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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 39e Législature,
Volume 144, Numéro 60

Le mercredi 14 mai 2008
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 14 mai 2008

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'huissier du bâton noir

Nomination de M. Kevin MacLeod

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, le nouvel huissier du bâton noir, le premier agent du protocole au Parlement, a été nommé le 27 mars dernier.

À mon avis, personne ne mérite ce titre plus que M. Kevin MacLeod. Ce compatriote néo-écossais qui a grandi à Boularderie, au Cap- Breton, a prouvé son attachement au Canada par sa carrière de 31 années dans la fonction publique du Canada, dont les 22 dernières au ministère du Patrimoine canadien, où il occupait jusqu'à tout récemment le poste de chef du protocole.

Les services que Kevin a rendus ne sont pas passés inaperçus. Il est, entre autres, le seul Canadien à s'être vu conférer successivement par Sa Majesté la reine les trois grades de l'Ordre royal de Victoria : membre, lieutenant et commandeur.

Honorables sénateurs, M. MacLeod a prouvé sa loyauté non seulement envers le Canada, mais envers ses racines écossaises aussi. En 2007, il publiait son premier livre, intitulé A Stone on their Cairn, dans lequel faits historiques et récits de jeunesse s'entremêlent afin de décrire la vie des premiers colons écossais au Cap-Breton entre le jubilé de la reine en 1897 et la Première Guerre mondiale en 1914.

La tâche qui attend Kevin ici, au Sénat, ne sera pas une sinécure, puisqu'il succédera à un autre Cap-Bretonnais. Je suis convaincu qu'il s'acquittera de ses fonctions très consciencieusement et qu'il nous manifestera autant de loyauté et de dévouement qu'il en a manifesté à l'ensemble du Canada au cours des 30 dernières années.

Honorables sénateurs, il convient également de noter que c'est sur la Colline que la carrière de M. MacLeod a débuté. En effet, à son retour de France, où il avait obtenu un diplôme de l'Université de Dijon, Kevin a occupé pendant dix ans un poste d'adjoint à la Chambre des communes.

Je suis ravi de voir M. MacLeod revenir à ses anciennes amours et je lui souhaite bonne chance dans le nouveau poste d'huissier du bâton noir qu'il occupera à compter du 26 mai.

(1335)

La coalition pour l'équité des prêts aux étudiants

L'honorable Yoine Goldstein : Honorables sénateurs, permettez-moi aujourd'hui de déposer un document qui démontre clairement qu'il faut améliorer le système canadien de prêts aux étudiants. Ce document est le résultat d'une pétition en ligne organisée par la Coalition for Student Loan Fairness. Cette pétition a reçu 1 442 signatures en ligne et renferme de nombreux témoignages émouvants des effets désastreux qu'ont chez les jeunes Canadiens les lacunes du système actuel de prêts.

Une question me préoccupe depuis un certain temps, celle des difficultés financières d'un grand nombre d'anciens étudiants, et c'est pourquoi j'ai présenté le projet de loi S-205, qui modifierait la façon dont les prêts aux étudiants sont traités dans les procédures de faillite.

Plusieurs emprunteurs qualifient le système actuel d'onéreux, d'injuste ou de cauchemardesque. Un ancien étudiant parle de son revenu limité, de son énorme dette et de ses efforts pour élever deux enfants handicapés, et avoue que ses études, effectuées dans l'espoir d'améliorer sa condition, ont eu l'effet contraire. Un autre écrit que les prêts étudiants ont ruiné sa vie. Plusieurs autres concluent avoir probablement commis la plus grande erreur de leur vie en empruntant pour s'instruire. D'autres avouent que leur endettement est devenu si paralysant qu'ils n'encourageraient jamais les jeunes, y compris leurs propres enfants, à poursuivre des études postsecondaires si cela suppose de s'endetter.

Dans un témoignage particulièrement désolant, un autre, le no 1 233, décrit comment sa sœur a été poussée au suicide à cause de son endettement et du harcèlement des agences de recouvrement.

Un autre emprunteur qui rembourse actuellement son prêt écrit simplement : « Nous avons besoin d'aide. »

Honorables sénateurs, nous devons écouter les Canadiens afin de défendre leurs intérêts et d'essayer de les aider lorsqu'ils sont dans le besoin. Les études supérieures sont utiles en soi, mais notre pays ne saurait être prospère et assurer le bien-être de notre population sans une main- d'œuvre instruite et qualifiée.

Le système actuel de prêts aux étudiants est difficile d'accès, ce qui encourage peu les jeunes Canadiens à poursuivre des études postsecondaires. Taux d'intérêt élevés — en fait les plus élevés du monde occidental —, programmes de réduction de l'endettement inadéquats et pratiques de recouvrement inflexibles, tout cela incite peu à emprunter pour faires des études collégiales ou universitaires. Le système est mauvais pour des raisons tant éthiques que pratiques, et il faut le changer.

L'éducation pour les élèves ayant des besoins particuliers

La visite d'élèves du centre d'apprentissage de l'école secondaire Charles P. Allen

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, le jeudi 8 mai, j'ai eu le plaisir d'accueillir à mon bureau 11 élèves ayant des besoins particuliers qui fréquentent le centre d'apprentissage de l'école secondaire Charles P. Allen, à Bedford, en Nouvelle-Écosse. Les élèves étaient accompagnés de deux enseignants, Mme Janet Hattie et M. Jeff Hunter, de sept adjoints au programme d'éducation et d'un travailleur dispensant des soins de relève. Les élèves ont réussi à recueillir plus de 20 000 $ pour venir à Ottawa. Ces fonds leur ont permis de réaliser leur rêve et de s'entretenir avec des parlementaires sur les lacunes du système d'éducation pour les élèves qui ont des besoins particuliers.

Lors de notre rencontre, plusieurs m'ont fait part de leurs objectifs de carrière. L'un d'eux m'a dit qu'il voulait travailler avec les ordinateurs et qu'il s'intéressait aux fluctuations du marché boursier. Une autre a dit qu'elle voulait étudier l'esthétique, tandis que son condisciple voulait devenir un homme d'affaires.

De toute évidence, ces élèves aspirent à de grandes choses et ils ont le potentiel requis pour devenir des membres accomplis et productifs de notre collectivité. Cependant, leur succès futur dépend des programmes qui seront offerts à Halifax pour venir en aide aux finissants qui ont des besoins particuliers. Certains de ces étudiants sont en fauteuil roulant à cause d'un handicap physique, tandis que d'autres souffrent de troubles visuels, de difficultés d'élocution ou d'un retard intellectuel. Tour à tour, les élèves de l'école C.P. Allen ont exprimé leur frustration relativement à l'écart qui persiste sur le plan de l'éducation. Ils m'ont dit que les élèves ayant des besoins particuliers n'ont ni les services ni les programmes nécessaires pour leur permettre de trouver un emploi ou de faire des études dans le domaine de leur choix.

À l'heure actuelle, il existe très peu d'ouvertures pour les finissants du secondaire atteints d'un déficit intellectuel ou d'un handicap physique qui veulent poursuivre leurs études ou trouver un emploi dans la municipalité régionale de Halifax. Une entente préliminaire conclue avec le ministère de l'Éducation de la Nouvelle-Écosse permet aux finissants ayant des besoins particuliers de continuer de fréquenter leur école secondaire jusqu'à l'âge de 21 ans.

(1340)

Je félicite les 11 élèves du centre d'apprentissage de l'école secondaire Charles P. Allen d'avoir exprimé leurs inquiétudes et leurs besoins. Ce fut un plaisir de rencontrer ces personnes très déterminées.

Je demande aux honorables sénateurs d'appuyer les initiatives lancées par ces élèves afin, d'une part, de diminuer l'écart qui existe actuellement entre les élèves ayant des besoins particuliers et les autres et, d'autre part, de favoriser leur entrée sur le marché du travail canadien.

Honorables sénateurs, j'ai été heureux de lire dans le Quorum d'aujourd'hui que le gouvernement fédéral compte accroître le financement accordé à la Vera Perlin Society, qui vient en aide aux chômeurs atteints de déficiences du développement dans la région de St. John's. L'organisme recevra 106 684 $ pour aider les personnes ayant des besoins particuliers à réintégrer le marché du travail.

[Français]

L'importance des droits de la personne, du droit international et des Conventions

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, j'allais parler aujourd'hui de mon régiment, le 6e Régiment d'artillerie de Lévis, du retour des 18 soldats de l'Afghanistan, des 25 autres qui se préparent à partir et de leurs familles, mais un sujet plus pressant s'est présenté et je voudrais le soulever aujourd'hui en cette Chambre.

[Traduction]

Je crois fermement que des pays comme le Canada doivent agir pour protéger et faire appliquer les règles du droit international et les conventions des Nations Unies que nous avons ratifiées au fil des décennies. Ces textes de loi visent à garantir le respect des droits de la personne, afin de protéger les êtres humains qui se retrouvent au cœur de guerres et de conflits et de nous donner l'assurance que c'est la règle de droit qui prévaut.

Je suis fermement convaincu que l'incarcération continue et illégale d'Omar Khadr, qui était un enfant-soldat de 15 ans au moment de son arrestation en 2002, et le maintien des poursuites contre lui, mettent en péril le Protocole se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant la participation des enfants aux conflits armés. Notre consentement au maintien de son incarcération et des poursuites intentées contre lui remet en question la position du Canada en tant que pays respectueux des droits de la personne et du droit international. Compte tenu des nouveaux défis mondiaux qui se posent depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, il est plus que jamais nécessaire que des pays comme le Canada protègent et fassent appliquer les principes du droit international.

Franchement, je pense que s'engager dans un débat sur le sens de ma réponse à une question tendancieuse que m'a posée hier un député conservateur au Comité des droits de la personne de la Chambre — il m'a demandé si je considérais que les gouvernements canadien et américain s'abaissaient au niveau des terroristes d'Al- Qaïda — nous détourne du sujet de la discussion. Je me contenterai de dire que je n'avais aucunement l'intention de comparer les autorités canadiennes ou américaines à l'organisation terroriste Al- Qaïda. Cependant, nous ne pouvons pas ignorer que, si nous violons le droit international dans notre lutte contre le terrorisme, nous risquons de nous abaisser au même niveau que nos opposants.

Je ne reviendrai pas sur mon opinion quant à l'incertitude que cela crée et quant au risque que court notre pays lorsque nous faisons fi des principes élémentaires des droits de la personne, du droit international et des conventions, sous prétexte de préserver notre sécurité.

En 2004, Louise Arbour a déclaré que son plus grand défi, dans ses nouvelles fonctions de haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, serait de préserver les droits qui sont actuellement sacrifiés — de Guantanamo Bay à Bagdad et ailleurs — sous prétexte de combattre le terrorisme.

Elle a souligné que les États-Unis et leurs alliés utilisent davantage la mise en détention que partout dans le monde, et elle a réclamé un examen plus approfondi des conditions de détention et des méthodes d'interrogatoire qui pourraient violer les droits fondamentaux de la personne.

Elle a dit qu'il ne fait aucun doute que le programme de lutte au terrorisme axé sur la sécurité exige le recours à des mesures qui améliorent la sécurité et qui restreignent la liberté.

Plus nous laissons nos dirigeants agir en contravention de ces mêmes règles, plus nous nous exposons à des abus potentiels et à une atteinte à la liberté et aux droits individuels.

Il est clair que le Canada n'a aucun fondement juridique pour justifier son inaction en permettant à un citoyen canadien et au premier enfant-soldat de l'histoire de notre pays d'être jugé pour des crimes de guerre dans le cadre d'un processus illégal à Guantanamo Bay.

À la suite de la divulgation d'autres faits au sujet de la détention d'Omar Khadr et de ce processus illégal, le problème est clair, tout comme le sont les risques. Les représentants de l'ONU ont dit que ce procès créera un dangereux précédent et mettra en péril les enfants- soldats que nous avons promis de protéger et que nous voulons aider à désarmer et à réintégrer dans la société.


AFFAIRES COURANTES

Coalition for Student Loan Fairness

Dépôt d'une pétition électronique

L'honorable Yoine Goldstein : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 28(4) du Règlement et avec la permission du Sénat, j'aimerais déposer le document intitulé Ensuring Student Loan Borrowers are Treated Fairly, une pétition de la Coalition for Student Loan Fairness signée par des milliers de personnes.

(1345)

Régie interne, budgets et administration

Présentation du septième rapport du comité

L'honorable George J. Furey, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :

Le mercredi 14 mai 2008

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Votre Comité recommande que les fonds suivants soient débloqués pour l'année financière 2008-2009.

Régie interne, budgets et administration

Services professionnels et autres   5 000 $
Transports et communications   0 $
Autres dépenses   0 $
Total   5 000 $

Respectueusement soumis,

Le président,
GEORGE J. FUREY

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Furey, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La crise du crédit

Avis d'interpellation

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, je donne avis que, après-demain :

J'attirerai l'attention du Sénat sur la crise du crédit qui sévit actuellement et ses répercussions sur les services financiers au Canada, ainsi que sur les réformes que pourraient envisager le gouvernement du Canada et d'autres entités pour éviter que de tels chocs financiers ne se reproduisent.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Banques et commerce

Projet de loi de 2006 modifiant l'impôt sur le revenu—La télédiffusion des audiences du comité

L'honorable Yoine Goldstein : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Un producteur de films très connu, M. David Cronenberg, témoignera cet après-midi au sujet du projet de loi C-10. Il a critiqué ouvertement les dispositions de censure contenues dans le projet de loi C-10. On affirmait, sur les ondes de la CBC ce matin, que la présidence du comité s'était arrangée pour que les audiences de cet après-midi ne soient pas télédiffusées. Ce matin, après avoir été informés de la situation, nous, les membres libéraux du comité, avons forcé le rétablissement de la télédiffusion dès que nous avons découvert qu'elle avait été annulée.

Honorables sénateurs, l'audience de cet après-midi porte sur la censure. Les activités de la présidence et du Parti conservateur sont une autre manifestation de la censure pratiquée par le gouvernement. On tente d'empêcher les médias et les Canadiens d'entendre des opinions et des idées qui ne reflètent pas les opinions et la volonté du gouvernement.

Le gouvernement tentait de censurer une audience publique portant sur ses efforts en vue de censurer les arts au Canada. Le gouvernement a procédé à une double tentative de censure. Nous sommes loin de la transparence et de l'honnêteté promises.

Il y a là de quoi soulever la question de privilège. Je me réserve le droit de le faire, car cette tentative de censure constitue une atteinte à mes privilèges en tant que sénateur.

Honorables sénateurs, les délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce sont télévisées depuis des années. Les Canadiens ont le droit de savoir qui est responsable de cette nouvelle tentative de dissimulation et du mépris de leurs droits par ce gouvernement soi-disant transparent.

Mes questions, que je poserai une à la fois, sont les suivantes : premièrement, qui a arrangé cela? Était-ce la présidence du comité ou quelqu'un d'autre?

(1350)

Son Honneur le Président : À l'ordre, s'il vous plaît.

Honorables sénateurs, la présidence n'aime pas intervenir pendant la période des questions. Toutefois, cette question concerne de toute évidence les travaux du comité et elle doit être adressée au président du comité.

Des voix : Il vient de partir.

Le sénateur Goldstein : J'ai une question complémentaire, si vous me le permettez, et elle ne concerne pas les travaux du comité. Voici ma question : est-ce le gouvernement qui a pris cet arrangement?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Absolument pas, personne n'a fait quoi que ce soit à cet égard de ce côté-ci. Ce sont les whips qui prennent ces arrangements. Je ne sais pas exactement comment se fait l'attribution des salles de comité, selon que les réunions sont télévisées ou pas. Il n'existe pas la moindre preuve qu'un membre du gouvernement aurait pu intervenir.

Beaucoup de gens suivent les délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Compte tenu du témoin attendu cet après-midi, la question du sénateur me surprend, car je ne savais rien de cela. J'ai entendu quelque chose au sujet d'une salle de comité, hier soir, et j'ai dit qu'il était évident que la réunion serait télévisée. Je ne sais donc pas de quoi parle le sénateur. Je ne sais pas qui est derrière cela. Je peux assurer au sénateur qu'aucun membre du gouvernement ne ferait quoi que ce soit pour empêcher la télédiffusion d'un comité.

Comme Son Honneur l'a signalé, cette question ne relève nullement du gouvernement. Nous ne décidons pas quelles réunions des comités sont télévisées et quelles réunions ne le sont pas.

Le sénateur Goldstein : La CBC a dit que le président du comité avait pris ces arrangements. Madame le leader du gouvernement au Sénat est-elle en train de dire que la CBC ment?

Le sénateur LeBreton : Le sénateur ne s'attend sûrement pas à ce que je défende la CBC. Des renseignements erronés sont diffusés par bien des organisations en ville. Je ne pointe pas du doigt la CBC, mais personne ne croit tout ce qu'on peut lire dans les journaux ou entendre à la CBC. De fait, je m'en remets toujours à un vieil adage : je crois 95 p. 100 de ce que je vois et 5 p. 100 de ce que j'entends.

[Français]

L'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec

L'élimination du fonds de soutien aux organismes sans but lucratif

L'honorable Francis Fox : Honorables sénateurs, j'aurais voulu m'adresser au ministre des Travaux publics, en tant que ministre responsable de Montréal, mais je crois que les règlements m'en empêchent. Je poserai donc ma question au leader du gouvernement.

Tout récemment, le ministre du Développement économique pour les régions du Québec a décidé d'éliminer les fonds de soutien aux organismes sans but lucratif qui se consacrent au développement économique dans les diverses régions du Québec.

Premièrement, madame le ministre peut-elle nous dire si cette politique s'applique au ministère du Développement économique pour le Québec seulement ou si c'est également le cas pour tout le Canada?

Deuxièmement, madame le leader peut-elle déposer les noms des organismes sans but lucratif concernés ainsi que leur bilan respectif de réussite et, troisièmement, pourrait-elle nous dire s'il s'agit d'une politique délibérée de saper la base économique de ces organismes si efficaces dans les diverses régions du Québec?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, le sénateur Rivest m'a posé la même question la semaine dernière.

Le sénateur est mal informé. En réalité, le financement de ces organisations ne dure pas éternellement. Il s'agit de financement ponctuel, et d'autres organisations sont financées. J'ai déjà donné une réponse fort détaillée au sénateur Rivest lorsqu'il a posé la question au sujet de Montréal International. Je me ferai un plaisir de la retrouver et de la fournir au sénateur Fox.

[Français]

Le financement de Montréal international

L'honorable Francis Fox : Je remercie madame le ministre de sa réponse et j'aimerais effectivement recevoir la liste des organismes sans but lucratif qui se sont vu amputés de leur appui financier.

Par ailleurs — et le ministre Fortier ne sera pas surpris —, ma deuxième question a trait à Montréal International, un exemple de réussite extraordinaire dans la grande région de Montréal regroupant en organisme unique au Canada les trois niveaux de gouvernement et le secteur privé.

Je vous ferai remarquer que, dans sa réponse à une question posée à l'autre endroit, le ministre responsable a dit qu'il retirait son appui parce qu'il avait pris la peine de demander à cet organisme de rendre publique la liste de toutes les organisations participantes — je présume qu'il voulait dire « organisations internationales », parce que c'est l'un des mandats de Montréal International —, et que la réponse avait été négative parce que cette liste était confidentielle.

(1355)

Je voudrais attirer l'attention de madame le ministre sur le fait que le site web de Montréal International énumère une soixantaine d'organismes internationaux. Ces organismes ne sont évidemment pas tous venus à Montréal à cause de ce facilitateur, mais le site mentionne également quatre organismes internationaux qui sont arrivés à Montréal cette année grâce aux efforts de développement économique et de sollicitation de Montréal International.

Si le ministre, M. Jean-Pierre Blackburn, avait en tête les sociétés qui ont été attirées par les démarcheurs — et ce sans soutien économique, sans démarcheurs à travers les États-Unis et l'Europe de l'Ouest pour Montréal —, est-il possible de concevoir qu'il ne soit pas au courant du nom de ces compagnies alors que son propre sous-ministre siège au conseil d'administration de Montréal International?

Je répète que j'aurais préféré poser la question au sénateur Fortier, qui est très sympathique à des organisations comme Montréal International. J'ose espérer que, grâce à ses bons offices, cette décision pourrait être modifiée pour certains organismes sans but lucratif à Montréal.

Je voudrais quand même demander à la ministre d'attirer l'attention du ministre Blackburn sur le fait que ce n'est pas une réponse de dire qu'il ne sait pas ce que l'organisation fait alors qu'il la subventionne depuis une dizaine d'années et que son sous- ministre siège au conseil d'administration de l'organisation.

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : La question que le sénateur Rivest a posé il y a quelques semaines portait très précisément sur Montréal International. J'informerai le ministre de l'intérêt du sénateur. Puisque le sénateur a posé une question précise, je lui fournirai une réponse différée.

Les transports

L'administration portuaire de Halifax—Le dragage du port

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, on apprenait aujourd'hui que l'Administration du port de Halifax allait dépenser un million de dollars pour draguer le port en raison de l'installation par la marine d'une clôture de sécurité servant à protéger les navires en cas d'attaque terroriste. La clôture empêche les navires porte-conteneurs d'emprunter leur route normale dans le port. Ils doivent donc maintenant en emprunter une qui passe en eaux peu profondes.

Ma question au leader du gouvernement au Sénat est la suivante : pourquoi est-ce l'administration portuaire, et non le ministère de la Défense nationale ou le ministère de la Sécurité publique, qui paie pour le dragage, alors que ces derniers semblent responsables du problème?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : On peut nous blâmer pour bien des choses, mais pas du besoin de draguer les ports. Il y a évidemment des préoccupations sur le plan de la sécurité, comme le sénateur Mercer l'a indiqué. D'autres sénateurs nous pressent pourtant d'accorder plus d'attention à la sécurité de nos ports et points d'entrée.

En ce qui concerne la répartition des coûts entre les divers organismes gouvernementaux, je n'ai pas les chiffres exacts devant moi, mais je les obtiendrai pour le sénateur.

Le sénateur Mercer : Comme d'habitude, le leader du gouvernement au Sénat a déformé mes propos. Je ne m'oppose pas à cette clôture de sécurité. Je disais simplement que, si une mesure prise par un ministère oblige l'administration du port de Halifax à dépenser un million de dollars, ce ministère devrait payer la facture.

Le Cabinet

Les politiques concernant les provinces atlantiques

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, j'ignore à quoi le gouvernement peut bien penser. Un ministère doit financer le projet d'un autre. Lundi dernier, le gouvernement a annoncé la réaffectation d'un troisième navire de la Garde côtière canadienne de la Nouvelle-Écosse; le Collège de la Garde côtière canadienne, Sydney, à se retrouvera sans navire-école. Cet excellent collège forme des membres de la Garde côtière canadienne depuis des années. Certains sénateurs ont même des enfants qui ont été matelots au sein de la Garde côtière. Ce collège n'aura plus de navire sur lequel former ses recrues, et celles-ci seront sûrement envoyées à Terre-Neuve ou au Québec.

Le ministre Hearn aurait dit que cette réaffectation dans la Basse- Côte-Nord du Québec permettra à la Garde côtière canadienne de continuer de se concentrer sur les services destinés aux marins. Cette annonce nous arrive juste après celle d'avril dernier au sujet de la réaffectation des deux brise-glaces lourds de Halifax à des bases située à Terre-Neuve-et-Labrador. On connaît le résultat de cette décision. Parlez donc aux gens qui étaient à bord du traversier qui est resté pris dans la glace au large du port de Sydney à cause de l'absence de brise-glaces. Quelle bonne idée c'était.

Je me pose des questions au sujet du gouvernement quand il prétend apporter ces changements dans l'intérêt de la sécurité, puisqu'il semble que ceux-ci, comme la réaffectation de brise-glaces à Terre-Neuve et de l'autre navire au Québec, sont apportés soit pour économiser de l'argent, soit à des fins politiques. De toute évidence, il n'a pas pensé que le ministère de la Défense nationale et celui de la Sécurité publique devraient payer pour le dragage du port.

(1400)

Le gouvernement a-t-il la moindre idée de ce qu'il fait? Quand cessera-t-il de faire fi des besoins du Canada atlantique et de la Nouvelle-Écosse, en particulier?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je regrette de dire cela au sénateur Mercer, mais, pour paraphraser une personne très influente au Canada, après une décennie de noirceur dans le secteur militaire canadien, si nous avons de la difficulté à doter les divers postes et à faire circuler les navires et les hélicoptères, c'est parce qu'il y a moins de navires, moins d'hélicoptères et moins d'avions, grâce aux politiques du gouvernement précédent. Nous nous apprêtons à nous attaquer à ce problème dans le cadre de la politique de défense « Le Canada d'abord », que le premier ministre et le ministre MacKay ont annoncée lundi, à Halifax.

De toute évidence, de fort bonnes raisons justifient cette initiative. Je m'insurge contre la conclusion à peine voilée du sénateur Mercer, qui laisse entendre que nous prenons de telles mesures pour des motifs politiques. C'est de cette façon que le sénateur avait l'habitude de procéder. Nous prenons ces mesures parce que nous collaborons avec les divers organismes pour assurer la sûreté et la sécurité des Canadiens et également pour faire en sorte que les Forces canadiennes soient équipées convenablement et déployées dans les régions où leur présence est la plus nécessaire.

Ce matin, j'ai pris connaissance de l'article sur le Collège de la Garde côtière canadienne à Sydney, en Nouvelle-Écosse. Je suis certaine qu'il y a une explication logique et raisonnable, et je me ferai un plaisir de la trouver pour le sénateur Mercer.

Les pêches et les océans

La Garde côtière—Le transfert d'un navire-école

L'honorable James S. Cowan : Honorables sénateurs, dans le même ordre d'idées, madame le ministre pourrait-elle obtenir et déposer au Sénat le processus de planification détaillé qui a mené au transfert du navire-école au Québec? Ce faisant, elle dissiperait tout doute que certains d'entre nous pourraient avoir quant à l'existence des considérations politiques motivant cette décision.

Madame le leader du gouvernement au Sénat a dit qu'elle s'enquerrait des raisons de cette décision. J'ai bien hâte de les connaître, mais pourrait-elle nous donner un aperçu du processus de planification qui a mené à cette décision?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Et on se demande pourquoi nous avons des problèmes au Canada, honorables sénateurs.

J'ai déjà dit que j'étais sûre que les raisons du déploiement des différentes pièces d'équipement étaient tout à fait justifiées et je serai heureuse de les faire connaître aux sénateurs. Toutefois, je ne participerai à aucun débat qui monte une partie du Canada contre une autre.

Le sénateur Cowan : Pendant que madame le sénateur prépare sa réponse, elle pourrait peut-être expliquer au Sénat comment le Collège de la Garde côtière canadienne, situé au Cap-Breton, est censé donner de la formation en mer à ses étudiants sans bateaux.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, comme je l'ai dit au sénateur Mercer, sans la décennie de noirceur que nous avons traversée, nous aurions probablement tous les bateaux nécessaires.

Je suis convaincue que les raisons de cette décision sont parfaitement justifiées et que le centre d'entraînement de Sydney sera en mesure d'offrir l'équipement et la formation adéquats. Comme je l'ai dit au sénateur Mercer, je tenterai d'obtenir le plus de précisions possible à ce sujet.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, les commentaires du sénateur LeBreton me rappellent la déclaration suivante du sénateur Robert F. Kennedy : « Au lieu de chercher qui est coupable des erreurs du passé, tâchons d'assumer nos responsabilités pour l'avenir. »

Le communiqué du ministère des Pêches et des Océans indiquait qu'on répondrait aux besoins en matière d'entraînement, au Collège de la Garde côtière canadienne situé au Cap-Breton, au moyen des petits bâtiments dont nous disposons actuellement. Un porte-parole du ministère a reconnu qu'il n'y avait aucun autre bateau au collège. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait peut-être nous expliquer comment les étudiants du Collège de la Garde côtière canadienne vont réussir à s'entraîner sans bateaux.

(1405)

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, j'adore cette citation. Si le sénateur l'avait appliquée à son propre gouvernement, la situation actuelle serait bien différente.

Le sénateur Cowan : Je pense que le leader n'a pas compris la citation.

Le sénateur LeBreton : Je l'ai parfaitement comprise.

Le sénateur Fox : Il faudrait demander au sénateur Fortier de l'expliquer.

Le sénateur LeBreton : Comme je l'ai dit aux sénateurs Cowan et Mercer, je suis à peu près certaine qu'un plan a déjà été prévu pour satisfaire tout le monde. Je vais faire de mon mieux pour obtenir le plus de renseignements possible sur la question.

Les affaires étrangères

Le Traité international interdisant l'utilisation, la fabrication et le commerce des munitions à dispersion

L'honorable Elisabeth Hubley : Honorables sénateurs, il y a un peu plus de dix ans, le Canada a joué un rôle de chef de file dans l'élaboration et la ratification du Traité d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel. Notre pays a forcé le respect et l'admiration en prenant l'initiative de l'élimination d'une arme de guerre qui a continué de faire des victimes civiles des dizaines d'années après la fin de conflits. L'attention du monde est maintenant tournée vers l'élimination des bombes à dispersion, armes mortelles qui frappent sans discrimination, tout comme les mines terrestres.

Toutefois, loin d'assumer un rôle de chef de file dans ce dossier, le Canada n'a même pas décrété un moratoire national sur l'utilisation, la production et le commerce des bombes à dispersion. Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le Canada a-t-il éliminé tout son arsenal de bombes à dispersion? Le gouvernement a-t-il l'intention de décréter un moratoire sur l'utilisation, la production et le commerce des bombes à dispersion?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie madame le sénateur de sa question. Comme les sénateurs le savent, le Canada a participé au processus d'Oslo. Le gouvernement examine actuellement la question des bombes à dispersion. Dès que j'aurai de l'information à ce sujet, je serai heureuse d'en faire part au sénateur.

Le sénateur Hubley : Honorables sénateurs, le processus d'Oslo, qui est en cours, vise l'élaboration d'un traité international d'interdiction des bombes à dispersion. La semaine prochaine, les négociations finales auront lieu à Dublin, en Irlande. La signature du traité est prévue pour octobre 2008 à Oslo, en Norvège. Le Canada participera-t-il aux négociations à Dublin? Le Canada a-t-il l'intention de signer et de ratifier le traité?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, comme je l'ai indiqué dans ma première réponse, le gouvernement étudie la question. Toute annonce concernant les intentions ou les plans du gouvernement sera faite quand les discussions seront terminées.

Les ressources humaines et le développement social

Les programmes d'éducation préscolaire et de garde d'enfants

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Dans son rapport publié le 10 avril 2008, l'organisme Child Care Resource and Research Unit indique que l'état des services d'éducation préscolaire et de garde d'enfants au Canada s'est détérioré considérablement depuis que M. Harper est devenu premier ministre. Entre 2001 et 2004, on a créé 152 493 places en garderie — une moyenne de plus de 50 000 par an. Le gouvernement actuel est entré en fonction et s'est dépêché d'annuler le régime national de garderies des libéraux pour le remplacer par un régime d'incitatifs fiscaux pour les entreprises — que le gouvernement a ensuite reconnu comme un échec et annulé, selon ce que je comprends — et par une allocation familiale de 100 $ par mois avant impôt. La création de places en garderie au Canada a chuté. L'an dernier, on a créé tout juste un peu plus de 26 000 places.

Quand le gouvernement va-t-il cesser de faire fi des préoccupations des familles canadiennes et quand va-t-il faire des efforts sérieux pour répondre à leurs besoins en matière d'éducation préscolaire et de services de garde d'enfants?

(1410)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, le gouvernement croit avoir fourni beaucoup d'aide pour les services de garde d'enfants et l'éducation préscolaire. Comme le prévoyait le budget de 2007, nous transférons 250 millions de dollars par année aux provinces et aux territoires, qui peuvent utiliser l'argent selon leurs priorités en matière de garderies, notamment pour y créer de nouvelles places. Cette somme s'ajoute au montant de 850 millions de dollars qui leur a été versé au titre du Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Je crois que le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires se sont récemment engagés à créer 60 000 nouvelles places en garderie avec cet argent.

Le sénateur raille le versement aux parents de 100 $ par enfant. Or, ce programme a été extrêmement bien accueilli et il est populaire partout au pays. Les possibilités de garde d'enfants varient d'une province à l'autre et selon qu'on habite une région urbaine ou une région rurale. Ce n'est qu'une des nombreuses options dont les parents disposent. Nous avons transféré des sommes considérables aux provinces et aux territoires spécialement pour les services de garde d'enfants.

Je sais que de nombreuses familles sont heureuses de recevoir cet argent du gouvernement parce que je les entends le dire lors de mes déplacements au pays. C'est particulièrement vrai dans le cas des jeunes mères qui ont choisi de demeurer au foyer. Les jeunes mères qui ont choisi de retourner sur le marché du travail sont elles aussi heureuses de recevoir cette aide utile, même si, comme il faut l'admettre, elle ne suffit pas à payer le coût total des services de garde d'enfants.

Nous croyons contribuer grandement à l'offre de places en garderie pour les jeunes enfants et leurs familles avec l'argent que nous transférons aux provinces et aux territoires.

Le sénateur Cordy : Voici maintenant ma question complémentaire. L'inquiétude des familles tient au manque de places dans les garderies. Le montant de 100 $ par mois ne crée pas de nouvelles places. Il correspond à environ 3 $ par jour. Comme le leader du gouvernement l'a dit, ce n'est pas suffisant pour payer des services de garde d'enfant.

J'ai posé une question il y a plus d'un an, le 9 mai 2007. Madame le leader a dit aujourd'hui que le gouvernement avait fourni beaucoup d'aide. J'ai cherché à savoir il y a plus d'un an combien de nouvelles places en garderie le gouvernement avait créées. Je n'ai toujours pas obtenu de réponse à cette question.

En janvier 2008, le leader adjoint m'a dit qu'étant donné que le Parlement avait été prorogé, il me faudrait poser la question de nouveau. Avant la fin de ce mois, j'ai présenté des questions par écrit sur le nombre de places créées et je n'ai toujours pas obtenu de réponse à ces questions.

J'étais dans la région de l'Atlantique lundi et mardi derniers avec mes collègues du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement et j'ai jeté un coup d'œil sur les réponses différées, en me demandant s'il y en avait pour moi. Il y avait une réponse à une question posée en mai et une autre à une question posée en mars, mais toujours pas de réponse aux questions que j'ai posées il y a plus d'un an.

Il y a certainement des gens qui disent à madame le leader qu'ils sont heureux de recevoir 100 $ par mois, et je suis persuadée qu'ils le sont. Toutefois, les familles avec lesquelles je me suis entretenue sont extrêmement préoccupées par le manque de places en garderie.

J'ai entendu une personne dire qu'elle avait dû refuser une promotion qui aurait obligé sa famille à déménager à Toronto, parce qu'il y avait une liste d'attente de six mois pour la garderie. Elle ne connaissait personne à Toronto qui puisse la dépanner durant ces six mois.

Le gouvernement parle de choix à l'égard de la garde d'enfants. Je tiens à signaler à madame le leader du gouvernement au Sénat qu'il ne peut y avoir de choix s'il n'y a pas de places en garderie.

Quand ce gouvernement offrira-t-il un vrai choix aux familles en créant des programmes de qualité dans le domaine de l'éducation préscolaire et de la garde d'enfants?

Le sénateur LeBreton : Le sénateur ne cesse de parler du gouvernement précédent. Je me souviens du temps où le ministre de l'époque, Ken Dryden, parcourait le pays. Ce programme n'a pas permis de créer une seule place en garderie. Ce n'étaient que de belles paroles. Comme l'a souligné un des anciens collègues du sénateur, M. Tom Axworthy, c'était un ultime effort en vue de sauver un gouvernement moribond.

(1415)

Les places en garderie sont créées par les provinces, grâce aux transferts fédéraux aux provinces et aux territoires. Comme je l'ai déjà souligné, les provinces et les territoires ainsi que le ministre Solberg, ont fait part de leur intention de créer plus de 60 000 nouvelles places en garderie. Pour ce qui est du nombre réel de places qui ont déjà été créées, je présume qu'il faut du temps pour compiler ces renseignements, parce qu'il faut d'abord les obtenir des provinces.

Comme le sénateur Cordy insiste tant pour obtenir réponses à ses questions, je demanderai aux responsables de Ressources humaines et Développement social Canada de tout faire pour accélérer le processus de réponse.

L'honorable Terry M. Mercer : J'aimerais poser une question complémentaire. Madame le sénateur LeBreton parle de plus en plus de la prestation mensuelle de 100 $ versée aux familles. Elle aura de la difficulté à répondre aux questions des sénateurs qui siègent au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, comité qui a sillonné le pays dans le cadre de son étude sur la pauvreté dans les régions rurales. Peu importe l'endroit où nous étions, j'ai posé la même question aux participants et aux témoins. Je leur ai demandé quels effets la prestation mensuelle de 100 $ avait sur la garde d'enfants dans leur collectivité. Honorables sénateurs, à une exception près, on m'a répondu systématiquement que cette prestation n'avait aucun effet positif. À Charlottetown, une jeune femme nous a même dit que le seul effet de cette prestation mensuelle de 100 $ était que les frais de garderie avaient augmenté de 100 $ par mois.

Cela ne fonctionne pas. Nous tentons d'aider les gens qui ont besoin d'aide. Soyons réalistes, le programme ne fonctionne pas. Essayons de trouver un programme qui fonctionne et mettons-le en œuvre.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je ne peux pas émettre d'opinion sur ce que les gens ont pu dire au comité qui s'est penché sur la pauvreté dans les régions rurales. J'ai vécu dans une région rurale et je peux dire que les régions rurales du Canada n'ont guère changé depuis. Le Canada est un pays diversifié. Les besoins en matière de services de garde ne sont pas les mêmes dans les régions rurales et dans les zones urbaines ou dans les grandes villes canadiennes.

On n'a jamais dit que la prestation mensuelle de 100 $ par enfant âgé de moins de six ans devait servir au paiement de places en garderie. On voulait donner le choix aux familles. J'ai rencontré, en particulier dans certaines collectivités ethnoculturelles, des grands- parents qui s'occupent de leurs petits-enfants pendant que leurs enfants occupent des emplois rémunérés sur le marché du travail. C'est un avantage formidable pour ces grands-parents qui prennent plaisir à s'occuper bénévolement de leurs petits-enfants. Cette prestation de 100 $ est utile aux grands-parents qui la reçoivent de leurs enfants.

Je connais des grands-parents qui s'occupent bénévolement de leurs petits-enfants. Néanmoins, cette prestation de 100 $ les récompense un peu pour ce qu'ils font.

Le sénateur Mercer : Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre!

Le sénateur Tkachuk : Il est évident que ces 1 200 $ ne comptent pas pour une personne comme vous, mais ils comptent pour bien des gens.

[Français]

Réponse différée à une question orale

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question orale posée par le l'honorable sénateur Spivak, le 9 avril 2008, concernant le parc de la Gatineau, le projet d'ensemble domiciliaire privé.

La Commission de la capitale nationale

Le parc de la Gatineau—Le projet d'ensemble domiciliaire privé

(Réponse à la question posée le 9 avril 2008 par l'honorable Mira Spivak)

Le ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités, qui est le ministre responsable de la Commission de la capitale nationale, a indiqué que le gouvernement n'interviendrait pas parce que le projet d'aménagement est situé sur un terrain privé.

La raison pour laquelle le ministre a suggéré que les municipalités locales ou régionales puissent imposer un gel sur l'aménagement dans le parc est que les questions de propriété et de droits civils à l'intérieur d'une province sont des questions de ressort provincial et non fédéral.

(1420)

[Traduction]

L'huissier du bâton noir

Nomination de M. Kevin MacLeod

Son Honneur le Président : Avant de passer à l'ordre du jour, j'ai le très grand honneur de faire savoir au Sénat que j'ai reçu une copie certifiée conforme du décret du gouverneur en conseil C.P. 2008- 602, daté du 26 mars 2008, attestant que Son Excellence la Gouverneure générale en conseil, sur la recommandation du premier ministre, a nommé M. Kevin MacLeod, d'Ottawa, en Ontario, huissier du bâton noir. Il entrera en fonction le 26 mai 2008.

Recours au Règlement

L'honorable Yoine Goldstein : Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Au cours de la période des questions, Son Honneur a déclaré que la question que j'ai posée était irrecevable. En raison du respect que j'éprouve pour la fonction de Président, et plus particulièrement du respect que j'éprouve pour l'actuel titulaire, je me suis rassis, ce qui était la chose à faire, et j'ai tenté de poser une question un peu différente.

Cependant, la situation pourrait se présenter à nouveau, et mon rappel au Règlement porte sur les articles pertinents du Règlement. Le paragraphe 22(4) du Règlement du Sénat du Canada stipule :

Après l'appel des « déclarations de sénateurs », les sénateurs peuvent, sans préavis, soulever des questions qu'ils jugent urgent de porter à l'attention du Sénat. Les déclarations de sénateurs devraient se rapporter particulièrement à des questions d'intérêt public auxquelles le Règlement et les pratiques du Sénat ne permettent pas d'accorder une attention immédiate.

À mon sens, cette disposition me permet de poser ma question. Pour qu'il n'y ait aucun doute à ce sujet, je vous renvoie aux dispositions du paragraphe 23(1) :

Au cours de la période réservée à l'étude des affaires courantes et aux questions quotidiennes, les questions de privilège ou les rappels au Règlement sont irrecevables.

Sauf le respect que je vous dois, cette disposition s'applique à tous les sénateurs, y compris au Président. Cela dit, puisque l'affaire a été réglée pour la période les questions d'aujourd'hui, je demande une décision à ce sujet afin qu'à l'avenir, les sénateurs sachent à quoi s'en tenir au sujet de ce qui constitue une question recevable.

Son Honneur le Président : Je remercie le sénateur de son rappel au Règlement ainsi que de la façon dont il l'a présenté.

Il s'agissait effectivement de la première intervention de la présidence durant la période des questions, si je ne m'abuse. Cependant, compte tenu des décisions rendues récemment au sujet du déroulement de la période des questions, la présidence connaît maintenant très bien la jurisprudence procédurale et les documents connexes. La présidence est intervenue aujourd'hui car il était clair, conformément à l'article 18 du Règlement, qu'elle devait maintenir l'ordre et le décorum. La présidence a entendu la question adressée au leader du gouvernement sur les travaux d'un comité, ce qui n'est pas de son ressort. Cette question concernait un comité en particulier; c'est pourquoi la présidence est intervenue pour dire que la question aurait dû être adressée au président du comité.

Je m'empresse d'ajouter, honorables sénateurs, que la présence des présidents de comité à la Chambre durant la période des questions est la condition sine qua non pour les interroger. Il en va de même en ce qui concerne le leader du gouvernement ou un ministre qui est également sénateur.

La présidence conclut donc que le Règlement n'a pas été enfreint durant la période des questions et elle fonde sa décision sur les devoirs imposés et les pouvoirs conférés au Président par l'article 18.

Le sénateur Goldstein : Sauf le respect que je vous dois, la présidence s'est prononcée sur le recours au Règlement, et je n'ai, par conséquent, rien d'autre à ajouter à ce sujet. Je respecterai bien sûr la décision. Cependant, je dois respectueusement attirer votre attention sur l'article 18, qui dit ceci :

Le Président maintient l'ordre et le décorum au Sénat. Il peut le faire sans qu'on lui ait signalé de manquement [...]

Son Honneur le Président : À l'ordre, s'il vous plaît. Honorables sénateurs, la décision a été rendue, et le Sénat peut l'accepter et l'appliquer ou non. Nous pouvons tous prendre le temps de réfléchir sur le fond. Je sais que le sénateur Goldstein a soulevé la question, car il veut, comme tous les sénateurs, assurer la bonne gouvernance et le bon fonctionnement de notre assemblée.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Di Nino, appuyée par l'honorable sénateur Andreychuk, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur les juges.

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-31, présenté en cet endroit le 15 avril. Ce projet de loi permettra de nommer 20 juges de plus aux cours supérieures des provinces et des territoires.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Je demanderais à mon collègue de bien vouloir, si possible, reporter ses observations au sujet du projet de loi C-31 à plus tard, car je crois savoir que le sénateur Joyal souhaite prendre la parole maintenant. Je prie le sénateur St. Germain de m'excuser, mais je viens tout juste de l'apprendre.

Le sénateur St. Germain : Je lui céderai volontiers la parole.

L'honorable Serge Joyal : En me cédant la parole, le sénateur St. Germain me place presque en situation de conflit d'intérêts.

Honorables sénateurs, je profite de la présentation du projet de loi C-31 pour vous faire part d'une grave préoccupation. Le projet de loi C-31 est simple en apparence. Les sénateurs qui l'ont à la portée de la main verront qu'il tient sur une page, deux lignes en fait. Comme le sénateur St. Germain avait commencé à l'expliquer, l'objet du projet de loi est essentiellement d'ajouter 20 juges au bassin actuel de 30 juges que prévoit la Loi sur les juges. On peut toujours faire appel à l'un des juges faisant partie de ce bassin pour remplir des fonctions particulières, et le nombre de juges prévu dans la Loi sur les juges en ce moment est de 30. Le projet de loi porterait ce nombre à 50. On y dit ceci :

b) cinquante, pour les autres juridictions supérieures.

Voilà le texte du projet de loi. Je tiens à féliciter le sénateur Di Nino, qui a abordé dans son discours de nombreux aspects se rapportant à ce projet de loi. Lorsqu'il a présenté le projet de loi le 17 avril dernier, il y a près d'un mois de cela, le sénateur Di Nino a déclaré ceci :

Il va sans dire, honorables sénateurs, que le système judiciaire du Canada est un des meilleurs au monde. Nos tribunaux sont respectés de par le monde pour leur impartialité, leur indépendance et leurs juges hautement qualifiés.

C'est ce que le sénateur Di Nino a dit, mot pour mot.

Le sénateur Di Nino a fait allusion à un important ensemble de principes lorsqu'il a tenu ces propos.

(1430)

Le sénateur Di Nino a mentionné très précisément à une affaire de la Cour suprême du Canada, le Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.), qui date de 1997. Bien des sénateurs connaissent cette affaire qui, en quelque sorte, demandait au Parlement de changer le système de rémunération des juges afin qu'ils conservent leur indépendance. Il s'agit d'un arrêt clé de la Cour suprême, qui a indiqué très clairement que l'indépendance de la magistrature est une norme non écrite, reconnue et confirmée par le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867.

En particulier, ce préambule fait état d'une constitution semblable dans son principe à celle du Royaume-Uni, — qui est la source véritable de notre engagement envers ce principe fondamental. Autrement dit, l'indépendance de la magistrature est un principe constitutionnel. À cet égard, la Cour suprême a précisé que l'indépendance de la magistrature est devenue un principe qui s'applique maintenant à tous les tribunaux, et pas seulement aux cours supérieures du pays.

Donc, tous les tribunaux du Canada sont protégés par le principe de l'indépendance de la magistrature. L'indépendance protégée par l'alinéa 11d) de la Charte est l'indépendance de la magistrature par rapport aux autres pouvoirs de l'État et aux organismes qui peuvent exercer des pressions sur les juges en raison de l'autorité dont ils sont investis par l'État. Ce principe protège les tribunaux contre l'influence des autres pouvoirs de l'État, c'est-à-dire le législatif et l'exécutif. L'indépendance judiciaire comporte également deux dimensions : l'indépendance individuelle d'un juge et l'indépendance institutionnelle ou collective de la cour à laquelle le juge appartient. Autrement dit, les juges sont couverts personnellement par ce principe, tout comme l'ensemble de la cour en tant qu'institution.

Comme nous le savons tous, honorables sénateurs, en vertu de l'alinéa 11d) de la Charte, et je cite :

[Tout inculpé a le droit] d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable;

C'est un principe fondamental. Ce principe avait déjà été inscrit, dans la Loi constitutionnelle de 1867, au paragraphe 99(1), qui précise que :

[...] les juges des cours supérieures resteront en fonction durant bonne conduite, mais ils pourront être révoqués par le gouverneur général sur une adresse du Sénat et de la Chambre des Communes.

Nous participons à la révocation des juges. Bien entendu, leurs fonctions prennent fin quand ils atteignent l'âge de 75 ans, pour maintenir le principe de l'indépendance.

Ce sont là les principes établis dans la Constitution et dans la Charte des droits et libertés et tels qu'ils ont été interprétés par les tribunaux.

Les honorables sénateurs se demandent sûrement pourquoi je leur fais un cours sur le principe de l'indépendance de la magistrature. J'attire leur attention là-dessus parce que, plus tôt cette année, des déclarations faites à la Chambre des communes remettaient ce principe en question. Je citerai ces déclarations, si je peux les retrouver dans mes notes, puisque je préfère reprendre les mots exacts qui ont été prononcés.

Les sénateurs seront peut-être surpris d'apprendre que je ne rédige pas mes discours à l'avance. Je préfère rassembler des documents et présenter des arguments raisonnés au Sénat. Ce n'est pas toujours facile, et je demande donc l'indulgence des sénateurs.

Le 14 février 2007, le premier ministre a dit ceci à la Chambre des communes :

Monsieur le Président, ce qui est évident, c'est que le député a assurément un plan pour passer une audition en vue d'obtenir un nouveau rôle.

L'année dernière, l'ancien ministre de la Justice a annoncé d'importantes modifications pour que les services policiers participent au processus de sélection des juges.

Nous voulons nous doter de lois afin de lutter contre la criminalité et d'accroître la sécurité publique.

Nous voulons nous assurer que la sélection des juges permet d'atteindre ces objectifs.

C'est le premier ministre du Canada qui a dit cela, honorables sénateurs. C'est une déclaration très sérieuse. Le ministre de la Justice a tenu les mêmes propos à une autre occasion, en parlant de sévir contre la criminalité.

Honorables sénateurs, je ne remets pas en question le programme du gouvernement visant à sévir contre la criminalité au moyen de mesures législatives modifiant le Code criminel. En fait, nous avons récemment eu un débat sur le projet de loi C-2, qui contient cinq groupes de modifications visant le Code criminel. Là n'est pas la question.

La question, ici, c'est la déclaration du premier ministre du Canada dans laquelle il dit vouloir choisir des juges qui seront sévères envers les criminels.

Cela peut sembler, pour certains...

Le sénateur LeBreton : Il y a une procédure à suivre dans les provinces. C'est absurde, et vous le savez.

Son Honneur le Président : À l'ordre!

Le sénateur LeBreton : Ne mettez pas de déclarations inexactes dans le compte rendu du débat.

Le sénateur Joyal : Je ne fais pas de déclaration inexacte, honorable sénateurs; j'ai cité mot pour mot les propos du premier ministre.

Puisque le sénateur a abordé ce sujet, notons que le gouvernement a annoncé trois changements importants au processus de nomination des juges. Ce processus de nomination, honorables sénateurs, avait été instauré par l'ancien ministre de la Justice Ramon Hnatyshyn, et j'ai ici le document intitulé Le nouveau régime de nomination des juges, publié en 1988 par le ministère de la Justice du Canada.

Vous pouvez tous examiner le processus conçu à l'époque sous la présidence du premier ministre Brian Mulroney. Il s'agissait d'une approche nouvelle, dont les mérites ont été généralement vantés par tous ceux qui se préoccupent de l'impartialité et de l'indépendance des juges.

En 1991, le même gouvernement a modifié le processus. Comment? Il l'a amélioré. Il a demandé que le comité de sélection classe les candidats dans trois catégories : « fortement recommandé », « recommandé » ou « sans recommandation ». Bien sûr, quand il faut choisir un candidat parmi d'autres, on veut choisir le meilleur.

Ces changements ont été effectués en 1991 et, en 2005, le gouvernement a instauré un code de déontologie à l'intention des membres du comité de sélection. Ce que j'aimerais souligner, honorables sénateurs, c'est qu'il existait un processus qui évoluait et s'améliorait au fil du temps.

Comme le leader du gouvernement au Sénat l'a mentionné, des changements au processus de sélection ont été annoncés par le premier ministre avant que ce dernier ne tienne ces propos aux Communes. Voilà les changements sur lesquels je voudrais attirer votre attention. Quels étaient ces changements?

Tout d'abord, ces changements ne découlaient pas de consultations. Ils ne découlaient pas des observations du comité judiciaire. Ils ne découlaient pas d'une recommandation du comité de sélection, qui existe depuis 1989. Ils ne découlaient pas d'une proposition ou d'une recommandation de l'Association du Barreau canadien. Ils ne découlaient pas d'une proposition ou d'une recommandation du milieu universitaire, qui étudie notre système judiciaire et qui fait souvent des suggestions en vue d'améliorer ce dernier. Honorables sénateurs, ils découlaient d'une décision politique du gouvernement.

(1440)

Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur ce point parce que c'est un facteur important. Des changements politiques ont été effectués sur l'initiative du gouvernement. Quels étaient ces changements?

Il y a eu quatre changements importants. Le premier consistait à abolir le système de classement « hautement recommandé, recommandé ou non recommandé », établi en 1991 et à le remplacer par « recommandé ou non recommandé ». Ce changement est très important. En d'autres mots, ils vont à la pêche dans la mare, et il y a des chances qu'ils choisissent une personne hautement recommandée, mais il se peut aussi qu'ils en choisissent une qui soit seulement recommandée.

Le système ne garantit pas que le candidat sélectionné soit le meilleur candidat.

Le deuxième changement a eu pour effet de retirer son droit de vote au juge membre du comité de sélection. En d'autres mots, honorables sénateurs, nous choisissons un juge. Nous ne choisissons pas n'importe qui. Nous choisissons une personne qui aura pour tâche principale d'interpréter la loi. Le deuxième changement apporté au système aura pour effet de retirer au membre du comité qui est juge, et qui est donc la personne la plus versée dans le fonctionnement d'un tribunal, la possibilité de voter en tant que membre du comité de sélection.

Le troisième changement ajoute un représentant des services de police au comité de sélection. C'est une première que la police se mêle de la sélection des juges.

Le quatrième changement, qui n'a pas été officiellement annoncé mais qui a été mis en œuvre par le gouvernement, est le suivant : lorsque le ministre de la Justice de l'époque, Allan Rock, nommait des juges, il s'était engagé à ne nommer que des juges recommandés par le comité. Le gouvernement a décidé qu'il ne serait plus lié par les recommandations du comité. Il peut nommer des juges n'ayant pas été soumis au processus de recommandation que je viens de décrire. Cette décision est fondée, essentiellement, sur l'article 3 de la Loi sur les juges. Cet article décrit les modalités de nomination des candidats, qui doivent notamment, si ma mémoire est bonne, être inscrits au barreau depuis au moins dix ans. Le sénateur Oliver connaît bien cet article.

Nous sortons maintenant du bassin de candidats. Il existe déjà un précédent, un cas où un avocat a été nommé juge sans que le processus n'ait été suivi.

L'ancien ministre Rock avait promis de ne pas nommer de juge provenant de l'extérieur du bassin de candidats pendant son mandat. Les sénateurs se demanderont pourquoi le premier ministre a décidé d'apporter ces changements qui portent atteinte à l'impartialité du système et à l'indépendance des juges afin de lutter contre la criminalité et d'accroître la sécurité publique.

Quels sont ces objectifs? La lutte contre la criminalité et l'accroissement de la sécurité publique.

En d'autres mots, les membres du comité de sélection doivent maintenant se rappeler que l'objectif du gouvernement est de disposer de juges qui sont sévères à l'endroit des criminels. Quel sera le rôle du comité en pratique? Le comité sera chargé de contrôler l'idéologie du candidat en matière de droit pénal.

La perception qui est créée, c'est que tel est l'impact souhaité par le gouvernement. Si vous êtes le premier ministre et que vous dites que vous allez nommer des juges dont vous attendez qu'ils fassent preuve de sévérité à l'endroit des criminels, qu'est-ce que vous faites? Vous leur précisez le mandat qu'ils auront lorsqu'ils vont rendre des décisions.

Honorables sénateurs, parmi toutes les causes entendues par les 1 066 juges qui relèvent du fédéral, seulement 2 p. 100 sont des affaires pénales. C'est là une information utile dans le contexte qui nous occupe. J'ai vérifié les chiffres de l'an dernier pour la province de Québec. Parmi toutes les causes entendues par la Cour supérieure du Québec durant l'année, seulement 45 étaient des affaires pénales. Pourquoi? Parce que la plupart de ces affaires sont entendues au niveau de la cour provinciale.

Autrement dit, nous modifions le système pour seulement 2 p. 100 des affaires. Il faut se demander quel est l'avantage d'apporter tous ces changements.

Face à ces changements, quelles ont été les remarques ou les réactions des observateurs neutres — je n'en suis pas un — ou des analystes du système judiciaire au Canada?

Permettez-moi de citer Peter Russell, professeur émérite de sciences politiques à l'Université de Toronto. Il est coéditeur d'un livre qui renferme l'analyse la plus à jour sur la nomination des juges au Canada. Le livre s'intitule Appointing Judges in an Age of Judicial Power. Que dit-il au sujet de ces changements? Je vais citer des extraits tirés de son témoignage devant un comité de l'autre endroit, le mardi 20 mars 2007 :

[...] les réformes adoptées récemment par le gouvernement fédéral ont affaibli un système fédéral déjà vicié. La pire décision prise a été de retirer aux comités consultatifs la tâche consistant à désigner les meilleurs candidats, les candidats les plus compétents.

Il a poursuivi en disant :

[...] les réformes du gouvernement conservateur ont affaibli la capacité des comités d'évaluer les compétences des candidats en privant du droit de vote l'unique représentant du système judiciaire, le juge.

Il a ensuite ajouté :

[le gouvernement] veut transformer les comités en organismes de contrôle idéologique plutôt qu'en organismes chargés de trouver les candidats à la magistrature les plus compétents.

Le système a été affaibli. Il a poursuivi son témoignage. J'aimerais que les sénateurs le lisent.

J'ai dit que le milieu universitaire est préoccupé, mais le Barreau canadien l'est également. L'ancien président de l'Association du Barreau canadien, J. Parker McCarthy, a témoigné à ce sujet et a conclu son témoignage en disant ceci :

En conclusion, les changements récents apportés au processus de nomination semblent, pour la plupart, nuire au Canada. Nous invitons le comité à recommander que soient supprimés les changements apportés au processus de nomination qui sont énumérés dans la lettre que nous avons envoyée au comité et qui vous a été distribuée.

Je sais que le temps presse, mais j'aimerais citer le professeur Sébastien Grammond, de l'Université d'Ottawa. Je pourrais aussi citer le professeur Ziegler, professeur émérite de droit à l'Université de Toronto qui a témoigné le jour précédent et qui est arrivé aux mêmes conclusions. Je pourrais également citer l'ancien juge en chef du Canada, Antonio Lamer, qui a témoigné le mercredi 18 avril 2007. Il a notamment affirmé, à propose la possibilité qu'il y ait de la partialité :

[...] la perception qu'il peut y avoir de la partialité n'est pas faible.

(1450)

Où est la partialité? Elle réside dans le fait de mettre en place un système qui ne semble pas protéger l'impartialité et l'indépendance de la cour. Honorables sénateurs, c'est un constat très sérieux, car il existe au moins deux processus de sélection dont le Parlement du Canada devrait s'inspirer. Les changements qu'ils ont subis devraient aussi être apportés au système de justice canadien.

Le premier exemple, ce sont les changements qui ont été adoptés par la province de l'Ontario. Pour illustrer mon propos, je vais citer la Loi sur les tribunaux judiciaires de l'Ontario. Les changements en question ont été apportés au processus de nomination des juges de la province de l'Ontario en 1994. L'article 43 de la loi énonce ce qui suit :

43.(1) Est créé un comité appelé Comité consultatif sur les nominations à la magistrature en français et Judicial Appointments Advisory Committee en anglais...

Au paragraphe 43.(3), il est question de la composition du comité :

[...] l'importance qu'il y a de refléter, dans la composition du Comité, la dualité linguistique de l'Ontario et la diversité de sa population et de garantir un équilibre général entre les deux sexes est reconnue.

En ce qui concerne la durée du mandat :

43.(4) Le mandat des membres est de trois ans et peut être renouvelé.

La durée du mandat du président du comité est de trois ans, et le procureur général ne recommande au lieutenant-gouverneur en conseil en vue d'une nomination à un poste à la magistrature.

Honorables sénateurs, le passage clé de cet article est le suivant :

[...] qu'un candidat qui a été recommandé pour ce poste par le Comité aux termes du présent article.

La loi énonce une série de critères régissant le fonctionnement du comité. Chaque année, le comité produit un rapport annuel sur ses activités; j'en ai un exemplaire ici. Autrement dit, on trouve, à deux endroits en Ontario, un système qui pourrait nous servir d'exemple. Par ailleurs, le Parlement de Westminster, l'institution qui nous a inspiré nos principes constitutionnels, a adopté une loi intitulée « Constitutional Reform Act, 2005 », qui établit un système semblable. Cette loi est entrée en vigueur il y a trois ans.

La partie 3 de cette loi, plus précisément l'article 23 et les suivants, porte sur la nomination des juges. Certains sénateurs trouveront cela intéressant. Pour la première fois, il est dit que seul le premier ministre peut faire une recommandation à Sa Majesté, en consultation avec celle-ci. Les sénateurs qui connaissent le droit britannique savent qu'il est rarement fait mention du premier ministre dans une loi du Parlement.

Pour ce qui est de la question précise de la nomination des juges, en 2005, le Parlement de Westminster a mis en place un système de nomination globale qui permet de recommander uniquement le nombre de candidats correspondant au nombre de vacances. Si le grand chancelier refuse un candidat, il doit justifier sa décision par écrit. Autrement dit, la procédure de nomination en fonction du mérite est à toute épreuve à Westminster.

Honorables sénateurs, comme le sénateur Di Nino l'a dit, le système judiciaire canadien jouit d'une réputation extraordinaire dans le monde et de l'immense respect des Canadiens. En fait, si on demande aux Canadiens de nous dire quel est le poste le plus respecté dans notre société, c'est celui de juge qui arrive toujours en tête de liste. En d'autres termes, les Canadiens éprouvent de la confiance à l'endroit du système judiciaire, et ils estiment qu'il est indépendant et impartial. C'est là un principe fondamental de notre démocratie.

Honorables sénateurs, lorsque nous sommes appelés à augmenter le nombre de juges, je comprends qu'il s'agit d'une nécessité impérieuse, et c'est probablement l'argument qu'invoquera notre ami, le sénateur St. Germain. Je peux informer le sénateur St. Germain que, en janvier 2008, il y avait encore 31 vacances à combler. Il y en aura maintenant 24 de plus. Ces vacances existent déjà. Je comprends que cette mesure législative est urgente et je ne veux pas en retarder l'adoption. Toutefois, il ne fait aucun doute que, si nous sommes appelés à augmenter le nombre de juges, il est légitime, honorables sénateurs, que nous nous interrogions sur la façon dont se feront les nominations et que nous nous demandions si on respecte effectivement les principes d'indépendance et d'impartialité qui sont si profondément ancrés dans la Charte et dans la Constitution et qui protègent tout régime démocratique comme celui du Canada.

L'honorable Terry M. Mercer : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Joyal : Si le temps le permet.

Le sénateur Mercer : Je suis curieux. Le sénateur Joyal est nettement plus versé que moi dans ce domaine. Il a indiqué qu'il y a 1 066 juges nommés par le gouvernement fédéral. Nous avons parlé de leur impartialité et de leur indépendance. Le sénateur pourrait peut-être nous donner une leçon d'histoire. Au fil des ans, combien de juges ont enfreint les principes d'impartialité ou d'indépendance inhérents à leurs fonctions? Y a-t-il eu de nombreux cas?

Le sénateur Joyal : Comme les sénateurs le savent, il existe au Canada un corps judiciaire qui s'appelle le Conseil canadien de la magistrature et qui a pour responsabilité de veiller au professionnalisme et à la discipline des juges dans l'exercice de leurs fonctions. Si une personne souhaite porter plainte contre un juge pour partialité, c'est à ce conseil qu'elle doit s'adresser.

Lorsque le Conseil de la magistrature recommande la révocation d'un juge, l'article 99 de la Constitution peut être appliqué. Cependant, si ma mémoire est bonne, la plupart du temps, l'affaire ne se rend ni au Sénat ni à l'autre endroit. Une fois le juge informé de la décision du comité formé par ses pairs et chargé d'étudier une plainte ainsi que la réplique du juge en question, la plupart du temps celui-ci agit honorablement en démissionnant, avant qu'une recommandation officielle soit faite.

Le sénateur Mercer : Le sénateur est-il en train de dire que le système, tel qu'il a évolué au fil des ans, a bien fonctionné et a assez bien servi les Canadiens?

Le sénateur Joyal : Le sénateur Mercer soulève une question pertinente. Nous n'avons pas étudié cette question au Sénat, mais l'autre endroit l'a fait il y a environ deux ans et demi en confiant à un sous-comité du Comité permanent de la justice et des droits de la personne la tâche d'étudier les améliorations pouvant être apportées à la nomination des juges. Le rapport produit par ce sous-comité était sur le point d'être adopté, mais il y a eu dissolution du Parlement, ce qui fait que le rapport est demeuré sans suite. Au Sénat, la question des améliorations à apporter au système n'a pas été étudiée. Incidemment, honorables sénateurs, le premier titulaire du poste de ministre de la Justice dans le nouveau gouvernement, l'ancien ministre Toews, souscrivait à toutes les recommandations du rapport visant à améliorer le processus de nomination des juges au Canada.

En général, les parlementaires estiment que nous devrions examiner notre système. Puisqu'il existe maintenant des modèles législatifs en Ontario et à Westminster, nous pourrions les étudier et déterminer lequel permettrait le mieux au Canada d'améliorer le processus de sélection afin de s'assurer que les principes d'impartialité et d'indépendance soient maintenus.

Les sénateurs comprendront qu'il est tout aussi important d'être certain qu'un juge qui préside un procès est impartial et indépendant que de choisir un juge qui ne se pliera pas aux diktats d'un pouvoir politique exigeant, par exemple, qu'il soit dur envers les criminels.

La justice doit être appliquée selon ce que prescrit le Code criminel et non en fonction de considérations qui ne correspondent pas au droit d'un citoyen d'être jugé, comme le prévoit la Charte, par un juge impartial et indépendant. C'est un droit prévu dans la Charte, pas un simple objectif général. C'est un droit fondamental des Canadiens. Nous touchons ici quelque chose de très grave. Puisque nous, sénateurs, tenons au respect de la Charte des droits et libertés et au maintien des valeurs de cette Charte, l'impartialité et l'indépendance constituent des valeurs que nous devons défendre.

(1500)

L'honorable George Baker : Le sénateur nous a livré un discours fascinant. Une question toute simple me vient à l'esprit, et j'aimerais la poser au sénateur Joyal. Si on devait choisir les candidats à la magistrature en fonction de leur rigueur à l'endroit des criminels, comment pourrait-on prendre en considération la candidature d'un avocat de la défense? En droit criminel, il y a deux personnes dans un tribunal lors d'un procès devant juge seul : le procureur et l'avocat de la défense. Le procureur a la réputation d'être dur envers les criminels parce que c'est son travail, mais le travail de l'avocat de la défense consiste à défendre son client, même s'il est le pire criminel connu. Le défendre, c'est son travail. Est-ce que le sénateur reconnaît que nous n'aurions peut-être pas eu de juges comme le juge Lamer et d'autres grands juges que nous avons eus au fil des ans si nous avions adopté le critère selon lequel un juge doit être choisi parmi un groupe de candidats reconnus pour être durs envers les criminels?

Le sénateur Joyal : C'est la perception que l'on crée en déclarant que les juges doivent être durs à l'égard des criminels. Que l'on aime cela ou pas, l'impression que l'on donne, c'est que quelqu'un contrôle les juges et peut leur donner des ordres. Nous savons que ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent.

Je siégeais à l'autre endroit dans les années 1970, pendant ce qu'on a appelé « l'affaire des juges ». Je ne sais pas si les sénateurs se souviennent de cette affaire qui impliquait trois ministres d'État. Je ne les nommerai pas, car l'un d'entre eux occupe encore aujourd'hui un poste de très haut niveau, et je respecte cela. On a allégué que ces trois ministres d'État auraient téléphoné à un juge afin de lui faire valoir un certain point de vue dans une affaire. Le sénateur Mahovlich a utilisé le mot « persuader ». J'ai voulu utiliser un terme moins fort. Je dirai qu'ils lui ont téléphoné afin de lui fournir des renseignements additionnels. Bien sûr, les médias ont fait tout un plat de ces appels. Puis-je employer cette expression? Est-ce acceptable? On a posé des questions tous les jours pendant près d'un mois et on a réclamé la démission de ces trois ministres.

La question du sénateur pourrait donner à croire qu'on a modifié le système de façon à confier aux juges un mandat politique. Par conséquent, la présomption d'innocence, ou alors la capacité de réadaptation d'une personne reconnue coupable, capacité qui a un impact sur la détermination de la peine selon les principes du Code criminel, devront être dénaturées, en quelque sorte, parce que le juge doit se montrer sévère à l'égard des criminels. J'aimerais ajouter ceci : qu'en est-il d'un juge qui désire obtenir une promotion? Dans l'ordre actuel des choses, un juge d'une cour supérieure peut s'attendre à être nommé à la cour de plus haut niveau, et la cour de plus haut niveau, c'est la Cour suprême du Canada. Autrement dit, on pourrait croire qu'on influence la façon dont un juge s'acquitte de ses responsabilités lorsqu'il déclare une personne coupable ou impose une peine.

Honorables sénateurs, comme vous l'aurez compris, ces changements sont fondamentaux. Ils influent également sur la capacité d'être candidat et de remplir le formulaire. J'ai en main un exemplaire du formulaire. Il y est question notamment de langues. Certains d'entre vous voudront peut-être savoir quelles réponses sont exigées. Je sais qu'il y a tout un débat au sujet du bilinguisme du prochain juge qui doit être nommé à la Cour suprême du Canada. Pour l'évaluation du meilleur candidat, de nombreux autres facteurs entrent en ligne de compte. Autrement dit, on s'intéresse au candidat autant comme personne que comme juge.

Par conséquent, lorsque nous nous penchons sur des changements qui se répercutent sur les principes de l'impartialité et de l'indépendance de la magistrature, il est essentiel que nous le fassions en étant convaincus de vouloir respecter les caractéristiques qui ont rendu la magistrature si respectueuse du principe de la démocratie et si respectée par une très vaste majorité de Canadiens dans toutes les provinces. Je crois que les sénateurs voudront certainement tenir compte de ce principe en étudiant le projet de loi.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Di Nino, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Le budget de 2008

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Comeau, attirant l'attention du Sénat sur le budget intitulé Un leadership responsable, déposé à la Chambre des communes le 26 février 2008 par le ministre des Finances, l'honorable James M. Flaherty, C.P., député, et au Sénat le 27 février 2008.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, permettez- moi de remercier le leader adjoint du gouvernement d'avoir inscrit au Feuilleton cet avis d'interpellation au sujet du budget de 2008. L'interpellation offre aux sénateurs l'occasion de donner leur avis sur des questions qui les préoccupent. Comme l'interpellation porte sur le budget, les sénateurs disposent d'une marge de manœuvre pour intervenir au sujet de tout un éventail de politiques publiques.

Les deux sujets que je veux aborder cet après-midi sont d'ordre financier. Je vais vous dire ce que c'est. De cette façon, ceux que mes sujets n'intéressent pas pourront quitter les lieux. Premièrement, je veux parler des précédents et des sources faisant autorité qui pourront nous permettre de déterminer si les projets de loi en matière fiscale sont des questions de confiance. Deuxièmement, je veux parler de plusieurs problèmes liés aux relations fédérales- provinciales au chapitre financier, notamment en ce qui a trait à l'Ontario.

Comme plusieurs sénateurs l'ont déjà fait publiquement, je m'élève contre...

Le sénateur Banks : Votre Honneur, il y a plusieurs conversations autour de moi, et je n'entends pas le sénateur Murray.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (Son Honneur le Président suppléant) : Honorables sénateurs, je vous demande, si vous avez des discussions à tenir, de le faire à l'extérieur afin que nous puissions entendre les sages conseils du sénateur Murray.

[Traduction]

Le sénateur Murray : Je suis heureux et flatté de l'intervention du sénateur Banks et de votre rappel à l'ordre, Votre Honneur.

Comme plusieurs sénateurs l'ont déjà fait publiquement, je m'élève contre la déclaration du ministre des Finances, M. Flaherty, selon qui on ne devrait pas amender le projet de loi C- 10. D'après lui, « le vote sur un projet de loi fiscal est un vote de confiance. Tout le monde le sait. »

Je n'ai pas l'intention de discuter du fond du projet de loi C-10. Si je le faisais, ce serait après que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui en est saisi, l'aura renvoyé, et je présume qu'il le fera. À mon sens, le ministre Flaherty se trompe quand il dit que le vote sur un projet de loi fiscal est un vote de confiance. L'histoire parlementaire canadienne et britannique contredit son affirmation.

(1510)

De toute évidence, le gouvernement est libre de faire de toute mesure une question de confiance, mais aucune mesure ne peut être automatiquement considérée comme telle, à moins qu'il n'ait été déclaré explicitement que c'est le cas.

Je n'ai pas l'intention de citer quoi que ce soit, mais je tiens à attirer l'attention des sénateurs sur les nombreux écrits d'Eugene Forsey, qui font autorité sur cette question et sur beaucoup d'autres sujets parlementaires connexes. M. Forsey a beaucoup écrit avant son mandat de sénateur, qui fut relativement bref, et beaucoup plus encore après.

Son article, intitulé Government Defeats in the Canadian House of Commons, 1867-73, a d'abord été publié dans le numéro d'août 1963 du Canadian Journal of Economics and Political Science. Il a ensuite été publié dans le recueil d'essais de M. Forsey, intitulé Freedom and Order : Collected Essays, dans la série Carleton Library en 1974.

J'épargnerai aux sénateurs tous les précédents qu'il a mentionnés, mais je citerai tout de même un paragraphe où il dit ceci :

Pour résumer, le gouvernement de sir John A. Macdonald, pendant les quatre premières sessions du Parlement fédéral, a été défait cinq fois sur des projets de loi ministériels, deux fois sur des résolutions du gouvernement en préparation de projets de loi et deux fois sur des résolutions portant sur les Crédits.

M. Forsey continue en disant que :

[...] seulement trois des motions sur lesquelles le gouvernement a été défait avaient été proposées par un député de l'opposition [...].

Les autres avaient été proposées par des députés de la Chambre des communes qui appuyaient en général le gouvernement Macdonald. Le premier ministre Macdonald a toujours qualifié ces députés d' « esprits libres et indécis ».

M. Forsey ajoute qu'il ne reste que très peu de ces esprits libres, mais que, sous un gouvernement minoritaire, il y a des regroupements flottants d'esprits libres, sur lesquels aucun gouvernement ne peut compter.

Voici ce qu'il disait d'ailleurs à ce sujet :

Un gouvernement minoritaire pourrait donc devoir revenir à la position du bon sens de Macdonald, qui consistait à simplement accepter la défaite sur toute question à l'exception des motions de défiance ou de censure ou de toute mesure qu'il considérait vitale à sa politique.

Un peu plus récemment, M. Forsey, qui avait alors pris sa retraite du Sénat, a été mandaté par un comité de la Chambre des communes, le célèbre comité McGrath, formé en 1985 sous la direction de l'honorable James A. McGrath, qui s'est penché sur la procédure de la Chambre des communes. Ce document, qui n'existe pas en version française, est intitulé The Question of Confidence in Responsible Government. Les sénateurs peuvent l'obtenir à la Bibliothèque du Parlement.

Les propos de M. Forsey qui sont pertinents à notre discussion d'aujourd'hui se trouvent aux pages 144 à 147. On peut lire ce qui suit à la page 144 :

Un gouvernement dont une motion a été rejetée, y compris une motion d'ajournement, peut décider de considérer cette défaite comme étant décisive, c'est-à-dire comme un vote de défiance entraînant soit la démission du gouvernement (ce qui permet la nomination d'un nouveau gouvernement dans la même législature) ou une demande de dissolution du Parlement présentée par le gouvernement existant au gouverneur général.

Les propos que l'on trouve à la page 146 sont tout à fait pertinents :

Toute « mesure financière », qu'il s'agisse d'une mesure fiscale ou d'un budget de dépenses, et qu'elle soit prévue ou non dans un budget, n'est pas nécessairement considérée comme une question qui engage la confiance, et son rejet n'entraîne pas nécessairement la démission du gouvernement ou la demande de dissolution. Le gouvernement peut juger ce rejet comme une question qui engage la confiance et démissionner ou demander la dissolution du Parlement, mais il n'est pas obligé de le faire.

Avant ce passage, et cela pourra faire sourire certains sénateurs, il a parlé de précédents dont quelques-uns des nos collègues plus âgés pourront se rappeler, notamment la défaite du gouvernement Pearson, en février 1968, à l'étape de la troisième lecture d'un projet de loi modifiant le régime d'impôt sur le revenu. Il parle ensuite d'un fait plus récent et souligne que :

Le 20 décembre 1983, l'article 6 du projet de loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu a été défait par 67 voix contre 28 en comité plénier. Bien que messieurs Neilsen et Mulroney se soient empressés de demander sa démission ou sa dissolution, le gouvernement...

Il s'agissait alors du gouvernement Trudeau.

... a poursuivi ses travaux, en excluant l'article 6. Autrement dit, il a accepté la défaite.

La seule chose que j'aimerais ajouter, c'est que, si le gouvernement veut apporter un amendement au projet de loi C-10, par exemple un amendement possible à un article, dans un projet de loi de 281 articles faisant plus de 500 pages, je présume qu'il peut le faire et qu'il défendra par la suite sa décision de demander la dissolution du Parlement et de déclencher des élections, le cas échéant.

Par contre, je crois qu'il va presque sans dire qu'un amendement provenant du Sénat n'entraînerait pas un vote de confiance. Le Sénat n'est pas habilité à accorder ou à retirer la confiance. Il y aurait vote de confiance si le gouvernement décidait de traiter comme tel le vote subséquent de la Chambre des communes.

Je m'arrête ici. Les honorables sénateurs qui souhaitent en savoir plus peuvent consulter les documents auxquels j'ai fait référence.

Le deuxième sujet que je voulais aborder brièvement porte sur les relations fiscales fédérales-provinciales, plus précisément en ce qui concerne l'Ontario. La semaine dernière, pendant les déclarations de sénateurs, j'ai parlé de la possibilité que l'Ontario devienne admissible à des paiements de péréquation d'ici quelques années. J'ai exprimé le souhait que cette possibilité n'effraie aucun de nous, même si certains semblent avoir peur. Il y a déjà eu huit provinces qui recevaient des paiements de péréquation; aujourd'hui, il y en a six. Ce nombre peut augmenter ou diminuer selon le passage de la capacité fiscale relative des provinces au-dessus ou sous la moyenne nationale. C'est ainsi que le système est censé fonctionner.

Certains commentateurs, dans les médias et ailleurs, continuent de parler du programme de péréquation comme s'il s'agissait d'un transfert des provinces non bénéficiaires aux provinces bénéficiaires.

Honorables sénateurs, je ne saurais trop insister sur le fait que la péréquation est un programme fédéral financé par les recettes fiscales provenant de toutes les provinces et de tous les contribuables, pas seulement celles des provinces riches. Le premier ministre McGuinty, entre autres, ne semble pas comprendre ce principe, si on en croit ses déclarations publiques.

Le ministre des Finances, M. Flaherty, dans son allocution de lundi à l'Economic Club de Toronto, a fait la déclaration suivante :

La péréquation n'est pas un genre d'initiative prévoyant qu'une province envoie de l'argent à une autre. Il s'agit d'un programme fédéral qui est financé par l'impôt que chacun de nous verse au gouvernement du Canada. Ce programme est inscrit dans notre constitution, et il nous permet de remplir notre obligation de veiller à ce que des services sensiblement comparables, qu'il s'agisse de services sociaux ou d'autres services, soient offerts partout au pays.

Contrairement à ce qui se dit et s'écrit dans les médias, il ne faut pas confondre le programme de péréquation avec le soi-disant écart entre l'Ontario et le gouvernement fédéral. Il y a plusieurs années que le premier ministre McGuinty et ses collègues parlent de cet écart.

Ce soi-disant écart est, je crois, de 21 milliards de dollars, à savoir la différence entre les recettes perçues auprès des contribuables en Ontario et les dépenses faites par le gouvernement fédéral dans cette province. L'écart existe, mais, comme M. Flaherty l'a dit dans son discours, il reflète la prospérité de l'Ontario. C'est le soi-disant écart dont on parle. En effet, avant que M. Flaherty et ses collègues arrivent au pouvoir, le ministère des Finances, se fondant sur des chiffres portant sur la période entre 2003 et 2005, a établi au début de janvier 2006 un graphique montrant que le soi-disant écart de l'Ontario reflétait essentiellement sa prospérité.

(1520)

Ces chiffres n'ont pas été mis à jour, du moins pas publiquement. Toutefois, j'ai parlé à certaines personnes qui suivent ces questions attentivement, et je vous fournirai une conjecture raisonnée sur les éléments de ce soi-disant écart. Nous parlons de 21 milliards de dollars. J'ai entendu dire que 30 p. 100 de ce montant est attribuable au fait que les Ontariens ont des revenus personnels et des revenus de société plus élevés que la moyenne et qu'ils payent donc plus d'impôt.

Une autre tranche de 16 p. 100 du montant est attribuable au fait que l'Ontario reçoit moins de transferts proportionnels au revenu comme les prestations de SV et de SRG, qui sont basées sur le revenu; la Prestation fiscale canadienne pour enfants le crédit pour TPS l'assurance-emploi, dont je reparlerai plus tard et les subventions aux Autochtones. Ces transferts aux personnes sont plus importants dans les provinces où les revenus sont moins élevés. Seize pour cent sont donc attribuables au fait que les transferts proportionnels au revenu octroyés aux personnes sont inférieurs à la moyenne.

Une autre tranche de 16 p. 100 s'explique par le fait que, à l'heure actuelle, l'Ontario ne touche pas de paiements de péréquation. Environ 20 p. 100 sont attribuables à la part du remboursement de la dette fédérale assumée par chaque habitant de l'Ontario. Une autre tranche de 9 p. 100 est imputable au fait que d'autres dépenses sont inférieures à la moyenne, y compris les transferts pour l'immigration et les ententes sur le développement du marché du travail. On dit qu'en 2004-2005, une fraction d'environ 2 p. 100 était attribuable aux montants en espèces inférieurs à la moyenne versés dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et du Transfert canadien en matière de programmes sociaux.

Le gouvernement de l'Ontario avait des griefs légitimes, du moins à première vue. On s'est occupé de l'un d'entre eux, à savoir les coûts engagés par le gouvernement de l'Ontario relativement à l'intégration des immigrants.

[Français]

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, le temps de parole du sénateur Murray est maintenant écoulé. L'honorable sénateur demande-t-il une prolongation?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Cinq minutes.

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Le sénateur Murray : Je remercie les sénateurs de me permettre de poursuivre. Le gouvernement participe à des négociations afin de corriger le problème de l'Ontario en ce qui a trait aux transferts prévus pour l'intégration des immigrants. Dans le budget de 2007, le gouvernement a décidé que les paiements au titre du Transfert canadien en matière de santé et du Transfert canadien en matière de programmes sociaux se fonderaient sur un montant en espèces égal par habitant. Je vais m'abstenir de parler du préjudice potentiel que cette mesure pourrait causer aux provinces plus pauvres dans l'avenir. Certains d'entre nous ont déjà soulevé ce point. Quoi qu'il en soit, le gouvernement fédéral actuel a capitulé et il a cédé aux pressions de l'Ontario, qui se plaignait de recevoir un montant en espèces par habitant moins élevé dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et du Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Il en était ainsi parce que, depuis les années 1970, le gouvernement répartissait de façon égale le transfert des points d'impôt aux provinces pauvres, mais c'est là une autre question. Ce qui importe, c'est que le gouvernement a fait plus que la moitié du chemin vis-à-vis de l'Ontario. Il est allé jusqu'au bout et il s'est rendu aux arguments de la province.

L'Ontario a peut-être un argument valable en ce qui a trait aux différences régionales en matière d'assurance-emploi. Je ne vais pas discuter de cet argument, mais celui-ci est probablement valable. Cela dit, le gouvernement de l'Ontario ne doit pas saboter un bon argument en simplifiant et en exagérant grossièrement, en parlant d'un écart de 21 milliards de dollars, dont la plus grande partie — comme l'a dit M. Flaherty et comme les faits le prouvent — est le reflet de la prospérité relative de cette province.

(Sur la motion du sénateur Banks, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Budget des dépenses de 2008-2009

Autorisation au Comité des finances nationales d'étudier le Budget supplémentaire des dépenses (A)

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis du 13 mai 2008, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses projetées dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2009.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Règlement, procédure et droits du Parlement

Adoption du cinquième rapport du comité

Permission ayant été accordée de passer à la rubrique « Autres affaires, Rapports de comités, article no 3 » :

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Keon, appuyée par l'honorable sénateur Di Nino, tendant à l'adoption du cinquième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (l'usage de langues autochtones au Sénat), présenté au Sénat le 9 avril 2008.—(L'honorable sénateur Stratton)

L'honorable Terry Stratton : Honorables sénateurs, je suis heureux de parler aujourd'hui du cinquième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Comme les sénateurs le savent, le rapport porte sur l'usage de langues autochtones au Sénat. J'apprécie à sa juste valeur l'objectif de la recommandation présentée dans le document, c'est-à- dire l'inclusion et le respect. Je reconnais également la situation unique des langues autochtones, les langues des Premières nations, au Canada. Ces langues étaient utilisées avant n'importe quelle autre sur ce territoire que nous appelons notre pays.

[Français]

Cependant, la Constitution prévoit l'application de deux langues officielles au Canada, le français et l'anglais. Lorsqu'il a pris la parole, le 17 avril dernier, le sénateur Nolin nous a rappelé que l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 stipule l'utilisation de ces deux langues au Parlement.

[Traduction]

Je crains que les recommandations qui figurent dans le rapport ne soulèvent des questions constitutionnelles et que leur mise en œuvre ne crée un précédent dont les conséquences considérables et imprévues risquent d'être difficiles à assumer. Comme le savent les sénateurs, rien n'empêche l'un d'entre nous de s'exprimer dans une autre langue au Sénat. D'ailleurs, il est arrivé que des sénateurs parlent d'autres langues, comme le 30 avril dernier, quand le sénateur Watt a pris la parole au sujet du rapport en question.

Nous n'avions pas d'interprète à notre disposition à ces moments- là. Nous n'étions donc pas en mesure de savoir, à ce moment même, ce qui se disait. La traduction a cependant été fournie dans la version imprimée des Débats du Sénat, le lendemain.

(1530)

Je crois comprendre que c'est la pratique à la Chambre basse indienne, la Lok Sabha, où les députés s'exprimaient généralement en anglais ou en hindi. Si un député s'exprime dans une langue régionale, une traduction anglaise figure par la suite dans le compte rendu officiel.

Cela serait-il suffisant? Selon le comité, non. On peut lire ce qui suit dans son rapport :

On ne saurait dissocier le droit de parler une langue autochtone de la capacité de comprendre ce qui se dit. Si un sénateur peut s'exprimer dans une langue autochtone au Sénat, le comité croit qu'il faut prévoir des services de traduction en anglais et en français pour que les autres sénateurs puissent le comprendre. Pour exercer son rôle, le Sénat doit pouvoir discuter et débattre des questions, et la communication doit donc se faire dans les deux sens.

C'est là où le comité est allé plus loin : il fait plus que permettre, par courtoisie, qu'une langue autochtone soit utilisée, il lui donne un statut s'apparentant à celui de nos deux langues officielles. Nous risquons, dans la pratique, de créer un précédent qui aurait pour effet d'octroyer le droit constitutionnel de parler l'inuktitut au Sénat, au même titre que l'anglais et le français.

Si notre intention est de discuter et de débattre de questions de communication dans les deux sens, peut-être devrions-nous explorer d'autres moyens que celui qui frôle le territoire constitutionnel auquel le sénateur Nolin fait allusion.

Au cours de ce même débat, les sénateurs libéraux ont fait valoir qu'il existe un précédent à l'égard de l'utilisation de l'inuktitut dans le système judiciaire. Le sénateur Rompkey a dit :

[...] il n'y a aucune raison pour laquelle on ne pourrait le faire dans le système parlementaire.

Le sénateur Segal a réagi à ses remarques en lui demandant si :

[...] le droit aux services d'interprétation devant les tribunaux, qui remonte à l'époque de Diefenbaker et de la Déclaration des droits en 1960, confirme qu'il s'agit bien, à son avis, du même droit que celui dont nous jouissons ici de nous exprimer dans une des langues officielles.

Je me demande si le sénateur Rompkey a eu l'occasion de réfléchir à cette question. Lorsqu'il en aura eu la chance, je pense que tous les sénateurs aimeraient entendre sa réponse.

L'argument en faveur de l'utilisation de l'inuktitut ne dépend pas seulement du fait que nous avons actuellement deux sénateurs dont c'est la langue maternelle, mais aussi du fait que nous en aurons probablement davantage. Comme le rapport le dit :

[...] en raison de la concentration de personnes de langue inuktitut au Nunavut, constituant une masse critique à l'appui de cette langue, et des répercussions qu'auront probablement les efforts en vue de favoriser l'usage de cette dernière, il se peut fort bien qu'il y ait toujours au Sénat des sénateurs inuits capables de fournir un plus grand apport si on les autorisait à intervenir dans leur première langue d'usage.

[Français]

Mais l'utilisation de l'inuktitut au Sénat n'est pas qu'un débat. Le comité veut clairement que le Sénat aille plus loin et ajoute à l'inuktitut d'autres langues autochtones. Imaginez alors les questions d'interprétation, chaque langue étant traduite simultanément en français, en anglais et peut-être dans d'autres langues.

[Traduction]

C'est une chose d'avoir, comme c'est actuellement le cas au Sénat, les deux langues qu'il est possible d'utiliser en vertu de la Constitution. Toutefois, la mise en œuvre des recommandations de ce rapport entraînerait l'utilisation de trois langues dans l'avenir immédiat et peut-être de plusieurs autres dans un avenir assez rapproché. En comparaison, la situation à l'assemblée quadrilingue du Nunavut pourrait sembler facile à gérer.

Or, si nous adoptions l'utilisation d'une langue autochtone au Sénat, en plus de l'anglais et du français, il serait inapproprié de se limiter à l'inuktitut, particulièrement si cette décision visait à faciliter la discussion ou le débat de diverses questions.

Les langues crie et ojibway sont très vivantes et comptent environ 80 000 et 45 000 locuteurs respectivement au Canada. Par ailleurs, environ 15 000 Canadiens parlent le déné. À titre de comparaison, je signale que près de 30 000 Canadiens parlent l'inuktitut. Ces chiffres sont tirés de l'ouvrage de Eung-Do Cook et Darin Howe intitulé Aboriginal Languages of Canada.

Cela nous amène à nous demander où il faut fixer la limite. Si nous sommes disposés à utiliser officiellement l'inuktitut au Sénat du Canada, alors pourquoi pas le cri, l'ojibway, le déné ou d'autres langues autochtones? Devrait-on fonder de telles décisions sur des critères démographiques ou géographiques, ou encore sur la nécessité d'appuyer une langue menacée de disparition?

Le comité a-t-il pleinement pris en considération les conséquences de ce qu'il propose dans la pratique? Par exemple, le projet pilote initial sur l'utilisation de l'inuktitut dans l'enceinte du Sénat pourrait nécessiter quatre interprètes — ceux qui traduiraient de l'inuktitut vers l'anglais et le français, et ceux qui traduiraient de l'anglais et du français vers l'inuktitut — en plus du personnel de soutien, au besoin. On pourrait également avoir besoin de personnes qualifiées pour transcrire les délibérations en anglais, en français et en inuktitut. Ce travail serait-il confié en sous-traitance ou à du personnel salarié?

Si nous confions le travail en sous-traitance, combien coûteront les services d'interprètes ayant reçu une formation professionnelle qui voudront et pourront interrompre leur travail à court préavis pour se présenter dans la cabine des interprètes?

Le comité ne semble pas avoir réfléchi à cela ni au fait qu'il sera nécessaire de donner un préavis raisonnable lorsqu'on aura l'intention de s'exprimer en inuktitut, en plus de la nécessité d'assurer l'interprétation en anglais et en français. Plus loin, il est écrit :

Il est entendu que, une fois la proposition approuvée, il faudra faire le nécessaire pour obtenir les services d'interprètes compétents, pour adapter les installations d'interprétation en fonction des besoins d'autres interprètes et pour garantir l'interprétation simultanée des délibérations en anglais, en français et en inuktitut. Les arrangements occasionneront des coûts initiaux, qu'il faudra surveiller de près. Le comité croit cependant que l'approche progressive qu'il propose offre le moyen le plus économique de répondre aux besoins probables des sénateurs inuits.

[Français]

Honorables sénateurs, le comité croit que le plan qu'il a énoncé dans un court paragraphe pourra fonctionner, mais ce n'est pas suffisant pour me convaincre d'appuyer ses recommandations et d'y consacrer l'argent des contribuables.

[Traduction]

Avant d'approuver cette proposition, sans doute en adoptant le rapport du comité, il faut examiner de manière approfondie les exigences et les coûts, tant les coûts initiaux que les coûts permanents. C'est seulement à la suite d'un tel examen que nous pourrons envisager le projet-pilote.

Honorables sénateurs, même si l'intention et la bonne volonté qui sous-tendent le rapport sont très louables, la proposition provoquera un changement de politique qui aura des conséquences administratives très complexes.

Avant de nous lancer dans pareille entreprise, j'aimerais savoir si le Comité du Règlement a exploré d'autres options pouvant nous permettre d'atteindre le même objectif, soit faciliter les communications dans les langues autochtones. Dans l'affirmative, quelles sont ces options? Dans la négative, pourquoi pas? Honorables sénateurs, je crois que cette question mérite qu'on s'y attarde davantage.

Entre-temps, je suggère que le Sénat rejette les recommandations actuelles du rapport. Le précédent que nous allons créer entrera inévitablement en contradiction avec le fonctionnement du Sénat.

Il y a toujours place à l'amélioration, et j'appuie de tout cœur une meilleure inclusion des Premières nations au Sénat. Toutefois, je ne crois pas que ce soit la voie à suivre à ce moment-ci.

(1540)

L'honorable David P. Smith : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Stratton : Oui.

Le sénateur Smith : Je vais signaler trois points, et j'aimerais que le sénateur dise s'il est au fait de ces trois points.

Premièrement, dans notre rapport, nous ne recommandons pas que le hansard soit publié dans d'autres langues que le français et l'anglais. Il est faux de dire qu'il s'agit d'accorder insidieusement l'égalité de statut aux langues autochtones, car il n'est pas question de version autochtone du hansard.

Deuxièmement, le sénateur sait-il que nous ne recommandons pas, dans notre rapport, que l'utilisation de l'inuktitut, l'objet du projet-pilote, soit systématique, mais qu'on puisse s'exprimer dans cette langue après avoir donné un préavis raisonnable? Nous nous entendrons sur la longueur du préavis. Nos sénateurs veulent que la prestation de ce service soit d'un bon rapport coûts-avantages. Le préavis sera raisonnable.

Troisièmement, pour ce qui est des autres langues autochtones, tous les sénateurs qui ont une certaine maîtrise d'une langue autochtone ont été consultés — il y en a sept au total, je crois, y compris deux qui parlent l'inuktitut — et ils ont tous convenu du fait qu'ils allaient les parler à une ou deux occasions par année, lors de visites de dignitaires de leur collectivité, par exemple. On pourrait ainsi leur manifester du respect et les honorer, et ils se contenteraient très bien d'un avis de deux semaines environ, ce qui permettrait de réduire les coûts au minimum. Nous sommes bien au fait de ce qu'ont coûté les services à Yellowknife, à l'Assemblée des Territoires du Nord-Ouest, et nous savons aussi que les coûts ont été beaucoup plus raisonnables au Nunavut. Nous nous sommes rendus au Nunavut justement pour savoir comment ils s'y prenaient.

Le sénateur savait-il que tous ces aspects étaient intégrés au rapport de notre comité?

Le sénateur Stratton : En effet. Je vais aller un peu plus loin que cela cette fois.

Oui, je le savais. Je suppose qu'il faut maintenant se demander pourquoi ces interventions ne seraient pas consignées au hansard. Ce serait la suite logique. Et pourquoi pas dans une langue autre qu'autochtone? Si quelqu'un veut intervenir au Sénat en inuktitut — et je suis tout à fait d'accord —, alors pourquoi pas en russe, en polonais, en ukrainien, en chinois ou dans une autre langue? Pourquoi un sénateur n'aurait-il pas le droit d'en faire autant et de bénéficier de services d'interprétation et de la publication dans le hansard? Nous avons ouvert la porte à cette possibilité.

À mon avis, ce serait une question de privilège pour un sénateur de pouvoir, lors d'occasions spéciales, en présence d'invités, s'adresser en russe à une délégation russe et de s'attendre à ce que son exposé soit enregistré et interprété. Pourquoi cela ne serait-il pas possible? Ce serait un aboutissement logique. Ce qui me préoccupe vraiment, ce sont les frais encourus.

Le sénateur Smith : Pourrais-je poser une question complémentaire?

Son Honneur le Président : Le sénateur Stratton devrait demander une prolongation de son temps de parole.

Le sénateur Stratton : Cinq minutes.

Le sénateur Smith : Je me demande si le sénateur est conscient du fait que notre comité, au tout début, au moment où il a été saisi de cette question, a examiné ce point en profondeur. Tout le monde s'entendait alors pour dire que les langues autochtones de ce pays, de cette terre, appartiennent à une catégorie unique et méritent le respect.

Ce n'était pas un manque de respect que le sénateur Di Nino fasse un discours en italien ou que le sénateur Andreychuk en fasse un en ukrainien. Là n'est pas la question. Il est ici question de traiter les collectivités autochtones de ce pays d'une manière particulière, non en vertu de la Constitution, avec le respect qui leur est dû et à des coûts raisonnables.

Le sénateur Stratton : Je répondrai la même chose. Je pense, comme le sénateur, que les collectivités autochtones ont un droit particulier. Cependant, une fois que cette porte aura été ouverte, il y aura toujours quelqu'un pour invoquer le privilège et pour exiger le droit de parler la langue de son pays natal, que ce soit le russe, l'italien ou une autre langue. Comment refuser?

Le sénateur Smith : Le Président dirait qu'il n'y a aucun fondement.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté avec dissidence.)

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Banks, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-224, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (sièges vacants).—(L'honorable sénateur Brown)

L'honorable Bert Brown : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour parler du projet de loi S-224. Ce projet de loi me rappelle le thème du programme de l'un des candidats actuels à la présidence américaine, aux élections de cet automne : « Tant qu'il y a de l'espoir, des changements sont possibles. »

Je crois comprendre que le ministre de la réforme démocratique et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Peter Van Loan, a déclaré dans son récent témoignage devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles que les conservateurs ne peuvent pas appuyer le projet de loi S-224 du sénateur Moore, le projet de loi sur les nominations pour combler les sièges vacants, parce qu'il consacre une Chambre haute antidémocratique.

Encore une fois, espérant que, même à la Chambre haute, des changements soient possibles, je vais présenter un amendement au projet de loi S-224. En adoptant cet amendement attrayant, honorables sénateurs, nous tendrions la main à un premier ministre qui souhaite sincèrement un Sénat démocratique.

Avec tout le respect que je dois à l'auteur du projet de loi, le sénateur Moore, et à sa comotionnaire, madame le sénateur Milne, j'espère que les sénateurs voteront en faveur du projet de loi S-224 avec l'amendement que je propose. Si les provinces élisent des sénateurs en attente, le premier ministre comblera les sièges vacants. J'en suis la preuve.

Motion d'amendement

L'honorable Bert Brown : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi S-224, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (sièges vacants), soit modifié à l'article 1, à la page 1 :

a) par substitution, aux lignes 8 à 12, de ce qui suit :

« 13.1 Dans les 180 jours suivant toute vacance au Sénat, le premier ministre recommande au gouverneur général, pour nomination au Sénat, une personne capable qui a les qualifications voulues et, ce faisant, prend en considération :

a) dans le cas d'une vacance quant à la province d'Alberta, toute consultation qui a eu lieu en vertu de la Senatorial Selection Act de cette province;

b) dans le cas d'une vacance quant à toute autre province ou territoire, doit tenir compte de toute consultation qui a eu lieu au cours des six dernières années visant à élire des sénateurs pour représenter la province ou territoire. »

b) par substitution, aux lignes 15 à 19, de ce qui suit :

« premier ministre, dans les 180 jours suivant la sanction, recommande au gouverneur général, pour nomination au Sénat, une personne capable qui a les qualifications voulues et, ce faisant, prend en considération :

a) dans le cas d'une vacance quant à la province d'Alberta, toute consultation qui a eu lieu en vertu de la Senatorial Selection Act de cette province;

b) dans le cas d'une vacance quant à toute autre province ou territoire, toute consultation qui a eu lieu au cours des six dernières années visant à élire des sénateurs pour représenter la province ou territoire. ».

Je dépose cette motion en français et en anglais.

Le sénateur Comeau : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Banks, le débat est ajourné.)

(1550)

[Français]

Projet de loi sur la modernisation urbaine et la Banque de développement

Deuxième lecture—Report du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Fitzpatrick, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-226, Loi modifiant la Loi sur la Banque de développement du Canada (obligations municipales pour infrastructures) et une autre loi en conséquence.—(L'honorable sénateur Eyton)

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, le sénateur Eyton est en train de travailler sur ses observations concernant ce projet de loi. Il ne peut pas être au Sénat maintenant, et nous ne voulons pas perdre le momentum de ce projet de loi. Je propose l'ajournement du débat au nom du sénateur Eyton.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Le débat est reporté.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 15 mai 2008, à 13 h 30.)


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