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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 85

Le mercredi 20 juillet 2005
L'honorable Daniel Hays, Président


 

 

LE SÉNAT

Le mercredi 20 juillet 2005

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LES ATTENTATS À LA BOMBE À LONDRES

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Je prends la parole aujourd'hui en sachant que tous les honorables sénateurs vont se joindre à moi pour offrir notre appui indéfectible à la population de la Grande-Bretagne et nos sympathies à ceux qui ont perdu des êtres chers ou qui ont subi des blessures dans les attentats à la bombe perpétrés à Londres le 7 juillet.

Je prends la parole en tant que Canadienne musulmane. Le Canada a été une terre d'accueil pour ma famille et moi et constitue pour ma communauté un endroit où nous pouvons exercer notre religion et participer pleinement à la société. Nous pouvons dire fièrement que nous sommes Canadiens. En raison de mon mariage, je suis également citoyenne britannique. J'étais à Londres le 7 juillet, en route vers le Soudan, quand ces actes haineux ont été commis contre des civils innocents et sans méfiance. Les bombes ont explosé dans des endroits que je connais bien et que j'ai fréquentés pendant que j'étais étudiante à l'université. Quand j'ai entendu la nouvelle, mes premières pensées ont été pour ma fille, qui travaillait à Londres. Même si je savais qu'il était peu probable qu'elle se trouve près des endroits où les attentats ont eu lieu, mon cœur de parent s'est serré à l'idée de la perdre. Comme bon nombre de personnes autour de moi, à Londres et partout dans le monde, j'ai pensé à mes amis et aux membres de ma famille, en espérant qu'il ne leur soit rien arrivé. Cependant, en vérité, ceux qui ont été blessés et tués étaient également mes amis et ma famille, dans un sens plus large. Ces attentats nous ont causé à tous beaucoup de douleur.

Les Canadiens sont très préoccupés par tout acte de terrorisme. Nous ressentons la douleur des victimes de ces actes comme s'ils nous étaient infligés à nous-mêmes. Quatre actions terroristes sont gravées dans la mémoire de beaucoup de Canadiens. Tout d'abord, il y a eu l'attentat à la bombe contre le vol 182 d'Air India, au sujet duquel, malheureusement, des Canadiens d'origine indienne attendent encore des réponses. La deuxième attaque est celle qui a été menée contre la Pennsylvanie, Washington et New York le 11 septembre 2001, un attentat dont notre pays porte collectivement le deuil. La troisième attaque est celle qui a frappé la population de Madrid, en Espagne, et la quatrième, ce sont les attentats à la bombe survenus à Londres. Beaucoup ont soutenu que c'était la religion, particulièrement l'islam, qui motivait ces attaques. Certains ont déclaré que l'islam avait deux visages : un visage pacifique et un visage guerrier. En tant que musulman et que canadien qui croit à l'harmonie et au respect mutuel, je rejette cette théorie. Je citerai mon leader spirituel, l'Aga Khan :

Ces gens ne sont qu'une infime minorité de la population musulmane du monde. Ces individus sont motivés principalement par des motifs politiques et non pas religieux. Ce serait une erreur que de les considérer comme étant représentatifs de l'islam. Le monde occidental doit examiner la situation de très près pour voir quelles forces sont en jeu afin de faire la distinction entre les croyances et les choses qui n'ont rien à voir avec les croyances.

Nous, musulmans, pourrions poser les mêmes questions, notamment au sujet de l'Irlande du Nord. Si, en tant que musulman, je vous disais que ce qui se passe en Irlande du Nord reflète les croyances catholiques et protestantes, vous me répliqueriez que je ne connais rien.

Dans une déclaration commune, 22 imams et spécialistes de l'islam des plus respectés de Grande-Bretagne ont condamné les attentats. Ils ont déclaré :

Nous croyons fermement que ces tueries ne peuvent absolument pas être approuvées par l'islam et que notre noble religion ne peut fournir aucune justification pour de telles actions répréhensibles. Nous estimons que ceux qui ont perpétré les attentats à la bombe à Londres ne peuvent en aucune façon être vus comme étant des martyrs.

Si jamais il y a eu une époque où il convenait de construire une communauté intégrée où tous seraient égaux, c'est maintenant. J'exhorte notre gouvernement à chercher des réponses pour apaiser la douleur de ceux qui ont souffert des actes de terrorisme et à convoquer une enquête publique sur l'attentat contre le vol d'Air India afin de guérir les blessures des Indo-Canadiens.

Honorables sénateurs, les attaques contre les Londoniens innocents ont choqué le monde. Des Canadiens de toute origine sont solidaires de leurs frères et de leurs soeurs britanniques dans la résistance au terrorisme et refusent de céder à la peur. Les musulmans canadiens veulent qu'il soit bien clair que ces attaques n'ont pas été perpétrées en leur nom ou au nom de leur foi et ne devraient jamais l'être.

LE SÉNAT

LA CÉRÉMONIE DE PRESTATION DE SERMENT DE CITOYENNETÉ LE JOUR DE LA FÊTE DU CANADA

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, le jour de la fête du Canada, soit le 1er juillet, j'ai assisté aux célébrations qui ont eu lieu sur la Colline du Parlement en compagnie de ma fille dont le fils faisait partie de la Garde de cérémonie. Comme il faisait chaud, nous avons décidé d'entrer au Sénat pour nous rafraîchir. Nous avons rencontré une douzaine de Canadiens de diverses origines ethniques qui sortaient de la Chambre haute et à qui on offrait du gâteau et des rafraîchissements. Par hasard, j'ai rencontré le huissier du bâton noir, Terrance Christopher, et je lui ai demandé ce qui se passait. Le colonel Christopher était assis à ma place au Sénat lors de la cérémonie. Avec une joie et une fierté évidentes, il m'a indiqué que la Gouverneure générale avait suggéré de tenir au Sénat la cérémonie de prestation de serment de 50 nouveaux Canadiens.

J'ai trouvé cette initiative absolument extraordinaire et le Président, le huissier du bâton noir et le personnel ont entièrement partagé cet avis. J'estime qu'une utilisation si novatrice de la Chambre haute pour de telles cérémonies devrait être davantage mise en évidence. Lorsqu'on envisage la décennie à venir et la situation démographique, on se rend compte que l'immigration au Canada risque de tripler au cours de cette période parce que, partout au pays, il faut une population jeune et compétente pour relever les défis de l'avenir. Quelle initiative remarquable et judicieuse d'utiliser la Chambre haute pour accueillir parmi nous de nouveaux Canadiens et leur conférer la citoyenneté et les responsabilités inhérentes à ce nouveau statut!

(1340)

Je conclus en soulignant que la présence de la Gouverneure générale parmi nous ou lors de la tenue d'événements dans cette Chambre doit être considérée comme positive parce qu'elle attire davantage de gens et suscite peut-être plus d'intérêt favorable pour le Sénat.

Je suis fort conscient que la Gouverneure générale doit normalement être invitée au Sénat et je n'ai certainement pas l'intention de faire craindre comme Cromwell que la Couronne fasse venir son artillerie pour nous expulser à la pointe du canon. Toutefois, j'estime qu'il faut envisager d'utiliser le Sénat à de nouvelles fins, notamment pour les questions de citoyenneté et qu'il faut favoriser la présence de la Gouverneure générale à la Chambre haute.

Félicitations à toutes les personnes qui ont contribué à cette initiative novatrice. J'espère que, à l'avenir, des néo-Canadiens de tous les coins du pays seront invités à participer à cette cérémonie.

LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL

LE NOUVEAU-BRUNSWICK—LE REJET DU PROGRAMME DE GARDERIES

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, Bernard Lord refuse de souscrire à l'entente sur le programme de garderies d'Ottawa. Cette situation est inacceptable. L'entente prévoit quelque 110 millions de dollars en cinq ans pour mettre sur pied un réseau de garderies au Nouveau-Brunswick, et le premier ministre Bernard Lord compromet l'avenir des enfants du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Je crois fermement que le premier ministre Lord devrait reconnaître que la population du Nouveau-Brunswick souhaite que son gouvernement provincial signe l'entente afin que 109,9 millions de dollars du gouvernement fédéral pour les garderies se rendent à nos enfants. Je suis d'avis que les enfants du Nouveau- Brunswick devraient bénéficier des mêmes avantages que les enfants des autres provinces en termes de subventions fédérales.

La situation des garderies au Nouveau-Brunswick est déplorable. En 2003-2004, le Nouveau-Brunswick comptait seulement 11 897 places dans des garderies réglementées, ce qui représente à peine 11 p. 100 de la demande. À cause de cette situation, la plupart des enfants sont confiés à des services de garde qui ne font l'objet d'aucune inspection et qui ne sont pas tenus de suivre un programme de développement. Au Nouveau-Brunswick, 75 p.100 des familles sont des familles où les deux parents travaillent à l'extérieur du foyer.

Si le Nouveau-Brunswick souhaite combler ces besoins additionnels, la province doit signer un accord avec le gouvernement fédéral et développer un plan d'action de cinq ans qui nous mène vers un système de service de garde de qualité. Ces ententes sont flexibles et adaptées aux réalités des gens de toutes les régions du pays, communautés rurales et urbaines. L'Alberta, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve et le Labrador, l'Ontario, la Saskatchewan ainsi que le Manitoba ont déjà signé des ententes.

Il est clair que le seul empêchement à la réalisation est le manque de volonté du gouvernement Lord pour les parents et les enfants de la province.

La population peut facilement voir que Bernard Lord désire tout simplement avoir accès aux fonds du gouvernement fédéral pour dépenser à son gré. Tel fut le cas lors des ententes de partage des revenus provenant de la taxe sur l'essence destinée aux villes et aux collectivités. M. Lord essaie de dépenser ces fonds à son gré sans être redevable aux principes qui sous-tendent la source du financement. Cette manipulation est maintenant monnaie courante chez ce gouvernement.

Bernard Lord a refusé d'écouter la population du Nouveau- Brunswick sur la question de l'assurance-automobile. Encore une fois, il n'écoute pas la population du Nouveau-Brunswick, qui souhaite l'amélioration du système de service de garde de la petite enfance.

En effet, le Nouveau-Brunswick a déjà en place les programmes prescrits de l'entente fédérale, donc M. Lord en reconnaît le bienfait et n'a pas d'excuse. L'excuse réelle de M. Lord est uniquement son obstination donnant lieu à une petite politicaillerie et concrétise cette comptine pour enfants : L'empereur sans vêtement.

[Traduction]

LE PROGRAMME PARLEMENTAIRE DES FORCES CANADIENNES, OPTION ARMÉE DE TERRE

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, voici quelques semaines j'ai eu le privilège de participer au Programme parlementaire des Forces canadiennes, option Armée de terre. J'étais à Petawawa, intégré au 2e Régiment du Génie, dont les effectifs s'entraînent pour être déployées en Afghanistan, avec plusieurs centaines d'autres membres des Forces canadiennes. Le déploiement est prévu au cours des deux ou trois prochaines semaines. Je crois cependant que certains ont déjà quitté.

Cette expérience de quatre jours et demi m'a ouvert les yeux. J'ai rencontré des douzaines d'hommes et de femmes qui sont parmi les Canadiens les plus dévoués et les plus engagés que j'ai jamais connus. J'ai été impressionné par leur niveau de compétence, leur professionnalisme et leur compréhension de leur mission et de leur mandat. Tous ces gens sont prêts à affronter les risques liés à leur emploi.

Ils sont très conscients de l'énorme responsabilité qu'ils ont assumée et connaissent la valeur de leur apport dans la protection de la vie d'hommes, de femmes et d'enfants innocents dans un pays lointain. Nos soldats ont à coeur de faire leur devoir qui consiste à défendre les valeurs démocratiques et à protéger les droits fondamentaux de personnes qui vivent dans l'oppression.

Je n'ai pas à rappeler aux sénateurs que la partie du monde où sont affectés ces soldats est très dangereuse et que les risques qu'ils vont courir seront graves. Je n'ai pourtant rencontré aucun soldat qui chancelait ou hésitait. Je sais mieux maintenant pourquoi nos soldats sont l'objet des louanges et du respect de l'ONU et de militaires partout dans le monde.

Plus tard cet été, honorables sénateurs, je vais me joindre à ces mêmes soldats en Afghanistan pour compléter cette expérience unique. Une fois de retour, je livrerai un rapport complet concernant ma participation au programme. Entre-temps, je tiens à remercier sincèrement tous les soldats de leur patience et de leur amitié à Petawawa.

Je tiens surtout à dire à quel point nous sommes reconnaissants envers tous ceux qui font partie des Forces canadiennes de nous rendre si fiers de la participation canadienne aux efforts de paix dans le monde. Je souhaite remercier tout particulièrement les familles de nos soldats de leurs sacrifices et de leur appui constant.

LES DROITS DES FEMMES AUTOCHTONES EN MATIÈRE DE MARIAGE

L'honorable Nancy Ruth : Honorables sénateurs, on a beaucoup parlé hier de la Charte, des droits à l'égalité et du mariage. Je prends la parole aujourd'hui pour dire tout simplement que les femmes indiennes vivant sur les réserves ne bénéficient pas encore de droits à l'égalité en matière de mariage et de divorce. Elles n'ont pas les mêmes droits que toutes les autres femmes canadiennes au moment du divorce, et aucun gouvernement n'a encore réglé le problème en quelque deux décennies.

LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

VANCOUVER—LA GRÈVE DES CHAUFFEURS DE CAMIONS PORTE-CONTENEURS

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, à Vancouver, les chauffeurs de camions porte-conteneurs sont en grève depuis le 27 juin dernier, ralentissant ainsi le transport de biens d'une valeur de plus de 200 millions de dollars dans le port de Vancouver chaque semaine. Tous les produits d'exportation sont touchés par la grève, de la pâte à papier et des cultures spéciales des Prairies jusqu'aux biens périssables et aux articles d'importation devant être envoyés dans les grands magasins du Canada.

Pas plus tard que la semaine dernière, Vince Reddy, un médiateur nommé conjointement par les gouvernements provincial et fédéral, a affirmé que les positions des parties étaient trop distantes pour que des discussions utiles puissent se poursuivre. Le 15 juillet, le capitaine Gordon Houston, président de la Société du port de Vancouver, a déclaré qu'Ottawa pourrait avoir recours à la Loi sur les transports au Canada pour ramener les camionneurs au travail.

Compte tenu du fait que le conflit actuel cause de graves problèmes, et ce, non seulement dans le corridor commercial de Vancouver, la Société pour l'expansion des exportations a réduit les prévisions relatives aux perspectives de croissance du Canada pour 2005.

Par suite des commentaires du capitaine Houston, j'espère que le leader du gouvernement au Sénat fera preuve de leadership, et je suis persuadé qu'il le fera, et qu'il tentera de trouver une solution à ce grave problème qui a une incidence sur tous les Canadiens.


AFFAIRES COURANTES

DÉLÉGATION DE PRÉSIDENTS EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Daniel Hays : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport qui a été préparé à la suite d'une visite que j'ai eu le plaisir de diriger en République populaire de Chine du 6 au 10 juin 2005.

RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION

DÉPÔT DU ONZIÈME RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable George J. Furey, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :

Le mercredi 20 juillet 2005

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son

ONZIÈME RAPPORT

Votre comité recommande que les fonds suivants soient débloqués pour l'année financière 2005-2006 et que le Comité sénatorial permanent des Finances nationales soit autorisé à voyager au Royaume-Uni et en Écosse aux fins de ses travaux sur le Budget des dépenses :

Finances nationales (Législation)  
Services professionnels et autres    18 700 $
Transports et communications    71 855 $
Autres dépenses    4 850 $
Total    95 405 $
(y compris des fonds pour une mission d'étude)  

Respectueusement soumis,

Le président,
GEORGE J. FUREY

(1350)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Furey, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)g) du Règlement, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

LE SÉNAT

ADOPTION DE LA MOTION DE PROLONGATION DES TRAVAUX

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, je propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat du 2 novembre 2004, lorsque le Sénat siègera aujourd'hui, le mercredi 20 juillet 2005, il poursuive ses travaux après 16 heures et qu'il suive la procédure normale d'ajournement conformément à l'article 6(1) du Règlement.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

L'honorable Marcel Prud'homme : On nous a consultés et nous sommes d'accord.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

LA LOI SUR LES ALIMENTS ET DROGUES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein présente le projet de loi S-42, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi une deuxième fois?

Sur la motion du sénateur Grafstein, l'étude du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.

DROITS DE LA PERSONNE

AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À ÉTUDIER LA RÉSOLUTION DE L'OSCE SUR LA LUTTE CONTRE L'ANTISÉMITISME

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, je donne avis que, le vendredi 22 juillet 2005, je proposerai :

Que la résolution suivante sur la lutte contre l'antisémitisme, adoptée à l'unanimité à la 14e session annuelle de l'Association parlementaire de l'OSCE, à laquelle le Canada a participé, à Washington D.C. le 5 juillet 2005, soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des droits de la personne pour étude et que le comité présente son rapport final au Sénat le 16 février 2006 au plus tard :

RÉSOLUTION SUR LA LUTTE CONTRE L'ANTISÉMITISME

Rappelant les résolutions sur l'antisémitisme qui ont été adoptées à l'unanimité par l'Assemblée parlementaire de l'OSCE à ses sessions annuelles de Berlin en 2002, de Rotterdam en 2003 et d'Edimbourg en 2004,

1. Se référant aux engagements pris par les États participants à la suite des Conférences de l'OSCE de Vienne (juin 2003), Berlin (avril 2004) et Bruxelles (septembre 2004) en ce qui concerne les efforts d'ordre juridique, politique et pédagogique à déployer pour lutter contre l'antisémitisme, en veillant à ce que « les juifs résidant dans l'espace de l'OSCE puissent mener une vie exempte de discrimination, de harcèlement et de violence »,

2. Notant avec satisfaction le bon déroulement de la Conférence sur l'antisémitisme et d'autres formes d'intolérance tenue à Cordoue (Espagne) en juin 2005,

3. Se félicitant de la nomination et des attributions permanentes des trois Représentants personnels du Président en exercice de l'OSCE chargés respectivement de la lutte contre l'antisémitisme, de la lutte contre l'intolérance et la discrimination à l'égard des musulmans et de la lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination, également dirigée contre l'intolérance et la discrimination à l'égard des chrétiens et des membres d'autres religions, ce qui montre la contribution distincte que chacun d'eux est appelé à apporter à l'étude des différentes questions se posant dans l'espace de l'OSCE,

4. Réaffirmant le point de vue exprimé dans des résolutions antérieures, selon lequel l'antisémitisme constitue une menace pour les droits fondamentaux de l'homme et les valeurs démocratiques et, partant, pour la sécurité dans l'espace de l'OSCE,

5. Soulignant l'importance des mécanismes permanents de suivi des incidents antisémites à l'échelle nationale, ainsi que la nécessité de condamnations publiques, d'une action énergique de la police et de poursuites vigoureuses,

L'Assemblée parlementaire de l'OSCE

6. Demande instamment aux États participants de l'OSCE d'adopter des définitions nationales uniformes pour le suivi et la collecte d'informations relatives à l'antisémitisme et aux crimes de haine, sur le modèle de la définition de travail de l'antisémitisme qui a été donnée en janvier 2005 par l'Observatoire de l'Union européenne pour les phénomènes racistes et xénophobes (EUMC), et de mettre les milieux officiels, les fonctionnaires et autres agents d'organismes publics au courant de ces définitions, de manière à ce que les incidents puissent être rapidement identifiés et recensés;

7. Recommande que les États participants de l'OSCE établissent des mécanismes nationaux de collecte et de suivi des données et qu'ils améliorent le partage des éléments d'information entre les autorités centrales et locales et les représentants de la société civile, tout en procédant à l'échange de données et de pratiques optimales avec d'autres États participants de l'OSCE;

8. Demande instamment aux États participants de l'OSCE de diffuser des données sur les incidents antisémites en temps utile et de communiquer ces informations au Bureau des Institutions démocratiques et des Droits de l'homme (BIDDH) de l'OSCE;

9. Recommande au BIDDH de diffuser périodiquement ses données sur les crimes antisémites et inspirés par la haine, de mettre en évidence les meilleures pratiques et de lancer des programmes axés sur les domaines de la police, de l'application des lois et de l'éducation;

10.Invite les gouvernements nationaux à affecter au suivi de l'antisémitisme des ressources adéquates permettant notamment de nommer des médiateurs nationaux ou des représentants spéciaux;

11.Souligne la nécessité d'élargir la participation des représentants de la société civile à la collecte, à l'analyse et à la publication des données sur l'antisémitisme et la violence y afférente;

12.Invite les délégations nationales à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE à faire en sorte que des débats périodiques sur l'antisémitisme soient organisés au sein de leurs parlements et, en outre, à soutenir les campagnes de sensibilisation du public à la menace que font peser sur la démocratie les actes de haine antisémite, en décrivant les meilleures pratiques de lutte contre cette menace;

13.Invite les délégations nationales à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE à soumettre à la session annuelle de 2006 des rapports sur les activités de leurs parlements en matière de lutte contre l'antisémitisme;

14.Invite les États participants de l'OSCE à élaborer des aides pédagogiques et des méthodes de formation des enseignants pour faire échec aux formes contemporaines d'antisémitisme et à mettre à jour des programmes sur l'éducation concernant l'Holocauste;

15.Demande instamment tant aux parlements nationaux qu'aux gouvernements des États participants de l'OSCE de réexaminer leurs législations nationales;

16.Demande instamment aux États participants de l'OSCE d'améliorer la sécurité sur les sites juifs et autres lieux susceptibles d'être la cible d'attaques antisémites, en coordination avec les représentants des communautés concernées.

LA RÉSOLUTION DE L'ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ ET LA COOPÉRATION EN EUROPE SUR LA DIMENSION MÉDITERRANÉENNE DE L'OSCE

AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, nonobstant le paragraphe 57(2) et conformément à l'article 56 du Règlement, je donne avis que, plus tard aujourd'hui :

J'attirerai l'attention du Sénat sur la résolution qui suit sur la dimension méditerranéenne de l'OSCE, adoptée à l'unanimité à la 14e session annuelle de l'Association parlementaire de l'OSCE tenue à Washington le 5 juillet 2005.

RÉSOLUTION SUR LA DIMENSION MÉDITERRANÉENNE DE L'OSCE

1. Reconnaissant que l'OSCE entretient des relations particulières avec six Partenaires méditerranéens pour la coopération, à savoir l'Algérie, l'Egypte, Israël, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie,

2. Mettant en évidence l'attention croissante que l'Assemblée parlementaire de l'OSCE porte à la dimension méditerranéenne, ainsi qu'en témoignent la Conférence parlementaire sur la Méditerranée qui a eu lieu à Madrid en octobre 2002, le Premier Forum sur la Méditerranée tenu à Rome en septembre 2003, le Deuxième Forum sur la Méditerranée tenu à Rhodes en septembre 2004 et le Troisième Forum sur la Méditerranée prévu à Sveti Stefan en octobre 2005,

3. Rappelant qu'aux termes de l'Acte Final d'Helsinki « la question de la sécurité en Europe doit être considérée dans le contexte plus large de la sécurité dans le monde et qu'elle est étroitement liée à la sécurité dans la région méditerranéenne tout entière, si bien que le processus de l'amélioration de la sécurité ne devrait pas être limité à l'Europe mais devrait s'étendre à d'autres parties du monde, en particulier à la région méditerranéenne »,

4. Rappelant le rôle important de la tolérance et de la non- discrimination qui a été souligné par les participants au Séminaire de l'OSCE sur la façon d'aborder les menaces pour la sécurité au cours du vingt-et-unième siècle, tenu en novembre 2004 à Sharm El Sheik,

5. Reconnaissant l'importance de la lutte contre l'intolérance et la discrimination en tant que composante primordiale du dialogue entre l'OSCE et ses Partenaires méditerranéens,

6. Soulignant l'importance des relations commerciales et économiques en tant que facteur pacificateur au sein de la région méditerranéenne, ainsi qu'en témoigne la Résolution d'Edimbourg sur la coopération économique dans la dimension méditerranéenne de l'OSCE,

7. Soulignant l'importance d'une transparence et d'une confiance mutuellement partagées en tant que principes régissant les relations entre l'OSCE et ses Partenaires méditerranéens,

8. Soulignant que les conflits non résolus constituent pour la sécurité dans la région des menaces permanentes qui compromettent les perspectives de paix et de prospérité durables,

9. Faisant état de la nécessité de parvenir à une paix équitable et durable dans le cas du conflit entre la Palestine et Israël,

L'Assemblée parlementaire de l'OSCE :

10.Souligne l'importance de la coopération entre les États participants de l'OSCE et les Partenaires méditerranéens pour la coopération lorsqu'il s'agit de faire face aux menaces mondiales pesant actuellement sur la sécurité;

11.Encourage les États participants de l'OSCE et les Partenaires méditerranéens pour la coopération à privilégier les principes de non-violence, de tolérance, de compréhension mutuelle et de respect de la diversité culturelle;

12.Insiste pour que les États participants de l'OSCE et les Partenaires méditerranéens pour la coopération entament un dialogue actif sur le défi croissant lancé par la migration;

13.Recommande à l'OSCE de s'employer à faire percevoir de façon plus positive les mouvements migratoires en favorisant l'intégration des immigrants dans les pays de destination;

14.Se félicite de la nomination des trois Représentants personnels du Président chargés respectivement des questions d'intolérance et de discrimination à l'encontre des chrétiens et des adeptes d'autres religions, de la lutte contre l'antisémitisme et de la lutte contre l'intolérance et la discrimination à l'encontre des musulmans;

15.Encourage le règlement des conflits dans la région méditerranéenne par le recours à des stratégies concertées lorsque cela s'avère réalisable;

16.Invite instamment tous les États participants de l'OSCE à collaborer avec les Partenaires méditerranéens à l'étude aussi bien des menaces « douces » pour la sécurité, comme la pauvreté, la maladie et la dégradation de l'environnement, que des menaces « dures », comme le terrorisme et les armes de destruction massive;

17.Prie les États participants de l'OSCE et les Partenaires méditerranéens de promouvoir la connaissance des différentes cultures et religions en tant que condition préalable à la réussite de la coopération;

18.Prie les États participants de l'OSCE et les Partenaires méditerranéens d'utiliser l'enseignement en tant que vecteur pour inculquer la tolérance à la prochaine génération;

19.Se félicite de la création en 2005 d'une zone de libre échange entre l'Egypte, la Jordanie, la Tunisie et le Maroc et de l'extension des relations de libre échange entre ces pays et l'Union européenne d'ici à 2010, comme il est stipulé dans l'Accord d'Agadir en date de 2004;

20.Se félicite de la création de zones industrielles qualifiées entre Israël, la Jordanie et l'Egypte, en tant que modèle pour la promotion de la paix et du développement dans le grand Moyen-Orient;

21.Invite l'OSCE à accorder à l'Autorité nationale palestinienne le statut d'observateur, comme suite à la demande que cette Autorité avait présentée en novembre 2004 d'être admise comme Partenaire méditerranéen pour la coopération, afin de lui permettre de se familiariser avec les engagements de l'OSCE et de les assimiler;

22.Invite instamment les partenaires méditerranéens à œuvrer avec la Ligue arabe à mettre fin au boycott commercial de l'État d'Israël, au moment où ils engagent leurs négociations d'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC);

23.Recommande que des parlementaires appartenant aux Partenaires méditerranéens pour la coopération continuent à participer aux activités de surveillance électorale de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE;

24.Recommande que l'OSCE établisse des relations avec d'autres États du Bassin méditerranéen, y compris la Libye et le Liban;

25.Encourage les parlementaires appartenant aussi bien aux États participants de l'OSCE qu'aux Partenaires méditerranéens à prendre une part active au Troisième Forum de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE sur la Méditerranée prévu à Sveti Stefan, Serbie- Monténégro, en octobre 2005.

LE MARIAGE ENTRE PERSONNES DE MÊME SEXE

PRÉSENTATION D'UNE PÉTITION

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, j'ai à présenter deux liasses de pétitions renfermant 4 078 signatures qui m'ont été remises ce matin. Ces pétitionnaires expriment leurs préoccupations relativement au projet de loi sur le mariage homosexuel. Ces pétitions viennent de la région du Grand- Toronto. Les pétitionnaires ont demandé que leurs pétitions soient présentées au Sénat même si le projet de loi C-38 a été adopté hier soir.

Dans ces pétitions, les signataires expriment leur vive opposition au projet de loi C-38 qui, selon eux, modifiera la définition traditionnelle du mariage. Ils ont exigé la tenue d'un débat complet sur la question.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter une réponse différée à une question orale posée par le sénateur Keon au Sénat, le 28 juin 2005, concernant la prestation publique et privée des services des débats proposés par l'Association médicale canadienne.

LA SANTÉ

LA PRESTATION PUBLIQUE ET PRIVÉE DES SERVICES—LE DÉBAT PROPOSÉ PAR L'ASSOCIATION MÉDICALE CANADIENNE

(Réponse à la question posée par l'honorable Wilbert J. Keon le 28 juin 2005)

L'honorable sénateur Keon avait demandé pourquoi le ministre de la Santé croit que l'Association médicale canadienne ne devrait pas discuter de la question des soins privés à sa conférence, eu égard à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Chaoulli et Zeliotis c. Procureur général du Québec et procureur général du Canada, qui a été rendue le 9 juin 2005. La décision rendue par la Cour suprême du Canada est une décision importante.

Le gouvernement soutient un solide système de soins de santé financé par l'État. Étant donné que la disposition législative en cause dans cette affaire est de nature provinciale, la décision de la Cour suprême du Canada n'a aucune conséquence immédiate sur la loi fédérale régissant l'assurance-santé, la Loi canadienne sur la santé. Cette Loi reste une loi fédérale valide. La décision de la Cour suprême ne change en rien l'engagement inébranlable du gouvernement du Canada à l'égard d'un système universel de soins de santé financé par l'État, dans le cadre duquel les Canadiens et Canadiennes ont un accès raisonnable aux soins de santé selon le besoin plutôt que la capacité de payer.

La décision de la Cour suprême met en évidence le besoin d'accélérer la prise de mesures concernant les temps d'attente et réaffirme l'urgence de respecter les engagements pris par les premiers ministres en septembre 2004 dans le plan décennal pour renforcer les soins de santé. Ce plan comprend un nouvel investissement de 41 milliards de dollars sur les dix prochaines années. Inclus également dans cet investissement les 5,5 milliards de dollars sur dix ans, débutant en 2004-2005, du Fonds pour la réduction des temps d'attente, ce qui augmentera les investissements actuels des provinces et des territoires et les aideront dans leurs diverses initiatives visant à réduire les temps d'attente.

Comme mentionné, il existe déjà une vaste gamme de soins privés au Canada. Les médecins, par exemple, demeurent, en grande partie, des fournisseurs indépendants presque entièrement payés par le secteur public, tout en jouissant d'une importante liberté dans l'organisation de leur pratique. La Loi canadienne sur la santé exige que tous les services de santé assurés et médicalement nécessaires soient remboursés par les régimes provinciaux et territoriaux d'assurance-santé. La Loi canadienne sur la santé s'applique aux services de santé assurés, qu'ils soient offerts dans des établissements hospitaliers publics ou privés.

La Loi canadienne sur la santé exige que les services médicaux et hospitaliers médicalement nécessaires soient assurés par les régimes provinciaux et territoriaux d'assurance-santé financés par l'État. L'accès aux services assurés en fonction du besoin médical et non de la capacité de payer a toujours été la pierre angulaire du système de santé canadien. Ceci dit, les provinces et les territoires sont les principaux responsables de l'organisation des soins de santé. Les provinces et les territoires décident des services médicaux et hospitaliers médicalement nécessaires et qui, par conséquent, sont assurés dans le cadre du régime d'assurance-santé, en consultation avec les professionnels de la santé. Pour autant que de telles décisions soient prises en conformité avec les exigences relatives au critère de l'intégralité de la Loi canadienne sur la santé, cela n'inquiète pas le gouvernement fédéral.

[Plus tard]

[Traduction]

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de Richard Logan, notre ex-porteur de la masse, et de certains invités du sénateur Dyck : Mme Betsy McGregor, de la Direction générale des sciences de la vie d'Industrie Canada, et trois stagiaires d'été — Lisa Huang, Laura Gover et Sara Moores.

Au nom de tous les honorables sénateurs, bienvenue au Sénat du Canada.


ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI SUR LE MINISTÈRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Losier- Cool, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-23, Loi constituant le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences et modifiant et abrogeant certaines lois.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

PROJET DE LOI SUR LE MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL

TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Losier- Cool, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-22, Loi constituant le ministère du Développement social et modifiant et abrogeant certaines lois.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer ?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

PROJET DE LOI AUTORISANT LE MINISTRE DES FINANCES À FAIRE CERTAINS VERSEMENTS

TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Eggleton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Jaffer, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-48, Loi autorisant le ministre des Finances à faire certains versements.

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, les audiences du comité sénatorial sur le projet de loi C-48 se sont tenues en un jour, ce qui symbolise le dédain du gouvernement à l'égard du Parlement, un dédain qui se révèle de manière saisissante dans un projet de loi budgétaire que le sénateur Murray a si justement décrit comme une abomination et un coup de plus porté contrôle parlementaire des deniers publics. En outre, le projet de loi a été défendu en comité par le secrétaire parlementaire plutôt que par le ministre chargé du dossier.

(1400)

J'ai le regret de dire que M. Goodale, qui vient de la Saskatchewan, était ce ministre. Cet homme, qui a été candidat un nombre incalculable de fois dans notre province, a trouvé le moyen d'être absent lorsqu'est venu le temps de régler un projet de loi qui rabaisse la fonction parlementaire à laquelle il a si souvent aspiré. Dans notre province, M. Diefenbaker nous a appris à respecter le Parlement et toutes ses traditions. De toute évidence, M. Goodale n'a pas porté attention à ce principe.

Fait ironique, ce sont des sénateurs, tous des parlementaires, et un secrétaire parlementaire de la Chambre des communes qui, en comité, ont fait adopter un projet de loi qui mine gravement la capacité du Parlement à s'acquitter de sa responsabilité première, c'est-à-dire à protéger les fonds publics, en déléguant d'une façon dangereuse les responsabilités du Parlement à une autorité qui manifeste si peu de respect pour cette institution qu'elle n'a pas daigné envoyer un représentant.

À mesure que le temps va passer et que le précédent que nous avons créé va devenir marquant, ce sont les sénateurs qui auront appuyé cette atteinte à la protection des fonds publics qui seront associés à cette mesure et qui seront tenus responsables d'avoir avili le processus lié au budget et à l'affectation des fonds publics.

Il est d'autant plus ironique que ce soit un bureaucrate, non pas un parlementaire mais l'ancien sous-ministre des Finances Stanley Hartt, qui se soit porté à la défense du Parlement et de ses obligations. Voici un extrait des remarques formulées au comité par M. Hartt :

...les sénateurs devraient être très inquiets du précédent créé par le projet de loi C-48 quant à la façon dont les législateurs sont invités à se servir ou, dans ce cas-ci, selon moi, à ne pas se servir du pouvoir traditionnel du Parlement de contrôler les dépenses publiques. Ce pouvoir a été durement gagné. Le sang n'a pas coulé dans notre pays pour obtenir ce pouvoir, mais cela a été le cas en Grande-Bretagne, dont nous avons hérité du système parlementaire. La souveraineté du Parlement en matière de dépenses est une tradition très importante à l'égard de laquelle nous ne devrions pas afficher une telle désinvolture.

Ce sont les arguments invoqués pour défendre cette loi qui étaient vraiment remarquables. Le sénateur Eggleton, parrain du projet de loi, a déclaré au comité que les conservateurs l'avaient contraint à agir de la sorte, parce que nous avions dit que nous ne provoquerions pas d'élections suite au budget original présenté. Par la suite, nous avons réclamé des élections et c'est ce qui a incité le gouvernement à se lancer dans de telles dépenses et à présenter ce projet de loi inconvenant. « Il fallait se protéger », a-t-il dit, bien qu'il n'ait pas utilisé ces termes, mais l'intention était claire. « Comme vous n'êtes pas nos amis, nous avons dû en acheter de nouveaux avec l'argent des contribuables », ce qui résume on ne peut mieux les intentions du gouvernement.

Il oublie d'ajouter que M. Harper et les membres de notre parti, en entendant les témoignages et les aveux de voleurs, de fraudeurs et de hauts fonctionnaires corrompus du Parti libéral devant la Commission Gomery, croyaient, et nous le croyons encore, que le Parti libéral avait perdu l'autorité morale pour gouverner le pays.

Pendant que je parle de la version des événements qu'a présentée le sénateur Eggleton, permettez-moi de répéter les propos qu'il a tenus hier au sujet du logement abordable, lorsqu'il a laissé entendre que j'ai donné une fausse version du témoignage du ministre Fontana. Comme le sénateur Eggleton est partisan de l'intégralité des citations des témoignages, il sera heureux d'entendre ce que j'ai à dire. En parlant de moi, il a dit :

Selon lui, le ministre, l'honorable Joe Fontana, a dit qu'à l'origine, le gouvernement s'était engagé à dépenser 1,5 milliard de dollars sur cinq ans, ce que le ministre Goodale a confirmé à la suite du dépôt du budget de 2005.

Rappelons-nous qu'il cite mes propos. Puis, il a ajouté :

Le sénateur Tkachuk a dit que le budget prévoyait l'octroi de 1,5 milliard de dollars sur cinq ans. Le gouvernement a porté à 1,6 milliard de dollars le montant de 1,5 milliard prévu à l'origine et il a décidé de le dépenser sur deux ans plutôt que sur cinq ans.

C'est peut-être ce que j'ai dit, mais c'est également ce que M. Fontana a dit. Il a déclaré :

Le projet de loi C-48 accélère la réalisation de cet engagement en réduisant la période à deux ans.

Il parlait du montant de 1,5 milliard de dollars.

En outre, le sénateur Eggleton m'a conseillé de lire le témoignage ultérieur de M. Fontana, ce que j'ai fait. Au comité, je me suis demandé, lorsque nous avons soulevé la question, pourquoi les libéraux n'avaient pas lu le témoignage en entier devant le comité. J'attendais qu'ils le fassent, car c'est le reproche que nous leur avions fait au comité. Je vais citer un extrait de ce témoignage, en commençant par la partie que le sénateur Eggleton m'a exhorté à lire, mais qu'il a cité hors contexte. M. Fontana a dit :

Il y a un an et demi environ, nous affirmions dans notre programme que nous subventionnerons le logement en débloquant un montant supplémentaire de 1 milliard à 1 milliard et demi de dollars pour les cinq années suivantes. Dans le discours du Trône, le gouvernement s'est engagé à renouveler les programmes existants comme celui du logement à prix modique, de la remise en état des logements et de l'appui aux collectivités.

Dans le discours du budget, nous avons dit ceci : Par conséquent, à mesure que nos programmes d'infrastructure municipale et rurale, stratégique et frontalière viendront à échéance, comme prévu au cours des prochaines années, nous avons fermement l'intention de les renouveler et de les prolonger. Ceci s'applique aussi aux initiatives en matière de logement.

Puis, le lendemain de la présentation du budget...

— et le sénateur Eggleton sera heureux d'apprendre que je cite toujours M. Fontana —

... le ministre des Finances a pris l'engagement d'investir 1,5 milliard de dollars de plus dans le logement au Canada, dès que le montant initial aura été dépensé.

Voilà ce qu'il a dit le lendemain de la présentation du budget, avant la conclusion de l'entente avec le NPD.

Il a ajouté :

Cela est conforme aux engagements que nous avons pris dans le discours du budget et dans le discours du Trône.

Le sénateur Eggleton : Cela n'est toujours pas dans le budget.

Le sénateur Tkachuk : N'oublions pas que le ministre des Finances, qui prenait place à côté de M. Fontana, n'est pas intervenu pour ajuster le tir. Par conséquent, je n'ai pas peur d'opposer ma version des événements à celle du sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Vous avez perdu.

Le sénateur Tkachuk : Laissons aux Canadiens le soin de décider qui a raison. Quant à moi, tout ce que je peux conclure, c'est que ou bien les fonds étaient prévus dans le budget, auquel cas le NPD n'a rien gagné du tout, ou bien ils allaient l'être, auquel cas le NPD n'a encore rien gagné, ou bien on a promis de verser les fonds sans aucune intention de donner suite à cette promesse, comme c'est le cas avec le projet de loi C-48, auquel cas on a menti au NPD, ce que ce parti sait maintenant.

Honorables sénateurs, je me permets de remettre les pendules à l'heure au sujet de ce que le sénateur Eggleton a dit hier soir dans son discours, à savoir que la quantité de détails offerts dans le projet de loi C-43 ne diffère pas tellement de la quantité de détails fournis dans le projet de loi C-48.

Commençons par le milliard de dollars pour la création du Fonds éco-net, fonds novateur qui favorisera la prise de mesures efficientes de réduction des émissions de gaz à effet de serre au Canada. Où, au juste dans le projet de loi C-43, trouverons-nous une autorisation de dépenser la somme d'un milliard de dollars? En réalité, nous n'en trouverons pas. Ce n'est pas prévu. Ce n'est pas dans ce projet de loi. Ce que le projet de loi C-43 fait, c'est qu'il établit le cadre législatif visant l'Agence canadienne pour l'incitation à la réduction des émissions — cela va vous aider à comprendre —, qui est créée à titre de société d'État relevant d'un ministère pour administrer le Fonds éco-net. Le projet de loi C-43 ne dit pas simplement que le gouvernement peut établir ou acheter une société qui s'occuperait du Fonds éco-net, bien au contraire. À la partie 13 du projet de loi C-43, les sénateurs peuvent voir un texte détaillé qui crée une loi distincte relative à l'administration de l'agence, loi comprenant des définitions, présentant la mission de l'agence, sa structure de gouvernance et une liste de ses attributions, obligeant l'agence à déposer un plan d'entreprise et un rapport d'activités annuel au Parlement, désignant le vérificateur général à titre de vérificateur et incluant l'agence dans une liste de la Loi sur l'accès à l'information.

Qu'y a-t-il pour les sociétés dont le projet de loi C-48 prévoit la création? Absolument rien, si ce n'est une disposition qui précise que le gouvernement peut créer une société. Le projet de loi C-43 prévoit des paiements ponctuels pour certaines organisations, mais on nous dit ici qui ont été les bénéficiaires. Le projet de loi C-48 ne nous renseigne pas sur ceux qui bénéficieront finalement de cette somme de 4,5 milliards de dollars, il ne prévoit pas de conditions ou de modalités de paiement et n'établit pas de règles qui s'appliqueront aux nouvelles sociétés qui seront créées.

Avant d'être un peu distrait dans mon discours par ce que le sénateur Eggleton a dit, je parlais du droit moral de gouverner du gouvernement. Ce printemps, pendant trois jours, le gouvernement a perdu le contrôle du Parlement. Le devoir lui dictait de renoncer au pouvoir et de déclencher des élections. Il ne l'a pas fait. Il s'est comporté comme les dirigeants du parti ont avoué l'avoir fait à la Commission Gomery. Il a acheté une députée en lui offrant un poste au Cabinet et a tenté d'en soudoyer un autre de sorte qu'un ministre libéral et le chef de cabinet du premier ministre font maintenant l'objet d'une enquête de la GRC.

(1410)

Le gouvernement a ensuite acheté un autre parti politique à la Chambre des communes. Les libéraux peuvent bien affirmer que le projet de loi C-48 reflète leurs priorités, mais cela sonne faux, car leurs priorités se trouvaient dans leur budget. Ces priorités-ci sont celles du NPD.

En écoutant les enregistrements présentés par M. Grewal, on frémit devant l'absence de toute moralité dans les discussions sur des actes criminels au sujet desquels on ne fait que de vagues allusions, un genre de clin d'œil verbal. Ce comportement s'apparente davantage aux méchants qui, dans les films, tentent de cacher leurs motifs lorsqu'ils parlent au téléphone par crainte d'être enregistrés. On ne s'attend pas à cela d'un ministre et du chef de cabinet du premier ministre.

Comparons les propos de Stanley Hartt, ancien chef de cabinet du premier ministre Brian Mulroney, au comité chargé d'étudier les projets de loi C-48 et C-38 à ceux de M. Murphy sur la façon de récompenser les ententes dans le passé.

Je me demande si les Canadiens auraient été fiers des discussions qui se sont tenues entre les libéraux et les néo-démocrates dans cette chambre d'hôtel. L'odieux marché qui y a été conclu à huis clos a entraîné des dépenses de 4,5 milliards de dollars. C'est un sénateur libéral qui a le mieux décrit au comité l'attitude des libéraux à cet égard :

Je n'ai pas eu la chance de voir l'entente entre le NPD et le gouvernement. J'ai regardé le projet de loi et je ne peux m'empêcher de penser que ou bien le NPD est vraiment naïf ou bien le gouvernement est vraiment rusé.

Avec de tels amis, honorables sénateurs, il y a peut-être seulement eu des rapports sociaux étroits dans cette Chambre, mais nombre d'entre nous dans l'Ouest auraient utilisé une expression plus crue pour décrire ce qui est arrivé au NPD et aux pauvres contribuables du Canada.

Certains dans les médias aiment bien les machinations du premier ministre libéral et son leadership axé sur la ruse — vous pouvez le vérifier—, c'est un fin Machiavel, ce M. Martin. Les médias croient que c'est la façon de faire de la politique. Il y a quelques semaines à peine, les mêmes journaux affirmaient que les libéraux n'avaient pas d'autre choix que de démissionner.

Puis, les libéraux justifient leur comportement : « Nous faisons tous la même chose. » Quel que soit le parti au pouvoir, ça ne compte pas. « C'est ce que nous faisons tous. » Comment osent-ils? Rien ne leur répugne, pourvu qu'ils y trouvent leur compte. De ce côté-ci du Sénat, nous pensons qu'il est temps de faire le ménage en congédiant ces vendeurs de faveurs et en mettant ces escrocs derrière les barreaux. Les Canadiens méritent mieux que cela. Ils devraient pouvoir espérer bien plus de la part des partis politiques.

Notre rapport minoritaire s'inspire de la vision classique de l'autorité parlementaire que nous préconisons et que nous espérons appliquer une fois que nous aurons gagné les prochaines élections. Nous disons qu'il faut de la transparence et que les dirigeants doivent avoir des comptes à rendre. Nous pensons que le Parlement a un rôle à jouer quand vient le temps d'exiger des comptes de la part du gouvernement, et en particulier lorsqu'il est question d'un projet de loi de nature budgétaire et de l'argent des contribuables. Nous défendons la démocratie.

Depuis un certain temps, Paul Martin se décrit comme le champion de la réforme démocratique. Mais nous l'avons mal compris. La réforme qu'il a en tête revient à rendre le système plus opaque, et non plus ouvert.

Bien sûr, la véritable nature des gens se révèle lorsqu'ils doivent surmonter des difficultés. Le projet de loi C-48 nous a permis de voir la véritable nature de M. Martin, un homme opportuniste qui est prêt à tout pour s'accrocher au pouvoir, peu importe que le système parlementaire doive en pâtir.

Et puis, de toute manière, quelles conséquences peut-il bien y avoir à conclure un accord lorsqu'on sait qu'on ne le respectera pas? Voilà ce qu'ils ont fait au NPD. Trahison et violation d'accord. Ce n'est pas moi qui le dis. C'est la porte-parole du NPD en matière de finances, qui a été déçue d'apprendre la semaine dernière, lors de nos audiences, que la somme de 4,5 milliards de dollars allouée à condition que l'excédent dépasse effectivement 2 milliards de dollars ne commencerait pas à être dépensée avant la fin de l'année prochaine, et peut-être même pas avant 2007. Le NPD a peut-être eu ce qu'il méritait parce qu'en concluant cet accord, il a volontairement manqué à ses obligations de fiduciaire envers les Canadiens. C'est avant le budget qu'il fallait essayer de défendre des intérêts particuliers, et non après.

Aujourd'hui, ils poussent les hauts cris. La porte-parole du NPD en matière de finances, Judy Vasylycia-Leis, est d'avis notamment que, plus les libéraux retarderont les dépenses prévues dans le budget du NPD, plus ce sera avantageux pour eux sur le plan politique et plus le NPD devra répéter aux Canadiens à qui ils doivent ces mesures budgétaires.

Quelle manoeuvre! D'un côté, le NPD s'associe au gouvernement dans un projet de loi budgétaire qui fait fi du droit de regard du Parlement et de l'autre, il fait appel à nous, les contribuables canadiens, pour que nous nous sortions tous du bourbier dans lequel il nous a entraînés avec lui.

Il semble que les députés du Parti conservateur devront protéger le NPD contre lui-même. Ce sera à nous de le faire, car le Parti conservateur est dorénavant le seul qui protège les Canadiens et les contribuables contre le Parti libéral et son gouvernement. Le Nouveau Parti démocratique a renoncé à jouer son rôle en concluant ce pacte avec le Parti libéral du Canada et avec Paul Martin. Maintenant, il se plaint en disant avoir été mal informé, trompé, en réalisant qu'il ne verra pas la couleur de cet argent. Le NPD doit s'adresser aux Canadiens en leur disant : « Il faut que vous disiez clairement aux libéraux qu'ils doivent faire ce qu'il nous ont promis de faire. »

Le sénateur Mercer : Comment ça se passe dans les sondages?

Le sénateur Tkachuk : Honorables sénateurs, je vous demande de vous opposer à ce projet de loi.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j'admets être quelque peu confus au sujet du projet de loi C-48, et je remercie l'honorable sénateur Tkachuk d'avoir soulevé la question de la participation du NPD à ce projet de loi. En parcourant les journaux, en fin de semaine, j'ai trouvé cette manchette : « Le NPD crie au scandale au sujet de l'entente budgétaire qu'il a conclue avec les libéraux. » Dans l'article, il est dit que le porte-parole libéral, John McKay, secrétaire parlementaire du ministre des Finances Goodale, a déclaré au Comité sénatorial des finances que les 4,5 milliards de dollars prévus dans le budget ne seront pas investis avant l'été 2006. Cependant, comme tout le monde le sait, et comme le sénateur Tkachuk l'a fait remarquer, Judy Wasylycia-Leis, la porte-parole en matière de finances, a laissé entendre que le NPD, dans l'autre endroit, s'attendait à ce que cet argent se matérialise dès l'automne prochain.

Le sénateur Eggleton, en présentant la troisième lecture, a également mentionné l'échéancier. Lorsqu'il est question du moment où cet argent commencera à être versé, les informations semblent contradictoires. Certes, à l'autre endroit, le NDP a pensé qu'une entente avait été conclue et que l'argent commencerait à être investi dès cet automne. C'est ce qu'on pourrait croire en lisant le projet de loi. Le paragraphe 1(1) mentionne effectivement l'exercice financier 2005-2006, ce qui laisse croire que sa mise en oeuvre est imminente. Si nous ne devons pas commencer à dépenser cet argent cette année, pourquoi inclure un article disant que nous le ferons? Tout cela est un peu confus et j'aimerais qu'on m'éclaire au sujet de cet échéancier.

Au cours de ma dernière intervention sur ce sujet, j'ai affirmé que le projet de loi C-48 contient des éléments qui tombent sous le sens, que nous jugeons tous importants, comme le logement abordable, la haute du financement des programmes de formation et de l'enseignement postsecondaire de même que l'augmentation de l'aide étrangère. En annexe au rapport du comité sur le projet de loi C-48, on qualifiait ces éléments d'objectifs fort louables.

(1420)

Le gouvernement libéral cherche maintenant à s'attribuer tout le mérite du projet de loi C-48. En réalité, comme l'a dit mon honorable collègue le sénateur Tkachuk, il y a peut-être eu tromperie en ce sens que, tout à coup, les sommes qui devaient être affectées ne le seront pas.

Comme nous le savons tous, et comme je le sais fort bien à titre d'universitaire et de professeur, les idées ont beaucoup d'importance. Elles jouent un rôle moteur dans notre société. Dans les milieux universitaires, on sait fort bien qu'il ne faut pas s'attribuer le mérite d'une idée qui n'est pas vraiment la nôtre, pour éviter de s'exposer à l'accusation de plagiat. Je ne m'attends pas à voir un gouvernement libéral s'attribuer le mérite d'une idée qui n'est pas la sienne puisqu'il pourrait être accusé, et peut-être reconnu coupable, de plagiat.

Aucune idée, même la plus brillante, ne se suffit à elle-même. Nous savons tous, et les gens du milieu scientifique le savent certainement très bien, que l'idée la plus brillante n'ira nulle part si elle n'est pas réalisée par les bonnes personnes et ne bénéficie pas du bon processus de mise en oeuvre. Les honorables sénateurs de ce côté-ci ont parlé du processus de mise en oeuvre, mais il faut que ce processus soit le bon. Même les meilleures idées n'aboutissent pas nécessairement.

Le projet de loi C-48 contient des fonds qui sont affectés à de très justes fins. Si ce projet de loi n'est pas bien géré, il se soldera par un échec.

Permettez-moi de vous soumettre un autre scénario. Disons qu'il est si mal mis en oeuvre par les libéraux qu'il se solde par un échec. Ils se seront alors couverts de ridicule. Dans ce cas, continueront-ils de réclamer le mérite d'avoir conçu le projet de loi C-48 ou diront-ils que c'est le NDP qui les a forcés à le faire?

Ma question porte donc sur le choix du moment. Quand cela se produira-t-il? Dans le prolongement de ce que le sénateur Tkachuk disait, le NPD, à l'autre endroit, aurait peut-être fait preuve d'une plus grande sagesse s'il avait réclamé avec insistance une relation continue au sein d'un gouvernement minoritaire, non seulement pour faire adopter le projet de loi C-48, mais également pour veiller à ce que le projet de loi soit mis en oeuvre comme il faut, de manière à ce qu'il débouche sur un succès. Le partenariat conduit au succès. S'ils luttent les uns contre les autres, ce ne sera peut-être pas le cas. Ils peuvent se blâmer les uns les autres et dire qui a été naïf et qui ne l'a pas été, qui a été dupé et trompé, et ainsi de suite, mais la relation aurait peut-être été meilleure si elle avait continué, pour garantir que l'argent aille au bon endroit suivant un processus envisagé par le NPD.

Si cet élément était au nombre des intentions du gouvernement libéral, il aurait dû être consigné dans les projets de loi initiaux. Il ne l'a pas été. Les libéraux ne semblent pas résolus à le réaliser. Le NPD à l'autre endroit a pensé, de bonne foi, que cela pouvait être accompli, et il se retrouve peut-être maintenant avec une foi aveugle, espérant que le gouvernement libéral accomplira cet objectif de lui- même et parviendra à en faire un succès.

L'honorable Art Eggleton : Madame le sénateur demande si cette entente est toujours la même. Dans le préambule de ma question, je dirais qu'elle l'est effectivement. Il n'y a aucun changement entre cette entente et celle qui a été conclue entre le gouvernement et le Nouveau Parti démocratique.

Je présume que madame le sénateur sait que cette entente prévoit l'affectation de 4,5 milliards de dollars une fois que l'excédent de 2 milliards de dollars aura été atteint. En fait, autant que nous sachions, ce chiffre n'a pas été atteint à l'heure actuelle. Il s'agit là d'un excédent imprévu. Une fois cet excédent atteint, le gouvernement, c'est-à-dire le ministre des Finances, sera en mesure de songer à affecter des fonds. On ne saura pas définitivement avant la fin de l'exercice financier, soit à la fin du mois de mars, si l'excédent de 2 milliards de dollars sera atteint. En fait, les comptes ne sont pas soldés et le montant du surplus n'est pas établi avant le mois d'août suivant.

Bien que le ministre des Finances puisse commencer plus tôt à affecter les fonds, s'il est assuré d'un excédent de 2 milliards, il faut toutefois que le seuil de 2 milliards de dollars soit atteint. L'entente précise que cela peut-être fait au cours de l'un ou de l'autre des deux exercices suivants. Donc l'entente est respectée. N'est-ce pas?

Le sénateur Dyck : Honorables sénateurs, une partie du processus de communication dans ce dossier a trait au moment où l'excédent sera atteint. Si je comprends bien, à l'autre endroit, le NPD avait l'impression que le montant de l'excédent serait déterminé dans le cadre des prévisions budgétaires de cet automne et non du budget final. Selon les notes documentaires que j'ai en main, il semble que ce soit le cas.

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, j'aimerais participer au débat sur le projet de loi C-48 autorisant le ministre des Finances à faire certains versements. Comme nous l'avons déjà souligné, ce projet de loi doit permettre au gouvernement fédéral de dépenser jusqu'à 4,5 milliards de dollars à des fins particulières au cours des deux prochains exercices financiers. Ces nouvelles dépenses seront affectées dans quatre grands secteurs déjà établis, soit 1,6 milliard pour le logement abordable, 1,5 milliard pour l'enseignement postsecondaire et la formation, 900 millions de dollars pour l'environnement, y compris le transport en commun et les travaux d'amélioration de l'efficacité énergétique et 500 millions de dollars pour l'aide à l'étranger.

Le projet de loi C-48 a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales que je préside, comme vous le savez. Notre comité a soigneusement étudié la mesure législative et entendu bon nombre de témoins, dont l'honorable John McKay, secrétaire parlementaire du ministre des Finances, et des fonctionnaires du ministère des Finances, Charles-Antoine St- Jean, contrôleur général du Canada, et son collègue John Morgan; des fonctionnaires de Ressources humaines et Développement des compétences Canada et des représentants de l'Institut C.D. Howe et du Conseil canadien des chefs d'entreprise.

Les honorables sénateurs se souviendront que j'ai exprimé de nombreuses préoccupations au sujet du projet de loi C-48 lors du débat en deuxième lecture. J'ai souligné le fait qu'il ne contient aucune explication quant aux mécanismes de dépense. J'ai aussi indiqué qu'il ne prévoit presque rien pour assurer une surveillance adéquate de la part du Parlement. De surcroît, j'ai indiqué que le projet de loi C-48 ne prévoit aucun mécanisme rigoureux de reddition de comptes. J'ai aussi fait valoir qu'il est problématique sur le plan de la responsabilité financière.

Honorables sénateurs, la journée d'audiences que le Comité des finances nationales a consacrée au projet de loi C-48 ne m'a pas beaucoup rassurée. De nombreux témoins étaient d'accord avec moi que le projet de loi C-48 est très problématique, et ce, pour de nombreuses raisons. J'aimerais citer Stanley Hartt, qui s'est exprimé de façon très éloquente sur la question :

En tant qu'ancien sous-ministre des Finances, je trouve déconcertant de voir le Parlement engager, pour quelque raison que ce soit, même sous condition, des parts importantes d'excédents qui n'ont pas encore été enregistrés. [...] La prudence et la pratique parlementaire veulent que la Chambre et le Sénat affectent des sommes seulement à des programmes qui ont fait l'objet d'une réflexion approfondie et qui ont été entièrement élaborés, à des programmes dont les paramètres ont été fixés et qui peuvent être étudiés par les législateurs dont le rôle est d'exercer un contrôle de première importance sur les deniers publics et qui sont en droit de savoir quelles dépenses ils autorisent sans avoir à dépendre d'une simple liste d'objectifs d'apparence noble.

Honorables sénateurs, je vais maintenant résumer les préoccupations qui ont été exprimées lors des audiences en comité du projet de loi C-48. Les témoins ont dit au comité que le projet de loi C-48 se concentre presque exclusivement sur les sommes et omet des détails importants sur la nature des dépenses. Bien que le projet de loi précise le montant des sommes à allouer aux quatre domaines généraux de dépenses que j'ai déjà énumérés, il ne décrit pas les mécanismes qui régiront les modalités des investissements dans chacun de ces domaines. Viendront-ils s'ajouter aux mesures existantes ou est-ce que de nouveaux programmes seront créés? Le projet de loi C-48 ne nous éclaire pas là-dessus. Quel ministère, ou quelle agence, fondation ou autre entité aura la responsabilité de gérer ces sommes? Le projet de loi C-48 n'offre aucune réponse à ces questions fondamentales.

(1430)

Par surcroît, le projet de loi ne précise pas les objectifs qu'il vise. Des témoins qui ont comparu devant le Comité des finances nationales ont insisté sur le fait que le projet de loi ne précise ni objectifs, ni buts, ni résultats attendus. Il sera très difficile d'établir si le projet de loi C-48 donnera des résultats satisfaisants par rapport aux investissements qu'il représente. Notre vérificatrice générale, Sheila Fraser, aura peut-être à se pencher là-dessus. Autrement dit, honorables sénateurs, on nous demande de voter sur une mesure législative qui prévoit des dépenses de 4,5 milliards de dollars alors que nous ne savons même pas comment les fonds seront dépensés, à qui ils seront versés, quel ministère les gèrera et à quelles fins exactement ils doivent servir. À titre de parlementaires, nous n'avons reçu aucune information pour nous aider à prendre une décision éclairée. Ce qui est peut-être plus important encore, c'est que les témoins ont indiqué que le projet de loi C-48 ne résulte pas du processus budgétaire habituel axé sur l'établissement des priorités. Dans cet ordre d'idées, Finn Poschmann, de l'Institut C.D. Howe, a déclaré :

Comme le projet de loi C-48 a vu le jour à l'extérieur du processus budgétaire, il a été complètement isolé des compromis qui sont normalement faits au cours de tout exercice budgétaire. Les budgets visent à atteindre un équilibre entre des priorités concurrentes qui se manifestent lors de l'élaboration des politiques et des débats politiques. Le projet de loi C-48 est un complément au processus budgétaire.

En termes simples, ce projet de loi ne fournit pas le genre de détails qu'on trouve généralement dans une loi budgétaire. Normalement, lorsqu'un projet de loi fait l'objet d'un débat dans l'une ou l'autre Chambre du Parlement, on y précise davantage comment les fonds seront utilisés. Dans ce cas-ci, le projet de loi C- 48 ne fournit aucun détail concernant les programmes envisagés. Le gouvernement a carte blanche à cet égard.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-48 est une autre façon par laquelle le Parlement donne au gouvernement le pouvoir d'obtenir et de dépenser des fonds. Ce projet de loi constitue un pouvoir de dépenser autorisé par une loi. Effectivement, le paragraphe 1(1) dispose que « pour l'exercice 2005-2006, le ministre des Finances peut faire des versements, à prélever sur le Trésor ». Voilà l'autorisation d'un crédit législatif mais qui comporte une restriction quant au montant qui est établi en fonction de l'excédent. Le crédit maximal est de 4,5 milliards de dollars et les limites individuelles figurent au paragraphe 1(2).

Au cours des audiences, M. Peter Devries, du ministère des Finances, a dit au comité :

Le projet de loi C-48 autorise le gouvernement à faire des versements aux entités qui sont établies.... Le gouvernement ne viendra pas redemander au Parlement l'autorisation de dépenser ces fonds. Le projet de loi C-48 lui donne ce pouvoir de dépenser.

Il permettra donc au ministre des Finances de décider s'il dépensera ou non les sommes proposées. À mon avis, cela est l'équivalent de donner au gouvernement un chèque en blanc pour ses dépenses dans quatre secteurs qui sont à peine définis.

En fait, le gouvernement actuel conserve un énorme pouvoir discrétionnaire sur la façon d'affecter les fonds en vertu de ce projet de loi. Les 4,5 milliards de dollars seront également dépensés à la discrétion du gouvernement. La totalité de l'argent pourrait être complètement dépensé la première année où il y aura un excédent, ou la deuxième année, ou une combinaison des deux; l'argent pourrait même ne pas être dépensé du tout si l'excédent ne dépasse pas 2 milliards de dollars.

Surtout, le gouvernement a aussi e pouvoir de proposer d'autres projets de loi de crédits qui auraient pour conséquence d'éliminer les fonds disponibles pour les dépenses prévues dans ce projet de loi. Si j'étais néo-démocrate, cela me préoccuperait. Le projet de loi C-48 ne lie pas le gouvernement et permet beaucoup de latitude. Il n'y a rien dans ce projet de loi qui empêche le gouvernement de dépenser cet argent à sa guise, pourvu que l'excédent dépasse 2 milliards de dollars. Le projet de loi C-48 n'est aucunement restrictif. Autrement dit, honorables sénateurs, le seuil de 2 milliards de dollars pourrait être augmenté. Un ou deux milliards de dollars pourraient s'y ajouter, mais le projet de loi C-48 ne stipule pas que les montants qui s'ajoutent au seuil de 2 milliards de dollars doivent être dépensés conformément aux quatre objectifs prévus dans le projet de loi.

Honorables sénateurs, jamais le Parlement n'a été saisi d'un tel projet de loi. Il s'agit d'une attaque sans précédent visant le contrôle du Parlement sur les deniers publics. Que se passerait-il si le gouvernement proposait, à l'automne, un projet de loi de deux pages demandant au Parlement de voter, par exemple, l'affectation de 15 milliards de dollars à six secteurs de dépense? Est-ce là le précédent que nous voulons créer au Canada? Stanley Hartt a soulevé cette question lorsqu'il s'est adressé au comité :

Les sénateurs devraient être préoccupés par le précédent que le projet de loi C-48 crée relativement à la façon dont les législateurs utilisent, ou, dans ce cas, n'utilisent pas les pouvoirs traditionnels du Parlement en ce qui a trait au

contrôle des dépenses publiques [...]. La suprématie du Parlement en matière de dépenses publiques est une tradition précieuse avec laquelle on ne devrait pas badiner.

Charles-Antoine St-Jean, le contrôleur général du Canada, a donné l'assurance au comité que, selon les conditions prévues, l'approbation du Conseil du Trésor est nécessaire avant le versement de tout paiement. Ces conditions exposeront plus en détail d'autres paramètres particuliers liés aux programmes en même temps que les dispositions relatives à la vérification, à l'évaluation, à la production de rapports et à l'obligation de rendre compte. Son bureau examinera pareilles propositions avant leur présentation au Conseil du Trésor. Il a en outre précisé qu'après l'approbation du Conseil du Trésor les accords de financement seront signées par les bénéficiaires et décriront les conditions des paiements et leur lien obligatoire avec l'état de l'excédent budgétaire. M. St-Jean a de plus souligné que les divers documents budgétaires et les Comptes publics du Canada feront état des ministres responsables, des ministères et des bénéficiaires, ainsi que des détails relatifs à l'utilisation projetée des fonds et à la façon dont ils ont été utilisés.

Cela m'amène à ma préoccupation selon laquelle les parlementaires n'obtiendront de l'information sur les détails des dépenses proposées dans le projet de loi C-48 qu'après le fait. Par conséquent, on nous demande d'approuver d'office un projet de loi sans que nous en connaissions tous les détails. Ce n'est pas ainsi que les budgets sont censés être adoptés. L'apport parlementaire au processus budgétaire a clairement fait défaut.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-48 est sans précédent car c'est la première fois que le pouvoir de dépenser serait accordé uniquement s'il y a un excédent budgétaire minimal. Aucun paiement ne sera fait s'il n'y a pas d'excédent. Aucune dépense ne sera réalisé à moins qu'il y ait un excédent d'au moins 2 milliards de dollars. Est-ce ainsi que le gouvernement doit gérer les fonds publics?

Le contrôleur général du Canada a dit au comité que le projet de loi C-48 constitue une « démarche prudente en matière de gestion financière » en ce sens que pareils dividendes financiers ne seraient autorisés que s'il y avait un excédent de 2 milliards de dollars dans les deux années à venir. M. St-Jean estime aussi que le projet de loi C-48 nous donne plus de temps pour déterminer les cadres de gestion particuliers des programmes.

Un certain nombre de témoins qui ont comparu devant le comité ne partageaient pas ce point de vue. L'un d'eux a même fait valoir que le projet de loi C-48 hypothèque quelque peu les excédents futurs. D'autres témoins ont fait ressortir que le projet de loi ne renferme pas de mesures claires relatives à l'obligation de rendre compte du gouvernement. Avec le projet de loi C-48, le gouvernement fédéral demande le pouvoir de dépenser 4,5 milliards de dollars sans présenter de plan et sans fournir au Parlement l'information nécessaire quant aux comptes que devra rendre l'exécutif. En tant que président du Comité sénatorial permanent des finances, cela me préoccupe.

Le projet de loi présente un autre défaut important : il ne tient pas compte des principes d'une bonne gouvernance. David Stewart- Patterson, vice-président directeur du Conseil canadien des chefs d'entreprise, a dit ceci au comité :

(1440)

Le projet de loi C-48 est un chèque en blanc postdaté.

Je ne pourrais dire mieux, honorables sénateurs.

Le projet de loi C-48 est un chèque en blanc postdaté. Il donne au Cabinet qui sera en place le pouvoir de dépenser tout cet argent comme bon lui semblera. Le Cabinet pourra financer de nouveaux programmes et des accords avec d'autres gouvernements, verser des subventions et des contributions, et même mettre sur pied de nouvelles sociétés d'État. Alors que les Canadiens exigent une transparence accrue et une meilleure reddition de comptes en ce qui a trait à l'utilisation des fonds publics, ce projet de loi propose qu'on dépense plus de 4,5 milliards de dollars dans l'ombre. Il permettra au gouvernement du moment de décider quand et comment dépenser l'argent sans être contraint de demander l'approbation du Parlement. Le projet de loi n'augmentera peut-être pas le risque d'un retour à des déficits financiers, mais je suis d'avis qu'il accroîtra le déficit démocratique au lieu de le réduire.

Honorables sénateurs, je crains aussi que le projet de loi C-48 crée de faux espoirs. C'est le gouvernement qui déterminera précisément comment les fonds seront alloués dans les limites énoncées dans le projet de loi. Toutefois, rien ne l'oblige à dépenser l'argent dans les quatre domaines prévus. Comme le projet de loi n'est assorti d'aucune obligation, il risque de donner de faux espoirs aux bénéficiaires éventuels, notamment les étudiants à faible revenu, les personnes vivant dans des logements sociaux et les Canadiens autochtones. Si l'argent est disponible, mais risque de ne pas être utilisé, cela ne crée-t-il pas de faux espoirs? En quoi est-ce prudent? Certaines personnes seront déçues si nous n'enregistrons pas d'excédent. Même si le gouvernement affiche un excédent, il se peut que l'argent ne serve pas à répondre aux besoins de ces gens.

Un certain nombre de témoins ont aussi fait valoir que le projet de loi compromettra sérieusement nos efforts en matière de réduction de la dette et d'allégement fiscal, qui sont essentiels pour assurer la prospérité économique. Les sénateurs savent que, habituellement, tout excédent non prévu à la fin d'un exercice est automatiquement appliqué à la réduction de la dette. Au cours des deux prochains exercices, une bonne partie de l'excédent pourrait servir à financer les nouvelles dépenses contenues dans le projet de loi. Le rythme de la réduction de la dette pourrait s'en trouver ralenti.

Selon M. Sam Boutziouvis, du Conseil canadien des chefs d'entreprise, le projet de loi C-48 risque de limiter la marge de manœuvre financière du gouvernement fédéral. Il a formulé la mise en garde suivante :

[...] ce projet de loi réduit la marge de manœuvre financière du gouvernement, alors qu'on a besoin d'une marge de manœuvre accrue pour l'avenir. En ce qui concerne le remboursement de la dette, nous avons fortement appuyé les paramètres financiers du gouvernement tout au long de la dernière décennie.

Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre, sénateur Oliver, mais votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Oliver : Pourrait-on m'accorder trois ou quatre minutes de plus?

Le sénateur Austin : Cinq minutes.

Son Honneur le Président : Cinq minutes de plus. Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Oliver : Je poursuis la citation du représentant du Conseil canadien des chefs d'entreprise, selon qui le gouvernement risque de perdre sa marge de manœuvre à cause du projet de loi C-48 :

En fait, nous soutenons fermement, depuis 1994-1995, qu'il faut régulariser la situation financière. Les paramètres financiers du gouvernement ont été l'équilibre budgétaire, une réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars et, plus récemment, un objectif de rapport dette-PIB de 25 p. 100. Ces excellents paramètres financiers ont, à notre avis, bien servi les Canadiens au cours de la dernière décennie. Le projet de loi C- 48 pourrait vraisemblablement affecter ces paramètres.

En conclusion, honorables sénateurs, le projet de loi C-48, dans sa forme actuelle, suscite de nombreuses inquiétudes liées au manque de reddition de comptes et, surtout, au manque d'occasions pour des parlementaires comme nous d'exercer une surveillance. Ce projet de loi limite en outre la planification à long terme que doit effectuer un gouvernement responsable sur le plan financier et crée de l'incertitude en matière de réduction de la dette et des impôts.

Le projet de loi C-48 pose de nombreux problèmes. Nous devons notamment nous demander s'il ne crée pas un dangereux précédent au Canada, en donnant au gouvernement fédéral le pouvoir et la possibilité de dépenser à sa guise, et sans être assujetti à la surveillance du Parlement, jusqu'à 4,5 milliards de dollars au cours des deux prochains exercices et ce, sans obligation de transparence ni de reddition de comptes.

Il faut mettre fin au manque de transparence et de reddition de comptes et à l'absence de mécanismes de surveillance parlementaire et de mécanismes de paiements systémiques.

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, le plus inquiétant au sujet du projet de loi C-48, c'est qu'on nous demande de nous prononcer sur le versement de 4,5 milliards de dollars avant même de nous dire comment ces fonds seront dépensés.

Le sénateur Kinsella : C'est innovateur!

Le sénateur Stratton : Comme M. Finn Poschman, de l'Institut C.D. Howe, l'a dit de façon très succincte :

Cette mesure demande au Parlement de préautoriser des dépenses éventuelles pour une foule de jolis projets et la nomination éventuelle d'un joueur.

Le sénateur Munson : Ce n'est pas mal.

Le sénateur Stratton : C'est ce que je pensais.

La façon dont on nous demande d'accorder l'autorisation de dépenser par le truchement de ce projet de loi est à cent lieues du processus d'attribution des crédits par le Parlement. Les fonds pour l'aide étrangère en offrent un exemple parfait, du fait que ces fonds peuvent englober des fonds pour l'aide militaire. Le gouvernement est libre de dépenser 500 millions de dollars pour combattre la famine en Afrique, mais il est aussi libre de dépenser cet argent au titre de l'aide militaire au Zimbabwe, dans un pays où l'on n'a rien trouvé de mieux que de chasser les gens de chez eux pour faire échec à la pauvreté urbaine.

Habituellement, il y a une ou deux façons de demander au Parlement l'autorisation de dépenser. La première est une loi budgétaire, pour laquelle le plan budgétaire fournit des renseignements détaillés. La deuxième est le Budget des dépenses, qui nous fournit d'amples renseignements en guise de préparation au vote sur l'attribution des crédits en question.

Honorables sénateurs, la plus grande part des fonds que le Canada alloue à l'aide étrangère est versée par l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI. Les renseignements que l'ACDI nous a fournis dans le cadre du processus budgétaire contrastent fortement avec le projet de loi C-48.

À la page 3 du Rapport sur les plans et les priorités de l'ACDI, on trouve une lettre signée par la ministre de la Coopération internationale. Dans cette lettre, la ministre nous dit que ce rapport au Parlement « trace les grandes lignes de nos priorités et de notre programme de travail, ainsi que des résultats que nous comptons obtenir ». On ne nous dit pas simplement que 2,8 milliards de dollars seront consacrés à l'aide extérieure. On nous présente plutôt une grande quantité de renseignements portant que, par exemple, 1,4 milliard de dollars seront affectés à des programmes géographiques précis dans des pays du tiers monde, et que 292 millions de dollars seront consacrés à des partenariats avec des organismes internationaux. On nous dit que l'ACDI fournira 65 millions de dollars en subventions afin d'aider les pays de l'ancienne Union soviétique dans leur transition; or, il y a lieu de demander pendant combien de temps encore nous allons financer cette transition. Nous savons que 2 milliards de dollars seront consacrés à la lutte contre la faim et nous pourrions débattre de la question de savoir si ce montant est suffisant. Nous pouvons demander aux autorités comment elles en sont arrivées aux niveaux de dépenses prévus pour chaque programme relevant de l'Agence, et nous pouvons nous attendre à obtenir des réponses.

On nous fournit les raisons qui sous-tendent les divers programmes de l'Agence, ainsi que les résultats escomptés. Par exemple, on nous dit que le plan de développement du secteur privé vise à intensifier le soutien aux entrepreneurs des milieux ruraux, et à appuyer les formes de développement du secteur privé qui contribuent à la croissance économique équitable. On mentionne que l'Agence va dépenser 130 millions de dollars en salaires et 58 millions en services professionnels et spéciaux. Par conséquent, nous pouvons poser des questions non seulement en ce qui a trait à l'importance de la liste de paie, mais aussi demander pourquoi l'Agence a recours aux services d'un si grand nombre de consultants. En d'autres mots, on nous fournit les renseignements dont nous aurons besoin pour demander des comptes au gouvernement.

Dans le projet de loi, le seul renseignement donné est que 500 millions de dollars sont prévus pour l'aide extérieure. Il n'y a pas de détails sur la façon dont les fonds seront versés, ou sur le financement des projets ou programmes. Nous ne savons pas quelles ententes le gouvernement entend conclure avec les partenaires nouveaux ou existants du secteur privé, et nous ne savons pas si les fonds seront versés par l'entremise d'une nouvelle fondation non encore définie. Nous ne savons pas comment ou quand le Parlement sera informé une fois que le gouvernement aura décidé de dépenser l'argent, et nous ne savons pas si le Parlement sera même officiellement informé à l'avance quant à la façon, par exemple, dont l'information sera diffusée au moyen de communiqués de presse. On ne nous a pas fourni de résultats mesurables.

Pour ne donner qu'un autre exemple, l'argent destiné au logement est présenté comme une initiative visant à réduire le nombre de Canadiens qui sont sans abri. Le gouvernement ne nous a pas dit combien de sans-abri auront un toit suite à cet engagement de fonds. Afin de respecter l'obligation de rendre compte, n'y aurait-il pas lieu d'avoir un résultat mesurable relativement à l'affectation des fonds pour le logement?

(1450)

Une lettre que Jack Layton a envoyée à ses partisans, le 27 avril, soit le lendemain de la conclusion de l'entente de principe initiale, disait que l'entente comprenait :

Un montant de 1,5 milliard de dollars visant à réduire le coût de l'enseignement postsecondaire au profit des étudiants et de leur famille, au moyen d'une entente conclue avec les provinces et les territoires; et une meilleure formation des travailleurs dans le cadre du programme d'assurance-emploi.

Le gouvernement compte-t-il accorder les fonds supplémentaires destinés à la formation en recourant au programme d'assurance- emploi? Dans l'affirmative, cela se répercutera-t-il sur les cotisations de rentabilité au programme d'assurance-emploi? Nous l'ignorons. Si les fonds ne proviennent pas de la caisse d'assurance-emploi, d'où proviendront-ils? Nous l'ignorons. Si cette mesure avait fait partie du programme financier initial, elle aurait été énoncée dans le Rapport sur les plans et les priorités pour le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences.

Habituellement, lorsque nous votons des crédits, nous savons également quel ministre est chargé de veiller à ce que les fonds soient dépensés judicieusement, mais ce n'est pas le cas avec le projet de loi C-48. Les fonds destinés à l'aide étrangère seront-ils gérés par le ministre des Affaires étrangères ou par la ministre de la Coopération internationale, ou encore, par le ministre de la Défense ou par le ministre des Finances, ou quant à cela, par le premier ministre, qui pourrait s'en servir pour lancer le « fonds de commandite international »?

Le sénateur LeBreton : Pourquoi pas?

Le sénateur Stratton : Bien qu'un montant de 50 millions de dollars engagé pour acheter une plaque installée dans le palais présidentiel, au Nigeria ou au Bhoutan, puisse sembler exagéré, si on ne dit pas précisément comment les fonds doivent être dépensés, tout est possible. Les fonds destinés à l'environnement seront-ils gérés par le ministre de l'Environnement ou par le ministre d'État chargé de l'Infrastructure et des Collectivités, ou encore, par le ministre du Travail et du Logement, ou par un ensemble de ministres; qu'en sera-t-il?

M. Peter Devries, directeur général du cabinet du sous-ministre, au ministère des Finances, a dit au Comité sénatorial permanent des finances nationales :

Il s'agit de programmes législatifs, monsieur le président, et étant donné les autorisations énoncées dans le projet de loi, les programmes en question donnent lieu à des dépenses législatives.

Honorables sénateurs, à la page 1-32 du Budget principal des dépenses de l'année en cours, on dit que les autorisations des dépenses législatives sont :

celles que le Parlement a approuvées précédemment par le biais d'autres lois qui précisent l'objectif et les modalités des dépenses. Les dépenses législatives ne figurent dans le Budget des dépenses qu'à titre d'information.

Il n'est guère rassurant de se faire dire qu'il s'agit d'une dépense législative et, même là, il y a beaucoup moins de directives législatives qu'il n'y en a normalement pour un poste législatif. La Sécurité de la vieillesse est une dépense législative. Nous savons à l'avance qui a droit à quelles prestations. Les paiements aux provinces au titre de la péréquation et des soins de santé sont des dépenses législatives et ils sont versés selon une formule prévue dans la loi. L'assurance-emploi est une dépense législative. Les conditions d'admissibilité fondamentales et les règles visant les prestations sont précisées dans la loi jusqu'à un certain point, pour permettre des rajustements. Le premier ministre ne peut pas, de son propre chef, autoriser que les prestations soient doublées pour les membres d'équipage de la Société maritime CSL qui sont mis à pied lorsque la Voie maritime du Saint-Laurent est fermée pour l'hiver. Il devrait demander au Parlement de modifier les règles.

Honorables sénateurs, nous n'avons pas de directives ou de précisions, mis à part des catégories définies de manière très générale, comme l'aide à l'étranger. Nous ne saurons pas à l'avance comment les fonds seront dépensés à moins que le gouvernement ne daigne nous le dire.

M. Devries a aussi dit au comité ce qui suit :

Ces dispositions en matière de financement devraient être établies avant le 31 mars. Nous devons établir l'engagement concernant chacun des deux exercices financiers pendant les exercices en question. Nous ne pouvons pas faire cela après le fait.

Autrement dit, le gouvernement devra savoir avant le 31 mars qui obtient les fonds. Les dispositions en matière de financement devraient alors être établies.

M. Devries a aussi dit au comité que le Parlement obtiendra les détails dans le premier budget supplémentaire des dépenses de 2006- 2007, qui sera déposé vers le mois de novembre, comme le veut la tradition. Permettez-moi de faire quelques observations à ce sujet.

Premièrement, le budget supplémentaire 2006-2007 de novembre sera déposé plus de six mois après la fin de l'exercice financier et un à deux mois après la fermeture des livres. L'argent aura été dépensé. M. Devries nous a dit que le gouvernement émettrait des chèques en septembre ou octobre 2006. Ce sera la même chose si les dépenses sont rapportées dans les rapports ministériels sur le rendement de l'automne : l'argent aura été dépensé et nous n'aurons pas eu la possibilité d'examiner les détails à l'avance.

Deuxièmement, le budget supplémentaire ne porte que sur l'exercice financier en cours et ne contient pas de chiffres à jour sur l'exercice précédent. Compte tenu de la nature du projet de loi, les paiements qui seront probablement faits à l'automne seront, d'un point de vue comptable, faits avec l'argent de l'exercice précédent.

Je vous donne un exemple. Le budget de février 2003 prévoyait plusieurs paiements uniques dont la plupart devaient être inscrits dans les livres de l'exercice 2002-2003, qui achevait. Deux ou trois de ces paiements devaient être inscrits dans les livres de l'exercice suivant, soit 2003-2004. À l'automne, le budget supplémentaire (A) de novembre ne contenait pas de mises à jour sur les programmes législatifs. Aucun texte législatif n'exige clairement de telles mises à jour. Il y a eu une mise à jour dans le budget supplémentaire (B) de mars 2004 sur les dépenses législatives de cette année-là, mais pas sur les dépenses qui avaient été inscrites l'année précédente.

En fait, nous avons vérifié soigneusement si les dépenses antidatées prévues dans le budget de 2003 étaient rapportées de cette façon. Les 600 millions de dollars pour l'Inforoute Santé du Canada, les 25 millions de dollars pour la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé, les 70 millions de dollars pour l'Institut canadien d'information sur la santé et les 500 millions de dollars pour la Fondation canadienne pour l'innovation n'étaient pas dans le budget supplémentaire. Cependant, les fonds qui, d'après le budget de 2003, devaient être inscrits dans les livres de l'exercice financier 2003-2004 étaient inclus, puisque le budget visait à donner au Parlement de l'information à jour sur le coût estimatif d'un poste législatif pour cet exercice.

Toutes les dépenses autorisées par le projet de loi C-48 seront antidatées lorsque les chèques seront signés à l'automne. Nous attendons avec intérêt de voir si le Conseil du Trésor changera le format et la structure du budget supplémentaire pour inclure les postes législatifs se rapportant à un exercice antérieur.

En outre, les honorables sénateurs constateront qu'il y a un peu plus de précisions que dans le passé, lorsque les fonds restant en fin d'exercice étaient dépensés. Le budget de 2003 ne disait pas que 705 millions de dollars étaient consacrés à la santé, mais il donnait plutôt les montants précis qui devaient être versés dans trois fondations.

Nous avons peut-être des problèmes avec la reddition de comptes de ces fondations, mais au moins nous savons pour quoi nous avons voté et nous connaissons le mandat de ces fondations. Cependant, tout ceci n'est qu'une diversion. Même si nous recevons cette information dans le budget supplémentaire des dépenses, ce sera après coup, non avant.

Le gouvernement a laissé entendre que nous pourrions recevoir l'information avant l'automne. M. John Morgan, contrôleur général adjoint par intérim, a déclaré au Comité des finances :

Il n'est pas inconcevable que les rapports sur les plans et les priorités de 2006-2007 des ministères puissent comprendre ce qui s'est dégagé de ces négociations et leur orientation respective. Je crois qu'on pourrait examiner ces documents dans le cadre du processus budgétaire. Comme nous l'avons indiqué plus tôt, il s'agit de dépenses législatives, mais elles se trouvent dans le budget et elles sont soumises à l'examen du Parlement.

Les honorables sénateurs pourraient vouloir garder deux choses à l'esprit à ce sujet. Tout d'abord, compte tenu des élections promises pour le printemps prochain, les rapports sur les plans et les priorités ne seront peut-être pas présentés avant l'automne, car ils ne peuvent être déposés quand le Parlement ne siège pas. Les chèques pourraient avoir été encaissés d'ici là. Deuxièmement, « pas inconcevable » peut aussi vouloir dire « pas garanti » ou « vaguement possible ». Il n'est pas inconcevable que je fasse un trou d'un coup à ma prochaine partie de golf.

Honorables sénateurs, il ne semble pas y avoir d'obstacles opérationnels qui empêcheraient le Parlement de recevoir cette information bien avant que les dépenses soient effectuées. Il n'existe aucune exigence législative à cet égard et aucun mécanisme officiel d'examen.

(1500)

Le problème ne tient pas aux freins et contrepoids du Conseil du Trésor, même si ceux-ci n'ont pas su arrêter le Programme de commandites, qui a duré pendant plusieurs années, jusqu'à ce que le gouvernement se fasse attraper. Il est lié au droit du Parlement d'étudier les dépenses avant que les fonds ne quittent le Trésor.

Comme l'a dit M. Hartt au comité :

À deux reprises, le sénateur Eggleton a fait remarquer à des témoins que le Parlement exerce un contrôle puisque, après la fin de l'exercice financier, à mesure qu'on commence à savoir quelles sommes sont disponibles et où elles pourraient être dépensées, il peut convoquer des témoins et leur demander des explications. C'est un genre de contrôle, mais ce n'est pas celui que j'associe habituellement avec le contrôle qu'exerce le Parlement sur le pouvoir de dépenser.

En d'autres mots, l'argent est dépensé; et maintenant, on va nous dire...

Son Honneur le Président : Sénateur Stratton, je suis désolé de vous interrompre, mais vos 15 minutes sont écoulées.

Le sénateur Stratton : Je demande une minute supplémentaire.

Son Honneur le Président : Il semblerait que vous en avez cinq, sénateur Stratton.

Le sénateur Stratton : Je n'en prendrai pas autant.

Je vais reprendre ma phrase.

En d'autres mots, l'argent est dépensé; et maintenant, on va nous dire comment il l'a été, parce que les gens sont gentils et ils accepteront de comparaître.

Honorables sénateurs, avant de dépenser de l'argent, le gouvernement devrait fournir au Parlement de l'information semblable à celle contenue dans les budgets. Si le gouvernement était disposé à faire cela, il pourrait le faire d'ici le printemps prochain.

De surcroît, si ce genre de pouvoir de dépenser à l'avance sans information précise devient la norme — les sénateurs du côté gouvernemental en ont vanté les mérites en comité — veillons à préserver le pouvoir, même limité, d'examiner les dépenses avant que les chèques ne soient signés.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, un peu plus tôt au cours du débat, le sénateur Tkachuk a bien cité mes paroles quand il a dit que j'avais qualifié ce projet de loi de véritable abomination. Quelques jours après que j'eus fait cette remarque en comité, le mot, auquel mon nom était associé, m'a sauté aux yeux dans un grand titre du journal The Hill Times.

Je me souviens des cours d'histoire sainte auxquels je n'ai pas toujours été très assidu alors que je faisais mes études à l'Université St. Francis Xavier il y a une cinquantaine d'années, et je me suis dit que puisque j'avais donné un tel effet à ce terme, je devrais peut-être revenir un peu en arrière et en vérifier la signification.

Le dictionnaire anglais Oxford définit le terme abomination comme étant « Ce qui inspire le dégoût, l'horreur. » et donne deux exemples. Le premier exemple affirme que les Pharisiens considéraient les Gentils comme une abomination pour Dieu, et le deuxième exemple parlait d'une abomination calviniste d'indulgences.

Ni le sénateur Tkachuk ni moi ne voudrions être associés avec l'un ou l'autre de ces sentiments et je pourrais donc vouloir trouver un synonyme approprié pour ce terme en rapport avec ce projet de loi. Pour ce qui est de Dieu, je ne crois pas que nous devions l'ennuyer avec le projet de loi C-48. Il pourrait répondre qu'il a suffisamment entendu parler du Sénat cette semaine.

Permettez-moi de dire que ce projet de loi est un affront fait au Parlement. Je suis consterné qu'un tel projet de loi ait pu nous être présenté. Il n'aurait jamais dû arriver jusqu'à cette étape. La Chambre des communes aurait dû le refuser et renvoyer le gouvernement faire son travail comme il faut.

J'aimerais signaler aux sénateurs Dyck et Eggleton que la confusion qui entoure prétendument l'accord entre les libéraux et les néo-démocrates et l'impression d'avoir été trahis qu'ont manifestement les néo-démocrates auraient pu être évitées, mais d'une manière différente de celle qu'a décrite le sénateur Dyck, c'est- à-dire en suivant la procédure établie. Le gouvernement aurait pu présenter un projet de loi budgétaire accompagné de la documentation habituelle dans ce genre de cas.

Il est évident que rien ne presse dans ce dossier. Le gouvernement n'a pas changé de position au cours des derniers jours, malgré la pression exercée par le NPD. Manifestement, il n'a pas l'intention de se décider à dépenser cet argent avant l'automne 2006. C'est la position du gouvernement, alors pourquoi se presser pour adopter ce projet de loi de nature générale qui ne précise aucunement comment l'argent sera dépensé.

Ce qui m'attriste, c'est que le Parlement continue de participer à sa propre marginalisation. Au cours des dernières années, on nous a infligé dans deux projets de loi des mesures fiscales rétroactives sans précédent qui allaient même à l'encontre des lignes directrices du gouvernement lui-même concernant la rétroactivité des mesures fiscales. Dans un cas, le gouvernement est revenu sur une entente judiciaire conclue avec des commissions scolaires du Québec. Dans un autre cas, une définition contenue dans la Loi de l'impôt sur le revenu a été modifiée de façon rétroactive à 1988.

Nous sommes aujourd'hui saisis du projet de loi C-48 qui, comme on l'a dit, est un chèque en blanc postdaté. C'est le ministère des Finances qui dirige le gouvernement. C'est le ministère des Finances qui dirige le pays, et il le dirige mal. Qui d'autre que lui est responsable de la mauvaise foi ayant caractérisé les négociations avec le Nouveau-Brunswick au cours des dernières semaines? D'après ce que j'ai entendu de la part des médias, le sénateur Kinsella a l'intention de présenter un amendement à ce projet de loi sur ce sujet. Tant mieux.

Je ne pense pas que les gens qui ont négocié avec le Nouveau- Brunswick au nom du gouvernement du Canada aient voulu faire preuve de mauvaise foi. Je ne crois pas que le leader du gouvernement au Sénat, qui a exprimé il y a environ une semaine son désir de voir ces négociations produire les résultats escomptés, ait fait preuve de mauvaise foi dans ses échanges avec nous. Mais que s'est-il donc passé?

Ce qui est arrivé, c'est que, à un moment donné, le ministère des Finances est intervenu pour dire qu'il n'en était pas question, que cela créerait un mauvais précédent si quelque assistance financière que ce soit était offerte au Nouveau-Brunswick pour la remise en état de la centrale nucléaire de Pointe Lepreau. Peu importe que le gouvernement du Canada se soit fendu en quatre pour essayer de faire adopter cette technologie à toutes sortes de régimes outre-mer, dont certains étaient discutables. Peu importe que le gouvernement du Canada ait fait entrer le Québec et l'Ontario dans l'ère nucléaire, il y a plusieurs générations de cela, grâce à des conditions très avantageuses. Peu importe que, lorsque le tour du Nouveau- Brunswick est venu, en 1974-1975, on nous ait prêté la moitié du montant. Je dis « nous » parce que j'étais de ce côté-là de la table à l'époque. Tout cela en vain puisque, à un moment donné, le ministère des Finances a décidé qu'il n'en serait rien.

Dans ma jeunesse, j'étais un fan de baseball professionnel. Les Yankees de New York avaient une attaque absolument formidable qui leur a fait remporter une série mondiale après l'autre, si bien que des appels étaient régulièrement lancés dans les pages sportives et ailleurs pour que l'on démembre l'équipe, dispersant ces joueurs talentueux dans diverses équipes afin de stimuler la compétitivité au sein de la ligue majeure de baseball.

J'en suis venu à la conclusion que c'est ce qu'il conviendrait de faire avec le ministère des Finances. On devrait démembrer le ministère. De toute évidence, personne — ni agence ni autorité gouvernementale — ne peut lui dire non. Le Bureau du Conseil privé est, semble-t-il, impuissant, et le ministère de la Justice, qui le forcerait normalement à faire preuve de plus de retenue dans le recours à des mesures comme une loi rétroactive, est devenu un pantin depuis quelques années. Les freins et contrepoids qui faisaient autrefois partie intégrante du Cabinet ne semblent plus s'appliquer.

Je ne sais pas très bien comment il faudrait s'y prendre pour démembrer le ministère des Finances, mais des experts en administration publique pourraient sûrement nous conseiller. Je constate que le gouvernement a chargé M. Donald Savoie, du Nouveau-Brunswick, M. Ted Hodgetts, pour qui l'administration publique au Canada n'a pas de secret, M. Ned Franks et quelques autres d'envisager des changements qui pourraient être apportés à l'administration publique.

Je pense que leur réflexion devrait porter, entre autres, sur le ministère des Finances. À mon avis, ils ont une influence néfaste sur la politique gouvernementale. La gestion des finances publiques doit en fait être un élément central de la politique gouvernementale, mais ces personnes ont une influence disproportionnée sur les décisions auxquelles le gouvernement est confronté à cet égard.

(1510)

Je pense qu'il faut, à ce stade, tenir compte d'une chose : le gouvernement a subi des dizaines de réorganisations au cours des 40 ou 50 dernières années. L'administration publique a été chambardée. À une exception près, soit la création du Conseil du Trésor, doté d'un portefeuille distinct, au début des années 1960, le ministère des Finances est le seul ministère qui n'a jamais été touché par toutes ces réorganisations. Je pense que le temps est venu de revoir la structure du ministère des Finances et de le diviser en modules gérables et tenus de rendre compte, qui seraient responsables et qui auraient une certaine idée du fonctionnement de la démocratie parlementaire, car cet aspect fait défaut à l'heure actuelle.

Je ne veux attaquer personne en particulier au ministère des Finances. Il y a dans ce ministère, comme je l'ai indiqué, des fonctionnaires de grand talent. Le problème, c'est peut-être qu'il y en a trop au même endroit. D'un point de vue strictement humain, c'est quelque peu rassurant d'observer l'embarras de certains témoins du ministère des Finances qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales au sujet du projet de loi C-48. Je n'avais jamais vu des témoins avoir autant envie d'être ailleurs. Tout ce que le secrétaire parlementaire trouvait à dire, c'est que le logement pour les Autochtones était une bonne chose, que l'environnement était une bonne chose et que tous les autres postes budgétaires étaient de bonnes choses. Il s'est débrouillé avec ces arguments et, ce qui est tout à son honneur, il n'a pas tenté de présenter une défense très articulée, ni même aucune défense, du processus en cours.

Les deux responsables du ministère des Finances ont affirmé, comme l'ont mentionné je pense le sénateur Tkachuk et, certainement, le sénateur Stratton, qu'il s'agit simplement de dépenses législatives. Nous savons ce que sont les dépenses législatives. Ce sont les pensions, les paiements de péréquation et autres dépenses du genre. Il ne s'agit pas ici de dépenses législatives, sinon dans le sens juridique le plus étroit et le plus technique du terme.

Le sénateur Oliver a parlé plus tôt du témoignage de l'autre témoin, le contrôleur général du Canada, M. St-Jean. D'après lui, si on y pense bien, c'est assez prudent de la part du gouvernement, parce que maintenant nous savons à quelles fins le gouvernement dépensera les deniers publics s'il y a un excédent. Cependant, le projet de loi se contente d'énumérer une liste de secteurs bénéficiaires sans fournir de détails. Ce n'est pas le genre d'information qui accompagne normalement une loi budgétaire.

Au sujet de la prudence, un témoin de l'Institut C.D. Howe qui a comparu devant le comité de la Chambre des communes a fait les calculs et a constaté que, au cours des huit dernières années, le gouvernement a accumulé plus de 45 milliards de dollars en recettes imprévues — autrement dit, les recettes ont dépassé de 45 milliards de dollars ce qui avait été prévu dans les budgets — et qu'il a réalisé 9 milliards d'économies inattendues grâce à des taux d'intérêt plus bas que prévus. Cela fait un total de 54 milliards de dollars desquels le gouvernement a prélevé 35 milliards de dollars, à la fin de l'exercice, pour des dépenses de programmes imprévues. Il y a quelque chose qui cloche dans cette situation. Le gouvernement est bien loin de faire preuve de prudence dans la gestion des finances publiques.

Honorables sénateurs, le terme abomination aurait peut-être donné une description trop apocalyptique et biblique, mais je pense que vous connaissez mon opinion à l'égard de ce projet de loi. Il devrait être renvoyé. Il y a suffisamment de temps pour le faire. Il faudrait le renvoyer et dire au gouvernement de le refaire comme il se doit.

J'ai hâte d'entendre le sénateur Kinsella et j'espère être en mesure d'appuyer l'amendement qu'il propose au sujet de la centrale nucléaire de Pointe Lepreau, au Nouveau-Brunswick.

L'honorable Madeleine Plamondon : Honorables sénateurs, si ce projet de loi est adopté et qu'il y a des élections peu de temps après, le nouveau gouvernement sera-t-il tenu de le mettre en oeuvre?

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, si j'étais à la tête du nouveau gouvernement, non.

Le sénateur Plamondon : Si c'est la loi, le nouveau gouvernement, quel qu'il soit, n'est-il pas tenu de l'appliquer?

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, je pensais à la façon dont le projet de loi est rédigé. J'ai souligné que le ministère des Finances aurait pu faire beaucoup mieux en ce qui concerne les détails, parce qu'il y a des programmes auxquels les fonds pourraient être affectés.

Je présume qu'on a délibérément rédigé ce projet de loi de façon à donner au gouvernement autant de marge de manoeuvre que possible. Les naïfs penseraient que ces dépenses de 4,5 milliards de dollars, si elles se concrétisent, s'ajouteront aux engagements déjà pris. Toutefois, d'après le libellé du projet de loi, le gouvernement peut utiliser ces 4,5 milliards de dollars pour des engagements qui ont déjà été pris. Comme le ministère des Finances excelle dans la rédaction créative et novatrice, les choses se passeront comme ça. On nous dit déjà qu'une entente quelconque intervenue il y a quelque temps entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de l'Ontario au sujet d'un certain nombre de choses sera financée en partie par ces 4,5 milliards de dollars, si ce budget supplémentaire se concrétise.

Serait-il possible que le gouvernement actuel ou un autre gouvernement élu dans quelques mois fasse tout simplement fi de ce projet de loi et passe à autre chose? Ma réponse est oui, ce serait possible.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, le sénateur Murray parle de fractionner le ministère des Finances en différents éléments. Selon mon expérience au sein du gouvernement, chaque fois qu'un ministère est démantelé, de nouveaux ministères et de nouvelles bureaucraties naissent. Le sénateur Murray propose-t-il d'augmenter la taille de l'État?

Le sénateur Murray : Pas nécessairement, honorables sénateurs. Notre collègue, comme moi, a été témoin de bon nombre de réorganisations de cet ordre. Certaines d'entre elles, comme la fusion des ministères du Commerce et des Affaires étrangères en 1983, ont été plus tard renversées. À mon arrivée au Sénat, il existait un ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Je ne sais pas combien il y a eu d'incarnations de ce ministère depuis ce temps. Il y a eu la Main-d'œuvre et l'Immigration, l'Emploi et l'Immigration et ainsi de suite. Il y a environ un an, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a été recréé.

Le ministère des Finances pourrait être fractionné sans nécessairement augmenter la taille de la bureaucratie fédérale, et il serait utile de le scinder en différents éléments spécialisés. Nous aurions un meilleur système de contrepoids dans les domaines des politiques financières et fiscales, au lieu d'un unique mastodonte tel que le ministère des Finances actuel, dont l'influence sur les politiques publiques est beaucoup trop grande. J'aimerais que certains des professeurs que j'ai nommés étudient cela de près. De toutes façons, le Comité sénatorial permanent des finances nationales pourrait bien se pencher là-dessus en temps et lieu.

L'honorable Mira Spivak : Honorables sénateurs, puisque je ne suis pas aussi iconoclaste que le sénateur Murray — et j'utilise le terme de façon avisée, puisqu'il signifie « briseur d'icône » —, j'appuie ce projet de loi, mais avec de sérieuses réserves.

(1520)

Tous les discours du budget et tous les projets de loi d'exécution du budget sont des instruments politiques. Le projet de loi dont nous sommes saisis toutefois est exceptionnel par son origine — c'est la bouée de sauvetage d'un gouvernement minoritaire —, par sa concision — il n'a que à 400 mots —, et par son imprécision — tant au sujet de la condition de ne dépenser que si les excédents dépassent deux milliards de dollars, qu'au sujet de la façon de dépenser 4,5 milliards de dollars. De tout cela, vous avez entendu parler fort éloquemment.

L'examen parlementaire de la mesure a également été exceptionnellement bref : trois réunions de comité en un seul jour à l'autre endroit; deux réunions, le même jour, de notre Comité sénatorial permanent des finances nationales. Voilà qui fait mentir l'énoncé suivant du premier livre rouge libéral, Pour la création d'emplois, pour la relance économique :

Notre structure de gouvernement contient des systèmes perfectionnés permettant d'obliger le Parlement à rendre des comptes au sujet de la gestion des deniers publics mais ne prévoit rien d'équivalent pour la gestion par Parlement de l'intérêt public en matière d'environnement.

Avec ce projet de loi, on assiste à l'effritement de ces systèmes perfectionnés, sans que ce ne soit la faute des comités chargés de l'examen des plans de dépense du gouvernement. Ils ne peuvent scruter les détails de plans qui n'existent pas. Comme l'a dit le sénateur Kinsella :

En l'absence de détails, on nous demande d'approuver des dépenses discrétionnaires de 4,5 milliards de dollars, alors que nous n'avons qu'une idée générale des vastes secteurs dans lesquels des dépenses supplémentaires sont censées être faites.

Au lieu d'un plan, le gouvernement nous sert un engagement selon lequel, s'il surtaxe de 8,5 milliards de dollars, il financera à hauteur de 4,5 milliards de dollars les bonnes causes comme l'environnement, l'éducation, le logement abordable et l'aide à l'étranger. C'est certain que le gouvernement va surtaxer. L'an dernier, par exemple, il a annoncé un léger excédent de 1,9 milliards de dollars. Ce montant avait gonflé à 14 milliards de dollars au moment du budget et il est passé par la suite à 19 milliards de dollars selon l'examen des résultats financiers du ministre des Finances lui- même. Je ne sais si surtaxer est le terme qui convient, mais vous saisissez, je crois, le sens de mon intervention.

Nous savons peu de choses des 900 millions de dollars qui seront dépensés dans le domaine de l'environnement. Voici le peu que nous savons : le projet de loi indique que des fonds seront alloués aux systèmes de transport en commun et aux travaux d'amélioration de l'efficacité énergétique des habitations à loyer modique. Le ministre de l'Environnement définit le projet de loi comme la « cerise sur le gâteau » qu'est le projet de loi C-43, qu'il considère comme le budget le plus vert depuis l'établissement de la Confédération. Le ministre d'État à l'Infrastructure a beau jeu de réclamer 800 millions de dollars pour le transport en commun, et de dire que les villes et collectivités canadiennes comptent sur cet argent, en plus des fonds provenant de la taxe sur l'essence.

En effet, le projet de loi dit que, si nous prélevons trop de taxes, nous en donnerons une partie aux provinces, qui en donneront aux villes, qui pourront décider comment dépenser pour le transport en commun. Ou encore nous pouvons verser l'argent directement aux municipalités, a-t-on dit au comité. On ratisse large avec le déséquilibre fiscal.

Il existe une meilleure façon, comme on pouvait le lire dans ce tout premier livre rouge :

Le Canada s'est engagé à lutter contre le réchauffement planétaire, mais les politiques fédérales ne privilégient pas les transports en commun, ni les économies d'énergie.

Quelle était la solution proposée dans le premier livre rouge? La voici :

Un gouvernement libéral définira donc des grandes orientations qui conjuguent politique économique et politique de l'environnement. Pour ce faire, il faudra d'abord mener une étude poussée de la fiscalité et des subventions fédérales, afin de cerner et de recenser les obstacles aux saines pratiques environnementales.

Le plan budgétaire énonçant les mesures du projet de loi complémentaire, le projet de loi C-43, nous offre maintenant, 12 ans plus tard, un Cadre d'évaluation des propositions fiscales relatives à l'environnement. Il a été publié à des fins de discussion et, étonnamment, on lui a porté peu d'attention. Ce n'est peut-être pas surprenant. Le gouvernement est en retard d'au moins 25 ans par rapport aux réflexions et aux mesures de nombreux gouvernements étrangers en la matière. Il est très en retard par rapport aux universitaires et aux institutions, comme la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, un groupe qu'il a lui-même nommé. Le gouvernement a longtemps fait fi des plaidoyers de « groupes d'intérêts spéciaux » comme la Fédération canadienne des municipalités, Transport 2000 et la Coalition du budget vert.

Prenons un exemple. Pendant plus d'une décennie, ces groupes ont demandé un changement simple de la politique fiscale fédérale qui mettrait les transports en commun sur un pied d'égalité avec les voitures. Il donnerait aux employeurs une déduction d'impôt lorsqu'ils accordent à leurs employés des laissez-passer pour les transports en commun, tout comme les employeurs peuvent actuellement déduire le coût des voitures et camions d'entreprise, et offrir un stationnement exempt d'impôt à leurs employés. Une étude réalisée en 2001 par Transport Concepts a révélé qu'une exemption d'impôt pour les laissez-passer de transport en commun coûterait au gouvernement un montant pouvant atteindre 12 millions de dollars pendant la première année et jusqu'à 150 millions de dollars d'ici 2010. La réduction qui en résulterait sur les plans de la réparation des routes, de la congestion et des coûts environnementaux pourrait rapporter, ont-ils dit, un avantage économique net de 188 millions de dollars par année.

Cela n'est qu'un exemple de toute une gamme d'instruments économiques, dont certains ont été suggérés dans le rapport de notre Comité de l'environnement, des instruments comme la répercussion de l'impôt, les incitatifs ou l'abolition des subventions que le gouvernement aurait pu utiliser ou pourrait encore utiliser pour améliorer l'environnement. Il pourrait également envisager des remises, la taxation avec remise, la gestion axée sur la demande et des instruments liés à la responsabilité — de puissants instruments à la portée du gouvernement fédéral. Au lieu de cela, nous avons un gouvernement prisonnier d'autres politiques.

Le présent projet de loi nous dit qu'on ne manque plus d'argent pour s'attaquer à certains de nos principaux problèmes environnementaux, mais que le gouvernement n'y porte pas assez attention et semble réticent à utiliser les outils à sa disposition. En matière d'instruments économiques pour l'application de solutions d'ordre écologique, le gouvernement traîne de la patte.

En tout état de cause, le ministre de l'Environnement a fait remarquer que le Canada est le seul pays du G8, et un des rares pays membres de l'OCDE, qui n'a pas une politique nationale relative aux transports en commun. Il aurait également pu faire observer que l'OCDE a dit que le Canada doit accroître l'utilisation d'instruments économiques pour renforcer le principe du pollueur payeur. On ne peut qu'espérer que le cadre rendu public dans le plan budgétaire représente le coup d'envoi dans ce secteur.

Dans le premier livre rouge libéral dont j'ai fait mention plus tôt, on retrouve une autre observation sage et un engagement tacite. Je dois rappeler aux honorables sénateurs que Paul Martin en était un des coauteurs. Du moins, je crois qu'il l'était.

[...] cerner et recenser les obstacles à la recherche- développement, à la mise en oeuvre de technologies propres et à haut rendement énergétique, à l'utilisation et à la mise en valeur durable de ressources renouvelables, et à la protection de la diversité biologique.

Il s'agit essentiellement de science et de génie pour le bien de l'environnement à long terme, pour l'intérêt public. Je soulève cette question parce que, une fois de plus, les scientifiques canadiens les plus en vue ont sonné l'alarme au sujet de notre stratégie nationale de recherche qui, selon eux, favorisent ceux qui ont les liens les plus solides avec l'industrie; c'est le cas, notamment, de John Polanyi, lauréat du prix Nobel. Leur rejet de la politique de cofinancement du gouvernement, qui requiert l'octroi de subventions égales à celles provenant d'autres sources, a été publié dans la prestigieuse revue internationale Science. Ils ont écrit :

En renonçant à l'excellence scientifique comme considération première, les programmes de cofinancement mettent en péril la crédibilité scientifique.

Le facteur qui a déclenché les nouvelles protestations de 40 scientifiques travaillant dans les principales universités de recherche au Canada a été le concours national lancé récemment pour le financement de Génome Canada. Une trentaine des 120 propositions de financement ont été éliminées sans le moindre examen. Le tiers environ des propositions restantes ont été supprimées par un groupe de comptables en fonction de critères financiers ambigus et sans que soit examiné leur mérite scientifique. L'acceptabilité apparente de la source de cofinancement sur le plan financier semble être le principal critère, c'est le moins qu'on puisse dire.

(1530)

Je soulève cette question depuis fort longtemps, soit depuis que John Polanyi, un chimiste de l'Université de Toronto lauréat du prix Nobel en 1999, a dit craindre que l'accent fédéral mis sur la commercialisation de la recherche ne vienne étrangler l'industrie et depuis que David Schindler, prééminent limnologue du Canada — un scientifique de l'eau —, a expliqué comment lui et d'autres scientifiques ont été exclus du financement fédéral de la recherche à cause de la politique qui est entrée en vigueur en 1997. Cela a eu pour effet que les scientifiques ne pouvaient plus faire de la recherche appliquée d'intérêt public.

Il y a de nombreuses années, ce sont les efforts de réduction du déficit et les compressions apportées au financement de la recherche qui ont entraîné la fuite des meilleurs cerveaux du Canada. Comme il est dit dans le plan budgétaire et comme l'attestent nos meilleurs chercheurs, le gouvernement a fait d'importants investissements ces dernières années pour rétablir ce financement. D'ici l'exercice prenant fin en 2007, le financement accru de la recherche universitaire atteindra un total cumulatif de plus de 11 milliards de dollars. Le budget de 2005 accorde un montant supplémentaire de 810 millions de dollars cette année et pour les cinq années à venir. Quelle proportion de ce montant ira à la science d'intérêt public? Voilà la question de 4 milliards de dollars.

Les libéraux prévoyaient beaucoup de bonnes choses pour l'environnement dans leur premier livre rouge, en 1993. Ironiquement, les passages que j'ai cités se trouvent directement sous le titre « Pour respecter nos engagements ». Même avec ce projet de loi et le projet de loi C-43, les promesses du livre rouge d'il y a 12 ans n'ont toujours pas été tenues.

Les objectifs du projet de loi, notamment l'investissement de sommes supplémentaires dans l'environnement, l'éducation, le logement à prix modique et l'aide à l'étranger, sont louables. Les voies et moyens sont-ils les plus avisés? J'espère qu'une fois que les responsables auront conçu leurs plans, ils les soumettront aux comités parlementaires aux fins d'examen. J'espère qu'ils ne donneront pas tout simplement un aperçu après le fait dans les budgets supplémentaires, et j'espère que, quand ces responsables élaboreront leurs plans, ils se rappelleront de certaines des solutions que j'ai mentionnées.

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends part au débat à l'étape de la troisième lecture sur le projet de loi C-48. Comme le savent les honorables sénateurs, cette mesure est intitulée Loi autorisant le ministre des Finances à faire certains versements. La plupart des Canadiens, bien sûr, le connaissent sous le nom de « projet de loi budgétaire du NPD », soit le projet de loi qui a fait de Jack Layton le vrai ministre des Finances au Canada.

J'avais l'intention de parler à l'étape de la deuxième lecture mais je me suis dit qu'on allait répondre à la plupart de mes préoccupations au comité. Quelle surprise, ce ne fut pas le cas. Je suis même encore plus préoccupé après avoir lu le compte rendu des délibérations des audiences.

Je me permets d'ajouter que mes collègues, les sénateurs Tkachuk, Oliver, Stratton et Murray ont habilement traité nombre de ces questions dans leurs discours.

Je me suis intéressé aux commentaires du sénateur Spivak, comme toujours d'ailleurs, et j'aurais aimé qu'elle nous laisse en haleine. À entendre son discours, on aurait parié n'importe quoi qu'elle allait s'opposer avec véhémence au projet de loi, mais elle nous a révélé son secret avant de se lancer dans son discours. Nous savions tous qu'en dépit de sa logique impeccable, elle allait voter en faveur du projet de loi. Du moins, c'est ce qu'elle dit, mais il y a toujours espoir. Peut-être que je pourrais lui faire changer d'avis.

[Français]

Ce projet de loi est tout à fait remarquable parce que, du haut de ses deux pages, il permet de dépenser presque 4,5 milliards de dollars, soit une moyenne de 2,25 milliards de dollars par page.

Les libéraux et les néo-démocrates à l'autre endroit ont déclaré sans nulle honte que ce projet de loi était légitime. De plus, le secrétaire parlementaire du ministère des Finances et le vérificateur général du Canada ont défendu ce projet de loi devant le Comité sénatorial permanent des finances et l'ont décrit comme étant un bon moyen d'engager les excédents budgétaires de façon prévisible.

Il fut un temps — apparemment révolu — où les budgets et les lois budgétaires se distinguaient des autres exercices parlementaires ou législatifs en structurant les dépenses en fonction des prévisions budgétaires. Il fut une époque où la rédaction du budget se faisait en secret et le ministre des Finances démissionnait si jamais la moindre parcelle du budget devenait publique.

[Traduction]

Les budgets s'appuyaient sur des mois de calculs savants faits par les lutins du ministère des Finances, sur le point de s'entretuer, qui ne ménageaient ni leur temps ni leurs efforts afin de déterminer la marge de manoeuvre financière du gouvernement.

Traditionnellement, le ministre des Finances portait des chaussures neuves lors de la présentation du budget. Bien sûr, il y a même eu une époque où le ministre des Finances était consulté lorsqu'un budget était préparé, voire présent dans la pièce même où il était préparé. Pourtant, selon ce qu'on peut lire dans les délibérations du comité, le témoin du gouvernement, le secrétaire parlementaire du ministre des Finances, n'avait même pas été consulté avant la conclusion de l'entente.

Sur tous ces fronts, la coalition libérale-néo-démocrate est une innovation. En effet, on n'a pas vu la myriade de documents budgétaires qui accompagne habituellement la présentation d'un budget et les lois budgétaires. Il aurait été plutôt difficile de présenter dans l'autre endroit la serviette de papier sur laquelle le budget a de toute évidence été esquissé. Notre comité a demandé à voir cette serviette de papier mais, quelle surprise encore une fois, il n'a rien reçu.

L'atmosphère de secret entourant le budget s'est dissipée au fil des ans avec les ballons d'essai budgétaires lancés par M. Martin. Mais même ces sondages ont été éclipsés dans le cas qui nous occupe, car le chef du Nouveau Parti démocratique et le premier ministre ont négocié publiquement les détails de ce budget.

Les données financières sur lesquelles s'appuie ce budget sont aussi difficiles à démêler. En février, lorsque « le véritable budget » a été présenté, on nous a dit qu'il représentait les priorités financières du gouvernement, priorités qui avaient été établies très soigneusement après examen et mûre réflexion, et que rien ne pouvait faire en sorte que ces priorités soient modifiées. D'ailleurs, le ministre des Finances lui-même a déclaré ceci :

On ne peut pas, après le fait, choisir à sa guise : « Enlevons cet élément, puis rajoutons celui-ci; déplaçons ceci, puis rebrassons le tout. » Ce n'est pas la façon de préserver la cohérence d'un cadre financier.

Se livrer à un tel exercice, c'est carrément courir au déficit.

Cela peut donner à penser que les budgets sont difficiles à modifier une fois qu'ils ont été présentés. En fait, après la présentation du premier budget en février, les sénateurs de mon côté de la Chambre ont réclamé une augmentation immédiate des dépenses militaires, de manière à ce que les besoins urgents soient comblés. On nous a opposé une fin de non-recevoir. On nous a dit que le budget établissait des priorités de dépenses et qu'il n'y avait aucune marge de manoeuvre pour modifier ou rajuster les priorités du gouvernement. C'était le discours officiel lorsque le ministre des Finances tenait les rênes. On a vu ce ministre perdre le contrôle depuis que le premier ministre emploie toute son énergie à assurer sa survie politique. Loin de moi l'idée de vouloir insister là-dessus, mais je crois que le ministre des Finances a été le premier qu'on a largué de l'île budgétaire libérale-néo-démocrate.

Sans consulter le ministre des Finances et sans se soucier des anciennes traditions et conventions concernant les budgets antérieurs, M. Layton s'est employé avec le premier ministre à rajuster les priorités du gouvernement afin que celles-ci reflètent les nouvelles priorités déformées par le NPD.

Tout cet exercice a produit ce projet de loi assez remarquable dont nous sommes saisis aujourd'hui. Il est remarquable à bien des égards. Il est remarquable, car les priorités laissent pour compte : les agriculteurs, les personnes âgées, les travailleurs forestiers, les pêcheurs, les sociétés créatrices d'emplois qui font rouler l'économie et les Forces armées canadiennes. Les 4,5 milliards de dollars que le gouvernement a trouvés comme par magie auraient pu servir à restaurer le financement des Forces armées canadiennes. Ce n'est pas un projet de loi ou un budget qui est représentatif des priorités d'un grand nombre de Canadiens. Les éléments qui y sont inclus et ceux qui en sont exclus sont le signe d'un gouvernement désespéré qui était prêt à modifier son budget et ses priorités, à menacer l'équilibre budgétaire des années à venir et à renoncer à la gestion financière prudente dont il se faisait le défenseur, tout cela pour obtenir des votes. C'était là sa seule motivation.

(1540)

Ce qui rend ce projet de loi remarquable, c'est non seulement la façon dont il a été rédigé et les priorités qu'il énonce, mais c'est aussi le cadre qu'il établit pour les dépenses futures. Ce projet de loi budgétaire prévoit l'octroi de fonds seulement si les excédents restent supérieurs à 2 milliards de dollars. Cette révélation qu'a faite le secrétaire parlementaire du ministre des Finances devant le Comité sénatorial des finances et le fait qu'il ait tout bonnement dit que si ces fonds étaient versés un jour, ils ne le seraient pas avant la fin du prochain exercice financier, celui de 2006, tout cela a semblé prendre nos amis du NPD au dépourvu. Évidemment, cela rend la situation intéressante sur la scène politique.

Maintenant qu'ils se rendent compte à quel point ils ont été floués, les néo-démocrates vont-ils cesser d'appuyer le gouvernement, ou leur chef a-t-il une nouvelle série de priorités qu'il pourrait vendre aux libéraux afin que ces deux partis puissent éviter des élections? Honorables sénateurs, n'est-ce pas là tout ce que fait le projet de loi C-48, soustraire les intéressés au jugement des Canadiens? Il n'y a aucun détail au sujet des plans qui ont été élaborés ou qui le seront pour le versement de ces fonds. Tout ce que nous avons, ce sont ces quatre catégories générales : l'éducation, le logement, l'environnement et l'aide étrangère.

Le plus beau de l'affaire ou peut-être le pire, selon le point de vue, c'est qu'il incombera au Cabinet, par voie de décret, de déterminer à quoi serviront ces paiements. Les Canadiens n'auront pas la moindre idée à quoi servira cet argent avant que le Cabinet se prononce. En d'autres mots, il n'y a pas de plan budgétaire. Dans certains cas, des fonds seront versés à des ministères ou des organismes inefficaces, selon les critiques de la vérificatrice générale, dans la prestation des programmes actuels.

Le Sénat vient de présenter un rapport détaillé et accueilli avec enthousiasme sur l'amélioration de la productivité au Canada. Ce rapport préconise, entre autres, des réductions d'impôt et des méthodes pour encourager l'investissement dans l'innovation au Canada. Ce projet de loi ne prévoit rien qui améliorera notre compétitivité ou notre productivité en tant que nation. L'entente a éliminé les réductions d'impôt des entreprises prévues dans le budget de février et contenues dans la première version du projet de loi C- 43. On nous dit qu'elles devraient être réintroduites plus tard, mais qui sait? J'imagine que nous devrons attendre que le ministre des Finances, quel qu'il soit, nous l'annonce.

Honorables sénateurs, ce projet de loi établit des précédents dangereux. Au Comité des finances, Stanley Hartt a mis en garde le gouvernement contre le fait d'engager les excédents de demain pour répondre aux priorités d'aujourd'hui. Il a expliqué que les excédents sont généralement affectés à la dette ou divisés en parts égales entre la dette, l'amélioration des programmes existants et la création de nouveaux programmes. Il a expliqué que depuis l'élaboration du projet de loi C-48, la Cour suprême a rendu un jugement sur l'urgence de s'attaquer aux listes d'attente du secteur des soins de santé dans ce pays. Il a demandé : Le temps d'attente ne devrait-il pas constituer une priorité dans l'affectation des excédents?

Au comité, de nombreux témoins ont expliqué que le Parlement avait renoncé, avec ce projet de loi, à sa lutte acharnée pour contrôler les dépenses du gouvernement. Le Parlement ne pourra pas passer en revue les programmes établis en vertu de ce projet de loi ni les ressources attribuées avant que les fonds ne soient dépensés. M. Hartt a signalé :

Premièrement, les sénateurs devraient s'inquiéter du précédent que le projet de loi C-48 établit quant à la façon dont les législateurs sont invités à utiliser, ou dans le cas présent, à ne pas utiliser, le pouvoir traditionnel du Parlement de contrôler les dépenses publiques. Ces pouvoirs ont été durement gagnés. Bien sûr, nous n'avons pas versé de sang dans notre pays pour ce contrôle, contrairement à nos ancêtres en Grande-Bretagne de qui nous avons hérité ce système parlementaire, mais la suprématie du Parlement sur les dépenses est une tradition très précieuse que nous devrions traiter avec respect.

Si je comprends bien ses commentaires, le sénateur Murray souscrit également à ce point de vue.

Je suis d'avis que le pouvoir et l'autorité qui autrefois caractérisaient la démocratie parlementaire ne devraient pas être mis de côté à la légère. De plus, honorables sénateurs, ce projet de loi investit le Cabinet du pouvoir de créer des sociétés ou des fondations où pourrait être canalisé l'argent prévu dans ce projet de loi. Ces organismes pourraient ensuite, loin de la lumière que le Parlement peut jeter sur les dépenses du gouvernement, élaborer des programmes, établir des priorités et larguer l'argent à pleines portes. Cela ressemble étrangement à l'aube du scandale des commandites, soit l'attribution de fonds à un petit groupe de partisans du gouvernement qui décident de la façon dont l'argent des contribuables devrait être dépensé.

Honorables sénateurs, ce projet de loi incarne le triomphe du plus abject instinct de survie politique et la défaite de la saine politique financière. Imaginez seulement un projet de loi qui autorise des dépenses tout en ne définissant aucun autre objectif que de dépenser l'argent alloué. Le projet de loi n'est même pas conforme au processus d'examen des dépenses tant vanté par le gouvernement, qui viserait pourtant à économiser l'argent des contribuables. Il s'agit dans le cas présent de 4,5 milliards de dollars de dépenses éventuelles pré-autorisées qui ont été emballées dans un projet de loi de deux pages qui avait pour but de sauver la vie du gouvernement libéral. Voilà donc ce qui explique cet empressement, comme le sait très bien le sénateur Murray. Voilà la raison d'être du projet de loi C-48.

[Français]

Honorables sénateurs, nous savons tous compter et nous savons que ce projet de loi passera. Mon seul espoir, et celui de tous les sénateurs conservateurs, c'est que l'histoire ne se répétera pas la prochaine fois que M. Layton et le premier ministre s'assoiront ensemble pour dépenser l'argent des contribuables.

[Traduction]

Honorables sénateurs, ce projet de loi est indigne de notre appui. La ressemblance avec des événements antérieurs est simplement trop troublante pour ne pas en tenir compte. Ces nouvelles pratiques ne peuvent être encouragées par cette instance ni par quiconque se préoccupe de la santé de notre système parlementaire. Nous devrions donc renvoyer ce projet de loi à l'autre endroit, comme l'a suggéré le sénateur Murray. Après tout, comme celui-ci l'a également souligné, il n'y a rien qui presse. L'argent ne sera pas dépensé, s'il l'est jamais, avant l'automne 2006. Dans l'intérêt de la bonne gouvernance de ce pays, je ne vois vraiment pas comment ce projet de loi pourrait mériter l'appui d'un honorable sénateur. Personnellement, je ne peux l'appuyer.

Des voix : Bravo!

Une voix : Le vote!

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, je n'ai pas assisté aux réunions du comité la semaine dernière. J'aurais bien voulu, mais ce que nos collègues viennent de dire m'a donné une idée de ce qui s'y est passé. Je pense que rien de ce qui s'est dit au comité ne nous ferait changer d'avis.

Je ne savais pas quoi penser du projet de loi. J'ai eu l'occasion d'écouter le discours du sénateur Tkachuk lors de la deuxième lecture. Il y décrivait les efforts des gouvernements étrangers pour encourager la responsabilité financière dans leur pays et il a expliqué que les parlementaires de ces pays pouvaient s'inspirer d'autres pays.

Le sénateur Tkachuk a mentionné les pays qui voulaient accroître leur responsabilité financière; il s'agissait du Pakistan, de l'Afrique et du Kazakhstan. Cela m'a amené à réfléchir à la façon dont d'autres pays pourraient percevoir la culture politique du Canada, et l'approche actuelle du gouvernement face aux dépenses, aux programmes sociaux et aux politiques économiques.

Ceux qui ont fait partie de délégations parlementaires à l'étranger savent que les délégués reçoivent habituellement une séance d'information des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères avant de se rendre dans les pays étrangers. Cette séance vise à les familiariser avec la culture politique, sociale et financière du pays qu'ils visiteront, afin qu'ils ne se mettent pas dans l'embarras pendant leur séjour. On peut imaginer comment les experts étrangers du Kazakhstan peuvent informer leurs parlementaires qui se préparent à effectuer une visite au Canada. Cette information pourrait ressembler à ce qui suit. Nous pouvons imaginer le haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères en train de renseigner les parlementaires du Kazakhstan. Ils apprendraient que le premier ministre du Canada est un fan bien connu de stars du rock. En fait, il a invité Bono, la star du rock irlandaise, comme principal conférencier à l'occasion de son installation en qualité de chef de parti, pour donner le ton à la politique canadienne en matière d'aide étrangère. Il s'agissait de l'installation des sept anges espagnols. Les délégués pourraient envisager de lire les paroles des chansons de Bono pour savoir à quoi s'en tenir sur la politique étrangère du Canada. Cependant, il convient de noter que les libéraux ont retranché 9 milliards de dollars du budget de l'aide étrangère, réduisant nos dépenses dans ce secteur à des niveaux sans précédent depuis 1965.

En dépit des compressions faites par Paul Martin dans l'aide étrangère, il y a lieu de noter que Bono, le grand ami du premier ministre, estime toujours que Martin a un magnifique postérieur. Je n'invente rien. On en parlait dans les journaux.

Au milieu des années 1990, le gouvernement libéral a fait des compressions massives dans le système de santé du Canada, ce qui a entraîné des files d'attente exceptionnellement longues. Dans un récent avis, la Cour suprême a conclu que des gens souffraient et mouraient en raison des périodes d'attente pour obtenir des traitements médicaux. Cette situation a incité la Cour suprême à rendre une décision confirmant le droit de recourir à des soins médicaux privés.

La réponse du premier ministre portant qu'il n'y aurait pas de système de santé à deux vitesses semble indiquer qu'il est prêt à passer outre la décision de la cour voulant qu'une personne ait le droit d'avoir accès à des soins médicaux appropriés mais, en même temps, celui-ci a fait adopter une mesure législative sur le mariage entre personnes de même sexe au motif qu'il s'agissait d'un droit prévu dans la Charte. Comme il l'a dit, un droit est un droit et on ne peut choisir seulement ce qui nous plaît. D'une part, le premier ministre appuie pleinement le droit au mariage entre personnes de même sexe mais, d'autre part, il n'appuie pas le droit d'avoir accès à des soins médicaux appropriés.

Oui, délégués du Kazakhstan, vous m'avez bien entendu : le premier ministre choisit parmi les droits ceux qui lui plaisent.

(1550)

À cet égard, les délégués en visite au Canada devraient savoir que, suite à la décision de la Cour suprême en faveur de l'accès à des soins médicaux privés, le ministre fédéral de la Santé à dit à l'Association médicale canadienne de se retirer du débat sur les soins de santé.

En ce qui a trait à la défense nationale, le gouvernement libéral a fait des compressions massives dans le secteur militaire au niveau des années 1990. La situation est tellement épouvantable que, récemment, des soldats qui voulaient tester leurs techniques de combat dans le cadre d'un exercice en milieu urbain ont dû louer dans un commerce local du matériel pour jouer à la guerre avec des balles de peinture, parce qu'ils ne pouvaient obtenir le matériel militaire approprié. Le sénateur Forrestall est au courant de cette histoire. On en a beaucoup parlé dans certains journaux du Canada atlantique.

Sur la question de la loyauté, le premier ministre semble prédisposé à ne tenir aucun compte des membres loyaux de son parti qui ont de longs états de services pour favoriser plutôt les transfuges d'autres partis qu'il fait accéder directement au Cabinet. Les délégués du Kazakhstan pourraient en rencontrer quelques-uns pendant leur voyage au Canada. Ce sont Stronach, Dosanjh et Brison. On a dit que le parti gouvernemental déroulait le tapis rouge pour les nouveaux arrivants tandis que les membres du parti ayant de longs états de services restaient à l'arrière-plan.

Le premier ministre aime parler de l'élimination du déficit démocratique et des votes libres sur les questions de principe. Cependant, il a récemment congédié un ministre qui a voté comme le voulaient les électeurs de sa circonscription sur la question du mariage homosexuel.

Les sénateurs qui visiteront le Québec doivent savoir que l'émission de télé-réalité la plus écoutée dans la province ces derniers mois a été une commission d'enquête sur la corruption, les pots-de-vin et le gaspillage de centaines de millions de dollars par les libéraux, dont aucun ne veut assumer quelque responsabilité que ce soit. Les sénateurs doivent aussi savoir que les avocats du gouvernement ont demandé au commissaire d'exonérer le premier ministre actuel et son prédécesseur de toute malversation dans ce scandale.

Quant à ceux qui voudraient obtenir un permis de travail au Canada, ils n'ont qu'à devenir bénévoles pour le ministre de l'Immigration pendant une campagne électorale ou ils devraient envisager de se trouver un emploi comme effeuilleur.

Du côté social, le gouvernement fédéral tente de mettre en place un réseau national de garderies. Le dossier est géré par un vieil homme blanc — mes excuses à tous les vieux hommes blancs qui siègent ici et dont je suis moi-même un représentant — qui n'a aucune idée de ce que le programme coûtera. Ce programme ne bénéficiera qu'à ceux qui décident de confier leurs enfants à des fournisseurs de services approuvés par le gouvernement. Les parents ne sont pas jugés suffisamment qualifiés pour faire le travail. En outre, il n'y a aucune disposition pour les régions rurales où un tel réseau n'est pas du tout pratique.

Le Sénat discute actuellement d'un budget de 4,5 milliards de dollars préparé par le parti socialiste et un dirigeant syndical de premier plan sur une serviette de papier dans un hôtel. Il s'agit d'un document de deux pages, véritable chèque en blanc, qui autorise le Cabinet à dépenser dans la protection de l'environnement, dans des programmes de formation et dans le logement pour les Autochtones et également à accroître l'aide au développement.

Une voix : Ce pourrait être...

Le sénateur Comeau : Le grand orateur de la dernière rangée a décidé de mettre son grain de sel. J'espère que nous entendrons son discours plus tard.

Le sénateur Kinsella : C'est la nouvelle corne de brume guidant la région atlantique du Canada dans le brouillard.

Le sénateur Comeau : Mais oui, c'est la nouvelle corne de brume de la région atlantique et elle remplace les phares que le sénateur Forrestall aurait voulu sauver.

Une voix : Voulez-vous faire le discours?

Le sénateur Mercer : Pas lui!

Le sénateur Comeau : Qu'il s'agisse de garderies, de commandites au Québec, du gâchis au ministère du Développement des ressources humaines ou de la Loi sur les armes à feu, on navigue au pif, sans objectif mesurable, avec un chèque en blanc. La crédibilité du ministre des Finances en a pris pour son rhume avec cet accord conclu derrière des portes closes. Le sénateur Tkachuk sait bien que cet homme a misé sur son intégrité et sa grande province. Ce monsieur a été tenu à l'écart des préparatifs budgétaires, ce qui a probablement terni sa réputation pour le reste de sa carrière. Quelle manière de terminer sa carrière!

Le critère du gouvernement pour évaluer ses réalisations est la quantité d'argent qu'il dépense. Et pourtant, imaginez s'il avait pris le temps de planifier et d'établir des priorités parmi les dépenses. La somme de 2 milliards de dollars consacrée au registre des armes à feu aurait très bien pu être mise à profit autrement.

Le sénateur LeBreton : Par exemple, pour l'imagerie par résonance magnétique.

Le sénateur Comeau : Oui, pour l'imagerie par résonance magnétique et pour les programmes visant à combattre les causes de la violence ou de la toxicomanie, à faire cesser la violence familiale, à permettre aux gens de se sortir des logements sociaux ainsi qu'à raccourcir les longues listes d'attente dans les hôpitaux. La liste est longue.

Hier, j'ai mentionné que le gouvernement avait licencié l'un des meilleurs et des plus respectés chercheurs spécialistes des pêches à Terre-Neuve, le professeur George Rose. Il est connu dans la région atlantique du Canada surtout pour ses études sur l'avenir de la morue du Nord. On l'a licencié pour économiser quelques dollars. Voilà qui illustre bien les choix que fait le gouvernement en matière de dépenses.

J'ai encore une séance d'information à donner aux parlementaires du Kazakhstan, alors je ne devrais pas me permettre des digressions comme celle-ci.

Le sénateur LeBreton : À l'heure qu'il est, ils sont probablement déjà rentrés chez eux.

Le sénateur Comeau : En matière d'environnement, le gouvernement a rejeté l'idée de s'attaquer au smog et aux polluants réels et il a décidé d'acheter des droits d'émission à des pays ayant un bilan environnemental bien pire que celui du Canada. Il est intéressant de noter les commentaires des dirigeants du milieu des affaires par rapport à l'économie du Canada. Ils parlent de « signaux troublants ». Pour utiliser une phrase que le sénateur Murray pourrait employer, je pense que c'est une abomination, mais peut-être que ce mot est trop fort. Le milieu des affaires fait état d'une croissance effrénée des dépenses publiques, d'un régime fiscal défavorable aux investissements, d'une structure réglementaire fragmentée, onéreuse et trop complexe, d'une productivité faible, d'un piètre bilan pour ce qui est d'attirer des investissements étrangers, de la confiance décroissante de la population envers le gouvernement et les entreprises, de la nécessité d'un leadership ciblé, de ce qu'on appelle, en politique, une nation en dérive. Il faut dépasser les politiques réactionnaires et la pensée à court terme.

Le gouvernement actuel a profité des initiatives des gouvernements précédents en ce qui concerne le libre-échange, l'ALENA, la TPS et la déréglementation. Il a gardé toutes les initiatives qu'il avait promis de mettre au rebut — ce qui lui a probablement valu de bons résultats. Le gouvernement a éliminé le déficit en sabrant dans le budget militaire et le régime d'assurance- maladie et en réduisant les dépenses dans les domaines de l'environnement et des pêches. De plus, il tire beaucoup d'argent des cotisations à l'assurance-emploi et des taux d'imposition non concurrentiels du revenu des particuliers. Il n'est pas surprenant que la confiance du public se trouve dans un creux historique, et ce projet de loi ne fait rien pour remédier à la situation.

Comme parlementaires, nous suggérons à ceux du Kazakhstan d'observer le gouvernement canadien actuel. C'est un modèle de ce qu'il ne faut pas faire lorsqu'on gouverne. Les parlementaires du Kazakhstan savent que seuls les budgets assortis de plans et priorités ayant été évalués convenablement et faisant l'objet d'un rapport constituent la norme. Je suggère donc aux habitants du Kazakhstan de chercher ailleurs un modèle de responsabilisation gouvernementale.

Des voix : Bravo!

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, à l'instar d'autres sénateurs, je suis d'accord avec le sénateur Comeau, et j'aimerais lui faire part de quelque chose.

L'autre jour, en consultant le site web du gouvernement du Canada, je suis tombé sur une définition de « budget fédéral ».

Le budget fédéral est un énoncé des revenus et des dépenses prévus pour un exercice financier donné dans lequel on décrit les priorités en matière de programmes gouvernementaux.

De toute évidence, si l'on en croit le sénateur Comeau et d'autres sénateurs qui sont intervenus jusqu'ici, le projet de loi ne respecte à aucun égard la définition établie par le gouvernement. Tout d'abord, il a trait à des recettes non prévues, alors que, selon la définition que l'on trouve sur la page web, le budget fédéral « constitue l'état des recettes et dépenses prévues ». Ensuite, l'affectation de dépenses qu'il prévoit ne se concrétisera qu'au cours de l'exercice suivant. Enfin, ce projet de loi fait état de dépenses qui pourraient être engagées. Si j'étais néo-démocrate, je ne décroiserais pas les doigts, dans l'espoir de voir mes vœux exaucés. Ces dépenses ne seront manifestement pas engagées dans l'immédiat, si elles le sont jamais.

(1600)

De plus, le projet de loi ne permet pas d'établir les priorités en ce qui a trait aux programmes gouvernementaux, en dépit du fait qu'il énumère quelques grands secteurs de dépenses. En effet, honorables sénateurs, si cette mesure servant de prétexte pour dépenser devait être adoptée, un prochain budget élaboré par ce gouvernement avec l'aide de ses alliés pourrait très bien en reprendre intégralement le libellé; il suffirait simplement d'incorporer le montant de 178 milliards de dollars et d'annexer une liste des diverses dépenses.

Comme on l'a clairement fait ressortir dans le présent débat, la lacune fondamentale qui a attiré l'attention de tous les honorables sénateurs est l'absence totale de détails. Le fait qu'il est possible de rédiger ainsi un projet de loi ne le rend pas convenable. Comment le Parlement est-il censé s'acquitter de son rôle constitutionnel sans renseignements sur lesquels fonder une décision éclairer?

J'aime les conseils qu'a donnés le sénateur Murray, à savoir que cette Chambre ne devrait pas accepter ce budget, qu'elle devrait le renvoyer et qu'un budget approprié devrait être présenté, mais, malheureusement, cette Chambre n'agit pas comme les Pères de la Confédération l'avaient souhaité. Certains se souviennent de l'époque qui a précédé l'avènement d'un gouvernement responsable, lorsque les nobles d'Angleterre et de l'Europe imposaient des taxes à leur population un peu comme bon leur semblait, souvent sans grande planification, si ce n'était l'espoir que les fonds permettraient de couvrir plus que toutes les dépenses et permettraient aussi aux nobles, et c'est presque une tautologie, de vivre comme des rois. Tout excédent monétaire pouvait facilement être dilapidé et l'était fréquemment, car il n'y avait personne pour s'opposer à ces mesures.

L'institution qu'est le Parlement est censée avoir transformé ce modèle. Un régime parlementaire qui repose sur le pouvoir du Trésor est un régime qui fait en sorte que le pays demeure libre et qu'il fonctionne comme une démocratie parlementaire, mais à une condition, à savoir que les deux Chambres du Parlement prennent leurs rôles et leurs responsabilités au sérieux. Lorsqu'on nous présente une proposition comme celle-ci, comme le sénateur Murray l'a souligné avec raison, nous devrions la rejeter et la renvoyer, afin que le gouvernement puisse en présenter une qui soit plus conforme à sa propre définition d'un budget fédéral.

Le Parlement a l'autorité de demander que lui soient fournies d'avance des explications pertinentes au sujet des dépenses prévues et d'assurer une utilisation maximale des ressources. C'est la marque d'un gouvernement responsable. En ne fournissant pas les renseignements détaillés qui président à une prise de décisions efficace, le gouvernement nous demande, en tant que Chambre du Parlement, de renoncer à notre rôle de gardien des deniers publics au profit de la bureaucratie et de nous en remettre aux bons soins du gouvernement.

Le témoignage du contrôleur général du Canada devant le Comité sénatorial des finances nationales abonde dans ce sens, comme on l'a laissé entendre au cours du présent débat. Les préoccupations formulées par le contrôleur général étaient axées presque uniquement sur l'existence ou l'absence de contrôles appropriés, dans le cas où le Parlement approuverait le projet de loi, et non pas sur le fait de savoir si l'adoption de la mesure était appropriée.

Fait intéressant à noter, le communiqué du 1er juin 2004 qui annonce la nomination du contrôleur général indique que ce dernier « passera en revue et signera les propositions stratégiques pour s'assurer que les dépenses prévues sont judicieuses ». Je ne crois pas que le contrôleur général pourrait signer la proposition dont nous sommes saisis. Son témoignage indique clairement qu'il aurait besoin de connaître les détails quant à la façon dont les fonds pourraient être dépensés et d'avoir l'assurance que ces projets feraient l'objet d'un examen approprié.

Nous ne savons pas pourquoi le Parlement a été court-circuité, pourquoi les sénateurs et les députés n'ont pas eu l'occasion d'étudier les propositions à l'avance plutôt qu'après le fait. Les sénateurs se rappellent l'enquête en cours de la Commission Gomery sur des dépenses qui, théoriquement, ont été soigneusement examinées, évaluées et exécutées par des fonctionnaires. Allons- nous attendre de voir si une fraction notable des sommes que le gouvernement se propose de dépenser pour le logement abordable va être utilisée pour offrir une nouvelle maison estimée à un million de dollars au moins à chaque président de circonscription du Parti libéral et du Nouveau Parti démocratique? À mon avis, c'est clair que telle n'est pas l'intention du gouvernement, mais le peu de renseignements dont nous disposons sur le projet de loi ouvre la porte à un tel abus. Pourquoi le gouvernement prend-il ce risque? Il laisse la porte ouverte à des gaspillages d'argent sur pratiquement tout projet de dépenses relevant de sa compétence. Il n'y a aucun frein ni contrepoids.

Lorsque la possibilité des élections anticipées à l'été s'était précisée au printemps dernier, le gouvernement s'est livré à une véritable orgie d'annonces de dépenses qui auraient vidé les caisses de l'État. Le projet de loi C-48, qui ne prévoit aucun contrôle, aucune directive ni aucune planification, ne vise peut-être rien d'autre qu'à réapprovisionner les comptes des ministres pour leur permettre de se livrer à une autre série d'annonces en janvier prochain.

Honorables sénateurs, nul doute qu'il existe de nombreux projets et programmes qui pourraient bénéficier d'une injection d'argent frais. À titre d'exemple, je signalerais aux honorables sénateurs un projet mené dans ma province, le Nouveau-Brunswick, soit la remise à neuf de la centrale de Pointe Lepreau. Construite en 1985 grâce notamment à une subvention fédérale, la centrale de Pointe Lepreau possède un réacteur nucléaire CANDU 6 pouvant produire 635 mégawatts d'électricité. À l'heure actuelle, elle fournit environ 30 p. 100 de l'électricité de la province. Pointe Lepreau a été le premier réacteur CANDU 6 à obtenir un permis d'exploitation au Canada. Comme les coûts de combustible sont relativement stables, la centrale est en mesure d'assurer un approvisionnement fiable en électricité. La remise en neuf du réacteur prolongera la vie de la centrale jusqu'en 2032.

Malheureusement, la remise à neuf d'un réacteur nucléaire coûte très cher, si cher même qu'il serait peut-être plus rentable à court terme de mettre hors service le réacteur et de construire une nouvelle centrale qui fonctionnerait au charbon ou au gaz naturel. Inutile de dire que cette option serait contraire à l'engagement que le gouvernement a pris aux termes du Protocole de Kyoto, soit de réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada.

Dans ce contexte, je remarque que divers parlementaires libéraux ont donné des indices pendant des mois sur la participation financière du gouvernement fédéral dans la remise en état de la centrale nucléaire de Pointe Lepreau. Quand les élections ont été imminentes, le premier ministre a déclaré au Telegraph-Journal de Saint John : « Je ne veux écarter aucune discussion, mais je crois que plusieurs options s'offrent à nous. Je crois que nous devons trouver laquelle est la bonne et aller de l'avant. » Il semble que la bonne option, pour les libéraux, est de simplement se désintéresser de la question et de laisser tout le fardeau financier à la province du Nouveau-Brunswick.

Bien que l'énergie fasse partie des compétences provinciales, dans le passé, le gouvernement fédéral ne s'est jamais gêné pour exercer son influence dans ce domaine. Il y a à peine deux semaines, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il injecterait des sommes dans la construction d'usines d'éthanol en Alberta, en Ontario et au Manitoba. Le gouvernement fédéral a participé au financement des usines d'exploitation des sables bitumineux et, bien entendu, au financement initial de la construction du réacteur nucléaire de Pointe Lepreau, comme le sénateur Murray l'a dit plus tôt cet après- midi.

(1610)

Il semble que tous les projets de production d'énergie de notre pays sont financés en partie par le gouvernement fédéral. Le Nouveau-Brunswick ne devrait pas accepter les excuses minables qui lui sont servies. Ce dossier a une grande importance pour l'ensemble de la province et il fait l'objet de constantes discussions. Le fait que le gouvernement fédéral ait décidé unilatéralement de ne pas participer au projet et qu'il n'ait même pas daigné aviser directement le gouvernement provincial de sa décision n'est pas en cause.

Ce qui importe, c'est que ce projet de loi prévoit d'importantes sommes d'argent sans préciser à quel projet ou programme elles doivent être affectées. Il est clair que le projet de remise en état de la centrale nucléaire de Pointe Lepreau est important pour le Nouveau-Brunswick et qu'il permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre, une question qui tient à coeur au gouvernement fédéral.

Bien que je sois persuadé qu'il existe un grand nombre de programmes et de projets intéressants que les Canadiens seraient sans aucun doute prêts à appuyer, plutôt que de laisser le gouvernement et la bureaucratie en décider, je propose que le Parlement prenne lui-même la décision et que des fonds soient prévus précisément pour cet important projet.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Aussi, je propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Comeau :

Que le projet de loi C-48 ne soit pas maintenant lu une troisième fois mais qu'il soit modifié, à l'article 2, à la page 2, par substitution des lignes 2 à 5 par ce qui suit :

« pour l'environnement, dont :

(i) six cent cinquante millions de dollars pour les systèmes de transport en commun et les travaux d'amélioration de l'efficacité énergétique des habitations à loyer modique,

(ii) deux cent cinquante millions de dollars en vue du financement de la remise à neuf de la centrale nucléaire de Pointe Lepreau. ».

Son Honneur le Président : Y a-t-il des sénateurs qui aimeraient intervenir au sujet de la motion d'amendement?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je remercie les sénateurs d'en face des arguments qu'ils ont soulevés et qui sont naturellement basés sur des préoccupations d'ordre parlementaire. J'aimerais faire un commentaire à l'intention du sénateur Murray. Selon la définition du terme « abomination », le sénateur serait-il d'avis que la défaite d'un gouvernement minoritaire serait une abomination? Je me souviens bien sûr d'un événement survenu dans le passé et auquel le sénateur Murray a participé.

Honorables sénateurs, le gouvernement a été très clair. Le projet de loi C-48 porte sur un arrangement parlementaire entre le gouvernement et le Nouveau Parti démocratique. Le gouvernement a présenté son projet de loi budgétaire, le projet de loi C-43, qui a été adopté par le Parlement. Cet arrangement avec le Nouveau Parti démocratique correspondait aux priorités du gouvernement fédéral. Les sénateurs ont entendu parler à bon nombre de reprises des quatre priorités contenues dans le projet de loi C-48. Le sénateur Eggleton en a déjà parlé dans l'excellent discours qu'il a présenté dans le cadre des débats de deuxième et de troisième lectures ainsi que dans les commentaires qu'il a faits sur les témoignages recueillis et les questions posées au Comité sénatorial permanent des finances national. Je n'en parlerai donc pas.

Il faut comprendre que l'accord politique était conforme aux priorités globales du gouvernement qui ont été énoncées bien avant le dépôt du projet de loi C-48 à la Chambre des communes. En effet, ces priorités ont été formulées dans le discours du Trône, dans certains programmes du gouvernement et dans les objectifs du projet de loi C-43.

Le Nouveau Parti démocratique a estimé que, les programmes en cause étant les bons, le gouvernement disposait de fonds supplémentaires pouvant être investis dans ces programmes. Il a demandé au gouvernement, de façon claire et précise, d'investir davantage dans ces quatre programmes. Un accord a ainsi été conclu, honorables sénateurs, aux conditions établies par le gouvernement pour la gestion des affaires financières du pays. Le gouvernement a déclaré de façon répétée qu'il était fondamentalement déterminé à ne plus jamais présenter de budget déficitaire. Nous avons dressé huit budgets excédentaires consécutifs, ce que le Parti conservateur n'a jamais pu faire, bien sûr, mais j'y reviendrai tout à l'heure.

Honorables sénateurs, le monde entier admire la gestion de l'économie canadienne. Le gouvernement canadien est le meilleur gestionnaire économique du G8. Voilà le bilan du gouvernement libéral. Aujourd'hui, l'économie canadienne inspire confiance. Les Canadiens investissent et le gouvernement crée des emplois et fait progresser les intérêts des Canadiens en particulier.

Le projet de loi C-48 fera progresser ces intérêts, mais aux conditions qui ont été énoncées par le gouvernement libéral. Les sénateurs connaissent la condition clé : que, pour les exercices 2005- 2006 et 2006-2007, il y ait un excédent d'au moins 2 milliards de dollars qui pourra servir aux dépenses de programmes prévues dans le projet de loi C-48. Comme je l'ai dit en répondant aux questions du sénateur Oliver il y a quelques jours, il ne peut y avoir de confusion parce que le gouvernement a souligné cette condition à maintes reprises. Quiconque estime que la condition à laquelle le gouvernement peut dépenser ces fonds n'est pas claire veut vraiment n'y voir que confusion.

Honorables sénateurs, le Nouveau Parti démocratique pourrait très bien vouloir que des fonds soient dépensés durant l'exercice en cours. Cela serait à son avantage politique s'il pouvait faire valoir que le gouvernement du Canada a fait des dépenses proposées par lui. Le ministre des Finances a toujours eu ce pouvoir discrétionnaire. Toutefois, le ministre n'a pas à l'exercer à moins qu'il soit clair que l'économie continue de progresser, que les données analytiques montrent qu'il y aura un excédent durant l'exercice en cours et que l'atteinte de cet excédent n'est pas menacée.

(1620)

Permettez-moi de revenir à la question que tous les sénateurs conservateurs ont abordée, à savoir la question de l'obligation de rendre des comptes et de la transparence. Bien sûr, ce sont là des objectifs stratégiques publics hautement souhaitables.

Il faut comprendre, honorables sénateurs, et cela n'a pas été expliqué ici de la façon dont je veux maintenant l'expliquer, qu'il s'agit d'une nouvelle expérience pour le Parti conservateur que de penser en fonction d'un excédent et de savoir utiliser un excédent. Selon la vieille règle, si on enregistrait un excédent à la fin de l'année financière, celui-ci était entièrement consacré à la réduction de la dette. Vous vous souviendrez que le sénateur Eggleton a mentionné dans sa contribution que le Canada a ramené le ratio de la dette au PIB de 70 p. 100 en 1993 à un peu plus de 40 p. 100 à l'heure actuelle. Notre objectif, comme le sénateur Eggleton l'a dit, consiste à atteindre un ratio de 25 p. 100.

Le sénateur Stratton : Même si vous ne faisiez rien, cet objectif serait atteint de lui-même.

Le sénateur Austin : C'est là notre objectif. Si notre gestion est mauvaise, sénateur Stratton, la dette recommencera à augmenter, tout comme cela s'est produit dans le passé. Le Parti conservateur avait une mauvaise gestion et la dette a doublé pendant que M. Mulroney était premier ministre.

Honorables sénateurs, venons-en au fait. Nous devons concevoir de nouvelles méthodes d'attribution des excédents que nous ne voulons pas utiliser pour rembourser la dette. Selon le contrôleur général et les fonctionnaires du ministère des Finances, ce projet de loi permet d'explorer et de jalonner un nouveau territoire.

Nous ne disons pas que ce projet de loi est parfait. Nous ne disons pas que toutes ses parties sont parfaitement constituées et qu'elles n'auront jamais à être revues. Par contre, ce que nous disons, c'est que voici un projet de loi qui donnera au Parlement toutes les occasions possibles de demander des comptes au gouvernement, et il ne fait aucun doute que le Parlement aura alors son mot à dire, avant ou après coup.

Si le gouvernement ne fait pas ce qu'il a à faire, je suis certain que les sénateurs des deux côtés insisteront pour lui demander des comptes. D'ici là, il ne faut pas succomber à la panique en écoutant les propos des prophètes de malheur que nous avons entendus cet après-midi, qui n'ont pas l'habitude d'une gestion financière qui produit des excédents.

Je veux maintenant parler de l'amendement proposé par le sénateur Kinsella. J'ai déjà dit dans cette enceinte que je suis favorable au développement de l'énergie nucléaire au Canada. Je suis depuis longtemps partisan du programme CANDU et de l'énergie nucléaire. Celle-ci pourrait en effet être une source d'énergie de transition entre les carburants fossiles que nous utilisons actuellement et les besoins énergétiques futurs au Canada.

La centrale nucléaire de Pointe Lepreau était un projet expérimental. Comme l'ont dit les sénateurs Murray et Kinsella, le gouvernement fédéral a encouragé le Nouveau-Brunswick à construire cette centrale et à la faire fonctionner. Elle a maintenant atteint la limite de sa durée de vie utile et elle doit être remise à neuf.

Honorables sénateurs, le débat s'est poursuivi dans ce contexte. À l'heure actuelle, les discussions ne se déroulent pas à la satisfaction du Nouveau-Brunswick, ce que je peux comprendre — ce que nous pouvons tous comprendre.

Le sénateur Kinsella a fait remarquer à juste titre que la production d'électricité au Nouveau-Brunswick relève du gouvernement de cette province. Il serait impossible selon moi que, par exemple, la province de Québec invite le gouvernement fédéral à s'immiscer dans sa politique et sa gestion d'exploitation. On nous a dit à maintes reprises, de ce côté-là, qu'il faut respecter les compétences des provinces.

Honorables sénateurs, cette question n'est toujours pas réglée et, bien franchement, j'espère que l'on en arrivera à un règlement approprié par voie de négociation. Cela dit, cette question n'a rien à voir avec le projet de loi. Elle ne concerne pas le projet de loi C-48.

Comme je l'ai dit, nous avons ici une entente entre le gouvernement du Canada qui, Dieu merci, est actuellement représenté par le Parti libéral, et le Nouveau Parti démocratique. Le projet de loi est le résultat de cette entente et le gouvernement du Canada ne peut le modifier sans être perçu comme violant cette entente conclue avec le Nouveau Parti démocratique. Soyons clairs : tout gouvernement qui viole une entente qu'il a conclue perd son autorité morale. On l'a déjà dit, mais ce point mérite d'être répété.

Honorables sénateurs, je veux vous informer du point de vue du Nouveau Parti démocratique, tel qu'exprimé dans une lettre envoyée par Jack Layton, député de Toronto—Danforth et chef du Nouveau Parti démocratique du Canada, au premier ministre, le 9 juin 2005.

Le sénateur Tkachuk : Merci, merci, merci.

Le sénateur Austin : Il écrit :

Monsieur le premier ministre,

Les médias laissent entendre que le gouvernement fédéral envisage de verser 200 millions de dollars au gouvernement du Nouveau-Brunswick pour l'aider à financer la remise à neuf, au coût de 1,4 milliard de dollars, de la centrale nucléaire de Pointe Lepreau.

Plutôt que d'opter pour cette mesure, je vous exhorte à prendre toutes les sommes que le gouvernement fédéral envisage de consacrer à l'approvisionnement énergétique du Nouveau-Brunswick et de les affecter au développement de l'efficience énergétique et de l'énergie écologique dans cette province. Une telle initiative optimiserait le potentiel de création d'emplois au Nouveau-Brunswick, tout en maintenant à un bas niveau les coûts énergétiques de cette province et en respectant les obligations du Canada en vertu de l'accord de Kyoto. En outre, compte tenu de l'énorme potentiel de production d'énergie éolienne de la baie des Chaleurs, le fait d'orienter les efforts vers l'énergie écologique aiderait le nord du Nouveau-Brunswick, où le taux de chômage s'élève à 20 p. 100 en raison, notamment, de la fermeture des pêches.

Dans une décision de septembre 2002, la Commission des entreprises de services publics du Nouveau-Brunswick conclut que « la remise à neuf de la centrale de Pointe Lepreau, telle qu'elle a été exposée dans les témoignages, n'est pas dans l'intérêt public » et elle recommande à Énergie NB de ne pas la réaliser.

Dans un rapport d'avril 2004 commandé par le gouvernement du Nouveau-Brunswick, on note que la remise à neuf coûterait 1,4 milliard, non 935 millions de dollars tel qu'initialement prévu, et que les travaux représenteraient 450 années-personnes de travail et assureraient de 600 à 700 emplois permanents. Si le gouvernement fédéral investit 200 millions de dollars, cela équivaudra à 63 années-personnes de travaux de remise à neuf et assurera entre 600 et 700 emplois.

En revanche, la Coalition énergétique du Canada atlantique a élaboré un plan de rechange qui prévoit la production de 640 mégawatts d'énergie, soit autant qu'à la centrale de Pointe Lepreau, mais à un coût de 630 millions de dollars, soit moins de la moitié du coût de remise à neuf de la centrale de Pointe Lepreau, estimé à 1,4 milliard de dollars.

Ce plan de rechange devrait vraisemblablement créer davantage d'emplois pour les Néo-Brunswickois. Il prévoit notamment la production de 220 mégawatts d'énergie éolienne à un coût de 375 millions de dollars. Dans un rapport de 2001, l'Association canadienne d'énergie éolienne note que chaque million de dollars investi dans l'énergie éolienne crée l'équivalent de huit emplois à temps plein. Par conséquent, à elle seule, la mise en place de l'énergie éolienne créerait 3 000 nouveaux emplois, presque sept fois plus que la remise à neuf de la centrale de Pointe Lepreau. (Ces conclusions correspondent à celles d'études internationales qui montrent que pour chaque dollar investi, l'énergie éolienne crée cinq fois plus d'emplois que l'énergie nucléaire.)

Le plan de rechange prévoit également des dépenses de 140 millions de dollars pour l'efficacité énergétique et le renoncement aux hydrocarbures. Le Conseil International pour les Initiatives Écologiques Communales estime que les programmes de rattrapage énergétique créent au moins 70 emplois directs et indirects pour chaque million de dollars investi. Par conséquent, un très modeste investissement annuel de 10 millions de dollars créerait 700 emplois de plus par année, ce qui équivaut au nombre d'emplois à Pointe Lepreau. L'avantage des emplois liés au rattrapage énergétique vient du fait qu'ils sont disséminés un peu partout dans la province dans les collectivités.

Le plan de rechange permet non seulement de créer davantage d'emplois, mais il est aussi plus économique que la remise à neuf de Pointe Lepreau, sans compter qu'il est nettement supérieur sur le plan environnemental. Comme vous le savez déjà, la production d'énergie nucléaire crée des sous- produits hautement radioactifs coûteux en termes de manipulation et de confinement. La Société de gestion des déchets nucléaires a récemment publié un rapport intitulé Choisir une voie pour l'avenir dans lequel elle note que le coût de la manutention et du confinement se chiffre au moins à 24 milliards de dollars.

(1630)

Par contre, l'énergie verte est une ressource complètement renouvelable qui ne laisse aucun sous-produit radioactif et qui est donc parfaitement non polluante.

Vous conviendrez, j'en suis certain, qu'investir 200 millions de dollars pour créer, dans toutes les régions du Nouveau- Brunswick, des milliers d'emplois respectueux de l'environnement et produisant une énergie propre et efficace sur le plan énergétique, est beaucoup plus sage que d'investir 200 millions de dollars pour créer, dans une seule région du Nouveau-Brunswick, 63 emplois produisant une source d'énergie non renouvelable et à l'origine de déchets radioactifs.

Qui plus est, pour veiller à ce que tous les habitants du Nouveau-Brunswick y trouvent leur compte, je suis certain que vous reconnaîtrez aussi qu'un Fonds pour une juste transition, à l'intention de tous les travailleurs du secteur énergétique et de toutes les collectivités visées, doit faire partie du plan de financement.

L'énergie verte est une solution sensée du point de vue environnemental et économique. Voilà pourquoi le NPD fédéral préconise de réorienter les subventions gouvernementales fédérales des sources d'énergie non renouvelables vers d'autres sources renouvelables.

Le Nouveau-Brunswick a un incroyable potentiel d'efficacité énergétique et d'énergie verte. L'Atlantic Canada Energy Coalition a proposé une façon d'exploiter ce potentiel.

Si le gouvernement fédéral est sérieux à propos de ses engagements de Kyoto et de son engagement à créer des emplois dans des régions durement touchées comme le nord du Nouveau-Brunswick, le moment est alors venu d'agir. Il faut s'assurer que tous les fonds fédéraux sont octroyés pour l'énergie verte et qu'ils visent à aider le Nouveau-Brunswick à s'engager sur la voie de la viabilité et de la création d'emplois respectueux de l'environnement.

Veuillez agréer mes salutations distinguées.

Jack Layton, député de Toronto—DanforthChef du Nouveau Parti démocratique du Canada

Le sénateur St. Germain : Au fin fond, vous êtes néo-démocrate, vous aussi!

Des voix : Bravo!

Le sénateur Austin : J'ai lu la lettre afin que les sénateurs connaissent la position du NPD par rapport au projet de Pointe Lepreau. Je n'accepte pas cette position au nom du gouvernement. Actuellement, nous nous engageons sur une voie différente en ce qui concerne Pointe Lepreau.

Le sénateur LeBreton : Autant en emporte le vent!

Le sénateur Austin : Ce qui importe ici, c'est de répéter la phrase clé : Nous avons conclu un accord avec le NPD, et le NPD n'acceptera pas qu'une partie de ces 4,5 milliards de dollars serve à la remise en état de la centrale de Pointe Lepreau. Si l'on veut remettre en état la centrale, cela se fera sous un autre poste budgétaire.

Honorables sénateurs, c'est un bon projet de loi. Il promeut les objectifs du gouvernement libéral. Nous sommes heureux d'être associés au Nouveau Parti démocratique pour promouvoir ces objectifs, que le sénateur Eggleton...

Des voix : Bravo!

Des voix : Encore!

Son Honneur le Président : À l'ordre s'il vous plaît, honorables sénateurs. J'ai du mal à entendre si c'est le sénateur Austin ou quelqu'un d'autre qui parle. C'est le sénateur Austin qui a la parole et j'aimerais l'entendre, alors j'exige le silence, s'il vous plaît.

Le sénateur Austin : Merci, Votre Honneur. Je vous suis reconnaissant de bien vouloir m'accorder la parole. Je sais que certains de l'autre côté ne me l'accorderaient pas, mais ça, c'est leur problème.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-48 fait progresser les objectifs de la politique du gouvernement libéral dans les domaines qu'a énoncés le sénateur Eggleton. Nous sommes heureux d'être associés au Nouveau Parti démocratique dans l'atteinte de ces objectifs. J'encourage instamment tous les honorables sénateurs à reconnaître que le projet de loi C-48 sert les intérêts de la population, et nous demandons aux sénateurs d'appuyer le projet de loi.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Kinsella : Le leader du gouvernement au Sénat aurait-il l'amabilité de déposer le document signé par M. Layton?

Le sénateur Austin : J'ai déjà lu la lettre aux fins du compte rendu, et je me ferai un plaisir de la déposer.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Des voix : Le vote!

L'honorable John G. Bryden : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l'amendement proposé par mon collègue du Nouveau-Brunswick. Il est leader de l'opposition, mais il est aussi néo-brunswickois, comme moi. Nous avons tous les deux passé beaucoup de temps à Fredericton.

Je ne parlerai que de la raison pour laquelle le sénateur Kinsella estimait qu'il pouvait présenter cet amendement. La production d'électricité est essentiellement un domaine de compétence provinciale. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick et le premier ministre Lord savent depuis de nombreuses années que la centrale nucléaire de Pointe Lepreau devra être déclassée et fermée d'ici peu si elle n'est pas remise à neuf. Peu importe ce qu'on décide de faire, cela coûtera des centaines de millions de dollars. Nombreux sont les néo-brunswickois qui se demandent pourquoi le gouvernement Lord a attendu trois ans pour décider de l'avenir de Pointe Lepreau.

Pendant ce temps, la Société d'Énergie du Nouveau-Brunswick, avec l'autorisation du premier ministre Lord, a entrepris la remise en état de la centrale thermique de Colson Cove afin qu'elle puisse consommer un combustible composé d'une émulsion d'eau et de bitume qu'on achèterait au Venezuela, et qui est beaucoup moins onéreux que le pétrole qu'elle consomme actuellement. Ces travaux devaient permettre d'utiliser du carburant vénézuélien plus économique afin de réaliser les économies qui permettraient de procéder à la remise à neuf de Pointe Lepreau. Cependant, ni Énergie NB ni le gouvernement Lord n'a signé de contrat avec le Venezuela et l'entente sur l'émulsion de minerai a échoué. Cette entente bâclée a coûté aux contribuables du Nouveau-Brunswick 1,4 milliard de dollars en raison des coûts de carburant qui n'ont cessé de croître, des dépenses d'investissement et des frais juridiques. Il s'agit d'ailleurs du montant qu'aurait coûté la remise à neuf de Pointe Lepreau.

Il est intéressant de noter que le gouvernement Lord a interrompu les travaux du comité législatif chargé d'examiner le scandale de l'émulsion de minerai et que, le mois dernier, le premier ministre Lord a refusé de prolonger le mandat du vérificateur général du Nouveau-Brunswick de quelques mois pour lui permettre de terminer son rapport sur le fiasco de l'émulsion de minerai.

Honorables sénateurs, le premier ministre Lord s'est mis lui-même dans la situation qu'il dénonce publiquement aujourd'hui. En raison de cette mauvaise gestion, les Néo-Brunswickois ont vu leurs coûts d'électricité tripler en un peu plus d'un an.

Je crois comprendre que le premier ministre Lord s'est adressé pour la première fois au gouvernement du Canada en janvier cette année, et que les deux parties ont eu des échanges réguliers de bonne foi en vue de définir des caractéristiques propres à Pointe Lepreau de façon à ne pas créer de précédent pour toutes les centrales nucléaires vieillissantes du Canada. Ce n'est toutefois qu'en mai que la province du Nouveau-Brunswick a déposé une proposition concrète.

Après avoir examiné attentivement la demande, le gouvernement du Canada a conclu que rien ne permettait de distinguer Pointe Lepreau d'autres centrales nucléaires. Il a décidé de ne pas établir dans ce secteur de compétence provinciale un précédent qui pourrait entraîner des demandes de milliards de dollars à l'égard du Trésor fédéral.

Il importe de mentionner qu'Énergie atomique du Canada limitée est prête, dans le cadre de son mandat, à aider Énergie NB si on décide de remettre à neuf Pointe Lepreau, mais il faut aussi signaler que le gouvernement du Canada aide le Nouveau-Brunswick directement avec des paiements de péréquation supplémentaires de 326 millions de dollars sur les deux prochaines années et un montant additionnel de 73 millions de dollars cette année seulement pour les soins de santé.

(1640)

Le gouvernement est également à même d'effectuer des investissements clés dans les services de garde d'enfants et d'accorder aux municipalités le remboursement de la taxe sur l'essence. De plus, le gouvernement est en train de mettre au point, de concert avec le ministre régional Andy Scott, une stratégie en matière de ressources humaines devant permettre d'enrayer la diminution de la population au Nouveau-Brunswick.

Pour résumer, honorables sénateurs, si la remise en état constitue une solution logique, le gouvernement devrait prendre une décision en ce sens et entamer des négociations avec Énergie atomique du Canada limitée ou Bruce Power et d'autres intervenants. Il faut que le premier ministre du Nouveau-Brunswick et ses ministres assument leurs responsabilités quand il s'agit d'assurer à notre province un avenir énergétique sécuritaire; ils devraient cesser de rejeter la responsabilité sur les autres, sur n'importe qui.

Le sénateur LeBreton : Les honorables sénateurs d'en face ne donnent pas leur place non plus.

Le sénateur Tkachuk : C'est ce que fait l'honorable sénateur.

Le sénateur Bryden : Si la remise en état de la centrale de Pointe Lepreau constitue une solution logique, si c'est cela qu'il faut faire, alors, un gouvernement compétent devrait s'y mettre.

Des voix : Bravo!

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Comme aucun sénateur ne demande la parole, les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur l'amendement que le sénateur Kinsella propose d'apporter au projet de loi C-48?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : S'est-on entendu sur la durée du timbre?

Le sénateur Losier-Cool : Quinze minutes.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : À l'ordre, s'il vous plaît. Le vote aura lieu à 16 h 55.

Convoquez les sénateurs.

(1700)

(La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Atkins Meighen
Cochrane Murray
Comeau Nancy Ruth
Cools Oliver
Di Nino Prud'homme
Forrestall St. Germain
Keon Stratton
Kinsella Tkachuk—17
LeBreton

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams Losier-Cool
Austin Maheu
Bacon Mahovlich
Baker Massicotte
Banks Mercer
Biron Merchant
Bryden Milne
Callbeck Mitchell
Chaput Moore
Christensen Munson
Cook Pearson
Corbin Peterson
Cordy Phalen
Dallaire Pitfield
De Bané Plamondon
Downe Poulin
Dyck Poy
Eggleton Ringuette
Fairbairn Rompkey
Fitzpatrick Sibbeston
Furey Smith
Grafstein Tardif
Harb Trenholme Counsell
Jaffer Watt—49
Lapointe

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Spivak—1

Son Honneur le Président : Nous allons maintenant reprendre le débat sur la motion principale.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Nous y sommes. Je vais mettre la motion aux voix.

L'honorable sénateur Eggleton, avec l'appui de l'honorable sénateur Jaffer, propose que ce projet de loi soit lu une troisième fois.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Convoquez les sénateurs. Y a-t-il entente sur la durée du timbre? Y a-t-il accord pour que nous votions tout de suite?

Des voix : D'accord.

(La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams Maheu
Austin Mahovlich
Bacon Massicotte
Baker Mercer
Banks Merchant
Biron Milne
Bryden Mitchell
Callbeck Moore
Chaput Munson
Christensen Pearson
Cook Peterson
Corbin Phalen
Cordy Pitfield
Dallaire Plamondon
De Bané Poulin
Downe Poy
Eggleton Prud'homme
Fairbairn Ringuette
Fitzpatrick Rompkey
Furey Sibbeston
Grafstein Smith
Harb Spivak
Jaffer Tardif
Lapointe Trenholme Counsell
Losier-Cool Watt—50

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Atkins LeBreton
Cochrane Meighen
Comeau Murray
Cools Nancy Ruth
Di Nino Oliver
Forrestall St. Germain
Keon Stratton
Kinsella Tkachuk—16

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Dyck—1

RETRAIT DE LA MOTION D'ALLOCATION DE TEMPS

À l'appel de la motion no 1 :

Que, conformément à l'article 39 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations ne soient attribuées à l'étude à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-48, Loi autorisant le ministre des Finances à faire certains versements;

Que, lorsque les délibérations seront terminées ou que le temps prévu pour le débat sera écoulé, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours au Sénat et mette aux voix immédiatement et successivement toute question nécessaire pour disposer de l'étape de la troisième lecture dudit projet de loi;

Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit pris conformément au paragraphe 39(4) du Règlement.

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je demande que cette motion soit retirée. Elle est visiblement nulle et non avenue.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est retirée.)

PROJET DE LOI SUR LES MOTOMARINES

TROISIÈME LECTURE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cochrane, appuyée par l'honorable sénateur Andreychuk, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-12, Loi concernant les motomarines dans les eaux navigables.—(L'honorable sénateur Plamondon)

L'honorable Mira Spivak : Honorables sénateurs, je propose que le projet de loi soit lu une troisième fois.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Sénateur Plamondon, souhaitez-vous prendre la parole?

L'honorable Madeleine Plamondon : Je ne souhaite pas prendre la parole. Je veux dire « report », et je l'ai dit avant la demande de vote. Je demande que le débat soit reporté.

Son Honneur le Président : Le sénateur Spivak, ou tout autre sénateur, a le droit de demander l'ajournement du débat sur la motion, demande qui fera l'objet d'un vote. Je ne sais pas au juste si c'est-ce que la Chambre souhaite. Le débat sur la motion doit-il être reporté, honorables sénateurs?

Des voix : Report!

Le sénateur Plamondon : Je dis « report »; il n'y a donc pas de vote. J'aimerais avoir le temps de me préparer avant de prendre la parole.

(Le débat est reporté.)

(1710)

PROJET DE LOI SUR LES CANDIDATURES DE COMPÉTENCE FÉDÉRALE

DEUXIÈME LECTURE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Stratton, appuyée par l'honorable sénateur LeBreton, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-20, Loi visant à accroître la transparence et l'objectivité dans la sélection des candidats à certains postes de haut niveau de l'autorité publique. — (Teneur renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 2 février 2005)

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, cette affaire en est à son quinzième jour. Le projet de loi a été renvoyé à un comité, mais celui-ci ne l'a pas encore étudié. Toutefois, le projet de loi devrait rester tel qu'il est au Feuilleton. Je demande à ce qu'il en soit ainsi et à ce qu'au besoin, on recommence le compte de jours.

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Je crois que c'est la troisième fois qu'on reprend le compte de jours pour ce projet de loi. J'aimerais que la présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles nous dise quand elle pense que le comité examinera ce projet de loi. Je ne lui demande pas une réponse dès maintenant, mais j'aimerais qu'elle me réponde lorsque nous serons de retour.

Son Honneur le Président : Entre-temps, honorables sénateurs, êtes- vous d'accord pour que l'on recommence le compte de jours?

Des voix : D'accord.

(Le débat est reporté.)

L'ÉTUDE DE LA POLITIQUE SUR LA SÉCURITÉ NATIONALE

RAPPORT DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE INTITULÉ À LA LIMITE DE L'INSÉCURITÉ—REPRISE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'étude du douzième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense intitulé À la limite de l'insécurité, déposé au Sénat le 14 juin 2005. — (L'honorable sénateur Rompkey, C.P.)

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, je voudrais profiter de l'occasion pour répondre à certains commentaires formulés lundi soir par madame le sénateur Maheu au sujet du douzième rapport de notre comité. Voici ce que le sénateur a dit :

Je me rends compte que le rapport a été publié le mardi 19 juin et que je ne l'ai reçu à mon bureau que le lendemain. On ne l'a pas examiné et encore moins débattu. Toutefois, les sénateurs savent que les résultats des travaux d'un comité de l'une ou l'autre Chambre sont d'abord présentés au Parlement, puis suivis par un exposé sur le contenu d'un rapport. Ce n'est qu'après que le rapport fait l'objet d'un communiqué ou d'une conférence de presse.

Madame le sénateur Maheu a ajouté :

Toute modification à cette séquence se fait au mépris du Parlement et des Canadiens. Cela est clair et sans appel. Pourquoi n'a-t-on pas suivi la procédure habituelle? Pourquoi cette hâte? Pourquoi un tel mépris à l'égard de ceux d'entre nous qui ne siègent pas au comité?

Je continue de citer madame le sénateur Maheu :

La présentation d'un rapport de comité laisse entendre la tenue prochaine d'un débat. En revanche, le fait de dévoiler un rapport de comité de façon magistrale à l'extérieur du Parlement donne à penser que ce rapport a franchi les étapes prévues ou qu'il a été adopté par le Sénat, voire qu'il ne nécessite ou ne requiert même pas l'approbation du Sénat. Cette façon de faire va à l'encontre de la procédure. C'est un geste méprisant.

Voilà pour les remarques formulées par madame le sénateur Maheu.

Honorables sénateurs, je tiens à vous assurer que notre comité a respecté toutes les normes et pratiques prévues pour le dépôt de son douzième rapport. Notre rapport a été déposé le 14 juin, et non le 19 comme l'a prétendu le sénateur Maheu. On peut lire à la page 884 du Marleau et Montpetit que « Les rapports de comités doivent être présentés à la Chambre avant de pouvoir être rendus publics. »

Le rapport n'a pas été rendu public avant que je l'aie présenté au Sénat dans l'après-midi du 14 juin. Une fois déposé sur le bureau, il est devenu un document public. Des demandes de copies ont été transmises à la Direction des Journaux au cours de l'après-midi, après le dépôt du rapport, et les copies demandées ont été fournies. Tous les sénateurs en ont également obtenu une copie à leur bureau. Ce n'est que quelques heures après le dépôt du rapport que je me suis entretenu avec les médias lorsqu'ils m'ont téléphoné pour me poser des questions sur le contenu du document. Nous avons alors prévu une conférence de presse pour le lendemain matin.

De toute évidence, il n'y a pas eu mépris à l'égard du Sénat et de la procédure que nous avons suivie, celle que suivent habituellement tous les comités sénatoriaux lorsqu'ils déposent leurs rapports.

En ce qui concerne l'observation du sénateur Maheu, à savoir « La présentation d'un rapport de comité laisse entendre la tenue prochaine d'un débat », je rappelle au sénateur l'existence du paragraphe 97(3) du Règlement du Sénat, qui dit :

Un rapport présenté au Sénat expressément à titre d'information doit être déposé sur le bureau; il peut, cependant, sur motion à cet effet, être inscrit au Feuilleton, pour étude ultérieure.

Le douzième rapport de notre comité a été déposé au Sénat conformément à ce paragraphe. Je n'étais pas obligé de demander que l'étude du rapport soit inscrite à l'ordre du jour, mais vu son importance pour la progression du débat d'intérêt public sur les questions de sécurité, j'ai demandé au Président, au moment du dépôt, que son étude soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.

Par conséquent, notre rapport a été clairement dévoilé dans le cadre du Parlement et selon nos usages et nos procédures.

Ces remarques visaient à rectifier les faits relativement au processus que nous avons suivi. Je voudrais proposer l'ajournement du débat et demander que le reste de mon temps soit réservé afin que je puisse parler du contenu du rapport au cours d'une autre séance.

(Sur la motion du sénateur Kenny, le débat est ajourné.)

RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION

ADOPTION DU ONZIÈME RAPPORT DU COMITÉ

Le Sénat passe à l'étude du onzième rapport du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présenté plus tôt aujourd'hui.

L'honorable George J. Furey propose : Que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(1720)

DROITS DE LA PERSONNE

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER PENDANT L'AJOURNEMENT DU SÉNAT

L'honorable Marjory LeBreton, au nom du sénateur Andreychuk, conformément à l'avis donné le 18 juillet 2005, propose :

Que, conformément à l'article 95(3)a) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à se réunir le lundi 19 septembre 2005, le lundi 26 septembre 2005 et le lundi 3 octobre 2005, même si le Sénat est ajourné à ce moment pour une période de plus d'une semaine.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous revenons aux avis de motions du gouvernement.

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je demande que la séance soit suspendue jusqu'à l'appel de la présidence en attendant la sanction royale.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant, puis-je rendre la décision qu'on m'a demandée hier relativement à l'utilisation des listes par la présidence? Après mon intervention, ou après le vote, le cas échéant, la séance sera suspendue jusqu'à l'appel de la présidence.

Des voix : D'accord.

RECOURS AU RÈGLEMENT

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, hier, lors du débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-38, le sénateur Corbin a invoqué le Règlement, s'opposant à l'utilisation de listes guidant le Président dans l'attribution du droit de parole aux sénateurs qui ont exprimé le désir de participer au débat. Le sénateur a renvoyé à plusieurs articles du Règlement du Sénat qui expliquent clairement comment les sénateurs doivent procéder lorsqu'ils veulent participer au débat. Madame le sénateur Cools a aussi pris la parole sur ce rappel au Règlement, déclarant qu'à son avis, l'utilisation de listes est « une autre de ces pratiques insidieuses au Sénat, qui ont pour effet de miner les droits individuels des sénateurs ». À l'issue de ces brèves interventions, j'ai dit que j'examinerais la question et que je ferais part de ma décision au Sénat.

Après avoir consulté certains ouvrages faisant autorité en matière parlementaire et examiné le bien-fondé de ce rappel au Règlement, je tiens à expliquer au Sénat le but de ces listes, qui me sont fournies par les leaders du gouvernement et de l'opposition. Il n'y a rien de vraiment nouveau dans l'utilisation de ces listes. Cela fait partie de la pratique établie, quoique informelle, qui vise à faciliter le déroulement des travaux. Ces listes n'ont aucune valeur contraignante. Elles servent simplement à m'aider, en tant que Président, à savoir qui, au Sénat, a manifesté l'intention de prendre part au débat. En pratique, ces listes sont souples et peuvent servir ou pas. Elles visent simplement à faciliter le déroulement des travaux sans priver quelque sénateur que ce soit du droit de participer au débat.

[Français]

L'utilisation de ces listes n'est pas propre au Sénat. Des listes sont utilisées ailleurs par des Présidents. À la page 505 du Marleau et Montpetit, on confirme l'utilisation de listes dans l'autre endroit. Aux termes de cet ouvrage récent, « les whips des divers partis fournissent chacun au Président une liste de députés qui souhaitent prendre la parole, mais celle-ci sert seulement de guide ». Aux pages 28 et 521 de la 23e édition du Erskine May, il est clairement indiqué que des listes sont utilisées pour faciliter le déroulement des débats à la fois dans la Chambre des lords et à la Chambre des communes. En fait, à la Chambre des communes du Royaume-Uni, un avantage connu de l'utilisation des listes, selon les pratiques suivies à cet endroit, est de donner au Président « un moyen de répartir le temps disponible aussi équitablement que possible entre les divers points de vue... » Les honorables sénateurs savent que je procède moi- même souvent ainsi à la période des questions, lorsque j'indique au Sénat le nombre de sénateurs qui ont manifesté le désir de poser une question et qu'il ne reste que quelques minutes au temps réservé à cette partie des travaux.

[Traduction]

En ce qui concerne la question soulevée par le sénateur Corbin, l'utilisation d'une liste d'orateurs n'est pas contraire au Règlement du Sénat, en particulier aux dispositions mentionnées par le sénateur, qui précisent comment un sénateur doit demander la parole dans un débat. Il faut dire toutefois que certains sénateurs ne se souviennent pas toujours de leur rang dans la liste et n'ont donc pas toujours la parole au moment prévu si un autre sénateur se lève à ce moment-là.

Je le répète, ces listes n'ont rien d'officiel et ne sont que des outils de travail qui facilitent le déroulement des travaux. Ce n'est pas moi qui les demande en tant que Président. Les responsables des travaux de la Chambre et, parfois, des sénateurs indépendants me les remettent d'eux-mêmes. Elles n'ont aucune valeur contraignante et ne limitent en rien le droit des sénateurs de participer au débat. On a d'ailleurs pu le constater quand nous avons débattu du projet de loi C-38 après le rappel au Règlement. J'avais déjà donné une série de noms en fonction d'une liste qui m'avait été remise, mais elle a immédiatement été révisée pour permettre l'intervention d'un autre sénateur.

[Français]

Qu'une assemblée parlementaire compte 700 ou 300 membres, ou seulement une centaine comme la nôtre, les listes d'orateurs sont utiles. Elles ne sont ni rigides ni contraignantes, mais sont au contraire parfaitement souples. Elles n'affectent en rien le droit ou la possibilité de s'exprimer des sénateurs.

[Traduction]

Si elles ont une lacune, c'est de ne pas tenir compte des sénateurs indépendants, qui sont maintenant onze, car elles émanent des leaders du gouvernement et de l'opposition. Si l'utilisation de ces listes n'empêche pas les sénateurs indépendants de participer au débat, la contribution de ceux-ci à l'établissement des listes renforcerait l'idée qu'elles sont équilibrées et complètes. À mon avis, la question pourrait éventuellement être étudiée par le Comité consultatif du Président.

Quoi qu'il en soit, je continuerai à faire preuve de vigilance dans l'attribution du droit de parole aux sénateurs qui se lèvent, qu'ils aient ou non indiqué au préalable leur intention de prendre la parole. Comme nous l'avons vu hier soir, les sénateurs sont souvent portés à intervenir lorsqu'ils se retrouvent engagés dans un débat sain et animé, ce qui se produit fréquemment au Sénat.

Honorables sénateurs, pour les raisons que je viens de donner, j'estime que, dans le cas présent, le rappel au Règlement n'est pas fondé.

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat s'ajourne maintenant jusqu'à l'appel de la présidence. Pendant combien de temps le timbre doit-il retentir? Est-ce que cinq minutes suffisent? Honorables sénateurs, je m'attends à ce que le timbre retentisse vers 18 heures. Je vous demande d'être attentifs à la sonnerie. Le Sénat s'ajourne jusqu'à l'appel de la présidence. Je quitte maintenant le fauteuil jusqu'au début de la sonnerie d'appel.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)


[Français]

Le Sénat reprend sa séance.

LA SANCTION ROYALE

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 20 juillet 2005

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que la très honorable Beverley McLachlin, juge en chef à la Cour suprême du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l'annexe de la présente lettre, le 20 juillet 2005, à 16 h 56.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire de la Gouverneure générale,
Barbara Uteck

L'honorable
   Le Président du Sénat
      Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale, le mercredi 20 juillet 2005 :

Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d'autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada (Projet de loi C-2, Chapitre 32, 2005)

Loi concernant certaines conditions de fond du mariage civil (Projet de loi C-38, Chapitre 33, 2005)

Loi constituant le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences et modifiant et abrogeant certaines lois (Projet de loi C-23, Chapitre 34, 2005)

Loi constituant le ministère du Développement social et modifiant et abrogeant certaines lois (Projet de loi C-22, Chapitre 35, 2005)

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 20 juillet 2005

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable Morris Fish, juge de la Cour suprême du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l'annexe de la présente lettre, le 20 juillet 2005, à 17 h 42.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire de la Gouverneure générale,
Barbara Uteck

L'honorable
   Le Président du Sénat
      Ottawa

Projet de loi ayant reçu la sanction royale, le mercredi 20 juillet 2005 :

Loi autorisant le ministre des Finances à faire certains versements (Projet de loi C-48, Chapitre 36, 2005)

[Traduction]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs. Je ne doute pas que tous les sénateurs conviendront du fait que nous ne saurions ajourner sans remercier les greffiers au bureau, le personnel et l'administration du Sénat, les pages et toutes les personnes qui font en sorte que le Sénat fonctionne. Nous les remercions de leurs services pendant toute l'année mais, en particulier, au cours de cette session prolongée depuis le 27 juin.

Je souhaite à tous nos collègues de bonnes vacances et un bon repos. Nous vous reverrons le 27 septembre.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je reprends à mon compte les sentiments exprimés par le leader du gouvernement au Sénat. Cela me fait penser à une de mes inscriptions favorites, qui se trouve sur les édifices de Rome. À Rome, il y a toutes sortes d'inscriptions sur les édifices. L'une d'elles dit que le temps tempère les temps. En ce sens, nous disons aux greffiers au bureau et à toutes les personnes au Sénat qui soutiennent nos travaux que nous allons tenter de tempérer les temps de manière moins tumultueuse à l'avenir, de façon à ne pas bouleverser vos projets de vacances. Nous sommes conscients des sacrifices qui ont été faits. Nous les sénateurs, qui siégeons ici, savons que la prolongation de la session a perturbé vos projets d'été, et nous vous savons gré de votre soutien.

Son Honneur le Président : Je me joins au leader du gouvernement au Sénat et au leader de l'opposition pour remercier ceux qui nous servent si bien ici, en particulier compte tenu des circonstances de cet été. Je vous remercie beaucoup.

Des voix : Bravo!

AJOURNEMENT

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit au mardi 27 septembre 2005, à 14 heures.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 27 septembre 2005, à 14 heures.)


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