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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 75

Le mardi 27 février 2007
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 27 février 2007

La séance est ouverte à 14 h, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

LE PROGRAMME D'ÉCHANGE DE PAGES AVEC LA CHAMBRE DES COMMUNES

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je suis heureux de vous présenter deux pages de la Chambre des communes qui participent cette semaine au programme d'échange. Maeve Byrne, d'Edmonton, en Alberta, est inscrite à la Faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa, où elle fait une majeure en science politique. Quant à Brittiny Rabinovitch, de Midhurst, en Ontario, elle étudie elle aussi à la Faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa, où elle fait une majeure en développement international et mondialisation.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE BUREAU DU CONSEIL PRIVÉ

LA CRÉATION DE LA COMMISSION DES NOMINATIONS PUBLIQUES—LE LEADER DU GOUVERNEMENT—RECTIFICATION

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, à la période des questions de jeudi dernier, ma réponse à une question du sénateur Milne n'a pas été aussi précise qu'elle aurait dû l'être. Quoique le reste de ma réponse ait clairement indiqué que je savais parfaitement que la Loi fédérale sur la responsabilité contient des dispositions visant la création d'une commission des nominations publiques, j'ai commencé par dire que ce n'était pas le cas. J'avais l'intention de dire que la commission prévue par la Loi fédérale sur la responsabilité n'avait pas encore été instaurée, en partie parce qu'une candidature proposée au poste de commissaire avait été refusée à l'autre endroit. Je tiens à m'excuser auprès des honorables sénateurs pour toute confusion ou tout malentendu que mes propos auraient pu causer.

(1405)

LA LOI SUR L'IMMIGRATION

LA DÉCISION DE LA COUR SUPRÊME À L'ÉGARD DES CERTIFICATS DE SÉCURITÉ

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, vendredi dernier, la Cour suprême du Canada, dans une décision unanime de ses neuf juges, a déclaré, dans le cas de MM. Charkaoui, Almerei et Harkat, que les certificats de sécurité prévus en vertu de la Loi sur l'immigration contreviennent à trois articles de la Charte des droits et libertés. Les articles contestés sont l'article 7, « le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne [...] », et les articles 9 et 10, « le droit à la protection contre la détention ou l'emprisonnement arbitraires et le droit d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation ou de sa détention ».

La Cour suprême a conclu que le Parlement devrait modifier la Loi sur l'immigration d'ici un an pour respecter les principes de la justice fondamentale, même en périodes de lutte contre le terrorisme.

La cour a déclaré dans ses observations préliminaires :

L'une des responsabilités les plus fondamentales d'un gouvernement est d'assurer la sécurité de ses citoyens.

La cour n'a pas reconnu comme tel le droit à la sécurité, mais plutôt la responsabilité du gouvernement d'adopter une loi contre le terrorisme qui soit conforme à la Constitution et, notamment, à la garantie énoncée dans la Charte des droits et libertés.

La décision de la Cour suprême du Canada est opportune. Elle établit un juste équilibre et laisse au Parlement sa responsabilité d'adopter des modifications qui appliquent les principes de nos valeurs démocratiques en respectant l'importance de la vie humaine, de la liberté et de la primauté du droit.

Jeudi dernier, le 22 février, la veille de la décision de la Cour suprême du Canada, le comité sénatorial spécial créé il y a trois ans pour revoir la Loi antiterroriste a déposé son rapport unanime au Sénat. Le comité a siégé les lundis, a tenu 34 séances et a entendu 150 témoins, examinant non seulement la Loi antiterroriste, mais également les certificats de sécurité prévus dans la Loi sur l'immigration et invoqués dans la lutte contre le terrorisme. Le comité a consacré 25 pages de son rapport et 11 de ses 40 recommandations aux amendements qui, selon lui, étaient nécessaires pour rendre les certificats de sécurité conformes aux principes de la justice fondamentale. Permettez-moi de vous rappeler que le titre du rapport du Sénat est Justice fondamentale dans des temps exceptionnels.

Je veux en venir au fait que, dans l'ensemble, les recommandations relatives aux certificats de sécurité présentées jeudi dernier par le comité sénatorial sont du même ordre que les conclusions présentées vendredi dernier par la Cour suprême du Canada. Permettez-moi de les énumérer : tout d'abord, un intervenant spécial devrait agir à titre de conseiller indépendant à la Cour fédérale afin d'examiner la vraisemblance de la preuve sur laquelle repose la décision d'émettre un certificat de sécurité, dans le but de maintenir l'équilibre entre la nécessité de ne pas divulguer des renseignements secrets et le droit du détenu d'être défendu équitablement.

Ensuite, les étrangers ou les résidents permanents qui font l'objet d'un certificat de sécurité doivent être contrôlés par un juge dans un délai de 48 heures, et non de 120 jours comme le prévoit la loi.

Enfin, la période de détention en vertu d'un certificat devrait être réévaluée régulièrement par le tribunal afin d'éviter la détention illimitée des personnes visées.

Le Sénat pourrait profiter de l'expertise des membres du comité sénatorial lorsque le gouvernement présentera, au cours de la prochaine année, les modifications à la Loi sur l'immigration exigées par la Cour suprême du Canada.

Honorables sénateurs, le Sénat a accompli son devoir constitutionnel d'étudier en profondeur, d'une part, l'observation de la Charte des droits et libertés et, d'autre part, le besoin de mesures antiterroristes efficaces.

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA FEMME

L'honorable Nancy Ruth : Ce sera bientôt la Journée internationale de la femme. Il s'agit d'une occasion de célébrer et de s'engager sur le plan communautaire. C'est l'occasion de danser avec les femmes de nos collectivités et de partout dans le monde. Vous avez tous encore le temps de prendre part aux célébrations dans votre collectivité, puisque de nombreux événements se déroulent partout au Canada.

Le guide des producteurs de céréales de juillet 1914 renferme une magnifique carte postale en faveur du droit de vote des femmes qui contient l'inscription suivante : « Je veux voter. J'ai l'intention de voter car c'est le genre de fille que je suis! »

Depuis le milieu du XIXe siècle, les Canadiennes ont voulu l'égalité, ont eu l'intention d'être égales et ont pris des mesures pour obtenir l'égalité pour elles-mêmes, pour leurs familles et pour leurs collectivités. C'est le genre de femmes que nous sommes.

En 1907, il y a 100 ans, Marie Gérin-Lajoie et Caroline Beïque ont fondé ensemble la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste au Québec. Il s'agissait d'une association de femmes francophones qui voulaient promouvoir leurs droits civils et politiques. Ces femmes voulaient réformer le Code civil et ont exigé la tenue d'une commission d'enquête sur les droits des femmes.

(1410)

Il y a 50 ans, en 1957, Jean Lumb s'est assise à côté du premier ministre John Diefenbaker. Elle était la seule femme au sein d'un vaste groupe réuni afin de marquer la résolution du Canada à modifier les lois en matière d'immigration qui séparaient les familles chinoises. Elle a joué un rôle central dans le mouvement pour le changement. Jean Lumb a été la première Canadienne d'origine chinoise à recevoir l'Ordre du Canada.

Il y a 25 ans, la nouvelle Constitution du Canada était sur le point d'entrer en vigueur. Ses dispositions clés sur les droits à l'égalité répondaient aux attentes des femmes, qui avaient exigé qu'elles soient renforcées et qui avaient proposé des changements.

Cette année, Sheila Watt-Cloutier est en nomination pour le prix Nobel de la paix. À titre de présidente internationale de la Conférence circumpolaire inuite, elle déploie des efforts afin de faire connaître sa communauté au reste du monde et de sensibiliser les gens aux dangers que représente pour elle la dégradation de l'environnement.

Dans 25 ans, je ne serai plus ici et le Sénat aura changé. Il y aura plus de femmes, et la composition du Sénat reflètera davantage la diversité et la profondeur de notre pays. Les sénateurs étudieront de nouvelles questions, tout cela parce que nous, les parlementaires d'aujourd'hui, voulons faire ce qui s'impose. Nous accomplirons des progrès en ce qui a trait à l'éducation préscolaire, à la sûreté des filles et des femmes à la maison et à l'extérieur ainsi qu'à l'équité en matière d'emploi et de salaire. Agissons, sénateurs.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, dans le cadre des célébrations du 8 mars, j'ai assisté à une conférence intitulée « Gender, Peacekeeping and Peace-building », organisée par l'Association canadienne pour les Nations Unies. La conférence réunissait notamment des journalistes, des consultants indépendants en matière de droits de la personne et des universitaires.

J'ai eu la chance d'assister à cette conférence, organisée à l'occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars, qui portait principalement sur d'importantes questions touchant les femmes qui vivent dans des zones de conflit. En soirée, il y a eu une tribune publique à laquelle ont participé des femmes casques bleus.

Honorables sénateurs, j'ai parlé de la nécessité d'adopter la résolution 1325 du Conseil de sécurité afin d'améliorer la situation des femmes qui subissent la culture de la guerre. J'ai également souligné l'importance de la participation du Canada à tous les aspects des missions de l'ONU, afin que nous puissions faire intervenir un plus grand nombre de femmes dans les décisions.

L'ancien secrétaire général, Kofi Annan, a déclaré dans son rapport sur les femmes, la paix et la sécurité que :

Nous ne pouvons plus dévaloriser ou méconnaître les contributions des femmes et des filles à toutes les étapes du règlement des conflits [...] Une paix durable ne pourra régner sans la pleine et égale participation des femmes et des hommes.

La discussion de groupe a principalement porté sur l'Asie centrale, où les Afghanes vivent une situation catastrophique. Honorables sénateurs, permettez-moi de vous rappeler à quoi les Afghanes font face : 85 p. 100 des Afghanes sont analphabètes; environ 95 p. 100 sont régulièrement victimes de violence à la maison et leur espérance de vie moyenne est d'environ 42 ans. Les femmes médecins dans les maternités de Kaboul décrivent les terribles blessures infligées aux jeunes filles leur nuit de noce, des blessures qui mettent leur vie en danger. En campagne, loin des soins médicaux, les filles meurent. En 2003, de multiples cas d'auto- immolation ont été rapportés dans la ville de Herat. L'année suivante, autant de cas ont été rapportés à Kaboul. La situation est pire encore en campagne.

Honorables sénateurs, la situation épouvantable des femmes en Afghanistan et le fait que seulement 3 p. 100 de l'aide est affectée aux programmes à l'intention des femmes ont véritablement troublé les conférenciers. Il est ressorti clairement de la conférence que nous devons en faire davantage pour les Afghanes afin que nous puissions devenir des partenaires du changement.

De plus, on m'a demandé de dire à cette assemblée que les Canadiens s'attendent à ce que les sénateurs fassent preuve de plus de vigilance pour protéger les droits des Afghanes et faire en sorte qu'elles reçoivent plus d'aide.

[Français]

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, puisque nous célébrons aujourd'hui, bien avant le 8 mars traditionnel, la Journée internationale de la femme, je suis convaincue que, tous azimuts, on viendra nous rappeler les noms de toutes celles qui, par leur travail et leur entêtement, nous ont guidées vers des chemins introuvables il y a encore peu de temps. Au cours de cette journée spéciale, on parlera de personnes comme Roberta Bondar et Julie Payette. On nous parlera de Jeanne Sauvé et de Michaëlle Jean, de toutes ces femmes et de combien d'autres qui ont atteint des sommets que, dans notre jeunesse, nous aurions cru imprenables.

(1415)

En y pensant bien, nous nous rappellerons que, dans notre Canada, il a fallu attendre à 1929 avant que, comme femmes, nous soyons reconnues comme des «personnes». Oui, nous devons continuer et faire en sorte d'améliorer le sort des femmes de chez nous, quelle que soit leur origine, et dépenser temps et argent aussi pour celles d'ici et d'ailleurs. Quand on y regarde d'un peu plus près, c'est avec tristesse que nous nous rendons compte que beaucoup reste à faire dans notre monde.

Des petites filles sont encore forcées à demeurer illettrées, à se marier dès qu'elles atteignent la puberté; d'autres sont excisées. Partout dans le monde, des femmes sont violentées, battues, violées. Dans un monde que l'on croit pourtant meilleur, d'autres se voient encore refuser des emplois pour lesquels elles sont qualifiées, simplement parce qu'elles sont des femmes, ou alors forcées d'accepter un salaire inférieur à celui d'un homme qui accomplirait le même travail.

Une fois l'an, c'est trop peu sans doute, nous prenons le temps de nous rappeler ces réalités. Nous essayons de raviver notre désir d'égalité pour toutes et chacune.

Pourtant, en cette journée spéciale, je ne puis m'empêcher de penser à toutes ces femmes dont on ne parle jamais. Celles qui, depuis des générations, travaillent dans l'ombre, celles qui ont préparé et qui préparent encore la venue des autres, celles qui réussissent et réussiront à obtenir pour toutes les femmes la place qu'elles méritent dans notre univers.

Aujourd'hui, après leur journée au boulot, combien de femmes entreront à la maison avec le sourire pour prendre soin de leurs enfants et de leur maisonnée? Combien de grands-mères s'occuperont de l'autre génération après avoir élevé la leur? Combien d'enseignantes, en plus de la racine carrée et des règles de grammaire, s'assureront de semer des graines d'espoir et de fierté dans le cœur et la tête de leurs ouailles? Combien d'infirmières tiendront la main de personnes gravement malades ou mourantes?

Ces femmes ne gagneront pas de prix Nobel ni de Pulitzer, mais leur importance dans nos vies demeure immense.

En cette Journée internationale de la femme, nous saluerons bien sûr toutes celles qui ont accompli de grandes choses pour améliorer notre monde. Pensons aussi à celles qui, sans que rien ne paraisse, distribuent sourires et amour à tous ceux qui les entourent, à celles qui nous invitent à poursuivre nos efforts pour que l'égalité soit un mode de vie.

Malheureusement, si la Journée internationale de la femme est encore une journée de revendications, elle doit être aussi un moment privilégié pour remercier celles qui ont choisi de nous donner la vie, de nous apprendre et nous inciter à faire mieux pour toutes les femmes de la Terre. Aujourd'hui, c'est à elles que je m'adresse, c'est elles que je remercie et que j'encourage à continuer.

LA CARAVANE DE LA TOLÉRANCE

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui afin de remercier un de nos collègues, l'honorable sénateur Yoine Goldstein, d'avoir accepté d'assister aux cérémonies d'ouverture du lancement de la Caravane contre le racisme et la discrimination à Brooks, en Alberta, vendredi dernier.

La présence du sénateur Goldstein, un des fondateurs de la Fondation de la tolérance au Québec et coprésident du conseil d'administration, a rehaussé le profil et l'importance de la Caravane contre le racisme et la discrimination en Alberta. Cet événement s'inspire des activités organisées par la Fondation de la tolérance au Québec.

C'est l'Alliance Jeunesse-Famille de l'Alberta Society qui organise cette activité. Le projet vise à promouvoir la compréhension du phénomène de la marginalisation, des préjugés et de la discrimination, tout en renforçant la collaboration entre les écoles, les jeunes, la police, les médias et la communauté.

L'Alliance Jeunesse-Famille de l'Alberta Society a travaillé en partenariat avec les conseils scolaires francophones, des écoles d'immersion ainsi qu'une variété de partenaires locaux et gouvernementaux afin d'aider à stopper le racisme. Cette année, la Caravane va se déplacer vers 14 régions de l'Alberta, ce qui marque une augmentation significative depuis l'année précédente.

[Traduction]

En tant que Canadiens, nous devons aborder les questions entourant la diversité raciale, culturelle et ethnique de notre pays. En tant que peuple, nous sommes confrontés à de nombreux défis et nous devons inculquer des valeurs positives à nos jeunes — notamment la compréhension, l'acceptation et l'appréciation des différences qui forment le tissu social du Canada.

[Français]

Je puis vous assurer, honorables sénateurs, que la présence de notre collègue à cet événement a été fort appréciée par la communauté francophone de l'Alberta et qu'elle a aidé à mettre en valeur le travail important qu'effectue cette organisation.

(1420)

[Traduction]

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA FEMME

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour souligner la Journée internationale de la femme et pour demander instamment à tous les Canadiens de redoubler d'efforts pour que le droit des femmes à l'égalité devienne une priorité pour les législateurs.

Nous félicitons souvent les pays les plus développés pour leurs progrès en ce qui concerne l'égalité entre les sexes au Parlement. Toutefois, l'Union interparlementaire a fait remarquer que l'établissement d'objectifs de 30 p. 100, ce qui représente la masse critique pour faire une différence, crée un plafonnement voilé. Les pays qui se sont fixé un objectif de 30 p. 100 ne semblent pas en mesure de le dépasser et d'atteindre une réelle égalité.

Il convient de mentionner que de nouvelles démocraties et des pays émergeant de conflits ont inclus dans leurs constitutions, leurs systèmes électoraux et autres processus des mécanismes destinés à garantir un certain degré de participation des femmes au sein du gouvernement et dans les structures publiques. On sait que les femmes apportent leurs propres styles, leurs propres perspectives et leurs propres méthodes de travail, mais les accepter totalement demeure un défi.

Dans son rapport intitulé L'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale : Nous n'y sommes pas encore, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a récemment fait ressortir que, bien que nous ayons atteint l'objectif établi quant à la présence des femmes dans la fonction publique, les taux de croissance sont au plus bas. Les femmes sont encore sous- représentées dans les postes de direction. La nécessité d'une représentation accrue au Parlement et dans nos assemblées législatives est indéniable.

Comme sénateurs, nous pouvons montrer à la fonction publique et aux Canadiens que nous considérons important que les femmes assument des rôles de direction. Comme nous l'avons précisé dans notre rapport, nous n'avons pas besoin d'autres lois ou politiques. Ce qu'il faut, c'est favoriser le changement, embrasser les différences et fournir un appui réel. Nous sommes privilégiés que deux chefs aient choisi des femmes pour représenter le gouvernement et l'opposition officielle au Sénat. Nous pouvons témoigner notre appui envers le rôle de direction du sénateur LeBreton et du sénateur Hervieux-Payette en collaborant avec elles toute l'année et non seulement à l'occasion de la Journée internationale de la femme. Nous pouvons également témoigner notre appui envers les femmes qui travaillent au Sénat en veillant à ce que nos méthodes et nos pratiques soient inclusives.

Comme l'a déclaré l'Union interparlementaire :

Les femmes transforment les parlements en restant elles- mêmes. Leur présence au Parlement et leur participation active au processus législatif sont nécessaires pour que les questions les concernant soient portées sur la place publique. Les femmes changent le Parlement pour qu'il reflète la société qu'elles aspirent à créer [...] S'il est vrai qu'une seule femme peut apporter un plus, il est non moins vrai que les femmes n'auront un réel impact au Parlement que si elles sont présentes en nombre suffisant.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

LA MISSION EN AFGHANISTAN

DÉPÔT DU RAPPORT DU PARLEMENT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Parlement sur l'Afghanistan qui s'intitule : La mission du Canada en Afghanistan : mesurer les progrès.

LE BUDGET DES DÉPENSES DE 2007-2008

DÉPÔT DU BUDGET PRINCIPAL

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 28(3) du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les parties 1 et 2 du Budget principal des dépenses 2007-2008 pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2008.

LES COMPTES DU GREFFIER

DÉPÔT DES COMPTES ANNUELS DE 2006

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément au chapitre 3:05, paragraphe 5(1) du Règlement administratif du Sénat, j'ai l'honneur de déposer l'état des recettes et dépenses pour l'exercice financier qui a pris fin le 31 mars 2006.

LE BUDGET DES DÉPENSES DE 2007-2008

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ DES FINANCES NATIONALES À ÉTUDIER LE BUDGET PRINCIPAL DES DÉPENSES

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2008, à l'exception du crédit 10 du Parlement.

AVIS DE MOTION TENDANT À RENVOYER LE CRÉDIT 10 DU PARLEMENT AU COMITÉ MIXTE PERMANENT DE LA BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement soit autorisé à étudier les dépenses prévues au crédit 10 du Parlement contenues dans le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2008; et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.


(1425)

PÉRIODE DES QUESTIONS

LA JUSTICE

LA LOI ANTITERRORISTE—LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT DU COMITÉ SPÉCIAL

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Ce gouvernement a mis de l'avant une motion pour prolonger de trois ans les dispositions de la Loi antiterroriste. Le premier ministre a sans doute mal interprété le rapport du comité sénatorial lorsqu'il a dit que le Sénat appuie la prolongation de ces dispositions.

Nous, en cette enceinte, savons que ce n'est pas le cas : le comité propose un ensemble de réformes destinées à améliorer cette législation dans un contexte plus large. Le premier ministre Harper semble dire : « Faites-nous confiance, prolongeons ces dispositions et nous ne nous soucierons pas des droits humains, ou alors plus tard. »

Depuis plus de 13 mois, nous avons vu qu'il est difficile de faire confiance à ce gouvernement et de nous fier à sa parole. Madame le leader du gouvernement au Sénat entend-elle faire comprendre au premier ministre qu'il doit prendre en considération toutes les recommandations du comité, et pas seulement celles qui lui plaisent?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie madame le sénateur de sa question. La Loi antiterroriste est un texte de loi important qui a été conçu par le gouvernement précédent pour protéger les Canadiens contre des actes de terrorisme.

Aujourd'hui, les familles des victimes canadiennes des attentats du 11 septembre sont ici pour exhorter les parlementaires à appuyer la prorogation des dispositions de la Loi antiterroriste. Le premier ministre a fait savoir clairement qu'il souhaitait que l'opposition à l'autre endroit prête attention aux recommandations du Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste. Il a fait remarquer que toutes les recommandations du comité méritaient une étude attentive, et il a demandé instamment à tous les parlementaires de se prononcer en faveur de cette importante mesure législative qui, comme nous le savons, a été largement appuyée par bien des membres du parti d'en face.

Comme je l'ai dit au cours de mon intervention de jeudi dernier au Sénat, nous avons des preuves irréfutables que les mesures de cette nature sont efficaces. Elles ont été réclamées par l'ONU, au départ, et nous avons vu les résultats concrets que pouvaient donner ces mêmes dispositions, lorsqu'elles ont été invoquées au Royaume-Uni pour prévenir un grave attentat terroriste. Un grand nombre d'avions auraient pu s'abîmer dans l'Atlantique pendant leur voyage entre le Royaume-Uni et les États-Unis.

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, ma question s'adresse également au leader du gouvernement au Sénat. Les sénateurs savent que, la semaine dernière, le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste a déposé son rapport, qui est l'aboutissement de plus de deux ans de travail. Le comité a entendu quelque 150 témoins, et il a formulé 40 recommandations. Ses membres ont fait abstraction des clivages de parti et sont parvenus à produire un rapport unanime. Voilà qui est sain et souhaitable, pour peu qu'on puisse y arriver, mais ce n'est pas toujours possible. Le comité croit que son rapport incarne l'équilibre entre sécurité et droits de la personne, et j'espère que nous continuerons dans cette voie.

(1430)

Je voudrais que le leader du gouvernement au Sénat me donne une indication permettant de croire que les cinq premières recommandations seront traitées comme un tout. Elles portent toutes sur la même question, et j'espère pouvoir me faire une idée de la réaction du gouvernement à ces propositions.

Nous devons redéfinir la notion d'activité terroriste dans le Code criminel, et c'est sur ce point que portent les cinq premières recommandations. Pour établir qu'il y a « activité terroriste », il faut montrer que le motif est politique, religieux ou idéologique. Je confesse volontiers que le texte a été rédigé par le gouvernement précédent. Le texte n'est pas parfait, mais le problème est que, lorsqu'il s'agit d'établir le motif, cette partie du code met plus particulièrement l'accent sur la religion. Bien des gens, surtout parmi les musulmans, ont eu l'impression que cela était loin d'être étranger au profilage racial.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle dire au Sénat si le gouvernement est résolu à modifier ou à supprimer cette exigence?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je conviens avec le sénateur que le comité sénatorial a fait un travail exceptionnel, sans aucun sectarisme, qui a abouti à des recommandations valables. Les sénateurs Nolin et Andreychuk ont donné une séance d'information à notre caucus.

Comme le premier ministre l'a dit, le gouvernement est disposé à mettre en œuvre les recommandations du comité voulant qu'un énoncé clair et une explication quant à l'opportunité de maintenir ces mesures figurent dans chaque rapport annuel sur le recours à ces dispositions. Le premier ministre a dit sans ambiguïté que, selon lui, les recommandations du Sénat sont un moyen de régler cette question.

Plusieurs options ont été proposées à l'opposition. Malheureusement, toutes les ouvertures de nos dirigeants à la Chambre et du ministre de la Justice ont reçu pour réponse un non catégorique des dirigeants du Parti libéral à l'autre endroit. Voilà qui est regrettable, car il y aura des conséquences sur le plan de la perception du Canada par la communauté internationale.

Comme je l'ai dit dans mon intervention de jeudi, il est assez notoire que l'ONU a demandé aux États membres d'ajouter dans leurs lois des dispositions permettant de prévenir les actes de terrorisme dans leur propre territoire. Selon moi, les décisions de l'autre endroit lanceront un signal regrettable à nos partenaires de l'OTAN et de l'ONU et à nos voisins du continent nord-américain.

LA LOI SUR L'IMMIGRATION

LA DÉCISION DE LA COUR SUPRÊME SUR LES CERTIFICATS DE SÉCURITÉ—LES DÉLAIS DE RÉVISION

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je voudrais aborder la question des délais de révision. Comme madame le leader du gouvernement au Sénat le sait fort bien, la semaine dernière, la Cour suprême du Canada, dont la décision a été unanime, a dit qu'il fallait régler certains problèmes qu'elle avait soulevés, et que le Parlement aurait un an pour le faire. Fort bien. Aucune objection.

(1435)

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire vers quelle date le gouvernement compte présenter un ensemble de mesures législatives sur ces questions? Par exemple, serait-il possible de savoir si nous allons étudier ces questions avant le congé d'été, disons dès la fin de mai, soit dans trois mois environ? Serait-il raisonnable d'attendre un ensemble de mesures vers cette date, ce qui nous éviterait de perdre l'été et nous permettrait d'étudier ces mesures pendant l'été? J'essaie de voir quand nous pourrons nous attaquer à tout cela.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie le sénateur de sa question. Je ne connais pas au juste la date qu'envisage le gouvernement, mais je sais que ce dernier étudie attentivement la décision de la Cour suprême sur les certificats de sécurité. Comme le ministre Day l'a dit publiquement, nous avons l'intention de répondre en temps opportun et d'une manière catégorique à cette décision de la Cour suprême. Il m'est toutefois impossible de donner au sénateur une date précise, car je ne suis pas voyante, mais je vais certainement transmettre à mes collègues les opinions du sénateur à ce sujet.

LA DÉFENSE NATIONALE

L'AFGHANISTAN—L'APPUI DES AUTRES PAYS MEMBRES DE L'OTAN

L'honorable Jane Cordy : Ma question s'adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat. Un des pires problèmes auxquels font face l'OTAN et l'Afghanistan est celui des réserves formulées par les divers États. Bon nombre des 37 pays qui participent à la Force internationale d'assistance à la sécurité, ou FIAS, dirigée par l'OTAN en Afghanistan, ont imposé des restrictions concernant leurs troupes ou l'utilisation de leur équipement. Les réserves formulées entraînent une réduction des troupes qu'un commandant a à sa disposition.

Au cours du sommet de l'OTAN tenu l'automne dernier à Riga, le commandant suprême de l'OTAN a exhorté les pays alliés à retirer les restrictions nationales visant les opérations de leurs forces en Afghanistan, parce que ces restrictions nuisent à la capacité des commandants de lutter contre les insurgés talibans.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire ce que fait le gouvernement pour persuader les autres pays membres de l'OTAN de prendre la relève des troupes canadiennes en Afghanistan? Qu'entend faire le gouvernement si jamais les pays membres de l'OTAN autres que le Canada, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et les États-Unis refusent de retirer leurs réserves à l'égard du déploiement de leurs troupes à Kandahar et dans le sud de l'Afghanistan?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie madame le sénateur de sa question. Je ne peux pas répondre à une question hypothétique concernant ce que pourraient faire d'autres États membres de l'OTAN. On a déposé hier un rapport, une mise à jour de la situation en Afghanistan, comme on l'avait promis l'an dernier, au moment du prolongement de la mission. On a annoncé hier une aide additionnelle de 200 millions de dollars destinée à la population de l'Afghanistan, pour former non seulement des policiers, mais aussi des travailleurs médicaux et des enseignants. Les choses progressent lentement, mais beaucoup de travail a été accompli en Afghanistan et ce n'est pas fini.

Je suis au courant de la recommandation faite à la réunion de l'OTAN. Je prends note de cette partie de la question de madame le sénateur.

Le sénateur Cordy : Merci.

Honorables sénateurs, la situation n'est pas hypothétique. Le Canada, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et les États-Unis perdent leurs jeunes, leurs soldats dans le sud de l'Afghanistan. Cela se produit maintenant. J'étais à Bruxelles la semaine dernière et j'ai été interviewée par des journalistes des Pays-Bas sur cette question en particulier.

Voici ma question complémentaire. La mission de combat du Canada en Afghanistan doit prendre fin en février 2009. Le gouvernement actuel doit clairement faire connaître à l'OTAN l'intention du Canada de fixer fermement à 2009 la date de la fin de son engagement. Nous devons insister pour que les autres États membres de l'OTAN partagent le fardeau que représente la construction d'un Afghanistan stable et démocratique.

(1440)

Est-ce que le gouvernement compte informer l'OTAN des intentions du Canada pour que l'organisation puisse commencer à chercher des forces de remplacement? Avons-nous commencé à élaborer une stratégie de départ, de façon à ne pas fermer la porte, mais plutôt à mettre en place un plan pouvant bien servir le peuple afghan quand nous serons partis?

Le sénateur LeBreton : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je n'ai pas dit que notre participation, ou encore celle des Pays-Bas, du Royaume-Uni ou des États-Unis, était hypothétique. Madame le sénateur m'a interrogée au sujet des autres pays de l'OTAN. Certains indices positifs permettent de croire que d'autres pays de l'OTAN sont disposés à intensifier leur participation.

Pour ce qui est de la question du sénateur relativement à 2009, nous sommes encore à un an de l'engagement pris par le gouvernement précédent de stationner des troupes à Kandahar. Nous sommes là depuis un an. Évaluer en février 2007 la situation qui pourrait prévaloir en 2009 est plutôt prématuré.

LA JUSTICE

LA NOMINATION DES JUGES—LA PRÉSENCE DE REPRÉSENTANTS DE LA POLICE AU SEIN DES COMITÉS DE SÉLECTION

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Ma question s'adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat. Nous avons tous beaucoup de respect pour le travail de nos forces policières et pour le professionnalisme dont elles font preuve tous les jours. Ces forces représentent bien notre pays.

Toutefois, j'ai été très déconcertée par la récente décision du gouvernement d'ajouter un membre des forces policières aux comités de sélection des juges et d'enlever un vote au représentant de la magistrature. Ces comités formulent des recommandations pour la nomination des juges des cours supérieures. Ces cours travaillent essentiellement dans les domaines du droit civil et du droit de la famille. Plusieurs juridictions ont des cours supérieures entièrement consacrées au droit de la famille.

Dans notre pays, la police a relativement peu de contacts avec le barreau. Son expertise dans le domaine judiciaire est assez limitée. La police n'a pas grand-chose à dire en matière de droit civil et de droit de la famille. La nomination d'un plus grand nombre d'avocats recrutés parmi les procureurs qui se montrent sévères envers les criminels, mais qui n'ont pas d'expérience dans la majorité des domaines dans lesquels les tribunaux travaillent, ne peut pas donner de bons résultats.

Pourquoi nommer des policiers à un comité de la magistrature chargé de recommander des juges pour l'ensemble du système judiciaire?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. J'ai répondu avant Noël à une question semblable du sénateur Milne. Nous avons modifié la composition des comités consultatifs pour la magistrature qui, soit dit en passant, avaient été créés en 1988 sous le gouvernement conservateur précédent.

Si madame le sénateur voulait bien vérifier les comptes rendus de l'époque où ces comités avaient été créés — le sénateur St. Germain s'en souviendra sûrement —, elle constaterait qu'il y avait eu de grandes protestations parce qu'on affirmait qu'ils influenceraient indûment l'appareil judiciaire. Or, ces comités ont rendu de précieux services.

Nous avons fait 16 changements en ajoutant 16 membres aux comités consultatifs de tout le pays. Ces membres sont des agents de police, c'est-à-dire des intervenants de première ligne qui s'occupent des victimes du crime et qui sont bien placés pour comprendre la loi. Nous savons que la police est présente dans nos tribunaux et qu'elle travaille sur différentes affaires.

En toute franchise, je ne vois pas en quoi l'ajout d'un agent de police peut empêcher les comités de donner des conseils. Ce ne sont en effet que des comités consultatifs. La décision finale appartient au ministre de la Justice et au gouvernement.

Je crois que les craintes suscitées par l'ajout d'un agent de police au sein de ces comités ne sont pas fondées. Je suis persuadée que nous arriverons ainsi à nommer à la magistrature des personnes extrêmement compétentes qui appliqueront les lois d'une façon rationnelle et sans parti pris.

(1445)

Le sénateur Jaffer : Honorables sénateurs, je voudrais poser une question complémentaire au leader. En ajoutant un agent de police à ces comités, pourquoi croyez-vous qu'il soit nécessaire d'enlever le droit de vote à la magistrature?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, tout d'abord, ce sont des comités consultatifs. Ensuite, la magistrature aura le droit de vote en cas d'égalité des voix. Tous les membres de ces comités à qui j'ai parlé, qu'ils soient libéraux, conservateurs ou non partisans, ont affirmé qu'en général, les noms proposés aux comités font l'objet d'un assez large consensus. Il n'arrive presque jamais que les membres soient partagés. Toutefois, si cela devait arriver et qu'il y avait égalité des voix, le juge membre du comité aurait une voix prépondérante.

LE COMMERCE INTERNATIONAL

L'ALLEMAGNE—L'INTERDICTION DES PRODUITS DU PHOQUE

L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, le ministre de l'Agriculture de l'Allemagne a déclaré hier qu'il avait l'intention d'interdire l'importation de tous les produits du phoque. La chasse au phoque rapporte en moyenne quelque 3 000 $ de revenu annuel à chacun des 5 000 Canadiens qui y participent. Dans des régions qui connaissent des taux de chômage très élevés, des taux de 30 p. 100 supérieurs à la moyenne canadienne, c'est là un revenu important.

Ma question au leader du gouvernement au Sénat est la suivante : quelles mesures proactives le gouvernement prend-il pour empêcher l'adoption de cette interdiction? Quelles mesures le gouvernement prend-il pour préserver le gagne-pain et la réputation de milliers de citoyens du Québec, du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve-et- Labrador, du Nunavut et des Autochtones du Canada?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Il n'y a pas de doute que l'industrie du phoque est vitale pour la côte Est et le Nord. J'ai appris ce matin la décision prise par l'Allemagne. Pour le moment, je prends simplement note de la question. Je ne sais pas ce que sera la réaction officielle. Je m'efforcerai d'obtenir une réponse le plus tôt possible.

Bien sûr, la chasse aux phoques a un grand défenseur dans la personne de madame le sénateur Hervieux-Payette. L'année dernière, je m'en souviens, elle avait monté une défense énergique de l'industrie, pour laquelle elle a été applaudie à juste titre. Toutefois, je suis heureuse de prendre note de la question de l'honorable sénateur.

Le sénateur Milne : Je remercie l'honorable sénateur de sa réponse. Je voudrais cependant noter qu'à titre de présidente de l'Association parlementaire Canada-Europe, j'ai mené ce combat au Conseil de l'Europe pendant plus de trois ans. L'affaire échappe maintenant au contrôle des parlementaires. Elle est passée à l'échelon ministériel. Il est donc essentiel que le premier ministre du Canada s'en mêle. J'exhorte madame le leader à lui demander de bien vouloir prendre des mesures proactives le plus tôt possible.

Le sénateur LeBreton : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je serai heureuse de faire part de son point de vue et de son appui énergique de l'industrie à mes collègues du Cabinet. Bien sûr, la chasse au phoque attire toujours beaucoup d'attention à ce moment de l'année. Je voudrais dire en passant que, dans les années 1970 — le sénateur Segal s'en souvient sans doute —, M. Stanfield était chef du parti et j'étais responsable de la correspondance. J'avais alors beaucoup de sympathie pour les petits blanchons, et je n'arrêtais pas de rédiger des ébauches de lettres. Finalement, M. Stanfield m'a dit : « Je pense que nous ferions mieux de trouver quelqu'un d'autre pour rédiger ces lettres parce que nous n'y sommes pas du tout. »

Quoi qu'il en soit, j'ai décidé par la suite de me renseigner sur l'importance de l'industrie de la chasse au phoque. Je prends donc très au sérieux les observations de l'honorable sénateur.

(1450)

Le sénateur Milne : Compte tenu des lettres qu'elle a déjà écrites, je voudrais rappeler à madame le leader du gouvernement au Sénat que le Canada ne tue plus ces jolis petits animaux depuis maintenant beaucoup plus de 20 ans.

Le sénateur LeBreton : Je le savais et je trahis mon âge, mais l'incident dont il est question a eu lieu il y a plus de 20 ans. De fait, c'était au début des années 1970. Je sais très bien quelle est la situation depuis 20 ans. Malheureusement, nous sommes devant un mythe qui persiste partout dans le monde.

AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET COMMERCE INTERNATIONAL

QUESTIONS AU PRÉSIDENT DU COMITÉ

L'honorable Tommy Banks : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Mardi dernier, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a présenté au Sénat un excellent rapport qui a été très bien accueilli et abondamment commenté au Canada. Le rapport était accompagné d'un excellent discours du président du comité, le sénateur Segal, nous informant de sa provenance et des efforts consentis par son comité et ses prédécesseurs, ainsi que de la raison d'être et du contexte des 40 recommandations qu'il contenait.

C'est ce qui attira notre attention sur les questions importantes ayant trait au rôle du Canada en Afrique, et j'ai donc saisi l'occasion de lire le rapport, comme l'ont fait bon nombre de Canadiens, le jour suivant, qui était le mercredi.

Or, jeudi, durant les déclarations de sénateurs, le sénateur Segal a pris la parole et prononcé un discours dans lequel il a dit qu'il avait démissionné de ce comité. Ce jour-là, j'ai voulu poser une question au sujet du rapport, ce que je ferai au moment opportun. Lorsque cette question a été abordée par la suite lors de la période des questions, j'ai demandé au leader du gouvernement au Sénat à qui je devrais poser des questions concernant le rapport, étant donné que le sénateur Segal nous avait dit qu'il n'en était plus le président.

Voici ce qu'elle m'a répondu :

Honorables sénateurs, nous sommes censés former une Chambre de second examen objectif. Une question aussi puérile ne mérite pas une réponse.

Si je suis venu ici, c'est précisément pour poser des questions stupides; c'est mon travail. Madame le leader pourrait-elle m'expliquer en quoi et pourquoi ma question était puérile?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Toute la période des questions de la séance de la veille avait porté sur ces questions relatives aux affaires internes. Je reconnais que le sénateur Segal a fait un excellent discours très réfléchi sur le rapport portant sur l'Afrique. Ce rapport a suscité de nombreux éloges et je dirai simplement au sénateur que j'ai interprété sa question dans le contexte du moment où elle a été posée, et comme je l'ai dit à ce moment-là, je ne répondrai à aucune question portant sur une affaire interne relevant du caucus.

[Français]

RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question orale posée par l'honorable sénateur Dallaire, le 21 février 2007, concernant la Fondation autochtone de guérison.

LES AFFAIRES INDIENNES ET LE NORD CANADIEN

LA FONDATION AUTOCHTONE DE GUÉRISON—LE MANQUE DE FINANCEMENT

(Réponse à la question posée le 21 février 2007 par l'honorable Roméo Antonius Dallaire)

La Fondation autochtone de guérison doit recevoir un fonds de dotation de 125 millions de dollars à la date d'entrée en vigueur de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Ce fonds permettra à la Fondation autochtone de guérison de continuer son travail afin d'appuyer les anciens élèves et les collectivités autochtones du Canada dans leur guérison.

Le nouveau gouvernement du Canada continue de collaborer avec la Fondation autochtone de guérison pour que celle-ci puisse poursuivre son important travail à l'approche de la mise en œuvre de la Convention de règlement. Le ministre a demandé aux dirigeants du ministère de présenter des options afin de pallier le manque de financement entre le début du prochain exercice financier et la date de mise en œuvre de la Convention de règlement, prévue au cours de l'année 2007.

[Traduction]

AGRICULTURE ET FORÊTS

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER PENDANT L'AJOURNEMENT DU SÉNAT

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion :

L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l'article 95(3)a) du Règlement, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à siéger entre le lundi 5 mars 2007 et le vendredi 9 mars 2007, inclusivement, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine.


(1455)

ORDRE DU JOUR

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tkachuk, appuyée par l'honorable sénateur Eyton, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-9, Loi modifiant le Code criminel (emprisonnement avec sursis).

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : J'ai le plaisir d'intervenir au sujet du projet de loi C-9 et de répondre aux propos que notre collègue, le sénateur Tkachuk, a tenus la semaine dernière.

Il existe entre nous une sorte de respect mutuel, bien que je croie que le respect qu'il a pour moi découle moins du fait que je suis avocate que du fait que je suis la fille d'un agriculteur.

Le sénateur Tkachuk nous a demandé de faire preuve d'esprit de coopération bipartisane et cela me paraît opportun. En fait, c'est l'esprit de coopération bipartisane manifesté à l'autre endroit qui a fait de ce projet de loi ce qu'il est aujourd'hui. Il est différent de celui qui a été présenté en mai 2006. Le sénateur Tkachuk a également donné un bon résumé des raisons pour lesquelles, à son avis, les peines d'emprisonnement avec sursis ont été ajoutées au Code criminel. J'aimerais revenir sur certaines de ses observations, car il est très important que nous comprenions les principes qui sous- tendent la détermination de la peine en droit criminel.

Comme les sénateurs le savent, la condamnation à l'emprisonnement avec sursis a vu le jour en 1994 par l'intermédiaire du projet de loi C-41. Cette mesure législative a inscrit de nouveaux articles dans le Code criminel et elle a défini, pour la première fois, les buts et les objectifs du processus de détermination de la peine. En vertu de cette définition, le Parlement donnait aux tribunaux la voie à suivre au moment d'imposer une peine. De plus, les juges étaient tenus de justifier, dans tous les cas, les peines imposées. Cette exigence avait pour objet d'augmenter l'accès de la population aux dispositions de la loi concernant le processus de détermination de la peine et de rendre ce processus plus facile à comprendre et à prédire. L'article 718 du Code criminel précise ainsi les objectifs des peines :

a) dénoncer le comportement illégal;

b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

Au moment de la présentation du projet de loi C-41, le Canada avait un taux d'incarcération extrêmement élevé par rapport à celui de la plupart des autres pays industrialisés. Non seulement cela coûtait cher, mais les études révélaient que ce n'était pas efficace. Pour l'auteur d'une première infraction ou d'une infraction mineure, l'incarcération pouvait même réduire les chances de réinsertion dans la société en tant que citoyen respectueux des lois.

Le ministère de la Justice, sous le gouvernement de M. Mulroney, était de ceux qui disaient que la tendance exagérée à l'incarcération au Canada allait à l'encontre du but recherché. Dans les années 1990, un document de travail a servi à établir un cadre pour la détermination de la peine, les affaires correctionnelles et la mise en liberté sous condition, et à orienter une réforme. Ce rapport disait que nous allons instinctivement vers les longues peines pour punir les délinquants, alors qu'il est prouvé que les longues peines d'emprisonnement augmentent le risque de récidive.

Au bout du compte, la sécurité publique diminue au lieu d'augmenter quand on libère, sans la moindre surveillance, le délinquant qui a purgé toute sa peine, mais qui ne s'est pas amendé.

Voilà ce qui nous amène au sujet qui nous intéresse vraiment dans le projet de loi C-9, l'imposition de peines d'emprisonnement avec sursis. Le projet de loi C-41 a conféré aux tribunaux assez de souplesse pour imposer une peine d'emprisonnement avec sursis pour toute infraction non visée par une peine minimale d'emprisonnement, à condition que la peine soit de moins de deux ans.

Ces peines doivent être conformes aux principes régissant la détermination de la peine que je viens d'énoncer, et le tribunal doit être convaincu qu'il n'y a aucun risque pour la sécurité publique.

(1500)

Comme je l'ai déjà mentionné, les juges doivent donner des motifs détaillés justifiant les peines imposées. J'aimerais prendre le temps d'expliquer précisément ce qu'est une peine d'emprisonnement avec sursis. Aux termes de l'article 742.3(1) du Code criminel, afin d'être admissible à une peine avec sursis, le délinquant est tenu :

a) de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite;

b) de répondre aux convocations du tribunal;

c) de se présenter à l'agent de surveillance dans les deux jours ouvrables suivant la date de l'ordonnance, ou dans le délai plus long fixé par le tribunal, par la suite, selon les modalités de temps et de forme fixées par l'agent de surveillance;

d) de rester dans le ressort du tribunal, sauf permission écrite d'en sortir donnée par le tribunal ou par l'agent de surveillance;

e) de prévenir le tribunal ou l'agent de surveillance de ses changements d'adresse ou de nom et de les aviser rapidement de ses changements d'emploi ou d'occupation.

De surcroît, un tribunal qui impose une peine avec sursis peut demander au délinquant :

a) de s'abstenir de consommer de l'alcool ou d'autres substances toxiques, des drogues, sauf sur ordonnance médicale;

b) de s'abstenir d'être propriétaire, possesseur ou porteur d'une arme;

c) de prendre soin des personnes à sa charge et de subvenir à leurs besoins;

d) d'accomplir au plus deux cent quarante heures de service communautaire au cours d'une période maximale de dix- huit mois;

e) de suivre un programme de traitement approuvé par la province;

f) d'observer telles autres conditions raisonnables que le tribunal considère souhaitables [...] pour assurer la bonne conduite du délinquant et l'empêcher de commettre de nouveau la même infraction ou de commettre d'autres infractions.

Honorables sénateurs, on croit souvent que les peines avec sursis et les peines d'emprisonnement sont la même chose, sauf que la personne qui purge sa peine avec sursis peut le faire dans le confort de son foyer et même sortir, à condition de respecter de modestes restrictions. C'est faux. Les peines avec sursis doivent être purgées au complet. Il n'y a pas de remise de peine. Si les conditions imposées par le juge ne sont pas respectées, et le seuil de tolérance est très bas, la personne passera le reste de sa peine en prison. En ce sens, les peines avec sursis peuvent être beaucoup plus dures que les peines d'emprisonnement. Toute une gamme de conditions peuvent être imposées, y compris la détention à domicile, qui peut représenter une très grande restriction de la liberté.

Les juges ont l'obligation, et non pas seulement la possibilité, de tenir compte des dispositions du Code criminel sur la peine avec sursis, quand les conditions le permettent. C'est l'instruction précise donnée aux tribunaux par le Parlement, et pas un exemple de mollesse des tribunaux face au crime.

Honorables sénateurs, cette mesure permet aux juges d'imposer une peine en gardant à l'esprit à la fois la nécessité d'assurer la sécurité publique et celle de tenir compte des circonstances particulières et de la personnalité de l'accusé. Les règles fourre- tout, comme celles qui étaient proposées dans la version originale du projet de loi C-9, limitent gravement le pouvoir discrétionnaire du juge.

L'Association du Barreau canadien a fait remarquer dans son mémoire au comité de l'autre endroit que cela pourrait éliminer une importante solution de remplacement dans des cas où l'emprisonnement n'est pas nécessaire. Elle « a confiance dans l'expérience pratique et les solides connaissances juridiques des juges et croit au rôle indépendant qu'ils jouent au sein du système de justice. »

Les auteurs du mémoire poursuivent ainsi :

La ou le juge au procès a en outre la possibilité d'observer l'accusé, l'accusée, d'apprendre les détails de son histoire et les circonstances particulières de la cause et de connaître les conditions qui prévalent dans la communauté locale.

D'après ce que je peux voir, le gouvernement actuel croit que les juges ont abusé de leur pouvoir discrétionnaire et que des auteurs de crimes avec violence n'ont pas été punis comme ils l'auraient dû. C'est pourquoi il a modifié le processus de nomination des juges, avec l'intention avouée de nommer plus de juges partageant son idéologie. C'est aussi la raison pour laquelle il a présenté le projet de loi C-9 dans sa version originale. Je suis d'accord avec l'Association du Barreau canadien pour dire que le projet de loi, s'il avait été adopté, aurait gravement réduit l'indépendance des juges et la latitude qui leur est laissée, et qu'il y aurait eu une augmentation radicale du taux d'incarcération.

Honorables sénateurs, le projet de loi dont nous sommes saisis ménage un certain équilibre, précisant la volonté du Parlement en matière de détermination de la peine, mais sans ramener pour autant les juges à un rôle de machines, incapables de tenir compte des circonstances et du contexte propres à une affaire donnée. Je voudrais poursuivre en soulignant un principe qui, à mon sens, est au cœur du régime de peines avec sursis.

L'incarcération n'est pas toujours la solution. Nous pourrions nous contenter de jeter en prison tous les délinquants, mais, dans la plupart des cas, il est impossible de jeter la clé. Tôt ou tard, la plupart des prisonniers ou des personnes condamnées sortent de prison, et ils doivent apprendre à vivre dans notre société. Il peut être bénéfique pour la personne en cause et la société dans son ensemble que le délinquant acquière de nouvelles aptitudes et vive dans la société.

Notre collègue nous a présenté un certain nombre de cas où, selon lui, une peine avec sursis s'est soldée par un échec. Le sénateur Murray a fait remarquer que parfois, dans ces cas, si on les envisage dans leur contexte, la justification est meilleure qu'elle ne le semble au départ. Je suis d'accord avec lui, car, dans ma carrière d'avocate, j'ai constaté que la peine avec sursis était toujours une bonne solution pour tous ceux qui étaient en cause.

Je ne vais pas entrer dans les détails, et je vais éviter de donner des noms, mais je voudrais ajouter quelques exemples de mon cru. Il y a quelques années, en Colombie-Britannique, un homme a agressé sexuellement son jeune fils. Il n'a pas été emprisonné; il a reçu une peine avec sursis. Il s'agissait d'un crime affreux, perpétré par un père qui avait abusé de son autorité et de la confiance de son fils. Si nous en restions là, cette cause contribuerait probablement à cette perte de confiance du public, dont le sénateur a parlé, envers le régime de sanctions et l'administration de la justice; considérez cependant les circonstances qui ont mené à cette décision. D'abord, la famille dépendait de cet homme, qui devait payer le soutien de l'enfant et la pension alimentaire. S'il s'était arrêté de travailler, les personnes à sa charge auraient perdu cette source de revenu et seraient devenues complètement dépendantes du régime d'aide sociale. Qui plus est, en prison, il n'y aurait eu aucun moyen de contraindre cet homme très malade à consulter pour régler ses problèmes.

Dans cette affaire, le juge a remarqué que l'homme répugnait à accepter un traitement. S'il avait été incarcéré, il aurait pu être libéré sans condition après deux ans ou moins, sans jamais avoir suivi quelque traitement que ce soit. Les conditions auraient été rares, voire inexistantes. Qui plus est, en vertu des conditions de la peine avec sursis, cet homme a été assigné à résidence entre 18 heures et 7 heures du matin. Il ne pouvait sortir de chez lui en dehors de ces heures que pour se rendre au travail, aller en consultation et faire ses courses. Il devait continuer de faire les versements pour le soutien de l'enfant et la pension alimentaire de son ex-femme. Enfin, il était tenu de se rendre à des séances de consultation au moins une fois par semaine, à moins que son conseiller n'estime qu'une fréquence plus élevée s'impose.

La peine n'a pas été facile pour cet homme; il aurait peut-être même préféré la prison. C'était cependant ce qu'il y avait de mieux pour sa famille, pour la société et, en fin de compte, pour lui-même. La version du projet de loi C-9 qui a été présentée en mai dernier aurait rendu impossible ce genre de peine.

Une autre affaire concernait un jeune homme originaire d'Afghanistan qui avait été reconnu coupable de voies de fait. Là encore, le tribunal a opté pour une peine avec sursis. Et là encore, si on ne tenait pas compte des facteurs particuliers, on pourrait se croire devant un exemple d'échec du tribunal. Le jeune homme en question avait été gravement traumatisé par la violence en Afghanistan. À un moment donné, il avait même été emprisonné contre son gré dans une petite pièce, complètement isolé. Le juge a estimé que l'incarcération ne ferait que le traumatiser davantage et aggraver les problèmes qui étaient en partie à l'origine de l'infraction. L'incarcération ne servirait pas les intérêts de la société.

Le tribunal a ordonné au jeune homme de trouver du travail, de faire régulièrement rapport de son emploi à son surveillant, de faire 40 heures de travail communautaire par mois tant qu'il n'aurait pas de travail, de se présenter régulièrement à des séances de consultation et de rester chez lui de 19 heures à 7 heures.

Honorables sénateurs, voilà des exemples de peines avec sursis qui seraient devenues impossibles, si la version du C-9 qui a été présentée aux Communes en mai dernier avait été adoptée. Même avec ce que mon collègue a proposé dans son intervention, il est peu probable qu'il y aurait eu dans ces cas une solution de rechange à l'incarcération.

Je sais que le sénateur Tkachuk est disposé à faire des compromis. Je respecte cela. Et je sais que, au comité, nous ferons une étude approfondie du projet de loi. Nous en ferons rapport et présenterons les recommandations du comité à cette assemblée.

(1510)

Honorables sénateurs, permettez-moi d'aborder un autre aspect du projet de loi C-9 — les effets qu'il aura sur l'administration de la justice. J'aimerais parler plus particulièrement des effets qu'il aura sur notre système d'aide juridique. Je trouve cette question très importante. Elle est importante pour ma collectivité, en Colombie- Britannique, et pour des collectivités aux quatre coins du pays. Cette question touche les Canadiens les plus vulnérables. Voici un autre extrait du mémoire que l'Association du Barreau canadien a présenté au comité dans l'autre endroit :

Dans sa forme, la proposition entraînera inévitablement d'autres procès en raison du nombre inférieur de plaidoyers de culpabilité. Ce facteur seul nuirait à la réputation d'efficacité du système de justice et augmenterait sans nul doute le nombre de demandes de financement de l'aide juridique. En plus des coûts énormes liés à l'incarcération en hausse des contrevenants, et particulièrement dans les circonstances où le contrevenant et l'infraction commise ne présentent pas de danger pour la communauté, les conséquences finiraient par être très lourdes au plan social. [...] Qui plus est, l'absence de cette discrétion qui normalement permet au juge de parvenir à un résultat juste dans une cause particulière pourrait avoir une incidence disproportionnée sur les populations déjà surreprésentées au sein du système de justice, notamment les personnes démunies, les peuples autochtones, les membres des minorités visibles et les personnes souffrant de troubles mentaux.

Le programme menace des personnes qui dépendent du système d'aide juridique. Des mères seules qui réclament des pensions alimentaires non payées, des femmes qui essaient de se sortir d'une relation de violence et des pères divorcés qui réclament des droits de visite de leurs enfants seront frappés par la mesure. Comme les fonds de l'aide juridique vont davantage du côté de la justice pénale, l'aide dans les causes civiles en souffrira inévitablement. Dans les deux systèmes, l'aide juridique est étirée au maximum.

Honorables sénateurs, sauf votre respect, je dirai qu'il est très révélateur que, dans son premier budget, le gouvernement ait prévu des fonds additionnels pour les pénitenciers afin d'y accueillir l'afflux de nouveaux détenus puisque nous revenons à une tendance excessive à l'incarcération. Cependant, en dépit des demandes unanimes des premiers ministres provinciaux et des avertissements du monde de l'aide juridique de ma province et d'ailleurs, qui jugent que le projet de loi porterait un coup fatal au système d'aide juridique au Canada, le gouvernement n'a ni rétabli ni stabilisé le niveau des fonds accordés aux provinces pour administrer le système d'aide juridique.

En dépit des changements positifs à la loi que l'autre endroit propose dans le cadre de la mesure législative dont nous sommes saisis, je persiste à croire que le projet de loi aggrave le problème qui existe déjà. Je continue de demander au gouvernement de rétablir et de stabiliser le financement de l'aide juridique. Il y aura un budget dans moins d'un mois et j'espère sincèrement que des fonds y seront prévus pour l'aide juridique.

Honorables sénateurs, j'attends avec impatience de pouvoir examiner le projet de loi à fond au comité afin d'aborder les questions soulevées par mon collègue et moi et de présenter des recommandations au Sénat.

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Français]

L'ÉTUDE SUR L'APPLICATION DE LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES, LES RÈGLEMENTS, LES INSTRUCTIONS ET LES RAPPORTS PERTINENTS

ADOPTION DU RAPPORT PROVISOIRE DU COMITÉ DES LANGUES OFFICIELLES ET DE LA MOTION DEMANDANT UNE RÉPONSE DU GOUVERNEMENT

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des langues officielles (projet de règlement déposé en réponse à l'arrêt de la Cour fédérale dans l'affaire Doucet c. Canada), déposé au Sénat le 22 février 2007. —(L'honorable sénateur Chaput)

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, je propose :

Que le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles portant sur les changements proposés au Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation des services, déposé au Sénat le 22 février 2007, soit adopté et que, en application du paragraphe 131(2) du Règlement, le Sénat demande au gouvernement d'y fournir une réponse complète et détaillée, le président du Conseil du Trésor étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

— Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des langues officielles soumet son rapport concernant le projet de règlement déposé en réponse à l'arrêt de la Cour fédérale dans l'affaire Doucet c. Canada.

Le 7 octobre 2006, le gouvernement du Canada a publié un projet de règlement dans la Gazette du Canada modifiant le Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation des services, dans le but de le rendre conforme à l'ordonnance de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire Doucet c. Canada.

L'affaire Doucet a débuté en mars 1998 lorsque le demandeur a été arrêté pour excès de vitesse sur la Transcanadienne à Amherst, en Nouvelle-Écosse. L'agent de la GRC ne pouvait pas s'exprimer en français. Le demandeur a contesté, en expliquant que l'évaluation de la demande devait tenir compte du volume de francophones qui circulaient sur la Transcanadienne. La Cour fédérale a conclu qu'un nombre suffisamment important de francophones circulaient sur la Transcanadienne pour constituer une demande importante.

Au cours de l'automne 2006 et au début de l'hiver 2007, le comité a entendu plusieurs témoins, dont le commissaire aux langues officielles, des représentants de l'Association des juristes d'expression française de la Nouvelle-Écosse, le président du Conseil du Trésor et des représentants de la Gendarmerie royale du Canada.

Le commissaire, M. Graham Fraser, a qualifié le changement au règlement de minimaliste et aurait souhaité que le gouvernement profite de cette occasion pour envisager une modernisation plus globale de celui-ci. M. Fraser a ajouté qu'il ne pouvait appuyer le projet de règlement dans son libellé actuel. D'après lui, l'exigence d'établir une demande annuelle de services d'au moins 5 p. 100 ignorait le jugement de la Cour fédérale car le juge avait retenu la preuve que la demande de services en français de la part du public voyageur dans cette région excédait largement 5 p. 100. Le commissaire a suggéré que le projet de règlement soit modifié en conséquence.

L'Association des juristes de langue française de la Nouvelle- Écosse a aussi recommandé une modification au règlement pour que soit reconnue la vocation particulière des bureaux de la GRC, qui patrouillent la Transcanadienne, de façon à assurer que ces services soient toujours disponibles dans les deux langues officielles. Cet organisme a également suggéré la modification des critères de la demande importante pour que soit reconnu le droit du public voyageant sur la Transcanadienne de recevoir des services de la GRC dans la langue officielle de son choix.

(1520)

Le président du Conseil du Trésor, l'honorable John Baird, a déclaré au comité que le projet de règlement était une réponse précise à un problème précis, mais il a soutenu qu'il était prêt à recevoir des suggestions.

Suite à l'analyse des témoignages reçus, le comité est d'avis que le projet de règlement proposé adopte une approche minimaliste et qu'il aurait dû avoir une portée plus large.

Tout en reconnaissant que la GRC a progressé au cours des dernières années en augmentant la capacité de bilinguisme de ses forces policières, le comité croit qu'il est temps que celle-ci adopte une approche proactive et élabore un plan visant à améliorer l'offre des services bilingues sur la Transcanadienne.

Le comité estime qu'il est aussi grand temps de procéder à une refonte en profondeur du Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation des services — afin que celui-ci tienne compte, entre autres, des droits linguistiques du public voyageant sur la Transcanadienne.

Je remercie tous les membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles pour leur engagement et leur coopération. Nous attendrons avec impatience la réponse du gouvernement.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

LA POLITIQUE D'IMMIGRATION

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Callbeck, attirant l'attention du Sénat sur l'importance de la politique d'immigration canadienne pour le développement économique, social et culturel des régions du Canada.—(L'honorable sénateur Tardif)

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui au sujet de l'importante question de la citoyenneté et de l'immigration au Canada.

Je suis fière de dire que le Canada est mon pays. Comme vous le savez tous, je suis arrivée dans ce grand pays en tant que réfugiée qui fuyait l'Ouganda. Des millions de personnes ont fait comme moi et continuent d'arriver dans ce grand pays qu'est le Canada.

Notre système d'immigration doit être assez bon pour soutenir la demande et pour traiter chaque personne avec dignité et respect.

Honorables sénateurs, aujourd'hui, je vous ferai part de certains cas qui ont été portés à mon attention depuis que je siège dans cette auguste assemblée. Je suis régulièrement saisie de cas de travailleurs qualifiés qui font une demande d'immigration.

Les parents d'une dame du Royaume-Uni vivaient au Canada, lorsque le père est décédé subitement. La mère malade est restée seule et elle ne pouvait compter sur personne pour s'occuper d'elle. Elle souffrait de problèmes rénaux chroniques, d'insuffisance cardiaque puisque son cœur ne fonctionnait qu'à 20 p. 100 de sa capacité et d'hypertension artérielle et, par surcroît, elle avait déjà fait une crise cardiaque. Huit mois avant le décès du père, la dame, qui résidait au Royaume-Uni, a fait une demande de résidence permanente à titre de travailleur qualifié.

Désespérée après le décès de son père, elle a écrit à Immigration Canada pour demander que sa demande soit traitée dans les meilleurs délais possibles afin qu'elle puisse donner à sa mère les soins nécessaires. On lui a répondu qu'il lui faudrait attendre au moins 54 mois avant qu'on prenne connaissance de sa demande. Entre-temps, sa mère a été confiée aux bons soins de gens ici au Canada.

Je pose donc la question suivante aux honorables sénateurs : certaines autorisations devraient-elles êtres données aux personnes qui finiront, de toute façon, par venir s'établir au Canada?

Les demandes de parrainage posent de nombreux défis. Des immigrants possédant une solide éducation souhaitent s'établir au Canada pour lancer leur propre entreprise. Ils viennent également au Canada pour s'occuper de leurs parents âgés et subvenir aux besoins de ceux-ci au Canada.

En juin 2004, ils font parvenir leur demande au bureau de l'immigration. Les fonctionnaires y tamponnent la date de réception avant de la faire entrer dans le système. Le dossier s'empoussière pendant encore 28 mois. Et dire que ces personnes veulent améliorer notre économie! Pendant ces 28 mois, leur père décède. Ils sont abattus par le chagrin et ils s'inquiètent de leur mère qui est maintenant en Inde.

Ils me demandent si je peux les aider. Je ne peux pas faire grand- chose pour eux. Le dossier de leur mère est d'abord examiné à New Delhi pendant six mois. En moyenne, le traitement d'une demande prend 36 mois de plus. On a dit à ces personnes qui ont maintenant fondé une entreprise au Canada qu'il faudrait trois ans avant que leur mère vieillissante vienne les rejoindre.

Aujourd'hui, en 2007, le ministère est en train de traiter des demandes de parrainage pour des parents qui ont été présentées en novembre 2004. Honorables sénateurs, je vous demande respectueusement d'examiner ce qui cloche dans notre système.

En ce qui concerne les demandes de statut de réfugié pour des considérations d'ordre humanitaire, je donnerai l'exemple de cette Jordanienne instruite, qui occupe le poste de directrice d'une école locale. Pour ses enfants, elle est une femme moderne et cultivée. C'est leur modèle. Elle a deux filles très jolies. Dans son village, elle est une femme à l'aise financièrement et respectée. Elle semble donc mener une vie parfaite en Jordanie. Cependant, derrière les portes closes de son domicile, son époux la bat et elle craint même pour sa vie.

La Jordanie est un pays reconnu pour la pratique de meurtres pour l'honneur. Il s'agit du meurtre de femmes qui auraient manqué de respect envers un homme de leur famille ou qui l'auraient déshonoré. Ce pourrait être par exemple le simple fait de dire à l'homme quels devraient être les droits de la femme.

Cette femme s'est enfuie au Canada et elle est venue me voir lorsque je suis devenue sénateur. Elle était absolument traumatisée. Elle ne pouvait vaquer à ses activités quotidiennes à cause des années de torture qu'elle avait subies. Elle avait besoin d'aide pour recoller les morceaux. Elle avait besoin d'aide simplement pour raconter ce qui lui était arrivé. Elle pensait que personne ne la croirait.

Je vais vous raconter son histoire. Son mari la battait régulièrement et a même tenté de la tuer plusieurs fois, et il a presque réussi. Elle avait quatre enfants. Tous les quatre ont vu leur père battre leur mère, ce qui les a profondément marqués.

Après que son mari eut tenté de la tuer plusieurs fois, elle a trouvé le courage de partir. Elle a abandonné ses enfants, sa carrière et sa famille pour une chose : sa sécurité, sa sûreté.

Nous, au Canada, savons que ce genre de meurtre se pratique dans de nombreuses régions du monde, mais notre système d'immigration ne prévoit pas de mécanisme pour ce genre de situation. Cette femme a revendiqué le statut de réfugié, et a essuyé un refus. Elle a ensuite fait une demande dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada, mais elle a essuyé un autre refus. Elle a fait une demande d'examen des risques avant renvoi, mais elle a encore essuyé un refus. Heureusement, elle a été admise au Canada pour des raisons humanitaires. Honorables sénateurs, elle a présenté sa première demande en 1997. Le 12 janvier 2006, soit de nombreuses années plus tard, elle a finalement obtenu le statut de résidente permanente. Il lui a fallu neuf ans pour être enfin en sécurité. Pourquoi?

Honorables sénateurs, supposons que vous êtes une femme en Iran, un pays qui traite les femmes comme des biens et non comme des être humains. Tous les jours de votre vie, on vous dit comment vous habiller, comment marcher, comment regarder et quoi faire. Tous les jours, on vous rappelle l'horrible sort qui vous attend si vous ne respectez pas les règles. Votre frère, votre cousin ou le garçon d'à côté ont tous osé parler, et ils portent tous les marques mentales et physiques de la torture. Quand vous rentrez à la maison, votre cauchemar recommence. Votre mari vous agresse sexuellement et vous bat pour vous persuader que vous n'avez aucune valeur, que vous n'êtes qu'une bonne à rien. Pendant que cela vous arrive, vous vous inquiétez pour vos enfants. Vous vous répétez encore et encore : « Ne fais pas de mal aux enfants. Reste tranquille, les attaques et les coups vont peut-être s'arrêter. »

(1530)

Pendant des années, cette femme a supporté les tortures. Ses enfants lui ont été enlevés et elle a été forcée d'accepter que son mari prenne une autre femme. Elle a finalement réussi à trouver le courage de demander l'asile au Canada. À son arrivée, elle a été recueillie par une famille chrétienne et s'est convertie. En Iran, c'est un crime punissable de mort. Pendant cinq ans, elle a péniblement franchi les étapes de notre système d'immigration. Elle pleurait souvent à la pensée de ses enfants qui grandissaient sans elle. Il lui arrivait de vouloir rentrer en Iran, mais elle a réussi à combattre ces impulsions, en pensant que le Canada ne la laisserait pas tomber. Malheureusement, le système d'immigration l'a trahie. Elle était à quelques jours de son expulsion, à quelques jours d'une mise à mort si elle rentrait en Iran comme chrétienne lorsqu'elle est venue me voir à mon bureau.

Je suis heureuse de dire que cette femme a pu bénéficier des considérations humanitaires et qu'elle est maintenant résidente permanente. Toutefois, elle a encore des problèmes. Elle se bat toujours pour faire venir ses filles au Canada.

Il y a un autre exemple dont je voudrais vous parler. C'est celui d'une femme qui a cherché à défendre les droits de la personne en Iran, pays qui considère que les gens d'une seule religion ont des droits. À cause de ses croyances, elle a été torturée pendant deux mois et a souffert de graves traumatismes qui ont laissé des traces visibles sur son corps. Je suis incapable de décrire ses blessures pour que vous en compreniez la gravité. Elle souffre actuellement du syndrome de stress post-traumatique.

Les agents de l'immigration ont mis en doute ses déclarations, malgré les marques qu'ils ont vues sur elle. Sa demande de statut de réfugié a été rejetée à tous les niveaux. Finalement, elle a obtenu gain de cause au stade de l'examen des considérations humanitaires. L'étude de son dossier avait commencé en 2001, mais elle devra attendre une autre année pour obtenir le statut de résidente permanente. Elle attend encore.

Nous entendons beaucoup parler des demandes de réfugiés. Nous savons tous ce qui s'est produit récemment au Liban. Un Libanais ayant connu des circonstances tragiques a essayé d'obtenir le statut de réfugié dans notre pays pacifique. Il a été reconnu comme réfugié en 1999. En 2006, alors que tous les yeux étaient fixés sur le Liban après le tremblement de terre, nos pensées se sont tournées vers cet homme. Sa femme et ses cinq enfants vivaient au Liban lors du séisme. Pendant que notre pays acceptait des réfugiés touchés par le tremblement de terre, nous avons dit à cet homme qu'il devait attendre plus longtemps que sa famille soit acceptée au Canada. Huit ans après avoir été accepté comme réfugié, il attend toujours sa famille. Voilà pourquoi nous avons besoin de mener cette étude, afin de déterminer comment rendre notre système plus digne et plus respectueux.

Je voudrais vous citer un autre exemple. Une femme vivant en Chine voulait désespérément aider son mari et sa mère, qui habitaient dans une région très pauvre du pays et avaient à peine de quoi manger. Elle a pensé que la seule façon pour elle de réaliser son rêve était de répondre à une annonce demandant une serveuse à Vancouver. On lui a dit qu'au Canada, elle pouvait gagner plus d'argent en un mois qu'elle n'en gagnerait en cinq ans en Chine.

À son arrivée à Vancouver, on lui a annoncé qu'elle travaillerait non dans un restaurant, mais dans une maison close et qu'elle aurait une énorme dette à rembourser avant d'être libre. On lui a pris ses papiers d'identité. J'ai vu beaucoup de ces femmes qu'on avait fait venir dans ma province en leur racontant des mensonges et qui étaient dans une situation désespérée.

Honorables sénateurs, nous devons examiner la situation des femmes victimes de la traite qu'on a fait venir au Canada en vertu de notre système d'immigration et qu'on oblige ensuite à travailler dans des maisons closes. Nous avons beaucoup à faire pour remédier aux lacunes de notre système d'immigration. Je me joins au sénateur Callbeck pour exhorter nos collègues à étudier le système d'immigration et de statut de réfugié et à formuler des recommandations pour corriger les problèmes.

Permettez-moi enfin de vous faire part d'une histoire personnelle. En 1975, j'ai été très chaudement accueillie dans ce pays. J'avais obtenu le statut de résidente permanente avant mon arrivée, ce dont j'ai toujours été reconnaissante. S'il m'avait fallu recourir au système des réfugiés, je n'aurais pas réussi à m'en sortir. Quand une personne a été torturée et menacée, il lui est difficile d'être crédible à son arrivée dans un nouveau pays, parce qu'elle n'a pas confiance dans les gens qui lui posent des questions. Je n'aurais donc pas pu être acceptée comme résidente permanente.

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

LE SÉNAT

MOTION TENDANT À ENCOURAGER LA POURSUITE DU DIALOGUE ENTRE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ET LE DALAÏ-LAMA—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Di Nino, appuyée par l'honorable sénateur Andreychuk :

Que le Sénat encourage le gouvernement de la République populaire de Chine et le Dalaï Lama, nonobstant leurs différends à l'égard de la relation historique entre le Tibet et la Chine, de poursuivre leurs discussions d'une manière prospective qui mènera à des solutions pragmatiques respectant le cadre constitutionnel chinois et l'intégrité territoriale de la Chine tout en répondant aux aspirations du peuple tibétain, à savoir l'unification et la véritable autonomie du Tibet.—(L'honorable sénateur Jaffer)

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour dire que j'appuie cette motion du sénateur Di Nino et que je souscris à tout ce qu'il a dit à ce sujet. Je voudrais ajouter une seule chose.

Ces dernières années, j'ai eu le grand privilège et l'honneur de rencontrer Sa Sainteté le dalaï-lama. J'exhorte les honorables sénateurs à adopter cette motion car je crains — comme je suis certaine que c'est le cas pour vous tous — que Sa Sainteté le Dalaï- Lama n'ait plus beaucoup d'années à vivre. Je crains que, si nous n'appuyons pas le retour de Sa Sainteté le Dalaï-lama dans son pays natal, nous ne serons plus en mesure de bénéficier de son expérience et de sa sagesse. Il ne demande pas la formation d'un État séparé. Il demande seulement que son peuple puisse pratiquer sa foi et vivre selon sa culture.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à appuyer cette motion.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je prends également la parole aujourd'hui pour dire que j'appuie la motion du sénateur Di Nino, qui encourage le gouvernement de la République populaire de Chine et les représentants du gouvernement tibétain en exil à poursuivre leurs discussions afin de trouver une solution pacifique.

Les progrès minimes réalisés par la Chine en ce qui concerne le traitement des Tibétains ne suffisent pas. Sa Sainteté le Dalaï-lama a déclaré publiquement qu'il ne cherchait pas à créer un État tibétain souverain, mais qu'il voulait plutôt que le Tibet continue de faire partie de la Chine tout en jouissant de la liberté religieuse, culturelle et linguistique, sans que ses habitants aient à craindre d'être persécutés par l'État.

Compte tenu de la réputation du Canada sur la scène internationale, nous ne devons pas rester les bras croisés. Nous devons mettre notre poids dans la balance. Nous devons nous servir de notre influence pour qu'on trouve une solution acceptable à ce grave problème de violation des droits de la personne. De plus en plus de voix s'élèvent dans le monde pour appuyer cette cause, et je crois qu'il est temps que s'y ajoute la voix du Canada.

J'espère que nous allons tous appuyer l'idée d'un dialogue soutenu entre la République populaire de Chine et le gouvernement du Tibet en exil pour dénouer pacifiquement l'impasse. Le Canada devrait user de son influence et fournir son aide pour favoriser les pourparlers entre la Chine et le Tibet. C'est pourquoi j'appuie la motion du sénateur Di Nino.

Il est à espérer que la question du Tibet pourra être résolue par un dialogue fructueux entre les deux parties.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 28 février 2007, à 13 h 30.)


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