Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 96
Le mardi 22 mars 2011
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- La Loi sur les mesures de réinsertion et
d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes
La Loi sur les pensions - Le Budget des dépenses de 2011-2012
- Projet de loi sur le blocage des biens des dirigeants étrangers corrompus
- Le Sénat
- Sécurité nationale et défense
- Le Budget des dépenses de 2010-2011
- La Loi sur les mesures de réinsertion et
d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes
La Loi sur les pensions - La Loi sur les brevets
- Projet de loi sur le Monument national de l'Holocauste
- La Loi sur la Cour suprême
- Les travaux du Sénat
- L'étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements, et instructions en découlant
- L'étude sur les coûts et les avantages de la pièce d'un cent
- L'étude de l'examen décennal de la Banque de développement du Canada
- L'étude sur l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes
- Règlement, procédure et droits du Parlement
- Les promesses du gouvernement
- Le tabac de contrebande
- L'importance des sables pétrolifères du Canada
- Le Sénat
- Les technologies du développement durable
- La nécessité d'une approche sexospécifique dans les politiques budgétaires et fiscales du gouvernement canadien
- L'Agence des services frontaliers du Canada
LE SÉNAT
Le mardi 22 mars 2011
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
Le discours du budget
Les sièges réservés aux sénateurs à la tribune de la Chambre des communes
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'aimerais vous rappeler que le discours du budget sera prononcé à l'autre endroit à 16 heures, cet après-midi. Comme par le passé, les sénateurs devront prendre place dans la section de la tribune réservée au Sénat à la Chambre des communes. Les premiers arrivés seront les premiers servis. L'espace étant restreint, c'est la seule façon de garantir une place aux sénateurs qui voudront être présents. Malheureusement, il n'y aura pas de sièges pour les invités des sénateurs.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Les langues officielles en Atlantique
L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, je me dois encore de relater les faits. Service Canada offre un service essentiel à travers le pays et, comme je l'ai dit précédemment, Service Canada joue un rôle important en Atlantique, chez nous.
Je voudrais encore une fois citer la ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, Diane Finley :
[Traduction]
En fait, Service Canada augmente la capacité bilingue des cadres supérieurs de la région de l'Atlantique. Nous avons 25 cadres supérieurs dans la région de l'Atlantique, et 60 p. 100 d'entre eux ont des postes bilingues. Nous tentons actuellement de faire passer ce nombre à 80 p. 100. Les 10 cadres supérieurs du Nouveau-Brunswick sont parfaitement bilingues.
[Français]
Honorables sénateurs, je suis d'accord avec la ministre Finley; notre gouvernement fédéral va continuer de veiller à ce que Service Canada demeure et est déterminé à faire en sorte que tous les Canadiens et les Acadiens aient accès à des services de qualité dans la langue officielle de leur choix.
[Traduction]
Sous le leadership du premier ministre Stephen Harper, le gouvernement appuie fermement la dualité linguistique de notre pays et a investi davantage dans l'appui aux langues officielles que n'importe quel autre gouvernement.
[Français]
Je veux profiter de cette tribune pour remercier Mme Marie-France Kenny, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne. L'énergie qu'elle met à protéger et à promouvoir notre dualité linguistique mérite d'être soulignée en cette Chambre. Elle pourra toujours compter sur notre appui et nous l'encourageons à persévérer dans sa défense des droits des francophones acadiens et canadiens. Elle sait que faire preuve de leadership, ce n'est pas susciter des tempêtes dans un verre d'eau. Merci, madame Kenny, pour votre leadership!
[Traduction]
Honorables sénateurs, en conclusion, nous devons toujours tenir compte des faits et ne pas nous laisser distraire par des renseignements non fiables.
Les femmes en Afrique
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler des femmes puissantes, courageuses et forte qui vivent dans la vallée du Rift, en Afrique.
Le 8 mars, lors du 100e anniversaire de la Journée internationale de la femme, j'ai eu l'occasion de visiter Kajiado, un petit village masaï situé juste à l'extérieur de Nairobi, au Kenya. Les Masaïs sont une communauté pastorale.
Comme les sénateurs le savent sûrement, la Journée internationale de la femme est une occasion de nous rassembler tous pour célébrer les réalisations économiques, politiques et sociales des femmes de partout dans le monde. Habituellement, lors de cette journée, nous prenons le temps de rendre hommage aux femmes qui se sont démarquées dans les secteurs politique, professionnel ou philanthropique.
Bien que les réalisations des femmes masaïes comme celles que j'ai rencontrées à Kajiado passent souvent inaperçues, elles répondent bien à l'objectif visé par la Journée internationale de la femme.
Après avoir écouté le témoignage de plusieurs femmes masaïes, j'ai rapidement compris que les femmes masaïes de Kajiado ne sont pas seulement le ciment des collectivités et des familles, mais qu'elles sont également des protectrices de la paix et des symboles d'espoir. De tout temps, ces femmes ont reçu une éducation formelle très limitée, se sont battues contre l'inégalité entre les hommes et les femmes et ont été victimes de diverses pratiques, telles que les mutilations génitales féminines et les mariages forcés.
Toutefois, des organisations communautaires comme Amani Communities Africa s'emploient à favoriser l'autonomisation de ces femmes de même qu'à les sensibiliser et à leur faire comprendre les droits fondamentaux et juridiques des femmes tout en leur fournissant les outils dont elles ont besoin pour réagir efficacement aux abus et aux violations à leur endroit.
Ma bonne amie, Joy Mbaabu, directrice générale d'Amani Communities Africa, nous a présenté Agnes, chef des femmes masaïes à Kajiado. Cette dernière nous a entretenus des difficultés auxquelles les femmes masaïes se heurtent encore aujourd'hui et nous a donné un aperçu de ce à quoi peut ressembler une journée dans sa vie. Elle nous a aussi parlé de ses responsabilités, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de chez elle.
En entendant le témoignage d'Agnes, j'ai appris que, dans ces communautés, ce sont les femmes qui ont la responsabilité de prendre soin de leur famille, de s'occuper du bétail, de faire les récoltes et de gagner un revenu.
Le principal message qu'ont livré Agnes et de nombreuses autres femmes masaïes cet après-midi-là concernait l'éducation des jeunes filles. Tout en reconnaissant que bon nombre de leurs filles avaient maintenant la possibilité de fréquenter l'école élémentaire, elles ont souligné l'importance de l'éducation supérieure. Les femmes avec qui j'ai eu le plaisir de discuter m'ont fait clairement savoir que l'avenir de leurs collectivités repose entre les mains de leurs filles, car ce sont elles qui seront les moteurs de changements durables.
Avant de partir, j'ai demandé aux femmes de Kajiado quel message je devrais livrer aux Canadiens. Elles m'ont répondu ceci : « Aidez-nous à éduquer nos filles, et nous nous occuperons du reste. »
(1410)
Honorables sénateurs, il est temps que les réalisations et les efforts des femmes masaïes et des organismes comme Amani Communities Africa ne passent plus inaperçus. J'exhorte tous les sénateurs à se joindre à moi pour féliciter les femmes masaïes, Amani Communities Africa et Joy Mbaabu d'avoir montré qu'il est important de donner aux femmes les moyens d'agir.
Le décès de l'honorable Shahbaz Bhatti
L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, le 3 mars, j'ai eu l'occasion d'aller au Pakistan avec le ministre de l'Immigration et du Multiculturalisme, Jason Kenney. En dépit des menaces terroristes et des avertissements du gouvernement du Canada déconseillant de se rendre au Pakistan pour des raisons de sécurité, le ministre Kenney et moi pensions qu'il était de notre devoir de rendre un dernier hommage à notre cher ami, le ministre des minorités du Pakistan, Shahbaz Bhatti, qui a été assassiné récemment.
Après 20 heures de vol et des heures passées à attendre des vols de correspondance dans plusieurs aéroports, nous sommes arrivés au Pakistan à 7 h 30. Après une visite à l'ambassade et une allocution à son personnel, nous sommes allés à l'église pour assister aux funérailles de Shahbaz Bhatti.
Des milliers de personnes sont venues rendre un dernier hommage à M. Bhatti. Il était évident que bon nombre de personnes, partout sur la planète, admiraient l'attachement de Shahbaz Bhatti à la cause des droits de la personne et sa volonté de défendre ses convictions. J'ai été profondément émue par les milliers de personnes en pleurs aux funérailles et elles m'ont fait réaliser que, même si j'avais perdu un ami très proche, le monde, lui, avait perdu un homme influent qui portait en lui les espoirs et les rêves des opprimés et des marginalisés.
J'ai constaté, non sans surprise, que le personnel de la plupart des ambassades n'est pas venu aux funérailles pour des raisons de sécurité. L'ambassade du Canada était donc la mieux représentée aux funérailles. Le ministre Jason Kenney et moi étions assis près du cercueil de notre cher ami.
Les Pakistanais ont vraiment apprécié notre présence. Le premier ministre du Pakistan, l'évêque et la famille de Shahbaz Bhatti nous ont salués. J'ai été profondément honorée lorsque la mère de M. Bhatti a pris ma main et l'a embrassée, alors qu'elle pleurait et, en s'adressant à son fils mort, implorait : « Réveille-toi, mon prince. »
Après les funérailles, le ministre Kenney et moi avons eu une discussion avec le premier ministre du Pakistan, qui était accompagné de quelques-uns de ses ministres. Cela a été suivi par une réunion avec le ministre de l'Intérieur, puis par une conférence de presse et une réunion avec des membres des communautés minoritaires. Ce genre de réunions fait en sorte que mon pays natal, le Pakistan, et mon nouveau pays, le Canada, travaillent en étroite collaboration afin d'instaurer d'excellentes relations bilatérales.
Seize heures après être arrivés au Pakistan, nous avons pris notre vol de retour de 20 heures. J'avais fait de nombreux voyages au Pakistan auparavant, mais celui-là a été, et de loin, le plus épuisant psychologiquement et physiquement.
En dépit des menaces et des avertissements, je suis heureuse d'avoir pu m'asseoir à côté du cercueil de mon ami et d'avoir pu souligner sa vie inspirante. Je peux affirmer que la vie de M. Bhatti mérite l'admiration et inspire des changements partout dans le monde.
[Français]
La Journée internationale de la Francophonie
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour souligner la Journée internationale de la Francophonie et la fin des célébrations entourant les Rendez-vous de la Francophonie 2011.
Le 20 mars de chaque année, les francophones de tous les continents célèbrent cette journée dédiée à la langue française, qui unit 220 millions de locuteurs recensés dans le monde, et qui rassemble les 890 millions de personnes vivant dans les 75 États et gouvernements de l'Organisation internationale de la Francophonie.
Cette journée est une occasion pour les francophones du monde entier d'affirmer leur solidarité et leur désir de vivre ensemble dans leurs différences et leur diversité ici, au Canada.
La célébration du fait français témoigne de la vitalité de plus de 9,5 millions de Canadiens, qui font vivre et rayonner la langue française dans leur vie de tous les jours.
Du 4 au 20 mars 2011, des célébrations d'un bout à l'autre du Canada ont marqué les festivités des Rendez-vous de la Francophonie 2011.
Les Rendez-vous de la Francophonie sont un reflet d'une présence francophone moderne et dynamique, bien ancrée dans nos collectivités canadiennes. Cette réalité francophone représente une force, une valeur ajoutée et un attrait unique pour notre pays.
[Traduction]
Le thème des Rendez-vous de la Francophonie de cette année, qui est Interagir pour s'enrichir, fait réfléchir aux mesures prises par les communautés francophones de tout le Canada pour établir des rapports et des partenariats dans divers secteurs, dont l'économie, la culture, le tourisme, l'éducation, la santé et l'immigration.
[Français]
À l'occasion de cette Journée mondiale de la Francophonie, M. Abdou Diouf, secrétaire général de l'OIF, a consacré cette journée à la jeunesse francophone. Il a dit ceci :
Je voudrais dédier cette Journée internationale de la francophonie à notre jeunesse, à la jeunesse de tous les pays et de tous les continents, à cette jeunesse du monde arabe qui a eu le courage et la volonté de tracer pacifiquement la voie de la liberté politique et de l'équité économique et sociale, à une jeunesse qui ne doit plus être condamnée à osciller entre désespoir et révolte, mais qui doit pouvoir porter et concrétiser dans la dignité et la confiance son espoir légitime d'un avenir aux couleurs de la liberté, de la stabilité et de la prospérité.
C'est ainsi que la Journée internationale de la Francophonie nous permet de célébrer nos valeurs communes, nos traditions et notre patrimoine, qui caractérisent l'identité et la solidarité d'une francophonie, qui s'épanouit fièrement à travers le monde. Elle nous rappelle que le français est une richesse inestimable qui se doit d'être célébrée.
[Traduction]
Le championnat de curling Brier Tim Hortons 2011
Félicitations à l'équipe du Manitoba
L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, je veux féliciter aujourd'hui la ville de London, en Ontario, et les équipes masculines de curling de tout le Canada pour leur remarquable performance lors du championnat de curling Brier Tim Hortons 2011 tenu la semaine dernière.
Je tiens tout particulièrement à féliciter l'équipe du club de curling Charleswood, au Manitoba, qui a remporté la médaille d'or. L'équipe de Jeff Stoughton a une fiche plutôt impressionnante, puisqu'elle a remporté le Brier pas moins de trois fois et a aussi remporté le championnat mondial de curling tenu en 1996 à Hamilton, en Ontario. Ce n'est pas tout : pour compléter sa fiche impressionnante, Jeff m'a battu lors d'une partie disputée lors du tournoi de l'Association de curling du Manitoba Bonspiel, en 1997.
Lors du Brier de cette année, l'équipe du Manitoba a remporté neuf victoires et a subi deux défaites pour se retrouver à égalité avec Terre-Neuve-et-Labrador et l'Alberta. Le Manitoba a ensuite battu Terre-Neuve-et-Labrador, l'Alberta puis l'Ontario pour remporter le championnat. Les équipes du Manitoba ont remporté pas moins de 27 victoires depuis que le Brier a vu le jour en 1927. Leur plus proche rival est l'Alberta, avec 22 victoires. Le Manitoba a une fois de plus montré sa nette suprématie au curling.
Honorables sénateurs, je vous prie de vous joindre à moi pour féliciter le capitaine, Jeff Stoughton; le troisième joueur, John Mead; le deuxième joueur, Reid Carruthers; le premier joueur, Steve Gould; le cinquième joueur, Garth Smith et l'entraîneur, Norm Gould, et pour exprimer tous nos vœux de succès à nos représentants canadiens lors du championnat du monde Ford de curling qui se tiendra à Regina du 2 au 10 avril.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
La commissaire à l'information
Dépôt de la partie I du rapport spécial
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l'article 39 de la Loi sur l'accès à l'information, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un rapport spécial intitulé Premier rapport spécial : L'ingérence dans le processus d'accès à l'information.
[Traduction]
L'étude sur les politiques de sécurité nationale et de défense
Dépôt du septième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense
L'honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le septième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Souveraineté et sécurité dans l'Arctique canadien.
(Sur la motion du sénateur Wallin, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
Projet de loi modificatif—Présentation du dix-neuvième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles
L'honorable Joan Fraser, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :
Le mardi 22 mars 2011
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son
DIX-NEUVIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-59, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (procédure d'examen expéditif) et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 10 mars 2011, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.
Respectueusement soumis,
La présidente,
JOAN FRASER
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Smith (Saurel), la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
(1420)
[Français]
Le Sénat
Avis de motion tendant à prolonger la séance de mercredi et à autoriser les comités à siéger en même temps que le Sénat
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, après en avoir discuté avec ma collègue de l'autre côté et lui avoir expliqué les raisons pour lesquelles je propose cet avis de motion, je donne avis que, avec la permission du Sénat, plus tard aujourd'hui, je proposerai :
Que, nonobstant l'ordre adopté le 15 avril 2010, lorsque le Sénat siégera le mercredi 23 avril 2011, il poursuive ses travaux après 16 heures et qu'il suive la procédure normale d'ajournement, conformément à l'article 6(1) du Règlement;
Que les comités sénatoriaux devant se réunir le mercredi 23 mars 2011 soient autorisés à siéger même si le Sénat siège, l'application de l'article 95(4) du Règlement étant suspendue à cet égard.
Je voudrais informer les honorables sénateurs que demain, à 15 heures, nous aurons une sanction royale traditionnelle où, pour la première fois, le gouverneur général signera les projets de loi. Il s'agit d'un événement tout à fait spécial.
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Je voudrais simplement vérifier la date avec mon honorable collègue. Il s'agit du 23 mars, et non du 23 avril, n'est-ce pas?
Le sénateur Comeau : Oui.
[Traduction]
Les logiciels Word sont parfaits, sauf quand on change la date. Il s'agit du 23 mars, en effet.
[Français]
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, après à cette précision, la permission est-elle accordée?
Des voix : D'accord.
[Traduction]
L'Université Queen's à Kingston
Projet de loi d'intérêt privé visant à modifier l'acte constitutif—Première lecture
L'honorable Lowell Murray présente le projet de loi S-1001, Loi concernant l'Université Queen's à Kingston.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Murray, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
L'importance de l'alphabétisation
Avis d'interpellation
L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, conformément à l'article 57(2) du Règlement, je donne avis que, après-demain :
J'attirerai l'attention du Sénat sur l'importance de la littératie étant donné que le Canada a plus que jamais besoin de connaissances et de compétences pour demeurer compétitif dans le monde et pour accroître sa capacité de s'adapter à l'évolution des marchés du travail.
[Français]
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les affaires étrangères
La Libye
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Récemment, les forces armées ont été redéployées dans une nouvelle zone de combat. En tant que partie d'une coalition soutenue par les Nations Unies, notre participation, bien que limitée, est tout de même présente sur le terrain.
Jusqu'à maintenant, dans les déclarations faites par le gouvernement, que ce soit par le ministre des Affaires étrangères ou par le ministre de la Défense nationale, à aucun moment on n'a mentionné que les actions prises pour la Libye sont fondées sur le principe fondamental établi en 2005, soit le principe de la responsabilité protégée.
Madame le leader peut-elle nous dire si nous appliquons le concept de responsabilité protégée dans la cause de la Libye?
[Traduction]
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le premier ministre a consulté les chefs des partis de l'opposition en ce qui concerne la décision du gouvernement au sujet de la Libye, et il s'est engagé à demander l'approbation du Parlement avant de prolonger le déploiement des Forces canadiennes au-delà de la période de trois mois. L'autre endroit a tenu hier un débat sérieux et éclairant au terme duquel les députés ont appuyé la décision qu'a prise le gouvernement de se joindre à nos alliés et d'appuyer la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies.
[Français]
Le sénateur Dallaire : J'en suis enchanté. Tout le monde a au moins une semaine de retard et la situation s'est énormément compliquée. Le sujet va sûrement continuer d'attirer l'attention des gens occupés à trouver une solution au problème de la Libye.
Permettez-moi de revenir à la question. Nous sommes, avec la coalition et par l'entremise des Nations Unies, en train d'appliquer un concept qui est devenu une doctrine en 2005. Le gouvernement du Canada a proposé à la communauté internationale qu'on adopte le concept de responsabilité protégée selon lequel, si un chef d'État ou un État abuse massivement des droits de la personne et qu'il n'est pas capable de s'arrêter, nous avons la responsabilité de protéger ces personnes.
Pourquoi est-ce qu'on ne veut pas tout simplement dire qu'on est en train d'appliquer ce concept parce qu'on suit le processus établi dans le concept?
(1430)
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Pour commencer, honorables sénateurs, je remarque que le sénateur critique l'ONU en disant qu'elle intervient une semaine trop tard. Pourtant, depuis que la crise a éclaté en Libye, le gouvernement a pris des mesures énergiques et décisives à l'égard du régime Kadhafi, de concert avec les alliés du Canada. Il est évident que c'est ce que tout citoyen raisonnable devait attendre de nous.
Nous avons évacué les ressortissants canadiens. Nous avons mis en place de lourdes sanctions, plus lourdes encore que celles recommandées par l'ONU. Nous avons exhorté Kadhafi à mettre fin au bain de sang et à quitter immédiatement ses fonctions. Le président des États-Unis a lancé des appels semblables. Le Conseil de sécurité de l'ONU a appuyé une intervention immédiate pour protéger les Libyens de la menace de nouvelles tueries. Bien entendu, la résolution de la Ligue arabe en faveur d'une zone d'interdiction de vol a été extrêmement utile.
Le Canada appuie la résolution sans aucune réserve et il a pris d'urgence les mesures nécessaires pour l'appuyer. Nous avons déployé des navires et des avions dans le cadre de l'effort international avalisé par l'ONU. Bien sûr, toutes les précautions seront prises pour éviter la mort d'innocents.
En ce qui concerne le principe de la responsabilité de protéger, la résolution de l'ONU et notre participation ont pour but de protéger les Libyens contre les affres du régime Kadhafi.
Comme les émissions d'information nous l'apprennent, il s'agit d'une mission difficile. Tous les jours, nous apprenons du neuf sur les tactiques auxquelles le régime Kadhafi a recours en Libye. Il me semble juste de dire, honorables sénateurs, que les Forces canadiennes en poste à Malte et en Italie sont tout à fait intégrées à l'effort, avec nos alliés de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, et agissent en vertu de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.
La responsabilité de protéger
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, le leader a souvent reproché aux sénateurs de ce côté-ci — et j'ai parfois été la cible de cette accusation — de poser des questions qui sont simplement inspirées d'articles parus dans les journaux. Je me permets de signaler, en toute déférence, que tout ce que le leader vient de me dire, je l'ai lu ou entendu au moins une douzaine de fois dans différents médias. Je n'essaie pas de savoir si le leader est au courant de ce qui se dit dans les médias, mais de l'interroger sur les principes fondamentaux, sur les notions essentielles qui encadrent les opérations pour lesquelles nous déployons des forces dans des zones de conflit.
Le principe fondamental de la responsabilité de protéger a été énoncé après ce qui s'est produit au Rwanda et à Srebrenica. Il y a toute une série de critères à respecter, et ils sont là pour aider les pays à prendre des décisions encore plus opportunes lorsqu'il s'agit de choisir comment employer les moyens diplomatiques et, en dernier recours, comment user de la force.
Allons-nous en Libye avec cette idée en tête, c'est-à-dire pour appliquer un principe que nous avons fait accepter par le reste du monde?
Je peux comprendre que le principe de la responsabilité de protéger ait été accueilli avec réticence. Lorsque nous avons proposé cette doctrine, certains petits pays craignaient que les grands ne l'invoquent pour venir déposer leur dictateur. Tel n'est pas notre plan, bien qu'il existe quelques dictateurs qui mériteraient qu'on intervienne. Par ailleurs, des grands pays ne voulaient pas se faire entraîner, à cause de la responsabilité de protéger, dans des interventions auxquelles ils ne tenaient pas.
Craignons-nous que, si nous employons l'expression « responsabilité de protéger » et faisons de cette notion une prémisse fondamentale, si nous faisons de cette opération une application de ce principe, cela ne crée un précédent qui nous obligerait à participer à d'autres opérations?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, c'est exactement à la responsabilité de protéger que le gouvernement songeait en se joignant à nos alliés et à l'OTAN, avec l'appui de la Ligue arabe. Cette responsabilité est au centre de la résolution de l'ONU : il faut protéger des innocents des atrocités du régime Kadhafi.
Le sénateur Dallaire : Dimanche matin, à l'émission Question Period à CTV, le ministre de la Défense nationale s'est fait demander expressément si l'opération dans laquelle nous sommes engagés relève de la responsabilité de protéger, et il a répondu par la négative.
Voici ma question : au nom de quel principe sommes-nous là-bas? Quelle grande doctrine stratégique invoquons-nous pour donner bonne conscience au premier ministre et au Cabinet, qui prennent des décisions en s'appuyant sur un principe et non sur l'opportunisme?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je n'ai pas regardé Question Period. C'est l'une des émissions qui, à mon avis, ne valent pas la peine d'être regardées.
Des voix : Quelle honte!
Le sénateur Munson : Allez donc dire cela à Craig Oliver.
Le sénateur LeBreton : De toute façon, honorables sénateurs, nous sommes en Libye précisément à cause d'un vote qui s'est tenu au Conseil de sécurité de l'ONU. Voilà pourquoi nous sommes là-bas. Je n'ai pas vu le ministre de la Défense nationale à la télévision. Sans remettre en question la parole du sénateur, je doute qu'il se soit exprimé de la manière que le sénateur a décrite. Quoi qu'il en soit, nous sommes là-bas avec nos alliés pour faire respecter une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Je n'ai rien à ajouter à ce sujet.
L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai écouté l'émission de dimanche.
Des voix : Oh!
Le sénateur Fox : Cela en valait la peine?
Le sénateur Andreychuk : Le dimanche, le sénateur Dallaire et moi avons une vie passionnante, sans doute. Je ne suis pas sûre non plus d'avoir compris de cette manière les propos du ministre.
Néanmoins, je crois comprendre que, lorsque le principe de la responsabilité de protéger a été proposé à l'ONU, il y a eu débat et accord général pour dire que cette doctrine était valable et que l'ONU devait s'y conformer.
Cet accord une fois acquis — et je crois que c'est Tony Blair qui a joué un rôle de chef de file, mais il se peut que je me trompe —, un certain nombre de pays se sont réunis pour établir des lignes directrices afin de guider l'interprétation du principe. Ils ont échoué.
Par conséquent, il n'y a pas encore de principes directeurs, si bien que nous nous en remettons à l'ONU pour décider dans chaque cas si la communauté internationale souhaite intervenir. Selon moi, la situation de la Libye se présente de la sorte, puisque nous n'avons pas de principes à exhumer et à utiliser comme lignes directrices. Mon évaluation est-elle juste ou quelque chose m'a-t-il échappé?
Le sénateur LeBreton : Loin de moi l'idée de formuler des observations, car je ne crois pas que personne dans cette enceinte, d'un côté ou l'autre, comprenne mieux les affaires internationales et les opérations des Nations Unies, ainsi que ce qui se passe dans de nombreuses autres régions dans le monde. Madame le sénateur a représenté le Canada d'excellente façon à titre de membre du corps diplomatique pendant un certain nombre d'années avant d'être nommée au Sénat.
Je vais prendre note de la question du sénateur Andreychuk; toutefois, je suis convaincue que le sénateur a raison.
L'agriculture et l'agroalimentaire
La recherche et l'innovation en agriculture
L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Dans le Budget principal des dépenses du prochain exercice, le gouvernement a réduit d'environ 150 millions de dollars le financement d'Agriculture et d'Agroalimentaire Canada en matière de recherche, de sciences et d'innovation dans le secteur agricole. Les montants sont passés de 404 à 252 millions de dollars.
Cette recherche est essentielle pour avoir un système alimentaire qui soit sécuritaire et qui réponde aux besoins. Hier, Ron Bonnett, le président de la Fédération canadienne de l'agriculture, a dit ceci :
Étant donné les défis environnementaux et économiques à l'échelle mondiale et la volatilité grandissante des marchés, ce n'est pas un bon moment pour faire des compressions budgétaires dans des secteurs qui sont nécessaires pour stimuler la croissance et assurer la durabilité et la viabilité du secteur de l'agriculture.
Voici ma question : pourquoi le gouvernement réduit-il le financement de la recherche agricole dans le Budget principal des dépenses?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur Callbeck de sa question, et j'en prends note.
(1440)
Le sénateur Callbeck : Je suis heureuse que le leader prenne note de ma question. J'attends avec impatience la réponse, car l'agriculture est la principale industrie dans ma province, l'Île-du-Prince-Édouard. On y trouve près de 1 700 exploitations agricoles, et 5 p. 100 environ de la population vit à la ferme. On comprend donc l'importance que revêtent la recherche et l'innovation dans ce domaine pour l'économie.
L'office de commercialisation des pommes de terre de ma province, le Prince Edward Island Potato Board, a signalé que des programmes, des politiques et des travaux de recherche appropriés s'imposaient afin de contribuer à l'essor de l'industrie. Bertha Campbell, présidente de la Fédération de l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard, a récemment fait observer que la recherche était nécessaire pour tirer le plus de récoltes possibles des terres arabes limitées à l'échelle mondiale.
Madame le leader a pris note de ma première question. Je lui demanderais, quand elle se renseignera, de découvrir ce que le gouvernement projette de faire pour que la recherche et l'innovation en agriculture se poursuivent.
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, il est manifeste que le gouvernement déploie beaucoup d'efforts dans le domaine de la recherche et de l'avancement de la technologie. Je vais prendre note de la question.
[Français]
Les ressources humaines et le développement des compétences
Les centres de Service Canada dans la région de l'Atlantique—Les langues officielles
L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, ma question au leader du gouvernement au Sénat est la suivante : le 8 mars 2011, la sous-ministre déléguée principale du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences de Service Canada a déclaré, devant un comité de l'autre endroit, que :
La région administrative de l'Atlantique s'étend de Terre-Neuve à toutes les provinces maritimes et elle est désignée unilingue.
Hier, j'ai appris que, selon la ministre responsable des Ressources humaines et du Développement des compétences :
La région de l'Atlantique desservie par Service Canada n'a pas été désignée unilingue. La prestation de services dans cette région se fait toujours dans les deux langues officielles. Chaque centre de Service Canada et chaque poste désigné bilingue reste bilingue.
Aujourd'hui, nous apprenons que, selon un quotidien du Nouveau-Brunswick, l'administration de Service Canada sera dorénavant concentrée à Halifax, ville où domine nettement la langue anglaise. Cette ville sera-t-elle désignée bilingue par Service Canada ou y aura-t-il un bureau de Service Canada à désignation bilingue à Halifax? Devant ces renseignements plutôt confus, je dois avouer que je demeure plutôt perplexe, et je ne suis pas la seule.
Ma première question est la suivante : puisque, si j'ai bien compris, la situation demeurera inchangée sur le plan de la prestation des services dans les deux langues officielles, quelles sont les conséquences de désigner la région administrative de l'Atlantique unilingue? Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous expliquer ce que la désignation de région administrative unilingue implique?
[Traduction]
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, la vérité, c'est que la région du Canada atlantique n'a pas été désignée unilingue. Le gouvernement et Service Canada sont déterminés à offrir aux Canadiens d'excellents services dans la langue de leur choix.
Le sénateur a fait allusion au témoignage de la représentante du gouvernement. Je crois comprendre que celle-ci a corrigé son témoignage.
[Français]
Le sénateur Chaput : Je remercie madame le leader de sa réponse. J'ai une question complémentaire. Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat pourrait me dire quand et dans quel contexte la ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences a fait la déclaration que j'ai citée tout à l'heure, qui est très positive et dont je suis très heureuse? Serait-il possible d'en obtenir copie?
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : J'essaierai volontiers d'obtenir copie de cette déclaration pour le sénateur.
[Français]
Le sénateur Chaput : Honorables sénateurs, j'ai une autre question complémentaire. Si ce que rapportent les médias est exact, quelles seront les conséquences — si cela est exact — pour les francophones de concentrer l'administration de Service Canada à Halifax, ville où domine nettement la langue anglaise?
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Encore une fois, madame le sénateur pose une question qui, selon moi, est hypothétique. Elle tient ces propos en citant un reportage dans les médias, et je ne peux que remettre ce qu'elle dit en question. Comme je l'ai souvent dit, on devrait croire à 95 p. 100 ce qu'on a vu, mais on ne devrait croire que 5 p. 100 de ce qu'on a lu dans les journaux.
Je vais néanmoins tenter de déterminer la raison pour laquelle un journal aurait ainsi publié un article manifestement erroné.
[Français]
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, après consultations et ententes de part et d'autre des deux côtés de la Chambre, je demande, avec la permission du Sénat, que le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadienne et la Loi sur les pensions, qui est inscrit à l'ordre du jour du mercredi 23 mars 2011, soit appelé maintenant.
Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
[Traduction]
La Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des
militaires et vétérans des Forces canadiennes
La Loi sur les pensions
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L'honorable Donald Neil Plett propose que le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes et la Loi sur les pensions, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je me réjouis de cette occasion de prendre la parole pour parler du projet de loi C-55, Loi améliorant la Nouvelle Charte des anciens combattants. Ce projet de loi propose des modifications importantes aux mesures de soutien dont bénéficient les anciens combattants d'aujourd'hui.
En 2006, lorsque la Nouvelle Charte des anciens combattants est entrée en vigueur, elle a été qualifiée de document dynamique. Il s'agissait d'un document conçu pour être amélioré au besoin. Un grand nombre d'améliorations nécessaires figurent déjà dans cette mesure législative. Je suis heureux de constater que nous entamons en ce moment un nouveau chapitre amélioré de ce document dynamique.
Avec ce projet de loi, nous sommes dans la bonne direction. Le projet de loi C-55, Loi améliorant la Nouvelle Charte des anciens combattants, est conçu de façon à ce que les militaires et les anciens combattants des Forces canadiennes, ainsi que leurs familles, puissent jouir au moment opportun du soutien dont ils ont désespérément besoin et qu'ils méritent tant.
Honorables sénateurs, ils ont besoin de ce soutien aujourd'hui même. Par conséquent, ce projet de loi doit être renvoyé immédiatement au comité. Il contient trois avantages financiers qui permettront d'améliorer la vie de milliers de nouveaux anciens combattants.
Premièrement, cette mesure législative facilitera l'accès à l'allocation pour déficience permanente en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants, de même qu'à l'allocation d'incapacité exceptionnelle en vertu de la Loi sur les pensions. Les anciens combattants les plus gravement blessés auront ainsi accès à une allocation qui pourrait atteindre plus de 1 600 $ par mois.
Un grand nombre d'anciens combattants des Forces canadiennes qui n'étaient pas admissibles à l'allocation pour déficience permanente au moment de la mise en œuvre de la Nouvelle Charte des anciens combattants, en 2006, pourront dorénavant se prévaloir des nouveaux critères d'admissibilité proposés dans le projet de loi C-55. En outre, en modifiant les critères d'admissibilité, plus de 3 500 anciens combattants des Forces canadiennes devraient ainsi avoir accès aux prestations pour les cinq premières années de mise en œuvre.
Ces modifications législatives élimineront les barrières qui empêchent de tenir compte de l'indemnité pour invalidité perçue en vertu de la Loi sur les pensions et de la nouvelle Charte des anciens combattants dans les décisions visant à établir l'admissibilité à l'allocation d'incapacité exceptionnelle et à l'allocation pour déficience permanente.
(1450)
Ensuite, le projet de loi introduit un supplément de 1 000 $ par mois pour les anciens combattants grièvement blessés qui reçoivent déjà l'allocation pour déficience permanente et qui ne peuvent occuper un emploi rémunérateur convenable.
Honorables sénateurs, les anciens combattants, leurs organisations et les groupes consultatifs au service du ministère l'ont exprimé clairement : les anciens combattants blessés gravement et de façon permanente ainsi que leurs familles ont besoin d'un soutien financier mensuel accru pour répondre à leurs besoins. Le supplément de 1 000 $ a été choisi pour assurer un revenu mensuel suffisant aux prestataires des trois échelons de l'allocation pour déficience permanente.
Ces anciens combattants qui sont le plus dans le besoin et qui ne peuvent occuper un emploi rémunérateur recevront désormais plus de 2 600 $ par mois, en plus des autres prestations et mesures d'aide offertes par Anciens Combattants Canada.
En outre, le ministère fait preuve d'initiative en dressant la liste des anciens combattants qui ont vu, par le passé, leur demande au titre de l'allocation d'incapacité exceptionnelle ou de l'allocation pour déficience permanente rejetée pour cause d'inadmissibilité et qui pourraient désormais être admissibles lorsque les modifications proposées dans le projet de loi C-55 entreront en vigueur.
Enfin, les membres des Forces canadiennes et les anciens combattants pourront choisir selon quelles modalités ils veulent recevoir l'indemnité d'invalidité. Les anciens combattants pourront faire étaler les versements sur le nombre d'années de leur choix, recevront des intérêts et pourront se faire payer le solde restant sous forme de montant forfaitaire à n'importe quel moment, après avoir commencé à recevoir des versements annuels.
Honorables sénateurs, nos anciens combattants avaient demandé des modifications à la règle du montant forfaitaire et notre gouvernement les a écoutés. Ils auront les choix réclamés. Chacune de ces améliorations est conçue pour répondre aux besoins exprimés par les anciens combattants et leur famille ainsi que par des défenseurs de leur cause et d'autres personnes intéressées au dossier.
Je sais que la plupart des sénateurs demeureront vigilants en ce qui a trait à la protection et à la promotion des intérêts des anciens combattants canadiens. Je sais aussi que de nombreux sénateurs ont déjà consulté des anciens combattants et savent que ces derniers sont satisfaits du projet de loi.
Récemment, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a eu l'occasion de se rendre à Edmonton pour y rencontrer des membres des Forces canadiennes et des anciens combattants. Au fil de nos conversations, nous avons constaté une certaine confusion quant aux dispositions du projet de loi C-55. Cependant, une fois le projet de loi bien expliqué, la plupart des gens ont dit souscrire au but recherché globalement. Le principal problème, honorables sénateurs, semble se situer dans la communication avec les membres des Forces canadiennes et les anciens combattants pour leur faire connaître les programmes qui leur sont offerts, à eux et à leur famille. Il s'agit de trouver les bons moyens pour leur communiquer l'information.
Honorables sénateurs, certains d'entre nous ont reçu récemment une lettre de la part de Guy Parent, l'ombudsman des vétérans. Voici un extrait de cette lettre :
Le projet de loi C-55 est une étape très importante pour ce qui est de faire de la charte un document véritablement évolutif, tel que les parlementaires l'avaient envisagé il y a cinq ans. Il ne va peut-être pas aussi loin que certains le voudraient, mais, si vous l'adoptez, vous aurez immédiatement un impact sur la vie des vétérans les plus grièvement blessés qui touchent des prestations d'invalidité aux termes des deux lois et qui ne peuvent recevoir actuellement l'allocation pour déficience permanente et l'allocation d'incapacité exceptionnelle à cause d'un défaut technique dans la charte. Ce changement, jumelé à l'introduction d'un supplément mensuel de 1 000 $ à l'intention des vétérans souffrant d'une invalidité grave et permanente, représente une amélioration considérable.
Il y a eu, bien entendu, de vives discussions sur l'indemnité d'invalidité et sur la question de savoir si les options de paiement prévues par le projet de loi C-55 suffisent ou non pour répondre aux préoccupations liées au paiement forfaitaire. Elles ne sont pas suffisantes, mais il importe de retenir que le projet de loi C-55 est votre première chance de modifier la nouvelle Charte des anciens combattants; ce n'est pas votre dernière chance, et il ne faudrait pas qu'elle le soit. D'autres mesures doivent être prises bientôt.
Honorables sénateurs, grâce aux consultations avec les anciens combattants et leurs représentants et à la recherche effectuée, nous savons maintenant quelles mesures d'adaptation et d'ajustement s'imposent pour répondre aux besoins changeants des anciens combattants d'aujourd'hui et de leurs familles. L'approche préconisée par notre gouvernement pour ce qui est des soins fournis aux membres des Forces canadiennes et aux anciens combattants malades ou blessés consiste à leur permettre, dans la mesure du possible, de retrouver leur autonomie grâce aux programmes qui favorisent la santé et le bien-être.
C'est un honneur et un privilège insignes pour nous de servir ceux qui ont servi le Canada dans les opérations de guerre et de maintien de la paix, ces hommes et femmes qui ont tant sacrifié pour nous tous et qui méritent qu'on se porte à leur défense et qu'on adopte, sans plus tarder, cette mesure.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Plett : Honorables sénateurs, lorsqu'ils bénéficieront des nouvelles mesures de soutien financier prévues dans le projet de loi C-55, les anciens combattants blessés des Forces canadiennes pourront se concentrer sur la réalisation de leur plus important objectif : leur rétablissement.
Les modifications proposées à la Nouvelle Charte des anciens combattants dans le projet de loi C-55 représentent un investissement de 2 milliards de dollars dans l'aide financière destinée aux anciens combattants des Forces canadiennes. L'indemnité d'invalidité n'était jamais censée remplacer la pension mensuelle. Il s'agit d'une indemnisation pour l'incidence non financière des blessures ou des maladies, comme la douleur et la souffrance. L'indemnité d'invalidité vient s'ajouter aux autres revenus comme l'allocation pour perte de revenus et l'allocation pour déficience permanente qui, elles, ont pour but de compenser les pertes financières entraînées par les blessures.
En vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants, les anciens combattants grièvement blessés qui ne peuvent plus travailler continueront de toucher un revenu mensuel. Mme Patricia Varga, présidente nationale de la Légion royale canadienne, a dit ceci à propos du projet de loi C-55 :
Le projet de loi constitue un premier pas dans la bonne direction; il contribue grandement à améliorer la nouvelle Charte des anciens combattants. On y prend en considération de nombreuses recommandations qui ont été formulées par le Groupe consultatif sur la Nouvelle Charte des anciens combattants et le Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes. La légion estime que la charte nécessite d'autres améliorations, et nous avons hâte de poursuivre un dialogue continu à ce sujet avec le ministre Blackburn.
M. Ray Kokkonen, président de l'Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix, a affirmé ceci :
Nous saluons le gouvernement qui, en présentant ce projet de loi, tient sa promesse en démontrant que la Nouvelle Charte des anciens combattants est véritablement un document évolutif. Naturellement, nous sommes heureux d'avoir joué un rôle à cet égard et que nos conseils et nos recommandations aient été entendus. La réclamation d'une hausse substantielle du soutien financier qui est offert à nos anciens combattants les plus gravement blessés, afin de leur permettre de vivre dans la dignité, constitue l'une des principales priorités de notre organisation. C'est pourquoi nous sommes très contents de constater que des mesures sont prises à l'égard de cet enjeu très important. Nous continuerons à travailler en étroite collaboration avec le ministre Blackburn pour régler d'autres questions liées à la charte, afin de nous assurer que les nouveaux besoins et les besoins continus de nos anciens combattants et de leurs familles sont comblés.
Honorables sénateurs, la Nouvelle Charte des anciens combattants n'a jamais visé à réduire les coûts ou à faire des économies. Son objectif a toujours été de fournir un ensemble complet de mesures pour traiter avec respect les anciens combattants et leurs familles, en leur offrant des services et des prestations en reconnaissance de leur service et du sacrifice qu'ils ont fait pour leur pays. C'est la moindre des choses, honorables sénateurs, et nous devons à chaque ancien combattant ainsi qu'à sa famille d'adopter rapidement cette mesure législative d'une importance capitale. Ce n'est pas le moment d'en faire un enjeu politique.
Honorables sénateurs, nos collègues à l'autre endroit ont vu toute l'importance de cette mesure législative et l'ont adoptée à l'unanimité. Je suis fier de parrainer le projet de loi C-55 et je demande aux sénateurs d'aider nos anciens combattants en veillant à ce que ce projet de loi reçoive la sanction royale, sans être amendé, le plus rapidement possible.
L'honorable Joseph A. Day : Puis-je poser une question au sénateur?
Le sénateur Plett : Certainement.
Le sénateur Day : Le sénateur a donné comme argument de vente que le projet de loi avait été adopté à l'unanimité à l'autre endroit. Sait-il combien de temps l'autre endroit a débattu avant d'en arriver à un consentement unanime?
Le sénateur Plett : Non, mais je suis sûr que le sénateur me le dira, car je suis certain qu'il le sait.
Le sénateur Day : Si je disais 46 jours, le sénateur me contredirait-il?
Le sénateur Plett : Non, je ne contredirais pas le fait que le débat a peut-être duré 46 jours. Bien sûr, nous avons entendu tant de choses ces derniers jours. Hier, le sénateur Murray prenait des paris sur la tenue possible d'élections. Certains disent qu'il y a bien d'autres raisons d'accorder de l'importance à l'adoption rapide de ce projet de loi et je suis certain que le sénateur en convient.
Le sénateur Day : Merci.
(1500)
Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres interventions?
[Français]
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, le projet de loi C-55 est une amélioration au projet de loi C-45, dont j'étais le parrain et qui a été adopté le 17 mai 2005.
Comme on l'a annoncé, cela a pris au ministère presque 10 mois pour mettre en marche ce projet de loi qui vise à mieux répondre aux besoins des vétérans et de leurs familles.
[Traduction]
Je ne souhaite pas prolonger le débat parce que j'ai hâte que le projet de loi soit renvoyé au comité. Je voudrais cependant apporter un peu d'objectivité à la question que nous étudions.
Honorables sénateurs, lors de la mise en œuvre de ce document, en 2006, le premier ministre lui-même a indiqué que ce serait un document dynamique. Il avait pour objet de répondre aux besoins des anciens combattants à un moment où nous ne connaissions pas encore leur nombre, le genre de blessures qu'ils pouvaient subir atteints et les répercussions sur leur famille. Nous voulions donc un projet de loi pouvant nous donner la souplesse nécessaire pour réagir le plus rapidement possible.
Nous avons maintenant la première réaction à ce document dynamique, qui n'est peut-être plus aussi dynamique qu'il l'était puisqu'il a fallu cinq ans pour obtenir ces modifications. Quoi qu'il en soit, nous les avons enfin. Dans la version anglaise, le projet de loi a pour titre abrégé « Loi sur la Nouvelle Charte améliorée des anciens combattants », ce qui n'est pas tout à fait exact. Cette mesure législative améliore la Nouvelle Charte des anciens combattants, mais ce n'est pas une nouvelle charte améliorée.
Honorables sénateurs, si vous examinez le projet de loi C-45, n'oubliez pas que la nouvelle charte a été adoptée parce que 15 années de nouveaux théâtres d'opérations ont engendré une toute nouvelle génération de vétérans. Ne perdez pas de vue ce que nous avons récemment exigé des Forces canadiennes sur ces nouveaux théâtres d'opérations et les effets que cela a produits sur le personnel.
Permettez-moi de situer le problème. Nous avons eu la Seconde Guerre mondiale et la charte de 1943. Après la démobilisation, nous avons adopté la Loi sur les pensions de 1953 qui a, d'une façon générale, couvert les membres des Forces canadiennes. Qu'ils aient été blessés à Chypre ou sur un autre théâtre d'opérations, ils étaient couverts par la nouvelle loi, qui était beaucoup moins généreuse et beaucoup plus stricte que la charte initiale. Celle-ci, si vous vous en souvenez, permettait aux militaires d'acheter une maison et de faire des études. Le nombre d'anciens combattants démobilisés après la Seconde Guerre mondiale et l'incroyable investissement consenti par le pays ont donné lieu à un extraordinaire essor de nombreuses universités. En fait, beaucoup d'établissements ont dû beaucoup agrandir leurs locaux afin de répondre à l'énorme demande qui s'était brusquement manifestée.
Honorables sénateurs, nous sommes ensuite passés à la Loi sur les pensions et, peu de temps après, nous avons fait la transition entre la guerre froide et une nouvelle ère de conflits. Dans cette ère, nous avons commencé à voir des blessures qui n'étaient pas de la même nature que celles qu'avaient occasionnées les missions précédentes de maintien de la paix. Les nouveaux théâtres d'opérations n'étaient pas un prolongement des missions de maintien de la paix en vertu du chapitre 6, au cours desquelles nos militaires en short, coiffés d'un béret bleu et armés d'un bâton de base-ball jouaient un rôle d'arbitres sans carton rouge ni banc de punition. Nous sommes maintenant engagés dans des opérations relevant au moins du chapitre 7, qui exigent le recours à la force. Par conséquent, nos militaires subissent des blessures attribuables au recours à la force, blessures qui sont parfois psychologiques, parce qu'ils ne sont pas autorisés à recourir à la force même s'ils le devraient, à cause de la complexité de leur mandat.
Honorables sénateurs, dans ce scénario, nous avons 15 ans de pertes. Une importante étude a été réalisée à ce sujet par Anciens Combattants Canada et des conseils consultatifs établis en 2000 par le sous-ministre. Il s'agit de l'étude Neary, à laquelle nous avons consacré d'importants efforts. En 2004, j'ai participé au dépôt de l'étude ici même, au cours d'une grande conférence de presse. L'étude devait constituer la rampe de lancement de la nouvelle charte parce que la Loi sur les pensions ne répondait plus aux besoins des vétérans ou des soldats les plus gravement atteints.
Le projet de loi a été étudié rapidement, comme le sénateur l'a indiqué, tous les partis souhaitant qu'il soit adopté parce qu'on en avait besoin. En moins de 48 heures, le projet de loi a franchi les trois étapes à l'autre endroit, puis au Sénat. Nous l'avons envoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales simplement pour la forme, et voilà, c'était fait.
Nous avons fait l'essai de la Nouvelle Charte des anciens combattants ces dernières années et lui avons découvert de nombreux défauts, auxquels il est très important de remédier parce que nous avons non seulement des membres actifs des Forces canadiennes, mais aussi leurs familles et des anciens combattants qui ont subi des blessures graves. Ces gens ne bénéficient pas du contrat social que le pays a conclu avec ses anciens combattants.
Honorables sénateurs, après la Première Guerre mondiale, le Canada a pris un engagement envers ses anciens combattants, dans le cadre duquel il leur a dit : « Nous vous enverrons sur un théâtre d'opérations pour assurer notre protection et notre sécurité. Sur ce théâtre, vous pouvez mourir. Vous pouvez aussi être blessés, peut-être à vie. Votre famille acceptera ces sacrifices pour que tous les autres Canadiens puissent vivre en sécurité parce que nos soldats, nos marins et nos aviateurs ont payé ce prix. » Ce contrat social paternaliste a engendré l'environnement dans lequel le concept des anciens combattants canadiens a été établi. Ce contrat était paternaliste comme l'est un père envers ses enfants : à mesure que les enfants grandissent, ils vont travailler, trouvent d'autres emplois, sont réadaptés, mais subissent à l'occasion un recul à cause des blessures subies qui reviennent les hanter ou créent des complications. Ils s'adressent alors au ministère des Anciens Combattants, qui les remet d'aplomb, leur verse des prestations et leur ouvre de nouvelles portes. Ils peuvent alors continuer à vivre leur vie en sachant que le gouvernement — en réalité, les Canadiens — a pris envers eux un engagement à vie. Pourquoi? C'est parce qu'ils se sont eux-mêmes engagés à subir d'éventuelles blessures ou même à donner leur vie. C'est le concept de la responsabilité sans limite.
Honorables sénateurs, en mettant en œuvre le projet de loi C-45 et en examinant les modifications prévues dans le projet de loi C-55, nous avons découvert qu'il fallait en faire davantage. Le sénateur a dit qu'il admettait volontiers que le projet de loi avait besoin d'être peaufiné et que nous devons maintenant examiner cette mesure législative au comité.
(1510)
Ce qu'il faut dans le projet de loi C-55, cependant, c'est la reconnaissance du fait qu'il s'agit d'un engagement du gouvernement qui dure toute la vie de l'ancien combattant, et non d'une police d'assurance ou d'un régime d'indemnisation des accidents du travail, dont les prestations sont imposables et d'autres avantages sont limités. Certaines prestations sont inférieures à ce que, même dans la fonction publique, on accorderait à un fonctionnaire qui se blesse. En réalité, un fonctionnaire qui se blesserait et perdrait une jambe obtiendrait plus d'argent qu'un ancien combattant en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants.
Comme si cette incongruité ne suffisait pas, la police d'assurance prend aussi fin à 65 ans. Soudain, tout s'arrête. En somme, cette charte accorde un accès limité et certaines prestations qu'elle prévoit comportent des restrictions importantes, mais, pis encore, à 65 ans, les anciens combattants risquent de se retrouver sans aucune ressource, à moins de souffrir d'une invalidité très grave.
Le projet de loi C-55 tient compte des anciens combattants les plus gravement blessés et fait du ménage dans la loi pour qu'il leur soit possible d'obtenir des prestations particulières. C'est très bien. C'est nécessaire. C'est également une passerelle entre l'ancienne loi sur les pensions et la Nouvelle Charte des anciens combattants, de sorte que les anciens combattants gravement blessés puissent obtenir le maximum de prestations et de soutien. De ce côté-là non plus, je ne vois aucun problème.
Toutefois, le projet de loi C-55 modifie un projet de loi antérieur, le projet de loi C-45, qui était une loi cadre. Autrement dit, cette loi traçait les grandes orientations et elle laissait au « gouverneur en conseil » le soin de régler les détails par la voie de règlements. Les règlements sont l'interprétation que le personnel donne de ce que doit être l'orientation, la politique.
Chose curieuse, le ministre a annoncé en novembre que le gouvernement déposait le projet de loi le 17 novembre 2010 pour accroître les prestations, de façon à garantir un revenu annuel minimum avant impôt d'environ 40 000 $. C'est très important pour un simple soldat qui n'a passé qu'une année dans les Forces canadiennes, n'a aucune retraite et touche un salaire bien inférieur à ce montant.
Le problème de ces prestations de 40 000 $ pour perte de revenus, ce n'est pas que le ministre les ait portées à ce niveau minimum, qu'il faut sans doute juger raisonnable, même si les prestations sont imposables, mais qu'il n'avait pas besoin de légiférer pour le faire. Cette disposition législative est un règlement. Le ministre aurait pu appliquer cette mesure dès novembre. Pourquoi attendre et intégrer cette mesure au projet de loi?
Voilà une mesure que le ministre aurait peut-être dû prendre de son propre chef, sans légiférer. Cela aurait été conforme à l'esprit du projet de loi C-45. Lorsque nous avons dit que la charte était un « document vivant », nous voulions donner au ministre le maximum de souplesse, de sorte qu'il n'ait pas à revenir au Sénat ou à l'autre endroit en catastrophe pour faire adopter à toute vitesse une série de mesures pas forcément très bien pensées.
À mon sens, c'est là une difficulté à laquelle le ministre aurait pu réagir en appliquant cette mesure il y a des mois, ce qui aurait rendu bien des familles plus heureuses.
L'autre partie du projet de loi concerne les différentes prestations et leurs coûts. Lorsque le projet de loi a été publié et annoncé, on nous a dit qu'on allait apporter des bonifications et des ressources de l'ordre de 2 milliards de dollars à la Nouvelle Charte des anciens combattants. Mais il faut lire les passages en petits caractères. Il s'agit de 2 milliards de dollars pendant la durée de l'application de la loi.
Je voudrais bien savoir qui a calculé ce montant de 2 milliards de dollars, mais j'ai vraiment hâte de voir qui a été en mesure d'estimer qu'il ne s'élève qu'à 2 milliards de dollars? Combien de victimes croit-on que nous aurons? Nous sommes maintenant en Libye, et Dieu sait où nous irons encore. Comment faire une estimation sur 20, 30 ou 40 ans, puisque le nombre de personnes qui auront besoin de prestations ne dépend pas de nous?
Nous avons estimé le coût et nous avons demandé à d'autres d'examiner la question. Nous arrivons à environ 40 millions de dollars par année. Nous sommes loin des 2 milliards de dollars. Pourquoi sortir ce chiffre de 2 milliards de dollars? Pourquoi en faire tout un plat? Pourquoi essayer de leurrer les troupes avec ce genre de discours creux, puisque les mesures prises étaient bonnes et nécessaires? Pourquoi tout ce bruit et ce tapage pour faire valoir une proposition?
J'ai également hâte que le projet de loi soit renvoyé au comité et j'espère qu'il y sera étudié rapidement. Je souhaite que le projet de loi soit approuvé d'ici jeudi.
J'ai une dernière observation. Il s'agit ici d'un début. Ce n'est pas une Nouvelle Charte des anciens combattants bonifiée, mais le premier élément d'une démarche qui permettra de la bonifier.
Si je peux rendre le compliment à mes collègues d'en face, j'ai hâte aux initiatives, à ce travail et à ces efforts importants du personnel et du ministre en vue de présenter plus rapidement un nombre beaucoup plus grand des améliorations absolument essentielles qui s'imposent si nous voulons que la charte soit un document vivant, un document qui vit pour aider les anciens combattants à mener une vie convenable.
Je termine en apportant une petite nuance. Pendant l'étude antérieure à 2005 qui a abouti à la Nouvelle Charte des anciens combattants, on a soutenu que, à notre époque, les familles vivent les missions avec les soldats. Ma belle-mère m'a dit qu'elle n'aurait jamais survécu à ce que ma femme a dû subir pendant que j'étais au Rwanda. Elle m'a expliqué que, pendant la Seconde Guerre mondiale, tout le pays était en guerre. Il y avait très peu de communications et la censure s'appliquait. Lorsque mon beau-père commandait son régiment à l'étranger, on savait fort peu de choses sur ce qui se passait. Il n'y avait que les actualités filmées, à l'occasion.
Aujourd'hui, les familles sont devant la télévision, la télécommande à la main, suivant tout ce qui se passe. Elles passent sans cesse d'une chaîne à l'autre pour voir si Al Djazira ou la CBC/Radio-Canada parleront de soldats qui ont essuyé des tirs ou ont été tués ou blessés au cours des opérations. Les familles sont maintenant très touchées par les tensions provoquées par ces missions complexes et ambiguës, par ces missions qui sont dangereuses parce que les gens tirent les uns sur les autres.
Cette charte ne fait aucunement mention de la famille. Comme je l'ai parrainée, je dois admettre que cette omission était une très grosse erreur et que je ne me suis jamais autant trompé en présentant quelque chose.
J'espère que nous produirons une version améliorée de la Nouvelle Charte des anciens combattants dans les meilleurs délais, mais surtout, que nous y ferons mention des familles. Nous devons tenter de leur donner ce dont elles ont besoin pour survivre et pour continuer d'appuyer nos troupes de la façon la plus exemplaire qui soit, comme elles l'ont fait jusqu'ici, pour que les soldats puissent retourner en mission, être efficaces et revenir à la maison. Les soldats qui ont été blessés ne devraient pas avoir à se battre contre un ministère pour vivre décemment en tant qu'ancien combattant.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
L'honorable Donald Neil Plett : Je propose que le projet de loi C-55 soit renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.
(1520)
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Je veux m'assurer que le projet de loi sera renvoyé au comité demain.
Une voix : Il y est renvoyé aujourd'hui même.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l'objet du vote était-il clair? Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée et le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.)
[Français]
Le Budget des dépenses de 2011-2012
Présentation du onzième rapport du Comité des finances nationales
Permission ayant été accordée de revenir à la présentation de rapports de comités permanents et spéciaux :
L'honorable Joseph A. Day, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :
Le mardi 22 mars 2011
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son
ONZIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le Budget des dépenses 2011-2012, a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 2 mars 2011, examiné ledit Budget et présente ici son premier rapport intérimaire.
Respectueusement soumis,
Le président,
JOSEPH A. DAY
(Le texte du rapport figure en annexe des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1362.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion du sénateur Day, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
[Traduction]
Projet de loi sur le blocage des biens des dirigeants étrangers corrompus
Troisième lecture
L'honorable A. Raynell Andreychuk propose que le projet de loi C-61, Loi prévoyant la prise de mesures restrictives à l'égard des biens de dirigeants et anciens dirigeants d'États étrangers et de ceux des membres de leur famille, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je veux ajouter quelques mots aux propos que j'ai tenus à l'étape de la deuxième lecture. Je veux remercier le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, et plus particulièrement son vice-président, le sénateur Downe, d'avoir facilité la tenue au comité d'une audience appropriée sur le projet de loi et d'avoir renvoyé ce dernier au Sénat à l'étape de la troisième lecture.
Comme je l'ai dit à l'étape de la deuxième lecture, il existe des mesures législatives visant à saisir des biens qui ont été obtenus de manière inappropriée ou détournée. Toutefois, la mesure législative dont nous sommes saisis porte sur le trafic et d'autres situations. Je remercie les ministres Nicholson et Cannon d'avoir comparu devant le comité hier. Les deux ministres ont affirmé qu'il y avait une lacune dans la loi en ce qui concerne les pays qui sont en transition démocratique. Le gouvernement en place au moment du changement de leadership n'est pas le même. Par conséquent, les nouvelles forces démocratiques tentent de revendiquer les biens qui étaient destinés aux citoyens du pays.
Le projet de loi ne porte pas sur la confiscation. Il ne porte pas sur la capacité de faire des revendications ou de défendre des biens.
Il bloque les biens afin de permettre à ces nouveaux régimes démocratiques de recueillir des preuves. Nous savons qu'il y a beaucoup de technologies de nos jours et que les biens peuvent être déplacés dans le monde rapidement. Ce projet de loi facilite le blocage des biens afin de pouvoir monter le dossier. Par conséquent, il ne porte pas sur la confiscation des biens.
Le projet de loi permet aussi de traiter rapidement ces biens afin qu'il n'y ait pas de perte de revenu, si cela devait se produire pendant que cette loi est en vigueur. Le projet de loi ne risque absolument pas de nuire aux opérations. Il ne fait que permettre de bloquer certains biens.
Le sénateur Day sera heureux de savoir que sa question a été posée aux ministres et que nous avons eu la confirmation que toutes les banques sont assujetties à cette loi et que le libellé anglais et français est le même qui a déjà été utilisé pour d'autres projets de loi qui portaient sur le blanchiment d'argent ou des mesures antiterroristes. Nous avons eu l'assurance que c'est bien le libellé qui a été utilisé par le passé et qui s'appliquait à toutes les banques.
La comparaison des libellés anglais et français donne une curieuse impression, mais on juge que les deux versions sont correctes. Tant les fonctionnaires que les ministres ont fait part de leurs impressions sur cette question.
Par ailleurs, ce projet de loi vise à combler une lacune qui a été découverte à l'occasion de certains événements récents. Nous savons que c'est un problème qui subsiste. Ceux qui désirent cacher des biens ont autant de moyens technologiques pour le faire que ceux qui souhaitent en disposer convenablement. Voilà pourquoi la Chambre des communes a proposé d'insérer une disposition prévoyant un examen par les deux Chambres du Parlement. Les biens seraient bloqués pendant cinq ans, et cette période pourrait être renouvelée. Cependant, cette disposition d'amendement prévoit un examen par la Chambre des communes et le Sénat. Certains s'interrogeaient à propos de l'ajout de dispositions concernant ce genre d'examen et se demandaient si cela visait les greffiers des deux Chambres. On nous a assuré que cela visait les deux greffiers et que c'était la formulation d'usage.
Honorables sénateurs, je reconnais que ce projet de loi est nécessaire et qu'il arrive à point nommé, et je tiens à dire que j'apprécie les efforts faits par tous ceux qui ont facilité l'étude du projet de loi C-61. Cette mesure permettra de faire davantage pour éviter que des biens servent au bénéfice personnel de dirigeants si ce sont des biens de l'État qui doivent bénéficier aux citoyens de l'État. C'était le but de ce projet de loi et nous veillerons, après son adoption, à ce que son objectif soit atteint.
L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, j'aimerais aussi participer brièvement à la discussion sur ce projet de loi. Je remercie le sénateur Andreychuk d'avoir accepté d'examiner ce projet de loi malgré un court préavis. Elle est parvenue à faire témoigner deux ministres devant le comité. C'est remarquable quand on pense à ce qui se passe en ce moment au ministère des Affaires étrangères, et les membres du comité lui en sont vraiment reconnaissants.
Je veux informer le Sénat que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international s'est effectivement réuni pour parler de ce sujet. Cependant, ne nous laissons pas aller à croire que ce projet de loi a fait l'objet d'un examen détaillé. Le fait est que, pour que ce projet de loi soit adopté rapidement comme le voulait le gouvernement, nous avons agi plus vite que d'habitude.
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international ne s'est réuni qu'une fois pour discuter du projet de loi. Honorables sénateurs, je comprends bien que nous avons besoin de cette mesure législative et que le gouvernement veut l'adopter le plus rapidement possible. Pourtant, comme c'est le cas pour toutes les mesures législatives, ce sont les détails qui posent des problèmes, et ce, malgré toutes les bonnes intentions possibles et imaginables.
Ce projet de loi est censé être mis à profit quand des systèmes de gouvernement et, par extension, des systèmes judiciaires font l'objet de transformations et sont parfois même chaotiques. L'idée qu'un gouvernement provisoire ou un tribunal quelconque utilise ce projet de loi d'une manière imprévue est source d'inquiétude.
Il n'est pas difficile d'imaginer un gouvernement étranger utilisant cette mesure contre un ancien responsable chassé du gouvernement ou contre l'ami ou le proche d'un tel individu, qu'il soit corrompu ou non. Si le gouvernement du Canada croit qu'il s'agit d'une demande légitime, que se passera-t-il? Comment fonctionnera ce processus de « blocage » et de « saisie »?
(1530)
J'espère que les États étrangers qui demanderont l'aide du Canada pour recouvrer les produits de la corruption pourront fournir des renseignements détaillés, car, pour ce qui est de retracer des sommes cachées, le bilan du gouvernement actuel n'est guère reluisant.
Le projet de loi ne précise pas qui sera chargé de faire les recherches. Toutefois, compte tenu de la nature de cette question, on peut s'attendre à ce que ce soit l'éventail complet des organismes et des programmes. Le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada — le CANAFE —, la GRC, le Service canadien du renseignement de sécurité — le SCRS — et le Bureau du surintendant des institutions financières auront tous un rôle à jouer dans la recherche de biens étrangers.
Quand il est question de biens cachés, on pense d'abord à l'Agence du revenu du Canada. À première vue, le retraçage de biens cachés devrait faire partie de ses responsabilités. Malheureusement, le bilan de l'agence en la matière est tout à fait lamentable.
Par exemple, au cours des dernières années, les gouvernements français et allemand ont communiqué au gouvernement du Canada des renseignements sur des centaines de comptes bancaires secrets appartenant à des Canadiens au Liechtenstein et en Suisse.
Dans le cas du Liechtenstein, les noms de 106 Canadiens ayant des comptes bancaires secrets ont été communiqués à l'Agence du revenu du Canada il y a quatre ans. Depuis, aucune de ces personnes n'a été accusée de quoi que ce soit et aucune amende n'a encore été imposée.
Cette situation est renversante, surtout quand on sait que les comptes détenus par des Canadiens contenaient plus de 100 millions de dollars, dont 12 millions dans un seul compte. À cause de cela, bien des Canadiens pensent que l'Agence du revenu du Canada n'est pas en mesure de retracer les biens non déclarés. Des Canadiens qui suivent cette affaire de près me demandent qui l'Agence du revenu du Canada cherche à protéger.
Des pays comme les États-Unis et l'Allemagne ont déjà déposé des accusations de fraude fiscale contre des individus qui possédaient des comptes bancaires non déclarés dans des paradis fiscaux.
En Allemagne, par exemple, dans l'année suivant la découverte des comptes en question, des centaines de citoyens allemands se sont présentés devant les autorités, dont plusieurs qui pensaient à tort faire partie des personnes considérées comme ayant des comptes à l'étranger. La perspective de se voir imposer des amendes salées et de lourdes peines d'emprisonnement pour fraude fiscale a poussé ces Allemands à privilégier la prudence et à se présenter devant les autorités.
Au Canada, par contre, aucune accusation n'a jamais été portée. Depuis quatre ans que cette fameuse liste sur laquelle était inscrit le nom de 106 Canadiens a été remise à l'ARC par le gouvernement allemand, pas un seul de ces 106 hommes et femmes ayant dissimulé de l'argent dans un paradis fiscal n'a été traîné devant un tribunal, au Canada pas plus qu'à l'étranger. En fait, en quatre ans, les comptes de seulement 26 d'entre eux ont fait l'objet d'une vérification.
En 2009, les autorités françaises ont reçu de l'information sur quelque 80 000 comptes bancaires en Suisse, dont 8 000 avaient été ouverts par des citoyens français afin d'éviter de payer de l'impôt. Depuis, un grand nombre de Français ont avoué avoir pratiqué l'évasion fiscale, ce qui a permis à l'État français de recouvrer des millions de dollars en impôt impayé.
Comme leurs homologues allemandes, les autorités françaises ont informé le gouvernement du Canada que 1 785 comptes en Suisse appartenaient à des Canadiens. Malheureusement, si on se fie à l'expérience des comptes au Liechtenstein, où, après quatre ans, seulement 26 des 106 comptes ont fait l'objet d'une vérification, il faudra 274 ans à l'Agence du revenu du Canada pour faire enquête sur les 1 785 Canadiens qui détiennent un compte en Suisse.
De toute évidence, si c'est ainsi que le gouvernement s'y prend pour récupérer l'argent qui lui est dû, je crois qu'il y a tout lieu de se demander comment il s'y prend pour récupérer l'argent dû à d'autres gouvernements. Bien que je ne doute pas un seul instant de l'honnêteté des témoins entendus par le comité, je crois qu'il va falloir en entendre d'autres.
Essentiellement, le projet de loi C-61 n'est rien d'autre qu'un projet de loi rédigé à la va-vite afin de régler un problème bien précis et dont on a élargi la portée pour le rendre plus général. Il nous faudra déterminer comment s'articulera sa mise en œuvre complète et voir là où il s'inscrit par rapport aux mesures semblables qui existent déjà, ici ou ailleurs dans le monde.
À la fin de la semaine dernière, les membres du Comité des affaires étrangères ont reçu une lettre de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, dans laquelle cette dernière exposait ses réserves à propos de certains aspects du projet de loi. Je vous en lis un extrait :
Les vastes exigences en matière de divulgation que comporte l'article 9 du projet de loi ne sont pas sans nous inquiéter, car elles obligeraient les professionnels juridiques à exécuter des tâches qui compromettraient l'indépendance du barreau, l'obligation de loyauté et le secret professionnel.
Honorables sénateurs, je répète ma première suggestion, à savoir que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit chargé d'examiner en profondeur ce projet de loi. Nous n'avions pas entendu parler de cette mesure législative il y a trois semaines, mais nous avons accédé à la volonté du gouvernement d'agir rapidement. Maintenant, nous devons agir de façon réfléchie et accorder au projet de loi C-61 toute l'attention qu'il mérite.
L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je voudrais dire un mot ou deux sur ce projet de loi. Tout d'abord, je tiens à remercier le sénateur Andreychuk d'avoir abordé deux des éléments que j'ai moi-même soulevés à l'étape de la deuxième lecture. Je vais maintenant parler du troisième élément, à savoir le titre abrégé.
Honorables sénateurs, si nous voulons continuer à parler de l'utilisation de titres abrégés trompeurs, je souligne que cette mesure législative porte le titre abrégé « Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus ». Je comprends le sénateur Andreychuk de dire que ce projet de loi vise à bloquer les biens, et non à les saisir, et que, par conséquent, il permet aux membres de gouvernements étrangers qui étaient auparavant au pouvoir de monter un dossier.
Toutefois, en utilisant le mot « corrompus », ne contournons-nous pas dans ce cas-ci l'application régulière de la loi? C'est ce que je crains. J'espère que le sénateur examinera la requête et la suggestion du sénateur Downe voulant que le sénateur prévoie du temps pour examiner en bonne et due forme ce projet de loi.
J'ai entendu ce que le sénateur Andreychuk a dit au sujet des articles 7 et 8 de la mesure législative proposée, et j'accepte ses explications. Je sais ce que les deux ministres tentent de faire, mais je privilégie une interprétation juridique. Je ne suis pas convaincu que les ministres puissent nous fournir un avis juridique selon lequel le greffier de la Chambre est en fait le greffier du Sénat.
Voilà pour mes observations.
Son Honneur le Président : Poursuivons-nous le débat?
Le sénateur Comeau : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)
[Français]
Le Sénat
Adoption de la motion tendant à prolonger la séance de mercredi et autorisation aux comités de siéger en même temps que le Sénat
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis donné le 22 mars 2011, propose :
Que, nonobstant l'ordre adopté le 15 avril 2010, lorsque le Sénat siègera le mercredi 23 mars 2011, il poursuive ses travaux après 16 heures et qu'il suive la procédure normale d'ajournement, conformément à l'article 6(1) du Règlement;
Que les comités sénatoriaux devant se réunir le mercredi 23 mars 2011 soient autorisés à siéger même si le Sénat siège, l'application de l'article 95(4) du Règlement étant suspendue à cet égard.
(La motion est adoptée.)
(1540)
[Traduction]
Sécurité nationale et défense
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
L'honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, je demande au Sénat d'autoriser le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense à siéger à 16 heures demain, même si le Sénat siège à ce moment-là. Je dois préciser que ce n'est pas l'heure de séance habituelle du comité.
Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
Le Budget des dépenses de 2010-2011
Le Budget supplémentaire des dépenses (C)—Adoption du dixième rapport du Comité des finances nationales
Le Sénat passe à l'étude du dixième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget supplémentaire des dépenses (C) 2010-2011), présenté au Sénat le 10 mars 2011.
L'honorable Joseph A. Day propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, je soulignerai rapidement quelques points de ce rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses (C), le dernier budget de cet exercice.
Les sénateurs savent que le Budget principal des dépenses est déposé en cette période de l'année. En fait, un peu plus tôt aujourd'hui, j'ai déposé le premier rapport provisoire sur le Budget principal des dépenses du prochain exercice. Nous arrivons au terme de l'exercice, qui prendra fin le 31 mars 2011.
Ce rapport présente un certain nombre de points, dont quelques-uns concernant Anciens Combattants Canada, que je voudrais porter à l'attention des sénateurs parce qu'ils ont des incidences sur le débat que nous avons entendu aujourd'hui. Vous devez garder à l'esprit qu'il s'agit de fonds qui ne sont pas prévus par voie législative. Ils doivent être prélevés sur le Trésor afin de terminer le présent exercice.
Honorables sénateurs, avant d'examiner ce bref résumé, je tiens à remercier le sénateur Gerstein, le vice-président, ainsi que tous les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales pour leur coopération, qui nous a permis d'examiner certaines questions dans un laps de temps moindre que ce que nous consacrons habituellement à de tels sujets. Je veux les remercier d'avoir accepté de faire une étude préliminaire de ces questions.
L'étude préliminaire est le processus que nous adoptons ordinairement pour examiner les prévisions budgétaires en attendant l'arrivée du projet de loi de crédits.
Nous attendions le projet de loi lundi, mais nous ne le recevrons que vendredi. Grâce au travail fait au comité sur le contenu du projet de loi et sur ce rapport, nous croyons qu'il nous sera possible de nous occuper rapidement de cette mesure législative lorsqu'elle arrivera. Si nécessaire, nous serons en mesure de le faire en moins de temps que nous n'en prenons ordinairement.
Honorables sénateurs, le budget supplémentaire a été déposé simultanément à la Chambre des communes et au Sénat le 8 février. Dès son renvoi, nous avons immédiatement commencé notre travail sur ces questions particulières.
Nous nous sommes entretenus avec des fonctionnaires de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, d'Énergie atomique du Canada limitée, d'Anciens Combattants Canada, de l'Agence des services frontaliers du Canada, du Bureau de l'infrastructure et de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Nous commençons toujours par les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor, que nous tenons à remercier pour l'excellent travail qu'ils ont fait non seulement en nous présentant les différentes demandes ministérielles, mais aussi en répondant à nos rapports et en apportant les changements qu'ils estimaient pouvoir faire afin de nous faciliter l'étude et la compréhension des prévisions budgétaires.
Lorsque les sénateurs recevront le projet de loi de crédits vendredi, ils seront invités à se prononcer sur un montant de 919,7 millions de dollars de crédits budgétaires votés. On parle de crédits « budgétaires » et « non budgétaires ». Ces derniers — par exemple, les prêts aux étudiants et à d'autres organismes — sont avancés par le gouvernement et sont portés dans les livres à titre de fonds susceptibles d'être restitués au Trésor. Ce sont les crédits « non budgétaires ».
Les crédits votés et les crédits législatifs sont les autres rubriques que les sénateurs doivent garder à l'esprit. Comme l'indique leur qualificatif, les crédits votés sont ceux sur lesquels les sénateurs devront se prononcer. Les crédits législatifs découlent de lois que les sénateurs ou leurs prédécesseurs ont adoptées dans le passé. Le mécanisme de financement est prévu dans une mesure législative particulière. Bref, les sénateurs devront voter sur un montant approximatif de 919 millions de dollars. Nous vérifierons le montant lorsque nous recevrons le projet de loi vendredi.
Les différents ministères que je mentionnerai ont demandé environ 90 p. 100 des crédits. Six d'entre eux utiliseront 90 p. 100 du montant faisant l'objet du budget supplémentaire. Ce sont évidemment les ministères que nous examinons particulièrement et auxquels nous nous adresserons lorsque nous commencerons notre travail. Les crédits doivent servir à l'achat par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada du campus Carling de Nortel pour le compte du ministère de la Défense nationale, aux besoins opérationnels d'Énergie atomique du Canada limitée et au financement du Programme d'indemnités et de pensions d'invalidité d'Anciens Combattants Canada. Ces besoins sont très semblables à ceux dont on a parlé tout à l'heure dans le cadre de l'étude du projet de loi C-55.
Les crédits doivent également servir à la radiation, par Ressources humaines et Développement des compétences Canada, des dettes irrécouvrables associées au Programme canadien de prêts aux étudiants, à l'introduction d'une carte-médicaments électronique destinée aux membres du Régime de soins de santé de la fonction publique, à l'administration de la taxe de vente harmonisée en Ontario et en Colombie-Britannique ainsi qu'au paiement des coûts initiaux pour le Trésor de l'adoption de cette taxe par les deux provinces. Je vais maintenant examiner brièvement chacune de ces rubriques.
La première concerne Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Le ministère demande des crédits votés de 261 millions de dollars. L'essentiel de ce montant doit servir à l'achat du campus Carling de Nortel, qui deviendra le nouveau siège du ministère de la Défense nationale. Près de la moitié du personnel du ministère doit y emménager. Le prix d'achat de l'ensemble d'immeubles constituant le campus s'élève à 208 millions de dollars.
Les sénateurs ont posé des questions assez pointues. Combien coûtera le déménagement? Quelles rénovations seront vraisemblablement nécessaires? Le coût total estimatif est de 998 millions de dollars. Je répète : le coût à assumer sur plusieurs années s'élèvera à 998 millions de dollars. Les fonctionnaires ont signalé que, selon TPSGC, ce montant ne tient pas compte des économies susceptibles d'être réalisées. Ainsi, la construction d'un nouvel immeuble aurait coûté 800 millions de dollars. Le coût total du déménagement de la Défense nationale et de la remise en état des bâtiments s'élève à 998 millions.
Le sénateur Dallaire : Une véritable aubaine.
Le sénateur Ringuette : Cela fait 200 millions de plus.
Le sénateur Day : L'organisme suivant dont je veux parler est la société Énergie atomique du Canada Limitée. Les sénateurs savent que la question a fait l'objet de discussions à l'occasion de plusieurs budgets supplémentaires précédents, et cela continue. La société a demandé des crédits votés de 175 millions de dollars. Les crédits demandés ne sont pas très différents des 300 millions de dollars du Budget supplémentaire des dépenses (A) et des 294 millions de dollars du Budget supplémentaire des dépenses (B).
(1550)
En réponse à leurs questions, les sénateurs se sont fait dire qu'il y avait des projets permanents qui nécessitaient des fonds, y compris le projet de prolongation de la durée de vie de réacteurs, et qui connaissaient certaines difficultés, par exemple à Pointe Lepreau, au Nouveau-Brunswick. Les coûts opérationnels sont établis à 21,4 millions de dollars. On aurait pu croire qu'avec le temps ils auraient pu savoir à combien s'élèveraient leurs coûts opérationnels, ce qui les dispenserait de revenir constamment dans le budget supplémentaire. Nous posons toujours les mêmes questions, honorables sénateurs.
Nous avons aussi entendu parler de 18 millions de dollars pour la mise au point d'une nouvelle technologie applicable aux réacteurs; 16 millions de dollars pour la production d'isotopes; 16 millions de dollars pour l'amélioration des dispositifs liés à la santé et à la sécurité à Chalk River.
Honorables sénateurs, en raison du manque de fonds constant à EACL, le ministère des Ressources naturelles a déclaré qu'il surveillait de très près les difficultés financières de l'organisme. En fait, EACL nous a déclaré qu'elle ne pouvait prendre aucune décision ni lancer quelque projet de développement que ce soit en raison du régime de restriction. Les sénateurs savent certainement que cette entité, ou à tout le moins une partie de celle-ci, est à vendre et cela explique en partie les retards.
Pour ce qui est du ministère des Anciens Combattants, je suis préoccupé par certaines des choses que nous avons entendues aujourd'hui au sujet du projet de loi, compte tenu de ce que nous avons appris dans le Budget supplémentaire des dépenses (C).
Le ministère demande des crédits votés bruts de 192 millions de dollars, dont 156 millions pour éliminer le retard dans le traitement des demandes d'indemnités et d'allocations d'invalidité et traiter les nouvelles demandes. Nous venons juste d'apprendre que le projet de loi fera augmenter le nombre d'anciens combattants qui seront admissibles à ces indemnités et allocations, mais nous avons déjà un retard dans le traitement des demandes et le ministère demande 155,6 millions de dollars pour éliminer ce retard.
Les sénateurs devraient connaître une certaine déclaration du ministère des Anciens Combattants étant donné que l'on nous demande d'étudier le projet de loi rapidement sans nous arrêter aux détails. Selon les fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor, une partie du financement du programme des indemnités et allocations d'invalidité serait dirigée vers les fonctions administratives pour embaucher davantage de personnel afin d'éliminer le retard qu'il est impossible d'éliminer dans la situation actuelle, c'est-à-dire sans la nouvelle loi.
Les fonctionnaires du ministère des Anciens Combattants ont attribué la demande de crédits de 155,6 millions de dollars à trois facteurs principaux, soit le nombre substantiellement accru d'anciens combattants qui sont actuellement couverts en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants, le grand nombre d'anciens combattants qui ont présenté une demande de deuxième allocation, ce qui n'était pas prévu, et la réévaluation des allocations antérieures en fonction de l'augmentation du montant de la nouvelle allocation. Selon eux, voilà ce qui cause le retard actuel.
Ce retard est en moyenne de 24 semaines pour un ancien combattant. Les sénateurs peuvent donc comprendre la frustration des anciens combattants lorsqu'ils viennent témoigner devant notre Sous-comité des anciens combattants, compte tenu de la façon dont leurs demandes sont traitées à l'heure actuelle. Par conséquent, nous devons faire en sorte, si nous augmentons le nombre d'anciens combattants admissibles aux prestations d'indemnité pour invalidité, que les ressources administratives appropriées soient en place et que le financement nécessaire soit disponible. Autrement, nous n'arriverons qu'à exacerber le sentiment de frustration qui existe déjà.
Le ministère des Anciens Combattants a demandé des crédits de 11,3 millions de dollars afin d'augmenter les paiements versés à titre gracieux relativement aux essais de l'agent Orange. De nombreux anciens combattants ont souffert à la suite des essais de l'agent Orange. Il faut admettre que le gouvernement a fini par modifier les critères d'admissibilité. Auparavant, il n'y avait que les anciens combattants toujours vivants qui étaient admissibles, soit ceux qui avaient été arrosés en 1966-1967, mais qui avaient réussi à survivre jusqu'à l'arrivée au pouvoir du gouvernement conservateur en 2006. Le gouvernement a modifié ce critère. C'était la chose à faire. Il n'a cependant pas assoupli cet ensemble particulier de critères dans la mesure où un grand nombre d'entre nous l'auraient voulu, mais il a éliminé cette date limite artificielle qui, dans le passé, irritait un grand nombre d'anciens combattants, en particulier ceux qui avaient servi à la BFC Gagetown à cette époque.
Le ministère des Anciens Combattants a demandé 9,2 millions de dollars au titre de la réadaptation médicale associée à la Nouvelle Charte des anciens combattants. Il a besoin de 9,2 millions de dollars additionnels, de même que de 1,6 million de dollars au titre de l'initiative Une tradition de soins, un montant qui doit permettre l'ajout de gestionnaires de cas qui faciliteront la prestation de services aux militaires gravement blessés et à leurs familles.
Il a également été question du Programme pour l'autonomie des anciens combattants. Un grand nombre de sénateurs de notre comité tenaient également à ce que le programme soit modifié de façon à ce que la veuve de l'ancien combattant décédé puisse avoir accès au programme, même si l'ancien combattant en question n'était pas pensionné ou qu'il ne recevait pas de prestations d'invalidité au moment de son décès.
Honorables sénateurs, je vois que le temps est écoulé. Puis-je vous demander cinq minutes de plus pour terminer mon intervention?
L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie (Son Honneur le Président suppléant) : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Day : Merci, honorables sénateurs.
Je me limiterai à ces observations, même si je pourrais en dire davantage au sujet du ministère des Anciens Combattants. Le temps dont je dispose me permet uniquement de faire un survol de certains éléments. J'invite les sénateurs à examiner le rapport qui a été préparé et approuvé à l'unanimité par notre comité.
Relativement à l'Agence des services frontaliers du Canada, j'aimerais dire un mot à propos des 500 migrants qui ont débarqué sur la côte ouest du Canada en août 2010. L'Agence des services frontaliers du Canada demande une somme énorme pour les coûts imprévus associés à ces 500 personnes.
Honorables sénateurs, nous devons garder à l'esprit qu'il en coûte 190 dollars par jour par personne pour garder ces migrants en détention. À moins qu'ils puissent prouver leur identité, ils restent détenus. Les dépenses à cet égard continuent de s'accumuler. L'Agence des services frontaliers demande 31,4 millions de dollars dans ce Budget supplémentaire des dépenses.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-49 vise à modifier la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés et la Loi sur la sûreté du transport maritime. Il est particulièrement intéressant qu'on nous demande d'accorder tout de suite des sommes d'argent en prévision de l'adoption subséquente des modifications législatives. L'Agence des services frontaliers du Canada et le Conseil du Trésor nous assurent qu'ils ne dépenseront pas l'argent avant l'adoption du projet de loi. Honorables sénateurs, c'est une façon très inhabituelle de voter des crédits. Nous leur avons fait savoir que nous en étions très mécontents. Certains sénateurs ont désapprouvé cette façon de faire.
Le sénateur Banks : Je pense bien.
Le sénateur Day : Honorables sénateurs, le financement d'Infrastructure Canada est compris dans le crédit 5 du Conseil du Trésor, qui concerne les urgences. On nous dit que c'est parce que cet organisme ne constitue pas un ministère à part entière. Il administre des projets, et on ne sait pas combien de temps il continuera d'exister. Nous pensons qu'il devrait peut-être avoir son propre budget de fonctionnement, que nous pourrions examiner, plutôt que d'obtenir du Conseil du Trésor des sommes prévues pour les urgences et qu'on nous informe après le fait que c'est Infrastructure Canada qui les a dépensées. C'est un autre dossier que nous comptons surveiller. Nous avons fait des suggestions à ce sujet.
(1600)
Nous nous sommes enquis de la prolongation du programme d'infrastructure. Nous avons parlé du fait qu'aucune évaluation environnementale n'avait été faite concernant les projets prévus dans le cadre du programme d'infrastructure en vue de débloquer les fonds. Le programme prolongé, qui était censé prendre fin le 31 juillet, est régi par une nouvelle série de règles.
Nous voulions parler au ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences parce qu'il a demandé 166 millions de dollars de plus dans ce Budget supplémentaire des dépenses. Le crédit le plus considérable, d'une valeur de 149 millions de dollars, a été demandé afin d'effacer les dettes irrécouvrables du Programme canadien de prêts aux étudiants. On a demandé un crédit de 149 millions de dollars pour radier des prêts étudiants.
Nous avons posé de nombreuses questions à propos de ce chiffre. Environ 13 p. 100 des fonds du portefeuille de prêts étudiants sont perdus pour une raison ou pour une autre, et le ministère responsable de l'administration du programme estime que ce taux est raisonnable compte tenu des circonstances, mais nous lui avons demandé de surveiller le financement de plus près, ce que nous ferons également de notre côté. La valeur des prêts en souffrance s'élève maintenant à 13,5 milliards de dollars, et la limite, aux termes de la loi, est de 15 milliards de dollars. Selon les actuaires, nous atteindrons cette limite dans deux ans. Dans deux ans, je prédis qu'on demandera l'augmentation de ce plafond.
Les fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor ont également fait remarquer que la Subvention canadienne pour l'épargne-invalidité est structurée de façon à permettre au gouvernement fédéral d'effectuer des contributions de contrepartie. Il est maintenant question d'invalidité, honorables sénateurs; c'est le dernier point que j'entends soulever.
L'allocation d'invalidité a été instaurée il y a un an. Les fonctionnaires avaient prédit que le montant d'argent consacré allait durer trois ans, mais le taux de participation au programme s'est avéré si élevé que tous les fonds ont été dépensés en moins d'un an. Le gouvernement demande plus d'argent pour bonifier ce programme. C'est un bon programme, mais encore faut-il qu'il soit bien administré. Nous ne nous plaignons pas du fait que des personnes handicapées sont capables d'être autonomes grâce à l'aide qu'elles reçoivent du gouvernement.
Honorables sénateurs, voilà quelques-uns des points saillants du rapport. Je vous recommande de le lire et espère qu'il sera adopté avant vendredi afin que nous puissions étudier le projet de loi de crédits.
Son Honneur le Président suppléant : Y a-t-il d'autres interventions?
L'honorable Irving Gerstein : Honorables sénateurs, c'est un honneur pour moi d'intervenir dans le débat sur le dixième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales sur le Budget supplémentaire des dépenses (C) de 2010-2011, la dernière série de crédits accordés pour l'exercice qui se terminera jeudi prochain.
Je puis assurer aux sénateurs que, comme d'habitude, le comité a travaillé en collaboration, très efficacement, lors de son examen de ce Budget des dépenses, et je félicite le sénateur Day, le président de notre comité, pour la façon sérieuse et non partisane dont il a mené ces délibérations.
Honorables sénateurs, ce Budget supplémentaire des dépenses prévoit des crédits de 1,8 milliard de dollars, dont 886,3 millions de dollars de crédits législatifs, c'est-à-dire des dépenses déjà autorisées en vertu de lois en vigueur, et 919,7 millions de crédits votés, soit des dépenses qui doivent être autorisées par le Parlement au moyen d'un projet de loi de crédits.
Honorables sénateurs, le grand poète et hymnographe — c'est apparemment ainsi qu'on appelle quelqu'un qui rédige des hymnes — du XVIIIe siècle, William Cowper, a écrit ceci :
La variété est la véritable épice de la vie, qui lui donne toute sa saveur.
Ces paroles immortelles décrivent bien le plaisir qu'on peut avoir à siéger au Comité sénatorial permanent des finances nationales, parce que chaque budget dont nous sommes saisis fait état de dépenses dans une grande variété de domaines, et c'est ce qui rend notre travail intéressant. Le Budget supplémentaire des dépenses dont nous sommes maintenant saisis en est un bel exemple. Il présente les dépenses de quelque 48 organismes différents.
Cependant, cette variété complique aussi la tâche des membres du Comité des finances nationales, parce que nous devons choisir quels éléments du budget nous allons étudier plus en détail. Nous convoquons généralement des témoins qui viennent nous expliquer les plus gros postes de dépenses, mais nous ne limitons pas notre étude à ces seuls éléments.
Dans ce Budget supplémentaire des dépenses (C), les plus importants crédits votés s'élèvent à 216,8 millions de dollars. Ils sont demandés par le ministère des Travaux publics pour l'achat de l'ancien campus de Nortel, dans l'ouest d'Ottawa, qui sera dorénavant occupé par le ministère de la Défense nationale. Ce montant inclut le prix d'achat de 208 millions de dollars ainsi que le coût de la transaction et des taxes foncières.
Les fonctionnaires du Conseil du Trésor ont assuré à notre comité que cet achat de biens immeubles était le meilleur marché, calculé au mètre carré, que le gouvernement fédéral ait fait, dans un passé récent, dans la région de la capitale nationale. Le coût total de ces nouvelles installations, si l'on compte le coût de l'achat, des rénovations, de la sécurité, de la technologie de l'information et du déménagement, devrait s'élever à 998 millions de dollars quand l'installation sera terminée, dans cinq à sept ans. On s'attend toutefois à ce que le coût soit compensé en partie par les économies annuelles que représentera le regroupement des opérations dans un même bâtiment, alors que le ministère occupe actuellement des dizaines d'immeubles répartis aux quatre coins de la capitale nationale.
Je peux garantir aux sénateurs, comme l'a mentionné le sénateur Day dans ses observations, que le Comité des finances nationales a demandé un complément d'information sur ces économies potentielles ainsi que l'analyse des coûts et les politiques sur lesquelles le ministère des Travaux publics a fondé cette décision d'achat.
Le ministère des Anciens Combattants demande également, dans ce Budget supplémentaire des dépenses, un crédit supplémentaire important de 190 millions de dollars. Honorables sénateurs, les anciens combattants du Canada défendent nos convictions les plus profondes et protègent les droits et les libertés dont nous jouissons. Nous devons leur rendre hommage, non seulement avec des discours et des cérémonies, mais en veillant à ce qu'ils puissent jouir de la qualité de vie qu'ils ont sauvegardée pour nous par leurs sacrifices.
À cette fin, le gouvernement conservateur a récemment annoncé plusieurs mesures pour améliorer la vie des anciens combattants et de leurs familles. Certaines se retrouvent dans le Budget supplémentaire des dépenses (C), tandis que d'autres dépendent de l'adoption du projet de loi C-55, qui a récemment été adopté à l'autre endroit, avec l'appui de tous les partis, et dont nous sommes maintenant saisis.
Parmi les nouvelles mesures que l'on trouve dans ce Budget des dépenses, il y a le programme Une tradition de soins, annoncé le 28 septembre 2010 par le ministre de la Défense nationale et le ministre des Anciens Combattants. Ce programme prévoit des versements de 100 $ par jour aux membres de la famille ou amis de soldats malades ou blessés qui quittent leur emploi pour prendre soin d'eux, un accès amélioré aux études pour les conjoints d'anciens combattants, des services de soutien, comme le transport adapté aux personnes en fauteuil roulant et la livraison de produits médicaux et d'épicerie, ainsi que le recrutement d'employés supplémentaires pour gérer les dossiers.
Toutefois, la part du lion des fonds demandés par le ministère des Anciens Combattants dans ce Budget supplémentaire des dépenses servira à réduire l'arriéré de demandes d'indemnités d'invalidité et d'allocations pour les anciens combattants qui ont été blessés.
Des fonctionnaires du ministère des Anciens Combattants ont dit à notre comité qu'au début de 2010, le ministère avait de la difficulté à respecter le délai normal de 24 semaines pour l'étude des demandes d'indemnités d'invalidité. Grâce aux efforts du personnel du ministère, l'arriéré de demandes avait pratiquement été éliminé le 1er avril 2010.
Le ministre a annoncé par la suite la nouvelle norme de service de 16 semaines, en vigueur à partir du 1er avril 2011. Selon les témoins que nous avons entendus, le ministère est en voie d'atteindre ce nouvel objectif. Ce sont des améliorations remarquables, honorables sénateurs, dont le mérite revient à nos fonctionnaires.
Le Budget supplémentaire des dépenses (C) décrit également les crédits votés pour le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences. La plupart sont des crédits législatifs qui sont compris dans le budget supplémentaire uniquement aux fins d'information. Je vais commencer par ces crédits.
Par exemple, le gouvernement a consenti 311 millions de dollars de plus que prévu en prêts étudiants. Les fonctionnaires des Ressources humaines ont expliqué que deux facteurs expliquent l'augmentation des demandes d'aide financière. Premièrement, durant la récession, certains jeunes ont peut-être choisi de poursuivre leurs études au lieu de s'aventurer sur un marché du travail en difficulté. Deuxièmement, les droits de scolarité ont augmenté plus rapidement que le taux d'inflation générale, de sorte que certains étudiants ne peuvent financer leurs études avec leur travail à temps partiel et le revenu de leurs parents.
(1610)
La demande pour le Bon canadien pour l'épargne-invalidité, soit un montant annuel maximal de 1 000 $ versé dans le régime enregistré d'épargne-invalidité des Canadiens à faible ou moyen revenu, et la Subvention canadienne pour l'épargne-invalidité, soit une subvention que le gouvernement dépose dans un régime enregistré d'épargne-invalidité en fonction du montant cotisé par la famille du bénéficiaire, a également dépassé les prévisions. Pour être exact, ce Budget supplémentaire des dépenses prévoit 67 millions de dollars additionnels pour les Subventions canadiennes pour l'épargne-invalidité et 32 millions de dollars additionnels pour les Bons canadiens pour l'épargne-invalidité. Par conséquent, le budget de ces programmes a quasiment été multiplié par sept. Cela s'explique par le fait que le programme est devenu populaire plus vite que prévu, notamment parce que les institutions financières qui offrent des régimes enregistré d'épargne-invalidité ont fait une bonne promotion. C'est une bonne nouvelle.
Le Budget supplémentaire des dépenses (C) prévoit également une augmentation de 60 millions de dollars des paiements relatifs à la Subvention canadienne pour l'épargne-études. Notre comité a été informé que la reprise de l'économie canadienne a permis aux familles canadiennes de cotiser davantage aux REEE de leurs enfants. L'augmentation des cotisations versées par les Canadiens s'est traduite par une augmentation des cotisations du gouvernement. Là encore, c'est une bonne nouvelle.
Par contre, le Budget supplémentaire des dépenses réduit d'autres dépenses législatives. Par exemple, le montant prévu des paiements de la Sécurité de la vieillesse y est réduit de 356 millions de dollars, tandis que celui des paiements du Supplément de revenu garanti l'est de 211 millions, ces réductions étant attribuables à des changements dans le nombre de prestataires et la moyenne prévue des taux mensuels des prestations. J'insiste, honorables sénateurs, sur le fait que rien n'a été modifié dans les critères d'admissibilité ni dans la manière dont les prestations sont calculées.
Je signale également au passage que les prestations de la Sécurité de la vieillesse sont entièrement indexées au coût de la vie, et ce, tous les trimestres. En 2010-2011, le gouvernement fédéral devrait verser aux aînés admissibles plus de 36 milliards de dollars en prestations de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti.
Outre ces dépenses législatives, RHDCC demande une somme supplémentaire de 88,6 millions de dollars pour radier les prêts non recouvrables du Programme canadiens de prêts aux étudiants. Ce montant, qui couvre une période de trois ans, représente à peine 1 p. 100 du portefeuille du programme.
Pour terminer, je tiens à parler du nouveau financement demandé par l'Agence des services frontaliers du Canada, qui demande 22 millions de dollars pour payer les coûts relatifs à l'arrivée des quelque 500 immigrants qui étaient à bord du MV Sun Sea, en août dernier. L'ASFC avait alors dû détacher du personnel en Colombie-Britannique pour traiter le dossier de chaque personne, déterminer son admissibilité, prendre ses empreintes et sa photo et procéder aux vérifications d'usage en matière de sécurité et d'antécédents criminels. Un local temporaire a dû être aménagé directement sur le quai, et l'agence a dû prendre des arrangements avec le service correctionnel de la Colombie-Britannique concernant le transport et la détention de ces nouveaux arrivants.
Lors d'une conférence de presse tenue à Genève le 17 août 2010, soit quatre jours après l'arrivée du Sun Sea au Canada, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a félicité le Canada pour la manière dont l'Agence des services frontaliers réagit à l'arrivée de nouveaux immigrants en général et dont elle a traité les passagers du Sun Sea en particulier. Or, pareille efficacité a un coût, et c'est ce coût qui figure dans le Budget supplémentaire des dépenses (C).
L'ASFC demande également 1,5 million de dollars pour faire enquête sur les réseaux de passage de clandestins et pour éviter que d'autres navires ne décident de partir à destination du Canada. Selon les fonctionnaires interrogés par le Comité sénatorial permanent des finances nationales, l'investissement demandé est déjà rentable.
J'ai souligné quelques-uns des faits saillants du Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l'exercice se terminant en 2011. Il est bon de préciser que ce dernier n'augmente pas les dépenses prévues, qui demeurent à l'intérieur des niveaux établis dans le budget de 2010.
En terminant, honorables sénateurs, je tiens à remercier les fonctionnaires qui ont comparu devant le comité pour leur expertise autant que pour leur professionnalisme. Je peux vous assurer que les crédits demandés dans le Budget supplémentaire des dépenses (C) de 2010-2011 sont tout à fait justifiés.
Son Honneur le Président suppléant : D'autres sénateurs veulent-ils participer au débat?
L'honorable Tommy Banks : Le sénateur Gerstein accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Gerstein : Oui.
Le sénateur Banks : Il s'agit d'une question due à mon ignorance. Je l'aurais posée au sénateur Day, mais il n'a plus de temps, alors que le sénateur Gerstein en a encore. Ma question entre dans la catégorie « il faut rester jusqu'à la fin ».
Le sénateur Day a affirmé que, pour dépenser une partie des fonds demandés par l'Agence des services frontaliers du Canada dans le budget, il faudrait sans doute modifier la loi pour que cette dépense puisse se faire légalement.
Bien avant d'arriver ici, j'ai été mêlé à une situation où le gouvernement de l'époque avait demandé à une agence gouvernementale avec laquelle j'avais certains liens de faire certaines choses en lui donnant l'assurance que la loi habilitante serait adoptée. Le gouvernement de l'époque avait une large majorité tant à la Chambre des communes qu'au Sénat. Cependant, la loi n'a pas été adoptée et tout le cirque qui s'ensuivit a fini par coûter cher.
Je me demande si le sénateur Gerstein et le gouvernement sont convaincus que, si la mesure législative n'est pas adoptée, aussi peu probable que cela puisse être, l'argent sera récupérable, et que cet argent ne sera pas dépensé tant que la loi autorisant la dépense n'aura pas été adoptée.
Le sénateur Gerstein : Je remercie le sénateur de sa question. C'est une question très pertinente. Je peux compléter ce que le sénateur Day a déclaré plus tôt.
Je puis affirmer que tous les membres du comité étaient préoccupés par le processus que nous suivions. On nous a donné l'assurance — c'est une chose que je peux dire — que pas un dollar de l'argent accordé pour ce qui nécessite un nouveau crédit ne sera dépensé tant que ce crédit n'aura pas été approuvé. Il ne sera pas question de récupérer l'argent puisqu'il n'aura pas été dépensé. La dépense a été approuvée, mais l'argent ne sera pas dépensé tant que l'approbation n'aura pas été reçue.
Le sénateur Banks : Sur la même question, je me demande si le sénateur est prêt à reconnaître que l'idée d'autoriser des dépenses dans un budget avant qu'il soit légal de le dépenser, même si toutes les assurances sont données, constitue une idée nouvelle et exceptionnelle?
Le sénateur Gerstein : Encore une fois, je suis de l'avis du sénateur. J'exprime le point de vue de tout le comité : ce n'est pas une bonne chose, mais c'était nécessaire et nous en sommes très conscients au comité. Nous ne souhaitons pas que cela se produise.
Son honneur le Président suppléant : Le sénateur Gerstein accepte-t-il de répondre à une autre question?
Le sénateur Gerstein : Oui.
L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, je voudrais qu'on précise un point. Le vice-président pourrait peut-être me répondre. S'il n'est pas en mesure de le faire, il pourrait me faire parvenir sa réponse plus tard.
Le président du comité a parlé dans son intervention de fonds supplémentaires pour les paiements liés à l'agent Orange. Je crois comprendre que le gouvernement avait initialement prévu 96 millions de dollars pour l'indemnisation, très limitée, des militaires touchés qui ont servi à la Base des Forces canadiennes Gagetown.
Son Honneur le Président suppléant : Le temps de parole du sénateur Gerstein est écoulé. Demande-t-il qu'on lui accorde plus de temps?
Le sénateur Gerstein : Si on n'y voit pas d'objection, j'aimerais répondre au sénateur.
Le sénateur Comeau : Cinq minutes.
Son Honneur le Président suppléant : Est-ce d'accord?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Downe : La question porte sur les 96 millions de dollars initialement prévus pour indemniser les militaires qui ont servi à la Base des Forces canadiennes Gagetown, et ce, seulement pour la période de 1966 à 1967. De cette somme, 33 millions n'ont pas été dépensés parce qu'un certain nombre de personnes qui avaient droit à une indemnité n'en ont pas fait la demande. Comme les sénateurs le savent, la promesse originale portait sur la période allant de 1956 à 1984, mais la décision finale s'appliquait seulement aux années 1966 et 1967.
Pourquoi le gouvernement a-t-il besoin de fonds supplémentaires si, de la somme de 96 millions de dollars, 33 millions n'ont jamais été dépensés? Si le sénateur ne peut pas me répondre immédiatement, il pourra bien sûr me faire parvenir sa réponse plus tard. Je l'en remercie.
Le sénateur Gerstein : Je répondrai avec plaisir au sénateur Downe par écrit.
Son Honneur le Président suppléant : Y a-t-il d'autres interventions? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Une voix : Le vote!
Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
(1620)
[Français]
La Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des
militaires et vétérans des Forces canadiennes
La Loi sur les pensions
Projet de loi modificatif—Déclaration d'intérêts personnels
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, conformément à l'article 12 du Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs concernant les déclarations des intérêts personnels devant le Sénat ou un comité, je dois me retirer de tout débat, vote ou autres activités relatifs au projet de loi C-55 afin d'assurer la transparence, car ce projet de loi pourrait m'affecter personnellement en tant que vétéran des Forces armées canadiennes.
[Traduction]
Son Honneur le Président suppléant : Sénateur Dallaire, vos observations ont été prises en note, et cela vaut pour la durée de l'étude du projet de loi.
La Loi sur les brevets
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Fairbairn, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-393, Loi modifiant la Loi sur les brevets (drogues utilisées à des fins humanitaires internationales) et une autre loi en conséquence.
L'honorable Nancy Ruth : Honorables sénateurs, je sais que le débat a été ajourné au nom du sénateur Greene, mais j'ai discuté avec lui, et il accepte que je prenne la parole maintenant. Je tiens cependant à préciser que les 45 minutes réservées au porte-parole lui appartiennent. Ainsi, après mon intervention, nous pourrons ajourner de nouveau le débat au nom du sénateur Greene.
Honorables sénateurs, j'interviens au sujet du projet de loi C-393, Loi modifiant la Loi sur les brevets (drogues utilisées à des fins humanitaires internationales) et une autre loi en conséquence. Le projet de loi C-393 facilitera l'envoi de médicaments abordables dans les pays en développement. À l'instar des sénateurs qui ont pris la parole avant moi, j'exhorte mes collègues du Sénat à adopter le projet de loi C-393 dès que possible.
Comme la plupart des sénateurs le savent, le Sénat a déjà étudié un projet de loi semblable, soit le S-232. À cette occasion, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce avait entendu des témoignages d'experts expliquant que le Régime canadien d'accès aux médicaments — RCAM — est si complexe qu'il est devenu inapplicable. En fait, depuis sa mise en œuvre, une seule commande a été expédiée par un fabricant de médicaments génériques canadien à destination d'un pays étranger, le Rwanda, et elle ne visait qu'un seul médicament.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-393 simplifiera le RCAM en permettant aux fabricants de médicaments génériques d'obtenir une licence unique qui les autorisera à fournir un médicament donné à tout pays en développement admissible qui est déjà couvert par la loi actuelle, en quantité requise pour répondre aux besoins changeants du pays en question.
On dispose de l'infrastructure nécessaire pour la distribution de ces médicaments en Afrique. Comme le budget du président américain à cet égard est gelé, il est nécessaire d'obtenir de l'aide. Le marché africain représente seulement 2 p. 100 des ventes des sociétés pharmaceutiques comme Pfizer, GlaxoSmithKline et Merck. Les sociétés qui fabriquent des médicaments génériques doivent verser des redevances aux titulaires de brevets, une pratique autorisée par l'Organisation mondiale du commerce.
On peut voir comment les fabricants de médicaments génériques peuvent faciliter les économies d'échelle et réduire les coûts, rendant la proposition commerciale plus viable et permettant d'atteindre l'objectif souhaité, c'est-à-dire fournir des médicaments plus abordables à des patients dans les pays en développement.
Honorables sénateurs, en vertu de cette nouvelle mesure législative, les médicaments génériques canadiens vendus en Afrique et dans d'autres pays en développement peuvent mieux soutenir la concurrence des médicaments génériques produits ailleurs dans le monde. L'aide internationale que nous fournissons à des ONG et à des initiatives aussi cruciales que le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme aura ainsi une utilité beaucoup plus grande. Voilà des exemples concrets d'aide efficace et de dépenses judicieuses. Tout cela pourra être réalisé sans qu'il en coûte un sou de plus aux contribuables canadiens.
Ce projet de loi vise à rendre fonctionnel un mécanisme qui a déjà été approuvé à l'unanimité dans cette enceinte et à la Chambre des communes au moment où nous avons créé le Régime canadien d'accès aux médicaments. Il s'agit d'un mécanisme qui permet au secteur privé de répondre à un besoin important en matière de santé à l'échelle mondiale et qui fait le mérite de tout pays qui se soucie du développement international, comme le Canada.
Les sénateurs se souviendront également que ce régime, créé dans le cadre d'une entente conclue sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce, exige déjà que les fabricants de médicaments génériques versent des redevances aux fabricants de médicaments brevetés sur les exportations de ces produits. Ce régime prévoit aussi des garanties visant à réduire au minimum le risque que les médicaments exportés soient détournés de leurs bénéficiaires prévus. Le projet de loi C-393 ne changera aucunement ces exigences, et des juristes internationaux ont confirmé, notamment lors de leur témoignage devant le Comité sénatorial des banques, que, en ce qui concerne la propriété intellectuelle, ce projet de loi respecte les obligations du Canada en tant que membre de l'Organisation mondiale du commerce.
À la Chambre des communes, une majorité de députés, soit 172 contre 111, dont 26 députés de mon parti, le Parti conservateur, ont adopté ce projet de loi. Ces députés souhaitaient participer aux efforts déployés à l'échelle mondiale pour empêcher que des gens meurent de maladies qu'il est possible de soigner avec les bons médicaments.
Enfin, je veux que vous sachiez pourquoi le projet de loi me tient tant à cœur. Les sénateurs savent que je suis toujours à la recherche de moyens de renforcer l'autonomie des femmes et d'alléger le fardeau de la majorité de nos sœurs dans le monde en développement. Les sénateurs savent que des maladies traitables compromettent la santé, l'éducation et le bien-être des fillettes et des femmes, et tout spécialement ceux des mères et de leurs bébés, dans tous les pays en développement. J'ai mal pour ces mamies qui voient mourir leurs enfants et qui travaillent ensuite d'arrache-pied pour nourrir leurs petits-enfants, sans avoir accès aux médicaments qui les protégeraient.
Je salue l'initiative du premier ministre Harper sur la santé maternelle et infantile, mise en avant au sommet du G8, ainsi que la contribution du gouvernement à une nouvelle fondation qui axe ses efforts sur les 72 premières heures après l'accouchement. Je me réjouis de la présentation du projet de loi qui vient s'ajouter à cette très importante stratégie sur la santé maternelle visant à améliorer la vie et la santé des femmes.
Nous devons profiter des occasions qu'offrent des projets de loi comme celui-ci, et non trouver des excuses pour les éviter. J'exhorte les sénateurs à se joindre à moi et à appuyer cette mesure législative humanitaire. Cela est avantageux sur le plan des affaires et sur celui de la santé publique. C'est plein de bon sens.
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je souhaite dire quelques mots au sujet du projet de loi C-393, Loi modifiant la Loi sur les brevets (drogues utilisées à des fins humanitaires internationales) et une autre loi en conséquence.
Je souhaite commencer mon intervention en décrivant une expérience personnelle que j'ai vécue sur le continent africain il y a 17 ans. Pendant un an, j'ai été témoin de l'inhumanité des êtres humains les uns envers les autres ainsi que de la transformation d'un pays quant à la relation entre les enfants et leurs parents. Dans ce pays, le concept d'orphelins n'existait tout simplement pas. Il y avait toujours un oncle ou une tante qui prenait en charge les enfants de parents décédés pour une raison ou pour une autre. Or, j'ai vu une génération entière être décimée par le VIH-sida. Il ne restait plus de grands-parents pour prendre soin des enfants, ce qui est trop souvent le cas, et ces enfants sont devenus orphelins dans un pays où l'idée même d'orphelins n'existe pas.
(1630)
Le VIH-sida a détruit massivement la population de ce pays, même avant que les humains eux-mêmes ne commencent à la détruire. La prolifération de cette maladie au cœur du conflit en raison de tout le sang versé a élargi l'exposition à la contagion et augmenté le nombre de personnes infectées.
Lorsque nous déployons nos troupes dans ces pays durement touchés par le VIH-sida et où le sang est répandu, comme c'est souvent le cas dans les scénarios extrêmes qui caractérisent ces guerres civiles, les risques auxquels nos soldats sont exposés sont très grands. Ils doivent opérer dans le cadre de circonstances exceptionnelles. Au milieu de la destruction humaine et du sang versé, les soldats ne portent pas de gants de caoutchouc. Ils se servent beaucoup de leurs mains pendant les opérations et ils risquent toujours de se couper. Par conséquent, ils courent souvent des risques en s'acquittant de leur mission, notamment celui de contracter le VIH-sida. En effet, c'est l'une des blessures possibles dans la liste des facteurs de risque applicables à nos soldats qui rentrent aux pays après avoir participé à des conflits à l'étranger, en particulier dans ces pays en développement où la guerre civile fait rage.
[Français]
En 2004, le Parlement adoptait le projet de loi connu sous le nom de Loi canadienne de l'engagement de Jean Chrétien envers l'Afrique. Cette appellation ne va peut-être pas plaire à certains, mais c'est comme cela qu'on a appelé cette initiative qui a créé l'actuel Régime canadien d'accès aux médicaments, ou RCAM.
Le but énoncé de cette loi fédérale est d'aider à fournir des médicaments aux patients de pays en développement pour des besoins de santé publique, notamment pour le soin du VIH-sida, de la tuberculose, du paludisme et d'autres maladies épidémiques qui deviennent pandémiques.
C'est avec l'appui de tous les partis politiques que, en mai 2004, le Parlement canadien a adopté la Loi sur le Régime canadien d'accès aux médicaments, qui est entrée en vigueur en mai 2005. De plus, le règlement qui faisait partie du RCAM a été mis en application en juin 2005.
Pourquoi le RCAM doit-il être ratifié? À l'heure actuelle, les pays en développement qui veulent se procurer au Canada des versions génériques moins coûteuses de médicaments de marque brevetée doivent attendre qu'un fabricant canadien de médicaments génériques obtienne, en vertu du RCAM, un permis obligatoire pour une quantité spécifique de médicaments et pour une période limitée.
Le permis obligatoire est un document légal autorisant un fabriquant générique à produire, vendre ou exporter une version générique, c'est-à-dire sans nom de marque, moins coûteuse qu'un médicament breveté et ce, sans le consentement de la société qui détient le brevet du produit d'origine.
Depuis son adoption il y a près de six ans, le RCAM n'a été utilisé qu'une seule fois. Il ne s'agit donc pas d'un grand succès. Des années d'efforts ont été constatées par des organisations non gouvernementales. Les ONG sont les yeux et les oreilles de l'humanité. Étant présentes avant, pendant et après les conflits, elles sont la voix de l'humanité.
À mon avis, si les organisations non gouvernementales se rassemblent, elles pourront influencer significativement l'opinion publique et les politiques du pays. On en voit le résultat avec l'adoption de ce projet de loi. Actuellement, il n'y a qu'une seule livraison d'un seul médicament anti-sida à un seul pays en développement. L'accès aux médicaments est donc limité de façon exceptionnelle.
Dans sa forme actuelle, il est peu probable que le RCAM soit utilisé à nouveau en raison des exigences de procédure qu'il impose aux pays en développement et aux fabricants de médicaments génériques. Le processus est encombrant, il ne s'harmonise ni aux démarches que suivent les pays pour faire l'achat des médicaments ni aux considérations économiques des fabricants.
Cela signifie alors que des patients sont privés de médicaments abordables et disponibles. C'est pour cette raison que des réformes sont proposées pour simplifier le RCAM, notamment une solution de licence unique décrite en détails dans la section 12.
Advenant une réforme du RCAM, Apotex Inc., le plus important fabricant de médicaments génériques au Canada, s'est engagé publiquement à produire une combinaison de médicaments anti-sida à dose fixe dont ont désespérément besoin les enfants des pays en développement. À l'heure actuelle, seul un très petit pourcentage des enfants vivant avec le VIH ont accès à des formulations pédiatriques de médicaments. Cela rend encore plus urgent le besoin d'une réforme.
[Traduction]
De tous les arguments exprimés contre la réforme du Régime canadien d'accès aux médicaments, le plus bancal est celui de l'industrie pharmaceutique, qui prétend que le régime actuel fonctionne parfaitement bien. Sur quelle planète ce régime fonctionne-t-il bien? Il est clair qu'il ne fonctionne pas du tout.
Depuis que le Parlement a approuvé le régime en 2004, je répète qu'un seul médicament a été expédié dans un seul pays, le Rwanda, à une seule occasion. C'était après la catastrophe humanitaire qui s'est produite dans ce pays et après la pandémie exponentielle qui a fait suite au génocide.
Il est possible qu'aucune loi n'arrive à créer les conditions idéales pour un marché mondial équitable et concurrentiel qui permette de distribuer les médicaments canadiens aux Africains pauvres. Cependant, à tout le moins, le Parlement a la responsabilité d'améliorer autant que possible sa mesure législative.
L'idée derrière le régime actuel était de permettre aux fabricants de médicaments génériques de vendre aux pays africains des médicaments capables de sauver des vies, en particulier des médicaments contre le VIH-sida. Cette initiative n'a pas permis d'obtenir les résultats escomptés. Tous les partis disent appuyer le principe selon lequel le monde en développement devrait avoir accès à des médicaments abordables, mais ils ne s'entendent pas sur la façon dont la loi canadienne devrait refléter ce principe.
En vertu de la loi actuelle, un fabricant de produits génériques doit demander une licence chaque fois qu'il reçoit une commande de médicaments d'un autre pays. Grâce au nouveau projet de loi, tout fabricant qui possède la licence requise pour exporter un médicament donné serait autorisé à l'exporter dans tout pays en voie de développement admissible. Ainsi, les fabricants de produits génériques pourraient faire des économies d'échelle et concurrencer les fournisseurs d'autres pays, du moins en théorie.
Il va sans dire que les malades des pays pauvres tireraient avantage d'une concurrence accrue ainsi que d'une diminution du coût de l'offre et du prix des médicaments. Je crois même qu'il s'agit là de saines pratiques commerciales.
[Français]
Dans les pays en développement, 50 p. 100 des bébés atteints du VIH n'atteindront pas l'âge de deux ans.
[Traduction]
Les hommes sont-ils tous humains, ou certains le sont-ils plus que d'autres? Nos enfants sont-ils plus humains que les leurs? Y a-t-il plusieurs normes en ce qui a trait à la dignité humaine, ou sommes-nous tous égaux? Ne sommes-nous pas tous humains?
[Français]
Parce qu'ils n'ont pas accès aux médicaments nécessaires pour prolonger leur vie, ces enfants mourront avant l'âge de deux ans.
Dans le cadre de son examen du RCAM, le gouvernement a affirmé qu'il n'exclut pas la possibilité d'amender la loi si la situation se modifiait. Or, la situation a déjà changé, elle s'est même aggravée. Combien d'autres personnes devront faire face à la douleur de voir mourir leurs enfants ou leurs petits-enfants avant que notre gouvernement estime que le temps est venu d'amender le Régime canadien d'accès aux médicaments?
(1640)
En tant que Canadiens et Canadiennes, nous ne pouvons plus siéger tranquillement, tout en surveillant la situation et en attendant que les données accumulées soient suffisamment étudiées pour agir. L'accès aux médicaments n'est pas un luxe, c'est un droit humain. Nous maîtrisons la technologie et nous avons la responsabilité envers l'humanité de la rendre disponible, pas nécessairement gratuitement, mais certainement dans un sens humanitaire.
Rectifier le RCAM est un geste que peut poser le Canada afin que ce droit devienne réalité pour les gens malades des pays en développement, y compris les enfants et les adultes qui vivent avec le VIH. Il faut adopter ce projet de loi dans les plus brefs délais.
[Traduction]
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'aimerais expliquer brièvement pourquoi nous devons appuyer ce projet de loi. J'exhorte mes collègues d'en face, et plus particulièrement mon ami et concitoyen néo-écossais, le sénateur Greene, à faire comme nous et à appuyer cette mesure. Lorsque je dis « nous », je ne veux pas seulement parler des sénateurs de ce côté-ci, mais aussi de nombreux sénateurs d'en face. Nous devons renvoyer le projet de loi au comité sans tarder.
Cette mesure législative est pratiquement identique à celle qui avait été présentée par notre ancien collègue, le sénateur Goldstein, et renvoyée au comité. Au cours de la dernière session, le Comité permanent des banques et du commerce l'a étudiée pendant six jours. De nombreux témoins avaient alors été entendus, et le projet de loi avait été étudié minutieusement. Nous savons également qu'un projet de loi similaire a été présenté à la Chambre. Le sénateur Carstairs, qui a pris la relève du sénateur Goldstein lorsqu'il a pris sa retraite, a décidé de mettre de côté son projet de loi pour nous permettre d'étudier celui dont nous sommes maintenant saisis.
Le projet de loi qui avait été présenté par le sénateur Goldstein et étudié par notre comité est mort au Feuilleton au moment de la prorogation, l'année dernière.
Le projet de loi actuel a été fortement appuyé par la majorité des députés, y compris par des députés ministériels. De toute façon, lorsqu'un projet de loi adopté aux Communes nous arrive, notre comportement ne doit pas nous être dicté par les votes qui ont eu lieu là-bas. Peu importe quels députés ont voté pour un projet de loi, les sénateurs ont l'obligation de l'étudier comme il se doit, dans le respect des mécanismes établis au Sénat. Rien ne nous oblige à adopter des projets de loi à toute vapeur. Il n'est pas question que nous nous fermions les yeux, que nous refusions tout amendement ou que nous adoptions un projet de loi si nous croyons qu'il ne le mérite pas. Cependant, nous avons l'obligation d'étudier les projets de loi sans délai. Si nous décidons qu'un projet de loi doit être amendé, la Constitution nous donne le droit de le faire et de le renvoyer à nos collègues de l'autre endroit avec la recommandation d'accepter les amendements.
J'exhorte les sénateurs à respecter notre obligation d'étudier sans délai les projets de loi importants qui ont reçu l'approbation de la majorité des députés.
Hier, nous avons entendu des plaidoyers éloquents des sénateurs Carstairs et Murray, qui ont souligné l'importance de ce projet de loi pour les gens dans le monde entier ainsi que notre obligation de faire notre possible pour améliorer la situation. Personne ne prétend que l'adoption de ce projet de loi résoudra le problème du jour au lendemain. Cependant, honorables sénateurs, en adoptant ce projet de loi, nous nous acquitterons de notre obligation de législateurs et de notre obligation envers les Canadiens de faire ce que nous pouvons pour aider les gens. Aujourd'hui, nous avons entendu le sénateur Nancy Ruth et le sénateur Dallaire appuyer le projet de loi, eux aussi, et nous exhorter à l'adopter aussi rapidement que possible.
Le sénateur Carstairs a répondu efficacement et de façon convaincante aux objections soulevées au sein du comité sur divers points. Certaines objections étaient légitimes et nécessitaient des réponses judicieuses. D'autres semblaient reposer plutôt sur des mythes. Quoi qu'il en soit, le sénateur Carstairs a répondu efficacement à toutes les objections soulevées à l'autre endroit et au moment de l'étude par le comité du projet de loi du sénateur Goldstein.
Les sénateurs ont reçu des centaines de courriels et de lettres favorables à ce projet de loi, qui nous exhortent à l'adopter. Je ne me souviens pas d'avoir reçu un seul message défavorable ou nous indiquant qu'il faudrait amender le projet de loi, en retarder l'adoption ou le rejeter. Il y en a peut-être eu, mais je ne les ai pas vus. Je lis attentivement les courriels et les messages qui me parviennent. Si je me souviens bien, dans le cas de ce projet de loi, toutes les personnes qui m'ont écrit nous demandent de l'adopter rapidement.
Nous savons que ce projet de loi est inscrit au nom du sénateur Greene. Je l'exhorte à en parler demain. Il est le porte-parole du gouvernement. J'ai hâte d'entendre ses opinions. Toutefois, avec toutes les rumeurs qui circulent sur la fin prochaine de cette législature, nous avons l'obligation de nous assurer que ce projet de loi ne meure pas au Feuilleton. Nous devons profiter du temps qu'il nous reste cette semaine.
Le sénateur Greene parlera peut-être demain, ce qui nous permettrait de renvoyer le projet de loi au comité. Si le comité estime qu'il a besoin d'étudier davantage le projet de loi après avoir déjà étudié pendant six jours sa version antérieure, il aura le temps de tenir des audiences, d'entendre des témoins et de renvoyer le projet de loi au Sénat. Nous pourrons procéder à un vote sur ce dernier et l'adopter. Il pourrait recevoir la sanction royale avant la fin de la semaine.
(Sur la motion du sénateur Greene, le débat est ajourné.)
[Français]
Projet de loi sur le Monument national de l'Holocauste
Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Martin, appuyée par l'honorable sénateur Boisvenu, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-442, Loi visant à ériger le Monument national de l'Holocauste.
L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, permettez-moi de dire tout d'abord que j'appuie fortement ce projet de loi. On aurait dû l'adopter — ce projet de loi-ci ou un de ses prédécesseurs — il y a déjà des années. Le voici. Même s'il est tard, mieux vaut tard que jamais.
J'appuie ce projet de loi pour trois principales raisons.
[Traduction]
La première raison, c'est que l'Holocauste est unique. C'est loin d'être le seul exemple de l'inhumanité massive des êtres humains. Nous n'avons qu'à penser à l'Ukraine, au Cambodge ou au Rwanda. Il y a trop d'exemples de notre capacité de commettre des gestes inhumains. Le nouveau Musée canadien des droits de la personne à Winnipeg aidera à enseigner à tous les Canadiens ce qu'ils doivent savoir.
Par conséquent, la raison pour laquelle l'Holocauste est unique ne vient pas de son degré de sauvagerie, mais plutôt du fait que, pendant de longues années, le régime d'un des pays les plus civilisés du monde tentait d'exterminer tout un peuple, les Juifs, ainsi qu'une gamme incroyable d'autres personnes, comme les gitans, les personnes handicapées et les homosexuels. Les meurtres ont été commis de façon si vaste et systématique que cela défie presque l'entendement. Les nazis ont mené des expériences scientifiques afin de concevoir et d'utiliser ce que Winston Churchill appelait de la science pervertie pour perfectionner un système industriel de meurtres de masse. Ceux qui veulent se renseigner sur ce sujet peuvent le faire en consultant, par exemple, les ouvrages magistraux de Richard J. Evans sur l'histoire du Troisième Reich. Dans les pages de ces livres et d'autres, vous apprendrez à connaître la source même de l'horreur de l'Holocauste.
(1650)
John Donne a dit : « La mort de tout homme m'amoindrit [...] »
Ces millions de morts ont amoindri le monde, y compris le Canada.
Nous savons que, après la guerre, dans les décennies qui suivirent, des milliers de survivants sont venus au Canada. Beaucoup d'entre eux se sont installés dans ma ville. Outre les États-Unis et Israël, le Canada est le pays qui a accueilli le plus de réfugiés après la guerre.
Nous devons à ces gens qui sont venus ici, leur cœur gonflé d'un espoir nouveau, ainsi qu'aux millions qui ont perdu la vie, de marquer, dans la capitale du Canada, d'une façon publique et permanente, les atrocités inimaginables que nous appelons aujourd'hui l'Holocauste.
La deuxième raison pour laquelle j'appuie le projet de loi, honorables sénateurs, est qu'il y a toujours deux parties dans un meurtre. Il y a la victime, mais il y a aussi le meurtrier, en l'occurrence, de nombreux meurtriers. Ce monument s'impose, non seulement pour rendre honneur aux victimes, mais aussi pour ne jamais oublier que de telles horreurs peuvent être perpétrées même dans les sociétés les plus civilisées. Aucun pays n'est à l'abri. Où qu'elle se trouve, l'âme humaine dissimule toujours des coins sombres. C'est pourquoi nous devons nous montrer vigilants afin de veiller à ce que la chose qui se cache dans ces coins sombres ne prenne jamais plus le dessus.
La troisième raison pour laquelle j'appuie le projet de loi est que le Canada a lui aussi joué un rôle déshonorable dans l'Holocauste. Ce n'était pas le pire des rôles, mais nous l'avons néanmoins joué, et il a terni notre histoire.
Beaucoup d'entre vous ont lu le livre accablant d'Irving Abella et de Harold Troper sur le comportement du Canada face aux réfugiés juifs venus d'Allemagne et des autres pays sous le contrôle des nazis à la recherche de refuge. Le livre commence ainsi :
Pour les Juifs condamnés d'Auschwitz, le Canada avait une signification particulière. C'était en effet le nom que l'on donnait aux baraquements où étaient entreposés aliments, vêtements, or, diamants, bijoux et autres biens pris aux prisonniers. Il représentait la vie, le luxe et le salut. C'était un jardin d'Eden en enfer, mais il était également inaccessible.
Le fait est que, durant tout le règne d'Hitler, le Canada a systématiquement refusé d'accueillir des réfugiés juifs. Tout le monde connaît l'histoire du Saint-Louis qui, avec environ 900 réfugiés juifs à son bord, a été refoulé par le Canada en 1939 et est reparti vers l'Europe, où ses passagers ont dû faire face aux horreurs qui les attendaient. De nombreux autres Juifs ont tenté de venir ici. Les autorités de notre pays ont fait tout ce qu'il est possible d'imaginer pour ne pas les laisser entrer. Elles ont même renvoyé un groupe de 20 adolescents.
Cette politique n'était pas une erreur administrative. Elle avait été adoptée aux plus hauts échelons de la bureaucratie et confirmée au cours de plusieurs réunions du Cabinet. Ces décisions ont été prises à Ottawa, et souvent ici-même, sur la Colline du Parlement.
Aucun pays occidental n'était particulièrement accueillant à l'endroit des Juifs, à cette époque, mais nous étions l'un des pires à cet égard. De 1933 à 1945, nous avons accueilli moins de 5 000 réfugiés juifs.
Nos dirigeants savaient ce qu'ils faisaient. En 1938, le haut fonctionnaire responsable de l'immigration a admis par écrit que les Juifs d'Europe risquaient fort d'être exterminés, mais il ne voyait pas là une raison de modifier notre politique, certainement pas.
Après la guerre, Georges Vanier, le distingué diplomate qui est plus tard devenu Gouverneur général, a visité les camps. Il a déclaré sur les ondes de la CBC/Radio-Canada : « Nous avons été insensibles à la cruauté et aux cris de douleur qui parvenaient à nos oreilles [...] »
Honorables sénateurs, en 1945, peu avant la fin de la guerre, alors que nous savions ce qui était arrivé aux Juifs d'Europe, quelqu'un a demandé à un haut fonctionnaire combien de Juifs devraient être accueillis au Canada après la guerre — combien de ces survivants désespérés devraient être accueillis. Ce fonctionnaire a répondu : « Aucun, et c'est déjà trop. »
De là vient le titre percutant de l'ouvrage d'Irving Abella. Nous avons finalement accueilli des Juifs, mais seulement à partir de 1947 ou 1948, et avec réticence au début.
Depuis ce temps, les Juifs sont venus par milliers s'établir au Canada pour y trouver une nouvelle vie et de nouveaux espoirs. Nous sommes maintenant fiers d'être une société ouverte. Nous avons accueilli des réfugiés hongrois, les boat people et bien d'autres. Notre Charte des droits et libertés est devenue une pierre d'assise, une partie de notre identité. Quand même, il y a le devoir de mémoire. Il faut connaître son histoire.
Dans son discours, le sénateur Martin nous rappelle que le mot « monument » vient du latin monere, qui signifie faire penser ou avertir. Voilà pourquoi il nous faut un monument commémoratif de l'Holocauste ici, dans la capitale du pays, pour nous faire penser aux événements passés et nous avertir de ne jamais laisser l'histoire se répéter.
Honorables sénateurs, je vous implore d'appuyer ce projet de loi et de l'adopter rapidement.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Martin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)
La Loi sur la Cour suprême
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tardif, appuyée par l'honorable sénateur Rivest, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-232, Loi modifiant la Loi sur la Cour suprême (compréhension des langues officielles).
L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, j'interviens pour ajouter mon nom à la longue liste de personnes qui, bien qu'elles appuient entièrement l'intention du projet de loi C-232, conservent néanmoins des réserves importantes à l'égard de ses conséquences, même si celles-ci sont involontaires.
[Français]
Avant de poursuivre, je tiens à remercier en particulier mon collègue, le sénateur Carignan, qui nous a livré une critique judicieuse et approfondie du projet de loi dans une perspective légale et technique. Je rends aussi hommage à tous mes collègues — une vingtaine jusqu'à maintenant, si je ne me trompe pas — qui ont contribué à ce débat dans la plus pure tradition de cette Chambre.
Mon intention, cet après-midi, est de me concentrer sur l'aspect pratique des mesures proposées et sur d'éventuelles conséquences malheureuses et involontaires comme, par exemple, la baisse du niveau des ressources juridiques à la disposition de la Cour suprême du Canada.
Honorables sénateurs, je regarde le projet de loi C-232 du point de vue d'une personne ayant pratiqué le droit dans les deux langues officielles du Canada, ayant reçu son diplôme en droit civil de l'Université Laval à Québec, pour ensuite devenir membre du Barreau du Québec et du Haut-Canada et ayant pratiqué aussi bien la common law que le droit civil devant les tribunaux du Québec et de l'Ontario.
(1700)
De plus, je suis et j'ai toujours été un fervent défenseur de l'idéal bilingue, une des pierres angulaires de l'identité du Canada. Je suis également convaincu de la nécessité de promouvoir des caractéristiques bilingues dans les institutions de notre gouvernement fédéral, y compris la Cour suprême.
[Traduction]
Néanmoins, alors que nous examinons le projet de loi à l'étude aujourd'hui et envisageons les mesures qui devraient être mises en œuvre pour assurer le bilinguisme institutionnel, il me semble qu'il serait profondément irréfléchi de notre part de ne pas tenir compte d'une réalité très concrète, à savoir les degrés extrêmement variés de bilinguisme qui continuent d'exister dans le milieu juridique et judiciaire canadien, sans parler du pays dans son ensemble.
Honorables sénateurs, dans le contexte du projet de loi C-232, il faut tenir compte du resserrement des critères d'admission des candidats qui ont les aptitudes requises pour être juges à la Cour suprême, ce qui aurait pour effet de rétrécir le bassin de candidats potentiels à cette institution en fonction de limites régionales. De plus, le fonctionnement quotidien de la Cour suprême serait entravé par le nouvel obstacle que présenterait l'approche du « tout ou rien » en matière d'interprétation prévue dans cette modification.
L'Association du Barreau canadien, qui, au départ, avait une position neutre relativement au projet de loi C-232, s'oppose maintenant à cette mesure législative. Même dans sa position neutre initiale, qui a été exprimée avant l'adoption en août dernier d'une résolution qui demandait au Parlement d'abandonner le projet de loi C-232 en faveur d'une option différente, elle a déclaré ce qui suit :
La nomination des juges de la Cour suprême du Canada est bien plus complexe que la simple considération d’une adhésion ou d’une opposition au projet de loi C-232. L’ABC préconise que la nomination d’un juge à la Cour suprême ne soit fondée que sur les mérites du candidat ou de la candidate et sur le fait que celui-ci ou celle-ci, en fin de compte, représente adéquatement toute la diversité de l’ensemble de la société canadienne. L’ABC ajoute que, dans le processus de sélection de candidats et candidates à la nomination à la Cour suprême, le bilinguisme est un aspect important des mérites dont il faut tenir compte. Une haute moralité, une expérience juridique éprouvée, l’intellect, la capacité de porter des jugements, une santé solide, les bonnes habitudes de travail, ainsi que les qualités humaines telles la sympathie, la générosité, la charité, la patience, comptent parmi les autres attributs importants à prendre en considération.
Afin de veiller à ce que tous les Canadiens et toutes les Canadiennes puissent avoir accès à la justice, l’ABC recommande qu’un nombre suffisant de juges bilingues soient en place à tous les paliers judiciaires. L’ABC exhorte également les gouvernements des provinces et des territoires à mieux refléter, dans le processus de nomination des juges, la reconnaissance des systèmes judiciaires autochtones.
Dans sa résolution subséquente adoptée lors de son assemblée générale en août dernier, l'Association du Barreau canadien a confirmé qu'elle appuyait le bilinguisme institutionnel à la Cour suprême du Canada. Toutefois, elle a aussi rejeté le projet de loi C-232 au motif qu'il exclurait des juges unilingues qualifiés au moment de leur nomination, et j'insiste sur le passage qui dit « au moment de leur nomination ».
En rejetant l'idée qu'il faudrait être parfaitement bilingue pour être admis, dans sa résolution, l'ABC précisait néanmoins qu'une Cour suprême composée de juges qui comprennent les deux langues officielles était « un ultime idéal » et dit avoir reconnu :
[...] que le bilinguisme est un élément important de mérite pour les nominations à la magistrature et que les gouvernements doivent nommer un nombre suffisant de juges bilingues à la magistrature afin d'assurer un accès égal à la justice aux justiciables, dans la langue officielle de leur choix.
En outre, la résolution de l'ABC souligne :
[...] l'importance du principe du bilinguisme institutionnel selon lequel la Cour suprême du Canada doit assurer aux justiciables le droit d'être entendus par des juges qui peuvent comprendre le justiciable dans la langue officielle de son choix, sans l'aide d'interprètes et en conformité avec le paragraphe 19(1) de la Charte;
La résolution de l'ABC propose ensuite de modifier le paragraphe 16(1) de la Loi sur les langues officielles de sorte que les juges de la Cour suprême qui ne sont pas parfaitement bilingues ou qui ont besoin d'un interprète dans une langue ou l'autre ne puissent pas instruire des affaires dans la langue qu'ils ne maîtrisent pas parfaitement.
Honorables sénateurs, il me semble que le compromis proposé par l'ABC pour modifier légèrement le caractère bilingue actuel de la Cour suprême requiert un examen et une étude approfondis, d'autant plus que cela signifierait que certaines affaires instruites à la Cour suprême seraient entendues par un nombre plus restreint de juges qu'elles ne le sont actuellement. C'est une suggestion que le comité auquel le projet de loi est renvoyé devrait étudier soigneusement.
Honorables sénateurs, il convient également de dire que le fait que l'ABC reconnaisse la complexité et la nécessité de choisir pour la Cour suprême des juges provenant de toutes les régions du pays — tout en assurant le bilinguisme institutionnel de la Cour suprême — soulève forcément des questions sur la rigidité et le caractère pratique du projet de loi C-232.
Manifestement, le régime envisagé dans le projet de loi C-232, sous lequel les candidats à la magistrature de la Cour suprême devraient montrer qu'ils peuvent comprendre les délibérations sans recourir à des interprètes, supposerait des examens de langue. L'organisme The Advocates' Society, qui prône la plaidoirie professionnelle et indépendante dans les milieux judiciaire et juridique canadiens depuis 1965, a signalé que le projet de loi C-232 :
[...] n'explique pas à la lumière de quels critères on va déterminer qu'un candidat peut comprendre le français et l'anglais sans l'aide d'un interprète. On ne sait trop comment ces compétences linguistiques seront évaluées ni par qui. Il faudrait certainement que des tests soient administrés. Or, on courrait alors le risque de compromettre tout à la fois le processus de sélection et l'indépendance de la magistrature.
Lors de son excellente intervention du 3 mai 2010, le sénateur Segal a bien résumé cet élément lorsqu'il a abordé les problèmes associés à l'évaluation des compétences linguistiques des candidats pressentis à un poste de juge à la Cour suprême.
Honorables sénateurs, il faut que nous comprenions bien ce sur quoi nous serons appelés à nous prononcer. Le projet de loi C-232 exige que les juges de la Cour suprême comprennent les deux langues officielles sans l'aide d'un interprète. Clairement, il va plus loin que ce qu'affirmait M. Ignatieff lorsqu'il disait, pour expliquer pourquoi son parti allait l'appuyer, que les Canadiens qui aspiraient à siéger à la Cour suprême devraient sans doute apprendre un peu de français.
[Français]
Apprendre un peu de français signifie, et cela n'est pas évident dans les propos du chef libéral, que, advenant l'adoption de ce projet de loi, les juges de la Cour suprême comprendraient, chacun à des niveaux différents, les délibérations se déroulant dans leur deuxième langue, comparativement à la situation actuelle où ils comprennent les délibérations parfaitement, grâce à l'interprétation fournie par des experts reconnus, connaissant la terminologie juridique — souvent très mystérieuse — et ce, dans les deux langues officielles, autant en common law qu'en droit civil.
Voyez ce qu'écrivait Lysiane Gagnon, chroniqueuse respectée du Globe and Mail :
[Traduction]
La Cour suprême peut compter sur des traducteurs juridiques d'excellent calibre, et ses décisions sont publiées dans les deux langues. Quant au supposé droit qu'auraient les citoyens de se faire comprendre dans leur langue maternelle par tous les membres de la Cour suprême, c'est n'importe quoi. Aucun tribunal de haute instance du monde n'applique une telle règle : ni aux Nations Unies, ni à La Haye ni en Union européenne. C'est à ça que servent les interprètes. Lorsque c'est possible, oui, les tribunaux inférieurs devraient permettre aux accusés d'être jugés dans leur langue maternelle, mais la Cour suprême est une cour d'appel qui travaille essentiellement avec des documents écrits et devant laquelle la plupart des déclarations sont faites par des avocats. De toute façon, les causes qui aboutissent devant la Cour suprême sont si complexes que le niveau de bilinguisme requis des juges serait extraordinairement élevé, au point d'être hors de portée pour la grande majorité des gens qui sont fonctionnellement bilingues.
Honorables sénateurs, je me considère moi-même fonctionnellement bilingue. Or, si j'étais juge à la Cour suprême, je voudrais sûrement qu'on m'offre la possibilité d'avoir recours à des services d'interprétation simultanée. L'accès aux spécialistes de l'interprétation simultanée, qui sont rompus aux usages de la terminologie juridique dans les deux langues, constitue un filet de sécurité permettant d'assurer le bon déroulement des délibérations.
Je cite à nouveau la lettre de l'Advocates' Society sur le projet de loi C-232 :
Exiger le bilinguisme intégral comme il est proposé ne tient pas compte de la complexité de la terminologie juridique utilisée en common law et en droit civil; même si quelqu'un peut être considéré comme étant parfaitement bilingue, à moins que cette personne n'ait pratiqué le droit dans la langue et dans le système juridique en cause, la terminologie spécialisée lui restera étrangère. C'est pour cette raison qu'aujourd'hui, même si la majorité des juges de la Cour suprême du Canada sont considérés comme étant bilingues, les juges n'en utilisent pas moins de temps à autre les services d'un interprète lorsqu'ils entendent des exposés oraux. Le recours à un interprète familier avec les termes juridiques garantit que les nuances propres à ces termes sont rendues dans l'interprétation. Le seul moyen de régler la question serait d'insister pour que tous les candidats à une nomination connaissent couramment la terminologie juridique dans les deux langues officielles, ce qui réduirait encore le bassin de candidats admissibles.
(1710)
Compte tenu de la stature, des capacités et des contributions de quelques-uns des juges de la Cour suprême passés et actuels, dont la candidature n'aurait pas été prise en compte si l'exigence stricte contenue dans le projet de loi C-232 à l'égard des connaissances linguistiques des juges avait été en vigueur, je serais personnellement mal à l'aise devant l'inévitable restriction des talents juridiques à la disposition du plus haut tribunal du Canada. Je suis également mal à l'aise devant l'effet que le projet de loi C-232 pourrait avoir sur le pluralisme de la Cour suprême.
Beaucoup de ces questions et des questions connexes ont été abordées avec brio par l'ancien ministre de la Justice et Gouverneur général, le regretté Ramon Hnatyshyn, en 1998, lorsqu'il s'est prononcé sur le projet de loi sur les langues officielles présentée par le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney.
Tout d'abord, en 1988, des modifications apportées à la Loi sur les langues officielles ont établi une distinction entre le « bilinguisme institutionnel », que ces modifications renforçaient, et l'exigence d'un « bilinguisme individuel ». Devant un comité de la Chambre des communes, le ministre Hnatyshyn s'était exprimé en ces termes sur ce qui était exigé des institutions fédérales et sur la philosophie de son gouvernement pour ce qui était de garantir et de promouvoir le bilinguisme institutionnel :
Ces obligations institutionnelles font en sorte que la loi demeure axée sur le bilinguisme institutionnel en respectant les exigences qui découlent des droits constitutionnels ou qui les respectent. Ce ne sont pas les agents et les employés qui assument individuellement ces obligations, mais l'institution elle-même.
Comme cela s'applique aux cours et aux tribunaux fédéraux, le ministre Hnatyshyn a précisé que cela ne signifiait pas que tous les juges devaient être bilingues, mais que les cours et les tribunaux fédéraux autres, bien sûr, que la Cour suprême devaient s'arranger pour que la répartition des cas permette aux Canadiens d'être entendus par un juge sans l'aide d'un interprète.
Ensuite, faisant référence à l'obligation de ne pas exclure de candidats à la Cour suprême et de ne pas limiter leur nombre en se fondant sur leur province ou leur région d'origine — il visait la province de Québec quand il a avancé cet argument —, l'ancien ministre de la Justice et Gouverneur général a déclaré ce qui suit :
En obligeant les juges de la Cour suprême du Canada à être bilingues, on empiète peut-être sur leurs droits constitutionnels individuels d'être juges, même s'ils parlent l'une des langues officielles.
Il a poursuivi en citant l'arrêt Blaikie pour faire valoir que les juges ont le droit, individuellement, de choisir la langue qu'ils préfèrent en vertu de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Son Honneur le Président : Le temps de parole du sénateur est écoulé.
Le sénateur Meighen : Puis-je avoir encore cinq minutes?
Son Honneur le Président : D'accord?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Meighen : Le ministre Hnatyshyn a ajouté ceci :
[...] même si je ne pense pas qu'on puisse restreindre individuellement le droit des juges, on peut cependant imposer à la cour une obligation administrative, celle d'entendre les plaignants présenter leurs causes dans leur propre langue.
Enfin, comme le sénateur McCoy l'a dit dans son discours, l'ancien ministre de la Justice a affirmé que la Cour suprême est la cour qui traite des questions de droit et, dans la plupart des cas, de questions d'interprétation de la loi. Aucun accusé ne va s'y présenter pour subir un procès.
[Français]
Honorables sénateurs, j'ai retiré du témoignage de feu le ministre Hnatyshyn — et j'invite tous les sénateurs à le relire — une compréhension plus nuancée de la nécessité d'équilibrer les droits individuels des juges par rapport aux responsabilités institutionnelles de nos cours et tribunaux dans un pays où deux langues maternelles sont parlées et comprises à des degrés qui varient radicalement à travers le pays.
De plus, j'irais jusqu'à dire que le gouvernement, à l'époque, était particulièrement attentif au fait que la Cour suprême du Canada est une institution qualitativement unique dans notre pays. Or, cela ne signifie pas que les juges qui siègent ou qui veulent siéger à la Cour suprême ne devraient pas atteindre une capacité bilingue ou bijuridique. Au contraire, ils devraient, et ils le font, mais, comme l'Association du Barreau canadien et d'autres l'ont fait valoir, nous ne pouvons laisser ces qualifications prendre le pas sur les autres qualités et compétences recherchées chez les juges de la Cour suprême, les anciens juges comme les juges actuels et ceux qui le deviendront.
Honorables sénateurs, il ne faut pas perdre de vue le fait que le Canada accomplit d'énormes progrès dans la promotion du bilinguisme au sein des institutions fédérales, et ce, bien que le niveau de bilinguisme dans l'ensemble de la population n'ait pas progressé aussi rapidement que nous l'aurions voulu.
Par exemple, si vous cherchez aujourd'hui à vous hisser aux échelons supérieurs de la politique fédérale, il faut nécessairement que vous soyez bilingue. Cela n'était manifestement pas le cas par le passé, et ce n'est pas le résultat de mesures législatives mais plutôt de l'évolution graduelle de nos conventions politiques.
Il faut également garder à l'esprit que le principe en matière de politique publique qui sous-tend le projet de loi C-232 n'est pas simplement que nous avons besoin de juges bilingues à la Cour suprême, objectif que je juge, à l'instar de nombreux autres opposants au projet de loi C-232, grandement souhaitable et que nous sommes prêts d'atteindre, mais que nous devons légiférer sur cette exigence et veiller à son application.
Il ne fait pas de doute qu'obéir à la lettre à une exigence législative aussi rigoureuse élimine toute souplesse, et je vous rappelle, honorables sénateurs, que la souplesse est un trait typiquement canadien, qui a bien servi notre pays par le passé, pour ce qui est de l'établissement et de l'épanouissement de ses institutions publiques et privées.
[Traduction]
Honorables sénateurs, nous devons garder à l'esprit certains faits très réels au sujet de la configuration linguistique et de la complexité géographique du Canada au moment d'examiner la question dont nous sommes actuellement saisis. Dans un éditorial publié dans l'édition du 20 avril 2010 du National Post, on pouvait lire ceci :
Selon le dernier recensement, 42 p. 100 des francophones affirment s'exprimer dans les deux langues officielles, comparativement à moins de 10 p. 100 des anglophones. Mais une infime minorité des populations bilingues maîtriseraient suffisamment leur deuxième langue pour l'utiliser en cour.
Compte tenu de la réalité que traduisent ces statistiques, je pense qu'il est essentiel de préciser que les conventions et les exigences législatives qui gouvernent actuellement le fonctionnement et le processus de nomination de la Cour suprême sont très efficaces et représentent un franc succès. En fait, compte tenu du niveau élevé de bilinguisme tant institutionnel qu'individuel qui existe actuellement à la Cour suprême, sans mentionner la réputation d'excellence et d'indépendance de celle-ci, ces conventions et ces exigences législatives s'inscrivent dans les traditions canadiennes les plus pragmatiques et les plus précieuses. Dans le contexte de ces approches éprouvées, le projet de loi C-232 semble être une solution à la recherche d'un problème ou, autrement dit, si le projet de loi C-232 devait être adopté, il ne fait aucun doute qu'il créerait de nouveaux problèmes plus graves encore.
Honorables sénateurs, en lisant les exposés qui ont été faits ici même au Sénat et à l'autre endroit, je crois fermement que les promoteurs du projet de loi C-232 n'ont pas démontré que le fait de laisser les choses telles qu'elles sont équivaudrait à promouvoir une grave injustice. En fait, en risquant d'affaiblir le filet de sécurité fourni par les interprètes et l'interprétation et en imposant une exigence universelle rigide, ce projet de loi nuirait à l'efficacité, à l'indépendance et au caractère représentatif d'une institution unique et vénérée.
Honorables sénateurs, cette décision n'a pas été facile pour moi. Mes instincts sont entièrement en harmonie avec les objectifs du projet de loi C-232. Je pense que tous les membres de la Cour suprême devraient être compétents dans les deux langues et dans les deux systèmes juridiques. C'est là l'objectif visé. C'est le but recherché. Cependant, je me méfie du scénario implacable qu'introduirait le projet de loi C-232 dans la poursuite de cet objectif. Nos lois ne devraient jamais être érigées en monuments inflexibles.
Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres interventions?
Le sénateur Jaffer : Puis-je poser une question?
Son Honneur le Président : Je crains que le temps de parole dont disposait le sénateur ne soit écoulé, y compris les cinq minutes additionnelles.
L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, d'entrée de jeu, je dois vous dire que je partage les sentiments qu'a exprimés plus tôt au cours du débat mon collègue, le sénateur MacDonald. Ce n'est pas de gaieté de cœur que je participe au débat sur le projet de loi C-232.
La langue est une question sensible au Canada, et il est dangereux de s'en servir pour semer la zizanie et dresser les régions les unes contre les autres. Il est regrettable que la coalition de l'opposition semble aussi disposée à se servir de la langue pour diviser ainsi les Canadiens.
Il est déplorable qu'un parti qui a autrefois eu tant de poids, le Parti libéral, appuie une mesure législative qui laisse autant à désirer et porte ainsi atteinte à l'une des grandes institutions canadiennes, la Cour suprême.
(1720)
L'indépendance de la magistrature est la pierre angulaire de toutes les démocraties matures. Selon une convention tout aussi fondamentale, nul ne devrait discréditer la magistrature, et encore moins l'organe législatif du gouvernement. Il est essentiel que les citoyens aient confiance dans leur système judiciaire. Toutefois, le projet de loi C-232 discrédite presque le plus haut tribunal du pays. Il laisse du moins entendre que justice n'est pas rendue si les juges de la Cour suprême ne comprennent pas les arguments invoqués sans l'aide d'un interprète.
Vous n'êtes pas obligés de me croire sur parole. Rappelez-vous plutôt les mots prononcés dans cette enceinte par la marraine du projet de loi, madame le sénateur Tardif, qui, le 20 avril 2010, a dit du projet de loi C-232 qu'il :
[...] vise à corriger une injustice dont sont victimes ceux et celles dont la cause est entendue par le plus haut tribunal du pays.
« Une injustice ». Ce sont ses mots, pas les miens.
Yvon Godin, parrain du projet de loi à l'autre endroit, a dit, dans son discours à l'étape de la deuxième lecture :
Il importe que chaque partie puisse être entendue dans des conditions qui ne [la place] pas en désavantage par rapport à la partie adverse. Voilà la raison d'être de mon projet de loi.
« En désavantage », ce sont ses mots, pas les miens.
Le sénateur Tardif et M. Godin remettent en question toutes les décisions prises par cette excellente institution dans les affaires où un ou plusieurs juges se fiaient à un interprète. Mettre en avant un tel argument, c'est affirmer que les décisions rendues par la cour sont, au mieux, suspectes, et, au pire, injustes. Ils affirment que la Cour suprême est injuste, une partie étant en désavantage.
L'adoption du projet de loi C-232 par le Parlement reviendrait à reconnaître la véracité de l'argument et à affirmer l'incompétence des juges unilingues, ce qui, bien évidemment, remettrait en question non seulement les décisions de la Cour suprême du Canada, mais également celles des tribunaux inférieurs.
Si le Parlement adopte le projet de loi, qu'adviendra-t-il des juges qui siègent actuellement à la Cour suprême? Devront-ils passer un examen pour évaluer leur compétence dans les deux langues officielles? Après tout, appuyer le projet de loi, c'est admettre que seuls les juges parfaitement bilingues sont capables de rendre des jugements de qualité.
Ne faudrait-il pas également que toutes les affaires en instance soient suspendues jusqu'à ce qu'un test de langues puisse être administré? Que se passera-t-il si un juge en fonctions échoue le test ou refuse de s'y soumettre? Que vaudront toutes les décisions rendues par la Cour suprême? Comment seront-elles perçues?
Si nous acceptons l'inadéquation de l'interprétation professionnelle, ne discréditons-nous pas toutes les décisions rendues dans les affaires où l'on a fait appel à un interprète?
Aucun de ces arguments n'est tiré par les cheveux. Essentiellement, le projet de loi remet en question la compétence des juges unilingues et leur capacité de rendre des jugements justes. Il affirme que l'interprétation professionnelle est inacceptable. Si les sénateurs d'en face prétendent que la portée du projet de loi n'est pas si vaste, pourquoi donc sommes-nous même en train de l'étudier?
Les partisans du projet de loi affirment qu'un juge qui se fie à une interprétation risque de ne pas saisir certaines nuances, certaines subtilités d'un argument. Le sénateur Tardif a parlé des limites et omissions et de l'augmentation de la marge d'erreur attribuables à l'interprétation qui pourraient, et je cite, « nuire considérablement à une affaire présentée par un avocat ».
Autrement dit, le sénateur Tardif fait peu confiance à l'interprétation. À mon avis, honorables sénateurs, il est bien plus probable que les subtilités et les nuances d'un argument échappent à un juge dont les compétences langagières ne sont pas à la hauteur de celles des interprètes les mieux formés et les plus compétents au monde.
La possibilité d'une erreur ou d'un préjudice nuisant à la cause défendue par un avocat est susceptible d'augmenter si ce projet de loi est adopté, sans compter l'affaiblissement inévitable de la Cour suprême, comme l'a indiqué le sénateur Meighen, par la réduction draconienne du bassin de juristes qui pourront devenir juges. Seulement une faible proportion des Canadiens, hors du Québec et du Nouveau-Brunswick, maîtrisent les deux langues officielles.
Dans ma province, l'Ontario, seulement 11 p. 100 des gens sont bilingues, selon le recensement de 2006. Et je serais porté à croire que cette proportion est considérablement surestimée dans les statistiques.
Voici la question posée dans le recensement :
Cette personne connaît-elle assez bien le français ou l'anglais pour soutenir une conversation?
Pour certains, répondre par l'affirmative à cette question est peut-être une preuve de bilinguisme, mais cela n'atteste aucunement un degré suffisant de maîtrise des deux langues pour pouvoir entendre une cause à la Cour suprême du Canada. Lorsqu'une personne n'a qu'une connaissance approximative d'une langue, elle risque de ne pas comprendre certaines subtilités et certaines nuances dans l'argumentation.
Ce projet de loi aurait pour conséquence que, exception faite d'une petite minorité de personnes, aucun juriste hors du Québec et du Nouveau-Brunswick ne pourrait aspirer au plus haut échelon de la profession. Peu importe la qualité de leur expertise, ils seraient jugés non qualifiés, et leur candidature serait rejetée.
Si une telle loi avait été en vigueur en 1989, Beverley McLachlin n'aurait jamais pu être nommée juge à la Cour suprême cette année-là et encore moins devenir juge en chef de ce tribunal par la suite. Selon l'ancien juge en chef John Major, les deux tiers des juges actuels n'auraient pas pu être nommés, eux non plus. La Cour suprême serait aujourd'hui moins solide, et elle sera affaiblie si ce projet de loi est adopté.
Voilà pourquoi l'Association du Barreau canadien a adopté une résolution s'opposant au projet de loi l'été dernier. Le projet de loi aurait pour effet de réduire le bassin de personnes compétentes admissibles parce que les capacités linguistiques prendraient le dessus sur l'expertise juridique.
Je reviens à la question de la dimension politique du projet de loi. J'ai indiqué au départ que les débats de cette nature ont tendance à enflammer et à diviser les Canadiens plutôt qu'à les unir.
Honorables sénateurs, il y a des moments où les législateurs doivent agir dans l'intérêt général, malgré le risque de raviver de vieilles blessures. Mais le projet de loi actuel ne justifie pas une telle décision, car c'est un mauvais projet de loi. Il ne vaut pas ce risque. Il aurait pour effet d'affaiblir la Cour suprême. Il serait une source de griefs régionaux. Nos amis de l'Ouest auraient en particulier l'impression que l'establishment politique national est déconnecté d'une bonne partie du pays.
Pourquoi adopter ce projet de loi? Je peux comprendre l'hypocrisie du Bloc québécois. Je sais pourquoi il appuie ce projet de loi. Les séparatistes profitent de toutes les occasions de créer le chaos au sein de la société canadienne. Ils veulent provoquer l'intolérance pour favoriser leur projet de diviser ce beau grand pays. La politique de la division est leur marque de commerce. Ce projet de loi, qu'il soit né d'une bonne intention ou non, est un cadeau du ciel pour le Bloc.
Qu'en est-il des libéraux? Je me demande si c'est un élan de naïveté ou de cynisme qui a poussé Michael Ignatieff à s'acoquiner avec les séparatistes pour faire adopter ce projet de loi à l'autre endroit. Il est difficile de concevoir pourquoi M. Ignatieff aurait forcé son caucus à appuyer un projet de loi d'initiative parlementaire du NPD qui porte atteinte à l'une des grandes institutions du Canada. Quels calculs grossiers ont amené les libéraux à appuyer un projet de loi qui alimente nos pires craintes en laissant entendre que nous n'obtiendrons pas justice auprès de quelqu'un qui ne comprend pas notre langue?
J'évolue dans le milieu politique depuis assez longtemps pour savoir que le fait de tendre des pièges et d'employer des enjeux qui sèment la division fait partie du jeu, mais nous devons faire preuve de responsabilité. Pour le bien de notre pays, nous devons, dans notre quête du pouvoir, éviter de démolir nos institutions.
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Le sénateur Runciman accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Runciman : Je ferai de mon mieux pour y répondre.
Le sénateur Comeau : Des juges siègent actuellement à la Cour suprême. Si ce projet de loi était adopté, est-ce que ces juges devraient passer un examen? Ce projet de loi prévoit que la nomination des juges de la Cour suprême du Canada est conditionnelle à leur niveau de compétence linguistique, sans toutefois établir le niveau de compétence requis. Par conséquent, il faudra que quelqu'un administre un examen aux juges.
Que se passera-t-il si des juges qui siègent actuellement à la Cour suprême ne réussissent pas cet examen de compétence linguistique? Aurons-nous besoin d'un autre projet de loi pour remédier à ce problème? Ce projet de loi deviendra une des lois de notre pays s'il est adopté. Qu'adviendra-t-il des juges qui ne possèdent pas les compétences requises? Je n'ai pas administré de test à ces juges, mais j'ai entendu dire que plusieurs juges de la Cour suprême ne possèdent pas les compétences exigées par le projet de loi. Que se passerait-il s'il était adopté? De quelle façon s'y prendrait-on pour les démettre de leurs fonctions à la Cour suprême?
Le sénateur Runciman : C'est une question difficile. Je ne suis pas spécialiste du droit constitutionnel, mais je suppose que, pour démettre un juge fédéral de ses fonctions, le Parlement doit adopter une loi. Je suppose donc que la structure de l'examen de compétence serait similaire à celle de la fonction publique fédérale, qui exige de ses employés qu'ils soient capables de s'exprimer avec une certaine aisance. Les gens ont un certain nombre de chances pour atteindre le niveau qu'exige le poste qu'ils occupent. À mon avis, si jamais cette situation se produisait, il y aurait une crise constitutionnelle.
(1730)
Le sénateur Comeau : La réponse du sénateur, c'est de dire que la fonction publique dispose d'un certain nombre de tests de compétence pour les fonctionnaires. Par contre, le projet de loi ne prévoit pas de tels tests. Les tests de compétence auxquels le sénateur fait allusion relèvent de la Loi sur les langues officielles, qui contient des dispositions sur la protection et la formation et des dispositions sur les droits de ces personnes en matière de langue. Le projet de loi dont nous sommes saisis ne prévoit aucune des mesures visées par le bilinguisme institutionnel, un principe adopté par le Canada il y a bon nombre d'années. Ce que propose le projet de loi, c'est le bilinguisme individuel, de sorte qu'il n'existe aucune disposition qui prévoit le moindre test ou des mesures de protection.
Le sénateur Banks : Est-ce un discours?
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Runciman : Oui.
Le sénateur Tardif : Les opinions très arrêtées du sénateur contre le bilinguisme et les services offerts en français sont bien connues. Par contre, je sais que le sénateur est aussi une personne juste et équitable.
Le sénateur ne convient-il donc pas que la loi doit être au service de l'ensemble des citoyens, non pas au service des gens qui aspirent à être nommés à la Cour suprême?
Le sénateur Runciman : Je dois d'abord émettre des réserves sur les observations du sénateur en ce qui concerne mon opposition aux services offerts en français, qui serait bien connue. Il y a plusieurs années, certains incidents qui se sont produits dans ma ville ont entaché ma collectivité. À mon avis, les propos qui me rattachent à cette situation et les arguments que le sénateur estime devoir soutenir sont, dans le meilleur des cas, désolants. Je crois donc que ma réponse s'arrêtera ici. Selon moi, ces propos sont offensants.
Le sénateur Mockler : Absolument.
Des voix : Bravo!
L'honorable Joan Fraser : Le sénateur Runciman accepterait-il de répondre à une autre question?
Le sénateur Runciman : Oui.
Le sénateur Fraser : J'ai le privilège de travailler avec le sénateur Runciman au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. C'est pourquoi ses interventions m'intéressent particulièrement, surtout qu'il a une longue expérience du gouvernement, à Queen's Park et ici.
J'ai été particulièrement frappée de l'entendre dire qu'il avait une foi absolue dans les interprètes. Certains de ses collègues l'ont dit aussi. J'irais jusqu'à parler d'une foi touchante. Permettez-moi de dire encore une fois, comme je le fais chaque fois que j'aborde cette question, que je n'ai pas de mots pour décrire le respect que je ressens pour le travail accompli par les interprètes. Je serais incapable d'en faire autant, et je ne sais pas comment ils font. Mais il reste qu'ils sont humains.
Je pense que le sénateur Runciman était présent, hier, à la réunion du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, où nous avons eu un exemple de difficulté possible. Nous discutions de mesures législatives rétroactives, de mesures rétrospectives et de mesures n'étant ni l'une ni l'autre. Tous les avocats ici présents savent qu'il y a une importante différence entre une mesure rétroactive et une mesure rétrospective. Nous avons découvert, grâce au sénateur Carignan, que les interprètes, en toute bonne foi, traduisaient, de l'anglais au français dans ce cas, le mot « retrospective » en anglais par « rétroactive » en français, ce qui changeait complètement le sens de la discussion.
Si une erreur semblable s'était produite à la Cour suprême du Canada sans qu'un sénateur Carignan soit là pour la signaler, n'aurait-il pas été possible, surtout si une décision a fait l'objet d'intenses discussions, que la décision rendue ne soit pas fondée sur une pleine compréhension des arguments qui ont été présentés?
Le sénateur Runciman : Bien sûr, dans ce cas, une telle erreur serait possible. Mais l'erreur a été rattrapée. En fait, il y avait là un certain nombre de membres bilingues du comité qui ne s'en étaient pas aperçus. Je ne crois pas que ce soit un argument valable. Nous avons probablement, comme je l'ai dit dans mon intervention, les meilleurs interprètes à la Cour suprême, et je pense que nous pouvons leur faire confiance de temps à autre. Nul doute qu'une erreur peut se glisser, mais une personne aussi bilingue que le sénateur ou que d'autres membres du comité peut aussi commettre des erreurs.
Le sénateur Meighen : Même plus que cela.
Le sénateur Fraser : Facilement.
Le sénateur Runciman : Ces choses se produisent et nous le savons. Par conséquent, cela ne justifie pas du tout ce genre de mesure législative.
Le sénateur Jaffer : Honorables sénateurs, puis-je poser une question?
Son Honneur le Président : Je crains que le temps de parole du sénateur Runciman soit écoulé. Le sénateur Wallace a la parole.
L'honorable John D. Wallace : Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir l'occasion de vous faire part de mes réflexions et de mes observations sur le projet de loi C-232. Comme je suis originaire du Nouveau-Brunswick, ce projet de loi m'intéresse tout particulièrement, tout comme, je sais, d'autres parlementaires venant de cette province, car il s'agit de la seule province officiellement bilingue du Canada.
En lisant ce projet de loi et en réfléchissant à ses répercussions, je sais que nous sommes tous en faveur — c'est certainement mon cas — du bilinguisme et du fait que le bilinguisme officiel devrait et doit être reconnu dans nos institutions fédérales. En revanche, les citoyens ont des droits individuels, c'est-à-dire l'égalité des droits, des privilèges et des libertés, dans la mesure où ils s'appliquent aux deux langues officielles de notre pays. Quand j'examine le projet de loi C-232, je suis divisé entre ces deux enjeux.
Ma conclusion, c'est que je ne peux pas appuyer ce projet de loi. Je vais en exposer les raisons aux sénateurs. Je ne pense pas que le projet de loi parvient à établir un juste équilibre entre les enjeux institutionnels qui touchent au bilinguisme, et les droits et libertés individuels.
Comme je l'ai dit, au Nouveau-Brunswick, la question du bilinguisme est débattue depuis plus longtemps que presque partout ailleurs. Le parcours a parfois été ponctué d'obstacles, mais il s'agit aujourd'hui d'une source de fierté pour tous les Néo-Brunswickois. Dans une large mesure, c'est le fruit du leadership qui a été présent dans notre province depuis l'époque des premiers ministres Robichaud, Hartfield, McKenna, Lord et d'autres. C'est une question que nous connaissons bien dans ma province.
Au Nouveau-Brunswick, on ne voit pas dans nos tribunaux les effets qu'entraînerait l'adoption du projet de loi C-232. Nous n'avons pas l'équivalent de cette mesure législative dans les tribunaux du Nouveau-Brunswick, qui, répétons-le, est la seule province officiellement bilingue du Canada.
J'aimerais d'abord me pencher sur le libellé du projet de loi C-232, sur ce qu'il souhaite faire et sur ce qui semble être son objectif.
Comme tous les sénateurs l'ont sûrement constaté, le projet de loi est court. Il se lit comme suit :
En outre, les juges sont choisis parmi les personnes visées au paragraphe (1) qui comprennent le français et l'anglais sans l'aide d'un interprète.
Je reviendrai à cette disposition dans un instant.
Je m'interroge sur le libellé du projet de loi. Pour ce qui est de sa signification, de son objectif et du résultat attendu, dans une grande mesure, je suis guidé par le point de vue exprimé par la marraine, madame le sénateur Tardif, et d'autres partisans de ce projet de loi.
Je pense que j'exprime des évidences, mais c'est important de le faire. La conséquence du projet de loi C-232 est que les Canadiens unilingues francophones ou anglophones c'est-à-dire les Canadiens qui ne comprennent qu'une des deux langues officielles ne pourraient plus être candidats à la magistrature de la Cour suprême. À l'évidence, c'est une conséquence très grave et sans précédent dans les 144 ans de notre histoire. Ce serait la première fois qu'une telle mesure est proposée.
Comme je l'ai mentionné, il y a la question de l'équilibre entre l'obligation au Canada que nos institutions fédérales fournissent des services dans les deux langues et aussi le droit à la protection des droits individuels, des libertés et des privilèges linguistiques de tous les Canadiens, nos deux langues officielles étant considérées comme égales.
J'aimerais aborder maintenant, si les sénateurs veulent bien patienter, deux aspects : d'une part, l'obligation institutionnelle de fournir des services dans les deux langues et, d'autre part, les droits individuels.
(1740)
Ce sont des questions un peu fastidieuses, honorables sénateurs, mais il est important d'en parler. Elles commandent une réflexion sérieuse, et nous devons déterminer ce que nos lois, la Charte et la Constitution disent de ces deux questions importantes et de la façon de les concilier.
Ces questions sont évidemment pertinentes non seulement pour la Cour suprême et d'autres tribunaux fédéraux en tant qu'institutions, mais également pour le Parlement. Ces questions s'appliquent autant aux délibérations du Sénat et de la Chambre des communes qu'à celles de la Cour suprême. Il faut s'en rappeler.
Je paraphraserai certaines des lois qui portent sur le bilinguisme institutionnel. Premièrement, en vertu de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, la langue française ou anglaise peut être utilisée par toute personne au Parlement, et l'une ou l'autre de ces langues peut être utilisée par une personne dans toute plaidoirie ou question soumise à un tribunal canadien. L'usage des deux langues est permis, et la Cour suprême est incluse dans la définition de tribunal canadien.
L'autre question est la protection des droits linguistiques, à savoir l'égalité des droits pour les Canadiens français et les Canadiens anglais et la nécessité de préserver cet équilibre. Je vous dis cela dans le contexte de l'application du projet de loi C-232. Les personnes auxquelles je pense sont les juges de la Cour suprême et les personnes qui seraient admissibles à des nominations en vertu des exigences actuelles.
C'est l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 dont je viens de parler qui assure la protection des droits, des libertés et des privilèges individuels, ainsi que des droits, des libertés et des privilèges linguistiques. Ces éléments sont également inclus dans les paragraphes 16(1), 17(1) et 19(1) de la Charte des droits et libertés.
Dans la Loi sur les langues officielles, il est question de ces éléments dans les cinquième et sixième attendus et à l'article 34 de la loi. Je vais paraphraser le paragraphe 39(1) de la Loi sur les langues officielles, qui indique que le gouvernement fédéral s'engage à veiller à ce que les Canadiens d'expression française et d'expression anglaise, sans égard à la première langue apprise, aient des chances égales d'emploi et d'avancement dans les institutions fédérales. Je vous demande de nouveau de penser à cela en tenant compte des juges de la Cour suprême et des personnes qui seraient envisagées pour ces postes. Je dirais aux sénateurs que, selon moi, les juges sont certainement inclus dans ces personnes.
Dans le même ordre d'idées et toujours dans le contexte de la Cour suprême, le paragraphe 39(2) de la Loi sur les langues officielles stipule que le gouvernement du Canada veille à ce que l'emploi soit ouvert à tous les Canadiens, tant d'expression française que d'expression anglaise, compte tenu des objets et des dispositions pertinentes relatives à l'emploi et à l'avancement. L'intention de la Loi sur les langues officielles est claire.
J'aimerais vous donner quelques renseignements généraux sur la Cour suprême et les critères de nomination des juges. Même si la plupart des sénateurs se passeraient probablement de ces explications, il est important que vous compreniez les tenants et aboutissants de mon intervention.
La Cour suprême est, sans l'ombre d'un doute, une institution essentielle de notre pays. C'est le plus haut tribunal du pays. C'est le tribunal de dernière instance, l'instance supérieure responsable de trancher. Il va sans dire qu'elle joue un rôle extrêmement important.
L'existence même de la Cour suprême est enchâssée dans notre Constitution, notamment aux alinéas 41d) et 42(1)d) de la Loi constitutionnelle de 1982.
Les appels ne sont pas automatiquement interjetés devant la Cour suprême. Comme les sénateurs le savent peut-être, il faut obtenir au préalable une autorisation d'appel. Or, la Cour suprême rejette la plupart des demandes d'autorisation et n'accorde que rarement l'autorisation. Il est extrêmement rare que des témoins comparaissent devant la Cour suprême, puisqu'il faut présenter les éléments de preuve dans un mémoire et le faire parvenir à la Cour suprême avant l'audience. Elle accepte d'entendre uniquement les affaires qui revêtent une très grande importance. Souvent, il s'agit d'affaires d'importance nationale. D'ordinaire, la Cour suprême refuse d'entendre des affaires dont la portée est limitée aux parties concernées et se concentre sur des affaires de portée générale.
Par conséquent, il va sans dire qu'il est absolument essentiel que la crème de la crème des juges — les candidats du plus haut calibre — siège à la Cour suprême. Je pense que cela fait l'unanimité dans cette assemblée. Ces postes doivent être réservés aux magistrats les plus compétents et qualifiés.
Il ne faut pas non plus oublier que la Cour suprême est représentative des considérations régionales, et chaque province et région veut avoir la garantie que ses meilleurs candidats soient pris en considération.
Honorables sénateurs, les critères de nomination sont énoncés dans la Loi sur la Cour suprême. En ce moment, neuf juges siègent à la Cour suprême. Les candidats sont choisis parmi les juges d'une cour supérieure provinciale et parmi les avocats inscrits pendant au moins dix ans au barreau d'une province. Le Québec doit être représenté par trois juges. La représentation régionale est extrêmement importante à la Cour suprême et elle est assurée selon une convention constitutionnelle ou selon la pratique. Il n'en est pas question dans la Loi sur la Cour suprême. En raison de cette convention constitutionnelle, en ce moment, trois juges représentent l'Ouest, trois, l'Ontario, un, l'Atlantique, et trois, le Québec. Il s'agit là d'une bonne représentation de toutes les régions du pays. Comme nous le savons, la réalité de chaque région du pays est différente. La Cour suprême doit en tenir compte.
Honorables sénateurs, outre les exigences énoncées dans la Loi sur la Cour suprême, qui ont été mentionnées par de nombreux autres sénateurs, il faut accorder la priorité au mérite en ce qui concerne la nomination des juges de la Cour suprême. Quand je parle de mérite, je songe aux personnes qui possèdent les meilleures compétences juridiques et générales, qui se sont distinguées de leurs pairs et dont les qualités sont irréprochables : la crème de la crème, quoi. Comme le sénateur Meighen l'a mentionné, il faut aussi tenir compte d'autres facteurs, dont les qualités de chaque candidat. Il ne fait aucun doute que la compréhension des deux langues officielles est très importante. Toutefois, ce n'est pas ce facteur qui permet de choisir un candidat plutôt qu'un autre. C'est la compétence juridique qui prime.
Honorables sénateurs, lorsque j'examine le projet de loi C-232 à la lumière de ces exigences, rien ne me permet de conclure que celui-ci offrirait, s'il était adopté, la meilleure garantie que ce sont les meilleurs parmi les meilleurs qui seraient nommés à la Cour suprême. Comme d'autres l'ont signalé, le bassin à partir duquel de grands juristes pourraient être recrutés diminuera considérablement. La capacité de s'exprimer dans les deux langues n'est vraiment pas la même d'un bout à l'autre du pays et, comme on le sait, les candidats à la Cour suprême viennent des provinces. Ceux-ci sont membres de la magistrature et des barreaux provinciaux.
Honorables sénateurs, j'aimerais me référer au discours que le sénateur Tardif a prononcé en cette enceinte le 20 avril 2010 au sujet du projet de loi C-232. À la page 344, le sénateur Tardif disait ceci :
Le projet de loi C-232 n'exclut aucun candidat potentiel à une nomination à la Cour suprême du Canada. La crainte portant sur un nombre insuffisant de candidats qualifiés n'est pas fondée. En fait, un nombre de plus en plus important d'avocats qualifiés et bilingues aspirent à une nomination à la magistrature.
Compte tenu du nombre croissant et déjà imposant d'avocats bilingues hautement qualifiés et compétents au pays, il sera facile de respecter la représentation régionale et d'en tenir compte dans le choix des juges de la Cour suprême.
(1750)
Honorables sénateurs, le projet de loi C-232 contribuerait de toute évidence à exclure des candidats potentiels. Il exclurait les candidats ne parlant que l'une des deux langues officielles. Cela explique pourquoi aucun argument n'a été présenté qui aille dans le sens de cette exclusion.
Je suggère très respectueusement que c'est au parrain du projet de loi et à ses partisans qu'il revient de conforter leur position.
Son Honneur le Président : Le sénateur demande-t-il une prolongation?
Le sénateur Wallace : Oui. Merci.
Le sénateur Comeau : Oui, 10 minutes.
Des voix : D'accord.
Le sénateur Wallace : Les seuls renseignements que nous avons à cet égard nous sont fournis par le sénateur Carignan. Selon lui, 17 p. 100 de la population du Canada est bilingue, dont 34 p. 100 au Nouveau-Brunswick et 12 p. 100 dans le reste des provinces. Ces chiffres vont de toute évidence à l'encontre de ce que le sénateur Tardif a déclaré.
Le projet de loi C-232 exclurait sans l'ombre d'un doute un grand nombre de candidats unilingues, et donc beaucoup de candidats de qualité aux compétences juridiques excellentes.
Qui plus est, en vertu des Lois constitutionnelles de 1867 et de 1982, de la Charte des droits et libertés, de la Loi sur les langues officielles et de la Loi sur la Cour suprême, aucun candidat unilingue ne peut être exclu et ne l'a jamais été, au contraire. Il s'agit toujours d'essayer de garder le juste équilibre entre le bilinguisme institutionnel et la protection des droits individuels dont j'ai parlé plus tôt.
Qu'ont fait les législateurs précédents pour maintenir cet équilibre? Comment nos lois prennent-elles cet équilibre en compte? De toute évidence, en faisant appel aux services de traduction, lesquels sont utilisés au Parlement et dans les cours fédérales. La traduction est l'outil qu'on utilise pour maintenir cet équilibre.
Je n'en dirai pas davantage à ce sujet étant donné que le temps de parole est limité, mais, dans la Charte des droits et libertés et la Loi sur les langues officielles, ainsi que dans les règles de la Cour suprême, on revient souvent sur la nécessité d'avoir des services d'interprétation simultanée. Les législateurs ont eu recours à ce moyen pour parvenir à un juste équilibre.
Malgré tout, les parrains et les partisans ont suggéré de ne pas s'y fier, c'est du moins l'impression que cela me donne; nos services d'interprétation ne sont ni fiables ni dignes de confiance, et il vaut donc mieux ne pas s'y fier. Madame le sénateur Tardif est revenue sur le sujet le 20 juillet, mais je ne lirai pas ses propos étant donné que le temps de parole est limité.
Il s'agit d'une allégation grave, à savoir que nous ne pouvons pas nous fier à la fidélité de l'interprétation. Réfléchissez à ce que cela signifie non seulement pour le Sénat, mais aussi pour le Parlement. Toutefois, on ne nous a pas encore présenté de cas ou d'exemples précis où cela a mené à un déni de justice. Il y a eu des insinuations, certes, mais pas d'exemples.
Je me suis renseigné auprès du registraire de la Cour suprême. J'ai demandé : le registraire a-t-il déjà reçu des plaintes au sujet de la qualité ou de la fiabilité des services d'interprétation? Aucune plainte n'a été déposée.
En outre, Marie-Claude Bélanger-Richard, vice-présidente du Barreau du Nouveau-Brunswick, a témoigné devant le comité de la Chambre des communes le 30 septembre dernier dans le cadre de l'étude de ce projet de loi. À cette occasion, le député Rick Norlock lui a demandé si elle connaissait des exemples précis d'injustice causée par l'inexactitude ou le manque de fiabilité de l'interprétation à laquelle on s'était fié. Elle a répondu qu'elle n'en connaissait aucun.
Je soutiens qu'il est incorrect de rejeter l'utilisation de l'interprétation simultanée en s'appuyant sur cet argument, sans aucune preuve.
Puisque le temps presse, je ne m'attarderai pas sur ce point. Je crois que le projet de loi C-232 nécessiterait la modification de la Loi constitutionnelle de 1982, dont l'article 42 fait mention de la Cour suprême. Toute modification de la composition de la Cour suprême du Canada ou toute autre modification portant sur la Cour suprême — il y a deux articles — nécessite la modification de la Constitution du Canada. Comme nous le savons, une telle modification doit être autorisée par des résolutions de la Chambre des communes, du Sénat et de l'assemblée législative de chacune des provinces ou de 70 p. 100 d'entre elles, selon l'article s'appliquant. De toute évidence, la question est grave.
Je signale aussi que la Loi sur les langues officielles fait expressément mention de à la Cour suprême. La mesure proposée dans le projet de loi C-232 nécessiterait également la modification de cette loi.
En conclusion, le projet de loi C-232 aurait pour conséquence l'exclusion des Canadiens unilingues anglophones et francophones.
Aussi, j'estime qu'il enfreint...
Son Honneur le Président : Je dois informer le sénateur que le temps de parole supplémentaire qui lui était accordé est maintenant écoulé.
Le sénateur Wallace : Merci.
Le sénateur Comeau : Le vote!
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Tardif, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles).
Les travaux du Sénat
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je signale qu'il sera bientôt 18 heures et je suis presque convaincu que, si je posais la question à mes collègues de ce côté-ci, ils ne verraient aucune objection à ce que l'on reporte les discours, les interpellations et toute autre question dont ils voulaient parler cet après-midi.
J'ai effectué un calcul rapide et je sais qu'il reste encore une dizaine d'articles à étudier cet après-midi, ce qui représente quelque chose comme trois heures supplémentaires de séance ce soir.
Serait-il possible que les deux côtés s'entendent pour que nous mettions un terme à nos travaux pour aujourd'hui? Le cas échéant, je vais proposer l'ajournement.
Son Honneur le Président : Êtes-vous d'accord pour que tous les articles inscrits au Feuilleton restent dans le même ordre sans perdre leur ordre de priorité? Il doit y avoir consentement unanime.
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : J'écoutais les sénateurs d'en face débattre le projet de loi C-232, mais un de mes collègues a vérifié auprès des sénateurs de notre côté. Je crois comprendre que les sénateurs de ce côté-ci veulent faire leur exposé ce soir.
Le sénateur Comeau : Bien. Nous reprendrons la séance à 20 heures, dans ce cas.
Le sénateur Tardif : Nous pouvons poursuivre.
Le sénateur De Bané : Allons-y pour 19 heures.
[Français]
L'étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements, et instructions en découlant
Adoption du quatrième rapport du Comité des langues officielles et demande de réponse du gouvernement
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Champagne, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Greene, que le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles intitulé L'épanouissement des communautés anglophones du Québec : Du mythe à la réalité, déposé au Sénat le 9 mars 2011, soit adopté et que, conformément à l'article 131(2) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.
L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, en tant que présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles, j'ai l'honneur de vous dire quelques mots au sujet du rapport du comité intitulé L'épanouissement des communautés anglophones du Québec : Du mythe à la réalité.
Comme vous le savez tous, la protection et la promotion de nos communautés de langues officielles en situation minoritaire est pour moi un engagement de toute une vie. Celui-ci anime tous les aspects de ma vie, tant ici au Parlement que dans ma communauté au Manitoba. J'avoue que ce sont jusqu'à présent les communautés francophones situées à l'extérieur du Québec, comme la mienne, qui ont retenu davantage mon attention. Celles-ci sont vulnérables devant les forces assimilatrices qui les menacent, mais réussissent malgré tout à préserver leur vitalité grâce, notamment, à leurs institutions éducatives, sociales et culturelles, ainsi que l'appui du gouvernement fédéral.
Cela dit, au Canada, il y a deux grandes communautés de langues officielles qui vivent en milieu minoritaire : les francophones et Acadiens à l'extérieur du Québec et les communautés anglophones du Québec. Nos deux langues officielles ont, comme vous le savez tous, un statut, des droits et des privilèges égaux.
Dans le cadre de notre étude sur les communautés anglophones du Québec, le comité a rencontré plus d'une soixantaine de témoins, représentés par près de 200 porte-parole, lors d'audiences publiques tenues à Ottawa et dans trois régions du Québec.
(1800)
Je peux vous dire très sincèrement que j'ai beaucoup appris au sujet de ces communautés minoritaires de langue officielle.
Tout près d'un million de personnes...
[Traduction]
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément au Règlement du Sénat, comme il est 18 heures, je dois quitter le fauteuil, pour y revenir à 20 heures.
(La séance est suspendue.)
(2000)
[Français]
(Le Sénat reprend sa séance.)
Le sénateur Chaput : Honorables sénateurs, tout près d'un million de personnes au Québec ont l'anglais comme première langue officielle parlée.
La population anglophone du Québec est largement bilingue et elle est scolarisée. Pour les anglophones du Québec, la maîtrise obligatoire des deux langues officielles est une réalité avec laquelle ils doivent composer. Ces derniers désirent vivre et s'épanouir dans leur langue tout en participant à part entière à la société québécoise.
Il est important de souligner que, contrairement au mythe qui perdure, cette population n'est pas privilégiée sur le plan socioéconomique. Alors que ces communautés occupent une place spéciale dans l'histoire de notre pays, tel que reflété dans la Constitution, leur développement et leur épanouissement nécessitent l'appui du gouvernement fédéral, tel que prévu par la Loi sur les langues officielles.
Les récents travaux du Comité sénatorial permanent des langues officielles m'ont sensibilisée à la réalité et aux caractéristiques propres aux communautés anglophones du Québec. J'ai appris à connaître leurs besoins et les défis auxquels elles font face.
Alors que leur langue n'est manifestement pas menacée, puisque c'est la langue de la majorité au Canada, il n'en demeure pas moins que la vitalité des communautés anglophones du Québec demeure fragilisée à certains égards et que la pérennité de cette vitalité n'est pas un fait acquis.
L'épanouissement des communautés anglophones du Québec : Du mythe à la réalité dresse le portrait actuel des communautés anglophones du Québec en examinant, notamment, la vie communautaire, le développement économique, les médias dans le milieu minoritaire, le vieillissement de la population ainsi que les défis qu'affronte la jeunesse anglo-québécoise.
Après étude et analyse, le comité a formulé 16 recommandations à l'attention du gouvernement fédéral en vue de favoriser l'épanouissement de la minorité anglophone et d'appuyer son développement.
Un point commun qui ressort de cette étude en comité est l'importance de consulter régulièrement les communautés anglophones du Québec. La consultation est au cœur de la relation de confiance qui doit s'établir entre les institutions fédérales et les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
En conclusion, je tiens à remercier tous les membres permanents du comité ainsi que les autres sénateurs qui ont participé à cette étude. Leur dévouement, leur coopération et leur disponibilité ont permis de produire un rapport de grande qualité, dont les recommandations sont à la fois utiles et réalistes. J'aimerais également remercier le personnel du comité, en particulier l'analyste de la Bibliothèque du Parlement, pour leur travail extraordinaire.
Ayant beaucoup appris en participant à cette étude, j'invite tous les honorables sénateurs à lire le plus récent rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles concernant les communautés anglophones du Québec. Il est temps de passer du mythe à la réalité.
Le rapport et un sommaire de celui-ci sont affichés sur le site web du comité, où il sera possible de les consulter en tout temps.
[Traduction]
Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres interventions?
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Une voix : Le vote!
[Français]
Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
[Traduction]
L'étude sur les coûts et les avantages de la pièce d'un cent
Huitième rapport du Comité des finances nationales—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gerstein, appuyée par l'honorable sénateur Eaton, tendant à l'adoption du huitième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, intitulé Les coûts et les avantages de la pièce de un cent canadien pour les contribuables et l'économie canadienne, déposé au Sénat le 14 décembre 2010.
L'honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour ajouter quelques mots au débat sur le rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales au sujet du retrait des pièces d'un cent. Le vice-président, mon collègue le sénateur Gerstein, a proposé l'étude de la question après que le gouvernement se fut montré disposé à recevoir l'avis du comité à cet égard. Le sénateur Gerstein a parlé avec éloquence de la question; mes propos appuieront ce qu'il a dit.
L'étude a fait ressortir des questions assez complexes, qui se sont révélées de plus en plus intéressantes. En tout, le comité a formulé huit recommandations au gouvernement. Je n'aborderai pas chacune des recommandations en particulier; mes propos porteront plutôt sur des groupes de recommandations.
La première recommandation est fort simple. Le comité propose ceci :
Que la pièce de un cent canadien soit retirée de la circulation.
La deuxième et la troisième recommandation sont complémentaires. Les voici :
Recommandation 2 : Que le gouvernement, en collaboration avec les provinces et les secteurs de la vente au détail et des services, émette des lignes directrices d'adhésion volontaire claires concernant l'arrondissement des prix, incluant les taxes, de façon symétrique au cinq cents le plus près.
Recommandation 3 : Que l'arrondissement des prix ne s'applique qu'aux transactions réglées en argent comptant.
On a beaucoup parlé du fait que l'élimination du sou noir équivaudrait à la disparition des prix finissant par 99 cents. Qu'arriverait-il dans les stations-services, où le prix de l'essence est fixé au dixième de cent? En aucun cas l'élimination de la pièce de un cent n'empêcherait que les prix soient fixés au cent ou au dixième de cent près. Le rapport recommande en effet que l'arrondissement volontaire des prix au cinq cents le plus près ne s'appliquerait qu'au prix total, taxes comprises, de tous les articles, et uniquement aux transactions réglées en argent comptant. Dès lors qu'un achat serait effectué au moyen d'une carte, c'est le prix exact qui serait facturé. Disons que cette question a suscité bien des discussions. Quoi qu'il en soit, aucun témoin n'a proposé que nous procédions autrement.
C'est précisément ce qu'a fait la Nouvelle-Zélande, où l'on s'est même aperçu que, la plupart du temps, les marchands arrondissaient les prix au cinq cents inférieur, histoire de damer le pion aux compétiteurs.
Et c'est entre autres parce que nous étions conscients que les lois sur la protection des consommateurs pouvaient varier d'une province et d'un territoire à l'autre que nous avons recommandé au gouvernement fédéral de solliciter la collaboration des provinces et des territoires afin d'arriver à l'instauration d'un système uniforme.
Les recommandations 4 à 6 se complètent elles aussi. Les voici :
Recommandation 4 : Que la production de pièces de un cent cesse dès que possible et que la période de retrait débute 12 mois après et s'étale sur une période supplémentaire de 12 mois.
Recommandation 5 : Que le pouvoir libératoire de la pièce de un cent soit maintenu durant la période de retrait de 12 mois afin que les Canadiens puissent continuer de l'utiliser dans les transactions commerciales durant cette période.
Recommandation 6 : Que la Banque du Canada continue de rembourser indéfiniment les pièces de un cent, et que les institutions financières soient autorisées à déterminer si et quand elles continueront de faciliter le retour des pièces de un cent à la Banque du Canada au terme de la période de retrait.
Même si ces recommandations se passent généralement d'explications, j'aimerais quand même résumer les conséquences qu'elles auraient. Premièrement, la production cesserait dès que possible. Deuxièmement, ce n'est que 12 mois après que les pièces de un cent seraient retirées de la circulation. Ce processus, appelé « période de retrait », durerait lui aussi 12 mois; il va sans dire que la pièce de un cent aurait cours légal tout ce temps. Bref, au total, la pièce de un cent aurait cours légal durant encore deux ans.
Enfin, nous recommandons que la Banque du Canada continue de rembourser indéfiniment les pièces de un cent afin que ceux qui se trouveraient en possession d'une grande quantité de pièces puissent en recouvrer la valeur totale, même une fois qu'elles ne seront plus acceptées par les marchands.
En Nouvelle-Zélande, le constat a été que la plupart des pièces de un et de deux cents ont pu être retirées de la circulation en trois ou quatre mois. La période de retrait de 12 mois que nous recommandons est donc très généreuse.
Enfin, voici les recommandations 7 et 8 :
Recommandation 7 : Que le gouvernement appuie les organismes de bienfaisance qui désirent mettre sur pied des campagnes de financement qui puissent faciliter le retrait des pièces de un cent.
Recommandation 8 : Que la Monnaie royale canadienne soit autorisée à déterminer, sous l'angle de la rentabilité, si elle doit poursuivre la production limitée de la pièce de un cent pour la vente directe aux collectionneurs.
(2010)
Ces deux dernières recommandations ne nécessitent pas d'explication.
En résumé, il s'agit d'une excellente étude. Comme d'habitude, ce qui semblait clair et simple au début s'est légèrement compliqué pendant le processus. Somme toute, je crois que nous sommes parvenus à formuler un solide ensemble de recommandations que tous les membres du comité ont appuyées.
En terminant, j'aimerais remercier le vice-président du comité, le sénateur Gerstein, le président, le sénateur Day, et tous mes collègues membres du comité du travail minutieux qu'ils ont réalisé dans le cadre de cette étude.
(Sur la motion du sénateur Tardif, au nom du sénateur Day, le débat est ajourné.)
L'étude de l'examen décennal de la Banque de développement du Canada
Adoption du septième rapport du Comité des banques et du commerce
Le Sénat passe à l'étude du septième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé L'examen décennal de la Banque de développement du Canada, présenté au Sénat le 15 décembre 2010.
L'honorable Michael A. Meighen propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, c'est un plaisir pour moi de prendre la parole au sujet de ce rapport.
Le 5 octobre 2010, les sénateurs ont autorisé le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce à procéder à l'étude de la Loi sur la Banque de développement du Canada.
Tout a commencé le 25 juin 2010, date à laquelle nous avons reçu une lettre du ministre de l'Industrie, l'honorable Tony Clement, qui nous informait alors que l'examen décennal de la Banque de développement du Canada devait avoir lieu en 2011, conformément aux dispositions de la Loi sur la Banque de développement du Canada.
Dans sa lettre, le ministre indique ce qui suit :
Je demande au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce d'entreprendre une étude sur les dispositions et l'application de la Loi sur la Banque de développement du Canada, de déterminer si le mandat de la BDC a évolué et peut continuer d'évoluer au cours des dix prochaines années et de voir comment elle pourrait mieux aider les petites et moyennes entreprises canadiennes à relever les nouveaux défis qui se présentent à elles.
Il ajoute ensuite ceci :
Les conclusions de cette étude permettront de mettre en lumière les principaux enjeux législatifs devant être étudiés par les responsables des politiques, qui pourront alors veiller à ce que les petites entreprises du Canada puissent évoluer dans un contexte favorisant leur croissance et la création d'emplois. Vos travaux seront un élément clé du rapport final découlant de cette étude.
Comme l'exige la loi, l'étude sera amorcée en juillet 2010, et les conclusions de celle-ci seront communiquées au Parlement en juillet 2011. Par conséquent, si le comité décide de procéder à cette étude législative, j'aimerais recevoir ses conclusions au plus tard en décembre 2010.
[Français]
Honorables sénateurs, je tiens à remercier tous les membres du comité qui ont accepté de réaliser cette étude et fait un travail exhaustif et détaillé. Nous avons respecté un échéancier relativement serré dans la production de notre rapport, tout en nous occupant d'autres questions dont nous avons été saisis, notamment le rapport clé sur les REER et les CELI, quelques projets de loi privés émanant de sénateurs ainsi que l'étude des propositions de frais d'utilisation d'Industrie Canada.
Je m'en voudrais de ne pas reconnaître les employés du Parlement qui soutiennent les délibérations de notre comité, y compris le personnel de la Bibliothèque du Parlement, la Direction des comités, la Direction des communications du Sénat. Avec leur aide, et pour respecter cet échéancier serré, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a consacré six réunions en octobre et en novembre 2010 à sa revue de la Loi sur la Banque de développement du Canada. Pendant cette période, le comité a recueilli des témoignages représentatifs de la part de particuliers et de groupes démontrant un intérêt ou une expertise à ce sujet.
[Traduction]
Outre les 15 recommandations présentées dans notre rapport de 45 pages, le comité a présenté une vue d'ensemble de la mission actuelle de la BDC et des exigences concernant l'examen périodique de son activité ainsi qu'un aperçu des modifications que celle-ci et d'autres proposent d'apporter à la loi. On y résume aussi les points de vue entendus sur diverses questions connexes concernant, entre autres, le financement et le capital de risque accordé aux petites et moyennes entreprises et le rôle d'autres sociétés d'État fédérales, comme Exportation et développement Canada et Financement agricole Canada, dans le secteur du crédit, aux niveaux national et international.
J'espère que le rapport du comité apportera une contribution constructive à l'examen décennal de la Loi sur la Banque de développement du Canada auquel procède actuellement le gouvernement.
Honorables sénateurs, maintenant que le rapport a été présenté, j'aimerais faire quelques observations sur ses principaux thèmes, puisqu'ils forment la base de la plupart des recommandations.
Un des principaux thèmes qui ressort dans une bonne partie du rapport est que les activités de la Banque de développement du Canada devraient être guidées par le principe selon lequel elles doivent être complémentaires à l'apport des institutions financières privées au développement des entreprises du Canada, c'est-à-dire que la BDC doit se contenter de combler les lacunes ou les manques du marché.
En prenant cette position, le comité a été guidé par une demande de la BDC voulant que le gouvernement confirme le concept de complémentarité dans l'examen législatif en cours. La BDC a informé le comité que la complémentarité consistait à évaluer les besoins de l'entrepreneur et à lui offrir un financement dont les modalités ne peuvent pas être considérées comme concurrençant celles des prêteurs financiers commerciaux. La BDC nous a aussi dit que, parce qu'elle assume un risque plus élevé que les autres institutions financières, elle établit ses modalités en tenant compte de ce risque, qui est manifestement plus grand que celui assumé par les autres institutions financières.
En général, la plupart des témoins qui ont comparu, et ceux qui ont présenté un mémoire, appuyaient l'idée d'un rôle complémentaire de la BDC dans le secteur des services financiers.
En préparant ses recommandations sur cette question, le comité a reconnu que la BDC offre une possibilité supplémentaire aux entreprises qui ne peuvent pas obtenir de financement de leur institution financière, en d'autres termes, comme l'a mentionné le Conference Board, que la BDC fait fonction de « partenaire ou bouche-trou » au service des petites entreprises.
Certains témoins ont exprimé le sentiment — et j'ose dire que c'était sans équivoque — que le rôle de la BDC ne devrait pas amener cette institution à concurrencer le secteur privé.
Honorables sénateurs, le comité était très conscient de ce fait quand il a mis au point sa recommandation concernant la complémentarité des rôles de la BDC et des institutions financières du secteur privé.
Je veux aussi dire quelques mots sur une autre recommandation majeure : que la principale mission de la Banque de développement du Canada consiste à aider les petites et moyennes entreprises du Canada, les PME. Comme nous le savons tous, les PME sont le principal moteur de notre économie. Reconnaissant le rôle accru qu'a joué la BDC durant la récente crise économique et financière, le comité a entendu des témoignages selon lesquels, dans certains cas, le financement des petites entreprises présentait des défaillances non seulement cycliques, mais aussi structurelles. Selon Manufacturiers et Exportateurs du Canada, la BDC est souvent « un partenaire d'affaires qui offre des services inestimables » aux PME — quoique les témoins n'étaient pas unanimes à cet égard.
Comme elle répond toujours à un besoin, et pour remédier à la défaillance perçue, la BDC a proposé des modifications à la Loi sur la Banque de développement du Canada qui lui permettraient de mieux répondre aux besoins financiers des entrepreneurs canadiens.
(2020)
Tout en approuvant cette modification au mandat de la BDC, en appuyant la demande de la BDC, les membres du Comité des banques comprennent tout à fait que, effectivement, des lacunes continuent d'exister sur le marché financier du Canada en ce qui concerne les PME. Le comité a aussi admis que la BDC devrait se voir confier le mandat de combler ces lacunes plus efficacement, puisqu'elle joue déjà un grand rôle auprès des PME en tant que bailleur de fonds.
Le fait d'aider des entrepreneurs qui n'avaient pas réussi à obtenir du crédit d'autres institutions financières a eu des effets positifs à long terme sur notre pays. Dans ce contexte, la BDC devrait avoir pour mandat d'aider davantage les PME, étant donné leur importance critique du point de vue de notre croissance économique. Tout le monde y gagne avec un tel arrangement : on favorise la création d'emplois et le développement économique, et les entrepreneurs canadiens sont mieux en mesure de supporter les hauts et les bas du cycle économique, qui sont inévitables.
Soit dit en passant, honorables sénateurs, je m'en voudrais de ne pas parler des mises en garde concernant la façon dont la BDC mène ses activités, mises en garde dont on a fait part au comité et dont il a discuté. Les sénateurs étaient d'avis que la BDC devrait s'efforcer de maintenir l'équilibre entre le besoin apparent de réaliser des profits et l'atteinte de son objectif, qui consiste à accorder des prêts aux petites entreprises. Beaucoup de membres du comité trouvaient que la maximisation des profits de la BDC en tant qu'institution d'année en année ne devrait pas primer sur ses responsabilités envers les PME.
Honorables sénateurs, l'autre mise en garde concernait le fait que la BDC ne devrait jamais donner l'impression d'utiliser son « pouvoir de fixation des prix » pour faire concurrence au secteur privé, marché par marché, et que le principe de la complémentarité par rapport au secteur privé, dont j'ai parlé plus tôt, doit toujours être maintenu dans la pratique, et pas seulement en théorie.
En conclusion, honorables sénateurs, bien que je me sois abstenu de faire un bilan technique et approfondi de tous les domaines auxquels s'est intéressé le Comité des banques dans son étude, j'ai expliqué deux de ses recommandations clés. Surtout en ce qui concerne la promotion, dans le rapport, d'un plus grand nombre d'outils financiers et non financiers pour aider la BDC à atteindre son objectif, la recommandation sur la participation accrue de cette dernière à des activités de financement par capital de risque — et même le soutien prudent que nous apportons à l'idée d'un mandat international limité pour la BDC — dans le but ultime d'offrir le meilleur appui possible aux PME du pays et de veiller à la nature complémentaire de ses activités par rapport aux prêteurs du secteur privé, est omniprésente et prépondérante.
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce estime que la Banque de développement du Canada a joué et continuera de jouer un rôle important dans l'appui consenti aux entrepreneurs et aux PME au Canada. Le comité estime que, si on donne suite à ses recommandations, la BDC s'en trouvera modernisée et stable sur le plan financier, davantage en mesure de répondre à toute la gamme de besoins des PME canadiennes, dans l'intérêt du Canada et de tous les Canadiens.
Honorables sénateurs, nous avons constaté, durant la récente crise financière et économique, et même dans des périodes économiques relativement normales, que ce type d'appui stimule la création d'emplois et contribue au maintien du dynamisme et de la robustesse de l'économie canadienne. Comme toujours, il y a place à l'amélioration. En tant que président du Comité des banques, j'attends avec impatience l'examen législatif que le gouvernement effectuera sous peu de la Loi sur la Banque de développement du Canada et je l'encourage instamment à inclure les recommandations du comité dans toute proposition de modification à la loi qui pourrait en découler.
Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
L'étude sur l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes
Huitième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l'étude du huitième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Saisir les occasions pour les Canadiens : La croissance de l'Inde et la prospérité future du Canada, déposé au Sénat le 14 décembre 2010.
L'honorable A. Raynell Andreychuk propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, je crois pouvoir faire un compte rendu complet de notre rapport, ce que j'aimerais faire à une date ultérieure. Par conséquent, je demande l'ajournement du débat pour le temps de parole qu'il me reste.
(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)
Règlement, procédure et droits du Parlement
Quatrième rapport du comité—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (Restructuration des comités permanents du Sénat), présenté au Sénat le 9 mars 2011.
L'honorable David P. Smith propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du quatrième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement intitulé Restructuration des comités permanents du Sénat.
La structure des comités du Sénat et leur mandat n'avaient pas été revus en profondeur depuis 1968, soit il y a 43 ans. Il était temps d'entreprendre une étude sur l'organisation des comités et de se pencher sur le mandat et la taille de ces derniers.
Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement étudie ces questions depuis mars 2009, soit depuis deux ans.
Honorables sénateurs, nous nous étions donné comme principal objectif d'examiner des façons de simplifier la structure et d'accroître l'efficacité de tous les comités. Nous voulions créer un système de comités qui continue d'examiner d'un œil critique les principaux enjeux que doit relever le Canada tout en assurant leur pertinence, leur équité et leur efficacité. Nous voulions renforcer le rôle du Sénat en tant que Chambre d'examen.
Au cours des deux dernières sessions, le Comité du Règlement a examiné ces questions en profondeur. Nous nous sommes penchés sur la réforme du système des comités dans d'autres Chambres hautes. Nous avons envoyé à tous les sénateurs un questionnaire en vue d'obtenir leur opinion sur des questions comme la taille du Sénat, le nombre de sénateurs et les options quant à leur affectation à des comités; plus de la moitié des sénateurs ont répondu. Nous avons cherché à obtenir le point de vue du plus grand nombre de sénateurs possible et tenu des audiences sur cette question. Nous avons aussi donné l'occasion aux sénateurs de comparaître devant le comité.
Au cours de la présente session, le Comité du Règlement a examiné attentivement les statistiques portant sur les travaux des comités pendant dix années. Nous avons établi le nombre de reprises où chacun des comités s'est réuni, le nombre de rapports produits par chacun des comités et le nombre de projets de loi renvoyés devant chacun des comités. Nous avons également invité les présidents de tous les comités à exprimer leurs points de vue sur certaines de nos idées et de nos propositions. Un certain nombre d'entre eux ont accepté l'invitation. Ils ont donc comparu devant le comité, où ils ont eu l'amabilité de présenter leurs observations sur l'étude en question. Nous considérons que leur apport a été très utile.
Honorables sénateurs, nous avons pris cette tâche très au sérieux. Nous croyons que la proposition de structure révisée des comités est équilibrée et qu'elle améliorera l'efficience et accroîtra la souplesse. Nous croyons également que la structure révisée regroupe des thèmes pertinents.
Les comités du Sénat font un travail important. Ils représentent un complément essentiel au travail du Sénat. Le Comité du Règlement souhaitait s'assurer que la structure des comités continue d'optimiser la contribution de ceux-ci au processus législatif et au Parlement.
Nous demandons aux sénateurs de souscrire en principe à cette restructuration. Le rapport n'est peut-être pas parfait et tout le monde n'est peut-être pas satisfait, mais la structure actuelle est moins que parfaite. Il existe des problèmes. Les sénateurs sont sollicités de toutes parts, et il est clair que la structure actuelle ne permet pas d'atteindre un juste équilibre dans l'attribution du travail et des ressources.
Ces propositions ne constituent qu'une première étape en vue de trouver une solution. Lors de la prochaine étape, nous allons élaborer des mandats précis pour la nouvelle structure des comités et définir la façon dont les sénateurs seront nommés à ces comités et leur nombre. Ces propositions entreront en vigueur lors de la prochaine session parlementaire, et non au cours de la présente, mais il se pourrait qu'on n'ait pas à attendre bien longtemps. Le comité recommande la tenue d'un examen tous les trois ans.
Honorables sénateurs, en terminant, je pourrais dire que nous avons dégagé un consensus sur ces recommandations. Je pense que c'est important. Certaines de ces questions épineuses n'ont pas fait l'objet de jeux partisans. C'est agréable lorsque le Parlement fonctionne de cette façon. Ce n'est pas toujours le cas, mais c'est bien quand cela se produit.
L'honorable Terry Stratton : J'aimerais formuler quelques observations à l'égard de ce rapport. Tout d'abord, je tiens à remercier les 15 membres du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement.
(2030)
Il était intéressant de constater à la réunion tenue il y a deux semaines aujourd'hui par le comité, où l'ébauche du rapport a été déposée, que pratiquement chaque personne présente dans la salle, y compris les deux sénateurs indépendants siégeant au comité, les sénateurs Cools et McCoy, a apporté une contribution précieuse à ce rapport. On s'inquiète toujours de l'accueil qui sera réservé au fruit de son travail, mais étonnamment, il y avait pratiquement un consensus. Chacun avait quelque chose à redire sur un élément ou un autre du rapport. Toutefois, nous avons constaté que, pour accomplir quelque chose, nous devions faire progresser le dossier; nous ne pouvions nous contenter de dire : « Non, je n'aime pas cet élément, par conséquent, le rapport entier devrait être rejeté. »
J'estimais que le rapport, bien qu'il ne soit pas parfait, faisait avancer les choses. Lorsqu'on commence à étudier un rapport et qu'on n'aime pas telle ou telle chose... Prenons l'exemple de l'Entente de Charlottetown. C'est exactement ce qui s'est produit. Les gens n'ont retenu que les passages qu'ils n'aimaient pas et ils se sont opposés au rapport. Dans ce cas-ci, toutefois, ce n'est pas ce qui s'est passé. À mon avis, c'est remarquable : tous les membres du comité ont uni leurs efforts et ils se sont rendu compte que le rapport était nécessaire.
Nous avons accepté le principe du rapport parce que nous comprenions qu'il restait encore beaucoup de travail à faire. Nous ne voulions pas pousser trop loin les recommandations. Si nous pouvions faire adopter le principe du rapport au Sénat, nous estimions que nous pourrions ensuite passer à l'étape suivante au comité, c'est-à-dire revenir sur la question, établir un mandat précis pour chacun des comités restructurés et même réexaminer ces mandats si le comité en décidait ainsi. Nous pourrions également nous pencher sur le mandat des comités qui demeureraient inchangés. Nous voulions que tous les sénateurs nous soumettent leurs commentaires.
Au comité, nous pourrions examiner les mandats et ébaucher, par exemple, les éléments d'un mandat, puis chercher à obtenir les commentaires de tous les sénateurs pour que l'entreprise ne soit pas directive. Pour la première fois, les mandats seraient établis par les gens les plus concernés, à savoir les sénateurs eux-mêmes. Nous pourrions donc nous réunir et faire évoluer les mandats de façon à ce qu'un bon mandat soit défini pour chacun des comités avec l'accord des sénateurs concernés.
Si les honorables sénateurs s'intéressaient à la culture ou à autre chose, ils pourraient exprimer leur point de vue là-dessus. La prochaine étape était donc de recueillir l'avis de tous. Une fois ces mandats rédigés, nous les passerions ensuite en revue avec les sénateurs et les renverrions au Sénat pour qu'ils y soient débattus et adoptés.
Voilà où nous en sommes en ce qui concerne le rapport. Je voudrais remercier encore une fois le sénateur Smith, qui a présidé cette réunion. C'était édifiant de voir comment nous en sommes venus à un consensus sur ce rapport. Et moi aussi, j'appuie son adoption. Comme le sénateur Smith l'a dit, le rapport fera l'objet d'un examen dans trois ans et les recommandations qui y sont proposées n'entreront pas en vigueur avant la prochaine législature.
Son Honneur le Président suppléant : Y a-t-il d'autres interventions?
L'honorable Pierre De Bané : Honorables sénateurs, je voudrais d'abord dire combien je suis content que, finalement, dans ce contexte, un thème ne sera pas oublié, et c'est la culture. La culture parle de ce que nous sommes — nos valeurs, nos espoirs, nos craintes — et de qui nous sommes les uns pour les autres. Ce thème, à savoir ce qu'est l'identité canadienne et ce qui est au cœur de nos valeurs, va finalement être pris en compte.
Une des raisons pour lesquelles il faut encourager la préservation, la mise en valeur et l'enrichissement de la culture est que cette dernière est inextricablement liée aux langues. Nous affirmons dans la Constitution que les langues officielles sont un aspect essentiel de notre pays. Grâce à la langue et à la culture, nous parlons ensemble de notre histoire et de nos artéfacts nous discutons de nos espoirs, de nos peurs et de nos aspirations nous revendiquons nos droits et nous trouvons des terrains d'entente afin de pouvoir vivre ensemble.
Honorables sénateurs, la langue est l'essence de la culture, et vice-versa. Si ces questions étaient étudiées par deux comités différents, comme le rapport le propose, personne au pays ne le comprendrait. Personne ne comprendrait cette séparation.
La culture est l'essence de la langue, et vice-versa. La plupart de nos créations culturelles sont exprimées, expliquées ou débattues à l'aide de la langue. Par exemple, le théâtre, la littérature, la poésie, la télévision, les films, la radio, les médias d'information et les revues ont tous la langue comme matériau de base. Si on examine la façon dont le gouvernement est structuré, on constate qu'un ministère s'occupe de la préservation et de la promotion des langues. Un seul ministère doit incarner toutes les valeurs culturelles et regrouper tous les programmes fédéraux liés à la culture, que ce soit CBC/ Radio-Canada, Téléfilm Canada, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, l'Office national du film du Canada ou le Conseil des Arts du Canada. À mon avis, les gens qui s'intéressent à ces questions ne comprendront pas la logique de séparer langue et culture dans deux comités différents du Sénat.
Je propose maintenant d'ajourner le débat. Plus tard, je poursuivrai le débat et je présenterai un amendement qui, je l'espère, sera pris en considération par mes collègues.
Le sénateur Moore : Bravo!
(Sur la motion du sénateur De Bané, le débat est ajourné.)
(2040)
[Français]
Les promesses du gouvernement
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cowan, attirant l'attention du Sénat sur la litanie de promesses non tenues par l'administration Harper, à commencer par celle concernant les fiducies de revenu, ce qui a anéanti le coussin que tant de Canadiens âgés s'étaient constitué en prévision de la retraite.
L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, j'ai réfléchi aux propos de mes collègues sur cette question que je trouve extrêmement importante. J'aimerais vous entretenir d'un sujet qui me tient particulièrement à cœur, ayant été membre de l'autre endroit lorsque nous avons adopté l'article 15 de la Constitution canadienne, qui établissait l'égalité des hommes et des femmes de notre pays. Je dois dire, plusieurs années plus tard, car c'était dans les années 1980, que je suis désolée de voir où nous en sommes avec le gouvernement actuel.
Comme vous le savez, le gouvernement conservateur de Stephen Harper est devenu un expert en promesses vides, à tel point qu'on compte plus d'une centaine de promesses qui n'ont pas été tenues. Je sais que mes collègues en font le recensement, mais je vais vous parler d'un sujet en particulier. Il n'est, dès lors, pas surprenant de constater que les promesses du gouvernement envers les femmes ne sont à peu près jamais respectées.
Que l'on pense au rôle mineur que les femmes du Parti conservateur jouent au sein du Cabinet Harper, sans compter le sort réservé à la ministre Helena Guergis, qui a dû payer le prix des incartades de son mari. Où sont les femmes dans des ministères importants comme les Finances, les Affaires extérieures, la Justice, l'Industrie et j'en passe? Aucune femme n'occupe ces postes clés dans le gouvernement. Que penser de la saga de la ministre Oda, qui a dû payer de sa réputation les directives de son patron qui, évidemment, a gardé son poste? Que penser du choix de sa commissaire à l'intégrité, Mme Ouimet, qui a comparu devant nous, ici, et qui a failli à sa tâche de maintenir la confiance des employés de la fonction publique du Canada et qui a dû démissionner suite au rapport d'un officier du Parlement, la vérificatrice générale du Canada, Mme Sheila Fraser, qui a porté à notre attention les lacunes de cet organisme?
Que penser du traitement de la présidente de la Commission canadienne de la sécurité nucléaire, Mme Linda Keen? Peut-être qu'on devrait aujourd'hui, étant donné la situation au Japon, regarder de plus près les propos de Mme Keen; peut-être qu'elle avait des propos qui devraient intéresser tous les Canadiens sur la sécurité nucléaire et des opérations dans ce domaine.
Je vous rappelle que, en 1967, la Commission royale d'enquête sur la condition féminine — et certains collègues ici présents y ont participé — affirmait dans son rapport que les femmes canadiennes ne représentaient alors que 6 p. 100 des personnes nommées à des organismes fédéraux, sociétés d'État et groupes de travail. En 2005, toutefois, sous un gouvernement libéral, les femmes représentaient 37 p. 100 de toutes les nominations. Récemment, selon des documents du Conseil privé, le pourcentage des femmes nommées à des organismes fédéraux, au lieu d'augmenter avec le temps et surtout avec le nombre de femmes compétentes sur le marché, est tombé de 37 à 32,5 p. 100 en février 2006; en mai 2010, il est tombé à 26,7 p. 100 dans les conseils d'administration des sociétes d'État. Je rappelle à mes collègues que le gouvernement du Québec a adopté une mesure de parité dans les conseils d'administration des sociétés de la Couronne du Québec. Je peux vous dire que nos sociétés d'État se portent très bien, merci, à ce jour.
Interrogée par Radio-Canada Nouvelles à propos de cette baisse, madame le leader du gouvernement, le sénateur LeBreton — on lui rapportera mes propos — a plaisanté. Elle a dit que cela n'avait rien à voir avec un manque d'engagement quant à la promotion des femmes — c'est peut-être une phrase vide comme on en entend de la part du premier ministre —, alors que, au contraire, le gouvernement manque de leadership dans cette question d'avoir des femmes à des postes clés, quand des milliers de femmes qualifiées au Canada n'accèdent toujours pas à des postes d'organismes fédéraux, de sociétés d'État ou à des groupes de travail.
Au cours des cinq dernières années, les conservateurs ont fait des compressions importantes dans les bureaux régionaux du ministère de la Condition féminine du Canada. Je n'ai rien vu dans le budget déposé aujourd'hui qui prévoie des sommes importantes pour soutenir les groupes de femmes qui travaillent, pour de minces salaires, dans des organisations qui aident nos communautés et, surtout, aident des femmes qui ont de la difficulté.
Les conservateurs ont abandonné la version longue du questionnaire de recensement avec, évidemment, une bonne raison, puisqu'elle servait à compiler des statistiques importantes sur les femmes et sur les minorités. De plus, ils ont présenté des projets de loi qui vont discriminer davantage les femmes incarcérées, sans compter les compressions aux programmes de santé maternelle dans les pays en développement.
Sous le gouvernement Harper, les femmes ont vu leur rôle important dans notre société diminuer. Au lieu de travailler de façon transparente et de montrer au secteur privé un exemple de leadership pour promouvoir la condition féminine, les conservateurs ont choisi de faire de la petite politique et d'avancer une idéologie régressive plutôt que de créer des politiques publiques qui bénéficieront aux femmes canadiennes.
De plus, le gouvernement semble incapable de justifier de façon cohérente sa raison de ne pas défendre la cause de l'égalité des femmes canadiennes selon l'article 15 de la Charte des droits. C'est un droit fondamental qui est reconnu dans notre Constitution depuis les années 1980 et à propos duquel, si les femmes pouvaient comprendre qu'on n'arriverait pas à la pleine égalité du jour au lendemain, après plus de 30 ans on serait en droit de s'attendre, autant sur le plan du salaire que de l'occupation de postes à responsabilité, à ce que l'égalité soit mise en application, surtout de la part de l'organisme phare dans une société comme la nôtre. La réduction de la représentation des femmes nommées à des organismes fédéraux, des sociétés d'État et des groupes de travail n'est qu'un exemple du manque d'engagement du gouvernement Harper à promouvoir et à réaliser l'égalité entre les hommes et les femmes au Canada.
Cette année marquera le 100e anniversaire de la Journée internationale de la femme. Cet évènement unique aurait dû être une occasion pour le gouvernement de faire de la parité homme/ femme une réalité concrète dans toutes nos législations.
Pour moi, le temps des promesses non tenues envers les femmes doit se terminer, et le temps de passer à l'action est encore plus urgent que jamais.
(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné).
[Traduction]
Le tabac de contrebande
Interpellation—Fin du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Segal, attirant l'attention du Sénat sur la gravité du problème que pose la contrebande du tabac au Canada, ses liens avec le crime organisé, le crime international et le financement du terrorisme, y compris les conséquences sérieuses de la vente illicite des produits du tabac aux jeunes, les effets préjudiciables sur les petites entreprises légitimes et la menace pour le gagne-pain des propriétaires de dépanneurs qui travaillent fort, partout au Canada, la capacité de l'État de lutter contre les responsables de ce commerce illégal au pays, ainsi que la pertinence de confier à un comité du Sénat le soin de faire enquête sur ces questions.
L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, la responsabilité première d'un État est de protéger ses citoyens. C'est la raison d'être des États. Ils existent parce que des groupes de personnes ont uni leurs forces pour se prémunir du danger. Je crois que la responsabilité de faire respecter la loi et celle de protéger les citoyens vont de pair.
Le sénateur Segal attire notre attention sur un problème qui, selon lui, atteint des proportions inégalées et relève du droit. Plus tôt aujourd'hui, j'ai brièvement parlé avec le sénateur Brazeau et je lui ai dit que les gouvernements successifs — l'actuel et les précédents — ont fait l'autruche dans ce dossier. Il a acquiescé et répondu qu'il faut, dans certaines circonstances, mettre le holà. C'est la raison pour laquelle le sénateur Segal attire notre attention sur ce problème.
L'anarchie qui règne le long de notre frontière avec les États-Unis, surtout dans les régions où la frontière croise des territoires de Premières nations, est au cœur du problème relatif, mais pas exclusif, au commerce du tabac de contrebande. J'ai également appris, et c'est malheureux, que la région du Canada central, soit l'Ontario et le Québec, n'est pas la seule aux prises avec ce problème.
En effet, le mois dernier, la GRC a saisi 14 millions de cigarettes de contrebande — 75 000 cartouches — dans la Première nation Montana, en Alberta. Elles ont été fabriquées illégalement aux États-Unis et ont été importées illégalement au Canada, par la région du Canada central. Ces activités de contrebande font perdre des millions de dollars de revenus à l'Alberta et au Canada. Malheureusement, il semble que certains dirigeants de cette Première nation étaient impliqués dans l'affaire.
(2050)
Le sénateur Segal, dans l'excellent discours qu'il a prononcé le 18 novembre sur cette question, a cité certains chiffres qui illustrent l'ampleur de cette activité criminelle. J'espère que les sénateurs ont lu, liront ou se souviennent de son discours. Les chiffres qu'il a cités sont consternants. Les circonstances et les actes décrits par le sénateur Segal dans son discours sont consternants. Ils brossent le portrait d'un non-respect de la législation canadienne à une échelle tout à fait consternante.
Le sénateur Segal a parlé du coût estimatif, en dollars, de ce non-respect flagrant. Il se chiffre dans les milliards — pas les millions, mais bien les milliards. Il y a également la question de principe liée au fait que toutes les parties concernées mènent ces activités ouvertement : les membres de gangs, les Canadiens ordinaires qui cherchent à se faire un peu d'argent à l'abri du risque, parce que personne ne les poursuit, et les membres des Premières nations. Je ne devrais pas dire que personne ne les poursuit, parce que les organismes d'application de la loi déploient des efforts herculéens dans la lutte contre la contrebande, mais, comme d'habitude, ils ne bénéficient ni des ressources ni de la volonté politique nécessaires pour s'attaquer adéquatement au problème.
L'emplacement géographique de la Première nation d'Akwesasne, d'où proviennent beaucoup de ces cigarettes, joue un rôle; cette Première nation est d'ailleurs un membre fier et ancien de la Fédération des Sept Nations du Canada. Elle compte environ 24 000 personnes. La situation géographique et politique des terres d'Akwesasne est unique. Pour la plupart, elles se trouvent aux États-Unis, dans l'État de New York, et comprennent quelques îles dans le fleuve Saint-Laurent qui appartiennent au Canada.
Les terres d'Akwesasne aux États-Unis ne sont pas des terres fédérales, puisque l'État de New York ne les a jamais cédées à l'union. Elles ont été concédées à la Première nation par l'État de New York. Elles appartiennent cependant à ce dernier.
Comme le sénateur Segal nous l'a fait remarquer, c'est cette situation géographique et politique particulière qui, à bien des égards, facilite l'activité illégale pratiquée dans la région. Cette activité illégale n'entraîne pas seulement une perte de revenu ou un danger accru lié à la tabagie dû au fait que les jeunes peuvent acheter une cartouche à 15 $ plutôt qu'à 70 $. Elle nourrit d'autres activités criminelles parfois beaucoup plus graves. Elle finance le trafic d'armes, de drogues et de personnes, et les organismes d'application de la loi d'un côté comme de l'autre de la frontière estiment qu'elle finance maintenant le terrorisme. On peut financer bien des choses avec des milliards de dollars.
Le Sénat est depuis longtemps une institution qui défend et protège les droits des Autochtones. Il a souvent eu un effet salutaire sur la politique publique à cet égard, et j'espère qu'il en sera toujours ainsi.
Dans le cas d'Akwesasne, par exemple, ces droits permettent de voyager librement entre le Canada et les États-Unis en traversant la frontière qui se trouve sur les terres de cette réserve. Le traité Jay, qui est en fait le Traité de Londres de 1749, n'est pas à l'origine de ce droit, mais il le reconnaît. On l'appelle ainsi parce que Jay était le nom du négociateur américain. Le traité prévoyait, comme on disait à l'époque, que les Indiens nord-américains nés au Canada pourraient continuer de traverser librement la frontière internationale dans les deux sens quand bon leur semblerait. En passant, ce traité a pour titre officiel : Traité d'amitié, de commerce et de navigation. Il a servi à arbitrer toutes les hostilités entre Sa Majesté britannique et les États-Unis jusqu'en 1812.
Ce traité reconnaissait que les Indiens nord-américains, comme on les appelait, pouvaient traverser librement la frontière. Les États-Unis ont codifié cette obligation dans la Loi sur la nationalité et l'immigration américaine, qui prévoit que les Amérindiens nés au Canada ont le droit d'entrer aux États-Unis pour travailler, étudier, prendre leur retraite, investir ou immigrer. Toutefois, ni le traité ni aucun autre document n'indiquent qu'il est permis de se livrer à des activités criminelles au Canada ou aux États-Unis, pas plus qu'ils ne permettent d'enfreindre la loi dans l'un ou l'autre de ces pays. Et rien ne permet aux Autochtones, aux gangs de criminels, aux simples Canadiens ou à toute autre personne de faire de la contrebande de cigarettes, du trafic de stupéfiant ou de la migration clandestine. Pourtant c'est ce qui se produit à l'heure actuelle. Les difficultés auxquelles sont confrontés le Canada et les États-Unis pour faire respecter leurs lois respectives sont exacerbées par la situation géographique et politique unique des Premières nations, y compris celle d'Akwesasne.
Il y a de bonnes entreprises tout à fait légitimes, qui appartiennent à des Autochtones, qui en assurent l'exploitation, dans la nation Akwesasne. L'une d'elles est Grand River Enterprises. C'est une grande entreprise respectée.
Selon le Mackenzie Institute, c'est un gros employeur dans la péninsule du Niagara. Elle respecte toutes les lois canadiennes et américaines. C'est une grande société bien établie. Elle fournit non seulement des cigarettes de qualité aux collectivités des Premières nations, ce qu'elle peut faire en toute légalité, mais elle a également conclu des contrats d'approvisionnement en cigarettes avec nos forces armées et certaines forces armées de nos alliés. Cette entreprise est un bel exemple de réussite des Premières nations, mais en raison de la contrebande, même elle est maintenant pointée du doigt. Ses produits sont maintenant contrefaits ou imités par des producteurs ne détenant pas de permis et sont vendus illégalement à divers endroits. La réputation d'une entreprise légitime appartenant à des Autochtones est salie par la fabrication, la distribution et la vente illégitimes de produits du tabac illégaux, qui rapportent des milliards de dollars.
Selon ce rapport, le rapport du Mackenzie Institute, divers intervenants semblent tirer profit de la situation chaque fois qu'ils le peuvent, par exemple, des personnes qui vivent dans la région et travaillent pour promouvoir leurs intérêts et ceux d'organisations criminelles. Pire encore, il y a un lien clair entre les groupes criminalisés et les groupes terroristes. Ils collaborent étroitement et se rendent mutuellement service.
Aux États-Unis, il y a eu, jusqu'à maintenant, trois cas d'individus associés au Hezbollah ou à Al-Qaïda qui vendaient des cigarettes de contrebande et bénéficiaient du produit de cette activité criminelle qui se déroule sous notre nez. Derrière tout cela, selon le rapport du Mackenzie Institute, il y a un fait qui ne s'est jamais démenti : tant qu'il y aura une demande, il y aura quelqu'un pour y répondre à prix raisonnable. Si le produit légal est trop cher ou trop réglementé, un produit de contrebande fera inévitablement son apparition.
Selon l'information que je détiens, il y a au moins dix grandes usines de fabrication de cigarettes dans la partie du territoire Akwesasne qui se trouve dans l'État de New York. Au moins l'une d'elles est légale, détient un permis et respecte la loi, mais pas les autres. Les cigarettes qu'elles fabriquent sont illégales, leur transport du territoire des Premières nations jusqu'en territoire canadien est illégal, les énormes profits qui en découlent sont illégaux et les autres activités qu'ils servent à financer sont illégales.
Malgré l'augmentation des budgets, de l'attention accordée au problème et de la surveillance effectuée ainsi que du nombre croissant d'interdictions et des saisies de plus en plus importantes et fréquentes, il semble que la criminalité augmente constamment. Nous ne sommes apparemment pas en mesure d'aborder le problème de front ou nous n'en avons pas la volonté, car, comme l'a signalé le sénateur Brazeau, nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation semblable à celle d'Oka. Comme il l'a mentionné, nous devons imposer nos limites, et l'État se doit d'appliquer la loi, sauf s'il ne peut attaquer le problème de front.
Peut-être que les facteurs sociaux, les difficultés politiques, les entraves constitutionnelles, les inconvénients et le danger sont trop importants. Peut-être devons-nous accepter que les criminels auront beau jeu à cet endroit, ce qui n'est pas nouveau, et qu'il n'y a rien que nous puissions ou voulions faire à cet égard. Si tel est le cas, il s'agit d'une situation bien désolante.
Pour les besoins du débat, j'aimerais faire une comparaison, même si elle est peut-être odieuse, entre le territoire d'Akwesasne, qui est un territoire dans un État, et d'autres États comme Andorre, Saint-Marin ou Monaco. Il est ridicule de penser que la France et l'Espagne accepteraient que les Andorrans violent systématiquement leurs lois. Il est tout aussi absurde de croire que les autorités italiennes ne feraient rien si des Saint-Marinais fabriquaient des produits de contrebande et les faisaient entrer illégalement en Italie. Et il serait tout aussi stupide de laisser entendre que la France pourrait fermer les yeux si les Monégasques violaient les lois françaises effrontément. Tout le monde sait qu'on ne permettrait pas que cela arrive.
(2100)
Cela n'arrive que dans notre pays. Aucun pays qui se respecte ne ferait une telle chose. Aucun pays qui se respecte et dont la responsabilité première est d'assurer la sécurité de ses citoyens ne peut rester les bras croisés tandis que des criminels commettent leurs forfaits ouvertement et impunément, traversant en camion sur la glace, durant l'hiver, pour aller décharger des cargaisons de cigarettes à Cornwall. Tout le monde sait qu'ils le font. C'est M. Tout-le-Monde qui revend ou qui fume ces cigarettes. Dans les rares cas où ces gens sont arrêtés et accusés, ils se voient imposer des sanctions insignifiantes. Ce n'est qu'un inconvénient mineur pour eux; la rançon des affaires. C'est insignifiant par rapport au produit de leur trafic.
Voilà ce que nous faisons. Nous restons les bras croisés en les regardant faire parce que nous n'avons pas la volonté politique de changer les choses. Nous avons les moyens, nous avons les ressources humaines, nous avons l'intelligence et nous avons l'information nécessaires. Nous décidons de ne rien faire. Ce n'est pas parce que les agents de la paix ne travaillent pas assidûment pour faire régner la justice. Ils le font, mais c'est toujours la même chose : les ressources qu'on leur accorde — argent, personnel, temps et volonté politique — sont insuffisantes pour leur permettre de s'attaquer réellement à la tâche.
Cette activité criminelle endémique nous coûte des milliards de dollars. Il faudrait des centaines de millions de dollars pour vraiment affaiblir ce réseau de contrebande. Un simple calcul nous laisse entrevoir des bénéfices exponentiels, mais bien sûr, cela ne se résume pas à un simple calcul. C'est bien plus difficile, plus compliqué et plus exaspérant qu'une opération mathématique.
Des suggestions ont été formulées par différents intéressés quant à la manière de régler ce problème. Certaines sont peut-être justes, mais bon nombre sont certainement malavisées. Je ne prétends toutefois pas avoir une opinion sur la bonne manière de procéder.
Je sais cependant comment aboutir à des recommandations qui seraient fondées sur des faits, sur la vérité, sur le bon sens et sur la réflexion. Il suffit d'acquiescer à la proposition du sénateur Segal. C'est exactement la bonne manière de procéder dans ce dossier. Il dit avec raison que le Sénat est particulièrement bien placé pour étudier cette prochaine étape et que cela relève de son mandat. Il propose que nous confiions officiellement au Sénat la mission de faire enquête sur cette question.
Puis-je avoir cinq minutes de plus pour conclure?
Son Honneur le Président suppléant : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Banks : Un comité spécial du Sénat devrait se pencher sur cette interpellation. Certains aspects des questions devant être examinées dans le cadre de ce dilemme relèvent du domaine de la sécurité nationale et de la défense, tandis que d'autres sont clairement liés aux finances nationales et que d'autres encore concernent les affaires juridiques et constitutionnelles; enfin, certains ont trait aux affaires étrangères et au commerce international. Cette question concerne tous les aspects mentionnés ci-dessus.
La meilleure façon d'aborder le problème consiste à créer un comité sénatorial spécial qui ressemblerait au Comité spécial sur les drogues illicites que le sénateur Nolin a présidé avec tant d'efficacité. Il faudrait que ce soit un comité spécial à qui serait confié un mandat clairement défini et restreint et à qui serait imposé un délai fixe pour présenter au Parlement ses recommandations quant à l'étape suivante et à l'orientation de la politique publique. Ce comité est précisément le genre de chose que l'autre endroit ne fera pas, et c'est précisément là où excelle le Sénat.
Il faut agir de manière urgente.
Son Honneur le Président suppléant : Y a-t-il d'autres interventions? Si aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole, le débat sur cette question est considéré comme terminé.
(Le débat est terminé.)
L'importance des sables pétrolifères du Canada
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Eaton, attirant l'attention du Sénat sur les avantages des sables bitumineux du Canada.
L'honorable Patrick Brazeau : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet de l'interpellation du sénateur Eaton sur les sables pétrolifères du Canada : du pétrole éthique et une source d'occasions pour les peuples autochtones du Canada.
Ce faisant, j'ajoute mon grain de sel au débat approfondi auquel ont participé jusqu'à maintenant mes collègues, le sénateur Eaton, le sénateur Frum, le sénateur Greene, le sénateur Segal et le sénateur Lang. Les sénateurs ont jusqu'ici présenté des arguments très convaincants sur les avantages du pétrole issu des sables pétrolifères canadiens. Je souhaite faire connaître aux sénateurs ma position sur les liens étroits qui unissent les peuples autochtones et les sables pétrolifères.
Les Autochtones utilisaient les sables bitumineux bien avant l'arrivée des premiers colons européens. Pendant des générations, on s'est servi de bitume, une forme épaisse et collante de pétrole brut qui affleure à la surface du sol dans le Nord de l'Alberta, pour imperméabiliser les canots.
[Français]
De nos jours, les sables bitumineux jouent un rôle beaucoup plus important dans la vie des peuples autochtones du Canada. En fait, ils sont leur principal employeur au pays. Alors que notre peuple continue de faire face à des disparités dans de nombreux secteurs de l'activité humaine, les possibilités d'emploi et de développement économique liées aux sables bitumineux sont considérables et tout à fait remarquables.
[Traduction]
Il existe cinq Premières nations dans la région des sables bitumineux. De plus, sept groupes de la région 1 de la nation métisse de l'Alberta sont situés à Wood Buffalo. À Fort McMurray, 10 p. 100 des habitants se déclarent Autochtones, et ce nombre atteint 50 p. 100 dans les régions rurales.
Au cours de l'histoire, les Autochtones du Nord de l'Alberta ont été confrontés aux mêmes problèmes qui assaillent les Autochtones ailleurs au Canada. Mentionnons seulement la triste réalité du chômage élevé.
Honorables sénateurs, comme on le sait, on a besoin d'hommes et de femmes pour exploiter les sables bitumineux et on recherche régulièrement de bons travailleurs. Des gens d'un bout à l'autre du pays, et même d'ailleurs, viennent dans la région pour répondre à cette demande et saisir les occasions qui en découlent.
[Français]
Naturellement et heureusement, il est plus logique de faire appel à la communauté autochtone locale, une main-d'œuvre travaillante et productive. Résultat : plus de 1 600 Autochtones ont un emploi à temps plein, permanent, dans l'industrie des sables bitumineux. De plus, ce sont des emplois bien rémunérés. On offre même des emplois non qualifiés ou peu qualifiés.
Les chauffeurs de camion et d'autobus, des postes de soutien, reçoivent habituellement un salaire dépassant les 100 000 $ par année. On ne peut pas nier l'importance de ce type de prospérité et des possibilités qu'elle représente pour les Autochtones qui souhaitent ardemment exercer un emploi rémunérateur et productif.
[Traduction]
Les énormes contrats d'affaires que les sociétés d'exploitation des sables pétrolifères offrent aux entreprises appartenant à des Autochtones et dirigées par eux sont beaucoup plus intéressants. En Alberta, les Premières nations et les Métis ne font pas que travailler pour des entreprises; ils en sont propriétaires et en assurent la gestion.
L'année dernière seulement, des entreprises autochtones ont obtenu des contrats des compagnies exploitant des sables pétrolifères d'une valeur totalisant 700 millions de dollars. Au cours des 15 dernières années, les deux compagnies les plus anciennes, soit Suncor et Syncrude, ont accordé plus de 2 milliards de dollars en contrats aux Autochtones.
Bien que certaines entreprises autochtones appartiennent à des particuliers, d'autres sont la propriété d'une Première nation. Le Groupe des sociétés de Fort McKay, qui appartient à la Première nation de Fort McKay, rapporte 100 millions de dollars par année. Il existe même une chambre de commerce pour les entreprises autochtones œuvrant dans le domaine des sables pétrolifères.
Il s'agit là d'excellentes nouvelles pour les peuples et les entrepreneurs autochtones. Les Canadiens doivent entendre beaucoup d'autres histoires du genre, et les sables pétrolifères sont un exemple éloquent de la façon dont le Canada peut tirer avantage de nos réalités démographiques, où la croissance fulgurante de la population autochtone n'a d'égale que les débouchés qu'offrent les sables pétrolifères.
Voilà le genre de développement autochtone, tant sur les plans de l'économie que du marché du travail, dans lequel je crois et dont j'ai fait la promotion toute ma vie. Existe-t-il une meilleure définition de la réussite que des Autochtones — qu'il s'agisse de membres des Premières nations, d'Inuits, de Métis ou d'Indiens non inscrits — qui décident de prendre leur destinée en main et qui deviennent des entrepreneurs de calibre national?
[Français]
Voilà la vision qui m'inspire pour l'avenir, une vision qui renonce à la notion de dépendance, où l'on saisit les occasions qui se présentent, et par le travail acharné, forge une main-d'œuvre et une économie favorisant la santé socioéconomique de notre nation. À quelques exceptions près, la communauté autochtone du Nord de l'Alberta voit dans les sables bitumineux tout ce qu'elle a de mieux à offrir : un moteur permanent pour enrichir la vie de son peuple et bâtir une culture industrielle et d'autosuffisance.
Et ce n'est pas uniquement une question d'argent. L'industrie des sables bitumineux joue un rôle de leader au Canada en ce qui a trait à la participation des Autochtones aux questions sociales et territoriales. Par exemple, chaque Première nation dispose de sa propre entreprise de relations industrielles financée par l'industrie qui s'occupe de diverses questions, notamment de l'environnement et des traités.
(2110)
[Traduction]
Ajoutez cela à la culture de bénévolat et de charité qui anime Fort McMurray. En effet, année après année, Centraide désigne Fort McMurray comme étant la ville la plus généreuse du Canada.
Les Autochtones ne sont pas seulement des bénéficiaires de cette générosité qui s'exprime, entre autres, par des programmes d'alphabétisation, une formation professionnelle et des programmes pour les gens du troisième âge. Les entreprises autochtones font également des dons généreux. En tant qu'Autochtone, il est très encourageant et réconfortant pour moi de voir les collectivités autochtones contribuer aux campagnes de charité au lieu d'en être bénéficiaires parce qu'elles ont raté des occasions et qu'elles sont victimes de grandes souffrances.
Par rapport aux autres industries canadiennes, l'industrie des sables pétrolifères joue clairement un rôle de chef de file dans l'intégration productive et respectueuse des Autochtones dans la vie du pays et leur permet de profiter de toutes les possibilités qui sont offertes aux Canadiens. La participation des Autochtones n'est pas une considération secondaire ou un type d'action affirmative. Elle est importante et cruciale à toutes les étapes du cycle de vie d'un projet d'exploitation des sables pétrolifères, à savoir de la conception et de la planification à l'exploitation et à la remise en état du terrain. Même l'élevage des bisons qui se fait maintenant sur le site d'anciennes mines de sables pétrolifères est conforme à la culture de la région.
Bien sûr, comme dans toutes les collectivités, il y a des défis et des problèmes. Je ne connais pas un seul endroit, surtout une ville-champignon, où il n'y a pas de problèmes socioéconomiques, qu'ils touchent les Autochtones ou non.
La participation des Autochtones à l'industrie des sables pétrolifères est un modèle pour les autres collectivités et industries canadiennes. Les entreprises canadiennes et notre société en général doivent en tirer des leçons. Tous les ordres de gouvernement doivent reconnaître ce modèle, et s'engager à continuer de consulter les Autochtones et à tenir compte de leurs besoins.
En ce qui concerne le traitement réservé aux Autochtones, je crois que ce n'est pas une bonne idée et que cela frôle l'absurde de vouloir faire une comparaison entre le Canada et les pays de l'OPEP. C'est comme si on comparait le statut de la femme au Canada à celui des femmes en Arabie saoudite et en Iran.
Quoiqu'il en soit, nous devons nous prêter à cet exercice intellectuel pour faire la lumière sur les pratiques de nos concurrents, car les activistes anti-sables bitumineux préféreraient que les clients du Canada consomment du pétrole qui provient de ces pays plutôt que des sables bitumineux d'ici.
Honorables sénateurs, prenons l'exemple du traitement que le Venezuela réserve à ses Autochtones, les Yukpas. Lorsque des groupes de défense des droits de la personne ont fait pression sur le gouvernement concernant les revendications territoriales des Yukpas à Machiques, Hugo Chávez a envoyé la police pour harceler et détenir les activistes autochtones. Le père de l'un des dirigeants politiques des Yukpas, un aîné, a été battu à mort par des hommes armés.
J'aimerais pouvoir dire que les traitements brutaux sont rares au Venezuela, ou dans le monde, mais le fait est que, dans la façon de gérer les intérêts et les aspirations des Autochtones, les exploitants des sables bitumineux du Canada font figure d'exception.
Pour les pays de l'OPEP, les droits de la personne ne sont pas une priorité.
La situation critique des Yukpas est méconnue au Canada, mais nous avons tous entendu parler du génocide commis contre le peuple du Darfour. Les Nations Unies estiment que le gouvernement du Soudan a assassiné 300 000 personnes. Dans son livre intitulé Ethical Oil, l'auteur Ezra Levant fait un calcul horrible : au Darfour, durant le génocide, 6,5 millilitres de sang ont été versés pour chaque baril de pétrole exporté. Le pétrole soudanais est vraiment synonyme de sang versé.
Bien sûr, nous ne devrions jamais comparer nos normes à celles, minimales, des pays de l'OPEP — d'ailleurs, ne vous méprenez pas, nous ne le faisons pas. Voilà où je veux en venir. Chaque année, les sables bitumineux imposent de nouvelles normes quant à la participation réelle et concrète des Autochtones.
[Français]
Au lieu de garder le silence, comme ils le font habituellement, je crois que les Canadiens devraient le crier sur tous les toits. En tant qu'ancien chef d'un organisme autochtone national, Indien inscrit et activiste qui a toujours valorisé l'effort, j'en ai assez des lobbyistes européens de la haute société qui viennent ici nous dire de fermer des industries si cruciales pour la vie de notre population.
[Traduction]
Honorables sénateurs, depuis des années, Greenpeace International, une société multinationale et multimilliardaire dont le siège social est à Amsterdam, a utilisé la chasse au phoque pour propulser une importante campagne de financement. Cette organisation se moque du fait qu'elle prive les Autochtones canadiens de leurs emplois. Elle doit atteindre ses objectifs de financement. Aujourd'hui, Greenpeace International est de retour, cette fois pour s'attaquer au secteur des sables pétrolifères, le principal employeur des Autochtones au Canada.
Est-ce par pure coïncidence que Greenpeace cible ainsi des industries qui emploient un grand nombre d'Autochtones? Qu'il s'agisse d'un profilage délibéré de sa part ou simplement d'inconscience à l'égard des conséquences de ses revendications, c'est inacceptable. Contrairement à Greenpeace et à d'autres intervenants qui prennent pour victime la communauté autochtone du Nord de l'Alberta, je crois que le secteur des sables pétrolifères devrait mettre en valeur son approche progressive en matière de participation des Autochtones.
[Français]
Selon moi, la plupart des Canadiens ignorent à quel point tout cela est remarquable, et c'est sans compter nos clients américains qui réclament notre pétrole à grands cris. Je crois que, si plus de Canadiens connaissaient et comprenaient les avantages de l'approche axée sur la collaboration et le respect à l'égard des Autochtones, ils seraient fiers de l'industrie et des avantages économiques qu'elle procure.
Bien des Canadiens se soucient de la façon dont sont traités les peuples autochtones de la planète. Voilà notamment pourquoi le café équitable est si populaire au Canada, particulièrement dans les grandes villes.
[Traduction]
Si ces mêmes Canadiens sensibles étaient seulement au courant du fait que le secteur des sables pétrolifères applique des pratiques commerciales justes en ce qui concerne nos collectivités autochtones, ce secteur deviendrait une source de grande fierté nationale en ce qu'il contribue à l'amélioration de la situation des collectivités autochtones. Il s'agit d'une grande réussite. Pourtant, les Canadiens ont parfois de la difficulté à se vanter de leurs propres réalisations. Honorables sénateurs, nous devons reconnaître que c'est un véritable succès.
Il n'y a pas que les Canadiens qui devraient être au courant de ce grand succès. J'ai suffisamment travaillé aux Nations Unies et au sein d'autres organisations internationales pour savoir que l'histoire de la participation des Autochtones à l'exploitation des sables pétrolifères devrait être un exemple à donner au monde entier. Au lieu d'être sur la défensive au sujet de cette industrie, nous devrions montrer aux autres comment nous faisons les choses dans ce domaine.
Comme les sénateurs qui sont intervenus sur la question l'ont confirmé, il n'y a aucune différence entre l'essence produite à partir du pétrole des sables bitumineux et celle qui est produite à partir du pétrole de l'OPEP. Les deux brûlent de la même façon dans votre réservoir et les deux coûtent le même prix à la pompe. Cependant, si nous nous soucions d'autre chose encore, si nous nous soucions notamment de la façon éthique dont le pétrole est produit, je crois que nous pouvons être très fiers, en tant que Canadiens, de la manière dont nos sables pétrolifères nationaux sont exploités.
[Français]
Honorables sénateurs, je ne prétends pas aujourd'hui être un scientifique, un climatologue ou un ingénieur civil. Je m'adresse plutôt à vous en tant que personne qui cherche passionnément à défendre et à reconnaître l'accès de la communauté autochtone à la prospérité et à revendiquer pour elle le vaste potentiel de réussite du Canada dans ce secteur.
En tant qu'activiste autochtone qui a longtemps réclamé la reddition de comptes, la responsabilité et la transparence au nom de ma communauté, je suis empreint de fierté et de gratitude lorsque je vois le leadership que jouent ces membres au sein de cette importante industrie.
Tout au long de cette aventure, ce même développement responsable, pragmatique et éthique doit s'appliquer à l'exploitation des sables bitumineux, et j'ai bon espoir qu'il en sera ainsi.
[Traduction]
Honorables sénateurs, en dernière analyse, je cite la participation fructueuse des peuples autochtones à l'exploitation des sables bitumineux comme modèle d'excellence au chapitre de la mise à profit de l'énergie de la communauté autochtone canadienne et de la transformation d'une relation de dépendance en possibilités, des possibilités que méritent amplement les peuples autochtones du Canada.
(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)
Le Sénat
Motion tendant à condamner les attaques à l'endroit des fidèles dans les mosquées du Pakistan et à réclamer l'égalité des droits pour les membres des communautés minoritaires—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Finley, appuyée par l'honorable sénateur Greene,
Que le Sénat condamne les attaques barbares de vendredi dernier sur les fidèles des deux mosquées ahmadies de Lahore au Pakistan;
Qu'il exprime ses condoléances aux familles des personnes blessées ou tuées; et
Qu'il demande ardemment aux autorités pakistanaises d'assurer l'égalité des droits pour les membres des communautés minoritaires, tout en s'assurant que les auteurs de ces horribles attentats soient poursuivis en justice.
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet de la motion présentée par le sénateur Finley et tendant à condamner les attaques à l'endroit des fidèles dans les mosquées du Pakistan et à réclamer l'égalité des droits pour les membres des communautés minoritaires.
Les événements qui se sont déroulés à Lahore, au Pakistan, le 28 mai 2010, étaient tout à fait horribles. Les bombardements coordonnés de deux lieux de culte, qui ont fait plus de 80 victimes et des centaines de blessés, étaient sans contredit des actes de terrorisme et sont inacceptables.
Les personnes présentes dans les mosquées faisaient partie de la secte islamique ahmadie, un petit groupe religieux qui existe dans ce pays depuis des dizaines d'années. Elles ont été attaquées dans l'un des lieux les plus saints aux yeux d'un musulman, la mosquée, en raison de leurs croyances religieuses différentes. Comme l'a déclaré le sénateur Finley, et je suis tout à fait de son avis :
Tuer en un lieu de culte est l'ultime affront à la foi et à la religion.
Malheureusement, ce n'est pas la première fois que la secte ahmadie est la cible de violences religieuses. Il y a quelques semaines à peine, 1 500 personnes ont envahi une mosquée d'Indonésie afin d'empêcher les 20 fidèles qui y étaient rassemblés de faire leurs dévotions. Trois hommes ont été tués et six autres ont été grièvement blessés.
Il est important de souligner que ces actes, qui ont été commis par un groupe qui les justifie en se réclamant de l'islam, ne peuvent tout simplement pas être logiquement associés à la foi elle-même. Le meurtre d'une personne innocente, quelles que soient ses croyances religieuses, est toujours condamné par l'islam. La manière agressive dont cette poignée d'extrémistes traitent ceux qui ne partagent pas leurs croyances est aussi incorrecte qu'anti-islamique.
(2120)
Le saint Coran dit ceci :
Quiconque tue un être humain [...] est considéré comme le meurtrier de l'humanité tout entière. Quiconque sauve la vie d'un seul être humain est considéré comme ayant sauvé la vie de l'humanité tout entière!
Honorables sénateurs, en dépit de l'idéologie véhiculée par les fondamentalistes responsables des attentats à la bombe perpétrés dans les mosquées de Lahore, le vrai islam reconnaît la valeur de toutes les vies humaines. Toutes les personnes dans le monde, peu importe leur foi, devraient être traitées avec respect et dignité. Les membres de la minorité ahmadie ne méritent rien de moins.
Je demande à ces fondamentalistes et à ces extrémistes de ne pas se servir de ma foi en l'islam pour justifier les meurtres qu'ils commettent.
Honorables sénateurs, nous, Canadiens, avons la chance de pouvoir jouir librement de nos libertés et de nos droits fondamentaux, ce qui nous permet en retour de dénoncer sans crainte de représailles les injustices de ce monde. Voilà pourquoi nous devrions dénoncer haut et fort ces deux attentats et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que de pareilles tragédies ne se reproduisent plus jamais.
Il faut que le Canada incite les États étrangers et les forces de police à protéger non seulement les droits, mais la vie des ahmadis. Nous devons veiller à ce que les gouvernements continuent de sévir contre les extrémistes islamistes et cessent de craindre les représailles qui pourraient en découler. Nous ne pouvons plus nous croiser les bras et assister au triomphe de l'ignorance et du fanatisme.
J'en profite pour remercier le sénateur Ataullahjan et le ministre Kenney d'avoir assisté aux funérailles du ministre Bhatti, le ministre des minorités du Pakistan. Par ce geste, ils ont illustré les valeurs que chérit le Canada. À titre de Canadiens, nous devons agir afin de protéger les droits des minorités religieuses.
J'appuie pleinement la motion du sénateur Finley et, par la même occasion, je demande :
Que le Sénat condamne les attaques barbares de vendredi dernier sur les fidèles des deux mosquées ahmadies de Lahore au Pakistan;
— c'est-à-dire celles du 28 mai 2010 —
Qu'il exprime ses condoléances aux familles des personnes blessées ou tuées; et
Qu'il demande ardemment aux autorités pakistanaises d'assurer l'égalité des droits pour les membres des communautés minoritaires, tout en s'assurant que les auteurs de ces horribles attentats soient poursuivis en justice.
Honorables sénateurs, je crois que nous habitons un pays qui permet à tous ses citoyens de pratiquer leur religion. C'est une valeur dont nous sommes fiers, et nous devrions user des bons offices du gouvernement sur le plan international pour affirmer que le Canada s'érige en faveur de toutes les personnes pratiquantes et qu'il aidera les gens partout dans le monde à pratiquer leur religion. C'est là une valeur canadienne, et nous en sommes fiers.
[Français]
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je note que le projet de loi, tel que libellé à l'heure actuelle, indique que le Sénat condamne les attaques barbares de vendredi dernier.
J'aimerais discuter avec le sénateur Finley pour voir s'il n'y aurait pas une possibilité de proposer un amendement à l'amiable pour rendre cette motion adoptable. C'est pourquoi je propose l'ajournement du débat jusqu'à ce que j'aie la chance de discuter avec le sénateur Finley.
(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Les technologies du développement durable
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Mitchell, attirant l'attention du Sénat sur l'importance de Technologies du développement durable Canada.
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, le sénateur Day a indiqué qu'il souhaitait prendre la parole au sujet de cette interpellation, mais il n'a pas encore terminé ses recherches. Par conséquent, j'aimerais que le débat soit ajourné à son nom, à sa demande.
(Sur la motion du sénateur Tardif, au nom du sénateur Day, le débat est ajourné.)
[Français]
La nécessité d'une approche sexospécifique dans les politiques budgétaires et fiscales du gouvernement canadien
Avis d'interpellation—Ajournement du débat
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool, ayant donné avis le 9 mars 2010 :
Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la nécessité d'une approche sexospécifique dans les politiques budgétaires et fiscales du gouvernement fédéral canadien.
— Honorables sénateurs, à l'heure où je suis d'habitude à l'horizontale, je me lève pour attirer votre attention sur un concept novateur mais qui n'est pas si nouveau, qui est l'une des meilleures armes qui existent contre le sexisme. Je vais vous parler de l'analyse sexospécifique et de son application au processus budgétaire.
Commençons par une définition en faisant référence à un expert en la matière, M. Socé Sene, du Sénégal, consultant international en analyse, genre et développement. Selon lui, et je cite :
L'analyse sexospécifique consiste en un effort systématique d'identification et de compréhension des rôles et des besoins des hommes et des femmes dans un contexte social donné. Elle a pour objet de permettre de comprendre les mécanismes à l'origine des principaux problèmes et de déterminer les interventions possibles au titre des politiques, programmes et projets.
Elle examine les différences entre femmes et hommes ainsi que les différences parmi les femmes et parmi les hommes. Elle analyse les relations entre femmes et hommes. L'objet est d'identifier les écarts entre les sexes et les inégalités dans les relations entre femmes et hommes.
M. Sene est d'avis que la budgétisation sexospécifique tient compte des différences entre les femmes et les hommes ainsi que des relations entre eux au niveau familial, particulièrement dans la préparation, la présentation et l'exécution du budget.
Elle examine les conséquences de la répartition des recettes et des dépenses sur le cycle de vie des hommes et des femmes, non seulement dans l'immédiat, mais dans le moyen et le long termes.
Elle évalue les implications pour l'emploi, les revenus, les biens de production, l'accès au crédit ainsi que les facteurs qui influent sur les obstacles et opportunités différenciées auxquels sont confrontés les hommes et les hommes.
Quelles sont ces disparités entre les femmes et les hommes? On n'a qu'à penser à l'accès à l'emploi, aux revenus, aux besoins en santé, au partage des responsabilités et des tâches familiales, au cheminement en éducation, à la violence subie, aux besoins en termes d'accès à la justice, au pouvoir, à la représentativité démocratique, à l'indépendance économique. Ce sont tous des domaines dans lesquels la réalité des hommes diffère de celle des femmes.
À titre d'illustration, voici trois exemples. D'abord, les femmes dépendent plus des services gratuits de santé parce qu'elles consultent davantage et elles le font au nom des enfants. Deuxièmement, les femmes ont un cheminement d'emploi différent pouvant influer sur leur revenu à la retraite, notamment parce que leur présence sur le marché du travail est plus sporadique que celle des hommes à cause des maternités, des disponibilités d'emploi et le reste. Et enfin, un troisième exemple : généralement, les femmes vivent plus longtemps que les hommes, avec tout ce que cela représente comme impact en termes de revenus et des soins de santé.
Maintenant que nous savons ce qu'est l'analyse sexospécifique, voyons un peu pourquoi elle est nécessaire dans le processus de budgétisation et de fiscalité de tout bon gouvernement, y compris celui du Canada. La budgétisation, soit les dépenses d'un gouvernement et la fiscalité, c'est-à-dire les revenus et les recettes d'un gouvernement, concrétise les politiques de ce gouvernement.
Au minimum, pour ne pas empirer les disparités entre hommes et femmes, mais idéalement, au mieux, pour résorber ou éliminer ces disparités et aider à une égalité réelle entre femmes et hommes, les budgets doivent donc être sexospécifiques. Et attention, la budgétisation sexospécifique est un outil qui ne défend pas uniquement les femmes. Elle peut aussi aider les hommes en corrigeant des inégalités qui affectent négativement ces hommes, par exemple dans l'inscription aux études postsecondaires, de plus en plus dominée par les femmes.
Plus précisément, quels sont les éléments ciblés par la budgétisation sexospécifique?
(2130)
Il s'agit de politiques concrétisées par le budget et des ressources allouées par le budget. Les ressources sont-elles adéquates pour réaliser l'égalité femme-homme? Les activités financées sont-elles également adaptables aux femmes et aux hommes? Ces activités permettent-elles de réaliser l'égalité femme-homme? Les résultats espérés de ces activités ou des politiques financées sont-ils répartis équitablement entre les femmes et les hommes? Les indicateurs de rendement associés à ces activités ou résultats se distinguent-ils selon le sexe?
De façon plus pratique, voici où appliquer la budgétisation sexospécifique dans le domaine des politiques fiscales : au niveau de l'impôt des personnes et des sociétés, des taxes à la consommation, des déductions consenties, des crédits d'impôt accordés. En effet, il ne faut pas oublier que les politiques actuelles ont une incidence sur la décision de se marier ou non, de rester en couple ou non, de travailler ou non, et à temps plein ou non, d'avoir un enfant ou non, et le reste.
Voici d'autres domaines particuliers où la budgétisation spécifique devrait intervenir : l'accès à la justice, un droit qui ne devrait pas appartenir qu'aux seuls riches; l'équité salariale, alors que les femmes gagnent toujours moins que les hommes pour un travail d'égale importance; la loi et l'ordre, pour limiter et davantage criminaliser la violence contre les femmes, mais aussi pour tenir compte, par exemple, des spécificités des femmes emprisonnées, comme les mères qui doivent voir leurs enfants.
Comme je vous le disais plus tôt, honorables sénateurs, la budgétisation sexospécifique n'est pas un nouveau concept. Cette approche a été lancée à la troisième Conférence des Nations Unies sur les femmes, à Nairobi, en 1985, et elle s'est solidement implantée après la quatrième Conférence des Nations Unies sur les femmes, à Beijing, en 1995.
[Traduction]
Honorables sénateurs, l'Australie a été le premier pays à mettre en application un budget de genre, en 1984. Jusqu'en 1996, tous les ordres de gouvernement du pays ont dû examiner les répercussions de leur budget sur les femmes. En 1995, l'Afrique du Sud a lancé, en collaboration avec des ONG, des parlementaires et de nombreux chercheurs, une initiative concernant le budget relatif aux femmes.
Depuis 1995, plus de 60 pays à l'échelle mondiale ont présenté des budgets de genre. Ce fut le cas, en Europe, de la Belgique, de l'Irlande, du Royaume-Uni, de la Norvège, de la Suède et du Pays basque espagnol. En Afrique, le Kenya, le Nigeria, l'Afrique du Sud, le Maroc, la Tanzanie, l'Ouganda et le Zimbabwe ont fait de même. En Asie, l'Inde et les Philippines ont présenté des budgets de genre, tandis qu'au Moyen-Orient, Israël est un bon exemple à citer. En Amérique, le Chili, les États-Unis et le Mexique ont présenté des budgets de genre. En outre, le dépôt du budget, en Australie, aux États-Unis et au Royaume-Uni, va de pair avec le dépôt de documents budgétaires d'appui.
Néanmoins, honorables sénateurs, sachez bien que les initiatives budgétaires sexospécifiques ne sont pas toutes lancées par des gouvernements. Certaines ONG ont de telles initiatives, qui se présentent en général sous la forme de budgets parallèles. On peut citer notamment le Forum for Women in Democracy en Ouganda, le Gender Networking Programme en Tanzanie, le Gender Institute for Democracy, Leadership and Development au Mozambique, l'American Institute for Women's Policy Research aux États-Unis et le Women's Budget Group au Royaume-Uni.
Outre les gouvernements et les ONG, certaines organisations internationales disposent aussi de budgets sexospécifiques. Je pense au fonds UNIFEM des Nations Unies, à l'International Association for Feminist Economics, au Secrétariat pour les pays du Commonwealth, au European Women's Lobby, au Conseil nordique et à la Banque mondiale.
Et qu'en est-il du Canada?
[Français]
Bien que l'égalité femme-homme soit reconnue au Canada par les articles 15 et 28 de la Charte canadienne des droits et libertés, par l'article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne et par le paragraphe 35(4) de la Loi constitutionnelle de 1982 (pour les femmes autochtones), ces droits ne sont pas suffisamment concrétisés dans les gestes fédéraux. En effet, permettez-moi de vous rappeler deux choses, soit premièrement, que l'égalité sur papier ne se traduit pas toujours par une égalité dans les faits, et deuxièmement, que le concept d'égalité homme-femme ne signifie pas toujours qu'il faille poser des gestes identiques pour les femmes et les hommes.
J'attire aussi votre attention sur le fait que l'article 2 de la Convention des Nations Unies pour l'élimination de toute discrimination à l'endroit des femmes interdit la discrimination directe et indirecte à l'égard des femmes.
L'article 3 de la CEDEF, convention que le Canada a ratifiée en 1981, stipule que les femmes ont droit à l'égalité aussi bien formelle qu'effective. Et l'article 7 de la CEDEF appelle les États signataires à prendre des mesures pour éliminer la discrimination dans la vie politique et publique, garantissant aux femmes un droit égal et de prendre part à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique de l'État, comme participer au processus de prise de décision budgétaire.
En 1993, la Ligne internationale des femmes pour la paix et la liberté a publié son Canadian Women's Budget, comparant les dépenses sociales et les dépenses militaires de notre pays et recommandant de meilleures priorités au gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral libéral du premier ministre Jean Chrétien, qui venait alors de prendre le pouvoir, a écouté et, en 1995, dans la perspective de la quatrième Conférence des Nations Unies sur les femmes de Beijing, le gouvernement Chrétien a préparé un document de politique intitulé À l'aube du XXIe siècle : Plan fédéral pour l'égalité des sexes.
Ce document recommandait notamment l'exécution d'analyses sexospécifiques dans tous les ministères et organismes fédéraux. En 1999, Condition féminine Canada s'est doté d'une Direction de l'analyse comparative entre les sexes. Ce qui infirme l'assertion du leader du gouvernement au Sénat du 8 mars dernier, selon laquelle l'analyse sexospécifique est une création de l'actuel gouvernement conservateur. Par ailleurs, en février 2000, Condition féminine Canada publiait un guide intitulé Budgets et égalité des sexes : un aperçu, prouvant, encore une fois, que l'analyse sexospécifique existait déjà bien avant la première élection de l'actuel gouvernement.
Mais ces premiers efforts n'ont pas dû suffire puisque, en avril 2005, le Comité permanent de la Condition féminine de l'autre Chambre a publié un rapport intitulé L'analyse comparative entre les sexes : les fondements de la réussite, dans lequel il recommandait l'instauration d'une analyse sexospécifique dans le cadre budgétaire. Des efforts ont-ils été plus fournis suite à l'arrivée du gouvernement conservateur actuel en 2006?
Il est permis d'en douter puisqu'au printemps 2009, la vérificatrice générale du Canada a déposé un rapport sur les analyses sexospécifiques, dans lequel elle concluait qu'« aucune politique applicable à l'ensemble de l'administration fédérale n'exige que des analyses sexospécifiques soient effectuées ». La vérificatrice générale avait étudié les pratiques de sept ministères en la matière, pour se rendre compte que les analyses sexospécifiques étaient très rarement effectuées, et qu'elles étaient très peu prises en compte dans l'élaboration de politiques ministérielles.
Faut-il donc croire qu'une simple politique ne suffit pas et que le Canada, comme la Belgique, aurait plutôt besoin d'une loi sur une approche intégrée de l'égalité femme-homme?
Cette loi, plus contraignante qu'une simple politique qui semble pour l'instant faire défaut au Canada, serait-elle à elle seule suffisante pour imposer la pratique d'analyses sexospécifiques au sein de l'appareil fédéral, pour intégrer le principe d'égalité au niveau national et pour intégrer des mesures visant cette égalité dans les programmes au niveau ministériel ou sectoriel, y compris dans les processus budgétaire et fiscal? Parce que, comme je vous le disais il y a quelques minutes, l'égalité des droits ne mène pas obligatoirement à une égalité de fait.
(2140)
Heureusement, certaines ONG veillent aussi et, depuis 1995, le Centre canadien de politiques alternatives publie chaque année, avant le dépôt du budget fédéral, son Alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral. Cette alternative se veut une stratégie budgétaire qui permettrait de contrôler le déficit, de stimuler la croissance et de favoriser une plus grande égalité et justice sociale. De plus, certaines ONG comparaissant devant le Comité permanent des finances dans le cadre du budget fédéral recourent à des analyses sexospécifiques dans la préparation de leurs présentations.
[Traduction]
Son Honneur le Président : Êtes-vous d'accord pour accorder au sénateur cinq minutes de plus?
Des voix : D'accord.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool : Madame le leader nous disait l'autre jour que le gouvernement fédéral effectue des analyses sexospécifiques dans la préparation du budget. Mais que fait le gouvernement fédéral exactement? Et comment le fait-il?
Pour pratiquer une budgétisation sexospécifiques, il faut un ingrédient de base incontournable : des données fiables différenciées entre hommes et femmes. Ces données résultent notamment de l'analyse des avantages de la prestation des services publics, de l'incidence des avantages des dépenses publiques, des dépenses publiques par secteur, des estimations budgétaires et de l'incidence du budget sur l'emploi du temps.
Il faut des interrogations constantes sur les programmes, compressions ou politiques actuels. Est-ce que ces programmes, compressions ou politiques encouragent la pleine participation et l'égalité des hommes et des femmes? Est-ce que leurs conséquences discriminent contre les hommes ou les femmes? Ces interrogations doivent être effectuées, non pas par des spécialistes de l'égalité, mais par les mêmes personnes qui préparent les politiques et les budgets et qui auront été formées et sensibilisées aux enjeux.
Ces interrogations doivent se faire avec l'appui de la société civile, des syndicats, des médias, des chercheurs et des parlementaires, qui auront eux aussi été formés et sensibilisés. Les parlementaires que nous sommes peuvent notamment intervenir pendant les consultations pré-budgétaires des comités pertinents, et pendant l'étude en comité des prévisions et des postes budgétaires et des rapports de rendement.
Je résume donc les étapes de la budgétisation sexospécifique : une compréhension des enjeux affectant différemment les femmes et les hommes; l'inventaire des politiques et des programmes actuels et envisagés; la formulation d'objectifs précis basés sur des données fiables et exhaustives; l'identification des problèmes sexospécifiques actuels ou prévus; la mise en œuvre de correctifs, soit en évitant ou en éliminant les impacts négatifs, y compris au moyen de ressources financières supplémentaires, soit en compensant ces impacts par un programme ou une activité connexe.
Il y a au moins un aspect de tout ce que je viens de dire qui est en œuvre déjà au Canada, et c'est au chapitre de la formation et de la sensibilisation.
Condition féminine Canada offre, depuis le début des années 2000, des modules de formation sur l'analyse sexospécifique, qui portent sur les évaluations préliminaires des impacts, les résultats désirables, les besoins en recherche d'appoint, la logistique des consultations requises, l'élaboration et la présentation d'options de politiques, les stratégies de communications, la conception des programmes en fonction des options, la prestation des programmes, et l'évaluation de ces programmes.
Ni l'information ni la formation ne semblent donc manquer. Mais sont-elles utiles? Pas vraiment, selon la vérificatrice générale du Canada. Il y a donc lieu de s'atteler à la tâche et vite. Car la budgétisation sexospécifique ne peut être qu'un plus économique et politique pour le gouvernement fédéral, surtout s'il se veut efficace.
En effet, en imposant ce qui revient à une étude d'impact sur le genre pour toute politique ou tout programme fédéral, les conséquences de ces derniers seront mieux connus, et les programmes ou politiques, mieux ciblés et avec un meilleur rendement, ce qui, en situation de déficit budgétaire majeur, ne peut être qu'une bonne chose.
[Traduction]
L'honorable Pamela Wallin : J'aimerais qu'on ajourne le débat sur cette interpellation à mon nom.
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, puis-je poser une question?
Des voix : Non.
Le sénateur Wallin : Le temps est écoulé.
Son Honneur le Président suppléant : Il nous reste 50 secondes. Oui, nous avons le temps pour une partie de la question.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, j'ai travaillé quatre ans avec la ministre de l'ACDI. Pouvez-vous me confirmer que nous exigeons que les programmes que nous offrons à l'échelle internationale dans les pays en développement répondent à des critères sexospécifiques?
Le sénateur Losier-Cool : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. La plupart des pays ont déjà des programmes d'analyse sexospécifique. Cependant, je ne crois pas que l'ACDI l'exige. Elle peut l'exiger, peut-être, mais, si nous avions au Canada l'analyse sexospécifique dans une loi, tous nos programmes et notre aide au développement devraient refléter cette analyse.
Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, on l'exige dans les pays en voie de développement, mais on ne le fait pas chez nous.
(Sur la motion du sénateur Wallin, le débat est ajourné.)
[Traduction]
L'Agence des services frontaliers du Canada
Interpellation—Ajournement du débat
L'honorable Wilfred P. Moore, ayant donné avis le 10 mars 2011 :
Qu'il attirera l'attention du Sénat sur l'Agence des services frontaliers du Canada, son fonctionnement et sa surveillance.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui afin d'entreprendre une étude sur le fonctionnement de l'Agence des services frontaliers du Canada et de déterminer s'il est nécessaire d'établir pour celle-ci un organisme de surveillance indépendant.
L'Agence des services frontaliers du Canada a été créée le 12 décembre 2003 par le projet de loi C-26, Loi constituant l'Agence des services frontaliers du Canada. Sa création découlait de grands bouleversements. En effet, à ce moment, et c'est encore le cas aujourd'hui, l'attention du monde entier était axée sur la sécurité des pays et de leurs citoyens à la suite des attaques perpétrées contre les États-Unis le 11 septembre 2001 et ailleurs dans le monde par la suite. L'agence a ainsi assumé certaines des responsabilités de Citoyenneté et Immigration Canada, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et de l'Agence des douanes et du revenu du Canada.
La nouvelle agence devenait alors responsable de l'application de 90 lois régissant le commerce et les voyages, en plus de s'occuper de la coordination de la sécurité aux frontières, un changement très important. Le poste de ministre de la Sécurité publique a aussi été créé en 2003, et son titulaire a assumé certaines des responsabilités du Solliciteur général afin de diriger le nouveau ministère responsable de la sécurité intérieure, Sécurité publique Canada.
Aujourd'hui, l'agence compte un président, sept vice-présidents et huit directeurs régionaux. Ce n'est pas tout : elle compte également plus de 12 000 employés. L'agence mène ses activités dans 1 200 points de service, 119 postes frontaliers, 3 ports de mer, 3 centres de traitement par la poste et 4 centres de détention. Elle est réellement devenue une organisation de très grande envergure.
L'Agence des services frontaliers du Canada relève du ministère de la Sécurité publique et est un élément important de la structure du renseignement de sécurité au Canada.
Actuellement, au Canada, trois organismes œuvrant dans le domaine de la sécurité sont soumis à une surveillance indépendante : la Gendarmerie royale du Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, et le Centre de la sécurité des télécommunications.
La GRC est surveillée par la Commission des plaintes du public contre la GRC, qui a été créée en 1988. Celle-ci est un organisme civil indépendant qui fait enquête sur les plaintes et qui remet des rapports au Parlement par l'intermédiaire du ministre de la Sécurité publique. Nous attendons présentement que des changements soient apportés à la commission pour permettre une meilleure surveillance civile de la GRC. Nous voulons voir quelle forme prendront les changements apportés à la commission.
Les activités du SCRS sont surveillées par le Bureau de l'inspecteur général du Service canadien du renseignement de sécurité, qui est nommé par le Cabinet et relève du sous-ministre de la Sécurité publique. L'inspecteur a pour mission :
[...] d'examiner les activités opérationnelles, de s'assurer de leur conformité aux politiques applicables en la matière et d'évaluer les rapports fournis par le directeur du SCRS au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
De plus, un autre organisme indépendant s'occupe de surveiller le SCRS. Il s'agit du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, qui remet un rapport au Parlement chaque année par l'intermédiaire du ministre de la Sécurité publique. Il peut faire enquête sur les plaintes individuelles contre le SCRS.
(2150)
Le Centre de la sécurité des télécommunications a été créé en 1946, afin d'offrir :
[...] deux services essentiels au gouvernement du Canada. Il fournit un service de renseignement électromagnétique à l'appui des politiques étrangères et de la défense, ainsi qu'un service de protection des renseignements et des communications électroniques.
En 1996, le Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications a été créé avec le mandat d'enquêter sur les plaintes contre le Centre de la sécurité des télécommunications et de vérifier si le centre respecte les lois canadiennes. Le commissaire présente un rapport annuel au Parlement par l'intermédiaire du ministre de la Sécurité publique.
Je dirais que l'Agence des services frontaliers du Canada étant un membre à part entière du secteur canadien de la sécurité devrait être soumise à la même surveillance indépendante que les agences de sécurité mentionnées plus tôt.
Une autre très bonne raison de créer un organisme de surveillance de l'Agence des services frontaliers du Canada, ce sont les discussions sur le « périmètre de sécurité » entre le Canada et les États-Unis. Il n'est pas facile de trouver de l'information permettant de savoir dans quoi les Canadiens s'embarquent avec les États-Unis. Le ministre de la Sécurité publique continue de soutenir que le dossier relève du secret du Cabinet, ce qui veut évidemment dire que les Canadiens n'ont pas le droit de savoir quoi que ce soit au sujet d'un accord qui pourrait bien se répercuter sur notre souveraineté face aux États-Unis.
Le gouvernement nous dit que des consultations auprès des Canadiens ont été entreprises, mais comment les Canadiens pourraient-ils donner leur point de vue puisqu'aucune information sur le périmètre de sécurité qui leur permettrait de se faire une opinion n'est disponible?
Ce dont les Canadiens peuvent être sûrs, c'est que, tout comme le projet de loi C-42, que nous avons récemment étudié ici, il faudra un échange accru d'information entre nos deux pays pour faciliter les mouvements transfrontaliers des personnes et des biens.
Tous ces événements sont inquiétants dans la mesure où l'Agence des services frontaliers du Canada sera vraisemblablement l'organisme responsable du périmètre de sécurité. L'ASFC recueillera sans doute des renseignements sur nos citoyens et les partagera dans une certaine mesure avec les autorités américaines.
Pour se plaindre de la façon dont ils auraient pu être traités par le personnel de l'ASFC, les Canadiens n'auront d'autre recours que d'adresser leurs plaintes à l'ASFC, qui les examinera elle-même. Cette situation est inacceptable, compte tenu du périmètre de sécurité plus large que partagent le Canada et les États-Unis.
Les Canadiens méritent un mécanisme indépendant et responsable pour demander réparation, un mécanisme qui n'existe pas encore.
La situation internationale fournit un certain nombre de bons exemples dont le Canada pourrait s'inspirer pour créer un organisme chargé de surveiller l'ASFC.
Le Royaume-Uni, par exemple, a créé un organisme chargé de surveiller son agence nationale équivalant à notre ASFC, la United Kingdom Border Agency. Le poste d'inspecteur en chef de l'agence des services frontaliers du Royaume-Uni a été créé en 2008. Selon la United Kingdom Border Agency :
Le poste d'inspecteur en chef a été créé pour fournir une évaluation externe et indépendante de l'agence [...] l'inspecteur en chef est indépendant à la fois de l'agence et du Home Office. Il relève directement du secrétaire du Home Office.
En réalité, l'inspecteur en chef ne s'occupe pas directement des plaintes individuelles, mais il examine le processus, notamment en surveillant la façon dont les citoyens peuvent porter plainte auprès de l'agence frontalière. Il s'assure également que la façon dont l'agence frontalière répond à ces plaintes est conforme aux normes établies. Enfin, il fait en sorte que toute modification apportée à l'agence frontalière est une amélioration.
L'inspecteur en chef procède à l'inspection des opérations, des dossiers, des installations et d'autres aspects de l'agence frontalière. Il produit des rapports sur les problèmes relevés. De son côté, l'agence tient régulièrement l'inspecteur en chef au courant de la situation, notamment sur la façon dont elle applique les améliorations suggérées par le bureau de l'inspecteur en chef.
Tous les rapports de l'inspecteur en chef sont publiés en ligne, de même que les réponses de l'agence frontalière.
Les Australiens ont l'ombudsman du Commonwealth qui détient la responsabilité de surveiller :
[...] les mesures administratives prises par les organismes gouvernementaux et les fonctionnaires australiens.
Ce bureau surveille le service australien des douanes et de la sécurité frontalière. L'ombudsman a le pouvoir de lancer des enquêtes en réponse aux plaintes du public; des rapports faisant état de ses constatations sont ensuite publiés et envoyés à l'agence ou à l'organisme en question et au ministre responsable. Si les recommandations sont rejetées par l'agence concernée, l'ombudsman a le pouvoir de présenter le rapport au premier ministre et au Parlement.
L'ombudsman du Commonwealth a présenté un rapport sur l'agence frontalière australienne en 2010, en réponse à de nombreuses plaintes de la part des citoyens; ce rapport a donné lieu à 10 recommandations visant l'amélioration du service offert par l'agence, dont sept ont été adoptées. Six mois après avoir formulé ses recommandations, l'ombudsman fait un rapport de suivi sur leur mise en œuvre.
Si j'ai présenté ces deux exemples de surveillance indépendante, c'est parce qu'ils concernent des pays membres du Commonwealth dotés de parlements de type Westminster. Je pense que nous devrions prendre exemple sur ces deux pays lorsque nous réfléchissons à la création d'un organisme indépendant de surveillance de l'ASFC.
Bien que les plaintes à l'égard des ministères soient loin d'être rares dans les démocraties comme la nôtre, l'ASFC aurait beaucoup à apprendre de la GRC.
La sécurité nationale joue un rôle important dans la politique gouvernementale depuis la réponse de l'Occident aux attentats du 11 septembre, et le Canada a connu autant de succès que d'échecs à cet égard. Les Canadiens sont reconnaissants à tous nos organismes de sécurité de leur excellent travail, travail que nous connaissons, somme toute, très mal.
Malheureusement, comme c'est généralement le cas, on entend seulement parler des erreurs commises. En ce qui nous concerne, ce serait l'affaire Maher Arar qui, en 2002, est arrêté aux États-Unis et expulsé en Syrie, où il est torturé. Il a par la suite été déterminé qu'on a procédé à son arrestation après que la GRC eut communiqué aux Américains des renseignements concernant M. Arar.
En 2004, le gouvernement du Canada forcé de lancer une enquête publique sur ces événements, enquête qui devient par la suite la Commission O'Connor, chargée de la mission suivante :
[...] formuler les recommandations qui lui semblent opportunes sur la création d'un mécanisme d'examen indépendant des activités de la Gendarmerie royale du Canada concernant la sécurité nationale.
En 2006, la Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar signale dans ses conclusions que la GRC :
[...] avait enfreint ses propres politiques en matière de partage de l'information, fourni aux Américains de l'information inexacte sur M. Arar, donné des instructions vagues et trompeuses à ses propres enquêteurs, négligé de superviser comme il se doit sa propre enquête sur M. Arar, refusé d'appuyer les efforts du gouvernement du Canada pour faire libérer de prison M. Arar en Syrie et omis de mentionner des faits lorsqu'elle a informé des hauts fonctionnaires et le Bureau du Conseil privé au sujet de l'enquête sur M. Arar.
Je mentionne cela parce que, selon moi, l'ASFC doit se protéger avec l'aide d'un organisme de surveillance indépendant, car, comme le montrent les situations survenues à la GRC, ces agences de sécurité doivent rendre des comptes à la population canadienne. En réponse à l'enquête O'Connor, le gouvernement du Canada a déclaré ce qui suit :
Il est essentiel d'effectuer un examen efficace et efficient des activités liées à la sécurité nationale pour veiller à ce qu'elles soient menées de manière appropriée et en conformité avec la loi et qu'elles inspirent la confiance du public.
La meilleure façon d'y arriver n'est-elle pas d'assurer la surveillance indépendante de l'ASFC? Nous avons constaté à quel point l'autosurveillance comportait des lacunes. Je pense que, grâce à une surveillance indépendante, on pourrait prévenir des événements malheureux comme ceux qu'a connus la GRC.
Cette opinion est loin d'être dénuée de tout fondement. Au moyen de demandes d'accès à l'information, le Toronto Star a appris que 1 428 plaintes avaient été déposées contre l'ASFC en 2008-2009, contre 1 600 l'année précédente. Lorsqu'elle gère le cas des citoyens canadiens et américains à la frontière, ainsi que de citoyens d'autres pays aux points d'entrée, l'ASFC doit être perçue comme étant garante de l'objectif du gouvernement qui consiste à :
[...] veiller à ce que les activités liées à la sécurité nationale soient menées de manière appropriée et en conformité avec la loi et qu'elles inspirent la confiance du public.
La confiance du public ne peut découler que d'un organisme indépendant, chargé de surveiller l'ASFC, ainsi que de protéger celle-ci et les gens qu'elle sert.
Il pourrait être instructif que je parle de certains cas impliquant des visiteurs innocents au Canada ou des Canadiens de retour au pays, ce qui, je crois, démontre clairement la nécessité d'un mécanisme de surveillance civile de l'ASFC.
Permettez-moi de commencer par présenter en détail le cas d'un navigateur américain âgé qui a accosté seul à Canso, en Nouvelle-Écosse, le 1er juillet 2010. Lorsqu'il a appris que ce port historique n'était pas pourvu d'un bureau de douane — ou d'un bureau de l'immigration —, il a communiqué avec la GRC. Je dois souligner que le port de Canso n'est pas pourvu d'un bureau de l'ASFC. Si vous y arrivez par voie maritime, vous pouvez téléphoner à l'ASFC afin qu'elle procède à une inspection durant les heures ouvrables de la fonction publique, soit du lundi au vendredi, de 8 à 16 heures.
(2200)
Malgré tout le battage entourant la sécurité à la frontière, c'est un cas très courant dans tous les ports et les anses qui longent la Nouvelle-Écosse. Un membre de la GRC est venu sur les lieux et a contrôlé les pièces d'identité et le yacht du visiteur. Après avoir constaté que tout était en ordre, l'agent de la GRC a demandé au maître à bord de s'enregistrer auprès de l'Agence des services frontaliers du Canada une fois arrivé à Halifax. L'homme passait par Lunenburg, où sa fille et sa famille devaient lui rendre visite. À son arrivée à Halifax, quelques jours plus tard, l'homme s'est enregistré auprès de l'ASFC, et c'est à ce moment que son cauchemar a commencé.
Honorables sénateurs, comme le capitaine du yacht n'était pas arrivé au bon port, des gardes-frontières armés ont chambardé sa vie. À la recherche de produits de contrebande, ils ont confisqué son bateau et l'ont mis sens dessus dessous, jetant par-dessus bord la nourriture, les provisions, les pièces de rechange et l'équipement et détruisant une unité de réfrigération coûteuse. Le chef de bord a dit à Dan Leger, directeur des nouvelles du Chronicle Herald, à Halifax, que c'était comme si des vandales s'étaient introduits dans son bateau et l'avaient saccagé.
Le plus navrant, ce sont les gestes non professionnels d'intimidation dont l'homme a fait l'objet. Lorsqu'il a protesté, on lui a hurlé après et on l'a malmené. Les agents l'ont accusé de fréquenter des criminels à Vancouver, un port qu'il n'avait jamais visité. Ils l'ont traité à maintes reprises de menteur et ils ont menacé de le faire emprisonner. De plus, ils lui ont dit qu'il n'avait aucun droit et qu'ils pouvaient faire de lui ce qui leur plaisait.
Les agents n'ont trouvé aucun article de contrebande, mais ils ont exigé qu'il paie 1 000 $ d'amende pour avoir accosté dans le mauvais port. Ils lui ont donné 24 heures pour l'acquitter, sans quoi il devrait payer une amende de 30 000 $. Ils lui ont dit qu'ils avaient inscrit son nom dans une base de données et qu'il ferait l'objet de soupçons partout où il irait.
Honorables sénateurs, M. Leger a rencontré le vieux marin le lendemain matin. Celui-ci était encore profondément ébranlé et en état de choc. Il a quitté le Canada aussi rapidement que le vent le lui permettait. Il avait déjà annulé son séjour à Lunenburg en famille. Il a même dit : « Je ne reviendrai jamais ici aussi longtemps que je vivrai. Je n'avais pas la moindre idée que le Canada était devenu aussi hostile. »
Cet homme a traversé de nombreuses frontières dans le monde entier. Il juge que le traitement que lui a fait subir l'ASFC était brutal et illégal. Il a donc porté l'affaire devant les tribunaux, contestant l'amende et se plaignant d'avoir été victime de harcèlement. Surtout, il a dénoncé les menaces qu'ont proférées les agents frontaliers de l'inscrire sur la liste des personnes suspectes.
Dans une lettre en date du 14 décembre 2010, la Direction des recours de l'ASFC aurait reconnu l'appel du capitaine, mais elle a laissé entendre que cet appel n'irait pas bien loin. Elle a confirmé qu'il était sur sa liste de surveillance. Je dirais que peu de personnes au Sénat et ailleurs connaissent la Direction des recours et savent en quoi consiste son rôle. On dit ce qui suit dans la lettre :
Quand il y a violation de la Loi sur les douanes, la politique de l'agence est de conserver le dossier pendant une période de six ans après la date de saisie. On pourrait vous faire subir des inspections secondaires de routine à votre entrée au Canada.
Cette déclaration peut sembler terne et bureaucratique, mais avec le climat de paranoïa qui règne actuellement à nos frontières, elle pourrait avoir une signification beaucoup plus sinistre.
Son Honneur le Président suppléant : Je dois malheureusement informer le sénateur que son temps de parole est écoulé. Demande-t-il du temps supplémentaire?
Le sénateur Moore : J'aimerais avoir cinq minutes de plus, s'il vous plaît.
Son Honneur le Président suppléant : Plaît-il aux honorables sénateurs d'accorder cinq minutes supplémentaires au sénateur?
Le sénateur Plett : Oui.
Le sénateur Moore : Merci, sénateur Plett.
Honorables sénateurs, qui sait à quelles autres fins ces bases de données top secrètes sont utilisées? Comment fait-on la distinction entre un plaisancier indiscipliné et une personne soupçonnée de terrorisme?
L'ASFC admet n'avoir trouvé « aucune marchandise prohibée ». Par conséquent, on pourrait penser qu'elle n'avait aucune raison de soupçonner cet homme d'être un criminel ou d'être une menace pour la sécurité. Certes, il aurait dû suivre les règles à la lettre. Quoiqu'il en soit, il a contacté la GRC à son arrivée à Canso et il a suivi les instructions et il a contacté l'Agence des services frontaliers du Canada à son arrivée à Halifax. À mon avis, cela montre qu'il a agi de manière honnête et respectueuse, comme on pourrait s'y attendre de la part de tout visiteur au Canada.
Toutefois, est-ce que le traitement qu'on lui a réservé était juste et est-il approprié que l'agence ait joué à la fois le rôle de la police, de l'enquêteur, du procureur, du juge et de la cour d'appel?
Je félicite M. Leger d'avoir signalé ce déplorable incident.
Je le répète. Contrairement à la police et aux agences de sécurité fédérales, l'ASFC n'est pas sous surveillance civile. C'est inacceptable, car aucune agence ne devrait avoir le pouvoir de faire des fouilles, de détenir, d'arrêter, d'inculper et de punir quelqu'un sans être assujettie à une forme de surveillance. Les gens ne devraient pas être qualifiés de suspects sur le simple coup de tête d'un garde-frontière.
Il y a également eu de nombreux autres incidents touchant des plaignants qui ont écrit à l'agence au sujet de leurs plaintes. Il est question de ces incidents dans les documents qui ont été divulgués par l'agence en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Je n'ai pas le temps d'aborder ces incidents de façon détaillée, mais je peux confirmer à mes collègues qu'ils ne sont guère plus agréables que l'incident vécu par notre gentil plaisancier américain.
Je sais pertinemment que, chaque jour, des milliers de personnes franchissent sans encombre les frontières, que ce soit à Halifax ou ailleurs au Canada. Cela dit, un seul incident au cours duquel une personne se fait intimider et est traitée de façon cavalière est déjà un incident de trop. Je répète donc ce que j'ai dit plus tôt : aucune agence ne devrait avoir le pouvoir de faire des fouilles, de détenir, d'arrêter, d'inculper et de punir quelqu'un sans être assujettie à une forme de surveillance. Les gens ne devraient pas être qualifiés de suspects sur le simple coup de tête d'un garde-frontière.
Il est essentiel de trouver le juste équilibre. Après tout, l'objectif n'est pas d'assurer la sûreté et la sécurité de notre pays en bafouant les droits de la personne. Nous sommes censés protéger nos droits et libertés contre les terroristes. Or, nous ne pouvons pas lutter efficacement contre le terrorisme en suspendant ces droits et libertés et en commettant des abus de l'égard des citoyens.
Je crois que nous pouvons faire deux choses en même temps, c'est-à-dire protéger nos citoyens et leurs droits, tout en luttant contre le terrorisme. C'est notre capacité de le faire qui nous distingue des terroristes.
Les appels devraient être entendus par un organisme indépendant qui fait preuve de transparence et qui a le pouvoir d'ordonner des recours. Il s'agit là d'un principe démocratique simple qui vise l'ensemble du territoire canadien, y compris la frontière. Il est grand temps de créer un organisme civil indépendant qui supervisera l'Agence des services frontaliers du Canada.
J'espère que mes collègues donneront leur opinion à ce sujet afin que nous puissions faire du Canada un pays meilleur et plus sûr.
L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, j'aimerais donner mon opinion à un autre moment. Par conséquent, j'ajourne le débat à mon nom.
(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)
(Le Sénat s'ajourne au mercredi 23 mars 2011, à 13 h 30.)