, que le gouvernement du Canada entreprendrait des négociations sur les options relatives à l'indemnisation des victimes qui ont contracté l'hépatite C avant le 1er janvier 1986 et après le 1er juillet 1990 en recevant du sang contaminé.

Dans une réponse faite à la chambre, il y a peu de temps, j'ai souligné la situation complexe de l'actuel fonds en fiducie géré par un tribunal et je me suis demandé si ces fonds seraient disponibles ou si de nouveaux fonds étaient nécessaires. Le droit légal des bénéficiaires actuels est également une question complexe. Néanmoins, le gouvernement a annoncé qu'il commencerait les négociations et je m'attends à ce que ce soit bientôt.

Le sénateur Keon : Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire si le paquet d'indemnisation qui était offert à l'origine il y a six ans tient toujours ou si le montant en a été modifié, compte tenu de toutes les complexités afférentes? Au besoin, peut-il se renseigner à ce sujet?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, le gouvernement du Canada a engagé depuis 1998 environ 1,4 milliard de dollars pour indemniser les victimes qui ont contracté l'hépatite C entre janvier 1986 et fin juin 1990 en recevant du sang contaminé. On m'avise que de cette somme, 875 millions de dollars ont été versés dans un fonds en fiducie pour remplir les obligations financières du gouvernement du Canada à l'égard des personnes contaminées visées par ce règlement.

Le gouvernement s'est également engagé à consacrer 525 millions de dollars à un programme exhaustif visant à appuyer les traitements à administrer aux patients infectés avant le 1er janvier 1986 et après le 1er juillet 1990 et à soutenir la réglementation de l'approvisionnement du sang, la surveillance, la prévention, le soutien et la recherche. Comme le sait fort bien le sénateur Keon, mais je le précise pour les autres honorables sénateurs, la question soulevée porte sur l'indemnisation et non sur le traitement des victimes de ce groupe que le gouvernement du Canada a financé.

LES RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE—L'OUVERTURE DE LA FRONTIÈRE AUX BOVINS SUR PIED

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Hier, au cours de sa rencontre avec le président Bush, le premier ministre n'aurait pas réussi à faire rouvrir partiellement ou totalement la frontière aux bovins sur pied. De plus en plus d'éleveurs canadiens nous font savoir qu'ils sont dans une situation précaire et tentent l'impossible pour éviter la faillite.

Honorables sénateurs, même en temps normal, les éleveurs n'ont qu'une très faible marge de manoeuvre. Toutefois, avec 10 p. 100 et même, dans certains cas, jusqu'à 12 p. 100 de leurs vaches de réforme qui ne peuvent être vendues sur les marchés étrangers, et avec un marché du boeuf restreint au Canada, les éleveurs sont incapables de liquider une partie importante de leurs opérations.

(1410)

Je le répète, cela pousse certains d'entre eux à la faillite. D'ailleurs, le sénateur Gustafson m'a dit aujourd'hui que les propriétaires d'une grande exploitation se sont avoués vaincus après avoir perdu 16 millions de dollars pour des raisons indépendantes de leur volonté.

[Français]

Au Québec, des producteurs de lait reçoivent 12 ecnts pour chaque livre de bétail, alors qu'ils en recevaient 65 cents pour chaque livre en 2003.

[Traduction]

Les producteurs du Québec sont apparemment tenus en otage par un abattoir.

Nous savons que le président faisait référence au jeune bétail lorsqu'il a clairement parlé, hier, de la possibilité de réouverture de la frontière. Dans ce contexte, que compte faire le gouvernement?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, la déclaration du sénateur St. Germain soulève un certain nombre de questions, auxquelles je vais tenter de répondre brièvement.

Comme le sait le sénateur, la date de réouverture de la frontière américaine est liée au processus juridique américain. Le Département américain de l'agriculture a établi une règle qui permettrait de rouvrir la frontière aux bovins canadiens. La règle a été renvoyée à l'Office of Management and Budget, qui en examinera les répercussions sur l'économie américaine, conformément à la loi américaine. L'Office of Management and Budget a 90 jours pour examiner cette règle. Lorsque ce sera fait, la règle, sur approbation de cette instance, entrera en vigueur dans les 60 jours.

C'est la situation actuelle, qui a été examinée lors des discussions qu'ont eues le premier ministre et le président Bush pendant la rencontre de l'APEC qui s'est tenue à Santiago, au Chili, le 20 novembre dernier, ainsi que pendant leurs entretiens d'hier.

En ce qui a trait aux vaches de réforme au Québec, la difficulté, comme le sénateur le sait certainement, c'est qu'il n'y a qu'une seule usine de transformation de la viande et, en tant qu'entreprise privée, elle est libre d'acheter les vaches de réforme où elle veut.

Jusqu'à maintenant, le gouvernement du Canada a accordé à l'industrie bovine de la province de Québec une aide de 366 millions de dollars dans le cadre de son Programme de gestion des risques de l'entreprise.

L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE

L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE—L'AIDE À L'INDUSTRIE BOVINE

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, le ministre des Affaires étrangères, Pierre Pettigrew, a affirmé il y a quelques jours sur le réseau CTV, avant l'arrivée du président, que ce dernier allait fixer une échéance précise pour le règlement du différend. Le ministre faisait-il de la démagogie? Que faisait-il?

Le président américain n'a annoncé aucune échéance pendant sa visite. Rien n'a été annoncé. Les grands éleveurs sont toujours dans une situation aussi précaire. Qu'entend faire le gouvernement pour atténuer les difficultés engendrées par la question des vaches de réforme? L'aide de 366 millions de dollars accordée au Québec est une bien belle chose, mais elle ne règle pas la situation; les producteurs l'ont répété à de nombreuses reprises à la télévision. Qu'en est-il des producteurs de l'Ouest et de l'Ontario? Ils comptent sûrement, eux aussi. Le ministre a-t-il une réponse en ce qui les concerne?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : L'échéance est bien sûr celle qui est fixée par la loi américaine. Le président des États-Unis ne peut rien y faire. Tous les intervenants dans ce secteur en sont bien conscients. Le président des États-Unis a précisé très clairement qu'il recommande que le processus suive son cours et que rien ne l'entrave, ajoutant qu'il espère qu'on verra bientôt la fin de ce facteur de friction commerciale entre le Canada et les États-Unis.

Honorables sénateurs, il n'est pas nécessaire de se demander si le secteur de l'élevage bovin est en crise, c'est évident. C'est bien connu. Le gouvernement du Canada a fourni une aide de plus de 500 millions de dollars à ce secteur dans le cadre de plusieurs programmes et les provinces ont également fait leur part.

Je crois que le sénateur St. Germain est au courant de la mise sur pied du Programme de retrait des bovins d'abattage dans le cadre duquel des ventes aux enchères sont organisées en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario. Il existe également deux autres programmes, soit le Programme des veaux d'engrais et le Programme de réserve pour pertes sur prêts. Il ne faut pas oublier non plus les efforts qui ont été réalisés en vue d'accroître les marchés d'exportation, y compris l'ouverture du marché de Hong Kong au boeuf canadien, qui a été annoncé hier ou avant-hier.

Le gouvernement du Canada travaille en étroite collaboration avec les producteurs de bovins et les provinces, et le ministère de l'Agriculture suit la situation de près tous les jours.

Le sénateur St. Germain : Honorables sénateurs, je ne dispose pas des mêmes chiffres. L'une des banques a rapporté une perte de 5 milliards de dollars. Le gouvernement fédéral est loin d'avoir consenti 5 milliards de dollars à ce programme.

L'une des propositions soumises au gouvernement au début de la présente année parlait de la création d'un programme ponctuel dans le cadre duquel les grands éleveurs et les exploitants de fermes laitières se verraient offrir 500 $ par tête de bétail pour réduire le nombre de vaches de réforme dans leur troupeau, afin d'assurer la viabilité de leur exploitation d'élevage de bovins. Cela permettrait d'assurer la viabilité de tout le système. Le gouvernement n'a pas accepté cette proposition, et il est évident que les États-Unis et les marchés étrangers n'ouvriront pas leurs marchés. Le ministre a précisé très clairement que l'Office of Management and Budget devait suivre les procédures établies.

Tout d'abord, qu'est-ce que le ministre voulait dire quand il a parlé d'une solution immédiate au cours de l'entrevue au réseau CTV? Deuxièmement, le gouvernement est-il prêt à étudier la proposition mise de l'avant par le député conservateur de Battlefords-Loydminster de verser 500 $ par tête de bétail afin de réduire le nombre de vaches de réforme partout au pays?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, en ce qui concerne la dernière question, je vais me renseigner auprès du ministère de l'Agriculture pour savoir ce qu'il advient de cette proposition en particulier.

Étant donné que mon honorable collègue parle constamment d'une déclaration qui a été faite, je voudrais ajouter que tout le monde sait qu'il y a une procédure judiciaire en cours aux États- Unis. Personne n'a voulu insinuer que le président des États-Unis pouvait abréger la procédure ou influer sur elle de quelque manière que ce soit.

La structure économique du secteur de l'élevage bovin est extrêmement complexe. Je sais que l'honorable sénateur est au courant des plaintes que les éleveurs ont déposées concernant le traitement qui leur a été réservé par les abattoirs et l'aide que le gouvernement de l'Alberta a décidé de fournir aux abattoirs, au lieu de la fournir aux éleveurs eux-mêmes.

Des discussions sont en cours, mais je crois qu'à ce stade-ci, le gouvernement a pris toutes les mesures nécessaires. Nombre d'éleveurs ont fait le pari que la frontière allait être rouverte bien avant aujourd'hui, et en raison de ce choix, il y a de nouveaux stocks âgés de plus de 30 mois.

Il est impossible de prévoir ce qui va arriver dans tout cela. Mais je veux assurer l'honorable sénateur qu'entre-temps, le ministère de l'Agriculture communique chaque jour avec l'industrie, les éleveurs de bovins, l'Association canadienne des éleveurs de bovins et les provinces touchées par ce problème grave.

(1420)

Le sénateur St. Germain : Honorables sénateurs, je crois que l'industrie bovine accepte de plus en plus l'idée du 500 $ la tête. Je crois que l'Alberta a fait une erreur et que l'argent aurait dû aller directement aux éleveurs-naisseurs puisque ce sont eux qui se trouvent au bas de l'échelle. Je suis passé par là et je sais ce qu'il en est. Vous amenez vos bêtes à l'encan, où il se peut qu'il n'y ait qu'un seul acheteur potentiel. Logiquement, le prix de vente est établi par cet acheteur unique. Voilà dans quelle situation les producteurs laitiers du Québec se trouvent à l'heure actuelle. C'est ce qui s'est passé en Colombie-Britannique. J'espère que le ministre fera part de cette proposition au ministre de l'Agriculture. Distribuons l'argent aux gens qui en ont le plus besoin : les producteurs laitiers et les éleveurs-naisseurs de partout au pays. Je crois que l'idée des 500 $ mérite qu'on s'y intéresse. Le ministre pourrait-il la référer aux personnes concernées?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je ferai certainement part de cette proposition au ministre de l'Agriculture. Entre-temps, je sais que le problème sur lequel se penche le gouvernement du Canada est lié en partie à la capacité inadéquate d'abattage et à l'emprise qu'exerce un groupe de conditionneurs — peu nombreux, mais d'une très grande capacité économique — sur une partie essentielle de l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LA LOI DE L'ENGAGEMENT DE JEAN CHRÉTIEN ENVERS L'AFRIQUE—L'ÉTAT DES ENGAGEMENTS

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Avant de la formuler, je souhaite m'associer à la déclaration faite par le sénateur Keon. À l'occasion de la Journée mondiale du sida, je voudrais poser une question au leader du gouvernement au Sénat au sujet de la Loi de l'engagement de Jean Chrétien envers l'Afrique. En mai 2004, ce projet de loi a reçu la sanction royale; il vise à faciliter la livraison de médicaments génériques aux pays pauvres et en développement pour qu'ils combattent des crises sanitaires comme la tuberculose, le paludisme et la pandémie du sida, qui affligent particulièrement les pays d'Afrique. Toutefois, l'adoption de cette loi n'a pas encore eu pour effet que des médicaments soient envoyés en Afrique, où on en a désespérément besoin.

Ma question est la suivante : le gouvernement fédéral peut-il nous dire s'il faudra encore attendre longtemps avant que des médicaments génériques soient réellement envoyés en Afrique, comme on le prévoyait en mai dernier au moment de l'adoption de la loi ?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, lorsque ce projet de loi a été adopté, nous avions grand espoir qu'il serait possible de mettre le programme en place rapidement, mais ce que nous observons, comme Stephen Lewis l'a dit publiquement, c'est un problème interne au sein de ce secteur d'activité, un problème qu'il faut régler.

Le gouvernement lui-même ne peut pas fabriquer ces médicaments. Le gouvernement ne peut passer outre à la protection juridique des brevets qui est accordée au secteur pharmaceutique. En vertu de notre interprétation de la primauté du droit, nous ne sommes pas disposés à abolir ces droits de propriété. Nous avons facilité les négociations et nous découvrons que les questions que nous croyions réglées entre les propriétaires des brevets et le secteur des médicaments génériques sont toujours, dans une mesure importante, en attente d'une solution.

Pour ce qui est de la première partie de la question du sénateur Oliver, je tiens à confirmer dans cette enceinte l'annonce faite aujourd'hui par l'honorable Aileen Carroll, ministre de la Coopération internationale, que l'Agence canadienne de développement international affectera près de 105 millions de dollars à diverses initiatives visant les femmes et les jeunes filles infectées ou touchées par le VIH/sida dans les pays en développement. Je me ferai un plaisir de donner des détails supplémentaires aux honorables sénateurs s'ils le souhaitent.

Le sénateur Oliver : Honorables sénateurs, des groupes qui défendent diverses positions sur cette question, dont le secteur pharmaceutique et des organisations d'aide comme Médecins sans frontières, ont tous fait ressortir des problèmes inhérents à cette loi qui ont empêché que les médicaments parviennent aux Africains à ce jour et qui, peut-être, empêcheront que cela se fasse pendant peut- être longtemps encore.

Industrie Canada dit que le règlement d'application de cette loi n'a pas encore été rédigé. Une fois que cela aura été fait, on espère que la question sera clarifiée. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire quand la rédaction de ce règlement sera terminée et, une fois que cela aura été fait, en quoi il sera plus facile pour les fabricants d'exporter des médicaments vers l'Afrique?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, moi aussi j'ai hâte que ce règlement soit pris. Les problèmes sont liés aux enjeux dont j'ai parlé dans ma réponse à la première question du sénateur. Je serais absolument enchanté d'apporter ce règlement au Sénat et de l'expliquer dès qu'il sera promulgué.

Le sénateur Oliver : Le leader a-t-il une idée du temps qu'il faudra attendre encore?

Le sénateur Austin : Non, mais je me renseignerai.

Son Honneur le Président : La période des questions est presque écoulée, et le nom du sénateur Andreychuk figure sur ma liste. Je dis cela pour que nous puissions entendre le sénateur Prud'homme.

LA LOI DE L'ENGAGEMENT DE JEAN CHRÉTIEN ENVERS L'AFRIQUE—LES PROBLÈMES QUE POSE LA LOI

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser. Si le leader ne peut pas y répondre maintenant, il pourra peut-être le faire par écrit. Quels problèmes l'adoption et la mise en oeuvre de ce projet de loi ont-ils posés et qu'on ne connaissait pas au moment où le Sénat en était saisi?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, lorsque le Sénat était saisi du projet de loi, on estimait que les questions intrasectorielles avaient été réglées, mais, parfois, les questions qu'on croit être réglées ne le sont pas. C'est actuellement le cas en ce qui concerne le règlement dont le sénateur Oliver a parlé.

Honorables sénateurs, je ne veux pas priver le sénateur Prud'homme de la possibilité de poser une question, mais puis-je avoir l'autorisation de répondre oralement à une question que le sénateur Di Nino a posée hier? Il faudrait y répondre avant un certain temps.

Des voix : D'accord.

L'honorable Marcel Prud'homme : Je poserai ma question demain, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président : Pourrais-je proposer au sénateur Austin de l'autoriser à lire la réponse écrite à la question du sénateur Di Nino, mais après avoir entendu le sénateur Prud'homme?

Le sénateur Prud'homme : Honorables sénateurs, je serai heureux d'être agréable au leader en attendant demain pour poser ma question.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LA CHINE ET LE TIBET—LES DÉMARCHES POUR FAIRE COMMUER LA PEINE DE MORT DE TENZIN DELEK RINPOCHE

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur Prud'homme, car la question qui a été soulevée par le sénateur Di Nino est urgente. Il m'a posé une question hier au sujet de la peine de mort qui a été prononcée en Chine dans l'affaire Tenzin Delek. Je voudrais maintenant donner une réponse.

Tenzin Delek est un moine tibétain en attente d'exécution dans la province de Sichuan, en Chine. Selon les nouvelles, son sursis d'exécution expirera le 2 décembre. Le Canada a exprimé de graves doutes quant à l'impartialité de son procès et quant aux circonstances de son arrestation.

Cette affaire remonte à avril 2002, lorsque Lobsang Dhondup et Tenzin Delek Rinpoche, deux moines tibétains très respectés, ont été arrêtés et accusés d'avoir été les instigateurs d'une série d'attentats à la bombe visant l'État dans la province de Sichuan, où ils habitaient.

Au cours du procès, qui a eu lieu le 2 décembre 2002, les garanties procédurales, au sens où nous les entendons, n'ont pas été respectées : l'audience s'est déroulée à huis clos, et les avocats des accusés n'y étaient pas admis. Comme l'a dit le sénateur Di Nino hier, Lobsang Dhondup a été condamné à la peine de mort avec exécution immédiate, et Tenzin Delek a été aussi condamné à la peine de mort, mais son exécution a été suspendue pour deux ans. Le 26 janvier 2003, Lobsang Dhondup a été exécuté après son procès, et la peine de mort prononcée contre Tenzin Delek a été confirmée avec une suspension de deux ans.

(1430)

Notre ambassade à Beijing a saisi de l'affaire le directeur général adjoint au ministère des Affaires étrangères. Nous avons exprimé très fermement notre déception à propos de ces peines et du manque de transparence du processus judiciaire, sans compter nos préoccupations concernant le caractère expéditif des procès, des appels et de l'exécution.

Nous avons aussi coopéré avec la Norvège et la Suède dans un appel interjeté en novembre 2004, il y a à peine trois semaines, au sujet de la peine prononcée contre Tenzin Delek Rinpoche.

Je signale également au Sénat que nous avons soulevé cette affaire à Beijing, au niveau du sous-ministre des Affaires étrangères, M. Peter Harder, et encore une fois, lors d'une rencontre d'une délégation canadienne à Beijing, en octobre 2004, dans le cadre d'un comité bilatéral Canada-Chine appelé le Comité mixte des droits de la personne.

Nous continuons de faire pression dans cette affaire et nous avons, je pense, été aussi énergiques que nous pouvons l'être dans ces circonstances.

Le sénateur Di Nino : Je vous remercie.

[Français]

RÉPONSE DIFFÉRÉE À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer une réponse différée à des questions orales posées au Sénat le 25 novembre 2004 par l'honorable sénateur Andreychuk concernant les menaces d'intervention rwandaise sur le territoire congolais.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LE RWANDA ET LE SOUDAN—L'AIDE ET L'ASSISTANCE

(Réponse aux questions posées au Sénat le 25 novembre 2004 par l'honorable Raynell A. Andreychuk)

Le gouvernement du Canada est préoccupé par les menaces d'intervention rwandaise sur le territoire congolais. Le ministre des Affaires étrangères et nos missions diplomatiques sur le terrain (Kinshasa, Nairobi et Kigali) surveillent de près l'évolution de la situation.

Nous nous inquiétons qu'une intervention militaire du Rwanda en République démocratique du Congo risquerait d'ébranler les importants efforts de stabilisation et de pacification de la région des Grands Lacs africains.

La semaine dernière, en marge du Sommet de la Francophonie tenu à Ouagadougou, le premier ministre Martin a souligné l'important progrès accompli par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs. Le Canada a participé activement au Sommet des Chefs d'État, tenu à Dar-es-Salaam (19-20 novembre), à titre de coprésident du Groupe d'Amis de la région des Grands Lacs.

Le Canada continuera à encourager le Rwanda et la République démocratique du Congo à poursuivre la voie du dialogue et à coopérer ensemble pour respecter leurs engagements envers la poursuite de solutions régionales pacifiques. Notamment, nous les exhortons à coopérer dans le cadre de l'Accord tri-partite et du Mécanisme conjoint de vérification, qui ont été conçus justement pour répondre aux inquiétudes de sécurité le long des frontières communes de ces deux pays.


ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI D'HARMONISATION Nº2 DU DROIT FÉDÉRAL AVEC LE DROIT CIVIL

TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Serge Joyal propose : Que le projet de loi S-10, Loi no 2 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law, soit lu une troisième fois.

Honorables sénateurs, peut-être suis-je trop anxieux de partager avec vous l'importance de ce projet de loi à cette étape de son évolution législative pour vous parler de l'étendue de ce projet de loi à deux points de vue. Le premier, tenant à sa nature même : ce projet de loi vise à harmoniser le droit fédéral avec la common law dans les neuf provinces canadiennes de tradition de common law avec le droit civil du Québec, système en vigueur dans la province de Québec.

Je tenterai de vous présenter ce projet de loi non pas d'une manière simple parce qu'on peut évidemment être confondu par le terme « harmonisation ». L'harmonisation ne signifie pas que l'un des deux systèmes disparaît aux dépens de l'autre ou qu'il y ait un système qui s'impose à l'autre, mais plutôt que les deux systèmes puissent cohabiter simultanément dans la même législation fédérale.

Vous vous souviendrez que, lorsque les Pères de la Confédération ont eu à définir les responsabilités des deux paliers de gouvernement, le gouvernement fédéral canadien et le gouvernement des provinces, à l'article 92.13, ils ont reconnu que tout ce qui concernait la propriété et le droit civil relevait des provinces. En anglais, on disait, dans le texte de la Constitution...

[Traduction]

Le texte disait que tout ce qui concerne la propriété et les droits civils dans la province relevait de la compétence exclusive de la province... il n'était pas question de compétence parallèle ou partagée, mais de compétence exclusive.

[Français]

Qu'est-ce qui s'est passé lors des 137 dernières années? Le droit canadien, le droit fédéral s'est inspiré de la common law. Les lois adoptées dans ce Parlement, dans cette Chambre en particulier, ont été rédigées en faisant exclusivement référence à la tradition de la common law, à la tradition du droit suivi dans les neuf provinces auxquelles je fesais références plus tôt. Dans le cas de la province de Québec, en particulier, puisque le droit civil de la province de Québec est différent; un droit écrit, c'est un code qui correspond à toutes les dispositions et à tous les règlements qui se rattachent au droit privé au Québec. On s'est rendu compte, lorsqu'il fallait appliquer les lois fédérales au Québec, qu'il fallait tenter de les ajuster ou tenter de les mouler au Code civil. On comprend facilement que le génie du système juridique de la common law ne peut pas être transposé tel quel dans un régime de droit civil écrit, qui est originaire d'une autre source juridique. D'où l'importance de tenter, lorsque nous rédigeons et adoptons des lois, comme nous le ferons plus tard avec d'autres lois à l'ordre du jour, de refléter dans le langage législatif le concept des deux traditions juridiques pour que l'on sache très bien de quoi il s'agit lorsque la loi s'applique au Québec, lorsqu'elle fait référence à la propriété et au droit civil au Québec, ou lorsqu'elle est appliquée dans les autres provinces.

[Traduction]

C'est un exercice très important parce qu'il rompt avec une tradition ou une habitude qui consiste à aborder la législation fédérale selon ce que j'appelle une « approche par compartiments », c'est-à-dire une approche où les deux systèmes sont entièrement compartimentés, cloisonnés, et évoluent en fonction de leur bien- fondé ou de leur propre génie.

Que faisons-nous avec les lois fédérales? Nous comprenons le concept sur lequel repose la tradition de la common law. Nous tentons de comprendre le concept sur lequel repose la tradition du droit civil, dans le deuxième compartiment, et nous tentons de trouver un terrain d'entente où réconcilier ces deux concepts, de manière à ce qu'ils soient applicables dans les deux traditions de droit.

En d'autres termes, nous créons une loi fédérale. Les lois fédérales ne visent pas à compartimenter le pays, elles visent à assurer l'existence d'une base commune, d'une loi commune qui a exactement la même interprétation dans la tradition du droit civil et celle de la common law.

C'est ce que j'appelle un système de lois « fédératif ». L'harmonisation est une initiative fédérative lancée par le ministère fédéral de la Justice, processus qui s'est étalé sur les dix dernières années.

Je félicite madame le sénateur Bacon pour ses compétences à titre de présidente du Comité des affaires juridiques, qui a étudié le projet de loi S-10. Le comité a déterminé que cette initiative avait une portée considérable. Si nous sommes prêts à reconnaître l'existence de deux traditions de droit au Canada, le droit civil et la common law, nous devons reconnaître que celles-ci n'ont pas jailli de nulle part. Elles sont apparues au Canada à un moment de notre histoire où il y avait déjà une autre tradition, celle des peuples autochtones. J'attire l'attention des sénateurs sur cette tradition parce qu'il s'agit d'un sujet tout à fait nouveau dans le débat parlementaire et qu'elle fait l'objet d'un tas d'idées préconçues.

Le 18 novembre 2004, la Cour suprême du Canada a rendu une décision très importante et lourde de conséquences en ce qui concerne le statut des peuples autochtones, dans la célèbre affaire Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts). Cet arrêt a des répercussions sur tout le Canada. Six procureurs généraux sont intervenus dans cette affaire, notamment les procureurs généraux de l'Ontario, du Québec, de la Nouvelle- Écosse, de l'Alberta et de la Saskatchewan. Je veux citer le paragraphe 25 de cet arrêt, parce qu'il explique pourquoi le projet de loi dont nous sommes saisis a de nombreuses répercussions.

En bref, les Autochtones du Canada étaient déjà ici à l'arrivée des Européens; ils n'ont jamais été conquis. De nombreuses bandes ont concilié leurs revendications avec la souveraineté de la Couronne en négociant des traités [...] Les droits potentiels visés par ces revendications sont protégés par l'art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. L'honneur de la Couronne commande que ces droits soient déterminés, reconnus et respectés. Pour ce faire, la Couronne doit agir honorablement et négocier. Au cours des négociations, l'honneur de la Couronne peut obliger celle-ci à consulter les Autochtones et, s'il y a lieu, à trouver des accommodements à leurs intérêts.

(1440)

Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que, avant que la tradition civiliste ne s'installe au Canada, les Autochtones avaient déjà adopté un système traditionnel fondé sur le droit coutumier. D'ailleurs, quand le roi George III, dont le portrait orne le foyer du Sénat, a émis sa Proclamation royale, il a clairement dit :

Attendu qu'il est juste, raisonnable et essentiel pour Notre intérêt et la sécurité de Nos colonies de prendre des mesures pour assurer aux nations ou tribus sauvages qui sont en relations avec Nous et qui vivent sous Notre protection, la possession entière et paisible des parties de Nos possessions et territoires qui ont été ni concédées ni achetées et ont été réservées pour ces tribus ou quelques-unes d'entre elles comme territoires de chasse.

Ce paragraphe, tiré de la Proclamation royale du 10 février 1763, est tout aussi pertinent aujourd'hui qu'il l'était en 1763, et régit encore les droits inhérents des peuples autochtones.

[Français]

En français, il y a une expression qui est parfaitement descriptive de cet état de fait : les Autochtones ont le droit à leurs droits.

[Traduction]

Ils ont le droit constitutionnel de réclamer leurs droits, tout autant que nous, francophones — et je suis francophone — avons le droit de réclamer nos droits aux termes du Code civil. Pourquoi? Parce qu'en 1774, ce même roi a été responsable de l'adoption de l'Acte de Québec qui rétablissait le Code civil comme la loi de ce qui était le Bas-Canada. Tout comme, aujourd'hui, je peux réclamer mes droits aux termes du Code civil, les Autochtones peuvent réclamer leurs droits aux termes de la Proclamation royale de 1763 et ce, pour une raison très précise. Je cite à nouveau la décision de la Cour suprême, honorables sénateurs :

En bref, les Autochtones du Canada étaient déjà ici à l'arrivée des Européens; ils n'ont jamais été conquis.

Ils n'ont jamais été conquis. Ils n'ont jamais cédé à quiconque leur mode de vie, leur identité, leur culture, leur langue ou la forme d'organisation de leur société. Le roi l'a reconnu, et le paragraphe 25 est rendu possible en vertu de l'article 35 de la Constitution.

Ainsi, lorsque le ministre de la Justice est venu devant notre comité, présidé par le sénateur Bacon, nous lui avons demandé : nous sommes tous en faveur d'une harmonisation du Code civil et de la common law, mais qu'en est-il des Autochtones? Je voudrais que les honorables sénateurs se reportent au témoignage du ministre de la Justice devant le comité, car il est très important pour l'avenir de nos travaux que nous comprenions la position du ministère de la Justice face à la reconnaissance et à l'inclusion des droits des Autochtones dans la Constitution. Le ministre de la Justice a déclaré ceci :

... je considère que ce n'est pas seulement moi, mais tout le ministère qui s'est engagé à collaborer avec les Autochtones pour cerner et mieux comprendre les traditions juridiques autochtones et essayer de voir comment on peut les harmoniser judicieusement avec notre régime juridique, ce qui va bien au-delà de la question de l'harmonisation.

Il donne trois exemples à cet égard. Il se reporte aux travaux de la Commission de réforme du droit. En 2005, la commission tiendra un important colloque pour essayer de définir les limites de la recherche qui va être faite pour rétablir la base de la reconnaissance du droit traditionnel autochtone, du droit privé, dans notre régime juridique. Cette année, le juriste de la Commission de réforme du droit du Canada est John Burrows, un éminent juriste du droit autochtone.

Le ministre de la Justice a ensuite soulevé ce deuxième point :

Le ministère appuie une expérience novatrice d'éducation juridique à l'École de droit Akitsiraq du Nunavut. C'est la première école de droit autochtone destinée à offrir aux étudiants inuits un enseignement juridique en prise sur la réalité du Nord. On intègre le droit inuit traditionnel à tout le programme d'enseignement juridique en faisant appel à l'expertise des aînés et d'éducateurs locaux du Nunavut et d'autres régions du Nord.

Nous disposons du témoignage du doyen de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, M. Perret, qui nous a dit que l'Université de la Saskatchewan et l'Université d'Ottawa avaient élaboré un programme spécial. Pour souci de précision, je le citerai. M. Perret a appelé ce programme :

[Français]

Un programme de prédroit autochtone.

[Traduction]

J'aimerais le citer :

[Français]

Avec bien sûr la collaboration de juristes de ces régions, de juristes d'origine autochtone, nous avons contribué à former, que ce soit à l'Université de la Saskatchewan ou à l'Université d'Ottawa, avec des programmes prédroit autochtones.

[Traduction]

Honorables sénateurs, cela est une réalité très importante. Ce projet de loi nous donne l'occasion de réfléchir à la question. Je renvoie les sénateurs au commentaire fait par votre comité dans le rapport qu'il a présenté dans cette enceinte la semaine dernière au sujet de la nouvelle étape que nous devrions franchir.

Le rapport du comité déclare que :

Votre comité appuie entièrement les commentaires d'un des experts les plus réputés sur le bijuridisme qui, dans son témoignage au Comité, a affirmé qu'il invitait tout le monde à avoir à l'esprit que le bijuridisme n'est pas limitatif. Selon lui, il s'agit plutôt d'un modèle ouvert, qu'il souhaite voir se transformer en modèle de pluralisme, avec le temps.

C'est là un élément important. Les sénateurs St. Germain et Austin se rappelleront les débats sur le projet de loi nisga'a dans cette enceinte, alors que nous avons reconnu la souveraineté des tribus nisga'as sur leur territoire. En effet, nous avons reconnu leur droit à leurs droits. Nous avons été saisis d'autres projets de loi, y compris le projet de loi du sénateur St. Germain, la semaine dernière, qui présentait un système permettant de tenter d'instaurer une procédure d'autonomie. Si nous reconnaissons le principe de l'autonomie des peuples sur leur territoire, sur leurs terres, nous devons reconnaître que nous avons rétabli leur droit à leurs droits privés.

Il s'agit là d'une initiative d'envergure dont nous devrions nous réjouir. Le processus sera complexe, difficile et très long, mais il permettra de rétablir le droit fondamental des Autochtones à la dignité en tant que premiers habitants de cette terre. Nous devons également prendre l'initiative de leur redonner leur propre langue.

Le sénateur Gill, que je vois ici, est un Innu originaire du Québec. Nous savons tous que, dans cette province, les Hurons qui vivent depuis des siècles à proximité de Québec, par exemple, ne maîtrisent plus leur langue. À l'heure actuelle, il n'y a pas un seul Huron au pays qui peut parler la langue originale de son peuple. Au fil des ans, la langue a disparu.

Nous ne voulons certes pas que les Autochtones perdent leur identité, et dans ce sens, la façon d'organiser leurs relations civiles est aussi importante pour leur identité que ne l'est la maîtrise de leur langue. Autant pour la common law que pour le droit civil, ce projet de loi ouvre la voie à la réconciliation et à la reconnaissance de l'identité des peuples autochtones.

(1450)

Honorables sénateurs, je suis fier d'appuyer ce projet de loi, le deuxième à s'inscrire dans cette voie. Au cours des prochaines années, nous aurons la possibilité de pousser plus loin la démarche dans d'autres secteurs qui doivent être harmonisés, mais dans l'avenir, il faudra élaborer des moyens de renforcer la tradition du droit autochtone comme c'est le cas pour le Code civil et la common law.

L'honorable Charlie Watt : L'honorable sénateur Joyal accepterait- il de répondre à une question?

Le sénateur Joyal : Oui, je serai heureux d'y répondre.

Le sénateur Watt : Honorables sénateurs je tiens à dire que j'appuie fermement l'initiative qui a fait l'objet d'une étude par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Ce comité a examiné les traditions du droit civil et de la common law et a tenté d'harmoniser les deux traditions.

Certains peuvent remettre en question l'idée d'harmonisation, mais je ne pense pas qu'une tradition juridique puisse remplacer l'autre. Je ne pense pas que ce soit le but de l'exercice. Je tiens à être certain de bien comprendre cet aspect.

Honorables sénateurs, il est possible de faire énormément de commentaires au sujet de ce que le sénateur Joyal vient de dire. Il faut aller plus loin que de simplement examiner le droit civil et la common law.

Les Autochtones du Canada ont été oubliés à bien des égards. Il est parfois très ardu pour nous de décrire nos pensées. Je vais faire de mon mieux pour me faire comprendre.

Lorsqu'une personne tourne en rond pendant des années dans une zone grise, elle en arrive à se demander si elle existe vraiment. J'espère que les honorables sénateurs comprennent de quoi je parle. Nombre de nos jeunes dans ce grand pays passent à travers les mailles du filet et se suicident et nous nous demandons pourquoi. La réponse n'est pas si difficile à donner. Le problème c'est qu'aujourd'hui, les jeunes Autochtones n'ont pas une vision claire de leur réalité. Ils n'envisagent pas leur avenir de la même façon que les autres Canadiens. Ils n'ont pas le sentiment d'être dans le même bateau. J'espère que cette institution peut faire changer cette situation. J'essaie toujours d'être optimiste, plutôt que d'envisager la situation sous un jour trop sombre.

Il importe d'examiner comment nous pouvons remédier à ce qui n'a pas été fait dans le passé. Ce ne sera pas facile. Nous pouvons faire un bon bout de chemin en nous reconnaissant, en nous acceptant et en nous respectant les uns les autres. Par la suite, nous pouvons tenter de traduire ces concepts en institutions. Voilà peut- être ce que nous devons faire.

Nous n'avons pas de droit écrit inuit ou indien, mais nous avons une route à suivre, une route qui subit de fortes influences tous les jours. Cela perturbe la vie quotidienne de notre population dans les collectivités distantes. La société de la majorité a parfois tendance à adopter des lois qui font fi de notre mode de vie. J'ai vécu cette situation au cours des vingt dernières années et j'ai essayé de changer cet état de choses. Je sais que je ne m'exprime pas toujours clairement, mais je fais de mon mieux. C'est n'est pas commode parfois, mais c'est comme ça et il faut que nous corrigions les choses. J'essaie d'utiliser le moyen dont je dispose et je continuerai à le faire. Voilà pourquoi j'ai accepté l'offre de devenir sénateur. C'est pour m'approcher du système pour pouvoir exercer une certaine influence. De cette manière, je peux représenter mon peuple.

Vingt années se sont écoulées et je cherche toujours à obtenir la mise en application de l'article 35 de la Constitution. Il existe pourtant une façon d'y parvenir et c'est ce que nous faisons dans une faible mesure au moyen de l'harmonisation du Code civil et de la common law. Voilà une voie que nous pouvons emprunter pour améliorer la vie de la population nordique. La vie de celle-ci ne s'améliore pas du tout et ne s'améliorera pas. Les choses sont ainsi.

Je ne blâme personne pour cette oppression. Nous devons nous concentrer sur le système. Nous oublions parfois que nous ne sommes que des êtres humains et le système finit parfois par diriger nos vies. C'est sur cet aspect qu'il nous faut concentrer notre attention. Ne vous méprenez pas à mon sujet. Je dis que nous devons examiner le système et voir comment nous pouvons l'améliorer.

La common law n'a pas tardé à influer sur notre vie au quotidien. Nous commençons à constater le même phénomène pour ce qui est du droit civil.

Je suis originaire du Québec. Au fil des années, nous avons été en mesure de vivre ensemble avec des gens qui ont un oreiller. Pour moi, le droit civil est une sorte d'oreiller. Il se peut qu'il existe des similitudes entre Inuits et Canadiens français, mais nous semblons avoir une plus grande capacité de réaliser nos destins ensemble.

Je ne puis en dire autant pour ce qui est de la common law. Elle constitue une grave menace à notre survie comme peuple du Nord. Je n'exclus pas le droit civil, qui peut également causer de graves torts à notre peuple à moins qu'on ne s'efforce d'harmoniser les deux traditions.

Ma question est la suivante : comment pouvons-nous continuer sur cette voie après tant d'années?

Le sénateur Joyal : Je serai bref étant donné que le sénateur Watt nous a donné un aperçu complet de ses vues. Sa question n'est pas sans réponse. Il faudra pour y répondre la collaboration des écoles de droit et des juristes de partout au Canada. Le Manitoba, la Saskatchewan et les Maritimes, surtout le Nouveau-Brunswick, ont été en mesure d'établir la common law aussi bien en français qu'en anglais. Nous le devons notamment au Nouveau-Brunswick et à l'Ontario, qui se sont donné la capacité d'exprimer la common law, d'origine britannique, aussi bien en français qu'en anglais, avec la même validité.

Si nous avons réussi à faire l'infaisable en exprimant le Code civil en anglais tout autant qu'en français, et la common law en français tout autant qu'en anglais, alors il y a moyen, j'en suis convaincu, de réaliser les objectifs que propose le sénateur et que je partage absolument. Il y en a une partie qui est perdue.

(1500)

Nous savons comment travaillent les Peuples autochtones traditionnels. Je pense que le sénateur Austin était le parrain du projet de loi C-6, qui établissait un centre de règlement des revendications territoriales, et le sénateur Kinsella a participé au débat. Ce projet de loi prévoyait la création d'un centre de recherche où seraient conservés les documents, les archives et la tradition orale des peuples autochtones afin de faciliter la détermination satisfaisante des droits issus des traités et de toute revendication territoriale subséquente.

Tôt ou tard, nous devrons envisager une proposition semblable. Nous devons certes reconnaître la multiplicité des traditions autochtones. Cela est beaucoup plus facile à faire au Nunavut, où le territoire est bien circonscrit et où la population est regroupée. À l'Akitsiraq Law School, il est plus facile pour le personnel d'aller aux racines de la tradition autochtone et de concevoir un vocabulaire, une terminologie et tous les outils essentiels pour rédiger les lois ou les comprendre. Je suis tout à fait d'accord pour dire que, dans d'autres cas, cela serait difficile à réaliser, mais je ne pense pas que ce soit irréalisable. Nous avons déjà fait au droit civil de tradition française et à la common law anglaise des choses qui semblaient contre nature, mais nous avons pu le faire dans le respect de ces deux importantes langues. Je ne doute pas que nous pourrons, avec un peu de bonne volonté et de bon sens, faire la même chose avec la pratique autochtone.

Les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont fait preuve d'un profond engagement jusqu'à maintenant. Je suis convaincu que, dans toute discussion sur de futurs projets de loi au Sénat — et je sais que des projets de loi nous seront bientôt présentés —, nous examinerons cet aspect de la réalité autochtone. Grâce à la conviction que le sénateur et nous tous partageons, nous pourrons progresser.

[Français]

L'honorable Aurélien Gill : Honorables sénateurs, depuis environ une trentaine d'années, les cours de justice — cours provinciales, cours d'appel et Cour suprême — ont rendu des jugements favorables aux Autochtones concernant les droits aborigènes et les autres. On a vu dans certains jugements que l'application de ces lois semblait en fait complètement perdue une fois que le jugement était rendu.

Je me souviens d'un jugement de la Cour suprême. Je ne me rappelle pas du nom, je pense que c'était la cause Marshall qui s'est tenue dans les Maritimes. À la suite de ce jugement, personne ne savait quoi faire; il y avait un vide. Autrement dit, j'imagine que s'il y a des vacuums suite à des jugements, c'est parce qu'on n'a pas encore accepté de faire des politiques ou de créer des institutions qui pourraient prendre en charge la gestion de la forêt et des Autochtones en général.

On aurait peut-être besoin que le politique s'implique un peu plus et qu'on fasse les choses un peu au préalable. On sait aujourd'hui que les cours de justice se prononcent favorablement sur le droit autochtone. Pensez-vous que nous pourrions prendre les devants ainsi que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et les autres ministères concernés, pour aider les Autochtones à se donner des politiques et des institutions capables de prendre des mesures politiques destinées à gérer les choses?

Le sénateur Joyal : Il m'apparaît que c'est une avenue incontournable si on veut être efficace dans l'atteinte de nos objectifs. Trois exemples me viennent à l'esprit. Prenons le Code criminel : il a reconnu trois éléments de la réalité autochtone d'une manière unique. L'honorable sénateur Milne se souviendra que quand elle présidait le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, nous avons discuté souvent de ces aspects de nos lois.

Nous avons reconnu la justice réparatrice, qui est un concept autochtone. Comme vous le savez, dans les systèmes de tradition non autochtone, la punition est en général la prison alors que dans la communauté autochtone, on préfère que la personne, qui a été victime de l'offense reçoive les services et le soutien de la personne qui a causé l'offense. C'est ce qu'on appelle la justice réparatrice.

Ensuite, il y a ce qu'on appelle le processus de guérison, c'est-à- dire le fait que lorsqu'une personne est victime d'un acte, toute la communauté est responsable de sa condition nouvelle et difficile et des dommages qui ont été causés à cette personne. Donc, il y a une responsabilité communautaire à l'égard de la victime. On commence à peine à redécouvrir ce concept dans nos propres lois.

En plus, le code a reconnu, lorsqu'on doit prononcer une sentence dans le domaine pénal, qu'il faut tenir compte du fait que la personne est un Autochtone. Donc, il y a des circonstances particulières que le juge doit évaluer pour faciliter la réhabilitation de la personne plutôt que la punition, soit l'incarcération pure et simple. Ce sont des éléments que nous avons progressivement intégrés dans le droit pénal. À mon avis, ce sont de très bons exemples où on peut, dans d'autres domaines, reconnaître la réalité autochtone.

Cela ne rend pas la justice moins juste, cela rend le système de justice plus crédible pour les justiciables autochtones. Il me semble, depuis le temps que nous vivons ensemble, les 400 ans que nous partageons ce continent avec les peuples autochtones, que nous avons dans notre passé des éléments de référence, des solutions que nous avons mises de l'avant qui peuvent nous enseigner de quelle manière les lois que nous adoptons ou les décisions prises par des tribunaux peuvent être mises en application en tenant compte de la réalité autochtone.

La difficulté vient du fait qu'à plusieurs égards, à travers les années, nous avons acculturé les populations autochtones, nous les avons privées de leur propre identité culturelle, de leur propre manière de faire les choses. À mon avis, cela ne menace absolument pas la manière de faire des autres communautés au Canada. Encore une fois, il me semble que ces exemples peuvent donner des éléments de solution pour les difficultés que vous décrivez.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je sais que madame le sénateur LeBreton veut prendre la parole pour ajourner le débat, mais j'ai reçu une demande du sénateur Sibbeston qui souhaite intervenir.

Je signale, honorables sénateurs, qu'il s'agit d'un projet de loi pour lequel 45 minutes sont accordées aux deux sénateurs qui prennent la parole en premier. L'idée, c'est que le gouvernement et l'opposition, ou l'inverse s'il s'agit d'un projet de loi de l'opposition, disposent d'une période plus longue pour leur première intervention.

Si le sénateur Sibbeston intervient, est-il entendu, honorables sénateurs, que le premier sénateur de l'opposition qui prendra la parole aura 45 minutes?

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, c'est aussi ce que je comprends. Je remercie Son Honneur de le signaler.

Des voix : D'accord.

L'honorable Nick G. Sibbeston : Honorables sénateurs, je voudrais dire quelques mots. Je n'avais pas l'intention de prendre la parole aujourd'hui, mais il arrive qu'on entende d'autres interventions et que l'inspiration vienne. Elles déclenchent une réflexion et il faut alors un peu de courage pour prendre la parole alors qu'on n'est pas très bien préparé. Quoi qu'il en soit, je voudrais vous faire part aujourd'hui de mes réactions et de mes réflexions.

L'idée du droit autochtone est excellente. Elle est nouvelle dans la société canadienne, mais ceux d'entre nous qui sont Autochtones ou viennent de sociétés autochtones reconnaissent que cela existe.

J'ai eu la chance de devenir avocat. J'ai étudié le common law et j'ai tout appris sur ce droit qui domine au Canada. J'ai fini par essayer de l'utiliser dans ma pratique, mais j'ai aussi passé beaucoup de temps à défendre des prévenus dans le système de justice pénale.

(1510)

Dans le Nord, l'interprétation des lois adoptées par des institutions comme le Parlement posait toujours un problème, parce que ces lois, fondées sur le droit coutumier, ont été conçues pour des non-Autochtones vivant en milieu urbain. Il était toujours difficile de rendre la justice à l'endroit des Autochtones vivant dans des régions reculées. Certains éminents juges, dans le Nord, ont reconnu ce fait et ont tenté, à leur façon, de rendre la justice aux habitants de cette région. L'un de ces juges dont le nom me vient à l'esprit est le juge Sissons, qui a vécu dans les Territoires du Nord- Ouest dans les années 50 et 60. Lorsqu'une personne était accusée, et c'était souvent dans des collectivités reculées, le juge s'y rendait pour interpréter et appliquer la loi de son mieux. C'était souvent une tâche ardue parce que les Autochtones ont des traditions, des usages et des modes de vie bien à eux. Il était parfois difficile de rendre la justice et d'appliquer en même temps certaines lois autochtones. Les Autochtones et les non-Autochtones vivaient en quelque sorte dans deux mondes différents. Mais la loi étant ce qu'elle était, le juge Sissons s'efforçait de l'appliquer. Bien connu des habitants du Nord pour les efforts qu'il déployait, le juge faisait figure de héros parce qu'il s'efforçait de faire valoir le bon sens et de rendre la justice de façon équitable à l'endroit des peuples autochtones du Nord. Une affaire célèbre impliquait un Autochtone qui avait abattu un canard au printemps. Imaginez une personne vivant dans le Nord, où règnent le froid, la glace et la neige la majeure partie de l'année. Les habitants se nourrissent souvent de caribou et de poisson. Le printemps est une merveilleuse saison parce que la température se réchauffe et des volées de canards en provenance du Sud font bientôt leur apparition. Évidemment, les gens ont un réflexe bien naturel : ils abattent ces canards pour s'en nourrir. Quand on a mangé du caribou et du poisson tout l'hiver, on aime bien manger autre chose, et le canard est très appétissant. Inévitablement, un homme tuait un canard et était ensuite accusé d'avoir chassé hors saison.

Il existait un traité entre les États-Unis, le Mexique et le Canada, appelé la Loi sur les oiseaux migrateurs, qui permettait de fixer les périodes de l'année où la chasse au canard était autorisée. Je doute fort que les parties à cette entente aient tenu compte des habitants du Nord lorsqu'elles l'ont signée. L'homme qui avait abattu un canard a été traduit en justice. Bien entendu, tout juge qui appliquait la loi devait le déclarer coupable. Cet exemple illustre bien l'état du droit et montre à quel point il est difficile, voire impossible, en un sens, de rendre la justice en vertu d'une loi qui n'a pas été conçue en fonction des Autochtones.

Lorsque je pratiquais le droit, j'ai eu le bonheur de travailler avec des juges et de défendre des gens. J'ai pu aussi éclairer les tribunaux sur les situations qui pouvaient se produire dans le Nord. Les honorables sénateurs comprendront sans doute que nombre d'infractions étaient commises sous l'effet de l'alcool et que certaines infractions considérées comme mineures dans la culture autochtone étaient considérées comme très graves en vertu du Code criminel et pouvaient justifier des années de prison. Il était toujours difficile d'appliquer les lois du Sud aux gens du Nord.

Plus tard dans ma carrière, j'ai eu l'occasion de travailler comme expert juridique. Le gouvernement considérait désormais qu'en ce qui concerne l'administration de la justice dans les petites collectivités, il valait mieux laisser à des gens de la place le soin de s'occuper des personnes ayant commis des méfaits. Mon travail consistait à établir, dans nombre de petites collectivités, des comités de justice formés d'aînés et d'autres personnes respectables et chargés de s'occuper des incidents qui survenaient. Cette approche était très efficace.

Je me souviens du cas d'un jeune qui avait volé un blouson dans le magasin de la coopérative locale. Selon la procédure normale, un juge de paix aurait passé une ou deux heures à régler la question. Le jeune aurait plaidé coupable et aurait été condamné. C'est une façon irresponsable, froide et rigide de traiter les auteurs d'infraction. Immanquablement, le jeune aurait été accusé, condamné, puis envoyé en prison.

Conformément au système de justice communautaire, le jeune a comparu devant le comité de justice, ce qui, dans un sens, était accablant, embarrassant et émouvant. Une fois que le contrevenant a reconnu son crime, les membres du comité lui ont parlé. Ils lui ont dit ceci : « Tu n'aurais pas dû faire cela, mais tu es foncièrement quelqu'un de bon. Ne refais plus cela. » Dans le cadre d'un tel échange, un jeune pouvait pleurer beaucoup. On peut imaginer qu'il y avait très peu de risques que le jeune récidive parce que la situation était extrêmement embarrassante. Tout le monde dans la localité savait ce qui s'était passé, et que des aînés respectés ainsi que d'autres personnes s'étaient prononcés. Ce mode de justice — l'application des traditions, des usages et des modes de vie locaux — est beaucoup plus efficace.

Le défi pour les Canadiens consiste à respecter et à reconnaître les traditions et les modes de vie qui existent parmi les Autochtones.

Dans les petites localités, notamment, les Autochtones n'ont pas de livres ni de longue histoire de traditions et d'usages écrits, parce que ceux-ci sont transmis oralement et de génération en génération. Lorsqu'on parle de droit autochtone, c'est de cela dont il est question — les usages et traditions que les Autochtones ont transmis de génération en génération. Ils sont intégrés. Ils sont essentiellement fondés sur le bon sens et sur des règles de conduite qui permettent de bien vivre sur la Terre — et ils portent sur le traitement réservé aux êtres humains, aux animaux et à la Terre. Voilà les traditions et usages qui s'appliquent et qui commencent lentement à être reconnus.

Ces dernières années, la Cour suprême a été saisie d'une affaire et a déterminé que les usages et idées autochtones peuvent être reconnus. Elle est même allée jusqu'à admettre la preuve par ouï- dire parce que les idéaux et les principes sont transmis de génération en génération. De toute façon, cela fait partie de l'histoire et de la connaissance du peuple. Il est rassurant de constater que la Cour suprême du Canada peut reconnaître les usages et l'histoire des Autochtones. C'est un pas dans la bonne direction.

Le Sénat se penchera sur l'accord conclu avec le peuple tlicho. Il est touchant de constater que l'accord sur les revendications territoriales comprend une disposition précisant que la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest doit reconnaître la tradition et les usages du peuple tlicho lorsqu'elle rend ses décisions. C'est un pas important. C'est un début. C'est un tout petit pas et une toute petite reconnaissance des lois et des traditions autochtones.

(1520)

Les propos du sénateur Joyal sont inspirants et encourageants. Il dit que, bien que ce projet de loi visant à harmoniser des systèmes de droit concerne la langue et les lois françaises, les lois et les pratiques autochtones pourraient bien être reconnues de la même façon au Canada et, dans certains cas, par nos tribunaux. C'est encourageant.

(Sur la motion du sénateur LeBreton, au nom du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

LA LOI DE 2004 POUR LA MISE EN OEUVRE DE CONVENTIONS FISCALES

TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Mac Harb propose : Que le projet de loi S-17, Loi mettant en oeuvre un accord, des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et le Gabon, l'Irlande, l'Arménie, Oman et l'Azerbaïdjan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, soit lu une troisième fois.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable John Lynch-Staunton : Honorables sénateurs, non je ne suis pas prêt. Je suis déçu de voir que le comité s'est réuni la semaine dernière pour étudier ce projet de loi en l'absence de la seule personne de ce côté-ci qui voulait en parler : moi-même. J'étais en voyage officiel. J'aurais espéré que l'on soit assez courtois pour attendre que je me présente aux audiences du comité, à mon retour, d'autant plus qu'il y a un aspect du projet de loi dont je voulais discuter.

Cela dit, je viens de recevoir la transcription des audiences du comité et j'aimerais en lire des extraits. Après cela, j'aimerais formuler sans tarder certains commentaires appropriés.

Son Honneur le Président : Je lirai d'abord la motion du sénateur Harb et je suppose qu'après cela le sénateur Lynch-Stauton ajournera le débat. Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Le sénateur Harb, avec l'appui du sénateur Lavigne, propose que le projet de loi soit maintenant lu une troisième fois. Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)

LA LOI SUR LA STATISTIQUE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur la statistique.

L'honorable John Lynch-Staunton : Honorables sénateurs, ce doit être à mon tour de me plaindre. Avant de parler du projet de loi, j'aimerais attirer l'attention des honorables sénateurs sur un certain nombre de courriels — près de 200 — que j'ai reçus la semaine dernière pendant que j'étais en mission. Ces courriels font visiblement partie d'une campagne bien organisée d'appui au projet de loi, ce qui, en soit, est parfaitement acceptable. Cependant, ces messages font preuve d'une forme d'hystérie fondée sur des faussetés délibérées qui ne sont pas du tout à l'honneur de certains des plus ardents tenants du projet de loi S-18.

Permettez-moi d'en lire quelques échantillons. Je suis convaincu que les auteurs de ces courriels les ont envoyés en toute bonne foi, alors j'éviterai de les nommer puisqu'ils ont été visiblement induits en erreur.

J'ai reçu le message suivant de Revelstoke :

J'ai appris que vous avez ajourné le débat sur le projet de loi S- 8...

— en parlant évidemment du projet de loi S-18 —

...et je crois comprendre que cela signifie que les choses n'avanceront pas tant que vous ne prenez pas la parole à son sujet, et vous n'avez pas l'intention de le faire tant que le gouvernement ne promet pas de tenir des audiences sur un projet de loi d'intérêt privé que vous n'avez même pas encore présenté.

[Français]

J'ai un autre message, qui vient du Québec.

J'ai aussi appris que vous avez l'intention de retarder votre discours tant que le gouvernement n'aura pas promis de tenir des auditions sur un projet de loi privé que vous avez l'intention vous-même de présenter au Sénat.

[Traduction]

Il y en a un dont j'ignore la provenance, mais comme il s'agit d'un courriel Sympatico, il vient du Canada, bien que certains me soient aussi parvenus des États-Unis.

Veuillez changer votre position au sujet du projet de loi S-18. Le retard que vous proposez est inacceptable pour les généalogistes. Vous proposez d'attendre la fin des audiences sur un projet de loi que le sénateur Stratton n'a même pas encore présenté.

Voici le plus expressif, je crois. Il vient de Calgary :

Le sénateur Lorna Milne, en collaboration avec le ministre Emerson, a présenté le projet de loi S-18 au Sénat où il est resté « coincé » à cause des manigances politiques du sénateur Lynch-Staunton, qui tente, il semble, de promouvoir ses propres intérêts en retenant le projet de loi S-18 en otage tant que son propre projet de loi n'aura pas été entendu. Personne ne semble être au courant du thème son projet de loi.

Eh bien, moi non plus.

Voici les faits. Le sénateur Comeau a pris la parole au sujet de ce projet de loi en sa qualité de porte-parole de l'opposition le 17 novembre. Le débat a ensuite été ajourné avec le consentement unanime des sénateurs. Le lendemain, je suis parti en tant que membre de la délégation officielle du premier ministre en Amérique du Sud et en Afrique, et je suis revenu le dimanche 28 novembre. J'aurais pu prendre la parole hier, mais le Sénat a ajourné à 15 heures en raison de la visite du président Bush. Je n'ai pas volontairement tardé à prendre la parole. Je ne suis au courant d'aucun projet de loi que je chercherais à présenter, et encore moins d'un projet de loi qui serait lié au projet de loi S-18.

Ce qui est déplorable dans cette situation, ce sont les renseignements erronés qui ont été répandus non seulement pour noircir un sénateur, mais, ce qui plus regrettable, pour encourager des personnes bien intentionnées de réagir avec colère et frustration sur la base de faussetés divulguées par ce que j'appellerai, en toute charité, un ou plusieurs esprits tordus. J'espère que les responsables de ce comportement aussi grossier auront au moins la décence de s'excuser auprès de ceux qu'ils ont délibérément trompés.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Lynch-Staunton : Pour revenir au projet de loi, les arguments avancés par le motionnaire du projet de loi S-18 sont aussi impressionnants que les contre-arguments du sénateur Comeau. Personne ne peut nier que les historiens et les généalogistes ont besoin de l'information la plus exhaustive qui soit pour effectuer leurs travaux, et personne ne peut rester indifférent par rapport à certaines dispositions du projet de loi S- 18 relatives au temps et à l'accès aux renseignements classés confidentiels.

On assure constamment aux Canadiens que les renseignements demandés par le gouvernement sont confidentiels et qu'ils le demeureront. Je vais vous citer ce qui apparaissait sur la dernière page du questionnaire complet du dernier recensement. Sous la rubrique « La loi protège les renseignements que vous nous donnez », on peut lire :

La loi protège la confidentialité de votre questionnaire. Tous les employés de Statistique Canada doivent prêter un serment de discrétion. Vos renseignements personnels ne peuvent être fournis à quiconque à l'extérieur de Statistique Canada, pas même à la police, à un autre ministère, ou à aucune autre personne. C'est votre droit.

Votre questionnaire du recensement sera conservé conformément aux exigences de la loi et entreposé de façon sécuritaire. Vous pouvez demander à voir l'information que vous avez fournie à votre sujet dans votre questionnaire du recensement de 2001 après novembre 2001.

Ce débat me rappelle le débat qui avait eu lieu en 1964 lorsque le gouvernement Pearson a instauré le numéro d'assurance sociale, le NAS, et que les Canadiens avaient été assurés que ce numéro ne servirait que pour l'assurance-chômage, comme on disait à l'époque, et pour les régimes de pension du Canada et du Québec.

(1530)

Malgré toutes les assurances qui avaient été données à ce moment- là que le NAS ne serait utilisé qu'à ces fins, on a fini par en étendre l'utilisation aux déclarations de revenus en 1967. En 1976, on a modifié la Loi de l'impôt sur le revenu pour exiger que toute personne désirant demander le rachat d'une obligation d'épargne du Canada fournisse un NAS, donnant ainsi aux banques et autres institutions financières un accès à des renseignements qui devaient être réservés exclusivement à l'usage du gouvernement.

Aujourd'hui, non seulement le recours au NAS est répandu dans divers ministères du gouvernement par suite de nombreuses modifications législatives, mais ce numéro est maintenant devenu un outil essentiel dans le secteur privé, servant à plusieurs fins, telles les vérifications de crédit et l'identification des dossiers des employés. À toutes fins utiles, ce numéro qui devait au départ n'avoir qu'une utilisation très restreinte et confidentielle est maintenant devenu aussi public qu'un numéro de téléphone. Ceux qui sont d'avis que la protection de la vie privée devrait être sacrée ne peuvent que déplorer l'évolution du recours au NAS au cours des 40 dernières années. Chat échaudé craint l'eau froide. Qui peut garantir aujourd'hui que les dispositions relatives aux 92 et aux 112 ans que l'on trouve dans le projet de loi S-18 ne seront jamais modifiées? Qui peut garantir que ceux qui ne consentiront pas au cours des prochains recensements à ce que leurs renseignements personnels soient communiqués verront leur décision respectée à jamais? À cela, la seule réponse possible est « personne » puisque les parlementaires de demain ne seront pas liés par les décisions de leurs prédécesseurs, aussi bonnes soient leurs intentions, comme ce fut le cas avec l'attribution du numéro d'assurance sociale.

Pour conclure, j'espère que ce dilemme qui nous pousse à choisir entre le respect des besoins des historiens et des généalogistes et un engagement à l'égard de la protection de la vie privée pourra être résolu au cours des audiences du comité qui donneront à tous les partis l'occasion de se faire entendre avant qu'une décision finale soit prise. Pour ma part, je vais tenter d'ici là de faire preuve d'ouverture d'esprit, bien que je doive admettre à ce point — ci que les arguments du sénateur Comeau me semblent très persuasifs.

L'honorable Lorna Milne : Je tiens à m'excuser très sincèrement auprès du sénateur Lynch-Staunton si quelque information erronée que ce soit était transmise en mon nom. Je voudrais également corriger une impression qu'il peut avoir donnée à certains sénateurs à l'égard de la règle de 112 ans qui ne se trouve plus dans le projet de loi.

Le sénateur Lynch-Staunton : J'accepte cette correction et les excuses. J'espère que, si je transmets à madame le sénateur Milne tous les courriels contenant des remarques insultantes que j'ai reçus à ce sujet, elle informera tous ceux qui m'ont écrit de la mise au point et des excuses qu'elle a présentées.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Plamondon, appuyée par l'honorable sénateur Ringuette, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-19, Loi modifiant le Code criminel (taux d'intérêt criminel). —(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, comme je sais qu'il se fait tard et que les sénateurs veulent partir d'ici 16 heures, je serai bref.

Je suis heureux de prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-19, qui a été présenté par madame le sénateur Plamondon. Je désire traiter de ce projet de loi en particulier parce qu'il a été présenté par un sénateur remarquable. Il est la quintessence de toute une vie consacrée à la protection des droits des consommateurs.

Pour situer le projet de loi S-19 dans son contexte, je dois exposer brièvement quelques-uns des faits marquants de la vie du sénateur Plamondon qui ont mené à ce projet de loi qui fera date. Madame le sénateur Plamondon défend activement les droits des consommateurs depuis plus de 45 ans. Elle a oeuvré principalement dans le domaine de la protection du consommateur, notamment dans les secteurs des services financiers, de l'énergie, de la protection de la vie privée et des droits des consommateurs. Son travail a été axé surtout sur la défense des personnes défavorisées, des femmes et des personnes âgées. Depuis 1974, elle dirige une organisation d'aide aux consommateurs qu'elle a fondée.

Elle a été membre du conseil d'administration du Centre du Réseau de conciliation du secteur financier, du Bureau des services financiers du Québec et de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, ainsi que de plusieurs autres comités.

Depuis 1985, le sénateur Plamondon a publié plusieurs études sur les achats par Internet, le commerce électronique, la dette des étudiants, la banque à domicile, la confidentialité des renseignements et les services associés aux institutions de prêt.

En 2000, elle a reçu le Prix de la justice du Québec pour avoir contribué à la défense des droits et des intérêts des consommateurs pendant plus de quatre décennies. En 2003, madame le sénateur Plamondon a mérité l'Ordre national du Québec. Par conséquent, les honorables sénateurs peuvent comprendre pourquoi elle a présenté le projet de loi S-19, qui témoigne parfaitement de toute une vie consacrée à la protection des droits des consommateurs.

Le projet de loi vise à modifier le Code criminel du Canada afin de changer le taux d'intérêt criminel fixé à l'article 347 et à inclure, dans le calcul du taux d'intérêt, les frais assumés par l'emprunteur pour souscrire à une police d'assurance. Le projet de loi a donc deux objectifs. Le premier consiste à modifier le taux d'intérêt criminel indiqué à l'article 347, pour le ramener de 60 à 35 p. 100. Le deuxième est de modifier la définition d'intérêt donnée au paragraphe 347(2) du Code criminel.

Selon l'article 347, le taux d'intérêt criminel désigne tout taux d'intérêt annuel effectif, appliqué au capital prêté et calculé conformément aux règles et pratiques actuarielles généralement admises, qui dépasse soixante pour cent sur le capital prêté dans le cadre d'une convention ou d'une entente entre le prêteur et l'emprunteur. En ce moment, le taux criminel, le taux annuel d'intérêt sur le capital prêté, est de 60 p. 100. Le projet de loi du sénateur Plamondon propose que ce taux soit abaissé de manière à ne pas dépasser 35 p. 100, conformément au taux cible du financement à un jour que fixe et publie la Banque du Canada.

En d'autres termes, il est proposé que le taux d'intérêt applicable à tout capital prêté, sous forme de sommes d'argent ou de la valeur pécuniaire globale de tous biens, services ou prestations effectivement prêtés ou qui doivent l'être dans le cadre d'une convention ou d'une entente, ne puisse pas être supérieur à 35 p. 100.

À l'heure actuelle, il a une grande différence et un gros décalage entre le taux d'intérêt de la Banque du Canada et le taux d'intérêt criminel. Celui de la Banque est de 2,50 p. 100 environ et le taux d'intérêt criminel est de 60 p. 100.

En 1981, lorsque le législateur fédéral a modifié pour la première fois l'article 347, l'ancien article 305.1, du Code criminel afin de fixer le taux d'intérêt criminel à 60 p. 100, le taux d'intérêt de la Banque du Canada était de 21,3 p. 100. Aujourd'hui, en 2004, le taux de la Banque du Canada est de 2,5, mais le taux d'intérêt criminel est toujours de 60 p. 100. Honorables sénateurs, nous avons besoin de règles correspondant au contexte financier actuel.

Madame le sénateur Plamondon a proposé, avec le projet de loi S- 19, d'établir la marge entre le taux de la Banque du Canada et le montant maximum d'intérêts que pourraient exiger les prêteurs. Elle a proposé de modifier le taux d'intérêt criminel au Canada de sorte qu'une marge de 35 p. 100, au lieu de 60 p. 100, soit établie entre le taux d'intérêt de la Banque du Canada et le taux d'intérêt criminel.

Malheureusement, de nombreux Canadiens ne sont pas en mesure d'emprunter des fonds de nos grandes institutions financières, banques et autres compagnies aux taux privilégiés réguliers. De nombreux Canadiens doivent se tourner vers d'autres institutions financières ou organismes prêteurs, faisant partie, en quelque sorte, d'un secteur financier parallèle.

Comme ces entreprises prennent des risques plus élevés en accordant des prêts — et comme il semble justifié d'imposer un taux plus élevé si on prend de plus grands risques — leurs taux d'intérêt seraient, en général, plus élevés que ceux des banques traditionnelles. Après avoir analysé en profondeur ce domaine d'activité, le sénateur Plamondon croit qu'un taux criminel de 35 p. 100 permettrait quand même aux prêteurs d'afficher des profits raisonnables.

Les honorables sénateurs se demandent peut-être à combien s'élève le taux criminel dans les autres pays. Le taux au Canada est considérablement supérieur au taux en vigueur dans la plupart des pays. En Californie, par exemple, le taux d'intérêt des prêts personnels ne doit pas dépasser 10 p. 100; en Floride, le taux est de 18 p. 100; au Texas, il varie entre 18 et 28 p. 100; à New York, il s'établit à 25 p. 100. Par rapport aux taux en vigueur en Europe, celui du Canada se démarque nettement. Le taux s'élève à 20 p. 100 en France, à 19 p. 100 en Italie et à 17,4 p. 100 en Allemagne.

En terminant, honorables sénateurs, je pense que le projet de loi S-19 que parraine madame le sénateur Plamondon vise à aider les consommateurs canadiens, qu'il est très intéressant et qu'il devrait être renvoyé au comité afin que des témoins experts puissent venir nous dire si des améliorations s'imposent. Ensuite, le projet de loi pourrait revenir au Sénat pour l'étape de la troisième lecture.

(1540)

[Français]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, si l'honorable sénateur Plamondon prend la parole maintenant, son discours terminera le débat sur la motion tendant à la deuxième lecture de ce projet de loi.

[Traduction]

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Il y a d'autres sénateurs qui veulent intervenir dans le débat et je me demandais si le sénateur Plamondon leur permettrait de le faire. Certains d'entre eux sont absents, ce qu'ils ne pouvaient éviter, mais ils désirent contribuer au débat. J'allais proposer l'ajournement du débat pour leur en donner la possibilité.

L'honorable Madeleine Plamondon : J'accepterais cette proposition, tant que ce n'est pas une manœuvre dilatoire car je n'ai pas présenté le projet de loi à des seules fins d'information. Je veux qu'il franchisse l'étape de la troisième lecture et qu'il soit envoyé à la Chambre des communes.

Le sénateur Rompkey : Je vous donne mon assurance. Ce n'est pas une manoeuvre dilatoire. L'un des sénateurs qui veut intervenir est absent en raison d'un problème familial qui demande son attention. Ce sénateur a l'intention de commenter le projet de loi le plus tôt possible. C'est pour cette raison que j'aimerais proposer l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président : Je considère cette intervention comme un échange ayant eu lieu pendant la période réservée aux observations ou aux questions prévue après l'intervention du sénateur Oliver.

J'ai entendu dire effectivement que d'autres sénateurs désiraient intervenir. Il est prévu que cela puisse se faire. Je comprends les craintes du sénateur Plamondon et j'espère que le sénateur Rompkey les aura dissipées.

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI ANTI-POURRIEL

DEUXIÈME LECTURE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Deuxième lecture du projet de loi S-15, Loi visant à empêcher la diffusion sur l'Internet de messages non sollicités.—(L'honorable sénateur Oliver).

L'honorable Donald H. Oliver : Avant de proposer la deuxième lecture du projet de loi S-15, j'aimerais prévenir les sénateurs que, ce vendredi, j'ai été invité à assister et à prendre la parole à une conférence importante de personnes concernées par le problème du pourriel. Ces personnes analyseront le projet de loi et discuteront des façons dont le Canada devrait s'attaquer à ce problème.

Je sais que le délai de 15 jours pour débattre du projet de loi expirera bientôt. Je voulais prendre la parole aujourd'hui pour dire ces quelques mots afin d'avoir un peu plus de temps pour composer mon intervention finale après la rencontre du groupe de travail ce vendredi.

Son Honneur le Président : Voulez-vous proposer votre motion aujourd'hui, sénateur Oliver?

Le sénateur Oliver : Non, je voulais tout simplement proposer l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président : L'article est donc reporté.

(Le débat est reporté.)

LA LOI SUR LES TRANSPORTS AU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Wilfred P. Moore propose : Que le projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada (droits de circulation pour le transport du grain), soit lu une deuxième fois.—(L'honorable sénateur Banks).

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada en ce qui concerne le transport du grain par voie ferrée.

Le projet de loi S-6 repose sur le fait que, actuellement, il n'y a aucune concurrence réelle dans le domaine du transport du grain sur les lignes principales de nos deux grandes compagnies ferroviaires. Cela veut dire que les producteurs et expéditeurs de grain ne profitent pas des avantages qu'offrirait un marché du transport concurrentiel et normalisé relativement aux coûts du transport du grain des champs à sa destination finale. Les provinces de l'Ouest le savent très bien; la Commission canadienne du blé le sait très bien; et, plus important encore, les agriculteurs et expéditeurs le savent très bien.

Honorables sénateurs, le projet de loi dont nous sommes saisis a pour objectif de rectifier ce déséquilibre du marché et de moderniser le transport du grain par voie ferrée.

L'auteur du projet de loi S-6, le sénateur Banks, travaille avec le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense cette semaine, et n'est pas à Ottawa. Il s'attend à recevoir, dans les prochains jours, deux éléments d'information pertinents à l'égard de l'argument qu'il soutient à ce sujet. Par conséquent, je propose l'ajournement du débat au nom du sénateur Banks, et je demande, avec la permission du Sénat, qu'il puisse disposer du temps qui reste aux fins du débat en deuxième lecture.

Son Honneur le Président : Je vais mettre la motion aux voix, mais avant de le faire, je signale que l'honorable sénateur n'a qu'à prendre la parole pour disposer de ses 45 minutes.

Est-ce d'accord pour qu'il en soit ainsi, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Moore, au nom du sénateur Banks, le débat est ajourné.)

[Français]

LE COMITÉ DE SÉLECTION

ADOPTION DU TROISIÈME RAPPORT DU COMITÉ

Étude du troisième rapport du Comité de sélection (changement à la composition du Comité des langues officielles), présenté au Sénat le 30 novembre 2004.—(L'honorable sénateur Losier-Cool).

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool propose : Que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

LE SÉNAT

LE RÈGLEMENT DU SÉNAT—MOTION VISANT À MODIFIER L'ARTICLE 135 DU RÈGLEMENT—SERMENT D'ALLÉGEANCE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lavigne, appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, C.P.,

Que le Règlement du Sénat soit modifié par adjonction après l'article 135 de ce qui suit :

135.1 Chaque sénateur doit, après leur entrée en fonction, prêter et souscrire un serment d'allégeance au Canada ci-après, devant la présidence ou une personne autorisée à faire prêter serment :

Moi, (prénom et nom du sénateur), je jure (j'affirme solennellement) que je serai fidèle et porterai sincère allégeance au Canada.—(L'honorable sénateur Rompkey, C.P.).

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour appuyer la motion du sénateur Lavigne au sujet du serment d'allégeance au Canada que doivent prêter les sénateurs à notre pays, en plus de leur serment à la reine.

Comment expliquer ma position? En vérité, c'est très simple, à mes yeux. À titre de sénateur, je sers la population du Canada, plus particulièrement les citoyens de la province du Manitoba. Je prends très au sérieux mes obligations constitutionnelles de préserver les droits des minorités, parce que c'est dans cette protection que, à mon avis, nous touchons à la nature même du Canada. Trop souvent, au Canada et dans d'autres démocraties, nous parlons de démocratie, mais aussi, souvent, je regrette de le dire, nous confondons démocratie et gouvernement de la majorité. En réalité, dans son essence même, la démocratie existe uniquement lorsque les droits des minorités sont protégées.

J'ai vécu aux États-Unis pendant trois années, une comme étudiante de troisième cycle et deux, comme enseignante. Chaque jour, j'ai observé les étudiants prêter serment d'allégeance à leur pays. Ils le faisaient avec grand sérieux. En fait, j'ai dû aller dans une école privée pour faire mon stage d'enseignement puis pour enseigner à plein temps parce que je ne voulais pas prêter allégeance aux États-Unis. Je savais que je ne renoncerais jamais à ma citoyenneté canadienne et que je reviendrais au Canada.

Néanmoins, j'ai admiré leur attachement à leur pays et à leur histoire. Il s'est agi d'années difficiles pour les États-Unis. J'y ai séjourné au moment de la crise des missiles cubains, de l'assassinat du président Kennedy et de la marche à Washington, où je me suis trouvée pour entendre Martin Luther King affirmer qu'il avait un rêve.

Je me suis rendu compte que moi aussi j'avais un rêve. Je voulais revenir au Canada, ma patrie, un pays dont j'admirais et je respectais profondément les valeurs et la mentalité, un pays où je serais fière d'enseigner à ses enfants, un pays qu'il me ferait honneur de servir, un pays dont l'hymne national me tire encore des larmes. Et pourtant, je n'ai jamais prêté allégeance à ce pays auquel je suis si profondément attachée. Prêter allégeance au Canada me procurerait une grande fierté, je serais heureuse d'avoir l'occasion de le faire.

(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 2 décembre 2004, à 13 h 30.)


Haut de page