Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 49
Le lundi 12 juillet 2010
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le lundi 12 juillet 2010
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
Les travaux du Sénat
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, sachez qu'il y a eu consultation entre les partis et qu'il a été convenu d'admettre des photographes sur le parquet du Sénat cet après-midi afin qu'ils puissent photographier la présentation du nouveau sénateur en étant les plus discrets possible.
Nouveau sénateur
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'informer le Sénat que le greffier a reçu du registraire général du Canada un certificat établissant que Salma Ataullahjan a été appelée au Sénat.
Présentation
Son Honneur le Président informe le Sénat qu'un sénateur attend à la porte pour être présenté.
L'honorable sénateur suivant est présenté, puis remet les brefs de Sa Majesté l'appelant au Sénat. Le sénateur, en présence du greffier, prête le serment prescrit et prend son siège.
L'honorable Salma Ataullahjan, de Scarborough, en Ontario, est présentée par l'honorable Marjory LeBreton, C.P., et l'honorable Doug Finley.
Son Honneur le Président informe le Sénat que l'honorable sénateur susmentionné a fait et signé la déclaration d'aptitude prescrite par la Loi constitutionnelle de 1867, en présence du greffier du Sénat, commissaire chargé de recevoir et d'attester cette déclaration.
(1410)
Félicitations à l'occasion de sa nomination
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, c'est avec beaucoup de plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour souhaiter la bienvenue au Sénat du Canada à l'honorable Salma Ataullahjan.
Le vendredi 9 juillet, le premier ministre Stephen Harper a annoncé que Mme Ataullahjan occuperait le siège vacant pour la province de l'Ontario. Je suis convaincue que le sénateur Ataullahjan continuera, au Sénat, de servir la communauté sud-asiatique, la région du Grand Toronto et la collectivité en général.
Madame le sénateur Ataullahjan apporte une perspective unique au Sénat. Arrivée du Pakistan il y a 31 ans, elle a fait du Canada son pays, et a travaillé d'arrache-pied et a beaucoup accompli. Elle a servi au sein de nombreuses organisations, y compris au conseil d'administration de la Society of Pakistani Canadian Professionals & Academics, elle a été fondatrice et présidente du conseil de parents de l'école publique Davis Lewis et a été membre du South Asian Regional Council. Elle est aussi l'ancienne présidente et la vice-présidente actuelle de la Canadian Pashtun Cultural Association et fait partie du conseil d'administration de la section torontoise de la Citizens Foundation. La Citizens Foundation est un organisme de bienfaisance qui construit des écoles dans les régions les plus pauvres du Pakistan.
Madame le sénateur Ataullahjan est aussi un peintre accompli. On me dit qu'elle se spécialise en aquarelle, qui est, en passant, un de mes médiums préférés.
Elle est aussi épouse et mère. Elle et son mari, Saleem, qui est aujourd'hui à la tribune, ont deux enfants, Anushka et Shaanzeh, qui sont aussi à la tribune avec beaucoup de membres de leur famille et d'amis, y compris le frère de madame le sénateur, qui, m'a-t-elle dit, est venu en voiture de Boston, au Massachusetts, avec sa femme, pour assister à la cérémonie.
Madame le sénateur Ataullahjan sera une valeur et un atout inestimables au sein du caucus conservateur au Sénat. Elle est reconnue comme étant capable de favoriser l'atteinte de consensus et nous fera profiter de son expérience en tant qu'artiste, activiste, mère et fière Canadienne.
Au nom du gouvernement et du caucus conservateur, je souhaite la bienvenue au Sénat à madame le sénateur Ataullahjan. Nous avons hâte de travailler avec elle au cours des mois et des années à venir.
Merci, sénateur, d'entreprendre cette grande tâche.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
L'industrie forestière de la Colombie-Britannique
L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, la situation ne cesse de se détériorer pour l'industrie forestière jadis si prospère de ma province natale, la Colombie-Britannique. Les deux dernières décennies n'ont pas été tendres envers cette industrie, qui a déjà représenté plus de
80 p. 100 des recettes fiscales de cette province. La politique consternante du gouvernement néo-démocrate au cours des années 1990, les boycotts internationaux, les effondrements de marchés, les fermetures de scieries et le dendroctone du pin ont tous contribué à affaiblir cette industrie qui a permis de bâtir la Colombie-Britannique.
Certains sénateurs se souviendront peut-être d'une déclaration que j'avais faite au printemps de 2008 à la suite de l'incendie qui avait détruit l'usine de contreplaqué Canfor, qui employait plus de 350 personnes. Plus tard, pendant l'été de 2008, Canfor a annoncé qu'elle ne reconstruirait pas son usine de Prince George, en prétextant que les conditions du marché étaient moins bonnes que prévu.
La plus récente victime est l'usine de pâtes et papiers d'Elk Falls, sur l'île de Vancouver. L'exploitant de cette usine a annoncé qu'il mettrait définitivement la clé sous la porte en septembre prochain, après 60 ans d'activité, supprimant par le fait même 100 emplois directs.
Honorables sénateurs, lorsque l'industrie forestière connaît un revers, ce sont les collectivités qui vivent d'une seule industrie et qui comptent sur les retombées économiques secondaires qui accusent le coup. Le nombre de personnes employées par cette industrie a chuté de 26 p. 100 depuis 1995 dans l'ensemble de la province et de 56 p. 100 dans la seule région côtière de la Colombie-Britannique.
Même si la fermeture des usines pose des problèmes à court terme, le dendroctone du pin continue de menacer l'avenir. Selon un récent rapport de l'International Wood Markets Group, la dévastation causée par le dendroctone du pin pourrait entraîner la fermeture d'environ 16 scieries à l'intérieur des terres d'ici 2018. Selon le même rapport, le dendroctone du pin pourrait détruire jusqu'à un milliard de mètres cubes de bois.
Honorables sénateurs, devant les nouvelles moins qu'encourageantes, nos gouvernements provincial et fédéral doivent se préoccuper vivement de l'avenir de l'industrie forestière de la Colombie-Britannique. La diversification de toutes les économies locales doit se poursuivre si nous voulons réussir à éviter une crise majeure dans l'arrière-pays de la province. Cette dévastation a aussi eu de fortes répercussions sur les membres des Premières nations. Leur mode de vie est menacé par les ravages causés par l'infestation de dendroctone du pin. Espérons que tous les engagements financiers des gouvernements au sujet de l'aide aux victimes du dendroctone du pin seront honorés.
Le Sommet G(irls)20
L'honorable Rod A. A. Zimmer : Honorables sénateurs, j'aimerais attirer l'attention de mes collègues sur un événement unique qui s'est tenu au Canada : le Sommet G(irls)20.
Forte de l'appui de plus de 40 organismes à but non lucratif et d'organismes du secteur privé, la Fondation Belinda Stronach, dont je suis un fier membre du conseil d'administration, a lancé le Sommet G(irls)20 10 jours avant l'ouverture du sommet du G20 au Canada.
Le Sommet G(irls)20 a été l'occasion de souligner les prouesses des 3,3 milliards de jeunes filles et de femmes du monde entier et a débouché sur des idées concrètes, mesurables et stimulantes exposées dans le communiqué publié à l'adresse Web www.girlsandwomen.com.
Honorables sénateurs, du 16 au 25 juin, une jeune fille de chacun des pays du G20 et une jeune fille représentant l'Union africaine, toutes âgées de 18 à 20 ans, se sont réunies afin de tenir un débat et de formuler des recommandations sur le rôle essentiel des jeunes filles et des femmes dans les efforts visant à relever les défis mondiaux et sur la raison pour laquelle il est important que nous leur donnions plus de pouvoirs économiques, politiques et sociaux.
Ces jeunes filles sont venues au Sénat et, comme j'étais à l'extérieur de la province pour donner une conférence pour un autre organisme de bienfaisance, elles ont été accueillies par le sénateur Frum. Merci, sénateur Frum.
Je profite de l'occasion pour remercier Mme Belinda Stronach et Mme Farah Mohamed, présidente de la Fondation Belinda Stronach, pour leur vision et le leadership dont elles ont fait preuve en créant et en tenant cet événement mondial de grande importance.
La population mondiale compte plus de femmes que d'hommes. Elles constituent une ressource inestimable. Si nous accordons vraiment de l'importance à la productivité économique, à la stabilité politique et aux progrès sociaux dans tous les coins du monde, nous devons appuyer comme il se doit notre plus grande ressource, c'est-à-dire les personnes.
Honorables sénateurs, joignez-vous à moi pour féliciter les jeunes filles qui ont représenté leur pays, ainsi que la Fondation Belinda Stronach et les différents organismes qui ont uni leurs efforts pour lancer le premier Sommet G(irls)20.
Prochaine étape : la France, en juin 2011.
L'Iran
La condamnation à mort de Mme Sakineh Ashtiani
L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour dénoncer le plus sévèrement possible la condamnation à mort par lapidation de Sakineh Mohammadi Ashtiani, l'Iranienne qui a été reconnue coupable d'adultère par un tribunal de la ville de Tabriz, en Iran.
Honorables sénateurs, il semble maintenant qu'on ait suspendu, du moins pour l'instant, la lapidation de Mme Ashtiani en raison des vives pressions internationales. Toutefois, cette femme est toujours condamnée à mort pour avoir entretenu des relations extraconjugales avec deux hommes, un crime pour lequel elle a déjà dû subir 99 coups de fouet. En outre, on rapporte qu'au moins 15 autres femmes de Tabriz attendent d'être exécutées pour avoir commis l'adultère.
Honorables sénateurs, il est évident, pour tout être civilisé, que la lapidation est une punition odieuse et barbare qui est empreinte de misogynie. Or, même si Mme Ashtiani n'est pas lapidée, elle sera vraisemblablement assassinée pour les crimes qu'elle a commis.
(1420)
Nous, qui avons le privilège d'être libres et qui tenons aux principes de la justice sur lesquels se fonde le droit occidental, nous devons dénoncer non seulement les mises à mort barbares, mais aussi l'application de lois religieuses primitives qui portent atteinte à la dignité et à la liberté des femmes, notamment dans le monde islamique.
L'école secondaire Nutana
Le centième anniversaire de sa fondation
L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, l'école secondaire Nutana, située sur une colline, près du pont, à Saskatoon, célèbre le centenaire de sa fondation. Cet anniversaire marque 100 ans d'éducation à Saskatoon. Notons que l'endroit où l'école a été construite est historiquement lié à la fondation de la ville. C'est là où le chef de la Première nation Dakota, Whitecap, et le dirigeant de la colonie de la Tempérance, John Lake, se sont réunis en 1882 pour choisir le meilleur endroit où établir une colonie, ce qui a mené à la fondation de Saskatoon.
L'école secondaire Nutana est fière de compter l'ancien premier ministre John George Diefenbaker, l'ancien gouverneur général Ramon Hnatyshyn, l'ancien juge en chef Emmett Hall, ainsi que de nombreux ministres, sénateurs, auteurs et athlètes olympiques parmi ses anciens élèves. En tant que diplômée de cette école et marraine des cérémonies, je suis fière que tant de Canadiens connus, qui ont façonné le Canada, aient été formés à l'école secondaire Nutana.
L'actuelle directrice de l'école secondaire Nutana, Mme Shirley Figley, a dit ce qui suit aux élèves et aux anciens membres du personnel qui se sont réunis à l'école :
[...] vous serez ravis d'apprendre que l'école a préservé les principales valeurs du passé, notamment une tradition scolaire solide. En effet, nous décernons toujours la médaille de bronze du gouverneur général à l'élève qui obtient la moyenne la plus élevée. En juin de cette année nous l'avons décernée à une élève qui a obtenu une moyenne générale de 97 p. 100 et qui aspire à faire sa médecine. De plus, nous accordons toujours des bourses à bon nombre d'élèves pour leur permettre de poursuivre leurs études [...] les élèves continuent à nouer des relations solides et à se créer des souvenirs mémorables entre eux, ainsi qu'avec les membres du personnel, et la loyauté à l'égard de l'école reste entière.
L'école continue d'organiser des cérémonies annuelles pour le jour du Souvenir. La célèbre collection d'art commémorative continue de jouer un rôle prépondérant. Mme Figley, après nous avoir dit que les choses n'avaient pas changé en 100 ans d'enseignement, nous a parlé des changements survenus à l'école.
L'école secondaire Nutana se démarque parce qu'elle a décidé de prendre ses distances du modèle d'école traditionnelle à la fin des années 1980. Certains élèves qui fréquentaient l'école Nutana avaient plus de difficulté à assister à leurs cours et à terminer leurs études que par le passé. Alors que des rumeurs voulant que l'école pourrait fermer ses portes circulaient, le personnel avisé de l'époque a demandé aux élèves ce que l'école pourrait faire pour mieux les servir dans les années 1990.
Afin de répondre aux demandes formulées, l'école a pris deux mesures concrètes qui ont entraîné un revirement de la situation.
Premièrement, les élèves avaient dit que le modèle fondé sur deux semestres d'enseignement compromettait leur réussite scolaire, ce qui a incité l'école à adopter le modèle d'enseignement flexible fondé sur quatre semestres. Ce système trimestriel facilite la vie des élèves qui éprouvent de la difficulté avec les longues périodes d'enseignement et il s'est avéré que ce système profite également aux élèves qui doivent revenir à l'école pour suivre un cours obligatoire dans le cadre d'un programme postsecondaire et à ceux qui souhaitent améliorer leurs notes. Grâce à ce changement, environ 1 550 élèves fréquentent l'école chaque année, soit quelque 650 élèves par trimestre.
Le second changement important, c'est que de nombreux services sont maintenant offerts aux élèves dans les locaux de l'école par des partenaires de la collectivité. Il s'agit du modèle de services intégrés liés à l'école. Ce modèle a aussi été mis en œuvre dans les années 1990, à la suite des remarques faites par des élèves aux membres du personnel en ce qui concernait certains des obstacles qui les empêchaient d'aller à l'école, à savoir des problèmes sur le plan des soins de santé, des garderies et des compétences parentales. Ces services sont maintenant intégrés dans le système scolaire.
Je félicite les anciens élèves de l'école secondaire Nutana et ceux qui la fréquentent actuellement.
L'Iran
La condamnation à mort de Mme Sakineh Ashtiani
L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, aujourd'hui, je voudrais ajouter ma voix à celle du sénateur Frum, qui condamne le gouvernement iranien d'avoir ordonné la lapidation à mort de Mme Ashtiani, une mère iranienne qui aurait eu une « relation illicite ». Comme le sénateur Frum l'a dit plus tôt, cette femme a déjà subi 99 coups de fouet en 2006.
Comme beaucoup de sénateurs le savent, partout dans le monde, les gens dénoncent les exactions inhumaines du gouvernement de l'Iran. Il y a d'ailleurs une pétition en ligne qui a été lancée et que les gens du monde entier peuvent signer pour dénoncer ces actions épouvantables et dire à cet État voyou qu'ils sont horrifiés par la conduite de son gouvernement.
Samedi, Val et moi avons signé la pétition en ligne qui, à ce moment-là, comptait 39 000 signatures. Moins de 48 heures plus tard, la pétition en compte plus de 68 000, et ce nombre ne cesse de croître.
À mon avis, il faut à tout prix que le plus grand nombre possible de personnes signent cette pétition. Je demande à tous les sénateurs de signer cette pétition et d'informer les gens de leur région de l'existence de ce site web pour qu'ils puissent également s'opposer à cette pratique scandaleuse et barbare. Les sénateurs peuvent signer la pétition en consultant le site www.freesakineh.org.
[Français]
L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, je joins ma voix à celle de mes collègues pour souligner la moquerie du système de justice d'un autre pays et ce que mes collègues qualifient de barbare envers les femmes et les jeunes filles de ce pays. Il ne s'agit pas d'une déclaration à caractère politique, mais plutôt d'une déclaration à caractère humanitaire. Personne n'a le droit d'enlever la vie d'une autre personne.
Il faut se souvenir que, au Canada, c'est au XXe siècle seulement que nous avons officiellement aboli la peine de mort. Dans ce cas-ci, il est encore plus inhumain de voir une mère de 43 ans subir — selon les reportages — une telle mascarade. Ses deux enfants se sont objectés et ont pris parti pour leur mère, de même que son mari. La punition déjà exécutée est odieuse. Je vous rappelle, honorables sénateurs, que le fouet était aussi en usage au Canada jusqu'au siècle dernier, moment où il a été aboli.
En tant que Québécoise, je peux affirmer que cette alliance entre l'État et la religion n'a jamais fait bon ménage et n'a jamais apporté grand-chose à l'humanité. En général, elle a plutôt contribué à l'asservissement des femmes, et ce, certainement pas dans le meilleur intérêt de l'humanité.
Je dois dire que je compatis au sort de cette femme et de toutes celles qui sont menacées du même châtiment, que ce soit dans ce pays ou dans un autre. J'ai vu des photos horribles à ce sujet. Évidemment, j'ai signé la pétition et tous mes amis ont été contactés au cours de la fin de semaine à cet égard. Je salue le fait que l'épouse du premier ministre, Mme Harper, a également souscrit à cette cause. Nous sommes tous unis pour que cet acte de barbarie soit aboli de façon définitive dans ce pays. Nous allons tous prier pour que ce châtiment n'ait pas lieu.
L'économie canadienne
L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis : Honorables sénateurs, le Canada est de loin le pays qui a la meilleure santé financière parmi les principales nations industrialisées. Notre pays n'a pas subi de crise bancaire en 2008 et, malgré sa vulnérabilité à l'égard de la faiblesse de l'économie américaine, il est sorti de la récession au troisième trimestre de l'an dernier.
Le Canada dirige maintenant la résistance contre les programmes d'imposition et de dépenses que souhaitent adopter certains des membres les plus puissants du G20. La chute du produit intérieur brut du Canada a été la moins importante des pays du G8. Le Canada a déjà récupéré tout le terrain économique perdu au cours de la récession. La croissance économique a atteint 6,1 p. 100 durant le premier trimestre — le meilleur rendement en 10 ans. En moins d'un an, le Canada a pu recouvrer les trois quarts des 380 000 emplois perdus durant la récession. Le Canada devient une terre fertile pour les investissements des entreprises puisque les impôts des sociétés sont les moins élevés des pays du G8.
(1430)
Le Canada affiche le taux d'endettement le moins élevé et le déficit le moins important des pays du G8. Le Fonds monétaire international prévoit que le Canada sera le seul pays du G8 qui réussira à éliminer son déficit d'ici cinq ans.
C'est avant tout la demande intérieure qui permettra à notre économie de croître de 3,6 p. 100 cette année, grâce surtout aux rebonds de l'Ontario, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, plus touchés que le Québec par la dernière récession.
Le Canada est aussi bien placé pour amorcer sa phase d'expansion en deuxième moitié d'année. À l'heure actuelle, son produit intérieur brut réel se trouve à 0,4 p. 100 de son pic du dernier cycle, soit le troisième trimestre de 2007. La demande intérieure, qui inclut les dépenses de consommation des entreprises et des gouvernements ainsi que la construction résidentielle, est déjà en expansion.
Par-dessus tout, c'est la reprise de l'emploi qui fait la différence. Au Canada, nous sommes à 0,8 p. 100 du sommet, et aux États-Unis à 5 p. 100. Dans la moitié des provinces, y compris au Québec, tous les emplois perdus ont été récupérés. Ce ne sont pas forcément les mêmes : le secteur des services est en expansion, mais celui des biens accuse encore un retard prononcé.
Ce qui distingue aussi le Canada des autres puissances occidentales, c'est l'ordre exemplaire de ses finances publiques. L'austérité prévue pour l'an prochain laissera nos finances publiques dans une situation qui fera l'envie de l'Occident.
Notre gouvernement a doté le Canada de bonnes politiques en vue d'assurer sa prospérité, notamment en maintenant des impôts bas et en favorisant le libre-échange.
La formule gagnante du premier ministre Stephen Harper est claire : réductions d'impôts et de taxes, limitation des dépenses de stimulation, monnaie forte et libéralisation des échanges.
[Traduction]
Le gazon du terrain de soccer de la Coupe mondiale 2010 de la FIFA
L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, d'emblée, je remercie madame le sénateur Raine, qui m'a cédé sa place pour faire cette déclaration qu'elle m'a en outre aidé à rédiger.
Je suis persuadé qu'un grand nombre de sénateurs ont suivi la finale de la Coupe du monde hier après-midi. Certains sénateurs de l'Ouest étaient malheureusement en avion et n'ont pas pu regarder le but sensationnel qui a été marqué en prolongation, grâce auquel l'Espagne a remporté sa première Coupe du monde.
Je me demande combien de sénateurs ont admiré le vert magnifique du gazon du terrain de soccer et combien savaient que les semences utilisées pour faire pousser ce gazon venaient du Manitoba, une contribution du Canada à la qualité de cet événement sportif que nous avons suivi au cours des dernières semaines.
La variété de semences qui a permis de faire pousser ce qui a été qualifié de meilleur gazon de tous les temps a été mise au point et cultivée au Manitoba par la société Pickseed Canada. L'une des sociétés sœurs de Pickseed, Seed Research, une société de l'Oregon, a collaboré pendant quatre ans avec la FIFA à la mise au point du mélange parfait de semences et à sa mise à l'essai sur de nombreux terrains de soccer de l'Afrique du Sud, pour faire en sorte que ce gazon puisse résister aux assauts de certains des plus célèbres athlètes du monde.
Le résultat final est un mélange de deux variétés d'ivraie fournies par Pickseed et cultivées dans les collectivités manitobaines de Beauséjour, Ste. Anne, Starbuck et dans une quatrième exploitation agricole de la vallée de la rivière Rouge. Le mélange composé d'ivraie vivace Zoom et SR4600 est caractérisé par une excellente tolérance à l'usure et par une repousse rapide. Il s'agit plus particulièrement d'une herbe filiforme d'un vert profond dotée d'une capacité intrinsèque de résistance aux insectes et aux maladies fongiques. Selon les athlètes, c'est la surface idéale pour un terrain de soccer.
Les employés de Pickseed Canada sont ravis à l'idée que le monde entier ait admiré leur produit pendant six semaines. Cependant, ce n'est rien de nouveau pour eux. En effet, ils ensemencent des terrains de golf, des terrains de sports et des pelouses depuis 1967. Même si Pickseed compte des clients dans le monde entier, le contrat de la Coupe du monde est très important pour l'entreprise. Ses opérations canadiennes ont crû de plus de 30 p. 100 l'année dernière et, d'un point de vue monétaire, la Coupe du monde a été une excellente affaire.
Cependant, pour les employés de la société, ce qui comptait était le fait de mettre en valeur les drapeaux du Canada et du Manitoba. Un porte-parole de la société a déclaré ceci :
Nous sommes très fiers de ce contrat, qui nous permet de démontrer que nous offrons les semences de la meilleure qualité possible et que nous sommes les meilleurs producteurs au monde.
Jérôme Valcke, secrétaire général de la FIFA, est du même avis. Selon lui, l'ivraie de Cape Town devrait dorénavant être la norme.
Félicitations aux employés de Pickseed Canada et à leurs producteurs de semences de Beauséjour, de Ste. Anne, de Starbuck et de la vallée de la rivière Rouge.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Le Sénat
Avis de motion tendant à suspendre la séance de mardi aux fins de l'annonce de la sanction royale ou de la motion d'ajournement
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Qu'à la fin des études des points inscrits au Feuilleton et Feuilleton des Avis du mardi 13 juillet 2010, la séance soit suspendue, si le leader du gouvernement au Sénat ou le leader adjoint le demande, jusqu'à nouvelle convocation de la présidence, les cloches retentissant pendant 15 minutes avant la reprise des travaux;
Que l'application de l'article 13(1) du Règlement soit suspendue durant cette suspension;
Que, lorsque la séance reprendra, il y ait soit annonce de la sanction royale, soit ajournement.
[Traduction]
Peuples autochtones
L'étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis—Avis de motion tendant à autoriser le comité à se déplacer pendant l'ajournement du Sénat
L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Qu'en conformité avec l'article 95(3)a) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à se réunir, à l'extérieur de la ville d'Ottawa, du lundi 4 octobre 2010 au vendredi 8 octobre 2010, inclusivement, dans le cadre de son étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et sur d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine.
PÉRIODE DES QUESTIONS
La santé
La lutte contre l'obésité
L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Il y a deux ans, la conseillère en santé des enfants et des jeunes de Santé Canada, la Dre Kellie Leitch, a recommandé au ministre de la Santé que les grandes chaînes de restaurants et des établissements de restauration rapide divulguent des données nutritionnelles de base sur les aliments qu'ils servent. Elle a précisé que ces données devraient être indiquées de manière visible et être facilement accessibles. Cette recommandation a été appuyée par de nombreux groupes, y compris les Diététistes du Canada et l'Ontario Medical Association. Nous n'avons jamais eu autant besoin de ces renseignements parce que l'obésité est rapidement en train de devenir un problème grave au Canada.
Quelles mesures le gouvernement prend-il pour suivre les recommandations de la Dre Leitch?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le rapport de la Dre Kellie Leitch était opportun et important, et il abordait une question grave. La ministre de la Santé et ses fonctionnaires ont travaillé avec un grand nombre de parties intéressées afin de mettre en place un processus permettant d'aborder le grave problème de l'obésité. Madame le sénateur Raine s'est faite le défenseur de cette cause au Sénat. D'autres sénateurs sont également engagés dans cette cause. La ministre de la Santé a aussi été intéressée par le travail accompli aux États-Unis par la première dame, Michelle Obama.
(1440)
Je serais heureuse de vérifier où en sont les choses du côté de la ministre de la Santé et quelles mesures ont été prises non seulement en ce qui a trait à la publication appropriée des éléments entrant dans la composition des aliments, mais aussi pour résoudre le problème grave que représente la composition des menus offerts dans nos écoles et institutions. Afin de pouvoir vous fournir des détails, honorables sénateurs, je prends note de la question.
Le sénateur Callbeck : Je remercie le sénateur de chercher à obtenir cette information.
Je crois comprendre que, dans le cadre de la nouvelle loi du président Obama visant à réformer les soins de santé, les menus, dont les menus imprimés et notamment ceux présentés aux automobilistes qui profitent du service au volant des grandes chaînes de restauration rapide, doivent être accompagnés d'un étiquetage, ce qui correspond à ce que la Dre Leitch recommandait.
Madame le leader a dit qu'elle s'informerait sur ce que le gouvernement a déjà accompli et sur le moment où nous devrions voir les choses progresser dans ce dossier. Cependant, j'aimerais particulièrement savoir si le gouvernement fédéral a jeté un coup d'œil à l'initiative Obama.
Le sénateur LeBreton : Je pensais l'avoir dit dans ma première réponse au sénateur Callbeck. La ministre Aglukkaq s'est non seulement penchée sur la situation, mais a également discuté de la situation avec la première dame, Michelle Obama. Le fait que la première dame ait contribué à faire parler de cette importante question aidera, de toute évidence, non seulement les États-Unis mais aussi le Canada.
Encore une fois, je serai heureuse d'obtenir des renseignements à jour pour le sénateur Callbeck.
Les affaires étrangères
La situation d'Omar Khadr
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'ai aussi une question à poser au leader du gouvernement au Sénat.
Lundi dernier, le juge Zinn, de la Cour fédérale du Canada, a donné une semaine au gouvernement pour produire une liste de mesures de réparation pour corriger les violations des droits constitutionnels qu'il a fait subir à M. Khadr. C'est aujourd'hui qu'expire le délai. Cela fait une semaine.
Quelle est donc la réponse du gouvernement au juge Zinn? C'est aujourd'hui la dernière journée pour agir. Que fait notre gouvernement pour rapatrier Omar Khadr?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je vais lire une déclaration faite il y a quelques instants par M. Rob Nicholson, ministre de la Justice et procureur général du Canada :
Après un examen minutieux du fondement juridique de la décision rendue le 5 juillet 2010 par la Cour fédérale, le gouvernement du Canada interjettera appel de la décision auprès de la Cour d'appel fédérale. Cette affaire soulève d'importantes questions concernant la prérogative de la Couronne en matière d'affaires étrangères. Comme la Cour suprême du Canada l'a déclaré dans une affaire antérieure concernant M. Khadr, « il ne serait donc pas opportun que la Cour donne des directives quant aux mesures diplomatiques qu'il faudrait prendre pour remédier aux violations des droits de l'intimé garantis par la Charte ». Omar Khadr fait face à des accusations très graves, notamment de meurtre, de tentative de meurtre, de complot, de soutien matériel à des activités terroristes et d'espionnage. Le gouvernement du Canada continue de fournir des services consulaires à M. Khadr.
Comme cette affaire est toujours devant les tribunaux, je m'abstiendrai de formuler d'autres commentaires.
L'environnement
L'énergie renouvelable
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, après avoir éliminé pratiquement tous les investissements dans les projets d'énergie renouvelable dans le dernier budget, le gouvernement a changé son fusil d'épaule : il dépensera 240 000 $ pour tâter le pouls des Canadiens au sujet de l'énergie renouvelable. C'est mettre la charrue avant les bœufs.
Madame le leader du gouvernement pourrait-elle nous dire pourquoi, d'une part, le gouvernement coupe les vivres au secteur de l'énergie renouvelable et, d'autre part, il réalise des sondages pour savoir ce que pensent les Canadiens au sujet de ce secteur?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, ce n'est pas exact. La recherche à laquelle le sénateur Mitchell fait allusion appuie l'engagement pris par le gouvernement plus tôt cette année dans le discours du Trône en vue d'examiner les programmes d'efficacité énergétique et de réduction des émissions afin d'assurer leur efficacité.
Depuis 2006, le gouvernement du Canada a investi plus de 10 milliards de dollars afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de créer un environnement plus durable, grâce à des investissements dans l'infrastructure verte, l'efficacité énergétique, les technologies en matière d'énergie propre et la production d'énergie et de combustibles plus propres. Le réseau d'approvisionnement en électricité du Canada est déjà l'un des plus propres au monde, et nous prévoyons l'améliorer encore plus au moyen de la réglementation.
Ce n'est pas ce que j'appellerais « couper les vivres au secteur de l'énergie », au contraire, nous en favorisons le développement.
Le sénateur Mitchell : Environ 99 p. 100 de la politique du gouvernement en matière d'énergie propre repose sur les centrales hydroélectriques qui seront construites dans deux provinces, alors qu'il n'a absolument rien à voir là-dedans.
Ma question vient de ce que le gouvernement nous répète toujours que tels et tels programmes existent et qu'ils donnent ceci et cela, mais qu'aussitôt qu'il en fixe les objectifs, c'est pour mieux les changer et les rechanger de nouveau.
Si madame le leader prenait la peine de consulter le site Web du gouvernement, elle verrait, dans la section portant sur le Protocole de Kyoto, que, l'an dernier, le gouvernement prévoyait réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 52 mégatonnes d'ici 2010. Or, voilà qu'il ne parle désormais plus que de cinq mégatonnes.
Pourquoi devrait-on croire le leader et ses comparses de l'autre endroit lorsqu'ils nous chantent toujours le même refrain et nous répètent sans cesse qu'ils font ceci ou cela, alors que le gouvernement n'a réussi à atteindre que 10 p. 100 de l'objectif — pourtant minimal — qu'il avait lui-même fixé?
Le sénateur LeBreton : Dans sa dernière question, le sénateur Mitchell a dit, en parlant des centrales hydroélectriques, que cela n'avait rien à voir avec les émissions de gaz à effet de serre. Or, les automobiles et les camions de ce monde ne sont pas des centrales électriques, et comme il se sait pertinemment, nous avons fait plusieurs annonces d'envergure à propos des gaz à effet de serre produits par les automobiles et les camions.
Je ne reviendrai pas sur Kyoto. Nous savons tous que ce protocole a été signé par le gouvernement précédent et que ce dernier n'a même jamais eu l'intention de le faire appliquer. De son côté, notre gouvernement a toujours dit qu'il ne signerait jamais un accord qu'il n'a pas l'intention de faire appliquer.
Cependant, comme le sénateur Mitchell insiste, je vais lui refaire la nomenclature des réalisations environnementales du gouvernement depuis 2006. Je ne les nommerai peut-être pas toutes, seulement quelques-unes.
Grâce à l'Accord de Copenhague, qui s'applique pour la première fois à l'ensemble des pays émetteurs de la planète, contrairement à Kyoto, nous avons pu harmoniser nos cibles de réduction des émissions avec les États-Unis et instaurer des normes relatives aux gaz d'échappement des automobiles, des camions légers et des camions lourds. Nous avons réglementé le contenu en biocarburants du diesel et de l'essence.
Nous avons agrandi les parcs nationaux du Canada de 30 p. 100 en à peine quatre ans, dont la réserve à vocation de parc national de Nahanni, à laquelle nous avons fait subir une expansion tout simplement phénoménale. Le Canada est le premier pays du monde, avec la réserve d'aire marine nationale de conservation Gwaii Haanas, en Colombie-Britannique, à protéger une région donnée du sommet des montagnes aux profondeurs de l'océan. En conjonction avec Conservation de la nature Canada, le Programme de conservation des zones naturelles, d'une valeur de 225 millions de dollars, a permis de protéger plus de 138 000 hectares et 79 espèces en péril.
Nous avons mis en place des normes nationales historiques sur le traitement des eaux usées. Nous disposons d'un plan d'action exhaustif pour l'assainissement de l'eau, qui comprend des investissements dans l'eau saine pour les collectivités autochtones.
Honorables sénateurs, il s'agit d'un bref échantillon d'une très longue liste de mesures.
Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, je suis d'accord pour dire qu'il s'agit d'une très petite partie de ce qui doit être fait. Je remercie madame le leader d'avoir fourni cette brève liste.
Je ne veux pas m'en prendre au leader, mais il est évident que le gouvernement ne comprend pas que seule une infime partie des mesures de cette liste est liée aux changements climatiques et que le reste des mesures énumérées sont liées à d'autres aspects de l'environnement, mais pas aux changements climatiques.
Pourquoi le gouvernement n'utilise-t-il pas ces 240 000 $ et d'autres fonds semblables pour les investir dans un programme pédagogique et éducatif sur les changements climatiques, afin de convaincre les Canadiens qu'il faut passer à l'action, car certains croient toujours que cela n'est peut-être pas nécessaire? Ainsi, le gouvernement pourrait se donner une marge de manœuvre un peu plus grande.
(1450)
Le sénateur LeBreton : Comme d'habitude, le sénateur Mitchell tente de déformer mes propos. Bien entendu, il n'y arrivera pas. J'ai dit qu'il s'agissait d'une très courte liste des nombreuses mesures que nous avons mises en place.
En ce qui concerne les changements climatiques, l'objectif premier du G20 est de parler d'économie, conformément à son mandat. Il s'agit de la priorité absolue du gouvernement. Cependant, comme nous nous y attendions, de nombreux autres sujets ont fait l'objet de discussions lors de la réunion du G20, notamment les changements climatiques.
À ce sujet, comme je l'ai dit précédemment, le gouvernement appuie l'Accord de Copenhague sur les changements climatiques auquel, pour la première fois, tous les grands émetteurs ont souscrit. Voilà ce que nous faisons : nous sommes responsables et nous collaborons avec nos partenaires internationaux au sujet de dossiers importants sur les changements climatiques. C'est ainsi qu'il faut procéder au lieu de signer un accord que l'on n'a aucunement l'intention de respecter et qui exclut les principaux émetteurs mondiaux.
Le cabinet du premier ministre
Les propos de membres du personnel
L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.
M. Ben Hicks, un attaché politique de M. Harper, demande aux élèves, sur sa page Facebook, de dénoncer leurs enseignants afin que lui et Kory Teneycke puissent se livrer à un peu de maccarthysme. Voici un extrait de ses propos :
« Si vous avez un enseignant ou des exemples d'enseignants qui tentent de vous imposer une philosophie gauchiste, veuillez m'envoyer un courriel. » Lors d'une conférence, en mars dernier, M. Teneycke a déclaré à un élève du secondaire qu'il « adorerait rendre [ces enseignants] célèbres ».
Madame le leader peut-elle nous dire quel sort on réservera aux enseignants qui présentent ce que MM. Hicks et Teneycke qualifient de « philosophie gauchiste »? De quelle façon MM. Teneycke et Hicks, ainsi que le Parti conservateur, rendront-ils ces enseignants « célèbres »?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Premièrement, je ne sais absolument pas de quoi parle le sénateur Cordy. Deuxièmement, cela n'a rien à voir avec la politique gouvernementale. Je ne puis répondre qu'au nom du gouvernement.
Le sénateur Cordy : Honorables sénateurs, M. Hicks est un attaché politique du premier ministre. En tant que parlementaire et ancienne enseignante, je trouve cette chasse aux sorcières choquante. On s'attaque à tous les enseignants canadiens qui travaillent fort.
Cela signifie-t-il, honorables sénateurs, que, si vous n'êtes pas conservateur, le gouvernement vous attaquera personnellement et portera atteinte à votre réputation? Cela signifie-t-il, par exemple, que si un syndicat des enseignants investit dans ce que MM. Teneycke et Hicks considèrent comme des activités gauchistes, il deviendra « célèbre »?
Le sénateur LeBreton : Le sénateur Cordy parle de chasse aux sorcières et d'attaques personnelles, mais que dire des propos de son grand chef, Michael Ignatieff, qui a déclaré qu'il marquait le coup d'envoi de sa tournée estivale à Calgary en faisant passer le « message positif » des libéraux? Il a ensuite comparé le premier ministre au diable, en disant ce qui suit — et je cite le Toronto Star :
« On peut sentir l'odeur de soufre émanant de lui. » Or, dans la littérature, l'odeur de soufre sert souvent à décrire le diable. Quelqu'un d'aussi cultivé que M. Ignatieff devrait savoir mieux choisir ses mots.
Si le sénateur veut parler de grosses pointures de la gauche, je peux lui dire exactement où M. Ignatieff a pris cette expression. Elle vient d'Hugo Chávez, qui l'a utilisée pour parler du président Bush dans son discours devant les Nations Unies. M. Ignatieff devrait présenter des excuses.
Les affaires étrangères
La situation d'Omar Khadr
L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, je me demande si nous ne pourrions pas revenir à la question de la situation d'Omar Khadr.
Madame le leader du gouvernement au Sénat a déclaré, à juste titre, qu'elle ne ferait aucun commentaire sur une affaire dont sont saisis les tribunaux. De toute évidence, personne ne conteste le droit du gouvernement d'en appeler d'une décision judiciaire en vertu de la loi. Ce n'est pas de cela que je parle.
J'interroge madame le leader au sujet de la politique du gouvernement dans le dossier de M. Khadr et non au sujet de ses obligations juridiques. M. Khadr est le dernier citoyen d'un pays démocratique à rester coincé à Guantanamo, le dernier citoyen d'un pays démocratique dont le gouvernement n'a pas jugé approprié de le rapatrier et de le juger dans son propre système judiciaire.
À force d'entendre les réponses du leader du gouvernement au Sénat au fil des ans aux questions portant sur M. Khadr, j'en suis venue à croire que le gouvernement est totalement indifférent au sort d'un citoyen canadien qui est devenu un enfant soldat sous l'influence d'une famille qu'on pourrait qualifier d'unique.
Serait-il juste de dire que l'Ottawa Sun, dans son édition d'aujourd'hui, a bien résumé la position du gouvernement à l'égard de M. Khadr, en lui conseillant de façon tout à fait élégante de « l'envoyer au diable »?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, voilà maintenant que l'autre côté me demande de répondre au nom du comité de rédaction de l'Ottawa Sun.
Le sénateur Fraser a répondu à ma question dans son préambule. La politique du gouvernement à l'égard de M. Khadr, qui fait face à de très graves accusations, comme nous l'avons répété à plusieurs reprises, est exactement la même que celle du gouvernement précédent, à l'époque où M. Khadr était beaucoup plus jeune.
Le sénateur Fraser : Comme d'autres l'ont déjà dit un certain nombre de fois dans le passé, une erreur n'en répare pas une autre.
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, comme je l'ai dit bien souvent, M. Khadr fait face à des accusations très graves. Il est déjà engagé dans un processus dans le cadre du système juridique américain. Le ministre Nicholson a exprimé la position du gouvernement au sujet de la proclamation émise la semaine dernière par la Cour fédérale. Il n'y a pas grand-chose d'autre à dire sur cette affaire pour le moment.
[Français]
ORDRE DU JOUR
Les Travaux du Sénat
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis que, conformément à l'article 27(1) du Règlement, lorsque nous procéderons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera ses travaux dans l'ordre suivant : la motion no 21, suivie de la considération du sixième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales sur le projet de loi C-9, suivie des autres points tels qu'ils apparaissent au Feuilleton.
Projet de loi sur l'emploi et la croissance économique
Attribution de temps pour le débat—Adoption de la motion
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis du 8 juillet 2010, propose :
Que, conformément à l'article 39 du Règlement, une seule période de six heures de débat de plus, au total, soit attribuée pour disposer à la fois des étapes du rapport et de la troisième lecture du projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en oeuvre d'autres mesures;
Que, si le débat à l'étape du rapport prend fin avant l'expiration des six heures, le Président mette aux voix sur-le-champ et à la suite, conformément à l'article 39(4) du Règlement, toutes les questions nécessaires pour disposer de l'étape du rapport;
Que, si le débat de troisième lecture prend fin avant l'expiration des six heures, le Président mette aux voix sur-le-champ et à la suite, conformément à l'article 39(4) du Règlement, toutes les questions nécessaires pour disposer de la troisième lecture;
Qu'à la fin des six heures de débat, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours et mette aux voix sur-le-champ et à la suite, conformément à l'article 39(4) du Règlement, toutes les questions nécessaires pour disposer de l'étape du rapport, si nécessaire, et de la troisième lecture.
[Traduction]
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, le gouvernement a proposé une motion d'attribution de temps au sujet d'un projet de loi qui n'aurait jamais dû être présenté en premier lieu. Le projet de loi C-9 constitue un abus du Parlement et, avec cette décision visant à écourter le débat, le gouvernement a ajouté l'insulte à l'injure. Il prouve une fois de plus qu'il est déterminé à faire adopter son programme sans tenir compte du Parlement ou des Canadiens.
(1500)
On en a beaucoup parlé — madame le sénateur Olsen aime bien murmurer de la dernière rangée. Puis-je lui suggérer de se lever et de participer au débat, pour une fois?
Le sénateur Ringuette : Elle ne le fait jamais.
Le sénateur Di Nino : Voilà des paroles provocantes.
Son Honneur le Président : À l'ordre, à l'ordre.
L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre la parole.
Son Honneur le Président : À l'ordre, à l'ordre.
Le sénateur Cools : Elle a demandé à prendre la parole.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le débat se déroulera comme ceci : le leader de chaque côté disposera de 30 minutes et chaque sénateur pourra avoir jusqu'à 10 minutes. Le débat durera 2 heures et demie.
Le leader de l'opposition a la parole.
Le sénateur Cowan : Merci, Votre Honneur.
Au fil des ans, on s'est beaucoup demandé si le gouvernement actuel avait un programme secret pour le Canada. Lorsqu'un projet de loi comme le projet de loi C-9 est présenté, un projet de loi qu'un témoin a qualifié de cheval de Troie, on ne s'étonne pas que de telles craintes existent.
Afin de bien comprendre ce que fait le gouvernement avec sa motion d'attribution de temps, il nous faut examiner le projet de loi lui-même. Le projet de loi C-9 a été présenté comme étant un projet de loi d'exécution du budget, mais avec un nombre sans précédent de 900 pages qui modifient environ 78 lois et qui établit même une toute nouvelle loi, ce projet de loi porte sur toute une série de sujets qui n'ont aucune raison de se retrouver dans un projet de loi budgétaire.
La vente d'Énergie atomique du Canada limitée, l'atténuation des évaluations environnementales et la modification des pouvoirs de Postes Canada sont des questions importantes qui devraient être soumises séparément au Parlement afin que les Canadiens intéressés puissent exprimer leur opinion avant que le Parlement se prononce sur leur mérite.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Cowan : Le gouvernement propose, le Parlement dispose. Cependant, l'arrogant gouvernement actuel refuse d'écouter le Parlement ou qui que ce soit. Si un de ses plans est rejeté, il trouvera tout simplement un autre moyen de faire passer ses idées de force.
En fait, le gouvernement a tenté à deux reprises de faire adopter son projet de loi sur Postes Canada, mais sans réussir à persuader les parlementaires de l'autre endroit de l'appuyer. Plutôt que d'accepter les vues des députés élus, le gouvernement a décidé de passer par-dessus leur tête et d'inclure les dispositions dans le projet de loi d'exécution du budget. « Opposez-vous donc à nous maintenant », raille le gouvernement. Il y a maintenant une espèce d'épée de Damoclès qui pend au-dessus de l'autre endroit. Le gouvernement affirme que si cette disposition est rejetée, le pays sera plongé dans d'autres élections générales coûteuses et inutiles.
Honorables sénateurs, ce n'est pas comme cela qu'on fait de bonnes politiques gouvernementales. Si ces dispositions ne devaient pas auparavant se retrouver dans un projet de loi budgétaire, elles ne le devraient pas plus maintenant.
Pour ce qui est des dispositions sur EACL, même le ministre des Ressources naturelles n'a pas été en mesure d'expliquer au comité pourquoi elles se retrouvaient dans le projet de loi budgétaire.
Que tente de cacher le gouvernement en présentant un projet de loi qu'il est impossible d'étudier convenablement en moins de quelques mois? Qu'est-ce que le gouvernement craint de voir les parlementaires découvrir s'il les laisse faire leur travail et bien étudier les dispositions du projet de loi?
Je rappelle aux sénateurs que, en 2008, le sénateur Goldstein a découvert une petite disposition dans un projet de loi d'exécution du budget qui aurait donné au gouvernement toute liberté pour censurer les projets cinématographiques et télévisuels qu'il considérait moralement répréhensibles.
Le sénateur LeBreton : Cette disposition avait été ajoutée par Sheila Copps.
Le sénateur Cowan : Cette disposition était cachée dans un long projet de loi budgétaire omnibus. Qu'est-ce que le gouvernement a peur que nous découvrions dans celui-ci?
Le sénateur Munson : Cui-cui, cui-cui.
Une voix : Rien.
Le sénateur Cowan : Dans un vaillant effort visant à défendre ce projet de loi indéfendable, le sénateur Gerstein nous a régalés de références historiques qui remontent à 1763. Il a notamment cité un projet de loi d'exécution du budget sur le prix du pain, présenté par le roi George III. Il a négligé de mentionner que l'approche du roi en matière de budgets n'était pas universellement appréciée par ses sujets. En fait, c'est ce qui a mené au Boston Tea Party et à la révolution américaine.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, je ne crois pas que nous serions bien avisés de suivre l'exemple de ce gouvernement en matière de budget.
Permettez-moi de renvoyer les sénateurs à un document historique encore plus ancien, soit la Magna Carta de 1215.
Une voix : Je n'étais pas encore en vie à l'époque.
Le sénateur Cowan : C'est à cette époque que les barons ont institué le Grand conseil du royaume pour protéger les gens contre le gouvernement du roi Jean, tant détesté. Notre rôle, en tant que parlementaires, de gardiens des fonds publics a été établi dans la Magna Carta. Le fait d'obliger le gouvernement à rendre des comptes sur sa façon de dépenser les fonds publics constitue l'un de nos devoirs les plus fondamentaux envers les Canadiens; or, le gouvernement Harper ne manque pas une occasion de chercher à nous empêcher de bien nous acquitter de cette tâche.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2006, le gouvernement Harper a utilisé le projet de loi d'exécution du budget — qui est une question de confiance à l'autre endroit, mais pas ici — comme moyen de faire adopter de nombreuses mesures législatives qui devraient vraiment être étudiées et débattues séparément, sans être soumises aux contraintes de temps associées à l'adoption d'un projet de loi d'exécution du budget et sans faire l'objet d'un débat où plane constamment la menace d'élections générales.
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a dénoncé à plusieurs reprises les abus entourant le processus lié aux projets de loi budgétaires. Le comité a ajouté une observation à son rapport sur la Loi d'exécution du budget de 2008, énonçant l'opposition farouche de la majorité des membres du comité à cette pratique, mais le gouvernement l'a ignorée. En fait, dans la Loi d'exécution du budget de 2009, le gouvernement Harper est même allé plus loin. Le Comité des finances nationales a fait rapport au Sénat au sujet de cette loi d'exécution du budget, en soumettant l'observation suivante :
Le comité est d'avis que cette pratique de l'utilisation de projets de loi d'ensemble pour présenter des mesures budgétaires a pour effet d'empêcher le Parlement d'effectuer un examen sérieux de la multitude de propositions de politiques qui s'y trouvent. Plus précisément, cette pratique fait qu'il est presque impossible pour les comités d'étudier en profondeur les projets de loi qui leur sont renvoyés. Le problème est aggravé par l'inclusion de mesures devant être adoptées rapidement, voire urgentes. Le projet de loi C-10 [...]
C'est la Loi d'exécution du budget de 2009.
[...] est un des pires exemples de cette pratique [...]. Rien ne justifie que les gouvernements forcent le Parlement à adopter des projets de loi de cette façon.
Les membres du comité ne savaient alors pas que la loi, qu'ils croyaient être l'un des pires exemples de projet de loi omnibus, était anodine par comparaison avec celle présentée cette année. En effet, le projet de loi C-10, la Loi d'exécution du budget de 2009, comptait quelque 530 pages, alors que le projet de loi présenté en 2010 compte plus de 900 pages.
La semaine dernière, le très respecté professeur Ned Franks a dit au comité que c'est le projet de loi omnibus qui mettra fin à tous les projets de loi omnibus. Chers collègues, nous ne pouvons qu'espérer que ce sera le cas. Il a dit que, à son avis, les projets de loi d'exécution du budget ont atteint un niveau abusif.
Qu'est-ce qui nous pend au nez la prochaine fois, honorables sénateurs? Dans le prochain projet de loi d'exécution du budget, le gouvernement, dans le cadre de son prétendu programme de répression de la criminalité, modifiera-t-il le Code criminel et la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents? Je parie néanmoins que, même s'il faisait cela, il refuserait de divulguer le vrai coût de son programme de maintien de l'ordre public.
Le sénateur Murray a essayé de scinder le projet de loi. Il avait minutieusement préparé sa motion, laquelle aurait scindé le projet de loi C-9 en plusieurs projets de loi, notamment un projet de loi pour les mesures applicables à l'exécution du budget, qui aurait probablement été renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales, étudié et qui, à mon avis, aurait été adopté rapidement. Les autres mesures, sans rapport à l'exécution du budget, auraient été regroupées et envoyées aux comités appropriés, afin que les membres qui possèdent l'expertise nécessaire puissent en faire une étude approfondie.
Agir de cette manière aurait permis la tenue simultanée de plusieurs études de comité. Les Canadiens intéressés auraient pu comparaître en temps opportun. Je crois que, si le gouvernement avait accepté la proposition du sénateur Murray, l'étude serait maintenant terminée et, surtout, ces questions nationales très importantes auraient fait l'objet des débats publics et de l'examen approfondi qu'elles méritent et dont elles ont besoin. Il ne fait aucun doute que l'intérêt public canadien aurait mieux été servi si cette recommandation avait été suivie, mais cela n'a pas été le cas.
Maintenant, afin de tenter de nouveau d'empêcher un débat public sur ces questions importantes, le gouvernement a présenté cette motion de clôture. Pourquoi? Y a-t-il une urgence? L'adoption de ce projet de loi est-elle la seule façon dont les Canadiens pourront profiter de certains avantages, comme ce fut le cas l'année dernière?
Une voix : Oui.
Le sénateur Cowan : Non. Il n'y a pas d'urgence. Le projet de loi aurait pu très bien être étudié à l'automne. Il n'y a rien dans ce projet de loi, en tout cas rien que nous ayons découvert pour l'instant, qui rend nécessaire son adoption immédiate. Pourtant, non seulement subissons-nous des pressions afin d'accélérer les audiences des comités sur de nombreuses questions importantes couvertes par cet énorme projet de loi, mais on nous dit également maintenant que nous devons tronquer le débat au Sénat.
(1510)
Mon collègue d'en face, le sénateur Finley, a récemment présenté une interpellation au Sénat sur l'importance de la liberté d'expression.
Le sénateur Munson : Quelle ironie!
Le sénateur Cowan : Comme je l'ai signalé dans mon discours sur cette interpellation, ce droit a commencé à titre de droit à la liberté d'expression au Parlement. Il est ironique, mais pas surprenant, que les mêmes sénateurs qui ont proclamé si pieusement leur engagement à l'égard de la liberté de parole tentent maintenant de l'entraver aujourd'hui au Sénat.
Le sénateur Cordy : C'est une honte!
Le sénateur Munson : On ne coopère pas ce soir.
Le sénateur Tkachuk : Nous allons seulement suivre votre illustre exemple.
Le sénateur Munson : Pas de coopération ce soir.
Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, le fait de savoir qu'un certain nombre de mes collègues partagent mon opinion quant aux motions d'attribution de temps me réconforte. Le sénateur Kinsella n'a cessé de comparer ce genre de motion à un bâillon imposé par le gouvernement dans cette enceinte. Permettez-moi de citer un passage d'un discours qu'il a prononcé ici le 18 décembre 2001. Le projet de loi dont il parlait alors était le projet de loi C-36, le projet de loi antiterroriste présenté par le gouvernement de M. Chrétien en réaction aux terribles attentats du 11 septembre 2001. Cependant, même ces circonstances exceptionnelles ne justifiaient pas, selon le sénateur Kinsella, qu'une attribution de temps soit imposée. Quel incroyable scandale cela doit être pour lui aujourd'hui de la voir imposée par son propre gouvernement dans le cas d'un projet de loi qui ne présente aucun caractère urgent.
Permettez-moi de vous lire ce qu'il a dit le 18 décembre 2001, à la page 2158 des Débats du Sénat :
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, nous en sommes arrivés à l'étape où le gouvernement impose le bâillon à cette Chambre, comme il l'avait imposé à l'autre endroit.
Le sénateur Lynch-Staunton : C'est une honte!
Le sénateur Kinsella :
[...]
Le gouvernement est prêt à imposer le bâillon pour clore le débat et faire mettre le projet de loi aux voix, comme il l'a fait aux Communes. [...] Ils ont laissé tomber les Canadiens.
Voilà ce qui est en jeu dans la motion dont nous sommes saisis. Le gouvernement utilise son pouvoir pour se donner des pouvoirs plus grands encore. Ce n'était pas nécessaire.
Bien sûr, le sénateur Kinsella n'était pas le seul à avoir une opinion bien arrêtée quant à l'utilisation de l'attribution de temps, même dans des circonstances aussi inhabituelles que celles entourant les attentats du 11 septembre. À la page 2159, le sénateur Di Nino avait ceci à dire :
Des voix : Oh, oh!
Le sénateur Cowan :
Le sénateur Di Nino : Honorables sénateurs, de toutes les délibérations qui ont lieu dans cette Chambre, celle-ci me perturbe le plus. Mon ami, le sénateur Kinsella, a dit que cette mesure était la « guillotine ». On l'a appelée clôture et attribution de temps. Je dis également qu'elle bâillonne le Parlement.
Des voix : Oh, oh!
Des voix : Bravo!
Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, je sais que, comme moi, vous êtes impatients d'entendre vos collègues dénoncer encore l'utilisation de cette « guillotine » qui porte atteinte à la démocratie, et de les voir voter contre cette terrible motion.
Le sénateur Munson : Oui. Bravo!
Le sénateur Cowan : Un grand nombre des éléments qui composent le projet de loi C-9 ont de profondes répercussions sur le pays. Ils n'ont rien à voir avec une loi d'exécution du budget. Soyons clairs : ce projet de loi pose de nombreux problèmes. Le comité n'en a abordé que quelques-uns, les plus importants, qui ont déjà suscité l'indignation de nombreux Canadiens.
Même à la fin des audiences, les sénateurs découvraient encore des dispositions discutables. Par exemple, cet après-midi, le sénateur Baker abordera l'une de ces questions.
Des voix : Oui.
Le sénateur Campbell : À ne pas manquer. Il reste des billets.
Le sénateur Cowan : Le sénateur m'a assuré que son intervention sera brève, mais les interventions du sénateur Baker sont toujours très intéressantes.
Je sais que mes collègues examineront plus avant le projet de loi et expliqueront pourquoi ils se sont opposés à certains de ses éléments. Je me contenterai de mentionner deux choses pour illustrer l'ampleur et l'importance des éléments qui composent ce projet de loi.
Énergie atomique du Canada limitée a été créée à Chalk River il y a plus de 50 ans. Il s'agissait alors d'un laboratoire de recherche. Comme des témoins l'ont rappelé, ce laboratoire était célèbre dans le milieu scientifique. Les gens venaient du monde entier pour y travailler, étudier et faire des recherches. On m'a déjà dit que c'est dans la petite localité environnante qu'on trouvait la plus grande concentration de titulaires de doctorats au Canada.
Le comité a appris que l'industrie nucléaire canadienne représente 6,6 milliards de dollars par année. Selon le ministre, ce secteur emploie quelque 30 000 personnes. D'autres témoins ont dit que, si on inclut les industries dérivées, on peut dire que 70 000 personnes occupent des postes bien rémunérés et hautement spécialisés grâce à EACL. L'industrie paie plus de 1,5 milliard de dollars en impôts.
Honorables sénateurs, le gouvernement a donné à ce projet de loi d'exécution du budget un titre abrégé très ronflant, « Loi sur l'emploi et la croissance économique ». EACL contribue au maintien de nombreux emplois, plus de 70 000, en fait, et génère des revenus de 6,6 milliards de dollars par année, ce qui n'est pas à dédaigner, surtout pas dans un projet de loi qui vise prétendument l'emploi et la croissance économique.
L'énergie, notamment l'énergie propre et renouvelable, est l'un des enjeux les plus importants auquel notre monde est confronté. L'industrie nucléaire canadienne satisfait à 15 p. 100 de nos besoins en énergie, et on reconnaît généralement que la demande mondiale en énergie nucléaire ne fera qu'augmenter.
Pourtant, apparemment dans le but d'éponger à court terme l'important déficit qu'il a lui-même accumulé, le gouvernement Harper est prêt à vendre au rabais EACL. Pire encore, comme plusieurs d'entre nous l'ont lu dans le Globe and Mail de vendredi dernier, le manque de soutien de la part du gouvernement envers EACL a déjà pour effet de réduire la valeur que les Canadiens peuvent espérer obtenir pour cet actif important.
Christopher Hughes, de Laker Energy Products Limited, a témoigné du contraste entre l'inaction de ce gouvernement et le soutien accordé à EACL par les gouvernements libéraux précédents. Voici un extrait de son témoignage du 22 juin dernier :
Si nous nous tournons vers l'avenir, et si nous partons de l'hypothèse qu'EACL sortira plus forte d'une restructuration accélérée, le gouvernement du Canada devra faire ce que, pour être franc, il a négligé de faire au cours des dernières années, à savoir appuyer avec enthousiasme nos efforts pour vendre des réacteurs à l'étranger. Quel que soit le propriétaire du fournisseur de réacteurs, les contrats de plusieurs milliards de dollars se négocient entre gouvernements. C'est la raison pour laquelle les Français, les Russes et les Coréens ont connu un tel succès au cours des dernières années. Leur chef d'État a participé personnellement au processus de vente.
Je ne cherche pas à faire de la politique ici. Je me contente d'exposer les faits : nous avions l'habitude de le faire. La commande de 4 milliards de dollars que nous avons reçue de la Chine découlait directement des efforts personnels de Jean Chrétien.
Honorables sénateurs, le Canada a besoin d'une politique et d'un plan énergétiques cohérents et intelligents, qui définissent l'avenir de l'énergie nucléaire au Canada ainsi que les besoins et les exigences de ce secteur particulier et qui tiennent compte de la place que nous voulons lui donner sur le plan énergétique et par rapport aux activités de recherche-développement scientifique. Plusieurs témoins ont rappelé aux membres du comité l'histoire de l'Avro Arrow, dans un domaine où les Canadiens étaient à la fine pointe du développement scientifique et technologique mondial. Or, tout cela a été détruit, au propre et au figuré, par la décision d'un autre gouvernement conservateur, sous le premier ministre Diefenbaker.
Le sénateur LeBreton : C'est Louis St-Laurent qui a pris la décision. Allez vérifier dans les archives.
Le sénateur Cowan : Je suis certain que madame le sénateur LeBreton aura l'occasion, au cours de la journée, de corriger tout ce qu'elle voudra.
Il n'a pas fallu beaucoup de temps pour que nos scientifiques et nos ingénieurs soient recrutés par la NASA. Ils ont aidé le premier homme à marcher sur la lune neuf ans plus tard. Les compétences et les capacités des Canadiens peuvent rivaliser avec celles de n'importe qui n'importe où, mais ils ne pouvaient réaliser leurs rêves qu'à l'étranger. L'industrie aérospatiale canadienne et sa réputation internationale ne s'en sont jamais remises.
Le sénateur LeBreton : Grâce à Louis St-Laurent.
Le sénateur Cowan : Le projet de loi C-9 donnerait le pouvoir absolu au gouvernement Harper de faire ce qu'il veut d'EACL, de la vendre en totalité ou en partie à n'importe qui, n'importe où, n'importe quand. Absolument rien n'empêcherait le gouvernement de faire ce qu'il veut, derrière des portes closes, de cet important bien collectif que les Canadiens ont mis un demi-siècle à bâtir.
Honorables sénateurs, qu'on soit d'avis ou non qu'il faut vendre EACL, il est évident que la cession d'un avoir national d'une telle importance mérite un examen public et un débat parlementaire. Le sénateur Callbeck a demandé plusieurs fois au ministre des Ressources naturelles pourquoi ces dispositions étaient présentées au Parlement enfouies dans un projet de loi budgétaire de 900 pages. Le ministre Paradis n'a rien trouvé à répondre.
C'est une question grave, honorables sénateurs. Il y va de notre futur approvisionnement en énergie, de notre environnement, des soins médicaux dispensés aux Canadiens et à des millions de personnes dans le monde, et cela aura une incidence sur les emplois et notre prospérité économique. Ce sont des décisions qui ne doivent pas être prises derrière des portes closes, sans transparence et sans rendre de comptes aux Canadiens ou à leurs représentants sur la Colline du Parlement.
(1520)
Le sénateur Murray a essayé de proposer un modeste amendement, qui constituait un compromis raisonnable qui aurait simplement exigé que le gouvernement présente toute entente aux deux Chambres du Parlement aux fins d'approbation. L'amendement a été rédigé avec soin. Il n'imposait aucune condition et prenait soin de respecter les aspects importants liés à la confidentialité. Malheureusement, ce modeste amendement a été rejeté car il n'était pas acceptable aux yeux des sénateurs ministériels.
Dans ces conditions, les membres de l'opposition faisant partie du comité n'ont eu d'autre choix que de rejeter la partie du projet de loi sur EACL. Il suffit de présenter de nouveau ces dispositions, mais de façon adéquate, dans un projet de loi distinct qui ferait l'objet d'un examen adéquat par le Parlement et le public canadien.
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a aussi amendé la partie 20 du projet de loi, qui traite des évaluations environnementales. Comme vous en entendrez sûrement parler, le comité a entendu de nombreux témoignages sur les dangers des amendements proposés. De nombreux témoins ont affirmé que ces amendements affaibliraient — un témoin a même employé l'expression « vider de sa substance » — la politique canadienne en matière d'évaluation environnementale.
Honorables sénateurs, un examen approfondi de toute la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale sera entrepris à l'automne à l'autre endroit. Un des témoins a qualifié cet examen de systématique et de radical. Malgré cela, le gouvernement juge approprié de court-circuiter cet examen en présentant ces modifications maintenant. C'est un affront aux députés qui doivent effectuer cet examen important.
Le fait d'édulcorer les évaluations environnementales maintenant est sidérant, alors que le désastre environnemental causé par le déversement d'hydrocarbures de BP dans le golfe du Mexique ne cesse de croître. Jeudi dernier, le 8 juillet, un petit article publié dans le National Post indiquait qu'un groupe de pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard prévoit s'ajouter à la liste d'indemnisation déposée contre BP à la suite du déversement survenu dans le golfe. L'article mentionne ce qui suit :
« Dans quelques années, on pourrait tout à coup se rendre compte qu'il reste très peu de thon au large de l'Île-du-Prince-Édouard », a déclaré Mike McGeoghegan, de l'Association des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard. « Et cette situation pourrait être attribuable au déversement de pétrole. » Le thon rouge fraye dans les eaux côtières chaudes du golfe du Mexique, et les pêcheurs s'inquiètent du fait que le pétrole pourrait causer du tort à ce poisson, qui migre vers les eaux situées au large de l'Île-du-Prince-Édouard.
Honorables sénateurs, le gouvernement Harper dit que le projet de loi C-9 porte sur l'emploi et la croissance économique. La catastrophe survenue dans le golfe du Mexique nous apprend certainement qu'une stratégie prudente relativement à l'emploi et à la croissance économique nécessite un processus vigilant et solide en matière d'évaluation environnementale. On a bien raison de se demander s'il est opportun d'affaiblir ces mécanismes de contrôle. Comme des témoins l'ont dit au comité, les évaluations environnementales retardent peut-être un peu le processus à court terme, mais, compte tenu des répercussions à long terme si on a le malheur de se tromper, il pourrait être prudent et nécessaire de prendre son temps.
D'autres sénateurs prendront la parole au cours de ce débat pour parler des détails. Ce que je veux dire, c'est qu'il ne convient pas de déterminer, dans le contexte d'un projet de loi d'exécution du budget, si les changements proposés par le gouvernement sont appropriés ou non. Ce sont des questions graves, qui touchent la politique environnementale du Canada et qui, comme nous l'avons vu dans le golfe du Mexique, peuvent avoir des conséquences dévastatrices si elles sont mal conçues. Le Parlement doit être en mesure d'examiner ces propositions, d'entendre le témoignage de personnes intéressées et le point de vue de témoins experts et de prendre une décision en fonction du bien-fondé des propositions. Il est tout à fait inopportun d'enfouir ces propositions dans un projet de loi omnibus sur le budget, qui compte 900 pages.
Encore une fois, je pose la question suivante : de quoi le gouvernement Harper a-t-il peur? Que tente-t-il de cacher?
Le week-end dernier, le Globe and Mail a consacré un éditorial au projet de loi C-9 sous le titre suivant : « Le projet de loi d'exécution du budget souffre d'embonpoint ». Au début, il cite notre collègue, le sénateur Finley, qui a brandi la menace d'élections portant sur les modifications adoptées par le Comité sénatorial permanent des finances nationales, menace à laquelle l'éditorial a répondu comme suit :
Le projet de loi d'exécution du budget présenté par le gouvernement Harper est truffé de questions litigieuses. Toutefois, il est bien peu probable que le gouvernement adopte une plateforme électorale fondée sur ces questions — l'abus de procédure, l'outrage au Parlement et des menaces politiques inconvenantes — et qu'il tente de la faire approuver par la population.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Cowan : Si mes collègues le souhaitent, je serais heureux de lire l'éditorial au complet, mais, pour l'instant, permettez-moi de vous citer un autre paragraphe.
Le sénateur Munson : Lisez l'éditorial au complet.
Le sénateur Cowan : Voici le paragraphe en question :
En soi, ce procédé devrait être considéré comme une tache au dossier des conservateurs. Dans une démocratie mature, aucun gouvernement ne devrait mettre l'essentiel de son programme dans un seul projet de loi omnibus et en exiger l'adoption sous peine de déclencher des élections. Le Parlement a le devoir de passer soigneusement en revue l'ensemble des lois qu'il adopte. Or, les projets de loi poursuivant des objectifs inutilement épars l'empêchent précisément de s'acquitter de cette tâche. Les menaces d'élections, même vides, ajoutent au manque de respect de toute l'affaire.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Cowan : Avant de conclure, honorables sénateurs, je tiens à remercier le Comité sénatorial permanent des finances nationales, et plus particulièrement son président, le sénateur Day, et son vice-président, le sénateur Gerstein, pour la manière exceptionnelle dont l'étude de ce projet de loi sans précédent a été menée. Le comité a entendu des témoins durant pas moins de 61 heures, et je précise ici que ces 61 heures se sont ajoutées à un emploi du temps déjà bien rempli par l'étude du Budget principal des dépenses et les travaux que le comité mène toujours à bien de façon aussi remarquable. Bref, 61 heures d'audiences, 24 séances, 122 témoins, et tout cela pendant que la ville d'Ottawa croulait sous une vague de chaleur record.
La tâche assignée aux membres du comité aurait dû dépasser les capacités habituelles de n'importe quel comité, étant donné surtout les contraintes de temps imposées par le gouvernement. Pour les efforts herculéens dont ils ont fait preuve, les membres du comité ont la gratitude de tous les sénateurs et, j'en suis convaincu, de tous les Canadiens. Or, qu'on ose débattre de leur dur labeur et qu'on en fasse aussi peu de cas en présentant la motion dont nous sommes aujourd'hui saisis constitue un affront non seulement pour eux, mais aussi pour le Sénat au grand complet.
Le Parlement et l'ensemble des Canadiens méritent mieux de la part du gouvernement du Canada.
L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, tout à l'heure, le leader de l'opposition a parlé des menaces d'élections qui ont accompagné l'étude de ce projet de loi.
Le sénateur St. Germain : Bonne idée. Je ne savais pas que vous étiez d'accord, par contre.
Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, le sénateur St. Germain semble trouver que c'est une bonne idée. Pourtant, le sénateur Cowan n'est sûrement pas sans ignorer que, lorsque le sénateur Finley a lancé l'idée en l'air, jeudi dernier, il ne s'est trouvé personne, pas même au cabinet du premier ministre, pour la rattraper au passage.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Murray : L'honorable sénateur devrait faire attention. Dans le parti de M. Harper, on s'expose à de graves sanctions en s'éloignant du message officiel.
Le sénateur Rompkey : C'est exact. Vous devriez être prudent, sénateur St. Germain.
Le sénateur St. Germain : Je persiste à dire que, quoi que vous en disiez, la tenue d'élections est une bonne idée.
Le sénateur Murray : Le sénateur est imperméable aux sanctions, quelle que soit leur origine. Je le sais.
Honorables sénateurs, je tiens à dire que la situation est plutôt extraordinaire et même exceptionnelle, presque unique. En effet, le gouvernement a déposé un avis de motion l'autre jour, mais, lorsque cette motion est appelée, personne ne prend la parole au nom du gouvernement pour l'expliquer ou pour dire ce que le gouvernement a en tête.
C'est tout à fait extraordinaire. Je comprends que le gouvernement soit mal à l'aise, car nous sommes actuellement saisis d'une combinaison de deux choses, à savoir un projet de loi omnibus truffé de mesures législatives extrêmement importantes sans grand rapport les unes avec les autres ou avec le budget, et une motion d'attribution de temps qui a pour but de faire adopter ce projet de loi à toute vapeur et de mettre abruptement fin au débat.
(1530)
Mes commentaires ne portent pas sur les dispositions de cette motion, mais je pense qu'ils ne sont pas inappropriés, compte tenu de l'empressement maladif du gouvernement à mettre fin au débat, à faire tomber la guillotine, à prendre des raccourcis pour contourner la procédure établie et à éviter un examen minutieux, tout cela pour des raisons d'efficacité, ce qu'on appelle aussi la « rationalisation ». C'est le mot à la mode de nos jours.
Voyons où nous mène cette obsession pour l'efficacité au Parlement et dans l'ensemble du pays. Je vais d'abord mentionner un exemple inoffensif tiré de la partie 10 du projet de loi relative à l'Accord sur la sécurité sociale entre le Canada et la République de Pologne. Pourquoi le Sénat est-il saisi de cette question aujourd'hui? Cet accord n'a-t-il pas été signé à Varsovie, le 2 avril 2008, en grande pompe, par les ministres canadien et polonais? Bien sûr. N'a-t-il pas été présenté au Parlement le 20 avril 2009? Oui. N'est-il pas entré en vigueur le 1er octobre 2009? Oui. Eh bien, pourquoi donc en sommes-nous saisis aujourd'hui?
Honorables sénateurs, le gouvernement était tenu par la loi de présenter cette mesure législative aux deux Chambres du Parlement le 20 avril 2009. Il l'a présentée à la Chambre des communes, mais il a oublié le Sénat.
Des voix : Oh, oh!
Le sénateur Murray : Nous devrions envoyer au gouvernement une copie de l'article 17 de la partie IV de l'AANB :
Il y aura, pour le Canada, un parlement qui sera composé de la Reine, d'une Chambre haute appelée le Sénat, et de la Chambre des Communes.
Je crois qu'on devrait obliger les crétins responsables de cet oubli à écrire 1 000 fois l'article 17 de la partie IV de la Loi constitutionnelle de 1867.
Ils se présentent devant nous en nous demandant si cela nous dérangerait de reprendre le tout et de rendre la mesure rétroactive au 1er octobre 2009, car on ne peut légalement verser des pensions et ce genre de choses au Canada à la suite de cet oubli.
Ils ont oublié que nous vivons dans un pays fondé sur le bicaméralisme. Pour le plus grand divertissement des honorables sénateurs, permettez-moi aussi d'expliquer comment le gouvernement et ses représentants se servent du secret budgétaire pour cacher une multitude de péchés dans les postes non budgétaires, qui sont beaucoup plus nombreux que les postes budgétaires dans le projet de loi de mise en œuvre du budget.
Nous savons tous que le secret budgétaire est une tradition, en grande partie respectée au fil des générations, destinée à empêcher que certains obtiennent des renseignements à l'avance, fassent de la spéculation et s'enrichissent en manipulant les marchés, et cetera. C'est pourquoi le secret budgétaire vise les mesures fiscales prises par le gouvernement. Toutefois, des représentants du gouvernement ont fait irruption au Comité des finances nationales, le 15 juin, pour nous expliquer la partie 12, qui porte sur les modifications à la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Deux jours plus tard, le 17 juin, d'autres représentants du gouvernement sont venus nous expliquer la partie 21, qui porte sur les modifications au Code canadien du travail.
Comme d'habitude, les sénateurs ont demandé aux représentants du gouvernement s'ils avaient consulté les parties intéressées. La réponse a été non. Pourquoi? Parce que c'est un secret, que cela fait partie du secret budgétaire.
Le secret budgétaire pour des modifications au Code canadien du travail et à la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada? C'est tout à fait ridicule et absurde. C'est une insulte à l'intelligence des sénateurs et de tous les Canadiens que de cacher de telles modifications sous le couvert du secret budgétaire.
Je crois que la plupart d'entre nous savent ce que nous aurions dû répondre à des gens qui se présentent devant un comité avec des histoires comme celles-là. La réponse, c'est : « Sortez d'ici, nous ne voulons pas vous entendre, revenez lorsque vous aurez consulté et alors nous pourrons nous parler. »
C'est ce que nous aurions dû leur répondre, mais nous ne l'avons pas fait. Ils nous tournent en bourriques, et ils font de même avec tous les parlementaires, en abordant ces sujets comme ils le font.
Une voix : Ce n'est pas bien difficile.
Le sénateur Murray : Parlez pour vous-mêmes, chers collègues!
Une voix : C'est ce que nous ferons.
Le sénateur Murray : Je l'espère. Je veux entendre le côté gouvernemental bientôt. Je n'aurais pas pris la parole si quelqu'un du côté gouvernemental avait expliqué la motion.
Nous nous retrouvons dans une situation où un projet de loi d'exécution du budget massif comme le projet de loi C-9 sert au gouvernement à cacher son jeu et à éviter de révéler franchement une information importante que les Canadiens devraient connaître.
Le 28 juin, le comité a entendu Paul McCrossan, un ancien député que certains ici connaissent bien et qui est un actuaire de renommée internationale consulté tant par les gouvernements étrangers que par les gouvernements fédéral et provinciaux sur les questions de pension. C'est un des principaux auteurs de la loi qui, reconnaît-il, est maintenant dépassée, en ajoutant que les modifications prévues dans la partie 9 pourraient empirer les choses.
Il nous a dit comment, au début de 2007, le Fonds monétaire international a assujetti les institutions financières canadiennes au Programme d'évaluation du secteur financier. Le gouvernement était heureux de publier les louanges du FMI à l'égard de notre secteur bancaire. Le gouvernement a aussi été ravi de publier les observations du FMI qui semblaient appuyer l'argument du gouvernement en faveur de l'établissement d'un organisme national de réglementation des valeurs mobilières.
Cependant, le FMI a fait des recommandations sur le système de pensions. Il s'est dit préoccupé par les mauvaises pratiques de gestion des risques dans ce secteur, et il a affirmé qu'il craignait que ces mauvaises pratiques et que les pertes importantes des fonds de pension n'entraînent des pressions politiques en matière de renflouement.
M. McCrossan a signalé que, bien que les autres parties du rapport du FMI aient fait l'objet d'une grande analyse, la partie portant sur les pensions n'a pas du tout été étudiée. Il a signalé que le FMI consulte toujours les gouvernements nationaux avant d'émettre un rapport. Son intuition lui dit que l'analyse du système de pensions par le FMI a été caviardée à la demande du gouvernement canadien.
Je ne doute pas qu'il y ait des raisons légitimes d'avoir caviardé une partie ou la totalité de cette analyse mais, honorables sénateurs, cela prouve que le Parlement a besoin de plus de temps pour aller au fond des choses.
Je devrai reprendre mon siège.
Le sénateur Cordy : Cinq minutes.
Le sénateur Fraser : Cinq minutes.
Son Honneur le Président : Acceptez-vous, honorables sénateurs, d'accorder cinq minutes supplémentaires au sénateur Murray?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Murray : Enfin, je ferai référence à l'utilisation du projet de loi omnibus pour annuler les décisions des tribunaux. On a mentionné la question de la Société canadienne des postes. J'ai parlé auparavant du fond de la question et du processus l'entourant. Je tiens à signaler aux sénateurs que toute cette controverse, y compris l'affaire judiciaire, s'est produite parce qu'il y avait à l'origine une contradiction entre la version anglaise et la version française de la loi. Je ne sais pas comment cela est arrivé, mais je crois que cela vaut la peine de demander comment, dans notre hâte, nous avons laissé une telle situation se produire. Comment nos prédécesseurs et le gouvernement ont-ils laissé cette contradiction se produire? Nous devons peut-être consacrer plus de temps à l'élaboration des lois.
Le leader de l'opposition a parlé des évaluations environnementales. La Cour suprême du Canada a dit que l'évaluation doit porter sur l'ensemble du projet; il n'est pas permis d'en réduire la portée. Le gouvernement propose de renverser cet état de choses en enfouissant dans un projet de loi d'exécution du budget une modification qui accorde au ministre un pouvoir exclusif dans ce domaine. Le gouvernement ne veut même pas attendre le rapport d'un examen parlementaire qui doit être fait cet automne. Il veut faire adopter cette mesure en l'enfouissant dans un projet de loi d'exécution du budget. Il n'est pas nécessaire d'agir de cette manière. Nous le savons. Il s'agit tout simplement d'opportunisme.
(1540)
Honorables sénateurs, je pourrais donner beaucoup d'autres exemples. L'article 55, je crois, dans la partie 2, porte sur une mesure rétroactive concernant la TPS. Nous nous sommes opposés à cette mesure législative rétroactive quand elle a été présentée par les libéraux, en ce qui concerne les conducteurs d'autobus scolaires au Québec et les règles anti-évitement qui s'appliquent aux transactions internationales. Mais cela recommence. Un mauvais précédent a été créé et un autre gouvernement s'appuie là-dessus.
L'Association du Barreau canadien et la plupart des grands cabinets comptables et des grands cabinets d'avocats du pays s'opposent à cet article. Quand on en a fait l'annonce au moment de la présentation du budget, cela a créé une pagaille telle que M. Flaherty a donné une précision à ce sujet le 26 mars. Cela n'a pas marché. Le 29 juin, le ministère des Finances a publié une « note explicative révisée ». Cela n'a pas marché. Le 30 juin, Revenu Canada a publié un « guide technique mis à jour ». Cela ne marche toujours pas. Cet article devrait être retiré du projet de loi. Ils devraient recommencer à zéro. Nous le savons tous.
Quoi qu'il en soit, je vais en rester là pour l'instant. J'aurai peut-être l'occasion de reprendre la parole à l'étape du rapport ou de la troisième lecture de ce projet de loi. Je voulais simplement citer ces quelques exemples parce que j'espère que les parlementaires, en commençant par ceux de l'autre endroit, mais également ceux d'ici, comprennent pourquoi nous sommes ici et n'autorisent plus les abus de processus que nous avons autorisés trop souvent dans le passé. Si ce n'est pas possible, je souhaite que des sénateurs rassemblent leur courage et soulèvent la question au caucus.
Des voix : Bravo!
L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, si un sénateur d'en face souhaite prendre la parole, je suis prêt à lui céder la parole. Puisque personne ne se lève, je vais formuler quelques commentaires.
Honorables sénateurs, nous débattons actuellement d'une motion dite de clôture, d'attribution de temps ou de limitation du temps. Je n'appuierai pas cette motion pour les raisons suivantes. Je crois fermement qu'il vaut mieux que les honorables sénateurs trouvent un consensus pour des questions de cette nature, et c'est exactement ce que nous avons fait au comité.
On nous a renvoyé ce projet de loi au début de juin. Le sénateur Gerstein, qui est vice-président, le sénateur Neufeld et moi avons formé un comité directeur pour établir un calendrier, et ce, sans savoir où cela nous mènerait, car nous avions une liste de plus de 200 témoins potentiels. Comme les sénateurs le savent, le projet de loi est composé de 24 parties. Il comprend plus de 2 200 dispositions qui s'étendent sur 900 pages. Nous ne savions pas où ce projet de loi nous mènerait. Il y a parfois eu des pépins et des différends entre nous, que nous avons réglés en trouvant un consensus. Notre programme prévoyait que nous fassions rapport de nos activités au Sénat jeudi de la semaine dernière, et c'est ce que nous avons fait. Tout a été fait à partir d'un consensus.
Nous avons aussi déterminé que, si la question se rendait à l'étape du rapport, ce qui sera le cas, et à l'étape de la troisième lecture, nous devrions être en mesure de terminer notre examen d'ici mardi, cette semaine. Or, aujourd'hui, nous sommes lundi. Que vient faire aujourd'hui une motion de ce genre, une motion draconienne, dans le cadre d'un processus consensuel qui a si bien fonctionné au cours du dernier mois?
Honorables sénateurs, je considère cette motion comme un vote de censure à l'égard des membres du comité qui se sont employés à renvoyer le projet de loi au Sénat, comme ils avaient dit qu'ils le feraient. Si les sénateurs votent en faveur de cette motion, il s'agira d'un désaveu du travail de plusieurs de leurs collègues qui ont investi énormément de temps pour bien s'acquitter de cette tâche.
Il y a autre chose, honorables sénateurs. Les six heures ne posent pas problème. Le débat à l'étape du rapport et de la troisième lecture n'aurait probablement pas pris plus de six heures de toute façon. Nous nous en accommoderons si cette motion est adoptée.
Honorables sénateurs, cette motion d'attribution de temps est régie par le paragraphe 39(4) du Règlement du Sénat. Cependant, aux termes de l'article 39(7), il y a de quoi être inquiet. Selon le paragraphe 39(7), aucun sénateur ne peut proposer d'amendement à l'étape de la troisième lecture. J'aimerais bien me tromper dans mon interprétation, mais je ne pense pas que ce soit le cas. En nous en tenant au programme que nous avons mis en place jusqu'au jour du rapport, nous entendions encore des témoins et nous décelions encore de nouveaux problèmes avec ce projet de loi. Par conséquent, le comité n'a pas été en mesure de proposer tous les amendements possibles.
Si les sénateurs acceptent cette motion, cela nous empêchera de terminer le travail du comité. Cela signifie que nous ne pourrons pas proposer d'amendements qui pourraient ensuite être mis aux voix. Il y a un grand nombre d'amendements, outre les quatre grands amendements que le comité a choisi de présenter pour exprimer notre point de vue. Nous avions prévu de présenter ces amendements à l'étape de la troisième lecture pour que tous les sénateurs puissent les examiner.
Honorables sénateurs, si nous votons en faveur de cette motion, nous ne votons pas seulement de façon à retirer notre confiance aux membres du comité qui ont si bien travaillé ensemble pour présenter ce rapport au Sénat, comme nous l'avions convenu, mais nous limitons aussi notre capacité de faire notre travail adéquatement, car nous ne pourrons plus proposer d'amendements. À mon avis, le fait de ne plus pouvoir proposer d'amendements à l'étape de la troisième lecture est fondamentalement beaucoup plus inconsidéré que de limiter le temps alloué au débat. J'exhorte les sénateurs à voter contre cette motion d'attribution de temps. Elle est inutile, indésirable et très dangereuse.
L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, je m'adresse à mes collègues ministériels. N'y a-t-il aucun sénateur de ce côté qui souhaite prendre la parole?
On me dit que non et, par conséquent, j'abonde dans le sens de l'observation du sénateur Murray. De toute ma carrière législative, je n'ai jamais vu une telle aversion pour le débat, si je puis dire, surtout lorsqu'on nous dit qu'une entente conclue au nom de tous les sénateurs, à l'exception des sénateurs indépendants, a maintenant été rompue. Je suis consternée.
Je suis également consternée à la pensée que cette motion de clôture a été présentée avant même que le débat ne commence. Selon mon expérience, encore une fois, le débat se déroule normalement pendant un certain temps avant qu'un gouvernement ne présente une motion de clôture. C'est encore un exemple de la tendance à décourager le débat. Bel exemple de liberté d'expression. Où allons-nous, je vous le demande? Ces manœuvres affaiblissent le Parlement.
Les conservateurs font du chahut, mais refusent de débattre. Ces polissons se contentent de marmonner entre eux.
Ce matin, on m'a demandé de participer au Rutherford Show, qui est une émission de débat à Calgary. Plusieurs sénateurs en ont entendu parler. C'est une émission qui est parfois assez animée. Dave Rutherford est une personnalité très appréciée en Alberta. Il voulait parler du projet de loi d'exécution du budget. Il a dit : « Ma foi, ils ne vont pas vraiment provoquer des élections à cause de ce projet de loi; sûrement pas, c'est tellement ennuyeux. »
Sénateur Finley, je suis portée à partager son avis, et je ne crois pas que l'affaire ait placé le sénateur dans une position aussi avantageuse qu'il l'aurait souhaité.
(1550)
Je lui ai parlé, et il m'a demandé pourquoi je m'opposais à ce projet de loi. Je lui ai dit que j'étais contre parce qu'il refusait aux Canadiens le droit de s'exprimer, le droit de participer. Il est vrai que, au moins, pour la partie 20, une des 24 parties, on m'a montré la liste des personnes qui avaient demandé de comparaître, et le nombre de témoins était au moins deux, voire trois fois plus élevé que ce que le comité avait le temps d'entendre. Je sais donc que des Canadiens auraient voulu participer. Cette situation, qui affaiblit le Parlement, est tellement antidémocratique que je n'arrive pas à trouver les mots pour la condamner.
Moins d'une demi-heure après avoir quitté cette émission, j'ai reçu un courriel d'une personne que je ne connais pas. Le courriel avait pour objet « La voix du peuple ». Permettez-moi de vous en lire quelques extraits.
Sénateur McCoy,
Je vous ai entendue à l'émission de Rutherford... Dans les faits, on ne tient pas compte de la voix du peuple, comme d'habitude.
L'auteur poursuit en disant ce qui suit :
Le Sénat pourrait peut-être être l'agent de changement qui corrigerait ce manquement à la démocratie et qui améliorerait notre processus politique.
Voilà ce qu'il vous invite à faire, sénateurs, nouveaux et anciens.
L'auteur ajoute ceci :
Les enfantillages dont nous sommes souvent témoins à la Chambre des communes ne doivent pas se répéter au Sénat. Si les sénateurs se comportaient d'une façon qui ferait du Sénat un lieu où on tient des discours inclusifs et civilisés, le Sénat s'attirerait le respect et favoriserait la participation des véritables parties concernées, soit les contribuables.
La bonne volonté et le désir de servir sont des principes qui font cruellement défaut dans notre système politique actuel. Le Sénat pourrait être un agent de changement efficace s'il montrait la voie à suivre en ce qui concerne la participation citoyenne.
L'auteur conclut son courriel par ce qui suit :
[...] Je vous encourage à ne pas abandonner la partie, conformément à l'excellente tradition de l'Ouest.
Mesdames et messieurs, honorables — je l'espère — sénateurs, ces propos traduisent le sentiment des Albertains. Voilà ce que vous risquez avec vos entourloupettes inspirées par les députés de l'autre endroit. C'est la tradition que vous abandonnez si vous votez en faveur de cette motion de clôture. Si vous aspirez à devenir ce genre de sénateur, vous dormez sûrement bien la nuit, car bien des personnes qui sont satisfaites de votre présence ici disent maintenant : « Je suis tellement content que vous soyez là et que nous ayons une Chambre haute. » Ils disent aussi : « Je suis tellement content de pouvoir compter sur une personne qui a le temps de bien faire les choses et qui ne cède pas au chantage, à l'intimidation de son caucus ou à d'autres manigances enfantines comme on en voit à l'autre endroit qui visent à la forcer à ne pas agir correctement, à faire moins que ce que les Canadiens méritent. »
J'espère moi aussi qu'aujourd'hui, il y aura suffisamment de sénateurs présents pour voter contre cette motion de clôture.
L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, je n'en reviens pas qu'aucun sénateur du côté du gouvernement n'ait encore pris la parole au sujet de cette motion.
J'ai beaucoup lu et réfléchi au sujet des motions d'attribution de temps et j'ai notamment étudié certains débats antérieurs. Il m'est apparu très clairement que, d'habitude, au Sénat, lorsque le gouvernement décide d'avoir recours à une mesure aussi draconienne qu'une motion d'attribution de temps pour limiter la durée d'un débat sur un projet de loi, il explique au moins une fois pourquoi il agit ainsi, par souci de ce que nos amis américains appelleraient le respect raisonnable de l'opinion d'autrui. Si vous avez l'intention d'agir ainsi, ayez au moins le courage de nous expliquer pourquoi, selon vous, cela est nécessaire.
Le sénateur Cordy : Ils n'ont pas le droit de le faire.
Le sénateur Fraser : C'est peut-être à cause de cela, sait-on jamais. Peut-être qu'à force de nous écouter, quelqu'un sera inspiré et prendra la parole.
À l'occasion, il peut être nécessaire d'avoir recours à une motion d'attribution de temps, bien qu'il s'agisse d'une mesure draconienne. Cela peut être nécessaire, par exemple, lorsque, à l'égard d'une mesure législative importante, l'opposition fait de l'obstruction pure et simple. Cela peut aussi être nécessaire s'il est urgent d'agir pour des raisons d'importance nationale ou pour respecter des obligations internationales. Toutefois, on ne cesse de nous répéter que ce projet de loi n'est assujetti à aucune urgence de la sorte; par conséquent, ces conditions ne s'appliquent pas dans le cas présent.
Dans le cas présent, comme l'ont si clairement indiqué mon leader, le sénateur Murray et le sénateur Day, ce projet de loi est probablement d'une complexité et d'une longueur sans précédent. Il contient 900 pages et 2 200 dispositions. Je ne sais pas combien de mesures législatives sont visées. Nous savons que, jusqu'à la toute dernière minute, le comité trouvait de nouveaux éléments dans ce projet de loi. S'il existe une mesure législative qui mérite un examen soigné et attentif de la part du Sénat, c'est bien celle-ci. Je ne puis croire qu'un seul sénateur puisse penser que le fait de comprimer toutes ces énormes modifications en un seul projet de loi, puis de faire adopter celui-ci à toute vapeur en écourtant le débat, est la façon appropriée de mener les affaires de l'État.
J'ai dit que j'avais lu des débats précédents. Je suis tombée sur une déclaration qui, selon moi, vaut vraiment la peine qu'on la répète.
En 2003, le sénateur Di Nino avait fait une déclaration qui, selon moi, est toujours aussi pertinente aujourd'hui, sinon plus. Je ne dis pas cela pour gêner le sénateur Di Nino. Il compte parmi nos plus anciens sénateurs. Il est respecté de tous, moi y compris. Je reprends ses propos parce qu'ils méritent réflexion, à mon avis. Je vais m'attarder sur un élément. Voici ce que le sénateur a dit :
Trop souvent, surtout depuis une dizaine d'années, notre assemblée est soumise aux diktats de l'autre endroit.
Il a dit — et c'est là où je ne suis pas tout à fait de cet avis — « surtout depuis une dizaine d'années », et n'oublions pas que c'est en 2003 qu'il tenait ces propos. Nous savons tous compter. Je modifierais ses propos pour dire ceci : Trop souvent, surtout depuis une dizaine d'années, soit, mais surtout depuis quatre ans et demi, notre assemblée est soumise aux diktats de l'autre endroit.
Il a continué en disant ceci :
C'est déjà arrivé par le passé. Ce n'est pas l'apanage du gouvernement actuel. Le gouvernement précédent n'allait pas aussi loin, mais il faisait la même chose. Ceux d'entre nous qui siègent ici depuis quelques années, et je me suis entretenu individuellement avec quelques-uns d'entre eux, trouvent la situation embarrassante. Nous devrions étudier et débattre les différents dossiers à l'abri de l'influence de l'autre endroit.
Puis, le sénateur Di Nino a poursuivi en disant ceci :
Vraiment, ce genre d'intervention m'embarrasse et devrait nous embarrasser tous. On ne devrait pas limiter le débat. On ne devrait pas nous refuser la possibilité de consacrer tout le temps voulu à l'étude des dossiers.
Je n'ai pas souvent abordé cette question, mais je vous dirai franchement que je suis incapable de justifier ce genre de choses [...]
Il ne pouvait pas justifier cela. Je ne peux pas justifier cela. Je ne vois absolument pas comment on pourrait justifier cela. Je mets quiconque au défi de le faire. En l'absence de toute justification légitimant le musellement du Parlement, et, par le fait même, du peuple canadien, je dois dire que, de mon point de vue, cette motion est indéfendable, et j'espère que certains des sénateurs de l'autre côté en conviendront.
(1600)
[Français]
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, la motion proposée par le leader adjoint du gouvernement ferait en sorte que le débat sur le projet de loi C-9 soit limité. J'ai peine à croire que les membres de ce gouvernement, qui se vantent d'être de fiers défenseurs de la liberté d'expression, puissent faire tout ce qui est permis, selon la procédure au Sénat, pour limiter le droit des sénateurs de l'opposition de s'exprimer, surtout lorsqu'aucun sénateur du côté du gouvernement ne prend la parole pour expliquer ou même défendre une telle motion d'attribution de temps.
À titre de sénateurs, nous avons le devoir d'examiner et, surtout, de débattre des projets de loi aussi fondamentaux que celui à l'étude. Au cours des derniers jours, j'ai reçu plusieurs courriels de citoyens de l'Alberta qui sont inquiets au sujet des dispositions du projet de loi C-9. Ils me demandent, ainsi qu'à nous tous, honorables sénateurs, de nous opposer aux changements que le gouvernement veut imposer à Postes Canada et à Énergie atomique du Canada limitée. Ces citoyens ont le droit d'être entendus et nous avons le devoir de les représenter.
Comme le soulignent deux citoyens de Lethbridge qui m'ont écrit la semaine dernière :
[Traduction]
Si une mesure législative donnée est digne d'intérêt, faisons-en un projet de loi distinct et jugeons-la à ce titre.
[Français]
De quoi le gouvernement a-t-il si peur pour qu'il fasse tout pour limiter le débat sur ce projet de loi? Nous pouvons ressentir la réticence de nos collègues conservateurs face au fait de tenir un débat libre en cette Chambre sur le projet de loi C-9.
Le sénateur Finley fait planer la menace d'élections si les amendements proposés par les sénateurs de l'opposition et exigés par la population canadienne sont adoptés par le Sénat. Cette tactique d'intimidation ne fonctionnera pas avec les sénateurs de l'opposition. Nous sommes ici pour faire notre devoir et représenter les Canadiens et les Canadiennes.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Tardif : Nous ne parlons pas ici d'un simple projet de loi d'à peine quelques pages; il s'agit plutôt d'un document de plus de 900 pages, qui, selon l'expert en procédure parlementaire Ned Franks, représente près de la moitié de la somme de tous les projets de loi adoptés pendant cette session parlementaire.
Je joins donc ma voix à celle des honorables sénateurs qui ont déjà pris part au débat sur cette motion. Je vous demande de réfléchir aux conséquences de l'adoption d'une telle motion. Je vous demande de ne pas appuyer cette tentative d'attribution de temps de la part du gouvernement.
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?
Le sénateur Tardif : Oui, bien sûr.
Le sénateur Dallaire : On a entendu les réformistes, de l'autre côté de cette Chambre, parler de la réforme de notre structure de gouvernance parlementaire. Une de leurs cibles est de nécessairement réformer le Sénat, car ils croient que le Sénat ne représente pas la population et n'a pas l'autorité morale ni « légale », du point de vue démocratique, de représenter la population, parce qu'il n'est pas élu. La Chambre des communes a dû se pencher avant le Sénat sur le même projet de loi de 900 pages; on ne lui a pas imposé de limite de temps pour le débat. Elle l'a fait de façon assez rapide.
Croyez-vous que, si on recréait un Sénat à l'image de la Chambre des communes, cela améliorerait le processus de gouvernance et de responsabilité vis-à-vis de la population, ou croyez-vous que le Sénat devrait plutôt demeurer indépendant dans son concept de représentation et aller au fond des choses quand il étudie des projets de loi, au lieu de tenter d'imiter la Chambre des communes et de mener ces études en vitesse, même si, à l'autre endroit, ils sont censés être plus responsables que nous, au Sénat?
Le sénateur Tardif : Je remercie le sénateur de sa question. Tout à fait, je crois que c'est le devoir du Sénat d'étudier les projets de loi en allant au fond des choses et que, justement, le Sénat a été créé pour apporter ce second regard sobre et représenter tous les Canadiens et les Canadiennes. Je crois que le Comité sénatorial permanent des finances nationales a réellement essayé de faire le travail que doit faire le Sénat. Il l'a fait avec assiduité, en prenant le temps nécessaire pour examiner les questions à fond, écouter la voix du peuple, les voix de toutes les personnes qui n'avaient pas eu la chance d'être entendues de l'autre côté.
Je crois que c'est la force du Sénat, sénateur.
[Traduction]
L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, je souhaite simplement dire quelques mots. Je vous promets d'être bref. Je vais également tenter d'être le moins partisan possible et de voir aussi les choses dans l'optique du gouvernement. J'imagine que, si les sénateurs conservateurs n'interviennent pas, c'est qu'ils veulent que la motion soit adoptée au plus vite.
Il y a une chose dans cette motion, une seule, qui me tracasse particulièrement. Ce n'est certainement pas la première en son genre dont nous avons été saisis au fil des ans. Partout au pays, le Sénat est reconnu pour le travail de ses comités. Tous les tribunaux et tous les organismes quasi judiciaires du Canada le reconnaissent sans cesse.
Alors que la plupart des gens regardent la télévision, je préfère de mon côté consulter les sites Quicklaw et WestlaweCARSWELL. Je tiens un registre des jugements où il est fait mention des sénateurs et du travail des comités dont ils font partie. Vous seriez étonnés du nombre de sénateurs ici présents qui ont été cités par l'un ou l'autre des tribunaux ou des organismes quasi judiciaires du pays, comme les commissions des relations de travail, des droits de la personne, etc. En fait, j'ai compilé aujourd'hui le résultat de mes recherches des deux derniers mois. J'aimerais vous en lire quelques extraits, mais je vais d'abord vous dire ce qui me trouble dans la façon de procéder du Sénat.
Dans tous les éléments que contient ce projet de loi, un seul n'a jamais fait l'objet d'aucun commentaire public. C'est quelque chose qui me tracassait sincèrement, mais aucun témoin n'est venu en parler, même si je sais que le comité a tenté d'en convoquer quelques-uns. Je félicite d'ailleurs tous les membres du comité. Ils ont fait un travail phénoménal, et je le dis sans aucune arrière-pensée partisane, honorables sénateurs.
À l'époque où j'étais ministre au sein du gouvernement fédéral, le gouvernement a présenté un projet de loi semblable à celui-ci, et il a été invalidé par les tribunaux. Or, voilà qu'on présente à nouveau l'élément qui me turlupine tant. En effet, la partie 14 fait des cabinets juridiques une entité à part entière aux termes de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Les cabinets juridiques — les avocats, leurs employés et leurs comptables.
(1610)
Tout d'abord, l'expression « cabinet juridique » est définie ainsi dans le projet de loi : « Entité qui exploite une entreprise fournissant des services juridiques au public ». « Entité » est mentionné dans chaque article et la partie se termine par ceci : « La présente partie n'a pas pour effet de porter atteinte au secret professionnel du conseiller juridique. »
Honorables sénateurs, en 2000, nous avons présenté cette loi — et, par « nous », je veux dire les députés. Nous avons eu des décisions de tribunaux presque immédiatement.
En 2002, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique se prononçait dans l'affaire Law Society (British Columbia) v. (Attorney General) Canada, comme on le trouve dans CarswellBC 160. Le titre de l'article contient ceci :
[...] Règlement sur les opérations douteuses soumettait les avocats à l'obligation de produire des rapports — la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada a présenté une pétition pour faire déclarer inconstitutionnelles et sans effet sur les avocats les parties de la loi et du règlement [...]
Une décision semblable a été rendue en Nouvelle-Écosse. Je vous cite la fin de la décision. Je n'ai pas la page titre, mais c'est une citation du paragraphe 85 d'une décision de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse :
J'ai examiné le remède [...] Je préfère le remède accordé par des tribunaux de la Colombie-Britannique et de l'Ontario.
J'accueille la requête et émet une ordonnance exemptant les avocats de la province pratiquant en Nouvelle-Écosse de l'application du [...] Règlement sur la déclaration des opérations douteuses — recyclage des produits de la criminalité [...]
Nous avons aussi une autre décision, rendue par la Cour supérieure de l'Ontario. En voici le paragraphe 108 :
[...] autorise une violation sans précédent du secret professionnel. Les questions constitutionnelles soulevées méritent un examen attentif [...] Les pétitionnaires demandent à être exemptés temporairement de la loi [...]
L'exemption a été accordée.
Mon argument, c'est que, lorsque vous recherchez la définition de « cabinet juridique » dans le Règlement sur la déclaration des opérations douteuses — recyclage des produits de la criminalité et financement des activités terroristes, que trouve-t-on après l'expression « cabinet juridique »? On trouve « [Abrogée, DORS/ 2003-102, art. 1] ». Mais je ne peux pas présenter d'amendement au projet de loi à l'étape de la troisième lecture parce que la motion m'en empêche.
Des voix : C'est une honte!
Le sénateur Baker : Voilà notre Règlement, et peut-être qu'il faudrait le modifier. Je crois que la procédure parlementaire au Sénat devrait prévoir une période des comités tout comme elle prévoit une période des questions, parce que c'est là que le travail est effectué et que plus de travail pourrait être fait. Toutefois, cette façon de procéder m'empêche de présenter un amendement si le comité ne l'a pas fait.
Afin de montrer aux nouveaux sénateurs l'importance du Sénat et des comités sénatoriaux, il y a quelques instants, j'ai étudié certaines décisions rendues depuis deux ou trois mois. Voici une décision rendue en 2010 par la Cour fédérale dans l'affaire CarswellNat 420. Toute la décision porte sur le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Paragraphe après paragraphe, on cite les travaux, les rapports et les membres du comité.
Quant à la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick, elle cite un sénateur conservateur qui présentait un projet de loi d'initiative ministérielle. Il est important de souligner que la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick a cité ce sénateur.
Le paragraphe 34 de la décision dans l'affaire LeBlanc et Steeves c. R. cite le juge Rochette, de la Cour d'appel du Québec. Le prochain paragraphe dit ceci : « Devant le Sénat, le sénateur parrainant le projet de loi ajoutait, dans le même esprit [...] ». Vous voyez là l'importance du Sénat.
Voici une décision qui cite le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie — il s'agit tous de rapports de 2010 — et qui compare le rapport du comité à ce que la Cour suprême du Canada a dit. Voici ce que dit le paragraphe 76 :
Il est incontestable que les sénateurs trouvaient que le seuil de 40 p. 100 est beaucoup plus juste pour le payeur dans la mesure où il élargit les arrangements d'accès davantage que le seuil « essentiellement égal ».
Le prochain paragraphe dit ceci :
Abordant la même question dans l'affaire Contino, le juge Bastarache, s'exprimant au nom de la majorité [...]
Imaginez cela. Un sénateur présente un projet de loi ici au Sénat et dit quelque chose et ensuite ses propos sont cités par cette cour d'appel et comparés à ce que la Cour suprême du Canada a dit.
Si on m'accordait trois minutes de plus, je pourrais terminer, Votre Honneur.
Son Honneur le Président : Est-on d'accord?
Des voix : Cinq minutes.
Le sénateur Baker : Passons aux deux derniers exemples que je trouve intéressants. On fait mention du Comité sénatorial permanent des droits de la personne et du Comité sénatorial permanent des finances nationales, dont fait tous deux partie le sénateur Andreychuk, dans une décision de 2010, Hall et al. et l'Association canadienne des agents financiers c. le Conseil du Trésor. On peut lire le passage suivant au paragraphe 44 :
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne [...], dans son troisième rapport daté du 11 juin 2009, a reconnu qu'il existe un lien entre l'équité salariale et la classification. Il recommande que [...]
À la page suivante, on trouve les « Délibérations du Comité sénatorial permanent des finances nationales ». La présidente du comité est une ancienne juge qui a rendu des décisions. Or, voilà maintenant que des rapports qu'elle présente au Sénat sont utilisés dans des décisions.
On cite le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Une section complète reprend les propos du sénateur Ringuette dans le cadre de questions et de réponses. Madame le sénateur aimerait peut-être avoir une copie du document. Le sénateur Campbell est cité aussi.
Des voix : Oh!
Le sénateur Baker : Voilà, honorables sénateurs : c'est dans 2010 CarswellNat 718. On cite le passage suivant au paragraphe 34 :
Le comité sénatorial cuisine le président de l'ASFC.
Le sénateur Campbell, à M. Alain Jolicoeur : Très respectueusement, vous vous défilez. Je suis nouveau au sein de ce comité et je n'en crois pas mes oreilles. Je n'arrive pas à croire ce que j'entends. Est-ce que nous prenons au sérieux le terrorisme et les gens qui entrent chez nous illégalement? Vous ne pouvez pas vous défiler en disant qu'il y a des centaines d'endroits où les gens peuvent entrer au pays. Je sais bien qu'il y a des centaines d'endroits. Mais c'est vous qui êtes responsable des postes frontaliers. Quand vous êtes venu ici en octobre, vous nous avez dit qu'il n'y avait aucun registre indiquant combien de personnes forçaient le passage à la frontière. Maintenant, nous avons le chiffre de 1 600. D'où sort-il?
Des voix : Bravo!
Le sénateur Mercer : Bien joué, sénateur Campbell.
Le sénateur Campbell : Je n'étais pas à mon meilleur.
Le sénateur Baker : C'était il y a tout juste un mois.
Le sénateur Stratton : Le sénateur est « nouveau »?
Le sénateur Baker : Enfin, je lirai la citation suivante aux sénateurs afin que ceux qui siègent aux comités et qui rédigent des rapports apprennent la durabilité de leur contribution. J'ai trouvé l'affaire R c. Caron, Cour du banc de la reine de l'Alberta. Au paragraphe 98, on cite un sénateur que je ne connais pas, qui dit ce qui suit :
Certains amendements sont acceptés [...] Le sénateur Girard propose un amendement sur les droits linguistiques [...]
Puis, il est écrit « Débats du Sénat du Canada, session 1877 ». Il y a 140 ans, la Cour du banc de la reine de l'Alberta a utilisé le hansard du Sénat dans un jugement qu'elle a rendu. C'est peut-être une consolation pour les sénateurs, qui pourront se dire que, dans 140 ans d'ici, il est bien possible que leurs comités soient cités.
(1620)
Honorables sénateurs, tout cela pour dire que les comités de la Chambre des communes sont cités de temps à autre. Toutefois, nos tribunaux et nos organismes quasi judiciaires comptent sur le Sénat et sur ses comités. Ce qui se passe dans ces comités est extrêmement important pour notre démocratie, nos tribunaux et nos organismes quasi judiciaires. C'est la raison pour laquelle je crois que nous devrions avoir, dans le cadre de nos affaires courantes, une rubrique consacrée à ce qui se passe dans les comités. Ainsi, on ne pourrait plus nous empêcher de proposer une motion d'amendement à l'étape de la troisième lecture d'un projet de loi.
L'honorable Wilfred P. Moore : L'honorable sénateur Baker accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Baker : Oui.
Le sénateur Moore : Dans la mesure où, dans toute province, les avocats font les études nécessaires et prêtent serment en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires, le sénateur a-t-il des observations à formuler au sujet du bien-fondé de la disposition qu'il a mentionnée par rapport à l'important rôle qu'ils jouent à titre d'officiers de justice?
Le sénateur Baker : Absolument, honorables sénateurs. Un procureur de la Couronne joue un rôle spécial, non seulement à titre d'officier de justice, mais aussi à titre de personne qui peut à l'occasion donner directement des avis, à l'instar d'un juge.
Il faut bien se dire qu'un cabinet d'avocats est soumis à des vérifications. Il doit fournir des renseignements à Revenu Canada. Les comptes en fiducie jouent un rôle de premier plan dans un cabinet d'avocats. Dans la loi, on se limite à dire que le secret professionnel de l'avocat prévaudra, mais nous savons tous que ce secret professionnel ne couvre que les communications entre l'avocat et le client, les conseils directs donnés et les paiements effectués.
Toutefois, le fait de faire peser des soupçons sur chaque employé d'un cabinet d'avocats — il ne s'agit pas simplement d'une perception, et vous savez qu'il y a une énorme différence à cet égard — quand il représente des gens accusés d'infractions n'est sûrement pas souhaitable.
Je ne blâme pas le gouvernement, car cela s'est déjà produit auparavant, en 2000. Je faisais alors partie du gouvernement, à titre de ministre. Toutefois, il y a des choses qui arrivent. Le gouvernement ne rédige pas lui-même les lois. Elles sont souvent issues de tables rondes, de provinces, d'autorités juridiques, de services de police, etc. Des décisions sont prises au ministère de la Justice, puis sont intégrées dans la loi. Les ministres ne sont pas toujours au courant. Voilà pourquoi les comités du Sénat sont tellement importants.
L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, la motion qui nous a été présentée aujourd'hui m'inquiète. Nous avons des gens qui suivent nos délibérations à la tribune et d'autres qui nous écoutent ailleurs. Ce dont nous sommes témoins aujourd'hui, c'est une tentative de museler le Parlement, museler les représentants des Canadiens d'un océan à l'autre et, partant, museler les Canadiens eux-mêmes. La population du Canada veut pouvoir s'exprimer. Des milliers de Canadiens l'ont fait dans des messages électroniques, des lettres et des appels téléphoniques que nous avons tous reçus sur d'importants sujets tels que Postes Canada et la suppression de son monopole sur le courrier étranger.
En même temps, le public canadien n'est pas, en général, au courant du fait que l'actuelle présidente de Postes Canada quittera son emploi — la date est vraiment curieuse car c'est le 14 juillet, anniversaire de la prise de la Bastille et du sénateur Munson — pour aller travailler ailleurs. Savez-vous pour qui? Elle ira travailler pour l'un de nos principaux concurrents pour ce qui est du courrier étranger, la Poste royale britannique. Je me pose des questions à ce sujet. J'aimerais disposer de plus de temps pour en parler.
Lorsque le présent gouvernement est arrivé au pouvoir, le Canada était au premier rang des producteurs d'isotopes médicaux et en exportait un peu partout dans le monde. Ensuite, grâce à la « bonne gestion », à l'« excellente gestion » de Stephen Harper et de ses amis, c'est nous qui devons aller acheter nos isotopes médicaux chez les autres.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Mercer : Nous avons dépensé des millions de dollars pour essayer de rétablir la production à Chalk River, mais nous ne produisons toujours pas les quantités d'isotopes dont nous avons besoin.
Nous allons maintenant aborder le sujet favori du sénateur Mitchell, la protection de l'environnement et les lois environnementales.
Le sénateur Mitchell : Merci.
Le sénateur Mercer : Ce projet de loi démolit la législation environnementale comme nul autre. Je ne crois pas qu'il existe un pays occidental qui ait adopté ce genre de mesures législatives. Bien sûr, le gouvernement et tous ces conservateurs de ce côté-là, dont — vous l'aurez probablement remarqué — aucun n'a pris la parole aujourd'hui, veulent empêcher le débat sur ces importantes questions. Les Canadiens s'en souviendront. Les sénateurs de ce côté-ci feront de leur mieux pour qu'ils s'en souviennent.
En fait, les sénateurs peuvent venir demain devant les édifices du Parlement assister au lancement de notre tournée canadienne. La tournée commencera demain sous la direction de mon bon ami, Michael Ignatieff, chef de l'opposition officielle à la Chambre des communes. Il veut notamment expliquer aux Canadiens de quelle façon le gouvernement a interrompu le débat sur d'importantes questions auxquelles le public s'intéresse beaucoup.
Des voix : Non!
Des voix : C'est honteux!
Le sénateur Mercer : Selon certains sondages, il paraît que les conservateurs seraient considérés comme de meilleurs gestionnaires que les libéraux.
Des voix : Bravo!
Des voix : Oui!
Le sénateur Mercer : Ce qui est vraiment ahurissant, c'est qu'il y a encore des gens qui le croient.
Le sénateur Campbell : On aura tout vu!
Le sénateur Mercer : Considérez le déficit : 15 millions, et ce n'est pas fini. Voilà une bonne gestion. Nous avons des records de chômage. Encore un autre indice de bonne gestion. Nous avons des projets de loi qui démolissent la protection de l'environnement. Qu'adviendra-t-il de Postes Canada, honorables sénateurs? Le gouvernement compte-t-il supprimer la distribution rurale la prochaine fois qu'il voudra faire des économies?
Les gens du Canada rural s'en souviendront. La distribution rurale est une chose extrêmement importante dans le Canada rural. Je puis en témoigner puisque j'y ai résidé pendant un certain temps.
Une voix : Surveillez vos arrières.
Le sénateur Mercer : En fait, tout va très bien de ce côté!
Des voix : Bravo!
Le sénateur Mercer : Honorables sénateurs, je ne prendrai pas beaucoup plus de votre temps.
Des voix : Mais non, vous pouvez continuer.
Le sénateur Mercer : Nous avons fait attention. Et c'est le cas d'un nombre croissant de Canadiens. Nous nous en souviendrons.
Des voix : Bravo!
L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, il n'est pas facile de prendre la suite de mes deux collègues du Canada atlantique.
Le sénateur Tkachuk : Vous n'êtes pas du tout obligée de le faire.
Le sénateur Eaton : Vous pouvez vous rasseoir.
Le sénateur Ringuette : Je vais quand même le faire parce que je sais que le sénateur Tkachuk aime beaucoup m'entendre présenter mon point de vue de Néo-Brunswickoise.
Le sénateur Tkachuk : Mais je vous en prie.
Le sénateur Ringuette : J'ai écouté attentivement mon collègue, le sénateur Day.
Le sénateur Mercer : Joe le leader.
(1630)
Le sénateur Ringuette : Je voudrais rappeler aux honorables sénateurs que le sénateur Joe Day, le sénateur Catherine Callbeck et moi avons le privilège d'être membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Nous avons écouté ce que les témoins avaient à nous dire sur le projet de loi C-9, nous leur avons posé des questions et nous avons écouté leurs réponses. Les 12 membres du comité ont eu le privilège et la possibilité de voter sur les enjeux relatifs au projet de loi C-9.
Honorables sénateurs, à cause de cette motion, 93 sénateurs ne pourront plus présenter de motion, jamais.
Une voix : Nous avons lu le projet de loi, vous savez.
Le sénateur Ringuette : Honorables sénateurs, le Sénat est la Chambre de second examen objectif, et je considère que notre mandat constitutionnel est aujourd'hui bafoué.
Il y a une chose qui revient constamment dans le débat sur l'attribution de temps. Les sénateurs se rappelleront l'époque où nous avons reçu le projet de loi C-9 et où nous l'avons nous-mêmes renvoyé au comité. Juste avant ça, au début mai, le président du comité a proposé de faire une étude préalable. Une démarche qui n'a rien d'exceptionnelle en soi. Or, le gouvernement a refusé. Selon moi, c'était la première fois que du temps était attribué.
Honorables sénateurs, au début des audiences sur le projet de loi C-9, nous avions prévu demander aux représentants du ministère de nous en expliquer les 24 parties et de leur poser ensuite des questions. Cependant, aussitôt qu'ils ont eu terminé leurs explications, après le premier groupe de témoins, les sénateurs du parti au pouvoir ont commencé à dire que nous faisions de l'obstruction, ce qui constitue de leur part une autre forme indue d'attribution de temps.
Honorables sénateurs, quatre éléments du projet de loi C-9 me tracassent particulièrement : Énergie atomique du Canada limitée, Postes Canada, les évaluations environnementales et la rétroactivité relative à la TPS. Ce dernier point est carrément antiparlementaire, car les citoyens canadiens qui ont payé de la TPS sur une transaction commerciale donnée ou parce qu'ils ont reçu des conseils financiers ne pourront pas se faire rembourser, alors que ceux qui n'ont pas payé de TPS n'auront rien à débourser. Un bel exemple de discrimination, comme je l'ai fait valoir auprès du comité. On ouvre tout grand la porte aux recours collectifs.
Pour en revenir à l'attribution de temps, en 2007, le gouvernement Harper a entamé le processus devant mener à la vente d'Énergie atomique du Canada limitée. L'an dernier, il a demandé à Rothschild Canada, qui a été payée pour ce faire, de vendre l'organisation en tout ou en partie; semble-t-il que ce sera au complet. Le gouvernement le savait depuis un an, mais il n'a jamais présenté de mesure législative.
Si les sénateurs envisagent l'attribution de temps en pensant à Postes Canada, on se rappelle qu'en 2007, le gouvernement a présenté le projet de loi C-14, qui a été renvoyé à un comité de la Chambre des communes. Ce projet de loi ne s'est jamais rendu plus loi que l'étape de l'étude en comité. Puis, en 2008, le gouvernement a déclenché des élections. Il a présenté le projet de loi C-44, mais ce dernier est resté au Feuilleton. C'était toute une urgence. Le projet de loi C-44 n'a même pas été renvoyé à un comité.
Honorables sénateurs, pourquoi soumettre le projet de loi à une motion d'attribution de temps? L'attitude adoptée par le gouvernement consiste à bâillonner le Parlement et notre pays.
Honorables sénateurs, les derniers témoins qui se sont présentés devant notre comité étaient les représentants du ministère des Finances. Les sénateurs doivent savoir que le contenu du discours du budget et le contenu du projet de loi C-9 ne sont pas équivalents. En effet, certains points abordés dans le discours du budget ne se trouvent pas dans les 900 pages de l'actuel projet de loi C-9. Méfiez-vous, honorables sénateurs, car lorsque nous siégerons de nouveau à l'automne, tout comme l'année dernière, le gouvernement se servira de projets de loi omnibus sur l'exécution du budget pour faire avaler sa politique au Parlement et à tout le Canada. Ce n'est pas la bonne façon de faire les choses.
Honorables sénateurs, je comprends la politique, les orientations, le mandat du gouvernement et le rôle de l'opposition, mais je crois fermement que nous ne sommes pas ici pour notre satisfaction personnelle. Notre rôle consiste à représenter les Canadiens. Nous sommes ici pour les écouter.
Cette attribution de temps, qui empêche les Canadiens de savoir ce que le gouvernement planifie, est répréhensible. Elle empêche tous les sénateurs, mais en particulier 93 sénateurs, de proposer tout amendement à ce projet de loi extrêmement important.
Honorables sénateurs, les enjeux entourant EACL et Postes Canada ont un lien direct sur plus de 200 000 emplois au Canada. Comment pouvons-nous discuter de ces questions, sans amendement, pendant six heures seulement? Pour ma part, je pourrais en parler pendant six mois, honorables sénateurs.
Le sénateur Mercer : Encore, encore!
Le sénateur Ringuette : Honorables sénateurs, je sais que je suis un bourreau de travail, et je ne m'en inquiète pas outre mesure. J'adore travailler. Je suis au service des Canadiens depuis 23 ans en tant que politicienne — désolée, le sénateur voudrait-il dire quelque chose?
Le sénateur Munson : On les muselle.
Le sénateur Ringuette : Voilà exactement où est le problème. Quoi qu'il arrive dans le parti d'en face, du moins de ce côté-ci, mes collègues ont toujours eu le droit d'exprimer le fond de leur pensée sur des questions d'importance pour les Canadiens, et je plains tous les sénateurs du côté ministériel.
L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots sur le sujet moi aussi.
Toute cette motion qui vise à limiter le débat me semble presque antidémocratique. Je considère comme un honneur et un privilège d'avoir été nommée au Sénat. À titre de femme, d'Autochtone et de membre des minorités visibles — parce que j'ai également des racines chinoises —, je n'ai pas eu la liberté de m'exprimer durant la plus grande partie de ma vie par peur des réactions défavorables. Cependant, ici, en tant que sénateur, et pour la première fois de ma vie, j'ai l'impression de pouvoir prendre la parole et de dire ce que je pense sans craindre quoi que ce soit. Je ne comprends pas pourquoi les sénateurs d'en face ne se prévalent pas de ce privilège.
(1640)
En limitant le débat, tout ce que vous faites, c'est de vous bâillonner vous-mêmes. De ce côté-ci, nous sommes les seuls à prendre la parole. Vous faites preuve de condescendance envers les citoyens canadiens en ne prenant pas la parole pour expliquer pourquoi vous souhaitez que cette motion soit adoptée. Les citoyens canadiens ont le droit de savoir ce que vous pensez, mais vous ne faites rien pour qu'ils le sachent. C'est insensé. Je trouve tout simplement ahurissant que vous n'ayez absolument rien à dire. C'est un honneur et un privilège d'être ici, et les citoyens canadiens veulent connaître votre point de vue.
Des voix : Le vote!
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, tout cet éventail de motions — clôture, bâillon, question préalable, peu importe le nom qu'on leur donne — me donne du fil à retordre. Je dirais que je m'oppose profondément à l'idée de limiter la durée des débats. Je crois que, de par leur nature même, le Sénat et la Chambre des communes sont des endroits où l'on doit débattre des idées et prendre des décisions. Je suis toujours réticente à l'idée de voter contre un sénateur qui présente une motion d'ajournement du débat, et la motion dont nous sommes saisis appartient à la catégorie des motions qui, en raison de leur nature inhérente, sont, à mon avis, répréhensibles.
Honorables sénateurs, l'autre point que j'aimerais faire valoir est sobre et bénin. Peut-être est-ce une question d'antécédents ou de formation? Je crois fermement que, lorsqu'on pense avoir raison d'agir de telle ou telle façon, on devrait défendre, expliquer et préciser son point de vue, de telle sorte que tout soit bien clair. J'ai déjà vu des motions rédigées plus clairement que celle dont nous sommes saisis aujourd'hui. Il me semble qu'on nous doit quelques explications afin que les générations à venir puissent bien comprendre pourquoi cette motion a été présentée. Je ne doute pas que les auteurs de cette motion aient de bonnes raisons d'agir ainsi; toutefois, je crois simplement qu'ils devraient les exposer clairement aux sénateurs.
En tout cas, honorables sénateurs, je pense qu'un de ces jours peut-être, nous devrions débattre du phénomène que constitue cette famille de motions, du bâillon et de tout le reste. Avant, on parlait de « motions de clôture ». C'est très malheureux que nous ayons fini par choisir cette voie. Au bout du compte, nous aurons consacré à peu près le même temps à l'étude de ce projet de loi, peu importe la méthode retenue.
Je vous remercie, honorables sénateurs.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Comeau, avec l'appui de l'honorable sénateur Eaton, propose que, conformément à l'article 39 du Règlement, une seule période de... Puis-je m'abstenir?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : La motion est la suivante :
Que, conformément à l'article 39 du Règlement, une seule période de six heures de débat de plus, au total, soit attribuée pour disposer à la fois des étapes du rapport et de la troisième lecture du projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures;
Que, si le débat à l'étape du rapport prend fin avant l'expiration des six heures, le Président mette aux voix sur-le-champ et à la suite, conformément à l'article 39(4) du Règlement, toutes les questions nécessaires pour disposer de l'étape du rapport;
Que, si le débat de troisième lecture prend fin avant l'expiration des six heures, le Président mette aux voix sur-le-champ et à la suite, conformément à l'article 39(4) du Règlement, toutes les questions nécessaires pour disposer de la troisième lecture;
Qu'à la fin des six heures de débat, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours et mette aux voix sur-le-champ et à la suite, conformément à l'article 39(4) du Règlement, toutes les questions nécessaires pour disposer de l'étape du rapport, si nécessaire, et de la troisième lecture.
Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.
Et deux honorables sénateurs s'étant levés :
Son Honneur le Président : Un vote par appel nominal est nécessaire. La sonnerie retentira pendant une heure, ce qui signifie que le vote aura lieu à 17 h 45, sauf si les whips en décident autrement.
Les whips n'en ayant pas décidé autrement, la sonnerie retentira pendant une heure. Le vote aura lieu à 17 h 45.
Ai-je la permission de quitter le fauteuil?
Des voix : D'accord.
(1740)
(La motion, mise aux voix, est adoptée.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk | LeBreton |
Angus | MacDonald |
Ataullahjan | Manning |
Boisvenu | Marshall |
Braley | Martin |
Brazeau | Meighen |
Brown | Mockler |
Champagne | Nancy Ruth |
Cochrane | Neufeld |
Comeau | Ogilvie |
Di Nino | Oliver |
Dickson | Patterson |
Duffy | Plett |
Eaton | Poirier |
Finley | Raine |
Fortin-Duplessis | Rivest |
Frum | Runciman |
Gerstein | St. Germain |
Greene | Seidman |
Housakos | Stewart Olsen |
Johnson | Stratton |
Kinsella | Tkachuk |
Kochhar | Wallace |
Lang | Wallin—48 |
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Baker | Lovelace Nicholas |
Callbeck | Mahovlich |
Campbell | Massicotte |
Chaput | McCoy |
Cools | Mercer |
Cordy | Merchant |
Cowan | Mitchell |
Dallaire | Moore |
Dawson | Munson |
Day | Murray |
Downe | Pépin |
Dyck | Peterson |
Eggleton | Poulin |
Fraser | Poy |
Furey | Ringuette |
Harb | Robichaud |
Hervieux-Payette | Rompkey |
Hubley | Stollery |
Jaffer | Tardif |
Lapointe | Watt |
Losier-Cool | Zimmer—42 |
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Aucun. |
(1750)
Rejet du sixième rapport du Comité des finances nationales
Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales sur le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures, présenté au Sénat le 8 juillet 2010.
L'honorable Joseph A. Day propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, je ne sais pas de combien de temps je dispose, mais je vais tenter de respecter l'article 99, selon lequel je dois expliquer les amendements contenus dans le rapport que le Comité sénatorial permanent des finances nationales a remis au Sénat. L'étape du rapport, sénateurs, n'a lieu que s'il y a des amendements au projet de loi. Sinon, nous passons d'habitude directement à l'étape de la troisième lecture.
Il y a quatre amendements différents, sénateurs. Le premier vise l'article 55 de la partie 2, qui porte sur la rétroactivité à l'année 1990 de la Loi sur la taxe d'accise. Le second vise la partie 15, qui concerne Postes Canada et les entreprises de repostage. Le troisième vise la partie 18, qui concerne la vente, la fusion, la réduction progressive et la fermeture d'une partie ou de la totalité d'Énergie atomique du Canada limitée. Quant au dernier, il vise la partie 20, qui porte sur la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Honorables sénateurs, je vais tenter, dans le temps qui m'est imparti, de vous expliquer pourquoi ces amendements font partie du rapport que le Comité sénatorial permanent des finances nationales a renvoyé au Sénat.
Les sénateurs savent qu'une des approches utilisées par le comité est de tenter de remanier un projet de loi afin qu'il atteigne l'objectif visé. C'est ce que le comité a tenté de faire avec le projet de loi C-2. Quand le rapport a été renvoyé, il y avait 180 amendements proposés par le comité. Les sénateurs seraient peut-être surpris de savoir que le Sénat a approuvé 90 de ces 180 amendements, mais c'est quelque chose d'inhabituel. L'approche que nous avons prise dans le cas présent — même s'il aurait pu y avoir beaucoup plus d'amendements que les quatre dont je veux parler — est d'expliquer les problèmes que nous avons avec cette mesure législative et cette pratique consistant à tout inclure dans une mesure législative, pratique qui empire chaque année. Nous voulons souligner, à l'aide d'exemples évidents, les aspects du projet de loi qui démontrent que ces dispositions ne devraient pas se trouver dans un projet de loi d'exécution du budget. Elles devraient plutôt se trouver dans un projet de loi distinct afin que nous puissions les étudier.
Honorables sénateurs, notre comité propose quatre amendements. Je veux d'abord remercier le vice-président du comité, le sénateur Gerstein, et l'autre membre du comité directeur, le sénateur Neufeld, ainsi que tous les sénateurs qui ont participé aux audiences du comité sur ce projet de loi, qui ont duré un mois. Plus de 24 sénateurs différents ont siégé à un moment ou à un autre pendant ces audiences sur le projet de loi C-9. Les sénateurs qui étaient là savent que, à de nombreuses reprises, je leur ai rappelé que ce projet de loi comportait 900 pages, plus de 2 200 articles et 24 parties différentes.
Je veux remercier les sénateurs qui ont pu participer à ces audiences. Leur travail acharné et leur assiduité à l'égard de cette mesure législative d'exécution du budget, vaste et sans précédent, sont appréciés.
Honorables sénateurs, il est important que nous fassions le point et analysions pourquoi un projet de loi est renvoyé à un comité. Quelle est la fonction du comité et quel est notre rôle? Nous devons d'abord comprendre l'objectif stratégique du gouvernement qui présente le projet de loi ainsi que le besoin que comble le projet de loi. Nous voulons savoir pourquoi le projet de loi est présenté. Cet objectif peut aussi être exprimé en répondant à la question suivante : quelles sont les conséquences prévues du projet de loi?
Honorables sénateurs, ce que nous cherchons, et que nous tentons d'éviter, ce sont les conséquences imprévues. Pour éviter ces conséquences, nous devons comprendre le contenu de la mesure législative. Nous devons savoir si des consultations préalables ont été effectuées, et dans quelle mesure, dans les domaines où les effets de la mesure législative seront les plus marquants. Nous devons faire l'étude la plus exhaustive possible, effectuée par le comité le plus qualifié pour cette tâche.
(1800)
Honorables sénateurs, lorsqu'un projet de loi comprend divers sujets, si nous le renvoyons en entier à un seul comité, les gens qui l'étudieront ne seront peut-être pas ceux qui sont les plus qualifiés pour comprendre ses répercussions sur d'autres mesures législatives.
De façon générale, il s'agit d'un affront à notre institution que de nous soumettre une mesure législative lorsqu'il est évident qu'un seul comité — en fait que le Sénat en entier — ne peut pas étudier cette mesure adéquatement, ni de la façon dont on s'attend à ce que nous le fassions, dans les délais dont nous disposons.
Honorables sénateurs, à la fin des 61 heures d'audience, nous avons dû convoquer un témoin pour examiner de nouveau le tout. Nous avons invité M. Ned Franks, qui a comparu devant des comités parlementaires par le passé. Il a émis de nombreuses observations judicieuses. Il a dit que nous avions fait notre travail et étudié chacune des parties. Il a mentionné que nous avions entendu les intervenants du gouvernement, les gens visés et les ministres. Il a signalé qu'il allait nous donner une vue d'ensemble, et non aborder une à une les dispositions parce qu'on pouvait faire cela plus tard, aux étapes du rapport et de la troisième lecture.
Il a ensuite fait les observations suivantes :
Le projet de loi C-9, un amalgame de 883 pages de mesures législatives variées sans aucun lien entre elles, est le symptôme d'une maladie dont souffre notre système parlementaire.
C'est un professeur de l'Université Queen's extrêmement réputé. Il a ensuite dit ce qui suit :
C'est une conséquence d'un Parlement dont le processus d'examen et d'adoption des lois est bien près d'être dysfonctionnel, et ce, depuis les 40 dernières années, voire davantage.
Il n'y a pas de meilleur exemple que la réforme parlementaire, honorables sénateurs, pour illustrer cette observation.
Il a ajouté ceci :
Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-9 devrait représenter, en longueur, au moins la moitié des lois adoptées . . .
— par le Parlement cette année.
À elles seules, les mesures législatives regroupées en un seul projet de loi, remis à un seul comité aux fins d'étude, représentent, au moins, la moitié de tous les projets de loi adoptés par le Parlement — par les deux Chambres — cette année. M. Franks a mis en évidence pour nous une tendance qui prend de plus en plus d'ampleur, à savoir le fait d'inclure de plus en plus de mesures législatives dans un seul projet de loi d'exécution du budget, qu'on étudie ensuite à toute vapeur, puis de présenter un autre projet de loi fourre-tout d'exécution du budget. Je crois que le point de vue de M. Franks est révélateur de ce qui se passe. M. Franks ajoute encore ce qui suit :
À bien des égards, ces projets de loi omnibus d'exécution du budget paralysent le processus législatif [...] C'est la mauvaise marche à suivre, et la situation empire d'année en année..
M. Franks nous a dit ce qui suit :
Les lois régissent les activités du gouvernement en établissant pour les citoyens et le gouvernement ce que ce dernier peut faire ou non. Lorsqu’elles sont adoptées, les lois du Parlement sont les documents de base qui empêchent que la démocratie se transforme en despotisme. Les lois sont si fondamentales et importantes pour notre système fondé sur la primauté du droit et la démocratie qu’elles doivent faire l’objet d’un examen minutieux et attentif de la part du Parlement et de la population.
C'est pourquoi nous, les sénateurs, ne sommes pas à l'aise lorsque nous voyons des projets de loi qui permettent à peu près tout — même des choses que nous ne pouvons pas imaginer — et qui donnent carte blanche au pouvoir exécutif sans le soumettre à une surveillance et sans possibilité d'examen. Le gouvernement nous demande de lui faire confiance en disant qu'il n'a pas l'intention d'aller aussi loin que nous le craignons.
Le sénateur Mahovlich a demandé si nous irions aussi loin. « Faites-nous confiance. » Est-ce la voie que nous voulons emprunter, comme l'a demandé le professeur Franks? C'est le thème général de bien des parties du projet de loi C-9. Selon les principes de rédaction des lois, un projet de loi devrait porter sur un seul sujet ou thème et être présenté au Parlement sous une forme permettant un débat concentré lors de l'examen au comité. Le professeur Franks a déclaré ceci :
Les projets de loi ne devraient pas obliger le Parlement à procéder à un vote sur un ensemble de politiques non reliées où le Parlement pourrait vouloir appuyer certaines de ces mesures, mais en rejeter d’autres.
À mon avis, les récentes lois d'exécution du budget violent ces principes.
Honorables sénateurs, cela me rappelle les mesures législatives dont on aime certaines parties tout en en détestant d'autres. Je vous ramène aux Débats du Sénat de mars 2002. Je vous cite une déclaration du seul et unique sénateur Kinsella :
[...] j'ai appuyé le Fonds canadien pour l'Afrique, mais je n'appuie pas le droit [...] pour la sécurité du transport aérien.
Si nous débattons maintenant du principe du projet de loi, quel est donc ce principe?
Honorables sénateurs, il s'agissait d'un débat sur le projet de loi C-49, qui était un projet de loi d'exécution du budget dont une partie était bien comprise et appuyée alors que l'autre partie, qui portait sur un droit, une taxe ou des frais pour la sécurité aérienne était contestée. C'est le problème avec les projets de loi omnibus, honorables sénateurs. On peut vouloir en appuyer une partie, mais s'opposer à une autre.
En passant, ce projet de loi C-9 propose une augmentation de 52 p. 100 du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien.
Le sénateur Moore : Combien?
Le sénateur Day : Une augmentation de 52 p. 100 du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien.
Le sénateur Dawson : Son Honneur avait raison.
Le sénateur Day : Honorables sénateurs, j'aimerais maintenant, si vous m'en donnez la permission, passer en revue les quatre dispositions que nous avons amendées et expliquer ces modifications. Il est de mon devoir de fournir ces explications.
Le premier amendement est technique. Il traite de la taxe sur les produits et services, la TPS, qui doit être perçue et remise au gouvernement par les gens qui fournissent des services financiers. Certaines personnes qui fournissent de tels services — il y a une définition de « service financier » — ont lu la mesure législative et ont déterminé, avec leurs conseillers juridiques et d'autres conseillers, qu'elles n'avaient pas à payer cette taxe. D'autres étaient d'avis, selon leurs échanges avec Revenu Canada et d'autres, qu'elles devaient la payer. Enfin, quelqu'un a dit qu'il fallait démêler tout cela et s'est adressé aux tribunaux, qui ont tranché en faveur de la définition plus générale de « fournisseur de services financiers » et ont dit qu'aucune de ces personnes n'avaient à payer cette taxe, que c'était écrit noir sur blanc et que c'était leur interprétation.
Comme principe de droit, c'est écrit là. Ce n'est pas une nouvelle interprétation; c'est la formulation de l'interprétation de la loi à partir de 1990.
Puis, Revenu Canada a dit ceci : « Cela ne va pas du tout. Nous perdrons beaucoup d'argent. Nous voulons qu'une certaine catégorie de personnes qui fournissent des services financiers perçoivent la taxe auprès de leurs clients et nous la remettent. »
Le gouvernement a tenté de modifier la loi, mais ce fut la confusion immédiate sur le marché parce que personne n'avait été préalablement consulté. Certains ont fait savoir à Revenu Canada qu'ils ne comprenaient pas la loi, notamment l'Association du Barreau canadien et des personnes qui font fonction de mandataires. Ils ont déclaré que la loi n'était pas claire. Un bulletin d'interprétation a été publié.
(1810)
Comme quelqu'un se lève au bureau du greffier, je présume que je ne dispose pas, comme je le croyais, des 45 minutes que me permettait mon interprétation de l'article 99 du Règlement. Êtes-vous du même avis, Votre Honneur?
Son Honneur le Président : Oui.
Le sénateur Day : Puis-je demander cinq minutes de plus?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Day : Honorables sénateurs, deux bulletins d'interprétation ainsi qu'une publication de Revenu Canada ont été publiés dans le but d'expliquer à la population une mesure législative que Revenu Canada et le ministère de la Justice jugent très claire. Il y a une décision judiciaire à cet égard qui ne leur plaît pas. Deux bulletins d'interprétation ont été publiés depuis qu'ils essaient de modifier la loi.
Qu'ont-ils prévu dans cette mesure législative? Ils accordent le droit de revenir en 1990 et d'exiger que l'argent des gens qui n'ont pas payé leur dû soit collecté et versé au gouvernement. Où trouveront-ils leurs clients, maintenant?
Ils disent qu'ils ne feront pas cela, mais ils veulent pouvoir obliger les gens à revenir en arrière aussi loin que possible. Honorables sénateurs, ce procédé n'est pas acceptable dans le domaine des lois fiscales. Il est acceptable de tenir compte de l'avenir, mais pas de revenir 10 ou 20 ans en arrière.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Day : Honorables sénateurs, j'ai une lettre du GST Leaders' Forum de 2010 qui dit exactement la même chose.
Le sénateur Mitchell : Mais ces gens-là aiment les taxes.
Le sénateur Day : De l'avis de l'Association du Barreau canadien, cet article doit être rayé du projet de loi C-9. L'Association du Barreau canadien a affirmé que cette mesure était inacceptable, honorables sénateurs.
J'aimerais maintenant parler de la Société canadienne des postes. On m'a dit, à maintes reprises, qu'il n'y a, dans ce projet de loi très volumineux de plusieurs dizaines de milliers de mots, que 20 mots qui concernent la Société canadienne des postes. Le problème est que ces mots ne devraient pas figurer dans ce projet de loi. Je ne sais pas s'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise politique, mais je sais que ce n'est pas judicieux de l'avoir incluse dans ce projet de loi, surtout qu'elle a fait l'objet d'un projet de loi distinct à deux reprises. Honorables sénateurs, une étude est en cours à la Société canadienne des postes, laquelle risque de perdre entre 40 et 50 millions de dollars par année dans ce secteur d'activité. Des témoins nous ont dit que la Société canadienne des postes perdrait cette activité commerciale, alors qu'elle enregistre déjà une baisse de ses recettes, parce que moins de gens envoient des lettres. Pourquoi n'avons-nous pas une discussion en bonne et due forme au sujet de la Société canadienne des postes, dans le cadre d'un projet de loi distinct, comme ce fut le cas par le passé?
Honorables sénateurs, j'appuie sans réserve le retrait de cet article du projet de loi d'exécution du budget.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Day : Je n'ai presque plus de temps, honorables sénateurs. Énergie atomique du Canada limitée, c'est une myriade de choses. Ce sont les isotopes, la propriété intellectuelle, les nouveaux concepts, ainsi que les réacteurs CANDU 6. Tout cela est visé par ce projet de loi. Si le gouvernement du Canada vend une part d'EACL, il peut ensuite faire ce qu'il veut, sans avoir de comptes à rendre aux parlementaires.
Honorables sénateurs, après la pénurie d'isotopes que nous venons de vivre, il est incroyable que le gouvernement propose de réduire progressivement les activités d'EACL et de vendre cette société à des tiers. Nous avons appris que les sociétés d'État ne font pas l'objet d'un examen de l'investissement étranger. Il n'y a aucune surveillance aux fins de la sécurité. Par conséquent, toutes les activités, l'ensemble de la propriété intellectuelle, pourraient être vendues, sans aucun débat public. Honorables sénateurs, c'est inacceptable.
Pour finir, honorables sénateurs, j'aimerais parler de l'évaluation environnementale. Là encore, l'Association du Barreau canadien nous a envoyé une lettre pour nous demander comment nous pouvons réduire les évaluations environnementales, avec ce qui se passe dans le golfe du Mexique, et comment nous pouvons donner notre aval à un projet de loi à l'emporte-pièce et donner au ministre le droit de choisir ce qu'il veut inclure dans les évaluations et ce qu'il veut exclure.
Les fonctionnaires nous ont dit que c'était important parce qu'on a statué, dans une décision judiciaire — de nouveau, ils essaient de se soustraire à une décision judiciaire —, qu'il fallait prendre la mesure du projet dans son ensemble. Évidemment, il faut faire cela. Par « prendre la mesure », on entend étudier et examiner toute l'affaire. Pas seulement un pont, par exemple, lorsqu'il y a un projet d'exploitation de sables bitumineux tout près et qu'on n'examine que le pont au-dessus de la route qui mène au secteur en question. Honorables sénateurs, voilà le problème que posent la mesure législative et les évaluations environnementales. C'est une mesure beaucoup trop radicale, alors qu'il y a un examen obligatoire prévu après sept ans, à compter de juin. Nous le commençons maintenant...
Une voix : À l'ordre!
Le sénateur Day : Qui a dit « à l'ordre »?
Le sénateur Stratton : C'est moi.
Le sénateur Ogilvie : Vous n'avez pas entendu?
Le sénateur Day : Honorables sénateurs, en terminant, permettez-moi...
Le sénateur Tkachuk : Vous pouvez demander cinq minutes de plus.
Le sénateur Day : J'aimerais demander au sénateur Tkachuk cinq minutes supplémentaires. Je vous remercie. En fait, j'ai déjà demandé cinq minutes de plus. Vous ne vous en êtes peut-être pas rendu compte, honorables sénateurs, mais c'est ce que j'ai fait. Je n'oserais pas abuser de votre générosité en demandant qu'on m'accorde cinq minutes supplémentaires.
J'aimerais signaler aux autres nouveaux sénateurs que c'est le Président, en se levant, qui nous intime d'être à l'ordre, et non le greffier, lorsqu'il se lève au Bureau.
Honorables sénateurs, nous sommes saisis de quatre modifications qui illustrent une mesure législative que nous ne devrions jamais adopter. Nous devrions adopter les aspects financiers, mais pas les aspects non financiers d'un projet de loi d'exécution du budget qui compte 900 pages, 24 parties et 2 200 articles.
Je vous remercie, honorables sénateurs.
Des voix : Bravo!
L'honorable Irving Gerstein : Honorables sénateurs, je suis très heureux d'intervenir aujourd'hui au sujet du projet de loi C-9, Loi sur l'emploi et la croissance économique.
Le sénateur Mercer : Parlez-nous plutôt du Boston Tea Party.
Le sénateur Gerstein : Comme d'habitude, j'aimerais remercier le sénateur Day d'avoir présenté ce rapport sur le projet de loi au Sénat au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales et d'avoir valeureusement présidé ce comité au cours de sa longue étude de cette mesure législative.
Il y a environ 64 ans, en 1946, c'était le premier ministre belge Paul-Henri Spaak qui assumait la présidence de la toute première Assemblée générale de l'ONU. Il a conclu la première séance qu'il a présidée en ces mots...
Le sénateur Mercer : Étiez-vous présent?
Le sénateur Gerstein : J'étais présent. Il a dit ceci :
Notre ordre du jour est maintenant épuisé. Le secrétaire général est épuisé. Vous êtes tous épuisés. Il est encourageant de voir [...] que l'unanimité est totale.
Tous les sénateurs devraient également être encouragés. En effet, le Comité sénatorial permanent des finances nationales vient de compléter un examen exhaustif du projet de loi C-9. Tous les membres du comité sont unanimement épuisés, mais, malheureusement, notre unanimité ne s'étend pas à nos opinions respectives sur le projet de loi.
Honorables sénateurs, avant de parler d'éléments de discorde précis, je vais résumer les grandes lignes du projet de loi C-9, portant exécution de la deuxième année de mise en œuvre du Plan d'action économique du Canada, qui continue de sortir le Canada de la récession mondiale, et ce, bien avant le reste du monde développé.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Gerstein : Ce plan a permis de créer près de 403 000 nouveaux emplois depuis le mois de juillet dernier, y compris 93 000 le mois dernier tout seul, ce qui devrait impressionner le sénateur Mercer. Pour la première fois en plus d'une génération, le taux de chômage du Canada est inférieur de 1,6 p. 100 à celui des États-Unis.
Au premier trimestre de 2010, le taux de croissance économique au Canada, soit 6,1 p. 100, était trois fois plus élevé que le taux moyen de nos partenaires du G7. En dix ans, jamais la croissance trimestrielle n'avait été aussi élevée. Le système financier du Canada a été qualifié par le Forum économique mondial de plus stable et plus efficace au monde. Nos taux d'inflation et d'intérêt sont bas, notre devise est forte, notre rapport dette-PIB fait l'envie de nos principaux partenaires. Enfin, sous le gouvernement actuel, nos taux d'imposition sont de plus en plus attrayants.
En plus de fournir les mesures de relances nécessaires aujourd'hui, le Plan d'action économique du Canada jette les bases de l'économie dynamique de demain. Le budget de 2010 prévoit 19 milliards de dollars en fonds de relance pour un total de plus de 47 milliards de dollars sur deux ans. Il prévoit également de nouveaux investissements dans l'infrastructure du système d'éducation et dans les initiatives de recherche de calibre mondial.
La Loi sur l'emploi et la croissance économique fait du Canada la première zone en franchise de droits pour les fabricants, augmente la productivité et donne aux entreprises canadiennes un avantage marqué sur la concurrence. On estime qu'à elle seule, cette initiative créera 12 000 nouveaux emplois.
(1820)
Le projet de loi C-9 modifie également le régime fiscal dans le but d'améliorer la capacité du Canada d'attirer le capital de risque. Comme le disait l'éminent économiste Thomas Courchene :
Lorsque les historiens de l'économie étudieront le budget de 2010 du ministre des Finances Jim Flaherty, ils constateront peut-être que c'est ce budget qui aura enfin permis de redresser les déficits persistants du Canada en matière d'innovation et de productivité.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Gerstein : Le projet de loi C-9 prévoit également un montant de 500 millions de dollars afin qu'aucune province ne reçoive moins d'argent cette année en paiements de transfert que l'an dernier. Le gouvernement s'est engagé à ce que les provinces et les territoires disposent des fonds nécessaires pour fournir les services essentiels dont les Canadiens ont besoin, comme les soins de santé et l'éducation, et pour que ce financement provienne d'une source stable. Cette année, les provinces et les territoires recevront la somme record de 54 milliards de dollars des principaux programmes fédéraux de transferts. Honorables sénateurs, le gouvernement conservateur, contrairement à l'ancien gouvernement libéral, n'a pas sabré, ne sabre pas et ne sabrera jamais les transferts aux provinces et aux citoyens.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Gerstein : Le Plan d'action économique du Canada est essentiel à la vigueur de l'économie canadienne d'aujourd'hui comme de demain, mais il arrive parfois que les coûts élevés sur le plan financier constituent la contrepartie du succès économique.
Comme le disait le grand homme d'État et philosophe Edmond Burke en 1796 — ce qui ne nous ramène pas à l'époque de George III, mais presque :
La parcimonie n'est pas économie. Les dépenses, et les fortes dépenses, peuvent faire partie intégrante de la véritable économie.
En fait, la récession qui a secoué la planète encore tout récemment nous a justement prouvé que la véritable économie était synonyme de dépenses accrues. Parce qu'il a voulu présenter un plan de relance économique rapide et décisif, le gouvernement a dû accuser un déficit à court terme, mais il a ainsi pu s'éviter toutes sortes d'autres problèmes économiques autrement plus graves et plus permanents. En plus de mettre en œuvre les derniers investissements prévus dans le Plan d'action économique du Canada, le budget de 2010 trace la voie qui ramènera le pays vers l'équilibre budgétaire.
Je n'ai abordé que quelques-unes des nombreuses mesures déterminantes qui se trouvent dans le projet de loi C-9, mais le Comité sénatorial permanent des finances nationales a eu l'occasion de l'étudier soigneusement et de voir en quoi ce plan détaillé assurera la croissance économique du Canada. Comme je le disais déjà à l'étape de la deuxième lecture, ce projet de loi n'a pas miné la capacité de notre institution de procéder à un second examen objectif des mesures législatives. Au contraire, il a montré à quel point le Sénat était digne de cette fonction essentielle.
Comme les sénateurs se le rappelleront peut-être, j'ai retracé, à l'étape de la deuxième lecture, la longue histoire des projets de loi omnibus dans les parlements inspirés de Westminster. Chose certaine, les gouvernements canadiens, libéraux comme conservateurs, y ont recours depuis longtemps. Le dernier projet de loi d'exécution du budget des libéraux, en 2005, comptait autant de parties que celui dont nous sommes aujourd'hui saisis. Il modifiait des dizaines de lois déjà en vigueur et en créait plusieurs autres de toutes pièces. Il renfermait une foule de mesures disparates n'ayant à peu près rien à voir avec la politique budgétaire. Mais aussi répandue et aussi vieille cette pratique soit-elle, certains sénateurs sont convaincus qu'elle compromet la capacité des parlementaires d'étudier adéquatement les mesures législatives.
Le projet de loi C-9 prouve clairement le contraire. En fait, le projet de loi C-9 a reçu un examen extraordinaire, qu'on évalue cet examen globalement, par partie, par page ou par article. Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, comme vous l'avez entendu, a consacré 61 heures à l'étude du projet de loi sur l'emploi et la croissance économique pendant 24 séances étalées sur quatre semaines. C'est plus de temps que ce que le comité a consacré aux 10 derniers projets de loi budgétaires omnibus libéraux combinés. Le comité a entendu 130 témoins, y compris environ 50 fonctionnaires, quatre ministres et deux secrétaires parlementaires. Honorables sénateurs, le gouvernement, ce qui intéressera le sénateur Mercer, a accepté tous les témoins que les sénateurs de l'opposition ont souhaité inviter et tous les témoins qui ont demandé à être entendus.
Le sénateur Mercer : Ce n'est pas vrai.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Gerstein : Pendant les quatre semaines de l'examen, nous avons vu les horaires et la liste des témoins changer constamment et nous avons même félicité le greffier du comité, Adam Thompson, et le personnel de suivre tous ces changements. Je dirais que toutes les parties du projet de loi, et certainement les parties litigieuses, ont été examinées aussi bien que si elles s'étaient retrouvées dans un projet de loi leur étant uniquement consacré.
Avant même la deuxième lecture du projet de loi C-9, le seul sénateur indépendant qui fait partie du Comité des finances nationales, le sénateur Lowell Murray, a déclaré que les mesures contenues dans le projet de loi C-9 :
[...] devraient être — et [...] doivent être dans tout Parlement qui se respecte — débattues à la Chambre et examinées en comité avec l'attention que dictent leur importance et leur complexité.
Le gouvernement partage ce point de vue. C'est pourquoi, à l'étape de la deuxième lecture, je me suis engagé, au nom du gouvernement, à accorder tout le temps nécessaire pour examiner avec rigueur le projet de loi C-9. Honorables sénateurs, le gouvernement a respecté cet engagement.
Le sénateur Murray lui-même a reconnu, lors de la réunion du Comité des finances nationales du 28 juin :
[…] ce projet de loi sur lequel se penche le comité depuis plusieurs jours est étudié avec un sérieux et une importance dont je n’ai jamais été témoin au Sénat […]
Ce sont des sentiments très forts de la part du doyen du Sénat. Le gouvernement lui-même s'est donné du mal pour assurer un examen complet du projet de loi C-9. Par exemple, puisque les sénateurs de l'opposition ne convoquaient aucun témoin pour parler de la partie 5, qui occupe plus de la moitié des pages du projet de loi, 457 pages pour être exact, le gouvernement a convoqué des témoins pour s'assurer que cette initiative majeure recevait toute l'attention qu'elle mérite.
Le sénateur Comeau : Nous avons fait notre travail.
Le sénateur Gerstein : Ces témoins ont parlé aux membres du comité des incroyables avantages économiques qui résulteraient de la transformation du Canada en une zone libre de droits de douane pour l'industrie manufacturière.
Certains soutiennent que le projet de loi C-9 aurait dû être scindé à l'étape de la deuxième lecture et que ses différentes parties auraient dû être étudiées par les comités compétents.
Le sénateur Mercer : Je suis de cet avis.
Le sénateur Gerstein : Cependant, comme nous le savons tous, tous les sénateurs jouissent du privilège de pouvoir assister et participer à toutes les réunions qu'ils veulent de tous les comités permanents. Ils ont abondamment usé de ce privilège pendant l'étude du projet de loi C-9, qu'ils soient sénateurs du gouvernement ou de l'opposition. Je peux assurer les honorables sénateurs que des sénateurs possédant des compétences pertinentes ont étudié minutieusement les différentes parties du projet de loi.
Pour toutes les raisons que je viens d'expliquer, je pense que l'étude du projet de loi C-9 par le Sénat et son comité permanent répond tout à fait à la vision que sir John A. avait de la fonction première de notre institution, à savoir procéder à un second examen objectif des mesures législatives. Néanmoins, honorables sénateurs, les sénateurs de l'opposition au sein du comité ont malheureusement décidé d'en faire rapport au Sénat avec quatre mesures importantes en moins.
Le sénateur Eaton : C'est honteux!
Le sénateur Gerstein : Les libéraux prétendent qu'ils veulent enlever ces quatre parties du budget parce qu'elles ont besoin d'être étudiées plus avant. Cependant, chacune de ces parties a déjà été étudiée plus longtemps que tout le projet de loi omnibus sur le budget de 24 parties présenté par les libéraux en 2005.
La première disposition que les libéraux veulent enlever du projet de loi C-9 est l'article 55.
Le sénateur Comeau : C'est honteux!
Le sénateur Gerstein : Cet article stipule que les services de gestion des investissements, les services de gestion du crédit et les services facilitant les services financiers ne sont pas exemptés de la TPS. Il est important de noter que, depuis son introduction en 1991, la TPS a toujours été appliquée à ces services. L'article 55 s'emploie à lever l'incertitude suscitée par une récente interprétation des tribunaux. Il n'impose pas de nouvelles taxes sur des services antérieurement exemptés. Cet article stipule simplement que toutes les transactions qui ont toujours été considérées comme imposables le sont en effet. Il confirme une politique de longue date; il renforce le statu quo.
Il en va de même au sujet de la partie 15 du projet de loi C-9, que l'opposition propose de supprimer. Cette modification d'une vingtaine de mots à la Loi sur la Société canadienne des postes donne des précisions sur le privilège exclusif de Postes Canada dans la foulée de récentes décisions des tribunaux. Elle précise plus particulièrement que les entreprises canadiennes qui font du repostage vers l'étranger depuis des années peuvent poursuivre leur pratique. Tout comme c'est le cas pour l'article 55, la partie 15 ne fait que confirmer le statu quo. Postes Canada n'a jamais bénéficié d'un privilège exclusif, une autre façon de parler de monopole légal, au détriment des entreprises de repostage à l'étranger. Cette vingtaine de mots n'enlève rien à Postes Canada.
Par contre, si la partie 15 du projet de loi C-9 n'est pas adoptée, des milliers de travailleurs canadiens perdront leur emploi. Le comité a entendu des témoignages émouvants de la part de propriétaires de petites entreprises, qui ont déjà dû mettre à pied des employés à cause de l'incertitude à laquelle la partie 15 mettrait fin.
Les libéraux étaient fortement en faveur de cette mesure en 2007. Leur chef de l'époque, Stéphane Dion, avait écrit ceci dans une lettre adressée au président du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes :
(1830)
[...] nous avons l'intention d'appuyer le maintien des activités des entreprises internationales de repostage au Canada. [...] Le Parti libéral ne croit pas qu'il serait avantageux pour les Canadiens de nuire aux propriétaires de ces petites entreprises.
Il est difficile de comprendre pourquoi les libéraux ont changé d'idée. Ils prétendent que la partie 15 ne devrait pas faire partie d'un projet de loi budgétaire parce qu'il ne s'agit pas d'une politique économique. Honorables sénateurs, les milliers de Canadiens dont les emplois vont disparaître si la partie 15 n'est pas adoptée ne seraient pas de cet avis.
Les libéraux veulent aussi supprimer la partie 18 du projet de loi, qui permettrait au Cabinet de procéder à la restructuration ou à la cession de certains éléments d'Énergie atomique du Canada limitée. En tenant compte de l'inflation, les contribuables canadiens ont investi bien au-delà de 20 milliards de dollars dans EACL depuis sa création. Rien ne permet de croire que cette tendance se renversera en l'absence de mesures plus efficaces d'encouragement à l'investissement axées sur le marché, mais tout permet par contre de croire qu'EACL pourra jouer un rôle positif dans l'économie canadienne après avoir fait l'objet d'une restructuration adéquate.
Honorables sénateurs, restructurer ou céder une société d'État est de toute évidence une question budgétaire. Réduire le fardeau financier des contribuables est de toute évidence une question budgétaire, tout comme accroître la compétitivité d'un secteur d'activité. Pour toutes ces raisons, honorables sénateurs, la partie 18 a sa place dans le projet de loi C-9.
Selon les libéraux, le Cabinet ne devrait pas avoir le pouvoir de restructurer ou de céder EACL, même si ce sont les libéraux, lorsqu'ils étaient au pouvoir, qui ont créé, par décret, EACL. Encore une fois, les libéraux font volte-face.
Enfin, les libéraux ont proposé de supprimer la partie 20 de la Loi sur l'emploi et la croissance économique. Or, cette partie accordera à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale le pouvoir d'effectuer la plupart des évaluations environnementales. Elle accordera également au ministre de l'Environnement le pouvoir de définir la portée des évaluations environnementales et exigera que ses décisions soient rendues publiques. Ces mesures simplifieront la prise de décisions, réduiront les délais et le chevauchement des tâches et renforceront la reddition de comptes dans le cadre du processus d'évaluation environnementale. Elles aideront à synchroniser les processus fédéraux et provinciaux et à mettre en application le principe d'une évaluation par projet. La partie 20 du projet de loi C-9 apportera une certaine certitude en ce qui concerne des milliers de projets d'infrastructure, de millions de dollars, qui sont entrepris dans le cadre du Plan d'action économique du Canada.
Son Honneur le Président : J'ai le regret d'informer le sénateur que les 15 minutes dont il disposait sont écoulées.
Le sénateur demande plus de temps. Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Gerstein : Ces changements donnent suite aux recommandations émises par le commissaire à l'environnement et au développement durable.
En fait, la partie 18 du projet de loi C-9 fait ce que l'ancien gouvernement libéral a promis de faire pendant des années, mais qu'il n'a jamais mis en œuvre.
Dans le discours du Trône d'octobre 2004, le gouvernement libéral avait promis ce qui suit :
Le gouvernement [...] consolidera les évaluations environnementales fédérales, et œuvrera avec les provinces et les territoires à mettre en place au Canada un processus d'évaluation unique et plus efficace.
Dans un communiqué de presse émis le 23 novembre 2005, le ministre libéral de l'Environnement, Stéphane Dion, a fait la déclaration suivante :
[…] il reste beaucoup à faire, notamment la modification législative, afin d’assurer la tenue d’évaluations efficaces et en temps opportun.
En 2006, la plateforme électorale du Parti libéral disait ceci :
[...] toutes les administrations doivent garantir la compétitivité des secteurs énergétique et minier. Soucieux d'appuyer leur développement économique et écologique à long terme, un gouvernement libéral [...] réduira les exigences réglementaires disparates et faisant double emploi [...]
Honorables sénateurs, le gouvernement actuel met en œuvre des mesures concrètes, alors que le gouvernement libéral précédent n'avait que des paroles à offrir.
Certains sénateurs libéraux disent que des modifications au processus d'évaluation environnementale ne devraient pas figurer dans un projet de loi d'exécution du budget. Ils disent qu'il ne s'agit pas d'une question économique. Pourtant, les extraits que je viens de lire de la plateforme libérale de 2006 ne figuraient pas dans la section sur la politique environnementale, mais plutôt dans celle intitulée « Renforcer les régions et les secteurs des ressources naturelles du Canada ».
Honorables sénateurs, il appartient au gouvernement de décider si une initiative est suffisamment liée à l'économie pour être inscrite dans un projet de loi d'exécution du budget. Le gouvernement estime que chaque mesure figurant dans le projet de loi C-9 est étroitement liée au bien-être économique et financier du Canada. L'article 55 éclaircit une politique fiscale. La partie 15 permettra de sauver des milliers d'emplois. La partie 18 permettra au Cabinet de restructurer les actifs et les passifs de la Couronne, faisant du coup épargner des milliards de dollars aux contribuables canadiens. La partie 20 permettra d'accélérer la réalisation de projets d'infrastructure qui sont essentiels au Plan d'action économique du Canada. Si une de ces mesures n'est pas adoptée, des emplois seront perdus au Canada, et le fardeau imposé aux contribuables s'alourdira.
Il est évident que les libéraux n'essaient pas de rejeter ces parties du projet de loi d'exécution du budget simplement parce qu'ils estiment qu'il s'agit de questions budgétaires. Ils essaient peut-être même d'éliminer ces parties pour des raisons purement politiques.
Les sénateurs Cowan et Day ont cité M. Ned Franks, de l'Université Queen's. Permettez-moi de faire de même. Voici ce qu'a déclaré M. Franks :
[…] nous avons un Parlement où l’opposition suit le dictum de Lord Randolph Churchill — que la responsabilité de l’opposition est de s’opposer — à un point tel que cela limite le fonctionnement du Parlement. […] Cela montre que quelque chose ne va pas dans notre Parlement, que les partis ne connaissent peut-être pas leur position. Par conséquent, ils s’opposent à tout ce qui est proposé de l’autre côté.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Gerstein : Honorables sénateurs, les travailleurs, les contribuables et les familles du Canada ne devraient pas souffrir parce que le Parti libéral ne sait pas sur quel pied danser.
Si le Sénat modifie le projet de loi d'exécution du budget, il n'occasionnera que retard et instabilité, ce qui n'avantage personne. J'exhorte donc tous les sénateurs à adopter le projet de loi sur l'emploi et la croissance économique dans son intégralité, et ce, sans plus tarder.
Pour finir, honorables sénateurs, je me rappelle de ce passage célèbre de Richard III, de Shakespeare :
Le soleil a changé en un brillant été l'hiver de nos disgrâces [...] Le funeste bruit des combats a fait place à de joyeuses réunions, nos marches guerrières à des danses agréables.
Les inquiétudes au sujet du projet de loi C-9, le projet de loi sur l'emploi et la croissance économique, ont été examinées attentivement durant les innombrables et joyeuses réunions du Comité sénatorial permanent des finances nationales et il est temps d'adopter toutes les délicieuses mesures contenues dans ce projet de loi, afin que l'ensemble du Canada puisse profiter du reste de ce brillant été dans la stabilité et la prospérité croissante.
Des voix : Bravo!
L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, j'ai une question. Est-ce que l'honorable sénateur accepterait de répondre à une question?
Dans son discours, le sénateur Cowan a répété, à plusieurs reprises, que les dispositions autorisant le gouvernement à restructurer Énergie atomique du Canada limitée ou à s'en départir sont « cachées » dans le projet de loi d'exécution du budget. Cela sonne sournois et sinistre. Le sénateur Gerstein pourrait-il faire preuve de bonne foi et aider le sénateur Cowan à trouver les dispositions cachées concernant EACL?
Le sénateur Gerstein : Je remercie le sénateur Tkachuk de cette question perspicace. À plusieurs occasions, j'ai entendu des sénateurs libéraux ou même la presse utiliser les mots « cachés » ou « enfouis » pour décrire l'inclusion, dans le projet de loi C-9, de mesures qu'ils n'apprécient pas. Cela ne me laisse pas indifférent.
Apparemment, le sénateur Cowan s'est arrêté à la page de titre et au sommaire du projet de loi. S'il avait poursuivi sa lecture, il aurait découvert un outil de décodage secret, communément appelé « table des matières ». Selon cette dernière, qui se trouve aux pages xiii et xiv, les dispositions relatives à EACL, qui constituent la partie 18 du projet de loi, sont donc sournoisement dissimulées entre les parties 17 et 19.
Les honorables sénateurs peuvent également utiliser la table des matières pour trouver d'autres mesures profondément enfouies dans le projet de loi C-9, comme la partie 15 portant sur la Société canadienne des postes ou la partie 20 portant sur les évaluations environnementales. Je remercie le sénateur Tkachuk de cette question.
Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat.
L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, il est difficile de prendre la parole après une telle performance. Je promets à mes honorables collègues que je ne citerai pas Shakespeare, parce que je ne pense pas que nous examinions une mesure législative shakespearienne.
Le sénateur Day : Cela s'y trouve probablement.
Le sénateur Mercer : C'est enfoui à l'intérieur.
Le sénateur Ringuette : En ce qui concerne les amendements apportés à l'étape de l'étude au comité, nous avons supprimé quatre articles du projet de loi, notamment l'important article sur les évaluations environnementales.
(1840)
Je ne suis pas une spécialiste de ces questions, et je suis convaincue que certains de mes collègues vont traiter de cet aspect. Toutefois, je rappelle aux sénateurs que, dans le projet de loi omnibus d'exécution du budget de l'année dernière, le gouvernement avait supprimé l'obligation d'effectuer une évaluation environnementale pour les voies navigables. Cette année, il supprime cette obligation pour les infrastructures et, dans le cas de tous les autres projets, il confère au ministre le pouvoir d'en déterminer la portée.
Je vais maintenant aborder les deux autres questions qui me préoccupent énormément. La première concerne évidemment Postes Canada. À l'étape de la deuxième lecture, j'ai parlé des obligations de Postes Canada en vertu d'un traité international. Aujourd'hui, je vais traiter des entreprises de repostage et de la vingtaine de mots qui se trouvent dans le projet de loi C-9, qui retirent à Postes Canada son privilège exclusif.
La Loi sur la Société canadienne des postes est une mesure législative équilibrée. Elle a été déposée et adoptée en 1981, et les débats de l'époque font état de la nécessité d'assurer un équilibre entre les obligations et les privilèges exclusifs, tant au niveau national qu'international.
La vingtaine de mots du projet de loi C-9 qui portent sur Postes Canada retirent à la société son privilège exclusif relativement au courrier destiné à l'étranger. Je rappelle que ce privilège exclusif vise les lettres de 50 grammes ou moins. Il ne s'applique pas aux magazines ou aux autres publications.
Depuis 10 ans, Postes Canada a versé en moyenne au gouvernement fédéral — c'est-à-dire aux Canadiens — 75 millions de dollars par année en impôts et en dividendes fédéraux. Lors de nos audiences, on nous a dit que ces 20 mots auraient pour effet de réduire les recettes de Postes Canada d'un montant se chiffrant entre 40 millions de dollars et 80 millions de dollars. Autrement dit, Postes Canada sera privée d'une somme de 40 à 80 millions de dollars au moment de fournir des services aux Canadiens.
Chaque année, Postes Canada ajoute en moyenne 200 000 nouveaux points de livraison, et chaque nouveau point de livraison coûte 156 $ annuellement. Cela représente des coûts supplémentaires annuels de 31 millions de dollars. Ainsi, le projet de loi priverait la société de recettes annuelles de 80 millions de dollars, alors que ses coûts augmentent de 31 millions de dollars par année.
Ni les représentants de Postes Canada ni les personnes qui ont dit exploiter des entreprises de repostage mais qui exploitent en fait des maisons d'édition n'ont pu répondre aux questions sur les lettres qui sont destinées à l'étranger mais qui reviennent au Canada et que Postes Canada doit alors retourner à l'expéditeur. Ainsi, en plus de perdre les recettes tirées du courrier destiné à l'étranger, Postes Canada devra assumer les frais liés au renvoi des lettres aux expéditeurs, qui se chiffrent en moyenne à 2 millions de dollars par année.
En outre, le gouvernement du Canada n'a pas fourni un financement adéquat à Postes Canada l'année dernière relativement à trois programmes, à savoir l'approvisionnement alimentaire, la documentation à l'usage des aveugles et le tarif des livres de bibliothèque, ce qui représente un autre montant de 34 millions de dollars. Postes Canada va subir un manque à gagner de 116 millions de dollars.
Pourquoi cette mesure est-elle incluse dans le projet de loi C-9? Personne ne le sait. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, en 2007, cette mesure était prévue dans le projet de loi C-14. L'année dernière, elle était incluse dans le projet de loi C-44, qui a été suivi de la prorogation. Or, voilà qu'elle est soudainement incluse dans un projet de loi d'exécution du budget. Cette mesure n'a absolument rien à voir avec le budget. À preuve, les deux premières fois que le gouvernement l'a présentée, ce n'était pas dans un projet de loi d'exécution du budget.
Je vais vous dire pourquoi, selon moi, cette mesure ne devrait pas être incluse dans un projet de loi d'exécution du budget. Premièrement, un sondage Ipsos Reid effectué en 2007 et portant sur la déréglementation de Postes Canada a révélé que 79 p. 100 des Canadiens s'opposaient à la déréglementation de Postes Canada. Or, cette mesure est incluse dans un projet de loi omnibus de 900 pages qui a été débattu durant seulement 17 heures à la Chambre des communes et au comité de la Chambre, avant d'arriver au Sénat. Le gouvernement ne veut pas que nous traitions publiquement de cette question, parce qu'elle va soulever de vives préoccupations. C'est tout à fait exact, parce que l'argent que Postes Canada va perdre est de l'argent dont la société ne disposera pas pour fournir des services, conformément à l'équilibre visé dans la Loi sur la Société canadienne des postes.
La deuxième raison pour laquelle cette mesure est cachée dans le projet de loi C-9, c'est que, en mai 2008, le ministre des Transports a procédé à un examen prescrit de Postes Canada. Le comité était présidé par M. Campbell. Lorsque l'examen a commencé, le gouvernement avait déjà déposé le projet de loi C-14 à l'autre endroit. En plus du groupe de travail chargé d'étudier le mandat de Postes Canada, le gouvernement devait tenir compte du fait que le dossier de la déréglementation était en train d'être étudié à l'autre endroit.
Le groupe de travail a reçu plus de 2 000 mémoires, dont 98 p. 100 s'opposaient à la déréglementation. Les mémoires provenaient de municipalités et de divers groupes qui veulent que Postes Canada continue à fournir des services.
C'est pour cette raison que cette vingtaine de mots apparaissent dans le projet de loi C-9. C'est parce que le gouvernement ne veut pas que les Canadiens soient conscients de ce qu'il supprime.
Il n'y a que trois entreprises de repostage au Canada et ce sont toutes des sociétés étrangères qui ont fait l'objet d'une déréglementation dans leur pays, ce qui a entraîné des déficits importants, de sorte qu'elles cherchent à faire de l'argent ailleurs. Où pensez-vous qu'elles cherchent?
Qu'est-ce que le gouvernement actuel va dire dans deux ou trois ans, s'il est encore au pouvoir, lorsque Postes Canada va enregistrer des déficits de façon chronique? Le gouvernement décidera de réduire les services de Postes Canada. Voilà ce qu'il fera. Il coupera les services et voudra probablement privatiser le courrier étranger en faveur des Postes britanniques, des Postes de Singapour ou des Postes allemandes. Allons-y. Laissons tout partir.
(1850)
Cela m'amène à la question d'EACL. Le projet de loi C-9 donne carte blanche au gouvernement, qui pourra vendre EACL en tout ou en partie, y compris la production d'isotopes médicaux à Chalk River.
On a très souvent rappelé que les Canadiens ont investi 8 milliards de dollars — c'est le chiffre réel — sur une période de 50 ans dans EACL pour la recherche et la promotion , y compris la production d'isotopes. Personne n'a parlé de l'autre colonne du bilan, c'est-à-dire les recettes correspondantes, parce que tout ce que rapporte la vente des réacteurs CANDU est directement versé au Trésor.
Soyons clairs. J'admets volontiers qu'EACL pourrait avoir une meilleure planification, une meilleure commercialisation, entre autres. Toutefois, ce n'est pas seulement carte blanche que nous accordons au gouvernement. Nous lui donnons aussi un chèque en blanc puisqu'une disposition du projet de loi autorise le ministre des Ressources naturelles et le ministre des Finances à engager toute dépense qu'ils souhaitent dans le cadre de la vente d'EACL en tout ou partie. Oui, nous leur donnons un chèque en blanc au sujet d'EACL.
Le gouvernement Harper n'a rien fait pour vendre notre technologie CANDU lors de la visite chez nous du président de la Chine et du président de l'Inde. De plus, il a ordonné à EACL de mettre fin aux négociations relatives à un autre réacteur CANDU pour l'Argentine.
J'aimerais présenter aux honorables sénateurs quelques statistiques publiées en mars 2009 par le Conference Board du Canada. La vente de deux réacteurs CANDU ajoute 9,4 milliards de dollars au PIB canadien, crée 64 années-personnes d'emploi et rapporte au gouvernement fédéral 1,676 milliard de dollars en taxes et impôts sur le revenu.
Si EACL bénéficiait de l'appui nécessaire du gouvernement, elle pourrait participer aux sciences nucléaires mondiales.
Son Honneur le Président intérimaire : Je regrette d'informer madame le sénateur que son temps de parole de 15 minutes est écoulé. Souhaite-t-elle disposer de plus de temps?
Le sénateur Ringuette : Oui.
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Cinq minutes.
Le sénateur Ringuette : Honorables sénateurs, tous les membres de l'industrie parlent d'une renaissance mondiale du nucléaire. Au cours des 30 prochaines années, il est bien possible que le nombre de réacteurs nucléaires CANDU installés dans le monde atteigne 400. Avec un soutien gouvernemental adéquat et la réputation dont jouit actuellement la technologie CANDU, si nous pouvions obtenir 25 p. 100 de ces projets dans les 30 prochaines années, c'est-à-dire vendre une centaine de réacteurs CANDU, pouvez-vous imaginer à combien se monterait notre PIB? Pouvez-vous imaginer l'importance des recettes fiscales et le nombre d'emplois créés au Canada?
J'ai ici un article du Nucleonics Week daté du 8 juillet 2010. C'est un rapport de la Conférence européenne sur l'énergie nucléaire de Platts. Au cours de cette conférence, Daniel Roderick, président de GE Hitachi, a dit que, à cause du fait que les transactions de gouvernement à gouvernement constituent l'essentiel des ventes de centrales nucléaires dans le monde, Washington devra commencer à intervenir sur le marché pour aider les fournisseurs américains et constituer une équipe nucléaire des États-Unis.
Quand aurons-nous une équipe nucléaire du Canada? Je vous en prie.
Nous sommes en train de donner au gouvernement carte blanche et un chèque en blanc, sans aucun apport du Parlement et sans la moindre condition, pour céder un joyau de la technologie canadienne. Honorables sénateurs, cela devrait nous inquiéter tous. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles chaque sénateur contribuant au second examen objectif devrait appuyer le rapport sur le projet de loi C-9. Ces questions — Postes Canada, EACL, évaluations environnementales et rétroactivité de la TPS qui crée deux catégories de citoyens et de contribuables canadiens — ne devraient pas recevoir l'approbation du Sénat.
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, avant d'aborder les importantes mesures faisant partie du projet de loi C-9 ainsi que le rapport du comité, je voudrais passer en revue l'historique du projet de loi.
Le 6 avril, la Chambre des communes a adopté le projet de loi avec l'aide de l'opposition libérale. Le NPD avait présenté une motion proposant de le scinder. Grâce à l'assistance du Parti libéral, qui constitue l'opposition officielle à l'autre endroit, le débat sur cette motion a été ajourné et la motion n'a jamais fait l'objet d'un vote. Le comité de la Chambre des communes a adopté le projet de loi sans amendement, encore une fois avec l'aide de l'opposition libérale. Une motion d'attribution de temps à l'étape de la troisième lecture du projet de loi a également été adoptée à la Chambre avec le concours de l'opposition libérale. Enfin, le 8 juin, toujours avec l'aide des libéraux, la Chambre des communes a adopté le projet de loi et l'a renvoyé au Sénat.
Michael Ignatieff et ses collègues libéraux ont toujours soutenu qu'ils étaient en désaccord avec le gouvernement sur certains aspects du projet de loi. Toutefois, ils ont pris l'engagement, devant les Canadiens, de permettre l'adoption de la mesure législative sans modifications. Il faut admettre que les députés libéraux ont jusqu'ici honoré leur engagement.
Or, lorsque le projet de loi nous est parvenu ici, au Sénat, nous avons été témoins d'une attitude très différente de la part du Parti libéral et de l'opposition libérale. Lorsque le sénateur Murray a présenté sa motion tendant à scinder le projet de loi, tous les sénateurs libéraux, sans exception, l'ont appuyée.
Il est faux de dire que nous avons rejeté la proposition relative à l'étude préliminaire du projet de loi. Je veux bien admettre qu'il y a eu une certaine incertitude au début, mais, comme en témoigne clairement le compte rendu de nos délibérations, notre leader adjoint, le sénateur Comeau, a approché le sénateur Day à ce sujet. De toute façon, l'étude préliminaire n'aurait sans doute pas réglé grand-chose parce que les sénateurs libéraux ont tous voté au comité pour retirer certaines des principales dispositions du projet de loi.
Honorables sénateurs, qu'est-ce que cela indique? Tout d'abord, cela montre que les sénateurs libéraux sont disposés à retarder, peut-être indéfiniment, des mesures dont le pays a un besoin urgent pour assurer le maintien de la reprise économique. Par exemple, ils sont disposés à retarder des paiements de près de 500 millions de dollars aux provinces bénéficiaires de la péréquation qui sont actuellement à court d'argent. Je voudrais signaler au sénateur Callbeck, qui siège au comité, que cette disposition assurerait le versement à l'Île-du-Prince-Édouard d'un montant de plus de 3 millions de dollars. Les membres libéraux du comité n'ont pas appuyé le versement de ce montant à la province.
(1900)
Cela nous prouve en outre que les sénateurs libéraux ne sont pas du même avis que le chef de leur parti. Ils n'appuient pas Michael Ignatieff. Ils ont des doutes sérieux sur son leadership. Ils sont prêts à le regarder en face et à lui dire qu'il devrait manquer à l'engagement qu'il a pris envers le public canadien. Ils veulent renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes et demander à leur chef de défaire ce qu'il a fait, même si une telle décision peut gravement compromettre son leadership. Par ailleurs, honorables sénateurs, c'est peut-être exactement ce qu'ils souhaitent.
Le sénateur Di Nino : Exactement.
Le sénateur Comeau : Exactement.
Le sénateur Comeau : Bob Rae.
Le sénateur LeBreton : Permettez-moi maintenant d'aborder les importantes mesures prévues dans le projet de loi C-9, concernant les emplois et la croissance économique. Toutes ces mesures seront retardées si le rapport du comité est adopté.
Ce projet de loi ambitieux comprend des éléments clés du budget de 2010 ainsi que la seconde année du Plan d'action économique du Canada. Le projet de loi est un élément essentiel de ce plan, qui témoigne de l'action proactive et dynamique de notre gouvernement conservateur. Grâce au projet de loi C-9, notre gouvernement conservateur veut saisir les possibilités et surmonter les défis à long terme que connaîtra notre pays dans les années à venir. Ce projet de loi sur l'emploi et la croissance économique réalisera cet objectif en mettant en œuvre une série de mesures économiques destinées à renforcer l'avantage du Canada aussi bien maintenant qu'à l'avenir. Il vise notamment à éliminer les droits de douane sur les intrants manufacturiers, les machines et les équipements; à supprimer les déclarations fiscales en vertu de l'article 116 de la Loi de l'impôt sur le revenu relativement à de nombreux investissements; à resserrer la définition de bien canadien imposable; à mettre en œuvre d'importants changements pour renforcer les régimes privés de pension sous réglementation fédérale; à mettre en œuvre le paiement de transfert ponctuel aux gouvernements provinciaux annoncé en décembre 2009; à réglementer au besoin les réseaux nationaux de cartes de paiement et leurs exploitants; à permettre aux coopératives de crédit de se constituer sous le régime des lois fédérales et de fonctionner comme les banques; à permettre aux entreprises d'offrir plus facilement des services de télécommunications aux Canadiens; à stimuler l'industrie minière en prolongeant le crédit d'impôt pour l'exploration minière; à créer une plus grande équité fiscale entre les familles monoparentales et biparentales relativement à la Prestation universelle pour la garde d'enfants; et à mettre en œuvre un régime amélioré d'estampillage des produits du tabac pour décourager la contrebande.
Il y a beaucoup plus encore, honorables sénateurs.
Toutes ces mesures aussi importantes qu'urgentes seront retardées encore davantage si le Sénat décide d'adopter le rapport du comité sur le projet de loi C-9.
Passons brièvement en revue les faits saillants du projet de loi pour déterminer ce que les Canadiens en pensent.
Tout d'abord, nous proposons d'éliminer complètement les droits de douane sur les intrants manufacturiers, les machines et les équipements. Cette mesure audacieuse ferait du Canada le premier pays du G7 et du G20 à constituer une zone franche pour l'industrie manufacturière. Partout au pays, les fabricants se félicitent de cette décision. Ils pourront fabriquer des produits de qualité ici même, au Canada, à l'abri des tarifs néfastes pour l'emploi et des lourdeurs administratives qui réduisent la productivité. Cette mesure donnera à nos fabricants l'avantage concurrentiel dont ils ont besoin pour réussir sur le marché mondial. Cette importante initiative réduira les coûts de production, augmentera la compétitivité et favorisera l'innovation et la productivité. Combien de fois les experts nous ont-ils dit qu'il était urgent de prendre une décision dans ce domaine?
Plus important encore, on estime que notre initiative visant à faire du Canada une zone libre de droits tarifaires pour le secteur manufacturier permettra de créer 12 000 nouveaux emplois de qualité au cours des prochaines années.
Le projet de loi sur l'emploi et la croissance économique fera vraiment du Canada un pays encore plus attrayant pour les nouveaux investissements et les nouveaux emplois. Cette mesure législative contribuera à la diversification des tendances commerciales du Canada. Elle sera le complément des efforts déployés par le gouvernement conservateur en vue d'étendre le libre-échange à des régions comme l'Union européenne et à des pays comme l'Inde, tout en mettant en œuvre les récents accords conclus avec la Colombie, le Panama et la Jordanie.
Depuis l'annonce de cette initiative audacieuse, nous avons suscité un grand nombre de réactions positives. J'aimerais attirer l'attention des sénateurs sur les éloges que s'est mérité le gouvernement.
Linda Hasenfratz, PDG de la société Linamar, a déclaré ce qui suit :
Tout ce que nous pouvons faire pour réduire les coûts liés à l'importation d'équipement sera avantageux pour nous, car nous en achetons beaucoup. Comme nous dépensons entre 180 millions et 200 millions de dollars par année pour de l'équipement manufacturier, la réduction des coûts sera un avantage pour nous.
Dani Reiss, PDG de la société Canada Goose, a également salué cette mesure comme étant :
[...] une excellente initiative [...] Les droits de douane ne font qu'augmenter les coûts des fabricants canadiens. Je pense que cette initiative du gouvernement rendra la fabrication au Canada viable pour plus de manufacturiers de vêtements.
Le Saskatchewan Trade and Export Partnership se réjouit également en ces termes de la création d'une zone libre de droits tarifaires :
L'investissement dans la nouvelle machinerie ou les plus récentes technologies constitue un bon moyen de produire des biens plus efficacement et d'améliorer la compétitivité. Une bonne partie de l'équipement de haute technologie doit être importée d'Europe ou d'Asie; l'élimination des droits de douane rendra donc celui-ci plus abordable pour les manufacturiers canadiens.
La réaction est la même du côté du respecté commentateur politique et rédacteur en chef national de Maclean's, Andrew Coyne. Selon lui :
[...] il s'agit d'une excellente politique publique, d'un véritable coup de fouet pour les manufacturiers du Canada et d'un exemple à suivre pour le reste du monde. Une telle mesure permettra de réduire autant les coûts que le fardeau administratif, tout en augmentant la productivité. Comme le Canada sera le premier pays du G20 à devenir une zone libre de droits de douane, [...] le pays pourra mieux attirer les usines ici.
Toutefois, si le projet de loi est modifié à cause de ce rapport, ces mesures seront retardées, et cela entraînera la perte de milliers d'emplois dans le secteur manufacturier, qui se rétablit, mais qui éprouve encore des difficultés.
Parlons plutôt de l'importante réforme pro-croissance que subira l'article 116 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Plus précisément, le projet de loi éliminera l'obligation de déclaration pour divers investissements, comme ceux que font les fonds étrangers de capital-risque dans les sociétés de haute technologie canadiennes. Ainsi, les entreprises du Canada pourront mieux attirer le capital-risque étranger, créer des emplois et alimenter la croissance économique. Là aussi, cette mesure a été applaudie d'un bout à l'autre du pays.
Voici ce que le président-directeur général de LiveHive Systems, Dave Bullock, qui s'exprimait au nom d'un regroupement de la région de Waterloo dont font partie plus de 700 entreprises technologiques, avait à dire sur le sujet :
En fait, en modifiant l'article 116, on supprime l'un des plus importants obstacles à la croissance des entreprises florissantes du Canada, à savoir l'accès aux capitaux d'investissement internationaux [...] Ce changement permettra aux entreprises canadiennes prometteuses de vraiment progresser.
Les sociétés pharmaceutiques canadiennes qui font de la recherche ont elles aussi salué la décision, affirmant que l'on faisait preuve de clairvoyance et que l'on favorisait ainsi l'entrée du capital-risque destiné aux entreprises canadiennes de biotechnologie et de biopharmaceutique.
Encore une fois, les sénateurs libéraux voudraient retarder la mise en œuvre de ces mesures, ce qui entraînerait la perte de milliers d'emplois.
Le sénateur Comeau : C'est une honte.
Le sénateur LeBreton : Un autre élément clé de la Loi sur l'emploi et la croissance économique est la mise en œuvre d'importants changements afin de consolider les régimes de retraite privés de compétence fédérale. J'aimerais féliciter Ted Menzies, le secrétaire parlementaire du ministre des Finances, qui a travaillé extrêmement fort dans ce dossier.
Le sénateur Comeau : Il a fait un excellent travail.
Le sénateur LeBreton : Pour remettre les choses dans leur contexte, je rappelle que, au début de 2009, le gouvernement conservateur a annoncé qu'il examinerait les enjeux relatifs aux pensions régies par la législation fédérale, c'est-à-dire par la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension. Cette mesure a donné lieu au premier examen exhaustif en près de trois décennies. Nous avons entamé ce processus en janvier 2009 lorsque nous avons publié un important document de recherche sur le cadre législatif et réglementaire s'appliquant aux régimes de pension privés de compétence fédérale. Nous voulions obtenir l'avis de la population sur la question. Nous avons donné suite à cette publication en tenant des séances de consultation publique partout au pays et en mettant un site Internet à la disposition de tous les Canadiens désireux de participer. Nous avons soigneusement examiné tous les témoignages pendant l'été et au début de l'automne de 2009, puis nous avons annoncé une série de modifications importantes concernant les pensions régies par la législation fédérale. À mon humble avis, ces changements ont vraiment corrigé la situation.
(1910)
Je suis particulièrement fière d'un changement qui se trouve dans la Loi sur l'emploi et la croissance économique, c'est-à-dire le projet de loi C-9. Il s'agit de l'obligation, pour un employeur qui met volontairement un terme à un régime de pension, de financer 100 p. 100 de ses obligations contractuelles à l'endroit des participants au régime. Nous connaissons tous des cas troublants d'employeurs qui ont décidé de mettre un terme à un régime offert à leurs employés. Il est arrivé trop souvent que les retraités ne reçoivent pas 100 p. 100 de ce qu'on leur avait promis et qu'ils méritaient. L'ancien cadre législatif autorisait un employeur à agir ainsi. Nous estimions que c'était injuste, et c'est la raison pour laquelle nous avons changé cette politique dans le cadre du projet de loi C-9.
Voici d'autres modifications clés que la Loi sur l'emploi et la croissance économique propose d'apporter aux régimes de pensions sous réglementation fédérale : permettre à l'employeur, si certaines conditions sont remplies, d'utiliser des lettres de crédit pour satisfaire aux exigences de capitalisation du déficit de la solvabilité du régime de pension n'ayant pas fait l'objet d'une cessation totale; établir un mécanisme de sauvetage des régimes de pension en difficulté permettant à l'employeur et aux représentants des participants et des retraités de négocier des modifications, assujetties à l'approbation du ministre des Finances, aux exigences de capitalisation du régime; et, enfin, permettre au surintendant des institutions financières de remplacer un actuaire lorsqu'il est d'avis qu'une telle mesure sert les intérêts des participants ou des retraités.
Je suis ravie d'informer le Sénat que les réformes que nous avons annoncées ont été très bien reçues par les groupes d'intérêt public et par de nombreux analystes. L'Association nationale des retraités fédéraux « […] est heureuse d’apprendre que le gouvernement du Canada prend les moyens pour renforcer le cadre des régimes de retraite et bonifier la sécurité des prestations […] »
Dan Braniff, fondateur du Common Front for Retirement Security, a écrit ce qui suit au ministre des Finances :
Il s'agit d'une étape importante vers une sécurité accrue pour bon nombre de pensionnés et de participants aux régimes [...] Nous tenons également à témoigner notre appréciation au député de Macleod [...]
— il s'agit de Ted Menzies —
[...] qui a sillonné le Canada et qui a visiblement écouté les pensionnés [...] Merci d'avoir pris cette importante mesure qui améliore la sécurité des pensions en cette période difficile.
Ian Lee, de la Sprott School of Business de l'Université Carleton, a qualifié ainsi les réformes :
[Les réformes sont] profondes parce qu'elles satisfont à certaines des revendications des défenseurs des pensions [...] On crée ainsi un cadre favorisant un examen plus approfondi [...] et la modification des règles de sorte que les sociétés puissent contribuer davantage, ce qui, dans l'ensemble, devrait faire en sorte que nos pensions reposent sur de meilleures bases, des bases plus solides.
De plus, le Congrès du travail du Canada, qui est loin d'être un chaud partisan du gouvernement, a admis ceci :
Les modifications annoncées sont le fruit des consultations tenues par le gouvernement au cours de l'année [et] certaines semblent positives [...]
Cependant, si nous écoutons les sénateurs libéraux et adoptons ce rapport, les retraités continueront de vivre dans l'incertitude créée par le statu quo.
Il y a un autre aspect positif de la mesure législative sur l'emploi et la croissance économique que j'aimerais souligner. Il s'agit des dispositions permettant aux caisses de crédit d'être constituées en vertu d'une loi fédérale.
Nous proposons la création d'un cadre législatif fédéral pour les caisses de crédit, et ce, afin de favoriser une croissance et une compétitivité soutenues dans le secteur financier. En permettant aux caisses de crédit d'occuper une plus grande place et d'être concurrentielles à l'échelle nationale, on offre plus de choix aux consommateurs et on attire une nouvelle clientèle, sans compter que les clients actuels bénéficieront de meilleurs services sans être limités par des frontières provinciales.
Encore une fois, nous avons eu beaucoup de réactions à cette disposition en particulier.
La Credit Union Atlantic a salué cette mesure comme :
[...] un important pas en avant pour le réseau des caisses de crédit parce qu'elle établit un cadre propice au développement d'un système bancaire plus concurrentiel au Canada et permettra à la solution de rechange que représentent les caisses de crédit de prendre encore plus d'expansion.
Le Case for Progress Committee, un regroupement de coopératives de crédit de l'ensemble du pays, a dit que cette mesure législative constituait une étape historique.
Cette nouvelle mesure législative avantage tous les Canadiens en leur offrant plus de choix dans la sélection d'une institution financière. Elle augmentera la stabilité et la compétitivité de l'ensemble du secteur des services financiers au Canada.
Si les sénateurs libéraux d'en face retardent ces mesures et forcent l'adoption de ce rapport, les coopératives de crédit continueront d'être désavantagées et notre système financier en souffrira.
Honorables sénateurs, je n'ai fait qu'effleurer cette mesure législative, qui est sans contexte très ambitieuse. Le projet de loi sur l'emploi et la croissance économique contient beaucoup d'autres bonnes choses dont, j'en suis certaine, l'opposition voudra entendre parler ou qu'elle voudra appuyer. Je parle notamment de l'important soutien financier accordé à d'excellentes organisations comme la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs, Génome Canada, Passeport pour ma réussite et la Fondation Rick Hansen.
Le Plan d'action économique du Canada et ses éléments connexes, comme la Loi sur l'emploi et la croissance économique, jouent un rôle positif et important dans l'ensemble du pays et le moment est venu de lui donner force de loi.
Maintenant, honorables sénateurs, permettez-moi de vous parler d'un aspect du projet de loi que les sénateurs libéraux du comité aimeraient supprimer. Je viens d'écouter le sénateur Ringuette et tous ses propos alarmistes et je reviens sur une chose que j'ai mentionnée au comité lorsque j'ai remplacé le sénateur Neufeld.
Soit dit en passant, je félicite tous les membres du comité, surtout ceux de notre parti, de leurs nombreuses heures de travail. J'ai remplacé le sénateur Neufeld pendant une demi-journée, et j'ai éprouvé beaucoup de sympathie pour mes collègues de ce côté du Sénat qui ont dû tolérer de telles absurdités.
J'ai alors mentionné qu'à une époque — je pense que c'était en 1981 — la Société canadienne des postes, qui était alors un ministère, était complètement désorganisée. Les conservateurs n'étaient pas au pouvoir à l'époque. Les fonctionnaires qui travaillaient pour la Société canadienne des postes étaient tellement gênés d'avouer pour qui ils travaillaient que, lorsqu'on le leur demandait, ils répondaient le gouvernement du Canada. Le gouvernement de l'époque a décidé de faire de la Société canadienne des postes une société d'État. J'invite les sénateurs à examiner certaines des critiques qui ont alors été formulées. La Société canadienne des postes serait complètement démantelée et privatisée, quelle horreur! Le secteur privé prendrait le contrôle, le secteur de la distribution postale s'effondrerait, les bureaux de poste ruraux fermeraient leurs portes, la livraison du courrier à domicile allait cesser partout au pays. C'est le genre de choses que notre collègue d'en face disait aujourd'hui pour effrayer les gens.
Les membres libéraux du comité voudraient que nous supprimions la partie 15, une toute petite partie concernant la Société canadienne des postes. Cette disposition enlèverait à la Société canadienne des postes son monopole sur les lettres destinées à l'étranger. La Société canadienne des postes ne s'est pas opposée à cette mesure et elle a affirmé qu'elle serait heureuse d'avoir des concurrents dans ce secteur d'activité.
Certains sénateurs libéraux voudraient vous faire croire, comme je l'ai dit il y a un instant, que cet aspect du projet de loi représenterait le début de la fin pour Postes Canada comme vous la connaissez. Cependant, honorables sénateurs, les membres du comité se sont fait dire que cette disposition ne fait rien d'autre que de consacrer dans la loi le statu quo, la situation qui dure depuis déjà plus de deux décennies. Le projet de loi contribuerait à protéger les emplois des entreprises qui fournissent des services de livraison du courrier à l'étranger depuis des décennies.
Le projet de loi ne porte absolument pas atteinte au privilège exclusif de Postes Canada qui consiste à livrer le courrier au Canada et n'aura aucune répercussion sur sa capacité à soutenir la concurrence sur la scène internationale. Même la présidente de Postes Canada l'a dit. Le comité a consacré cinq réunions à cette question simplement à cause d'une diversion causée par le sénateur Ringuette.
Comment peut-on ignorer le témoignage d'Evan Zelikovitz, présenté au nom de la Canadian International Mail Association ou celui de Barry Sikora, ce gentleman très intéressant qui possède une petite entreprise? C'est le genre de personne pour qui j'éprouve beaucoup d'estime. Il ressemble un peu à mon mari; il a dit qu'il détestait porter des costumes, mais il a dû en porter un pour venir témoigner devant le comité du Sénat. Il emploie des Canadiens dans une petite entreprise. À cause de l'incertitude entourant cette disposition, le nombre de ses employés est passé de plus de 30 à 17. De quel droit pouvons-nous dire que ces entreprises canadiennes et toutes les autres entreprises qui en dépendent n'ont pas le droit d'exercer leurs activités au Canada, tout simplement parce que le sénateur Ringuette croit voir dans cette mesure la fin de Postes Canada? De quel droit pouvons-nous le faire? C'est ce qu'on appelle un programme secret.
(1920)
Le sénateur Tkachuk : Elle a travaillé pour Postes Canada.
Le sénateur Ringuette : Je sais de quoi je parle. Ce n'est pas le cas de tout le monde.
Le sénateur LeBreton : Elle a travaillé pour Postes Canada du temps d'André Ouellet. Et, je vous le donne en mille, ils ont perdu de l'argent.
Une voix : Non. Cela vous surprend?
Le sénateur LeBreton : Lorsque Moya Greene a pris les choses en main, Postes Canada a recommencé à réaliser des bénéfices. Non, cela ne me surprend pas.
L'honorable Anne C. Cools : J'invoque le Règlement.
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, peut-être n'auraient-ils pas perdu de l'argent si...
Le sénateur Cordy : On invoque le Règlement.
Le sénateur Munson : À quel sujet?
Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, j'essaie d'écouter le plus attentivement possible ce que dit l'honorable sénateur. Toutefois, elle n'arrête pas de nous tourner le dos, ainsi qu'à la présidence. Je voudrais le signaler. Elle dit des choses intéressantes. J'aimerais donc qu'elle s'adresse à nous.
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, j'ai essayé de me tourner de ce côté pour m'adresser à la présidence. J'aime beaucoup regarder Son Honneur, notre Président intérimaire. Cela lui va très bien.
Malheureusement, honorables sénateurs, mon microphone est ici. Quoi qu'il en soit, je vais essayer de faire quelques pirouettes, comme quelqu'un que nous connaissions l'a fait il y a bien des années.
Le sénateur Munson : Pierre Trudeau était un grand homme. Je ne crains pas de mentionner son nom.
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je voudrais parler de la position du gouvernement au sujet d'EACL.
Le gouvernement du Canada investit 300 millions de dollars dans les opérations d'Énergie atomique du Canada limitée pour renforcer l'avantage nucléaire canadien. Ce financement couvrira des pertes commerciales prévues et appuiera les activités de la société, et notamment la poursuite du développement du Réacteur CANDU avancé, la production de quantités suffisantes d'isotopes médicaux et le maintien d'opérations sûres et fiables aux laboratoires de Chalk River. Nous sommes heureux de constater que la Commission de sûreté nucléaire a donné à la société l'autorisation de relancer les réacteurs.
Honorables sénateurs, plus de 30 000 Canadiens travaillent directement pour l'industrie nucléaire. Ce sont des emplois spécialisés bien rémunérés. Notre gouvernement est déterminé à en assurer le maintien.
Les besoins nucléaires mondiaux sont en pleine expansion. Le nucléaire est une importante source d'énergie exempte d'émissions qui jouera un rôle essentiel pour permettre au Canada d'atteindre son objectif en matière d'énergie propre.
Nous avons invité des investisseurs à présenter des propositions pour la division des réacteurs CANDU d'EACL en vue de renforcer sa présence mondiale, d'accéder aux possibilités qui s'offrent dans le monde et de réduire les risques financiers assumés, année après année, par les contribuables canadiens.
Honorables sénateurs, nous sommes saisis de ce projet de loi depuis plus de deux mois. Il a traîné au Parlement beaucoup plus longtemps que tout autre récent projet de loi d'exécution du budget, à un moment où notre économie continue d'être fragile.
Le sénateur Mitchell : Le projet de loi est 10 fois plus long que n'importe quel autre.
Le sénateur LeBreton : Nous ne pouvons pas mettre en péril la reprise économique en retardant davantage ces mesures.
Honorables sénateurs, j'ai juste quelques mots à ajouter au sujet du caractère omnibus du projet de loi. Vous pourriez croire que c'est une mesure législative que nous avons concoctée en secret. Les projets de loi omnibus existent depuis longtemps, comme l'a indiqué M. Franks au comité.
Une voix : Ils existaient avant la Confédération.
Le sénateur LeBreton : Nous avons eu des projets de loi omnibus sous le gouvernement précédent, du temps où il était majoritaire.
Je crois même que nous avons eu des projets de loi omnibus quand le sénateur Murray était leader du gouvernement au Sénat.
Une voix : Il s'en souvient.
Le sénateur Di Nino : Nous ne les avions pas scindés.
Le sénateur LeBreton : Lorsque les membres du caucus du sénateur Murray lui posaient des questions à ce sujet, il disait : « Soyez simplement attentifs. Suivez bien ce que je dis et, dans la mesure du possible, taisez-vous. »
J'ai moi-même eu à subir ces remontrances de temps en temps. Je ne vois pas d'inconvénients à vous le dire.
Il est donc temps, honorables sénateurs — et je m'adresse surtout à nos collègues d'en face —, de nous mettre à l'œuvre, de respecter les vœux de la Chambre élue et, en particulier, du chef libéral, et d'adopter ce projet de loi dans sa forme initiale.
Son Honneur le Président intérimaire : Honorable sénateur LeBreton, acceptez-vous de répondre à une question?
L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, il y a quelques jours, le Président a dit, en vertu de l'article 32.1 du Règlement, qu'il avait reçu une déclaration écrite d'intérêts personnels du sénateur Segal au sujet du budget. Le sénateur Segal avait écrit au greffier du Sénat pour indiquer qu'il était possible que le budget puisse, à l'avenir, influer sur un intérêt personnel du sénateur, en dehors de ses fonctions sénatoriales.
Madame le leader du gouvernement au Sénat sait-elle si d'autres sénateurs pourraient se trouver en situation de conflit d'intérêts en votant sur le budget?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, j'ai écouté ce que le sénateur Segal avait à dire. J'ai également lu les rapports concernant les conclusions du conseiller sénatorial en éthique. Si j'ai bien compris, le conseiller en éthique n'a signalé aucun problème. Je n'ai pas à répondre à cette question, qu'il vaudrait mieux poser au conseiller en éthique. Lorsqu'il a donné un avis au sénateur Segal, il a semblé lui dire qu'il n'était pas en situation de conflit d'intérêts. De son côté, le sénateur Segal a décidé — je ne lui en ai pas parlé en personne — qu'il était en situation de conflit d'intérêts et a donc pris des mesures en conséquence. Toutefois, il ne m'appartient pas, pas plus qu'au gouvernement, de m'occuper de cette question. Elle relève du conseiller sénatorial en éthique.
Le sénateur Downe : Je crois que madame le leader du gouvernement devrait s'en soucier car, aux termes des règles de conduite, l'article 8 est très clair pour tous les sénateurs. Je cite :
Dans l'exercice de ses fonctions parlementaires, le sénateur ne peut agir ou tenter d'agir de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille, ou encore, d'une façon irrégulière, ceux de toute autre personne ou entité.
Madame le leader du gouvernement au Sénat a-t-elle interrogé les membres de son caucus? Y a-t-il d'autres sénateurs qui se trouvent dans la même position que le sénateur Segal et qui devraient s'abstenir de voter sur le projet de loi C-9?
Le sénateur Comeau : Encore de la diffamation.
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je répète que nous disposons des services d'un conseiller sénatorial en éthique. Tout sénateur, de quelque parti qu'il soit, qu'il vote sur une mesure législative ou participe à l'adoption ou au rejet de celle-ci, a la capacité de consulter le conseiller sénatorial en éthique. Le projet de loi C-9 est une mesure législative importante. Son orientation générale vise à bénéficier aux Canadiens ordinaires dans toutes les couches de la société. Par conséquent, tout sénateur, de quelque parti qu'il soit, qui pense être en conflit d'intérêts en raison des activités auxquelles il se consacre, ou s'est consacré par le passé, peut aller consulter le conseiller en éthique.
Son Honneur le Président intérimaire : Est-ce que d'autres sénateurs ont des questions à poser?
[Français]
L'honorable Jean Lapointe : Honorables sénateurs, je siégeais au Comité consultatif sur les timbres-poste lorsque M. André Ouellet, l'ancien ministre, est arrivé.
[Traduction]
J'ai oublié les détails, mais Postes Canada perdait de l'argent. Quelques années après sa nomination, la société a commencé à faire beaucoup d'argent? Êtes-vous au courant de cela?
Le sénateur Munson : Oui, pour le compte du Canada.
Le sénateur Di Nino : Où cela nous mène-t-il?
Le sénateur LeBreton : Je n'étais pas au courant. Je sais toutefois que Postes Canada fait maintenant des profits. Cela aurait fort bien pu commencer sous André Ouellet.
(1930)
Voilà qui confirme ce que je pense. Le sénateur Ringuette s'inquiète beaucoup de Postes Canada et des entreprises de repostage même si elles font des affaires depuis des dizaines d'années. Pourtant, ces entreprises n'ont eu aucune incidence sur la rentabilité de Postes Canada. Je vais admettre que ce changement de cap a commencé sous l'impulsion d'André Ouellet. Je n'en suis pas certaine, mais je sais que Postes Canada est rentable actuellement.
En fait, c'est la preuve qu'il n'est pas juste d'interférer avec de petites entreprises canadiennes légitimes et de mener des campagnes de peur quant au sort de Postes Canada, car ces petites entreprises contribuent à créer des emplois. Pourquoi rendre leur vie plus difficile alors qu'elles n'ont absolument aucun impact sur la rentabilité de Postes Canada?
Le sénateur Lapointe : Je voudrais demander au leader combien de millions de dollars de profits Postes Canada a encaissés sous la direction d'André Ouellet. Elle sera surprise de la réponse.
Le sénateur Day : Honorables sénateurs, j'ai écouté attentivement les propos de madame le leader et je tiens à éclaircir quelques points.
Premièrement, elle a utilisé les mêmes mots que les fonctionnaires du gouvernement lorsqu'ils ont comparu devant nous relativement au mandat donné à Rothschild de tenter de vendre la division du réacteur CANDU. Cependant, dans le projet de loi C-9, il est évident que le gouvernement demande la permission de tout vendre, y compris le réacteur de Chalk River, l'ensemble de la propriété intellectuelle et le réacteur qu'a mentionné madame le sénateur, en l'occurrence celui qui produit les isotopes.
Pourquoi le gouvernement demande-t-il au Parlement, dans le projet de loi C-9, de lui accorder des droits et une autorité de plus grande envergure que ceux dont il a l'intention de se prévaloir à ce stade, selon madame le leader et les fonctionnaires qui ont comparu devant le comité?
Le sénateur LeBreton : Quiconque est au Sénat depuis aussi longtemps que moi est au courant des problèmes et des frais engendrés par EACL, de même que de la vaste expertise de cette société. Celle-ci a été et continue d'être un lourd fardeau pour le contribuable canadien.
Comme le ministre l'a mentionné lors de son témoignage, et comme le gouvernement l'a dit publiquement, Énergie atomique du Canada limitée suscite de l'intérêt. L'intérêt public est évidemment lié aux réacteurs nucléaires capables de produire de l'énergie. J'imagine que la réponse courte est qu'EACL est EACL. Lorsqu'une entité est présente sur le marché mondial, il va de soi qu'on se préoccupe davantage des réacteurs nucléaires qui produisent de l'énergie. Il est possible, bien que je n'aie aucune information en ce sens, que quelqu'un s'intéressera à un moment donné au dossier global d'EACL. Pour le moment, l'intérêt est centré sur les réacteurs CANDU.
Le sénateur Day : J'interprète la réponse de madame le leader du gouvernement au Sénat comme signifiant que le gouvernement pourrait exercer le pouvoir qu'il sollicite pendant un certain temps à l'avenir, mais qu'il n'a pas l'intention, dans l'avenir immédiat, de s'intéresser à la production d'isotopes, aux réacteurs CANDU et aux questions connexes qui touchent la propriété intellectuelle. Si mon interprétation est erronée, j'aimerais que madame le leader me corrige.
Autrement, je vais aborder la question du tarif douanier. Le Comité des finances a entendu des représentants de manufactures et des exportateurs à ce sujet. Ces gens ont dit que s'ils avaient été consultés, ils auraient préféré une prolongation de l'application de la déduction pour amortissement accéléré sur le matériel, plutôt que l'approche fondée sur le tarif douanier. Quelles sont les considérations liées à la politique publique qui ont incité le gouvernement à se tourner vers le tarif douanier plutôt que de donner suite au souhait de l'industrie?
Le sénateur LeBreton : Il y a peut-être un témoin qui a dit cela, mais lorsque le gouvernement et le ministre des Finances ont tenu de vastes consultations avant le budget, ils ont obtenu le point de vue d'un grand nombre de gens de l'industrie. Comme les sénateurs ont pu le constater lorsque j'ai lu des citations dans le cadre de mon discours, un grand nombre de gens du secteur manufacturier étaient heureux de la décision prise par le gouvernement.
Il est toujours possible de trouver des témoins qui ont dit telle ou telle chose. Même dans le cas d'initiatives aussi positives et aussi profitables pour les fabricants que celles qui sont proposées dans le projet de loi C-9, il est toujours possible de trouver quelqu'un qui voudrait que les consultations soient plus poussées. À un moment donné, le ministre des Finances et les fonctionnaires du ministère des Finances doivent examiner tous les points de vue formulés et prendre une décision quant aux mesures qu'il convient d'adopter. Il est toujours possible de trouver un témoin qui a formulé un point de vue contraire à celui d'une autre personne. Au bout du compte, le ministre des Finances et le gouvernement ont décidé, après avoir tenu des consultations, d'opter pour cette solution, et ils l'ont fait en se fondant sur des raisons solides et valides.
Je ne sais pas pourquoi cette personne ou ce groupe a eu le sentiment de ne pas avoir été consulté. Je sais que les consultations ont été très vastes et très poussées, et qu'elles se sont déroulées sur une longue période de temps.
Le sénateur Day : J'ai une dernière question liée à cette partie du Tarif des douanes. On nous a dit qu'il y a un grand nombre d'intrants de fabricants pour lesquels le tarif n'a pas été éliminé complètement, afin de protéger les entreprises canadiennes. Je pense que madame le leader conviendra qu'il y a des tarifs nuls et d'autres qui ne le sont pas. Je me demande pourquoi madame le sénateur parle de zone libre d'impôt. Est-elle en train de dire que le gouvernement souhaite aller dans cette direction à un moment donné?
Le sénateur LeBreton : Je pense que mes remarques sont explicites. Je citais aussi d'autres sources.
Pour ce qui est du Tarif, notre position est sans l'ombre d'un doute la meilleure parmi tous les membres du G20. Je suis consciente que les circonstances varient toujours quelque peu d'un fabricant à l'autre, mais le fait est que les mesures proposées dans le projet de loi C-9 ont placé le Canada dans une position unique et inégalée dans le monde.
Le sénateur Day : La ministre confirme donc que nous ne sommes pas actuellement dans une zone libre d'impôt pour ce qui est des intrants des fabricants.
Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres sénateurs qui souhaitent poser une question au sénateur LeBreton?
L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, j'aurais dû poser cette question au sénateur Gerstein, mais son temps de parole était écoulé. Étant donné qu'il s'exprimait au nom du gouvernement, je vais poser ma question au sénateur LeBreton.
Nous aimons tous écouter les notes historiques du sénateur Gerstein. C'est un excellent orateur et il fait des recherches extraordinaires. Je me suis posé des questions au sujet de sa citation de Richard III, sur l'hiver de notre déplaisir qui se transforme en été glorieux. Si ma mémoire est fidèle, ce qui a transformé l'hiver de déplaisir en été glorieux, c'est le « soleil de York », c'est-à-dire Richard III. Nous connaissons tous la réputation de Richard III. Nous savons qu'il a obtenu son boulot de façon bizarre, c'est-à-dire en adoptant des mesures législatives étranges et en lançant une campagne de propagande pour attaquer le lien de parenté et la légitimité de son prédécesseur. Lorsqu'il jugeait qu'un ministre n'était pas parfaitement loyal, celui-ci était traîné à l'extérieur d'une réunion du Cabinet, emmené au jardin et décapité. Je ne vais même pas parler de la petite princesse dans la tour.
(1940)
L'été de Richard III ne fut pas très long ni très agréable. Compte tenu de cette réalité, je me demande si madame le leader approuve le parallèle historique du sénateur Gerstein.
Le sénateur LeBreton : Je devine un piège derrière cette question.
Le sénateur Di Nino : C'est ce que je crois aussi, et un gros piège.
Le sénateur LeBreton : Je vois où le sénateur Fraser veut en venir, comme si, d'une façon ou d'une autre, nous, membres du gouvernement, allons être emmenés dans le jardin et décapités, ce qui n'a évidemment aucun sens. Je vais laisser au sénateur Gerstein le soin de nous en dire plus, à un moment donné, sur l'histoire de la Grande-Bretagne.
La réalité, c'est que cette mesure législative est importante pour le gouvernement et pour les Canadiens. Elle a été élaborée au terme d'un très long processus de consultation. Cette mesure renferme notre budget et notre plan de mise en œuvre. Il ne s'agit pas d'essayer de revenir en arrière ou de jouer au plus fort ou au plus fin.
Il s'agit de notre plan. Nous croyons que ces mesures sont bonnes pour le Canada. Nous savons comment les choses ont été faites dans le passé dans le cas d'EACL et de Postes Canada. Nous avons une approche différente. Nous formons le gouvernement et c'est pour cette raison que nous sommes si convaincus que le projet de loi d'exécution du budget est une bonne mesure législative qui va profiter à un grand nombre de Canadiens, et en particulier aux contribuables qui travaillent fort.
Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres sénateurs qui souhaitent poser une question au leader du gouvernement au Sénat?
L'honorable Wilfred P. Moore : Cela fait quelques années que j'essaie d'obtenir une réponse, et je vais essayer encore une fois ce soir.
Honorables sénateurs, il y a quelques années, le gouvernement de madame le leader a mis fin de façon inappropriée à l'emploi de Linda Keen, qui était à la tête de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. À l'époque, les Canadiens ont appris que le Canada est un grand fournisseur d'isotopes. À la même époque, j'avais posé à madame le leader une question au sujet du fait que le Canada semblait bien se débrouiller sur le plan des recettes, et je voulais connaître les aspects économiques de la production d'isotopes au Canada. Je n'ai jamais obtenu de réponse. J'aimerais savoir si madame le leader a obtenu une réponse et si cette réponse a eu une incidence sur la décision d'inclure cette disposition dans la partie 18 du projet de loi.
Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur Moore de sa question. Tout d'abord, en ce qui concerne Linda Keen, je souligne au sénateur que les mesures ont été prises après un vote à la Chambre des communes et une étude du Sénat sur la fermeture et les problèmes que tout cela a entraîné dans la production d'isotopes.
Le Parlement, soit la Chambre des communes et aussi le Sénat, s'est penché sur le rôle de Linda Keen. Celle-ci n'a rien à voir avec le projet de loi.
Pour ce qui est des isotopes, le gouvernement, qui n'était pas plus heureux de la situation que n'importe qui d'autre, a relevé les problèmes d'EACL à Chalk River. Lorsque le réacteur a connu des ratés, il y a eu un an en mai, la plupart des gens n'ont jamais imaginé qu'il faudrait un an et trois mois pour le réparer et le remettre en marche. Il n'y a aucun doute qu'EACL produit un pourcentage appréciable du stock mondial d'isotopes. Il ne fait non plus aucun doute que, même s'il y avait une pénurie d'isotopes, le monde médical et les hôpitaux ont très bien pallié la situation et que tout cela a entraîné des gains d'efficacité dans l'utilisation des isotopes dans les hôpitaux.
Cependant, beaucoup de gens ont demandé pourquoi EACL perdait de l'argent puisque nous contrôlions pratiquement le marché des isotopes. Pour ce qui est des isotopes, tout ce que je peux dire, c'est que nous sommes heureux de savoir que le réacteur sera remis en marche. La Commission canadienne de sûreté nucléaire permettra le maintien de la production pendant une période limitée.
Je suis désolée que la question du sénateur n'ait pas obtenu de réponse. Lorsque nous inaugurons une nouvelle législature, les sénateurs doivent poser à nouveau leurs questions, sinon elles restent sans réponse.
Quoi qu'il en soit, pour ce qui est de Linda Keen et de son rôle dans la fermeture du réacteur NRU, je crois que c'était en 2007, cela a été examiné par le Parlement et il y a eu décision unanime dans les deux Chambres du Parlement.
[Français]
Le sénateur Lapointe : Honorables sénateurs, vous connaissez mon allergie aux pertes de temps, alors je serai bref mais incisif. Depuis environ 14 heures cet après-midi, je vois double, mais soyez sans crainte, je ne parlerai pas pour autant en stéréo.
Plusieurs projets de loi de M. Harper ont été rejetés et sont donc morts au Feuilleton. Je n'ai pas besoin de les énumérer, ce fut fait aujourd'hui à travers les discours. Sa tentative de tout faire passer à travers le budget relève de la plus grande indécence que j'ai connue depuis neuf ans que je siège au Sénat. Au lieu de l'appeler M. Harper, je le nommerai dorénavant Harper tout court. Harper, vous êtes un menteur, un hypocrite, et vous êtes un être totalement dénué d'intégrité! Le peuple canadien se souviendra longtemps de cette combine.
L'honorable Percy Mockler : Quel manque de respect!
Le sénateur Lapointe : Sénateur Mockler, taisez-vous, je ne m'adressais pas à vous. Si vous avez quelque chose à dire, levez-vous et dites-le.
Le sénateur Comeau : Nous demandons aux honorables sénateurs de l'autre côté de parler au sénateur Lapointe. Il y a une longue tradition sur la Colline du Parlement qui veut que nous ne traitions personne de menteur. Peu importe à quel point nous sommes partisans dans nos pensées, peu importe à quel point nous tenons à nos croyances, nous n'agissons pas ainsi de ce côté du Sénat et nous aimerions que tous fassent de même.
Je demanderais donc aux honorables sénateurs de l'autre côté de parler avec le sénateur Lapointe, de le calmer un peu et de lui rappeler qu'on ne peut utiliser ce langage à l'endroit d'un parlementaire, que ce soit un de nos collègues de la Colline du Parlement ou le premier ministre du Canada, ou encore le leader de l'opposition ou de n'importe quel parti. Si le sénateur Lapointe ne le respecte pas, c'est son affaire, mais ce genre de langage n'est pas toléré dans cette enceinte.
Peut-être que l'honorable sénateur Lapointe voudrait aller répéter ce genre de commentaire à l'extérieur de cette enceinte et voir où cela le mènera, mais je lui demanderais de retirer ses commentaires et de faire ce qu'il doit faire.
Le sénateur Lapointe a dit qu'il était au Sénat depuis neuf ans. J'y suis moi-même depuis 25 ans et je sais que ce n'est pas le genre de langage qu'on utilise dans cette Chambre.
(1950)
[Traduction]
Son Honneur le Président intérimaire : Je demanderais au sénateur Lapointe d'utiliser un langage parlementaire conforme aux règles du Sénat.
[Français]
Le sénateur Lapointe : Avec plaisir, honorables sénateurs, mais cela ne m'empêche pas de le penser.
Le peuple canadien se souviendra longtemps de cette combine. Au cas où il l'oublierait, nous le lui rappellerons au bon moment.
J'éprouve pour plusieurs sénateurs conservateurs en cette Chambre beaucoup d'amitié, d'amour et d'admiration, mais si c'est cela la politique, je serai très heureux d'en sortir le 6 décembre prochain.
Toutefois, je n'oublierai jamais l'appui indéfectible du sénateur Hervieux-Payette, de même que celui du sénateur Massicotte, du sénateur Baker, du sénateur Furey et du sénateur Pépin, pour ne nommer que ceux-là.
Merci du fond du cœur. Et je m'excuse d'avoir insulté votre idole.
[Traduction]
L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, j'aimerais revenir brièvement sur quelques points soulevés par l'honorable leader du gouvernement au Sénat dans son discours.
Tout d'abord, c'est un vaste sujet que celui des coopératives de crédit, et il nous faudrait beaucoup plus d'heures que ce dont nous disposons pour en débattre de façon appropriée. Je crois toutefois pouvoir affirmer avec une certaine confiance, d'après ce que nous avons entendu au comité et mes propres consultations, que les dispositions du projet de loi C-9, selon lesquelles les coopératives de crédit seraient soumises à un cadre réglementaire fédéral, constitueraient au mieux une piètre solution de rechange pour ce mouvement coopératif.
Les coopératives de crédit ne voulaient pas être soumises à la même réglementation que les banques à charte. Je crois donc que ces dispositions sont surtout dues au fait que le gouvernement a cédé aux demandes pressantes des banques à charte pour que tous soient sur un pied d'égalité. Pouvez-vous imaginer les banques à charte exiger que les grandes méchantes coopératives de crédit soient soumises aux mêmes règles qu'elles? C'est ce que prévoit ce projet de loi.
Je sais — nous l'avons entendu au comité et j'en ai eu la confirmation dans le cadre de consultations — que les coopératives de crédit auraient grandement préféré que la Loi canadienne sur les coopératives soit mise à jour, afin de leur permettre, en vertu des lois fédérales, de faire ce qu'elles font actuellement dans le secteur bancaire. C'est ce qu'elles voulaient faire, sous l'égide de l'actuelle Loi canadienne sur les coopératives. Le problème est que cette loi, d'après ce qu'on nous a dit, était désuète avant même d'être mise en œuvre, et les tentatives répétées, au fil des ans, du mouvement des coopératives de crédit de la faire mettre à jour ont échoué.
J'ai un document retraçant l'histoire du Mouvement Desjardins. C'est l'un des témoins qui me l'a envoyé. En fait, je l'ai reçu aujourd'hui. J'ai trouvé intéressant d'apprendre que le mouvement des coopératives de crédit essaie depuis le début du XXe siècle de se doter d'un cadre législatif fédéral approprié.
L'homme qui a déployé le plus d'efforts pour faire adopter ce cadre, en 1908 je crois, était le solliciteur général de l'époque, Arthur Meighen. Ce sont les intérêts économiques qui ont miné sa carrière politique et qui ont anéanti ses efforts.
Le Comité sénatorial des banques, sous la présidence distinguée du petit-fils d'Arthur Meighen, pourrait peut-être examiner cette question dans un contexte plus vaste. Je serais ravi d'envoyer ma copie de l'histoire du Mouvement Desjardins au sénateur Meighen, s'il accepte de me la rendre, car je n'ai pas encore fini de la lire.
Dans son intervention, madame le sénateur LeBreton a soulevé la question de la péréquation, et elle a parlé des mauvais moments que devaient vivre les trésoriers provinciaux ces jours-ci parce que nous n'avons pas adopté les parties portant sur les relations financières fédérales-provinciales.
Honorables sénateurs, je suis sûr que l'on a dit aux provinces à quoi s'attendre en ce qui concerne les paiements de péréquation avant qu'elles ne soient informées par le ministère des Finances, avant que le budget ou le budget des dépenses n'ait été déposé et avant que le projet de loi C-9 n'ait été présenté. Croyez-moi, elles ont déjà prévu quoi faire avec cet argent. Elles le dépensent en ce moment même. Elles savent que le chèque arrivera bientôt.
Il y a souvent eu des prorogations et même des dissolutions qui sont survenues entre la présentation d'un budget et le processus législatif visant à mettre en œuvre les mesures contenues dans ce budget. Après ces prorogations ou dissolutions, la première chose que le Parlement a toujours faite est d'adopter le projet de loi qu'il n'avait pas adopté afin de compléter le budget. Nous avons observé cela de nombreuses fois au cours des années.
Le sénateur LeBreton s'inquiète peut-être de cette situation, mais je peux l'assurer qu'aucun trésorier provincial ou territorial au Canada ne partage ses préoccupations.
Madame le sénateur Ringuette, pour ne nommer qu'elle, a parlé en long et en large d'Énergie atomique du Canada limitée. Je ne répéterai pas inutilement ce qui a été dit. Je n'ai cependant entendu personne nier que l'organisation doive avoir accès au capital et aux emprunts privés ni qu'elle doive prendre de l'expansion si elle veut profiter des possibilités qui s'offriront sur les marchés mondiaux. En fait, Rothschild, qui a produit le document accompagnant la demande de propositions de décembre 2009, a même parlé de « renaissance nucléaire mondiale ».
Honorables sénateurs, je crois me rappeler que le sénateur Ringuette nous a révélé ce qui se trouvait dans ce document, à savoir qu'on envisage de construire entre 100 et 228 nouveaux réacteurs d'ici 15 ou 20 ans. On parle de 400 milliards de dollars dans des marchés ouverts à la concurrence, et c'est sans compter les réacteurs déjà en service qu'il faudra remettre à neuf. Je crois avoir lu quelque part que 60 p. 100 des réacteurs actuellement en service approchent de plus en plus de leur date de péremption, comme on dit, et devront être remis à neuf. C'est un autre marché extrêmement important.
Énergie atomique du Canada limitée doit prendre de l'expansion; elle doit être restructurée; elle a besoin de partenaires et elle a besoin d'investissements. Honorables sénateurs, on nous a rappelé à maintes reprises lors des audiences du comité que toutes les autres entreprises d'énergie nucléaire du monde peuvent compter sur l'appui de leur gouvernement, et ce, tant sur les plans technique, financier et promotionnel que sur celui du marketing. C'est pourtant simple : si nous voulons qu'Énergie atomique du Canada limitée ait un avenir, et à plus forte raison le secteur nucléaire, qui a connu une croissance phénoménale au Canada, le gouvernement du Canada devra faire partie intégrante du processus.
Nous posons donc la question suivante, à la lumière de ce qui se trouve dans ce projet de loi et de ce que nous avons entendu en comité : est-ce que c'est l'intention du gouvernement? Les objectifs stratégiques énoncés dans le document du ministère des Ressources naturelles de mai 2009 et dans celui produit par Rothschild en 2010 semblent tous deux on ne peut plus positifs. On peut cependant en douter à lire le projet de loi et à entendre le discours du gouvernement.
Comme on l'a déjà dit, le gouverneur en conseil pourrait, grâce à ce projet de loi, réorganiser ou dessaisir tout ou partie de l'entreprise Énergie atomique du Canada limitée, sans qu'aucun élément ne soit exclu, les isotopes pas plus que le reste : il pourrait vendre les actions de l'organisation ou en disposer comme bon lui semble, en organiser la fusion ou la dissolution pure et simple. Cela n'est pas très encourageant pour les gens qui s'intéressent à l'avenir d'EACL et du secteur nucléaire canadien parce qu'il ne sera plus possible de faire marche arrière. Une fois que le gouverneur en conseil aura obtenu ce pouvoir du Parlement, nous ne serons jamais plus consultés.
(2000)
Lorsque M. Flaherty a comparu devant le comité le 17 juin, il n'a pas dit un seul mot, dans son exposé préliminaire, des dispositions relatives à EACL. Quand les honorables sénateurs lui ont demandé des détails à ce sujet, il a répondu en substance qu'il n'était pas le ministre responsable d'EACL et que la société relève d'un autre ministre. Il a dit à deux reprises que cela figurait non pas dans le budget, mais dans le projet de loi d'exécution du budget.
Il n'a presque rien dit du tout de la contribution d'EACL et de l'industrie nucléaire à l'économie au fil des ans. Son principal argument — qui illustre son approche unidimensionnelle du problème — était qu'EACL, et je cite, « constituait un fardeau considérable pour le Trésor ». Le leader du gouvernement a répété la même chose ce soir. Nous l'avons entendu à plusieurs reprises lorsque les sénateurs conservateurs membres du comité ont posé des questions.
Il est facile de comprendre que les gens pensent que le gouvernement en a assez d'EACL et qu'il veut s'en débarrasser le plus tôt possible. Je crois que, s'il en avait la possibilité, il fermerait cette société d'État et cesserait de s'en occuper. Voilà ce qui inquiète les gens. Si nous livrons la société en vrac au Cabinet, le résultat pourrait être soit très satisfaisant, soit absolument épouvantable. C'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il est nécessaire d'établir un processus permettant au Parlement non d'examiner tous les détails, non d'empêcher les négociateurs de faire leur travail, même pas de modifier la décision finale, mais simplement de rejeter la décision si nous croyons qu'elle n'est pas dans l'intérêt national.
J'ai entendu le sénateur LeBreton parler encore ce soir, parmi d'autres, d'EACL, de tout l'argent qu'elle a perdu et ainsi de suite. Même le rapport Rothschild signale que la totalité des nouveaux projets récents d'EACL ont été terminés à temps ou plus vite que prévu et dans les limites de leur budget. Le document mentionne que le réacteur construit en Roumanie en 1986 respectait le budget et la date d'échéance. Les unités 2, 3 et 4 de Corée du Sud, construites entre 1997 et 1999, respectaient également le budget et les dates d'échéance. En 2002, l'unité 1 de la Chine a été réalisée à moins que le budget prévu et avec six semaines d'avance; l'unité 2, en 2003, a coûté moins cher que prévu et a été livrée avec quatre mois d'avance. L'unité 2 de la Roumanie respectait le budget et la date d'échéance.
Les réalisations sont bien meilleures que les honorables sénateurs du côté conservateur ne veulent bien l'admettre. Voici ce qu'a dit Howard Shearer, président et chef de la direction d'Hitachi Canada, lors de sa comparution devant le comité :
D'abord, EACL a vendu environ neuf réacteurs à l'étranger, ce qui est plus que bien d'autres fournisseurs d'importance dans les dernières années. Il est important de le comprendre. Par exemple, aucune installation n'a été construite en Amérique du Nord depuis 30 ans. EACL, pour sa part, n'a pas cessé de construire : en Argentine, en Roumanie, en Chine et en Corée. Elle est demeurée active pendant cette période creuse.
Récemment, EACL travaille à se faire connaître dans le monde entier. À l'échelle internationale, les ventes d'installations nucléaires relèvent des gouvernements. Les gouvernements participent massivement à cette industrie. Il est important de le comprendre. La présence du gouvernement est nécessaire parce que les clients à qui vous vendez sont habituellement des gouvernements.
Le Dr Al Driedger, du département de médecine nucléaire du Centre des sciences de la santé de London, était d'avis qu'EACL a réalisé de nombreux succès, notamment en créant beaucoup de retombées économiques dans le secteur privé. Il a dit ceci :
La technologie d'accélérateur a été vendue, et nous l'avons oublié. La technologie d'irradiation des aliments semblait n'avoir aucun avenir au Canada; on s'en est débarrassé. On a aussi bradé les isotopes. EACL a toujours l'air d'une société perdante qui ne fait rien de bon, mais tous ces résultats ont été récupérés par le secteur privé. En tant qu'incubateur, EACL a été très utile.
Aucun de ces arguments n'a été repris par les sénateurs conservateurs.
J'ai entendu le sénateur LeBreton parler ce soir des raisons pour lesquelles EACL engloutit l'argent des contribuables. Honorables sénateurs, EACL a été créée et a été chargée, au fil des ans, de mettre en œuvre d'importants aspects de la politique publique. EACL a établi des laboratoires nationaux en Ontario et au Manitoba pour faire de la recherche médicale, élaborer des machines de traitement du cancer et produire des isotopes. Dois-je ajouter qu'elle a construit des usines d'eau lourde en Nouvelle-Écosse et au Québec? Elle a fait tout cela en dépit du fait que le gouvernement fédéral lui a imposé, en 2005, de désaffecter des sites et de gérer les déchets nucléaires, ce qui a fait un trou de 2,9 milliards de dollars dans son budget.
Certaines de ses activités ont trait à des établissements fédéraux remontant à la guerre froide. EACL se charge du stockage des déchets des universités, des établissements médicaux, du gouvernement et de l'industrie partout au Canada. Elle produit des isotopes médicaux et fait de la recherche-développement dans l'industrie nucléaire. Tous les déchets nucléaires sont maintenant la responsabilité d'EACL, pour le compte du gouvernement, qui lui a imposé cette tâche relevant de la politique publique.
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, le temps de parole du sénateur Murray est écoulé.
Sénateur Murray, souhaitez-vous disposer d'un peu plus de temps?
Le sénateur Murray : Oui, si possible. J'aurais besoin de moins de cinq minutes.
Le sénateur Comeau : D'accord.
Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, lorsque les gens lisent les dispositions de ce projet de loi, qui donne carte blanche au gouverneur en conseil pour disposer à son gré d'EACL, en tout ou en partie, lorsque les gens entendent les arguments des ministres et des sénateurs, il n'est pas du tout surprenant qu'ils s'inquiètent. Si ce projet de loi est adopté, nous donnerons au Cabinet un pouvoir de vie ou de mort sur EACL et, partant, sur l'industrie nucléaire canadienne.
Comme je l'ai mentionné au comité, quand nous avons privatisé d'autres sociétés canadiennes — Air Canada, Eldorado Nucléaire, le CN et Petro-Canada —, le Parlement a imposé des conditions. Dans certains cas, nous avons limité la proportion d'actions qu'une seule personne ou entreprise peut détenir. Nous avons limité la proportion d'actions que des étrangers peuvent détenir. Nous leur avons dit où établir leur siège social. Nous avons même prévu dans la loi l'endroit où elles devaient garder leurs bases d'entretien. Dans certains cas, nous les avons assujetties à la Loi sur les langues officielles.
Nous ne suggérons rien de tel dans le cas d'EACL. Tout ce que nous demandons, c'est que, si ces amendements sont adoptés et que le gouvernement est obligé de réexaminer le projet de loi, le gouvernement considère adopter le genre d'amendement que j'ai proposé et qui a été rejeté au comité de manière à ce que, avant que soit mise en œuvre toute décision ou entente officielle du Cabinet, le Parlement ait la possibilité de voter contre.
Je crois que cet amendement est le moins que les Canadiens puissent attendre de leur gouvernement et de leur Parlement quand il est question de se départir de l'important bien national que représente EACL et d'une industrie nucléaire qui annonce un avenir prometteur sans égal.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Tkachuk : Est-ce en vertu d'une loi ou d'une décision du Cabinet que la société d'État Eldorado Nucléaire a fusionné avec la Saskatchewan Mining Development Corporation, SMDC, afin de former la société Cameco, qui a connu énormément de succès?
Le sénateur Murray : Dans cette pile de documents, je n'ai pas le projet de loi que le Parlement a adopté en ce qui concerne la société Eldorado.
(2010)
Le sénateur Gerstein a soulevé la question d'Eldorado au début des délibérations du comité. Ma mémoire n'est pas aussi précise que je l'espérais, alors j'ai consulté mes dossiers et j'ai déniché ceux de 1987 ou 1988. Le Parlement a effectivement dû légiférer. Bien sûr, le Parlement a fait alors ce qu'il fait maintenant, c'est-à-dire qu'il a donné certains pouvoirs au Cabinet quant à l'avenir d'Eldorado, mais nous y avons assorti des conditions, comme le fait que la nouvelle société devait conserver son siège social en Saskatchewan.
Le sénateur Tkachuk : C'est exact, mais la décision a d'abord été prise par le Cabinet, puis la mesure législative a été adoptée pour procéder à la privatisation.
Le sénateur Murray : La mesure législative est venue du Cabinet et c'est le Parlement qui l'a adoptée.
Le sénateur Tkachuk : C'est exact.
Le sénateur Murray : C'est ce qu'on appelle le processus législatif, comme l'honorable sénateur doit le savoir.
L'honorable Michael Duffy : Je suis intéressé à entendre les observations du sénateur au sujet d'une décision récente du gouvernement libéral du Nouveau-Brunswick d'avoir recours aux services d'une société française au lieu de continuer à utiliser les services d'EACL.
Le sénateur Murray : Je ne sais pas à quel point cette décision est définitive, ou à quel point il s'agit d'une tentative du Nouveau-Brunswick pour porter un coup au gouvernement fédéral et à EACL et, au bout du compte, obtenir le meilleur marché possible. Je ne devrais pas émettre d'hypothèses, mais j'ai pris connaissance de rapports éclairés selon lesquels les négociations entre Areva et le Nouveau-Brunswick ne mènent nulle part.
[Français]
L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, je dois d'abord vous dire que j'ai été bien accueillie par mes collègues du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je les remercie de leur patience. Il m'a fait plaisir de collaborer avec eux, surtout sur deux dossiers dont j'aimerais vous parler quelque peu.
Le premier est celui des caisses populaires anglophones — car il n'y a pas de traduction pour les credit unions —, qui sont devenues une banque. À titre de vice-présidente du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, j'affirme qu'il nous aurait certainement fait plaisir d'étudier les 128 pages de cette section incluse dans les 900 pages du projet de loi.
Je voudrais également mentionner qu'aucune consultation n'a eu lieu au Québec avant que ce projet de loi soit déposé. Bien que le Mouvement Desjardins au Québec ne soit pas outre mesure fâché de ce manque, je crois que par respect pour la population, une consultation aurait dû être menée auprès de tous les joueurs. Ce n'est pas seulement une institution qui est en cause, mais un joueur important sur la scène québécoise. Ce sont seulement des petits groupes, dans certaines régions du Canada, qui ont été consultés, et les parlementaires du Québec n'ont jamais eu vent de ce projet de loi avant qu'il soit déposé.
Ma principale critique porte, d'une part, sur le fait qu'il n'y a eu aucune consultation et, d'autre part, comme mon collègue le faisait valoir, qu'un autre instrument financier a peut-être été créé, ce qui ne répond pas nécessairement aux besoins de l'industrie actuelle dans ce domaine.
Je vous rappellerai que l'objectif d'un mouvement coopératif, c'est la communauté et le fait d'avoir près de chez soi de bons conseillers financiers. Avoir une institution canadienne qui peut agir à travers le pays, une sorte de banque, c'est certainement passablement loin de l'esprit coopératif. Je regrette simplement que le processus législatif n'ait pas été respecté.
L'autre section sur laquelle j'ai travaillé avec mes collègues est celle qui traite d'Énergie atomique du Canada limitée. Je me pose encore la question suivante : pourquoi le gouvernement commandite-t-il des recherches d'opinion de plus de 100 000 dollars? Une étude en profondeur a été menée l'été dernier, en 2009, dans laquelle on apprend que trois Canadiens sur quatre veulent que cette société demeure une société de la Couronne parce qu'elle a bien servi les Canadiens depuis 50 ans. De même, sept Canadiens sur 10 ne veulent pas qu'elle devienne une société privée. De plus, sept Canadiens sur 10 s'inquiètent des mesures de sécurité dans une entreprise privée. Je pense qu'ils ont passablement raison car, même s'il y a un regain de popularité de l'énergie nucléaire, il faut se souvenir de deux événements tragiques qui ont « refroidi » les autorités politiques, surtout dans les pays de l'OCDE, soit Three Mile Island et Tchernobyl. On se souviendra de ces événements dramatiques dont nous avons tous pu voir les conséquences.
En revanche, même si le Canada a continué d'œuvrer dans ce domaine, certainement pas au même rythme, il faut se rappeler aussi qu'il est le premier fournisseur au monde d'uranium, la matière première utilisée dans les réacteurs nucléaires. La filière technologique canadienne utilise de l'uranium qui n'a pas été traité, alors que la plupart des autres technologies utilisent de l'uranium enrichi, qui représente en soi plus de danger pour la sécurité nationale.
J'aimerais citer ce qu'un professeur de Polytechnique nous a dit; il est plus qualifié que moi. Le professeur Guy Marleau, directeur de l'Institut de génie nucléaire à l'École Polytechnique de Montréal, récipiendaire de la médaille W.B. Lewis de la Société nucléaire canadienne, nous a dit qu'il avait mené des recherches en physique sur les réacteurs depuis 27 ans. Je pense qu'il connaît le secteur assez bien, et il a bien voulu nous éclairer.
J'en profite pour remercier tous les témoins, car nous avons reçu la crème de la crème des hommes de science — on voit plus d'hommes que de femmes dans ce domaine —, qui sont venus comparaître devant le comité et qui ont délaissé leurs occupations d'été pour venir nous éclairer. Je dois dire que mes collègues et moi avons beaucoup apprécié leurs présentations.
On a ainsi su qu'Énergie atomique du Canada limitée a déjà reçu un prix Nobel pour ses recherches dans le domaine nucléaire. C'est un domaine de pointe qui est reconnu mondialement. EACL est aussi le créateur d'une technologie originale, le CANDU. On dit que ce réacteur a fait ses preuves au cours des 30 dernières années avec des rendements de 90 p. 100 — je dois vous dire que, pour ceux qui travaillent dans le secteur de la technologie, très peu de technologies peuvent donner un tel rendement — et avec une grande robustesse et une grande versatilité dans l'utilisation des différents combustibles.
On dit aussi qu'EACL offre un appui à l'industrie canadienne dans son entier — nous avons eu des représentants de toute l'industrie canadienne, qui représente environ 70 000 personnes — dans le développement des technologies nucléaires de pointe telles que l'irradiation des aliments, la radiographie par neutrons, la détection de matériaux radioactifs et la sécurité nationale, les radio-isotopes et la radioprotection.
On touche donc à un champ d'activité extrêmement large. Les recherches menées par Énergie atomique du Canada limitée sont appréciées par toute la communauté scientifique. Au Québec, nous avons un laboratoire à Polytechnique; il y en a aussi en Colombie-Britannique, au Manitoba et en Ontario.
Ce qui me désole, c'est l'attitude de nos collègues d'en face. Lorsqu'on veut restructurer une entreprise du point de vue opérationnel et des affaires, on n'est pas obligé de discriminer ou de raconter des histoires. Il faut quand même penser que, d'abord, il y a eu une année où EACL était en position de déficit. C'était l'an dernier et c'est lié directement à la remise en état du réacteur nucléaire de Point Lepreau. Pourquoi? Parce que la négociation n'est pas terminée et ce n'est pas au Nouveau-Brunswick de payer pour toutes les modalités et toute la recherche et développement qui va servir aux 25 autres réacteurs dans le monde. Des discussions doivent avoir lieu et je suis d'accord avec le sénateur Murray lorsqu'il dit qu'il y a probablement des discussions et des négociations en cours puisque AREVA est impliqué; je pense que le réacteur atomique de Point Lepreau doit être mis en marche et qu'il faut compléter les travaux. Il faut savoir qu'AREVA, à l'heure actuelle, en Finlande, connaît un retard d'un an et demi dans des travaux semblables, et accuse 300 000 dollars de dépassement des coûts.
Lorsqu'on innove dans ce domaine, ce que prévoit le design, par opposition à la réalité sur le terrain, implique toujours que des ajustements doivent être apportés.
(20h20)
Les conservateurs doivent se souvenir des contrats de frégates qui, au départ, devaient coûter 300 millions de dollars et qui ont coûté, au bout du compte, 900 millions de dollars chacune. Il y a peut-être eu des changements sur le plan du design.
J'aimerais aussi vous parler de la question la plus embarrassante qui touche à ce projet de loi. Le gouvernement ne fait pas ce que toute entreprise privée canadienne est obligée de faire lorsqu'elle veut conclure des transactions de cette nature, c'est-à-dire disposer de tous ses actifs. La Bourse de Toronto, aux articles 409 et 410, nous dit que, même à l'état de projet, si des changements dans la propriété d'actions peuvent avoir une incidence sur le contrôle de la société, on doit donner cet avis. Normalement, les termes de référence sont aussi donnés et doivent être connus des actionnaires.
Dans le cas d'EACL, les actionnaires sont les Canadiens et ceux-ci ne connaissent pas les termes de référence des contrats qui ont été donnés aux aviseurs financiers Rothschild. Ils n'ont jamais su les termes de référence du contrat qui a été octroyé à la Banque nationale pour la restructuration. On est donc en pleine noirceur. On ne sait pas quel sera l'avenir de la société. On nous propose un projet de loi, un chèque en blanc, comme certains sénateurs l'ont dit. C'est une course toutes catégories. On ne sait pas ce qui arrivera. On peut avoir toutes sortes de soupçons puisque normalement, lorsqu'on a un bon plan et qu'on sait où on s'en va, on est transparent et on donne tout simplement les informations. Pourtant, dans le cas des sociétés publiques inscrites à la Bourse de Toronto, les informations majeures quant aux prix, aux coûts des actions, au nombre d'actions qui seront données en échange, aux modalités de la transaction, au moment où cela doit se faire, tout cela doit être rendu public. Cela est obligatoire en vertu des règles boursières. Pourquoi le gouvernement canadien n'a-t-il pas la décence de se plier aux mêmes règles avec une société aussi importante qu'EACL?
Je vais renchérir sur ce qui a été dit en ajoutant que cette industrie compte 165 entreprises canadiennes. Il ne s'agit donc pas d'un petit nombre d'industries qui sont affectées et qui n'ont pas été consultées. Si ce projet de loi avait été scindé, comme dans le cas de Petro-Canada, d'Air Canada ou d'autres compagnies, on aurait pu faire comparaître des gens qui sont directement affectés dans leur vie quotidienne afin qu'ils nous informent sur la façon de procéder pour bien servir les intérêts de leur secteur et sur la manière dont chacun pourrait contribuer.
J'appuie le rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales. En retirant la partie 18, on dit au gouvernement ceci : faites vos devoirs, organisez des audiences publiques, consultez l'industrie. À titre de parlementaires, nous devons agir puisqu'il s'agit d'un actif important. Arrêtons de nous conter des histoires sur les présumés 8 milliards de dollars investis sur 60 ans. Que ce soit 8 milliards de dollars ou 16 milliards de dollars actualisés, cet argent a rapporté 160 milliards de dollars en revenus fiscaux de la part des employés œuvrant dans ce secteur et des entreprises qui ont payé des impôts durant toute cette période. On est donc loin du déficit. Il n'y a eu qu'une seule année où EACL, au cours des cinq dernières années, n'a pas fait de profits. C'est dans le rapport de Rothschild. L'année 2009 fut la seule où il n'y a pas eu de profits.
Lorsqu'on a demandé au ministre des Ressources naturelles, M. Paradis, quel était l'objectif du projet de loi dont il est responsable, il nous a répondu que, pour le moment, il n'y avait que le côté affaires d'EACL qui était en cause. Quel est le côté affaires d'Énergie atomique du Canada? C'est le côté réacteur nucléaire, construction et reconditionnement. Quant à la recherche et au développement, à la fabrication des isotopes et à l'entreposage des produits nucléaires, tout cela demeure la responsabilité du gouvernement.
Nous devons également tenir compte du transfert de risques. Arrêtons de raconter des histoires aux gens. Il est difficile de prévoir si, par exemple, British Petroleum, une multinationale d'envergure bien plus grande qu'EACL, après avoir dépensé 3 milliards de dollars sans avoir réussi à colmater la fuite de pétrole, pourra survivre. Si, demain, nous avions un Tchernobyl, aucune société privée ne pourrait y survivre. Des gens du secteur financier — je parle des syndicats qui ont comparu devant nous — seraient prêts à investir dans cette entreprise tant que le gouvernement en fait partie et ne permet pas que l'entreprise soit revendue après avoir été en partie vendue à des intérêts privés, en autant qu'il y ait un partenariat public-privé où certains éléments de la transaction restreindraient la nouvelle société de disposer de toutes les activités, et surtout s'il y a une entente. Tous les témoins s'entendaient pour dire que le premier ministre devait être le vendeur en chef. Je suis d'avis qu'il faut une restructuration transparente, non nébuleuse et dont tout le monde connaîtra les tenants et aboutissants.
Honorables sénateurs, puis-je avoir quelques minutes supplémentaires?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Hervieux-Payette : J'aimerais conclure en disant que nous n'avons pas été aussi généreux en ce qui a trait à la recherche et au développement dans le domaine nucléaire que dans la recherche et le développement d'autres sources d'énergies comme les sables bitumineux. En ce qui concerne la découverte de pétrole au large de Terre-Neuve, on parle de dizaines de milliards de dollars investis par les Canadiens.
Nous en sommes tous fiers. On a aussi constaté les sommes d'argent investies pour développer des technologies dans le secteur des sables bitumineux. Encore aujourd'hui, on accorde des subventions au secteur pétrolier.
Que le gouvernement demeure actif au plan de la recherche et du développement dans le secteur nucléaire serait servir les intérêts de tous les Canadiens. Au Québec, Hydro-Québec a accepté de reconditionner un réacteur nucléaire pour des centaines de millions de dollars, alors que l'Ontario produit 50 p. 100 de son électricité à partir des réacteurs nucléaires. Je ne suis certainement pas en conflit d'intérêts. Au Québec, on est dans l'hydroélectricité beaucoup plus que dans le nucléaire, mais, en tant que citoyenne canadienne et mère d'une fille ingénieur physicien, je prends partie pour nos jeunes, pour les emplois de demain, qui feront que nos jeunes pourront exceller à travers le monde entier. C'est pourquoi j'appuie le rapport de mon collègue. Je remercie aussi tous les sénateurs de l'excellent travail qu'ils ont accompli pour le reste de ce projet de loi qui, malheureusement, du point de vue budgétaire, avait probablement des qualités qui ont été viciées par l'introduction d'un pot-pourri de mesures qui n'avaient rien à y faire. Il est dommage que notre profession de parlementaire ne reçoive pas le respect qu'elle mérite de la part du gouvernement.
(2030)
[Traduction]
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je prends la parole en faveur du sixième rapport du Comité des finances nationales sur le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Il s'est dit bien des choses et, assise ici à écouter, j'ai plus ou moins modifié le fond de ce que j'avais initialement l'intention de dire. J'aimerais commencer par dire qu'il est très clair que le projet de loi C-9 est excessif. La seule chose qui me vient à l'esprit, c'est qu'il est l'expression d'une gloutonnerie politique et parlementaire. C'est trop. « Gloutonnerie » est le seul terme qui me vient à l'esprit.
Honorables sénateurs, je n'ai encore vu personne prendre ce projet de loi. J'ai ici le projet de loi C-9 qui compte 883 pages, 24 parties, 2 208 articles et pèse plus de 3,5 livres. Le projet de loi C-9 n'est même pas lisible. Je suis une bonne liseuse et je trouve que ce document n'est même pas lisible. On ne peut pas s'asseoir et le lire pendant des heures et j'ai l'habitude de m'asseoir et de lire plusieurs heures d'affilée. C'est impossible à faire avec ce document. Il est simplement difficile à manier. C'est dommage que nous n'ayons pas une image pour le montrer. Comprenons bien ce qui se passe ici. Comme je l'ai dit, ce projet de loi est d'une ampleur et d'une taille sans précédent.
Honorables sénateurs, je remercie mes collègues qui ont travaillé au sein du comité, plus particulièrement le président, le sénateur Day, le vice-président, le sénateur Gerstein, et les autres membres, le sénateur Ringuette, et surtout le sénateur Murray pour tout ce qu'il a fait dans ce dossier. J'aimerais souligner, comme je l'ai déjà dit, que je les appuie.
Dans les quelques observations que je vais faire, je voudrais évoquer l'idée selon laquelle le présent gouvernement devrait peut-être revoir son approche de l'adoption de mesures législatives et commencer à voir les Chambres moins comme des machines à voter et plus comme des regroupements d'êtres humains dont il devrait satisfaire les demandes. J'ai pensé que pour étayer mon point de vue, je pourrais lire une déclaration de John George Bourinot, tirée de l'ouvrage qu'il a publié en 1901 et qui s'intitule : A Manual of the Constitutional History of Canada. En parlant des ministres et des règles du Parlement, M. Bourinot a écrit :
Les règles du Parlement sont conçues dans le but précis de donner à la Chambre toutes les occasions possibles d'examiner une mesure et de la modifier à différentes étapes.
J'aimerais relire ce passage :
Les règles du Parlement sont conçues dans le but précis de donner à la Chambre toutes les occasions possibles d'examiner une mesure et de la modifier à différentes étapes. Les ministres devraient toujours être prêts à adopter des modifications qui sont conformes aux principes généraux de la mesure, et s'ils se sentent obligés de revenir sur une position qu'ils ont déjà prise, c'est parce qu'ils souhaitent se conformer à la sagesse supérieure...
Le sénateur Fraser : Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Il y a tellement de conversations en cours que je n'arrive pas à entendre le sénateur Cools. Je me demande si Son Honneur pourrait rappeler à l'ordre les sénateurs.
Son Honneur le Président : Je remercie le sénateur d'avoir soulevé cette question. Je prierais les sénateurs de tenir leurs conversations privées dans la salle de lecture.
Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, j'espère que cet intermède sera soustrait du temps de parole qui m'est alloué. Je vais reprendre depuis le début.
Dans son ouvrage intitulé A Manual of the Constitutional History of Canada, qui a été publié en 1901, John George Bourinot a déclaré ce qui suit :
Les règles du Parlement sont conçues dans le but précis de donner à la Chambre toutes les occasions possibles d'examiner une mesure et de la modifier à différentes étapes. Les ministres devraient toujours être prêts à adopter des modifications qui sont conformes aux principes généraux de la mesure, et s'ils se sentent obligés de revenir sur une position qu'ils ont déjà prise, c'est parce qu'ils souhaitent se conformer à la sagesse supérieure d'un organisme délibérant; ils n'admettent pas forcément qu'ils ont perdu la confiance de l'assemblée législative.
Honorables sénateurs, je devrais peut-être rappeler à mes collègues que toutes les règles visent à faciliter le débat et le dialogue et, si nécessaire, le compromis.
Honorables sénateurs, plus tôt dans son texte, John George Bourinot a déclaré ce qui suit au sujet des ministres :
Après avoir soumis une mesure à l'examen du Parlement, ils devraient être prêts à l'améliorer avec l'aide des Chambres.
Honorables sénateurs, j'ai voulu profiter des quelques moments qui me sont alloués pour porter ces lignes à votre attention. Le but premier des deux Chambres consiste à trouver un terrain d'entente, notamment lorsque la marge est aussi mince qu'elle l'est actuellement. Au lieu de passer en revue chacune des parties du projet de loi que je considère comme profondément entachées d'erreurs, j'ai cru que je me rendrais plus utile ainsi, car nous pourrons mieux comprendre les rouages des systèmes, qui sont censés reposer d'abord et avant tout sur la collaboration et le débat.
Honorables sénateurs, comme je voulais appuyer mes dires sur des écrits, j'ai passé une partie de la fin de semaine à lire et à relire quelques-uns des grands maîtres : Robert Peel, lord John Russell et consorts. J'ai trouvé une citation intéressante dans le compte rendu d'un débat plutôt animé, qui s'est tenu à la Chambre des communes britannique le 29 mars 1845; lord John Russell a dit ceci :
Je ne crois pas que ce serait à l'avantage du pays s'il fallait que le gouvernement se considère comme tenu d'appliquer à la lettre toutes les mesures adoptées par la Chambre.
Honorables sénateurs, voilà de quoi alimenter notre réflexion. Lord Russell poursuit, quelques lignes plus loin, et parle de la valeur que peut avoir l'opinion de la Chambre :
Mais en ce qui concerne les grandes questions législatives qui se répercutent sur l'ensemble des citoyens, dont les sentiments doivent être connus des députés qui les représentent, j'espère sincèrement que la Chambre conservera un partie de ses pouvoirs législatifs et que les députés ne deviendront pas des marionnettes dont le seul rôle consisterait à voter au gré des objectifs ou des opinions de leur parti.
Honorables sénateurs, ce ne sont pas les arguments qui manquent pour prouver que les amendements sont souhaitables et que les gouvernements y trouvent leur compte lorsqu'ils en concèdent quelques-uns. Je tenais à ce que vous le sachiez. Il ne fait aucun doute que ce projet de loi comporte de graves lacunes et que nous ne devrions jamais adopter un projet de loi qui est entaché d'erreurs. J'en appelle donc à tous mes collègues et les exhorte à prendre conscience qu'ils ne devraient pas accepter sciemment de mettre un projet de loi aux voix s'ils savent qu'il n'est pas parfait ni même aussi bien qu'il pourrait l'être. Il n'y a aucune gloire à soutenir ce qui ne doit pas l'être.
Honorables sénateurs, j'aimerais répondre à ces personnes. Je ne crois pas l'avoir entendu au cours du débat, mais je l'ai entendu à maintes reprises ailleurs. Je ne suis pas d'accord avec les déclarations et les assertions de certains, selon lesquelles les sénateurs et le Sénat agissent de façon inappropriée ou non souhaitable lorsqu'ils modifient un projet de loi, en particulier celui-ci. Je tiens à dire que ces assertions et déclarations ne sont pas fondées et qu'en fait elles sont erronées. Je souligne que, dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, les Pères de la Confédération voulaient que le Sénat joue un rôle important, et même très important, en ce qui a trait aux questions financières. En fait, ce rôle est différent de celui qui était prévu par la Chambre des lords relativement à ces questions.
(2040)
Qui plus est, par le passé le Sénat a modifié et rejeté un grand nombre de soi-disant projets de loi financiers, projets de loi de crédits et même des projets de loi d'exécution du budget. Le sénateur Murray a fait allusion à sa mesure législative, le projet de loi C-93, qui a été rejeté en 1993. Je m'en souviens bien, parce que j'avais aidé le sénateur Finlay MacDonald à rejeter cette mesure. Je me rappelle bien cet événement. Il existe de nombreux exemples de modifications apportées par le Sénat. De tels changements sont tout à fait appropriés. C'est la bonne façon pour le Sénat d'exercer son rôle en vertu de la Constitution.
Honorables sénateurs, parlons un peu de la question des élections et de toutes ces folies. Premièrement, les rejets n'entraînent pas des élections. Les rejets à la Chambre des communes ne déclenchent pas d'élections. Ils sont censés entraîner des démissions de premier ministre, mais non des élections. Les élections sont l'exception qui remplace une démission, mais nous n'en sommes pas là. Je parle ici du pouvoir du Sénat de modifier ou de rejeter des projets de loi. La seule et unique limite au pouvoir du Sénat de rejeter ou de modifier un projet de loi se trouve à l'article 53 de l'AANB, 1867, qui dit ceci :
Tout bill ayant pour but l'appropriation d'une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d'impôts, devra originer dans la Chambre des Communes.
Ce n'est pas un hasard, honorables sénateurs. C'était une décision délibérée des Pères de la Confédération. Au moment de la rédaction du contrat ou pacte constitutionnel, ces questions ont été très bien étudiées. Nous savons qu'en 1864, lorsque le Canada se dirigeait vers la Confédération, le Royaume-Uni était en train de réduire ou de limiter les pouvoirs de la Chambre des lords à l'égard de ce qu'ils appelaient les projets de loi de finances. Ce terme n'est pas particulièrement utile ou éclairant au Canada.
Limiter ces pouvoirs signifie que le Canada — comme nous l'avons vu au moment de la Confédération — a accepté une résolution de la Chambre des communes du Royaume-Uni remontant à 1661 et portant qu'« aucun projet de loi qui impose des frais ou une taxe aux Communes ne doit avoir son origine à la Chambre des lords ». On a accepté cela et c'est ce qui est maintenant l'article 53 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Cependant, deux autres motions, soit les motions de 1671 et de 1678 de la Chambre des communes ont été rejetées. Elles portaient ceci :
Il appartient à la Chambre des communes seule d'attribuer des subsides et crédits, et toute aide à Sa Majesté au Parlement, et tout projet de loi prévoyant de tels subsides et crédits devrait prendre naissance aux Communes, car elles ont indiscutablement le droit d'y déterminer et désigner les objets, destinations, motifs, conditions, limitations et emplois de ces crédits, sans que la Chambre des lords puisse y apporter des modifications
Les sénateurs trouveront cela transposé dans l'article 80 du Règlement de la Chambre des communes, qui reprend la première partie de cette résolution et précise ensuite que de tels projets de loi ne peuvent pas être amendés par le Sénat. Chaque année, à chaque débat, nous rejetons cela. Nous le rejetons constamment.
En terminant, je dirai que les sénateurs ont agi tout à fait correctement avec le projet de loi C-9. Il n'y a pas beaucoup en jeu ici sauf un petit irritant. J'exhorte les nouveaux sénateurs à se prendre au sérieux et à comprendre que, en vertu du document qu'ils ont encadré sur leurs murs, Sa Majesté s'attend à ce que chacun d'eux se serve de son intelligence. Elle ne veut pas qu'ils se comportent comme des robots.
Honorables sénateurs, je ne suis pas en train d'insinuer qu'il y a des robots ici. Je dis qu'il existe un point de vue voulant que si la Chambre des communes adopte un projet de loi, le Sénat ne devrait pas y toucher. C'est une opinion que je déteste et je suis prête à la contester et à dire qu'elle est erronée, qu'elle n'est pas fondée et qu'elle n'est pas justifiée par l'AANB de 1867, ni par la Constitution du Canada.
Honorables sénateurs, je voulais dire cela et peut-être illustrer un ou deux principes fondamentaux. Les Pères de la Confédération ont voulu que le Sénat et les sénateurs aient un pouvoir fort relativement aux questions financières, en particulier lorsque ces questions touchent des intérêts provinciaux particuliers.
Quoi qu'il en soit, j'ai assez parlé. Personne ici n'oserait se lever et dire que le projet de loi est parfait. Je n'oserais pas le dire moi non plus. Il est évident que cette mesure est très imparfaite et il y a quelque chose qui cloche vraiment dans le fait de confier ainsi la responsabilité d'EACL au gouverneur en conseil, au Cabinet. Je demande simplement qu'on réfléchisse à la raison d'être du Sénat, à la raison pour laquelle nous sommes ici. C'est tout ce que je demande. Réfléchissons un peu à cela.
Je remercie les sénateurs de leur attention. Je remercie le sénateur Comeau de son endurance. C'est difficile pour les leaders, en particulier les leaders adjoints, de garder le contrôle de tout cela. Je remercie le sénateur Cowan et je remercie tout particulièrement le sénateur Murray. Lui et moi avons eu de grosses querelles à l'époque de la TPS, mais nous sommes devenus de bons amis. Le sénateur Murray est encore ici pour environ un an, peut-être un peu moins, je ne suis pas sûre. Je l'encourage à partager avec les sénateurs sa grande connaissance du fonctionnement du gouvernement et de la Constitution. La majorité des sénateurs éprouvent un grand respect envers le sénateur Murray, même lorsqu'ils ne sont pas d'accord avec lui.
Cela dit, honorables sénateurs, comme je l'ai dit plus tôt, j'appuie le rapport avec les amendements. J'étais d'avis qu'il valait mieux parler des principes fondamentaux. Aucun gouvernement ne perd la face en acceptant certains amendements à un projet de loi.
Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions?
L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, tout d'abord, je tiens à souligner le travail incroyable, comme je l'ai qualifié partout ailleurs, de tous les membres du Comité des finances nationales. Je ne crois pas qu'on veuille souligner un parti en particulier dans ce cas-ci. Le comité est totalement non partisan. Tous les membres du Comité des finances nationales ont travaillé très dur et longtemps pour examiner les 2 208 dispositions que renferme ce projet de loi. Nous avons de quoi être fiers d'eux, et j'encourage tout le monde ici à les applaudir maintenant.
À mon avis, les membres du comité ont également émis d'excellentes recommandations. Ils ont rejeté quatre parties du projet de loi avec raison. Lorsque j'ai assisté aux réunions du comité, j'ai suivi de près l'étude d'une des quatre parties en raison de ses implications environnementales, auxquelles je m'intéresse particulièrement. Si j'avais été un membre votant du comité, je me serais certainement prononcée en faveur du rejet de la partie 20, qui propose des modifications à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Il y plus de 15 ans maintenant, j'étais vice-présidente du Macleod Institute. Je suis devenue présidente de l'institut pendant 10 ans. Nous avons réalisé une étude dont j'ai été la coauteure sur le chevauchement des évaluations environnementales au Canada, plus particulièrement dans l'Ouest, en Alberta, où nous étions situés. Nous sommes allés sur le terrain interroger je ne sais combien de personnes. Je dirais une soixantaine. Nous avons inclus des représentants de plusieurs types d'industrie. Nous voulions entendre l'opinion des organisations non gouvernementales à vocation écologique, des universitaires et des responsables des organismes de réglementation, et c'est ce que nous avons fait.
(2050)
Nous en sommes venus à la conclusion, à la lumière de toutes ces consultations, qu'il n'y avait pas de chevauchement ni de double emploi. Oui, il y avait des problèmes, mais ils étaient surtout attribuables à la longueur du processus, notamment à cause des bureaucrates fédéraux qui n'arrêtaient pas de tergiverser et qui étaient incapables de prendre une décision. Ils commençaient par dire qu'une étude de petite envergure ferait l'affaire, mais une fois l'examen préalable terminé, ils disaient qu'ils n'étaient plus certains et exigeaient une étude de plus grande envergure. Puis une autre de plus grande envergure encore. Et ça continuait encore longtemps comme ça, au point qu'on ne savait plus où donner de la tête. Tous ces retards coûtaient beaucoup d'argent, je ne le nie pas, et les gens se plaignaient beaucoup, mais rien n'était fait en double.
En 1997, le Comité de l'environnement de la Chambre des communes est parvenu à la même conclusion. Il n'y a pas de double emploi, même s'il y a bel et bien des problèmes. Six ans plus tard, notre propre Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a conclu sensiblement la même chose. Comme le sénateur Tommy Banks, qui présidait le comité à l'époque, l'a si bien résumé encore récemment, le problème tient au fait que tout le monde est responsable de la mise en œuvre de la loi — l'appareil gouvernemental au grand complet est responsable des évaluations environnementales —, mais personne n'est en charge. Donc rien ne se fait. Une fois encore, c'est la longueur du processus qui a fini par peser sur ceux qui devaient s'y soumettre.
La partie 20 du projet de loi, qui modifie la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, ou LCEE, propose de ne confier la prise de décisions qu'à trois instances au lieu des innombrables décideurs que compte actuellement le système. Dans certains cas, la décision reviendra à l'Office national de l'énergie, dans certains autres à la Commission canadienne de sûreté nucléaire, et dans tous les autres à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Quand j'ai pris connaissance de ces modifications, je me suis dit : « Bon, nous y sommes enfin, après toutes ces années. On s'approche enfin du but. »
Le témoin d'Ecojustice était du même avis, tout comme la représentante de l'Association minière du Canada. Tout le monde était d'accord.
Permettez-moi de vous citer les paroles du témoin de l'Association minière du Canada. Voici ce qu'elle a dit :
Voilà 19 ans que l'on nous promet une seule évaluation par projet.
Or, ce n'est pas encore ainsi que les choses se passent.
Elle a également ajouté ceci :
[...] on nous a fait de nombreuses promesses, qui ne se sont jamais concrétisées [...]
Puis ceci :
Je suis cependant loin d'être convaincue que nos problèmes sont désormais réglés, vous savez.
Qu'est-ce qui ne va pas avec la partie 20? Certaines modifications vont trop loin, d'autres pas assez. Celles qui se rapportent à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, par exemple, ne vont pas assez loin. C'est le premier problème. J'ai noté les pouvoirs que l'agence reçoit de sa propre loi, car ce sont les seuls qui lui sont conférés, et je n'ai pas pu en trouver un seul qui lui permette d'assumer le genre de rôle qu'on veut lui confier.
Les témoins n'ont pas soulevé cela. J'ai fait examiner la question par un avocat indépendant et lui aussi, à première vue, a déclaré qu'il était très possible que l'agence n'ait pas le pouvoir de faire ce qu'on lui demande de faire.
Deuxièmement, on n'a pas demandé à l'agence d'entreprendre une étude complète en même temps qu'une province. C'est le problème qu'ils disent tenter de corriger. Il n'y a pas de délai, pas de mandat et pas d'obligation faite à l'agence d'agir. Comme il a été admis en comité, tout ce qui a été accordé, c'est un pouvoir discrétionnaire.
Troisièmement, l'agence n'est pas tenue de coordonner son travail avec les provinces. Une disposition de la loi dit qu'elle « peut ». Remplacer « peut » par « doit » aurait beaucoup aidé. L'agence pourrait ainsi atteindre un but.
Il y a une chose que nous demandons tous depuis assez longtemps, et le sénateur Neufeld est un des plus habiles promoteurs de l'idée et nous l'avons toujours soutenu lorsqu'il a présenté cette demande, c'est que, lorsqu'une évaluation environnementale provinciale correspond à une évaluation que doit faire le gouvernement fédéral, celui-ci utilise cette évaluation provinciale comme équivalent. Comment pourrait-on faire mieux? Cela n'a pas été exigé et, en plus, l'agence fédérale n'est pas tenue de collaborer avec les provinces.
La quatrième chose n'est pas dans le projet de loi. La quatrième chose, c'est ceci : nous avons maintenant un tsar de l'environnement au sein de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale et, évidemment, cela signifie que l'agence devra élargir ses activités. Nous avons posé des questions au sujet de ses finances. On nous a répondu qu'elle avait obtenu plus d'argent. J'ai vérifié les prévisions financières faites par l'agence elle-même et il est clair que le ministre a déclaré il y a deux ou trois mois que son budget serait amputé du tiers dans deux ans.
Quel genre d'engagement avons-nous? Nous avons une agence qui n'a peut-être pas le pouvoir, qui n'a pas d'obligation et qui n'aura pas assez d'argent pour exercer le maigre pouvoir discrétionnaire qu'on lui accorde. À mon avis, c'est là un projet de loi qui ne va pas assez loin. Cela me rappelle l'histoire du petit garçon à qui on dit qu'il peut avoir des biscuits quand il veut, sans avoir à demander. Cependant, on place la jarre à biscuits sur une étagère élevée dans une pièce où il n'y a pas d'échelle, pas de chaise et même pas une pile de livres où le garçon pourrait monter pour atteindre les biscuits. On lui a donc dit qu'il pouvait avoir des biscuits, mais on fait en sorte qu'il lui soit impossible de profiter de sa permission.
La jarre à biscuits ne se trouve pas dans le projet de loi. Ce n'est pas un projet de loi facile, il doit être peaufiné et il faudrait prendre le temps et faire l'étude qu'il faut pour que cette promesse fédérale de longue date devienne réalité. J'espérais que, cette fois-ci, je pourrais appuyer une mesure présentée par le gouvernement pour donner corps à ce que nous réclamons tous depuis si longtemps. Je dois admettre que je suis encore une fois déçue.
Il y a d'autres problèmes, et je suis persuadée que d'autres sénateurs les soulèveront. En ce qui concerne les modifications proposées, l'autre problème est qu'elles vont trop loin. Celles dont j'ai parlé en premier ne vont pas assez loin, et celles-ci vont trop loin.
Il y a d'abord le vaste pouvoir du ministre, qui peut maintenant décider que la portée d'un projet n'est pas aussi étendue que ce qui avait été proposé. Cela aura des répercussions dans toute la mesure législative. Ce pourrait être, dans la mesure où c'est possible, une autre façon d'éliminer totalement la portée des évaluations environnementales. Je suis contre cette disposition.
J'aimerais souligner pourquoi c'est si important avant que nous ne nous mettions à parler d'écolos ou d'environnementalistes trop zélés. Il s'agit en fait d'une question économique. C'est parce que les normes du marché évoluent.
(2100)
Il y a quelques semaines, sénateurs, j'ai pris la parole au Sénat au sujet de l'industrie forestière et d'une entente, intitulée Entente sur la forêt boréale canadienne, qu'elle avait conclue avec des organisations environnementales. Depuis une dizaine d'années, les sociétés forestières perdaient des ventes parce que des activistes environnementaux avaient convaincu des détaillants comme Rona, Home Depot et Dieu sait combien d'autres de ne pas acheter de bois d'œuvre si les pratiques environnementales des sociétés forestières n'étaient pas à la hauteur.
Il y a ensuite eu l'épouvantable accord sur le bois d'œuvre, qui a nui encore plus à l'industrie forestière, de sorte que celle-ci a finalement fait face à la situation et conclu une entente avec les ONGE, les organismes non gouvernementaux de l'environnement, qui ont convenu de cesser de boycotter ses produits. Les choses commencent à se gâter pour les Albertains, car même si ces organismes ont convenu de ne plus boycotter les produits forestiers, ils commencent maintenant à s'attaquer aux sables bitumineux. Ils ont déjà convaincu certains détaillants américains de ne pas acheter de produits pétroliers raffinés dérivés des sables bitumineux. En outre, ils ont convaincu 50 membres de la Chambre des représentants de signer une lettre et de l'envoyer à la secrétaire d'État, Hillary Clinton, afin qu'elle refuse d'autoriser la construction d'un pipeline d'hydrocarbures dans les États du Nord-Est car ils considèrent que les pratiques environnementales des sociétés en amont sont inférieures aux normes établies.
Honorables sénateurs, si les boycottages de ce genre deviennent aussi efficaces pour l'industrie pétrolière et gazière, particulièrement en ce qui concerne les produits dérivés des sables bitumineux, qu'ils l'ont été pour l'industrie forestière, cela deviendra un problème économique important. À mon avis, le gouvernement n'arrange pas les choses, car il fournit des arguments aux environnementalistes en abaissant la norme des évaluations environnementales au Canada.
Le gouvernement de l'Alberta a payé un peu plus de 55 000 $ pour publier dans le Washington Post une lettre qui dit aux membres de la Chambre des représentants qu'ils doivent nous croire. Faites-moi confiance, ils ne nous croiront pas, et nous pouvons publier autant de publicités ou de lettres ouvertes que nous voulons dans les journaux, ce n'est pas ainsi que nous les convaincrons. La seule façon d'y parvenir est d'améliorer nos pratiques afin de répondre aux normes internationales.
Je demande cinq minutes de plus.
Le sénateur Comeau : Cinq minutes.
Son Honneur le Président intérimaire : Je vous accorde cinq minutes supplémentaires. Veuillez poursuivre.
Le sénateur McCoy : Honorables sénateurs, il nous faut un gouvernement fédéral qui soutient nos industries et l'Association minière du Canada, en leur permettant de se battre et de dire sur la scène internationale que nos pratiques environnementales sont aussi bonnes que n'importe où ailleurs dans le monde. Elles ne pourront pas affirmer cela si nous suivons cette voie.
Honorables sénateurs, je veux formuler des remarques relativement à une dernière partie du projet de loi, à savoir les changements proposés à la consultation publique. J'ai déjà dirigé des équipes formées de pairs qui étudiaient les évaluations environnementales. Je mettais sur pied une équipe composée de scientifiques et de praticiens, puis nous prenions des études environnementales et nous les commentions. Notre client était parfois le gouvernement, parfois un membre de l'industrie, et parfois une organisation non gouvernementale à vocation environnementale. Nous sommes devenus bien au courant des principales pratiques. En fait, nous avons rédigé des documents sur ce sujet.
Une chose qui est reconnue à l'échelle internationale comme une condition sine qua non est le fait que même s'il peut y avoir trois ou quatre éléments essentiels dans une évaluation environnementale, le facteur prépondérant est une consultation publique sur ce qui sera inclus dans l'évaluation environnementale, c'est-à-dire sur sa portée. Or, la modification proposée supprime cet élément. Un autre libellé est inclus, mais il est beaucoup plus restrictif et discrétionnaire. Encore une fois, tout repose sur la bonne volonté de l'agence en cause.
La mesure législative atténue la rigueur des contrôles. C'est un luxe que nous ne pouvons nous permettre, ne serait-ce que parce que nos grandes industries minières, forestières et énergétiques — pour n'en nommer que quelques-unes — sont confrontées à ces considérations au niveau international. Nous ne pouvons pas les laisser prêter flanc à des critiques pour pourraient bien être justifiées.
Honorables sénateurs, j'appuie le rapport du Comité des finances nationales. Je remercie les membres, en particulier le président, de la courtoisie dont ils ont fait preuve en m'incluant et en me permettant de participer au processus, même si je n'ai pu voter, étant donné que je ne suis pas membre du comité. J'exhorte les sénateurs à réfléchir sérieusement et je leur demande d'appuyer les recommandations judicieuses faites par le comité au Sénat.
L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, je souhaite participer au débat à l'étape du rapport et discuter de la partie 2, qui renferme les changements apportés aux droits et aux taxes d'accise. Je veux traiter en particulier de l'amendement proposé au paragraphe 55(6), à la page 32. Je vais aborder quatre aspects de ce changement, notamment l'absence de consultations publiques, les répercussions discriminatoires du projet de loi, le caractère vague de la définition de « service financier », et la répugnante disposition de rétroactivité.
Honorables sénateurs, en ce qui a trait à la participation du public, il convient de mentionner que la Section nationale de la taxe à la consommation, des douanes et du commerce de l'Association du Barreau canadien a présenté une lettre à notre comité, dans laquelle elle dit :
Le gouvernement s'est éloigné de sa pratique traditionnelle en présentant ces mesures fiscales au Parlement sans avoir tenu des consultations sur les propositions renfermées dans l'ébauche de projet de loi [...]
La Section nationale de la taxe à la consommation de l'ABC est d'avis que les mesures liées à la TPS, telles qu'elles sont actuellement rédigées, sont tellement imparfaites qu'elles devraient être retirées du projet de loi C-9 afin de permettre la tenue des consultations nécessaires... et d'en arriver à des solutions plus satisfaisantes...
C'est l'Association du Barreau canadien qui nous a dit cela. Nous avons eu le même son de cloche de la part du GST Leaders' Forum. Dans ses remarques, le forum a traité du manque de clarté. Une lettre a été remise au comité et traite de cette disposition du projet de loi et de la clarté, ou plutôt du manque de clarté de l'expression « service financier ». On fait état de cette lacune. Les auteurs de la lettre disent que le ministre des Finances lui-même a laissé entendre que les changements proposés sont mal formulés. Ces propos ont été publiés dans l'édition du 26 mars dernier du Globe and Mail.
Honorables sénateurs, d'autres documents ont ensuite été déposés par le ministère des Finances et par l'Agence du revenu du Canada. Deux documents ont été publiés afin de tenter de clarifier la situation et de préciser ce qui allait être considéré comme un service financier et qui allait être touché par cette mesure législative.
(2110)
Une version révisée de l'avis 250 a été publiée par le ministère des Finances. L'Agence du revenu du Canada a également publié son énoncé de politique P-239. Ces documents, qui devaient clarifier la situation, ont été examinés. L'Association du Barreau canadien et le GST Leaders Forum les ont également examinés de près. Ces organismes ont conclu que la question n'était pas claire et qu'il était difficile de déterminer qui était imposable et qui ne l'était pas en vertu de cette définition.
Honorables sénateurs, il est intéressant de noter que ces deux organismes ont demandé de prendre part au processus, ce qui leur a été refusé. Ils ont des raisons évidentes de s'opposer à l'inclusion de cette disposition dans le projet de loi.
En vertu de cette loi, deux catégories de contribuables canadiens seraient traitées différemment l'une de l'autre. C'est particulièrement préoccupant. Si l'ARC était d'avis qu'un contribuable devait payer de la TPS et que celui-ci le contestait devant les tribunaux, comme conséquence de la situation dans laquelle nous nous retrouvons aujourd'hui, une situation que je ne saurais comment décrire du fait qu'elle n'est pas claire, et que le ministère lui disait qu'il a raison, qu'il n'a pas à payer la taxe, mais que ce contribuable ne payait pas, alors il serait assujetti à l'impôt. Les contribuables seraient traités différemment en vertu de la même loi.
En outre, honorables sénateurs, il y a un détail très important à ne pas oublier, à savoir que les impôts perçus pourraient atteindre deux milliards de dollars. Cela remonte à l'origine de la TPS, qui a été adoptée en 1990 et qui est entrée en vigueur en 1991. Un grand nombre de Canadiens recevront une visite surprise de l'Agence du revenu du Canada.
Jusqu'à maintenant, l'ARC aurait reçu pour 100 millions de dollars de réclamations, mais elle n'a pas versé l'argent. On peut se demander si elle finira par le faire.
Les commentaires du témoin du ministère des Finances, le responsable de la politique, étaient intéressants. Il a dit que l'avis publié par l'ARC devrait raisonnablement répondre aux préoccupations. Il n'est pas catégorique. Le ministre des Finances n'est pas catégorique. Les deux principaux organismes qui suivent ce dossier et qui ont l'occasion d'apporter une importante contribution à l'échelle nationale, en l'occurrence l'Association du Barreau canadien et le GST Leaders Forum, sont également perplexes et estiment que cette mesure risque de conduire à la discrimination et à la perception inappropriée d'impôts.
Honorables sénateurs, en ce qui concerne la rétroactivité, le sénateur Murray a mentionné plus tôt aujourd'hui le cas des autobus scolaires au Québec. Je crois qu'à l'époque le sénateur était président du Comité sénatorial permanent des finances nationales et je siégeais moi-même à ce comité. C'était un projet de loi libéral qui avait été présenté et adopté. Je me suis opposé à ce projet de loi et j'ai voté contre. Je pense qu'il est mauvais. Nous voici aujourd'hui en 2010, et nous parlons de remonter dans le temps jusqu'en 1991.
J'estime que ce type de mesure législative est mal conçue. Je ne crois pas que nous devrions déplacer les poteaux de but une fois la partie commencée. Je pense que nous pouvons faire mieux en qualité de législateurs en cette enceinte. Je ne pense pas que qui que ce soit ici voudrait se retrouver contre son gré dans ce genre de situation s'il était en train de traiter des affaires, et cela pourrait arriver.
Honorables sénateurs, pour toutes ces raisons, j'appuie le rapport du comité, avec ses amendements, et je demande aux sénateurs d'en face d'y songer, car il est question d'une mesure législative importante. C'est un seul petit article, quelques mots de plus que les 20 mots de l'article sur Postes Canada, mais il est important. Nous créerons un dangereux précédent si nous allons de l'avant et adoptons ce projet de loi.
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à propos du projet de loi C-9. Je tiens à remercier les sénateurs Day, Gerstein, Murray et tous les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales pour le travail qu'ils ont fait. Je veux les remercier pour leur dévouement et pour le travail qu'ils ont accompli pour nous.
En 1994, le premier ministre Harper s'est plaint d'un projet de loi omnibus du gouvernement libéral qui avait regroupé différentes questions dans un seul projet de loi pour pouvoir régler plusieurs choses à la fois. Ce vieux projet de loi libéral faisait 21 pages. Le projet de loi C-9, en revanche, est de 880 pages et contient 2 200 articles. Je crois, comme d'autres sénateurs, que le projet de loi C-9 aurait dû être fractionné et que les projets de loi inclus dans le projet de loi budgétaire auraient dû être présentés séparément.
Honorables sénateurs, ce qui me préoccupe, c'est que de nombreuses parties de ce projet de loi n'ont même pas été étudiées par le Comité sénatorial permanent des finances nationales. La semaine dernière, le comité a demandé à Naseer (Irfan) Syed, un avocat de Toronto spécialisé dans le blanchiment d'argent, de témoigner sur la question des produits de la criminalité. Malheureusement, peu après son arrivée à la réunion du comité, il a été informé que le comité n'aurait pas le temps de l'entendre.
Le témoignage de M. Syed devait être axé sur la partie 14 du projet de loi C-9, qui porte sur la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Malheureusement, ni la Chambre des communes ni le Sénat n'ont examiné sérieusement cette partie du projet de loi.
Depuis plusieurs années, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes a une incidence négative imprévue sur un grand nombre de particuliers, d'entreprises et d'organisations. Les institutions financières qui cherchent à se conformer à leurs obligations en vertu de cette loi font souvent preuve de diligence raisonnable d'une manière désordonnée et profondément injuste. Toutefois, il n'existe aucun mécanisme raisonnable et efficace pour interjeter appel et demander la tenue d'un examen.
Les modifications proposées contiennent des dispositions renfermant de nombreux termes vagues et insuffisamment définis, ce qui pourrait amener des institutions financières à être plus réticentes à faire affaire avec certains clients, les privant ainsi de services bancaires.
Par conséquent, les modifications proposées nuiront à des dizaines de milliers de Canadiens, ainsi qu'à des milliers de personnes à l'étranger qui s'attendent à des remises. Elles procureront de nouveaux pouvoirs importants au ministre des Finances, qui l'habilitent à communiquer des directives aux institutions financières qui ne semblent pas assujetties à une surveillance parlementaire adéquate. Nous n'avons pas reconnu ce fait, ni à la Chambre des communes ni au Sénat.
Honorables sénateurs, la partie 14 du projet de loi C-9 aurait dû faire l'objet d'une mesure législative distincte afin que l'on puisse examiner plus à fond les répercussions du régime réglementaire actuel sur différentes personnes et la façon dont les modifications proposées à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes risquent d'exacerber des problèmes actuels, sans qu'il existe de mécanismes de recours suffisants.
Nous aurions pu consacrer au moins un an à l'étude du projet de loi C-9, car il s'agit d'un véritable fourre-tout. Je n'appuie pas ce projet de loi, car nous n'avons pas étudié toutes les mesures législatives qui sont touchées par le projet de loi C-9, et j'exhorte tous les sénateurs à le rejeter.
L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, en ce qui concerne le discours du sénateur Moore, j'ai participé à cette partie de la réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales et j'ai été surpris d'entendre le témoignage des représentants de l'Agence du revenu du Canada. Les grands intérêts financiers qui n'ont pas perçu les impôts ou ne les ont pas payés au gouvernement n'auront pas à les payer; on leur en fait grâce. En ce qui concerne les centaines de millions de dollars en jeu, l'Agence du revenu du Canada admet volontiers qu'elle a informé les gens qu'ils doivent payer les impôts sous certaines conditions. Les gens ont payé les impôts. Par contre, des grandes entreprises et des gens suffisamment fortunés pour engager des avocats-fiscalistes ont contesté les décisions de l'Agence du revenu du Canada et ont obtenu gain de cause.
(2120)
Après avoir entendu que ces organismes et entreprises avaient obtenu gain de cause, de plus petites entreprises ont demandé à leurs comptables et avocats d'examiner ces décisions judiciaires. Elles disaient que la Cour canadienne de l'impôt avait dit qu'elles n'étaient pas censées payer ces impôts et ont demandé pourquoi les comptables agréés disaient qu'elles devaient les payer. Elles ont dit qu'elles allaient changer de comptable.
C'était cela, la preuve. L'Agence du revenu du Canada a dit qu'elle a reçu des demandes de l'ordre de 100 millions de dollars. Quelle est la solution de l'Agence du revenu du Canada au problème? Il n'y a qu'un recours. Lorsqu'on conteste un avis de cotisation, on envoie le formulaire au bureau régional. En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, tout contribuable peut demander une nouvelle cotisation. Par contre, il faut demander cette nouvelle cotisation dans un délai prescrit.
Vous vous rappellerez sans doute la mesure législative que nous avons adoptée en matière d'équité. Dans une décision célèbre de la Cour d'appel fédérale, Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), on apprend que les dispositions sur l'équité peuvent être invoquées par les contribuables qui n'ont pas fait appel du paiement de leurs impôts ni demandé une nouvelle cotisation à l'intérieur du délai de deux ans. Or, la Cour fédérale ne peut pas annuler une décision prise par le ministre. Le ministre est considéré comme un agent du fisc. Il y a deux niveaux d'appel. Si vous faites appel au second niveau et que la décision vous est défavorable, vous devez faire appel devant la Cour fédérale dans les 30 jours, et c'est ce que tous ces gens ont fait. Tous ces petits entrepreneurs ont fait appel de la décision rendue dans leur dossier.
Les représentants de Revenu Canada qui sont venus témoigner devant le comité, et le sénateur Moore pourra vous le confirmer, ont dit que le ministère agissait ainsi pour que les gens ne puissent pas tourner les décisions rendues par les tribunaux à leur avantage. Voilà qu'on propose une mesure législative rétroactive, qui ne va pas aider les gens qui font appel parce qu'ils refusent de payer des impôts qu'ils n'auraient pas dû payer, mais qui laisse les grandes sociétés en faveur de qui le tribunal a tranché s'en tirer à bon compte. Pensez-y, honorables sénateurs.
La Cour suprême du Canada s'est penchée sur la question de l'instauration de l'imposition rétroactive, dans l'affaire Kingstreet, pour être exact. Un regroupement de bars de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, appelé Kingstreet Investments Ltd, contestait le paiement de taxes sur les spiritueux. Les demandeurs prétendaient que ces taxes étaient ultra vires, dans la mesure où la province n'avait pas le pouvoir d'administrer ce qui s'appelait alors la taxe d'accise, même si toutes les provinces le faisaient. La Cour suprême du Canada a déterminé que les provinces pouvaient adopter des mesures législatives rétroactives car leur stabilité financière serait sérieusement compromise s'il fallait qu'elles doivent rembourser toutes les sommes recueillies depuis l'instauration d'une taxe donnée, c'est-à-dire depuis 20 ans dans ce cas-ci.
Quoi qu'il en soit, la Cour suprême du Canada a précisé que les provinces ne devaient avoir recours à cette façon de faire qu'en tout dernier recours, c'est-à-dire lorsque leur intégrité financière était menacée. Or, l'intégrité financière du gouvernement fédéral n'est aucunement menacée.
À la fin de la séance du comité, nous avons pris la peine de féliciter les deux fonctionnaires qui sont venus témoigner. Nous leur avons dit qu'ils avaient fait un travail remarquable, dans des circonstances on ne peut plus difficiles. Je savais de quoi ils parlaient parce que les rouages du système me sont moi-même familiers. C'est très difficile de s'y retrouver parmi les règles de la Cour fédérale, comme le sait le président du comité. Les citoyens ordinaires peuvent uniquement faire appel des décisions des commissions, des tribunaux, des organismes et des ministres fédéraux devant la Cour fédérale, et nulle part ailleurs. La Cour fédérale a compétence exclusive, et ses règles sont extrêmement compliquées.
Tous les appels interjetés visent le procureur général du Canada. Le procureur général a toute une équipe d'avocats brillants qui soumettent systématiquement des demandes d'annulation alors que le propriétaire d'une petite entreprise tente d'obtenir justice après avoir payé des taxes qui ont été perçues à tort. Nous présentons maintenant une mesure législative qui sera rétrospectivement à l'avantage des grandes sociétés, mais qui fera en sorte que les petites entreprises ne pourront interjeter appel. Dès l'adoption du rapport, tous les appels, qui représentaient quelque 100 millions de dollars, ne tiendront plus parce que la loi sera appliquée rétrospectivement.
Le sénateur Moore a fait un travail formidable, comme tous les autres membres du comité. Je le félicite de son intérêt pour le projet de loi et pour toutes les recherches qu'il a faites.
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, moi aussi je suis heureux de pouvoir participer au débat. Je fais écho à ce qui a été dit au sujet de l'excellent travail qu'ont réalisé au comité le sénateur Day et le sénateur Gerstein. J'ai connu un certain nombre d'expériences comme celles-ci au Sénat où un travail spécial devait être accompli, où nous avons agi dans un but bien précis sur une question importante et où nous avons travaillé de très près et très efficacement. J'espère que je parle au nom de la plupart d'entre nous dans cette enceinte quand je dis que nous ne vivons pas souvent ce genre d'expérience dans notre carrière. Je suis ravi d'en faire partie.
Tout cela a commencé parce que bon nombre de sénateurs de l'autre côté ont affirmé que nous n'avions pas besoin d'examiner ce projet de loi d'exécution du budget et que nous devrions plutôt l'adopter à toute vapeur plutôt que d'en retarder l'adoption et d'entraîner des coûts.
(2130)
Savez-vous ce que j'ai remarqué jour après jour, heure après heure? Il y a eu peu de sénateurs conservateurs qui n'avaient pas d'idées, de déclarations ou de questions qui, selon eux, devaient être énoncées relativement à ces projets de loi. Je reçois un message mixte ici. D'une part, ils disent que cet exercice n'était pas nécessaire, mais, d'autre part, les conservateurs qui siègent au comité ont participé très activement et intensément, et ils ont proposé de bonnes idées. Je les remercie de nous avoir aidés à faire ce qui s'imposait. Je pense d'ailleurs que nous avons fait du très bon travail.
Lorsque nous avons amorcé ce processus, lorsque nous avons commencé à parler de scinder le projet de loi, à expliquer que c'était un projet de loi omnibus, et à se demander qui, parmi le public, saurait ce qu'est une telle mesure, j'ai songé au fait que la prorogation avait sensibilisé une grande partie de la population canadienne. Les gens ont commencé à comprendre cette notion ésotérique de la procédure parlementaire qu'est la prorogation. Il est également vrai que les Canadiens commencent à comprendre la notion ésotérique qu'est un projet de loi omnibus qui peut cacher des mesures que le gouvernement souhaite adopter à l'insu du public. Grâce à nos efforts, les Canadiens savent maintenant ce qu'il en est.
D'une façon plus générale, les Canadiens commencent aussi à comprendre et à apprécier la procédure parlementaire. Partout au pays, un grand nombre de personnes sont très choquées de voir l'impact de ce projet de loi omnibus sur le processus législatif et sur l'avenir. Elles sont choquées de voir les dangers liés au fait que le gouvernement essaie de gouverner en malmenant le système législatif parlementaire d'une manière inacceptable.
À titre d'exemple, j'ai reçu une pétition du STTP, de Lethbridge, en Alberta. Je suis convaincu que notre collègue de Lethbridge, le sénateur Joyce Fairbairn, connaît tous ceux et celles qui ont signé cette pétition. Je ne peux pas déposer la pétition de façon officielle, parce qu'elle ne nous a pas été présentée d'une manière tout à fait conforme aux règles. La pétition est appropriée, mais elle n'est pas conforme à la procédure parlementaire. Je vais en lire un extrait qui reflète ce que toutes ces personnes pensent, à savoir : « Les quatre dispositions dont le comité a jugé qu'elles ne devraient pas être incluses dans un projet de loi d'exécution du budget devraient être étudiées individuellement et être acceptées ou rejetées en fonction de leur mérite. Le budget devrait être un budget et non pas une mesure fourre-tout dont le gouvernement du jour se sert pour inclure toutes sortes d'éléments disparates. » On ne pourrait pas mieux dire. Ces gens ont décrit exactement ce qu'il en est. Il y en a beaucoup d'autres au pays qui pensent comme eux, et c'est bien ainsi.
Je prends la parole très tard dans le débat et une foule de sujets ont déjà été abordés. Par conséquent, je vais essayer de ne pas répéter ce qui a déjà été dit. Je vais traiter de quelques points et les présenter sous un angle différent, afin d'apporter une contribution au débat.
Un certain nombre de questions affectent les petites et moyennes entreprises, en ce sens qu'elles créent un problème, qu'elles l'exacerbent ou encore qu'un problème existant n'est pas du tout réglé. Je vais en mentionner quelques-unes pour illustrer mon point de vue, parce que je crois déceler une tendance. Le gouvernement dit qu'il croit énormément aux petites et moyennes entreprises et au secteur privé. Il ajoute qu'il ne croit pas aux impôts et que, en fait, il les déteste. Pourtant, si vous analysez la situation comme nous l'avons fait durant toutes ces semaines, vous constatez que ni l'une ni l'autre de ces déclarations ne se reflète dans les mesures prises par le gouvernement.
Nous avions un article sur l'assurance-emploi. Au cours de notre étude, il est devenu très apparent, surtout d'après les témoignages des représentants des associations de PME, que la pire chose parmi tout ce que l'on peut faire pour limiter leur capacité d'investir, de prendre de l'expansion et de créer des emplois, c'est de lever une taxe sur l'emploi. En fait, ces représentants ont parlé abondamment du fait que le gouvernement permettra l'augmentation automatique des cotisations d'assurance-emploi au cours des cinq prochaines années. Ils ont dit que c'était une mauvaise chose, surtout à une époque où l'économie ne redémarre pas avec vigueur et intensité, même si elle se rétablit. La reprise est pour le moins précaire. Pour que la reprise soit vigoureuse, il faut que les PME soient prêtes à embaucher, à prendre de l'expansion et à faire de la recherche et du développement, ce qui nécessite des travailleurs. Ils soutiennent que l'assurance-emploi est une taxe sur l'emploi et que c'est la pire chose que l'on peut faire aux entreprises, mais c'est ce que fait le budget.
Le sénateur Day a mentionné que certains groupes que nous avons entendus affirmeraient que le gouvernement n'a pas donné aux manufacturiers ce qu'ils voulaient, soit une déduction pour amortissement accélérée. Le gouvernement a plutôt introduit une réduction sélective ou une réduction des droits de douane. Il est évident que les manufacturiers ne seraient pas déçus d'avoir les deux, mais ils préféraient nettement l'allocation pour amortissement accélérée. Les entreprises ont très bien su démontrer que ce serait plus efficace qu'une réduction des droits de douane, mais que ce serait aussi plus économique et moins interventionniste parce que toutes les entreprises pourraient en profiter et prendre les décisions leur permettant d'en profiter, et que ces déductions toucheraient davantage d'entreprises et auraient un effet plus direct sur l'économie. Les PME ont fait valoir auprès du gouvernement que c'est ce qu'elles préféreraient. Le gouvernement ne les a pas entendues.
Il y a aussi la TPS rétroactive à laquelle le sénateur Moore a fait allusion. Encore là, cela touche en grande partie les PME et les professionnels indépendants qui offrent des services financiers. Ce sont des gens qui se retrouvent dans tous les secteurs de l'économie. Ils sont frappés par ce qui est presque inédit et incompréhensible, soit une taxe rétroactive. J'ai dit à un sénateur conservateur qu'ils n'avaient pas seulement trouvé le moyen d'augmenter les impôts, mais qu'ils avaient trouvé le moyen de les augmenter en remontant jusqu'à 20 ans dans le passé. C'est un peu fort pour un gouvernement dont un des crédo est le rejet des taxes et impôts.
Le prochain élément est intéressant. Il était supposé s'appeler le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, mais le ministre lui a donné son nom véritable, c'est-à-dire la taxe pour la sécurité des passagers du transport aérien. Qu'est-ce qu'est cette taxe? C'est un droit perçu auprès de tous les aéroports et de tous les passagers aériens. Le gouvernement augmentera ce droit d'environ 50 p. 100, je crois. Je m'excuse, de 52 p. 100. Je ne voulais pas réduire la valeur de cette augmentation. Ce droit sera augmenté de 52 p. 100. Il y a des gens qui soutiennent que ce n'est pas une taxe, mais un droit, et que l'argent prélevé sera consacré à la sécurité. Il est intéressant de noter que plus d'un tiers de cet argent ne sera pas du tout consacré à la sécurité. En effet, un tiers de cet argent sera versé dans les recettes générales. Les sommes versées dans les recettes générales ne sont pas des droits. Ce sont des taxes. Cette taxe a augmenté de 50 p. 100. Approximativement 225 millions de dollars par année au cours des cinq prochaines années seront prélevés en vertu de cette taxe. Cet argent ne sera pas consacré à la sécurité des passagers aériens. Il sera versé dans les recettes générales. Le gouvernement dit qu'il n'aime pas les taxes. Il peut bien les appeler comme il veut, mais une taxe c'est une taxe et nous avons bien affaire à une taxe dans le cas présent, et elle a été augmentée considérablement.
De plus, les droits qui sont maintenant imposés aux voyageurs internationaux au Canada seront les plus élevés au monde.
Le sénateur Cordy : Plus élevés que ceux de Tel-Aviv?
Le sénateur Mitchell : Absolument. Peut-être cet argent servira-t-il à financer le coût de la sécurité aux sommets du G20 et du G8, soit 1,1 milliard de dollars. Peut-être qu'ils n'avaient pas le choix. Je ne le sais pas. Toutefois, ce droit sera le plus élevé du monde.
L'un des sénateurs du comité était très agressif, comme il en est capable. Il interpellait les témoins, disant ceci : « Lorsque vous descendez de l'avion, vous savez que vous serez en sécurité. » D'accord. Nous avons besoin de cette taxe, mais vous ne la payez pas pour la sécurité. Plus encore, tous les pays qui imposent une taxe inférieure — autrement dit, tous les pays, parce qu'ils perçoivent tous une taxe inférieure à la nôtre — ne sont-ils pas sûrs? Lorsque vous voyagez avec un transporteur américain, n'êtes-vous pas autant en sécurité? Les droits que ce transporteur demande ne sont pas aussi élevés. La compagnie Lufthansa n'est-elle pas sécuritaire? El Al n'est-elle pas sécuritaire? Ils font tous payer moins. Il n'y a donc pas de corrélation entre le montant des droits et le degré de sécurité. Cela dépend de la façon dont vous la gérez, mais je me demande s'ils parlent de taxe. Je me demande si dans les autres pays, ces droits sont versés au Trésor ou s'ils sont affectés à la sécurité. Je ne le sais pas. Ce que je sais, c'est qu'il est très trompeur de parler de droit et de verser la somme dans les recettes générales.
(2140)
Cela n'aide pas les entreprises canadiennes, car, comme l'ont expliqué des représentants du secteur touristique, notre dollar est fort, ce qui rend les choses difficiles pour ce secteur. Nous avons encore des craintes face au terrorisme, ce qui affecte le tourisme parce que les gens, et plus particulièrement les Américains, ne voyagent pas. Nous avons une reprise économique plutôt timide. Le secteur du voyage a été durement touché sur tous les fronts et il sera maintenant touché par cette augmentation de taxe. Un témoin a dit qu'une augmentation de 1 p. 100 du prix d'un billet entraînait une baisse de 1 p. 100 du nombre de voyageurs et une baisse de 1 p. 100 du nombre de voyageurs, c'est grave quand il s'agit de personnes qui viennent au Canada. En Alberta, le secteur du tourisme est le troisième en importance et il est affaibli par les effets de politiques comme celle-ci.
Il y a aussi les frais de cartes de crédit. Une partie de ce projet de loi prévoit comment gérer plus efficacement les frais de cartes de crédit et de débit. On ne cesse de nous répéter qu'il ne s'agit là que d'une première étape et que ce qu'il faut, en fait, c'est réduire les frais. À qui vont ces frais en ce moment? Aux grandes banques. Qui paye ces frais? Les petites et moyennes entreprises. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas posé le geste qui comptait vraiment, soit réduire les frais dès maintenant? Pourquoi ne l'a-t-il pas fait? Quels intérêts le gouvernement a-t-il choisi de servir? Ceux des grandes entreprises, au détriment de ceux des PME. Cela me semble totalement contraire aux valeurs fondamentales prônées par le gouvernement.
Lorsqu'on met ensemble tous ces éléments, ce budget n'est plus aussi favorable aux petites entreprises, à la création de nouveaux emplois, etc. Je tenais à le souligner afin de présenter un autre point de vue.
On a aussi parlé d'une autre partie, qui vise à transformer les coopératives de crédit en banques fédérales, ce qui n'est probablement pas une mauvaise idée. Nous aimons tous la concurrence et la croissance, c'est certain. Il reste toutefois à déterminer qui s'occupera des petits marchés régionaux, où les coopératives de crédit ont joué pendant si longtemps un rôle important et significatif dans le développement des collectivités. Cela dit, il existe probablement une excellente raison pour assujettir les coopératives de crédit en croissance aux lois fédérales, mais il y a un hic. Selon les témoignages entendus, lorsqu'on assujettit une coopérative de crédit aux lois fédérales, les dépôts sont alors garantis par la Société d'assurance-dépôts du Canada, et deviennent donc la responsabilité du fédéral. Si cette banque déclarait faillite et qu'il fallait rembourser 100 000 $, ce remboursement n'incomberait plus au gouvernement provincial, comme dans le cas de la coopérative de crédit, mais plutôt au gouvernement fédéral.
J'ai immédiatement pensé que le gouvernement transférerait les cotisations payées par ces institutions ainsi que les gains générés par ces primes — qui constituent une caisse d'assurance — afin de couvrir les assurances provinciales équivalentes à la SADC. Savez-vous ce qu'il a répondu? Il a répondu non. Quel genre d'entreprise assumerait la responsabilité d'une dette sans aussi prendre possession des actifs qui aideront à payer cette dette, s'ils existent? C'est incompréhensible. Rien ne pourrait justifier une telle décision. Rien ne permet de comprendre pourquoi il ferait cela, mais c'est exactement ce que le gouvernement du Canada fera. J'ai réfléchi à la question et me suis dit que s'il peut faire cela, je peux enfin comprendre le genre de raisonnement qui nous amène à un déficit de 57 milliards de dollars. C'est facile à comprendre. Cela en dit long sur la capacité du gouvernement de gérer et de comprendre ces questions complexes; je ne pense pas qu'il soit en mesure de le faire.
Beaucoup de gens ont parlé du fait que le projet de loi réduira la portée des évaluations environnementales. Nous savons cela. Cela veut dire qu'on pourra ne pas évaluer et qu'on n'évaluera probablement pas les répercussions que les grands projets auraient sur les changements climatiques. Cela veut dire que, d'un seul coup, ce projet de loi va exempter un grand nombre de projets, certainement tous les projets de relance économique, d'une évaluation relative aux changements climatiques.
Enfin, pour insister sur l'argument présenté par le sénateur McCoy, à un moment où le monde suit le Canada en raison de son image et de sa réputation environnementales, nous devons faire quelque chose pour les renforcer. Pour ce faire, les publicités placées dans les arrêts d'autobus à Ottawa et publiées dans le National Post ne suffisent pas. Il faut faire beaucoup plus que cela. Il faut agir sérieusement et de façon pertinente. Le fait de commencer à miner les évaluations environnementales n'est ni sérieux ni pertinent dans le cadre de ce dossier important.
M. Waxman, un démocrate très influent, vient d'annoncer qu'il allait s'opposer au prolongement du pipeline de bitume de Keystone aux États-Unis, et cela nuit à l'Alberta. Il y a deux semaines, 50 membres du Congrès ont pris la parole et ont annoncé qu'ils s'opposent à l'achat de pétrole tiré des sables bitumineux — ce n'est pas l'expression qu'ils ont utilisée — aux États-Unis. Nous avons un problème et la situation empirera.
Le gouvernement utilise l'argument selon lequel il doit modifier les évaluations environnementales parce qu'elles retardent les projets et nuisent à l'économie, mais les témoignages révèlent qu'elles ne retardent pas les projets. Il y a très peu d'éléments de preuve qui appuient cet argument. Des retards peuvent être causés par des revendications territoriales, par l'augmentation des taux d'intérêt, par la baisse du prix du pétrole, par la pénurie de main-d'œuvre. Les projets peuvent être retardés pour toutes sortes de facteurs, mais les évaluations environnementales n'en font vraisemblablement pas partie. Ces modifications sont mises de l'avant parce qu'il est question de savoir qui obtiendra l'argent, et ce sera les grandes entreprises.
En ce qui concerne EACL, madame le sénateur Ringuette a soulevé un bon point. On parle de 8,5 milliards de dollars alloués à EACL au fil des décennies. En dollars actuels, cela représente 19 milliards de dollars. Or, le gouvernement a alloué 15 ou 20 milliards de dollars au secteur de l'automobile en une seule année, pour sauver le même nombre d'emplois. Il ne s'agit pourtant pas d'emplois de haute technologie, d'emplois de l'avenir. Bien sûr, les emplois du secteur de l'automobile valent la peine d'être sauvés, mais EACL n'est pas vue du même œil. C'est difficile à comprendre. C'est peut-être une question de politique.
Lorsqu'on examine les chiffres, on se rend compte que personne ne parle des recettes générées par EACL au fil des années pour les services qu'elle a fournis, pour les centrales et les isotopes qu'elle a vendus et les déchets qu'elle a traités en toute sécurité, entre autres. Il est malheureux que le gouvernement s'apprête à privatiser EACL sans avoir le moindre plan pour garder un certain contrôle, pour faire preuve de leadership et prendre les mesures nécessaires afin que ce type de produit — les réacteurs CANDU et autres réacteurs — se vende dans le marché international complexe de l'énergie.
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, il est tard et j'essaierai d'être bref.
Je n'ai que cinq ans d'expérience comme sénateur; j'ai donc toujours l'impression d'être en apprentissage ou, du moins, de terminer ma phase d'apprentissage dans cette institution. Je ne peux pas citer des références du XVIIe ou du XVIIIe siècle, comme certains de nos collègues, mais je peux remonter un peu plus loin que les histoires relatées par CNN, qui se rapportent seulement à la semaine d'avant, et retourner à l'époque de la guerre froide. J'aimerais parler de la partie 15 du projet de loi C-9, qui porte sur la vente d'EACL.
(2150)
Premièrement, il y en a qui sont doués pour la tromperie du côté ministériel. Lors de la guerre froide, les Russes étaient passés maîtres dans l'art de la tromperie. Cela faisait partie de leur art opérationnel, et, en fait, c'est par la tromperie qu'ils nous ont induits en erreur en ce qui concerne notre besoin de sécurité. Camoufler des choses était l'un des moyens les plus efficaces pour tromper les gens afin de les prendre par surprise. À mon avis, dans une mesure législative de 3,5 livres, on peut camoufler toutes sortes de questions et de mesures qu'on veut cacher aux Canadiens ou à leurs représentants. Il suffit de tout camoufler dans un projet de loi d'exécution du budget. C'est essentiellement ce qu'on a fait avec le projet de loi C-9, qui regroupe beaucoup trop de mesures législatives.
Je veux porter à l'attention des sénateurs la question d'EACL, particulièrement les arguments entourant sa vente. Dans sa présentation très éloquente, le sénateur Gerstein a présenté de bons arguments au sujet de la vente de cette entité sur le plan commercial, mais il n'a pas été convaincant parce qu'il a omis tout un aspect de la vente, qui est celui de sécurité. Il ne s'agit pas uniquement de la sécurité technique liée à la vente proposée, mais également du risque pour la sécurité nationale de laisser nos compétences en matière d'énergie nucléaire entre les mains de l'industrie.
Je n'ai rien contre l'industrie. Je pense qu'elle a ses propres normes d'éthique. Je remonterai un peu dans le temps, mais pas jusqu'au XVIIIe siècle, pour présenter un argument utilisé par Teddy Roosevelt en 1902 lorsqu'il fustigeait les géants du rail de l'époque. Il disait que nous ne devons pas nous en prendre aux sociétés en tant que telles, mais que nous devons simplement éliminer le mal en elles. Il disait notamment que :
Nous ne leur sommes pas hostiles. Nous pensons simplement qu'elles doivent être dirigées de façon à favoriser l'intérêt du public. Nous nous opposons à la mauvaise conduite, non pas à la richesse.
En ce qui concerne l'abandon à l'industrie de l'exclusivité de cette incroyable capacité en matière de sécurité nucléaire, pas seulement l'exclusivité de notre technologie nucléaire, nous devons nous livrer à un exercice semblable à celui que nous avons fait pour notre industrie des munitions dans le passé. Au cours des années 1990, l'industrie canadienne des munitions a demandé pourquoi elle ne pourrait pas se charger elle-même de l'analyse de la sûreté des munitions. Elle était d'avis qu'elle pourrait s'acquitter plus efficacement des inspections de sécurité des munitions qu'elle fabriquerait et que les troupes utiliseraient. Cette proposition a fait l'objet d'un débat interminable. Finalement, elle a été acceptée, mais l'industrie s'est fait servir toute une série d'avertissements à l'effet qu'elle devait s'abstenir, même sous la pression des contraintes économiques ou de la concurrence, de rogner sur les coûts. Il fallait éviter que nos troupes soient pulvérisées par l'explosion prématurée de nos propres munitions.
Voilà comment nous avons procédé dans le cas de l'industrie des munitions, mais la dimension nucléaire est beaucoup plus complexe, beaucoup plus exigeante et beaucoup plus dangereuse dans un pur contexte de recherche de profits. Je n'ai rien contre le fait de rentabiliser cette capacité ni contre l'implication du gouvernement. Je ne pense pas nécessairement que le gouvernement devrait se mêler de ce genre de choses, mais, lorsqu'il est question de sécurité nationale, je crois qu'il est essentiel qu'il le fasse.
Il ne s'agit pas seulement de la question de l'élimination des déchets. Il faut également envisager la possibilité que des matières fissiles aboutissent entre les mauvaises mains, de même que la question de la sécurité des réacteurs eux-mêmes. Une troisième catastrophe suffirait pour réduire cette industrie à néant. La catastrophe de BP dans le golfe du Mexique est un problème facilement gérable en comparaison de ce qui se produirait si l'un de ces réacteurs devait exploser.
Le mouvement Pugwash, qui s'oppose à la prolifération des armes nucléaires et à la distribution ouverte de capacités nucléaires, s'est demandé si l'énergie propre pouvait vraiment être considérée comme une énergie propre. Selon Pugwash, nous devrions envisager d'autres sources d'énergie verte que le nucléaire. Bien que nous ayons choisi la voie du nucléaire, à l'instar d'un certain nombre de pays, cette option ne fait pas l'unanimité.
Voilà une société d'État qui va peut-être devenir très profitable, qui va peut-être considérablement se développer, qui va peut-être être rentable dans les années à venir, et vous voulez vous en débarrasser pour la donner à l'industrie. Vous assénez aussi à l'industrie une sorte de crochet du gauche ou un coup sous la ceinture si jamais cette société d'État devait régresser parce qu'un mouvement en faveur de formes d'énergie alternative se dessinait clairement. Vous finiriez par vous retrouver avec un éléphant blanc.
À mon avis, en tant qu'institution responsable envers le peuple canadien, nous ne devrions pas traficoter avec un potentiel national comme la capacité nucléaire, et nous ne devrions certainement pas prendre à la légère d'éventuels problèmes techniques débouchant sur des atteintes potentielles à la sécurité ou des fuites de matière fissile.
Quand je commandais la région de Québec, j'ai inspecté toutes les centrales hydroélectriques de la province de Québec. Au cours de ce processus, j'ai été frappé par l'idée que nous pensions en fait que notre pays ne se ferait jamais attaquer. Évidemment, si on regarde la carte des prévisions météorologiques américaine, on pourrait dire que nous ne courons aucun danger étant donné que personne ne sait que nous sommes là; il n'y a en effet rien au nord des États-Unis. De fait, nombreux sont nos amis américains qui ne peuvent pas croire qu'il y a un pays au nord du Vermont. Et pourtant, nous y vivons. Nous sommes vulnérables. Et pourtant, toutes les centrales hydroélectriques sont surveillées essentiellement par des commissionnaires de 80 ans qui ont participé à la Seconde Guerre mondiale. Toute cette infrastructure est en fait incroyablement vulnérable.
La question qui se pose, c'est de savoir quel sera notre niveau de sécurité lorsque ce seront les entreprises qui auront la haute main sur tout cela. Aurons-nous de la difficulté à faire les inspections et à valider les outils d'inspection?
Honorables sénateurs, nous ne devrions pas perdre notre responsabilité générale, notre contrôle et notre maîtrise sur la capacité nucléaire au Canada. Au contraire, nous devrions la soutenir, vendre le produit, faire un profit et aussi nous assurer que nous avons un filet de sécurité national qui fera en sorte que nous ne serons pas les otages des mesures de réduction des dépenses du secteur.
Je veux terminer mon intervention en abordant un aspect lié à ce qui a été dit au sujet de notre acceptation de cette absurdité. Je fais allusion à madame le leader du gouvernement au Sénat, qui a été parfois superficielle et désinvolte en prononçant son discours. Élève-officier canadien-français dans l'artillerie, je me suis fait dire un jour par un officier supérieur que j'étais désinvolte. Évidemment, je ne savais pas ce que cela voulait dire, aussi j'ai vérifié. J'ai rendu cela par un sobriquet dont m'affublait ma mère, qui disait que j'étais un peu un petit morveux qui sait tout.
Je trouve que certaines affirmations du discours du leader étaient de cette nature. Nous avons eu droit à un regard superficiel et condescendant — en fait, nous n'avons pas eu le regard, seulement les mots — sur la manière dont nous, les sénateurs, devrions faire notre travail. Je crois qu'il y a un petit problème avec la définition de notre rôle et de nos responsabilités. Je n'ai pas de documents anciens pour le prouver. J'utilise une publication de 2005. J'ignore si tous les sénateurs en ont une copie. Je crois que le sénateur Joyal a offert cette publication gracieusement et j'espère que quelqu'un l'a lue. Je vous en lis un bref passage des pages 240 et 242.
[Français]
Les gouvernements se servent de moins en moins des débats à la Chambre des communes et de l'étude de projets de loi en comité pour éprouver leurs propositions législatives, les améliorer et les légitimer. Ils s'occupent surtout de faire adopter au plus vite leur programme législatif et de réfuter les arguments de l'opposition.
Comme les sénateurs n'ont pas de préoccupations d'ordre électoral, le Sénat est normalement moins partisan et plus souple que la Chambre des communes dans ses procédures, sa culture, ses activités, ce qui lui permet à l'occasion de ralentir la machine de l'exécutif qui domine la Chambre des communes. Si les gouvernements collaboraient davantage et si les sénateurs étaient plus indépendants d'esprit, le Sénat pourrait être encore plus efficace comme chambre de « réflexion », comme organe de révision des mesures techniques, surtout dans le cas de projets de loi plus pointus, il pourrait alléger en partie les pressions qui s'exercent sur la Chambre des communes [...]
(2200)
Nous avons un rôle à jouer ici. Et ce rôle n'est pas de parader comme un régiment d'infanterie derrière le chef du parti et de lui dire :
[Traduction]
« Oui, monsieur, tout ce que vous voulez, monsieur. »
J'applaudis le degré de discipline. En fait, j'aimerais disposer d'un régiment avec des membres aussi disciplinés en ce qui concerne leurs rôles et leurs responsabilités que les sénateurs de l'autre côté. Cela tempère certainement les débats que nous pourrions tenir parce que nous sommes essentiellement les seuls à parler.
À cet égard, honorables sénateurs, je crois que nous avons un rôle à jouer. Il est vrai que cela fait partie de l'exercice et que nous sommes le 12 juillet. Et alors? Combien de personnes ont beaucoup de journées de congé en été? Je crois que c'est ici que je dois être. C'est le travail que nous sommes censés faire.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Dallaire : Nous ne sommes pas payés à l'heure ou à taux double, et on ne nous paie pas des heures supplémentaires. Nous sommes prêts à servir. C'est le but de l'exercice.
Honorables sénateurs, j'aimerais conclure en disant ce qui suit. Je ne suis pas très spirituel et je n'ai pas le sens de la répartie. Je dois donc recourir à certaines citations. La première vient d'un petit ouvrage intitulé The Wicked Wit of Winston Churchill. J'ai lu cela pendant que j'écoutais le débat. J'aimerais soulever le point suivant en ce qui concerne les partis politiques. Churchill affirme ceci :
Lorsqu'on lui a demandé quelles sont les qualités dont a besoin un politicien, Churchill a répondu : « La capacité de prédire ce qui se passera demain, la semaine prochaine, le mois prochain et l'année prochaine, et la capacité d'expliquer, après coup, pourquoi cela ne s'est pas produit. »
Cela revient, en quelque sorte, à prédire l'avenir. Cinq ans, c'est une longue période pour un plan budgétaire, surtout si l'on pense que les Russes ont bâti la totalité de leur économie sur des plans quinquennaux et que l'on sait où cela les a menés.
Je crois qu'il est intéressant de citer Winston Churchill de nouveau :
Le monde d'aujourd'hui est régi par des politiciens tourmentés, dont le seul but est de se faire élire ou d'écraser les autres afin qu'il ne reste plus beaucoup de place pour débattre à fond des grandes questions.
Churchill a dit cela en 1947. C'est plutôt intéressant, mais j'aimerais revenir à l'arène politique et à ce qui nous intéresse en particulier. Je vais conclure par deux citations. Voici la première :
L'arène politique est, comme chacun le sait, un champ de bataille où les opposants s'affrontent à coup de mots et où de nombreuses insultes fusent de part et d'autre du parquet.
Je partage ici l'avis de mon collègue, le sénateur Lapointe.
[Français]
[...] réalisant que, potentiellement, à l'occasion, on veut s'exprimer avec vigueur et qu'il faut tout de même faire attention à ce que l'on dit.
Je termine tout de même avec la citation suivante.
[Traduction]
Peu avant que Churchill ne change de parti pour se joindre aux libéraux, il a dit ceci de ses collègues conservateurs du moment : « Ils forment une classe de très honorables gentilshommes... »
À cette époque, il s'agissait bien entendu uniquement d'hommes.
[...] tous des hommes bons et honnêtes, prêts à de grands sacrifices pour leurs opinions, mais ils n'ont pas d'opinions. Ils sont prêts à mourir pour la vérité, si seulement ils la connaissaient. »
Mesdames et messieurs, nous avons besoin de ces amendements. Il serait irresponsable, voire presque contraire à l'éthique, de ne pas les approuver et de renvoyer le projet de loi ainsi amendé à la Chambre des communes.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, je crois que chaque côté du Sénat a présenté très clairement et longuement ses opinions. Il se fait tard. Je crois que quelqu'un a même augmenté le chauffage pour une raison ou une autre.
Le sénateur Munson : Si vous trouvez qu'il fait trop chaud, sortez de la cuisine.
Le sénateur Comeau : Voilà pour la mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle, c'est que j'ai encore 18 sénateurs prêts à prendre la parole. Je leur ai toutefois demandé s'ils étaient disposés à ne pas prendre la parole, à la condition que le Sénat accepte de mettre les deux questions aux voix maintenant. Nous nous prononcerions d'abord sur le rapport, puis, immédiatement après, sur le projet de loi C-9.
Si le Sénat est d'accord, je crois que les 18 sénateurs prêts à prendre la parole ne le feraient pas. J'ai obtenu leur accord.
Si le Sénat est prêt à se prononcer au sujet du rapport et du projet de loi C-9, je crois que nous devrions procéder ainsi.
Des voix : D'accord.
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'aimerais clarifier la situation. La soirée a été longue et le débat animé. Je crois comprendre que mon collègue demande la permission du Sénat pour passer au vote à l'étape du rapport et de la troisième lecture. Est-ce exact?
Le sénateur Comeau : Oui. Nous procéderions au vote à l'étape du rapport et, tout de suite après, nous mettrions aux voix le projet de loi lui-même, le projet de loi C-9.
Le sénateur Tardif : D'accord.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
L'honorable sénateur Day, avec l'appui de l'honorable sénateur Losier-Cool, propose que le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales concernant le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures, présenté au Sénat le 8 juillet 2010, soit adopté.
Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que ceux qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.
Et deux sénateurs s'étant levés :
Son Honneur le Président : Comme deux sénateurs se sont levés, convoquez les sénateurs. Les whips sont-ils d'accord?
L'honorable Consiglio Di Nino : Trente minutes.
L'honorable Jim Munson : Oui, 30 minutes.
Son Honneur le Président : La sonnerie retentira pendant 30 minutes, ce qui signifie que le vote aura lieu à 22 h 36.
Son Honneur le Président : Ai-je la permission de quitter le fauteuil?
Des voix : D'accord.
(2240)
(La motion, mise aux voix, est rejetée.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Baker | Losier-Cool |
Callbeck | Lovelace Nicholas |
Campbell | Mahovlich |
Chaput | Massicotte |
Cools | McCoy |
Cordy | Mercer |
Cowan | Merchant |
Dallaire | Mitchell |
Dawson | Moore |
Day | Munson |
Downe | Murray |
Dyck | Pépin |
Eggleton | Peterson |
Fairbairn | Poulin |
Fraser | Poy |
Furey | Ringuette |
Harb | Robichaud |
Hervieux-Payette | Rompkey |
Hubley | Stollery |
Jaffer | Tardif |
Kenny | Watt |
Lapointe | Zimmer—44 |
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk | Lang |
Angus | LeBreton |
Ataullahjan | MacDonald |
Boisvenu | Manning |
Braley | Marshall |
Brazeau | Martin |
Brown | Meighen |
Champagne | Mockler |
Cochrane | Nancy Ruth |
Comeau | Neufeld |
Di Nino | Ogilvie |
Dickson | Oliver |
Duffy | Patterson |
Eaton | Plett |
Finley | Poirier |
Fortin-Duplessis | Rivest |
Frum | Runciman |
Gerstein | Seidman |
Greene | St. Germain |
Greene Raine | Stewart Olsen |
Housakos | Stratton |
Johnson | Tkachuk |
Kinsella | Wallace |
Kochhar | Wallin—48 |
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Aucun. |
[Français]
Troisième lecture
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) propose que le projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures, soit lu pour la troisième fois.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)
[Traduction]
LE SÉNAT
Hommage à un page à l'occasion de son départ
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je tiens à profiter de l'occasion pour rendre hommage à l'un de nos pages, Sadaf Tataei, d'Ottawa, qui nous quittera après un an au sein du programme des pages. Elle poursuivra l'an prochain ses études en langues modernes et en études internationales, ainsi qu'un programme d'immersion française à l'Université d'Ottawa.
Des voix : Bravo!
Hommage au personnel du sénat
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je crois qu'il y a une dernière chose qui requiert notre attention avant l'ajournement. Je crois en effet que nous devrions remercier tous ceux et celles, et ils sont nombreux, grâce à qui nous pouvons faire notre travail.
Premièrement, c'est avec grand plaisir que nous avons appris que M. Gary O'Brien avait accepté de reprendre ses fonctions de greffier du Sénat.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Cowan : Espérons que l'expérience de la dernière session ne lui fera pas regretter sa retraite.
Les gens exceptionnels qui entourent M. O'Brien, qu'il s'agisse des greffiers au Bureau ou des employés qui s'affairent en coulisse, connaissent la procédure parlementaire sur le bout de leurs doigts.
C'est en grande partie aux excellents employés des comités du Sénat que ceux-ci doivent leur enviable réputation d'excellence et de réflexion rigoureuse et approfondie. Les greffiers des comités, notamment, réussissent on ne sait trop comment à garder la tête froide et à concilier des délais et des exigences qu'on croirait de prime abord inconciliables, et c'est sans oublier les analystes de la Bibliothèque du Parlement, dont le travail, des documents d'information aux rapports finals, contribuent de manière exceptionnelle à la qualité de notre travail, à nous sénateurs.
Notre légiste et conseiller parlementaire et ses collègues ont dû redoubler d'ardeur au cours des derniers mois, continuer de nous conseiller sur toutes sortes de questions juridiques et rédiger des amendements et des projets de loi d'initiative parlementaire, tout ça alors qu'ils doivent désormais être présents lors des séances.
À nos interprètes, traducteurs et sténographes, aux excellents employés des Services des Débats et des Journaux, aux agents du Service de sécurité du Sénat et aux nombreux autres grâce à qui les travaux du Sénat vont rondement et qui nous permettent de nous concentrer sur les projets de loi et sur les autres questions dont nous sommes saisis, merci. C'est un plaisir de travailler avec vous tous.
Nous avons rendu votre travail particulièrement difficile ces dernières semaines, et souvent dans un contexte difficile et stressant, sans oublier la vague de chaleur. Je remercie tout le monde et je souhaite à tous un bel été.
Des voix : Bravo!
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je veux moi aussi ajouter ma voix à celle du leader de l'opposition et remercier beaucoup de monde, en commençant par le greffier. Je dirai, comme le sénateur Cowan, que nous sommes très chanceux du retour de M. Gary O'Brien. J'espère moi aussi que nous ne lui avons pas compliqué la vie au point de l'amener à se demander si sa décision était bien sage.
Je veux aussi remercier le personnel du greffier, les sténographes, les interprètes, les traducteurs, les greffiers et le personnel des comités ainsi que les pages du Sénat.
Je tiens aussi à remercier tout le personnel d'entretien du Sénat, particulièrement mon ami Bill — qui se reconnaîtra. Bill est un de mes amis intéressants. Nous partageons la passion de la course automobile, même si ne supportons pas le même pilote, mais cela ajoute un peu de piquant à nos conversations.
Je remercie aussi le personnel de la sécurité, qui fait un travail magnifique, ainsi que le personnel administratif du Sénat.
Surtout, je remercie notre propre personnel, le personnel de chaque sénateur. Dans mon cas, c'est aussi le personnel du leader du gouvernement au Sénat. Nous avons un petit personnel dévoué, qui est dirigé par mon chef de cabinet, Sandy Melo.
La session a été longue, mais nous reviendrons bientôt. Quelqu'un nous a souhaité tout à l'heure un bel été, je dirais ce qu'il en reste. Certes, lorsque l'on dit que ça chauffe ici, ce n'est pas seulement une image, ça chauffe physiquement aussi.
Je tiens à remercier mes collègues, ce qui inclut aussi mes vis-à-vis. Nous avons eu une session productive. J'ai fait remarquer au premier ministre et à mes collègues du Cabinet que nous avons abattu plus de travail lié aux mesures ministérielles que la Chambre des communes. Ils doivent le reconnaître.
J'aimerais dire que nous avons eu une session agréable. J'attends avec impatience notre retour en septembre. Je souhaite à tout le monde un bel été, ou ce qu'il en reste, et je vous dis à bientôt.
Merci beaucoup, Votre Honneur.
Les travaux du sénat
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec votre permission, je demande que tous les articles inscrits au Feuilleton soient reportés. À notre retour à l'automne, nous reprendrons nos travaux à partir de là.
(2250)
La sanction royale sera donnée sous peu. Comme le juge attend, je suggère, avec la permission du Sénat, de suspendre la séance jusqu'à ce que le juge ait signé le projet de loi. À notre retour, j'aurai le plaisir de proposer la motion d'ajournement.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée et êtes-vous d'accord pour que la séance soit suspendue jusqu'à convocation de la présidence, la sonnerie retentissant alors durant 15 minutes?
Des voix : D'accord.
Son Honneur le Président : Permettez-moi, en tant que Président, d'exprimer à tous les sénateurs ma gratitude et mon respect les plus profonds. Votre sens du devoir envers notre pays est un modèle pour tous les Canadiens; le respect de notre processus parlementaire est exemplaire, et les travaux réalisés par tous les sénateurs me rendent très fier d'assumer la présidence du Sénat.
À ce propos, l'article 18 du Règlement prévoit qu'il incombe au Président de maintenir l'ordre et le décorum au Sénat. Je ne puis m'acquitter de cette tâche qu'avec la généreuse collaboration de tous les sénateurs. Je vous en remercie.
Des voix : Bravo!
(La séance est suspendue.)
(2320)
[Français]
(Le Sénat reprend sa séance.)
La sanction royale
Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :
RIDEAU HALL
Le 12 juillet 2010
Monsieur le Président,
J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable Thomas Albert Cromwell, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléant du gouverneur général, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l'annexe de la présente lettre le 12 juillet 2010 à 23 h 5. Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.
Le secrétaire de la Gouverneure générale,
Sheila-Marie CookL'honorable
Président du Sénat
OttawaProjet de loi ayant reçu la sanction royale le lundi 12 juillet 2010 :
Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures (Projet de loi C-9, Chapitre 12, 2010.)
L'ajournement
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose :
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 28 septembre 2010, à 14 heures.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne au mardi 28 septembre 2010, à 14 heures.)