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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 72

Le mardi 20 février 2007
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 20 février 2007

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

VISITEURS À LA TRIBUNE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de députés de la Géorgie. Au nom de tous les sénateurs, je souhaite à nos distingués visiteurs la bienvenue au Sénat du Canada.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA CONDAMNATION DE L'EXÉCUTION DE SADDAM HUSSEIN

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, le Canada souhaite-t-il exporter seulement certaines de ses valeurs? L'exécution de Saddam Hussein par les autorités iraquiennes après qu'il eut été reconnu coupable de crimes contre l'humanité a suscité un mélange de joie et d'indignation dans le monde entier. En tant que musulmane chiite, je connais très bien les atrocités qu'il a commises lorsqu'il détenait le pouvoir. C'était un dictateur brutal, monstrueux même, qui avait recours à la terreur et à l'oppression pour consolider son règne. Même si le Canada n'a participé ni à sa capture ni à son procès, il ne fait aucun doute que la communauté internationale, y compris le Canada, avait énormément investi pour le traduire en justice.

Son exécution soulève d'importantes questions en ce qui concerne, d'une part, le type de valeurs que nous voulons exporter dans le reste du monde et, d'autre part, la question de savoir si les pays comme le Canada veulent exporter toutes leurs valeurs, ou seulement certaines d'entre elles. Voulons-nous être les seuls à bénéficier de certaines de nos valeurs?

Comme beaucoup de musulmans chiites et sunnites partout dans le monde, ma famille amorçait les célébrations de l'Aïd-al-Adha lorsque Saddam a été pendu. À l'Aïd-al-Adha, nous commémorons un événement connu de beaucoup de Canadiens musulmans et non musulmans, c'est-à-dire le moment où Dieu a demandé au prophète Abraham— que la paix soit avec lui — de sacrifier son fils pour mettre sa foi à l'épreuve. Il s'agit là d'un moment où les musulmans réfléchissent au sacrifice. On ne saurait négliger l'importance de l'exécution d'un personnage aussi controversé que Saddam Hussein pendant une période de conflit entre sectes en Irak, au début d'une des périodes les plus saintes dans le calendrier islamique.

(1405)

La pendaison est une pratique qui révolterait la plupart des Canadiens aujourd'hui si elle avait lieu dans notre pays, même si elle était infligée aux pires criminels. Pourquoi demeurons-nous donc silencieux lorsque cela se produit ailleurs? Pourquoi restons-nous les bras croisés sans faire de commentaires, alors que le monde entier regarde?

Cette attitude fait fi des valeurs qui nous sont chères. Les Canadiens devraient comparer cette pratique à leurs propres valeurs, et non à celles du régime brutal de Saddam. Bien qu'elle ait pu constituer une amélioration par rapport à ce qui se passait sous la dictature de Saddam, elle a échoué lamentablement en n'atteignant pas les idéaux auxquels nous aspirons dans le genre de démocratie dont nous jouissons nous-mêmes et que nous voulons pour l'Irak.

Le Vatican et de nombreux pays ont vigoureusement dénoncé la peine de mort. Il faut du courage pour prendre une telle position et je les en félicite. Cela montre qu'aucun homme n'est terrible au point où nous devons renoncer à nos principes pour le vaincre. Je suis déçue que notre gouvernement soit demeuré silencieux au sujet de la pendaison de Saddam Hussein.

Lorsque le Canada refuse de défendre toutes ses valeurs, nous risquons d'envoyer le message selon lequel quelques-unes de nos valeurs ne sont pas importantes. Nous ne pouvons rien changer à l'exécution de Saddam Hussein, mais il nous incombe à tous de nous prononcer d'une seule voix et de dénoncer toute dérogation aux valeurs que nous cherchons à promouvoir ailleurs, peu importe où cela se produit. Si nous ne le faisons pas, nous mettrons ces valeurs en péril partout.

L'ALLEMAGNE

LA POURSUITE D'ERNST ZUNDEL

L'honorable David Tkachuk : Les sénateurs se souviennent peut-être du cas d'Ernst Zundel, un homme qui s'est fait connaître au Canada et ailleurs en tant qu'écrivain et éditeur de propagande antisémite et en tant que négationniste. M. Zundel a été expulsé des États-Unis vers le Canada en février 2003 et a passé un peu plus d'un an en détention ici sous prétexte de menace à la sécurité nationale pendant qu'il luttait contre son extradition vers son Allemagne natale où il devait être jugé pour crime haineux. Après des procédures longues et coûteuses, M. Zundel a finalement été expulsé en Allemagne en mars 2005, et il y a été arrêté dès son arrivée.

Je suis heureux de déclarer ici que cette triste histoire tire maintenant à sa fin. Le jeudi 15 février, un tribunal allemand a condamné M. Zundel sous 14 chefs d'accusation d'incitation à la haine raciale. Il a été condamné à cinq ans de prison, soit le maximum prévu dans la loi allemande pour négation de l'Holocauste. Il ne fait aucun doute que M. Zundel en appellera du verdict, comme il l'a déjà fait de bien d'autres

condamnations. Cette condamnation constitue un jugement prononcé contre un seul homme. Ce qui est triste, c'est que ses mensonges ont attiré des centaines de personnes à une conférence en Iran. Ce jugement est une victoire contre lui et contre ses opinions.

Au moment de son expulsion vers l'Allemagne, j'avais déclaré qu'il fallait plaindre M. Zundel parce qu'il avait gâché sa vie à répandre mensonges et haine. Je le pense encore. En plus de gâcher sa propre vie, il en a encouragé d'autres à faire comme lui et à répandre de terribles mensonges au sujet de l'Holocauste et du peuple juif et à aider les groupes de néo-nazis qui incitent à la haine et peut-être même à la violence politique contre des gouvernements et des sociétés multiculturelles comme la nôtre.

Honorables sénateurs, M. Zundel est un exemple qui rappelle à tous les Canadiens que l'antisémitisme n'est pas quelque chose qui a été relégué dans les manuels d'histoire. Malheureusement, l'antisémitisme a encore une voix et une audience. M. Zundel était un enseignant et des opinions comme les siennes peuvent trouver un terreau fertile lorsque l'enseignement est défaillant. C'est ainsi que l'on peut produire des gens qui se laisseront facilement influencer par de tels fomenteurs de haine. Nous ne devons jamais baisser la garde. Notre victoire ne sera jamais complète.

Il a fallu beaucoup de temps pour amener M. Zundel devant la justice, mais je suis heureux de la décision des tribunaux allemands et du message qu'ils envoient, pas seulement en Allemagne et au Canada, mais partout dans le monde.

[Français]

L'INSTITUT NATIONAL DE NANOTECHNOLOGIE

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, le 7 février dernier, des représentants de l'Université de l'Alberta et du gouvernement albertain se sont déplacés vers l'Institut national de nanotechnologie afin d'annoncer le recrutement d'un chimiste de grande renommée, le professeur Richard McCreery.

(1410)

[Traduction]

M. McCreery sera nommé conjointement chargé de recherche principal du Conseil national de recherches à l'Institut national de nanotechnologie, chercheur pour l'Alberta en électronique moléculaire, et professeur de chimie à la faculté des sciences de l'Université de l'Alberta. Il jouera un rôle déterminant pour ce qui est d'intégrer la recherche au milieu d'apprentissage, afin de parfaire l'expérience des étudiants du premier cycle et des cycles supérieurs.

M. Doug Horner, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Technologie en Alberta, a souligné que le partenariat unique entre le Conseil national de recherches, le gouvernement de l'Alberta et l'Université de l'Alberta pour créer l'Institut de nanotechnologie est un exemple de partenariat qui produit la synergie nécessaire pour trouver des solutions innovatrices aux grands problèmes. Il a ajouté que la commercialisation de la technologie est la clé de l'économie mondiale.

[Français]

Ces types de partenariats sont essentiels si nous voulons continuer d'attirer des experts chevronnés et renommés à l'échelle mondiale, qui aideront à développer et à stimuler la recherche dans les domaines de la nanotechnologie et de la biotechnologie.

Honorables sénateurs, voilà un exemple concret qui démontre l'importance d'investir dans la recherche et l'innovation de nos universités. Il est essentiel que le Canada continue d'investir, comme il l'a fait au cours des dernières années, dans l'éducation postsecondaire ainsi que dans la recherche et l'innovation. La prospérité de notre pays en dépend.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

L'ÉTUDE SUR LES QUESTIONS RELATIVES AU NOUVEAU CADRE STRATÉGIQUE EN ÉVOLUTION

DÉPÔT DU RAPPORT PROVISOIRE DU COMITÉ DES PÊCHES ET DES OCÉANS

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le sixième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans sur les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et océans du Canada, intitulé La gestion des stocks de poissons de l'Atlantique : au-delà de la limite de 200 milles.

(Sur la motion du sénateur Johnson, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'ÉTUDE SUR LES CAS DE DISCRIMINATION PRÉSUMÉE À L'ÉGARD DES GROUPES MINORITAIRES EN CE QUI CONCERNE LES PRATIQUES D'EMBAUCHE, DE PROMOTION ET D'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI DANS LA FONCTION PUBLIQUE FÉDÉRALE

DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le septième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur les cas de discrimination présumée dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale, intitulé L'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale : Nous n'y sommes pas encore.

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1415)

[Français]

L'HONORABLE GRANT MITCHELL

DÉCLARATION D'INTÉRÊTS PERSONNELS

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de débuter la période des questions, j'ai une déclaration d'intérêts personnels à faire au Sénat :

Honorables sénateurs, le sénateur Mitchell a présenté une déclaration d'intérêts personnels concernant des questions qu'il a posées en Chambre les 22 novembre 2006 et 30 janvier 2007. Conformément à l'article 32.1 du Règlement, la déclaration sera consignée dans les Journaux du Sénat.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LA DÉFENSE NATIONALE

L'AFGHANISTAN—L'ÉQUILIBRE DES DÉPENSES ENTRE L'ACHAT D'ÉQUIPEMENT MILITAIRE ET L'AIDE HUMANITAIRE

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Dans la foulée de l'excellent rapport du Sénat sur l'Afghanistan, lequel a été unanimement reçu, ma question porte sur le bon équilibre entre le développement du pays et la protection des citoyens. Madame le leader du gouvernement peut-elle m'assurer que, pour l'achat et l'envoi d'avions de combat F18 qui devraient partir du Canada bientôt, une somme égale sera dépensée pour la protection et l'avancement de la paix en Afghanistan?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie madame le sénateur de sa question.

Je n'ai pas de réponse précise quant aux spéculations sur l'envoi de ces avions. Toutefois, j'ai remarqué que des questions ont été posées hier, à l'autre endroit, concernant la validité de cette affirmation. Quoi qu'il en soit, je prends note de la question.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : J'aimerais rappeler aux honorables sénateurs que chaque sortie d'un avion F18 coûte entre 50 000 et 150 000 $, ce qui constitue une dépense considérable.

Récemment, on a également annoncé qu'on achèterait de nouveaux chars d'assaut de type Leopard et qu'on effectuerait d'autres dépenses qui serviraient à la protection et à la sécurité de la population en Afghanistan. Si on envoie des F18 ainsi qu'une flotte additionnelle de chars d'assaut, madame le leader du gouvernement peut-elle nous assurer qu'un montant égal sera dépensé pour l'aide humanitaire?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Je ne peux pas répondre à une question sur des spéculations concernant l'achat d'équipement. Je tiens toutefois à assurer à tous les sénateurs que notre engagement en Afghanistan repose sur des décisions équilibrées alliant la reconstruction, le maintien de la paix et la collaboration avec le gouvernement afghan dans le but de consolider la démocratie dans ce pays.

Je crois que nos forces armées font un travail extraordinaire. Les nouvelles qui nous viennent d'Afghanistan le montrent. Du côté de l'opinion publique, les Canadiens croient aussi que le Canada réalise des efforts valables aux côtés de ses partenaires de l'OTAN, dans le cadre de cette mission dirigée par l'ONU en Afghanistan. Aucun pays raisonnable ne pourrait envisager de ne pas faire ce que nous faisons en Afghanistan. Il serait insensé d'agir autrement.

LE TRAVAIL

LA GRÈVE AU CANADIEN NATIONAL

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, les Canadiens vivant en régions éloignées sont à court de nourriture, de combustible et de différentes fournitures indispensables, et tout ce que le gouvernement conservateur propose comme solution, c'est de nommer un médiateur dans le conflit actuel au Canadien National. La déclaration du ministre du Travail Blackburn, qui affirme que le règlement de ce conflit de travail est une question d'heures et non de jours, n'a rien pour nous convaincre puisque, comme d'habitude, il n'a annoncé aucune mesure concrète dans ce sens.

(1420)

Le gouvernement actuel a l'habitude de prendre des engagements de ce genre sans savoir comment les respecter. De combien d'heures aura-t-il besoin? Des milliers? Des centaines de milliers? Quand verrons-nous la fin de ce conflit? Cela me fait penser aux garanties relatives aux délais d'attente dans le domaine des soins de santé et aux promesses relatives à l'augmentation du nombre de places en garderie.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat : qu'est-ce que le gouvernement compte faire pour réduire les répercussions économiques du conflit de travail actuel au CN?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Le gouvernement se préoccupe bien sûr du conflit de travail en cours au Canadien National et des répercussions que cela pourrait entraîner sur l'économie canadienne. Hier soir, le ministre Blackburn a exhorté le CN et les Travailleurs unis des transports à reprendre les discussions. Le ministre a affirmé que toutes les options seraient étudiées et que nous ne pouvions pas permettre que ce conflit entraîne de graves conséquences.

Le sénateur a raison de dire que la grève a d'importantes répercussions pour le secteur forestier et les producteurs de céréales de l'Ouest du pays. La grève a également des répercussions négatives sur les collectivités nordiques qui dépendent du CN pour le transport du diesel et du mazout de chauffage. Comme le ministre Blackburn et le gouvernement l'ont souligné, nous prendrons toutes les mesures nécessaires, ce qui pourrait aller jusqu'à l'adoption d'une loi forçant le retour au travail.

Le sénateur Campbell : Je remercie madame le leader de ses commentaires. Je ne voudrais pas laisser entendre que nous devrions forcer les travailleurs du CN à retourner au travail, mais j'aurais deux questions à poser. Tout d'abord, un délai de réflexion de 90 jours est-il prévu? Deuxièmement, combien de temps a-t-on prévu pour la médiation? Comme nous le savons, le processus de médiation peut se prolonger indéfiniment. Pendant ce temps, les trains sont immobilisés, le port de Vancouver est rempli de bateaux qui attendent leur chargement et les collectivités du Nord ont beaucoup de difficultés à recevoir le mazout et les produits dont elles ont besoin. Le chemin de fer est d'une importance vitale pour ces collectivités. Un calendrier a-t-il été fixé, et a-t-on envisagé d'établir un délai de réflexion de 90 jours?

Le sénateur LeBreton : Comme le ministre Blackburn l'a dit, les deux parties disposent d'heures, et non de jours, pour résoudre ce conflit. Je suis entièrement d'accord avec l'honorable sénateur. La grève du CN a des effets négatifs sur l'économie. Le pays et le gouvernement ne peuvent pas permettre que cette situation continue. Comme je l'ai dit, les parties disposent d'heures et non de jours, faute de quoi le gouvernement est prêt à adopter une loi ordonnant le retour au travail des travailleurs du CN.

Le sénateur Campbell : Je ne voudrais certainement pas mettre des mots dans la bouche du leader, mais si nous parlons de jours, pourrions-nous peut-être nous attendre à l'imposition d'un délai de réflexion de 90 jours — question à laquelle madame le leader n'a pas répondu — d'ici la fin de la semaine pour que les parties puissent s'assoir et tenter de trouver une solution? Je ne suis pas vraiment en faveur de leur ordonner de retourner au travail.

Le sénateur LeBreton : Je n'étais pas au courant de l'option d'imposer un délai de réflexion de 90 jours. Je sais que le gouvernement est préoccupé par cette situation et qu'il est prêt à prendre des mesures immédiatement. Si une telle option est envisagée, personnellement, je ne suis pas au courant. Je prends note de cette partie de la question du sénateur.

[Français]

LA DÉFENSE NATIONALE

PLAN STRATÉGIQUE SUR LES LANGUES OFFICIELLES—L'ASSOUPLISSEMENT DES OBJECTIFS

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai été déçue d'apprendre que, dans son nouveau plan stratégique, le ministère de la Défense nationale a réduit ses exigences en matière de langues officielles. Dans ce plan, nous apprenons que les Forces canadiennes diviseront les unités sur une base linguistique, soit 277 unités anglophones, 55 unités francophones et 222 unités bilingues.

Il s'agit d'un net recul pour la dualité linguistique au pays. L'établissement d'unités unilingues et l'obligation dans certaines situations de travailler dans l'autre langue officielle vont à l'encontre du principe de la dualité linguistique et de l'esprit de la Loi sur les langues officielles, telle qu'elle devrait s'appliquer dans nos institutions fédérales.

Madame le ministre peut-elle nous dire pourquoi le ministère de la Défense nationale n'a pas été en mesure de respecter ses obligations?

(1425)

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je sais gré à madame le sénateur de sa question et de son intérêt à l'égard de ce dossier. Elle a fait part de préoccupations que d'autres ont déjà exprimées.

Je vais simplement prendre note de sa question afin de lui fournir une réponse appropriée de la part du ministère de la Défense nationale. Il faudra attendre un peu que le ministère nous dise comment il entend traiter ce dossier très important.

[Français]

Le sénateur Tardif : Je remercie madame le leader du gouvernement de sa réponse. J'aimerais poser une question complémentaire. Un militaire francophone d'Edmonton pourra-t-il pratiquer son métier en français dans sa province ou devra-t-il déménager au Québec pour le faire?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je vais donner une réponse similaire à celle que j'ai fournie à la question précédente. Je n'ai pas entendu parler d'un cas où une personne qui parle l'une ou l'autre des deux langues officielles ait été empêchée de travailler dans sa propre langue, où que ce soit au Canada.

Je vais transmettre les opinions du sénateur au ministre et voir si le ministère de la Défense nationale peut fournir une réponse qui dissipe les craintes du sénateur.

[Français]

L'honorable Maria Chaput : Ma question complémentaire s'adresse au leader du gouvernement. Lorsqu'elle rencontrera les fonctionnaires du ministère de la Défense au sujet de cette question, a-t-elle l'intention de discuter avec le nouveau commissaire aux langues officielles? Le ministère de la Défense nationale a mentionné par voie de communiqué avoir consulté le commissaire, pourtant ce n'est pas le cas.

Le commissaire mentionne qu'un rapport a été déposé l'an passé en réponse à des recommandations du ministère de la Défense nationale suggérant une nouvelle approche en matière de bilinguisme. Madame le ministre pourrait-elle examiner cette nouvelle approche pour voir si elle est applicable, si elle change les règles ou si, ce faisant, elle réduit les services? Sans cela, cette approche risque d'être réductrice et de créer des divisions si elle n'est pas assujettie à la Loi sur les langues officielles et à des impératifs d'organisation. La formation d'îlots linguistiques nuirait à l'unité du pays.

Madame le ministre peut-elle me garantir qu'elle tiendra compte de ces aspects lors de sa discussion avec les fonctionnaires du ministère? A-t-elle également l'intention d'en parler avec le commissaire aux langues officielles?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de sa question. J'espère qu'il n'existe aucune tendance de ce genre pour créer des divisions linguistiques. En posant sa question, madame le sénateur a dit que le ministère de la Défense nationale avait fourni une réponse qui semble contredire les affirmations du commissaire aux langues officielles. Un groupe dit qu'il y a eu consultation, alors qu'un autre le nie.

Madame le sénateur comprendra que je veuille donner au ministère et au ministre l'occasion de répondre à sa question. J'ignorais qu'il y avait contradiction entre ce que croit le ministère et ce que dit le commissaire aux langues officielles.

Comme je l'ai fait dans le cas de la question du sénateur Tardif, je vais prendre note de la question et je communiquerai la réponse au sénateur dans les plus brefs délais.

L'ENVIRONNEMENT

L'ACCORD CANADA-ONTARIO CONCERNANT L'ÉCOSYSTÈME DU BASSIN DES GRANDS LACS—LE RENOUVELLEMENT

L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, la semaine dernière, au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, nous avons appris qu'à cause de « l'énorme confusion » qui règne actuellement à Environnement Canada, le gouvernement fédéral ne progresse guère en vue de renouveler ou de prolonger l'Accord Canada-Ontario concernant l'écosystème du bassin des Grands Lacs.

L'accord initial a été signé en 1971 par huit ministères fédéraux et trois ministères provinciaux. Depuis, six autres accords Canada- Ontario ont été signés, dont le dernier en 2002. L'accord actuellement en vigueur arrive à expiration en mars. Comme le manque de direction et de leadership est absolument épouvantable à Environnement Canada, il est impossible d'imaginer que le gouvernement puisse être prêt ou capable de renégocier cet accord avant la fin de mars.

(1430)

Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat peut nous donner l'assurance que le ministre Baird fera ce qui s'impose et usera de son pouvoir pour prolonger la durée et le financement de l'actuel accord Canada-Ontario jusqu'à ce que son ministère soit suffisamment organisé pour renégocier cet accord dans l'intérêt des très nombreux Canadiens qui habitent dans le bassin des Grands Lacs?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés) : Je remercie madame le sénateur de sa question. Je ne veux pas me disputer au sujet de son interprétation de la situation qui existe à Environnement Canada. Le ministre de l'Environnement, M. Baird, travaille très fort avec ses collaborateurs sur tous les dossiers de l'environnement. Il y aura dans les prochaines semaines de nombreuses annonces sur l'environnement. Je vais simplement m'assurer pour le sénateur Milne que le ministre de l'Environnement peut répondre à sa question sur les Grands Lacs. Il est certain que les Grands Lacs sont une ressource précieuse pour ceux qui habitent autour. J'ai l'assurance que le ministre Baird est suffisamment au courant du dossier de l'environnement. Il a déjà fait des annonces exceptionnelles, et il travaillera avec les autres membres du gouvernement et ses homologues provinciaux et territoriaux pour faire avancer le dossier de l'environnement sur tous les fronts.

Le sénateur Milne : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser. Je remercie madame le leader du gouvernement au Sénat de sa réponse, mais je signale qu'il ne s'agissait pas de mon interprétation, mais des propos tenus par l'un des experts qui ont témoigné au comité. Je rappelle au leader du gouvernement l'importance de la question. La confusion dont j'ai parlé n'est peut-être pas étrangère au fait que le gouvernement a nommé deux nouveaux ministres et un nouveau sous-ministre au cours de la dernière année.

Le dossier est de la plus haute importance. Il s'agit d'une région dont l'écologie est délicate et où habitent 8 millions de Canadiens. Dans le territoire directement touché par l'accord Canada-Ontario se concentrent les deux tiers de la production manufacturière du Canada. Le bien-être de cette région devrait être une préoccupation majeure du gouvernement et de la majorité des Canadiens.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle dire au ministre de l'Environnement que les sénateurs tiennent à ce que cet accord soit bien renégocié et souhaitent que le ministre agisse avec diligence pour le plus grand bien de tous les Canadiens?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, il n'y a personne qui n'encourage pas et ne soutienne pas les mesures visant à assainir les eaux et l'air. Il ne fait pas de doute que le réseau des Grands Lacs est vital pour la population canadienne. Il est également important pour la population qui habite au sud de la frontière.

Je réprouve l'utilisation que le sénateur Milne a faite d'une citation empruntée à un témoin. Nous pouvons tous rapporter ce que les gens pensent ou disent du ministre de l'Environnement. Je vais simplement répliquer par une autre citation. Le chef adjoint du Parti libéral a dit fort succinctement au chef actuel : « Vous n'avez rien fait. »

Le sénateur Milne : L'accord arrive à expiration en mars.

(1435)

LA DÉFENSE NATIONALE

L'AFGHANISTAN—LA PROMOTION DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉGALITÉ DES FEMMES ET DES FILLES

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. J'ai récemment transmis à tous les sénateurs un rapport intitulé Trop peu de choses ont changé présentant un compte rendu des réunions de suivi tenues avec des Canadiennes d'origine afghane par le Comité canadien sur les femmes, la paix et la sécurité, que j'ai l'honneur de présider depuis que j'ai pris la succession de notre ancienne collègue, le sénateur Wilson, il y a deux ans.

Les femmes consultées, qui sont toutes des Canadiennes d'origine afghane et qui ont pour la plupart longtemps travaillé en Afghanistan à la promotion de la sécurité et de l'égalité des femmes et des filles, ont été unanimes sur un point : c'est que, comme le dit le titre du document, les changements sont insuffisants. La sécurité demeure la préoccupation la plus critique des femmes et des filles vivant en Afghanistan, malgré les attentes créées par la communauté internationale.

Est-ce que le leader du gouvernement peut nous donner les détails de programmes particuliers réalisés par les troupes canadiennes en Afghanistan pour promouvoir la sécurité et l'égalité des femmes et des filles?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie madame le sénateur Jaffer de sa question. Je crois qu'en Afghanistan, la situation des femmes et des filles s'est sensiblement améliorée l'année dernière, même si elle demeure très loin de ce que nous aimerions qu'elle soit. Tous les faits recueillis, notamment auprès des membres du gouvernement Karzaï, appuient cette affirmation.

J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec la ministre responsable des affaires féminines, qui accompagnait le président Karzaï lors de sa visite au Canada l'année dernière. Il reste encore beaucoup à faire. Il n'y a cependant pas de doute, maintenant que les filles peuvent de nouveau aller à l'école et que les femmes peuvent ouvrir de petites entreprises grâce au microcrédit, que de grands progrès ont été réalisés au cours de l'année dernière. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas en faire davantage. Il y a encore beaucoup à faire. Les ministres Verner et MacKay travaillent fort à cet égard, de concert avec leurs collaborateurs et leurs homologues afghans.

Comme l'a dit le premier ministre dans son discours du 6 février au Canadian Club, le gouvernement a l'intention de présenter sous peu un rapport faisant le point sur la situation en Afghanistan.

Le sénateur Jaffer : Honorables sénateurs, madame le ministre peut-elle se renseigner sur les programmes précis que les troupes canadiennes ont entrepris en Afghanistan pour promouvoir la sécurité et l'égalité des femmes afghanes?

Le sénateur LeBreton : Je m'efforcerai sûrement d'obtenir plus de détails pour madame le sénateur Jaffer. Les comptes rendus que nous recevons d'Afghanistan indiquent que nos militaires, nos diplomates et nos travailleurs de reconstruction font de grands efforts pour construire des routes et ramener les gens dans leurs collectivités, ce qui aide tous les citoyens afghans, y compris les femmes et les enfants.

J'obtiendrai les détails des programmes directement liés aux femmes et aux enfants.

LA FABRICATION ET L'UTILISATION DES MUNITIONS À FRAGMENTATION

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, la bombe à fragmentation est une arme particulièrement brutale parce qu'elle contient des centaines de petites bombes qui sont dispersées dans un grand rayon et dont beaucoup restent au sol sans exploser pendant des semaines jusqu'à ce qu'elles occasionnent une tragédie lorsque des enfants ou d'autres civils innocents les découvrent.

Les Nations Unies ont condamné l'utilisation des munitions à fragmentation. À l'échelle internationale, la Norvège a pris l'initiative d'une campagne visant à les faire interdire, tout comme l'a fait le Canada il y a quelques années dans le cas des mines terrestres.

Est-ce que des munitions à fragmentation ou des composantes de telles bombes sont actuellement fabriquées au Canada? Font-elles partie de l'arsenal canadien?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je crois qu'une conférence se tient actuellement aux Nations Unies sur cette question précise. Pour ce qui est l'arsenal canadien, je n'ai vu aucun rapport faisant état de l'utilisation de telles munitions par les Forces canadiennes, mais je prends note de la question de l'honorable sénateur.

(1440)

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LES MUNITIONS À FRAGMENTATION—L'UTILISATION PAR LES FORCES DE L'OTAN—LA CONFÉRENCE D'OSLO

L'honorable Elizabeth Hubley : Ma question s'adresse au leader du gouvernement. Les forces de l'OTAN ont-elles utilisé des bombes à fragmentation en Afghanistan?

La Conférence d'Oslo sur les munitions à fragmentation aura lieu du 21 au 23 février. Madame le leader pourrait-elle nous préciser le rôle que le Canada jouera dans l'effort international croissant pour interdire ce type d'armes?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je ne puis, en tant que leader du gouvernement au Sénat, répondre au nom d'autres pays de l'OTAN. Je vais simplement prendre note de la question. Bien entendu, l'honorable sénateur a raison. La conférence aura lieu du 21 au 23 février à Oslo.

Le sénateur Hubley : Madame le ministre pourra-t-elle nous expliquer le rôle du Canada à l'occasion de cette conférence, lorsqu'elle nous reviendra avec la réponse?

Le sénateur LeBreton : Oui.

[Français]

RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question posée par l'honorable sénateur Cordy le 5 décembre 2006 concernant les programmes de moustiquaires de lit et de lutte contre la malaria.

LA COOPÉRATION INTERNATIONALE

L'AFRIQUE—LES COMPRESSIONS VISANT LE PROGRAMME DE DISTRIBUTION DE MOUSTIQUAIRES DE LIT DE LA CROIX-ROUGE

(Réponse à la question posée le 5 décembre 2006 par l'honorable Jane Cordy)

Le gouvernement du Canada reste fermement résolu à appuyer les initiatives de lutte contre la malaria, et spécialement celles qui ciblent les enfants et les femmes enceintes.

Le Canada a été un donateur de premier plan dans le partenariat international visant à élargir la distribution à grande échelle — jumelée à d'autres interventions mises en œuvre par la communauté internationale pour sauver des vies — de moustiquaires de lit gratuites. L'Agence canadienne de développement international (ACDI) est ainsi responsable de 16 p. 100 des 25 millions de moustiquaires de lit imprégnées d'insecticide distribuées gratuitement grâce à ce partenariat.

La Croix-Rouge canadienne, qui a récemment distribué près de 900 000 moustiquaires de lits en Sierra Leone, continue d'être un partenaire de confiance pour l'ACDI dans cet effort. La Croix-Rouge canadienne a reçu plus de 26 millions de dollars en financement de l'ACDI depuis 2002. La Croix- Rouge canadienne n'a pas dépensé la totalité de la dernière subvention de 20 millions de dollars octroyée par l'Agence, fonds qui seront utilisés en 2007 pour appuyer les activités de distribution de moustiquaires de lit. Ce programme n'a, en aucune façon, été abandonné. Les discussions avec la Croix- Rouge canadienne concernant la phase suivante du programme se passent très bien.

L'UNICEF est un autre partenaire dont la collaboration est appréciée de l'ACDI. Contrairement à ce qui a été affirmé par certains, l'UNICEF nous a informé qu'il ne vendait pas de moustiquaires en Éthiopie. L'Agence a fourni à l'UNICEF 12,5 millions de dollars, somme destinée à financer des activités de lutte contre le paludisme. Grâce à ce financement, 1,5 million de moustiquaires seront distribuées gratuitement.

Nous pouvons être fiers du soutien que le Canada apporte aux initiatives de lutte contre le paludisme en Afrique. En effet, on estime que cette aide pourrait non seulement sauver jusqu'à 75 000 vies, mais également qu'elle pourrait aider un nombre encore plus grand de personnes à maintenir leur santé de façon à ce qu'elles puissent travailler ou aller à l'école.

Il est important de noter que l'appui du Canada aux programmes de lutte contre la malaria ne se limite pas à ces activités. Par exemple, le Canada a récemment augmenté le financement qu'il apporte au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme; son appui actuel se chiffre à 125 millions de dollars par année, somme qui représente une hausse par rapport à une moyenne de 60 millions de dollars par année depuis 2002. Le Fonds mondial consacre approximativement le quart de son financement à des activités de lutte contre le paludisme.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur LeBreton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs).

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-4, qui prétend s'appuyer sur l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Le projet de loi S-4 propose de transformer le mandat à vie des sénateurs en un mandat de huit ans. Ni la Loi constitutionnelle de 1867 ni celle de 1982 ne contiennent d'articles permettant au Parlement d'adopter le projet de loi S-4. En fait, les deux lois le lui interdisent.

Honorables sénateurs, je suis en faveur d'un réel changement et d'une véritable réforme, mais je crois devoir affirmer que tous changement doit être fait conformément à la loi et selon la Constitution. Le projet de loi S-4 utilise l'article 44 à des fins non prévues et, par conséquent, honorables sénateurs, il est illégal. J'irais même jusqu'à dire qu'il s'agit là de « vandalisme constitutionnel ».

Honorables sénateurs, la Constitution du Canada, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, est née moment où les délégués, les Pères de la Confédération, ont adopté les 72 résolutions à la Conférence de Québec, le 10 octobre 1864. La loi incarnait l'évolution de la Constitution britannique implantée dans la nouvelle Confédération du Canada.

En 1864, les Pères de la Confédération avaient fraîches en tête les difficultés de la fédération des États-Unis et la guerre civile qui s'ensuivit. À l'instar de plusieurs autres Pères de la Confédération, John A. Macdonald, un constitutionnaliste aguerri, s'est intéressé aux architectes de la Constitution américaine, particulièrement à Alexander Hamilton, qui était le révolutionnaire américain le plus attaché aux principes constitutionnels britanniques. Après la révolution, celui-ci a défendu les loyalistes assiégés.

Macdonald s'est intéressé à l'ouvrage de Hamilton, Debates in the Federal Convention of 1787, qui renfermait l'ébauche de Draft of a Constitution for the United States, du même auteur. Séparés par le temps, l'histoire et la géographie, Macdonald et Hamilton suivaient néanmoins la même ligne de pensée.

Le professeur William B. Munro, un Canadien, a mis la main sur l'exemplaire du volume de Madison que possédait Macdonald de même que sur les notes personnelles de Macdonald et il les a utilisés pour écrire l'ouvrage qu'il a publié en 1929, American Influences on Canadian Government. Munro y parle des quatre dispositions de l'ébauche de Draft of a Constitution de Hamilton, qui sont partie de la Constitution du Canada. Il a écrit ceci :

Toutes ces dispositions qui furent rejetées lors de la Convention de Philadelphie, malgré les pressions de Hamilton, ont été intégrées aux Résolutions de Québec sur l'insistance de Macdonald. Si Macdonald mérite d'être appelé le Père de la Constitution canadienne, il semble qu'Alexander Hamilton en soit le grand-père.

Un autre éminent professeur canadien, Arthur Lower, mentionne ceci dans son essai intitulé Theories of Canadian Federalism, dans un ouvrage qu'il a publié en 1958, Evolving of the Canadian Federalism.

(1445)

Lower a écrit :

L'effet de la conjugaison de la tournure d'esprit de Macdonald et des vues de Hamilton transparaît dans l'ensemble de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Plusieurs des caractéristiques distinctives du projet constitutionnel rejeté de Hamilton ont été reprises par les délégués à la Conférence de Québec, presque certainement sous l'influence de Macdonald, et elles ont ultérieurement été consignées dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Honorables sénateurs, Alexander Hamilton, dans son ouvrage intitulé Draft of a Constitution for the United States, avait proposé quatre idées qui ont été reprises dans la Constitution du Canada. Celle qui est la plus pertinente dans le cadre de notre débat prévoyait un mandat à vie pour les sénateurs, mais ils étaient élus. Des sénateurs élus, mais ayant un mandat à vie. C'était là une proposition très intéressante.

L'article III, paragraphe 6, de l'ébauche de Hamilton dispose ce qui suit :

Les sénateurs sont nommés à titre inamovible, ne pouvant être révoqués qu'après avoir été reconnus coupables dans le cadre d'une procédure de destitution pour un crime ou un méfait.

Fait important, la résolution 11 de Macdonald à Québec disposait en partie :

Les conseillers législatifs seront nommés à vie par la Couronne sous le grand sceau [...]

Honorables sénateurs, je constate l'unité du droit entre les mots de Hamilton, « occuperont leurs postes à titre inamovible » et ceux de Macdonald, « seront nommés à vie ». Ils ont tous deux repris le droit féodal du poste à vie, sous réserve de bonne conduite. Fait assez intéressant, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, adopté en 1867, prévoit ce qui suit dans son article 29, que le projet de loi S- 4 vise à modifier :

Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, les sénateurs sont nommés à vie.

Honorables sénateurs, n'oubliez pas les mots « sont nommés ».

Le 6 février 1865, le procureur général de l'Ouest canadien, John A. Macdonald, ouvrait les débats sur la Confédération à l'Assemblée législative de la Province unie du Canada. Il proposait la résolution suivante :

Qu'une humble adresse soit présentée à Sa Majesté, demandant qu'il lui plaise gracieusement de soumettre au parlement impérial une mesure à l'effet d'unir les colonies du Canada, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve et de l'Île-du-Prince-Édouard en un seul gouvernement, d'après certaines dispositions basées sur les résolutions adoptées à une conférence de délégués de ces colonies, tenue en la cité de Québec, le 10e jour d'octobre 1864.

Honorables sénateurs, John A. Macdonald a dressé un compte rendu instructif des 72 résolutions de Québec, de leur approbation par les Pères et du droit leur servant de fondement. Honorables sénateurs, Macdonald, qui était lui-même l'auteur de 50 de ces 72 résolutions, a fait connaître ce que les délégués prévoyaient en ce qui concerne le Parlement de la nouvelle confédération. Selon les Débats parlementaires sur la question de la confédération des provinces de l'Amérique britannique du Nord, il a déclaré ceci :

La législature de l'Amérique Britannique du Nord sera composée du roi, des lords et des communes. Le conseil législatif occupera vis-à-vis la chambre basse la même position que la chambre des lords occupa vis-à-vis des communes en Angleterre [...]

Il a annoncé à l'assemblée que les délégués réunis à Québec avaient rejeté l'idée d'une Chambre haute élue, optant plutôt pour une Chambre dont les membres sont mis en candidature par la reine. Voici ce qu'il a dit :

[...] principe de la nomination, lequel se rapproche le plus, sans contredit, de la constitution anglaise. Nous décidâmes en conséquence qu'il en serait ainsi autant que les circonstances pourraient le permettre. Une chambre haute héréditaire est une impossibilité en ce jeune pays, [...] C'est pourquoi la seule manière d'appliquer le système anglais, à la chambre haute, consiste à conférer à la couronne le pouvoir d'en nommer les membres de la même manière que les pairs anglais, avec cette différence que les nominations seront à vie.

Honorables sénateurs, il faut bien comprendre que, selon Macdonald, l'adaptation de la Chambre haute canadienne en fonction de la Constitution britannique et de la Chambre des lords passait — et je prie les sénateurs d'en prendre note — par l'ancienne loi du domaine à vie, créé par concession royale de Sa Majesté au moyen de lettres patentes, et appelé tenure à vie. Les Pères ont choisi le droit de tenure à vie et la nomination par Sa Majesté comme pierre angulaire de la nouvelle Confédération et de sa nouvelle Constitution, l'AANB, et surtout la partie IV, intitulée « Pouvoir législatif », qui englobe les articles 17 à 57 de la Loi. À propos du droit de tenure, du domaine à vie et de leur incidence juridique, le Jowitt's Dictionary of English Law, édition de 1977, nous apporte certaines précisions.

Au sens général, le mot anglais tenure signifie le fait de détenir ou d'occuper. La tenure correspond ainsi au fait de détenir un mandat pour une certaine période (par exemple, à vie ou tant qu'on se montre à la hauteur de ses fonctions). Il peut aussi s'agir d'occuper une terre à titre de propriétaire ou de locataire.

Au sens spécialisé, en anglais et en français, le mot tenure signifie le mode selon lequel toute terre en Angleterre peut être théoriquement détenue ou occupée. La règle veut que seule la Couronne puisse être le propriétaire absolu de la terre en Angleterre. Toute personne détenant une terre n'en est théoriquement que le locataire et conserve des obligations à cet égard envers la Couronne ou envers un lord agissant comme intermédiaire. Cette façon de posséder la terre s'appelle une tenure, et l'étendue des privilèges de la personne concernant la terre s'appelle le droit de propriété.

Un droit de propriété à vie sur un siège au Sénat.

(1450)

Compte tenu de la législation sur la propriété, l'attribution d'un siège à vie au Sénat repose sur l'ancienne relation féodale inscrite dans la tenure, c'est-à-dire sur la relation entre le roi et ses vassaux en tant que locataires des terres appartenant au roi. Cette relation se caractérisait par la fidélité du vassal, son sens du devoir et la dignité de sa conduite. La tenure prenait nécessairement fin si les règles régissant la relation étaient violées. Une telle violation était considérée comme une félonie. La cohérence de la Constitution est évidente à l'article 31.4, puisqu'on y parle de félonie.

Honorables sénateurs, cette loi sur la concession royale à une personne d'un droit de propriété à vie sur une fonction traitait cette fonction comme s'il s'agissait d'un terrain ou d'un bien immobilier. Elle prévoyait la tenure franche d'une fonction. Le titulaire de la fonction ne pouvait pas en être aisément dépossédé parce qu'il avait sur elle un droit de propriété à vie. Il avait une tenure franche. Il conservait la fonction à vie, dans la mesure où il respectait les conditions et s'acquittait de ses devoirs et obligations. Voici ce qu'écrivait en 1820 Joseph Chitty, aux pages 84 et 85 de son livre intitulé A Treatise on the Law of the Prerogatives of the Crown; and Relative Duties and Rights of the Subject :

L'octroi d'un poste devrait normalement se faire sous le grand sceau. Aucune investiture ni cérémonie ne sont en général nécessaires pour confirmer l'octroi d'un poste, qui est acquis au titulaire dès son octroi; même si pareil octroi peut être annulé si le titulaire ne prête pas les serments voulus avant d'être appelé à le faire.

Chitty continue en ces termes :

[...] étant donné qu'ils sont constitués pour le bien public, il importe qu'ils soient correctement exécutés. À partir de ce principe, une condition est tacitement et péremptoirement ajoutée par la loi à l'octroi de tous postes, à savoir qu'ils soient remplis par les titulaires fidèlement, correctement et diligemment : à défaut de quoi le titulaire est déchu du poste ou susceptible de l'être. Ce principe a toujours été admis : la difficulté est survenue dans son application.

Honorables sénateurs, l'ancien droit d'occupation des postes n'est pas une simple curiosité archaïque ni un vestige. Il constitue une caractéristique fondamentale de nos deux lois constitutionnelles, celles de 1867 et de 1982, ainsi que du Parlement du Canada. Rayer cela de notre Constitution équivaut à faire sortir la Constitution britannique du Canada. Macdonald a dit au début de sa carrière que ce serait la façon de réaliser l'adaptation du régime britannique au Canada.

Honorables sénateurs, pour des raisons non liées aux conditions et aux besoins féodaux, l'occupation à vie des postes a été adaptée en Grande-Bretagne au XVIIIe siècle pour les juges de la cour supérieure pour leur assurer une position constitutionnelle particulière qui comprenait l'indépendance judiciaire. Cela ne s'est pas appliqué au Canada — un vice constitutionnel qui a causé beaucoup d'insatisfaction dans le Haut-Canada. Lord Durham en a parlé dans son rapport. Cette position constitutionnelle britannique a été pleinement clarifiée et adoptée dans l'AANB de 1867 pour les juges de la cour supérieure et les sénateurs. Les conditions imposées aux juges étaient qu'ils restaient en poste durant bonne conduite, mais qu'ils pouvaient être révoqués sur adresse, et celles imposées aux sénateurs étaient qu'ils devaient servir fidèlement à défaut de quoi ils pouvaient être révoqués aux termes de l'article 31 de l'AANB de 1867. La nomination à vie plaçait les sénateurs dans une position semblable, voire supérieure, à la position constitutionnelle des juges. Ce solide fondement constitutionnel était l'indépendance. Son autre objet consistait à susciter l'adhésion déférente constitutionnelle. La magistrature, le Parlement et le Cabinet sont des institutions constitutionnelles coordonnées et jalouses de leurs compétences, qui entretiennent des relations régies par l'adhésion déférente. Blackstone appelle cela l'équilibre constitutionnel, une notion que le projet de loi S-4 propose d'abandonner. Au Canada, le mandat à vie était la clé de l'indépendance institutionnelle, de l'équilibre constitutionnel et de la souveraineté du Parlement.

Honorables sénateurs, l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique fournit une autre raison expliquant la nomination à vie et la position constitutionnelle semblable des sénateurs et des juges. Les articles 18 et 17 envisageaient que le Canada, à l'instar du Royaume-Uni, établisse une compétence d'appel canadienne au Sénat qui serait semblable en principe, mais pas complètement, à la compétence d'appel britannique à la Chambre des lords. Soucieux de protéger le rôle du Comité judiciaire du Conseil privé des lords comme tribunal d'appel de dernière instance pour toutes les colonies de l'empire, le Parlement impérial, à l'article 18, a veillé à ce que tout Sénat ayant compétence d'appel soit subordonné au Comité judiciaire du Conseil privé. Les pouvoirs, privilèges et immunités du Sénat ont été limités à ceux de la Chambre des communes britannique et non à ceux de la Chambre des lords, même si le Sénat s'inspirait de cette dernière.

Honorables sénateurs, l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 confère les pouvoirs, privilèges et immunités anciens du Parlement britannique. Les lois et coutumes du Parlement, lex et consuetudo parlamenti de la Haute Cour du Parlement, régissent toutes les affaires du Parlement, notamment le droit relatif aux tenures à vie. C'est pourquoi le Parlement a pu créer la Cour suprême du Canada en 1875.

Honorables sénateurs, les pouvoirs permettant au Parlement d'agir seul pour modifier la Constitution sont limités. Le projet de loi S-4 invoque l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 pour modifier l'article 29 et aucun autre de la Loi constitutionnelle de 1867. L'article 44 stipule ceci :

Sous réserve des articles 41 et 42, le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.

Honorables sénateurs, le libellé de l'article 44, dans son étendue naturelle et appropriée, s'applique aux modifications constitutionnelles qui touchent le Sénat seulement ou la Chambre des communes seulement, mais non aux modifications touchant le Sénat et la Chambre des communes qui, avec Sa Majesté, forment le Parlement du Canada.

Son Honneur le Président : J'avise madame le sénateur que ses 15 minutes sont écoulées.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, ai-je la permission de continuer?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Cinq minutes.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, je vous demande de m'accorder le temps de finir mes observations. Le débat est l'essence même de cet endroit. Je me demande donc pourquoi nous ne pourrions pas avoir quelques minutes de débat.

Son Honneur le Président : Le Sénat consent-il à l'unanimité à accorder encore cinq minutes au sénateur Cools?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Cools : Pourtant, le projet de loi S-4 modifierait subrepticement la constitution du Parlement du Canada, soit la partie IV de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, intitulée « Pouvoir législatif », en redéfinissant les mots « Sénat » et « sénateur », qui deviendraient ainsi des créatures constitutionnelles inconnues de l'Acte de l'Amérique du Nord.

Honorables sénateurs, les articles 17 et 18 de la partie IV, dix articles avant l'article 29, introduisent et définissent la signification constitutionnelle des mots « Sénat » et « sénateur ». L'article 17 dit en effet ceci :

Il y aura, pour le Canada, un parlement qui sera composé de la Reine, d'une chambre haute appelée le Sénat, et de la Chambre des Communes.

En vertu de ces articles, un sénateur est une personne individuellement nommée par Sa Majesté pour occuper des fonctions sa vie durant au Parlement du Canada. Le Sénat est un ensemble de 105 individus nommés, investis de droits de propriété et de possession leur vie durant au Parlement. Tous les articles de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui mentionnent les mots « Sénat », « sénateur » ou « Parlement » parlent d'un individu nommé à vie et non pas d'une personne nommée pour un mandat d'un certain nombre d'années, ce qui est incompatible avec la structure monarchique de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Le projet de loi S-4 est une modification subreptice de la partie IV de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, relative au « Pouvoir législatif », et de la constitution du Parlement du Canada. Ce projet de loi entraînerait une modification importante et profonde de notre régime constitutionnel.

(1500)

La reine est elle aussi sénateur et membre du Parlement à vie. Elle est le caput, principium et finis, ce qui signifie la tête, le début et la fin. C'est là, non dans la Loi sur l'Amérique du Nord britannique, que se situe le pouvoir de nommer des sénateurs.

Le projet de loi S-4 modifierait aussi les lettres patentes du Gouverneur général concernant la nomination des sénateurs. Le Canada est une monarchie semblable, en principe, à celle de la Grande-Bretagne. Les propositions que renferme le projet de loi S-4 nécessitent l'application de la procédure générale de modification prévue à l'article 38, car des changements fondamentaux sont préconisés en ce qui concerne la reine et le Parlement du Canada.

Honorables sénateurs, la base même de nos libertés, lesquelles sont étroitement liées à une monarchie héréditaire caractérisée par sa permanence et sa stabilité, est la caractéristique fondamentale et immuable de la Constitution britannique que la Loi sur l'Amérique du Nord britannique a conférée au Canada.

Le grand parlementaire Edmund Burke explique les caractéristiques fondamentales de la Constitution britannique dans Reflections on the Revolution in France, rédigé en 1790, qui se trouve dans The Works of the Right Honourable Edmund Burke. Il a dit :

De la Grande Charte à la Déclaration des droits, notre Constitution défend et maintient nos libertés comme un héritage qui nous vient de nos pères et qui doit être transmis à notre postérité, en tant que patrimoine du peuple de ce royaume, sans aucune mention d'un droit général ou antérieur. Notre Constitution préserve ainsi l'unité dans la grande diversité des parties qui la forment. Nous avons une Couronne héréditaire, un rang héréditaire et une Chambre des communes et un peuple qui héritent de privilèges, de droits et de libertés d'une longue lignée d'ancêtres.

Honorables sénateurs, l'évolution de notre Constitution et de notre pays — qui découlent de la Constitution britannique du Royaume-Uni — suit une voie claire et cohérente jalonnée de précédents, de principes et de préceptes. Prétendre que le Parlement peut changer un élément si fondamental et si caractéristique de notre héritage et de notre patrimoine, comme le fait le projet de loi S-4, c'est vraiment mal interpréter, mal comprendre et dénaturer 1 000 ans d'évolution constitutionnelle.

Honorables sénateurs, on observe de nos jours une tendance — au sein des gouvernements, en particulier — à dissimuler des notions constitutionnelles importante à la population, simplement en ne les mentionnant jamais. J'ai voulu voir s'il y avait, dans les délibérations du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat, des renvois à la notion d'occupation à vie relativement à un poste. Je n'en ai trouvé aucun. Cependant, dans notre régime monarchique, la charge héréditaire du monarque repose sur ce principe.

Honorables sénateurs, le Sénat n'est pas constitué comme la Chambre des communes, où siègent les représentants de différentes circonscriptions. La composition du Sénat est décidée par Sa Majesté. Voilà ce qu'est le Sénat. Le Sénat regroupe 105 titulaires de mandat à vie octroyés par Sa Majesté dans le Parlement du Canada.

Je sais gré aux sénateurs de leur attitude, jeudi dernier. Je tenais à participer à ce débat et je voulais terminer mes recherches. Les sénateurs comprendront que ce matériel est devenu en grande partie obscur et mystérieux; les avocats ne l'ont plus à l'esprit. Nous vivons à une époque où les avocats ouvrent la voie au démantèlement des principes et des lois qui ont servi à tenir ensemble ce pays. C'est très intéressant.

J'ai parcouru toutes les délibérations du comité spécial, les unes après les autres, et je n'ai pu trouver le moindre renvoi au fait que le mandat à vie a servi de pierre angulaire à la constitution de ce Parlement. Sir John A. Macdonald l'a dit lui-même; c'est la seule manière dont la Constitution britannique pouvait être transplantée dans la nouvelle Confédération appelée Canada.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Comeau, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable David Tkachuk propose que le projet de loi C-9, Loi modifiant le Code criminel (emprisonnement avec sursis), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, il semble que le projet de loi C-9 fournit l'occasion d'une expérience unique. C'est un des projets de loi les plus attendus par le parti d'en face cette session. Nos vis-à-vis ont passé la période des questions à réclamer cette mesure législative, nous accusant, mes collègues et moi, de nous traîner les pieds.

On devrait parler d'une petite expérience. Présenté par le gouvernement, le projet de loi S-4 fait l'objet de débats depuis mai 2006. Les gens d'en face ont étudié avec zèle le mandat de huit ans au Sénat, ils ont convoqué des témoins, ils ont discuté du projet de loi et du rapport du comité, ils ont fait appel à toute l'intelligence des 64 sénateurs libéraux pendant neuf mois, mais ils ne se sont pas encore prononcés sur le principe de la limitation de la durée du mandat, et encore moins sur une durée de huit ans. On a cru que vous étiez surmenés.

J'ai été inspiré par les libéraux dans le débat sur le projet de loi S- 4. Ils ont fait appel au caractère bipartisan du Sénat, alors que le Sénat travaillait sans rancœur et avec indépendance. Mes amis, disaient les libéraux, voilà pourquoi un Sénat nommé est une si bonne chose, car il est riche de sa mémoire institutionnelle et d'une sagesse accumulée en raison de la longue durée du mandat des sénateurs et, bien sûr, il est indépendant parce qu'il n'a pas à subir l'inconvénient que représente la volonté des électeurs.

Le sénateur Banks, dans son discours du 8 février, a mis la cerise sur le gâteau. Dans un discours enflammé, il nous a invités à collaborer au profit de nos régions — au sein des caucus régionaux — libéraux et conservateurs assis côte à côte, dans une unité régionale. J'ai été ému. J'en ai pleuré.

Dans toute cette harmonie, j'ai été chargé du projet de loi C-9, portant sur l'emprisonnement avec sursis. Le porte-parole des libéraux d'en face était madame le sénateur Jaffer, une avocate que je respecte beaucoup. J'espère qu'elle participera activement à l'amélioration de ce projet de loi.

Je n'aime pas particulièrement ce projet de loi. Il est décevant et c'est une mesure législative que les sénateurs ne doivent pas apprécier beaucoup eux non plus. Il ne fait aucun doute que la plupart d'entre nous acceptons le principe de détermination de peines d'emprisonnement avec sursis. C'est le fond qui a échappé aux membres de l'autre endroit, qui ont décidé de traiter ce projet de loi avec rancœur, plutôt que de s'attaquer aux problèmes que supposait le projet de loi C-9.

Le principe des peines d'emprisonnement avec sursis a été introduit par le ministre Allan Rock afin de clarifier la position gouvernementale quant à savoir qui devrait connaître les merveilleux établissements que sont les prisons et qui pourrait bénéficier d'un sursis à certaines conditions.

(1510)

Je crois que le ministre Rock estimait qu'il fallait donner aux juges certaines directives à ce sujet puisque la libération conditionnelle était la seule solution de rechange à l'emprisonnement. C'est justement ce que visait son projet de loi C-41, présenté le 20 septembre 1994. Le projet de loi C-41 visait à fournir aux juges le moyen d'imposer une peine d'emprisonnement avec sursis. Le projet de loi visait à permettre le service communautaire, la restitution, ou d'autres peines adaptées qui éviteraient aux délinquants la prison. Il s'agissait d'éviter la prison à des délinquants qui ne profiteraient pas nécessairement de l'incarcération et qui, selon le juge, avaient de bonnes chances de ne pas récidiver.

J'aimerais vous faire remonter au 20 septembre 1994, le jour où Allan Rock a introduit la peine d'emprisonnement avec sursis dans le Code criminel. Durant son discours à l'étape de la deuxième lecture, le 20 septembre, voici ce qu'a déclaré M. Rock :

Le Parlement donne aux tribunaux une ligne de conduite précise grâce à ce projet de loi. La nécessité de punir certains comportement s'y retrouve par l'expression claire du Parlement que les sanctions doivent avoir pour but de dénoncer le crime, en favoriser la dissuasion au plan individuel et collectif et qu'il peut être requis d'isoler quelqu'un de la société à ces fins.

M. Rock a également dit ceci :

L'incarcération doit demeurer une option pour les contrevenants qui nécessitent cette punition et qui doivent être isolés du reste de la société, afin de garantir la sécurité des citoyens. [...] que l'on n'emprisonne que les personnes qui méritent d'être emprisonnées.

Le but du projet de loi C-41 était de créer une solution de rechange pour les personnes qui ne constituent aucun danger pour la société et pour lesquelles le Code criminel ne fournit à peu près aucune autre possibilité que l'emprisonnement.

Vous me pardonnerez de prendre quelques instants de plus pour vous faire savoir ce que le ministre de la Justice avait à dire à l'époque au sujet des solutions de rechange par rapport à la peine d'emprisonnement avec sursis. M. Rock a expliqué que, selon le projet de loi C-41 :

Lorsqu'une personne est condamnée à une peine d'emprisonnement de moins de deux ans, le tribunal peut, s'il est convaincu que le fait de purger la peine au sein de la collectivité ne met pas en danger la sécurité de celle-ci, ordonner au délinquant de purger sa peine dans la collectivité au lieu de la purger dans un établissement.

Telle était son intention et telle était l'intention du gouvernement à l'époque. Je n'ai rien à en redire, même s'il devient fastidieux pour moi de citer si abondamment un libéral.

Comme je l'ai dit au début de mon exposé, la différence entre nos deux points de vue en ce qui a trait aux peines d'emprisonnement avec sursis n'est pas liée à l'intention. Les problèmes liés aux peines d'emprisonnement avec sursis découlent de l'interprétation des tribunaux à propos de quand, comment et à qui ces peines devraient être imposées. Le problème du projet de loi C-41 est qu'il laissait aux tribunaux une certaine liberté d'interprétation.

L'article 742.1 du Code criminel établit les exigences qui doivent être remplies pour qu'une peine d'emprisonnement avec sursis soit envisagée : la peine doit être inférieure à deux ans; le tribunal doit être convaincu que le fait de purger la peine au sein de la collectivité ne met pas en danger la sécurité de celle-ci; l'infraction ne doit pas être assortie d'une peine minimale d'emprisonnement; et le tribunal doit être convaincu que le fait d'imposer au contrevenant une peine avec sursis est conforme aux objectifs et aux principes fondamentaux de détermination de la peine établis dans le Code criminel.

Le projet de loi C-41 établissait également le principe fondamental de la détermination de la peine : « La peine est proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. » C'est ce qu'on a appelé le principe de proportionnalité. Comme nous l'avons constaté depuis que le projet de loi C-41 est entré en vigueur, ce principe est devenu, dans certains cas, complètement déconnecté de la réalité.

De nombreux intervenants, y compris certaines provinces et certains territoires, sont de plus en plus préoccupées par la variété des infractions qui donnent lieu à des peines d'emprisonnement avec sursis. On croit que cela contribue à la perte de confiance du public envers l'administration de la justice.

Permettez-moi de donner quelques exemples d'utilisation abusive des peines d'emprisonnement avec sursis. Certains de mes collègues à l'autre endroit ont cité les mêmes exemples.

Il y a quelques années, à Langley, en Colombie-Britannique, un homme a agressé sexuellement deux jeunes filles. Au lieu d'être envoyé en prison, cet homme a obtenu une peine de détention à domicile. Il a reçu une peine avec sursis pour un crime violent et haineux. Ses victimes, au lieu d'être protégées contre cet homme ou éloignées de lui par les tribunaux, ont dû vivre tout près de chez lui.

Quelques années auparavant, une cour d'appel du Manitoba a annulé la peine d'emprisonnement de deux ans d'un homme reconnu coupable de conduite dangereuse ayant causé la mort de deux femmes. D'aucuns auraient souhaité que cet homme reçoive une peine d'emprisonnement plus longue. Pourtant, le tribunal lui a imposé la détention à domicile.

En 2002, un Néo-Écossais ivre et en colère a frappé sa conjointe de fait avec un fer à repasser et une bouteille de vin. Pourquoi? Parce que, a-t-elle dit, elle n'avait pas suffisamment apprécié ses travaux de peinture dans la maison. Quelle peine le juge a-t-il imposée à cet homme? Une peine avec sursis comprenant l'assignation à résidence, l'obligation de se présenter périodiquement, l'abstinence d'alcool et du counseling. Cela malgré le fait que, en 1997, le même homme avait été reconnu coupable d'avoir frappé la même femme au visage avec un manche de hache. Il avait été condamné à une peine avec sursis et une période de probation. On se sera sans doute dit que, si la peine avec sursis n'avait rien donné la première fois, il faudrait peut-être l'essayer de nouveau.

Où les choses ont-elles commencé à mal tourner? Une décision de 2000 n'a pas aidé. Dans l'affaire La Reine c. Proulx, la Cour suprême du Canada a statué que le régime de peines avec sursis n'excluait aucune catégorie d'infractions, à l'exception de celles qui sont passibles d'une peine de prison minimum. Et il n'existait pas de présomption pour ou contre le recours aux peines avec sursis pour quelque catégorie d'infraction. Par contre, la cour a dit que le Parlement était libre d'imposer des limites à l'utilisation de ce régime.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-9 a été présenté le 4 mai 2006 pour répondre à ce que d'aucuns décriront comme une invitation de la Cour suprême. Quant à moi, j'estime qu'il s'agissait plutôt de s'acquitter d'une obligation des parlementaires. Ce n'est pas différent de ce que Allan Rock entendait faire au moyen du projet de loi C-41. Une fois cette mesure adoptée, nous serons revenus à la case départ. Le projet de loi C-9 modifié ressemble à s'y méprendre au projet de loi C-70 présenté par le gouvernement libéral en octobre 2005. Tout comme le projet de loi C-70, le projet de loi C-9 comprend une modification du Code criminel pour interdire aux tribunaux de prendre des ordonnances de peine avec sursis dans le cas de délinquants reconnus coupables d'infractions ayant causé des lésions corporelles graves, d'infractions de terrorisme ou d'infractions liées à une organisation criminelle.

La mesure s'écarte de ce que le nouveau gouvernement conservateur a proposé au départ. Dans sa version initiale, déposée à la Chambre en mai dernier, le projet de loi C-9 proposait un nouveau critère qui aurait éliminé la possibilité de peines avec sursis pour les infractions passibles d'une peine de prison d'un maximum de dix ans ou plus et faisant l'objet de poursuites par voie de mise en accusation. Ainsi, la mesure aurait visé, en plus des infractions au Code criminel, les infractions à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Le Comité permanent de la justice et des affaires juridiques a amendé le projet de loi, et nous sommes maintenant saisis d'un projet de loi de portée moindre. Il ne s'applique qu'aux infractions liées au terrorisme ou au crime organisé et aux infractions ayant causé des lésions corporelles graves, au sens que donne à cette expression l'article 752 du Code criminel. Ces crimes sont passibles de peines maximums de dix ans ou plus et font l'objet de poursuites par voie de mise en accusation.

Ces nouvelles restrictions s'ajouteraient aux quatre conditions préalables dont j'ai parlé tout à l'heure. Dans sa version actuelle, le projet de loi restreindra de façon importante le recours aux peines avec sursis, mais pas autant que ce qui était envisagé dans le projet de loi présenté aux Communes. Il s'agit néanmoins d'une amélioration par rapport à l'ancien régime. Par exemple, les infractions d'agression sexuelle, d'agression sexuelle avec une arme et d'agression sexuelle grave peuvent toutes faire l'objet d'une peine avec sursis dans l'état actuel de la loi. Ce ne sera plus le cas, maintenant que les infractions ayant causé des lésions corporelles graves figurent dans le projet de loi C-9. Ce sont ces infractions sexuelles qui attirent souvent l'attention du public et des journalistes, lorsque la peine se résume à une assignation à domicile.

(1520)

En fait, le gouvernement s'est engagé à mettre fin à la détention à domicile ou aux peines avec sursis pour les infractions graves, y compris les infractions violentes et graves désignées, les infractions relatives aux armes, les infractions majeures en matière de drogue, les crimes contre les enfants et la conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort ou des lésions corporelles.

Le projet de loi C-9 a défini le critère : les infractions poursuivies par mise en accusation et punissables d'une peine maximale d'emprisonnement de dix ans ou plus ne peuvent pas faire l'objet d'un emprisonnement avec sursis.

À l'autre endroit, l'opposition a estimé que cet ajout était trop vaste et couvrait des délinquants qui, à son avis, devraient être admissibles à une peine avec sursis. Elle a donc modifié le cinquième critère pour que les infractions suivantes ne puissent pas faire l'objet d'une peine avec sursis. Honorables sénateurs, je vais les répéter : les infractions constituant des sévices graves à la personne, les infractions de terrorisme et les infractions d'organisation criminelle poursuivies par mise en accusation et punissables d'une peine maximale d'emprisonnement de dix ans ou plus.

À l'article 752, par exemple, la définition des infractions constituant des sévices graves à la personne n'assure pas le même degré de certitude quant aux autres infractions qui ne seraient pas admissibles à une peine avec sursis. L'article 752 et le concept du délinquant s'étant rendu coupable de sévices graves à la personne constituent la première de deux étapes pouvant aboutir à la désignation d'un individu soit comme délinquant dangereux pouvant être gardé en prison indéfiniment, soit comme délinquant à contrôler assujetti à la supervision après la libération. Dans les deux cas, la seconde étape consiste à déterminer le risque de récidive.

Le recours à cet article en l'absence d'une certaine clarté posera la question de savoir si une infraction est admissible ou non à une peine avec sursis. Comme on ne peut pas répondre à la question avec certitude, elle peut faire l'objet de litiges, tout comme la jurisprudence actuelle entourant l'article 752. Dans ces circonstances, on peut s'attendre à ce que le témoignage de la victime soit nécessaire pour établir la gravité du préjudice causé, afin de déterminer si l'infraction est bien assimilable à des sévices graves à la personne. Honorables sénateurs, cela implique un risque réel de revictimisation des victimes, à qui on pourrait imposer de témoigner lors des audiences de détermination de la peine, si la défense cherche à obtenir une peine avec sursis.

Même si l'opposition à l'autre endroit estimait que le projet de loi C-9, tel que déposé, avait une portée trop vaste, je crois que ses amendements sont encore trop étroits et exigent d'être clarifiés.

Honorables sénateurs, voilà où nous intervenons. C'est la raison pour laquelle j'ai formulé certaines observations au début de mon discours. Les sénateurs d'en face peuvent croire que le Sénat est un endroit où nous pouvons, à l'occasion, mettre de côté nos divergences et travailler pour le bien commun, ou bien ils peuvent se dire tout simplement que nous sommes ici pour plaisanter. Honorables sénateurs, je m'en remets à vous aujourd'hui. Nous pouvons ajouter un degré de certitude dans le projet de loi dont nous sommes saisis au moyen d'un amendement très simple. Si mes collègues le veulent bien, cet amendement consisterait tout simplement à énumérer dix ou 15 infractions. Il y en aurait beaucoup plus, mais ces infractions peuvent être étudiées au comité. Le comité peut décider s'il est souhaitable d'éclaircir la dernière partie de cette disposition pour garantir que certaines infractions ne puissent pas faire l'objet d'une peine avec sursis. Je vais en énumérer quelques-unes sur lesquelles plane un doute actuellement.

La liste n'est pas exhaustive, mais elle pourrait comprendre l'inceste, le proxénétisme, la conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort ou des lésions corporelles, les voies de fait ayant causé des lésions corporelles, la traite de personnes et l'enlèvement de personnes de moins de 14 ans. Comme nous sommes saisis du projet de loi C-9, on se demandera si ces infractions sont admissibles à une peine d'emprisonnement avec sursis. Je crois qu'elles le sont.

Encore une fois, considérons pour le moins la possibilité de garantir que les infractions de ce genre ne puissent pas faire l'objet de peines avec sursis. C'est notre défi, honorables sénateurs. Si nous pouvons convenir de certains points à éclaircir, nous devrions le faire. Si les sénateurs d'en face croient que le projet de loi atteint son objectif dans sa forme actuelle, alors il ne reste plus grand-chose à dire; nous pourrions l'adopter tout de suite et passer à autre chose.

Je vais attendre avec impatience le discours de ma vis-à-vis pour savoir de quelle façon elle voudra procéder. Compte tenu de l'impatience avec laquelle l'autre côté veut faire avancer le projet de loi, je suppose que j'aurai de ses nouvelles aujourd'hui ou demain.

Des voix : Bravo!

L'honorable Lowell Murray : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Tkachuk : Volontiers.

Le sénateur Murray : J'ai suivi avec intérêt l'énumération faite par l'honorable sénateur des cas ayant fait l'objet d'une peine avec sursis et, en particulier, d'une détention à domicile. J'ai également suivi dans les médias, ces derniers jours, les commentaires de l'ancien juge en chef du Canada, le très honorable Antonio Lamer, qui faisait part de sa consternation devant la longueur des peines imposées dans certains cas.

Pour ce qui est des affaires mentionnées par l'honorable sénateur, l'imposition d'une peine avec sursis, compte tenu des faits qu'il nous a exposés, semble inexplicable. Ne conviendra-t-il pas cependant que, pour compléter son dossier, il aurait intérêt à nous présenter les motifs invoqués par les différents juges pour imposer des peines avec sursis dans ces cas? J'ai l'impression que les juges n'imposent pas une sentence, avec sursis ou autrement, sans donner des raisons assez détaillées.

Est-ce que le sénateur Tkachuk connaît les motifs invoqués par les juges dans les cas qu'il a mentionnés? L'honorable sénateur peut-il nous éclairer sur ce point? Pour nous prononcer dans cette affaire, n'avons-nous pas besoin de consulter les motifs des sentences imposées?

Le sénateur Tkachuk : Je ne suis pas en mesure de donner au sénateur les motifs des juges. Je ne peux lui donner que les résultats de ce qu'ils ont fait. Bien sûr, au comité, les sénateurs pourront poser toutes les questions qu'ils voudront et étudier en détail les motifs donnés pour expliquer les peines avec sursis.

L'objet de mon discours est de confirmer que nous sommes tous d'accord sur le principe du projet de loi. Je ne crois pas que quiconque ici s'oppose au principe des peines avec sursis proposé par Allan Rock en 1994.

Le problème est que les juges ont mal interprété... Ayant déposé le projet de loi C-70, le gouvernement libéral a dû penser qu'ils ont mal interprété la volonté du peuple, c'est-à-dire la volonté du Parlement. Nous avons donc l'obligation de déterminer la validité des arguments actuellement avancés à la Justice et dans la communauté juridique sur la question de savoir si ces infractions ont été exclues des amendements proposés à la Chambre. Il y a des discussions et des différends au sujet de l'application des peines avec sursis. En cas de doute, les sénateurs ont le devoir d'en avoir le cœur net et de donner des instructions précises aux juges, afin d'éviter qu'on ne se plaigne par la suite de ce que font les tribunaux.

Le sénateur Murray : Le sénateur est-il d'accord avec moi pour dire qu'en réduisant progressivement les pouvoirs discrétionnaires des juges en matière de détermination de la peine, le nouveau gouvernement du Canada n'aura plus à se soucier de nommer des juges ayant une optique semblable à la sienne?

(1530)

Le sénateur Tkachuk : Je ne répondrai pas à cette question.

(Sur la motion du sénateur Jaffer, le débat est ajourné.)

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Austin, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Carstairs, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-215, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'accorder des allégements fiscaux.—(L'honorable sénateur Tardif)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'informe le Sénat que si le sénateur Austin prend la parole maintenant, son intervention aura pour effet de clore le débat.

L'honorable Jack Austin : Honorables sénateurs, d'entrée de jeu, je tiens à remercier les sénateurs Angus, Tkachuk et Oliver de leur contribution au débat entourant le projet de loi S-215. Ils ont pour tâche de défendre le gouvernement conservateur par tous les moyens possibles, même s'ils n'ont pas de motifs valables de le faire.

Je tiens également à remercier le sénateur Eggleton, qui est intervenu en faveur de ce projet de loi. Le 13 juin dernier, dans cette enceinte, il s'est penché sur les questions de fond.

Le premier budget du gouvernement conservateur de M. Harper a été présenté par le ministre des Finances, Jim Flaherty, le 2 mai 2006. Dans l'édition du 3 mai 2006 du Globe and Mail on pouvait notamment lire ce qui suit :

Les groupements d'entreprises ont affirmé que le premier budget du ministre des Finances, Jim Flaherty, contient les plus importantes mesures financières pour la croissance économique depuis 2000. En 2000, le ministre des Finances de l'époque, Paul Martin s'était servi de l'excédent croissant pour dévoiler un plan de réduction des impôts de l'ordre de 100 milliards de dollars sur cinq ans.

Depuis, les économistes ont reconnu que les allégements fiscaux consentis par M. Martin en 2000 ont permis au Canada d'éviter une conjoncture de récession, contrairement aux États-Unis qui, à la même époque, ont eu bien du mal à composer avec une baisse significative de l'activité économique.

Pour l'importante communauté des affaires, ce budget était, pour citer un bulletin économique publié par la Banque de Montréal, « légèrement stimulant ». En gros, les dirigeants d'entreprises ont qualifié la réduction de l'impôt des entreprises de « pas dans la bonne direction ».

Je n'ai rien contre les allégements fiscaux raisonnables accordés aux entreprises, qui, à mon sens, doivent être encouragées à stimuler la productivité et la prospérité du Canada par la recherche, l'innovation et l'esprit d'entreprise. Afin d'attirer des investissements dans le renouvellement économique, nous devons avoir un régime fiscal concurrentiel face à nos compétiteurs, compte tenu de tous les facteurs, y compris l'assurance-emploi et les services de santé.

Lors de la dernière campagne électorale, les conservateurs de Harper avaient promis de dépenser à cette fin 30 milliards de dollars sur cinq ans. Ils avaient également promis 44 milliards de dollars en réductions d'impôt sur la même période. Même pendant cette période, un observateur de la scène financière canadienne aurait reconnu que de telles réductions auraient nécessité des coupes radicales dans pratiquement tous les programmes sociaux, culturels et économiques. En outre, depuis l'avènement du nouveau gouvernement du Canada, des milliers de Canadiens, surtout des deux premiers quartiles de la société, ont vu leur sécurité personnelle et leur qualité de vie diminuer. Ai-je besoin de mentionner quelles répercussions les compressions ont eues sur les programmes d'alphabétisation du Canada, les programmes de contestation judiciaire, la Commission de réforme du droit et les organismes de défense des femmes?

Je tiens tout particulièrement à mentionner les compressions radicales totalisant 5 milliards de dollars que le nouveau gouvernement du Canada a faites dans les programmes de protection de l'environnement mis en place pour contrôler et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Je souligne également l'annulation de l'accord de Kelowna, qui prévoyait 5 milliards de dollars pour aider les peuples autochtones, et la plupart des Canadiens savent déjà que les 5 milliards de dollars prévus par le gouvernement Martin pour créer un réseau national de garderies ont aussi été éliminés.

Honorables sénateurs, à chaque budget, nous demandons qui sont les gagnants et qui sont les perdants. Les Canadiens qui essaient de payer leur hypothèque, de faire instruire leurs enfants et d'économiser en vue de leur retraite sont les perdants du budget Flaherty. Afin de mener à bien leurs plans de réduction d'impôt et les transferts provinciaux des avantages aux Canadiens ayant les revenus les plus élevés — et qui n'ont jamais été aussi prospères que sous la gestion financière libérale — le gouvernement conservateur promettait dans son budget de réduire les dépenses du gouvernement fédéral de 22,5 milliards de dollars sur cinq ans. Devinez un peu qui paie pour cela? Comme je l'ai dit, ce sont les programmes sociaux, les programmes culturels et les programmes de protection de l'environnement qui écopent, c'est-à-dire les Canadiens ordinaires.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-215 a été conçu pour honorer l'engagement du ministre des Finances, Ralph Goodale, à baisser l'impôt sur le revenu des particuliers qu'il avait pris dans le budget de novembre 2005. Dans ce budget, il avait réduit le taux d'imposition de base à 15 p. 100, tel que proposé dans la motion de voies et moyens qui avait été présentée à l'époque à la Chambre des communes. La convention de longue date veut que les réformes fiscales ainsi proposées soient valides dès la présentation de la motion de voies et moyens. Par conséquent, au moment de la présentation du budget de mai 2006, le taux d'imposition de base appliqué par l'Agence du revenu du Canada pour l'année fiscale 2006 était de 15 p. 100.

Ce que le ministre des Finances Flaherty a présenté dans son budget, c'est une réduction de la taxe sur les produits et services, de 7 à 6 p. 100, mais afin de compenser cette perte de revenus, il a augmenté le taux d'imposition de base de 15 p. 100 à 15,5 p. 100. D'une façon ou d'une autre, cela a eu pour effet de diminuer de moitié la réduction d'impôt de Ralph Goodale. Andrew Jackson, du Congrès du travail du Canada, a alors dit que M. Flaherty avait réduit le salaire net hebdomadaire du travailleur moyen d'environ 4 $.

Bien sûr, le ministre des Finances Flaherty a fait valoir, pour des raisons purement politiques, qu'il avait, en fait, réduit l'impôt des particuliers de 0,5 p. 100, le ramenant de 16 p. 100 à 15,5 p. 100, parce que le budget de M. Goodale n'avait jamais eu force de loi. Les honorables sénateurs savent que la convention parlementaire, établie depuis longtemps à Westminster et faisant également partie de nos conventions, a force de loi.

Andrew Coyne, dans le National Post du 3 mai 2006, qui est habituellement un journal fidèle à la ligne du Parti conservateur, a déclaré ce qui suit à la page 6 :

Mais il faut prendre de remarquables libertés avec la langue pour prétendre que le fait de faire passer le taux le plus bas de l'impôt sur le revenu de 15 p. 100 le 30 juin à 15,5 p. 100 le 1er juillet constitue en réalité une réduction d'impôt.

Il poursuit :

Pourquoi ne peuvent-ils pas se permettre de réduire l'impôt sur le revenu? Parce l'argent est déjà engagé — promis aux provinces, aux heureuses bénéficiaires des « mesures fiscales ciblées » — et, bien entendu, pour la réduction de la TPS. C'est là le pire élément du budget.

Mais Andrew Coyne m'a vraiment blessé quand il a ajouté :

Voilà un budget que n'importe quel ministre des Finances libéral aurait pu présenter.

Honorables sénateurs, c'est vraiment un coup sous la ceinture.

J'aimerais à nouveau citer le National Post du jeudi 4 mai 2006 cette fois. Il s'agit de la chronique d'un économiste conservateur bien connu, Terrence Corcoran. Il a écrit :

L'image du ministre des Finances, Jim Flaherty, en tant que maître ès-réductions d'impôt, se révèle la plus facile à dissiper, compte tenu en particulier de la démonstration faite hier que le gouvernement et M. Flaherty ont en fait écarté l'idée de véritables réductions d'impôt pour favoriser plutôt les fausses réductions et les nouvelles dépenses annoncées par le ministre.

Il a aussi écrit :

La deuxième possibilité aurait été que M. Flaherty lise une phrase disant que le gouvernement « réduisait de façon permanente les trois échelons les plus bas des taux d'imposition sur le revenu » et « augmentait le montant qu'il est possible de gagner à ces échelons. » Voilà qui serait une véritable réduction d'impôt illustrant le type de politique fiscale que les conservateurs sont censés approuver.

(1540)

Voilà qui serait une véritable réduction d'impôt illustrant le type de politique fiscale que les conservateurs sont censés approuver.

Ma brève intervention d'aujourd'hui s'ajoute à mon discours du 30 mai 2006, que j'avais prononcé à l'ouverture du débat à l'étape de la deuxième lecture et dans lequel je donnais plus de détails. Je conclus maintenant en précisant que la stratégie prévue dans le budget Flaherty concernant l'impôt sur le revenu des particuliers, la réduction d'un point de pourcentage de la TPS au lieu de la réduction générale d'impôt que prône M. Corcoran, ainsi que les décisions du gouvernement quant aux compressions financières et budgétaires et aux politiques fiscales qui en découlent, méritent d'être examinées de près au comité.

Ce projet de loi vise l'adoption et l'application de la réduction d'impôt proposée par le gouvernement Martin, c'est-à-dire un taux d'imposition personnel de base de 15 p. 100. Ceux qui envisagent de voter contre ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture se trouveront, en fait, à voter en faveur d'une augmentation du taux personnel de base.

Je demande qu'on passe au vote, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Austin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

PROJET DE LOI SUR LE REGISTRE DES INSTRUMENTS MÉDICAUX

DEUXIÈME LECTURE—DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Harb, appuyée par l'honorable sénateur Keon, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-221, Loi prévoyant l'établissement et la tenue d'un registre national des instruments médicaux.—(Décision de la présidence)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai une décision relativement à cette question. Le 30 janvier dernier, lorsque le Sénat a repris le débat sur la motion tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-221, Loi prévoyant l'établissement et la tenue d'un registre national des instruments médicaux, le sénateur Comeau a invoqué le Règlement, demandant s'il convenait que ce projet de loi provienne du Sénat.

Aux termes du projet de loi S-221, le ministre de la Santé désigne un directeur du Registre des instruments médicaux, lequel doit tenir un registre. Le sénateur Comeau a soutenu que ce projet de loi exigerait des dépenses supplémentaires et que cela sous-entendait donc l'affectation de fonds publics. Par conséquent, a-t-il dit, le projet de loi S-221 nécessite une recommandation royale et doit provenir de l'autre endroit.

[Français]

Le sénateur Comeau a souligné qu'aux termes de l'article 4 du projet de loi, le registre qui sera créé sera distinct des activités du programme du ministère et qu'il requerra un budget d'exploitation distinct. Il a ensuite attiré l'attention des sénateurs sur ce qu'on peut lire à la page 886 de la 23e édition d'Erskine May.

[Traduction]

Lorsqu'un projet de loi comporte une disposition qui élargit l'objectif de dépenses déjà autorisées par la loi, par exemple en multipliant les fonctions d'un organisme public existant ou d'un organisme financé par le gouvernement, en accroissant les catégories de personnes qui ont légalement droit à une subvention ou à une indemnité, ou en étendant l'éventail des circonstances où de telles subventions ou indemnités sont payables, cette disposition exige habituellement une autorisation par l'intermédiaire d'une résolution de finances.

[Français]

Se basant sur le raisonnement fait dans Erskine May, le sénateur Comeau a conclu que le fait de juger recevable le projet de loi S-221 au Sénat contreviendrait aux articles 53 et 54 de la Loi constitutionnelle de 1867 ainsi qu'à l'article 81 du Règlement du Sénat.

Les articles 53 et 54 de la Loi constitutionnelle de 1867 se lisent comme suit :

53. Tout bill ayant pour but l'appropriation d'une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d'impôts, devra originer dans la Chambre des communes.

54. Il ne sera pas loisible à la Chambre des communes d'adopter aucune résolution, adresse ou bill pour appropriation d'une partie quelconque du revenu public, ou d'aucune taxe ou impôt, à un objet qui n'aura pas, au préalable, été recommandé à la chambre par un message du gouverneur-général durant la session pendant laquelle telle résolution, adresse ou bill est proposé.

Voici ce que prévoit l'article 81 du Règlement du Sénat :

Le Sénat ne doit pas procéder à l'étude d'un projet de loi comportant l'affectation de fonds publics, sauf si, à la connaissance du Sénat, le représentant de la Reine a recommandé cette affectation.

[Traduction]

Trois autres sénateurs sont intervenus dans ce débat. Madame le sénateur Carstairs a fait la déclaration suivante : « Le projet de loi ne vise pas à faire dépenser de l'argent. Par définition, il ne s'agit donc pas d'un projet de loi de finances. » C'était également l'avis du sénateur Fraser, qui a précisé que presque toutes les mesures législatives peuvent avoir des conséquences sur le plan financier sans que leur but premier soit de faire dépenser de l'argent. Dans son intervention, le sénateur Fraser a indiqué qu'un projet de loi qui ne vise pas à modifier la situation ni la politique budgétaire du gouvernement et qui ne modifie pas les impôts n'est pas un projet de loi de finances, même si, accessoirement, il suppose certaines dépenses.

Prenant la parole, le sénateur Harb, parrain du projet de loi, s'est dit d'entrée de jeu d'accord avec les propos des sénateurs Carstairs et Fraser. Il a ensuite parlé de la perception du projet de loi S-221 comme d'un projet de loi de finances, soulignant qu'en vertu des règlements d'application de ce projet de loi, des droits pourraient vraisemblablement être imposés à ceux qui utilisent le registre. Il se pourrait qu'il n'y ait aucune incidence sur les revenus, tout comme il se pourrait que le registre rapporte des revenus à l'État. Fait intéressant, le sénateur Harb a ajouté que la vérificatrice générale avait clairement reconnu, dans son rapport, l'existence d'une stratégie d'inspection à Santé Canada et la nécessité de parfaire cette stratégie.

[Français]

Je voudrais remercier tous les honorables sénateurs qui ont pris part au débat sur ce rappel au Règlement. J'ai eu l'occasion, depuis, de consulter les autorités en matière de procédure et je suis prêt à rendre ma décision.

En ce qui concerne la présentation du projet de loi S-221 au Sénat, il s'agit de déterminer si les dispositions de ce projet de loi ont pour but « l'appropriation d'une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d'impôts », comme le prévoit l'article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867. Il est très difficile de savoir, sans preuve abondante et en se fondant uniquement sur les dispositions d'un projet de loi, quelles en seront les répercussions financières. De plus, en ma qualité de Président, je ne peux me prononcer sur des questions d'ordre juridique. Comme le Président Molgat l'a souligné dans la décision qu'il a rendue le 2 avril 1998 relativement au projet de loi S-13, Loi sur la responsabilité de l'industrie du tabac :

[Traduction]

La [...] question [...] est de savoir si le prélèvement proposé dans le projet de loi constitue une taxe ou non. Dans l'examen de cette question, je suis contraint de m'en tenir à la règle voulant que le président ne se prononce pas sur une question juridique. Le commentaire 168(5) de Beauchesne est clair : « Le président ne décide d'aucune question d'ordre constitutionnel ou juridique, bien qu'il soit permis de soulever une question de ce genre par rappel au Règlement ou sous forme de question de privilège. »

Je suis par contre autorisé à examiner le projet de loi pour déterminer s'il est bien ce qu'il prétend être.

J'ai trouvé le raisonnement du Président Molgat fort convaincant et j'ai examiné le projet de loi S-221 pour déterminer « s'il est bien ce qu'il prétend être ».

(1550)

Aux fins de mon examen, je me suis inspiré de la décision qui a été rendue par le Président Molgat le 4 février 1997 relativement au projet de loi S-12, Loi prévoyant l'autonomie gouvernementale des premières nations du Canada, et qui se rapporte directement à l'affaire dont nous sommes saisis aujourd'hui :

Dans le cas du projet de loi S-12, [...] je n'y trouve aucun article qui porte clairement affectation de crédits du Trésor. En outre, bien que le sénateur Stanbury soutienne que les articles 16 à 27 risquent peut-être d'obliger le gouvernement à engager des dépenses, on ne sait trop si les opérations envisagées seraient financées par une nouvelle affectation nécessitant une recommandation royale ou par des affectations déjà prévues par d'autres lois. Il n'y a pas non plus dans le projet de loi de dispositions portant de loin ou de près affectation de crédits. Or, ce sont là les conditions à respecter lorsqu'on détermine si un projet de loi doit être accompagné d'une recommandation royale [...] En l'absence d'indication suffisante que, dans sa forme actuelle, le S-12 porte affectation de crédits ou crée une nouvelle obligation financière, je n'ai pas le pouvoir d'empêcher qu'il soit débattu.

[Français]

Dans le cas présent, aucune disposition du projet de loi S-221 ne prévoit l'affectation de fonds publics ou le prélèvement d'une taxe ou d'un impôt. Par contre, ce projet de loi crée un nouveau registre devant être doté par une personne déjà à l'emploi du ministère. Ce processus suppose-t-il des dépenses? Presque assurément. Ces dépenses sont-elles nouvelles? Impossible de l'affirmer avec certitude. Dans la Loi sur le ministère de la Santé, sous la rubrique « Pouvoirs et fonctions du ministre », on peut lire que les attributions du ministre comprennent notamment « l'établissement et le contrôle des normes de sécurité des produits de consommation ». Cette fonction semble viser le même type d'activités que celles prévues par le projet de loi S-221. De plus, comme je l'ai mentionné précédemment, le rapport de la vérificatrice générale a confirmé l'existence d'une stratégie d'inspection qui avait sûrement dû faire l'objet de fonds. L'initiative que nous examinons aujourd'hui pourrait bien être interprétée comme se rapportant au système en vigueur.

[Traduction]

On peut certes soutenir que le fait qu'il s'agit d'un projet de loi qui crée une entité — par opposition à un projet de loi modificatif - peut augmenter les possibilités de nouvelles dépenses, mais je ne crois pas que ce soit nécessairement le cas. Il est tout aussi possible que ce projet de loi demande qu'une fonction existante soit exécutée autrement. Par conséquent, on ne peut affirmer avec certitude que ce projet de loi multiplie les fonctions d'un organisme gouvernemental existant, critère évoqué dans Erskine May.

[Français]

Le sénateur Harb a mentionné qu'il se pourrait que ce projet de loi, du fait qu'il autorise des règlements, impose des droits qui pourraient effectivement rapporter suffisamment pour payer le registre qu'il crée. Bien sûr, la question des droits dont parle le sénateur Harb est hypothétique, et que j'abonde dans le sens contraire serait tout aussi hypothétique. En tant que Président, ce n'est pas ma responsabilité de formuler des hypothèses, mais de faire de mon mieux pour préserver le rôle du Sénat, tant que cela n'empiète pas sur les privilèges de l'autre endroit ou la prérogative financière de la Couronne. Encore une fois, je trouve très convaincantes les observations faites par le Président Molgat dans sa décision au sujet du projet de loi S-13.

[Traduction]

J'aimerais d'abord poser une hypothèse générale. Je suis d'avis qu'il faut présumer, jusqu'à preuve du contraire, que les choses sont conformes ou régulières. Cette supposition m'indique que la meilleure règle à suivre pour le Président est d'interpréter le règlement de manière à permettre le débat au Sénat, sauf s'il est manifeste que la question à débattre est inadmissible.

Le bon sens me porte également à croire que l'on ne souhaite certainement pas que tout projet de loi ayant des répercussions financières de quelque sorte doive être nécessairement présenté dans l'autre endroit. Une telle interprétation entraverait sérieusement le pouvoir du Sénat de proposer des mesures législatives. Pour cette raison et pour les raisons que j'ai mentionnées précédemment, je déclare que le projet de loi S-221 dont le Sénat est actuellement saisi est recevable et que le débat à l'étape de la deuxième lecture peut se poursuivre.

(Sur la motion du sénateur Keon, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI DE MISE EN ŒUVRE DU PROTOCOLE DE KYOTO

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Grant Mitchell propose que le projet de loi C-288, Loi visant à assurer le respect des engagements du Canada en matière de changements climatiques en vertu du Protocole de Kyoto, soit lu pour la deuxième fois.—(L'honorable sénateur Mitchell)

— Honorables sénateurs, j'ai le grand privilège de pouvoir entamer le débat au Sénat sur ce projet de loi et de proposer sa deuxième lecture. J'accepte de parrainer le projet de loi au Sénat avec beaucoup d'humilité et je considère que c'est une grande responsabilité.

Je pense et j'espère qu'au Parlement et au Canada, nous n'en sommes plus à nous demander si des changements climatiques se produisent ou non, et j'espère aussi que plus personne ne croit, pour peu que la chose soit crédible, que les changements climatiques ou les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas causés par l'homme.

Nous n'en sommes plus là. Je ne m'attarderai donc pas à énumérer les conséquences d'une politique ou de l'absence d'une politique qui nous empêcheraient de faire le nécessaire au chapitre des changements climatiques, plus précisément de nous acquitter de nos responsabilités en tant que signataires du Protocole de Kyoto.

Notre pays, comme le reste du monde, est gravement menacé par ce qui pourrait se produire ou se produira si nous ne prenons pas des mesures nationales et internationales concertées pour arrêter l'évolution des changements climatiques.

Je ferai remarquer que même le premier ministre — qui, il y a à peine quelques mois, juste avant Noël, qualifiait dédaigneusement de « prétendus » les changements climatiques ou les gaz à effet de serre — aurait dit la semaine dernière, ou plus précisément le 16 février, que les données scientifiques montrent clairement que ces changements se produisent, qu'ils sont importants et que nous devons agir.

Cette déclaration peut signifier deux choses — et l'une est moins certaine que l'autre. Elle peut indiquer que le premier ministre croit réellement que des changements climatiques se produisent, qu'il croit réellement au bien-fondé des données scientifiques et qu'il est prêt à agir. Mais rien ne prouve qu'il soit prêt à agir — bien au contraire. Quand il a formé le gouvernement, il était même prédisposé à « reculer », si je puis dire. En fait, le premier ministre Harper ne faisait aucun cas de Kyoto, du travail réalisé par le gouvernement précédent, et il a supprimé l'un après l'autre les programmes que son propre Conseil du Trésor jugeait extrêmement rentables, extrêmement efficients et généralement efficaces.

La deuxième chose qui ressort clairement de sa déclaration — et c'est une certitude —, c'est que les changements climatiques constituent désormais un enjeu politique au Canada. Ne serait-ce que pour cette raison, le premier ministre s'est emparé de la question des changements climatiques et de Kyoto parce qu'ils sont devenus des enjeux politiques. Depuis quelques mois, il apparaît clairement que l'environnement, et surtout les changements climatiques, s'imposent au premier rang des préoccupations des Canadiens.

(1600)

Il arrive que les sondages soient contestables, mais ils me semblent clairs dans ce cas-ci. Les Canadiens s'inquiètent des changements climatiques, ils se préoccupent du Protocole de Kyoto et du rôle du Canada à un point qu'on n'a jamais observé, ou rarement, pour quelque problème que ce soit qui se pose au Canada ou sur la planète. Si je le sais, c'est que bien des Canadiens me l'ont dit. Et je le sais d'autant plus que le premier ministre avoue maintenant que, à son avis, les changements climatiques sont un problème et qu'il va agir.

Le gouvernement Harper s'est carrément fourvoyé dans cet important dossier politique et de fond. En fait, les changements climatiques sont peut-être le problème le plus important ou l'un des plus importants qui se soient posés au Canada au cours des 50 dernières années, et le gouvernement Harper ne s'en est pas aperçu. Comme il a un énorme rattrapage à faire, le gouvernement commence à susciter un débat politique, et je vais aborder la question jusqu'à un certain point pour dissiper quelques-uns des nombreux mythes que le gouvernement propage et manipule de différentes manières dans divers médias.

Il y a tout d'abord l'idée que les libéraux ont eu 13 ans pour agir mais ne l'ont pas fait. C'est le contraire, honorables sénateurs. Comme d'habitude, le gouvernement Harper se méprend sur les faits. Les libéraux n'ont guère eu que huit ans. Le Protocole de Kyoto n'a été approuvé qu'en 1997 et il n'a été définitivement ratifié qu'en 2005.

Stéphane Dion, chef du Parti libéral, n'a été ministre de l'Environnement que pendant la dernière année du gouvernement. Je dois dire d'abord que M. Dion a proposé le Projet vert moins de huit mois après être devenu ministre de l'Environnement. Ce plan s'appuyait sur un important travail accompli par le titulaire précédent. Il avait consulté les entreprises et les provinces de façon que le plan, lorsqu'il se concrétiserait, ait une solide crédibilité. Stéphane Dion a mené de larges consultations auprès des Canadiens pendant un certain nombre d'années pour en arriver au point où le plan vert pourrait être mis en place et être efficace.

Ce comportement tranche avec ce que le gouvernement actuel nous a montré récemment. Non seulement le premier ministre ne consulte pas les Canadiens, mais il est aussi arrivé dans un certain nombre de cas qu'il ne consulte même pas son propre caucus.

On ne peut pas dire que les six premières années, presque sept, qui se sont écoulées entre 1997 et 2004, avant que Stéphane Dion ne devienne ministre de l'Environnement, ont été des années perdues. C'est faux. Le plan vert libéral était une initiative énorme en matière de politique d'intérêt public, et il a fallu de grands efforts et beaucoup de concentration pour arriver à la structurer correctement. En huit mois, Stéphane Dion a produit le Projet vert. Ce n'était rien, ce plan vert, comme le gouvernement actuel le prétend? Il a tort.

Qu'est-ce qui pousse le gouvernement à prétendre que ce plan n'est rien du tout? Le gouvernement Harper a annulé les initiatives du Projet vert, dont il a été constaté qu'elles étaient très efficaces, bien plus que la fameuse initiative du laissez-passer pour les transports en commun. Le nouveau gouvernement ne pouvait s'appuyer sur rien pour évaluer ces plans et conclure qu'ils ne valaient rien. J'ai eu l'occasion, au comité, d'interroger l'ancienne titulaire de l'Environnement dans le gouvernement Harper, Mme Ambrose. Elle a dit que le plan vert avait été annulé pour cause d'inefficacité. Toute personne raisonnable supposera que pour passer pareil jugement sur un programme, on doit avoir des données justificatives. On se serait attendu à avoir une étude sur la question. Or, la seule information que nous ayons a été obtenue en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, et la conclusion était exactement à l'inverse. Autrement dit, les programmes étaient très efficaces.

La réponse que Mme Ambrose m'a faite en public était très révélatrice. Elle a amorcé sa réponse à la manière habituelle des conservateurs : elle a lancé une attaque, et l'une de ses conclusions a été que les libéraux n'avaient rien fait. Elle a conclu sa déclaration par ces mots, qui ont probablement contribué à mettre fin à sa carrière de ministre de ce portefeuille : « Je dois vous dire que le gouvernement n'a pas fait un seul examen, une seule étude sur quelque programme environnemental que ce soit. » Il y a eu un grand murmure.

Dans ce cas, comment conclure que ces programmes étaient inefficaces? Il est on ne peut plus vrai que Mme Ambrose a tenu ces propos. Voici ce que j'ai répondu : « Merci, vous avez répondu à ma question. Vous n'avez pas fait d'études. Avec un parti pris idéologique, vous avez présumé que ces programmes ne vous plaisaient pas, et vous les avez annulés. Je vous en prie, dites-moi que vous ne gérez pas de la même manière vos autres initiatives en politique d'intérêt public, même si les indications ne manquent pas pour dire que c'est ce qui se passe. »

Permettez-moi d'exposer le point de vue opposé.

Lorsque le Projet vert a été mis en place, il était clairement compris qu'il permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 270 mégatonnes d'ici 2012 comme le Canada s'y était engagé dans le Protocole de Kyoto. Ce plan a fait l'objet de nombreuses discussions, de débats et d'examens, à la différence de la politique conservatrice sur l'environnement. Quelle a été la conclusion? Même l'un des analystes les plus intransigeants dans ce domaine, Mark Jaccard, qui est bien connu pour sa conviction que l'élimination des carburants fossiles ne réglera pas le problème des gaz à effet de serre, qui jouit d'une grande crédibilité et qui a probablement été un des conseillers du gouvernement conservateur, tellement il est bon, a conclu que le Projet vert, présenté en avril 2005, permettrait des réductions d'environ 175 mégatonnes des émissions de gaz à effet de serre. Cela nous rapproche beaucoup de l'objectif de 270 mégatonnes. Jaccard est un critique virulent de ces programmes, et il écarte presque entièrement les subventions aux économies d'énergie, car il croit, pour une raison ou une autre, qu'elles sont stériles. Il a retiré les subventions de l'équation.

L'Institut Pembina, qui a vu le jour dans ma province, l'Alberta, et qui jouit d'une crédibilité considérable auprès du milieu des affaires et des environnementalistes, a estimé probable que ce programme, structuré comme il l'était, aurait permis des réductions se situant entre les 175 mégatonnes et les 270 mégatonnes de l'objectif à atteindre.

N'oublions pas que c'était en 2005. Nous avions encore trois ans pour mettre en œuvre d'autres programmes et nous assurer d'atteindre l'objectif de 270 mégatonnes avant que ne débute la période, soit 2008-2012. Je ne veux pas entendre le gouvernement brandir des évaluations teintées d'idéologie pour dire que ces programmes ne marchaient pas, car c'est absolument trompeur. Rona Ambrose l'a dit clairement en public, lorsqu'elle était ministre de l'Environnement.

Comme il s'agit d'un enjeu politique d'une telle importance et que les libéraux, sous Stéphane Dion, ont pris une telle longueur d'avance, le gouvernement Harper devait chercher à les discréditer.

Le nouveau gouvernement prétend aussi que, d'une façon ou d'une autre, le projet de loi C-288 est une erreur stratégique pour les libéraux. Les journalistes aiment jouer le même jeu et ils essaient de nous coincer. L'enjeu allait être au centre des prochaines élections que le projet de loi C-288 soit défendu et adopté ou non. Les conservateurs sont dans une posture fort difficile. D'une part, ils ne croient pas que les changements climatiques soient réels, mais ils ne voient aucun moyen de lutter contre ces changements sans que leur politique nuise à l'économie. D'autre part, des preuves abondantes montrent que nous devons agir et que notre action n'a pas à nuire à notre économie.

Les changements climatiques seront un enjeu. Le nouveau gouvernement devra combattre cette idée que l'économie est partout. En fait, sur ce point, l'environnement et l'économie peuvent converger.

Permettez-moi de situer le projet de loi dans son contexte. Il a été présenté en mars 2006 à l'autre endroit par Pablo Rodriguez. Le nouveau gouvernement Harper avait annulé les programmes libéraux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il avait dit clairement qu'il n'était pas convaincu que le Protocole de Kyoto soit une initiative nécessaire ou réalisable. En fait, il y a encore trois mois, le premier ministre parlait toujours des « prétendus gaz à effet de serre ».

(1610)

Le gouvernement n'avait absolument rien proposé de concret pour remplacer nos programmes touchant les changements climatiques. Rien ne se produisait. Pis encore, le gouvernement avait éliminé ces initiatives. Il fallait donc que la population du Canada, les libéraux, les trois partis d'opposition attirent l'attention du gouvernement. Ils devaient agir à un niveau qui obligerait le premier ministre et ses acolytes à accepter finalement qu'il y avait là un problème dont il fallait se soucier, un problème auquel les Canadiens tiennent beaucoup à ce que le gouvernement s'attaque.

C'est dans ce contexte que nous avons conçu ce projet de loi, qui s'est transformé en un énoncé clair. Le gouvernement doit faire quelque chose au sujet de Kyoto. Il doit dresser un plan, et il doit le faire rapidement parce que le Parlement du Canada lui a donné instruction de le faire.

Cet enjeu politique a donné lieu à un débat aussi important qu'intéressant, un débat qui a longtemps mûri dans le secteur de la politique environnementale. Il concerne le rapport entre l'environnement et l'économie. Je suis vraiment consterné de voir que nous avons un gouvernement complètement dépourvu d'imagination. Il est fermement ancré dans le passé et ne veut absolument pas sortir de la zone dans laquelle il se sent à l'aise. En ce XXIe siècle, le gouvernement considère l'économie dans une optique du XIXe et du XXe siècle. Nous devons trouver un moyen de faire avancer en même temps l'économie et l'environnement.

En dépit du fait que le premier ministre a déclaré que nous devons agir, son ministre de l'Environnement, M. Baird, reprend toujours le même refrain : si nous nous conformons au Protocole de Kyoto, si nous faisons ce que nous avons à faire pour nous attaquer aux changements climatiques, notre économie s'effondrera comme celle de la Russie. Encore une fois, y a-t-il des études quelconques à l'appui de cette assertion? Y a-t-il une preuve quelconque que l'économie russe s'est effondrée par suite de problèmes environnementaux? C'est bien possible, après tout, parce que les Russes avaient terriblement négligé l'environnement. Toutefois, pourquoi le gouvernement, et surtout la faction de droite, arrive-t-il à la conclusion que des mesures bien pensées de protection de l'environnement vont ruiner l'économie? Je ne peux tout simplement pas l'accepter.

Dans le cas de la Seconde Guerre mondiale, je suis sûr qu'en 1939, les gens n'auraient pas pu imaginer ce que le Canada aurait à endurer pour gagner la guerre. Les Canadiens n'auraient probablement pas pu imaginer qu'ils en étaient capables, mais ils l'ont fait. Cela n'a pas ruiné l'économie. Cela a en fait stimulé l'économie — malheureusement, pour les mauvaises raisons — et lui a donné une vigueur qu'elle a conservée pendant des décennies.

Pourquoi ne pouvons-nous pas considérer que la politique environnementale est un moyen de créer et de stimuler l'économie de l'avenir? Il est bien possible qu'une politique environnementale mal conçue fasse du tort à l'économie, mais il en est de même d'une politique économique mal pensée. Il faut trouver le moyen d'agir judicieusement et de faire ce qu'il faut non seulement pour atteindre les objectifs environnementaux et nous acquitter de nos responsabilités envers le monde, mais aussi pour stimuler l'économie. De nombreux indices montrent qu'il n'est pas irréaliste d'avoir à la fois une forte politique environnementale et une forte économie.

Considérez la Californie, qui s'est dotée des normes environnementales les plus strictes et les plus rigoureuses d'Amérique du Nord et du monde occidental. Son économie est- elle en ruine? Pas particulièrement, à mon avis. En fait, le gouverneur républicain de droite de la Californie est en train d'adopter des objectifs environnementaux encore plus stricts.

Considérez la Grande-Bretagne. C'est l'exemple parfait du pays qui a su en faire plus que personne n'aurait pu l'imaginer pour atteindre les objectifs de Kyoto, sans pour autant faire du tort à son économie. En vertu du protocole, l'objectif britannique était une réduction de 12,5 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990, à réaliser d'ici 2010. Or la Grande-Bretagne avait déjà adopté cet objectif au même moment de l'année dernière. Aujourd'hui, elle en est à 15 p. 100 et pense pouvoir atteindre 23 à 25 p. 100 de moins que les niveaux de 1990. Elle a donc dépassé ses objectifs de Kyoto. Certains diront immédiatement oui, mais son économie est très différente de celle du Canada. Dans l'économie canadienne, sur l'ensemble des gaz à effet de serre actuellement produits, environ 17 p. 100 sont causés par les centrales au charbon et 18 p. 100 par le pétrole et le gaz. Cela fait 35 p. 100. Voulez-vous savoir quelle proportion des émissions totales de gaz à effet de serre de la Grande- Bretagne provient de ces mêmes secteurs de l'économie? La réponse est 30 p. 100. Il est donc difficile de dire que la Grande-Bretagne a une économie radicalement différente de celle du Canada. Elle a en fait certains des mêmes défis que nous devons relever, mais elle n'a pas éliminé des programmes l'année dernière. Elle a continué à relever ses propres normes, a dépassé son objectif de Kyoto et a continué à le dépasser. Elle n'a pas fait du tort à son économie. En 2006, elle a connu un taux de croissance de 2,6 p. 100, ce qui n'est pas mal, peu importe les circonstances.

Le sénateur Stratton : Que s'est-il passé au Canada?

Le sénateur Mitchell : Nous avons un gouvernement conservateur. Voilà qui fait vraiment mal. Cela me rappelle le postulat selon lequel les temps sont toujours difficiles sous un gouvernement conservateur. J'étais sur le point de dire qu'une mauvaise politique économique mène à une mauvaise économie, qui découle elle-même de ce postulat. J'ai cru pendant un moment que j'arriverais à éviter ce genre de réflexions.

Le monde des affaires est également très avancé. Il y a quelques semaines, j'étais à Calgary en compagnie d'autres sénateurs libéraux et de notre chef, Stéphane Dion, pour rencontrer les membres de la Young Presidents' Organization. J'ai trouvé impressionnant d'être dans la même salle que 40 ou 50 PDG et cadres supérieurs de Calgary. Au sujet de Kyoto et des changements climatiques, ces gens sont tellement en avance sur Stephen Harper que, par rapport à eux, notre premier ministre ne semble même pas avoir abordé le XIXe siècle. Il en est encore au XVIIIe.

Sir Nicholas Stern, qui était ici hier, a fait une puissante déclaration :

Il est maintenant très clair pour moi qu'une politique verte n'est pas incompatible avec la croissance. Je ne crois pas qu'il soit très difficile de concilier la croissance et la responsabilité en matière de changements climatiques. Une bonne politique peut nous donner les deux.

Il a été fait chevalier pour de bonnes raisons. Il est très bon et très connu.

Chez nous, au Canada, tous les jours, de grandes personnalités du monde des affaires disent que nous pouvons atteindre cet objectif. Mettons-nous donc à l'œuvre.

William Andrew, chef de la direction de Penn West Energy Trust, grande entreprise du secteur de l'énergie ayant son siège à Calgary, a déclaré : « La réalité, c'est que de plus en plus de modèles modernes d'entreprise établissent que ce qui est bon pour l'environnement est aussi bon pour le portefeuille à long terme. » Il a donné un exemple de ce que nous pouvons faire. Je vais parler de l'Alberta parce que je suis un Albertain.

Nous sommes sensibles à la question en Alberta, et nous avons besoin de l'être parce que nous avons un gouvernement qui est en train de tenir les Albertains pour acquis parce qu'il a remporté les 28 sièges de l'assemblée. Je veux souligner ce que dit M. Andrew. Pour 1,5 milliard de dollars, on peut construire un pipeline dans la région d'Edmonton qui irait jusqu'à Fort McMurray pour capter le gaz carbonique actuellement produit pas les différentes raffineries et usines de traitement de la région de la capitale provinciale. Ce n'est pas un petit montant, mais il n'est pas non plus exorbitant. Le gaz carbonique pourrait être pompé dans le champ de Pembina, au sud- ouest d'Edmonton, pour faire de la récupération assistée. Ce serait beaucoup moins coûteux que de découvrir de nouveaux champs de pétrole et de forer de nouveaux puits. D'après les estimations de M. Andrew, ce projet permettrait de récupérer 35 000 barils de pétrole par jour, ce qui représenterait quelque 700 millions de dollars par an aux prix actuels. Autrement dit, on peut recouvrer le capital en un peu plus de deux ans. Il serait même possible de vendre le gaz carbonique pour la récupération assistée. Les sociétés pétrolières seraient prêtes à payer. Elles le font déjà et sont en fait à la recherche de gaz carbonique. C'est un peu comme les pluies acides. À l'époque, il semblait impossible de les combattre, mais nous l'avons fait. Aujourd'hui, certains des produits que nous récupérons ainsi sont très recherchés.

Bill Andrew est un exemple classique d'hommes d'affaires de Calgary qui comprend que ce n'est pas un problème insurmontable, qu'il est possible de s'y attaquer, mais qu'il faut le faire à temps pour éviter de prendre du retard sur les autres.

(1620)

Le président de Shell a dit que sa société voulait participer au système des crédits négociables. Que va faire le gouvernement pour que cela se produise, pour nous donner l'infrastructure?

BIOCAP est un réseau de chercheurs et d'experts provenant d'institutions universitaires et d'entreprises de tout le pays, qui cherche les moyens de mettre au point des crédits négociables. Un des principaux buts de BIOCAP, comme le nom le suggère, est de voir comment utiliser les industries de l'agriculture et des forêts pour créer des crédits négociables et stimuler les économies agricoles et sylvicoles, qui sont toutes deux en crise aujourd'hui.

Quelles sont les entreprises derrière BIOCAP? Shell est derrière BIOCAP, ainsi que TransAlta, Suncor, Lafarge, Dofasco, Ontario Power Generation et bien d'autres. Ce n'est pas comme s'il devait y avoir un échange commercial entre le secteur économique, les entreprises et l'environnement.

Quels sont les coûts? Cette question soulève beaucoup de discussions. Peu importe le coût, il s'agit aussi d'un investissement et les entreprises vont investir, là ou ailleurs. L'investissement environnemental est remarquable en ce qu'il est productif. Il accroît la productivité au sein d'une économie qui en a besoin. Il réduit les coûts, augmente l'efficacité et améliore réellement les entreprises.

Pour atteindre notre objectif de réduction de 270 mégatonnes d'ici 2012, il en coûterait entre 10 milliards de dollars et 20 milliards de dollars. J'ai étudié ces chiffres et ils m'apparaissent raisonnables. En fait, de nombreux documents les justifient. En aparté, je dirais que ces chiffres correspondent à un minimum de 75 cents le baril de pétrole ou à un maximum de 1,16 $ le baril. Quand le pétrole se vend à 60 $ le baril, un tel coût ne saurait être le facteur déterminant pour ne pas agir.

En guise de comparaison, pensons à la perte annuelle de 5 milliards de dollars de recettes provenant de la TPS que nous allons subir au cours des cinq prochaines années, parce que le gouvernement a réduit d'un point de pourcentage le taux de cette taxe, ce qui représente au total une perte de 25 milliards de dollars. Y a-t-il quelqu'un au Sénat qui ait personnellement eu conscience de la réduction de la TPS? A-t-on vu une grosse différence dans son porte-monnaie? En réglant une facture au magasin, est-ce qu'on pense à l'économie qu'on est en train de faire? Pas du tout, mais cette baisse a réduit de 25 milliards de dollars les recettes provenant de la TPS. La personne qui traverse Stanley Park aujourd'hui et qui voit les arbres qui sont tombés comprend bien que ces 25 milliards de dollars auraient pu servir à lutter contre les changements climatiques. Quand on regarde les agriculteurs aux prises avec de terribles sécheresses, on commence à penser aux changements climatiques. Quand on regarde les cours d'eau, dont le niveau est de 50 p. 100 supérieur à ce qu'il était il y a quelques décennies, on commence à penser que ces 25 milliards de dollars pourraient valoir quelque chose et qu'ils pourraient changer nos vies d'une manière beaucoup plus significative.

Dans ce débat sur les coûts, il est intéressant de noter que lorsque les entreprises et les conservateurs dénoncent une mesure, ils en augmentent toujours les coûts; ils citent immédiatement les coûts maximums. Quand ils doivent s'attaquer sérieusement à un problème, ils le font au coût le plus bas possible. Il existe bien des exemples et des preuves qui montrent que lorsqu'il a fallu réduire les pluies acides, les coûts ont finalement été nettement inférieurs à ceux qui avaient été prévus au départ.

Cela m'amène à l'argument trompeur qui est invoqué et qui montre que les conservateurs font preuve d'une imagination débordante quand ils ignorent les faits. Ils connaissent rarement les faits, de sorte qu'ils ont souvent recours à leur imagination. Rona Ambrose était excellente à cet égard, pendant un certain temps. On a entendu l'argument bidon concernant la Russie que le ministre Baird a utilisé encore hier. Premièrement, nous n'avons jamais acheté le moindre crédit à la Russie; aucune entreprise canadienne, à ce que je sache, n'a acheté un crédit de la Russie. Deuxièmement, un tel achat serait illégal puisque la Russie n'est pas admissible, en vertu du mécanisme de développement propre, en tant que crédit négociable, si je puis m'exprimer ainsi. Troisièmement, la Russie n'est pas visée. Toutefois, un processus est en place pour évaluer les crédits pouvant être achetés à l'étranger, en vertu du mécanisme de développement propre. Rigoureusement réglementé, il est strict et il jouit d'une grande crédibilité. À l'heure actuelle, environ 350 projets venant de 12 entreprises canadiennes sont à l'étude.

On penserait que les conservateurs se réjouiraient de favoriser l'investissement à l'étranger. Les sociétés canadiennes sont assez puissantes, assez grandes et assez compétitives pour exercer une concurrence partout dans le monde et la soutenir. Je ne dis pas que nous devons nécessairement acheter des crédits à l'étranger, mais s'ils peuvent être transformés en possibilités d'investissement économique à l'étranger, pourquoi encourager nos sociétés à investir dans tous les autres secteurs économiques à l'étranger, mais pas au Canada?

Le président de la Bourse de Toronto a dit hier que le gouvernement nous freinera s'il ne nous autorise pas à acheter des crédits négociables à l'étranger et au Canada pour créer un marché. À mon avis, une des énormes possibilités économiques qui nous est offerte à cet égard, c'est le marché des crédits négociables, et je crois que ce marché devrait être établi en Alberta, probablement à Calgary. Un jour, je demanderai l'appui du Sénat en ce sens. BIOCAP cherche sérieusement des moyens de constituer des crédits négociables pour aider les économies des secteurs agricole et forestier.

Pour conclure cette partie de mes observations au sujet des coûts et de l'environnement par rapport à l'économie, je dirai qu'il s'agit peut-être là de l'une des plus grandes possibilités économiques que notre pays a jamais connue. L'honorable Stéphane Dion a parlé de « la prochaine révolution industrielle » et il a tout à fait raison. Si nous ratons la prochaine révolution industrielle, il nous sera peut- être absolument impossible de nous rattraper. L'économie du XXIe siècle reposera sur le savoir, la technologie, la science et la propriété intellectuelle.

Cette caractéristique centrale de cette économie sera au centre de l'économie de demain. Le gouvernement n'a pas l'imagination qu'il faut pour saisir ce concept et pour agir dans cette direction; en fait, il le combat avec la dernière énergie. Ma préoccupation profonde ne porte pas sur ce qui va se passer si nous prenons des mesures pour respecter le Protocole de Kyoto mais, plutôt, si nous ne mettons pas Kyoto en œuvre, car nous aurons laissé passer une énorme occasion sur le plan économique. Nos concurrents dans le monde entier nous auront devancés et, un jour, nos produits seront menacés, parce que leurs marchés ne seront pas bien disposés envers des produits qui ne seront pas à la hauteur des normes environnementales.

J'aimerais aborder la question de l'Alberta et de Kyoto parce que je suis de l'Alberta. Les gaz à effet de serre constituent une question délicate pour les Albertains. Le sénateur Banks, le sénateur Tardif, le sénateur Hays et le sénateur Fairbairn partagent certainement cette préoccupation et ils sont sensibles à cette question. Il n'est pas inéluctable qu'elle aille à l'encontre des intérêts de l'économie canadienne en général ou de celle de l'Alberta en particulier. Seulement 3,5 p. 100 de nos gaz à effet de serre proviennent du secteur des sables bitumineux. Nous ne réglerons pas ce problème en nous en prenant aux sables bitumineux. Seulement 17 p. 100 de nos émissions de gaz à effet de serre proviennent du secteur pétrolier et gazier en amont, qui n'est pas uniquement situé en Alberta. Donc, nous ne réglerons pas ce problème en nous attaquant uniquement à ce secteur. Étant Albertain, je m'inquiète de ce que le gouvernement actuel est disposé à faire pour des raisons politiques, des raisons politiques impératives, parce qu'il détient 28 sièges en Alberta et certains indices donnent à penser qu'il commence à tenir l'Alberta pour acquise. Cela dit, ce n'est pas inéluctable et, si c'est fait dans les règles de l'art, ce sera fait comme un exercice national et un défi national, comme le Canada l'a fait tout au long de son histoire. J'irais jusqu'à dire que ce serait non seulement excellent pour l'économie, mais que ce pourrait devenir une grande force unificatrice. Nous pourrions travailler ensemble, dans notre coin du monde, pour régler ce problème et apporter notre contribution, comme les Canadiens l'ont fait si souvent par le passé.

(1630)

Je tiens à signaler que ce n'est pas nécessairement le secteur de l'exploitation des sables bitumineux qui est le pire, parmi les grands émetteurs. En fait, Syncrude émet environ 10,6 mégatonnes par année, alors que la centrale électrique de Nanticoke produit quelque 17 mégatonnes par année. Pour nous attaquer au problème, il faut tenir compte d'à peu près tous les secteurs et de tout le pays au lieu de s'en prendre à certains secteurs. Les Albertains peuvent se rassurer à l'idée que, si on s'y prend correctement, il n'est pas forcé qu'on nuise à leur économie — ni à l'économie du reste du pays, car l'Alberta est le moteur de l'économie canadienne depuis un bon moment.

Voilà ce que j'avais à dire. Je tiens à souligner que la mesure législative à l'étude est marquante, que, au cours de l'année écoulée, le Canada ne s'est pas très bien acquitté de ses devoirs dans ce dossier et que les perspectives sont exceptionnellement bonnes pour nous : nous pouvons atteindre nos objectifs, assumer notre responsabilité en droit international et saisir l'occasion qui s'offre à nous.

Ce qu'il nous faut, c'est quelque chose dont nous sommes privés : le leadership. Oui, le gouvernement parle de leadership, il manipule cette idée et nous avons droit à un leadership qui nous donne des peines minimums obligatoires pour résoudre un problème qui n'existe pas. Nous avons droit à un leadership en matière d'« équité fiscale » qui donne plus d'argent aux riches et moins aux pauvres. Mais il n'y a aucun leadership lorsqu'il s'agit d'un problème important, énorme pour notre pays, nos enfants et nos petits- enfants. Nous avons besoin de leadership. En guise de conclusion, honorables sénateurs, je dirai que le projet de loi C-288 est exactement ce qu'il nous faut. Il propose un leadership, et le Sénat doit l'appuyer.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

[Français]

L'ÉTUDE SUR LES QUESTIONS CONCERNANT L'AFRIQUE

RAPPORT DU COMITÉ DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL—MOTION D'ADOPTION ET DEMANDE D'UNE RÉPONSE DU GOUVERNEMENT—AJOURNEMENT DU DÉBAT

Le Sénat passe à l'étude du septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international intitulé Surmonter 40 ans d'échec : Nouvelle feuille de route pour l'Afrique subsaharienne, déposé au Sénat le 15 février 2007. —(L'honorable sénateur Segal)

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, je propose :

Que le septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international intitulé Surmonter 40 ans d'échec : Nouvelle feuille de route pour l'Afrique subsaharienne, déposé au Sénat le 15 février 2007, soit adopté et que, en application du paragraphe 131(2) du Règlement, le Sénat demande au gouvernement d'y fournir une réponse complète et détaillée, le ministre des Affaires étrangères, le ministre du Commerce international, la ministre de la Coopération internationale et le ministre de la Défense nationale étant désignés ministres chargés de répondre à ce rapport.

[Traduction]

— Honorables sénateurs, je voudrais dire quelques mots du fond de notre rapport et le recommander à votre réflexion.

Je tiens à dire d'abord que les 16 recommandations, sur lesquelles les membres du comité se sont largement entendus et qui sont devenues le fond de notre rapport, traduisent de façon très générale l'analyse que le comité a faite de la situation de l'aide étrangère en Afrique, des difficultés de ce continent en matière d'économie et de développement et du meilleur moyen de promouvoir le rôle du Canada comme élément de la solution plutôt que du problème.

Par leur nature, les médias d'information sont portés à s'intéresser à ce qui leur semble le plus digne de faire la nouvelle. L'une de nos recommandations porte sur l'ACDI, mais il y en a 14 autres qui portent sur d'autres questions.

Je tiens à ce qu'il soit bien clair que ce que nous avons dit de la structure de l'ACDI ne doit pas s'interpréter comme une critique des hommes et femmes exceptionnels qui y travaillent. Nous l'avons bien dit lorsque nous avons présenté le rapport et tenu une conférence de presse, où j'étais accompagné par le sénateur Dawson et le distingué vice-président du comité, le sénateur Stollery. Ceux qui travaillent à l'ACDI sont attachés aux objectifs internationaux de l'organisation et à ses engagements en matière d'aide à l'étranger. Je tiens en haute estime le président relativement nouveau de l'organisation, Robert Greenhill, qui est venu du secteur privé pour s'associer aux efforts de l'ACDI.

Nous avons dit que la structure de l'ACDI et son mode de fonctionnement ne sont pas imputables à ceux qui y travaillent. Ainsi, ce ne sont pas les gens de l'ACDI qui ont décidé que 80 p. 100 des employés travailleraient au Canada et seulement 20 p. 100 à l'étranger. Divers gouvernements ont pris cette décision parce qu'il coûte cher de garder des gens sur place, dans les pays bénéficiaires. Ce ne sont pas ceux qui travaillent à l'ACDI qui ont décidé qu'il y aurait, en 12 ans, 11 ministres chargés de l'ACDI. Ils n'y sont pour rien.

La thèse que le comité veut soumettre à la réflexion des sénateurs — et, peut-on l'espérer, du gouvernement et de tous les partis politiques qui se soucient de l'aide à l'Afrique —, c'est que nous avons le devoir de faire les choses correctement. Nous avons le devoir de soutenir financièrement et d'encourager l'Afrique de la manière qui a le plus de chance de donner des résultats appréciables.

Le comité a tenu plus de 80 séances et accueilli près de 400 témoins au Canada, dans divers pays d'Afrique et chez nos alliés d'Europe et d'ailleurs, afin de profiter du travail qu'ils ont fait sur l'aide à l'étranger. Les témoins ont dit que l'ACDI était devenue, pour des raisons d'ordre structurel, l'une des agences d'aide les plus lentes, inefficaces et lourdes qui soient.

Il est tout à l'honneur du comité d'avoir essayé de trouver une façon de maximiser nos efforts dans le cadre de l'aide étrangère fournie par le Canada. Il ne s'agit pas de donner davantage, mais bien de voir à ce que l'aide que nous offrons soit plus efficace et les opérations plus transparentes.

Dans cette optique, et plus précisément en ce qui concerne l'ACDI, il est proposé que nous revoyions le tout en tenant compte des défis actuels. Deuxièmement, nous devrions songer à la possibilité d'adopter une loi distincte pour régir l'ACDI. En effet, à l'heure actuelle, il n'y a pas de loi régissant l'ACDI, seulement un paragraphe dans la Loi sur les affaires étrangères. Compte tenu de l'argent en cause, une loi distincte permettrait d'améliorer la reddition de comptes, d'accroître le rôle de supervision des parlementaires et probablement de donner un souffle nouveau à l'ACDI, afin qu'elle puisse faire le travail que les gens qui en font partie veulent faire, j'en suis certain.

L'autre option qui a été présentée, et qui a grandement attiré l'attention des membres du comité, est la nécessité de réunir en un seul endroit toutes les activités reliées à l'Afrique. Les Africains que les membres du comité ont rencontrés ont affirmé qu'ils ne voulaient pas d'aide et qu'ils voulaient plutôt qu'on leur permette de faire du commerce. Ils ont dit qu'ils voulaient faire eux-mêmes des efforts pour renforcer leur économie, ce qui explique pourquoi le comité a exhorté le Canada, dans une autre de ses recommandations, à assumer un rôle de chef de file dans le cadre du cycle de Doha pour que l'on puisse trouver des solutions aux obstacles qui empêchent les produits agricoles africains de se rendre sur les marchés européens. Nous devons trouver une solution pour que les Africains puissent gagner leur vie, comme ils nous ont affirmé eux-mêmes qu'ils voulaient le faire.

La diligence, la détermination, le travail et l'engagement dont les Africains font preuve dans le but d'améliorer leurs conditions de vie sont vraiment remarquables quand on pense à tous les problèmes de santé et aux obstacles commerciaux auxquels ils doivent faire face. Je suis d'avis que nous devons examiner la situation sous l'angle de ce qu'ils doivent combattre dans leurs propres gouvernements. Un expert de l'université américaine de Washington a laissé entendre que les gouvernements sortaient près de 148 milliards de dollars de l'Afrique et qu'ils utilisaient cet argent à des fins qui n'ont rien à voir avec l'intérêt public.

Honorables sénateurs, prenons comme point de comparaison les années 1963 et 1964, alors que la Zambie, le Kenya et la Corée du Sud avaient environ le même PIB par habitant. Nous savons ce qui s'est produit depuis ce temps. La Corée du Sud et l'Asie ont connu un essor formidable. La croissance mondiale a été remarquable, et nos amis africains n'ont cessé de perdre du terrain. Par ses 16 recommandations, le comité se dit d'avis que nous devons commencer à nous attaquer aux barrières qui nuisent à la croissance économique et qui anéantissent les efforts faits par nos collègues africains pour progresser. S'ils poursuivent ces efforts avec ardeur, si des mères et des grands-parents s'occupent des enfants dont ils ont hérité à cause des ravages du sida, si de petits entrepreneurs continuent de travailler malgré l'insécurité qui caractérise en bonne partie la région des Grands Lacs d'Afrique, nous devrions certainement avoir le courage de nous demander si nos politiques ne pourraient pas être mieux structurées pour qu'elles produisent les effets escomptés sur le terrain.

(1640)

Permettez-moi de parler plus particulièrement de quelques-unes des recommandations les plus importantes.

Le nouveau Bureau de l'Afrique réclamé par le comité servirait de véhicule pour un ministre principal chargé du développement international, dans le domaine de l'aide, du commerce et de la sécurité. J'aimerais souligner particulièrement les conseils qu'a prodigués au comité notre collègue, le sénateur Dallaire, qui a eu la gentillesse d'être présent à certaines de nos audiences. Ses arguments se résument ainsi : le Canada a accepté de verser sang et argent pour résoudre des problèmes en Europe centrale et au Moyen-Orient. Nous avons dû payer un prix élevé pour ces interventions, qui se sont produites récemment. Mais lorsqu'il s'agit du continent africain, nous avons tendance à détourner le regard. Je pense bien exprimer le point de vue de tous les membres de notre comité lorsque je dis, en tout respect, que dans le choix de nos priorités futures en matière de politique étrangère, nous devrions considérer la sécurité de l'Afrique et la collaboration avec l'Union africaine et les autres organisations africaines pour les aider et pour renforcer la sécurité comme des ingrédients essentiels en vue de favoriser la croissance économique et l'expansion grâce aux efforts des Africains eux-mêmes. J'invite nos compatriotes canadiens à ne pas se méprendre quant à l'importance stratégique véritable du continent africain pour les intérêts canadiens, quelle que soit la distance qui nous sépare de ce continent. Si nous laissons d'autres États sombrer dans la précarité, si nous ne respectons pas l'engagement pris par le premier ministre Chrétien à Kananaskis en vue de fournir de l'aide dans le cadre du NEPAD, engagement impliquant les pays du G8 et les partenaires africains qui étaient présents, si nous ne récompensons pas les pays qui cherchent à se démocratiser, à réduire la corruption et à favoriser la croissance économique, nous sommes essentiellement en train de dire que certains dirigeants d'Afrique peuvent continuer impunément de tirer profit de la corruption et de priver les Africaines et les Africains de leur droit au progrès économique et social.

Dans les États faillis comme le Zimbabwe, les personnes de haut rang — professionnels, médecins, avocats, enseignants — quittent le pays parce que l'instabilité les empêche de jouer un rôle dans leur propre société. L'émergence de ces États faillis favorise l'implantation d'organisations terroristes, de régimes voyous, de trafiquants de drogue et d'autres criminels en Afrique, ce continent si riche de possibilités. Et nous en subirons les conséquences.

J'ai été touché par le sénateur Mahovlich, qui était du premier voyage du comité en Afrique. Il a connu un de ces malaises passagers causés parfois par des séjours dans certaines régions. Mais il ne s'est pas découragé. Au Congo, il a été aussi touché que les autres par le fait que, malgré la richesse minérale du pays — cobalt, or, cuivre et zinc —, il n'y avait aucune route permettant d'acheminer ces ressources aux marchés afin de générer une croissance économique. Lorsqu'il est rentré au Canada, le sénateur Mahovlich a souligné au comité l'importance des routes. Voici ce qu'il a dit à l'ACDI et à d'autres : « Nous savons comment construire des routes. Pourquoi les Canadiens ne construisent-ils pas de routes? Ce serait un geste si simple, mais si important. » Pour être honnête, il faut dire que l'ACDI ne finance pas de projet précis, mais collabore avec des partenaires sur le terrain, une orientation stratégique tout à fait valable. Nos ambassadeurs et nos hauts- commissaires ont déclaré au comité, sur place, que d'autres pays prennent des décisions relatives à l'aide étrangère en suivant les conseils de leurs ambassadeurs, de leurs hauts-commissaires et du personnel sur le terrain. Par contre, nos ambassadeurs et nos hauts- commissaires ne font pas partie des discussions. Les décisions sont prises à Gatineau, sans que les gens qui travaillent sur le terrain, qui servent le Canada et qui s'intègrent du mieux qu'ils le peuvent aux sociétés locales puissent offrir des conseils et faire des recommandations.

Le rapport du comité traite du Fonds monétaire international. Cette étude est relativement nouvelle pour le comité. Le projet Afrique a été lancé par le sénateur Stollery et d'autres sénateurs avant mon arrivée. Le comité a souligné que plus jamais, à titre de bailleur de fonds du FMI, de la Banque mondiale, nous ne devrions imposer à des pays africains des conditions que nous n'accepterions jamais si elles nous étaient imposées. Il est maintenant généralement admis que certaines de ces conditions ont entraîné des rachats par anticipation dans l'économie subsaharienne et que nombre d'Africains ont payé un prix très élevé.

Nous croyons profondément que le rôle que le Canada doit jouer à Doha, outre l'avancement et la protection de nos intérêts, consiste aussi à contribuer à la suppression des barrières aux exportations agricoles africaines. Les pays africains exportent surtout des produits tropicaux. Il n'y a pas de concurrence entre les agriculteurs de la Saskatchewan et ceux de l'Afrique en ce qui concerne les produits tropicaux. Il est important pour nous de le faire valoir parce que l'agriculture constitue, dans le proche avenir, pour la vaste majorité des Africains, le secteur économique où ils ont le plus de chances d'être autorisés à expédier leurs produits à l'étranger et d'obtenir un prix équitable.

Honorables sénateurs, je vais parler du Bureau de l'Afrique et de la raison pour laquelle le comité considère qu'il est important. Nous comprenons l'importance de nos relations dans cet hémisphère avec les États-Unis et les autres pays des Amériques. Nous avons une longue tradition de relations avec l'Europe et en particulier avec le Royaume-Uni. Nous croyons que le bureau africain est un moyen pour nous de montrer que l'Afrique est une priorité pour notre pays. L'aide et les investissements du Canada dans cette partie du monde devraient permettre de sortir les gens de la pauvreté en leur fournissant les outils pour le faire par eux-mêmes.

L'honorable Wilbert J. Keon : Le sénateur Segal accepterait-il de répondre à une question?

(1650)

Son Honneur le Président : Nous allons devoir prolonger la période prévue si le sénateur Segal souhaite répondre à une question. Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Keon : Les remarques de l'honorable sénateur étaient très émouvantes et importantes, mais j'ai remarqué que la santé en était absente. C'est peut-être parce qu'il pense que cela concerne l'Organisation mondiale de la santé et d'autres organismes semblables. J'ai déjà déclaré au Sénat que je crois que la plus grande menace pour le Canada n'est pas l'environnement, mais une terrible pandémie qui proviendra de l'Afrique lorsqu'un micro- organisme subira une mutation et qu'il se produira une défaillance du système de confinement. Une telle épidémie pourrait décimer notre population, à moins que nous n'investissions de modestes sommes pour éliminer les maladies comme la malaria et la tuberculose. Ces maladies peuvent facilement être éradiquées à un modeste coût. Il est pour l'instant impossible d'éliminer le sida, mais des découvertes encourageantes se pointent à l'horizon. Est-ce que son bureau s'occupera de la question?

Le sénateur Segal : Je remercie le sénateur Keon de la question. Je m'en voulais de ne pas consacrer une partie du temps qui m'est alloué aux recommandations nos 12 et 13 du rapport, qui concernent précisément les crises sanitaires. Au moyen de ces recommandations, les membres du comité en appellent à de nouvelles initiatives visant à réduire la menace du paludisme et à fournir des médicaments aux personnes souffrant de cette maladie, à élaborer un plan mondial unique, harmonisé et doté de toutes les ressources nécessaires pour régler la crise du VIH-sida. Il faut chercher plus particulièrement à empêcher la propagation de la maladie, à travailler de façon intensive, en Afrique, avec les organisations non gouvernementales, les organismes communautaires locaux, les chefs traditionnels et les guérisseurs pour enrayer à la source l'incidence du sida dans les régions rurales, ainsi qu'à s'attaquer au grave problème de la mutilation génitale des femmes.

En outre, pour que le Canada puisse améliorer sa contribution à la résolution des crises sanitaires en Afrique subsaharienne, on recommande au gouvernement de modifier le Régime canadien d'accès aux médicaments et la loi qui régit ce régime de manière à accélérer les envois de médicaments en Afrique pour les victimes du VIH-sida. Le gouvernement fédéral devrait songer à acheter directement des médicaments antirétroviraux et associés appropriés pour les distribuer par l'entremise d'organisations non gouvernementales de bonne réputation dans toute la région subsaharienne. Enfin, le gouvernement devrait consacrer une part importante de son aide publique au développement à l'achat de moustiquaires bon marché traitées à l'insecticide, ainsi qu'à l'application de DDT sur les murs intérieurs des maisons africaines dans les basses régions tropicales où le paludisme sévit normalement.

Je suis parfaitement au courant de l'engagement pris par Paul Martin, lorsqu'il était premier ministre, d'accroître massivement la quantité de médicaments expédiés en Afrique. Cependant, pour des raisons liées aux lois sur les brevets, à l'OMC et au reste, et sur lesquelles il n'exerçait aucun contrôle, les médicaments ne sont jamais partis. En se fondant sur cet engagement, il serait juste de dire que notre comité était fermement déterminé à faire une percée dans les processus bureaucratiques afin d'envoyer des médicaments sur le terrain le plus rapidement possible.

L'honorable Daniel Hays : J'ai été très intéressé par les recommandations du comité donnant à entendre que le commerce plutôt que l'aide était la solution aux problèmes de l'Afrique. Ce continent a une économie fondée en grande partie sur l'agriculture. Le comité a eu des discussions avec les institutions financières internationales. Une des avenues de solution au problème passe par les négociations du cycle de Doha et la libéralisation du commerce, ce qui donnerait aux Africains l'accès aux marchés des pays développés. Une autre voie a été évoquée par un témoin provenant de l'Union des producteurs agricoles du Québec, et elle consiste à redonner aux Africains certaines des exemptions qu'ils ont perdues en raison des exigences des institutions financières internationales. Le sénateur pourrait-il nous dire si, à son avis, ce sont là des possibilités?

Le sénateur Segal : Le comité a examiné ce témoignage très attentivement et n'exclurait pas cette option. Nous n'avons pas eu de discussion approfondie sur le rôle des institutions financières internationales ni, par exemple, sur les détails concernant les offices canadiens de commercialisation. Nous ne croyons pas qu'il serait financièrement nuisible au Canada d'aborder les exemptions de façon constructive, bien au contraire.

Nous avons également fait allusion au fait que beaucoup d'agriculteurs et de petites entreprises du domaine agroalimentaire sont aidés par le microcrédit. En outre, la magnifique et distinguée coopérative de crédit que sont les caisses Desjardins, au Québec, sont très présentes dans le développement du microcrédit sur l'ensemble du continent africain et nous espérons que cet exemple sera suivi.

[Français]

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, j'aimerais tout d'abord féliciter les membres du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international pour ce très beau travail, très approfondi.

En ce qui concerne votre recommandation de mettre sur pied un bureau de l'Afrique, est-ce que les ambassadeurs ou les témoins que vous avez entendus en Afrique étaient favorables à cette idée ou est- ce une recommandation que nous, les Canadiens, allons imposer à l'Afrique?

Le sénateur Segal : Les membres des services étrangers en Afrique nous ont indiqué que si les décisions d'appuis économiques étaient prises localement, et que si les membres de l'équipe de ce nouveau bureau de l'Afrique étaient postés dans nos ambassades sur le continent africain, cela améliorerait grandement les décisions prises et l'efficacité de ces membres à titre de représentants du Canada.

Le sénateur Losier-Cool : Plusieurs d'entre nous ont déjà eu la chance de visiter l'Afrique et de travailler avec des parlementaires africains. On connaît la force, la vitalité, la vaillance, le cœur des femmes africaines. Pouvez-vous commenter l'apport des femmes africaines dans les recommandations du comité?

Le sénateur Segal : Je pense que le pourcentage élevé de femmes élues dans plusieurs Parlements africains n'a pas échappé aux membres de notre comité.

Deuxièmement, au sujet de l'agriculture et de la microfinance, il semble que les instruments de financement favorisant les initiatives et l'investissement soient bénéfiques aux femmes d'affaires en Afrique.

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, le sénateur Segal a mentionné qu'un des problèmes de l'agriculture africaine était l'accès aux marchés mondiaux. Mais pour ces agriculteurs, n'y a-t-il pas un problème en ce qui a trait à l'accès de leurs produits sur le marché? N'y a-t-il pas aussi un problème en ce qui concerne les produits qui viennent des nations industrialisées et qui arrivent sur leurs tablettes à un prix inférieur à ce qu'ils peuvent produire?

Le sénateur Segal : Le sénateur a parfaitement raison. Un des problèmes concerne les subventions américaines ou européennes. De temps en temps, les produits arrivent en Afrique avec une valeur commerciale, ils sont disponibles à bon marché, ce qui peut nuire à l'effort local de créer une économie de souche.

Deuxièmement, nous avons un problème avec nos amis africains pour ce qui est de faciliter le transport des produits agricoles entre les frontières africaines. Lorsqu'on a parlé du NEPAD et de M. Chrétien, certains témoins ont ajouté que nous devons être responsables lorsque nous établissons des critères pour accorder une aide financière. Si leurs frontières étaient plus perméables, les Africains pourraient bénéficier d'un marché assez grand, pas seulement limité à leur pays.

(Sur la motion du sénateur Corbin, le débat est ajourné.)

(1700)

[Traduction]

L'ÉTUDE SUR L'ÉTAT ACTUEL ET LES PERSPECTIVES D'AVENIR DE L'AGRICULTURE ET DES FORÊTS

RAPPORT INTÉRIMAIRE DU COMITÉ DE L'AGRICULTURE ET DES FORÊTS—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'étude du troisième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, intitulé La politique agricole et agroalimentaire au Canada : Les agriculteurs d'abord!, déposé au Sénat le 21 juin 2006.—(L'honorable sénateur Fraser)

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, lorsque j'ai demandé l'ajournement du débat, je l'ai fait par souci de courtoisie envers le Comité de l'agriculture et des forêts, car, comme vous le savez tous, ce n'est pas tout à fait mon domaine de compétence. Je me suis cependant familiarisée quelque peu depuis avec le sujet dont traite ce rapport. Son importance m'impressionne, mais je ne suis encore à peine qu'une observatrice compétente. Je suis tout simplement frappée par l'importance considérable que revêt la situation de nos agriculteurs.

Au moment où l'on se parle, le Comité de l'agriculture se consacre à son étude portant sur la pauvreté en milieu rural, ce qui est un autre aspect de la question. Je crois savoir que plusieurs membres du comité souhaitent s'exprimer à ce sujet. Je demande donc que, si les sénateurs y consentent, le débat soit ajourné pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion du sénateur Fraser, le débat est ajourné.)

L'ÉDUCATION POSTSECONDAIRE

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Tardif, attirant l'attention du Sénat sur des questions concernant l'éducation postsecondaire au Canada. —(L'honorable sénateur Callbeck)

L'honorable Marilyn Trenholme Counsell : Honorables sénateurs, je prends la parole au nom du sénateur Callbeck, actuellement en voyage avec le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, lequel tient des audiences sur la pauvreté en milieu rural.

Il me fait grand plaisir d'intervenir au sujet de l'interpellation du sénateur Tardif. J'admire sa passion, issue d'une brillante carrière dans l'enseignement, et son dévouement indéfectible à cette question. Le 13 juin 2006, madame le sénateur Tardif s'adressait à ses collègues sénateurs en ces termes :

J'ai la conviction que, malgré l'importance reconnue de l'éducation postsecondaire pour la réussite économique et sociale des Canadiens, les gouvernants et les décideurs n'ont pas su lui donner l'attention, l'orientation et le soutien financier qu'elle mérite.

Nous devons agir maintenant, honorables sénateurs, rapidement, efficacement et intelligemment pour mettre fin à l'état de stagnation où se trouve cet important enjeu de politique et sortir de l'impasse.

Le sénateur Tardif nous a rappelé que le taux d'achèvement des études postsecondaires au Canada, qui est de 44 p. 100, n'est pas suffisant. Nous devons viser plus haut pour affronter, au XXIe siècle, la concurrence de pays comme les États-Unis, l'Inde et la Chine, et nous devons faire beaucoup plus pour accroître le rapport entre étudiants des cycles supérieurs et étudiants de premier cycle dans nos universités, afin qu'il soit comparable à celui d'autres concurrents locaux.

Madame le sénateur Tardif, dans son interpellation, a clairement fait ressortir l'urgence d'agir. Elle a déclaré :

La course est lancée [...] attendre encore un an, ou davantage, peut faire la différence, pour le Canada, entre être un joueur de calibre mondial ou un aspirant à ce titre.

Je viens du Canada atlantique. Dans cette région, nous nous rendons compte que, pendant trop longtemps, nous avons exporté les cerveaux. Nous sommes résolus à faire mieux pour garder nos éléments les plus brillants dans la région, ou du moins pour les y ramener après qu'ils auront vécu des aventures enrichissantes et acquis de l'expérience dans d'autres régions du Canada et du monde.

Les compétences, les réalisations scolaires et professionnelles et la fierté des jeunes hommes et femmes des quatre provinces maritimes ne relèvent pas du hasard. Il ne s'agit pas seulement de femmes et d'hommes forts qui ont bravé les éléments de l'Atlantique et subi l'isolement de notre région par rapport au pouvoir du Canada central, et maintenant de l'Alberta. Il y a un peu de cela, mais il y a aussi la remarquable tradition d'éducation de la région atlantique du Canada, tradition née avec les premiers arrivants.

Cette tradition a vu le jour en grande partie dans la salle à manger des maisons des familles françaises, britanniques, allemandes et scandinaves, pour n'en mentionner que quelques-unes. De ces maisons sont issus les hommes et les femmes qui ont fondé nos universités et nos collèges, qui aujourd'hui s'intègrent aisément dans le tissu de nos collectivités.

Si vous vous rendez à St. John's, à Terre-Neuve, vous verrez sur les falaises de cette grande ville l'étonnante Université Memorial. Venez à Moncton, au Nouveau-Brunswick, et vous serez surpris de la fierté que provoque l'Université de Moncton dans notre société bilingue et à l'échelle de la francophonie. L'Université de l'Île-du- Prince-Édouard et le collège Holland ont connu une croissance remarquable dans des domaines reconnus sur la scène internationale. Tout cela a commencé au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, où il y a probablement le plus grand nombre de Tim Hortons par habitant, mais aussi le plus grand nombre de places dans les universités et collèges.

L'Université Mount Allison a été la première du Commonwealth à décerner un baccalauréat à une femme, en 1875. L'Université du Nouveau-Brunswick est l'une des plus anciennes universités d'Amérique du Nord. Sa fondation remonte à 1829.

Le mouvement coopératif a vu le jour à l'Université Saint- François Xavier, à Antigonish, en Nouvelle-Écosse, et cette province rivalise constamment d'excellence avec le Nouveau- Brunswick dans les programmes de premier cycle universitaire. Les Universités Acadia, Saint-François Xavier et Mount Allison occupent à tour de rôle la première place du classement à l'échelle nationale, et elles sont toujours dans le groupe de tête.

La Nouvelle-Écosse est riche des longues traditions de l'Université King's College, de l'Université Dalhousie et de l'Université acadienne Sainte-Anne, alors qu'au Nouveau-Brunswick, les arts libéraux font la réputation de l'Université St. Thomas, à Fredericton.

Nos collèges communautaires, nos collèges d'artisanat et de conception ainsi que nos institutions confessionnelles, comme l'Université baptiste de l'Atlantique, complètent la riche palette des programmes de formation universitaire dans la région atlantique.

Pourtant, de nombreux jeunes de la région ne profitent pas de ces programmes, pour des raisons dont je vais parler plus tard et qui devraient nous inciter, vous et moi, mes collègues sénateurs, à prendre la parole et à agir.

Je voudrais toutefois vous donner d'abord un aperçu de la noblesse et de la force de la vision qui émane des chefs de file du monde de l'éducation dans ma province d'origine.

John McLaughlin, président de l'Université du Nouveau- Brunswick, a déclaré ceci le 9 janvier 2007 :

Le choix de l'excellence et de la qualité nécessitera de l'imagination et du courage [...]

Au moment d'entrer en fonction à titre de dix-septième président de l'Université du Nouveau-Brunswick, ce dirigeant visionnaire a décrit son université comme une source primordiale de savoir et de talent, qui constituent le fondement essentiel de la compétitivité et de la prospérité.

De la poésie aux progrès de l'imagerie par résonance magnétique, en passant par le développement des enfants et une relation sans cesse plus étroite avec la Chine pour la formation en administration des affaires, l'Université du Nouveau-Brunswick représente le savoir et l'enrichissement. Elle est la gardienne des valeurs culturelles et un instrument de réforme qui constitue un exemple de ce que les êtres humains ont de mieux à offrir comme interactions et comme volonté de réussir.

M. McLaughlin a déclaré avec conviction que le bien-être futur des Canadiens serait en fin de compte grandement déterminé par la qualité et l'efficacité de la formation. Il a en outre dit ceci :

Si le rôle de l'État est de créer un climat propice au changement, le rôle de la formation est d'être l'instrument du changement et le rôle du secteur privé, d'être le moteur du changement.

L'équation est assez simple : le gouvernement, les maisons d'enseignement et les entreprises sont les trois partenaires qui feront progresser le Canada au XXIe siècle.

(1710)

Le président de l'UNB ajoute :

Les pouvoirs publics doivent faire preuve d'un leadership ferme et investir non seulement dans le domaine des changements climatiques, mais encore dans l'éducation nationale, suscitant un climat propice à la recherche, à l'apprentissage, à l'offre de possibilités et à la compétitivité.

M. Robert Campbell, président de l'Université Mount Allison, a fait le commentaire suivant le 18 février 2007 :

Pour un pays prospère et civilisé comme le Canada, le secteur postsecondaire représente un des biens publics les plus importants et les plus précieux. Les universités ont [...] rempli une double mission historique dans le développement du Canada.

D'une part, elles ont joué un rôle clé en ouvrant les portes du savoir à une proportion grandissante de Canadiens, accroissant ainsi la capacité de nos citoyens de contribuer au maintien de notre système démocratique dans un monde de plus en plus complexe. Nous avons besoin d'une population instruite, avertie, inventive et compréhensive pour s'attaquer à des questions comme l'environnementalisme, le multiculturalisme et les incertitudes politiques internationales aussi bien qu'au maintien de la vie familiale, de la santé personnelle et du bien-être social dans un monde plein de défis.

D'autre part, elles ont joué un rôle déterminant en formant les chercheurs et les penseurs qui ont conçu les idées, les techniques, les innovations et les connaissances qui ont accru la capacité de notre société de créer de la richesse et d'accroître la prospérité. Nous devons former une plus grande proportion des générations à venir et leur assurer une instruction sans cesse améliorée pour que le Canada maintienne et améliore sa capacité concurrentielle.

Ces deux éléments sont intimement liés. La démocratie fleurit là où il y a une grande prospérité économique et celle-ci requiert une population instruite et active et un système politique.

Il a conclu :

Tous les Canadiens profitent de la santé de nos institutions et pratiques démocratiques. Ainsi, tous les Canadiens, par le truchement de leurs gouvernements, devraient favoriser l'investissement public dans ce bien public merveilleux et conséquent.

La beauté de l'élargissement du système postsecondaire dans la période de l'après-guerre, c'est qu'il a été réalisé au moyen d'un partenariat entre tous les ordres de gouvernement, les citoyens à titre individuel, les familles et les philanthropes qui soutiennent l'université.

Honorables sénateurs, j'estime que madame le sénateur Tardif a fait appel au même genre de partenariat quand elle a dit que les enjeux nécessitaient « un leadership national et une authentique collaboration intergouvernementale ». Madame le sénateur a demandé plus de fonds et de soutien et une stratégie fixant « des objectifs concrets et des dates limites ». Elle a fait appel au « même courage, [au] même cran, [au] même esprit d'entreprise qui ont animé les fondateurs de cette grande aventure qu'on appelle le Canada ».

[Français]

Honorables sénateurs, quand je pense au courage et à la vision des fondateurs du Canada, je me souviens de l'exemple des Acadiens et Acadiennes de ma province. L'Université de Moncton, en 2007, est un témoignage des aspirations et des rêves des hommes et des femmes qui ont trouvé, dans leur histoire, la détermination de bâtir une société forte et moderne afin de réaliser leur plein potentiel comme francophones, Néo-Brunswickois et Néo-Brunswickoises, et Canadiens et Canadiennes.

Grâce à cette université, de plus en plus de jeunes Acadiens et Acadiennes trouvent, année après année, la confiance de se bâtir une vie remplie d'espoir et d'opportunités, peu importe l'endroit où ils décident de poursuivre leur carrière. De plus, l'Acadie et l'Université de Moncton accueillent des étudiants et des étudiantes d'autres provinces et, bien sûr, d'autres pays, particulièrement de la francophonie.

À l'occasion du 40e anniversaire de l'Université de Moncton, en 2003, le recteur Yvon Fontaine a déclaré ce qui suit :

L'Université de Moncton a profondément contribué à façonner le développement socioéconomique et culturel de la province. L'université connaît également un rayonnement sur la scène nationale et internationale.

Honorables sénateurs, je suis certaine que cette belle réussite n'aurait jamais été possible sans la contribution de tous les gouvernements qui ont partagé les rêves des Acadiens et des Acadiennes, et qui ont apporté pendant ces quatre décennies le soutien financier nécessaire pour bâtir, avec la collaboration du secteur privé, ce bastion d'éducation et de culture.

Il s'agit là d'un exemple que doivent suivre les gouvernements actuels, un exemple de l'investissement public essentiel aux progrès du Canada sur la scène nationale et internationale.

[Traduction]

Lorsque je pense à l'Université St. Thomas, je pense à un établissement qui a le grand mérite, dans une société démocratique, de s'inspirer des meilleurs principes d'égalité et de tendre la main à des jeunes de toutes origines pour leur offrir l'éducation qu'ils méritent. Cette petite université agit conformément à ses principes en matière d'études autochtones et d'occasions données aux Autochtones. Elle fait cela, et bien davantage, avec dévouement et générosité.

L'Université St. Thomas nous donne un très bon exemple de ce qu'est le libéralisme. Nous étudions les défis de l'enseignement postsecondaire au Canada et nous avons à cet égard dans ma province un exemple dont nous pouvons nous inspirer.

Puisque je crois profondément en la valeur de l'éducation, de l'apprentissage continu qui commence dès la naissance, je suis tout à fait convaincue de l'importance de l'interpellation du sénateur Tardif. Elle a proposé « un leadership national et une authentique collaboration intergouvernementale » dans le cadre d'un « processus de consultation transparent et collaboratif » englobant « une rencontre des premiers ministres concernant l'enseignement postsecondaire et la formation professionnelle ». Elle a souligné l'urgence d'agir.

À cet égard, honorables sénateurs, efforçons-nous toujours de voir les choses en perspective et dans une optique à long terme. Un trop grand nombre de jeunes Canadiens n'ont pas la chance de bénéficier de l'enseignement postsecondaire et de toutes ses possibilités parce que, durant trop longtemps, nous avons sous- évalué nos collèges communautaires et nos collèges spécialisés.

Dans le domaine des arts, de la haute technologie, des métiers, de l'éducation préscolaire et de la garde d'enfants, des soins à domicile et des services aux aînés et aux anciens combattants et dans bien d'autres domaines, nos collèges donnent à nos jeunes hommes et à nos jeunes femmes l'occasion de réaliser leur plein potentiel. Parallèlement, par leurs programmes et leurs orientations, nos collèges aident à constituer le bassin des personnes qui feront du Canada une société d'entraide et de solidarité.

Non seulement nos gouvernements, mais nos collectivités doivent en faire davantage pour créer un environnement qui permettra à chaque jeune Canadien de contribuer à la hauteur de son plein potentiel. Personne ne doit être exclu.

Pour que cela se produise, nous devons faire preuve de vigilance et réévaluer de façon constante le régime de bourses et de prêts. Le remboursement de ces prêts doit constituer une priorité pour les parlementaires. Selon moi, il doit exister un rapport équitable entre ce que fournit l'État et ce que paient l'étudiant et sa famille.

En tant que nation, nous pouvons faire mieux lorsqu'il s'agit de créer un contexte financier et philosophique favorable à nos établissements d'enseignement postsecondaire, qu'il s'agisse de nos petits collèges, de nos écoles de métier ou de nos universités de renommée internationale.

Dans chaque cas, nous devrions viser rien de moins que l'excellence et l'égalité des chances. Le Canada veut davantage de boursiers de la fondation Rhodes et de lauréats du prix Nobel. Nous voulons que tous les enfants du Canada aient une chance de se sentir fier et de réussir.

J'espère que nous saurons faire preuve d'une honnêteté suffisante dans notre étude du système d'enseignement postsecondaire, et que nous n'oublierons pas que, trop souvent, nous négligeons les membres les plus vulnérables de notre société : les jeunes autochtones, les jeunes en difficulté et les jeunes des régions rurales, ainsi que de nombreux jeunes des villes, qui abandonnent leurs études à cause d'obstacles que nous pouvons et devons surmonter. Il n'y a pas de plus grand défi pour une démocratie, et je sais que le Canada sera à la hauteur.

En terminant, j'aimerais citer le Dr David Naylor, président de l'Université de Toronto, où j'ai eu la chance d'obtenir mon doctorat en médecine. Il a dit :

Je crois que nous avons tous l'obligation de transmettre un système d'éducation plus fort, plus viable et plus rationnel. J'espère qu'ainsi, les grandes universités seront encore mieux positionnées pour former les brillants esprits de l'avenir. Et si nous réussissons, les étudiants d'aujourd'hui et de demain lègueront à leurs enfants un monde plus agréable, plus sain, plus vert, et dans l'ensemble, plus accueillant.

[Français]

J'aimerais remercier le sénateur Claudette Tardif pour le leadership qu'elle exerce au Sénat du Canada en tant que championne de l'éducation primaire, secondaire et postsecondaire.

(Sur la motion du sénateur Banks, au nom du sénateur Callbeck, le débat est ajourné.)

(1720)

LA POLITIQUE D'IMMIGRATION

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Callbeck attirant l'attention du Sénat sur l'importance de la politique d'immigration canadienne pour le développement économique, social et culturel des régions du Canada.—(L'honorable sénateur Fraser)

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, madame le sénateur Jaffer aimerait parler de ce sujet demain. Je propose d'ajourner le débat en son nom.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, selon le Règlement du Sénat, nous devons continuer le débat avec quelques expressions substantives, sinon le Règlement n'a aucun sens.

Le sénateur Tardif : Étant donné l'importance de la politique d'immigration canadienne pour le développement économique, social et culturel au Canada, je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

[Traduction]

RÈGLEMENT, PROCÉDURE ET DROITS DU PARLEMENT

MOTION DE RENVOI DE LA QUESTION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Andreychuk, appuyée par l'honorable sénateur Tkachuk :

Que le Sénat renvoie au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement la question de l'élaboration d'un processus systématique pour l'application de la Charte des droits et libertés au Sénat du Canada. —(L'honorable sénateur Andreychuk)

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je constate que la motion est inscrite à mon nom depuis 15 jours au Feuilleton. J'interviens aujourd'hui pour indiquer que je souhaite parler de cette question plus tard cette semaine.

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

[Français]

L'ÉTUDE DE L'ÉTAT ACTUEL DES INDUSTRIES DE MÉDIAS

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT AU RAPPORT DU COMITÉ DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS—INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Joan Fraser, ayant donné avis le 29 novembre 2006 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat à la réponse du gouvernement au deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications intitulé Rapport final sur les médias d'information canadiens.

— Honorables sénateurs, vous vous souviendrez que l'année dernière, le Comité des transports et communications a présenté son rapport final sur les médias d'information. Après un certain temps, en fait, au dernier jour possible, le gouvernement a envoyé sa réponse à ce rapport. C'est surtout de la réponse dont je voulais parler, mais afin de rendre plus compréhensibles mes commentaires sur celle-ci, il faut rappeler un peu la substance de notre rapport.

Le sénateur Bacon était présidente du comité au moment de la présentation du rapport. J'ai participé aux études, comme vous vous en souviendrez. Ce fut une expérience absolument extraordinaire. Nous avons travaillé pendant trois ans, mais le sujet était très complexe et les solutions que nous avons trouvées n'étaient pas faciles. Voilà pourquoi il nous a fallu une bonne période de temps pour y arriver.

Je pense que les autres membres du comité seraient d'accord pour dire que c'était une des études les plus remarquables d'expériences presque personnelles que nous ayons vécues au Sénat.

[Traduction]

Quand le Parlement et les politiques commencent à parler des nouvelles, il faut d'abord voir s'ils s'ingèrent dans des secteurs où ils n'ont pas d'affaire. Je tiens à assurer aux sénateurs que notre comité n'a jamais perdu de vue que l'État n'a pas d'affaire dans les salles de presse du pays. Il n'appartient pas à l'État de déterminer comment couvrir les nouvelles ou qui doit dire quoi sur l'actualité du jour.

Cependant, nous comprenons aussi l'intérêt public dans le domaines des nouvelles et le rôle d'une politique publique concernant les nouvelles. C'est sur quoi nous nous penchons. L'intérêt public dans ce domaine est simple à comprendre; c'est le cœur même du fonctionnement de toute démocratie. Les citoyens ont besoin d'information et de sources variées d'information. Il est mortel pour une démocratie de n'avoir qu'une seule source d'information. Cela ne fonctionne pas. Une démocratie ne peut fonctionner sans différentes sources d'information pour assurer le choc des idées qui permet aux citoyens de décider de la voie que leur société doit suivre.

Nous avons entendu d'excellents arguments selon lesquels la diversité des sources d'information au XXIe siècle n'est plus un problème, puisque l'explosion technologique a entraîné la création d'un grand nombre de façons différentes de recevoir l'information. Il y a notamment la télévision par câble, qui est vraiment dépassée maintenant, et les téléphones, qui peuvent servir à recevoir et à envoyer presque n'importe quoi. Les journaux, que nous recevons le matin ou le soir, ne sont plus notre principale source d'information.

Par contre, il ne faut pas oublier que la façon d'obtenir l'information n'est qu'une partie de l'équation. L'autre partie de l'équation est la source de l'information.

Par exemple, disons que Consolidated Newspapers Inc. publie le même article dans son journal, dans un blogue, sur mon téléphone et sur la télévision par câble. Cela peut sembler diversifié en raison de l'utilisation de nombreux outils, mais ce n'est qu'une illusion puisque la source est la même. Nous voulions trouver une façon d'assurer la diversité des sources d'information à l'ère des changements technologiques.

Nous avons observé que, dans ce domaine, les politiques publiques du Canada sont cruellement inadéquates, et ce, depuis longtemps. Il n'y a tout simplement aucun moyen de discuter de l'intérêt public envers le secteur de l'information. Pourtant, les politiques fédérales publiques ont une incidence énorme sur l'évolution du secteur de l'information, que ce soit par le truchement de la Loi de l'impôt sur le revenu, de la législation sur la concurrence, de la réglementation du CRTC ou des lois concernant la diffamation.

Les différentes autorités qui jouent un rôle dans ce domaine n'ont montré pratiquement aucun intérêt pour l'information. Dans certains cas, elles se sont même vigoureusement opposées à tout examen des retombées de leurs activités sur la transmission de l'information au public canadien.

Le CRTC, qui régit la radiodiffusion, est surtout axé sur le contenu canadien. Par contenu canadien, j'entends tout ce qui touche à la fiction et aux arts, du téléroman au ballet. Ce sont des causes de grande valeur auxquelles le CRTC doit s'intéresser, mais l'information ne l'intéresse que très peu. Le CRTC semble croire que l'information peut s'occuper d'elle-même.

Lorsqu'une fusion spectaculaire a lieu, le CRTC peut, avant de délivrer une licence, imposer des conditions pour garantir que les salles de presse demeurent distinctes, mais il ne s'assure pas de l'observation de ces conditions. Nous avons constaté que, dans bon nombre de cas, les titulaires des licences ne respectent pas ces conditions.

Les autorités responsables de la concurrence, pour leur part, ne prêtent absolument aucune attention à l'information. Elles sont responsables des journaux, tant en format papier qu'en version radiodiffusée, mais elles ne s'occupent pas de l'information. Elles ne s'intéressent qu'à l'impact des fusions sur les marchés locaux de la publicité. Une seule personne pourrait posséder tous les journaux et toutes les stations de télévision au Canada, mais tant et aussi longtemps que les taux en vigueur pour la publicité ne changent pas, les responsables de la concurrence ne voient aucun problème.

(1730)

Le résultat est que, au chapitre de la réglementation sur la concentration de la propriété mixte dans le secteur médiatique, le Canada fait moins que tous les pays que nous pourrions éventuellement utiliser comme normes de comparaison. Le Canada fait moins que le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Australie et même moins que les États-Unis, cette citadelle de la libre entreprise. Le résultat est qu'il y a une concentration plus grande que jamais de la propriété et de la propriété mixte, tant à l'échelle nationale que régionale.

Je n'ai pas à souligner aux honorables sénateurs l'importance de l'empire CanWest et de l'empire CTVglobemedia — anciennement Bell Globemedia. Ce dernier comprend non seulement la chaîne CTV mais aussi le Globe and Mail. Certains sénateurs sont peut-être moins au courant du fait que, au Nouveau-Brunswick, la société Irving possède tous les journaux de langue anglaise et un nombre croissant de journaux de langue française, que la société Transcontinental est propriétaire non seulement de tous les journaux à Terre-Neuve-et-Labrador mais aussi de tous les journaux de la Nouvelle-Écosse, à l'exception du Chronicle-Herald de Halifax, et d'un nombre toujours croissant de journaux ailleurs. J'ai appris qu'elle avait aussi fait l'acquisition de bon nombre de journaux en Saskatchewan, entre autres.

Voilà qui pose problème. Nous sommes confrontés à des difficultés à Vancouver et à Montréal, où les médias d'information sont fortement concentrés, ce qui ne semble préoccuper personne. Or, la situation s'aggrave. L'été dernier par exemple, l'ancien groupe Bell Globemedia qui possédait déjà CTV et le Globe and Mail, a acheté le réseau CHUM alors que CanWest a fait l'acquisition d'Alliance Atlantis. La valeur totale de ces deux transactions se chiffre à environ 4 milliards de dollars. Cependant, dans les quelques heures suivant l'annonce de l'acquisition du réseau CHUM par Bell Globemedia, près de 300 personnes ont été licenciées. La plupart des personnes visées travaillaient au service des nouvelles. Les protestations qui fusent de toutes parts sur l'importance des nouvelles n'ont pas d'effet dans la réalité.

Qu'a fait le gouvernement? Comment a-t-il réagi à nos 40 recommandations? Nous estimons que nos recommandations illustrent une approche raisonnable. Au chapitre de la propriété mixte et de la concentration de la propriété, nous avons suggéré un mécanisme d'examen public et nous avons mis l'accent sur l'aspect public. Une fois certains seuils atteints, vraisemblablement assez élevés par rapport à ceux de certains pays, il y aurait un examen public pour savoir si une transaction commerciale donnée servirait l'intérêt public. Le gouvernement en place aurait le dernier mot, mais il devrait rendre sa décision au terme d'une enquête publique, en informer les Canadiens et justifier sa position.

Comparez cela à la situation actuelle, où le gouvernement au pouvoir peut passer outre aux décisions du CRTC, sans s'embarrasser de quelque explication que ce soit, sans audiences publiques ni débat, simplement en disant : « Nous n'aimons pas la décision du CRTC et nous allons la changer. » Il le fait assez fréquemment.

Nous pensions que la transparence serait un merveilleux moyen de garantir que les examens publics servent l'intérêt public sans avoir comme terrible effet secondaire l'ingérence politique dans la gestion de l'information. L'esprit d'ouverture est un désinfectant qui peut donner de bons résultats dans cette situation. Notre système a été édifié en partie sur le modèle du système britannique, qui fonctionne bien, mais le système que nous proposons aurait été beaucoup moins intrusif que celui dont doit s'accommoder la presse britannique, qui est libre et vigoureuse.

Nous avons formulé quelques autres suggestions. Nous avons suggéré que CBC/Radio-Canada, comme vous vous en souviendrez, redeviennent un authentique diffuseur public axé sur le public et ne diffuse plus de publicité, ni de sport professionnel. Ce sont là des domaines où, d'après nous, CBC/Radio-Canada n'a pas intérêt à faire concurrence au secteur privé et où cette concurrence du secteur privé vient fausser la façon dont la société s'acquitte de son mandat. Pour que CBC/Radio-Canada continue de fonctionner, il lui faudrait des budgets convenables et un engagement à long terme envers ces budgets.

Il s'agissait là de recommandations réfléchies et raisonnables. Quelle a été la réponse du gouvernement? Non. Zip, zéro, nada. Sur nos 40 recommandations, le gouvernement n'en a accepté que deux petites, en disant : « Bien sûr, nous pensons également que les rapports sur le rendement de Radio-Canada devraient être plus détaillés. » Il n'y a aucune conséquence importante en matière de politique publique dans ce dossier. Le gouvernement a ajouté : « Bien sûr, nous pensons également que les fonctionnaires devraient être mis au courant des dispositions de la loi sur les dénonciateurs. » Il n'y a pas vraiment de problème de politique publique dans ce cas non plus. Toutes les autres recommandations ont été rejetées.

Le pire, c'est qu'en rejetant ces recommandations, le gouvernement s'est contenté de réaffirmer le statu quo, comme si c'était la perfection même. Il a réaffirmé, par exemple, que le CRTC avait pleine autorité sur la radiodiffusion et que la Loi sur la concurrence représentait l'autorité universelle, sans tenir compte des nouvelles. Le gouvernement n'a donc prêté aucune attention aux problèmes que nous avons soulevés.

Je peux dire que cela ne m'a guère surprise. Les gouvernements sont toujours très nerveux, pour ne pas dire terrifiés, à l'idée de paraître s'immiscer dans les affaires de la presse. Une partie de cette répugnance est justifiée, pour les raisons que j'ai évoquées. Les gouvernements ne veulent pas se mêler du travail des journalistes par intérêt personnel, de peur que la presse ne s'en prenne à eux.

Cependant, les bons gouvernements s'attaquent aux graves problèmes. Le gouvernement que j'ai servi ne l'a pas fait pendant une génération. Maintenant, je suis au regret de dire que le gouvernement au service duquel sont apparemment les gens de l'autre côté adopte la même approche en ne faisant absolument rien.

Honorables sénateurs, je constate que j'ai épuisé mon temps de parole. J'apprécierais qu'on m'accorde quelques minutes de plus.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Cinq minutes.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Fraser : Lorsque j'ai dit plus tôt que les choses se détérioraient, c'est que je le pensais vraiment. La situation est de plus en plus grave. En plus de traiter avec des entreprises médiatiques puissantes, nous le faisons dans un contexte mondial. Je vous donnerai un petit exemple.

L'achat d'Alliance Atlantis par CanWest dépend beaucoup d'une entente financière avec une société américaine, Goldman Sachs, qui pourrait finir, si les choses ne se passent pas comme CanWest l'espère et si les résultats financiers ne sont pas aussi bons que CanWest l'espère, par prendre le contrôle d'une partie ou de la totalité de ces sociétés. Or, dans notre pays, nous avons des lois qui portent sur la propriété étrangère des médias d'information — la télévision et la presse. Nous avons des lois qui portent sur ces choses, mais nous avons découvert que personne ne semble prêter beaucoup d'attention à l'application de ces lois. Des éditeurs de journaux d'un bout à l'autre du pays, d'un océan à l'autre, m'ont dit avoir tenté d'amener l'Agence du revenu du Canada à au moins se renseigner pour savoir si leur concurrent appartenait ou non à un Canadien, comme la loi l'exige, mais l'agence a refusé de le faire.

Il semble maintenant qu'une entente très semblable à celle que CanWest a conclue avec Goldman Sachs, mais qui touche une plus petite entreprise, je crois, en Nouvelle-Écosse, a déjà été approuvée par le CRTC. Cela crée-t-il un précédent pour le Canada aux termes de l'ALENA? Sommes-nous désormais obligés de laisser approuver des ententes comme celles-là, même si elles donnent lieu à des prises de contrôle, par des intérêts étrangers, d'entreprises qui sont censées, en vertu de la loi, être contrôlées au Canada? Personne ne semble le savoir ou s'en soucier. Le gouvernement a répondu à notre rapport en disant tout simplement que le ministère du Patrimoine examinait le contenu des publications. Le gouvernement n'a même pas examiné les questions de propriété. Il ne s'agit là que d'un petit exemple.

(1740)

[Français]

Voici un autre petit exemple. Tout petit, mais agaçant. La loi de ce pays dit que là où il y a une population minoritaire de langue officielle, la publicité gouvernementale, surtout les offres d'emploi, doit être publiée dans les deux langues officielles. Par exemple, en Nouvelle-Écosse, dans le journal local acadien. Cependant, il arrive presque systématiquement, toutes les semaines, que ces publicités soient publiées dans une seule langue, malgré les prescriptions de la loi. La langue qui est utilisée est évidemment la langue de la majorité locale. En Nouvelle-Écosse, il s'agit de l'anglais. Il faut donc que le journal francophone, dans chaque cas, porte plainte devant le commissaire aux langues officielles qui, lui, va au ministère dont il est question. Nous avons donc recommandé que le gouvernement dise aux ministères de respecter la loi. Pas de voter une nouvelle loi, simplement de respecter la loi.

Honorables sénateurs, ils n'ont même pas voulu faire cela. Il est plus que décevant que, dans un pays comme le nôtre, où les communications sont tellement importantes, on puisse tolérer de telles situations sans intervenir.

[Traduction]

Nous avons besoin de plus. Les Canadiens ont droit à plus. Notre rapport se terminait sur les mots suivants :

Des organes d'information sains et vigoureux sont tout aussi importants pour l'intérêt public que les droits et libertés des citoyens. Il est temps de prendre conscience de cet aspect de l'intérêt public et d'instituer au Canada des mécanismes analogues à ceux que l'on retrouve dans les autres démocraties développées.

Malgré ma déception face à la réponse à notre rapport, je continue d'espérer qu'avec le temps, le gouvernement actuel et ceux qui suivront se rendront compte que le Canada doit suivre l'exemple de tous les autres grands pays industrialisés.

(Sur la motion du sénateur Banks, le débat est ajourné.)

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

AUTORISATION AU COMITÉ DE REPORTER LA DATE DU DÉPÔT DE SON RAPPORT FINAL SUR L'ÉTUDE DU PROGRAMME DE CONTESTATION JUDICIAIRE

L'honorable Donald H. Oliver, conformément à l'avis du 15 février 2007, propose :

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le jeudi 7 décembre 2006, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, autorisé à examiner, pour en faire rapport, les avantages et les résultats qui ont été obtenus grâce au Programme de contestation judiciaire, soit habilité à reporter la date de présentation de son rapport final du 28 février 2007 au 30 juin 2007.

(La motion est adoptée.)

AFFAIRES SOCIALES, SCIENCES ET TECHNOLOGIE

MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À EXAMINER LA SITUATION DE L'ÉDUCATION ET DE LA GARDE DES JEUNES ENFANTS AU CANADA—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Marilyn Trenholme Counsell, conformément à l'avis du 15 février 2007, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner la situation de l'éducation et de la garde des jeunes enfants au Canada à la lumière du rapport Starting Strong II publié par l'OCDE les 21 et 22 septembre 2006 qui classe le Canada au dernier rang de 14 pays pour ce qui est des fonds consacrés aux programmes d'éducation et de garde des jeunes enfants et qui dit notamment que « les politiques nationales et provinciales d'éducation et de garde des jeunes enfants au Canada en sont encore aux premières étapes [...] la couverture est faible si on la compare à celle d'autres pays de l'OCDE »;

Que le comité étudie, pour en faire rapport, l'énoncé de l'OCDE selon lequel « il faudra investir des efforts et des fonds importants dans ce secteur pour créer un système universel correspondant aux besoins d'une économie de plein emploi, respectant l'égalité entre les sexes et proposant une nouvelle compréhension de la façon dont les jeunes enfants se développent et apprennent ».

— Honorables sénateurs, cette motion est une tentative sincère pour sortir la politique de la question de l'éducation préscolaire et de la garde des enfants au Canada. Les sénateurs savent que les questions que j'ai posées à propos de ce que les libéraux ont mis en place et de ce que les conservateurs font étaient de nature politique. Cependant, il est temps d'évacuer la politique de la question de l'éducation préscolaire et de la garde des enfants et d'examiner sérieusement la situation actuelle et les mesures que nous pourrions prendre.

Comme les sénateurs peuvent le voir en lisant la motion, j'ai pris pour base le rapport de l'OCDE intitulé Starting Strong II. Cela n'a rien à voir avec les groupes d'intérêts canadiens ni avec les opinions politiques. C'est un rapport international qui évalue le Canada par rapport à d'autres pays. J'avais prévu lire certains extraits de ce rapport, mais l'heure avance, alors je ne le ferai pas. J'espère sincèrement que les sénateurs pourront renvoyer cette question au Comité des affaires sociales, au nom des enfants du Canada. Le comité convoquera des témoins ayant différents points de vue et des expériences diverses pour discuter du rapport de l'OCDE, afin de comprendre pourquoi le Canada est en si mauvaise posture.

Le rapport ne décrit pas ce qui s'est produit au cours de la dernière année, mais plutôt sur une longue période. Nous devons comprendre pourquoi le Canada a été si mal évalué à l'échelle internationale, sur une question qui a beaucoup d'importance pour nous tous : les enfants du Canada.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai une question pour madame le sénateur Trenholme Counsell. Cette motion a-t-elle été discutée au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie? Habituellement, les ordres de renvoi sont discutés au sein des comités avant de faire l'objet d'une motion présentée au Sénat.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je veux faire savoir au leader adjoint du gouvernement au Sénat que nous en discutions déjà il y a six mois, et que nous en avons encore discuté il y a quelques semaines. Les membres du comité présents s'entendaient pour dire que cette motion pouvait être présentée au Sénat.

Le sénateur Comeau : Par conséquent, on peut présumer que les membres du comité ont voté sur cette question et que c'est donc un nouveau renvoi que le comité demande.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je ne me rappelle pas qu'il y ait eu un vote. Nous en avons discuté, et aucun sénateur présent n'a exprimé son désaccord. La discussion était menée par le président du Comité des affaires sociales, qui n'est pas au Sénat en ce moment, et les membres présents s'étaient entendus pour dire que cette motion pouvait être présentée. Ce fut décidé par consensus. Je ne me souviens d'aucun vote ni d'aucun désaccord.

Le sénateur Comeau : Je présume donc que, comme cette question a été discutée par un certain nombre de membres au comité, le sénateur en a déduit que le comité l'autorisait à présenter la motion. Est-ce pour cela que ce n'est pas le président du Comité des affaires sociales qui demande l'ordre de renvoi? Serait-ce possible que le président ne soit pas complètement d'accord avec le sénateur sur cette question? C'est peut-être la raison pour laquelle le sénateur présente la motion sur l'ordre de renvoi, au lieu du président du comité.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je tiens à assurer les honorables sénateurs que le président du comité est tout à fait d'accord avec cette motion. Celui-ci s'est excusé de devoir quitter le Sénat il y a quelques minutes, après avoir été ici pendant une bonne partie de l'après-midi. J'ai l'appui sans réserve du président du comité.

L'ordre de renvoi confierait au comité le mandat d'étudier le rapport Starting Strong II, essentiellement comme dans le cas de l'étude sur l'autisme, qui avait nécessité cinq séances. De cette façon, les membres du Comité des affaires sociales pourraient en arriver à un consensus sur ce qui pourrait être fait relativement à ce rapport, et sur sa portée pour les enfants au Canada.

Le sénateur Comeau : J'aimerais consulter les sénateurs de ce côté- ci, parce qu'il n'est pas normal de prendre un ordre de renvoi par consensus plutôt que par vote, et aussi parce que le président du comité n'est pas présent pour demander l'ordre de renvoi. En conséquence, je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 21 février 2007, à 13 h 30.)


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