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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 28

Le mercredi 12 mai 2010
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 12 mai 2010

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'Association canadienne des paraplégiques

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, ma journée est très intéressante. J'ai les muscles endoloris. On m'a permis d'entrer sur mes deux jambes, mais vous avez peut-être vu un fauteuil roulant à la porte. Le sénateur Kochhar et moi sommes dans un fauteuil roulant depuis 7 heures ce matin afin de participer aux efforts de sensibilisation déployés par l'Association canadienne des paraplégiques. Je peux vous dire que je suis plus fatigué que je ne l'ai jamais été après une partie de hockey. Je passe la journée dans un fauteuil roulant afin de comprendre ce qu'est la vie quotidienne de plus de 41 000 Canadiens qui ont subi un traumatisme médullaire. Je vois les choses différemment maintenant. J'ai découvert qu'il faut plus de temps pour aller du point A au point B. Je sais ce que c'est de ne pas pouvoir regarder son interlocuteur dans les yeux, tout comme le sénateur Kochhar, mais j'ai découvert dans le haut de mon corps des muscles dont j'ignorais l'existence.

J'ai aussi appris des faits tristes au sujet des traumatismes médullaires. Chaque année, 1 200 personnes subissent un traumatisme médullaire au Canada et, dans 84 p. 100 des cas, ce sont des jeunes de moins de 34 ans. Trois victimes sur quatre sont des hommes. Ces chiffres sont inquiétants pour un père comme moi, dont les deux fils se trouvent dans cette catégorie d'âge.

Il est aussi inquiétant d'apprendre que nous ne connaissons pas de cure pour les traumatismes médullaires, que le taux de chômage des victimes de ce traumatisme s'élève à 62 p. 100 et que les coûts à payer au cours de la vie de chaque personne atteinte d'un traumatisme médullaire s'élèvent entre 1,25 million et 25 millions de dollars, selon le traumatisme.

Nous avons beaucoup de travail à faire pour trouver un traitement pour les traumatismes médullaires et pour permettre à ceux qui en sont frappés de participer pleinement à la vie en société. Je réfléchirai certainement à cela lorsque je réintégrerai mon fauteuil roulant pour le reste de la journée et je réfléchirai aussi à ce que le Sénat peut faire pour devenir plus inclusif.

À l'autre endroit, des aménagements ont été faits pour permettre la circulation des personnes en fauteuil roulant, comme le ministre Fletcher, qui a été aujourd'hui le chef de 35 députés et de deux sénateurs. Au Sénat, Rick Wardell est un des participants au Programme des amis du Sénat. Rick travaille avec nos pages et se heurte à des limites parce qu'il ne peut pas circuler au Sénat avec son fauteuil roulant. Je crois qu'il mérite mieux. Je crois qu'une personne comme Rick devrait pouvoir entrer au Sénat pour porter un message. C'est simple, il suffit d'ouvrir les portes un peu plus grand et, évidemment, le tapis rouge ne sera pas du tout endommagé. Je crois que Rick mérite mieux, comme toutes les personnes frappées d'un traumatisme médullaire.

Quel qu'ait été le parti au pouvoir au cours des 15 dernières années, le Parti libéral ou le Parti conservateur, le financement annuel de l'Association canadienne des paraplégiques est passé de 2 millions de dollars à 200 000 $. Tous les parlementaires d'expérience, tant libéraux et conservateurs qu'indépendants, savent qu'il ne s'agit pas d'une question politique. Il s'agit d'aider et de sensibiliser les gens. Par exemple, le ministre Flaherty a été très généreux en ce qui concerne le financement des Jeux olympiques spéciaux, cause qui me tient à cœur. Cela montre que les libéraux et les conservateurs peuvent travailler ensemble.

Je termine en disant que, à mon avis, nous pouvons faire mieux.

La Semaine nationale des soins infirmiers

L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Honorables sénateurs, à l'occasion de la Semaine nationale des soins infirmiers cette année, je prends la parole pour reconnaître le travail du personnel infirmier.

Le 12 mai marque l'anniversaire de Florence Nightingale, qui reste la référence pour les infirmières. En son honneur, nous célébrons aujourd'hui la Journée internationale de l'infirmière et prenons quelques instants pour réfléchir aux réalisations de celles qui lui ont succédé, ces infirmières désintéressées et dévouées qu'on néglige souvent de remercier et d'apprécier.

Mme Nightingale est allée à l'encontre de l'opinion publique de son époque en servant pendant la guerre de Crimée; elle et une équipe d'infirmières ont travaillé dans des hôpitaux militaires de la Turquie, où elles ont été témoins de conditions épouvantables. Leurs interventions ont sauvé de nombreuses vies et, plus important encore, ont sensibilisé la population au fait que la profession d'infirmière sauve des vies.

Chaque jour, les membres du personnel infirmier font plus que leur devoir et prennent soin des gens au moment où ils sont les plus vulnérables. Tant au moment de la naissance qu'à celui de la mort, le personnel infirmier est fidèle au poste, nous aide et nous guide pendant ces périodes de transition difficiles.

[Français]

Dès la naissance et jusqu'à la mort, les infirmières nous apportent leur soutien, nous guident et facilitent la transition dans les moments difficiles.

[Traduction]

Les efforts désintéressés et inlassables des infirmiers et des infirmières passent souvent inaperçus aujourd'hui. Ces gens dévoués et charitables choisissent d'exercer une profession exigeante qui nécessite de travailler de longues heures selon un horaire ingrat. Malgré cela, l'enthousiasme qu'ils manifestent pour leur travail ne se retrouve dans aucune autre profession.

Lorsqu'on tombe malade, la première personne que l'on voit est souvent une infirmière. Le personnel infirmier veille sur les malades pendant les longues heures de la nuit. Il les soutient tout au long de leur convalescence, et ce, parfois pendant des mois, voire des années. Les infirmiers et infirmières sont présents à notre naissance et à notre mort. Ils sont au front avec nos militaires. En fait, bon nombre de familles sont rassurées d'apprendre qu'un infirmier ou une infirmière était aux côtés de leur proche, là-bas, lorsqu'il était blessé ou sur le point de mourir.

Les infirmiers et les infirmières sont présents dans les collectivités isolées où on ne trouve aucun hôpital ni médecin. Ils s'emploient à améliorer les soins de santé, à réduire le coût des soins offerts, à faire la promotion de la sécurité des patients, à informer la population et à soutenir l'innovation et la recherche. Le slogan de cette année résume tout : « Les soins infirmiers : on ne peut s'en passer! »

Le Canada compte 270 000 infirmières et infirmiers autorisés, qui influencent chaque jour la vie des Canadiens.

Je vous invite à souligner avec moi la Semaine nationale des soins infirmiers et l'apport des infirmières et des infirmiers dévoués qui travaillent sans relâche.

[Français]

Je vous invite à vous joindre à moi pour marquer cette semaine bien spéciale et célébrer la contribution de ces hommes et de ces femmes dévoués et sans pareil.

(1340)

[Traduction]

Le rassemblement autochtone sur le diabète

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, le jeudi 6 mai 2010, j'ai eu l'honneur et le privilège de participer au septième rassemblement autochtone annuel sur le diabète à Prince Albert, en Saskatchewan, et d'y prononcer le discours principal.

Ces rassemblements autochtones annuels nous permettent d'étudier en détail les problèmes actuels liés au diabète dans les collectivités autochtones : nos défis et nos succès.

Le diabète touche plus d'Autochtones que de non-Autochtones. L'écart est stupéfiant. Les Canadiens d'origine autochtone ont trois à cinq fois plus de risque de souffrir de diabète que les autres Canadiens. De plus, le diabète se manifeste à un plus jeune âge chez les Canadiens d'origine autochtone et les femmes autochtones ont quatre fois plus de risque de souffrir de diabète que les femmes non autochtones. Le diabète est un problème de santé réel et il y a de plus en plus de diabétiques. Les projections futures, fondées sur le pourcentage actuel d'Autochtones qui souffrent de diabète, sont inacceptables. Nous devons faire d'importants efforts pour faire baisser le pourcentage de diabétiques dans nos collectivités autochtones.

Dans le cadre de ce rassemblement autochtone, j'ai eu le plaisir d'annoncer que Cameco et la section du Nord de la Saskatchewan de l'Association canadienne du diabète ont conclu un accord pour étendre la portée du programme itinérant de ressources concernant le diabète. En effet, Cameco a accepté de fournir gratuitement une camionnette à la section du Nord de la Saskatchewan de l'Association canadienne du diabète, afin qu'elle puisse assurer le rayonnement de ce programme. Grâce à cette camionnette, la portée du programme dépassera les limites de Prince Albert et les Canadiens d'origine autochtone de la plupart des régions de la Saskatchewan y auront accès. L'objectif est d'assurer un avenir plus sain aux populations autochtones du Canada.

Le Championnat canadien de hockey autochtone

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, la semaine dernière, j'ai eu l'honneur d'avoir pour invitées à notre tribune un groupe de jeunes femmes du Manitoba. Ces jeunes femmes âgées de 13 à 18 ans sont toutes des membres des Premières nations, des Métisses et des Inuites. Elles participaient au neuvième Championnat national autochtone de hockey, à Kanata.

Le Cercle sportif autochtone, ou CSA, a été établi en 1995 pour promouvoir l'excellence par le sport et favoriser le développement holistique des athlètes et des entraîneurs autochtones. Le CSA a lancé le Championnat national autochtone de hockey en 2001 pour refléter ces priorités, tout en devenant le principal tournoi de hockey de niveau mineur pour les Autochtones du Canada.

Le Championnat national autochtone de hockey regroupe des joueurs de hockey autochtones des niveaux élite et bantam, et des membres des Premières nations, des Métis et des Inuits des dix provinces et des trois territoires y participent. L'objectif à long terme de ce championnat est d'établir une structure de compétition qui favorisera le développement du hockey à l'échelle locale et régionale. Cet événement annuel contribue au renforcement de l'unité et de la fierté culturelles en mettant en valeur les aptitudes athlétiques des athlètes autochtones de toutes les régions du Canada.

Le plus extraordinaire à propos de ce groupe, c'est qu'il a payé lui- même son voyage à Ottawa. J'imagine que les autres équipes participantes ont fait la même chose. Au cours des derniers jours et des dernières semaines, nous avons entendu un grand nombre de plaintes à propos de réductions du financement de certains groupes, dont certains avaient reçu de l'argent pendant 36 ans. Ces jeunes hockeyeuses ont dû recueillir 1 650 $ chacune. Deux des membres de l'équipe, en plus de l'entraîneuse-adjointe, proviennent d'une seule et même famille de ma circonscription, Provencher. Le père des deux joueuses et mari de l'entraîneuse-adjointe a récemment perdu son emploi, mais la famille a tout de même réussi à réunir 5 000 $ pour payer le voyage. Ces jeunes joueuses étaient ravies de prendre part au tournoi et elles méritent nos félicitations pour leurs efforts et leur initiative.

Quant au résultat du championnat, je suis fier de dire que ces excellentes jeunes hockeyeuses du Manitoba, dont six proviennent de ma circonscription, Provencher, ont été invaincues pendant le tournoi à la ronde. Elles se sont ensuite mesurées en demi-finale à l'équipe de la Saskatchewan, qu'elles ont écrasée par la marque de 7 à 1. Elles ont affronté en finale du championnat la puissante équipe du Nord de l'Ontario. L'équipe manitobaine a remporté le match décisif par la marque de 2 à 1 et a donc défendu avec succès son titre remporté l'an dernier.

Du côté masculin, le Manitoba a affronté la Saskatchewan en grande finale. L'équipe de la Saskatchewan a réussi à arracher la victoire, mettant ainsi la main sur la médaille d'or. L'équipe du Manitoba est donc repartie avec l'argent.

Honorables sénateurs, joignez-vous à moi pour féliciter tous ceux qui ont participé aux championnats cette année.

La Coupe Stanley

L'honorable Francis William Mahovlich : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour aborder un sujet qui me tient beaucoup à cœur, comme c'est le cas pour bon nombre de Canadiens. C'est un sujet qui passionne beaucoup de gens au pays, notamment les Montréalais. Évidemment, je fais référence à la Coupe Stanley.

Ce magnifique trophée est admiré et, je dirais même, adoré par les amateurs de hockey depuis plus de 100 ans. Le bol argenté décoratif fut un don de l'ancien gouverneur général, lord Stanley of Preston, qui est lui-même devenu un fervent partisan de ce sport lorsqu'il l'a découvert en 1889 dans le cadre du Carnaval d'hiver de Montréal. Il s'est dit que la meilleure équipe de hockey amateur au pays devait être récompensée par un trophée symbolisant la suprématie du hockey amateur canadien. Au fil des ans, plusieurs ligues se sont disputé la coupe, mais ce n'est qu'en 1927 que la LNH a adopté la Coupe Stanley à titre de trophée de championnat.

En raison de son histoire magnifique et fabuleuse, il est important de reconnaître la signification de la coupe et de la partager avec les millions de gens qui visitent chaque année notre capitale nationale.

[Français]

C'est pour cette raison que j'appuie le projet de monument commémoratif soulignant le don symbolique de lord Stanley.

[Traduction]

Proposé pour la première fois par l'historien Paul Kitchen, d'Ottawa, ce projet bénéficie maintenant de l'appui de Hockey Canada, de la LNH, de la Commission de la capitale nationale, à Ottawa, et d'innombrables amateurs de hockey enthousiastes. De nombreux sites à Ottawa ont été proposés pour accueillir ce monument qui, selon les organisateurs, sera colossal, inspirant et important sur le plan historique. Les organisateurs voudraient que la statue représente lord Stanley lui-même avec le bol à punch original qu'il a donné. Si tout se passe comme prévu, la statue devrait être érigée d'ici l'automne 2012.

Ayant eu moi-même l'immense privilège de soulever la coupe à plusieurs reprises, je crois qu'il est extrêmement important de rendre hommage à celui qui a donné à tous les partisans de hockey de ce grand pays une raison de se réunir chaque année et de célébrer l'esprit du Canada et notre amour mutuel pour le sport de notre pays.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

L'étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis

Dépôt du troisième rapport du Comité des peuples autochtones

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le troisième rapport, un rapport provisoire, du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Élections chez les Premières nations : une question de choix fondamental.

(Sur la motion du sénateur St. Germain, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1350)

Projet de loi instituant la Journée de l'amitié entre le Canada et la Russie

Première lecture

L'honorable Peter A. Stollery présente le projet de loi S-218, Loi instituant la Journée de l'amitié entre le Canada et la Russie.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Stollery, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Français]

L'Association parlementaire canadienne de l'OTAN

Le séminaire sur le concept stratégique, tenu le 16 octobre 2009—Dépôt du rapport

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation au Premier séminaire sur le concept stratégique : les tâches fondamentales de l'Alliance en matière de sécurité, tenu le 16 octobre 2009, au Luxembourg.

[Traduction]

La réunion de la Sous-commission sur l'avenir de la sécurité et des capacités de défense, tenue le 12 octobre 2009, et le séminaire Rose-Roth, tenu du 13 au 15 octobre 2009—Dépôt du rapport

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation à la réunion de la Sous-commission sur l'avenir de la sécurité et des capacités de défense, tenue à Kiev, en Ukraine, le 12 octobre 2009, et au 72e séminaire Rose-Roth, tenu à Lviv, en Ukraine, du 13 au 15 octobre 2009.

La visite à Rome, Milan et La Spezia, Italie, du 19 au 23 octobre 2009—Dépôt du rapport

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant la visite à Rome, Milan et La Spezia, en Italie, de la Sous-commission sur les relations économiques transatlantiques et de la Sous-commission sur la sécurité énergétique et environnementale, du 19 au 23 octobre 2009.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

L'Organisme de réglementation des commissions des valeurs mobilières

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Comme madame le leader le sait sûrement, la Fédération des Chambres de commerce du Québec et de grandes entreprises du Québec, comme Cascades, Quebecor, Jean Coutu, Industrielle Alliance, et j'en passe, s'opposent à une centralisation des commissions des valeurs mobilières, dont on n'a jamais démontré la pertinence ou l'efficacité pour éviter la présente crise morale et financière.

Je tiens à souligner que l'OCDE a tout simplement placé le Canada au deuxième rang mondial pour ce qui est de la réglementation de ce secteur.

Il n'aura pas échappé aux honorables sénateurs que la commission unique des valeurs mobilières américaines ou la commission unique des valeurs mobilières britanniques n'ont pas vu venir la crise et n'ont pas permis de protéger les investisseurs. Face à ces considérations, le premier ministre s'entête à vouloir créer une commission unique contre la volonté, les intérêts et le gros bon sens des provinces, notamment le Québec. Devant l'opposition de plus en plus croissante d'entreprises chefs de file du Québec, madame le ministre peut-elle nous dire quand son gouvernement, et surtout son premier ministre, entend revenir sur ce projet non souhaité ni souhaitable, ce qui permettra d'épargner 250 millions de dollars qui ont déjà été inscrits à son budget?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le Canada est le seul pays industrialisé qui n'ait pas d'organisme national de réglementation des valeurs mobilières. Le Canada participera aux rencontres du G8 et du G20. On a déjà réclamé une plus grande coordination internationale et une réglementation financière plus poussée, et l'on continuera à les réclamer. Dans le contexte de ces pressions internationales, nos partenaires de l'étranger nous interrogent constamment sur notre système fragmenté.

Comme le sénateur le sait bien, et comme on l'a souvent dit, il s'agit d'une initiative volontaire. Une nette majorité des provinces et des territoires tiennent à la création d'un organisme de réglementation unique ou sont prêtes à travailler à sa création. Il s'agit d'une initiative volontaire, et je connais certaines des objections du Québec. Il existe toutefois des industries et des gens au Québec qui voient un avantage à la création d'un organisme unique.

Il s'agit d'un effort volontaire. Si le Québec décide qu'il ne veut pas y participer, cela ne devrait pas nuire aux autres provinces qui désirent avoir un organisme de réglementation unique.

Le sénateur Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, madame le leader avance pour argument que nous sommes le seul pays sans organisme national à cet égard. Je dois lui rappeler que le premier ministre parcourt actuellement le monde en disant aux gens que nos lois sont différentes et que c'est pourquoi nous sommes différents, alors que tous les autres pays ont des problèmes. Nous pouvons choisir de suivre les autres et de couler, ou de garder notre propre réglementation. Nous avons pu constater l'efficacité de notre système.

Quand madame le leader du gouvernement déposera-t-elle une étude prouvant, au-delà de tout doute raisonnable, que nous avons besoin d'un tel organisme et que cette initiative ne vise pas des objectifs purement politiques?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, tandis qu'il voyageait autour du monde en nous représentant tellement bien, le premier ministre a parlé, comme l'a fait le ministre des Finances, de cette notion de taxe mondiale sur les banques. Tous deux ont dit que le Canada ne devrait pas être pénalisé par cette taxe. Le premier ministre a fait valoir que le Canada a très bien géré ses finances, n'a connu aucune faillite bancaire et n'a pas eu à effectuer d'opération de sauvetage. Il a dit que le Canada ne devrait pas être pénalisé pour avoir fait du bon travail.

Honorables sénateurs, pour ce qui est du moment où nous présenterons officiellement ce projet, le sénateur sait très bien que le gouvernement attend un avis de la Cour suprême du Canada. Le gouvernement tient à s'assurer que le Parlement a le pouvoir d'établir un tel organisme. Quand nous aurons cette réponse, nous présenterons un plan.

Le sénateur Fraser : Quelle bonne idée!

Le sénateur Comeau : Qu'en pensez-vous?

[Français]

L'industrie

La Modification à la Loi sur le droit d'auteur

L'honorable Francis Fox : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Lors d'une rencontre organisée la semaine dernière par la Société canadienne de perception de la copie privée, les parlementaires de tous les partis ont pu apprendre que plus de 1,3 milliard de chansons sont copiées annuellement dans notre pays. Plus de 70 p. 100 des copies sont faites sur un MP3, mais seulement 9 p. 100 des copies sont effectuées légalement. Les artistes ne sont plus rémunérés, comme par le passé, pour plus de deux tiers des chansons copiées.

Devant cette situation, les montants pour distribution aux titulaires de droits d'auteur, aux auteurs-compositeurs et aux chansonniers de ce pays ont périclité au cours des trois dernières années de quelque 60 p. 100, passant de 27,6 millions de dollars en 2008 à 19,8 millions de dollars en 2009 et à 10,6 millions de dollars en 2010. En raison de cette tendance, les sociétés de perception et les auteurs-compositeurs risquent de subir de graves préjudices.

La ministre est-elle prête à recommander à ses collègues une modification immédiate et spécifique à la Loi sur le droit d'auteur, afin de s'assurer que cette dernière permette à la Commission du droit d'auteur d'établir des redevances pour les copies privées faites à partir d'appareils d'enregistrement audio pour ainsi refléter les besoins liés aux nouvelles technologies?

On sait que, en 2008, la Cour d'appel fédérale a statué que cette question n'était pas de la compétence de la commission en vertu du libellé de la loi actuelle.

(1400)

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, la question des droits d'auteur est fort complexe. Si cette question était facile à résoudre, le gouvernement précédent, qui a été aux prises avec elle pendant des années, l'aurait fait.

Le sénateur devra attendre la décision du ministre et ses commentaires à cet égard. Je ne peux pas dire autre chose à ce sujet, et je ne le ferai pas.

[Français]

Le sénateur Fox : Si j'ai bien compris madame le ministre — et je n'ai pas eu l'occasion de profiter de la traduction comme j'aurais voulu le faire —, elle fait allusion au projet de loi que le ministre de l'Industrie est censé déposer à l'autre endroit. Après avoir consulté les statistiques, je dirais à madame le ministre qu'il y a vraiment péril en la demeure pour les artistes, les compositeurs et les chansonniers de ce pays. L'expérience montre que cela peut prendre des années avant d'adopter une nouvelle loi sur le droit d'auteur.

Devant cette situation qui porte préjudice aux éléments les plus créateurs des collectivités de ce pays, qu'elles soient francophones, anglophones ou multiculturelles, est-ce que le gouvernement songe à modifier la loi immédiatement afin de garantir son esprit initial, soit d'assurer une rémunération équitable aux artistes de ce pays?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Comme je l'ai déjà dit, honorable sénateurs, la loi sur le droit d'auteur est une chose complexe, qui l'est devenue encore plus avec les progrès technologiques. Les sénateurs ont vu les commentaires du ministre, dans les médias, sur ses tentatives pour régler la question. Nous devrons attendre sa réponse. Je ne peux pas faire d'autres commentaires pour l'instant.

[Français]

La santé

Les frais d'utilisateurs

L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le gouvernement du Québec a décidé d'aller de l'avant avec un ticket modérateur de 25 $ par visite chez le médecin. La majorité des Québécois et des Québécoises n'en veulent pas et ils s'attendent à une position claire et ferme de la part du gouvernement du Canada.

Est-ce que la ministre peut nous dire si le gouvernement du Canada croit que cette décision du Québec d'imposer des frais d'utilisateurs est conforme aux mécanismes de la Loi canadienne sur la santé?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le chef libéral semblait appuyer ces frais initialement, mais il a changé d'avis, selon ce qu'on m'a dit, en raison de la réaction de son caucus.

Le sénateur Mercer : Ça, c'est du passé. Quelle est la position du gouvernement?

Le sénateur LeBreton : Les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé ont été recommandés par la Commission royale d'enquête sur les services de santé, aussi appelée la Commission Hall, qui a été établie par le très honorable John George Diefenbaker. Ces principes ont force de loi au pays. Le gouvernement s'attend à ce que les provinces et les territoires se conforment à la loi. Nous avons augmenté les transferts aux provinces et aux territoires de 6 p. 100 par année afin qu'ils puissent continuer de répondre aux besoins de leurs habitants en matière de soins de santé. Le gouvernement appuie les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé.

[Français]

Le sénateur Pépin : Je remercie madame le leader de sa déclaration, mais est-ce que le ticket modérateur est, oui ou non, conforme aux mécanismes de la Loi canadienne sur la santé?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Je me contenterai de répéter, honorables sénateurs, que la Loi canadienne sur la santé fait partie des lois du pays et que nous nous attendons à ce que les provinces respectent la loi. Le sénateur ne m'entraînera pas dans une guerre culturelle avec le Québec sur la question du système de soins de santé.

[Français]

Le sénateur Pépin : Honorables sénateurs, les provinces ont la responsabilité d'assurer des soins de santé. Toutefois, le gouvernement fédéral a des responsabilités dans le secteur de la santé qui découlent principalement du pouvoir de dépenser. En vertu de la Loi canadienne sur la santé, le gouvernement fédéral a aussi la responsabilité de garantir un accès raisonnable aux soins de santé sans frais ni autre mesure restrictive.

Soixante-deux pour cent des Québécois et des Québécoises jugent qu'Ottawa doit utiliser ses pouvoirs pour bloquer ce ticket modérateur de 25 $. Est-ce que le gouvernement du Canada compte répondre à ces appels des Québécois et des Québécoises et intervenir plus activement dans ce dossier?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, le gouvernement a répondu, mais pas en agissant comme l'avait fait le gouvernement précédent, qui avait grandement réduit les paiements de transfert aux provinces en matière de santé. Notre gouvernement a fait mieux. Nous avons accru de 6 p. 100 par année les paiements de transfert aux provinces et territoires afin de leur permettre de répondre aux besoins dans le domaine des soins de santé.

Le sénateur Ringuette : C'est Paul Martin qui avait signé cette entente.

Le sénateur LeBreton : Je répète. Le gouvernement est d'avis que la loi doit être respectée, et je ne me laisserai pas entraîner dans une guerre culturelle entre le gouvernement libéral du Québec et l'opposition libérale à Ottawa.

Le sénateur Comeau : Et leurs amis de Radio-Canada.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, je vais essayer dans l'autre langue officielle.

Le gouvernement du Québec songe à imposer un ticket modérateur. La Loi canadienne sur la santé précise que les Canadiens devraient avoir accès aux services médicaux sans avoir à payer de ticket modérateur.

Le sénateur Mercer : Exactement.

Le sénateur Fraser : Le gouvernement du Canada estime-t-il que la Loi canadienne sur la santé autorise l'imposition d'un ticket modérateur? Dans la négative, qu'est-ce que le gouvernement compte faire à cet égard?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je suis heureuse de constater que madame le sénateur Fraser appuie la Loi sur les langues officielles puisqu'elle s'est sentie obligée de poser la même question dans notre autre langue officielle. Je lui sais gré de son appui à la Loi sur les langues officielles, dont parlait justement notre collègue, le sénateur Carignan, hier, dans le cadre du débat sur le projet de loi C-232 concernant la Cour suprême du Canada.

Le sénateur Comeau : Magnifique discours.

Le sénateur Fox : Si ce n'est qu'il avait tort. Il devrait vérifier ses sources.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, il existe au Canada une loi qui est intitulée Loi canadienne sur la santé. En tant que conservatrice, je suis très fière de cette loi, mais pas pour les raisons données par le Parti libéral dans sa version révisionniste de l'histoire. Nous devons cette loi au très honorable John George Diefenbaker de la Saskatchewan, qui, du temps où il était premier ministre, avait nommé le juge Emmett Hall, de la Cour suprême du Canada — qui n'aurait pas été admissible à y siéger si le projet de loi C-232 avait été en vigueur à l'époque —, à la tête d'une commission sur la question.

Le sénateur Fraser : La réponse est-elle oui ou non?

Le sénateur LeBreton : Quoi qu'il en soit, la Loi canadienne sur la santé s'applique partout au Canada. Nous nous attendons donc à ce que les provinces et les territoires la respectent. Je suggère donc à madame le sénateur qu'elle dise à ses collègues libéraux du Québec que nous nous attendons tous à ce que chaque province et territoire respecte la loi.

Le sénateur Fraser : Honorables sénateurs, nous le ferons lorsque nous reprendrons le pouvoir. Entre-temps, ce sont les conservateurs qui sont au pouvoir.

Le sénateur Comeau : Parlez à vos amis.

[Français]

Les affaires étrangères

La Mission de l'Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, il y a deux semaines, j'ai publié un article dans les journaux avec M. Paul Dewar, qui est membre du Groupe parlementaire multipartite pour la prévention du génocide et des autres crimes contre l'humanité. Je sais que madame le leader ne croit pas aux journaux. Dans cet article, nous indiquions qu'il était essentiel que le Canada revoie sa politique en ce qui a trait à la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo, la MONUC, et qu'il considère les demandes des Nations Unies pour la renforcer et lui permettre de jouer son rôle.

Le lendemain, on a pu lire un article dans lequel on disait que le gouvernement conservateur avait décidé de ne pas envoyer de ressources supplémentaires à la MONUC. Puisque je crois les journaux, est-ce que la ministre peut nous confirmer que le gouvernement conservateur a décidé de ne pas envoyer de ressources supplémentaires à la MONUC?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, contrairement à ce que le sénateur a affirmé dans ses observations préliminaires, je crois aux journaux, mais aux journaux qui s'appuient sur les faits. J'ai toujours cru aux journaux et j'en lis même plusieurs chaque jour.

J'ai lu l'article du sénateur, qu'il a rédigé avec M. Paul Dewar, sur la République démocratique du Congo. Bien que le Canada y envoie des observateurs, nous n'y enverrons pas de soldats. Je crois que la vaste majorité de la population canadienne appuie cette décision. Le Canada participe, pour une autre année encore, à une importante mission en Afghanistan. Nous concentrons nos efforts en Afghanistan.

(1410)

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, madame le leader dit qu'elle lit les journaux qui lui présentent des faits. Je crois qu'il serait important qu'elle vérifie ses faits relativement à ce que les Canadiens pensent de l'envoi, enfin, de renforts ou d'un commandant à cette mission. Je prétends que bien des gens croyaient et croient toujours que nous aurions dû être là plutôt qu'ailleurs.

L'ONU et tous les pays participants ont, par exemple, dit au général Leslie qu'il serait le plus apte à prendre le commandement de cette mission en ces temps difficiles alors qu'on effectue la transition — au cours des trois ou quatre prochaines années, espérons-le — vers le retrait, et qu'il rendrait cette mission plus efficace. Madame le leader affirme-t-elle qu'il ne fait rien et que nous ne ferons rien d'autre là-bas, où des millions de gens ont été tués et où un conflit majeur continue de faire rage?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, tout ce que je puis dire au sujet du général Leslie, c'est que ce sont des rumeurs de missions futures qui couraient à son sujet. Comme le sénateur le sait, le ministère de la Défense lui a confié de nouvelles responsabilités.

Quant à l'opinion publique canadienne, je crois qu'il est clair qu'elle appuie nos soldats et leur mission en Afghanistan. C'est une mission importante. Bien entendu, conformément à une motion parlementaire, nous nous retirerons de ce pays en 2011.

J'aurais dû préciser que je crois que le public canadien appuie la position du gouvernement, mais je ne tiens pas compte du Globe and Mail et de ses nouveaux rédacteurs en chef, Geldof et Bono.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Dallaire : Est-ce que les militaires ont spécifiquement laissé entendre au gouvernement qu'ils seraient absolument incapables de poursuivre la mission jusqu'à ce que, comme le Parlement l'a déclaré, nous nous retirions de l'Afghanistan? De plus, ont-ils dit au gouvernement que nous devrions fournir des officiers d'état-major et peut-être même un commandant afin d'améliorer cette mission et la rendre plus efficace, si nous croyons en l'ONU, et que nous devrions chercher à être présents à la table où se prendront de telles décisions?

Le sénateur LeBreton : Cela ne devrait pas étonner le sénateur que je ne participe pas aux négociations stratégiques entre le MDN et les Affaires étrangères. Les avis sont donnés au MDN en suivant la filière militaire. Évidemment, comme le sénateur le sait sans doute très bien, une grande partie de l'information et des discussions ne peut être rendue publique pour des raisons de sécurité. Il m'est donc impossible de répondre précisément à la question du sénateur.

Je dis simplement que, pour le moment, nous menons une importante mission en Afghanistan. Nous maintenons notre engagement à cet égard. Un grand nombre de nos militaires, hommes et femmes, ont donné leur vie ou ont été grièvement blessés pour la cause de la démocratie en Afghanistan. Je crois que c'est ce sur quoi les Canadiens souhaitent qu'on se concentre.

Je ne suis évidemment pas en mesure de fournir au sénateur des renseignements dont je ne dispose pas et je n'ai pas accès au travail de réflexion des planificateurs stratégiques de la Défense nationale sur la façon dont ils envisagent d'assurer la prochaine mission militaire qui leur sera assignée.

Le sénateur Dallaire : Nous avons une mission en cours en Afghanistan, mais nous sommes quand même allés prêter main- forte en Haïti. La souplesse est possible quand on le veut.

Honorables sénateurs, la question précise que j'adresse au leader du gouvernement est la suivante : est-ce le ministre des Affaires étrangères qui a décidé que le Canada ne participerait pas à la mission en République démocratique du Congo, ou le ministre de la Défense nationale a-t-il dit que nous n'avons pas la capacité militaire nécessaire?

Le sénateur LeBreton : Tout d'abord, le sénateur a parfaitement raison. Grâce au matériel que nous avons acheté pour elles, nos forces armées ont pu se déployer rapidement en Haïti. Elles sont allées là-bas, ont fait un travail extraordinaire et sont maintenant de retour au pays.

Je le répète, je ne me lancerai pas dans un débat avec le sénateur sur la planification stratégique interne du ministère de la Défense nationale. Je n'ai pas accès à ce genre d'information, et je ne voudrais pas y avoir accès non plus. Je peux simplement dire que les observations du ministre de la Défense nationale comme du ministre des Affaires étrangères au sujet de la République démocratique du Congo sont du domaine public et bien connues.

[Français]

Le Conseil du Trésor

Les examens stratégiques

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le lundi 3 mai 2010, l'honorable Stockwell Day, président du Conseil du Trésor, a annoncé qu'il procéderait à des examens stratégiques de 13 organismes gouvernementaux et qu'il devrait réaliser des économies de 1,3 milliard de dollars grâce à l'examen de ces 13 organismes.

Par ailleurs, je lisais dans l'Ottawa Citizen que la vérificatrice générale avait des inquiétudes à l'égard de ces examens.

[Traduction]

Sheila Fraser, la vérificatrice générale, a dit ceci :

[...] les ministères ont subi tant d'examens au fil des ans qu'il y a peu de place pour effectuer des compressions considérables à moins de commencer à supprimer des programmes ou d'investir dans la technologie [...]. À mon avis, il n'y a pas tellement d'économies faciles. Si c'était le cas, on les aurait déjà trouvées.

[Français]

De ces 13 organismes fédéraux qui seront passés à la loupe, trois sont des agences régionales qui travaillent dans les collectivités et avec les petites entreprises. À titre d'exemple, il y a l'Agence du développement économique du Canada pour les régions du Québec, l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et Diversification de l'économie de l'Ouest Canada.

Est-ce qu'il serait possible de connaître les critères sur lesquels sera basé cet examen stratégique? Est-ce qu'un processus de consultation sera entrepris? Quel sera-t-il et avec qui?

Enfin, y aura-t-il une analyse de l'impact sur ces collectivités et sur les petites entreprises francophones et anglophones avant que certains programmes soient réduits, annulés ou remplacés? Madame le leader pourrait-elle obtenir ces réponses auprès du ministre responsable?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Pour commencer, j'ai répondu l'autre jour à la question du sénateur Manning sur les agences de développement régional et sur le financement du développement économique régional.

En ce qui concerne la vérificatrice générale, les renseignements du sénateur sont quelque peu dépassés. Le président du Conseil du Trésor et la vérificatrice générale se sont rencontrés pour discuter de plusieurs préoccupations. La vérificatrice générale a déclaré qu'elle était satisfaite des explications fournies par le Secrétariat du Conseil du Trésor quant aux renseignements qui seront transmis à son bureau.

Les sénateurs savent qu'il s'agit d'un exercice en vertu duquel on passe en revue les ministères et il en est ainsi depuis notre arrivée au pouvoir. L'examen stratégique nous permet d'économiser beaucoup d'argent au nom des contribuables. Cet examen est un exercice permanent.

Alors que nous préparons notre plan de réduction du déficit, les ministères qui font l'objet d'un examen stratégique doivent chercher à faire des économies à l'interne. Personne, si ce n'est l'opposition, n'a parlé d'éliminer des agences de développement économique régional.

[Français]

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, des réponses à des questions posées par l'honorable sénateur Losier-Cool, le 30 mars 2010, concernant la coopération internationale, la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti, le rôle des femmes, et par l'honorable sénateur Jaffer, le 20 avril 2010, concernant la santé, le paludisme.

La coopération internationale

La Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti—Le rôle des femmes

(Réponse à la question posée le 30 mars 2010 par l'honorable Rose- Marie Losier-Cool)

Le 31 mars 2010, lors de la Conférence internationale des donateurs, qui se tenait à New York, le Canada s'est engagé à verser 400 millions de dollars échelonnés sur deux ans en appui aux opérations humanitaires et aux programmes de reconstruction en Haïti. Ce financement s'ajoute au montant de 555 millions de dollars que le Canada s'est engagé en 2006 à verser à Haïti sur une période de cinq ans, une promesse que nous tiendrons. Donc, au cours des cinq dernières années, notre pays a octroyé une contribution annuelle d'environ 100 millions de dollars pour appuyer les efforts de reconstruction et de développement durable en Haïti. Par ailleurs, le plan d'action pour le redressement et le développement établi par le gouvernement haïtien a désigné le Canada comme l'un des principaux donateurs. Dans ces circonstances, de même qu'à la lumière de nos engagements antérieurs ainsi que de ceux en cours, le Canada siègera à la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti. Cela permettra au Canada de veiller à l'efficacité de la coordination et de l'utilisation des ressources, et de maintenir élevé le niveau de reddition de comptes et de transparence.

Il est essentiel que nous reconnaissions la somme incroyable de 220 millions de dollars que les Canadiens ont donnée, à titre individuel, aux organisations caritatives canadiennes admissibles, qui travaillent sans relâche pour aider les Haïtiens. Le Canada s'est aussi engagé à faire écho à la générosité des Canadiens en versant un montant égal à l'ensemble de leurs dons. La moitié des fonds de contrepartie fera partie intégrante du financement annoncé à New York. L'autre moitié sera versée à des organisations humanitaires canadiennes et internationales qui participent aux travaux de redressement et de reconstruction en Haïti.

En tant qu'organisme fédéral responsable de l'aide internationale, l'Agence canadienne de développement international (ACDI) ne ménage aucun effort pour intervenir efficacement et rapidement auprès des sinistrés touchés par le tremblement de terre survenu en janvier. La politique de l'ACDI en matière d'égalité entre les sexes requiert que tous les programmes tiennent compte des besoins particuliers des femmes. Une analyse comparative entre les sexes est intégrée au processus de planification de tous les projets financés par l'ACDI. Ainsi, la programmation de cette dernière vise à donner aux femmes l'accès non seulement aux ressources et aux services, mais également aux avantages qui y sont associés et au contrôle de ceux-ci. Cela s'applique aux efforts de reconstruction en Haïti. Le programme de l'ACDI pour Haïti comporte des engagements envers l'égalité entre les femmes et les hommes en tant que thème transversal, et ce, dans tous les secteurs, y compris la santé, l'éducation, la sécurité alimentaire et le microfinancement.

L'ACDI fournit également un soutien aux femmes parlementaires au moyen de diverses activités qui visent à renforcer la participation politique des femmes et à contribuer à l'établissement de bonnes relations entre les services exécutifs et législatifs du gouvernement et entre le Parlement et la population haïtienne.

La santé

Le paludisme

(Réponse à la question posée le 20 avril 2010 par l'honorable Mobina S. B. Jaffer)

Depuis 2003, l'aide versée par l'Agence canadienne de développement international (ACDI) dans le but de prévenir l'incidence du paludisme s'est traduite par la distribution de plus de 7,9 millions de moustiquaires de lit à des enfants de moins de cinq ans et à des femmes enceintes en Afrique, et ce, par l'entremise de partenariats avec la Croix-Rouge, l'UNICEF et Vision mondiale Canada. On estime que ces moustiquaires auront sauvé environ 121 000 vies.

Le second élément de la lutte de l'ACDI contre ce fléau repose sur l'élargissement pour les pauvres de l'accès aux traitements antipaludiques. Dans ce but, l'Agence fournit 60 millions de dollars pour accroître l'accès dans les collectivités aux traitements contre le paludisme et la pneumonie, deux des principales causes de décès chez les enfants à l'échelle planétaire. Cette initiative devrait sauver plus de 135 000 vies.

En 2008, le Canada s'est engagé à verser un montant additionnel de 450 millions de dollars sur une période de trois ans pour appuyer le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Ainsi, le financement total octroyé par le Canada s'élève à 978,4 millions de dollars. Approximativement le quart de ces fonds sont consacrés au paludisme.

Exemples concrets

L'ACDI fournit 20 millions de dollars au programme Population Services International, qui offre gratuitement des traitements antipaludiques (thérapies combinées à base d'artémisinine) aux pauvres à l'échelon de la collectivité dans quatre pays africains. De plus, ce programme comprend un volet sur le traitement de la pneumonie et de la déshydratation occasionnée par la diarrhée chez les enfants de moins de cinq ans. Dans le cadre de ce programme, des travailleurs de la santé sont formés pour reconnaître et traiter ces maladies au sein de la collectivité, car ils ont peu accès à des établissements de santé. On estime que ce programme contribuera à sauver plus de 50 000 vies.

Le Canada verse 20 millions de dollars chacun aux programmes Consortium pour le paludisme et Aide à l'enfance afin de permettre la distribution gratuite d'antipaludiques et d'antibiotiques à l'échelle de la communauté dans de multiples pays d'Afrique. Grâce à ces deux programmes, on traitera le paludisme et la pneumonie, deux des principales causes de mortalité chez les enfants partout dans le monde. Au moyen de la formation, le programme Aide à l'enfance aide les travailleurs de la santé à déceler, selon leur présomption, les symptômes cliniques reconnus du paludisme et de la pneumonie afin de traiter ces maladies sans outils de diagnostic. Quant à lui, le programme Consortium pour le paludisme est axé sur une approche diagnostique qui consiste à montrer aux travailleurs de la santé actuels comment utiliser le test de diagnostic rapide (TDR) du paludisme, un outil de diagnostic rapide et facile à utiliser à l'extérieur d'un établissement de santé. Ce programme vise également à fournir un traitement pour la déshydratation occasionnée par la diarrhée chez les enfants de moins de cinq ans dans les collectivités. Selon les estimations, il sera possible de sauver plus de 85 000 vies grâce à ces programmes.

Dépôt de la réponse à une question inscrite au Feuilleton

Le Conseil privé—Le changement du Act of Settlement

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 8 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.

(1420)

[Traduction]

Recours au Règlement

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, quand madame le leader du gouvernement au Sénat a répondu à ma question il y a un moment, elle a dit certaines choses qui pourraient amener les lecteurs des Débats du Sénat à s'étonner que j'appuie la Loi sur les langues officielles. Je tiens simplement à ce que tout le monde sache que je défends haut et fort la Loi sur les langues officielles depuis son adoption en 1969. Je tiens à préciser que je défends avec la même vigueur les droits linguistiques des collectivités des deux langues officielles en situation minoritaire au Canada, notamment, mais pas exclusivement, les droits prévus à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. Je serais fort contrariée que quiconque croie le contraire.


ORDRE DU JOUR

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suspension du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Wallace, appuyée par l'honorable sénateur Mockler, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, c'est la première fois que j'ai l'occasion de souhaiter la bienvenue à madame le sénateur Marshall dans cette enceinte. Elle a mené une remarquable carrière à l'assemblée législative provinciale et avait auparavant été vérificatrice générale de Terre-Neuve-et-Labrador. Elle apporte vraiment une expérience fort intéressante au Sénat et je lui souhaite la bienvenue parmi nous. Je souligne également qu'elle est seulement la deuxième personne de Terre-Neuve-et-Labrador née au Canada à être nommée au Sénat.

Une voix : Cela signifie qu'elle est jeune!

Le sénateur Baker : Le reste d'entre nous sommes nés dans un pays étranger appelé Terre-Neuve. La première personne nommée au Sénat a été le sénateur Fabian Manning. L'autre jour, je lui ai rappelé que trois d'entre nous avons siégé à la Chambre d'assemblée de Terre-Neuve. En 1965, j'ai été légiste, puis greffier en chef. À ce titre, j'ai rédigé les règles de procédure de la Chambre d'assemblée de Terre-Neuve. Il m'a répondu : « Je me demandais ce qui avait causé tout ce chaos. »

Honorables sénateurs, je tiens à souligner la contribution exceptionnelle de deux sénateurs, qui se trouvent dans cette enceinte aujourd'hui, à la question dont nous débattons actuellement. Ces deux personnes en savent peut-être plus sur ce sujet que n'importe qui d'autre au Parlement du Canada. Un sénateur siège en face, tandis que l'autre se trouve de ce côté-ci. J'aimerais d'abord rendre hommage au sénateur Nolin.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Baker : Le sénateur Nolin a présidé un comité sénatorial chargé d'étudier l'usage de drogues illicites au Canada. Ce comité a produit en 2001 un rapport dont il a été question à maintes reprises dans les délibérations des tribunaux au Canada. Aujourd'hui, le sénateur Nolin est un expert réputé en la matière. Au cours de la dernière année, il a été reconnu comme tel par la Cour suprême de la Colombie-Britannique et a été appelé à comparaître devant ce tribunal pour parler de la question des drogues contrôlées.

La deuxième personne à qui je souhaite rendre hommage se trouve du côté des libéraux. Il est aussi considéré comme un expert en la matière, est connu d'un bout à l'autre du pays en raison d'une série télévisée, a occupé brièvement le poste de coroner en chef de la Colombie-Britannique et a écrit récemment un magnifique ouvrage sur l'usage de drogues illicites intitulé A Thousand Dreams. L'auteur de ce livre est le sénateur Larry Campbell.

Des voix : Bravo!

Une voix : Bravo!

Le sénateur Meighen : Ce ne sont que des rumeurs.

Le sénateur Baker : L'autre jour, en lisant de la jurisprudence, j'ai remarqué que le juge avait mentionné le nom du sénateur Campbell en disant que, en tant que coroner en chef, il avait assigné à témoigner un universitaire qui était l'auteur d'un rapport. Je pense que l'affaire portait sur la découverte d'un corps dans l'océan. Il y a eu divergence d'opinions et beaucoup de discussion quant à savoir si le coroner en chef avait agi convenablement. Il y a quelques mois, cet auteur universitaire est venu témoigner devant le Comité sénatorial des affaires juridiques. Le sénateur Campbell était assis de l'autre côté de la table, prêt à contre-interroger le témoin. À ma surprise, les deux se sont très bien entendus. C'était comme des retrouvailles. Ils étaient heureux de se revoir. Après la réunion, j'ai dit au sénateur Campbell que lui et le témoin semblaient avoir réglé leurs divergences d'opinions. Il m'a demandé ce que je voulais dire. Je lui ai rappelé la cause judiciaire datant de plusieurs années, lorsqu'il avait assigné à témoigner l'auteur universitaire qui s'opposait aux mesures qu'il prenait à titre de coroner en chef. Le sénateur Campbell me demanda si j'avais lu son récent livre. J'ai répondu que je ne l'avais pas lu, et il m'a dit que je devrais me le procurer et le lire, parce que la personne à laquelle je faisais allusion est le coauteur du livre. Je recommande à tous la lecture de cet ouvrage, qui ferait un très beau cadeau de Noël.

Honorables sénateurs, je vais mentionner brièvement un point du projet de loi S-10 qui mérite d'être soulevé. Le sénateur qui a proposé le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture au nom du gouvernement a parlé de peines minimales obligatoires.

(1430)

Honorables sénateurs, dans la plupart des cas, les peines minimales obligatoires, telles que nous les connaissons, ne sont vraiment pas obligatoires. Je dis cela parce que la mesure législative renferme une sorte de disposition infaillible relativement aux peines minimales obligatoires qui prive le juge de son pouvoir discrétionnaire. À l'inverse, un pouvoir discrétionnaire est accordé au procureur de la Couronne. Le projet de loi enlève au juge son pouvoir discrétionnaire et le transfère au procureur de la Couronne.

Par exemple, combien de fois avons-nous lu dans les journaux qu'une personne avait été reconnue coupable de conduite en état d'ébriété pour la 20e fois en 10 ans? Cela se produit souvent, n'est-ce pas? À titre de législateur, on se demande comment cela est possible, puisque des peines minimales obligatoires sont prévues pour la conduite avec facultés affaiblies.

J'ai fait partie de tous les comités qui se sont penchés sur cette question, et je connais le dossier par cœur. Je sais que si vous êtes reconnu coupable d'avoir conduit avec facultés affaiblies, une peine minimale obligatoire est prévue dès la première condamnation. Vous payez une amende de mille dollars et vous perdez votre permis de conduire pour une période minimale obligatoire d'un an.

Si vous vous faites prendre une deuxième fois, une peine minimale obligatoire de 30 jours d'emprisonnement est imposée, et vous perdez votre permis de conduire pour une période minimale de deux ans. Si vous êtes reconnu coupable une troisième fois, la peine minimale obligatoire est de 120 jours d'emprisonnement, en vertu de l'alinéa 255.(1)a), et votre permis est retiré pour trois ans.

En cas de récidive, le Code criminel prévoit une peine d'emprisonnement de 120 jours additionnels à chaque nouvelle infraction, ainsi que la perte du permis de conduire pour une période supplémentaire de trois ans. Honorables sénateurs, faites le calcul : si un individu s'est fait prendre 10 fois — je ne dis pas 20 fois —, son permis de conduire lui est retiré pour une période de 30 ans.

(Le débat est suspendu.)

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Wallace, appuyée par l'honorable sénateur Mockler, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, je crois que je disais qu'une personne avait perdu son permis de conduire pendant 30 ans. Je parle ici des peines minimales obligatoires. Cette personne aurait donc perdu son permis de conduire pendant 30 ans. Au cours de cette période de dix ans, elle aurait passé cinq ans et demi en prison. Comment alors a-t-elle pu être reconnue coupable de dix autres infractions de conduite avec facultés affaiblies?

La réponse se trouve évidemment dans une des dispositions de ce projet de loi. Malheureusement, je suis d'avis — et beaucoup d'autres personnes aussi — que cette disposition ne devrait pas s'appliquer aux condamnations pour conduite avec facultés affaiblies, mais elle s'y applique.

Je vais lire la disposition en question afin que cela ne fasse aucun doute. On la trouve aussi à l'article 5 du projet de loi, qui dit ceci :

Le tribunal n'est pas tenu d'imposer une peine minimale d'emprisonnement sauf s'il est convaincu que la personne accusée a été avisée avant d'enregistrer son plaidoyer qu'une peine minimale d'emprisonnement peut être imposée pour l'infraction qui lui est reprochée et que le procureur général a l'intention de prouver que l'infraction a été commise dans des circonstances entraînant l'imposition d'une peine minimale d'emprisonnement.

Dans un cas, il s'agit du procureur général et du procureur de la Couronne pour la province. Dans le projet de loi à l'étude, il s'agit du procureur de la Couronne pour le gouvernement fédéral. C'est un procureur de la Couronne fédérale. Dans la plupart des cas, on verra un procureur de la Couronne fédérale et un de la Couronne provinciale lorsqu'il y a des accusations aux deux niveaux. Le point que je veux faire ressortir, c'est que chacune de nos lois accorde, d'une façon ou d'une autre, un pouvoir discrétionnaire au procureur en ce qui a trait aux peines minimales obligatoires.

La première chose qu'il importe de comprendre, c'est que, dans certaines circonstances, les peines minimales obligatoires varient d'une province à l'autre. Chaque province a son manuel destiné aux procureurs. Ce n'est pas le même dans toutes les provinces.

Par exemple, en Ontario, une infraction qui remonte à plus de cinq ans est considérée comme périmée. Si une personne a été condamnée pour conduite avec facultés affaiblies il y a plus de cinq ans, le procureur a le pouvoir discrétionnaire de ne pas en tenir compte en vertu des règles en vigueur dans cette province. Ce pouvoir n'existe pas à Terre-Neuve. Une condamnation antérieure qui date de 20 ans reste une condamnation antérieure. Une condamnation pour conduite avec facultés affaiblies ne devient jamais périmée à Terre-Neuve.

Cela étant dit à propos de l'argument principal du gouvernement au sujet des peines minimales obligatoires, je dois maintenant vous dire, honorables sénateurs, que la disposition du projet de loi qui me pose le plus problème n'a rien à voir avec les peines minimales obligatoires. Je vais vous dire de laquelle il s'agit, car elle donne carrément froid dans le dos. Je sais que les libéraux de l'autre endroit ont donné leur appui à cette mesure législative. Ne l'oublions pas. Les libéraux de l'autre endroit appuient cette mesure législative, comme les conservateurs. Quoi qu'il en soit, le Sénat est censé être la Chambre de second examen objectif. C'est le rôle qui nous est dévolu.

Je vais vous dire quelle est la disposition de ce projet de loi qui me donne froid dans le dos, honorables sénateurs. Cela ne me prendra qu'une seconde, et je vais même vous citer quelques cas qui se sont produits au cours de la dernière année et qui mettaient en cause des étudiants universitaires.

Le premier cas remonte à décembre 2009, dans l'affaire Carswell B.C., 644. Je cite :

[1] L'accusé fait l'objet d'un chef d'accusation de trafic d'ecstasy [...]

[2] [...] il a donné un comprimé d'ecstasy à une agente banalisée, l'agente Haines, lors d'un party rave au Pacific Coliseum.

[5] [...] l'agente Haines, qui devait passer pour une participante, s'était habillée en conséquence.

Le passage qui suit, et que je ne vous lirai pas, décrit sa tenue vestimentaire. Je vous rappelle qu'il s'agit d'une agente banalisée. Elle portait notamment une mini-jupe et des bottes de cowboy. Elle n'avait évidemment pas le choix, puisqu'elle devait se faire passer pour quelqu'un qui participait véritablement à cette danse. C'est le genre de chose qui se fait fréquemment dans toutes les villes du Canada.

(1440)

Je vais maintenant lire la troisième phrase, paragraphes 9 et 10 :

Policière : As-tu quelque chose pour moi?

Accusé : Non. Dansons plutôt. Je t'apporte quelque chose plus tard.

Policière : Euh, non. J'en ai besoin tout de suite. Je veux me sentir bien tout de suite.

Accusé : Très bien, attends-moi ici. Ne bouge pas.

Policière : OK, je serai ici.

Le juge a dit :

L'accusé part en direction de la scène principale, disparaissant dans la foule. Trois minutes plus tard, le jeune homme revient avec un bout de papier replié et le lui met dans la main. Ce bout de papier contient une pilule d'ecstasy. Une courte conservation s'ensuit.

Policière : Oh, wow, merci. Combien?

Accusé : Oh, rien. Pour toi, c'est gratuit.

Policière : Wow, c'est vrai? T'es un ange! Merci.

La policière donne alors une accolade à l'accusé. Elle fait signe à l'équipe d'arrestation qu'une transaction a eu lieu.

Et enfin, on peut lire :

L'accusé est mis en état d'arrestation.

Il a été menotté, fouillé et mis en prison.

La deuxième affaire, dont je lirai seulement deux phrases, porte la référence 2009 Carswell B.C., 3405. Je vais lire un extrait d'un témoignage d'un agent de police. À quelle fréquence cela se passe-t- il?

Le paragraphe 7 dit ceci :

Avant ce rave, l'agente Kinney avait agi en tant qu'agente d'infiltration responsable de l'achat de drogues à trois raves précédents. Selon son expérience et son opinion, les drogues — notamment l'ecstasy — et les raves étaient intimement liés.

Voici le paragraphe 12 :

Avant le projet Twilliger, le détective Kazuta a participé au projet Temporal. Le 31 décembre 2004, dans le cadre de ce projet, il s'est rendu à un rave au colisée. Ce rave s'est soldé par dix arrestations pour trafic ou possession à des fins de trafic. En 2005, dans le cadre du projet Thirst, il s'est rendu à un rave au colisée. Ce rave s'est soldé par 13 arrestations pour trafic ou possession à des fins de trafic. Enfin, le 31 décembre 2007, dans le cadre du projet Tirana, il s'est rendu à un rave au colisée. Il y a eu 11 arrestations pour trafic et six arrestations pour possession à des fins de trafic.

Honorables sénateurs, dans tous ces cas il s'agissait de la remise d'un ou de deux comprimés. Dans la moitié des cas, il n'y a pas eu de remise d'argent. D'aucuns pourraient dire que les choses sont peut-être différentes au colisée Pacific. Des décisions ont fait jurisprudence et il y a de grands arénas à Calgary, à Toronto, à Montréal et à Halifax, entre autres.

Pourquoi cela me préoccupe-t-il autant? Certes, il est interdit de posséder des drogues illégales. Il est interdit d'en consommer.

Honorables sénateurs, il faut lire le sommaire du projet de loi. Il recèle la clé de la mesure. N'oublions pas qu'au fil des ans, comme le sénateur Nolin pourrait le confirmer, nous avons veillé à structurer les annexes à la Loi sur les stupéfiants et à la Loi réglementant certaines drogues de manière à ce que la cocaïne et l'héroïne soient incluses parmi les drogues de l'annexe I. La marijuana et ses dérivés figurent parmi les drogues de l'annexe II. Les drogues énumérées à l'annexe III sont considérées comme étant moins lourdes de conséquences. Ce projet de loi élimine l'annexe III; il transfère les substances inscrites à l'annexe III à l'annexe I. Or, les auteurs d'infractions concernant les drogues inscrites à l'annexe I sont passibles de peines pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité.

C'est là un point important, et je suis convaincu que le comité en débattra. Où est le problème? Je vais vous le dire. Nul besoin d'une campagne publicitaire énorme pour prédire la suite des choses. Ce qui m'inquiète, ce n'est pas le fait qu'un contrevenant puisse risquer une peine d'emprisonnement à perpétuité parce qu'il remet un comprimé d'ecstasy à quelqu'un. Ce n'est pas cela qui m'inquiète. Ce n'est pas le fait que cette drogue ait changé de catégorie qui m'inquiète.

Vraiment, ce qui m'inquiète dans la loi qui règlemente certaines drogues, et le sénateur Nolin vous le dirait, c'est que lorsqu'un contrevenant est reconnu coupable d'une infraction pour laquelle il risque l'emprisonnement à perpétuité, d'autres éléments du Code criminel entrent en jeu. Par exemple, les conditions de libération de ce contrevenant sont visées par une interdiction de dix ans. Tout contrevenant reconnu coupable de cette infraction après l'adoption du projet de loi serait frappé d'une ordonnance d'interdiction de dix ans, pour ce qui est de la possession ou de l'utilisation d'une arme à feu, par exemple. Voyons voir cet exemple. Un contrevenant qui aurait été reconnu coupable de cette infraction, qui aurait purgé sa peine et qui aurait été libéré devrait attendre dix années de plus en raison de la condition imposée. Faisons l'hypothèse que cette personne voudrait obtenir une réhabilitation.

Le sénateur Stewart Olsen : Impossible.

Le sénateur Baker : Il y a un projet de loi à cet effet. En vertu de la loi actuelle, il faut normalement attendre cinq ou six ans avant de pouvoir présenter une demande de réhabilitation. Imaginons donc une personne dont la condamnation serait assortie d'une seule condition et qui devrait en conséquence attendre 15 ans. Supposons par exemple qu'un étudiant d'université soit tenu d'attendre 15 ans avant de pouvoir présenter une demande de réhabilitation, seulement pour avoir échangé un comprimé d'ecstasy avec une autre personne pendant un rave.

À mon avis, le projet de loi sera adopté. Il sera adopté parce que les libéraux l'appuient et que les conservateurs l'appuient à l'autre endroit. Il sera adopté. Cependant, honorables sénateurs, nous pourrions sûrement insister sur la nécessité d'une campagne de publicité. Il faut informer les jeunes, leur dire que ce qu'ils faisaient impunément l'année dernière est maintenant répréhensible et qu'ils pourraient désormais écoper d'une peine d'emprisonnement à perpétuité pour la même infraction, que leur vie pourrait être ruinée, qu'ils ne pourraient jamais trouver d'emploi, qu'ils ne pourraient plus jamais se rendre aux États-Unis ou dans un autre pays, en raison de la condition dont leur condamnation serait assortie.

Voilà le point principal que je voulais soulever, un point très important relatif à l'un des principaux éléments du projet de loi. Le sommaire du projet de loi est ainsi libellé :

Le texte modifie la Loi réglementant certaines drogues et autres substances afin de prévoir des peines minimales pour les infractions graves liées aux drogues, d'augmenter la peine maximale pour l'infraction de production de marihuana et de transférer certaines substances inscrites à l'annexe III à l'annexe I.

En parcourant la liste des substances inscrites à l'annexe, il serait impossible de savoir qu'il s'agit d'une drogue appelée ecstasy. Le nom de la substance en question est formée d'au moins 50 lettres et commence par « N-phényl » et ainsi de suite. Il faut me croire. J'ai lu suffisamment de jurisprudence pour savoir que la substance en question est bien l'ecstasy. Certaines des autres drogues inscrites à l'annexe III y figurent à des fins bien précises. À l'époque où les annexes ont été rédigées et étoffées, il ne semblait pas approprié de ranger ces drogues dans l'annexe I.

Honorables sénateurs, c'est là mon principal argument. Je tiens également à formuler une dernière observation sur les peines obligatoires minimales. J'ai siégé à la Chambre des communes pendant de nombreuses années. La question des peines minimales obligatoires y a fait l'objet d'une étude en profondeur, en fait la seule étude du genre en existence. C'est la seule étude officielle complète.

(1450)

On peut lire dans la conclusion que le comité n'appuie pas en général la création de peines minimales dans d'autres cas que le meurtre, la haute trahison et les infractions sexuelles avec récidive. C'était la conclusion d'un comité de la Chambre des communes en 1988. Je m'en souviens bien. Je siégeais au Parlement depuis 15 ans à l'époque.

Une voix : Qui faisait partie du comité?

Le sénateur Baker : Honorables sénateurs, je ne prétendrai pas que le sénateur Nolin connaît la réponse, mais le président du comité était David Daubney. Le document s'appelait d'ailleurs le rapport Daubney. M. Daubney est un grand avocat. Il a un excellent esprit juridique. Par ailleurs, je le connais bien. C'est un grand ami. Où travaille-t-il, maintenant? Au ministère de la Justice, au bureau du ministre, je crois. Je me demande par contre qui était le vice-président du comité. Oui, Rob Nicholson, C.P. Merci beaucoup.

(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

La Loi sur la sécurité automobile
La Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999)

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur MacDonald, appuyée par l'honorable sénateur Duffy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur la sécurité automobile et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999).

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je crains de ne pas être aussi amusant que le sénateur Baker, mais nous sommes peu nombreux à l'être.

Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur la sécurité automobile et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999. Comme le sénateur MacDonald vous a donné beaucoup d'information claire et détaillée sur ce projet de loi, je n'en parlerai pas longtemps.

Honorables sénateurs, le projet de loi traite de l'importation au Canada de véhicules d'occasion en provenance du Mexique. On nous dit que ce projet de loi est nécessaire pour que le Canada puisse respecter ses obligations en vertu de l'ALENA. Pour ce faire, certaines dispositions doivent être modifiées dans les deux lois en question afin d'assurer que les véhicules importés respecteront nos règles strictes sur les plans de la sécurité et de la protection de l'environnement.

Je pense que tous les sénateurs sont d'accord sur le fait que nous voulons continuer à protéger l'environnement et la sécurité de tous les Canadiens.

Nous avons déjà réalisé ce processus quand nous avons dû harmoniser nos dispositions avec celles des États-Unis sur ce plan. C'est maintenant au tour du Mexique.

L'actuelle Loi sur la sécurité automobile comporte des dispositions permettant l'importation, à partir des États-Unis, de véhicules d'occasion qui ne répondent pas aux normes canadiennes à condition que l'acheteur déclare, au moment de l'immatriculation, que le véhicule a été amélioré pour qu'il respecte nos normes. L'acheteur doit alors présenter des preuves. Le projet de loi S-5 prévoit des dispositions semblables pour les véhicules en provenance du Mexique.

Les modifications proposées à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement visent le même objectif. Les deux modifications prévues dans le projet de loi S-5 permettent l'adoption de la réglementation qui assurera le respect de nos normes en matière de sécurité et de protection de l'environnement. Je souligne que nous ne parlons pas de l'importation de véhicules neufs ou de pièces de véhicules. Nous parlons de vieux véhicules.

Honorables sénateurs, combien de véhicules de ce genre seraient importés si ce projet de loi était adopté? On me dit qu'il s'agit au plus d'un nombre minime. Par conséquent, la première chose qui me vient à l'esprit est celle-ci : pourquoi agissons-nous si rapidement? Plusieurs autres questions sont ressorties de mes entretiens avec des fonctionnaires. Quelles sont les normes environnementales au Canada pour des véhicules de ce genre comparativement aux normes aux États-Unis et au Mexique? S'il existe des différences, quelles sont-elles? Quelles sont les similitudes et les différences en ce qui concerne les normes de sécurité?

J'ai d'autres questions concernant le nombre de véhicules usagés que nous importons d'autres pays et les règles qui s'appliquent à ces importations. Un des groupes qui font des pressions en faveur de ces changements est l'Association des propriétaires de véhicules importés du Canada. J'ose espérer qu'on communiquera avec des représentants de l'association pour les inviter à comparaître devant le comité. J'aimerais également savoir quelle sera l'incidence de ces modifications sur les règlements provinciaux, du fait que l'immatriculation des véhicules relève des provinces. On nous dit que les provinces ne sont pas contre les modifications, mais il serait intéressant de voir ce qu'elles seraient obligées de changer.

Honorables sénateurs, je suis convaincu qu'on répondra de façon satisfaisante à ces questions. C'est pourquoi j'appuie l'adoption du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture pour que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications puisse en faire l'étude.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Renvoi au comité

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis (Son Honneur la Présidente suppléante) : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Comeau, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.)

La Loi sur la faillite et l'insolvabilité

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ringuette, appuyée par l'honorable sénateur Tardif, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-214, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et d'autres lois (passif non capitalisé des régimes de pension).

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je note que nous en sommes au 13e jour de l'inscription de ce projet de loi. Nous ne voudrions pas que ce projet de loi meure au Feuilleton.

Je propose donc l'ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole, mais je voudrais réserver les 45 minutes allouées au critique du projet de loi.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

La Loi sur la faillite et l'insolvabilité
La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Eggleton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Tardif, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-216, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies en vue de protéger les prestataires de régimes d'invalidité de longue durée.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je note que nous en sommes au 13e jour de l'inscription de ce projet de loi au Feuilleton.

Je propose l'ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole. Je voudrais toutefois réserver les 45 minutes allouées au critique du projet de loi.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

(1500)

La Loi sur la Cour suprême

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tardif, appuyée par l'honorable sénateur Rivest, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-232, Loi modifiant la Loi sur la Cour suprême (compréhension des langues officielles).

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, il me fait plaisir de prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-232, qui touche aux qualifications linguistiques des juges de la Cour suprême.

J'ai beaucoup apprécié le discours du sénateur Tardif, un discours clair et une inspiration pour l'égalité des droits au Canada. J'ai aussi écouté le discours du sénateur Carignan avec intérêt.

Lorsque le sénateur Carignan prononçait son discours hier, je l'imaginais, comme avocat, plaidant une cause en français devant la Cour suprême. Ironiquement, la Cour suprême est une cour qui ne pourrait pas le comprendre, car certains juges ne parlent pas le français.

Cet enjeu est intéressant car il touche plusieurs éléments et ce, à deux niveaux. Le premier fait référence à l'administration de la justice et au nombre inquiétant de candidats qui auront les qualifications juridiques et linguistiques nécessaires. Le deuxième est celui de la question des principes fondamentaux d'un Canada officiellement bilingue.

Les deux arguments sont crédibles, importants et légitimes. Il est sans doute essentiel que les juges de la Cour suprême possèdent de très hautes qualifications. Notre crainte est de ne pas trouver assez de candidats qui posséderaient ces qualifications. Il y a une perception très particulière dans l'Ouest canadien qui suppose que nous n'aurons pas assez d'avocats qui comprennent le français.

D'autre part, la question des juges qui comprennent les deux langues officielles renvoie au principe, peut-être moins pratique mais plus important, des valeurs canadiennes.

Nous avons fait des progrès depuis 1969, quand nous avons déclaré que le Canada était un pays bilingue. Nous pouvons être fiers de nos progrès. Mais ce cheminement n'est pas complet. Nous devons continuer de rechercher des moyens de faire progresser le bilinguisme. De plus, la Cour suprême est une institution essentielle à notre nation. Ce serait une grave erreur de ne pas y promouvoir le bilinguisme.

Nous devons faire ce que les leaders doivent toujours faire, soit d'abord établir une liste de choix prioritaires, puis déterminer celui qui est le plus essentiel et travailler afin d'éliminer les problèmes. Je crois que nous devons donner préséance au bilinguisme plutôt qu'aux qualifications. Je crois que cette crainte du bilinguisme disparaîtra quand il sera évident que les attentes auront changé.

Oui, j'en suis conscient : quelques avocats et plusieurs étudiants en droit devront apprendre une deuxième langue. Je sais que c'est difficile; c'est évident pour vous qui m'écoutez maintenant.

Mais les Canadiens doivent souvent défendre et promouvoir les principes et les valeurs de ce pays. Ce n'est pas un principe trop exigeant pour réaliser nos plus grands espoirs pour le pays et pour ses juges. C'est une question d'équité et de justice pour tous les citoyens canadiens.

Je devrais peut-être poursuivre en français, mais, pour être plus clair, je vais le faire en anglais.

[Traduction]

Ce sont des priorités concurrentes. Il y a deux côtés légitimes au débat. On ne peut pas toujours prétendre que c'est le cas. Cependant, en l'occurrence, je crois que nous devrions accorder la priorité au principe plus général, qui renvoie à la nature véritable, au caractère et au cœur du Canada et des Canadiens, c'est-à-dire le bilinguisme et le biculturalisme. C'est un trait essentiel de l'identité canadienne et cela fait de nous un pays unique au monde.

Évidemment, nous devons administrer la justice et nous assurer que nous trouvons les meilleurs juristes possibles pour la Cour suprême du Canada. Certains ont avancé que nous n'avons peut- être pas suffisamment d'avocats qui comprennent assez bien les deux langues officielles. Je n'en suis pas convaincu. Ils ont le pouvoir de régler ce problème, et nous l'avons aussi. C'est le même vieil argument qui a été avancé il y a 22 ans, je crois, lorsque les tribunaux ont été restructurés. On avait alors dit que la Cour suprême ne pouvait pas être restructurée sous prétexte que nous ne pourrions jamais trouver de bons candidats. Cet argument avait aussi été avancé il y a 40 ans, lorsque tout cela a commencé. Certains affirmaient que nous ne pourrions jamais trouver de personnes qualifiées. Vous savez quoi? Nous les avons trouvées et nous en trouvons encore.

Il est certainement possible aux juristes possédant les qualités et l'intelligence voulues pour siéger à la Cour suprême du Canada d'apprendre une deuxième langue et de très bien l'apprendre. C'est la solution ultime. Si nous continuons comme nous sommes partis, nous obtiendrons le pire des deux mondes. La solution, c'est d'adhérer à la valeur, à la nature et au principe du bilinguisme, de le promouvoir et de faire apprendre le français aux avocats. Ils l'apprendront. Ils veulent l'apprendre. Les facultés de droit qui voudront être les meilleures au Canada commenceront à enseigner le français à leurs étudiants pour qu'un jour, ils puissent aspirer à la magistrature suprême du Canada. Je crois que le problème se règlera de lui-même et très rapidement.

Pourquoi ne pouvons-nous pas voir à plus grande échelle dans ce dossier? Pourquoi ne pouvons-nous pas songer à ce qu'est le Canada et à ce qu'il peut être de plus? Si on commence à tenir pour acquis des principes comme le bilinguisme, qui est au cœur de qui nous sommes, alors nous risquons de voir ces principes nous glisser entre les doigts. Nous devrions toujours tenter de trouver des moments, des occasions et des façons de promouvoir ces principes. Cette proposition constitue un moyen parfait de promouvoir cet important principe. Elle est effectivement symbolique, car elle indique à tous les Canadiens que le bilinguisme nous est très cher. Elle est également importante, car elle nous aidera au bout du compte à rendre la justice encore plus efficacement grâce à des personnes qui parlent les deux langues officielles. Je ne crois pas que c'est trop demander des Canadiens. Nous leur demandons toutes sortes de choses. Je pense aux sacrifices, aux efforts, au travail et au dévouement qui ont été nécessaires pour bâtir ce pays et l'amener au niveau où il est aujourd'hui. Nous pouvons certainement demander aux avocats de ce pays de parler français ou anglais afin qu'ils puissent travailler au plus haut tribunal du pays dans les deux langues officielles. Je ne crois pas du tout que c'est trop demander. La décision est facile à prendre. Je vais voter en faveur de ce projet de loi.

Je viens de l'Ouest, de l'Alberta. J'aime profondément l'Alberta. J'adore l'Ouest. Il y a eu des moments où j'ai cru qu'il fallait écouter davantage et mieux comprendre cette région du pays. Je sais aussi que le Québec et les francophones hors-Québec ont fait de ce pays un pays hors de l'ordinaire. Ils sont l'une des raisons qui rendent ce pays spécial. Il existe de nombreuses raisons, mais ils constituent une raison particulièrement importante. Ils font en sorte que nous sommes différents des États-Unis. Cela a été d'une très grande importance du point de vue de qui nous sommes comme pays qui se définit comme étant différent des États-Unis.

(1510)

Les francophones ont fait de notre pays un pays multiculturel et, vu la grande importance que nous attachons à cette culture, il a bien fallu que nous accordions une reconnaissance aux autres cultures. Savez-vous comment les gens de partout ailleurs sur la planète perçoivent le Canada? Ils le perçoivent comme un pays multiculturel et bilingue qui sert de modèle. Ils le perçoivent ainsi en raison de la tolérance, de la compréhension et de l'acceptation dont nous faisons preuve et de la façon dont nous vivons les uns avec les autres.

Le projet de loi peut marquer un important pas en avant sur le chemin qui mène à la création de ce qui pourrait être le meilleur et le plus parfait des pays du monde.

Des voix : Oh, oh!

(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Budget et autorisation d'embaucher du personnel—L'étude sur les questions d'actualité des grandes villes canadiennes—Adoption du deuxième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (budget—étude sur les questions d'actualité des grandes villes canadiennes—autorisation d'embaucher du personnel), présenté au Sénat le 6 mai 2010.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Budget et autorisation d'embaucher du personnel—L'étude sur l'accessibilité de l'éducation postsecondaire—Adoption du troisième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (budget—étude sur l'éducation postsecondaire au Canada—autorisation d'embaucher du personnel), présenté au Sénat le 6 mai 2010.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Pêches et océans

Budget et autorisation de se déplacer—L'étude sur les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans—Adoption du troisième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans (budget—étude du cadre stratégique en évolution pour la gestion des pêches et des océans—autorisation de se déplacer), présenté au Sénat le 6 mai 2010.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

Langues officielles

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant—Adoption du deuxième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles (budget—étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 6 mai 2010.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Agriculture et forêts

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier—Adoption du deuxième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts (budget—étude sur le secteur forestier—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 6 mai 2010.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

La contrebande du tabac

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Segal, attirant l'attention du Sénat sur la gravité du problème que pose la contrebande du tabac au Canada, ses liens avec le crime organisé, le crime international et le financement du terrorisme, y compris les conséquences sérieuses de la vente illicite des produits du tabac aux jeunes, les effets préjudiciables sur les petites entreprises légitimes et la menace pour le gagne-pain des propriétaires de dépanneurs qui travaillent fort, partout au Canada, la capacité de l'État de lutter contre les responsables de ce commerce illégal au pays, ainsi que la pertinence de confier à un comité du Sénat le soin de faire enquête sur ces questions.

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, je prends la parole dans le cadre de l'interpellation inscrite à mon nom et qui concerne la contrebande du tabac. Je pose ce geste, car je crois que la nature de notre démocratie est telle que la primauté du droit — les lois adoptées dans cette enceinte et, surtout, par les élus à la Chambre des communes et dans les assemblées législatives de partout au pays — est essentielle, tant pour l'ordre public que pour la liberté individuelle.

Lorsque des lois sont discréditées, corrompues et rendues inefficaces, personne n'est en sécurité. Si on ne s'attaque pas à l'importation, à la vente, au financement, à la fabrication, à la distribution et à l'exportation illégaux du tabac, quels autres actes illégaux tolérerons-nous, par extrapolation — le trafic illégal des enfants à des fins de prostitution; l'importation illégale de produits pharmaceutiques contrefaits; la violation des lois sur les droits d'auteurs adoptées pour protéger la propriété intellectuelle?

Coupons tout de suite court à l'idée selon laquelle la contrebande de tabac est un crime qui ne fait pas de victimes. Les honnêtes commerçants d'un bout à l'autre du Canada, qui respectent les règlements provinciaux et la loi du gouvernement fédéral qui interdit la vente de cigarettes aux jeunes, savent, tout comme les directeurs d'école, les parents et les enseignants des écoles secondaires avoisinantes, que des millions de cigarettes illégales sont apparues dans les cours d'école peu après l'entrée en vigueur de la loi fédérale. Par conséquent, il y a davantage de jeunes qui fument des produits du tabac aromatisés illégaux, qui sont maintenant considérablement moins chers. Ces produits ont été présentés au comité sénatorial par le dirigeant syndical des employés de Benson & Hedges à Québec. Il s'agit du même comité qui a étudié la nouvelle mesure législative il y a quelques mois.

Honorables sénateurs, en Ontario et au Québec seulement, ce sont 2 300 honnêtes commerçants qui ont dû fermer boutique, en partie à cause de cette nouvelle loi fédérale. Malgré notre participation et notre engagement, le projet de loi C-32 a fait perdre leur emploi à d'honnêtes commerçants propriétaires de petites entreprises, alors que les recettes des gangs de criminels et la fabrication de produits du tabac destinés aux jeunes augmentent. Quelle conséquence perverse d'une mesure législative qui était bien intentionnée!

Cela rappelle une décision du premier ministre Chrétien, tout aussi bien intentionnée, qui visait à lutter contre la contrebande en réduisant la taxe d'accise sur le tabac, ce qui diminuait ainsi l'intérêt de faire de la contrebande. Cette dernière a effectivement diminué pendant un certain temps et, selon diverses analyses sur la promotion de la santé et sur la lutte contre le tabagisme, des dizaines de milliers de jeunes filles au pays ont commencé à fumer, pour couper leur faim ou seulement pour être « branchées », parce qu'elles pouvaient se le permettre. C'est ainsi qu'une politique fiscale fédérale peut faire augmenter le nombre de décès liés au cancer dans les années à venir. Cet effet pervers est pire que celui dont j'ai parlé plus tôt. Ces deux initiatives fédérales étaient louables et fondées sur des conseils judicieux de fonctionnaires et de policiers. Cependant, les effets pervers de ces initiatives, mises de l'avant par des premiers ministres d'allégeance libérale et conservatrice, doivent être évalués en fonction de la dure réalité d'aujourd'hui.

(1520)

En prévision de cette intervention, j'ai parlé à des dirigeants des Premières nations, à des enquêteurs de police banalisés et à des policiers en uniforme qui participent à des patrouilles à la frontière et dans des secteurs connexes. J'ai parlé avec ces gens de façon informelle, sans trop entrer dans les détails. J'ai également entendu le point de vue de diverses organisations, dont les avis sont habituellement contradictoires, qui se sont mobilisées pour appuyer l'idée de tenir une enquête sénatoriale en bonne et due forme ou une enquête publique sur le commerce illégal du tabac. Il s'agissait des organisations suivantes : l'Association des organismes locaux de santé publique; la Société canadienne du cancer; l'Association frontière hors taxes; l'Association des gens d'affaires coréens de l'Ontario; l'Association médicale canadienne; l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation; la Bakery, Confectionary, Tobacco Workers and Grain Millers International Union; et l'Association pour les droits des non-fumeurs.

Qu'ai-je appris? J'ai appris qu'en l'absence d'une disposition solide sur le transport dans le Code criminel, la distribution ou la fabrication de produits du tabac illégaux, seule la Loi sur l'accise permet à la police d'intervenir, et les sanctions prévues se limitent à la saisie de biens ou à l'imposition d'amendes. En raison des sanctions imposées aux individus qui s'adonnent à ce type d'activité, bien franchement, le risque en vaut la chandelle. Lorsqu'un jeune étudiant de la région de Brantford peut remplir un « vieux bazou » de tabac illégal, puis se rendre chez lui, à Terre-Neuve, pendant le congé de Pâques, et toucher 8 500 $ en argent comptant pour cette mission, les risques qu'il court en vertu de la Loi sur l'accise ne représentent pas un facteur dissuasif suffisant.

Cette situation rend la tâche presque impossible pour notre police, qu'elle soit fédérale, provinciale ou municipale. Dans un certain sens — et cela fait écho aux inquiétudes du premier ministre Chrétien —, les services de police et des renseignements criminels ne savent pas trop quels types d'armes sont utilisés au point de fabrication et d'expédition des produits. Dans ses efforts de lutte contre le tabac illégal, aucun service de police ne souhaite provoquer une tragédie semblable à celle survenue à Waco, au Texas. Toutefois, ces mêmes agents de police savent, pour en avoir fait l'expérience, que l'argent tiré d'activités de contrebande, qui sont extrêmement lucratives, mène à la drogue, à la prostitution, à la vente et à l'importation d'armes, à la pornographie et aux types de crimes qui font tous les jours des milliers de victimes au Canada.

Nos services de police provinciaux, qu'il s'agisse de la GRC, de la Sûreté du Québec ou de la Police provinciale de l'Ontario, doivent généralement prendre des mesures dans des secteurs de compétence provinciale en vertu du Code de la route. Cela signifie que même si les policiers disposent de renseignements qui leur indiquent qu'un camion venant de traverser la frontière canado-américaine de Hill Island est rempli de tabac de contrebande, ils n'ont aucune raison de l'intercepter s'il est en bon état, qu'il roule à une vitesse permise, que son silencieux n'est pas trop bruyant ou qu'il n'enfreint pas de quelque façon le Code de la route. Lorsque les policiers interceptent un véhicule, les seules peines que le procureur peut imposer au conducteur relèvent de la Loi sur l'accise. Ce dernier est souvent libéré dans l'heure qui suit, sur versement d'une caution souvent payée par des personnes ayant un accent russe, américain, hispanique ou du Moyen-Orient. L'argent n'est pas un problème pour les présumés contrevenants.

Le Royaume-Uni mène une campagne d'information qui s'adresse aux gens qui achètent du tabac de contrebande. On y souligne que, si les consommateurs économisent un peu d'argent, les profits engendrés, eux, servent à financer des organisations et des gens dangereux. Les réseaux internationaux de financement des terroristes ainsi que les revendeurs de drogues dures, les passeurs d'immigrants illégaux et de prostitués, qui sont souvent coincés eux- mêmes, sont clairement identifiés dans le programme britannique comme étant les bénéficiaires des profits de ces cigarettes à rabais.

La dernière fois que j'ai pris la parole à ce sujet au Sénat, en décembre 2009, j'avais présenté quelques propositions, à savoir : premièrement, interdire l'accès aux matières premières et leur transport, ce qui comprend les feuilles de tabac brut, les filtres, le papier à rouler et les emballages de cigarettes, à quiconque n'est pas muni d'une licence valide de fabricant de tabac et ce, en se basant sur la description du Code criminel. Deuxièmement, entreprendre des discussions avec les Premières nations participant à de telles activités en vue de conclure une entente de partage fiscal en contrepartie d'un processus légal d'attribution de licences pour la culture de plants sur leurs terres. Troisièmement, préciser les dispositions du Code criminel qui donnent plus de moyens à nos services de police pour agir lorsque des contrebandiers, ceux qui les financent et des membres des réseaux criminels qui gèrent ce système illégal sont arrêtés. Puisque des bandes de motards criminels de partout au Canada participent à ce commerce illégal, les solliciteurs généraux devraient publier des mémoires de mise en exécution dans le but d'encourager les procureurs de la Couronne à poursuivre les contrebandiers et les fournisseurs à titre de complices dans les opérations associées à des bandes de motards criminalisés avec lesquelles toute association est devenue illégale.

Honorables sénateurs, aucun sénateur ne peut, à lui seul, rendre justice à ce dossier. Je recommande donc très vigoureusement et respectueusement à madame le leader du gouvernement au Sénat et à son homologue de l'opposition de proposer conjointement qu'un comité d'enquête spécial se penche dès que possible sur le problème de la contrebande de tabac, son coût et les mesures à prendre pour l'enrayer. Je n'ai pas présenté de motion à cet égard parce que les leaders des deux côtés doivent en arriver à la solution que je propose aujourd'hui, pour qu'elle soit productive. J'ose également espérer que d'autres sénateurs voudront bien nous faire profiter de leur sagesse et nous faire part de leur point de vue sur cette question complexe.

Honorables sénateurs, un agent d'exécution de la loi en uniforme m'a dit à quel point il se sent impuissant quand on trouve un chargement important de tabac, car la police ne peut rien faire d'autre que le saisir et imposer une amende. Des agents d'infiltration m'ont dit que lorsqu'ils ont communiqué avec un fournisseur clandestin dans le cadre d'une opération secrète d'envergure, ils ont eu de la difficulté à entendre ce que disait la personne ciblée, à cause du bruit assourdissant des nombreuses machines de comptage des espèces qui se trouvaient au point de transbordement sous surveillance.

D'anciens agents de police m'ont également dit qu'ils craignaient, s'ils étaient envoyés en territoire autochtone pour faire respecter la loi avec l'aide de policiers autochtones déterminés et hautement professionnels qui font de leur mieux dans ce dossier difficile et que des coups de feu étaient échangés, de ne pas être appuyés par les autorités politiques advenant une controverse.

Honorables sénateurs, la contrebande de tabac n'est pas sans faire de victimes : les jeunes achètent des cigarettes de contrebande meilleur marché que jamais; chaque année, les gouvernements ont un manque à gagner de plusieurs milliards de dollars en recettes fiscales, qui sont plus désespérément nécessaires que jamais; notre système de soins de santé voit les coûts liés au tabagisme augmenter; les jeunes développent une dépendance au tabac pour toute leur vie qui, par conséquent, sera écourtée; des milliards de dollars entrent dans les caisse de réseaux criminels mêlés notamment à la cyberfraude, au trafic des armes, au financement du terrorisme, à des complots d'immigration illégale et de prostitution. De toutes les activités criminelles qui ont cours au Canada, la contrebande de tabac est peut-être celle qui fait le plus grand nombre de victimes.

J'ose espérer que d'autres sénateurs interviendront lorsqu'ils le pourront dans le cadre de cette interpellation. J'espère également que les leaders des deux côtés de cette enceinte arriveront à collaborer pour qu'un comité existant ou spécial soit chargé de mener une enquête complète qui permettra de recueillir ouvertement des preuves et des témoignages à partir desquels le gouvernement pourra finalement agir.

Il est facile, honorables sénateurs, de fermer les yeux sur la contrebande de tabac et de n'y voir qu'une de ces choses qui ne devraient pas troubler notre quiétude. Toutefois, honorables sénateurs, pensez à ceci : à défaut d'agir, nous détournons les yeux d'une activité illégale qui fait du tort aux jeunes, réduit les recettes fiscales, nuit aux Premières nations, mine la crédibilité de la police, a des retombées négatives sur notre système de santé et sur la santé de la population, fait mal aux petites entreprises et compromet l'intégrité même de nos frontières. Cette activité illégale enrichit les réseaux de motards criminalisés, les fabricants illégaux ainsi que les réseaux de terroristes, de prostitution et de vente de drogues illégales. Ces réseaux font usage d'armes prohibées pour faire des citoyens leurs proies et, au besoin, éléminer ceux qui leur mettent les bâtons dans les roues. Si nous les laissons faire, nous disons que la primauté du droit — fondamentale dans une démocratie pour équilibrer la liberté et l'ordre — est négociable ou, pire encore, accessoire.

Aucun de nous, qui se regarde dans le miroir le matin, que ce soit pour se raser, se maquiller, nouer sa cravate ou se coiffer, ne voudrait, en aucun cas, être associé à ce genre de désengagement.

(Sur la motion du sénateur Cordy, le débat est ajourné.)

(1530)

Les affaires autochtones

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Patrick Brazeau, ayant donné avis le 20 avril 2010 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la question d'imputabilité, de transparence et de responsabilité des affaires autochtones au Canada.

— Honorables sénateurs, je veux attirer l'attention du Sénat sur les questions de reddition de comptes, de transparence et de responsabilité dans la prestation des affaires autochtones au Canada.

Certaines factions au sein de la communauté autochtone du Canada continuent de s'indigner de la façon dont le Canada traite ses peuples autochtones. C'est toujours la même rengaine : le gouvernement fédéral a volé nos terres et nos cultures; des systèmes étrangers de gouvernance nous ont été imposés; le Canada, en bon colonialiste, a essayé de nous assimiler et nous a confinés dans des réserves.

Ces doléances sont parfaitement légitimes, mais ce que nous devons nous demander, c'est comment nous pouvons améliorer radicalement la situation socio-économique des citoyens canadiens les plus défavorisés. Bien qu'on ne puisse rien changer aux horreurs du passé, on peut certainement essayer de bâtir un avenir meilleur.

Même si ce point de vue est loin de faire l'unanimité, il est toutefois révélateur d'un certain malaise et d'un certain courant dans la société canadienne qui tend à effacer la place des Autochtones dans le développement du Canada. Les descendants des Français et des Britanniques prétendent avoir fondé ce pays, mais on accorde très peu de reconnaissance aux Premières nations, qui étaient ici bien avant l'arrivée des Européens et qui ont joué un rôle clé dans l'édification de ce pays qu'on appelle aujourd'hui le Canada.

Les descendants de ces colons ont prospéré, mais comment se fait- il, honorables sénateurs, que les Autochtones du Canada n'arrivent pas à obtenir la reconnaissance qui leur est due pour leur apport à la société canadienne? Honorables sénateurs, comment mettre fin au nihilisme? Comment tracer la voie du succès?

Je crois qu'il existe un besoin fondamental et généralisé de responsabilité accrue dans les affaires autochtones au Canada. Je suis convaincu que cette question est au cœur du problème, alors que les collectivités autochtones du Canada souffrent en permanence de la pauvreté et d'un manque de possibilités. Honorables sénateurs, je veux informer le Sénat — et, par son entremise, le public en général — des facteurs qui contribuent à ce véritable drame humain.

Depuis près de 40 ans, les gouvernements fédéraux qui se sont succédé ont tous tenté de régler ce dossier. Afin de mieux relever le défi, il importe de comprendre la population autochtone et l'appareil gouvernemental qui la dessert.

Selon le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, la population autochtone était tout juste en-dessous du seuil de 1,2 million en 2006. De ce nombre, 53 p. 100 sont des Indiens inscrits, 30 p. 100 sont des Métis, 11 p. 100 sont des Indiens non inscrits, et 4 p. 100 sont des Inuits. Au total, la population d'origine autochtone représente 4 p. 100 de la population canadienne.

Plus de la moitié des Autochtones, soit 54 p. 100 d'entre eux, vivent dans des centres urbains, comparativement à 81 p. 100 dans le cas de la population non autochtone. Dans les grandes villes, c'est à Winnipeg que la concentration d'Autochtones est la plus élevée, soit 10 p. 100. Regina et Saskatoon suivent, avec 9 p. 100 chacune.

La donnée la plus révélatrice est peut-être le fait que 48 p. 100 des Autochtones ont moins de 25 ans, comparativement à 31 p. 100 chez les non-Autochtones. La moyenne d'âge de la population autochtone est de 27 ans, comparativement à 40 ans pour la population non autochtone.

Du point de vue législatif, le paragraphe 91(24) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique spécifie que « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens » relèvent de la compétence législative fédérale. Toutefois, ce n'est plus le cas lorsqu'une personne quitte une réserve indienne. Les Autochtones qui vivent hors réserve relèvent de la compétence provinciale, même si ce transfert n'est nulle part énoncé clairement dans une politique ou une mesure législative.

Les investissements fédéraux dans le secteur des affaires autochtones se chiffrent à plus de 10 milliards de dollars annuellement, et ces fonds sont répartis dans une trentaine de ministères. Compte tenu de cette donnée, on ne peut douter de la sincérité et de la volonté du gouvernement fédéral pour ce qui est d'investir dans les Autochtones du Canada. Il ne fait aucun doute que la volonté politique est là. Toutefois, examinons un peu la structure gouvernementale et l'application des investissements liées à la politique visant les Autochtones.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le MAINC, est le grand responsable de cette politique. Son rôle consiste à appuyer les Autochtones du Canada dans leurs efforts afin d'améliorer leur bien-être et leur prospérité économique, de créer des collectivités plus saines et plus solides, et de participer davantage au développement politique, social et économique du Canada, pour le bénéfice de tous les Canadiens.

Examinons de plus près les dépenses du MAINC. Ce ministère est le cinquième en importance au niveau fédéral. Son budget annuel total est d'environ 7 milliards de dollars, ce qui représente plus de 3,4 p. 100 du Budget principal des dépenses du gouvernement fédéral pour l'exercice 2009-2010. Encore une fois, il ne faut pas oublier qu'une somme supplémentaire annuelle de plus de 3 milliards de dollars est consacrée aux Autochtones par le truchement des programmes et des services fournis par 29 autres ministères fédéraux.

La Loi sur les Indiens, qui est la mesure législative s'appliquant expressément aux Premières nations, a été adoptée en 1876. Certains pourraient dire que cette loi visait à protéger légalement les intérêts des Autochtones. Toutefois, cela n'a certainement pas été le cas. Son but était d'assimiler les Autochtones et de « se débarrasser du problème des Indiens ».

Honorables sénateurs, si les règles du Sénat le permettaient, je me laisserais aller à parler, des jours durant, des dispositions colonialistes et consacrées par l'usage de cette loi. Je me contenterai de dire qu'elle est la source de toutes les souffrances que les Premières nations ont endurées depuis 134 ans.

En vertu de la Loi sur les Indiens, les chefs et les conseils de bande n'ont de comptes à rendre qu'au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Il n'existe aucun fondement juridique en vertu duquel ils pourraient être tenus de rendre des comptes aux habitants de plus de 600 collectivités. Les chefs et les conseils de bande tirent leur autorité et leur pouvoir de la Loi sur les Indiens, sans pour autant devoir s'acquitter d'une quelconque obligation de reddition de comptes aux membres de leurs collectivités.

Par exemple, les chefs et les conseils de bande contrôlent l'allocation et l'attribution des fonds destinés à l'éducation postsecondaire. Ils décident qui recevra des subventions et qui en sera privé. En outre, il n'existe aucun fondement juridique ou administratif en vertu duquel ils devraient rendre des comptes à un citoyen qui demanderait de l'information au sujet de telles dépenses.

Lorsqu'un membre de la bande quitte la réserve, il perd pratiquement tous ses droits, privilèges et avantages, même si sa collectivité continue de recevoir de l'argent pour lui. C'est le problème le plus important.

Maintenant que nous avons compris les questions de gouvernance, nous allons revenir aux questions relatives au financement de plus de 600 collectivités. Des 7 milliards de dollars d'Affaires indiennes et du Nord Canada, AINC, la plus grande partie, soit 83 p. 100, ou 5,8 milliards de dollars, autrement dit près de 20 p. 100 des paiements de transfert votés par le gouvernement fédéral, passent directement par ces chefs et ces conseils de bande. Cet argent sert à financer l'infrastructure, l'éducation et l'aide sociale dans les collectivités. Il y a en outre diverses sources de financement pour l'éducation postsecondaire, le développement économique, les revendications et l'autonomie gouvernementale, notamment.

En décembre 2008, le dirigeant principal de la vérification et de l'évaluation d'AINC a chargé l'Institut sur la gouvernance de mener une étude spéciale sur les accords de financement et les responsabilités d'AINC. Cette étude avait notamment pour but de déterminer dans quelle mesure les dispositions relatives à la responsabilité de ces accords étaient appropriées et si elles permettaient de combler efficacement les besoins en matière de reddition de comptes et de rapports des Premières nations, de même que ceux du Parlement et des Canadiens.

Les résultats de l'étude ont montré que la reddition de comptes n'était pas au point. Plus précisément, les rapports sur le rendement étaient soit inexistants, soit inadéquats. L'information présentée dans les rapports ne faisait pas l'objet d'un examen sérieux et éclairé. En cas de rendement insuffisant, aucune modification appropriée n'était apportée aux programmes et la situation restait sans conséquences. Comment pouvons-nous alors déterminer le rendement de nos investissements ou les résultats des projets, ou encore nous faire une idée des progrès réalisés?

Cette situation montre qu'il y a des problèmes de responsabilisation au sein des Premières nations, certes, mais aussi que le cadre administratif du ministère des Affaires indiennes et du Nord, de qui relèvent les Premières nations, comporte de graves lacunes à cet égard. C'est le deuxième problème.

Étant donné ces problèmes, il est inévitable que certaines collectivités des Premières nations éprouvent des difficultés financières et que l'intervention du ministère s'impose. Les interventions sont de trois niveaux : la gestion par le bénéficiaire est un niveau d'intervention faible, applicable s'il est établi que le bénéficiaire a la capacité de corriger le manquement ou de régler les problèmes ayant donné lieu au manquement, et qu'il est disposé à le faire. La cogestion est un niveau d'intervention moyen, applicable s'il est établi que le bénéficiaire, malgré sa bonne volonté, n'a pas la capacité de corriger le manquement ou de régler les problèmes ayant donné lieu au manquement. La gestion par un séquestre- administrateur est le niveau d'intervention supérieur, applicable s'il est établi que le bénéficiaire n'a ni la volonté ni la capacité de corriger le manquement ou de régler les problèmes ayant donné lieu au manquement.

(1540)

Honorables sénateurs, examinons ce sujet d'inquiétude afin de faire la lumière sur l'étendue du problème. De plus en plus de collectivités des Premières nations plongent dans des déficits pour cause de mauvaise administration et de non-respect des budgets. Les déficits sont attribuables à plusieurs facteurs, notamment une préparation budgétaire déficiente, voire inexistante, des systèmes de comptabilité inadéquats, des procédures de suivi des dépenses inadéquates et une allocation des fonds à des projets inappropriés. Cette situation tient principalement au manque de leadership et de responsabilité des chefs et des conseils de bande à l'égard de la tenue appropriée des dossiers et du respect des budgets des dépenses. Dans bien des cas, le personnel comptable des bandes ne comprend pas bien la responsabilité et le contrôle que doit exercer le gouvernement et les systèmes nécessaires sont rarement mis en place.

Pour être juste, une grande partie du problème est attribuable au fait que les employés gouvernementaux responsables de la gestion et du contrôle des fonds ne comprennent pas toujours très bien les exigences du gouvernement en matière de reddition de comptes et de contrôle. Les budgets ne sont pas examinés et approuvés avant que le financement soit accordé et, comme nous l'avons constaté, on n'évalue pas souvent les comptes rendus sur les résultats des dépenses. Par conséquent, les coûts de vérification montent en flèche et les seuls comptes rendus portent d'habitude sur l'attribution des dépenses et sont seulement présentés à la fin de l'année. La plupart du temps, les rapports périodiques présentés aux sources de financement tout au long de l'exercice sont inexacts, peu crédibles ou incomplets. Les rapports sur les activités des bandes atteignent donc rarement le niveau de transparence auquel s'attend le gouvernement. Les conflits culturels, les politiques communautaires et la pression à l'uniformité contribuent également aux difficultés financières qu'éprouvent certaines collectivités des Premières nations.

Nombreux sont les résidants travaillant aux bureaux de conseil de bande qui, soumis aux pressions exercées par le reste de la communauté, sont incapables de se distancer de la mentalité d'assisté social. Il est important de signaler que la plupart des collectivités sont composées d'une poignée de familles; le népotisme est monnaie courante, les membres de la famille du chef et les conseillers principaux se voient donc accorder des postes administratifs en priorité, au détriment des personnes plus qualifiées appartenant à d'autres familles. Tous ces facteurs donnent lieu à une augmentation des coûts de vérification à la fin de l'année, à la suspension du financement pour cause de rapports insuffisants ou soumis en retard, et à un bien piètre effort de reddition de comptes. Confronté à ce manque perçu de capacité, AINC demandera aux Premières nations aux prises avec des problèmes financiers de nommer un cogestionnaire, choisi par le conseil de bande, pour contribuer aux activités financières quotidiennes.

Cependant, quand une bande accumule un déficit dépassant 8 p. 100 du financement accordé par AINC, celui-ci exige que le contrôle des finances de la bande soit retiré au chef et au conseil de bande et confié à un séquestre-administrateur nommé par AINC. La sélection du séquestre-administrateur se fera par appel d'offres envoyé à un nombre limité de fournisseurs approuvés par AINC et qui répondent aux normes établies par le gouvernement.

Honorables sénateurs, permettez-moi d'être franc. La gestion par un tiers constitue une solution aussi temporaire que douteuse au problème de reddition de comptes, sans compter qu'il s'agit d'une solution onéreuse qui peut coûter de 15 000 à 50 000 $ par mois à une collectivité. L'autonomie de la bande ne relève pour ainsi dire plus du chef ni du conseil de bande, les tensions sont vives entre la bande et le gouvernement, et on assiste souvent à une détérioration des relations entre les Autochtones et le gouvernement fédéral. Malgré tout, il s'agit bien souvent du seul moyen permettant de forcer une collectivité à respecter son budget et à se débarrasser de sa dette. Ce dernier aspect est particulièrement important, car une bonne partie de la dette non payée est souvent contractée auprès d'entreprises et de fournisseurs locaux qui comptent sur ces entrées d'argent pour gagner leur vie.

Lorsqu'un tiers administrateur est chargé de gérer une communauté pour des raisons financières, les livres comptables sont généralement équilibrés lorsqu'il les remet à la Première nation concernée, et le déficit a repris des proportions tolérables. C'est ce qui arrive lorsqu'on élabore et qu'on met en œuvre un plan de gestion corrective restreignant les dépenses dans les programmes, générant des excédents et utilisant ceux-ci pour rembourser la dette accumulée. Lorsqu'on demande aux responsables de nous indiquer le nombre de communautés qui sont gérées par un tiers administrateur, l'absence de données précises saute aux yeux, ce qui est très inquiétant. Comme je viens de le souligner, les lignes directrices du ministère définissent clairement les conditions qui doivent être remplies pour qu'on confie la gestion d'une communauté à un tiers administrateur.

La santé financière des 630 réserves du Canada est évaluée chaque année par les vérificateurs présents dans chacune d'elle, lesquels font ensuite rapport au MAINC. Entre chaque rapport, le ministère affecte à chaque collectivité un agent des services de financement qui doit surveiller la condition financière des Premières nations, conseiller les dirigeants des bandes sur l'utilisation des fonds qui leur sont accordés et les aider à gérer ces fonds. Ce sont ces agents qui doivent évaluer la santé financière des communautés sous leur responsabilité. De la même façon, c'est le comité régional d'intervention qui doit recommander aux dirigeants régionaux d'imposer un tiers administrateur à la lumière des critères établis par les responsables de l'administration centrale du MAINC.

Comme l'ont prouvé les vérifications effectuées, les lignes directrices du ministère en matière d'intervention ne sont pas suivies. De deux choses l'une : pour éviter à une communauté d'être gérée par un tiers administrateur, soit les dirigeants régionaux manipulent les données, soit ils en font fi. Lorsque j'ai posé la question à un ancien tiers administrateur du Manitoba, voici ce qu'il m'a répondu :

Je crois qu'il y a quatre ou cinq collectivités au Manitoba. Le MAINC (région du Manitoba) travaille d'arrache-pied pour mettre fin à la gestion par des tiers. Ces collectivités utilisent toujours le système complexe de « cogestion et de pouvoir de signature unique ». La région peut donc informer Ottawa que, aucune bande, ou presque, n'a recours à un tiers pour gérer ses recettes (les représentants touchent donc leurs primes). Or, dans les faits, leurs recettes sont bel et bien gérées par un tiers. Je crois que, au dernier recensement, les recettes de quatre ou cinq bandes, sur 63, étaient gérées par un tiers et 25 ou 30 avaient recours à des services de cogestion.

AINC exige que les états financiers vérifiés des bandes soient publiés, afin que tous les membres de la collectivité aient la possibilité de consulter les rapports relatifs aux dépenses de fonds. Or, dans bien des cas, les bandes font fi de cette exigence. En outre, dans bien des cas, elles ignorent également l'obligation de publier les états financiers vérifiés sur le site web d'AINC, afin que les contribuables puissent les consulter.

Son Honneur la Présidente suppléante : Le temps de parole alloué à l'honorable sénateur est écoulé. Vous plaît-il, honorables sénateurs, de lui accorder cinq minutes supplémentaires?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Brazeau : Elles ne respectent pas l'obligation de divulguer, entre autres, les montants versés aux chefs et aux conseils de bande. Qui plus est, les montants divulgués sont souvent incomplets et inexacts. Est-ce qu'une tendance se dessinerait?

Les fonds sont envoyés à l'Assemblée des chefs du Manitoba, qui les reverse aux offices de gestion régionaux, lesquels versent les fonds aux offices de gestion locaux, lesquels, à leur tour, versent les fonds aux bandes. Chacun de ces intermédiaires prélève des frais administratifs, ce qui diminue le montant final disponible pour la formation.

Comme je l'ai dit plus tôt, lorsque le MAINC a fait une vérification de sa politique d'intervention, en février 2009, il a découvert une faiblesse généralisée et systémique dans le contrôle et l'assurance de la qualité. Ces constatations corroborent la conclusion voulant que les contrôles de gestion ne permettent pas d'assurer la conformité du programme, ou des contrôles, des avis ou des prises de décisions efficaces. C'est le troisième problème.

Honorables sénateurs, examinons le manque de transparence qui entoure les finances des conseils de bande. Comme on l'a observé, l'affichage des états financiers vérifiés dans le site web du MAINC est pour le moins irrégulier. De plus, ces renseignements détaillés sont fournis sous la forme de jargon comptable, ce qui n'est pas très utile pour les membres de la collectivité qui veulent seulement savoir ce que leurs représentants élus reçoivent comme salaire et où tout l'argent va. En ce qui concerne les salaires, les membres des Premières nations ont récemment envoyé des renseignements extrêmement choquants à la Fédération canadienne des contribuables.

Des vérifications ont montré récemment que les chefs de deux collectivités avaient une rémunération supérieure à celle du premier ministre du Canada et du premier ministre de l'Alberta, alors que les habitants de ces deux collectivités vivaient sous le seuil de la pauvreté. Rappelons-nous que, en 2006, quand la Loi fédérale sur la responsabilité était encore à l'étude, l'APN, avec l'aide de l'opposition, a réussi à soustraire les Premières nations et les organisations qui les représentent aux dispositions de surveillance.

Comment proposons-nous de mettre fin à une telle cupidité? C'est simple. Nous pouvons modifier la Loi fédérale sur la responsabilité afin de nous assurer que tous les organismes financés par l'État sont assujettis aux dispositions de la loi. Pour plus de certitude, nous pouvons également demander que le ministère révise sa politique et augmente sa surveillance afin que les salaires de tous les chefs et de tous les conseils de bande, qui sont entièrement financés par les contribuables, soient affichés sur le site web du MAINC et que, si cette exigence n'est pas respectée, le financement des bandes soit suspendu. C'est une exigence fondamentale que les fonctionnaires devraient respecter. Tous les citoyens autochtones ont le droit de connaître les détails relatifs à la rémunération de leurs chefs à des fins de reddition de comptes et de transparence.

(1550)

Honorables sénateurs, on ne peut s'empêcher de se demander comment les membres de la collectivité pourraient bénéficier des 239 millions de dollars alloués sur six ans, si cet argent leur était attribué directement à eux plutôt qu'aux organismes autochtones nationaux. Combien de mesures visant le logement, l'éducation, les services sociaux ou le développement économique ce montant pourrait-il financer s'il était alloué directement aux gens de la base? De ces quelque 239 millions de dollars, le groupe qui représente le chef de l'Assemblée des Premières Nations, par exemple, a reçu 136 000 $. Qui plus est, les organismes régionaux de l'Assemblée des Premières Nations et de leurs conseils tribaux ont reçu encore plus d'argent. Ces divers organismes sont également des groupes de défense qui prétendent parler d'une seule voix pour le bien de leur région. De même, les conseils tribaux représentent les intérêts des groupes locaux des Premières nations. Cela me semble être un cas tout à fait représentatif de chevauchement et de double emploi.

Évidemment, je ne voudrais pas mettre tous les chefs de bande et les conseils tribaux dans le même sac, puisque nous savons où sont les bons et qui sont leurs chefs. Inversement, nous savons où sont les mauvais et qui sont leurs chefs.

[Français]

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, l'interprétation simultanée n'est présentement pas disponible. Est-ce que cela fonctionne maintenant?

Son Honneur la Présidente suppléante : Je vous entends par le biais de l'interprétation.

Le sénateur Comeau : Cela fonctionne, très bien.

[Traduction]

Le sénateur Brazeau : En terminant, j'aimerais citer les paroles du chef Clarence Louie, de la bande d'Osoyoos, en Colombie- Britannique, qui est considéré comme un leader autochtone innovateur au Canada. Il représente un bon exemple de ce qui peut bien fonctionner dans les collectivités des Premières nations lorsque la volonté y est. Écoutons certains des sages conseils qu'il donne à ses concitoyens, et je cite :

Ma première règle pour avoir du succès est : « Sois toujours à l'heure. » Ma deuxième règle est : « Suis la première règle. »

Deuxième citation :

Si votre vie est pourrie, c'est parce que vous êtes pourris.

Troisième citation :

Revenez sur terre — allez à l'école ou trouvez un emploi.

Quatrième citation :

Arrêtez de dépendre de l'aide sociale et dégourdissez-vous.

Ces paroles devraient servir à fouetter toutes les collectivités. Elles servent aussi à montrer que les choses ont commencé à changer. On se rend compte que les litiges, les subventions, les contributions et la politique des fanfaronnades ne sauveront pas des vies et ne changeront pas une génération. Il faut plutôt changer les perceptions, le cœur et l'esprit des leaders dans tout l'appareil gouvernemental et dans les structures du pouvoir partout dans les collectivités autochtones.

Lorsque j'ai choisi de faire carrière en politique autochtone, on parlait rarement de « reddition de comptes ». Honorables sénateurs, il n'a fallu qu'une poignée de leaders autochtones, moi y compris, pour changer cela. Nous l'avons fait parce que le besoin était criant. Nous l'avons fait parce que la population le mérite. Nous continuons de le faire parce que c'est la bonne chose à faire et que c'est une obligation morale.

Honorables sénateurs, nous avons tous du travail à faire et il est grand temps que nous nous y mettions. Les gens attendent et ils sont dans le besoin. Les gens de la base sont en quête d'espoir et de gestes concrets. Après tout, pour aider les gens à réaliser leurs rêves, il faut être prêt à travailler pour eux. Je crois qu'il vaut la peine de travailler de façon responsable et transparente pour les Autochtones du Canada. Merci.

(Sur la motion du sénateur Di Nino, le débat est ajourné.)

[Français]

Transports et communications

Adoption de la motion tendant à autoriser le comité à étudier les nouveaux enjeux du secteur canadien du transport aérien

L'honorable Dennis Dawson, conformément à l'avis du 11 mai 2010, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, les nouveaux enjeux qui sont ceux du secteur canadien du transport aérien, et, notamment :

a) sa santé et sa viabilité à long terme dans un marché mondial en évolution;

b) sa place au Canada;

c) ses relations commerciales avec les passagers;

d) son importance en tant que de moteur économique dans les collectivités canadiennes où les aéroports sont situés; et

Que le comité en fasse périodiquement rapport au Sénat et avec présentation d'un rapport final au plus tard le 28 juin 2012, et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour faire connaître ses conclusions pendant 180 jours après le dépôt du rapport final.

(La motion est adoptée.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, j'ai une déclaration importante à faire. Puisque nous arrivons à la fin du Feuilleton et Feuilleton des avis, j'aimerais inviter tous les honorables sénateurs à envoyer des ondes positives vers Pittsburgh ce soir. Il ne fait aucun doute que les Canadiens vont gagner, mais il faudrait mettre toutes les chances de notre côté.

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 13 mai 2010, à 13 h 30.)


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