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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 25

Le mardi 20 juin 2006
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 20 juin 2006

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

VISITEURS À LA TRIBUNE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'une délégation distinguée de Bulgarie. Il s'agit de Mme Karmella Kassabova, présidente suppléante de l'Assemblée nationale de la République de Bulgarie et présidente du Groupe d'amitié parlementaire Canada-Bulgarie, accompagnée par Mme Gergana Grancharova, sous-ministre des Affaires étrangères.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


(1405)

[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'ACADIE

LE CENT VINGT-CINQUIÈME ANNIVERSAIRE

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, si vous n'avez rien de prévu du 20 au 23 juillet prochain, je vous invite chez moi, au Nouveau-Brunswick, plus exactement à Memramcook, pour fêter le 125e anniversaire de la fondation de la Société nationale de l'Acadie.

C'est en 1881, à Memramcook, que 5 000 Acadiens ont tenu leur première convention et ont créé ce qui s'appelait à l'époque la Société nationale l'Assomption, et ont décrété que le 15 août serait dorénavant le jour de la Fête nationale de l'Acadie. De 1881 à 1955, la SNA a tenu 11 grandes conventions.

À sa deuxième, en 1884, à Miscouche, à l'Île-du-Prince-Édouard, la SNA a choisi son drapeau, le tricolore français frappé dans le bleu de l'étoile dorée de Marie. Cette même année, la SNA a aussi adopté l'hymne national acadien, l'Ave Maris Stella, le seul hymne qui, à ma connaissance, est encore chanté en latin.

À ces conventions, les Acadiens se sont donné des symboles, mais ils se sont donné quelque chose d'encore plus important, c'est-à-dire une vision pour l'éducation, la clé de son avenir. Le peuple acadien s'est doté de systèmes scolaires, d'écoles, de collèges classiques et d'une université, celle de Moncton, sans oublier les programmes de bourses actuels avec la France et la Communauté Wallonie-Bruxelles. Ce réseau éducatif francophone a été, et continue d'être, la source de notre prospérité économique, de notre pouvoir politique et de notre vitalité.

À la 12e convention, en 1957, à Memramcook, la Société nationale l'Assomption est devenue la Société nationale des Acadiens et elle a établi un partenariat pour desservir le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard. En 1986, les francophones de Terre- Neuve-et-Labrador se sont joints à la SNA et, en 1992, l'organisme a adopté son nom actuel, la Société nationale de l'Acadie.

La SNA, aujourd'hui présidée par Maître Michel Cyr, regroupe des organismes de promotion de l'Acadie du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard, de Terre-Neuve-et-Labrador, des Îles-de-la-Madeleine, des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon, de la Louisiane et de Paris. La SNA a aussi un statut d'observateur à l'Organisation internationale de la Francophonie.

Puisqu'il y a assez de raisons pour fêter, honorables sénateurs, j'espère que vous vous joindrez à moi pour souhaiter à la Société nationale de l'Acadie un très heureux 125e anniversaire et une très longue vie.

[Traduction]

L'AFRIQUE DU SUD

LE TRENTIÈME ANNIVERSAIRE DU SOULÈVEMENT DE SOWETO

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, le week-end dernier, partout dans le monde, des gens ont commémoré le meurtre du jeune Hector Pieterson, qui n'avait que 13 ans quand il a été tué par la police de Soweto, en Afrique du Sud, pendant la manifestation pacifique des étudiants il y a 30 ans.

Vendredi dernier, le président Mbeki a marché à la tête de centaines de Sud-Africains dans les rues de la ville noire de Soweto, sur les traces des manifestants étudiants qui ont lutté contre l'apartheid il y a 30 ans.

Honorables sénateurs, j'étais à Soweto il y a un mois et j'ai visité le monument érigé à la mémoire d'Hector Pieterson. C'était une expérience triste et émouvante. La mort d'Hector Pieterson est devenue un symbole du sacrifice des jeunes dans la lutte pour la liberté et la démocratie en Afrique du Sud.

Honorables sénateurs, pour moi, cet événement a pris toute sa signification quand j'ai assisté, à titre d'observateur, aux toutes premières élections démocratiques qui ont conduit Nelson Mandela à la présidence de l'Afrique du Sud, en 1994. Ce fut une journée et une expérience inoubliables.

Selon les estimations, plus de 500 jeunes ont été tués dans le soulèvement de Soweto et dans son sillage sanglant. Des milliers d'autres ont disparu dans les prisons ou ont fui le pays. Les honorables sénateurs se souviendront que ce soulèvement avait commencé par une manifestation d'étudiants qui protestaient contre le fait que leurs cours étaient donnés en afrikaans, la langue des oppresseurs de race blanche, que très peu au sein de la majorité noire comprenaient. Quand les étudiants ont commencé à marcher pour manifester leurs préoccupations, les policiers sud-africains de race blanche ont réagi avec une force brutale. Quand cette tuerie et les émeutes déclenchées à l'échelle du pays ont fait les manchettes, le monde s'est réveillé devant la violence du gouvernement.

Le courage des étudiants a entraîné d'autres Sud-Africains dans le conflit. Malheureusement, le cri de ralliement des protestataires, « la libération avant l'éducation », a eu de terribles conséquences en laissant presque toute une génération de Sud-Africains de race noire sans les compétences nécessaires pour participer pleinement à la société inclusive qui a émergé après les premières élections où ont participé toutes les races en 1994. Aujourd'hui, la pauvreté, le sida et les séquelles de décennies de politiques racistes menacent les jeunes Noirs.

(1410)

Honorables sénateurs, le président Mbeki, qui est venu à Ottawa il y a trois ans, a déclaré en fin de semaine :

La Journée nationale des jeunes est une journée de reconnaissance dédiée aux jeunes du pays pour le rôle qu'ils ont joué pour libérer l'Afrique du Sud de la tyrannie de l'apartheid.

Honorables sénateurs, que la démocratie, l'égalité et la liberté continuent de régner en Afrique du Sud et partout dans le monde.

[Français]

LA FÊTE DE LA SAINT-JEAN-BAPTISTE

L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, le 24 juin prochain, les francophones et francophiles du Canada vont célébrer la fête de la Saint-Jean-Baptiste.

Au Québec, l'édition de cette année sera consacrée au cinéma québécois. Ce choix rend hommage aux membres du milieu cinématographique québécois. C'est grâce à la combinaison de leurs multiples talents que le septième art québécois est devenu une industrie à succès.

Ces réalisateurs, scénaristes, acteurs et actrices, producteurs et techniciens ont réussi à faire de ce cinéma un mode d'expression qui reflète nos valeurs, notre histoire, notre attachement à notre langue, nos espérances et nos doutes. Ils ont créé de magnifiques œuvres qui, pour la plupart, nous ont poussés à porter un regard en profondeur sur les êtres qui nous entourent.

Le travail remarquable accompli par ces créateurs et créatrices a amené ce cinéma à maturité. Il est bien loin le temps où les gérants de cinéma rechignaient à présenter des films québécois. Le Québec fait partie, avec la France et les pays scandinaves, des rares sociétés de la planète où le cinéma régional tient tête aux grosses productions américaines.

De plus, les films québécois sont jugés positifs sur le marché international, où ils ont remporté un succès inégalé en 2005. Ce passage sur les écrans du monde entier montre la diversité de la culture canadienne.

Dans un environnement dominé par la grosse machine hollywoodienne, nos talentueux cinéastes sont parvenus à faire apprécier un autre cinéma, pas seulement celui animé par des motivations commerciales. Le développement de ce cinéma d'auteur qui fait tant notre fierté a besoin de plus de soutien du gouvernement. J'espère que la rencontre prévue demain entre la ministre du Patrimoine canadien et une coalition de producteurs, réalisateurs, distributeurs et acteurs apportera des solutions au sous- financement.

Je vous convie, honorables sénateurs, à passer la fête de la Saint- Jean-Baptiste dans la joie et la gaieté. Je suis sûre que vous ne manquerez pas, si ce n'est déjà fait, d'aller à la découverte du cinéma québécois, qui se veut le miroir de la culture québécoise et canadienne dans sa différence.

[Traduction]

LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je voudrais parler du côté répugnant de la Coupe du monde. Le vendredi 9 juin, tous les pays du monde se sont réunis pour ce qu'on appelle « la plus grande fête du monde », la Coupe du monde, en Allemagne. Pendant que des dizaines de millions de personnes se sont réunies pour célébrer le football, la fierté nationale et l'esprit sportif international, on estime que 40 000 femmes ont été amenées de force dans la ville de Cologne pour ce tournoi d'une durée d'un mois. Ces femmes seront loin de célébrer.

Même si près de 100 000 femmes et jeunes filles entrent en Europe chaque année, victimes de la traite des êtres humains, l'Allemagne a très peu fait pour modifier sa politique de prostitution légalisée. Au lieu de cela, elle a subventionné de nouvelles maisons de prostitution pour divertir les visiteurs pendant toute la durée du tournoi. Au cours des dernières années, j'ai assisté à plusieurs conférences en Europe, qui portaient toutes sur le phénomène croissant de la traite des êtres humains. C'est à ces conférences que de nombreux participants ont fait part de leurs préoccupations au sujet de la prévalence mondiale de ce trafic et des effets qu'il allait avoir sur la Coupe du monde. Les mots ne suffisent pas à décrire le manque d'humanité dont il a été question dans les témoignages sur ce qu'on m'a décrit comme « un entrepôt rempli de femmes et de jeunes filles ».

Honorables sénateurs, le 2 juillet 2003, le Canada a eu l'honneur d'être choisi pour être l'hôte des XXIe Jeux olympiques d'hiver, à Vancouver. Comme la Coupe du monde, les Olympiques permettent au pays hôte de bien se faire connaître sur la scène internationale. C'est une occasion en or de bien montrer au monde la force et la liberté qui définissent le Canada.

Même si les Olympiques d'hiver de 2010 ne commenceront que dans quatre ans, on craint déjà que Vancouver ne devienne un pôle d'attraction pour les femmes et les jeunes filles forcées à se prostituer par le crime organisé. Cette crainte continue de se transformer en une réalité, alors que la semaine dernière encore, six Coréennes ont été retrouvées dans la banlieue de Vancouver, attendant d'être les dernières victimes de la traite des êtres humains.

(1415)

Dans une étude récente sur l'action internationale en faveur des victimes de la traite des personnes, le Canada a été le seul pays à ne pas recevoir une note de passage. On y disait ceci :

Le bilan du Canada pour ce qui est de s'occuper des victimes de la traite des êtres humains est un sujet d'embarras sur la scène internationale et il est contraire aux pratiques exemplaires.

Le rapport ajoute :

Le Canada fait fi des appels à la réforme et il continue de traumatiser de nouveau les victimes de ce trafic, à de rares exceptions près.

En octobre dernier, j'ai présenté le projet de loi C-49 au Sénat. Cette loi criminalisait la traite des personnes et c'était la première mesure prescrite par le Canada pour lutter contre ce fléau. Comme le Canada est un exemple mondial de force et de liberté, le moment est venu pour lui d'agir avec un plus grand sentiment d'urgence et d'assumer ses obligations en préparation pour cet événement international durant lequel tous les yeux du monde seront tournés sur lui.

Honorables sénateurs, je vous invite à célébrer avec moi la Coupe du monde, mais n'oubliez pas de faire une place dans votre coeur pour les femmes et les jeunes filles qui ont été si injustement dépouillées de leur dignité.

LE GROUPE INTERPARLEMENTAIRE CANADA-JAPON

FÉLICITATIONS À L'HONORABLE DANIEL HAYS ET À L'HONORABLE DONALD H. OLIVER À L'OCCASION DE LEUR NOMINATION À TITRE DE PRÉSIDENTS HONORAIRES

L'honorable Marie P. Poulin : Honorables sénateurs, je suis heureuse de vous informer que, le jeudi 15 juin 2006, les membres du comité exécutif du Groupe interparlementaire Canada-Japon ont convenu à l'unanimité de nommer l'honorable Don Oliver et l'honorable Dan Hays présidents honoraires du Groupe interparlementaire Canada-Japon.

Les sénateurs Oliver et Hays sont des collaborateurs de longue date du Groupe interparlementaire Canada-Japon et sont d'ardents partisans du rapprochement entre le Canada et le Japon.

[Français]

Honorables sénateurs, le sénateur Hays est l'un des deux seuls Canadiens à s'être vu décerner le Grand Cordon de l'Ordre du Trésor sacré par l'Empereur du Japon. Le sénateur Hays a présidé le Groupe interparlementaire Canada-Japon de 1994 à 1995, et le sénateur Oliver en a été président de 1993 à 1994.

[Traduction]

Je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter nos deux collègues de leur nomination bien méritée.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

LE CONSEILLER SÉNATORIAL EN ÉTHIQUE

DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL 2005-2006

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel 2005- 2006 du conseiller sénatorial en éthique, conformément à l'article 20.7(1) de la Loi sur le Parlement du Canada.

[Traduction]

LE COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE

DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL DE 2005-2006 SUR LA LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, deux exemplaires du rapport annuel du commissaire à la protection de la vie privée du Canada sur la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui porte sur la période du 1er avril 2005 au 31 mars 2006.

PROJET DE LOI D'EXÉCUTION DU BUDGET

RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Joseph A. Day, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :

Le mardi 20 juin 2006

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-13, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 2 mai 2006, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 13 juin 2006, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
JOSEPH A. DAY

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Angus, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1420)

L'ASSOCIATION PARLEMENTAIRE CANADA-AFRIQUE

LA VISITE BILATÉRALE AU MOZAMBIQUE ET EN AFRIQUE DU SUD, TENUE DU 21 AU 24 MARS 2006—DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, conformément à l'article 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire Canada-Afrique concernant la visite bilatérale au Mozambique et en Afrique du Sud; Maputo, Mozambique, du 21 au 23 mars 2006 et Le Cap, Afrique du Sud, le 24 mars 2006.

LE GROUPE INTERPARLEMENTAIRE CANADA-ÉTATS- UNIS

LA CONFÉRENCE CAN/AM BORDER TRADE ALLIANCE, TENUE DU 30 AVRIL AU 2 MAI 2006—DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, conformément à l'article 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis à la Conférence CAN/AM Border Trade Alliance, tenue à Ottawa, en Ontario, du 30 avril au 2 mai 2006, sur le thème La frontière Canado-américaine — une approche unifiée.

[Français]

LE SÉNAT

AVIS DE MOTION TENDANT À LA CRÉATION D'UN COMITÉ SPÉCIAL CHARGÉ D'ÉTUDIER LA RÉFORME DU SÉNAT

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Qu'il y ait création d'un comité spécial du Sénat chargé d'étudier la réforme du Sénat ou toute question connexe qui lui aura été renvoyée par le Sénat;

Que, nonobstant l'article 85(1)b) du Règlement, ce comité spécial comprenne dix membres, à savoir les honorables sénateurs Adams, Austin, C.P., Bacon, Baker, C.P., Banks, Biron, Andreychuk, Angus, Carney, C.P., et Murray, C.P., et que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que, en conformité avec l'article 95(3)a) du Règlement, le comité soit autorisé à se réunir au cours des périodes où le Sénat est ajourné pour une période de plus d'une semaine;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes et à obtenir des documents et des dossiers, à entendre des témoins, à présenter des rapports de temps à autre et à faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon ses instructions;

Que le comité soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres personnes nécessaires pour examiner les projets de loi et la teneur de projets de loi qui lui ont été renvoyés;

Que le comité soit habilité à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, d'une manière qui perturbe le moins possible ses travaux;

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 28 septembre 2006.

[Traduction]

L'honorable Marcel Prud'homme : J'aurais proposé le sénateur Murray et je suis content qu'il siège à ce comité. Les sénateurs non alignés, dont je constate la présence, auraient grandement apprécié d'avoir été mis au courant de la motion même si, au bout du compte, j'aurais proposé avec un grand plaisir le très respectable sénateur Murray. Lorsque ce genre de situation est sur le point de se présenter, il ne serait pas mauvais que les sénateurs non alignés soient informés. Une personne, celle qui crie en ce moment, m'a dit un jour d'une façon brutale de me joindre à un parti si la situation ne faisait pas mon affaire. Très bien, nous sommes des sénateurs non alignés et nous allons nous joindre à un parti quand et si cela nous chante.

Toutefois, je suis heureux de la nomination. Je suis à l'aise avec l'idée que le sénateur Murray fasse partie de ce groupe. Il aurait été souhaitable, je le répète, que les autres aient été mis au courant.

(1425)

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je crois comprendre qu'il s'agit d'une motion à débattre. S'agit-il d'un avis? Le débat sur cette question aura-t-il lieu demain?

Son Honneur le Président : Oui.

Le sénateur Cools : S'agit-il d'un avis d'un jour?

Son Honneur le Président : En effet.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LES TRAVAUX PUBLICS ET LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

LE CADRE POUR L'ACQUISITION DE TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DES COMMUNICATIONS

L'honorable Daniel Hays (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je voudrais aujourd'hui poser une question au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Le sénateur aura noté que les médias ont publié une déclaration de John Reid, président de la CATA, ou Alliance canadienne de la technologie de pointe. M. Reid a indiqué que la CATA travaille avec Travaux publics et Services gouvernementaux Canada à l'élaboration d'un processus d'appel d'offres ou de détermination des fournisseurs de services, de logiciels et d'autres articles devant faire affaire avec le Canada, par l'entremise de TPSGC. Il a précisé que ce travail se poursuit depuis 18 mois et s'est donc fait aussi bien sous l'ancien gouvernement que sous l'actuel.

M. Reid se plaint qu'on a fait abstraction du travail du groupe consultatif qui essaie d'en arriver à un consensus sur les meilleurs processus pour le pays et le gouvernement du Canada et qu'une étude sur les achats stratégiques faite par une tierce partie a été annoncée et déposée. Le travail du groupe consultatif avec Travaux publics et Services gouvernementaux Canada n'a pas été mené à terme de la façon prévue par le groupe, sur la base des consultations.

Le ministre peut-il nous dire pourquoi on a pris la décision, comme M. Reid le dit, de faire abstraction du travail réalisé dans les 18 derniers mois sur un cadre décisionnel relatif aux achats dans le domaine des technologies de l'information et des communications?

L'honorable Michael Fortier (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) : Honorables sénateurs, je voudrais remercier le sénateur de sa question. Plusieurs processus sont actuellement en cours à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada au sujet des achats et, comme le savent maintenant les sénateurs, au sujet des biens immobiliers.

Je ne suis pas au courant de ce processus particulier. Je m'en excuse, mais j'essaierai de me renseigner et de communiquer à l'honorable sénateur les renseignements demandés, s'il le veut bien. Pour le moment, cependant, je ne pourrais qu'essayer de deviner.

Le sénateur Hays : Je remercie le ministre et je veux bien qu'il aille aux renseignements. Peut-être pourrons-nous revenir sur cette question dès demain.

Pendant que j'ai la parole et que nous parlons de ce sujet, je voudrais attirer l'attention de tous les honorables sénateurs sur l'importance de ce domaine pour l'économie canadienne. Le secteur des technologies de l'information et des communications, comme nous le rappelle M. Reid, emploie quelque 550 000 travailleurs. Il a un effet multiplicateur de trois dans le domaine de l'emploi, ce qui fait que des pertes d'emplois peuvent avoir des effets considérables. Il produit des recettes de 130 milliards de dollars, consacre 5,2 milliards à la recherche-développement, a des exportations de 18,7 milliards et des immobilisations de 10,8 milliards. Cela revient à dire, monsieur le ministre, que le Canada, comme ses concurrents, a besoin d'une stratégie industrielle dans ce domaine. La CATA est heureuse d'avoir participé à ce processus, mais elle est déçue qu'il n'ait pas abouti aux résultats voulus. Nous manquons peut-être une occasion d'élaborer une stratégie industrielle dans cet important secteur. Ayant donné cet avis, j'espère que nous pourrons revenir sur cette question demain.

Le sénateur Fortier : De toute évidence, c'est un important domaine de l'économie canadienne. Il est également important pour nous, à titre de clients de ces fournisseurs, qu'il s'agisse de technologies de l'information ou de télécommunications. Nous dépensons plus d'un milliard de dollars dans ces deux industries.

(1430)

Je voudrais donc donner au sénateur l'assurance que les stratégies d'achat actuellement en place sont, à mon avis et de l'avis du ministère, équitables, transparentes et ouvertes. Il est évident que nous achetons surtout de la technologie canadienne à des fournisseurs canadiens. Quoi qu'il en soit, je me renseignerai sur le point soulevé par l'honorable sénateur dans sa première question.

LA RÉPARTITION DES LOCAUX DANS LA RÉGION D'OTTAWA- GATINEAU

L'honorable Jack Austin : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au même ministre. J'ai trouvé intéressante sa dernière déclaration selon laquelle les systèmes utilisés dans son ministère sont équitables, transparents et ouverts. Cela signifie qu'il se sert des systèmes mis en place par le gouvernement précédent.

Je voudrais poser au ministre une question concernant la région de la capitale nationale. Le 9 mai, le sénateur Fox lui a posé une question concernant la politique des gouvernements précédents qui consistait à maintenir une proportion de 75 à 25 dans la répartition des édifices et des emplois gouvernementaux entre Ottawa et Hull- Gatineau. Le ministre a répondu que la proportion actuelle est de 77 à 23 et a ajouté :

[...] j'espère qu'à la fin de mon passage aux Travaux publics j'aurai réussi à rétrécir l'écart qui existe à l'heure actuelle.

Le ministre peut-il nous dire dans quel délai il essaie d'atteindre cet objectif?

L'honorable Michael Fortier (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) : Au chapitre de l'équité, de la transparence et de l'ouverture, j'aime à penser que les Travaux publics travaillent pour tous les Canadiens. Je considère le travail que je fais au nom du gouvernement dans une perspective aussi dénuée d'esprit partisan que possible. J'ai discuté avec ceux qui me critiquent. Je suis peut-être naïf, mais j'estime que ce ministère est essentiel au fonctionnement d'Ottawa parce qu'il assure des services aux autres ministères. Au bout du compte, il est important qu'il soit équitable, ouvert et transparent. C'est tout ce que je dirai à ce sujet.

Pour ce qui est de la proportion de 75 à 25, comme je l'ai dit au sénateur Fox, la question est importante à cause du dénominateur. Pour revenir à 75/25, il faudrait faire un déplacement considérable vers Gatineau. J'ai l'intention de continuer à travailler en vue de réaliser cet objectif. J'aurais bien voulu dire aux honorables sénateurs que j'ai fini de le faire hier. Malheureusement, il faudra du temps. Et j'espère bien être encore là lorsque ce sera fait.

Le sénateur Fraser : Vous voulez dire au Sénat?

L'EMPLACEMENT DU MUSÉE DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

L'honorable Jack Austin : Le 10 mai, le sénateur Fox a noté que le complexe JDS Uniphase d'Ottawa pourrait être acheté sans appel d'offres public, ce qui aurait eu pour conséquence de creuser assez sensiblement l'écart dans cette proportion.

J'ai remarqué que le ministre fédéral des Transports, Lawrence Cannon, a promis à ses électeurs de l'Outaouais québécois qu'il leur apporterait un nouveau Musée des sciences et de la technologie ainsi que les centaines de millions de dollars qui seront consacrés à ce projet et, bien sûr, les centaines d'emplois correspondants.

Comme le musée se trouve à son emplacement actuel depuis 1967 — je crois que le bâtiment abritait auparavant une boulangerie —, ne serait-il pas très avantageux aussi bien pour le ministre Fortier que pour le ministre Cannon de réaliser ce projet? Je voudrais demander au ministre s'il a l'intention de donner le feu vert à ce projet. Est-ce que des fonds ont déjà été affectés à la planification?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question. Le ministre Cannon a bien parlé du musée qui, comme l'honorable sénateur l'a dit, se trouve actuellement boulevard Saint-Laurent. C'était effectivement une boulangerie. C'est utile d'avoir vécu à Ottawa pendant toute sa vie. Pour le moment, nous ne projetons pas de déplacer ce musée particulier.

(1435)

Le sénateur Austin : Voilà qui va aider le sénateur Fortier à rétablir l'équilibre.

L'ORGANISATION DE LA RÉGION DE LA CAPITALE NATIONALE

L'honorable Jack Austin : Honorables sénateurs, pour éclairer le sénateur Fortier, je rappelle qu'on discute depuis longtemps dans cette région-ci de l'organisation de la région de la capitale nationale. Par le passé, on a avancé que le Québec et l'Ontario, avec le gouvernement fédéral, pourraient créer par voie législative une région de la capitale nationale à laquelle seraient confiés, dans le cadre d'une commission trilatérale, les biens immobiliers et autres situés au Québec et en Ontario.

Le ministre est-il en faveur de cette idée? Travaillera-t-il à la réaliser, d'autant plus que le bilinguisme officiel serait un attribut de cette entité?

L'honorable Michael Fortier (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) : Honorables sénateurs, je ne saurais commenter cette idée, car je ne suis pas au courant des détails.

Je vais m'efforcer de rétablir l'équilibre dans la répartition. Nous trouverons des moyens d'y parvenir. J'ai fait une annonce la semaine dernière au sujet d'une étude sur le parc immobilier et d'avis que nous demandons à des conseillers indépendants. Comme il est dit dans l'appel de propositions, dans la région de la capitale nationale il y a des besoins considérables en locaux pour loger nos fonctionnaires. Un élément de solution consisterait à acquérir de nouveaux locaux du côté québécois de la rivière.

LES LANGUES OFFICIELLES

LE BILINGUISME DANS LA RÉGION D'OTTAWA

L'honorable Jack Austin : Honorables sénateurs, le ministre accepterait-il de travailler sur une politique de bilinguisme dans la région de la capitale nationale?

L'honorable Michael Fortier (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) : Honorables sénateurs, avant ma nomination, il y avait un bon moment qu'il n'y avait pas eu de ministre francophone des Travaux publics et des Services gouvernementaux qui s'exprime couramment dans les deux langues. Je suis forcément en faveur du bilinguisme. Les rapports de la commissaire Adam sont très défavorables depuis plusieurs années en ce qui concerne le bilinguisme dans les activités du ministère. J'ai donc donné instruction à mon ministère de faire le nécessaire pour obtenir de meilleurs résultats l'an prochain. Je suis tout à fait favorable à un bilinguisme plus poussé.

Quant à savoir si la région d'Ottawa doit avoir telle ou telle désignation, il s'agit là d'un débat qu'il vaudrait mieux tenir avec quelqu'un d'autre.

LE COMMERCE INTERNATIONAL

L'ACCORD SUR LE BOIS D'ŒUVRE—LES PROGRÈS DANS LES NÉGOCIATIONS

L'honorable Jack Austin : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat au sujet du dossier du bois d'œuvre.

Le ministre du Commerce international, M. Emerson, aurait déclaré qu'il est peu probable qu'on parvienne à un accord avant que le Parlement n'ajourne au terme de la première partie de la session. Il est donc clair que les négociations se sont embourbées.

Madame le leader du gouvernement pourrait-elle nous dire quelle est la pierre d'achoppement dans ces négociations entre le Canada et les États-Unis?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, les entretiens ne se sont pas enlisés. Ils se poursuivent. Comme l'honorable sénateur vient de la Colombie- Britannique et qu'il a siégé au Cabinet, il doit savoir qu'il s'agit d'un processus où il faut tenir compte de très nombreux détails. Le Canada travaille avec tous les groupes intéressés aux États-Unis pour établir le texte définitif de l'accord.

À ce propos, je renvoie l'honorable sénateur aux observations du ministre britanno-colombien des Forêts et du Territoire, M. Rich Coleman, qui a dit, comme le rapporte le Vancouver Sun d'aujourd'hui, que les négociations se poursuivent. Il s'est également dit confiant de les voir aboutir.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, le leader du gouvernement aura remarqué aussi dans la déclaration que le ministre Coleman a précisé, à propos du bois abîmé par les insectes en Colombie-Britannique, qu'il y avait désaccord entre la province et les négociateurs américains, la province ayant accepté une position américaine antérieure voulant que le prix de ce bois soit fixé par le marché.

L'article dit que les Américains ne sont pas prêts à accepter le prix du marché pour le bois de la Colombie-Britannique, mais qu'ils sont disposés à négocier un niveau de prix qui protège les producteurs américains. Ce n'est pas le libre marché. S'il s'avère que cette solution est acceptable pour le gouvernement du Canada, le résultat sera de laisser le contrôle de la politique britanno-colombienne sur l'industrie forestière à un groupe de producteurs de bois américains qui se disent soucieux d'assurer un commerce équitable.

(1440)

Madame le ministre peut-elle nous donner l'assurance que la Colombie-Britannique conservera le contrôle de sa politique forestière, fondée sur les principes du marché?

Le sénateur LeBreton : L'honorable sénateur se livre à des hypothèses. Je ne vais pas essayer de répondre à une question hypothétique. Je vais transmettre la question au ministre Emerson, et je donnerai à la question une réponse différée.

[Français]

LA COMMISSAIRE AUX LANGUES OFFICIELLES

LA DÉSIGNATION D'UN REMPLAÇANT

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le mandat de l'actuelle commissaire aux langues officielles se termine à la fin du mois de juillet. Nous ne connaissons toujours pas le nom de la personne qui remplacera Mme Adam; voilà qui est inquiétant! Selon le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne, M. Jean-Guy Rioux, il y a, et je cite :

... urgence, c'est très inquiétant. Il ne faudrait pas qu'il y ait un manque de continuité dans ces dossiers.

La ministre peut-elle nous dire si le gouvernement respectera la Loi sur les langues officielles en déposant une motion devant la Chambre des communes et le Sénat afin de confirmer la nomination d'un nouveau commissaire?

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le gouvernement actuel appuie indubitablement la Loi sur les langues officielles. À mon avis, le poste auquel le sénateur Tardif se reporte sera comblé en temps opportun. Le gouvernement ne ferait rien qui risque de causer des difficultés à un nouveau commissaire. Les sénateurs savent que la loi bénéficie d'un appui solide de la part du gouvernement en place et, en tout premier lieu, du premier ministre.

[Français]

Le sénateur Tardif : Merci, madame le ministre. Cependant, il y a urgence étant donné toute la foule de changements suite à l'adoption du projet de loi S-3. Il est important que le gouvernement nomme un commissaire aux langues officielles le plus tôt possible. Il ne reste que quelques semaines.

La ministre peut-elle nous dire si cette nomination se fera avant notre départ pour l'été? Si ce n'est pas le cas, pourquoi?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, le projet de loi S-3, qui a été présenté au Sénat au cours de la dernière législature, était important. Il a été approuvé par les sénateurs des deux côtés, et donc par le Parti conservateur qui formait alors l'opposition.

Je vais me renseigner au sujet du processus de nomination. Comme le sénateur Doyle, j'ai déjà été dans cette position et je sais que le processus de consultation peut prendre du temps. Je vais communiquer avec les responsables afin de déterminer, avant l'ajournement pour l'été, j'espère, à quel moment la nomination sera faite.

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, si une nomination est faite sous peu, la personne nommée pourrait-elle se présenter devant le Sénat, comme cela s'est déjà produit? Une excellente suggestion venant de notre Président en exercice visait à faire comparaître devant nous les mandataires du Parlement afin que nous puissions constater que la personne choisie est de très haut calibre. Il serait bon que le Sénat puisse rencontrer et interroger cette personne.

Le sénateur LeBreton : Je suis entièrement d'accord avec le sénateur. Cette pratique, qui consiste à faire comparaître les mandataires du Parlement devant un comité plénier pour que le Sénat ait l'occasion de les interroger, est importante. Je me souviens qu'il n'y a pas si longtemps cette pratique a été suivie dans le cas de la personne qui était alors commissaire à la protection de la vie privée.

(1445)

Le sénateur Prud'homme : J'ai voté contre.

Le sénateur LeBreton : Moi de même. Nous étions à peu près 17 à nous opposer. C'est un rôle très important. Dans le cas présent, tout dépendra du moment où se fera la nomination et de la possibilité que la personne choisie puisse comparaître devant nous avant l'ajournement pour l'été. Qu'il me suffise de dire que c'est une pratique que nous devrions appliquer chaque fois qu'un nouveau mandataire du Parlement est nommé.

[Français]

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, l'urgence tient au fait que le mandat se termine à la fin juillet et nous sommes inquiets. Si la nomination du prochain commissaire aux langues officielles doit être approuvée par la Chambre des communes et le Sénat avant qu'il puisse occuper ce poste et si le nom de cette personne ne nous est pas donné avant la fin juin, et que le mandat de l'actuelle commissaire aux langues officielles se termine à la fin juillet, est-il possible que nous nous retrouvions sans commissaire pour le mois d'août et peut être même pour septembre, au moment où les deux Chambres reprendront leurs travaux?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je vais certainement tenter de le déterminer après notre séance d'aujourd'hui. Je ne pense pas que le poste risque de rester vacant, même si je n'en suis pas certaine. Je devrais faire attention quand j'exprime ainsi une conjecture. Après la séance, je vais sûrement voir où en est cette nomination.

L'honorable Percy Downe : Madame le ministre pourrait-elle nous dire si le gouvernement songe à demander à la personne en poste de rester en place jusqu'à ce qu'il nomme un nouveau commissaire?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je me demandais si c'était un de ces postes où l'on pouvait demander au titulaire de demeurer en place jusqu'à ce qu'on trouve un remplaçant. Le sénateur sait qu'il y a des cas où cette façon de procéder est inacceptable. Je prends note de la question et je reviendrai avec une réponse pour le sénateur.

LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

LE CENTRE DES ARMES À FEU—L'ABOLITION DU REGISTRE DES ARMES D'ÉPAULE—LE SYSTÈME DE PERMIS PERMANENTS

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur une question qui préoccupe tous les Canadiens, en particulier les Canadiennes et, plus précisément, les Montréalaises.

Le ministre de la Sécurité publique a déposé dans l'autre endroit une proposition visant à éliminer le registre des armes d'épaule. Des 176 homicides commis au moyen d'armes à feu au Canada en 1995, 61 l'ont été avec des carabines et des fusils de chasse à utilisation non restreinte. En 2004, 172 homicides ont été commis au moyen d'une arme à feu, dont 37 ont été commis au moyen de carabines ou de fusils de chasse. De plus, en Ontario, 8 jurés du coroner qui avaient examiné des décès causés par balle ont recommandé l'émission de permis et à l'enregistrement. Ils n'ont fait aucune différence entre les armes à autorisation restreinte ou non restreinte.

Compte tenu de ces arguments, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire comment une mesure qui permettrait l'achat ou le transfert de telles armes sans enregistrement pourrait être bénéfique pour les Canadiens?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Pour ce qui est de ce dossier en particulier, j'ai rarement vu une occasion comme celle que nous avons aujourd'hui, alors que deux journaux nationaux, le Globe and Mail et le National Post, ont félicité le gouvernement pour sa mesure législative sur le registre des armes d'épaule.

En réalité, les personnes qui souhaitent acheter une carabine de chasse doivent se conformer aux mêmes formalités qu'avant. Elles doivent demander un permis. La seule différence, c'est que le registre s'est révélé inefficace pour retracer toutes les armes d'épaule du Canada, et ce sont les contribuables qui ont payé la note. De plus, comme l'ont souligné les deux éditoriaux, le registre des armes d'épaule en soi n'a pas été vraiment utile pour la police.

(1450)

En tant que femme, je me souviens très bien de l'horrible tragédie survenue à Montréal. Je travaillais au cabinet du premier ministre à l'époque. En réaction à cet acte horrible, le gouvernement avait adopté les lois sur le contrôle des armes à feu les plus rigoureuses qui soient. Le registre des armes d'épaule a été créé en 1995, je crois. Les lois très dures sur le contrôle des armes à feu qui ont été adoptées après ce que l'on a appelé le « massacre de Montréal » ont été proposées par le gouvernement de l'époque et par la très honorable Kim Campbell, qui était alors ministre de la Justice.

Le sénateur Fraser : Sauf votre respect, je dirai que je suis probablement mieux placée qui n'importe qui ici pour savoir que les éditorialistes se trompent souvent.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Fraser : Cela est d'autant plus probable lorsqu'ils s'entendent spontanément sur quelque chose. Je m'en remets plutôt aux corps policiers, qui affirment qu'ils veulent que le registre soit conservé.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Fraser : Madame le leader du gouvernement, dans sa réponse, nous a rappelé qu'il était encore obligatoire d'obtenir un permis de possession d'arme. Le gouvernement affirme qu'il veut adopter un système de permis permanent plutôt que renouvelable tous les cinq ans. Cela m'apparaît comme un autre affaiblissement des mesures de contrôle qui contribuent à éviter que les mauvaises personnes se retrouvent en possession d'une arme à feu au Canada. Pouvez-vous expliquer en quoi un système d'émission de permis permanent est dans l'intérêt des Canadiens?

Le sénateur LeBreton : Je suis heureuse de constater que madame le sénateur reconnaît que les éditorialistes n'ont pas toujours raison. Lorsqu'elle était rédactrice, je lui ai écrit de nombreuses lettres et il était rare qu'elle y réponde. Il est agréable de l'entendre dire tardivement qu'elle avait peut-être tort.

Je ne peux pas me prononcer sur l'idée du permis permanent. Le gouvernement tient beaucoup à des lois rigoureuses sur le contrôle des armes à feu. Comme je l'ai signalé, les lois sur le contrôle des armes à feu les plus rigoureuses que le Canada ait jamais eues ont été présentées par le très honorable R. B. Bennett, en 1934, et par le gouvernement Mulroney, au début des années 1990.

Je ne parle que du registre des armes d'épaule. Tous les autres permis stricts restent obligatoires. Quiconque a suivi l'actualité au Canada sait que les crimes sont souvent commis avec des armes qui ont été introduites au pays en contrebande. Lorsque la question s'est retrouvée devant le Sénat, au milieu des années 1990, j'avais demandé s'il n'était pas préférable de consacrer l'argent à la sécurité aux frontières et aux centres d'hébergement pour les femmes battues.

Le gouvernement prend très au sérieux les crimes commis avec une arme à feu. C'est pourquoi, à l'autre endroit, nous avons déposé un projet de loi sur les peines minimales obligatoires pour ce type de crime.

Le sénateur Fraser : Le Parti conservateur, lorsqu'il n'était pas au pouvoir, aimait parler du rétablissement de la confiance dans le Parlement, de responsabilité et de toutes ces bonnes choses dans lesquelles nous croyons tous.

La semaine dernière, à l'autre endroit, les membres du Comité permanent de la sécurité publique et nationale ont adopté une motion visant à garder intact le registre des armes à feu. Qu'en est-il du respect et du processus démocratique si le gouvernement, une semaine après, dit : « Nous nous fichons de ce que vous dites, nous ferons ce que nous voulons faire de toute manière »? Je ne vois pas en quoi on sert l'intérêt public en agissant de la sorte.

(1455)

Le sénateur LeBreton : La solution est que les parlementaires examinent le projet de loi et en discutent avec les électeurs de leur circonscription durant l'été. De toute évidence, dans chaque parti, il y a des gens qui sont en faveur de l'abolition du registre des armes d'épaule. Certes, les personnes qui représentent les régions rurales, où il y a des agriculteurs et des chasseurs de canard, prônent son abolition.

Pour garantir une responsabilité démocratique et ouverte, il convient de tenir un débat au Parlement et de voter sur le projet de loi. Nous verrons alors le processus démocratique à l'œuvre au Parlement.

[Français]

RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer au Sénat une réponse à la question orale posée au Sénat le 7 juin 2006, par l'honorable Daniel Hays, concernant le revenu agricole — les programmes de soutien.

L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE

LE REVENU AGRICOLE—LES PROGRAMMES DE SOUTIEN

(Réponse à la question posée le 7 juin 2006 par l'honorable Daniel Hays)

Le sénateur Hays voulait connaître le calendrier de mise en œuvre de plusieurs initiatives annoncées dans le sillage du budget fédéral de 2006, en l'occurrence le Programme d'avances printanières bonifié (PAPB), l'Initiative de transition du PCSRA pour l'évaluation des stocks (ITES) et le Programme de cultures de couverture. Le PAPB, comme le Programme d'avances printanières, est déjà en place et fournira aux producteurs des paiements plus élevés, financés par le gouvernement fédéral. Le PAPB s'appliquera provisoirement jusqu'à l'adoption du projet de loi C-15 ayant pour objet de modifier la Loi sur les programmes de commercialisation agricole. Ce projet de loi vient d'être adopté par la Chambre des communes et nous sommes confiants que tous les membres du Sénat collaboreront afin qu'il soit ratifié d'ici la fin de juin.

Des représentants fédéraux s'emploient à mettre en œuvre l'ITES, dotée d'un budget de 900 millions de dollars, qui permettra aux participants du Programme canadien de stabilisation du revenu agricole (PCSRA) d'appliquer une méthode de calcul de la valeur des stocks avec effet rétroactif pour les années de programme 2003 et 2004 à compter de cet automne, et pour l'année de programme 2005 à compter de la nouvelle année. On a aussi modifié les critères de la couverture des marges négatives du PCSRA pour les années de programme 2005 et 2006. Dès que les provinces auront ratifié l'entente, les demandes de paiement soumises au PCSRA pour 2005 seront examinées conformément aux nouvelles règles sur les marges négatives. Le gouvernement fédéral a affecté 50 millions de dollars de plus à cette initiative.

Plus de 500 demandes au titre du Programme de cultures de couverture ont été envoyées, et nous prévoyons que le versement des paiements pour l'année 2005 commencera en août.

En ce qui a trait à la deuxième question du sénateur Hays sur le remplacement du revenu net du producteur par le revenu brut comme base de calcul des montants d'aide gouvernementale, des représentants fédéraux examinent des options visant la mise en place de deux programmes distincts, soit un programme de stabilisation du revenu et un programme d'aide en cas de catastrophe. Dans ce contexte, plusieurs options sont envisagées. Des représentants fédéraux travaillent avec leurs homologues provinciaux et consultent les groupes de l'industrie de partout au pays. Ces consultations sont essentielles si l'on veut s'assurer que les programmes qui en résulteront répondent aux besoins des producteurs, soient transparents et puissent bénéficier d'un concours bancaire.

En dernier lieu, le sénateur Hays voulait savoir s'il y avait des programmes qui prévoyaient de l'aide pour les producteurs aux prises avec de graves difficultés financières, notamment des programmes d'aide transitoire à l'agriculture. Le gouvernement fédéral est conscient des difficultés auxquelles les producteurs font face. C'est pourquoi nous avons créé, sous le volet Renouveau du Cadre stratégique pour l'agriculture, des programmes qui offrent ce genre d'assistance aux producteurs : les Services-conseils aux exploitations agricoles canadiennes, qui offrent des services de consultation professionnels axés sur la préparation et le suivi de plans financiers; les Services spécialisés de planification d'entreprise, qui aident les producteurs à se doter d'un plan d'entreprise; le Service de médiation en matière d'endettement agricole, qui aide les agriculteurs insolvables à conclure un concordat avec leurs créanciers; le Service canadien de développement des compétences en agriculture, qui aide les agriculteurs et leur conjoint(e) à acquérir les compétences nécessaires pour améliorer leurs chances de réussite à la ferme et en dehors de la ferme.

DÉPÔT DE RÉPONSES À DES QUESTIONS INSCRITES AU FEUILLETON

RESSOURCES HUMAINES ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL—LA NOUVELLE PRESTATION DE COMPASSION PRÉVUE PAR LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 8 inscrite au Feuilleton—par le sénateur Carstairs.

LE PATRIMOINE CANADIEN—LE PROGRAMME D'AIDE AUX MUSÉES

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 9 inscrite au Feuilleton—par le sénateur Carstairs.

[Traduction]

LE SÉNAT

HOMMAGE AUX PAGES À L'OCCASION DE LEUR DÉPART

Son Honneur le Président : Avant de passer à l'ordre du jour, à compter d'aujourd'hui et jusqu'à la fin de la semaine, nous dirons au revoir aux pages qui nous quittent et leur souhaiterons bonne chance pour la prochaine année.

[Français]

Après avoir passé une première année des plus enrichissantes au sein du programme des pages du Sénat, Joannie Jacob, originaire de Maniwaki, au Québec, nous quittera lors de l'ajournement de cette session parlementaire. Elle partira en septembre étudier pour un an à l'Université de Grenade, en Espagne.

[Traduction]

Christian Dicks, notre représentant de St. John's, à Terre-Neuve- et-Labrador, est honoré d'avoir servi comme page au Sénat du Canada au cours des deux dernières années. Il poursuivra ses études à l'Université d'Ottawa, où il fera un baccalauréat en sciences commerciales.

Troisièmement, Bhreagh Dabbs est fière et honorée d'avoir eu l'occasion de travailler comme page au Sénat pendant la dernière année. Elle envisage avec enthousiasme la perspective d'aller passer l'été chez elle à Whitehorse, au Yukon. L'an prochain, elle ira étudier à l'Université de Dar Es Salaam, en Tanzanie.


ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR LES PROGRAMMES DE COMMERCIALISATION AGRICOLE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'honorable Leonard J. Gustafson propose que le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi sur les programmes de commercialisation agricole, soit lu pour la troisième fois.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1500)

[Français]

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur LeBreton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs).

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, avec son projet de loi S-4, le gouvernement veut limiter le mandat parlementaire des sénateurs à huit ans. Si je ne m'objecte pas a priori à ce principe, j'ai néanmoins plusieurs préoccupations quant aux intentions du gouvernement actuel de diminuer la part du Sénat au parcours législatif de l'appareil fédéral. Rappelons que, dans son Renvoi à la compétence législative du Parlement du Canada relativement à la Chambre haute, la Cour suprême du Canada stipulait, en 1980, que la réduction de la durée des fonctions pourrait nuire au bon fonctionnement du Sénat qui assure, pour reprendre les paroles de sir John A. McDonald, « un deuxième coup d'œil attentif à la loi ».

Le leader de l'opposition au Sénat, l'honorable Daniel Hays, rappelait, le 8 juin dernier, que la Cour suprême avait, en 1980, clairement affirmé qu'une réduction éventuelle de la durée du mandat pourrait saper une des caractéristiques essentielles du Sénat, c'est-à-dire sa capacité de modérer et de contrôler la législation. Est- ce bien cela que nous souhaitons pour la Chambre haute du Parlement canadien?

Rappelons également que l'expertise, l'expérience de vie et les antécédents professionnels des sénateurs jouent un rôle crucial dans le fonctionnement de l'institution qu'est le Sénat canadien. Dans l'ouvrage de notre collègue, le sénateur Serge Joyal, Protéger la démocratie canadienne, l'ex-ministre québécois Gil Rémillard nous rappelle les caractéristiques essentielles et fondamentales du Sénat : l'indépendance, la perspective à long terme, la continuité, l'expérience professionnelle et personnelle, l'égalité des régions conformément aux principes du fédéralisme.

M. Rémillard dit ceci :

Ces cinq qualités ont été au centre de l'analyse que notre Cour suprême a faite du Sénat dans le renvoi de 1980, et elles demeurent le fondement même de l'existence du Sénat.

Si le Sénat peut être amélioré dans son fonctionnement et sa composition, il n'en demeure pas moins qu'il constitue un organe vital de l'appareil gouvernemental fédéral et ce, dans le contexte de la fédération canadienne. Le Sénat est une Chambre dont le rôle et la représentation sont différents et distincts de ceux de la Chambre des communes, une Chambre représentative des régions et des minorités. Autrement dit, comme le dit si bien le sénateur Joyal, compromettre le rôle et les fonctions du Sénat et les principes du fédéralisme et du gouvernement responsable équivaudrait à une violation d'un principe fondamental de la Constitution.

Le 8 juin dernier, notre collègue, le sénateur Claudette Tardif, disait ceci :

Modifier la durée du Sénat sans considérer d'autres aspects de la réforme du Sénat et sans connaître d'une façon précise la nature des réformes à venir pourrait être préjudiciable au fonctionnement du Sénat et de l'ensemble du Parlement.

Notre collègue se préoccupait, entre autres, de la représentation régionale et des minorités, comme moi, d'ailleurs. Comment peut-on avancer avec le projet de loi sur la table lorsque nous ne connaissons pas encore les autres changements qu'envisage le gouvernement actuel? N'oublions pas que la Chambre haute a un rôle distinct de celui de la Chambre des communes.

Comme je viens de le mentionner, deux éléments au chapitre de la représentation au Sénat sont cruciaux : les régions et les minorités. La quasi-totalité des démocraties occidentales modernes sont dotées d'un système législatif bicaméral et, dans ces démocraties, le fondement le plus courant la Chambre haute est la représentation régionale indépendante. Et puis, que fera-t-on de la représentation des femmes, des communautés minoritaires de langues officielles et des Autochtones?

[Traduction]

De plus, on ne peut pas parler du Sénat isolément. Le Sénat n'est qu'un rouage de la structure de gouvernance de la fédération canadienne. En février 2004, le sénateur John Lynch-Staunton, dans un discours prononcé devant le Halifax Club, a rappelé à l'auditoire que le Sénat avait été créé afin de donner aux régions une représentation égale au niveau fédéral et de protéger les droits de la minorité, ce qui constitue un grand objectif national.

Dans un article publié récemment, le journaliste canadien Peter Worthington a déclaré que la Confédération a besoin du Sénat. Il a dit que le Sénat est le seul organe parlementaire où les provinces jouissent — ou devraient jouir — de l'égalité. Il félicite même les comités sénatoriaux de leur travail.

En avril 2006, le Winnipeg Free Press a publié un éditorial dans lequel il rappelle aux Canadiens que :

Au plan national, le Sénat constitue la première ligne de défense. George-Étienne Cartier, un des pères de la Confédération, a dit que le Sénat devait assurer ce qu'il appelait le pouvoir de résistance pour s'opposer à l'élément démocratique. Cette réflexion est plus démocratique qu'il n'y paraît puisque le Sénat offre une défense contre le pouvoir absolu de la majorité qui gouverne une démocratie.

[Français]

À l'instar de notre leader au Sénat, l'honorable Daniel Hays, qui, dans son intervention au Sénat le 8 juin dernier, disait avoir bien des questions par rapport à ce projet de loi, je crois que ce projet de loi suscite bien des interrogations et soulève plusieurs préoccupations.

[Traduction]

Ce qui m'inquiète dans le projet de loi S-4 n'est pas ce qu'on y trouve, mais ce qu'on n'y trouve pas — les intentions cachées du gouvernement et les modifications à venir. Le premier ministre Harper dit que cette mesure n'est que le début de son plan, mais nous devons voir le plan dans son entier afin de pouvoir prendre une décision éclairée. Dans un éditorial paru récemment dans le Globe & Mail, on qualifie de « politique des petits pas » la tentative de réforme du Sénat de M. Harper.

Honorables sénateurs, de nombreuses questions demeurent sans réponse. Que veut vraiment accomplir le gouvernement avec la réforme du Sénat? A-t-il songé au processus? Le gouvernement a-t-il pleinement songé à tous les membres de la fédération — les provinces et les territoires —, aux femmes, aux peuples autochtones du Canada, aux minorités de langue officielle ou à la mosaïque culturelle du pays? Si les sénateurs étaient élus, comment ces groupes seraient-ils représentés?

Si les sénateurs étaient élus, est-ce que cela minerait le rôle et la responsabilité de la Chambre des communes, étant donné qu'il y aurait deux Chambres composées de représentants élus? Dans la négative, quelles mesures seraient prises pour veiller à ce que les deux Chambres aient des rôles complémentaires? Le projet de loi S-4 est le prélude de quelles autres modifications projetées par le gouvernement?

[Français]

Lorsque nous aborderons éventuellement la question de la représentativité au sein du Sénat, quels mécanismes le gouvernement prévoit-t-il pour assurer une représentation équitable des Autochtones, des minorités de langue officielle, des femmes et des communautés ethnoculturelles?

Les mécanismes retenus cadreront-t-ils mieux dans un processus électoral ou par la voie des nominations, comme c'est le cas à l'heure actuelle? Ces questions demeurent présentement sans réponse.

Les Canadiens et les Canadiennes veulent du changement, mais pas à n'importe quel prix. En général, ils connaissent mal la raison d'être du Sénat. Nous avons tous la responsabilité de leur faire mieux connaître la Chambre haute, ce qu'elle représente dans notre système parlementaire canadien, ce qu'elle accomplit, ce que font les membres de cette Chambre.

Notre ex-collègue, le sénateur Gérald Beaudoin, me disait récemment : « La beauté du Sénat, c'est ce qu'on ne voit pas. » En effet! Et dans un article que notre ex-sénateur constitutionnaliste publiait dans l'édition du Droit du 15 juin dernier, il disait ceci :

Ce serait une erreur d'abolir le Sénat. Il permet d'améliorer la législation. C'est déjà énorme! Les comités sénatoriaux sont très efficaces et très utiles.

[Traduction]

Honorables sénateurs, les Canadiens souhaitent du changement, mais pas à n'importe quel prix. Ils veulent un Sénat plus fort, qui représente mieux les provinces et les territoires du Canada et qui soit un porte-parole plus efficace des intérêts divers des nombreux peuples qui forment la population du Canada.

Les jeunes Canadiens s'intéressent eux aussi à ce qui pourrait arriver au Sénat. Une étudiante de l'Université du Manitoba, Mme Linnea Ingebrigtson, m'a remis une dissertation qu'elle a rédigée, intitulée « Le Sénat du Canada : Sa réforme est-elle la solution? » Voici ce qu'elle écrit dans l'introduction :

La thèse défendue dans la présente dissertation est que le Sénat du Canada ne devrait pas faire l'objet d'une réforme tant qu'on n'aura pas formulé une proposition crédible et efficace qui soit compatible avec le rôle et le mandat actuels du Sénat ou qui puisse envisager et exécuter avec discernement une modification de ce rôle dans le cadre d'une réforme.

L'auteure décrit le Sénat dans son état actuel, en donne l'historique et présente les avantages et les inconvénients de la structure et du mode de fonctionnement actuels du Sénat. Elle examine les diverses propositions de réforme du Sénat et explique pourquoi le Sénat est utile. Voici ce qu'elle écrit :

Le Sénat excelle dans l'étude et la modification de projets de loi. Dans l'ensemble, les sénateurs ont plus d'expérience et sont nommés pour une longue période, ce qui fait d'eux des représentants de grande qualité. C'est pourquoi les comités du Sénat et leurs enquêtes sont souvent meilleurs que ceux de la Chambre des communes.

(1510)

Voici ce qu'écrit Mme Ingebrigtson dans sa conclusion :

Ceux qui critiquent le système politique canadien visent souvent en premier le Sénat. Ainsi, lorsqu'un dossier n'est pas mené à bien, nombre de personnes s'en prennent à tort au Sénat, alors que le problème vient principalement de la Chambre des communes. Les Pères de la Confédération n'ont pas établi le Sénat pour qu'il serve de souffre-douleur, mais bien à titre de Chambre de réflexion faisant contrepoids à la Chambre des communes.

[Français]

Honorables sénateurs, le projet de loi S-4 suscite beaucoup d'intérêt auprès des Canadiens et des Canadiennes et auprès de nos jeunes. Profitons de cette occasion, encore une fois, pour leur expliquer le travail important que fait le Sénat du Canada et les inquiétudes suscitées par ce débat de réforme.

Si le mandat de huit ans est adopté, la prochaine étape est-elle un Sénat élu? À mon avis, il faut toujours éviter de simplement transplanter des formules sans tenir compte du contexte. Il est toujours bon d'échanger des idées pour pouvoir découvrir de nouvelles solutions. Il peut être utile de comparer comment d'autres pays ont résolu certains problèmes et examiner les diverses solutions possibles. Aucune recette ou formule universelle ne peut s'appliquer à tous les pays. Nous devons trouver la nôtre.

Le Sénat du Canada est un lieu de travail et de traditions. Il joue un rôle particulier à l'égard des projets de loi; les comités sénatoriaux sont souvent désignés comme le cœur et l'âme du Sénat. Les femmes, les Autochtones et les minorités jouent au Sénat un rôle important qui ne cesse de s'affirmer. Leur contribution à la révision des politiques et des projets de loi du gouvernement du Canada illustre comment le Sénat sert de tribune utile pour représenter les divers intérêts régionaux, linguistiques, culturels et socioéconomiques du Canada.

Honorables sénateurs, je suis prête à envisager des changements, mais pas à n'importe quel prix.

[Traduction]

L'honorable David Tkachuk : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?

Le sénateur Chaput : Oui.

Le sénateur Tkachuk : J'essaie de comprendre la position des libéraux, et je ne sais pas si la position exposée par l'honorable sénateur est celle des libéraux ou la sienne. J'ai entendu bien des réflexions et des discours sur la réforme du Sénat et l'élection des sénateurs.

Le projet de loi prévoit un mandat de huit ans plutôt qu'une nomination jusqu'à l'âge de 75 ans. Madame le sénateur s'oppose-t- elle à un mandat de huit ans parce qu'elle préfère la nomination jusqu'à 75 ans, ou s'oppose-t-elle à un mandat de huit pas parce qu'elle préférerait 12 ou 10 ans? Autrement dit, en principe, s'oppose-t-elle à ce que les sénateurs soient nommés pour un certain nombre d'années, peu importe ce nombre, plutôt que jusqu'à 75 ans? Peut-être pourrait-elle répondre à cette question.

[Français]

Le sénateur Chaput : C'est à titre personnel que j'ai prononcé mon discours aujourd'hui. A priori, je ne m'oppose pas au terme de huit ans, mais j'ai beaucoup de questions. Avant d'accepter ce changement, j'aimerais obtenir des réponses à d'autres questions. Par exemple : si nous procédons avec un mandat de huit ans, qu'est- ce qui pourrait arriver dans cette Chambre? Si on vous avait offert un mandat de huit ans au Sénat du Canada, combien parmi vous l'auraient accepté? Est-ce que cela aurait pu nuire à une carrière que vous aviez déjà et que vous ne pouviez pas ou ne vouliez pas cesser? Est-ce que vous auriez accepté de siéger au Sénat pour huit ans au lieu d'y siéger jusqu'à l'âge de 75 ans parce que cela aurait fait votre affaire? Ce sont des questions que je me pose. Ce n'est pas le terme de huit ans qui me fait le plus hésiter. Ma plus grande difficulté viendra lorsqu'on parlera d'un Sénat élu et de ce que cela changerait en termes de composition du Sénat et du travail que nous devons accomplir.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Autrement dit, le principe du projet de loi, que le nombre d'années soit de huit ou de dix, semble généralement satisfaire madame l'honorable sénateur. Elle craint peut-être que nous n'ayons pas assez de candidats pour ces postes. J'estime que, si nous faisions un sondage auprès des Canadiens, leur demandant s'ils accepteraient un mandat de huit ans, des millions s'empresseraient d'envoyer leur acte de candidature le plus rapidement possible.

Si nous laissons de côté la question des qualités des candidats, le projet de loi n'en dit pas beaucoup plus long. Il limite le mandat à huit ans, ce qui remplacerait une nomination jusqu'à 75 ans, que le candidat ait 35, 50 ou 72 ans. Beaucoup ont accepté une nomination lorsqu'ils avaient déjà un certain âge.

[Français]

Le sénateur Chaput : Honorables sénateurs, une des préoccupations que j'ai en ce qui a trait au mandat, qu'il soit de huit ou de dix ans, concerne la continuité et l'expérience de vie au Sénat.

Je vais vous donner un exemple concret. Nous avions un constitutionnaliste. Vous savez tous qu'il n'en pleut pas. S'il était élu, accepterait-il de siéger au Sénat pour une période de huit ans? Huit ans seraient-ils suffisants dans un tel cas? Je n'ai pas la réponse. Je ne sais pas. Un mandat de dix ans serait-il mieux? Je n'ai pas la réponse.

J'ai beaucoup plus de questions que de réponses. C'est la raison pour laquelle nous devons consulter et discuter avec les gens autour de nous. Cependant, laissez-moi vous dire que la jeune universitaire et d'autres jeunes que j'ai rencontrés remettent en question beaucoup le mandat de huit ans. Certains m'ont demandé si huit ans au Sénat étaient suffisants pour arriver à effectuer le travail et assurer la continuité que nous connaissons à l'heure actuelle.

[Traduction]

Je leur ai dit que je ne le savais pas. Nous finirons par savoir.

L'honorable Jack Austin : Honorables sénateurs, je félicite ma collègue, le sénateur Chaput, de sa participation au débat. Je tiens à dire au sénateur Tkachuk que sa question serait peut-être pertinente s'il s'agissait d'une modification constitutionnelle qui tient compte des provinces, car nous serions alors saisis d'une question de politique. Toutefois, comme il s'en apercevra bientôt, la question n'a rien à voir avec le débat sur le projet de loi S-4.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-4 soulève plusieurs questions essentielles qui concernent la raison d'être de notre institution. Il est fascinant de travailler sur une constitution. De nombreux sénateurs, dont le sénateur Murray, se rappelleront les dernières tentatives de modification de la Constitution du Canada, notamment en ce qui concerne la composition du Sénat. De nombreux hommes et femmes d'État canadiens, universitaires, journalistes et simples citoyens portent les cicatrices laissées par les tentatives du dernier gouvernement conservateur à la fin des années 1980. J'éprouve quelque sympathie pour le premier ministre Harper, qui essaie de contourner la Constitution pour apporter des changements au Sénat sans entamer de discussions avec les provinces. Toutefois, honorables sénateurs, nous ne pouvons nous plier aux vœux du premier ministre. Nous devons rester fidèles à la Constitution. Je crains fort que le projet de loi S-4 ne satisfasse pas au premier et au plus important critère, soit celui de la constitutionnalité.

Madame le leader du gouvernement nous a dit que le Parlement pouvait apporter la modification proposée à la Constitution en s'appuyant sur les pouvoirs prévus à l'article 44 de la Constitution. Je suis loin d'être convaincu du bien-fondé de son point de vue.

(1520)

Avant l'adoption du projet de loi C-60, le gouvernement du premier ministre Trudeau, en 1978, avait demandé à la Cour suprême du Canada si les changements proposés au Sénat pouvaient être effectués par le Parlement du Canada avec l'adoption d'un projet de loi. Parmi les modifications proposées, on remarquait un changement de la durée du mandat des sénateurs. La Cour suprême avait répondu :

Actuellement, lorsqu'ils sont nommés, les sénateurs occupent leur charge jusqu'à l'âge de soixante-quinze ans. À un certain point, la réduction de la durée des fonctions pourrait nuire au bon fonctionnement du Sénat qui assure, pour reprendre les paroles de Sir John A. Macdonald : « un deuxième coup d'œil attentif à la loi ». L'Acte prévoit une constitution semblable, en principe, à celle du Royaume-Uni, où les membres de la Chambre des lords siègent à vie. L'imposition de la retraite obligatoire à l'âge de soixante- quinze ans n'a pas modifié le caractère essentiel du Sénat. Cependant, pour répondre à cette question, il nous faudrait savoir quels changements on se propose d'apporter à la durée des fonctions.

La citation est tirée du Renvoi relatif à la Chambre haute [1980] 1 R.C.S. 54, et la citation se trouve aux pages 76 et 77.

Concernant la loi en général et les modifications qui peuvent être faites par le Parlement du Canada lui-même, la Cour suprême a déclaré :

Examinant de façon générale la seconde question, nous sommes d'avis que, bien que le paragraphe 91(1) permette au Parlement d'apporter certains changements à la constitution actuelle du Sénat, il ne lui permet pas d'apporter des modifications [...]

— et j'insiste sur les mots suivants —

[...] qui porteraient atteinte aux caractéristiques fondamentales ou essentielles attribuées au Sénat [...]

— je répète —

[...] qui porteraient atteinte aux caractéristiques fondamentales ou essentielles attribuées au Sénat pour assurer la représentation régionale et provinciale dans le système législatif fédéral. Le Parlement britannique a déterminé le caractère du Sénat d'après les propositions soumises par les trois provinces pour rencontrer les exigences du système fédéral proposé. C'est à ce Sénat, créé par l'Acte, que l'article 91 a donné un rôle législatif. Nous sommes d'avis que le Parlement du Canada ne peut en modifier unilatéralement le caractère fondamental et le paragraphe 91(1) ne l'y autorise pas.

Cela figure aux pages 77 et 78.

Honorables sénateurs, les avis peuvent différer quant à savoir si un mandat de huit ans modifierait les caractéristiques fondamentales ou essentielles du Sénat, mais comment un mandat de huit ans pourrait-il préserver ces caractéristiques? Madame le leader du gouvernement au Sénat nous dit qu'on a l'intention de faire en sorte que ce mandat soit renouvelable, c'est-à-dire que chaque sénateur pourrait être nommé à nouveau par le premier ministre du moment à la fin du mandat de huit ans.

Madame le leader du gouvernement a pris soin de lier la possibilité d'un nouveau mandat à l'établissement par le gouvernement d'une procédure visant à nommer seulement les sénateurs qui ont été élus dans une région donnée. Honorables sénateurs, nous devons rejeter de telles considérations, car elles sont loin d'être une réalité. Malgré les déclarations du premier ministre et du leader du gouvernement dans cette enceinte, le projet de loi dont nous sommes saisis est tout sauf « une première étape importante dans un processus de réforme du Sénat à long terme », ce qui laisse entendre que la prochaine étape résidera dans d'autres progrès vers l'élection des sénateurs. La proposition dont nous sommes saisis ne parle que de limiter les mandats et nous devrions simplement discuter du pour et du contre de cette proposition.

Nous devons éviter toute tentative d'obscurcir le débat en utilisant des expressions comme « en supposant qu'un sénateur a été réélu ». Nous nous penchons seulement sur la validité constitutionnelle et l'utilité sur le plan conceptuel d'un mandat de huit ans pour le Sénat, comme on le prévoit dans le projet de loi dont nous sommes saisis qui, on nous le dit, comprend la possibilité d'un nouveau mandat.

Tout porte à croire que les caractéristiques fondamentales ou essentielles du Sénat seraient modifiées par cette proposition. Chose certaine, l'indépendance d'un sénateur serait, semble-t-il, influencée par la possibilité d'un nouveau mandat. C'est une chose que nous n'accepterions jamais pour les juges, car cela minerait leur indépendance et leur impartialité. Pourquoi le même principe ne s'applique-t-il pas dans le cas présent?

Chose intéressante, Roger Gibbons, président de la Canada West Foundation, de Calgary, en Alberta, et l'un des principaux partisans d'une réforme du Sénat dans les années 1980 et 1990, a écrit en février dernier un article intitulé « Ne précipitons pas une réforme du Sénat », dans lequel il a prétendu que le monde avait changé depuis les premiers jours du mouvement en faveur d'une réforme du Sénat. Il a écrit :

Le meilleur argument pour une réforme du Sénat à l'heure actuelle est peut-être basé sur des principes démocratiques plutôt que sur la nécessité d'une meilleure représentation régionale. La nécessité d'éviter une concentration excessive des pouvoirs politiques entre les mains du premier ministre et du Cabinet demeurera, même si l'importance de l'identification régionale commence à s'estomper.

J'insiste sur cette dernière phrase.

Toutefois, bien au contraire, la proposition qui nous a été présentée permettrait d'accroître la concentration des pouvoirs du premier ministre, puisque le premier ministre aurait le pouvoir de nommer les sénateurs et de renouveler leur mandat après huit ans.

De nombreux articles ont été rédigés au fil des ans, insistant sur la valeur ajoutée que les sénateurs apportent aux travaux du Sénat, tant dans le cadre du processus législatif que des études approfondies, grâce à leur longue expérience du Sénat et à la mémoire collective que toutes ces années leur permettent d'accumuler. Dans l'article qu'il a inclus dans l'excellent ouvrage publié par le sénateur Joyal sur le Sénat, le professeur émérite C.E.S. Franks a écrit précisément sur les avantages que présente le long mandat aux fins des études approfondies que mène le Sénat, par rapport à l'autre endroit.

Bien sûr les Pères de la Confédération ont précisé très clairement dans la Constitution que le Canada aurait une constitution « semblable en principe à celle du Royaume-Uni ». Comme l'a souligné la Cour suprême dans le renvoi de 1980 sur la Chambre haute, en vertu de la Constitution du Royaume-Uni, « les membres de la Chambre des lords sont nommés à vie ».

Les déclarations faites par le premier ministre Harper peu après le dépôt de ce projet de loi vont donc à l'encontre de cet énoncé. Il avait alors déclaré qu'aucun corps législatif n'accordait un mandat par nomination. Il avait bien sûr oublié notre Constitution et la Chambre des lords.

Je le répète, je ne discute pas la valeur d'un mandat de huit ans par rapport à un mandat de 12 ans ou plus ou d'une nomination jusqu'à l'âge de 75 ans. Ce que je dis, c'est que le projet de modification dont nous sommes saisis modifierait apparemment « les caractéristiques fondamentales ou essentielles attribuées au Sénat ». Nous sommes donc en droit de nous demander si cette proposition est constitutionnelle ou non.

Honorables sénateurs, lorsque nous décidons de toucher à la Constitution pour y apporter des changements dans un domaine que l'on affirme relever de la compétence exclusive du Parlement, nous ne pouvons pas nous permettre de faire des erreurs. Il serait épouvantable d'adopter ce projet de loi et de faire passer le mandat des sénateurs à huit ans, puis de nous rendre compte par la suite qu'une telle mesure est inconstitutionnelle. Cela ne ferait que créer de la confusion, des perturbations et de l'antagonisme. Ce serait un vrai gâchis.

Avant que ce projet de loi aille de l'avant, s'il doit aller de l'avant, nous devons soumettre un renvoi à la Cour suprême du Canada sur la constitutionnalité du changement proposé.

Honorables sénateurs, ce projet de loi revêt également un grand intérêt pour les provinces. Depuis le début, le Sénat a été chargé de représenter les régions, ou les « sections », comme on disait à l'époque. Sir John A. Macdonald a dit au cours des débats sur la Confédération :

À la Chambre haute sera confié le soin de protéger les intérêts de section; il en résulte que les trois grandes divisions seront également représentées pour défendre leurs propres intérêts contre toutes combinaisons de majorités dans l'Assemblée.

C'est là une phrase utile, compte tenu du fait que d'autres projets de loi pourraient nous être soumis.

Dans son jugement de 1980, la Cour suprême a passé en revue l'histoire des débats sur la Confédération et elle est arrivée à la conclusion suivante :

Un but primordial de l'institution du Sénat, en tant que partie du système législatif fédéral, était donc d'assurer la protection des divers intérêts régionaux au Canada quant à l'adoption de la législation fédérale.

Quelles répercussions la réduction de notre mandat à huit ans aurait-elle sur notre représentation des régions? En particulier, quelles conséquences la carotte que représente une éventuelle nomination par le premier ministre en exercice aurait-elle sur notre rôle de représentation et notre indépendance? Est-ce que nous continuerions toujours de représenter d'abord les intérêts des provinces et des territoires, ou peut-on soutenir que d'autres considérations personnelles et politiques entreraient en ligne de compte?

À n'en pas douter, honorables sénateurs, il n'y a pas unanimité parmi les premiers ministres provinciaux quant à ce qu'il faut faire du Sénat, si tant est qu'il faille en faire quelque chose. D'aucuns s'opposent farouchement à la tenue d'élections sénatoriales. D'autres y sont maintenant disposés. Nous avons entendu madame le sénateur Ringuette nous dire que le premier ministre Lord, du Nouveau-Brunswick, a annoncé son intention de tenir des élections sénatoriales au même moment que les élections municipales. Toutefois, nous a dit madame le sénateur Ringuette, seulement 72 p. 100 de la population vit dans des lieux constitués et seraient autorisés à voter.

Honorables sénateurs, il me paraît que c'est là un excellent exemple de la défense par un membre de notre assemblée des intérêts des minorités dans sa région, contre la décision d'une assemblée élue à la majorité. Cela nous rappelle que les premiers ministres des provinces — tout comme notre premier ministre, peut-être — ne songent pas à la Constitution lorsqu'ils expriment leur point de vue.

(1530)

J'estime que la position à laquelle ont adhéré les deux gouvernements précédents, celui du premier ministre Chrétien et celui du premier ministre Martin, est la bonne position à adopter. Elle consiste à dire aux provinces de formuler une recommandation unanime au sujet de la réforme du Sénat.

Honorables sénateurs, le premier ministre Gordon Campbell a déclaré que, en ce qui concerne la Colombie-Britannique, une condition préalable à toute réforme du Sénat est une répartition des sénateurs qui reflète étroitement le rôle de cette province dans le fédéralisme canadien. La Colombie-Britannique est officiellement une cinquième région du Canada, et l'on pourrait soutenir qu'elle a droit à une représentation de 24 sénateurs.

Mon principal argument, honorables sénateurs, pour être clair, c'est que le Sénat ne constitue pas une question urgente ou pressante; il ne s'agit pas là d'une question brûlante pour le Canada ni pour la plupart des Canadiens. Comme je l'ai dit plus tôt, un des plus ardents défenseurs de la réforme du Sénat pendant des années exhorte maintenant le gouvernement à ralentir. Roger Gibbons, de la Canada West Foundation, a écrit en février :

Le tollé qui a suivi la nomination par le premier ministre Stephen Harper de Michael Fortier au Sénat, de même qu'au Cabinet, à titre de ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, est peut-être une bonne chose malgré les apparences.

Avec un peu de chance, Harper fera une pause avant de faire un nouveau pas en ce qui concerne le Sénat. Cette pause revêt une importance cruciale, car les Canadiens n'ont pas de plan cohérent pour réformer le Sénat. Nous avons besoin de temps pour nous regrouper avant de tenter d'avancer dans ce dossier gouvernemental difficile.

Je conviens que nous avons besoin d'un plan cohérent avant de procéder à des changements fragmentaires, comme celui dont nous sommes actuellement saisis. J'écoute attentivement les préoccupations qui sont exprimées au sujet du Sénat. J'ai entendu des appels en faveur de l'élection du Sénat; j'ai entendu beaucoup d'appels en faveur de changements dans la représentation régionale, afin d'accroître la représentation, notamment de la Colombie- Britannique et de l'Alberta, et de reconnaître à la fois la taille considérable de leur population et leur contribution économique au Canada. Honorables sénateurs, je n'ai pas remarqué de vague de fureur balayer tout le pays et exiger que la durée du mandat des sénateurs soit de huit ans.

Madame le sénateur LeBreton a mentionné avec approbation plus tôt aujourd'hui des éditoriaux du Globe and Mail et du National Post au sujet du nouveau projet de loi sur l'enregistrement des armes d'épaule en disant qu'ils constituaient une justification de ce projet de loi. Ces deux journaux et le Vancouver Sun ont dit que ce projet de loi n'est que du repiquage et qu'il devrait être abandonné. Sans doute que, pour l'honorable sénateur LeBreton, c'est convaincant.

Le fait est qu'au cours de la récente campagne électorale, l'actuel premier ministre Harper a promis de réformer le Sénat. Il tente maintenant de tenir cette promesse. Toutefois, tout comme il a promis de réduire les impôts, puis s'est empressé de les augmenter, tout en utilisant des mots soigneusement choisis pour persuader les Canadiens qu'il tenait en fait sa promesse, voilà qu'encore une fois, il promet une chose et en fait une autre, complètement différente.

Le sénateur Hays a décrit en détail la promesse, contenue dans la plate-forme électorale conservatrice, de mettre en place un processus permettant de choisir des sénateurs élus dans chaque province et territoire. Je ne vois pas dans le projet de loi S-4 la promesse de « proposer des réformes afin d'assurer que le Sénat soit un organe efficace, indépendant et élu démocratiquement, représentant toutes les régions de façon équitable ». Je ne vois rien de cela dans le projet de loi S-4.

Je ne me souviens pas d'avoir entendu M. Harper proposer des mandats de huit ans pour les sénateurs. Cette proposition, comme beaucoup des autres engagements pris durant la campagne électorale, ne correspond à aucune politique. Elle est conçue pour permettre aux conservateurs de cocher une promesse, même si elle ne fait absolument rien pour affronter le problème en cause.

Son Honneur le Président : Le sénateur Austin demande une prolongation de cinq minutes.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Austin : Merci, honorables sénateurs. Il me reste tant de choses à dire. J'essaierai de tout résumer en cinq minutes.

Je voudrais dire que le projet de loi n'apporte aucune amélioration réelle au Sénat. Ce qui est présenté dans le projet de loi S-4 n'est qu'une illusion. Je ne crois pas que cette proposition constitue un projet sérieux de réforme du Sénat. Toutefois, cela ne signifie pas que je rejette l'idée d'une réforme. Bien au contraire, je crois que le pays a besoin d'une discussion réfléchie sur nos institutions politiques — aussi bien cette Chambre que l'autre — afin que le Parlement puisse travailler d'une façon plus efficace pour les Canadiens.

La critique centrale que nous connaissons bien tous, selon laquelle le Sénat ne reflète pas les principes démocratiques contemporains, ne tient pas compte, à mon avis, du principe essentiel sur lequel se fonde le Sénat, à savoir la représentation indirecte. Ce concept se traduisait par une « démocratie rapide » à la Chambre des communes et une « démocratie lente » au Sénat. Basé dans une grande mesure sur le modèle de la Chambre des lords britannique, le Sénat devait constituer un « conseil des aînés » chargé de contrôler le mandat populaire. Les Pères de la Confédération étaient très conscients des concepts adoptés aux États-Unis en matière de freins et contrepoids.

Je dois vous dire, honorables sénateurs, que nous avons besoin, à mon avis, d'un centre politique plus fort dans notre pays. Je trouve inquiétant que le premier ministre tente paradoxalement, d'une part, de se départir du pouvoir économique sur la politique nationale et, de l'autre, de proposer l'élection des sénateurs, ce qui aurait pour effet de favoriser la centralisation du pouvoir politique. À long terme, ce pouvoir rapatriera tout transfert économique consenti aux provinces.

Honorables sénateurs, la proposition dont nous sommes saisis n'est pas sérieuse. Nous devons la reconnaître pour ce qu'elle est : une manœuvre conçue pour permettre au premier ministre de dire à l'électorat canadien qu'il a tenu une promesse électorale. Il avait promis qu'un gouvernement conservateur « amorcera la réforme du Sénat en élaborant un processus national permettant de choisir des sénateurs élus pour chaque province et territoire ». Comme je l'ai dit, le projet de loi n'a rien à voir avec cette promesse. Dans sa forme actuelle, il ne fait que renforcer le pouvoir qu'a le premier ministre de nommer les sénateurs en lui garantissant le droit de l'exercer tous les huit ans pour chaque poste de sénateur. Il resserre le contrôle du premier ministre bien au-delà de ce qui existe actuellement et a jamais existé dans le pays, en inscrivant dans la loi le pouvoir de reconduire une nomination.

Soyons clairs. Il n'y a pas de transparence dans le processus de nomination proposé, pas plus qu'il n'y a de responsabilité envers les Canadiens. Il n'y a de responsabilité qu'envers le premier ministre de l'heure.

Honorables sénateurs, je vous dis qu'un débat sur la réforme du Sénat et du Parlement attend et que les Canadiens chercheront à l'avoir. Ils veulent comprendre notre processus mieux qu'ils ne le comprennent aujourd'hui. Honorables sénateurs, ce projet de loi ne fait rien, ne contribue rien et devrait donc être rejeté.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, nous avons eu quelques bons discours au cours de ce débat. Je regrette de dire que je n'ai que bien peu à ajouter. La presse a rapporté que j'ai dit que le gouvernement devrait renvoyer le projet de loi à la Cour suprême du Canada pour déterminer si le Parlement fédéral, agissant en vertu de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, peut fixer à huit ans la durée du mandat des sénateurs futurs.

Un certain nombre de sénateurs, moi-même compris, qui ont été ministres ou ont autrement eu des liens avec des gouvernements précédents, ont indiqué que ces gouvernements ont renoncé à emprunter cette voie, craignant qu'une telle modification n'exige le consentement de deux tiers des provinces totalisant au moins 50 p. 100 de la population du Canada. Autrement dit, le changement proposé ne peut être fait qu'en vertu de l'article 38, c'est-à-dire le mode général de révision.

J'admets que le présent gouvernement agit en fonction d'avis ou de conseillers différents. Madame le leader du gouvernement au Sénat a dit, lorsqu'elle a ouvert le débat le 1er juin, que le gouvernement avait consulté au moins deux conseillers extérieurs, le sénateur Gérald Beaudoin et l'universitaire Patrick Monahan. Si le projet de loi est renvoyé au comité, celui-ci entendra sans doute d'autres experts qui défendront les deux points de vue. Toutefois, la décision finale doit venir de la Cour suprême du Canada. Je suis d'ailleurs d'accord avec le sénateur Austin qu'il vaut mieux essayer d'obtenir une décision maintenant que plus tard.

(1540)

La durée du mandat des sénateurs ne figure pas parmi les questions énumérées à l'article 42 et au sujet desquelles la modification constitutionnelle exige le consentement des provinces. Par ailleurs, toute modification portant sur « le mode de sélection des sénateurs » exige le consentement des provinces. On peut se demander, entre autres, si « le mode de sélection des sénateurs » inclut implicitement la mission pour laquelle ils sont nommés, ce qui signifie qu'ils conservent leur siège jusqu'à l'âge de 75 ans.

Une question plus vaste et plus profonde consiste à déterminer si un changement établissant un mandat fixe de huit ans est simplement d'ordre administratif et relève donc des pouvoirs exclusifs du Parlement. J'utilise délibérément l'expression « d'ordre administratif ». L'expression vient d'une décision rendue en 1980 par la Cour suprême du Canada à laquelle le sénateur Austin et d'autres se sont souvent reportés. La nomination à vie établie en 1867 devait assurer l'indépendance du Sénat, et le changement apporté en 1965 prévoyant la retraite à 75 ans ne semble pas avoir nui à ce principe.

En 1980, la Cour suprême a décrit notre indépendance comme une « caractéristique fondamentale » du Sénat. Si l'imposition d'un mandat de huit ans n'est pas « d'ordre administratif », mais représente un changement majeur, notre indépendance pourrait aussi être compromise, ce qui, selon le raisonnement qui sous-tend le jugement de 1980, dépasserait la compétence unilatérale du Parlement.

Mon objection à ce projet de loi ne se limite pas au fait qu'il puisse être anticonstitutionnel. Même s'il est statué que le changement proposé, qui consiste à établir un mandat fixe de huit ans, rentre dans la compétence exclusive du Parlement, j'aurais de sérieuses réserves le concernant et concernant la manière dont procède le gouvernement.

Nous avons un Parlement bicaméral dans un pays fédéral. Les institutions — il ne faut jamais l'oublier — la Couronne, le Sénat, la Chambre des communes et le fédéralisme — sont intimement liées. Un changement majeur apporté à l'une de ces institutions aura souvent un effet sur au moins une des autres et donc sur l'ensemble de la structure, soit directement ou indirectement.

Le gouvernement semble avancer deux arguments contradictoires dans le débat sur ce projet de loi. Le premier est qu'un mandat fixe de huit ans pour les sénateurs représente un changement institutionnel modeste et discret qui, en soi, mérite qu'on l'appuie. Le deuxième argument contradictoire est que cela représente un premier pas, le début d'une grande réforme du Sénat, et que le reste sera dévoilé avec le temps.

Le premier ministre a qualifié cette mesure de premier pas et il a dit que le prochain pas serait franchi avant la fin du mandat actuel avec l'élection de sénateurs. Madame le leader du gouvernement au Sénat l'a confirmé. Pendant la période de questions qui a suivi son discours le 1er juin, lorsqu'on lui a demandé si le mandat de huit ans proposé serait renouvelable, madame le ministre a répété plusieurs fois que le mandat de huit ans dépendait de l'élection de sénateurs et serait donc renouvelable.

En vertu de quelle loi ces élections sénatoriales se tiendront-elles? Comment et par qui les sénateurs seront-ils élus? Par rapport au Sénat actuel, le Sénat élu aura-t-il les mêmes pouvoirs, plus ou moins de pouvoirs, ou des pouvoirs différents? Que fera-t-on du déséquilibre géographique évident de la représentation, en particulier de la sous-représentation de l'Ouest canadien au Sénat?

Il ne faut pas prétendre, comme le gouvernement voudrait bien qu'on le fasse, que toutes ces questions de sélection, de pouvoirs et de représentation des régions n'ont rien à voir avec le changement majeur touchant la durée du mandat des sénateurs qui est proposé dans ce projet de loi.

Je conviens qu'une grande partie des Canadiens sont en faveur d'une certaine réforme du Sénat. Cependant, le Parlement ne devrait pas obliger le pays et notre démocratie parlementaire fédérale à accepter une réforme fragmentaire qui pourrait ou ne pourrait pas ajouter à la légitimité et à l'efficacité du Sénat, compte tenu des autres modifications éventuelles et de leur nature.

Il y a quatre ans, j'ai fait partie d'un comité qui a réussi à persuader le parti politique auquel j'appartenais alors d'approuver une proposition tendant à reconnaître la Colombie-Britannique comme division sénatoriale distincte et à redéfinir la Division de l'Ouest comme étant l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba. J'avais même proposé de présenter une motion au Sénat afin d'entamer le processus visant à modifier la Constitution à cet effet.

Le 3 mai dernier, en répondant à une question du sénateur Gustafson au cours du débat sur le discours du Trône, j'ai convenu avec le sénateur de la sous-représentation de l'Ouest canadien au Sénat et j'ai affirmé de nouveau que j'étais prêt à présenter une motion ayant pour objet de modifier la Constitution afin de corriger ce déséquilibre.

Plus tard cette semaine, j'espère pouvoir déposer un avis de motion tendant à modifier la Loi constitutionnelle de 1867 à cet égard. Si le Sénat adopte cette modification, elle aura pour effet de rouvrir l'étude d'une réforme générale du Sénat et d'attirer l'attention des autres parties au processus de modification, soit les assemblées législatives provinciales et la Chambre des communes, sur les questions intimement liées à l'élection des sénateurs et aux pouvoirs du Sénat.

Honorables sénateurs, nous avons tendance à hésiter, voire à manquer de confiance, quand il faut critiquer les initiatives qui touchent le Sénat. Même si le projet de loi S-4 ne change pas la durée du mandat des sénateurs en exercice, il est certain que les nombreux commentateurs et persifleurs, qui n'ont jamais mis les pieds au Sénat et n'ont pas la moindre idée du rôle que remplit le Sénat dans notre démocratie aujourd'hui, nous attribueront des motifs égoïstes. Rien de tout cela ne devrait nous intimider.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Murray : Nous comprenons tous que le premier ministre et le gouvernement sentent probablement qu'il est pressant et même urgent de donner l'impression qu'ils « font quelque chose » pour réformer le Sénat. Il y a beaucoup d'histoire derrière tout ça. La question a tout un historique et il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce qu'ils y renoncent. Cependant, nous n'avons aucunement le droit de modifier la Constitution du Canada pour obéir à une impulsion populaire.

Nous qui sommes actuellement responsables de cette enceinte et du Parlement avons le devoir d'envisager ces questions dans un plus large contexte. C'est pourquoi j'appuie l'initiative de madame le leader adjoint de l'opposition, qui veut, si j'ai bien compris la motion, qu'un comité sénatorial spécial soit créé et chargé d'étudier en général la question de la réforme du Sénat. J'espère que l'objet du projet de loi sera renvoyé à ce comité spécial avant que le Sénat ait à se prononcer sur celui-ci à l'étape de la deuxième lecture.

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Murray répondrait-il à une question?

Le sénateur Murray : Oui.

Le sénateur Segal : J'ai remarqué la modestie avec laquelle l'honorable sénateur a fait référence à ses propres efforts louables relatifs à la réforme constitutionnelle, dans le contexte de l'accord du lac Meech comme de l'accord de Charlottetown, dans lesquels il était question de la réforme du Sénat. Je n'ai aucun doute que les honorables sénateurs auront remarqué qu'il était presqu'impossible de faire progresser le débat, et ce, malgré la bonne foi dont ont fait preuve la plupart des parties concernées.

Par conséquent, la notion selon laquelle on ne peut effectuer aucune réforme à moins qu'elle ne soit complète — notamment le genre de réformes auxquelles, en vertu de la Constitution, les provinces seraient tenues de donner leur aval — sous-entend essentiellement que nous ne pouvons apporter aucun changement, que nous ne devrions pas essayer d'apporter des changements, qu'aucun gouvernement dûment élu à l'autre endroit ne devrait apporter des changements et que nous devrions donc être prêts à accepter les insuffisances du Sénat, qui doivent être soupesées en regard de ses importants points forts et de ses autres contributions, et à accepter que cet aspect de notre régime démocratique ne peut être modifié. Est-ce plus ou moins ce que le sénateur Murray vient de dire?

Le sénateur Murray : Mon honorable collègue a mentionné l'accord du lac Meech et l'accord de Charlottetown, auxquels j'ai participé quand je faisais partie du gouvernement Mulroney. J'aimerais lui rendre le compliment en rappelant à l'honorable sénateur le rôle important qu'il a joué en tant que conseiller auprès du gouvernement ontarien du premier ministre Davis à l'époque de l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982. J'ai une très bonne raison de mentionner cela. Je suis sûr que nous pourrions prendre certaines mesures qui amélioreraient le fonctionnement du Sénat. En 1982, les nouveaux Pères de la Confédération, dans leur sagesse, ont décidé que des changements importants ne pouvaient être apportés au Sénat qu'en vertu d'une procédure générale de modification qui exigerait la participation de la Chambre des communes, du Sénat, avec un veto suspensif, et de sept provinces représentant 50 p. 100 de la population. Pour les changements vraiment importants, c'est-à- dire l'abolition du Sénat, il faudrait le consentement unanime des provinces.

(1550)

Leur décision était fondée, puisqu'ils avaient eu la possibilité et la responsabilité d'examiner notre démocratie parlementaire dans son ensemble et qu'ils avaient décidé que, pour réaliser tout changement important, il devrait falloir un consensus national qui empêcherait le tripatouillage.

Des voix : Bravo!

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je me demande si le sénateur Murray a réfléchi au fait que cette prétendue réforme constitutionnelle, qui n'est qu'un simple projet de loi, sort de nulle part, ou du moins n'a été conçu que par une seule personne. J'avais cru comprendre qu'on ne devrait essayer de modifier la Constitution qu'après un long et vigoureux débat public et la possibilité pour tous d'exprimer leur opinion sur les tribunes appropriées. J'avais toujours eu l'impression que les constitutions ne devaient pas être modifiées au gré des caprices d'une seule personne.

Le sénateur Murray : C'est ce que je pense aussi. Toutefois, pour être juste, je dois dire que la question de la durée du mandat des sénateurs a été soulevée à maintes reprises par le passé, et j'en ai parlé dans mon discours.

En 1988, dans un discours prononcé en Alberta, notre collègue, le sénateur Joyce Fairbairn, avait suggéré certains changements qui pouvaient, d'après elle, être apportés en vertu de l'article 44. Elle proposait notamment des mandats de six ans pour les sénateurs.

Comme je l'ai dit aux médias, et je dois faire attention à ce que je dis dans ce domaine, j'ai examiné la question à mon retour d'Edmonton, où madame le sénateur Fairbairn et moi avions pris la parole. J'ai alors constaté qu'un tel changement exigerait le consentement de sept provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population du Canada. Autrement dit, il s'agit de la formule générale de modification visée à l'article 48.

Le sénateur Cools : Comme le sénateur Murray était ministre à l'époque, il pourrait peut-être un jour nous faire part un peu plus officiellement de ces avis juridiques. Si c'était possible, ce serait intéressant.

Ma question au sénateur porte sur le fait que notre époque semble avoir coupé tout lien avec notre histoire. Nous utilisons de façon simpliste des mots qui, au fil des siècles, sont sensés avoir acquis un sens profond, des mots que l'on devrait connaître et dont on devrait mesurer la portée sur le plan constitutionnel.

Madame le sénateur LeBreton a parlé de la durée du mandat des sénateurs, « tenure » en anglais, et le projet de loi utilise la même expression dans son titre abrégé. Je crois comprendre que l'expression durée du mandat, « tenure » en anglais, dans son sens constitutionnel, ne peut pas signifier et ne signifie pas huit ans ou quatre ans. Dans son sens constitutionnel, cette expression signifie un laps de temps et elle comporte une notion d'indépendance et de séparation par rapport au pouvoir exécutif, c'est-à-dire le Cabinet. Il fut une époque où le mot « tenure » signifiait une concession de terre pour la vie du tenant de cette terre. Honorables sénateurs, ce que nous faisons me désole.

Son Honneur le Président : À l'ordre. Le Bureau m'informe que la période de 15 minutes allouée au sénateur Murray est écoulée. Si le sénateur demandait une prolongation de cinq minutes, madame le sénateur Cools pourrait continuer.

Le sénateur Comeau : Nous sommes d'accord pour cinq minutes tout au plus, comme d'habitude.

Le sénateur Cools : Le sénateur Murray est un ancien ministre et un ancien leader dans cet endroit. Je crois que nous pourrions nous montrer plus généreux et lui accorder davantage de temps.

Nous vivons dans une ère où bien de gens ne saisissent plus des définitions et des significations qui étaient claires comme de l'eau de roche il y a dix ans. Je crois que la signification constitutionnelle du mot « tenure », traduit par mandat des sénateurs, ne saurait être assortie d'une période de trois, quatre ou cinq ans. Même dans les universités, lorsqu'un professeur était titularisé, dans le sens de « tenure » en anglais, c'était quelque chose.

Pendant les années que le sénateur Murray a passées comme ministre et leader au Sénat, on lui a fait la vie dure, surtout au sujet de la TPS.

En dépit de cela, dans les recherches que le sénateur Murray a faites pour répondre aux préoccupations du sénateur Fairbairn, a-t- il vu ou abordé le sens constitutionnel véritable, qui est aussi très important, de l'expression « tenure »?

Le sénateur Murray : Non. La seule chose que je connais qui pourrait s'en rapprocher un peu, mais pas beaucoup, renvoie à la titularisation d'un professeur d'université. Le Président du Sénat ou d'autres personnes présentes pourraient peut-être nous dire de quelle durée nous parlons ici.

Quant aux avis juridiques, je dirai que ce que je n'ai pas réussi à faire comme ministre, je ne peux certainement pas le faire comme ancien ministre. J'ai fait une exception et elle se rapportait au projet de loi de l'Alberta sur la sélection des sénateurs. En 1988 ou en 1989, le sénateur Grafstein a posé des questions au sujet de l'opinion du gouvernement sur la légalité de ce projet de loi. J'ai alors pensé qu'il me fallait exprimer le point de vue du gouvernement parce que j'en avais déjà fait part au gouvernement de l'Alberta. Cette opinion, c'est que le projet de loi albertain était ultra vires.

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, nous venons d'entendre deux excellents discours. Selon les deux orateurs, il serait anticonstitutionnel dans un tel projet de loi de proposer un Sénat élu ou un système de sélection provincial parce que ces questions ont été tranchées, dans une certaine mesure, par la Cour suprême du Canada, mais les deux ont refusé de se prononcer sur la question de la durée du mandat parce que la Cour suprême pourrait être appelée à le faire, comme l'a souligné le sénateur Austin.

Nous entendons très souvent les expressions « caractéristique fondamentale » et « caractéristique essentielle » dans le débat.

(1600)

Le sénateur Murray croit-il que ces deux expressions, « caractéristique fondamentale » et « caractéristique essentielle », contenues dans la décision de la Cour suprême, ne se rapportent qu'à la représentation régionale — comme le laisse entendre le reste de la phrase qu'a lue le sénateur Austin —, ou croit-il que ces deux notions doivent être prises de façon indépendante relativement à n'importe quelle mesure législative qui touche ce sujet?

Le sénateur Murray : Je crois que je peux répondre à la question en faisant référence à la décision elle-même. J'espère que je vais la trouver.

Le sénateur Baker : C'est le paragraphe 49.

Le sénateur Murray : À mon avis, « caractéristique fondamentale » et « caractéristique essentielle » ne s'appliquent pas exclusivement à la représentation régionale, mais aussi à l'indépendance du Sénat. La pierre d'assise de l'indépendance du Sénat est la durée du mandat des sénateurs, qui étaient nommés à vie entre 1867 et 1965, et jusqu'à 75 ans depuis 1965. J'ai l'impression qu'il s'agit d'un énorme changement qui modifie la nature même du Sénat et, donc, qui exige l'application de la procédure générale de modification de la Constitution. Ce n'est que l'opinion d'un profane et je crois que le gouvernement serait bien avisé de demander à la Cour suprême de rendre une décision sur ce sujet avant d'aller trop loin. Comme je l'ai dit dans mon exposé, en raison des autres aspects, ce n'est pas ma seule objection à ce projet de loi.

En ce qui a trait aux élections, la raison pour laquelle j'ai mentionné le projet de loi albertain sur le Sénat — et j'en ai parlé en réponse à une question du sénateur Grafstein — est que certains aspects du projet de loi albertain sont ultra vires non seulement par rapport aux pouvoirs de l'assemblée législative provinciale, mais aussi par rapport aux pouvoirs du Parlement fédéral agissant seul. Cela montre bien toute la complexité des soi-disant élections consultatives dont le premier ministre et d'autres parlent depuis un certain temps.

Le sénateur Austin : Bien dit.

(Sur la motion du sénateur Fraser, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI SUR L'AGENCE DE LA SANTÉ PUBLIQUE DU CANADA

PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de C-5, Loi concernant l'Agence de la santé publique du Canada et modifiant certaines lois, accompagné d'un message priant le Sénat d'approuver le projet de loi.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Keon, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

PROJET DE LOI SUR LES SOURCES D'EAU POTABLE

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-208, Loi exigeant que le ministre de l'Environnement crée, en collaboration avec les provinces, une agence habilitée à définir et à protéger les bassins hydrographiques du Canada qui seront les sources d'eau potable des générations futures.—(L'honorable sénateur Johnson)

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, je tiens à remercier le sénateur Grafstein de ses initiatives législatives qui visent à préserver et à protéger l'eau au Canada. Son engagement dans ce dossier ne date pas d'hier et nous en voyons l'aboutissement aujourd'hui avec le projet de loi S-208, qui exige que le ministre de l'Environnement crée, en collaboration avec les provinces, une agence habilitée à définir et à protéger les bassins hydrographiques du Canada qui seront les sources d'eau potable des générations futures.

Comme le sénateur Grafstein l'a dit à cette assemblée, ce projet de loi vise à établir une façon de cartographier, de mesurer et, par conséquent, de faire l'inventaire de notre ressource la plus précieuse : l'eau.

Cet inventaire permettrait de développer les ressources en eau d'une façon équitable et prudente pour en assurer le partage entre tous les secteurs de notre société. Je partage les inquiétudes du sénateur Grafstein et du sénateur Adams concernant la qualité de l'eau potable qui provient de nos systèmes d'adduction d'eau potable, notamment dans les communautés autochtones du pays. C'est un triste constat que le fait de boire l'eau du robinet comporte un risque important pour les trois quarts des systèmes d'adduction d'eau des réserves du Canada.

Dans les communautés des Premières nations du Canada, pratiquement 500 systèmes d'adduction d'eau potable sont en péril en dépit du fait que pratiquement 2 milliards de dollars ont été dépensés pour leur amélioration. Je suis encouragée de savoir que le nouveau ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien juge prioritaire la mise à niveau de ces systèmes d'eau potable. Il a déclaré souhaiter que les communautés concernées soient identifiées et qu'un plan d'intervention soit établi pour chacune d'entre elles. J'espère que le plan du gouvernement tiendra compte du besoin de former et d'agréer les personnes chargées d'exploiter les systèmes d'adduction d'eau et de la nécessité de normes de réglementation de l'eau potable pour les réserves.

Il est certain que notre pays a des problèmes à régler en matière d'approvisionnement en eau potable. Le sénateur Grafstein a raison d'être inquiet et, bien que je sois d'accord qu'il est nécessaire de garantir la disponibilité d'eau potable dans notre pays, je ne suis pas tout à fait convaincue que le projet de loi S-208 soit la meilleure façon de régler cette question. En exigeant que le ministre de l'Environnement conclue un accord en vue de créer une agence fédérale-provinciale habilitée à administrer les terres d'un bassin hydrographique donné, le projet de loi S-208 ne tient pas compte de la division des pouvoirs entre les paliers fédéral, provincial et municipal et les gouvernements autochtones, en matière de gestion de l'eau. Je m'inquiète du fait que ce projet de loi risque de diluer encore davantage notre régime actuel de gestion de l'eau en y ajoutant un palier administratif inutile.

La Constitution du Canada ne traite pas spécifiquement de la question de la gestion de l'eau. Cependant, il est clair que la compétence en matière d'eau est partagée entre le Canada et les provinces. Les provinces jouissent de vastes pouvoirs concernant les eaux et les eaux potables situées sur leur territoire respectif. Elles ont notamment le pouvoir de gérer et de vendre les terres provinciales, y compris l'eau, et de trancher toute question de caractère local ou privé, y compris par rapport aux plans d'eau locaux et à la nappe phréatique.

Honorables sénateurs, les gouvernements provinciaux sont également responsables de nombreux aspects de l'utilisation, de l'aménagement et du développement du territoire, qui peuvent avoir une incidence sur la qualité et la disponibilité de l'eau. Les provinces, les municipalités et les gouvernements autochtones pourraient à juste titre s'opposer à l'idée de centraliser les responsabilités administratives en matière de réglementation de l'eau.

La plupart des provinces délèguent aux municipalités de leur territoire la responsabilité de l'approvisionnement quotidien en eau potable, en fonction de la réglementation provinciale. Au Canada, les municipalités sont les principaux exploitants des réseaux communautaires d'alimentation en eau et le palier administratif supplémentaire proposé pourrait en rendre l'exploitation plus ardue.

Notre gouvernement reconnaît la responsabilité et le rôle des provinces en matière d'alimentation en eau. On a souvent dit qu'il favorise une approche coopérative et intégrée. La réglementation actuelle, notamment la Loi sur les ressources en eau du Canada, ne satisfait-elle pas la nécessité d'une approche intégrée en matière de gestion de l'eau?

(1610)

Cette loi confère au gouvernement fédéral de vastes pouvoirs, semblables à ceux prévus dans le projet de loi, en ce qui concerne les mécanismes de consultation fédérale-provinciale, la création conjointe d'organismes ayant pour mission de planifier et de réaliser des programmes en vue de restaurer ou d'améliorer la qualité des eaux et, enfin, la création de comités consultatifs et de programmes d'information du public. La Loi sur les ressources en eau du Canada ne fournit-elle pas déjà au gouvernement fédéral une base pour la collaboration avec les provinces?

La Loi sur les ressources en eau du Canada est largement utilisée dans le cadre d'ententes de collaboration. Nombre de ces ententes sont de nature technique et font appel à de nombreux participants pour la recherche, la surveillance et la collecte de données. D'autres ententes sont destinées à faciliter la participation du gouvernement fédéral à des organismes interprovinciaux, pour l'alimentation en eau, comme la Commission des eaux des provinces des Prairies et le Conseil du bassin du Mackenzie.

Si je ne m'abuse, le genre de coordination interprovinciale prévue dans le projet de loi S-208 est déjà prévue dans la Loi sur les ressources en eau du Canada. La gestion collaborative des eaux est un élément essentiel du programme de gestion intégrée des bassins hydrographiques, qui exige une participation, une représentation et un appui actifs des intervenants à l'égard des décisions concernant la gestion de l'eau. Il faut une gouvernance inclusive et transparente et des mécanismes de coordination comme les régies des eaux pour faciliter et assurer l'application efficace de ce vaste principe.

Au Canada, les instances fédérales et provinciales reconnaissent de plus en plus le besoin d'une approche coopérative et intégrée à la gestion de l'eau. Au plan fédéral, la Politique fédérale relative aux eaux de 1987 réclamait une planification intégrée de la gestion de l'eau. Le gouvernement fédéral s'efforce d'atteindre cet objectif en collaboration avec les instances binationales et transfrontalières de l'ensemble du Canada.

Honorables sénateurs, bien que j'appuie l'engagement du sénateur Grafstein envers un approvisionnement en eau propre et accessible à tous les Canadiens, je pense que le projet de loi S-208 est redondant, car il amènera le Canada à mettre en œuvre des doublons législatifs visant à obtenir les mêmes résultats. Le nouveau projet de loi devrait assurer une protection accrue aux Canadiens pour justifier les dépenses et l'énergie nécessaires pour créer un nouveau régime de réglementation. Le projet de loi devrait être aussi efficace ou meilleur que le système actuel.

La vraie question entourant ce projet de loi ne sera pas résolue en créant des nouveaux pouvoirs de gestion de la qualité des eaux, mais plutôt en déterminant quand, où et comment le gouvernement fédéral collaborera dans le dossier de la gestion des eaux. À cet égard, j'espère que le gouvernement continuera à jouer un rôle en facilitant la coopération et le dialogue interprovinciaux pour l'aménagement adéquat des importants bassins versants du Canada.

Honorables sénateurs, je suis impatient d'examiner ces questions, entre autres, au comité. Je remercie encore une fois le sénateur Grafstein d'avoir saisi le Sénat de cette question.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Madame le sénateur répondrait-elle à deux questions?

Le sénateur Johnson : Oui, honorable sénateur.

Le sénateur Grafstein : Depuis la mise en œuvre de la Loi sur les ressources en eau du Canada, les réserves hydriques ont-elles augmenté ou diminué?

Le sénateur Johnson : Qu'en pense l'honorable sénateur?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Grafstein : Je me félicite de l'appui du sénateur à mon projet de loi.

(Sur la motion du sénateur Watt, le débat est ajourné.)

[Français]

PROJET DE LOI SUR LA JOURNÉE NATIONALE DE LA PHILANTHROPIE

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-204, Loi instituant la Journée nationale de la philanthropie.—(L'honorable sénateur Champagne, C.P.)

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, philanthropie, bénévolat, bienfaisance, voilà trois des mots les plus chaleureux que l'on puisse trouver dans un dictionnaire. Nos communautés, nos artistes, nos partis politiques, partout, nous comptons sur ces êtres qui donnent sans compter, sans espoir de retour. Leur contribution à notre économie, au bien-être de notre société, est incommensurable. C'est pourquoi nous discutons aujourd'hui de la pertinence d'adopter le projet de loi S-204 et d'ainsi instituer une Journée nationale de la philanthropie.

[Traduction]

L'idée d'une journée nationale de la philanthropie circule depuis déjà un certain temps. Le sénateur Grafstein a présenté un projet de loi à cet égard vers la fin de la 38e législature, mais ce projet de loi est mort au Feuilleton en novembre dernier. Certains pays, notamment les États-Unis en 1986, ont fait des proclamations destinées à souligner l'importance de la philanthropie. Toutefois, aucun gouvernement n'a jamais décidé de désigner en permanence une journée à titre de journée de la philanthropie.

Je sais que plusieurs organismes voient de nombreux avantages à souligner officiellement l'importance de la philanthropie par une journée spéciale. Malheureusement, ils ne nous disent pas quels seraient ces avantages, et l'histoire nous enseigne qu'il serait difficile d'attendre des Canadiens encore davantage de générosité.

[Français]

Par exemple, la faculté de musique de l'Université McGill, à Montréal, s'appelle désormais l'École de musique Schulich en témoignage de reconnaissance pour un extraordinaire geste philanthropique, un don de 20 millions de dollars.

[Traduction]

Les Canadiens sont des gens très généreux. Statistique Canada indique que presque 5,8 millions de contribuables canadiens ont fait ensemble plus de 6,9 milliards de dollars de dons à des œuvres de bienfaisance en 2004. Il s'agit de nouveaux records, tant au chapitre du nombre de donateurs qu'au chapitre de la somme des dons. En outre, cette somme a augmenté dans toutes les provinces et tous les territoires. Parmi les contribuables ayant indiqué avoir fait des dons, la somme moyenne par contribuable a été de 230 $, soit une augmentation par rapport à la moyenne de 220 $ observée en 2003. C'est au Nunavut que la moyenne est la plus élevée. Elle y est de 390 $. L'Île-du-Prince-Édouard arrive au deuxième rang avec 340 $, puis c'est Terre-Neuve-et-Labrador avec 310 $. La somme moyenne des dons a augmenté chaque année depuis 1999.

Honorables sénateurs, il s'agit de froides statistiques. Derrière elles se cachent les tragédies humaines qui ont incité les Canadiens à se montrer si généreux. Au début de 2005, on a sollicité la générosité des Canadiens pour aider les victimes du tsunami qui a dévasté les côtes de l'océan Indien. Plus tard, c'est l'ouragan Katrina qui a suscité la compassion et la générosité des Canadiens. À la fin de 2005, le monde a été ému par le tremblement de terre majeur au Pakistan, et les Canadiens ont répondu à l'appel encore une fois.

Les Canadiens sont vraiment généreux lorsque ce sont leurs compatriotes qui sont dans le besoin. Les honorables sénateurs connaissent bien l'aide fournie par les organismes communautaires dans les villes et les villages du pays.

[Français]

Les organismes de bienfaisance jouent un grand rôle et contribuent à un sentiment d'appartenance et à d'importants projets dans les secteurs culturel, social et de l'éducation.

[Traduction]

Tout cela permet de croire qu'il n'est pas vraiment urgent d'encourager davantage les Canadiens à donner à des organisations caritatives. Des célébrations officieuses tendant à reconnaître la contribution de la philanthropie dans nos collectivités ont lieu dans toutes les provinces et tous les territoires et des milliers de personnes y participent.

[Français]

Au Québec, chaque année, dans chaque municipalité, on tient des événements pour reconnaître l'apport de la philanthropie et du bénévolat dans nos communautés. Des milliers de personnes y participent.

Le gouvernement fédéral fait aussi sa part pour encourager la philanthropie. Dans le budget de 2006, un crédit d'impôt pour les dons de bienfaisance s'appliquera. Le budget propose que les dons de titres cotés en bourse à des organismes publics de bienfaisance soient immédiatement exonérés de l'impôt sur les gains en capital. Ces organismes disposeront désormais d'un ensemble d'outils précieux pour recueillir les fonds dont ils ont besoin pour satisfaire aux besoins des Canadiens.

Donc, d'une part, une telle journée officielle n'aurait pas pour but ni pour résultat de demander aux Canadiens de donner davantage et, d'autre part, le sceau d'approbation du gouvernement du Canada n'offrirait pas davantage d'honneurs ni de bénéfices à ceux qui donnent.

[Traduction]

Honorables sénateurs, j'ai beaucoup de respect pour l'esprit dans lequel ce projet de loi a été présenté, mais je ne peux l'appuyer. Je tiens à remercier le sénateur Grafstein d'avoir vu l'importance de célébrer la philanthropie. En fait, le gouvernement encourage les Canadiens à faire des dons de bienfaisance dans le cadre du régime de l'impôt sur le revenu. Cependant, je ne crois pas que le projet de loi S-204 soit le mécanisme le plus approprié pour réaliser ces objectifs.

(1620)

[Français]

Honorables sénateurs, pour les raisons que j'ai invoquées, je vous invite à rejeter le projet de loi S-204.

[Traduction]

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Je partage une bonne partie des sentiments de l'honorable sénateur, même si je ne suis pas d'accord avec sa conclusion. Madame le sénateur pourrait-elle faire part au Sénat de la comparaison entre les dons par habitant au Canada et aux États-Unis?

[Français]

Le sénateur Champagne : J'ai pu répondre au sénateur au sujet de ce qui se donne un peu partout au Canada.

[Traduction]

Aux États-Unis, je ne crois pas que les gens donnent plus qu'au Canada. Le sénateur sait probablement que je n'ai pas étudié cet aspect de la question.

Le sénateur Grafstein : Je vais demander que le débat soit ajourné à mon nom.

Son Honneur le Président : D'autres honorables sénateurs souhaitent-ils intervenir au sujet du projet de loi S-204?

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, je vais appuyer le projet de loi avant de proposer l'ajournement du débat à mon nom. La dernière fois que ce projet de loi a été présenté au Sénat, j'ai reçu toutes sortes de courriels malveillants d'un peu partout au Canada. Il s'agissait d'une campagne bien organisée et virulente contre une chose que j'appuie, et j'ignorais au juste ma position sur la question.

J'appuie le projet de loi S-204, car son objectif est bon. J'ai hésité à accorder mon appui la dernière fois, car la date proposée était déjà passée. Aujourd'hui, nous avons le temps de réfléchir. Je veux que l'honorable sénateur sache que je proposerai que le débat soit ajourné à mon nom si j'ai l'appui voulu à cette fin. Je serais plus qu'honoré non seulement de parler du projet de loi, mais également de corriger certains courriels que j'ai reçus la dernière fois que le projet de loi a été présenté.

(Sur la motion du sénateur Prud'homme, le débat est ajourné.)

[Français]

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bryden, appuyée par l'honorable sénateur Baker, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-213, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux).—(L'honorable sénateur Stratton)

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, j'aimerais aujourd'hui vous faire part de mes commentaires concernant le projet de loi S-213, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux), qui propose d'augmenter les peines maximales applicables aux infractions en matière de cruauté envers les animaux.

Selon moi, cette loi s'articule autour de trois constats : premièrement, les actes de cruauté envers les animaux sont des actes répugnants sur le plan moral et destructeurs sur le plan social et il convient de prévoir des peines sévères à titre de mesure dissuasive; deuxièmement, des spécialistes ont démontré qu'il existe un lien entre la cruauté envers les animaux et les actes de violence perpétrés contre des êtres humains. En augmentant les peines applicables, on contribue à briser le cycle de la violence dont le terme est l'agression contre autrui. Troisièmement, nous pouvons mieux lutter contre la violence en sensibilisant la population aux vérités profondes que recouvre la cruauté envers les animaux.

Avant de passer à l'analyse de ces points, permettez-moi de décrire plus précisément le projet de loi.

Il est relativement simple en ce sens qu'il modifie les quatre articles du Code criminel qui énoncent les diverses infractions en matière de cruauté envers les animaux et décrit les peines maximales applicables. Les modifications ont trait aux dispositions relatives à l'établissement des peines.

Un fait capital, selon moi, réside dans le fait que la loi proposée ne crée pas de nouvelles infractions ni ne redéfinit les infractions actuelles. Le projet de loi S-213 propose d'augmenter considérablement les peines maximales applicables aux actes de cruauté envers les animaux. Par exemple, les coupables risquent des peines maximales de cinq ans d'emprisonnement, comparativement à six mois actuellement. Les tribunaux seraient habilités à prolonger indéfiniment l'interdiction de posséder des animaux.

Le projet de loi prévoit également une nouvelle sanction : le tribunal pourrait ordonner que le coupable paie pour les soins de l'animal maltraité. Les nouveaux seuils de peine traduisent un sentiment populaire souvent exprimé au sujet des lois actuelles en matière de cruauté envers les animaux. Ces lois définissent les actes criminels de façon très claire et efficace, mais les peines prévues sont beaucoup trop clémentes.

Les coupables ont le sentiment qu'ils peuvent agir en toute impunité. Il ne manque pas d'histoires de propriétaires d'usines à chiots ou d'organisateurs de combats de chiens, par exemple, qui estiment que les amendes dérisoires qui leur sont imposées ne sont en réalité qu'une dépense parmi d'autres dans la gestion de leurs entreprises.

Selon les spécialistes qui travaillent dans des sociétés de protection des animaux au Canada, les peines actuelles ne sont d'aucune efficacité pour dissuader les brutes sadiques, car c'est comme cela qu'il faut les appeler, qui torturent et mutilent les animaux.

Les Canadiens ont, par ailleurs, clairement fait savoir qu'ils aimeraient que l'on applique des sanctions plus strictes aux actes de cruauté envers les animaux. Comme beaucoup de membres de cette Chambre se le rappelleront, des consultations publiques ont fait partie d'efforts législatifs antérieurs en la matière et l'auteur du projet de loi, le sénateur Bryden, nous a longuement récité la litanie des divers projets de loi qui ont occupé cette Chambre ces quatre dernières années.

En vérité, les actes violents commis contre un animal de compagnie mettent en danger tous les membres de la famille et font courir des risques à d'autres membres de la collectivité. Les preuves s'accumulent pour établir de dangereux liens entre la cruauté envers les animaux et la violence contre autrui.

Plusieurs études attestent que ceux qui commettent des actes de cruauté envers les animaux sont plus susceptibles d'être violents envers les membres de leur propre famille.

Trois chercheurs, Deviney, Dickert et Lockwood, ont procédé à une étude à cet égard en 1983. Ces chercheurs ont interrogé les membres de 53 familles ayant eu des animaux de compagnie et ayant connu la violence dans leur enfance. Quelque 60 p. 100 d'entre eux ont déclaré que leurs animaux de compagnie avaient, eux aussi, été brutalisés. Parmi ceux qui avaient été maltraités durant l'enfance, plus de 88 p. 100 ont déclaré que leurs animaux de compagnie avaient été brutalisés ou tués.

Dix ans plus tard, des chercheurs de l'Université de l'Utah ont procédé à une série d'études pour examiner de plus près cette corrélation. Dans le cadre d'un certain projet, ils ont interrogé les intervenants de 48 refuges pour femmes battues aux États-Unis. Les répondants ont déclaré que plus de 85 p. 100 des femmes et 63 p. 100 des enfants qu'ils recevaient avaient parlé de brutalités infligées à leurs animaux de compagnie.

Quelques années plus tard, les mêmes chercheurs ont interrogé deux groupes de femmes. Les unes vivaient dans des refuges pour femmes battues, les autres vivaient à la maison. On a constaté que les actes de cruauté envers les animaux étaient beaucoup plus fréquents parmi les animaux des femmes des refuges que dans le groupe témoin. La moitié des femmes des refuges, soit 52 p. 100, ont déclaré que leurs enfants avaient été témoins de brutalités envers un animal de compagnie à la maison comparativement à uniquement 3 p. 100 dans le groupe témoin.

En 1999, d'autres chercheurs ont fait la preuve que les personnes reconnues coupables de cruauté envers les animaux sont beaucoup plus susceptibles que d'autres de commettre des crimes contre les biens et les personnes.

D'autres études ont confirmé la forte corrélation qui existe entre la cruauté envers les animaux et la violence familiale, et les chercheurs continuent d'approfondir la question.

Malheureusement, peu d'études semblables ont été effectuées au Canada, mais il n'y a aucune raison de douter que cette corrélation existe chez nous.

En 1998, la Société de protection des animaux de l'Ontario a interrogé un groupe de femmes qui avaient quitté un partenaire violent. Soixante et un pour cent d'entre elles ont déclaré que leur partenaire avait brutalisé ou tué un animal de compagnie.

(1630)

On a également obtenu un autre résultat important : près de la moitié des femmes interrogées, soit 48 p. 100, ont déclaré que le souci de la sécurité de l'animal de compagnie avait retardé leur décision de quitter le partenaire violent.

Ce résultat donne une idée du rôle complexe et troublant de la présence de la cruauté envers les animaux dans les milieux où règne la violence familiale. Pour comprendre ce rôle, il faut se tourner vers la psychologie de la violence. Selon les chercheurs et d'autres spécialistes, les personnes qui agressent des membres de leur famille poursuivent généralement quelques-uns des objectifs suivants : démontrer et confirmer leur pouvoir et leur contrôle sur la famille; empêcher les victimes de partir ou les punir si elles essaient de partir. Les actes de cruauté envers les animaux de compagnie visent à produire les mêmes effets.

Autrement dit, l'agresseur brutalise l'animal de compagnie pour contrôler les autres membres de la famille. Ce genre de violence physique et psychologique peut avoir des effets à long terme sur la famille. Les autres membres de la famille se sentent souvent responsables des actes de cruauté de l'agresseur. Celui-ci profite de ce sentiment injustifié de culpabilité pour consolider son contrôle sur les autres membres de la famille et les dénigrer encore plus.

Honorables sénateurs, il faut comprendre que la cruauté envers les animaux peut signaler l'existence d'une situation de violence envers les enfants mais que les parents ne sont pas toujours les seuls à brutaliser les animaux de compagnie. Les enfants, eux aussi, peuvent maltraiter leurs animaux, surtout s'ils sont eux-mêmes victimes de violence. Ils répètent la leçon apprise de leurs parents en réagissant par la violence à la violence, à la colère et à la frustration. Comme le parent violent, l'enfant se montre violent envers l'animal, qui est souvent le seul membre de la famille plus vulnérable que lui.

Les enfants qui maltraitent les animaux sauvages et domestiques ne sont pas tous victimes de violence, mais les faits attestent que les enfants qui attaquent ou torturent systématiquement les animaux sont plus susceptibles de commettre des crimes graves lorsqu'ils seront adultes.

En fait, la cruauté envers les animaux est l'un des volets de la triade de MacDonald, ensemble de comportements dans l'enfance et l'adolescence communs à beaucoup de psychopathes et de tueurs en série.

Beaucoup de psychologues et de criminologues estiment que les enfants qui manifestent ce genre de comportement auront, malheureusement, de graves difficultés sociales dans leur vie.

On sait que les victimes de violence et ceux qui ont été témoins de violence familiale durant leur enfance sont plus susceptibles de devenir eux-mêmes des agresseurs. En fin de compte, les agresseurs ont absolument besoin de leurs victimes et les victimes, bien souvent, sont impuissantes à éviter d'être plongées dans des relations violentes. C'est ce qu'on appelle le cycle de la violence familiale et cela aide à comprendre comment la violence est transmise d'une génération à l'autre.

Tout mécanisme susceptible de briser cet épouvantable cercle vicieux profiterait aux Canadiens. Les partisans du projet de loi S- 213 estiment que c'est là un des moyens de briser la corrélation entre la cruauté envers les animaux et la violence familiale.

En prenant des mesures pénales à l'égard de la cruauté envers les animaux, on peut contribuer à briser cette corrélation de plusieurs façons : premièrement, des peines adaptées peuvent être dissuasives; deuxièmement, des peines maximales adaptées peuvent également faire comprendre la gravité de ces crimes à tous les Canadiens; troisièmement, la sensibilisation incitera les Canadiens à dénoncer plus souvent les actes de cruauté envers les animaux. Les interventions qui en résulteront sur le plan de l'exécution de la loi préviendront des actes plus flagrants commis contre des membres de la famille.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-213 nous invite à examiner un nouvel instrument : les ordonnances de restitution. Dans le cadre d'une consultation publique effectuée en 1998, cette mesure a été jugée extrêmement bénéfique. La disposition permettrait au tribunal d'ordonner aux délinquants de payer les frais associés au traitement des animaux qui ont été brutalisés.

Pour mesurer l'impact de cette disposition, il faut d'abord mieux comprendre comment notre système de justice pénale traite la cruauté envers les animaux. La plupart des provinces et territoires délèguent, par le biais de lois, à des organismes qui sont souvent des sociétés protectrices des animaux le soin de faire enquête sur les cas de cruauté envers les animaux et de porter des accusations s'il y a lieu.

Ces organismes sont généralement des œuvres de bienfaisance enregistrées qui comptent sur des dons privés pour fonctionner, quoique certaines reçoivent souvent des subventions régionales ou municipales pour prendre soin, par exemple, des animaux perdus.

En vertu de la loi provinciale applicable, ces organismes peuvent récupérer des fonds réservés aux soins prodigués aux animaux négligés.

Une des questions qui est soulevée par le projet de loi est de savoir si, après une condamnation de cruauté envers les animaux, la restitution faisant partie de la peine infligée aux délinquants devrait aussi revenir à ces organismes. Nous aurons tout le loisir d'examiner cette question.

Nous avons tous tendance à minimiser le rôle des sociétés protectrices des animaux et c'est malheureux. Nous sommes reconnaissants qu'elles offrent des animaux en adoption et applaudissons leurs efforts pour contrôler la population des chats et des chiens perdus. Ce que nous savons moins, honorables sénateurs, c'est que ces organismes sont d'importants alliés dans la lutte contre la violence faite aux enfants, aux femmes et aux aînés. En fait, ce sont souvent des agents de ces sociétés qui sont les premiers à repérer une situation de violence familiale.

Comme je l'ai expliqué plus tôt, il existe une forte corrélation entre cruauté envers les animaux et violence familiale. Permettez- moi de vous parler d'une situation que les sociétés protectrices des animaux doivent connaître régulièrement. Quelqu'un contacte la société protectrice des animaux pour signaler un cas éventuel de cruauté envers les animaux. L'agent se rend sur place pour faire enquête et trouve la preuve de l'existence d'autres formes de violence, par exemple un enfant portant des ecchymoses récentes ou une femme avec un œil au beurre noir. Ces faits incitent l'agent à déposer un rapport auprès de l'organisme local de protection de l'enfance, qui entame sa propre enquête.

Ce type de rapport croisé permet souvent de briser le cycle de violence familiale. Honorables sénateurs, la violence familiale se manifeste rarement en public, et les gens qui soupçonnent son existence dans une famille hésitent toujours à intervenir ou à alerter les autorités. La cruauté envers les animaux, par contre, est souvent plus visible.

Le fait de débattre ce problème en cette Chambre contribuera à sensibiliser la population au problème et peut inciter les gens à reconnaître le caractère criminel de la cruauté envers les animaux et à la dénoncer.

Avant d'entamer la conclusion de ma présentation, il ne me reste que deux pages, puis-je avoir la permission de continuer pendant cinq minutes?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Vous n'avez pas à demander la permission, car vous disposez de 45 minutes conformément à un ordre antérieur du Sénat.

[Français]

Le sénateur Nolin : Je me limiterai à deux minutes, mais si mes collègues veulent me poser des questions pendant 45 minutes, cela me fera plaisir.

La sensibilisation de la population au lien entre la cruauté envers les animaux et la violence humaine contribuera à promouvoir la collaboration entre les organismes qui font enquête sur la violence familiale et communautaire.

Les organismes de services à l'enfance et à la famille pourront donc prendre des mesures mieux adaptées. En proposant ce projet de loi, notre collègue, l'honorable sénateur Bryden, provoque une discussion qui permettra de communiquer aux Canadiens un message clair, notamment à ceux qui estiment que les actes de cruauté envers les animaux sont des crimes relativement mineurs.

La maltraitance des animaux est non seulement répugnante en soi, mais peut être aussi le signe de terribles crimes qui seront commis par la suite.

Aujourd'hui, nous avons la possibilité de partager notre point de vue sur la question avec les Canadiens. Nous pouvons, ensemble, montrer notre sensibilité au travail des hommes et des femmes qui prennent soin des animaux maltraités et font enquête sur les cas éventuels de cruauté envers les animaux.

J'aimerais faire une dernière remarque concernant le projet de loi, et elle est de l'ordre de la politique.

(1640)

Comme nous le savons tous, les gouvernements minoritaires sont devenus, à toutes fins utiles, la norme depuis quelques années. Il s'ensuit que tous les parlementaires doivent garantir un appui pluripartite aux lois qui leur sont proposées.

L'objectif de régler la question de la cruauté envers les animaux est, selon moi, partagé par mes collègues dans cette Chambre et par nos collègues de l'autre endroit. Ceux d'entre nous qui, au fil des années, ont participé aux travaux du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s'en souviendront : nous avons reçu des dizaines de milliers de courriels venant de toutes les parties du Canada nous exhortant à adopter des mesures en matière de répression contre la cruauté envers les animaux.

Nous avons agi avec raison en n'acceptant pas toutes les propositions qui nous avaient été faites, mais celle que nous avons devant nous a le mérite de regrouper l'approbation d'à peu près tous les secteurs de la société. C'est la raison pour laquelle je vous encourage, honorables sénateurs, à appuyer cette nouvelle mesure législative. Je remercie le sénateur Bryden de l'avoir réintroduite.

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, au nom du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

[Traduction]

PROJET DE LOI SUR L'ABROGATION DES LOIS

ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi S-202, Loi prévoyant l'abrogation des lois non mises en vigueur dans les dix ans suivant leur sanction, avec un amendement), présenté au Sénat le 15 juin 2006.—(L'honorable sénateur Oliver)

L'honorable Donald H. Oliver propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, le projet de loi S-212, dont le titre abrégé est « Loi sur l'abrogation des lois », est un exemple de persévérance qui donne des résultats. Le sénateur Banks s'est montré persévérant à l'égard de ce projet de loi, qui a traversé trois législatures et qui devrait, avec un peu de chance, être adopté bientôt au Sénat puis renvoyé dans l'autre endroit. Le sénateur Banks a montré qu'il est bon de persévérer.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Oliver : Le projet de loi S-202 prévoit que les lois et dispositions législatives qui ont obtenu la sanction royale, mais qui ne sont pas encore en vigueur, ne peuvent pas rester indéfiniment sur les tablettes. La mesure ne s'appliquerait pas aux lois qui entrent en vigueur à la date de la sanction royale ou à une date précisée dans le texte.

De nombreuses lois et dispositions législatives entrent en vigueur à une date fixée par décret. Aux termes du projet de loi S-202, sous réserve que le Sénat ou la Chambre des communes n'adopte une résolution écartant leur abrogation, celles-ci seraient automatiquement abrogée si elles n'ont pas été mises en vigueur dans les dix années suivant leur obtention de la sanction royale.

Le projet de loi prévoit une exception pour les dispositions législatives qui ont été modifiées avant son entrée en vigueur.

[Français]

Le processus d'abrogation prévu par le projet de loi S-202 commence dans les cinq premiers jours de séance de chaque Chambre du Parlement pour chaque année civile. Le ministre de la Justice a déposé, au Sénat et à la Chambre des communes, un rapport énumérant les lois fédérales ou les dispositions de ces lois qui ont reçu la sanction royale avant le 31 décembre précédent et qui ne sont pas entrées en vigueur.

[Traduction]

Toute loi ou disposition énumérée dans le rapport annuel qui n'est pas encore entrée en vigueur à la fin de cette année-là serait abrogée le 31 décembre à moins que l'une des deux Chambres n'adopte une résolution à l'effet contraire. Une disposition transitoire prévoit que toute disposition qui n'est pas en vigueur et qui aurait été abrogée en vertu de la procédure antérieure ne sera pas abrogée si elle a été modifiée dans les neuf années précédant l'entrée en vigueur du texte. Aucune disposition nécessaire à la mise en vigueur de la disposition modifiée ne sera abrogée. Cela ne vaut que pour les modifications apportées avant l'entrée en vigueur du projet de loi à l'étude.

Au nom de la transparence, le projet de loi prévoit que le ministre de la Justice publie chaque année dans la Gazette du Canada la liste de toutes les lois et dispositions qui ont été abrogées le 31 décembre précédent.

Enfin, pour que le gouvernement ait le temps dont il a besoin ou qu'il juge nécessaire pour prévoir les conséquences d'un projet de loi tel que celui qui est à l'étude et s'y préparer, le projet de loi S-202 n'entrera en vigueur que deux ans après avoir reçu la sanction royale. Par conséquent, les premières lois ou dispositions ne seront pas abrogées avant une période de trois ans suivant la sanction royale du projet de loi S-202.

Au fil des ans, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a étudié le projet de loi à fond. Il est convaincu que cette mesure atteint son objectif et qu'elle le fait de manière efficace et souple.

Le projet de loi S-202 reflète un aspect important de la démocratie parlementaire. Les législateurs adoptent beaucoup de projets de loi. Ils comprennent qu'un bon nombre de ces textes, peut-être même leur vaste majorité, ne peuvent entrer en vigueur immédiatement, parce qu'il faut rédiger le règlement d'application, élaborer des procédures, dispenser de la formation, etc. Néanmoins, les parlementaires comptent que les projets de loi qu'ils ont étudiés attentivement et adoptés finiront un jour par être mis en vigueur. Toutefois, lorsque l'exécutif ne met pas ces mesures en vigueur, les parlementaires ont le droit de se faire expliquer pourquoi ou de présumer que ces lois sont devenues inutiles. Voilà le principe appliqué dans le projet de loi à l'étude.

Honorables sénateurs, après la présentation au Parlement, chaque année, de la liste des lois ou dispositions qui n'ont pas été mises en vigueur au cours de neuf années précédentes, le gouvernement pourra répondre de manières diverses. Il pourra mettre la loi ou les dispositions en vigueur, modifier la loi et mettre en vigueur la version modifiée ou présenter une nouvelle loi analogue mais qui tient mieux compte des faits survenus dans les dix ans suivant la loi précédente. Ou bien un député ou parlementaire pourra proposer une résolution tendant à supprimer une loi ou une disposition dans la liste. Si la résolution est adoptée par l'une des deux Chambres du Parlement, l'abrogation est retardée jusqu'à l'année suivante.

Honorables sénateurs, nous croyons que le projet de loi renforcera la responsabilisation du gouvernement envers le Parlement. Les possibilités offertes au gouvernement lui donnent la latitude voulue pour tenir compte des diverses raisons sérieuses qu'il peut avoir de ne pas abroger les lois ou dispositions qui figurent sur la liste, mais le projet de loi affirme le principe voulant que le Parlement légifère avec l'intention que ses lois soient appliquées.

Si le gouvernement ne met pas certaines lois en vigueur et ne fait rien ou ne présente aucune raison cohérente pour expliquer son inaction, la loi ou la disposition sera abrogée, car elle n'incarnera plus la volonté du Parlement.

Honorables sénateurs, un amendement minime a été apporté à la version anglaise de l'article 5 pour en préciser l'application. Le mot « it » a été remplacé par « the amended provision ».

J'exhorte les honorables sénateurs à appuyer aussi bien l'amendement que le projet de loi.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter le rapport?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand le projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Banks, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1650)

L'ÉTUDE SUR LES QUESTIONS LIÉES AUX CHANGEMENTS DÉMOGRAPHIQUES

ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ DES BANQUES ET DU COMMERCE

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé La bombe à retardement démographique : Atténuer les effets des changements démographiques au Canada, présenté au Sénat le 13 juin 2006.—(L'honorable sénateur Grafstein)

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, j'aimerais d'abord dire que le rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé La bombe à retardement démographique : Atténuer les effets des changements démographiques au Canada, tombe à point et qu'il est crucial pour le bien-être futur des Canadiens. Il porte sur l'incidence du vieillissement de la population sur notre économie. Nous n'avons plus beaucoup de temps pour renverser la vapeur. S'il y a une chose que nous avons apprise au Sénat, c'est que ça prend beaucoup de temps de changer les politiques gouvernementales et les pratiques privées qui sont fortement enracinées. Le rapport formule dix recommandations exhaustives élaborées à partir des dépositions saisissantes des témoins, venus du Canada et des États-Unis. Je remercie ces derniers d'avoir pris le temps de se rendre à Ottawa pour faire part de leur opinion et de leurs connaissances au comité. Leurs témoignages ont secoué le comité et, espérons-le, l'ensemble des gouvernements, des entreprises, des syndicats et des institutions. L'avenir que nous redoutons est à nos portes, nous a-t-on dit.

Je veux aussi remercier les nombreux sénateurs, 20 en tout, qui ont participé à l'élaboration de ce rapport et, en particulier, ceux qui siègent actuellement au comité et ont vigoureusement débattu les recommandations finales. Je félicite notre ancien greffier, Gérald Lafrenière; notre greffière actuelle, Line Gravel; et notre personnel de recherche, qui est dirigé par June Dewetering, qui ont une fois de plus fait preuve de créativité pour assembler ce panorama cohérent de recommandations.

Je voudrais rendre un hommage spécial au vice-président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, mon ami le sénateur Angus, et le remercier de ses efforts soutenus et de son appui à l'occasion de ces audiences courtes, mais complexes.

Honorables sénateurs, protéger le Canada contre les conséquences négatives imminentes du vieillissement est un aspect important de la politique publique. Nous devons agir dès maintenant pour remédier aux problèmes manifestes qui se poseront prochainement si nous voulons continuer à voir croître le revenu des ménages.

Comme je l'ai dit, le rapport renferme 10 recommandations qui, nous l'espérons, aideront à repousser les effets indésirables des changements démographiques à venir. C'est une bombe à retardement économique et tous — les gouvernements, les syndicats du secteur privé, le milieu de l'éducation et toutes les institutions — doivent comprendre les faits, car ils se rapportent à leur organisation, et aider à désamorcer cette bombe.

Je vais fournir quelques faits et chiffres afin de replacer le rapport du comité dans son contexte et expliquer les raisons pour lesquelles nous croyons qu'il est impératif de prendre des mesures immédiatement.

Fait 1 : Le taux de natalité au Canada est inférieur d'environ 40 p. 100 au taux requis pour éviter le dépeuplement à long terme.

Fait 2 : D'ici 2031, environ 25 p. 100 des Canadiens auront 65 ans ou plus. C'est environ le double de la proportion actuelle, qui est de 13 p. 100.

Fait 3 : Depuis 2002, l'immigration intervient pour plus de 60 p. 100 dans la croissance démographique au Canada. À vrai dire, il sera plus difficile pour le Canada d'attirer des immigrants compétents à l'avenir.

Fait 4 : On prédit que, d'ici 2030, pour 100 travailleurs, il y aura 40 retraités, comparativement à 21 en 2003.

Le rapport regorge de révélations. Je pense que vous saisissez l'essence de mes propos; nous avons une bombe à retardement démographique entre les mains. Il faut nous réveiller et passer aux actes.

Je voudrais attirer l'attention du Sénat sur un certain nombre de points. Quelques-unes des recommandations du comité traitent de la nécessité de prévoir des encouragements et de supprimer des facteurs de dissuasion pour que les gens travaillent et fassent de plus longues heures s'ils le souhaitent. Il s'agit non seulement de donner aux travailleurs âgés la possibilité de travailler sans pénalité au-delà de ce qu'on considère comme l'âge normal de la retraite, s'ils le souhaitent, mais aussi de donner à chacun la pleine possibilité de participer à la population active de la manière et au niveau qui lui conviennent le mieux, qu'il s'agisse d'un Autochtone canadien, d'une personne handicapée, d'un immigrant ou d'une femme. Nos employeurs connaîtront des pénuries de main-d'œuvre dans les années à venir. Un plus grand taux de participation n'est qu'un des moyens d'aider les employeurs à trouver les employés dont ils ont besoin. Nous devons planifier aujourd'hui pour augmenter notre main-d'œuvre à l'avenir.

Nous devons porter une attention particulière aux femmes et examiner les différences qui existent entre le Canada et les États- Unis aux chapitres de la participation des femmes à la population active et des taux de fécondité. Ces questions nécessitent une analyse détaillée. Pourquoi y a-t-il une telle différence entre les taux de fécondité des deux pays? À quoi sont dus les écarts entre les régions du Canada, que Statistique Canada a signalés la semaine dernière dans son rapport?

La volonté d'offrir des encouragements et de supprimer les facteurs de dissuasion au travail est à la base de plusieurs des recommandations du comité, notamment en ce qui concerne la modification de la Loi de l'impôt sur le revenu, du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Nous avons envisagé des modifications de l'impôt sur le revenu des particuliers pour permettre aux gens de recevoir simultanément un revenu de pension et un revenu d'emploi, pour autoriser le report des prestations de retraite avec des ajustements actuariels adéquats et pour protéger contre la discrimination actuelle ceux qui sont couverts par la Loi canadienne sur les droits de la personne et qui souhaitent travailler au-delà de l'âge normal.

La discrimination fondée sur le sexe dans tous les secteurs de la population active doit faire l'objet d'une micro-analyse plus soigneuse si nous voulons augmenter notre productivité, le taux de participation à la population active et le revenu des ménages.

Cela a entraîné un nouvel appel à l'action que nous croyons essentiel. Il fait fond sur le travail effectué l'année dernière par le comité lorsqu'il a déposé son rapport sur la productivité. Dans ce rapport, nous avions recommandé une fois de plus que le gouvernement fédéral mette en œuvre les recommandations de notre rapport de juin 2004 sur la productivité.

Honorables sénateurs, je suis d'accord quand l'OCDE dit que le vieillissement de la population du Canada constitue un défi si nous voulons continuer à améliorer le niveau de vie malgré la hausse du ratio de dépendance des personnes âgées.

Comme un certain nombre de nos témoins, je crois que l'augmentation de la productivité est un moyen essentiel de relever le niveau de vie de tous les Canadiens. C'était une recommandation de l'année dernière qui continue d'être valable et trace la voie d'un plan d'action à établir maintenant.

Honorables sénateurs, ce n'est pas là un sujet qui attirera l'attention des médias. Je tiens à féliciter le Globe and Mail pour son éditorial d'hier consacré à notre rapport. Le reste des médias ne se soucie malheureusement que du présent. Il faudra faire preuve de diligence pour réaliser ces changements et modifier la façon dont notre société envisage la population active. On ne peut plus simplement essayer de s'en tirer tant bien que mal. Il faudra du leadership et de l'intelligence pour faire les changements nécessaires maintenant. Notre comité est déterminé à faire un suivi et à exercer des pressions jusqu'à ce que les habitudes enracinées dans la population active, la participation des travailleurs et la productivité s'orientent dans une bien meilleure direction.

Je voudrais enfin profiter de l'occasion pour remercier le sénateur Massicotte, qui a exhorté le comité à étudier le sujet extrêmement important de l'évolution démographique au Canada et qui a travaillé fort pour rendre notre rapport plus clair et, ce qui est plus important, souligner comment nous pouvons désamorcer cette bombe à retardement et ce que nous vous pouvons faire pour gérer les effets pervers.

J'exhorte tous les sénateurs et tous les présidents de comité à lire le rapport, qui n'est pas très long, à examiner nos recommandations et à envisager d'inclure des recommandations de suivi dans leurs rapports futurs. Nous avons besoin d'efforts concertés de la part de tous les comités sénatoriaux pour avancer vers ces objectifs essentiels qui touchent tous les comités.

Peu de ceux qui sont présents ici bénéficieront de nos réformes, mais nos enfants et nos petits-enfants ne pourront pas jouir du niveau de vie actuel à moins que nous n'agissions ensemble maintenant.

[Français]

L'honorable W. David Angus: Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter un mot suite à l'allocution de notre collègue, l'honorable sénateur Grafstein, concernant notre rapport déposé la semaine dernière intitulé La bombe à retardement démographique: Atténuer les effets des changements démographiques au Canada.

[Traduction]

(1700)

Ce rapport, comme le sénateur vient de le dire, ne doit pas être pris à la légère. J'ignore si le principal éditorial du Globe and Mail d'hier a été publié par accident, mais permettez-moi d'en lire les premières lignes. Il dit :

En dépit de son titre alarmiste, comme il se doit, La bombe à retardement démographique, le rapport récent du Sénat sur la main-d'œuvre canadienne vieillissante n'a guère retenu l'attention du public. Et c'est malheureux. Aux prises avec le défi de maintenir les baby-boomers vieillissants dans la population active, le Comité sénatorial des banques a eu le bon sens d'exhorter les gouvernements à réduire les avantages financiers à la retraite anticipée et à les remplacer par des encouragements à prendre une retraite plus tardive.

Le rapport du comité, qui renferme 10 recommandations claires et précises, résulte de discussions tenues les 19 et 20 octobre 2005. Le comité a tenu ces discussions pour deux raisons : d'abord, tenter de souligner les profonds changements démographiques auxquels seront bientôt confrontés les Canadiens; et, ensuite, déterminer les mesures particulières qui, selon nous, pourraient être prises maintenant pour atténuer les conséquences financières, sociales et économiques qui accompagneront sûrement ces changements.

Honorables sénateurs, afin de mieux illustrer ce problème, je voudrais citer la vérificatrice générale du Canada, Mme Sheila Fraser, qui a écrit au comité au sujet de la gravité du problème. Elle a écrit :

[Français]

Les dés sont jetés : nous ne pouvons pas faire grand-chose pour ralentir ou renverser la tendance du vieillissement de la population canadienne au cours des prochaines décennies. Mais nous pouvons très certainement mieux nous y préparer. Et pour cela, nous devons disposer d'une meilleure information sur les répercussions financières à long terme de l'évolution démographique.

[Traduction]

Honorables sénateurs, les divers témoignages confirment les observations de la vérificatrice générale. Nous vivons plus longtemps et nos familles comptent moins d'enfants. C'est la simple réalité. Statistique Canada a dit au comité que l'espérance de vie des hommes nés au Canada en 2005 est de 77 ans et celle des femmes, d'environ 82 ans. Il faut un taux de fécondité de 2,1 enfants par femme pour assurer le renouvellement de la population. Or, le Canada n'a pas connu ce taux depuis 1971. À l'heure actuelle, le taux de fécondité est de 1,5. Selon la New America Foundation, le taux de natalité du Canada est d'environ 40 p. 100 inférieur au taux nécessaire pour éviter une perte à long terme de population.

M. Jacques Henripin, professeur émérite de l'Université de Montréal, qui a comparu devant le comité, a soutenu que le Canada est en voie de devenir un des pays les moins féconds.

[Français]

Le Canada est en train de devenir un des pays les moins féconds. Je pense que l'on doit s'inquiéter du rythme actuel de la dégringolade de la reproduction humaine au même titre qu'on le ferait pour une dénatalité soudaine chez les animaux!

[Traduction]

Si nous remarquions une soudaine dénatalité dans le monde animal, nous serions très inquiets. Or, c'est à nous que cela arrive.

Il est intéressant de noter que la proportion de personnes dites âgées, ou qui ont plus de 65 ans, était de 8 p. 100 en 1971 alors qu'elle est de 13 p. 100 aujourd'hui. D'ici 2031, environ 25 p. 100 des Canadiens seront âgés d'au moins 65 ans. D'ici 2024, le nombre des décès sera supérieur à celui des naissances, même si l'immigration permettra peut-être de soutenir un faible taux de croissance démographique jusqu'en 2040. Selon l'actuaire en chef du Canada, après 2030 tout accroissement de la population prévu résultera de l'immigration nette. Statistique Canada exprime la même opinion. Elle a fait remarquer que depuis les années 1990, la migration internationale est la source principale de la croissance démographique au Canada. Depuis 2000, elle représente plus de 60 p. 100 de la croissance démographique observée et pourrait bientôt représenter toute cette croissance si les taux de fécondité restent bas.

Dans une dizaine d'années, un Canadien sur cinq sera membre d'une minorité visible. Le comité s'est fait dire que de plus en plus d'immigrants viennent des pays d'Asie et du Moyen-Orient, même si ceux qui viennent de la Chine et de l'Asie du Sud demeurent les plus grands groupes minoritaires.

Plusieurs témoins ont affirmé que l'immigration ne réglerait pas tous les problèmes qu'entraînera vraisemblablement ce changement démographique dans notre pays. Les taux de fécondité dégringolent partout dans le monde en développement, de sorte que le nombre de ceux qui pourraient immigrer au Canada sera plus réduit que par le passé. La concurrence livrée par d'autres sociétés vieillissantes pour attirer les immigrants qualifiés sera nettement plus vive.

Même si l'immigration peut contribuer à la croissance démographique, elle a peu d'incidence sur le vieillissement de la population. Habituellement, les immigrants arrivent sur nos côtes non pas à un très jeune âge, mais à l'âge adulte, ce qui signifie qu'ils contribuent bien peu à rajeunir la société canadienne. Aussi, les données statistiques montrent que les immigrants ont moins d'enfants que par le passé et chez ceux qui vivent au Canada depuis plus de 10 à 14 ans, le taux de fécondité moyen est égal à notre moyenne nationale de 1,5 enfant par famille.

Maintenant, je voudrais m'arrêter un moment sur la génération du baby-boom, celle des Canadiens nés entre 1946 et 1966. Cette génération semble être la cohorte d'âge qui exerce le plus d'influence sur le changement démographique à venir. Le départ à la retraite de cette génération aura de graves répercussions sur le marché du travail. Aujourd'hui, la majorité des baby-boomers sont à l'âge actif, mais, à compter de 2011, ils atteindront l'âge de la retraite. Au cours des deux prochaines décennies, des cohortes successives de cette génération auront 65 ans et plus. L'actuaire en chef du Canada a déclaré que, d'ici 2030, la plupart des baby-boomers auront pris leur retraite.

Certains changements démographiques auront des répercussions sur les « rapports de dépendance ». Les changements au niveau de la dimension relative des populations actives et inactives auront, entre autres, des répercussions sur la croissance économique, sur les finances et les dépenses au niveau fédéral, ainsi que sur les marchés financiers et le marché du travail. Les régions tant urbaines que rurales du Canada seront également touchées, mais de façons différentes. Selon l'actuaire en chef, le rapport de dépendance devrait augmenter. En 2003, il y avait 21 retraités par tranche de 100 personnes d'âge actif. D'ici 2030, on s'attend à ce que le rapport passe à 40 retraités par tranche de 100 personnes d'âge actif.

Honorables sénateurs, nous espérons que notre rapport et les commentaires que nous vous avons présentés aujourd'hui auront permis de vous sensibiliser à la nature et à la portée de la bombe à retardement démographique qui nous menace. C'est dans cet esprit et dans le but d'atténuer cette menace que nous avons fait les recommandations suivantes :

[Français]

Il faut trouver des moyens d'encourager les gens à joindre les rangs de la population active et remédier aux obstacles institutionnels et financiers qui les dissuadent de le faire; il faut trouver de meilleurs moyens pour inciter les entreprises à investir dans les outils d'amélioration de la productivité; il faut faciliter l'intégration des immigrants à la société canadienne; il faut trouver des moyens d'encourager l'épargne; il faut que les finances fédérales restent saines; il faut assurer la viabilité du financement fédéral des soins de santé et des régimes de retraite publics; il faut stimuler la croissance de la productivité.

[Traduction]

Honorables sénateurs, les recommandations formulées dans notre rapport sont raisonnables et réalisables. J'invite tous mes collègues à prendre le temps de revoir cet important rapport. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la question des changements démographiques et les problèmes connexes prendront une grande importance au cours de la prochaine décennie.

L'honorable Wilbert J. Keon : L'honorable sénateur Angus accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Angus : Oui.

Le sénateur Keon : J'ai lu le rapport du comité et il semble basé sur un grave anachronisme. La planète Terre ne peut pas subvenir aux besoins de toute la population qu'elle abrite. Les habitants de nombreux pays meurent de faim et cherchent donc des moyens de contrôler l'accroissement de leur population.

(1710)

Les pays industrialisés, soit la majorité des pays — une quarantaine sur une soixantaine, je crois — partagent tous le même problème. Cependant, il semble dangereux que des gens préconisent d'accroître la procréation. Je pense que des forces naturelles exercent actuellement une poussée vers un contrôle de la population mondiale.

Compte tenu de la situation mondiale, les honorables sénateurs pensent-ils que c'est une excellente idée d'encourager les Canadiens — notamment les habitants de certaines provinces — à essayer de procréer davantage?

Le sénateur Angus : J'ai trop de respect envers le sénateur Keon pour commencer à discuter du mot en « F ». Mon collègue, le sénateur Grafstein, et moi avons débattu longuement de la question de savoir si nous devrions parler abondamment de « fertilité » dans le rapport.

Je voudrais que le sénateur sache que la fertilité constitue un enjeu, mais pas le seul. Le sénateur Keon a soulevé de nombreuses questions d'ordre moral et éthique. Le problème et la difficulté, c'est l'évolution naturelle, sur les plans socioéconomique et géopolitique, de notre société. L'explosion démographique met la question en perspective, car les événements se bousculent.

Ce qui se produit, c'est que nous vivons beaucoup plus longtemps, comme le montrent ces données. Lorsque nous étions enfants, nous nous inquiétions parce que nos parents devaient placer leurs parents dans des établissements lorsqu'ils atteignaient l'âge de 65 ans. Maintenant, dans bien des cas, nos mères et nos pères sont encore vivants et, rendus à notre âge, nous devons nous en occuper. Le nombre de personnes retraitées dont on doit s'occuper augmente, alors que le nombre de celles qui travaillent diminue rapidement.

Quelle est la solution? Nous ne disons pas que nous la connaissons. Nous proposons un ensemble de choses, de façons d'atténuer le problème, compte tenu de ce que les témoins nous ont dit. L'âge de la retraite obligatoire ne devrait peut-être pas se situer à 65 ou 60 ans. Nous devrions peut-être travailler quatre jours par semaine, mais pendant de plus longues heures. Nous devrions peut- être faire fi des gens qui disent que nous sommes une bande de vieux sénateurs endormis et que nous devrions prendre notre retraite à 75 ans; nous devrions peut-être rester ici jusqu'à 90 ans. Lorsque je parlerai du projet de loi S-4, je recommanderai que nous revenions à la disposition ne prévoyant aucune limite d'âge.

C'est le monde dans lequel nous vivons. Nous tentons de sensibiliser les sénateurs, avant de commettre une grave erreur au sujet du projet de loi S-4 et d'autres mesures législatives connexes, au fait que cela pose un réel problème. Nous devons examiner nos lois sur les pensions et toutes les mesures qui sont en place, comme les soins à prodiguer aux personnes âgées et le système de santé; tous ces facteurs jouent énormément. Les témoins étaient très effrayés par les propos qu'ils tenaient. Nous avons tâché de faire en sorte que le ton soit très modéré.

L'honorable Lowell Murray : Je me demande si le sénateur Angus répondrait à une question.

Le sénateur Angus : Oui.

Le sénateur Murray : Après l'analyse plutôt malthusienne du sénateur Keon sur la surpopulation dans le monde, et en référence au fait qu'il pourrait être dangereux d'encourager la fertilité au Canada, il a ajouté « surtout dans certaines provinces ». Je me demande si le sénateur Angus sait dans quelle province le sénateur Keon encouragerait les gens à procréer et dans quelle province il ne les encouragerait pas à procréer.

Le sénateur Angus : La tentative du sénateur Murray d'adresser au sénateur Angus une question destinée au sénateur Keon ne fait pas honneur à son intelligence.

On a parlé de la garde des enfants. Le gouvernement a proposé un nouveau programme, qui est controversé. Ce programme est consacré dans le budget. Aujourd'hui, nous pouvons nous occuper de nos enfants de diverses façons.

Le ministre des Finances nous a intrigués hier soir. Il a dit : « J'ai trois fils, tous âgés de 15 ans. » Vous vous demandez sûrement comment ils peuvent tous avoir 15 ans. Il a des triplés. Ensuite, le sénateur Rompkey — j'ignore s'il est parmi nous en ce moment — a soulevé la question des défis que présentent les enfants sur le plan social. D'après lui, les enfants devraient aller à la garderie afin d'interagir avec d'autres enfants et d'acquérir des aptitudes sociales.

Cependant, dans le bon vieux temps, dans « la belle province » où j'ai grandi, chaque famille avait 18 enfants. Ils n'avaient pas besoin d'aller à la garderie pour apprendre à interagir et à s'entendre avec d'autres garçons et filles. Mais c'est quand même intéressant.

[Français]

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-il prêts à se prononcer? Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

L'ÉDUCATION POSTSECONDAIRE

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Tardif, attirant l'attention du Sénat sur des questions concernant l'éducation postsecondaire au Canada.—(L'honorable sénateur Segal)

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, c'est un honneur insigne de prendre la parole aujourd'hui au sujet de l'interpellation du sénateur Tardif sur l'état de l'éducation postsecondaire au Canada. C'est un dossier que je défends dans cette enceinte depuis des années et je suis très heureux que madame le sénateur Tardif et d'autres collègues reconnaissent eux aussi son importance.

Il est évident que nous devons nous pencher sur le système d'éducation postsecondaire au Canada. Il a été prouvé que jusqu'à 20 p. 100 de la croissance de la production totale dans les pays du G7 est attribuable à une main-d'oeuvre qui a fait des études universitaires. Dans les pays de l'OCDE, il y a un lien direct entre les investissements et la longueur des études postsecondaires faites par la main-d'oeuvre. Pour chaque année d'études supplémentaire, la production par habitant augmente de 6 p. 100.

Le fait que le Canada n'ait pas de plan pour s'attaquer à ce problème dans l'immédiat est vraiment renversant. En fait, les mots « études postsecondaires » ne figuraient pas dans le plan budgétaire de 2006. Cela devrait-il nous inquiéter? Après avoir lu le discours du sénateur Tardif, je dirais que nous devrions être plus qu'inquiets en ce moment. Un appel au leadership est resté sans réponse.

Comme je l'ai dit plus tôt, nous, en cette enceinte, discutons de cette situation depuis des décennies et il est toujours décevant que les priorités de l'autre endroit ne comprennent pas les études postsecondaires. Cela devrait être une priorité constante et annuelle sur le plan des politiques et ce thème devrait toujours se situer parmi les cinq premières priorités du pays.

Dans les provinces de l'Atlantique, nous insistons depuis une décennie sur l'importance de l'économie du savoir et sur la place que nous devons y occuper. Depuis que je suis à Ottawa, notre caucus libéral de l'Atlantique a préparé deux documents indiquant de manière détaillée ce qu'il faudrait faire pour accorder du financement à des entreprises axées sur le savoir de notre région. Je dois dire que nos recommandations, qui étaient contenues dans Cap sur l'avenir et Montée en puissance, ont été très bien accueillies. Ces documents sont suscité la création du Fonds d'innovation de l'Atlantique, qui joue un rôle de catalyseur de l'investissement fédéral dans la recherche dans les provinces de l'Atlantique. Un bon départ a été pris; il y a encore une longue route à parcourir.

J'ai assisté récemment à une réunion de l'Association des universités de l'Atlantique, à l'occasion de laquelle le rapport intitulé Brillons ensemble : l'impact économique des universités des provinces atlantiques a été rendu public. J'en ai un exemplaire, dans les deux langues officielles, et j'aimerais que le Sénat m'autorise à le déposer.

Son Honneur le Président : L'autorisation est-elle accordée pour le dépôt du document?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Moore : L'aboutissement d'une étude de six mois présente de manière détaillée l'importance du milieu universitaire pour la région de l'Atlantique. Cette étude met en lumière les retombées économiques et sociales des universités dans les provinces de l'Atlantique.

(1720)

Je voudrais vous faire part de quelques conclusions du rapport. L'impact de nos 17 universités sur la vie des habitants de la région atlantique est plus considérable que je ne le croyais. À tel point que je soutiens que nos universités, comme moteurs de l'économie du savoir, sont peut-être notre plus important secteur d'activité, car elles représentent chaque année un montant de l'ordre de 4,4 milliards de dollars, si on tient compte des dépenses directes et indirectes. Je tiens à souligner l'importance de certains éléments de cette réalité.

D'après le rapport, les universités du Canada atlantique emploient 16 655 professeurs et autres membres du personnel. Il y a également de 3 000 à 4 000 étudiants qui travaillent comme chercheurs. Ces employés peuvent représenter de 15 à 30 p. 100 de la population active dans les petites villes universitaires de la région. C'est énorme.

L'étude situe aussi ces chiffres dans le contexte des autres secteurs d'activité de chaque ville. Ainsi, l'Université Memorial de Terre- Neuve, à St. John's, est le deuxième employeur par ordre d'importance, derrière le gouvernement provincial. L'Université de l'Île-du-Prince-Édouard emploie un effectif aussi considérable que celui de secteurs comme les finances et l'assurance. Ces universités peuvent fournir jusqu'à 50 p. 100 du revenu dans les petites localités. Elles offrent des emplois stables et bien rémunérés. Ajoutons l'argent que dépensent les universités au niveau local et celui que dépensent les étudiants, et on obtient des dépenses directes de 2 milliards de dollars — plus que celles de tout autre secteur d'activité.

Le rapport fait également écho aux chiffres dont le sénateur Tardif a parlé. Par exemple, un diplôme universitaire, dans le Canada atlantique, permet de prétendre à des revenus de 60 p. 100 supérieurs à ceux d'un diplômé du secondaire. Le Canada atlantique, comme je l'ai dit dans des interventions antérieures, ne peut pas compter sur l'appui financier du secteur privé pour l'investissement dans la recherche et le développement. Nous n'avons pas assez de sociétés commerciales pour pouvoir les mettre à contribution, et le secteur privé ne fait pas beaucoup de recherche dans la région. Ce sont les universités qui en font le plus.

La principale source d'investissement en recherche et développement, c'est le gouvernement fédéral : subventions des conseils de recherche, Fonds d'innovation de l'Atlantique ou fondations de recherche. Les projets sont essentiellement examinés et approuvés par des pairs. Il est donc incroyablement important pour le Canada atlantique que tous les ordres de gouvernement s'engagent à investir dans les universités de la région et qu'ils aient un plan pour canaliser au mieux les investissements.

J'ai quelques idées personnelles sur la question. L'importance que la question revêt au niveau fédéral devrait être illustrée par des changements dans la façon dont nous traitons l'éducation postsecondaire. Dans le domaine de l'éducation postsecondaire, les transferts aux provinces ne sont assortis d'aucune condition. Ainsi, le gouvernement de ma province, la Nouvelle-Écosse, réduit son financement des études secondaires pour les étudiants qui reçoivent des bourses fédérales du millénaire. C'est une honte!

Le problème existe toujours aujourd'hui. Nous n'avons aucun moyen de rendre compte des fonds fédéraux versés aux provinces pour l'éducation selon la formule du financement global. Il est temps que le gouvernement fédéral prenne l'initiative dans ce domaine. Nous entendons souvent dire que l'éducation est du ressort des provinces, mais il a été prouvé par le passé qu'il était avantageux pour toutes les provinces et tous les territoires, et pour le pays tout entier, que les deux ordres de gouvernement concluent des accords. Ainsi, l'accord de 2003 sur la santé a séparé en deux parties le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux pour assurer plus de transparence et une meilleure reddition des comptes dans l'utilisation que les provinces font de l'argent que le gouvernement fédéral leur verse pour les soins de santé. J'exhorte le gouvernement fédéral à dissocier l'élément éducation du Transfert canadien en matière de programmes sociaux pour créer le transfert canadien en matière d'éducation, garantissant ainsi plus de transparence et une meilleure reddition des comptes dans la façon dont les provinces dépensent les fonds fédéraux qui leur sont versés pour l'éducation.

Au moyen de l'ensemble de ses programmes de financement, le gouvernement fédéral consacre environ 9 milliards de dollars par année à l'éducation et à la recherche. Compte tenu de l'importance de ces dépenses, il devrait y avoir un portefeuille distinct pour administrer cette richesse nationale.

Je demande une fois de plus la création d'un ministère de l'Éducation postsecondaire et de la Recherche pour offrir le leadership dont nous avons désespérément besoin. Ce ministère pourrait assurer un niveau de financement stable et prévisible pour l'éducation postsecondaire, de façon que nos universités puissent établir leurs budgets et leurs plans en sachant à quoi s'en tenir. Seul le gouvernement fédéral peut créer et préserver pareilles normes nationales de financement.

Il faut que change notre perception des avantages de l'éducation postsecondaire. La tendance récente a consisté à isoler l'étudiant comme principal bénéficiaire de ces avantages et, comme la politique des années 1990 l'a montré, à lui faire porter aussi le fardeau financier. Il s'agit d'un précédent très dangereux, et nous récoltons aujourd'hui les fruits amers de cette mauvaise politique. Si nous laissons aux étudiants le soin de financer leurs études, les frais de scolarité augmenteront et, inévitablement, le taux de participation fléchira puisque ces frais se transformeront en une dette impossible à gérer au moment de l'obtention du diplôme.

Conséquence d'une aggravation naturelle de la situation, les études postsecondaires seront réservées aux riches plutôt qu'à ceux qui sont plus en mesure de poursuivre des études.

Honorables sénateurs, ce n'est pas là le système que les Canadiens souhaitent ou méritent, et il n'est aucunement à l'avantage du Canada. Comme nous l'avons entendu maintes et maintes fois, plus nous serons instruits, plus notre pays sera productif, compétitif et prospère.

Je me rappelle un rapport du Caledon Institute, un organisme de réflexion d'ici, intitulé Education and the Public Good, ou l'éducation et le bien public. Y a-t-il des sénateurs qui se rappellent de l'expression « bien public »? On ne l'entend plus beaucoup de nos jours. On entend davantage parler de fédéralisme asymétrique et de déséquilibre fiscal, ou peut-être plutôt d'équilibre fiscal. Ce rapport portait davantage sur les écoles publiques, mais je pense que la leçon peut s'appliquer également à notre système d'enseignement postsecondaire.

Une section du rapport s'intitulait : « L'éducation devrait être traitée comme un élément d'actif ». Nous avons fait l'erreur de considérer le système universitaire comme un fardeau, alors que nous ne pouvons pas nous permettre de penser ainsi. Le rapport cite John Ralston Saul, qui affirme :

Du point de vue de la comptabilité, c'est bien sûr un élément de passif. Par comparaison, une balle de golf est un élément d'actif qu'on peut vendre, et son prix est un facteur de croissance mesurable.

Je crois que le transfert de connaissances est la vertu ultime. Nous devons faire davantage pour aider et encourager nos étudiants universitaires et leurs professeurs, qui travaillent pour l'amour du savoir.

Le rapport de l'Association des universités de l'Atlantique que j'ai déjà mentionné démontre clairement quelles sont les sommes en jeu et les répercussions économiques qu'elles engendrent. Il est vraiment temps de penser à l'argent que nous investissons dans notre régime d'enseignement postsecondaire comme à un investissement dans l'avenir du Canada — dans nos citoyens, dans l'environnement, dans les sciences et la technologie, dans l'industrie et dans la santé. Cet investissement rapportera des dividendes que nous soupçonnons à peine. Nous ne pouvons continuer à remettre à plus tard l'étude de cette politique nationale des plus fondamentale, la politique sur l'éducation postsecondaire. Pour reprendre les mots du sénateur Tardif...

[...] attendre encore un an, ou davantage, peut faire la différence, pour le Canada, entre être un joueur de calibre mondial ou un aspirant à ce titre.

Il faut s'y mettre dès maintenant.

(Sur la motion du sénateur Segal, le débat est ajourné.)

DROITS DE LA PERSONNE

MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER LA DÉCLARATION DE 2005 SUR L'ANTISÉMITISME ET L'INTOLÉRANCE DE L'ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ ET LA COOPÉRATION EN EUROPE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Stollery :

Que la Résolution suivante sur la lutte contre l'antisémitisme, adoptée à l'unanimité à la 14e session annuelle de l'Association parlementaire de l'OSCE, à laquelle le Canada a participé, à Washington, D.C., le 5 juillet 2005, soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des droits de la personne pour étude et que le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 30 octobre 2006 :

RÉSOLUTION SUR LA LUTTE CONTRE L'ANTISÉMITISME

Rappelant les résolutions sur l'antisémitisme qui ont été adoptées à l'unanimité par l'Assemblée parlementaire de l'OSCE à ses sessions annuelles de Berlin en 2002, de Rotterdam en 2003 et d'Édimbourg en 2004,

1. Se référant aux engagements pris par les États participants à la suite des Conférences de l'OSCE de Vienne (juin 2003), Berlin (avril 2004) et Bruxelles (septembre 2004) en ce qui concerne les efforts d'ordre juridique, politique et pédagogique à déployer pour lutter contre l'antisémitisme, en veillant à ce que « les juifs résidant dans l'espace de l'OSCE puissent mener une vie exempte de discrimination, de harcèlement et de violence »,

2. Notant avec satisfaction le bon déroulement de la Conférence sur l'antisémitisme et d'autres formes d'intolérance tenue à Cordoue (Espagne) en juin 2005,

3. Se félicitant de la nomination et des attributions permanentes des trois Représentants personnels du Président en exercice de l'OSCE chargés respectivement de la lutte contre l'antisémitisme, de la lutte contre l'intolérance et la discrimination à l'égard des musulmans et de la lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination, également dirigée contre l'intolérance et la discrimination à l'égard des chrétiens et des membres d'autres religions, ce qui montre la contribution distincte que chacun d'eux est appelé à apporter à l'étude des différentes questions se posant dans l'espace de l'OSCE,

4. Réaffirmant le point de vue exprimé dans des résolutions antérieures, selon lequel l'antisémitisme constitue une menace pour les droits fondamentaux de l'homme et les valeurs démocratiques et, partant, pour la sécurité dans l'espace de l'OSCE,

5. Soulignant l'importance des mécanismes permanents de suivi des incidents antisémites à l'échelle nationale, ainsi que la nécessité de condamnations publiques, d'une action énergique de la police et de poursuites vigoureuses,

L'Assemblée parlementaire de l'OSCE

6. Demande instamment aux États participants de l'OSCE d'adopter des définitions nationales uniformes pour le suivi et la collecte d'informations relatives à l'antisémitisme et aux crimes de haine, sur le modèle de la définition de travail de l'antisémitisme qui a été donnée en janvier 2005 par l'Observatoire de l'Union européenne pour les phénomènes racistes et xénophobes (EUMC), et de mettre les milieux officiels, les fonctionnaires et autres agents d'organismes publics au courant de ces définitions, de manière à ce que les incidents puissent être rapidement identifiés et recensés;

7. Recommande que les États participants de l'OSCE établissent des mécanismes nationaux de collecte et de suivi des données et qu'ils améliorent le partage des éléments d'information entre les autorités centrales et locales et les représentants de la société civile, tout en procédant à l'échange de données et de pratiques optimales avec d'autres États participants de l'OSCE;

8. Demande instamment aux États participants de l'OSCE de diffuser des données sur les incidents antisémites en temps utile et de communiquer ces informations au Bureau des Institutions démocratiques et des Droits de l'homme (BIDDH) de l'OSCE;

9. Recommande au BIDDH de diffuser périodiquement ses données sur les crimes antisémites et inspirés par la haine, de mettre en évidence les meilleures pratiques et de lancer des programmes axés sur les domaines de la police, de l'application des lois et de l'éducation;

10. Invite les gouvernements nationaux à affecter au suivi de l'antisémitisme des ressources adéquates permettant notamment de nommer des médiateurs nationaux ou des représentants spéciaux;

11. Souligne la nécessité d'élargir la participation des représentants de la société civile à la collecte, à l'analyse et à la publication des données sur l'antisémitisme et la violence y afférente;

12. Invite les délégations nationales à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE à faire en sorte que des débats périodiques sur l'antisémitisme soient organisés au sein de leurs parlements et, en outre, à soutenir les campagnes de sensibilisation du public à la menace que font peser sur la démocratie les actes de haine antisémite, en décrivant les meilleures pratiques de lutte contre cette menace;

13. Invite les délégations nationales à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE à soumettre à la session annuelle de 2006 des rapports sur les activités de leurs parlements en matière de lutte contre l'antisémitisme;

14. Invite les États participants de l'OSCE à élaborer des aides pédagogiques et des méthodes de formation des enseignants pour faire échec aux formes contemporaines d'antisémitisme et à mettre à jour des programmes sur l'éducation concernant l'Holocauste;

15. Demande instamment tant aux parlements nationaux qu'aux gouvernements des États participants de l'OSCE de réexaminer leurs législations nationales;

16. Demande instamment aux États participants de l'OSCE d'améliorer la sécurité sur les sites juifs et autres lieux susceptibles d'être la cible d'attaques antisémites, en coordination avec les représentants des communautés concernées.—(L'honorable sénateur Grafstein)

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'interviens pour aborder brièvement, encore une fois, cette motion concernant la montée de l'antisémitisme, le plus vieux de tous les préjugés, au Canada et ailleurs dans le monde. Les statistiques alarmantes exigent purement et simplement de redresser la situation. Le plus grand nombre d'incidents haineux enregistrés au Canada, notamment à Toronto, continuent d'être de nature antisémite. Cette année, le nombre d'incidents antisémites a légèrement baissé, mais les chiffres demeurent néanmoins à des sommets historiques depuis que des statistiques sont recueillies, d'abord par l'organisme B'nai Brith et, plus récemment, par certaines autorités policières.

La teneur de cette motion figure au Feuilleton du Sénat depuis près de cinq ans. La question a été considérée brièvement par le Comité sénatorial permanent des droits de la personne durant quelques heures mais, pour une raison inexpliquée, aucun rapport n'a été rédigé.

(1730)

Honorables sénateurs vous vous souviendrez que la résolution a été adoptée à l'unanimité par 55 États, y compris le Canada, lors de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE tenue à Washington le 5 juin 2005 et qu'elle avait été étudiée au cours des cinq années précédentes. Les éléments les plus critiques de cette motion seront examinés à nouveau lors de l'Assemblée parlementaire annuelle de l'OSCE, qui sera tenue au mois de juillet prochain à Bruxelles. Il s'agit d'une question qui, loin de s'estomper, prend une importance grandissante. J'ai l'intention de déposer au Sénat toute résolution résultant de cette assemblée qui traitera des mesures à prendre par d'autres États membres dans l'espace de l'OSCE, allant de Vancouver à Vladivostok.

Les 55 États membres de l'OSCE reconnaissent la recrudescence d'un phénomène honteux qui nous ramène aux périodes les plus sombres de l'histoire. Parmi les nombreuses propositions susceptibles de contrer et de faire reculer cette menace grandissante, les cinq approches suivantes ont été préconisées. Elles sont axées sur les résultats. L'éducation : inciter les enseignants, les commissions scolaires et les responsables scolaires à mettre au point des programmes efficaces à tous les paliers pour mettre un terme à cette haine historique. Comme l'a soutenu Elie Wiesel, lauréat du prix Nobel, à Berlin il y a quelques années : « On peut apprendre à un enfant à aimer ou on peut lui apprendre à haïr. » Les données statistiques : dans la plupart des républiques démocratiques, on ne comprend pas la profondeur et la nature du problème. Il faut inciter les gouvernements à répertorier les incidents haineux au moment où ils se produisent et là où ils se produisent, et à publier régulièrement des statistiques à ce sujet. Les données statistiques disponibles proviennent de sources non gouvernementales et elles reflètent une situation assez sérieuse pour justifier l'intérêt soutenu de Statistique Canada. L'activité policière : favoriser un plus grand raffinement dans l'activité policière concernant les crimes haineux. Le service de police de Toronto a été un chef de file à l'échelle internationale et, de concert avec l'OSCE, assure à l'heure actuelle la formation de forces policières dans l'ensemble de l'espace de l'OSCE en matière d'enquêtes, de poursuites et de traitement des crimes haineux dans les milieux concernés. La révision des lois pour renforcer l'application de la loi à l'égard de toute conduite haineuse et de l'incitation à la haine ou à la violence. La dernière approche consiste à dénoncer l'explosion des sites web sur Internet qui font la promotion de la haine et de la discrimination. À cet égard, des initiatives novatrices concernant la pornographie juvénile et les enfants disparus ont été prises de concert avec le service de police de Toronto et Microsoft. Il est possible de contrer la haine sur Internet sans réduire la liberté de parole.

J'espère que, si cette motion est adoptée, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne examinera ces cinq éléments qui ne pourront qu'atténuer l'impact de la haine. Nous ne pouvons espérer déraciner les odieux préjugés de l'antisémitisme, mais nous pouvons toujours espérer faire une différence.

Certains se demandent peut-être pourquoi je m'acharne ainsi sur cette question. Honorables sénateurs, c'est parce que c'est pour moi une question personnelle. Je surveille l'antisémitisme de très près, d'autant plus que cette question désolante me concerne personnellement, ainsi que ma famille et mes coreligionnaires, ici même au Canada.

Honorables sénateurs, je me demande pourquoi, malgré toutes les preuves de l'aggravation de ce problème au Canada, le Comité sénatorial des droits de la personne reste toujours aussi réticent à se saisir de ce problème crucial pour la notion canadienne de l'égalité devant la loi, de l'égalité dans notre société civile et, surtout, de la possibilité de vivre à l'abri de la peur. J'exhorte les honorables sénateurs à appuyer cette motion.

(Sur la motion du sénateur Segal, le débat est ajourné.)

BANQUES ET COMMERCE

MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER L'ENTENTE SUR LE BOIS D'ŒUVRE—MOTION D'AMENDEMENT PORTANT RENVOI DE LA MOTION AU COMITÉ DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ringuette, appuyée par l'honorable sénateur Milne,

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce étudie et fasse rapport sur l'entente entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique à propos du bois d'œuvre;

Que le Comité analyse, entre autres, l'impact sur la souveraineté du Canada dans la gestion de ses ressources, l'impact quant à l'interprétation des chapitres 11 et 19 de l'ALENA, et les mesures incluses dans l'entente en ce qui à trait au soutien financier offert à l'industrie et ses travailleurs;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Ringuette, que la motion soit modifiée en remplaçant le « . » par un « ; » après le mot « travailleurs » et en ajoutant ce qui suit :

« Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 2 octobre 2006. »—(L'honorable sénateur Tkachuk)

L'honorable Peter A. Stollery : Honorables sénateurs, je ne sais pas exactement quelle est la situation. J'aurais souhaité en avoir terminé aujourd'hui avec l'amendement de la motion, car je veux proposer un amendement de la motion principale portant que le sujet soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères au lieu du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Comme les sénateurs le savent, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères est également chargé du commerce international. C'est un point de procédure important, car nous ne voulons pas établir de précédent qui pourrait entraîner ce genre de situation.

Si j'ai bien compris, honorables sénateurs, il y a un amendement de la motion principale. Nous devons régler cet amendement avant que je puisse proposer l'amendement que je viens de décrire. Je ne suis pas sûr de ce qu'il en est exactement.

Son Honneur le Président : Un sous-amendement est recevable, et c'est ce dont parle le sénateur. Le débat en cours porte sur l'amendement. Si le sénateur souhaite prendre part au débat sur l'amendement, il a la parole et peut proposer son sous-amendement. Le débat porterait ensuite sur tous les amendements.

Le sénateur Stollery : Voici donc mon amendement : que la motion soit modifiée en remplaçant, dans le deuxième paragraphe, les mots « des banques et du commerce » par les mots « des affaires étrangères ».

Son Honneur le Président : Ce n'est pas vraiment un sous- amendement. Je crois que nous devrions aborder la motion et l'amendement.

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur la motion d'amendement?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le sénateur Milne, avec l'appui du sénateur Ringuette, propose que la motion soit modifiée en remplaçant le « . » par un « ; » après le mot « travailleurs » et en ajoutant ce qui suit : « que le Comité présente son rapport final au plus tard le 2 octobre 2006. »

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : D'accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion modifiée est adoptée avec dissidence.)

Son Honneur le Président : Nous sommes saisis de la motion modifiée. Le sénateur Stollery, je crois, veut que l'on change le nom du comité auquel sera renvoyée la question.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Peter A. Stollery : Honorables sénateurs, j'aimerais modifier la motion principale en ces termes :

Que l'on modifie la motion modifiée en substituant aux mots « des banques et du commerce », dans le premier paragraphe, les mots « des affaires étrangères ».

Son Honneur le Président : Le sénateur Stollery, avec l'appui du sénateur Corbin, propose que l'on modifie la motion modifiée en substituant aux mots « des banques et du commerce », dans le premier paragraphe, les mots « des affaires étrangères ».

Est-ce clair, honorables sénateurs?

L'honorable David Tkachuk : Le sénateur qui a proposé l'amendement intervient-il? S'il n'intervient pas, j'aimerais proposer l'ajournement du débat.

Le sénateur Stollery : Honorables sénateurs, je vous prie d'excuser cette confusion de ma part.

Comme je viens de le dire, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères s'est penché pendant quelque temps sur les mécanismes de règlement dans le dossier du bois d'œuvre. La question relève du Comité des affaires étrangères, étant donné qu'elle concerne le commerce extérieur. Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se penche sur des questions de commerce intérieur. Voilà l'explication.

(1740)

Le sénateur Segal : Je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Une voix : Avec dissidence.

(Sur la motion du sénateur Segal, le débat est ajourné avec dissidence.)

LE SÉNAT

MOTION TENDANT À DEMANDER AU GOUVERNEMENT D'ÉTUDIER L'IMPACT DE SA LÉGISLATION SUR LES MINORITÉS ET LES RÉGIONS—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ringuette, appuyée par l'honorable sénateur Cordy :

Que le Sénat demande au gouvernement d'accompagner tous ses projets de loi d'une étude sur l'impact social et économique qu'ils auront sur les régions et les minorités en relation au rôle du Sénat de représentation et protection des minorités et des régions. —(L'honorable sénateur Comeau)

L'honorable J. Trevor Eyton : Honorables sénateurs, je suis heureux de participer au débat sur la motion du sénateur Ringuette. L'intention est certes louable : il s'agit de veiller à ce qu'aucun groupe défavorisé et aucun endroit du Canada ne soit touché par inadvertance par des mesures législatives proposées par le gouvernement sans que le Parlement en soit bien informé au préalable. Cela semble simple. Il y a effectivement eu des cas où l'adoption d'une loi a eu des effets négatifs sur des régions et des minorités. Ordinairement, cependant, nous pouvons compter sur les gens susceptibles d'être touchés pour informer le Parlement de leur point de vue.

Considérons, par exemple, le Programme énergétique national. Il n'a pas fallu une étude d'impact économique pour que nous sachions que ce programme ne faisait pas de cadeaux à l'Ouest. Les incidences étaient évidentes. Les provinces et les sociétés pétrolières n'ont pas tardé à nous dire avec véhémence que le gouvernement libéral d'alors avait mis en œuvre une politique destructive, punitive et confiscatoire en se fondant sur des hypothèses contestables, qui se sont d'ailleurs révélées fausses peu de temps après.

Le seul avantage que l'Ouest aurait pu tirer d'une étude du genre proposé dans la motion, c'est un long retard pendant que les ministres des Finances et de l'Énergie attendaient que la fonction publique réalise une analyse approfondie des incidences socio- économiques. Même retardé, le gouvernement d'alors n'aurait pas agi différemment ultimement.

Malheureusement, ma première préoccupation est qu'il arrive que des lois essentielles doivent être adoptées rapidement. Les lois de retour au travail constituent un bon exemple. Imaginez ce qu'il en coûterait à notre économie s'il fallait attendre une, deux ou trois semaines avant d'adopter un projet de loi pour mettre fin à une grève des chemins de fer, pendant que quelqu'un se hâte de mener une étude sommaire des incidences socio-économiques. Une telle étude risque en outre de forcer une entreprise privée à rendre publics les détails de ses opérations. Je m'inquiète de cela.

Ma deuxième préoccupation est liée à ce qu'on entend par étude sur l'impact « social et économique ». Une telle étude nécessiterait d'évaluer la façon dont un projet de loi touchera tant les gens que des facteurs connexes tels que le revenu d'emploi et la croissance économique. Toutefois, cette motion demande une étude sur l'impact « social et économique ». Même si l'adjectif « économique » peut signifier « relatif à l'économie », il veut dire en général « qui réduit les frais, épargne la dépense ». La motion demande-t-elle au gouvernement de mener une étude d'impact social qui serait « économique », ou bien lui demande-t-elle vraiment une étude sur l'impact social et économique? Je me le demande.

Une bonne étude d'impact économique est un exercice économétrique quantifiable de calcul auquel se livrent des économistes qui peuvent eux-mêmes avoir besoin de recourir à une multitude de consultants. L'étendue de la tâche est multipliée par la nécessité de créer ou de recueillir des données brutes qui n'existent peut-être pas. Ajoutez à cela une étude d'impact social, et voilà l'analyse qui prend des proportions insensées.

D'ailleurs, que faudrait-il inclure dans une étude d'impact social? Porterait-t-elle sur des questions de sociologie, de psychologie, d'anthropologie ou de linguistique? Va-t-il falloir interroger les gens pouvant être touchés par un projet de loi, ou bien suffira-t-il d'utiliser les renseignements déjà recueillis dans les diverses banques de données? Sans paramètres pour circonscrire la portée du travail, nous pourrions avoir besoin d'une véritable thèse de doctorat pour chaque projet de loi déposé.

Honorables sénateurs, une étude ne vaut que par la qualité des données et des hypothèses sur lesquelles elle se fonde. Or les hypothèses sont toujours subjectives. Lorsque Paul Martin a réduit d'un tiers les transferts aux provinces dans les domaines de la santé, de l'éducation et des services sociaux vers le milieu des années 1990, il a présenté au Parlement un résumé des répercussions financières prévues sur chaque province. Pour aller plus loin, il aurait fallu poser des hypothèses sur la réaction des provinces. Ces hypothèses et, partant, l'évaluation de l'impact social et économique, peuvent- elles ne pas être optimistes?

Qui plus est, cette motion est trop vague pour donner des indications utiles à ceux qui seraient chargés des évaluations. Par exemple, le texte de la motion parle simplement de « minorités », sans dire lesquelles. Pour revenir au rôle traditionnel du Sénat, lors de la Confédération, les seules minorités dont on se souciait étaient définies en fonction de l'anglais et du français, du catholique et du protestant. On peut supposer que l'intention de la motion va beaucoup plus loin.

Avec les années, la notion de minorités envisagée lors de la Confédération s'est beaucoup développée. Grâce à la Loi sur l'équité en matière d'emploi, à la Loi canadienne sur les droits de la personne et à la Charte canadienne des droits et libertés, nous protégeons beaucoup de Canadiens qui sont soit défavorisés soit susceptibles d'être victimes de discrimination, comme les femmes, les minorités visibles, les Autochtones et les personnes handicapées.

Toutefois, la motion ne donne aucune indication quant aux minorités à inclure. Elle ne mentionne pas les femmes, qui sont d'ailleurs en majorité par rapport aux hommes. Il est cependant probable que je serais inclus à cause de mon origine galloise, puisque je fais partie de cette minorité distincte de Toronto.

Bref, ceux qui seraient appelés à réaliser ces études n'auraient aucune indication utile sur les personnes à inclure, ce qui pourrait les amener à inclure tout le monde. Cela aussi m'inquiète.

Que signifie le terme « régions » dans la motion? Les régions pourraient se rapporter à des groupes de provinces, des parties de provinces, des étendues qui chevauchent des provinces ou même une région ou une division sénatoriale. Par exemple, le projet de loi fédéral sur la responsabilité enlèvera aux collaborateurs des ministres le droit qu'ils ont actuellement d'entrer dans la fonction publique sans prendre part à un concours. La plupart de ces collaborateurs travaillent à Ottawa ou de l'autre côté de la rivière, à Gatineau, et quelques-uns dans les bureaux régionaux des ministres. L'étude régionale du projet de loi ferait-elle état de l'impact sur la région de la capitale nationale? La région infraprovinciale de l'est de l'Ontario figurerait-elle à part, avec l'Ontario et le Québec à l'extérieur de la région de la capitale nationale, ou est-ce que les données seraient présentées par rapport à une région sénatoriale?

Une étude d'impact régionale pourrait-elle inclure une ligne disant que quelques emplois au Canada atlantique qui auraient été accordés à des collaborateurs politiques le seront désormais à des fonctionnaires par voie de concours?

La motion demande qu'une telle étude d'impact accompagne tous les projets de loi, mais quelle est la valeur de cette étude par rapport au coût d'élaboration de l'analyse? Vraiment, dans sa forme actuelle, la motion représente un risque énorme que les dépenses montent en flèche et échappent à tout contrôle. Par exemple, prenons les crédits. Quatre fois par année, on nous présente une loi de crédits pour autoriser les dépenses établies dans le budget principal des dépenses et le budget supplémentaire des dépenses. Les crédits apparaissant dans ces documents budgétaires deviennent des parties de la loi des crédits. De nombreux crédits, et donc de nombreux articles de la loi de crédits, se reportent aux « subventions inscrites au budget ». Comment au juste soumettrait-on un projet de loi de crédits au genre d'étude d'impact proposée sans engager une armée de fonctionnaires et de consultants pour retracer chaque détenteur d'une subvention et les habitudes de dépense de la Caisse de bienfaisance des détenus, par exemple?

De nombreuses subventions sont accordées à des organisations sans but lucratif. Même si elles sont établies à Ottawa ou à Toronto, ces organisations mènent des activités dans tout le pays, avec des fonds provenant du gouvernement fédéral qui s'ajoutent à des fonds provenant d'autres sources. Ces organisations ont des habitudes de dépense qui changent au long de l'année, en fonction de besoins imprévus ou du nombre de demandes visant des projets.

Est-ce qu'on pourra étendre l'étude proposée de manière à établir la comparaison entre ceux qui recevront vraisemblablement des subventions cette année et ceux qui en ont reçu l'année précédente, ou à mesurer l'impact régional des changements dans les habitudes de dépense des ministères? Dans ce cas, comment l'étude proposée pourra-t-elle être terminée avant la présentation d'un projet de loi de crédits sans qu'il y ait un changement radical et coûteux dans la manière dont les ministères préparent leurs budgets de dépenses? Quelle est la valeur d'une telle étude quand des ministères constatent qu'ils doivent changer leurs propres plans de dépenses pour répondre aux besoins qui peuvent apparaître au cours d'une année?

Dans ses observations, madame le sénateur Ringuette a fait allusion aux études internes qui sont parfois préparées dans un ministère dans le cadre d'une politique qui donne éventuellement lieu à un projet de loi. Le Parlement est maintenant tenu de documenter ce genre de renseignements quand ils portent sur des questions telles que l'impact régional des changements à l'assurance- emploi, et ces renseignements peuvent être demandés à bref délai dans le cadre des travaux du comité s'ils n'ont pas encore été rendus publics. Cependant, la motion ne dit pas que de telles analyses devraient être déposées lorsqu'un ministère en a une, mais plutôt qu'une étude d'impact devrait accompagner chaque projet de loi, quel que soit le coût ou la pertinence de cette étude. Honorables sénateurs, cette façon de procéder est tout simplement irréaliste et, dans certains cas, ne ferait que produire de l'information superflue.

(1750)

Ainsi, nous devons nous demander quelle serait la valeur d'une analyse socio-économique du projet de loi C-5, compte tenu du coût d'une telle analyse, puisque ce projet de loi vise simplement à confirmer par une loi la structure juridique de l'Agence de santé publique, un organe de l'État que le gouvernement précédent a établi par décret dans le cadre d'une réorganisation d'organes fédéraux existants.

Honorables sénateurs, les objectifs de la motion sont louables, mais je pense que nous commettrions une erreur en exigeant qu'une étude socio-économique évalue les répercussions de chaque projet de loi sans exception. Les coûts d'une telle mesure dépasseraient largement ses avantages, et elle serait peu utile pour atteindre les objectifs louables du sénateur Ringuette.

L'honorable Pierrette Ringuette : L'honorable sénateur serait-il prêt à répondre à des questions au sujet de sa déclaration?

Le sénateur Eyton : Oui, honorables sénateurs, je serais heureux d'y répondre.

Le sénateur Ringuette : L'honorable sénateur a lu un discours intéressant à propos de la motion que j'ai présentée. Je l'ai entendu dire que la qualité d'une étude dépend de la qualité des données analysées. Pourrait-il alors m'expliquer pourquoi le gouvernement n'utiliserait pas de bonnes données pour étudier une question? Pendant qu'il parlait, cette observation de sa part m'a surprise, et je ne comprends pas pourquoi il l'a faite. Je trouve que le gouvernement a en main toutes les données pertinentes pour effectuer des analyses des projets de loi.

Le sénateur Eyton : Manifestement, qu'il s'agisse du gouvernement ou de quelqu'un d'autre, quiconque étudie une question cherche à recueillir les meilleures données possible. Le but de la motion est d'exiger une étude approfondie des projets de loi sur le plan social et économique. C'est l'idée de devoir réaliser ce genre d'études pour chaque projet de loi qui pose problème. Il faudrait faire des recherches chaque fois.

L'honorable sénateur parle des données. Bien entendu, les gens veulent obtenir les meilleures données possibles, mais il y a des quantités considérables de données sur tous les sujets. La tâche de choisir, de réunir et d'évaluer des données est très ardue. Elle exige beaucoup de temps. Je voulais dire, dans mes observations, que cette façon de procéder n'est pas économique. Elle représente beaucoup trop de travail pour chaque projet de loi qui serait présenté.

Le sénateur Ringuette : Je crois que, avant de présenter un tel projet de loi, tout gouvernement responsable et tout ministre demanderait au ministère de procéder à une analyse et à une étude de la question. Sans cela, les contribuables canadiens devraient s'interroger sur la valeur de leur gouvernement.

Avant de prendre leurs décisions, les gens d'affaires, dont le sénateur fait partie, procèdent à des analyses. La plupart du temps, le coût minime de l'analyse vaut les gains que leur fait réaliser leur décision.

Je tiens également à faire remarquer à mon collègue qu'hier soir, le ministre des Finances a assisté à la réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je lui ai demandé, ainsi qu'au haut fonctionnaire qui l'accompagnait, le sous-ministre adjoint, si des études des répercussions régionales du budget avaient été faites avant qu'il soit déposé. Le ministre a répondu qu'ils faisaient beaucoup d'études des répercussions régionales. Puis, le sous- ministre adjoint a ajouté, en français :

[Français]

Généralement, on regarde l'impact de l'ensemble du budget sur les régions. Il y a des mesures qui sont parfois spécifiques, mais il y en a d'autres qui sont très générales et qui ont des impacts sur toutes les régions. Il n'y a pas de régions ciblées. Oui, on regarde cela lorsqu'on prépare un budget. On regarde l'ensemble.

Je suis intervenue et j'ai dit :

C'est bien ce que je croyais.

C'est bien ce que l'ensemble des Canadiens payeurs de taxes s'attendent de recevoir d'un gouvernement responsable.

J'ai poursuivi :

C'est ce que je croyais. Je ne pouvais pas m'imaginer que notre haute démocratie, avec la qualité de son personnel, ne puisse pas fournir de telles études au ministre. Étant donné que nous avons une responsabilité régionale, vous serait-il possible de déposer les études d'impact économique qui accompagnent le budget pour qu'au Sénat, on puisse faire une analyse beaucoup plus complète afin de vous fournir des commentaires en conséquence?

[Traduction]

Honorables sénateurs, ces études sont faites parce qu'elles doivent être faites pour qu'un gouvernement responsable respecte ses engagements. En tant que sénateurs, nous assumons des responsabilités envers les régions et les minorités et, dans la motion, nous demandons simplement d'avoir accès aux études des répercussions économiques et sociales de tous les projets de loi du gouvernement. J'en ai la preuve.

Son Honneur le Président : Sénateur Eyton, le temps dont vous disposiez est écoulé. Si vous demandez une prolongation, je suis certain qu'elle vous sera accordée.

Le sénateur Eyton : Je me contenterai de répondre. Il est clair que nous ne sommes pas d'accord. Il ne fait aucun doute que, lorsqu'un projet de loi est présenté, c'est qu'il y a de bonnes raisons de le faire. Je ne suis pas convaincu que cela cadre très bien dans le texte très général de votre motion, où je lis :

Que le Sénat demande au gouvernement d'accompagner tous ses projets de loi d'une étude sur l'impact social et économique qu'ils auront sur les régions et les minorités en relation au rôle du Sénat de représentation et protection des minorités et les régions.

Comme j'essaie de l'expliquer, c'est là quelque chose de très difficile et compliqué qui n'a rien à voir avec les bonnes raisons qu'un gouvernement peut avoir de présenter un projet de loi. De surcroît, je ne connais aucun précédent au genre d'exigences globales et permanentes qu'on propose. Je ne connais aucun pays où une telle pratique est en vigueur. J'aimerais simplement dire que je pense que nous ne nous entendrons pas là-dessus.

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Le vote!

L'honorable David Tkachuk : Je propose l'ajournement du débat.

Le sénateur Fraser : Avant que nous nous prononcions sur la motion du sénateur Tkachuk, j'aimerais signaler que cet article est inscrit au Feuilleton depuis un certain temps.

Le sénateur Ringuette : Honorable sénateur, cela fait 54 jours qu'il est inscrit au Feuilleton.

Le sénateur Fraser : Puis-je demander quand l'honorable sénateur compte en parler si nous ajournons le débat?

Le sénateur Tkachuk : Les commentaires du sénateur Eyton m'ont tant ému que ce sera peut-être dans un certain temps. J'aimerais approfondir mes recherches sur cette motion. L'honorable sénateur d'en face a soulevé des questions intéressantes. À la lumière de toutes ces nouvelles questions, je répondrai que j'en parlerai le plus tôt possible.

Le sénateur Fraser : J'ajouterai qu'il serait préférable que nous en parlions avant l'ajournement d'été.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il me reste probablement juste assez de temps pour mettre la motion aux voix, et je dois ensuite déterminer si nous tenons compte de l'heure ou pas. Peut-être que madame le leader du gouvernement et le leader de l'opposition pourraient nous dire si nous tiendrons compte de l'heure à 18 heures.

(1800)

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Si l'opposition est d'accord, nous ne tiendrons pas compte de l'heure.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l'heure?

Le sénateur Fraser : Je suis d'accord pour que les comités siègent tandis que nous prolongeons la séance. Je pense que de ce côté-ci, il nous reste un discours à prononcer. Nous ne retiendrons pas le Sénat bien longtemps, mais je comprends tout à fait que les comités qui ont du travail à faire doivent s'y mettre.

Le sénateur Comeau : Cela convient à ce côté-ci.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat a décidé à l'unanimité de faire abstraction de l'heure. Les comités qui doivent siéger à 18 heures ont l'autorisation du Sénat de le faire.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l'heure?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion du sénateur Tkachuk portant ajournement du débat?

Des voix : D'accord.

Une voix : Avec dissidence.

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné avec dissidence.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 21 juin 2006, à 13 h 30.)


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