Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 54
Le mardi 3 mai 2005
L'honorable Daniel Hays, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- La Loi sur la faillite et l'insolvabilité
- Projet de loi sur la stratégie nationale contre le cancer
- Langues officielles
- Peuples autochtones
- Les travaux du Sénat
- L'étude du développement et de la commercialisation de produits agricoles, agroalimentaires et forestiers à valeur ajoutée
- Règlement, procédure et droits du Parlement
- La décentralisation des ministères, organismes gouvernementaux et sociétés d'État fédéraux
- Le Sénat
- La reconstruction de l'Asie du Sud-Est après le tsunami
LE SÉNAT
Le mardi 3 mai 2005
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
LA JOURNÉE DU LIVRE AU CANADA
L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, au cours des dix dernières années, j'ai attiré l'attention du Sénat sur une occasion spéciale que nous n'avons malheureusement pas soulignée cette année, en raison d'autres questions importantes qui ont surgi avant notre dernier congé.
Le 23 avril était la Journée du livre au Canada, une journée visant à célébrer quatre objectifs dans tout le pays : premièrement, le rôle majeur de la littérature dans le passé, le présent et l'avenir du Canada; deuxièmement, l'importance de la lecture chez nos jeunes, particulièrement dans nos écoles; troisièmement, le succès que remportent la littérature canadienne et nos héros sur la scène internationale; et quatrièmement, la promotion des livres canadiens et de leurs auteurs. Cette journée vise également à souligner l'importance cruciale de l'alphabétisme et de l'éducation permanente, sans quoi la Journée du livre au Canada serait certes une triste journée.
Le slogan de cette journée demeure « Donne un livre à un ami ». Un de mes grands amis nous quittera sous peu. Pendant de nombreuses années, le sénateur John Lynch-Staunton et moi avons travaillé ensemble comme sénateurs et comme leaders, dans des partis différents, mais nous avons réussi à nous entendre sur cette question et sur bien d'autres. Aujourd'hui, j'ai trois livres à offrir à ce grand ami.
Bien que notre collègue soit originaire des Cantons de l'Est, au Québec, une partie du clan Lynch-Staunton élève du bétail dans une magnifique région du Canada située au pied des Rocheuses, près de Pincher Creek, dans le sud-ouest de l'Alberta, où le vent souffle et les troupeaux paissent. Une des grandes figures littéraires de notre pays est un véritable homme des montagnes, un propriétaire de ranch, un conteur, un écrivain, le grand Andy Russell. Un des livres que j'offre aujourd'hui à mon ami s'intitule Wild Country — the best of Andy Russell.
Le suivant s'intitule The Red Coats of the Prairies. Il s'agit d'un ouvrage remarquable qui raconte la vie de la Police à cheval du Nord-Ouest , de 1998 à 1900. Il a été rédigé par Bill Beahan et Stan Horrall, qui se sont succédé au poste d'historien de la Gendarmerie royale du Canada au cours des 35e dernières années. Impossible de trouver récit plus véridique.
Le dernier présent n'est peut-être pas ce que préfère lire mon collègue. Il s'agit d'un livre publié par Nancy Southam et rédigé par des collègues, des confrères et des amis d'un personnage assez intéressant de l'histoire moderne du Canada. Le titre est simplement Pierre. Puisque le sénateur Lynch-Staunton a ajouté à ma collection un amusant compte rendu du début de la présidence de George W. Bush, je voulais ajouter à sa bibliothèque ce livre sur l'ancien premier ministre, qui a été mon ami et mon employeur pendant tant d'années.
En toute sincérité, sénateur Lynch-Staunton, vous allez me manquer. C'est un jour de l'année dont on se souviendra toujours, où que l'on soit.
L'honorable John Lynch-Staunton : Honorables sénateurs, je ne suis pas encore prêt à entendre un discours d'adieu. Bien que mon expérience diffère de celle de madame le sénateur Fairbairn, je sais le travail extraordinaire qu'elle accomplit en matière d'alphabétisation au Canada, sujet qui préoccupe trop peu d'entre nous. Heureusement, il y a assez de gens comme elle pour attirer notre attention sur la question et pour livrer un excellent combat.
J'apprécie la considération du sénateur Fairbairn et j'ai eu un peu de mal à trouver quelque chose à lui offrir en retour, mais, grâce au sénateur Kinsella, je pense avoir déniché un livre approprié. La publication n'est pas récente. Le livre a été publié en novembre 1987 par ce qui était alors le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme. Je pense que le Conseil était sur la bonne voie, à preuve madame le sénateur Fairbairn, qui est très active au Sénat, où elle a été leader du gouvernement et a présidé plusieurs comités, et d'ailleurs elle en préside deux aujourd'hui, dont le Comité de l'agriculture. Ce livre est approprié parce qu'il rappelle l'histoire des agricultrices au Canada, ces femmes méconnues qui participent aux travaux de la ferme. Il s'intitule : Place aux femmes dans l'agriculture. On trouvera certainement le nom du sénateur Fairbairn dans la deuxième édition.
Sénateur Fairbairn, je vous remets ce livre avec toute mon affection et mon respect.
LA CHARTE DES DROITS ET LIBERTÉS
LE 20E ANNIVERSAIRE DE LA PROCLAMATION DE L'ARTICLE 15
L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, avril cette année marquait le 20e anniversaire de l'entrée en vigueur de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit les droits à l'égalité. L'article 15 a été mis en vigueur trois ans après l'adoption de la Charte même, en 1982. Ce retard devait donner au gouvernement fédéral et aux provinces le temps nécessaire pour adapter leurs lois au contenu de l'article 15. Il convient aujourd'hui de réfléchir à l'effet que cet article 15 a eu sur la vie des Canadiens.
Il n'existe dans la législation sur les droits de la personne au Canada aucune disposition législative équivalente ou analogue à l'article 15 pour garantir les droits à l'égalité. Le contenu de l'article 15 ne se trouve pas non plus dans la législation européenne sur les droits de la personne ni dans la Déclaration américaine des droits.
Le comité spécial qui a étudié l'ébauche de la Charte en 1981, comité dont j'assumais la coprésidence à l'époque avec le regretté sénateur Harry Hays, a contribué de manière importante à l'élaboration de l'article 15 en élargissant la portée de la protection qu'il confère. Le comité a proposé des amendements majeurs à l'ébauche originale. Il en est ressorti un article 15 accompagné d'une définition des droits à l'égalité qui, à trois égards, est unique à la Charte canadienne. Premièrement, les droits sont conférés à chaque individu — autrement dit, à tout être humain, par opposition aux droits limités aux personnes ayant la citoyenneté canadienne; deuxièmement, non seulement la loi s'applique également à tous, mais tous ont droit au même bénéfice de la loi; et troisièmement, les motifs de discrimination interdits qui sont énumérés à l'article 15 ont surtout une valeur indicative. Ils ne se veulent absolument pas exclusifs.
Lors des audiences du comité spécial, certains députés ont exprimé le souhait d'ajouter d'autres éléments à la liste des motifs de discrimination interdits. Ainsi, David Crombie, député du Parti progressiste-conservateur, a ajouté à cette liste les déficiences mentales ou physiques. Svend Robinson, député néo-démocrate, a proposé l'ajout de quatre autres motifs, dont l'orientation sexuelle; j'ai moi aussi appuyé cette position.
(1410)
Il s'en est suivi un débat au cours duquel les membres du comité ont dit vouloir s'assurer que la portée de l'article 15 soit la plus vaste possible pour protéger adéquatement toutes les minorités. Finalement, un argument a prévalu et il a permis au comité de trouver la meilleure solution pour relever le défi auquel il faisait face. Nous avons conclu qu'il serait présomptueux et trop risqué d'essayer d'énumérer de manière exhaustive toutes les protections conférées. Étant donné qu'une société est inévitablement appelée à évoluer, des motifs de discrimination qui sont acceptables à un moment finissent souvent par ne plus l'être ultérieurement. L'idée qui est ressortie de tout cela, c'est que la liste des motifs de discrimination interdits devrait servir de guide, de manière à pouvoir changer et s'enrichir avec le temps. En ajoutant le mot « notamment », on a ainsi permis une interprétation dynamique de l'article 15, une interprétation susceptible d'évoluer.
C'est exactement ainsi que les tribunaux ont compris et interprété l'article 15. Depuis 1985, 46 affaires différentes ont fait l'objet d'appels interjetés auprès de la Cour suprême. La Cour a accepté d'en examiner onze. Parmi les décisions les plus importantes, il y a lieu de mentionner des cas concernant l'exclusion de non-citoyens de la protection de la loi, l'accès discriminatoire aux prestations de chômage fondé sur l'âge, l'utilisation de la situation matrimoniale en matière d'assurance, les pratiques discriminatoires fondées sur l'orientation sexuelle et l'exclusion des Autochtones hors réserve de la participation à la gouvernance des bandes.
Je dois maintenant mettre un terme à cette déclaration.
LE DÉCÈS DE CHRISTINA MCCALL
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, je voudrais rendre hommage à la défunte Christina McCall.
Si j'avais eu un saint favori, ce serait l'apôtre saint Thomas, l'éternel sceptique qui a contesté la sagesse conventionnelle de ses pairs et s'est posé des questions sur la nature même de la condition humaine.
Pour moi, aucun autre lieu que l'église anglicane Saint Thomas, au coeur du vieux Toronto, n'aurait pu mieux convenir pour le service funèbre de Christina McCall car, comme tous les grands journalistes, c'était une sceptique pleine d'imagination.
Comme des chandelles, les grands écrivains éclairent l'obscurité entourant la condition humaine. L'art de l'écrivain consiste à réunir des éléments disparates pour en faire une histoire vivante et authentique, à donner un sens à ce qui n'en a apparemment pas. C'est ce qu'a fait Christina McCall.
Pour ceux qui vénèrent l'écrit, Christina était elle-même un trésor. Belle à couper le souffle, elle évoluait avec une grâce infinie dans son rôle d'élégante dame de Rosedale. Pourtant, sous ce masque d'élégance s'abritait une femme de lettres vulnérable, agitée, énergique, perspicace et brillante. Elle avait une voix profonde et veloutée et des yeux noirs mélancoliques. Christina pesait ses mots, qu'elle prononçait avec calme et lenteur. Il était toujours difficile de se concentrer sur le sujet discuté à cause de son charme débordant. Hommes et femmes l'admiraient, car elle ravissait et enchantait tous ceux qui venaient à la connaître. Ma mère m'avait appris qu'une dame portait un chapeau et des gants. C'était le cas de Christina. Elle était aussi bonne écrivaine qu'elle était belle femme. À cause de ses propres expériences personnelles complexes, elles pouvaient interpréter les passions et les contradictions complexes du monde politique. Pour elle, il n'y a jamais eu un plafond de verre.
Christina a été l'une des grandes chroniqueuses politiques de son temps. Elle était l'égale de Bruce Hutchison, Bill Wilson, Pierre Berton, Blair Fraser, Charles Lynch, Doug Fisher, Peter Worthington, Geoff Stevens, Tony Westell, Richard Gwyn, Jeffrey Simpson, Lawrence Martin et de son mari de quelque temps Peter Newman. À certains moments, elle les a tous éclipsés avec sa prose lumineuse et son exquise perspicacité.
Comme écrivaine et journaliste, elle préparait toujours son travail d'une façon méticuleuse. Elle arrivait toujours prête, avec ses recherches et ses notes. Elle s'interrompait un moment pour relire ses notes, puis repartait à la charge. Christina parvenait toujours à l'essentiel avec des questions aussi douces que pointues, touchant le coeur de tout sujet qu'elle avait examiné sous le prisme de son microscope personnel.
Elle était le modèle même du journaliste et de l'écrivain, un modèle que bien peu pourront jamais égaler. Même si elle racontait les manies et les échecs des politiciens, elle n'a jamais au grand jamais cherché à ternir leurs nobles visées.
Pour reprendre sa métaphore concernant Pierre Trudeau, sa beauté et son éclat « nous hantent toujours ». Avec son décès, l'anatomie politique encore mal définie de notre pays est plus sombre et plus imprécise parce que nous sommes prématurément privés de sa grande lumière.
À ses trois merveilleuses filles ainsi qu'à son mari, Stephen, je veux dire que nous ne pouvons qu'assumer une part de leur peine et des merveilleux souvenirs qu'elle a laissés. Ses propres mots perpétueront à jamais sa mémoire.
Christina.
Travail bien fait!
Batailles gagnées!
Maitenant, reposez en paix.
LA SEMAINE NATIONALE DES SOINS PALLIATIFS
L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, la Semaine nationale des soins palliatifs a commencé dimanche par des marches organisées à une centaine d'endroits, partout dans le pays. C'est la troisième année de la Marche des soins palliatifs. La première année, j'ai marché sous la pluie à Winnipeg. La deuxième année, j'ai marché sous la pluie à Ottawa. Dimanche, j'ai marché à Halifax sous une pluie battante. C'est peut-être moi qui apporte la pluie aux milliers de Canadiens qui délaissent leurs activités habituelles pour marcher en faveur d'une cause qui revêt pour eux une si grande importance.
La nécessité d'offrir des soins de qualité aux personnes en fin de vie est une question qui touche tous les Canadiens, dans toutes les régions du pays. Beaucoup essaient en vain d'obtenir les services dont ils ont besoin, mais le fait est que 80 p. 100 des Canadiens qui se meurent n'obtiennent toujours pas les services qu'ils méritent et dont ils ont besoin. La situation s'améliore, mais il reste beaucoup à faire.
Je voudrais remercier notre Président pour le petit-déjeuner qu'il a organisé lundi, ainsi que les sénateurs Mercer et Trenholme Counsell, qui se sont joints à nous. Ensemble, honorables sénateurs, nous pouvons faire une différence et améliorer le sort des mourants et de leurs familles.
[Français]
LA DÉFENSE NATIONALE
OPÉRATION ATHÉNA—LA CÉRÉMONIE DE REMISE DES MÉDAILLES AUX SOLDATS AYANT SERVI EN AFGHANISTAN
L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, le 15 avril dernier, j'ai eu le privilège de participer à la cérémonie de remise des médailles pour l'Opération Athéna au Centre des congrès de Québec. On y a décoré plus de 1 200 soldats qui ont servi en Afghanistan en 2004. Ces militaires proviennent de la base militaire de Valcartier.
Une cérémonie de cette envergure est très émouvante. Les efforts des soldats récipiendaires ont été applaudis par leurs familles, ainsi que par plusieurs distingués invités. Ce fut un honneur pour moi de remettre l'étoile de la campagne Athéna à plusieurs membres du premier bataillon du Royal 22e Régiment. J'ai vu dans les yeux de ces soldats la satisfaction d'une mission bien accomplie et la fierté d'avoir servi si vaillamment notre pays à l'étranger.
Cette cérémonie fut aussi l'occasion de décorer, de la médaille du service général, plusieurs civils qui ont servi en tant que personnel de soutien à l'Opération Athéna. Le travail de ces femmes et de ces hommes est très souvent oublié. Je me réjouis de voir qu'il a été reconnu à sa juste valeur.
Cette cérémonie fut l'occasion pour les familles des militaires de voir honorer leur héros personnel. La joie des épouses de retrouver leur mari après tant de mois de séparation, celle des jeunes de revoir leur père après d'innombrables semaines d'absence, ne furent égalées que par la fierté qu'ils ont ressentie en les voyant officiellement décorés par les Forces canadiennes.
J'ai été très heureuse d'entendre le général Hillier livrer un discours dans lequel il reconnaissait la contribution essentielle des conjointes des militaires au succès de l'Opération Athéna. Il nous a rappelé que les soldats n'auraient pas pu accomplir leur mission à l'étranger sans savoir que leur famille était entre bonnes mains.
Durant la cérémonie, j'ai remarqué que plusieurs jeunes femmes portaient dans leurs bras un jeune bébé, né alors que le père était en Afghanistan. Ces nouvelles mères ont démontré un courage remarquable dans une situation des plus exigeantes. Toutes ces femmes sont des héroïnes invisibles au même titre que leurs conjoints maintenant décorés.
Honorables sénateurs, je vous invite une fois de plus à profiter de chaque occasion pour témoigner de votre appréciation à nos militaires canadiens et à leurs familles. Leur vie quotidienne nous offre souvent des opportunités, beaucoup moins grandioses mais tout aussi efficaces que celle du 15 avril dernier, de les applaudir.
[Traduction]
AFFAIRES COURANTES
PROJET DE LOI NO 2 D'EXÉCUTION DU BUDGET DE 2004
RAPPORT DU COMITÉ
L'honorable Joseph A. Day, vice-président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :
Le mardi 3 mai 2005
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son
NEUVIÈME RAPPORT
Votre Comité, auquel a été déféré le Projet de loi C-33, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 23 mars 2004, a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 20 avril 2005, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.
Respectueusement soumis,
Le vice-président,
JOSEPH A. DAY
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi une troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Day, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
(1420)
LE GROUPE INTERPARLEMENTAIRE CANADA-ÉTATS-UNIS
JOURNÉE DU PARTENARIAT ET RENCONTRES AVEC DES LÉGISLATEURS AMÉRICAINS, LES 1ER ET 2 MARS 2005—DÉPÔT DU RAPPORT
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer au Sénat, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada- États-Unis à l'occasion d'une Journée du partenariat Canada-États- Unis et des rencontres avec des législateurs américains à Washington, D.C., les 1er et 2 mars 2005.
L'ASSOCIATION PARLEMENTAIRE CANADA-EUROPE
LA RÉUNION DU COMITÉ PERMANENT DES PARLEMENTAIRES DE LA RÉGION DE L'ARCTIQUE, DU 28 FÉVRIER AU 2 MARS 2005—DÉPÔT DU RAPPORT
L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer au Sénat, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire Canada-Europe à la réunion du Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique, qui a eu lieu à Washington, D.C., du 28 février au 2 mars 2005.
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT
L'honorable Peter A. Stollery : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à siéger à 15 h 30 le mercredi 11 mai 2005, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.
[Français]
LES CHANGEMENTS AU BUDGET DE 2005
AVIS D'INTERPELLATION
L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 5 mai 2005 :
J'attirerai l'attention du Sénat sur le budget du NDP que premier ministre a annoncé dans les médias le 26 avril 2005; sur la destruction et l'abandon du budget libéral; sur l'intégrité désormais compromise du ministre des Finances, qui maintenait que de telles mesures n'étaient pas responsables sur le plan financier; et sur l'irresponsabilité du gouvernement libéral, qui tente de conserver ses appuis en annonçant de nouvelles dépenses irréfléchies.
LA PROVINCE DE L'ALBERTA
AVIS D'INTERPELLATION
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, conformément à l'article 56 et au paragraphe 57(2) du Règlement, je donne avis que jeudi prochain, le 5 mai 2005 :
J'attirerai l'attention du Sénat sur la province de l'Alberta et sur le rôle qu'elle joue au Canada.
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
L'ALLEMAGNE—LA NOUVELLE AMBASSADE
L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, vendredi dernier, s'est déroulée l'inauguration de la nouvelle ambassade du Canada en Allemagne sise en face de la Leipziger Platz, à Berlin.
Le ministre des Affaires étrangères était-il présent à cette cérémonie? Dans la négative, pourquoi?
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, comme j'ai cru comprendre que le sénateur Kinsella était présent, il pourrait peut-être nous dire, lui, si le ministre des Affaires étrangères l'était également.
Je n'ai pas la réponse à la deuxième partie de la question du sénateur Kinsella.
Le sénateur Kinsella : Honorables sénateurs, je n'étais pas là-bas, mais si j'avais été ministre des Affaires étrangères et si nous avions inauguré une ambassade, ambassade qui est d'ailleurs la plus coûteuse jamais construite par le gouvernement du Canada...
Le sénateur St. Germain : Combien a-t-elle coûté?
Le sénateur Kinsella : Elle a coûté 180 millions de dollars, soit beaucoup plus que la nouvelle ambassade du Canada à Washington.
Des voix : Quelle honte!
Des voix : Oh, oh!
Le sénateur Kinsella : Cette inauguration, qui aurait dû être une occasion heureuse, est malheureusement un motif d'inquiétude pour le contribuable canadien.
La nouvelle ambassade a été construite en partenariat avec une entreprise privée, le Hannover Leasing Group. À la date de son inauguration, vendredi dernier, ce chef d'oeuvre architectural avait coûté la bagatelle de 180 millions de dollars dont 102 millions aux contribuables canadiens. Le Hannover Leasing Group a payé le reste. En vertu de l'entente de partenariat mixte, la moitié du complexe sera réservé à des activités commerciales, notamment à des magasins et à des appartements de luxe. Le Hannover Leasing Group en assurera l'administration pendant 35 ans, après le quoi les droits de propriété seront restitués au gouvernement du Canada.
Comme mes honorables collègues le savent, une ambassade est un coin de terre nationale à l'étranger, et la dimension sécurité est primordiale dans la construction et la gestion de ce genre d'installations.
Le ministre peut-il garantir à cette Chambre que le gouvernement du Canada n'a pas renoncé au contrôle qu'il doit normalement exercer sur ce type de propriété pour des considérations commerciales?
Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je tiens tout d'abord à présenter mes excuses au leader de l'opposition pour avoir laissé entendre qu'il était présent à la cérémonie d'inauguration de l'ambassade. C'est ce que l'on m'avait dit. Je vais consulter mes sources afin de déterminer pourquoi on m'a mal informé de la sorte. J'ai toujours obéi à ce passage de la Bible où il est écrit que Jacob s'appuya sur son bâton et expira.
Quant au reste de la question, je pense que les Canadiens ont tout lieu de s'enorgueillir d'une si belle ambassade que le sénateur Kinsella a lui-même qualifiée d'extraordinaire et de magnifique. L'Allemagne est un joueur important au sein de la Communauté européenne dont il l'un des moteurs. Le Canada veut renforcer sa présence et son influence au sein de la Communauté européenne. Le Canada doit montrer son attachement à la Communauté européenne et à l'Allemagne qui, comme les sénateurs le savent, a déménagé sa capitale de Bonn à Berlin, ce qui nous a obligé, tout comme les autres pays d'ailleurs, à déménager notre ambassade.
Pour ce qui est de la partie de la question portant sur la viabilité économique et commerciale de l'ambassade, je vais me renseigner sur le genre d'analyse coûts-avantages qui a été effectuée et je m'engage à fournir une réponse plus précise.
À ce que je sache, le gouvernement actuel n'est pas le seul à épouser le concept de partenariat mixte, puisque le parti de l'opposition y adhère également. J'ai peut-être mal compris le sénateur Kinsella une seconde fois si j'interprète sa remarque comme indiquant qu'il s'oppose aux partenariats mixtes.
Le sénateur Kinsella : Honorables sénateurs, l'ambassade du Canada à Hong Kong est un autre exemple du modèle de partenariat mixte.
(1430)
Ce concept est né avant les événements du 11 septembre 2001. Dans le monde d'aujourd'hui, celui de l'après-11 septembre 2001, les questions de sécurité dominent nos pensées. Les contribuables canadiens ont investi 102 millions de dollars dans cette ambassade. La part assumée par le secteur privé, c'est-à-dire le Hannover Leasing Group, est de quelque 80 millions de dollars. Ce faisant, le groupe a la maîtrise complète du site et c'est lui qui en choisira les locataires.
Quand le ministre ira aux renseignements, j'aimerais qu'il obtienne des informations sur les conditions de ce partenariat en ce qui a trait précisément à la dimension sécurité. On pourrait imaginer de nombreux scénarios. Le Hannover Leasing Group aura-t-il la possibilité de louer à des organisations ou à des entités dont les activités peuvent préoccuper les services de renseignements canadiens?
Je n'ai pas les réponses à ces questions et j'aimerais que le ministre essaie de les obtenir pour cette chambre.
Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, en ce qui concerne la dernière question soulevée par le sénateur Kinsella, je compte bien sûr m'informer des dispositions de sécurité relatives à l'ambassade. Je transmettrai au Sénat les renseignements que j'obtiendrai.
Je voudrais également informer le Sénat que la transaction prévoit l'octroi au Canada du plein titre de propriété dans 35 ans. Je suppose que l'une des considérations économiques de cette opération repose sur la propriété de ce précieux bien immobilier berlinois dans 35 ans. Je n'ai pas d'autres détails.
Je tiens cependant à apporter une correction à ce qu'a dit le sénateur Kinsella. Il a parlé de Hong Kong, mais je suppose qu'il voulait dire Tokyo. Le gouvernement du premier ministre Mulroney avait signé une entente de partenariat mixte pour l'aménagement de notre ambassade à Tokyo. Cet immeuble aussi est magnifique. Dans ce cas, le Canada possède un très grand terrain dont une partie — qui n'était pas nécessaire pour la nouvelle ambassade ou l'ancienne résidence — a été mise à la disposition de promoteurs japonais sur une base commerciale. Cette partie reviendra au Canada dans 99 ans, je crois, et constituera alors un bien immobilier extrêmement précieux.
Je ne crois pas que cette transaction particulière soit très différente d'autres opérations du même genre. J'obtiendrai cependant d'autres renseignements pour le sénateur Kinsella.
Le sénateur Kinsella : J'espère que mes renseignements sont faux et que le ministre sera en mesure de prouver mon erreur. J'ai appris en effet qu'il y avait un dépassement de coût de 150 p. 100 dans le cas du projet de la Maison du Canada à Berlin. Le ministre pourra peut- être obtenir aussi des renseignements sur ce chiffre.
Le sénateur Austin : Je m'efforcerai de le faire.
LE COMMERCE INTERNATIONAL
LE CYCLE DE DOHA—L'AVANCEMENT DES NÉGOCIATIONS SUR L'AGRICULTURE—LES SUBVENTIONS DE L'UNION EUROPÉENNE ET DES ÉTATS-UNIS
L'honorable Leonard J. Gustafson : Honorables sénateurs, la semaine dernière, le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce a lancé un avertissement selon lequel le cycle de Doha est proche de la crise par suite du manque de progrès des négociations portant sur d'importantes questions, dont l'agriculture. Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire si son gouvernement convient que le cycle de Doha est proche de la crise?
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'ai pas de réponse précise à donner à cette question. Je peux seulement dire, d'une façon générale, que le Canada estime que le cycle de Doha joue un rôle extrêmement important dans l'avancement du système commercial mondial. Le Canada a de nombreuses questions importantes à régler dans le cadre de ce cycle.
Je n'ai cependant pas entendu dire que nous sommes en situation de crise.
Le sénateur Gustafson : Le leader du gouvernement au Sénat a-t-il des observations à présenter sur les progrès réalisés dans le cycle de Doha? La question des subventions à l'agriculture versées par les États-Unis et l'Union européenne constitue-t-elle une priorité pour le Canada? Soit dit en passant, les poules auront des dents avant qu'on parvienne à persuader les Américains et les Européens de renoncer à leurs subventions. Pendant 25 ans, nous avons entendu dire que l'Organisation mondiale du commerce les convaincra de les éliminer. Je peux assurer aux honorables sénateurs que nos agriculteurs sont très inquiets de ces subventions. J'aimerais donc connaître la réponse du ministre.
Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, j'ai eu l'occasion d'assister en 2003 à la réunion de Cancun du cycle de Doha. Je dirais qu'il n'y a pas grand-chose qui ait changé dans l'information publique concernant les positions relatives des grands blocs commerciaux.
Comme le sénateur Gustafson le sait, nous sommes en présence d'un conflit relativement aux États-Unis et à l'Europe, qui continuent de se blâmer mutuellement pour les subventions élevées qu'ils accordent à leurs propres producteurs agricoles.
En même temps, le groupe des 22, qui est dirigé par les pays en développement, s'est fixé des objectifs très ambitieux en ce qui concerne la réduction de ces subventions. L'agriculture constitue aujourd'hui le point d'achoppement du cycle de Doha. Voilà où nous en sommes.
Entre-temps, le Canada occupe une position particulière par rapport à ses fournisseurs de produits agricoles. Nous sommes déterminés à maintenir la gestion de l'offre pratiquée chez nous dans tout nouvel arrangement mondial.
Le sénateur Gustafson : Comme le ministre le sait, une importante part de notre production est vendue sur les marchés internationaux. Cela occasionne de grandes difficultés aux agriculteurs canadiens, notamment dans le cas du grain vendu à l'étranger.
Je me trouvais à Seattle lorsque des pourparlers commerciaux y ont eu lieu. Les négociations relatives aux subventions avaient alors été rompues. Les agriculteurs canadiens ne pourront pas supporter une autre situation de ce genre. Il faut agir pour prévenir la crise et assurer des règles du jeu équitables pour nos céréaliculteurs.
Le sénateur Austin : Sans abonder dans le même sens que le sénateur Gustafson qui laisse entendre que la ronde de négociations de Doha serait en crise, je lui dirai qu'il sait fort bien que les États-Unis et l'Europe sont plutôt, si vous me prêtez l'expression, « protectionnistes » en ce qui concerne leur secteur agricole. Nous avons observé cette attitude protectionniste à l'oeuvre dans les mesures commerciales prises à l'encontre de l'agriculture canadienne et dans le différend du bois d'oeuvre. Certains affirment que le Congrès des États-Unis est de plus en plus protectionniste mais, parallèlement, il dispose d'un nouveau groupe de négociateurs commerciaux.
M. Rob Portman est le négociateur commercial en chef des États- Unis. Cette fonction est nouvelle pour lui. Nous allons voir s'il va rester dans la ligne tracée par M. Robert Zoellick ou si les États- Unis vont lancer de nouvelles initiatives en rapport avec la ronde de négociations de Doha.
(1440)
Le sénateur Gustafson : Il y a seulement deux semaines, les Américains ont augmenté de 100 p. 100 les subventions octroyées pour la culture d'une variété de pois. Ils ont donc doublé la subvention offerte. La France a fait de même pour le blé et a doublé la subvention accordée. Plutôt que de se résorber, le problème prend de l'ampleur. Se pourrait-il qu'il y ait crise aux réunions de Doha parce que certains se sont aperçus que ces pays font le contraire de ce qu'ils demandent aux autres de faire?
Le sénateur Austin : Je comprends les préoccupation du sénateur Gustafson. Je ne sais pas si l'axiome suivant s'applique à cette situation, mais le président Eisenhower a dit une fois que si on ne peut pas régler un problème particulièrement complexe, on n'a qu'à le laisser prendre de l'ampleur.
LES FINANCES
LES CHANGEMENTS AU BUDGET DE 2005—LA CONSULTATION AVEC LES PROVINCES ET LES TERRITOIRES
L'honorable W. David Angus : Honorables sénateurs, une partie importante de l'accord désespéré que le premier ministre a conclu avec le NPD au sujet des changements à apporter au budget semble concerner des dépenses fédérales qui, de toute évidence, relèvent de la compétence provinciale. Les propos suivants du premier ministre de l'Ontario, Dalton McGuinty, ont été rapportés dans l'Ottawa Citizen du 28 avril :
Il est intéressant de noter que je n'ai certes pas été consulté, que ce soit en ma qualité de président du Conseil de la fédération ou de premier ministre de l'Ontario. Je crois qu'aucun de mes 12 homologues n'a également été consulté.
Est-ce que le leader du gouvernement peut confirmer le fait qu'aucun premier ministre provincial ou territorial n'a été consulté avant que le gouvernement fédéral ne convienne, dans une chambre d'hôtel de Toronto, d'apporter des changements importants à son budget qui portent sur des nouvelles dépenses considérables dans des domaines qui relèvent de la compétence exclusive des provinces?
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je sais que le sénateur Angus connaît le droit constitutionnel et la pratique à cet égard, et qu'il sait que la Constitution autorise le gouvernement fédéral à utiliser son pouvoir de dépenser pour financer des programmes qui servent l'intérêt public.
L'ONTARIO—LES DISCUSSIONS SUR L'INSUFFISANCE DU FINANCEMENT FÉDÉRAL
L'honorable W. David Angus : Je ne reviendrai pas sur l'affirmation au sujet de ma connaissance du droit constitutionnel, mais je dirai que j'ai trouvé fort intéressante la somme accordée au Québec et qu'elle m'a semblé considérable et juste. Le premier ministre de l'Ontario a fait remarquer que l'accord en question prouve qu'on dispose de fonds nécessaires pour combler ce qui, selon lui, est un écart de financement de 23 milliards de dollars. Apparemment, M. McGuinty attend toujours une rencontre avec le premier ministre pour discuter de cet écart.
Pour quelles raisons le premier ministre accepte-t-il volontiers de rencontrer le chef néo-démocrate à Toronto, dans une chambre d'hôtel, sans consultations préalables — au sens du fédéralisme coopératif, j'entends —, afin qu'il appuie son gouvernement, mais qu'il n'est pas disposé à rencontrer le premier ministre de la province la plus populeuse du Canada pour entendre ses doléances?
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Le premier ministre a fait savoir qu'il était prêt à rencontrer le premier ministre McGuinty, et l'on est en train d'organiser cette rencontre.
Puisque je ne peux pas poser de questions aux sénateurs d'en face, je me contenterai de me demander pourquoi le chef de l'opposition, Stephen Harper, a changé d'avis et décidé de ne plus appuyer le budget du gouvernement. Nous serions, de ce côté-ci du Sénat, plus qu'heureux d'en apprendre davantage sur les raisons ayant motivé ce changement de cap.
Le sénateur Angus : Loin de moi l'idée de vouloir prendre la défense du premier ministre de l'Ontario, mais il n'en demeure pas moins que c'est la plus grande province du pays. Compte tenu du changement évident apporté au document déposé devant le Parlement, que l'on appelle le budget, il est assez déconcertant d'entendre le leader du gouvernement au Sénat suggérer que le chef de l'opposition à la Chambre des communes a changé d'avis.
Toutefois, jeudi dernier, le ministre du Revenu national, John McCallum, a affirmé que la campagne de l'Ontario en faveur de l'équité aidait la cause des séparatistes et que c'était très dangereux pour le Canada. M. McCallum exprimait-il un point de vue personnel ou est-ce que le gouvernement dans son ensemble estime maintenant que toute province qui exprime ses inquiétudes au sujet de ses rapports financiers avec Ottawa fait peser une menace sur l'unité nationale?
Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, il fait plaisir de voir le sénateur Angus s'inquiéter de la sorte pour un premier ministre libéral. Je suis certain qu'il s'agit là d'un fait presque sans précédent.
Le sénateur Angus : Ce pourrait être un signe de la fin.
Le sénateur Austin : Je sais pertinemment que tous les sénateurs conservateurs d'en face attendent la tenue d'élections avec impatience, et M. Harper a affirmé qu'il y avait unanimité, au sein du Parti conservateur, quant à la nécessité de déclencher des élections sur-le-champ.
Une voix : Pas Belinda.
Le sénateur Austin : J'ai entendu un sénateur prononcer le nom de Belinda Stronach comme dissidente éventuelle, et il pourrait y en avoir d'autres. Cela viendrait contredire la déclaration de M. Harper, et je ne suis pas en mesure de me prononcer à ce sujet pour l'instant, mais peut-être qu'un de nos collègues conservateurs pourrait le faire.
Honorables sénateurs, l'unité nationale est une question qui doit nous tenir à coeur à tous.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Austin : Nous sommes tous ici parce que nous croyons à l'unité du Canada.
Le sénateur St. Germain : Les actions des libéraux sapent cette unité.
Le sénateur Austin : Chacun d'entre nous, j'en ai la conviction, croit que le système fédéral actuel est le meilleur régime pour gouverner le Canada, et nous sommes tous prêts, j'en suis sûr, à nous porter à sa défense.
Honorables sénateurs, c'est aussi le sentiment de chaque ministre de notre gouvernement.
LES MODIFICATIONS AU BUDGET DE 2005—LES CONDITIONS DE L'ENTENTE CONCLUE AVEC LE NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE
L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, j'aimerais demander au leader du gouvernement au Sénat de nous expliquer les conditions de l'entente intervenue entre le chef du NPD, Jack Layton, et le premier ministre Paul Martin au sujet du budget.
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'ai pas entendu parler de quelque entente officielle que ce soit ni de conditions particulières. Je sais ce que l'on raconte dans les médias, et je suis certain que si cette information est rendue publique, les conservateurs donneront tous leur appui au budget.
Le sénateur Tkachuk : Honorables sénateurs, je suis renversé. J'interroge un ministre au sujet d'un accord entre le chef du NPD et le premier ministre du Canada. Est-ce qu'on a pris des notes lors de cet accord? Le gouvernement va-t-il déposer au Sénat ces notes ou tout document y ayant trait?
Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, à ce qu'on m'a dit, aucun document n'a été signé par l'une ou l'autre partie, ni du côté libéral ni du côté néo-démocrate; il semble qu'il n'existe aucun document signé.
LA JUSTICE
LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LE PROGRAMME DE COMMANDITES—LES ALLÉGATIONS DE POTS-DE-VIN VERSÉS AU PARTI LIBÉRAL
L'honorable Gerry St. Germain : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Honorables sénateurs, le premier ministre répète que si le Parti libéral a touché de l'argent sale ou des fonds occultes, le parti le rendra au gouvernement. Il l'a dit clairement.
Cependant, il ne fait jamais allusion à des accusations qui seraient portées contre un membre du Parti libéral. Aurait-on introduit une nouveauté dans le système, de telle sorte que si l'on rend des avantages gagnés indûment, tout s'efface? Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il expliquer exactement ce que veut dire le premier ministre quand il dit cela? On ne peut pas voler une banque puis rendre l'argent et tenir pour acquis que tout est correct. Je voudrais savoir ce qu'entend réellement le premier ministre quand il fait des observations concernant cet argent blanchi, ces pots-de-vin ou autre chose du genre.
(1450)
L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, la position du gouvernement est que si la Commission Gomery ou l'enquête de la GRC montre que des fonds ont été versés au Parti libéral d'une manière détournée ou criminelle, le Parti libéral verra à ce que ces fonds soient retournés à leurs propriétaires légitimes. Le Parti libéral n'a pas l'intention de garder des fonds qui auraient été versés en violation d'une loi du Canada.
Le sénateur St. Germain : En sa qualité d'avocat, le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire si ceux qui ont touché des fonds, si des fonds ont réellement été versés, sont légalement tenus d'en rendre compte? Dans le cas du président du parti par exemple, on a allégué — et je précise qu'il s'agit seulement d'allégations — que de présumés pots-de-vin ont servi à payer d'importants travaux de rénovation effectués au siège du Parti libéral. Le président du parti devait connaître la source de cet argent. Quand j'étais président du parti et que nous engagions des dépenses importantes, je savais d'où venaient les fonds. Le sénateur Angus a soulevé la question d'une façon générale, mais les fonds étaient recueillis de manière licite et étaient déclarés conformément à la loi. Ces gens seront-ils tenus responsables?
Quelle est la position du directeur général des élections à ce sujet? Il est allégué que, lors des élections de 2000, des organisateurs libéraux ont été rémunérés sous la forme de pots-de-vin versés par ces agences de publicité ou par de l'argent qu'elles ont blanchi. Quelle est sa position relativement à ces allégations? Je répète qu'il s'agit d'allégations. A-t-il entamé une enquête? Si ces allégations sont avérées, c'est que les élections de 2000 ont été gagnées frauduleusement. Avons-nous une explication quelconque? Le leader du gouvernement au Sénat sait-il si le directeur général des élections a entrepris une enquête à la suite de ces allégations?
Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je n'ai aucun renseignement à ce sujet et je ne risque pas d'en avoir parce que le gouvernement ne fait pas rapport au Parlement au nom du directeur général des élections. Si l'honorable sénateur désire obtenir cette information, il devra directement s'adresser au directeur général des élections et lui poser lui-même la question.
Pour ce qui est du reste de la question du sénateur St. Germain, permettez-moi de faire un peu le point. Tout d'abord, il y a la question des fonds qui ont été payés irrégulièrement. J'ai déjà répondu à cette question. Ceux qui ont participé à de telles activités l'ont peut-être fait innocemment, sans être au courant, ou ils ont pu le faire en toute connaissance de cause et à l'encontre de la loi. Des procédures ont été entamées pour déterminer ce qu'il en est. C'est en effet pour cela que la Commission Gomery a été mise sur pied et que le premier ministre Chrétien avait demandé à la GRC de faire enquête.
Pour l'instant, toutes les déclarations publiques ne sont que des allégations, comme l'honorable sénateur l'a indiqué, et elles le demeureront tant que les faits n'auront pas été établis par un tribunal compétent.
Le sénateur St. Germain : L'honorable ministre peut-il dire aux Canadiens si la GRC a entamé une enquête au criminel relativement aux allégations de pots-de-vin versés au Parti libéral?
Le sénateur Austin : Je n'ai aucun renseignement à ce sujet et, comme le sénateur St. Germain le sait mieux que quiconque ici, la GRC a pour habitude de nier toute enquête en cours. Comme les sénateurs le savent, trois personnes ont fait l'objet d'accusations au criminel à la suite des enquêtes de la GRC.
RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES
L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter les réponses différées à cinq questions orales posées au Sénat. Les deux premières concernent des questions posées par le sénateur Keon. La première, le 14 avril, concernait l'examen des procédures d'importation des échantillons de virus et l'autre, le 21 avril, concernait les trousses d'analyse contenant des souches grippales mal étiquetées, l'expédition et la manipulation de virus mortels.
[Français]
Les deux autres sont en réponse aux questions orales posées au Sénat par le sénateur Gustafson; l'une a été posée le 20 avril 2005 concernant Kyoto — le transfert des terres de céréaliculture en prairie et l'autre, le 21 avril 2005, au sujet de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), de la fermeture de la frontière et du droit d'intervenir dans la cause devant le District Court du Montana.
[Traduction]
La dernière réponse différée est une réponse à une question orale de l'honorable sénateur Cochrane, posée au Sénat le 20 avril 2005, concernant le rapport du Comité consultatif fédéral chargé d'examiner le service de traversier de Marine Atlantique S.C.C.
LA SANTÉ
LES TROUSSES D'ANALYSE CONTENANT UNE SOUCHE GRIPPALE MAL ÉTIQUETÉE—LA RESPONSABILITÉ DE TESTER LES TRAVAILLEURS DES LABORATOIRES CONCERNÉS—L'EXAMEN DES PROCÉDURES D'IMPORTATION DES ÉCHANTILLONS VIRAUX
(Réponse à la question posée par l'honorable Wilbert J. Keon le 14 avril 2005)
La responsabilité de tester les travailleurs des laboratoires concernés de même que tous les membres de leur famille qui auraient pu présenter des symptômes de la grippe au cours des dernières semaines relève des provinces et des territoires.
L'Agence de santé publique du Canada ainsi que les autorités provinciales et territoriales ont convenu de critères d'examen des travailleurs de laboratoire relativement au virus H2N2. Initialement, seuls les individus qui présentent des symptômes de la grippe seront testés dans la plupart des provinces et territoires. Cependant, certains laboratoires ont décidé de tester tous les travailleurs de laboratoire ayant été exposés aux échantillons. Les spécimens seront recueillis par les autorités provinciales et territoriales et expédiés au Laboratoire national de microbiologie de l'Agence de santé publique du Canada pour y subir le test. Il faudra plusieurs jours pour compléter chaque test.
L'Agence de santé publique du Canada assure la coordination nationale des protocoles de cueillette de données, les formulaires de collecte de données et l'analyse. Cependant, il appartient à chaque autorité provinciale et territoriale de décider de la manière de traiter de la question dans son propre domaine de compétence.
Suite à la demande de l'Organisation mondiale de la santé concernant la révision des procédures de sécurité pour la manipulation des virus de la grippe dans les laboratoires, l'Agence de santé publique du Canada publie régulièrement des Lignes directrices en matière de biosécurité en laboratoire qui sont reconnues comme les Directives nationales en matière de biosécurité au Canada. En réponse à cet incident, l'Agence a émis un avis de biosécurité sur le virus A (H2N2) qui recommandait de prendre certaines précautions particulières au plan du traitement, de l'entreposage, de l'utilisation et du transport sécuritaire du virus A (H2N2).
L'Agence exige que tous les laboratoires ayant importé ou qui importent le virus A (H2N2) se conforment aux exigences physiques et opérationnelles reliées au virus A (H2N2) telles qu'indiquées dans les Avis de biosécurité/Lignes directrices en matière de biosécurité en laboratoire : 3e édition - 2004.
L'Agence reconfirmera auprès des laboratoires canadiens les présentes exigences physiques et opérationnelles en matière de virus A (H2N2) et elle continuera également d'informer les laboratoires canadiens de la reclassification continue de souches grippales particulières à des catégories à risque plus élevé.
L'Agence de santé publique du Canada poursuit aussi son examen complet des procédures et du fondement législatif concernant l'importation d'agents anthropopathogènes au Canada ainsi que l'utilisation d'agents anthropopathogènes qui ont été acquis au pays.
LES TRANSPORTS
LES TROUSSES D'ANALYSE CONTENANT DES SOUCHES GRIPPALES MAL ÉTIQUETÉES—L'EXPÉDITION ET LA MANIPULATION DE VIRUS MORTELS
(Réponse à la question posée par l'honorable Wilbert J. Keon le 21 avril 2005)
Au Canada, le transport des marchandises dangereuses est régi par la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, 1992. La loi a été élaborée dans le seul but d'assurer la sûreté du public pendant le transport des marchandises dangereuses et porte essentiellement sur la prévention de rejets accidentels. Chaque année, au Canada, il y a près de 30 millions d'expéditions de marchandises dangereuses, dont 99,998 p. 100 se produisent sans incident grave.
En mars 2004, pour donner suite à son engagement envers le Parlement de réviser la loi, Transports Canada a entrepris une consultation. Des séances ouvertes au public ont été tenues dans diverses villes canadiennes, notamment à St. John's, Halifax, Québec, Montréal, Ottawa, Scarborough, Mississauga, Sudbury, Winnipeg, Regina, Calgary, Edmonton, Vancouver et Victoria. La consultation ne visait pas à examiner la loi au complet, mais plutôt à mettre l'accent sur l'amélioration des éléments de la loi portant sur la sécurité et d'étudier les problèmes nouveaux liés à la sécurité. Le ministère examine présentement les commentaires du public.
Comme dans les cas des trousses d'analyse contenant le virus de la grippe et de l'incident « Federal Express » à Winnipeg, pour expédier des marchandises dangereuses d'un endroit à l'autre du Canada ou pour les importer au Canada, il faut satisfaire aux exigences prescrites par la loi de même que par le règlement et les normes y afférents. Une de ces exigences oblige l'expéditeur à utiliser un contenant approuvé pour acheminer les marchandises dangereuses de manière sûre jusqu'à destination.
Dans le cas de l'incident de Winnipeg, le contenant s'est comporté exactement comme il se devait — soit supporter des pressions causées par ce type d'accident et éviter un rejet de marchandises dangereuses.
Pour ce qui est des trousses d'analyse, une erreur a été commise dans le laboratoire des États-Unis qui a acheminé les colis aux mauvais laboratoires accrédités en divers points du globe. Les envois des trousses d'analyse destinées à des laboratoires canadiens ont satisfait aux règles et règlements sur le transport appropriés, y compris l'utilisation d'un contenant adéquat pour transporter en sûreté des marchandises dangereuses à l'intérieur du Canada et de l'extérieur à l'intérieur du Canada.
Renseignements supplémentaires
Lorsqu'un expéditeur au Canada, ou un importateur canadien, souhaite transporter une matière qui est jugée très dangereuse en vertu de la loi, il doit présenter un plan d'intervention en cas d'urgence à Transports Canada. Le plan d'assistance pour une intervention en cas d'urgence — approuvé par Transports Canada avant que l'expédition ne soit autorisée — décrit les actions qu'une personne doit engager en cas d'accident. L'intention du plan d'assistance pour une intervention en cas d'urgence est de fournir aux autorités locales une aide sur place en cas d'accident concernant les marchandises dangereuses.
Transports Canada exploite le Centre canadien d'urgence transport (CANUTEC) dont le mandat est d'aider le personnel d'intervention d'urgence à faire face à des urgences mettant en cause des marchandises dangereuses. Les employés du CANUTEC sont des scientifiques spécialisés en intervention d'urgence qui ont acquis une expertise en interprétation des renseignements techniques et qui dispensent des conseils. Le CANUTEC reçoit plus de 30 000 appels par année.
Les inspecteurs de Transports Canada inspectent les industries oeuvrant dans le transport des marchandises dangereuses et engagent les actions coercitives appropriées le cas échéant pour protéger le public.
Le transport sûr de marchandises dangereuses demeure une responsabilité partagée de l'industrie, du gouvernement fédéral ainsi que des gouvernements provinciaux et territoriaux. Transports Canada souhaite continuer de jouer un rôle de premier plan dans la protection du public, que ce soit par des inspections, des actions coercitives, l'élaboration de nouveaux règlements ou l'actualisation de la loi.
L'ENVIRONNEMENT
LE PROTOCOLE DE KYOTO—LE PLAN DE MISE EN OEUVRE
(Réponse à la question posée par l'honorable Leonard J. Gustafson le 20 avril 2005)
Il y a deux programmes, un programme actuel et un programme proposé, qui peuvent assurer une mesure incitative pour le transfert des terres de céréaliculture en prairies, où ce changement au niveau des terres utilisées résulte en un bénéfice net pour les Canadiens, ainsi que pour l'agriculteur.
Le Programme de couverture végétale du Canada, géré par Agriculture et Agroalimentaire Canada, assure aux agriculteurs une mesure incitative en vue de prendre les terres de cultures agricoles peu rentables qui sont jugées comme étant écologiques selon la production et de les placer sous une couverture végétale permanente. La couverture végétale permanente peut être utilisée pour la production de foin ou de pâturage. C'est une initiative au coût de 110 millions de dollars, répartie sur cinq ans, en vue d'aider les producteurs à améliorer les pratiques de gestion des prairies, de protéger la qualité de l'eau, de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de favoriser la biodiversité et l'habitat de la faune. Les agriculteurs ont jusqu'à l'an prochain pour enregistrer les terres à ce programme.
La deuxième initiative est le Fonds pour le climat, lequel serait établi conformément à la loi budgétaire étudiée actuellement par le Parlement. Le Fonds pour le climat est un composant important du Plan sur les changements climatiques publié le 13 avril; c'est une initiative axée sur le marché qui assurerait des mesures incitatives pour les réductions des émissions et le stockage du carbone au niveau de tous les secteurs de l'économie. Des projets qui impliquent le changement de terres relativement à la production de céréales (en vertu de toute pratique de travail du sol) en une couverture végétale permanente seraient éligibles afin d'obtenir des crédits d'émissions de gaz à effet de serre; des crédits seraient émis pour l'augmentation vérifiée de la quantité de carbone emmagasinée dans le sol, par suite d'un changement au niveau de l'utilisation des terres. Ces crédits pourraient alors être vendus au Fonds pour le climat.
LE COMMERCE INTERNATIONAL
L'ENCÉPHOLOPATHIE SPONGIFORME BOVINE—LA FERMETURE DE LA FRONTIÈRE AU BÉTAIL CANADIEN—LA QUALITÉ D'INTERVENANT DANS UNE ACTION EN JUSTICE AU MONTANA
(Réponse à la question posée par l'honorable Leonard J. Gustafson le 21 avril 2005)
En vertu de la législation américaine, le gouvernement du Canada ne peut être partie d'un litige devant les tribunaux des États-Unis concernant la règle sur le risque minimal de l'ESB du département de l'Agriculture des États-Unis (USDA). En ce qui a trait à la cause qui oppose le Ranchers Cattlemen Action Legal Fund (R-CALF) et l'USDA, le gouvernement du Canada a demandé l'avis de son conseiller juridique et des avocats plaidants des États-Unis pour savoir quelle serait la meilleure méthode à utiliser pour protéger les intérêts du Canada afin que des renseignements complets et exacts soient déposés devant les tribunaux au sujet des preuves scientifiques sur l'ESB et des mesures prises par le Canada pour gérer les risques de l'ESB sur la santé humaine, la salubrité des aliments et l'hygiène animale. Les preuves scientifiques et les mesures du Canada sont conformes à la règle américaine sur le risque minimal d'ESB et viennent appuyer la réouverture de la frontière aux ruminants sur pied de toutes les catégories, de même qu'à une plus vaste gamme de produits de ruminants que la règle ne le prévoit.
Après avoir examiné attentivement toutes les possibilités, il a été déterminé que le meilleur moyen d'atteindre les objectifs du Canada consistait à demander la permission de déposer un mémoire en tant qu'intervenant désintéressé amicus curiae. Demander la permission de devenir amicus curiae est conforme au statut du Canada de pays souverain comparaissant devant les tribunaux des États-Unis. De temps à autre, le Canada demande le statut d'amicus curiae aux tribunaux de pays étrangers lorsque des raisons impérieuses le justifient. Il serait vraiment inhabituel pour le Canada de demander le statut d'intervenant à un tribunal étranger. Notre conseiller juridique des États-Unis est d'avis que le District Court avait des raisons impérieuses de permettre au Canada de déposer un mémoire en tant qu'intervenant désintéressé car ce mémoire permettrait d'expliquer certaines questions de fait soulevées dans le litige soumis par R-CALF concernant les mesures prises par le Canada en rapport avec l'ESB. La demande du Canada relative à la présentation d'un mémoire en tant qu'intervenant désintéressé a été déposée le 22 février 2005, pour la considération de la cour et le mémoire a été annexé à la demande.
Le 23 février 2005, le District Court du Montana a refusé la demande du Canada relative au dépôt d'un mémoire en tant qu'intervenant désintéressé, alléguant que :
Le point de vue du gouvernement du Canada est sans rapport avec le fait que le tribunal ait à déterminer si le geste de l'USDA est conforme à la loi, puisque les textes législatifs en cause portent sur la protection de l'industrie des États-Unis et de la santé humaine et animale aux États-Unis.
De plus, le tribunal du Montana a qualifié la demande du Canada d'intervention dans l'affaire. Notre conseiller juridique des États-Unis a procédé à une analyse et déterminé qu'il serait inutile de demander à ce tribunal de revoir sa décision.
Le 2 mars 2005, le District Court du Montana a décidé d'imposer une injonction préliminaire pour empêcher la mise en oeuvre de la règle sur le risque minimal de l'ESB jusqu'à ce que la cause de R-CALF soit entendue. L'USDA en a appelé de la décision du District Court devant le Ninth Circuit Court of Appeals le 17 mars 2005. Étant donné l'appel relatif à l'injonction préliminaire, il n'y a pas de motif impérieux d'en appeler de la décision prise par le District Court de refuser le statut d'amicus curiae au Canada. Cependant, le gouvernement du Canada a demandé la permission de déposer un mémoire en tant qu'intervenant désintéressé dans la procédure d'appel car il s'agit là de la meilleure possibilité de renverser l'injonction préliminaire à court terme.
Le Canada a déposé sa demande et annexé le mémoire en tant qu'intervenant désintéressé devant la cour d'appel le 14 avril 2005. Nous sommes d'avis que le Ninth Circuit Court of Appeals voudra connaître le point de vue du gouvernement du Canada relativement aux allégations de R-CALF dans cette affaire. Le mémoire renferme tous les faits relatifs à l'ensemble des mesures prises par le Canada pour réduire comme il se doit les risques en matière de santé humaine, de salubrité des aliments et d'hygiène animal. Il vient également appuyer la position de l'USDA à l'effet que le Canada est un pays présentant un risque minime d'ESB et que la frontière devrait être ouverte à nouveau. Nous attendons que le District Court nous indique s'il accepte notre demande.
Le gouvernement du Canada a travaillé en collaboration avec l'USDA depuis la découverte d'un cas d'ESB en mai 2003. La position de l'USDA en tant que partie au litige est conforme à celle du gouvernement du Canada : les décisions ayant trait au commerce doivent être fondées sur des principes scientifiques et la règle de risque minimal de l'ESB est aussi fondée sur la science.
LES TRANSPORTS
LE RAPPORT DU COMITÉ CONSULTATIF FÉDÉRAL CHARGÉ D'EXAMINER LE SERVICE DE TRAVERSIER DE MARINE ATLANTIC
(Réponse à la question posée par l'honorable Ethel Cochrane le 20 avril 2005)
En novembre 2004, le ministre des Transports a nommé un comité consultatif comprenant trois personnes pour réviser et offrir des recommandations sur le futur de Marine Atlantique S.C.C. et le service de traversier.
Le comité a soumis son rapport au ministre à l'échéance, soit le 31 mars 2005.
Le ministre et les représentants de Transports Canada examinent présentement le rapport avant sa diffusion au grand public. Le ministre prévoit le rendre public dans un prochain avenir
RECOURS AU RÈGLEMENT
DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE
Son Honneur le Président : Avant que nous passions à l'ordre du jour, j'aimerais rendre une décision concernant une question qui a été soulevée. Vous vous souviendrez que, le mardi 19 avril dernier, à la fin de la période des questions, durant les réponses différées, le sénateur Austin, leader du gouvernement, a profité de l'occasion pour répondre de vive voix à une question que le sénateur Comeau lui avait posée quelques jours auparavant. Tout de suite après, le sénateur St. Germain a invoqué le Règlement à propos du bien- fondé de cette façon de procéder, qui lui apparaissait comme une prolongation injustifiée de la période des questions.
[Français]
Après quelques brefs échanges, j'ai convenu de me pencher sur les pratiques liées aux réponses différées. J'ai, depuis, eu le temps d'examiner la question et je suis prêt à me prononcer à ce sujet.
[Traduction]
Les réponses différées sont traitées dans le Règlement du Sénat depuis 1991 et sont visées au paragraphe 23(8). Cette procédure vient compléter la pratique voulant qu'une question puisse peut être considérée « comme un avis », pratique qui figure dans le Règlement depuis juin 1977. Cependant, comme en témoignent les Débats, ces deux pratiques datent d'avant les modifications apportées au Règlement.
Le Règlement du Sénat prévoit deux situations pouvant donner lieu à une réponse différée. La première, qui fait l'objet de l'article 25, a trait aux questions écrites que les sénateurs font inscrire au Feuilleton.
[Français]
La seconde se produit lorsqu'une question orale ne peut recevoir de réponse immédiate durant la période des questions. Le paragraphe 24(3) permet alors au sénateur à qui elle s'adresse de la considérer « comme un avis ».
[Traduction]
Au fil des ans, on en est venu à procéder de la manière suivante : à l'appel des réponses différées, le leader adjoint du gouvernement dépose les réponses écrites, dont copie est également remise au sénateur qui a posé la question. Il est clair, par conséquent, que les réponses différées ne sont pas une prolongation de la période des questions.
Selon les recherches effectuées par le Service des Journaux, il est arrivé récemment qu'un sénateur demande que la réponse différée à une question soit donnée de vive voix. Cela s'est produit en 2001. Le 22 mars de la même année, le sénateur Corbin a posé au sénateur Carstairs, alors leader du gouvernement, une question concernant les affaires étrangères. Cette question a été considérée comme un avis. Le 25 avril, alors que le leader adjoint du gouvernement, le sénateur Robichaud, s'apprêtait à déposer une réponse écrite, le sénateur Corbin a demandé que cette réponse soit donnée de vive voix. Le sénateur Robichaud a alors lu la réponse, qui a été versée au compte rendu.
La situation qui s'est produite le 19 avril 2005 n'est pas tout à fait la même. Le sénateur Austin a pris l'initiative de répondre de vive voix à une question que le sénateur Comeau lui avait posée le 13 avril. Lors de sa réponse à cette question, pour laquelle il n'avait préparé aucune version écrite, le sénateur Austin a ajouté qu'il était prêt à répondre à d'autres questions. Dans les deux cas, cela s'écarte de ce qui se fait habituellement.
En tant que Président, j'ai le devoir d'appliquer les règles qui assurent le maintien des pratiques établies. En ce qui concerne les réponses différées, cela signifie qu'au moins une version écrite de la réponse à une question orale posée antérieurement et demeurée jusque-là sans réponse ou à une question écrite figurant au Feuilleton doit être déposée, une copie de cette réponse étant remise au sénateur ayant posé la question. De plus, sur demande, il est possible que la réponse écrite soit lue et versée au compte rendu. Jamais, par contre, à moins d'autorisation expresse du Sénat de suspendre l'application du Règlement, le temps prévu pour les réponses différées ne peut devenir une occasion de prolonger la période des questions.
(1500)
Avant de terminer, j'aimerais attirer votre attention sur une pratique connexe qui se produit assez fréquemment. Il est arrivé que le leader du gouvernement réponde oralement, durant la période des questions, à des questions posées lors de séances antérieures et considérées comme des avis. Madame le sénateur Carstairs et le sénateur Austin ont tous deux procédé ainsi. Ce fut le cas, plus récemment, le 26 octobre et le 15 décembre 2004. Et comme cela se fait durant la période des questions, les sénateurs peuvent alors poser des questions supplémentaires. Le sénateur Austin a peut-être confondu les deux pratiques en procédant comme il l'a fait, ce qui a amené le sénateur St. Germain à invoquer le Règlement. Quoi qu'il en soit, ce qui s'est produit le 19 avril n'est pas acceptable. Dans le cadre des réponses différées, il faut déposer une réponse écrite, même si une demande est présentée pour que la réponse soit donnée de vive voix.
[Français]
Le Règlement ne me permet pas, en tant que Président, de modifier le compte rendu ni de revenir sur ce qui s'est produit l'autre jour. J'ose toutefois espérer qu'il sera tenu compte dorénavant des précisions que j'ai apportées aujourd'hui.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
LA LOI SUR LA FAILLITE ET L'INSOLVABILITÉ
PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion du sénateur Moore, appuyée par le sénateur Phalen, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-28, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.—(L'honorable sénateur Robichaud, C.P.)
L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'interviens pour parler du projet de loi S-28 à l'étape de la deuxième lecture. Je n'ai pas eu l'occasion de dire au sénateur Moore à quel point j'apprécie le fait qu'il ait présenté ce projet de loi, bien que j'aie eu la possibilité de l'étudier.
Je souhaite rappeler aux sénateurs que le projet de loi du sénateur Moore vise à aider les diplômés d'établissements d'enseignement postsecondaire qui connaissent de graves problèmes financiers. En 1997, on a modifié la Loi sur la faillite et l'insolvabilité afin d'imposer une période d'attente, après la fin des études, avant qu'un tribunal soit autorisé à libérer un particulier de son obligation de rembourser un prêt d'études. Au départ, la dette relative à un prêt étudiant consenti par le gouvernement prévalait pendant deux ans après que le diplômé ait fait faillite et, pendant cette période, le diplômé ne pouvait pas être libéré de sa dette. Toutefois, la loi de mise en œuvre du budget fédéral de 1998 a fait passer cette période de 2 à 10 ans. Sept ans plus tard, cette loi est toujours en vigueur.
Honorables sénateurs, des groupes d'étudiants comme l'Alliance canadienne des associations étudiantes et la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants ont avancé qu'une période de 10 ans est excessivement longue et discriminatoire. Ils prétendent qu'elle ne fait que prolonger les problèmes financiers des diplômés d'une façon qui n'est pas imposée aux autres consommateurs qui demandent la protection de la Loi sur les faillites. Par exemple, les dettes relatives aux cartes de crédit et les prêts consentis aux étudiants par les banques peuvent être annulés en quelques mois et, malgré cela, on demande aux diplômés d'attendre 10 ans pour être relevés de leur dette envers le gouvernement à l'égard d'un prêt étudiant.
On peut avancer qu'il est justifié de mettre en place une certaine période d'attente afin de décourager les faillites injustifiées. Entre 1990-1991 et 1995-1996, les pertes annuelles du Programme canadien de prêts aux étudiants résultant de faillites ont plus que doublé. Entre 1990 et 1997, environ 53 000 personnes auxquelles on avait consenti un prêt étudiant ont fait faillite. Ainsi, 53 000 jeunes ont été obligés de faire faillite ou ont eu recours à des mesures qui ont coûté aux contribuables environ 445 millions de dollars en prêts non remboursés. Le gouvernement fédéral prétend que la période d'attente de 10 ans préserve la viabilité globale du Programme canadien de prêts aux étudiants et contribue à éviter qu'on abuse de ce régime. Même les groupes d'étudiants sont d'accord sur le principe de la préservation de l'intégrité du programme, mais ils demandent à ce que la période d'attente prévue par la loi concorde avec les mesures de réduction de la dette et d'allégement des intérêts qui sont consenties par le gouvernement fédéral pendant une période de cinq ans.
Comme le sénateur Moore l'a signalé dans ses observations, le projet de loi S-28 tient compte des recommandations issues de l'examen de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité effectué par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Les honorables sénateurs se souviendront peut-être qu'en novembre 2003, le comité des banques avait préconisé dans l'un de ses rapports de réduire la période de 10 à 5 ans. Le rapport mentionnait que les modifications apportées en 1997 et en 1998 « ont éloigné le système de l'insolvabilité de l'objectif consistant à réduire la mesure dans laquelle une catégorie particulière de créanciers reçoit un traitement spécial en vertu de la Loi ». Depuis que le comité des banques a publié ce rapport, le gouvernement fédéral n'a manifesté aucune intention de modifier la Loi sur la faillite et l'insolvabilité pour tenir compte de cette recommandation.
Honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi S-28 et les efforts qui y sont déployés pour aider les étudiants et les diplômés postsecondaires. Il est malheureux que le gouvernement n'appuie pas cette initiative. L'éducation ne fait l'objet que de brefs passages du discours du Trône le plus récent. On a annoncé le bon d'études canadien pour la deuxième fois et mentionné en passant l'écart entre les étudiants autochtones et les autres étudiants sur le plan de l'éducation.
Le budget fédéral de cette année, produit par le ministre des Finances Goodale, a également été décevant au-delà de ses promesses d'accroissement des investissements dans la recherche. La récente entente budgétaire entre le gouvernement libéral et le Nouveau parti démocratique comprendrait une augmentation de 1,5 milliard de dollars des transferts aux provinces afin de réduire les frais de scolarité et d'offrir des programmes de formation aux travailleurs sans emploi. Selon le côté qu'on écoute, il semble que ces fonds commenceront à être versés dans deux ans. Les intéressés affirment que cette entente constitue un progrès, mais je ne peux pas considérer ainsi cette dernière version du budget.
Soit dit en passant, on peut se demander de quel budget le Parlement est actuellement saisi. Est-ce le budget que le ministre des Finances a déposé au départ ou le nouveau budget annoncé par le premier ministre sur la base de son entente avec le Nouveau Parti démocratique? On peut en principe se demander si le projet de loi de mise en oeuvre du budget adopté en principe à l'autre endroit est compatible avec le budget issu de la nouvelle entente. Peut-être nos amis de l'autre endroit voudront-ils nous éclairer à cet égard.
Pour revenir à notre sujet, il serait intéressant de savoir si les provinces ont été consultées, comme on l'a mentionné durant la période des questions d'aujourd'hui, avant la conclusion de l'entente. Le domaine de l'éducation constitue un exemple parfait. Comme tous les honorables sénateurs le savent, l'éducation relève clairement de la compétence provinciale. Les provinces pourraient se formaliser du fait que le premier ministre et le chef du NPD ont assorti cet argent de conditions sans consulter les provinces responsables de l'éducation.
Une grande confusion règne au sujet de ce qui a été promis. Le NPD affirme que l'entente écrite dit explicitement que les fonds supplémentaires ne seront versés qu'aux provinces qui s'engageront à les utiliser pour réduire les frais de scolarité, mais le premier ministre nie cette affirmation. Je voudrais signaler qu'aucun des deux côtés n'a précisé ce qui adviendrait des frais de scolarité lorsque la prétendue entente prendra fin dans deux ans.
(1510)
Honorables sénateurs, je ne soutiendrai pas que les provinces rejetteront catégoriquement ces fonds supplémentaires parce qu'elles n'ont pas participé aux discussions. Toutefois, je trouve que le gouvernement n'a pas été très sage en agissant de cette façon. Je trouve également très douteux le maintien de cette pratique de longue date du gouvernement qui consiste à attribuer de grosses sommes à un domaine particulier sans évaluer la situation actuelle et sans établir un plan de travail clair et réalisable.
Honorables sénateurs, il est évident aussi bien dans le cas de notre système de santé que dans celui de l'éducation que l'argent ne peut pas seul guérir tous les maux. Une nouvelle approche audacieuse fondée sur un nouveau paradigme est nécessaire pour remédier aux nombreuses lacunes du système d'éducation postsecondaire, la moindre n'étant pas l'endettement de plus en plus lourd des étudiants.
Le projet de loi dont nous sommes saisis offrirait de l'aide à certains diplômés. Il ne règle cependant pas l'ensemble du problème de l'endettement étudiant, qui n'a fait qu'empirer sous les deux derniers gouvernements libéraux. Selon Statistique Canada, en 2000, près de la moitié de l'ensemble des diplômés des collèges et universités avaient contracté des dettes pour faire leurs études. Le montant moyen de la dette était de 30 p. 100 supérieur à ce qu'il était il y a seulement cinq ans.
Ce ne sont pas mes chiffres. Ce sont ceux de Statistique Canada, qui signale également que les étudiants, après avoir obtenu leur baccalauréat, doivent rembourser en moyenne 19 500 $ en prêts étudiants. Apparemment, l'idée de se retrouver criblés de dettes après l'obtention de leur diplôme poussent certains étudiants à revoir leurs plans d'études collégiales ou universitaires ou à tout abandonner. Et ces jeunes ne sont pas nécessairement issus de familles à faible revenu. Les frais de scolarité actuels, auxquels il faut ajouter les dépenses pour le logement, les repas et les livres, ainsi que les frais de laboratoire, découragent même les familles à revenu moyen. Imaginons maintenant ce que doit être la situation des familles où deux ou trois enfants sont en âge de fréquenter le collège ou l'université.
Le manque de ressources financières ne devrait jamais constituer, dans un pays riche comme le Canada, un obstacle à l'accès à l'enseignement supérieur; c'est néanmoins de plus en plus le cas, malheureusement. Depuis plusieurs années, les étudiants soutiennent que l'augmentation de leur dette, à la fin des études, est attribuable en partie à la hausse des frais de scolarité dans les collèges et les universités.
Honorables sénateurs, nous devons nous occuper de la hausse substantielle des frais de scolarité, sans quoi nous ne ferons pas échec au problème sous-jacent des dettes d'études. Depuis 1990- 1991, sous l'administration de l'actuel gouvernement d'ailleurs, les frais de scolarité universitaires ont presque triplé. Est-ce une simple coïncidence aussi si le nombre de diplômés à déclarer faillite a grimpé dans l'intervalle?
Malgré sa position en tant que signataire du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels — nous avons fait cette observation à plusieurs occasions en faisant référence, particulièrement, aux obligations que confère l'article 13 de cette convention internationale —, le Canada ne respecte manifestement pas ses engagements concernant l'instauration progressive de la gratuité de l'éducation postsecondaire et l'accessibilité pour tous. Malheureusement, chaque année, nous nous éloignons un peu plus de l'engagement pris il y a presque 30 ans, ce qui a pour conséquence que nous laissons nos étudiants s'endetter davantage. Ce fardeau peut devenir lourd à porter pour des jeunes qui ont étudié pendant des années dans le domaine de leur choix et tentent maintenant de se faire une place sur le marché du travail. Au lieu d'investir dans une voiture ou une première maison, comme l'avaient fait leurs parents en début de carrière, les jeunes adultes d'aujourd'hui travaillent pour rembourser des dettes de dizaines de milliers de dollars contractées afin de pouvoir étudier. Autrement dit, ils contractent une hypothèque, mais n'ont pas de maison en contrepartie.
Bon nombre de diplômés n'arrivent qu'à rembourser les intérêts de leur dette, et ils rêvent au jour où ils pourront commencer à rembourser le capital. Les restrictions financières que devront s'imposer ces jeunes au cours des prochaines années ne laissent présager rien de bon pour l'avenir économique du Canada. Ceux qui décident de déclarer faillite le font en sachant que leur avenir personnel en souffrira, puisque leur dossier de crédit restera entaché de nombreuses années après qu'ils auront été libérés de leur dette.
Comme je l'ai déjà dit, l'éducation est de compétence provinciale. Il faut respecter celle-ci. J'estime également que le gouvernement fédéral doit pouvoir œuvrer de concert avec les provinces à relever un certain nombre de défis auxquels est confrontée l'éducation postsecondaire dans notre pays, particulièrement au chapitre des normes et des frais de scolarité. Il faudra faire preuve d'imagination. Le gouvernement fédéral ne doit pas être dissuadé d'intervenir pour autant. Malheureusement, il semble que le gouvernement se contente de poursuivre dans la même voie, sans désir apparent d'examiner de nouvelles solutions, tout en sacrifiant la participation des provinces à l'autel des expédients politiques.
Avec le Parti conservateur du Canada, j'estime que l'une des façons de réagir aux innombrables problèmes du secteur postsecondaire dans notre pays consiste, pour le gouvernement fédéral, à changer la façon dont il donne de l'argent aux provinces. En retirant l'éducation postsecondaire du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, le gouvernement pourrait créer un transfert distinct pour l'éducation, au lieu de l'associer au financement de programmes sociaux. De cette façon, il pourrait établir des normes de reddition de comptes et de transparence pour s'assurer que les sommes transférées sont bel et bien consacrées à l'éducation et non pas à d'autres domaines.
Je rappelle aux sénateurs que le premier ministre, au cours de la dernière campagne électorale fédérale, s'est engagé à créer un paiement de transfert destiné exclusivement à l'éducation postsecondaire et devant atteindre les 7 ou 8 milliards de dollars; mais il n'a aucunement donné suite à cet engagement depuis les élections. Encore une promesse rompue. Peut-être allons-nous bientôt apprendre que cette promesse sera réactivée pour une autre année.
Honorables sénateurs, nous serions disposés à appuyer de nombreuses autres initiatives pour améliorer l'état actuel de l'éducation postsecondaire au Canada. À titre d'exemple, mes collègues et moi sommes d'avis que toutes les bourses d'étude devraient être exemptées d'impôt. Un étudiant qui reçoit une bourse en raison de l'excellence de ses résultats scolaires ne devrait pas en être pénalisé. Par ailleurs, il est ridicule que le gouvernement récupère auprès d'un étudiant de l'argent d'une bourse qui lui est accordée parce qu'il est démuni financièrement.
Je suis heureux et fier d'appartenir à un parti politique qui croit également que le Programme canadien de prêts aux étudiants doit être amélioré de diverses façons, notamment en ne tenant pas compte, lors de l'examen d'une demande de prêt présentée par un étudiant, des biens et des revenus de ses parents. Notre parti est favorable aux prêts d'études remboursables en fonction du revenu gagné par l'étudiant après la fin de ses études. Nous avons également exhorté le gouvernement fédéral à appliquer aux prêts d'études le taux préférentiel majoré de 1 p. 100, plutôt que le taux préférentiel majoré de 5 p. 100 qu'il applique actuellement aux prêts à taux fixe, que nous jugeons excessif.
Honorables sénateurs, je dirai en terminant que, selon moi, le projet de loi S-28 doit maintenant être soumis à l'examen d'un comité. La mesure est modeste et ne vise d'ailleurs pas à venir en aide à la majorité des étudiants ou des diplômés du Canada. Cependant, elle reflète une meilleure compréhension de leurs difficultés que toute autre mesure récente du gouvernement fédéral visant les étudiants.
Pour ces raisons et d'autres, je vais appuyer ce projet de loi.
Des voix : Bravo!
L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Je trouve intéressants les commentaires du sénateur Kinsella, et tout particulièrement ceux qui portent sur le Transfert canadien en matière de programmes sociaux. J'appuie l'initiative du sénateur Moore, qui a présenté ce sujet. Ma question porte sur le transfert, même si elle a plus d'un volet.
Le sénateur Kinsella estime-t-il que le transfert doit être inconditionnel? À une époque, il était conditionnel. Les provinces devait dépenser l'argent dans les domaines auxquels il était destiné mais, il semble bien que ce ne soit pas le cas, certains fonds destinés à l'éducation étant dépensés pour les routes et ainsi de suite.
Si on effectue un transfert en visant un secteur donné, l'honorable sénateur pense-t-il qu'il faut prévoir une certaine latitude?
Le sénateur Kinsella : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je suis d'avis qu'il faut un transfert dédié du gouvernement fédéral aux provinces en matière d'éducation qui soit distinct de l'autre transfert. Autrement dit, il faut une enveloppe dédiée, distincte.
(1520)
Le sénateur Rompkey : Devrait-il s'agir d'un transfert inconditionnel?
Le sénateur Kinsella : Dans quel sens?
Le sénateur Rompkey : Devrait-on exiger que la province dépense l'argent en éducation?
Le sénateur Kinsella : En fait, si c'est un transfert dédié à l'éducation, alors les sommes transférées iront à l'éducation. Bien sûr, pour que tout fonctionne bien, il faudra travailler de concert avec la province.
Il y a quelques semaines à peine, pendant notre débat sur l'éducation postsecondaire, nous avons suggéré que le premier ministre organise une rencontre des premiers ministres sur ce même sujet. Ce serait une occasion en or d'examiner ce genre d'enjeux et de se demander si le modèle que nous utilisons depuis 35 ou 40 ans convient au financement de l'éducation postsecondaire au Canada en 2005.
Nous connaissons les faits. Personne n'aime employer de termes trop forts, mais je pense qu'on peut dire sans exagérer que l'endettement actuel des étudiants est immoral. Un pays aussi riche et aussi généreux que le Canada ne devrait pas accabler les jeunes étudiants d'un tel poids.
Certains pays qui ne sont pas aussi choyés que le Canada sur le plan des ressources naturelles et de la richesse produite par les travailleurs sont en mesure d'offrir à leurs étudiants des possibilités d'éducation postsecondaire de qualité, et ce, à un coût sans commune mesure avec celui que doivent assumer nos étudiants. Il y a quelque chose qui cloche au Canada, et il faut y remédier. Le projet de loi du sénateur Moore consiste en une intervention chirurgicale localisée. Tant qu'il n'y aura pas d'intervention générale, nous n'avons d'autre choix que d'appuyer ces mesures graduelles.
(Sur la motion du sénateur Rompkey, au nom du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)
PROJET DE LOI SUR LA STRATÉGIE NATIONALE CONTRE LE CANCER
DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Forrestall, appuyée par l'honorable sénateur LeBreton, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-26, prévoyant une stratégie nationale contre le cancer—(L'honorable sénateur Rompkey, C.P.)
L'honorable Marilyn Trenhome Counsell : Honorables sénateurs, je prends la parole sur le projet de loi S-26, qui prévoit une stratégie nationale contre le cancer.
Le sénateur Forrestall a dit que le premier ministre de sa province, l'honorable John Hamm, avait été son inspiration. Il a également confirmé que la Société canadienne du cancer et l'Institut national du cancer appuyaient tous deux le projet de loi S-26. Il a ajouté que d'autres organismes, comme la Cancer Advocacy Coalition, l'Association canadienne du diabète, la Fondation des maladies du cœur du Canada et l'Association pulmonaire du Canada, ont appelé à l'adoption d'une stratégie nationale contre le cancer. Je dois néanmoins demander si ces organismes sont satisfaits du projet de loi S-26 tel qu'il est maintenant
Le 12 avril 2005, le sénateur Forrestall a pris la parole sur le projet de loi S-26 et a dit que ce dernier fera converger les efforts de recherche au Canada sur la lutte contre le cancer sous ses diverses formes, sur son traitement et sur la recherche d'un remède et que le ministre de la Santé consultera les ministres responsables de la santé dans chaque province ainsi que les organismes de bienfaisance qui participent à la recherche sur le cancer et qu'il établira un comité consultatif. Il a dit aussi que le projet de loi incitera le ministre de la Santé à faire preuve de leadership dans l'élaboration d'une stratégie nationale de recherche pour lutter contre le cancer et financer la recherche sur les causes du cancer et sur les traitements les plus efficaces de cette maladie.
J'ai lu le projet de loi S-26 très attentivement. Je dirais qu'au mieux, il représente une tentative incertaine, quoique bien intentionnée, d'améliorer l'action de notre gouvernement contre le cancer. Un grand nombre d'éléments essentiels n'ont pas été pris en compte. Par exemple, on n'y trouve aucune mention de la prévention ou de la sensibilisation. On parle des organismes de bienfaisance qui participent à la recherche contre le cancer, mais on ne dit rien du très grand nombre d'organismes et d'associations sans but lucratif qui oeuvrent d'un bout à l'autre du pays pour offrir des services de sensibilisation, de consultation, d'aide et de soins aux patients et à leur famille. On ne parle pas de perfectionnement professionnel. On ne parle pas non plus de soins palliatifs. La liste est longue et le projet de loi S-26 bien court.
Le Canada, à l'instar d'autres pays de l'OCDE, a déjà jeté les bases d'une stratégie de lutte contre le cancer. La Stratégie canadienne de lutte contre le cancer a pris forme au début du XXIe siècle. C'est un modèle moderne, visionnaire, complet et coopératif qui privilégie le consensus dans le choix des moyens prioritaires de lutte conter le cancer et qui est caractérisé par des objectifs d'ensemble, une saine obligation de rendre compte, de bons dirigeants et de bons principes directeurs. Cette stratégie a été mise sur pied par le gouvernement fédéral en collaboration avec les organismes provinciaux, territoriaux et non gouvernementaux de lutte contre le cancer.
Le 27 janvier 2005, l'administrateur en chef de la santé publique a dit :
[...] l'étape de création de la stratégie est presque terminée et toutes les parties étudient les options de financement et de mise en oeuvre.
Pendant que le gouvernement cherche la meilleure voie d'approche pour assurer la mise en oeuvre de la stratégie, la lutte contre le cancer et sa prévention se poursuivent.
Le cancer est manifestement une priorité pour les gouvernements : lors d'une récente réunion, les premiers ministres se sont engagés à réduire le temps d'attente et à soutenir la planification et la mise en place de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer [...]
Le cancer sera l'une des principales maladies chroniques dont traitera la Stratégie pancanadienne de santé publique, qui sera mise sur pied par l'Agence en consultation avec de nombreux partenaires...
La prévention est essentielle.
Un des faits les plus étonnants sur les décès prématurés est que près de 70 p. 100 des cas sont évitables. Nous avons tous la responsabilité [...]
[...] la lutte contre cette maladie et sa prévention doivent rester une priorité pour tous les paliers de gouvernement, et pour tous organismes et personnes qui se vouent à cette cause.
Honorables sénateurs, vous avez entendu l'engagement qu'a pris l'administrateur en chef de la santé publique du Canada, le 27 janvier dernier. Est-ce que vous jugez que c'est un plan d'action solide? À votre avis, est-ce que cela signifie que le gouvernement prend le cancer au sérieux et qu'il mène la lutte contre le cancer? Si c'est le cas, pourquoi le sénateur Forrestall déclare-t-il, dans le compte rendu du Sénat du 12 avril dernier :
[...] j'ai fait rédiger le projet de loi après la rencontre des premiers ministres qui a eu lieu en septembre 2004 au sujet des soins de santé. J'ai vu le premier ministre de ma province, le docteur John Hamm, un éminent Néo- Écossais, expliquer à ses collègues et au premier ministre de notre pays que le Canada a besoin d'une stratégie contre le cancer. Le premier ministre s'est dit d'accord, mais malheureusement, par la suite, il n'a rien fait à cet égard
Le bon premier ministre de la Nouvelle-Écosse et le bon sénateur n'était peut-être pas bien au courant de la position que défend actuellement le Canada au sujet d'une stratégie de lutte contre le cancer. Ils ignoraient peut-être que les partenaires de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer ont noté que les recommandations de M. Romanow sont alignées de près sur les priorités de la stratégie.
Le Dr Simon Sutcliffe, président de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer, a dit en réponse au rapport de la Commission Romanow que les recommandations qui s'y trouvent sont « l'étincelle qui galvanisera les efforts déployés pour combattre le cancer au Canada ». Il a déclaré ce qui suit :
La Stratégie est la meilleure tactique que peut employer la génération actuelle pour faire tourner le vent dans le combat contre le cancer. Si nous négligeons collectivement de nous engager envers la Stratégie, nous transmettrons à nos successeurs un défi encore plus formidable.
Voici la réponse :
Les responsables de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer ont élaboré un plan d'action pour s'attaquer à la maladie la plus crainte par les Canadiens et les Canadiennes — le cancer. Plus d'un citoyen sur trois au pays développera un cancer au cours de sa vie. [...] Les Canadiens sont favorables à la Stratégie — neuf sur dix croient que l'élaboration de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer est une bonne chose.
Le rapport Romanow appuie les cinq aspects prioritaires définis par la stratégie : les normes et les lignes directrices; la prévention primaire; l'accent sur l'amélioration de l'aide psychologique et des soins palliatifs; les ressources humaines; et la recherche.
Au cours du Mois du cancer du sein de 2004, le ministre de la Santé et la ministre d'État chargée de la santé publique ont mis en valeur notre vaste effort collectif pour lutter contre le cancer — la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer. Les ministres ont conclu que l'Agence de santé publique du Canada, mise en place cette année, servira de point central pour la coordination, la recherche et l'expertise ayant trait aux questions de santé publique telles que le cancer du sein, et qu'elle aura des liens solides avec les provinces et les territoires, les intervenants et les partenaires en matière de santé publique.
Le 5 octobre 2004, les ministres Dosanjh et Bennett ont décidé qu'ensemble, nous pouvions venir à bout du cancer.
Une nouvelle Agence de la santé publique, une jeune Stratégie canadienne de lutte contre le cancer, des Instituts de recherche en santé du Canada en pleine maturité, de concert avec l'Alliance canadienne de recherche sur le cancer, rassembleront toutes les grandes organisations et agences qui subventionnent la recherche sur le cancer au Canada, afin de coordonner une réponse de la recherche pour lutter contre le cancer — voilà, honorables sénateurs, comment le Canada répond en 2005 à une stratégie nationale.
(1530)
Comment se classe le Canada sur la scène internationale? Le 27 janvier dernier, à l'occasion de la signature par le Canada du Cadre de coopération sur l'entente concernant les maladies chroniques, au Forum économique mondial annuel à Davos, en Suisse, le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé, le Dr Lee Jong- Wook, a déclaré :
L'OMS est reconnaissante et encouragée du fait que le Canada a déterminé que la prévention et le contrôle des maladies chroniques sont un effort mondial et que le pays y tient un rôle principal (...) ... l'occasion au reste du monde d'apprendre et de bénéficier des connaissances et de l'expérience du Canada dans ce domaine, tels que la Stratégie pancanadienne intégrée en matière de modes de vie sains et le contrôle du cancer.
Honorables sénateurs, je suis fière du gouvernement du Canada, de Santé Canada et de notre nouvelle Agence de la santé publique du Canada. Je suis fière de notre vision et de notre collaboration avec les provinces et les territoires du Canada. Je crois que nous sommes capables d'appuyer les milliers d'initiatives non gouvernementales qui sont prises d'un bout à l'autre de notre grand pays. Je suis ravie lorsque le Canada est reconnu sur la scène internationale comme un chef de file.
Je suis attristée qu'un membre du Sénat du Canada ait déclaré :
... malheureusement, par la suite, il n'a rien fait à cet égard [...] Par son inaction, le gouvernement semble préférer que le nombre de victimes et le taux de mortalité actuellement attribuables au cancer se maintiennent.
Heureusement, mon honorable collègue a ajouté :
Je ne pense pas vraiment cela, mais c'est parfois l'impression que l'on a.
Le projet de loi S-26 porte sur l'adoption de la Stratégie nationale contre le cancer. J'ai l'impression que nous sommes peut-être en train de débattre terminologie et nomenclature. Il faut se demander si tous les programmes que j'ai énumérés et décrits constituent une stratégie. Dans l'affirmative, le projet S-26 fait double emploi, sinon, il vaut la peine qu'on s'y intéresse.
Permettez-moi de vous parler un peu des plans de lutte contre le cancer que différents pays ont adoptés. En 1997, l'Australie a adopté son Initiative nationale de lutte contre le cancer. La France a la Ligue Française de lutte contre le cancer. L'Angleterre et le Pays de Galles ont un Cadre stratégique pour la mise sur pied de services d'oncologie ainsi qu'un Plan anti-cancer du National Health Service. Israël a une Commission de lutte contre le cancer. Au sein de l'Union européenne, il y a l'Organisation des instituts européens d'oncologie.
Dans ma province du Nouveau-Brunswick, certains réclament la mise sur pied d'un Réseau de lutte contre le cancer. Dans les demandes écrites, le groupe d'examen a pris acte des priorités déjà établies dans la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer, et a ajouté :
... par une approche coopérative entre les principaux partenaires, le Canada a établi une stratégie globale de lutte contre le cancer. [...] D'autres pays ayant pris du retard, élaborent des stratégies et des systèmes organisés pour une mise en place fructueuse.
Je conclurai en disant que l'intention du projet de loi S-26 est honorable, même si j'estime que certains discours prononcés en sa faveur ne l'étaient pas autant. Il demeure que je ne pourrai appuyer ce projet de loi tant que je ne connaîtrai pas le point de vue du ministre de la Santé au sujet du lien entre la Stratégie nationale contre le cancer et l'instrument actuel qui est la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer. Ne serions-nous pas déjà en train de respecter l'esprit de ce projet de loi? Le projet de loi S-26 ne serait-il que la Stratégie de lutte contre le cancer rebaptisée, stratégie qui a pourtant été consacrée non seulement par les provinces mais aussi par d'autres pays? En quoi le projet de loi S-26 pourrait-il renforcer la capacité du Canada pour vaincre le cancer, quand on y trouve des expressions du genre « des provinces qui acceptent de participer à la stratégie » et que le parrain du projet de loi déclare avoir rédigé ce texte « en tenant compte du fédéralisme asymétrique »?
Voici ce qu'a déclaré le Dr Barbara Whylie, chef de la direction de la Société canadienne du cancer, le 12 avril dernier :
La Stratégie canadienne de lutte contre le cancer est assortie d'un plan de prévention qui, s'il est mis en œuvre, permettra de réduire considérablement l'incidence du cancer [...] et peut-être d'éviter que plus de 1,2 million de Canadiens ne développent un cancer, outre qu'il pourrait sauver la vie de plus de 420 000 de nos compatriotes.
Et elle devait ajouter :
La Stratégie a pour objet de réduire les risques de morbidité et de mortalité associées au cancer et d'améliorer la qualité des cancéreux.
Le Dr Whylie a raison. La mise en œuvre de cette stratégie est fondamentale.
Honorables sénateurs, j'ai l'impression que les Canadiens sont unis derrière la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer en mémoire de Terry Fox et en mémoire des Canadiens de tous les horizons qui ont connu les affres du cancer. Nous adhérons tous à ce vaste mouvement dont je fais aussi partie, moi qui honore la mémoire de mon époux, et nous savons que, peu importe le titre que nous donnerons à cette mesure, pour remporter l'une des plus importantes batailles de tous les temps, la bataille contre le cancer, nous allons devoir faire front et montrer de la noblesse d'esprit, sachant que chacun de nous risque, un jour, de suivre le chemin où nous ont précédés Terry Fox et tous ceux que nous avons aimés en plus de millions d'autres Canadiens.
(Sur la motion du sénateur Rompkey, le débat est ajourné.)
[Français]
LANGUES OFFICIELLES
BUDGET ET AUTORISATION DE SE DÉPLACER—ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ SUR L'ÉTUDE DE L'APPLICATION DE LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES
Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles (budget—étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles—autorisation de se déplacer), présenté au Sénat le 21 avril 2005.—(L'honorable sénateur Corbin)
L'honorable Eymard G. Corbin propose : Que le rapport soit adopté.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
[Traduction]
PEUPLES AUTOCHTONES
BUDGET—ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ SUR L'ÉTUDE CONCERNANT LA PARTICIPATION DES PEUPLES ET ENTREPRISES AUTOCHTONES AUX ACTIVITÉS DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones (budget—étude concernant la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique), présenté au Sénat le 14 avril 2005.—(L'honorable sénateur St. Germain, C.P.)
L'honorable Nick G. Sibbeston propose : Que le rapport soit adopté.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Je crois, honorables sénateurs, que nous avons sauté le point no 3 et que nous sommes passés au point no 4. Il me semble que nous devrions aborder le point no 3. Je crois comprendre que le sénateur Gustafson voulait prendre la parole à propos de cette question en particulier.
L'ÉTUDE DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA COMMERCIALISATION DE PRODUITS AGRICOLES, AGROALIMENTAIRES ET FORESTIERS À VALEUR AJOUTÉE
RAPPORT DU COMITÉ DE L'AGRICULTURE ET DES FORÊTS—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'examen du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, intitulé La valeur ajoutée dans l'agriculture au Canada, déposé au Sénat le 14 décembre 2004.—(L'honorable sénateur Rompkey, C.P.)
L'honorable Leonard J. Gustafson : Honorables sénateurs, le secteur agricole du Canada est confronté à des défis sans précédent. La situation actuelle, caractérisée par un revenu agricole négatif, est un symptôme général de ce qui attend l'agriculture et les agriculteurs. Tous ceux parmi nous qui se soucient de l'agriculture veulent que les politiques gouvernementales et les réalités se conjuguent pour faire en sorte que ce secteur de notre économie soit rentable et durable. Les agriculteurs qui travaillent fort, leurs familles et leurs collectivités, qui bénéficient de l'agriculture, ne méritent rien de moins. Malheureusement, de nombreuses conditions et dynamiques structurelles, internationales et climatiques représentent d'importants obstacles sur la voie de l'atteinte de cet objectif.
Nous vivons une de ces situations importantes. Sir Leonard Tilley a dit naguère : « Détruisez la ferme et l'herbe va pousser dans les rues de toutes les villes du pays. » Notre agriculture connaît une situation de crise. J'ai personnellement assisté à quatre ventes d'exploitations agricoles ce printemps, dont deux étaient dues à une faillite ou c'était simplement l'agriculteur qui liquidait ses biens pour rembourser ses dettes.
(1540)
Pour bien des habitants de nos villes, il est difficile de comprendre exactement les difficultés que bon nombre des agriculteurs du pays traversent. Les reportages qui sont présentés périodiquement à la télévision au sujet des manifestations d'agriculteurs et des annonces d'aide aux agriculteurs faites par le gouvernement donnent un bref aperçu de quelques-uns des très graves problèmes qu'ils vivent. La faiblesse des cours des produits de base, la maladie de la vache folle, dont nous avons tous entendu parler, et les problèmes du secteur des céréales et des graines oléagineuses ont eu des conséquences néfastes pour ce secteur qui représente 8 p. 100 du produit intérieur brut du Canada.
Il y a quelques jours, j'ai reçu un appel d'un producteur de maïs de l'Ontario, qui me disait qu'il avait du maïs numéro 1. On lui en donnait 1,20 $ le boisseau. Il lui en coûte sans doute 3 $ le boisseau pour produire ce maïs.
La situation est la même dans les secteurs du blé, des céréales et des graines oléagineuses. Il y a quelques mois, le canola se vendait à plus de 9 $ le boisseau. Aujourd'hui, son prix est de 5,50 $ le boisseau. Les cours des produits de base se sont tout simplement effondrés. C'est une situation catastrophique pour les agriculteurs canadiens.
Le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les groupes d'agriculteurs, le Sénat et les comités parlementaires réussissent bien, en général, à défendre la cause du secteur agricole et à faire valoir ses problèmes. Je dois dire que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts est probablement l'un des meilleurs comités du Sénat. Il accomplit un travail exemplaire en ce qui concerne la formulation de recommandations mais, à elles seules, les recommandations ne suffisent pas.
Par ailleurs, bien que les législateurs et les bureaucrates mettent souvent du temps à agir pour le compte des agriculteurs, la réalité est la suivante : en raison de la dépendance de l'agriculture envers le commerce et du fait qu'elle soit axée sur le marché, il nous est difficile d'apporter une aide à ce secteur vital. Au total, 80 p. 100 des agriculteurs sont tributaires des marchés internationaux, qui fixent les prix qu'on leur accorde pour leurs produits et qui déterminent les possibilités de vente de ces derniers. Aucune région et aucun produit ne peut se soustraire à cet aspect fondamental du secteur agricole.
La maladie de la vache folle et la fermeture des frontières qui en a résulté sont tout particulièrement révélatrices de la dépendance de l'agriculture envers le commerce. En période de prospérité, le secteur canadien de l'élevage de bovins et de ruminants est l'un des ponts forts de nos relations avec les États-Unis et avec d'autres partenaires commerciaux, mais la fermeture des frontières a eu un effet terrible et a causé une perte de 7 milliards de dollars pour l'économie. C'est une somme considérable et c'est exactement ce montant qui manque aux agriculteurs.
Nous avons entendu parler de gens qui ont vendu des vaches de réforme et qui ont été payés 10 $ ou 12 $ la vache. J'ai appris l'autre jour qu'un éleveur a dû payer le transport de sa poche, sans rien obtenir pour l'animal. La situation est très grave.
Beaucoup d'agriculteurs ont subi de lourdes pertes depuis la fermeture de la frontière due à l'ESB, notamment des éleveurs- naisseurs, des producteurs laitiers, des engraisseurs de bovins et des éleveurs d'autres ruminants. L'industrie du camionnage est également très touchée.
La mauvaise gestion de ce dossier et de tout le secteur agricole par le gouvernement libéral est évidente. Il suffit pour s'en convaincre de voir à quel point l'agriculture est négligée dans le budget et dans le dernier discours du Trône et de constater l'absence de toute mesure concrète de la part de notre gouvernement dans le procès qui se déroule à Billings, au Montana. Le tribunal américain a accordé une injonction temporaire empêchant la réouverture de la frontière Canada-États-Unis au bétail sur pied canadien. Une audition complète de l'affaire est prévue pour le 27 juillet 2005. Comme le gouvernement libéral semble avoir simplement renoncé à défendre les intérêts canadiens dans cette affaire, des parlementaires conservateurs ont indiqué qu'ils sont disposés à demander à être reconnus comme intervenants pour être en mesure de participer directement au procès.
Cela mis à part, je suis persuadé que la récente injonction américaine prolongeant la fermeture de la frontière sera levée. Entre-temps, nous devons veiller à ce que les producteurs disposent des fonds provisoires et des mesures d'aide nécessaires pour réduire les difficultés économiques et l'endettement croissant occasionnés par cette crise.
Le gouvernement fédéral s'est beaucoup vanté de ses efforts tendant à accroître la capacité intérieure d'abattage. Même si ces efforts ne peuvent pas se substituer à la reprise des échanges normaux de bétail sur pied et de boeuf avec nos partenaires commerciaux, nous devons adopter une approche très stratégique en ce qui concerne cet objectif. Après la réouverture de la frontière Canada-États-Unis, des pressions différentes s'exerceront sur les abattoirs et les usines de transformation des deux pays. Le gouvernement doit prévoir ce scénario et veiller à ne pas créer une surcapacité.
Notre comité a entendu des témoins de nombreux groupes qui demandent de l'aide pour construire de nouvelles usines de transformation. Celle qui a été créée dans l'Île-du-Prince-Édouard a donné des résultats très positifs parce qu'il existe là un marché captif sur le plan du transport. L'usine construite dans la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique, dessert aussi un marché captif d'environ 4 millions de consommateurs. C'était donc une mesure très utile.
Par ailleurs, je crois qu'il serait dans notre intérêt de considérer d'autres domaines et de nous demander si nous n'en faisons pas trop. Examinons les faits. Les Américains ont très bien vendu notre boeuf sur les marchés internationaux, et il est évident que nous ne voulons absolument pas lancer une guerre des prix dans cette industrie.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas envisager d'étendre le secteur de la transformation. Je recommande de construire une grande usine quelque part au Canada, qui s'occuperait uniquement des vaches de réforme et des bas de gamme. Ce n'est là, bien entendu, que mon opinion personnelle après avoir entendu les témoins qui ont comparu devant le comité.
La surproduction internationale de céréales et d'oléagineux et les programmes de soutien intérieur des autres pays ont tant fait baisser les prix que beaucoup d'agriculteurs abandonnent leur exploitation ou cherchent du travail ailleurs. Beaucoup de nos agriculteurs ont aujourd'hui un emploi extérieur. Des propriétaires de petites exploitations doivent conduire des autobus scolaires ou faire d'autres travaux dans la collectivité. Beaucoup de nos jeunes travaillent pour des entreprises pétrolières.
Je tiens à dire ceci : les Prairies en particulier devraient se féliciter de l'essor de l'industrie pétrolière. Nous avons deux économies dans les Prairies, l'économie agricole et l'économie pétrolière, qui sont très différentes l'une de l'autre. Toutefois, l'essor de l'industrie pétrolière a profité à tous les habitants des Prairies.
À mon avis, la faiblesse des prix des produits de base peut causer plus de difficultés à long terme que la crise de l'ESB. Dans le cas de cette crise, on sait que la frontière finira par se rouvrir, ce qui mettre à un terme aux difficultés correspondantes. Les prix du secteur de l'élevage bovin sont fixés par le marché nord-américain et il est évident que ce secteur ne pourra que bénéficier de la réouverture de la frontière.
(1550)
En revanche, il n'en va pas de même pour l'industrie céréalière parce que la plus grande partie des céréales exportées sont destinées à des pays du tiers monde dont la plupart n'ont pas les moyens de les payer. Il est important que l'Organisation mondiale du commerce ou d'autres groupes se penchent sur la situation mondiale et décident de ce qui doit être fait au Canada. Comment agir face à cette situation? Il est urgent que nous trouvions une réponse pour les Canadiens.
Les conservateurs estiment que l'agriculture est un secteur clé, stratégique pour l'ensemble du Canada. Nous reconnaissons que les différentes régions de notre pays et des divers secteurs de l'industrie détiennent des avantages compétitifs en matière de production agricole. Notre position sur le plan de la politique agricole repose sur la conviction qu'il n'existe pas de formule unique. Les conservateurs sont convaincus qu'il faut élaborer une politique agricole en consultation étroite avec les producteurs. Il convient, à cet égard, de ne pas oublier que nos exploitants agricoles sont des dirigeants d'entreprise. Dicter une politique qui pourrait avoir un effet négatif sur cette composante du milieu des affaires ne pourrait qu'avoir des conséquences négatives et qu'être contraire aux principes du Parti conservateur. L'une des grandes priorités doit être de réaliser un équilibre entre la responsabilité financière et la prestation de programmes d'aide valables.
Permettez-moi de parler de la question des aides accordées par le gouvernement. J'aurais tort d'affirmer que le gouvernement en place n'a pas appuyé le secteur agricole, parce qu'il l'a fait. Toutefois, il faudrait s'attarder davantage à la façon dont il a apporté et administré ces aides. Il est important que le gouvernement s'assoie avec les producteurs pour dégager des solutions porteuses, ne risquant pas de porter atteinte aux efforts déployés par l'administration ni aux fonds versés par le gouvernement. Il faut faire très attention à ces aspects.
Pour ce qui est de l'exportation des produits agricoles et de la diversification de l'agriculture, un gouvernement conservateur favoriserait l'atteinte de l'autosuffisance en matière de production alimentaire nationale, notamment en insistant davantage sur la diversification des cultures et des produits agricoles. Nous chercherions à trouver d'autres débouchés d'exportation pour tous les produits agricoles en nous attardant aux marchés et à la transformation des produits alimentaires.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je suis désolée de devoir interrompre notre collègue, mais je me dois de signaler au sénateur Gustafson que son temps de parole est écoulé. L'honorable sénateur demande-t-il la permission de poursuivre?
Le sénateur Gustafson : Honorables sénateurs, je m'efforcerai d'être bref.
Son Honneur la Présidente intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Le sénateur Stratton : Cinq minutes.
Le sénateur Gustafson : Selon les agriculteurs, en transformant en flocons de maïs un boisseau de maïs d'une valeur de 1,20 $, on en multiplie la valeur au centuple. Telle est l'importance de la transformation. Depuis le début de l'histoire du Canada, certaines de nos familles les plus prospères oeuvrent dans le secteur de la transformation des aliments. Toutefois, les agriculteurs et les producteurs ne touchent pas une grosse part de cette valeur ajoutée. On n'a pas réussi à trouver une façon de payer aux producteurs une juste part pour les produits de base.
Le gouvernement doit se pencher sur la situation et déterminer comment les choses pourraient être changées. Il suffirait de peu. Que le boisseau de maïs coûte 1,20 $ ou 4 $ ne fera guère de différence avec un facteur de multiplication de cet ordre pour les produits transformés.
Honorables sénateurs, le maintien à un bas niveau des prix des produits de base pourrait s'avérer plus préjudiciable que tout ce que nous avons vu jusqu'à dans le secteur agricole au Canada. Lorsqu'il parlait de l'importance de l'exploitation agricole, sir Leonard Tilley avait raison de dire : « Détruisez la ferme et l'herbe va pousser dans les rues de toutes les villes du pays. »
(Sur la motion du sénateur Rompkey, le débat est ajourné.)
RÈGLEMENT, PROCÉDURE ET DROITS DU PARLEMENT
MOTION VISANT À PERMETTRE LA RÉINTRODUCTION DES PROJETS DE LOI DÉPOSÉS AU COURS D'UNE SESSION PARLEMENTAIRE À LA SESSION SUIVANTE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Smith, C.P. :
Que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement étudie et fasse les recommandations pertinentes sur l'utilité de modifier la pratique du Sénat pour que les projets de loi déposés au cours de la session parlementaire précédente soient réintroduits à la même étape procédurale lors de la session parlementaire suivante afin d'intégrer, au Règlement du Sénat, une procédure déjà existante à la Chambre des communes et qui aurait pour effet d'augmenter l'efficacité de notre procédure parlementaire.—(L'honorable sénateur Oliver)
L'honorable Mira Spivak : Honorables sénateurs, je suis tout à fait en faveur de cette motion. Il y a plusieurs mois, j'ai écrit au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement pour lui demander d'examiner le besoin pressant de nouvelles règles qui permettraient au Sénat de reprendre l'étude des projets de loi d'intérêt public présentés par des sénateurs à la même étape où ces projets étaient à la fin de la session précédente. On éviterait ainsi de refaire constamment les mêmes travaux ici et aux comités, comme nous l'avons vu au cours des dernières années. Ce serait aussi une façon d'améliorer l'image du Sénat au sein de la population, image qui a été franchement mise à mal à cause des règles de procédure actuelles.
Les partisans des projets de loi du Sénat sont choqués, et ils ont raison de l'être, lorsqu'ils voient un projet de loi franchir toutes les étapes au Sénat, de la première à la troisième lecture en passant par l'étude en comité, puis, une fois arrivé aux Communes, être renvoyé au Sénat pour qu'on en reprenne l'étude à l'étape de la première lecture. Au cours des dernières années, nous avons assisté trop souvent à ce manège. Certains projets de loi se sont même retrouvés dans la boucle sans fin deux fois plutôt qu'une.
Ceux qui appuient activement des projets de loi à grand renfort de pétitions, de lettres et de témoignages devant les comités sont stupéfaits et bien agacés de voir la mécanique du Sénat à l'œuvre. Ce ne sont pas seulement les sénateurs qui doivent refaire deux fois le même travail, mais aussi bien d'autres personnes.
Honorables sénateurs, le sort du projet de loi S-12, sur les motomarines, illustre bien ce problème. Il en est encore à l'étape de la deuxième lecture dans cette chambre, alors que pourtant, il a passé deux fois l'étape de la troisième lecture. Il a été présenté pour la première fois sous le nom de projet de loi S-26 en mai 2001, il y a presque quatre ans. Des comités en ont fait rapport sans amendement, à l'unanimité, et il a été adopté à l'unanimité au Sénat sous ses incarnations précédentes, le projet de loi S-10 et le projet de loi S-8. Il a deux fois été présenté à la Chambre des communes, et par deux fois, il est resté en plan au Feuilleton. Bien avant que le projet de loi sur les motomarines ait fait l'objet d'une première lecture sous le nom de projet de loi S-12, il avait déjà été débattu pendant trois heures ici même et étudié en comité pendant douze heures. Les sénateurs ont donc consacré quinze heures et autant de ressources pour un petit projet de loi qui mettrait en oeuvre ce que le gouvernement lui-même a proposé en 1994. C'est absurde.
(1600)
Il convient aussi de mentionner qu'en ayant consacré 12 heures au projet de loi, le comité y a passé plus de temps que pour d'autres questions beaucoup plus importantes, comme, par exemple, les projets de loi portant sur la gestion des déchets nucléaires ou sur l'exportation d'eau à grande échelle. En effet, en tout, on a passé presque autant de temps à étudier ce projet de loi que le comité a pris pour se pencher sur le principal projet de loi environnemental du gouvernement lors de la dernière législature, la Loi sur les espèces en péril.
Quand les fervents partisans du projet de loi S-10 — qui sont des dizaines de milliers au Canada — ont appris que nous n'en étions qu'à la première lecture du projet de loi S-12, ils nous ont écrit des lettres, dont voici des extraits :
C'est absurde! C'est décevant et inquiétant! Que de temps, d'argent et de bonne volonté perdus. [...] Tant pis pour la courtoisie, le respect et le soin dont nous sommes censés faire preuve les uns envers les autres. Tant pis pour l'entraide au Canada.
Et tant pis pour l'institution du Sénat.
Ce commentaire venait des provinces de l'Atlantique.
Quelqu'un d'autre, qui a beaucoup fait pour convaincre ses concitoyens québécois d'appuyer le projet de loi, a écrit ce qui suit :
J'ai peut-être tort, mais le processus est le suivant : le projet de loi doit être lu trois fois au Sénat, et ensuite trois fois à la Chambre des communes, tout ça pendant la même session parlementaire. C'est une tâche presque impossible, surtout si les audiences se multiplient [...]. Le projet de loi S-12 mourra une fois de plus.
C'est un peu à contrecoeur que je lui donne raison, mais étant donné que ce projet de loi, qui a déjà été adopté deux fois, semble avoir calé à l'étape de la deuxième lecture, il est difficile de faire autrement.
Nous ne nous rendons pas service et nous faisons faux bond aux personnes qui comptent sur nous en rendant presque impossible l'adoption d'un projet de loi public du Sénat si quelqu'un s'y oppose. En outre, notre système actuel accorde une trop grande importance aux positions défendues par les lobbyistes, qui sont payés pour exercer des pressions sur le gouvernement et se présenter à maintes reprises devant les comités. Ceux qui donnent bénévolement de leur temps pour défendre les intérêts du public doivent s'absenter du travail ou sacrifier leurs vacances pour venir nous faire part de leurs connaissances. Le lobbyiste ou le représentant d'une association industrielle ne devrait pas avoir la chance de parler plus souvent qu'à son tour, au détriment de ces gens.
Certains croient peut-être que l'idée du projet de loi S-12 vient de moi, mais il n'en est rien. De nombreuses personnes et associations de propriétaires de chalets, estimant qu'ils avaient un problème qui devait être réglé, sont venues me demander de présenter ce projet de loi. Je ne viens pas défendre mes propres intérêts, mais plutôt ceux de gens qui viennent d'un bout à l'autre du pays.
Il est temps que, à l'instar de la Chambre des communes, nous modifiions notre Règlement. Les Communes ont établi cette règle. Il est plus que temps que nous leur emboîtions le pas. J'espère sincèrement que le Comité du Règlement traitera cette affaire en priorité et se mettra au travail de sorte que nous puissions adopter sous peu une procédure nouvelle, plus saine.
(Sur la motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur Oliver, le débat est ajourné.)
[Français]
LA DÉCENTRALISATION DES MINISTÈRES, ORGANISMES GOUVERNEMENTAUX ET SOCIÉTÉS D'ÉTAT FÉDÉRAUX
INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Downe, attirant l'attention du Sénat sur les avantages de la décentralisation des ministères fédéraux, organismes gouvernementaux et sociétés de la Couronne de la capitale nationale vers les différentes régions du Canada.—(L'honorable sénateur Ringuette)
L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, j'aimerais attirer l'attention du Sénat sur la question de la décentralisation de la bureaucratie conformément à l'interpellation du sénateur Downe. Il ne faudrait pas confondre la décentralisation bureaucratique qui consiste à déplacer des bureaux à l'extérieur d'Ottawa et le nouveau concept de service à la clientèle appelé Service Canada.
En tant qu'ex-législatrice du Nouveau-Brunswick, j'appuie toujours fermement l'approche Service Nouveau-Brunswick, qui facilite aux habitants de ma province l'accès aux services gouvernementaux. En outre, il s'agit d'un beau défi pour les fonctionnaires qui y travaillent car ils doivent mettre en pratique de multiples compétences et ils ne sont pas limités à un seul programme, ce qui est souvent ennuyant. Cela leur donne davantage de satisfaction au travail et élargit leurs perspectives professionnelles.
Nous devons aussi reconnaître que les 308 bureaux de circonscription des députés constituent, en fait, des guichets uniques, c'est-à-dire des bureaux de Service Canada pour les citoyens qui ont besoin d'un service du gouvernement fédéral.
Je puis vous affirmer avec certitude que c'est le cas pour les députés des régions et des petites communautés. Les députés et leur personnel répondent aux questions des gens, les acheminent vers les bons bureaux, les bons agents et les renseignements sur les critères des programmes. En gros, nous disposons déjà de plus de 350 guichets uniques d'un bout à l'autre du pays, toutefois, on les voit souvent comme étant trop politiques.
L'expérience du Nouveau-Brunswick s'est avérée très fructueuse et le gouvernement fédéral aurait avantage à s'en inspirer pour la mise en œuvre de Service Canada. Cependant, à mon avis, il est impératif que les opérations fédérales de Service Canada se distinguent des opérations provinciales. À cet égard, vous conviendrez avec moi que la première étape, en vue d'offrir un meilleur service à la clientèle, consisterait à se débarrasser du système de répondeur téléphonique tout à fait exaspérant et de le remplacer par de véritables téléphonistes en chair et en os, à l'autre bout du fil. On me dira qu'il s'agit d'un système de premier choix, privilégié par le secteur privé. À cela, je répondrai que le consommateur dispose de certains choix lorsqu'il fait affaire avec le secteur privé, mais que le contexte concurrentiel n'est pas le même pour les services publics et qu'il n'y a pas d'autre choix.
Tous les dix ans, depuis les années 1970, les gouvernements ont tenté tour à tour de déplacer, autrement dit de décentraliser certains ministères à l'extérieur d'Ottawa. Malgré l'opposition à laquelle ils ont été confrontés, les ministères déplacés ont bel et bien réussi à réduire leurs coûts en termes d'immobilisations et de ressources humaines et ils sont devenus des moteurs de développement économique pour leur région d'adoption.
J'appelle cela du leadership. On peut dépenser des millions de dollars en programmes pour stimuler le développement économique d'une région et y attirer les investisseurs, mais si le gouvernement fédéral n'est pas disposé à y déplacer ses opérations, il ne fait que fausser le bilan économique de cette région en lui offrant de simples voeux pieux. Le gouvernement fédéral sait que les régions ont besoin d'outils de développement économique, cela ne fait aucun doute. C'est pourquoi je fais appel à notre gouvernement pour qu'il montre la voie au secteur privé et déplace ses opérations dans les régions qui ont besoin d'un « coup de fouet » économique.
(1610)
Il est certes agréable de vivre à Ottawa et d'y élever une famille, mais la capitale ne détient pas la palme de qualité la de vie au Canada. Si elle est très bien située géographiquement, elle ne correspond pas nécessairement à ce que nous sommes en tant que peuple, comme en témoigne notre Constitution.
En effet, après plus de 23 ans, notre capitale nationale n'a toujours pas été désignée ville bilingue par le gouvernement de l'Ontario. C'est tout simplement honteux!
De plus, ce même gouvernement se plaint depuis quelques mois du déséquilibre fiscal. Or, posons-nous la question : dans quelle mesure l'emplacement de notre capitale nationale contribue-t-il au revenu de la province de l'Ontario?
À l'exclusion des sociétés d'État et des organismes gouvernementaux, plus de 40 p. 100 des emplois de la fonction publique fédérale sont situés en Ontario et 20 p. 100 au Québec. La majeure partie de ces 60 p. 100 se trouvent en Outaouais, le reste se trouvant en nombre limité à Toronto et à Montréal. Cela représente plus de 200 000 emplois au gouvernement fédéral, et j'exclue les sociétés d'État et les agences.
Si l'on suppose un salaire annuel de 55 000 $ en moyenne par emploi, cela signifie une masse salariale d'environ 11 milliards de dollars par année. Sur ces 11 milliards de dollars, environ 7,5 milliards reviennent à l'Ontario seulement. On pourrait aussi dire que cela représente 2,5 milliards de plus que les 5 milliards de dollars de déséquilibre fiscal dont se plaint le gouvernement de l'Ontario.
[Traduction]
Les honorables sénateurs seront certainement d'accord avec moi pour dire qu'une masse salariale de 11 milliards de dollars sera la bienvenue dans n'importe quelle de nos provinces.
Le sénateur Trenholme Counsell : Bravo!
Le sénateur Ringuette : Cela leur permettrait de ne plus être tributaires du programme de péréquation et de figurer désormais parmi les provinces qui apportent leur contribution financière à la fédération, aux côtés de l'Ontario. Ces provinces n'auraient certes plus à se plaindre de déséquilibre fiscal et ne rejetteraient pas, pendant 23 ans, les demandes incessantes des Canadiens qui insistent pour que leur capitale nationale soit bilingue.
Comme le disent les gens de chez nous, on ne doit pas se plaindre le ventre plein ou, comme on dit ailleurs au pays, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.
Honorables sénateurs, je profite de l'occasion pour souligner les retombées positives qu'aurait le transfert d'une ou de plusieurs activités du gouvernement fédéral dans ma région du Nouveau- Brunswick, que ce soit à Grand Falls, Edmundston ou Campbellton. Toutes ces villes sont en mesure d'offrir à tous des services dans les deux langues officielles, et ce, sans coûts supplémentaires de formation pour le gouvernement fédéral.
En plus d'attirer des investissements privés, le déplacement de 1 000 emplois fédéraux, ou de 0,3 p. 100 des emplois de la fonction publique fédérale, qui représentent en moyenne une masse salariale de 55 millions dollars par an, aurait pour effet d'augmenter la valeur de nos ressources humaines, d'augmenter les inscriptions aux programmes scolaires et postsecondaires locaux, de multiplier les possibilités d'emplois locaux, nous aidant ainsi à garder nos jeunes. Il permettra de hausser la valeur de l'immobilier, d'augmenter les recettes des magasins de détail, des hôtels et des restaurants, de stimuler le tourisme, d'augmenter le trafic aérien et ferroviaire, garantissant ainsi à nos habitants et à nos gens d'affaires la viabilité de ces services. Il fera augmenter les recettes provenant des taxes foncières des gouvernements locaux, en plus d'augmenter les recettes provenant de l'impôt sur le revenu et des taxes de vente du Nouveau-Brunswick, réduisant ainsi notre dépendance à l'égard des paiements de péréquation. Il permettra d'accroître la base de bénévoles communautaires, de favoriser la viabilité et la base de revenu des installations récréatives, de réduire notre dépendance économique de l'exploration de nos ressources naturelles, de réduire les variations saisonnières de notre économie régionale, de réduire notre taux de chômage et notre besoin des prestations d'assurance- emploi, de réduire les coûts de fonctionnement du gouvernement fédéral et d'alléger le fardeau des contribuables et, enfin, de réduire le besoin d'augmenter les fonds pour le développement économique pour notre région.
Pour élargir la perspective des avantages financiers qu'offre ce scénario, on peut voir dans le budget fédéral de 2005-2006 que le montant alloué à l'APECA aux fins du développement économique — et cela, pour toutes les provinces atlantiques — est de 45 millions de dollars. Ce montant est de 10 millions inférieur à celui du déplacement de 1 000 emplois fédéraux, ou de 0,3 p. 100 — pas 1 mais bien de 0,3 p. 100 — de ces emplois. Qu'on imagine un peu ce que le déplacement de 10 000 emplois gouvernementaux, ou de 3 p. 100 de la fonction publique fédérale, ferait pour l'économie de la région de l'Atlantique.
Honorables sénateurs, loin de moi l'idée de remplacer l'APECA par le déplacement d'emplois de la fonction publique fédérale, mais j'insiste en disant qu'il faudrait avoir un peu plus des deux, comme c'est le cas en Ontario avec l'Initiative fédérale du développement économique du Nord de l'Ontario, ou FedNor.
À mon avis, le scénario ci-dessus ne peut qu'être avantageux pour tous les intéressés. Ce scénario vaut aussi pour de nombreuses collectivités partout au Nouveau-Brunswick, en dehors du triangle d'or que constituent Fredericton, Moncton et Saint-Jean, qui peuvent compter sur une base économique et une infrastructure plus solides.
Avec le moyen de communication infini que nous avons avec Internet haute vitesse, le raisonnement qui veut que la bureaucratie soit à proximité du législatif et de l'exécutif du gouvernement ne tient plus. Je crois vraiment que le gouvernement fédéral devrait avoir pour priorité de décentraliser ses ministères, ses sociétés d'État et ses agences.
Le Sénat devrait renvoyer l'interpellation du sénateur Downe au Comité sénatorial permanent des finances nationales pour étude immédiate. Cela devrait aboutir à des recommandations concrètes qui enjoindraient au gouvernement d'accélérer le processus de relocalisation de la bureaucratie fédérale dans les localités où sa présence serait appréciée sur-le-champ, notamment en raison des répercussions directes et indirectes que cela aurait sur la fiscalité et l'économie sociale des petites localités touchées.
(Sur la motion du sénateur Chaput, le débat est ajourné.)
LE SÉNAT
MOTION VISANT À MODIFIER L'ARTICLE 32 DU RÈGLEMENT—LES INTERVENTIONS AU SÉNAT—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Corbin, appuyée par l'honorable sénateur Cook :
Que le Règlement du Sénat soit modifié à l'article 32 par substitution de ce qui suit :
32. (1) Un sénateur qui désire prendre la parole au Sénat doit se lever du siège qu'il occupe habituellement avant de s'adresser aux autres sénateurs.
(2) Tout sénateur qui prend la parole au Sénat doit s'adresser dans l'une des langues officielles.
(3) Nonobstant le paragraphe (2), un sénateur qui désire s'adresser à la Chambre en inuktitut doit en aviser le greffier du Sénat au moins 4 heures avant le début de la séance du Sénat.
(4) Le greffier du Sénat prend les dispositions nécessaires afin d'obtenir l'interprétation des paroles prononcées en inuktitut dans les deux langues officielles.
(5) Les paroles prononcées en inuktitut seront publiées dans les Débats du Sénat dans les deux langues officielles, avec mention dans les Journaux du Sénat qu'elles ont été prononcées en inuktitut. » —(L'honorable sénateur Robichaud, C.P.)
Permission ayant été accordée de revenir à la motion no 82.
L'honorable Charlie Watt : Honorables sénateurs, tout d'abord, en mon nom et au nom du sénateur Adams, je tiens à remercier très sincèrement le sénateur Corbin, qui a présenté cette motion le 13 avril 2005.
(1620)
Honorables sénateurs, je sais que le sénateur Robichaud avait demandé l'ajournement en ce qui a trait à cette question et j'imagine qu'il va traiter de ce dossier. Je prends la parole pour dire que j'appuie fortement cette initiative et que celle-ci est opportune. Comme tous les sénateurs le savent, c'est dans sa langue maternelle qu'on s'exprime le mieux. Le fait que je veuille, à l'occasion et au besoin, m'exprimer dans ma langue maternelle relativement à certaines questions importantes, n'est pas quelque chose de tout à fait nouveau. Il en va de même du sénateur Adams
Peu importe ce que nous décidons de faire du point de vue administratif, le système doit être uniforme et stable.
Le paragraphe 3 dit :
(3) Nonobstant le paragraphe (2), un sénateur qui désire s'adresser à la Chambre en inuktitut doit en aviser le greffier du Sénat au moins 4 heures avant le début de la séance du Sénat.
Je pense que nous devons nous concentrer sur ce point. Je ne vais pas m'y attarder maintenant, parce que j'estime que ce point doit être examiné en comité. Je ne vais même pas mentionner ce que je crois être les aspects qui posent problème. Il faut que nous trouvions la meilleure solution pour assurer stabilité, uniformité et fiabilité. Il était important que je fasse cette intervention avant que le sénateur Robichaud ne prenne la parole relativement à cette question. Je pense qu'il va le faire demain.
L'honorable Joan Fraser : Le sénateur Watt accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Watt : Oui.
Le sénateur Fraser : Je veux d'abord dire que mon intuition me dit que c'est un bon changement. Je suis tentée de dire qu'il faut effectuer ce changement immédiatement. Toutefois, je me pose des questions en ce qui a trait aux autres langues autochtones, et il y a en a un bon nombre. À l'heure actuelle, nous n'avons personne au Sénat dont la langue maternelle est, par exemple, le mohawk ou le cri.
Le sénateur Watt : Le sénateur Gill.
Le sénateur Fraser : Il a peut-être lui aussi un point de vue à exprimer à ce sujet.
L'honorable sénateur a-t-il pensé à la façon dont nous pourrions élaborer un régime juste pour tous les Autochtones, capable d'évoluer avec le temps et applicable en pratique? L'honorable sénateur a-t-il réfléchi à cela?
Le sénateur Watt : Oui et non. Je comprends où veut en venir l'honorable sénateur. C'est un problème que le Sénat peut avoir à résoudre, au besoin, selon les nominations au Sénat. Je parle couramment l'inuktitut, c'est ma langue maternelle. Le sénateur Adams parle lui aussi couramment l'inuktitut. Nous sommes deux Inuits au Sénat, mais nous ne pouvons parler que de notre cas. Je suis certain que le sénateur Gill peut aborder la question de son point de vue s'il le désire. Je ne suis pas certain qu'il parle la langue de son peuple. Je ne peux parler que du sénateur Adams et de moi- même à cet égard.
C'est un bon point de départ. Cela ne réglera pas tous les problèmes, mais nous serons en mesure de répondre immédiatement au sujet de certaines questions. Évidemment, nous ne pourrons participer de la même façon que ceux qui parlent anglais ou français, particulièrement lorsqu'il s'agira de contre-interroger un témoin. Cela pourra se faire plus tard, mais c'est un bon point de départ.
J'espère avoir répondu à la question de l'honorable sénateur.
L'honorable John G. Bryden : Puis-je également poser une question au sénateur Watt?
Le sénateur Watt : Je vous écoute.
Le sénateur Bryden : Au cours des dernières années, nous avons élaboré un système qui a permis à notre bon ami, le sénateur Gauthier, de participer pleinement aux travaux du Sénat. Je ne sais pas exactement comment fonctionne ce système, mais sa précision est telle que le sénateur Gauthier pouvait lire en même temps ce qui se disait au Sénat et dans les réunions des comités. La technologie permet maintenant de transcrire en temps réel les paroles prononcées. Nous pouvons passer de l'oral à l'écrit, de l'écrit dans une langue à l'écrit dans l'autre langue, et nous avons accès à l'interprétation simultanée grâce à nos écouteurs. L'honorable sénateur considère-t-il qu'un système semblable à celui qui permettait au sénateur Gauthier de participer pleinement aux travaux du Sénat, malgré son handicap, lui semblerait acceptable?
Le sénateur Watt est-il d'avis que si un sénateur dont la langue maternelle est une autre langue autochtone était nommé, la langue de ce sénateur pourrait être incluse dans le Règlement?
Le sénateur Watt : Ce sont là des questions sur lesquelles nous devrions nous pencher afin d'y trouver des réponses. Je n'aborderai pas ces questions précises pour l'instant. Par contre, nous devrions tenir compte des rapides progrès de la technologie. Je crois que l'interprétation simultanée serait extrêmement utile et qu'il serait possible de fournir ce service. J'imagine que cette question sera abordée par le comité.
Le sénateur Adams a également mentionné que le sénateur Gauthier utilisait certains appareils et était entouré de gens qui l'aidaient à suivre tout ce qui se disait au Sénat. Le comité devrait sans doute se pencher sur ce sujet.
[Français]
L'honorable Aurélien Gill : J'aimerais tout d'abord féliciter le sénateur Corbin de cette excellente initiative. Elle témoigne de notre respect envers les langues des Premières nations de notre pays.
Le principe n'est pas encore tout à fait défini, mais il est créé. Il s'agit maintenant de déterminer comment le mettre en œuvre. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de mettre à la disposition du Sénat ou des sénateurs des formulaires lorsqu'ils désirent recourir à cette prérogative. Il ne faut pas voir dans cette initiative une tentative d'aider des personnes qui sont handicapées. Il ne s'agit pas d'un handicap.
La question est tout de même assez complexe et il faut l'apprécier en fonction du but visé. La mise en application nécessitera, bien sûr, que l'on prenne certaines précautions qui s'imposent. Cependant, il faudra avant tout considérer les besoins des gens qui auront éventuellement recours à ce service.
Je demanderais donc à l'honorable sénateur Watt de nous soumettre ses impressions sur la formule idéale. Nous ne disposons pas d'une formule spécifique en ce moment. On peut apprécier le but de l'initiative, mais la formule reste à déterminer. Je ne sais pas si des formules en particulier sont utilisées actuellement au Nunavut pour ce qui est de la traduction ou de l'interprétation. Il existe peut-être certains modèles au sein du gouvernement du Nunavut qui pourraient nous inspirer et nous guider en ce qui a trait à l'utilisation ou à l'expression en langues autres que le français et l'anglais.
(1630)
[Traduction]
Le sénateur Watt : Je vous remercie de votre question, sénateur Gill. Je crois savoir que, dans les assemblées législatives du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest, on parle jusqu'à sept langues. Il existe donc un système qui sert quotidiennement. Les deux assemblées disposent d'interprètes qui sont en mesure de passer d'une langue à l'autre, puis à une autre, à tout moment. Nous voudrions également être en mesure de le faire. Voyons comment nous pourrions agir pour faire avancer cette cause.
[Français]
L'honorable Madeleine Plamondon : Honorables sénateurs, j'aurais une autre question à poser. Nous revenons, madame le sénateur Viola Léger, le sénateur Sibbeston et moi-même, d'une visite des Territoires du Nord-Ouest. Nous avons constaté que beaucoup plus que les deux langues officielles étaient utilisées : il y a en avait plus d'une dizaine, si je me souviens bien. Nous avions la traduction. À l'aide de l'ordinateur, il est possible de recevoir le texte dans sa langue, mais quand on doit parler, il faut s'exprimer dans les deux autres langues officielles. Ne croyez-vous pas que c'est la traduction simultanée seulement qui permet d'intervenir rapidement?
[Traduction]
La seule solution est l'interprétation simultanée, à mon avis.
Le sénateur Watt : En effet, j'ai fait savoir que nous aimerions avoir des interprètes permanents ici, qui seraient utiles non seulement pour le sénateur Adams et moi-même mais pour tous les sénateurs. Ces derniers seraient alors en mesure de suivre dans n'importe quelle langue. C'est l'interprétation qui permet de réaliser cet objectif. Je ne suis pas certain cependant si c'est le Comité de la régie interne qui traiterait de la motion concernant le financement d'un tel système. Je pense qu'il faudrait un ordre du Sénat.
Le sénateur Plamondon : C'est le moment de mettre en œuvre la proposition, puisqu'il y a de l'argent.
Le sénateur Stratton : On vient de le dépenser — 4.6 milliards de dollars.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le temps de parole du sénateur Watt est écoulé mais le sénateur Joyal a une question.
Le sénateur demande-t-il la permission de poursuivre durant cinq minutes? Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, la motion du sénateur Corbin soulève une question importante eu égard aux implications d'ordre constitutionnel et je suis convaincu que le sénateur Watt et le sénateur Adams sont disposés à accueillir ce genre de questions. J'aimerais leur rappeler que l'utilisation des deux langues du Parlement est bien définie dans l'article 133 de la Constitution du Canada. Je vais en lire la première partie :
Dans les chambres du parlement du Canada et les chambres de la législature de Québec, l'usage de la langue française ou de la langue anglaise, dans les débats, sera facultatif; mais dans la rédaction des archives, procès-verbaux et journaux respectifs de ces chambres, l'usage de ces deux langues sera obligatoire;
Le paragraphe 16(1) de la Charte canadienne des droits et libertés établit un principe similaire :
Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.
Il s'agit d'un principe constitutionnel.
Le sénateur Corbin a rappelé un fait important, à savoir l'évolution que le Canada a connue au fil des ans, en raison de la présence et de la participation de sénateurs autochtones. Aujourd'hui, la question linguistique qui se pose concerne l'inuktitut, mais le sénateur Gill a soulevé une question importante : que se passera-t-il, au cours des mois ou des années à venir, si des personnes parlant d'autres langues autochtones sont nommées au Sénat? Il est important d'établir un principe et de trouver une réponse à cette question, afin résoudre le problème urgent actuel concernant l'usage de l'inuktitut et l'utilisation possible, dans l'avenir, d'autres langues autochtones.
Le sénateur Gill a raison lorsqu'il affirme que le système actuel comporte une solution pour les personnes qui ne parlent pas l'une des deux langues officielles reconnues dans la Constitution et dans la Charte. Nous voulons cependant voir comment le Sénat devrait mettre en place et appliquer un système qui permette à un sénateur de s'exprimer dans une langue autochtone, et aux autres sénateurs de le comprendre. De cette façon, cette assemblée pourrait tenir un véritable débat, puisqu'un débat comporte non seulement des discours mais également des questions et des réponses.
Ne serait-il pas indiqué de renvoyer la question au Comité des langues officielles ou au Comité du Règlement, plutôt que de voter maintenant sur la motion? Il faut trouver une solution applicable à toutes les langues autochtones.
Je suis réceptif à la motion du sénateur Corbin et aux préoccupations exprimées par les sénateurs Watt et Adams. La meilleure façon de procéder serait de renvoyer la motion au comité pour qu'il fasse des recommandations pratiques et conformes aux principes que nous sommes tenus de reconnaître et d'appliquer dans nos institutions.
Le sénateur Watt : Le sénateur a raison de soulever l'aspect constitutionnel de cette question, même si j'ai hésité à le faire moi- même. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'article 35 est distinct de la Charte des droits et des libertés. Il traite de différents domaines qui ne relèvent généralement pas de la Charte des droits et des libertés. Il y a en effet un certain nombre d'incompatibilités entre la Charte et l'article 35, ce dont les sénateurs sont conscients.
Honorables sénateurs, je suis d'accord sur les commentaires du sénateur Joyal et j'appuie sa suggestion. La question devrait effectivement faire l'objet d'un examen plus approfondi. Je me félicite du débat dont la motion a fait l'objet, car elle a de la valeur. Je crois moi aussi qu'elle devrait être renvoyée au comité pour examen, dès que possible.
(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)
(1640)
LA RECONSTRUCTION DE L'ASIE DU SUD-EST APRÈS LE TSUNAMI
INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Lorna Milne, ayant donné avis le 20 avril 2005 :
Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la visite qu'elle a effectuée récemment en Indonésie et les efforts déployés par le Canada pour aider à reconstruire l'Asie du Sud-Est après le terrible tsunami du 26 décembre 2004.
— Honorables sénateurs, j'ai eu la chance de visiter l'Indonésie avec le Président et deux autres sénateurs du 14 au 17 mars. Nous étions là pour voir par nous-mêmes le travail effectué par le Canada à la suite du terrible tsunami du 26 décembre 2004.
Je sais que l'Indonésie est un pays que beaucoup de sénateurs ne connaissent pas très bien, et je voudrais donc commencer par vous donner un aperçu de la situation géopolitique du pays.
L'Indonésie est un archipel de 18 000 îles qui forment un vaste arc qui va de l'océan Indien, au large de la Birmanie au nord-ouest, jusqu'à la mer de Corail entre les Philippines et le Queensland dans le Nord-Est de l'Australie, en passant par la Thaïlande, la Malaisie, le Vietnam et Hong Kong. La chaîne d'îles chevauche l'équateur et s'étend sur une distance pratiquement comparable à toute la largeur du Canada. Elle s'articule autour de quatre grandes îles : Sumatra à l'extrême nord-ouest; Java, où se trouve Jakarta, la capitale; Bornéo et la Papouasie-Nouvelle-Guinée. On retrouve à l'intérieur du pays de nombreux peuples parlant plus de 583 langues — et dire que nous pensons avoir des problèmes.
L'Indonésie est une république formée à partir des anciens territoires des Indes néerlandaises. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, après l'occupation de la région par les Japonais, les nationalistes indonésiens ont réclamé leur indépendance, alors que les Néerlandais essayaient de reprendre le contrôle de la région. Après une guerre de quatre ans, l'Indonésie a obtenu son indépendance en 1949.
Le président Sukarno a été le premier président de l'Indonésie. Son mandat a été marqué par l'instabilité et par sa propension à ne pas suivre la Constitution démocratique. Il a exercé un contrôle dictatorial.
En 1965, le Parti communiste indonésien a tenté un coup d'État qui a échoué. Le major-général Suharto a écrasé ce coup d'État et il est devenu président intérimaire en mars 1967. Son régime était lui aussi fortement centralisé, mais il contenait des éléments démocratiques locaux et Suharto a suivi une politique économique libérale pro-occidentale, mettant beaucoup d'accent sur le commerce extérieur et l'investissement étranger.
Ce régime est demeuré en place jusqu'en 1999, année où une crise économique et la corruption du gouvernement ont entraîné la chute de Suharto. Les partis d'opposition ont pu obtenir un appui considérable aux élections; 48 partis d'opposition étaient en liste. Depuis ce temps, l'Indonésie a un gouvernement démocratique.
Jusqu'à l'automne 2004, l'Indonésie avait un gouvernement monocaméral. Aux termes de sa nouvelle Constitution cependant, le pays a maintenant un parlement qui compte deux chambres, dont une est formée de représentants sans affiliation politique élus directement dans un système uninominal majoritaire à un tour. Les deux chambres se combinent pour en former une troisième. La chambre des représentants élus directement, l'Assemblée des représentants régionaux, DPD, n'a qu'un pouvoir de persuasion. Les autres chambres sont l'Assemblée des représentants du peuple, DPR, où les partis sont élus par représentation proportionnelle et les représentants sont choisis à l'aide des listes des partis, et l'Assemblée consultative populaire, MPR, la plus puissante, dont le président peut modifier la Constitution; il peut également opposer son veto à toute tentative visant à destituer le président du pays.
L'Indonésie est un beau pays fertile. Les gens semblent heureux malgré la grande pauvreté dans laquelle vit une bonne partie de la population. La grande majorité des gens sont musulmans, soit 88 p. 100, mais beaucoup nous ont souligné qu'ils sont des musulmans modérés, et que la tradition du pays veut que la foi musulmane soit arrivée très tôt de l'Est, c'est-à-dire de la Chine, et non des États arabes.
Depuis plus de 50 ans, le Canada entretient des relations amicales avec l'Indonésie. Il déploie des efforts importants pour aider les Indonésiens dans leur long cheminement pour favoriser l'implantation dans leur pays d'une démocratie bien vivante. L'aide canadienne au développement en Indonésie a commencé en 1954. L'Indonésie est devenue en 1970 l'un des principaux bénéficiaires de l'aide fournie par l'ACDI. Le programme d'aide bilatérale se chiffre maintenant à 23 millions de dollars par année. De l'assistance supplémentaire est destinée aux victimes du tsunami dans les provinces d'Aceh et de Sumatra-Nord. L'actuel programme d'aide de l'ACDI sera maintenu dans les autres parties de l'Indonésie, et une attention particulière sera portée à l'île de Sulawesi. Un nouveau cadre stratégique de programmation vient d'être terminé. En septembre 2004, l'ACDI a commencé à le mettre en œuvre dans la région.
Trois principaux axes caractérisent le nouveau cadre : premièrement, on veut améliorer la gouvernance et la qualité des services sociaux décentralisés; deuxièmement, on cherche à stimuler la croissance du secteur privé en créant des conditions propices à cette croissance; troisièmement, on veut assurer la viabilité de l'exploitation des ressources naturelles pour que la population locale en bénéficie, pour qu'elle puisse en vivre et pour améliorer la qualité de vie des plus démunis du pays.
Je pense qu'il s'agit d'un bon cadre et que l'ACDI a fait un choix judicieux en l'adoptant.
En dépit de ses sols fertiles et de son climat très chaud, l'Indonésie éprouve d'énormes problèmes. Deux de ces problèmes ont des répercussions bien réelles sur la distribution de l'aide aux victimes du tsunami. Selon les Nations Unies, l'Indonésie est l'un des pays au monde qui souffre le plus de la corruption. C'est aussi l'un des pays qui sont les plus susceptibles d'être frappés par les catastrophes naturelles.
Le nouveau gouvernement lutte pour réduire la corruption. Le président de l'Assemblée consultative du peuple, le Dr Wahid, représente le Parti de la justice et de la prospérité, un parti islamique dénonçant vivement la corruption. L'Assemblée consultative du peuple exerce des pressions sur le gouvernement, dirigé par le président Yudhoyono et son cabinet de coalition, pour qu'ils fassent une réforme. Espérons que ces efforts porteront fruit.
En outre, le pays est aux prises avec un mouvement séparatiste peu nombreux, mais violent, le GAM, qui préconise la création d'un État intégriste musulman dans la province d'Aceh, la plus fortement touchée par le tsunami, qui est plutôt isolée dans la pointe Nord-Est de l'île de Sumatra. On s'y enorgueillit d'avoir été la première région de l'Indonésie à adopter la religion musulmane, au cours du XVe siècle et même peut-être avant cela, aux dires de certains. Essentiellement, les habitants de cette région croient qu'ils n'ont rien à voir avec le reste de l'Indonésie et veulent qu'on les laisse en paix. Le mouvement séparatiste s'est montré très violent dans la poursuite de son objectif.
Les étrangers et les ONG étrangères ne pouvaient aller à Aceh avant le tsunami parce que cette région était en proie à une grande instabilité. Même maintenant, la plupart des groupes caritatifs ne sont là que temporairement. Le gouvernement a fixé la date à laquelle le personnel militaire étranger doit partir. Cette date, qui devait être à la fin mars, a récemment été reportée à la fin mai. Plusieurs ONG qui sont maintenant dans la région craignent de devoir partir et fonctionnent dans un vide administratif quasi total et sans presque aucune planification à long terme. Il n'y a guère de touristes et même de visiteurs à Aceh, ce qui explique pourquoi aucune video n'a été tournée sur les dégâts causés par le tsunami là- bas, contrairement à la région de Phuket, en Thaïlande, qui est une destination touristique plus populaire.
Cela étant dit, je voudrais parler maintenant des tristes événements qui ont amené notre groupe à se rendre en Indonésie et à Aceh. Je parlerai d'abord de la dévastation causée le long de cette côte assez basse par les deux énormes vagues qui l'ont frappée le 26 décembre 2004.
Ce matin-là, un tremblement de terre d'une magnitude d'environ 9 sur l'échelle de Richter a frappé l'Indonésie, endommageant gravement de nombreux immeubles de l'archipel et en affaiblissant d'autres. Quinze minutes plus tard, la première vague a déferlé sur la côte d'Aceh. Elle était haute de 25 mètres. La seconde était un mur d'eau et de débris de 30 mètres de haut, soit l'équivalent d'un immeuble de 12 étages.
À notre arrivée à Aceh, le premier signe que nous avons vu de l'incroyable puissance des vagues était une centrale électrique flottante de 13 000 tonnes — un bateau en fait — qui, avant le tsunami, était ancré au large. Porté par les vagues, cet énorme navire s'est retrouvé, toujours debout, deux kilomètres et demi à l'intérieur des terres au beau milieu d'un quartier composé d'un grand nombre de petites maisons gravement endommagées; il reposait sur plusieurs d'entre elles.
(1650)
Sur le site du vieux port de Banda Aceh, il ne restait rien d'autre qu'une mosquée à moitié démolie, puis un peu plus loin un obélisque commémorant un événement historique et un vieil arbre éléphant. Tout le reste — les quais, les navires, les entrepôts, les routes, les boutiques et les maisons — avait soit été emporté par les eaux, soit réduit en tas de gravier de la taille d'un poing. Ne s'offraient à la vue en un spectacle désolant que des dalles de fondation cassées ou tordues et des résidus de tiges d'acier enroulées comme des bottes de foin dressées dans l'eau sur ce qui avait été la côte.
Les deux tiers de l'île où se trouvait le vieux port ont disparu. Le nouveau port construit à quelques kilomètres a disparu lui aussi. La scène dévastée rappelle des photos d'Hiroshima en 1945.
Imaginez que vous êtes sur la Colline du Parlement et qu'aussi loin où porte votre regard il ne reste rien d'autre que la Tour de la Paix. Tout le reste a été emporté, réduit en miettes. Imaginez la dévastation sur une bande large de deux à six kilomètres s'étalant sur une distance équivalant à celle entre Ottawa et Toronto. C'est le sort qu'a connu le littoral nord-ouest d'Aceh.
Je ne saurais décrire l'expérience que j'ai vécue sur ce rivage dévasté. J'ai visité des endroits mythiques dans ma vie. Stonehenge en est un. Il y a aussi une église minuscule dans un village des Midlands au centre de l'Angleterre. Le vieux port de Banda Aceh était un de ces endroits mythiques. Nous avions l'impression d'entendre un chuchotement alors que nous étions là debout, chacun seul dans sa bulle, devant ce désastre s'étendant à perte de vue. C'était impressionnant et ahurissant à la fois, et je ne trouve toujours pas les mots pour décrire mon expérience.
Le nombre de victimes est hallucinant. On a recensé plus de 200 000 morts dans la province d'Aceh seulement et on estime que 70 000 à 80 000 personnes manquant toujours à l'appel sont probablement mortes. Et ce n'est pas tout, environ 450 000 personnes déplacées à l'intérieur du territoire ont perdu leur foyer, leur commerce et dans bien des cas leur famille. Quelque 4 500 écoles ont été détruites. Les hôpitaux se sont effondrés. Même les camions de collecte des ordures et leurs chauffeurs ont disparu. Il est impossible d'enlever les ordures qui s'amoncellent autour des camps construits par le gouvernement pour accueillir les nouveaux sans- abri.
Je me suis entretenue avec un député du gouvernement indonésien, qui m'a raconté que non seulement presque toute sa famille et ses amis étaient morts, mais que toute sa circonscription avait disparu. Les villages ne sont plus que décombres. La majeure partie des terres a été complètement emportée.
Partout, on nettoie, la plupart du temps à la main. Quelques machines lourdes ont pu être récupérées et sont encore utilisées à certains endroits. Cependant, bon nombre de communautés isolées vivant le long des côtes ne sont toujours pas accessibles par la route ni par la mer, l'ensemble des routes et des quais ayant été détruits. On trouve encore une centaine de corps par jour parmi les décombres, et ces victimes sont enterrées dans deux fosses communes à Banda Aceh.
Il y a de bonnes nouvelles dans tout ce désastre : le second raz-de- marée tant redouté, d'épidémies cette fois, ne s'est pas produit. Ainsi, les premiers secours d'urgence qui ont déferlé dans la région d'Aceh après le tsunami se sont avérés très efficaces. J'ai parlé à une infirmière à quelques jours de son retour chez elle, dans le sud de l'Alberta, et elle était excessivement fière de tout ce que les équipes de soins avait accompli ou, en fait, de tout ce qu'elles avaient permis de prévenir.
Lorsque nous avons gagné Aceh, deux mois et demi après la catastrophe, les hôpitaux temporaires en étaient à traiter des problèmes de santé de longue date sans lien avec le tsunami — cancer, problèmes de prostate, beaucoup de malformations du visage, fentes palatines, et ainsi de suite —, mais pas d'épidémies et plus de blessures causées par le raz-de-marée.
On construit des baraquements dans toute la région pour loger temporairement les sinistrés. Il s'agit de rangées de logements d'une seule pièce, chaque rangée comptant six logements ou plus et étant adossée à une autre. Chaque pièce fait environ quatre mètres sur quatre, compte une porte rudimentaire et une fenêtre non vitrée, et abrite une famille entière, souvent la famille élargie. Ce n'est pas beaucoup, mais c'est beaucoup mieux que les tentes et les bâches des camps de fortune sous lesquelles la population dormait au départ. Les ordures commençaient déjà à s'accumuler au périmètre, bien que j'aie aperçu quelques trous fraîchement creusés, probablement destinés aux latrines ou au drainage. Rappelons qu'il n'y a plus de camions à ordures ni d'éboueurs.
Autour du baraquement que nous avons visité, qui faisait partie des 13 complexes adaptés aux enfants aménagés grâce à des dons provenant du Canada, il n'y avait pas d'ordures. Il comportait un système d'alimentation en eau propre. Des installations sanitaires et des abris-cuisines en tôle ondulée avaient été érigés, mais il n'y avait pas encore de matériel de cuisson, pas même le plus petit fourneau rudimentaire. La nourriture semblait être fournie en communauté.
Une femme, qui était instruite et parlait bien anglais, m'a invitée avec fierté à venir visiter sa « maison », qu'elle partageait avec sa fille, le mari de sa fille et la mère de celui-ci. Dans cet espace de 16 mètres carrés, on lui avait créé un petit coin intime fermé par une bâche, mais elle avait pour lit un très mince matelas placé directement sur le sol, sous l'unique fenêtre. On avait pu sauver un meuble.
Son Honneur la Présidente intérimaire : J'ai le regret d'informer madame le sénateur que son temps de parole est écoulé.
Demandez-vous la permission de continuer?
Le sénateur Milne : Honorables sénateurs, je dois dire qu'il me reste six pages à lire. Si l'on m'accorde encore cinq minutes, je ferai vite.
Des voix : D'accord.
Le sénateur Milne : Je remercie les honorables sénateurs.
Elle possédait une casserole, un wok et la moitié d'un rouleau de câble électrique faisant office de table basse. Pas de fauteuils. Pas de téléviseur. Puis, elle m'a demandé, en anglais : « Qu'adviendra-t-il de nous? » Je me sentais coupable de ne pas pouvoir lui donner une réponse.
Honnêtement, le gouvernement indonésien et l'administration locale sont totalement submergés, et ils tentent toujours d'établir un plan leur permettant de faire face à la catastrophe. Jusqu'ici, ils semblent avoir adopté des solutions de façon assez unilatérale, sans consulter les premiers intéressés, les victimes, ni tenir compte de leurs préoccupations.
Le plan de reconstruction comporte trois phases. La première, l'aide d'urgence à court terme, est terminée. Le Canada a été l'un des premiers pays à établir une présence sur place à Aceh. Nous avons fourni une aide d'urgence de 500 000 $, par l'intermédiaire du Fonds canadien d'initiatives locales. Nous avons aussi approuvé un projet de 650 000 $, en vertu duquel la Croix-Rouge indonésienne reconstruira et améliorera la seule installation de collecte de sang à Banda Aceh. Plus de 30-tonnes de génératrices et de fournitures d'urgence ont été expédiées par avion. Vision mondiale Canada a apporté deux chargements d'avion de produits pharmaceutiques, de fournitures médicales et de matériel de purification d'eau.
La deuxième phase de la reconstruction a commencé — c'est la remise en état. La construction de logements sommaires et le nettoyage sont en cours. Mais ces baraques sont mal situées, les installations sanitaires sont insatisfaisantes et il n'y a aucune source d'eau à proximité. Peu à peu, on nettoie les routes menant jusqu'aux collectivités côtières plus éloignées, mais il est impossible de rejoindre de nombreux villages, car les routes d'origine sont immergées et ne peuvent être améliorées ni réparées.
La troisième phase sera la plus difficile et vise la reconstruction permanente. Le Canada, par l'intermédiaire de l'ACDI, s'est engagé à aider à rebâtir le régime de gouvernement local et à favoriser la stabilisation de l'agriculture, des pêches et des forêts dans le cadre de son objectif dans cette phase à long terme. Cela prendra des années.
Le but du gouvernement indonésien est plus immédiat : permettre à la population de reprendre une vie normale — lui fournir de l'eau, des abris et un revenu, bâtir une infrastructure, redémarrer l'économie, redonner à la province sa stabilité politique et sa vigueur économique. Ce sera difficile étant donné la violence entretenue pendant 29 ans par le mouvement séparatiste dans la région.
Notre rôle consistera à augmenter nos efforts dans le cadre des programmes existants, dont le programme de coopération à long terme que poursuit McGill avec l'université islamique de Banda Aceh.
Il sera difficile d'éliminer la corruption puisque l'actuel gouverneur de la province est emprisonné après avoir été inculpé de corruption. Il est remplacé par le gouverneur adjoint, un homme bien gentil qui n'a toutefois pas l'appui de la population ou le courage politique nécessaire pour agir. Ils essaient toutefois.
Je vais laisser d'autres membres de notre délégation relater notre visite dans un centre alimentaire et décrire des endroits où les enfants sont bien accueillis.
Je voudrais parler aux sénateurs des petites femmes que j'ai rencontrées à l'université islamique. Est-ce que mon temps de parole est écoulé?
Son Honneur la Présidente intérimaire : Oui, il l'est.
Le sénateur Milne : Ces femmes étaient toutes petites. Elles semblaient n'avoir que 9 ou 10 ans, alors qu'en réalité, elles en avaient entre 19 et 24 ans. Aucune ne pesait plus de 100 livres. Elles m'ont toutes demandé : « Qu'est-ce qui va nous arriver? » Honorables sénateurs, que va-t-il leur arriver?
(Sur la motion du sénateur Plamondon, le débat est ajourné.)
(Le Sénat s'ajourne au mercredi 4 mai 2005, à 13 h 30.)