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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 97

Le mercredi 23 mars 2011
L'honorable Noël A. Kinsella, Président



LE SÉNAT

Le mercredi 23 mars 2011

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

La sanction royale

Avis

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 23 mars 2011

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable David Johnston, Gouverneur général du Canada, se rendra à la Chambre du Sénat, aujourd'hui, le 23 mars 2011, à 15 heures, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Stephen Wallace

L'honorable
        Président du Sénat
            Ottawa


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'Ordre de la Pléiade

Félicitations aux récipiendaires

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, j'attire aujourd'hui votre attention sur la cérémonie de remise des insignes de l'Ordre de la Pléiade qui s'est déroulée ici, sur la Colline du Parlement, lundi soir, le 21 mars.

L'Ordre de la Pléiade, créé en 1976 par l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, honore les personnes qui ont particulièrement bien servi les idéaux de coopération et d'amitié de la Francophonie internationale.

Cette année, 15 Canadiens ont été décorés de l'Ordre de la Pléiade, dont quatre fiers représentants de l'Acadie du Nouveau-Brunswick, que je veux remercier sincèrement pour leur contribution à la vitalité de mon Acadie que j'aime tant.

Déjà Chevalier de l'Ordre depuis quelques années, la très célèbre Antonine Maillet a été promue au grade d'Officier. Auteure et dramaturge réputée, seule Canadienne récipiendaire du prestigieux prix Goncourt, l'honorable Antonine Maillet est, entre autres, la créatrice de l'inoubliable Sagouine. Je suis fière de la féliciter de ce nouvel honneur dans sa longue carrière.

J'offre toutes mes félicitations également à l'honorable Herménégilde Chiasson, précédent lieutenant-gouverneur de ma province, le Nouveau-Brunswick, mais qui, surtout, est artiste pluridisciplinaire prolifique et respecté, qui combine un égal talent comme écrivain, dramaturge, cinéaste et peintre. Je le félicite très chaleureusement, au nom de notre Acadie, d'avoir été décoré du grade de Chevalier de l'Ordre de la Pléiade.

Autre Acadienne de l'Atlantique nommée Chevalier de l'Ordre, Françoise Enguehard préside la Société nationale de l'Acadie. Cette Française d'origine de Saint-Pierre et Miquelon qui habite maintenant St. John's, à Terre-Neuve, est également auteure, en plus d'œuvrer dans le secteur des communications. Ses efforts pour la défense de la langue française et de la culture francophone en Acadie et au Canada méritent toute notre admiration.

Dernier Acadien de la cuvée 2011 de l'Ordre la Pléiade, l'historien et nouveau Chevalier Robert Pichette a connu une longue et riche carrière de journaliste et de complice de Louis J. Robichaud, l'ancien premier ministre de ma province et ancien sénateur qui a tant fait pour la cause de notre Acadie. Robert Pichette a, pour sa part, grandement contribué à la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick et à la cause des langues officielles en général.

J'applaudis chaudement ces quatre fiers Acadiens. J'offre également toutes mes félicitations aux 11 autres lauréats de l'Ordre de la Pléiade, dont la juge en chef de la Cour suprême, Mme Beverley McLachlin.

Je félicite également l'organisatrice et hôtesse de la cérémonie, la présidente de la section canadienne de l'APF, mon honorable collègue, le sénateur Champagne, qui a été tout simplement parfaite.

[Traduction]

Le décès de William Lennox Rowe
Le décès de William Maurice Lee
Le décès de Noel Villeneuve

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, les avis de décès publiés dans les journaux contiennent une bonne part de notre histoire, notamment de l'histoire politique et parlementaire du Canada. Une trop grande part de cette histoire fait déjà partie du passé de bien de gens âgés parmi nous qui, comme moi, n'ont plus besoin de se faire rappeler l'inexorable passage du temps.

Trois avis qui sont parus hier font un tel rappel aux personnes qui ont mon âge ou qui en approchent. William Lennox Rowe, mort à l'âge de 88 ans, était un ancien membre de l'Aviation canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale, un homme d'affaires prospère et un sportif accompli, notamment dans le domaine des courses attelées en Ontario. Pendant de nombreuses années, il a également participé activement aux activités du Parti progressiste-conservateur. Il prenait part aux activités du bureau national du parti à Ottawa même avant les années où Diefenbaker était au pouvoir. La littérature politique de l'époque, dont les mémoires de Dalton Camp intitulés Gentlemen, Players and Politicians, relate d'ailleurs le rôle qu'il y a joué.

Il était le frère de Jean Casselman Wadds, qui a été députée, haut-commissaire du Canada au Royaume-Uni et membre d'une commission royale. Leur père, l'honorable Earl Rowe, a été ministre conservateur dans les années 1930 et, plus tard, lieutenant-gouverneur de l'Ontario.

(1340)

William M. Lee, âgé de 86 ans, un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale lui aussi, a été une personnalité libérale marquante sur la Colline du Parlement pendant plusieurs décennies. Il a pris de l'importance sur la scène nationale quand il est devenu chef de cabinet de l'honorable Paul Hellyer, ministre de la Défense nationale dans le gouvernement Pearson. Les liens d'amitié et les relations de Bill Lee transcendaient les limites de son propre parti et il déployait des efforts au-delà de la scène politique. En effet, il accordait son appui sans compter à toute une série d'organismes communautaires et de bienfaisance au sein desquels il faisait preuve d'un grand leadership.

Enfin, je note avec un mélange tristesse et de nostalgie faite de nombreux bons souvenirs le décès de Noel Villeneuve, qui avait 89 ans. Pendant plusieurs années, il a été directeur adjoint de notre restaurant parlementaire. On se souvient de lui comme d'un homme aimable qui incarnait les bonnes manières, les normes de qualité et l'hospitalité qui ont toujours défini cet endroit. Don Boudria, avant d'accepter un autre emploi sur la Colline, a été l'un des préposés aux tables qui ont travaillé sous ses ordres.

Ces trois personnes, dont la notice nécrologique est parue hier dans les médias, faisaient autrefois partie de la grande famille parlementaire et politique d'Ottawa. Je ne voudrais pas que leur disparition passe inaperçue sur la Colline, où des générations ont profité de leurs bons services.

Le décès du Dr Nairn Knott

L'honorable Yonah Martin : Honorables sénateurs, j'interviens pour rendre hommage à un authentique héro canadien, le Dr Nairn Knott, qui est né à Nanaimo, en Colombie-Britannique, le 14 novembre 1920. Le 13 mars 2011, il s'est éteint doucement, entouré de sa famille qui l'aimait — ses enfants Janet, Buz et Lyall et leurs conjoints et conjointes George Hungerford, Wendi Copeland et Susan; ses petits-enfants Geordie, Michael, Drew et Janie; ses trois petits-enfants; et celle qui aura été son seul amour pendant 68 ans, Jane, née Murdoch — à l'hôpital général de Vancouver, là-même où il avait été un des médecins titulaires pendant 42 ans.

Le Dr Knott avait une excellente réputation en tant que médecin et sa manière de parler aux patients était légendaire, ainsi que ses visites matinales à ses patients à l'hôpital. Il faisait preuve d'une grande compassion et de beaucoup de compréhension dans son métier. Il a été au service des autres tout au long de sa vie.

[Français]

Il avait décidé à un jeune âge qu'il voulait être médecin. Il a obtenu son diplôme de l'Université de Columbia et a complété ses études au New York Medical College. Il s'est engagé dans le corps médical de la marine américaine en 1942 et, après avoir terminé son entraînement médical, il a servi dans le Pacifique, où il a été décoré pour son rôle dans la libération de Hong Kong et des Philippines. De plus, il a reçu la médaille Battle Star pour sa participation à la guerre contre le Japon.

[Traduction]

En août 1945, le Dr Knott était membre du commandement allié qui a accepté la reddition des forces de la marine impériale japonaise. En 1948, il a repris le service actif dans la marine afin de se spécialiser en médecine interne.

Il est impossible de faire la biographie complète de quelqu'un dans une brève déclaration. Je ne ferai qu'effleurer l'illustre carrière médicale ou militaire qu'a connue le Dr Knott ou le rôle de leader qu'il a joué au sein de nombreuses organisations.

[Français]

Il était membre du Parti conservateur depuis plusieurs années; il a encouragé sa famille, y compris son plus jeune fils, Lyall, à en devenir membre aussi. J'ai eu l'honneur de rencontrer le docteur Nairn Knott pour la première fois à l'automne 2010 avec Lyall. J'ai rencontré Lyall en politique et je l'avais seulement connu à titre d'éminent conservateur en Colombie-Britannique.

[Traduction]

L'été dernier, chez le sénateur St. Germain, Lyall et moi avons discuté de la motion visant à ce que le Sénat « reconnaisse et appuie, chaque année, le 27 juillet comme étant la Journée nationale des anciens combattants de la guerre de Corée », qui a été adoptée à l'unanimité le 8 juin 2010. Le père de Lyall, le Dr Knott, compte parmi les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale qui ont également répondu à l'appel de leur pays pour servir lors de la guerre de Corée. Comme d'autres anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale possédant les connaissances, les compétences et les nerfs d'acier que seule l'expérience sur le terrain peut donner, le Dr Knott a apporté profondeur et force à l'action militaire des forces alliées.

Quelques mois plus tard, Lyall m'a invité chez ses parents. Je me souviendrai toujours du Dr Knott, un héros canadien, qui a également contribué à la montée fulgurante de la République de Corée vers la prospérité économique et qui a aidé à sauver des millions de gens de descendance coréenne et à assurer leur réussite, dont la mienne. Nous devons notre vie au Dr Knott et à tous les anciens combattants de la guerre de Corée.

En 1950, lorsque la guerre a éclaté dans la péninsule coréenne, il s'est porté volontaire pour aller en Corée. Le Dr Knott a quitté sa maison, sa pratique, sa famille...

Son Honneur le Président : J'ai le regret d'informer madame le sénateur que le temps de parole dont elle disposait à la période des déclarations de sénateurs est écoulé.

Terre-Neuve-et-Labrador

Le soixante-deuxième anniversaire de l'entrée dans la Confédération

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Honorables sénateurs, on a cru pendant des siècles que l'île de Terre-Neuve avait été découverte en 1497 par Jean Cabot. Toutefois, l'histoire a été réécrite au cours du dernier siècle. En effet, des explorations archéologiques nous ont permis de découvrir que des peuples autochtones vivaient à Terre-Neuve-et-Labrador il y a entre 7 000 et 9 000 ans.

De plus, en 1960, un explorateur norvégien et sa femme archéologue ont déterminé que les tertres et les monticules de L'Anse Aux Meadows, qui se situe à la pointe septentrionale de Terre-Neuve, sont les restes d'un village scandinave datant de 1 000 ans.

Honorables sénateurs, Terre-Neuve-et-Labrador a une histoire riche et une culture unique. Beaucoup de personnes ont exploré Terre-Neuve dans les temps anciens. On peut trouver les noms de Leif Ericsson, Jean Cabot, Sebastian Cabot, Corte Real, Jacques Cartier, sir Humphrey Gilbert, ainsi que du capitaine James Cook dans les livres d'histoire de la province.

Au fil des siècles, la Grande-Bretagne, la France, l'Espagne et le Portugal ont profité de la richesse des pêches de Terre-Neuve.

Au début des années 1930, on met en place une commission royale pour examiner l'histoire politique et économique de Terre-Neuve. Elle recommande qu'une commission de gouvernement gouverne Terre-Neuve. En 1934, Terre-Neuve renonce volontairement à son droit à l'autonomie gouvernementale. La Commission de gouvernement reste en place à Terre-Neuve pendant 16 ans, à savoir jusqu'en 1949.

Dès le XVIIIe siècle, on commence à discuter de la possibilité que Terre-Neuve se joigne au Canada. Malgré les relations étroites que Terre-Neuve entretient avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, le premier référendum sur l'union avec le Canada a lieu le 3 juin 1948. Les votes en faveur de la Confédération sont insuffisants.

Le deuxième référendum sur l'union avec le Canada a lieu le 22 juillet 1948. Les résultats sont les suivants : 78 000 votes en faveur de la Confédération et 71 000 votes en faveur d'un gouvernement responsable.

On discute encore dans la province des résultats serrés du vote, 52 p. 100 en faveur de la Confédération et 48 p. 100 contre.

Les conditions de l'union sont approuvées par la Chambre des communes le 16 février 1949 et par le Sénat du Canada, le 17 février 1949. Le Parlement britannique approuve la loi habilitante le 23 mars 1949. Le 31 mars 1949, Terre-Neuve-et-Labrador devient la dixième province du Canada.

Honorables sénateurs, jeudi prochain, le 31 mars, nous célébrerons le 62e anniversaire de l'entrée dans la Confédération canadienne de Terre-Neuve-et-Labrador. Veuillez vous joindre à moi pour souligner cette occasion historique.

[Français]

Les langues officielles en Atlantique

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, j'attire votre attention aujourd'hui sur une pétition qui circule depuis quelques jours. Les signataires dénoncent la décision de Service Canada de désigner l'Atlantique comme région administrative unilingue anglophone. Plus de 5 800 personnes ont signé cette pétition jusqu'à présent. Une jeune dame acadienne, native de Village Chiasson, dans la péninsule acadienne au Nouveau-Brunswick, a lancé cette pétition le 15 mars 2011 avec pour objectif de recueillir 5 000 signatures. Cet objectif a été rapidement atteint et même dépassé en seulement quelques jours. C'est la jeunesse acadienne et francophone de l'Atlantique, inquiète des conséquences de cette nouvelle désignation administrative de sa région qui s'est vite intéressée au dossier, motivée par le désir de protéger et promouvoir sa langue, le français. L'inquiétude des Acadiens et francophones de l'Atlantique s'est rapidement propagée vers l'Ouest du pays, où plusieurs francophones en situation minoritaire expriment aujourd'hui leur solidarité avec leurs cousins de l'Est.

Cela me fait chaud au cœur de voir à quel point les Acadiens et les francophones du Canada réalisent qu'ils partagent des intérêts communs sur le plan linguistique et comprennent qu'une perte pour l'Acadie est une perte pour tout le Canada français.

Ces milliers de citoyens acadiens, francophones et francophiles ne sont pas seuls dans leur inquiétude. Je tiens à souligner que le Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada, qui représente plus de 19 000 employés de la fonction publique fédérale, a déclaré que la désignation de l'Atlantique en tant que région administrative unilingue anglophone est, et je cite :

[...] un résultat triste mais des plus prévisibles de la décision récente de Service Canada de fusionner les quatre éléments administratifs provinciaux du ministère en une même région;

(1350)

[...] fait du demi-million de francophones des provinces de l'Atlantique des citoyen-ne-s de second ordre.

Honorables sénateurs, les Acadiens, les francophones et les francophiles qui ont signé la pétition dont j'ai fait mention plus tôt, ainsi que le personnel de Service Canada de toute la nouvelle région administrative de l'Atlantique, appuient fermement le droit des francophones de recevoir des services publics dans leur langue.

[Traduction]

Le Mois de sensibilisation à l'arthrite juvénile

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, un adulte sur six souffre d'arthrite au Canada. L'arthrite est la cause principale de l'invalidité à long terme au pays et coûte plus de 4,4 milliards de dollars par année à l'économie canadienne.

On pense que l'arthrite est une maladie qui ne touche que les personnes âgées. Toutefois, l'arthrite juvénile compte parmi les maladies chroniques infantiles les plus répandues. Elle touche un enfant de moins de 16 ans sur 1 000 au Canada.

Honorables sénateurs, pour aider les Canadiens à mieux comprendre cette maladie, la Société de l'arthrite a désigné le mois de mars comme étant le Mois de sensibilisation à l'arthrite juvénile. En mars, on organisera des activités, des programmes de sensibilisation et des activités de financement partout au pays pour recueillir de l'argent pour financer des services et des travaux de recherche. Ces activités de financement serviront à soutenir des programmes et des services d'éducation et des projets de recherche afin d'aider à trouver de meilleurs traitements pour l'arthrite.

Dans ma province, la division de la Société de l'arthrite de l'Île-du-Prince-Édouard tiendra sa campagne annuelle « Go Blue and Give Too! » destinée aux écoles et aux entreprises. On encourage les gens à porter du bleu — une chemise bleue, des chaussettes bleues, voire des chaussures en daim bleu — en guise d'appui à cette journée spéciale.

Alex Compton, de Summerside, dont l'arthrite juvénile est heureusement en rémission, a convaincu son école de faire en sorte que le mois de mars au complet soit « bleu » afin d'amasser 2 000 $ au profit de la Société de l'arthrite de l'Île-du-Prince-Édouard. Une de ses enseignantes, qui souffre elle-même d'arthrite rhumatoïde, s'est même engagée à se teindre les cheveux en bleu si Alex tient son pari. Je souhaite à tous ceux qui participeront à la campagne « Go Blue and Give Too! » la meilleure des chances dans l'atteinte de leurs objectifs.

Honorables sénateurs, on ignore ce qui cause l'arthrite, mais le milieu scientifique a réalisé des progrès à cet égard. Au cours des dernières années, on a découvert des thérapies de plus en plus efficaces. Il est possible de gérer la plupart des formes d'arthrite, ce qui permet à ceux qui en souffrent de vivre confortablement et de contribuer à la société. Toutefois, il est important de continuer à appuyer la recherche sur cette maladie. C'est la seule façon de découvrir de nouveaux traitements, d'améliorer ceux qui existent déjà et d'espérer un jour pouvoir prévenir cette maladie.

Honorables sénateurs, je tiens à féliciter la Société de l'arthrite, toutes ses divisions provinciales et territoriales, ainsi que son personnel et ses bénévoles, qui contribuent au mieux-être de la société. Je leur souhaite la meilleure chance possible dans leurs travaux visant à éliminer l'arthrite juvénile.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le budget de 2011

Dépôt de documents

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le budget de 2011, intitulé La prochaine phase du plan d'action économique du Canada — Des impôts bas pour stimuler la croissance et l'emploi.

[Traduction]

L'étude des questions relatives à l'antiterrorisme

Dépôt du troisième rapport du Comité spécial sur l'antiterrorisme

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, au nom du sénateur Segal et à titre de vice-président du comité, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le troisième rapport du Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme, un rapport intérimaire intitulé Liberté, sécurité et la menace complexe du terrorisme : des défis pour l'avenir.

(Sur la motion du sénateur Joyal, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser la photographie de la cérémonie de la sanction royale

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant article 58(1)i du Règlement, je propose :

Que des photographes et caméras soient autorisés à avoir accès à la salle du Sénat pour photographier et enregistrer sur vidéo la cérémonie de la sanction royale aujourd'hui, d'une manière qui perturbe le moins possible les travaux.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

La Loi sur la gestion des finances publiques

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, étant donné que le budget indique que le gouvernement s'adressera aux marchés pour emprunter au moins 34 milliards de dollars cette année, j'ai l'honneur de présenter le projet de loi S-229, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (emprunts de fonds).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Murray, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale que le Règlement du Sénat du Canada stipule qu'on ne doit pas apporter de dispositif électronique produisant des sons dans cette enceinte.

Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis

Dépôt du rapport concernant l'assemblée annuelle de la Southern Governors' Association, tenue du 27 au 30 août 2010

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la 76e assemblée annuelle de la Southern Governors' Association, tenue à Birmingham, en Alabama, aux États-Unis, du 27 au 30 août 2010.

[Français]

Le budget de 2011

Avis d'interpellation

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis, au nom du gouvernement, que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur le budget intitulé Des impôts bas pour stimuler la croissance et l'emploi, déposé à la Chambre des communes le 22 mars 2011 par le ministre des Finances, l'honorable James M. Flaherty, C.P., député, et au Sénat le 23 mars 2011.

La Libye

Avis d'interpellation

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis, au nom du gouvernement, que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur l'utilisation déplorable de la violence par le régime libyen contre la population libyenne, ainsi que les gestes posés par le gouvernement canadien, de concert avec nos alliés, nos partenaires et les Nations Unies, afin de promouvoir et d'appuyer la Résolution 1973 du Conseil de la Sécurité des Nations Unies.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

Le budget de 2011

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le budget déposé hier montre encore une fois que le gouvernement est déconnecté de la population canadienne et qu'il refuse encore et toujours de jouer franc jeu avec les Canadiens en ce qui concerne les dépenses prévues. Le budget ne fait aucunement mention de certaines dépenses très importantes du gouvernement, comme les dizaines de milliards de dollars qu'il entend consacrer à l'achat d'avions de chasse et à la construction de nouvelles prisons. Il n'y est pas non plus question des allégements fiscaux consentis aux entreprises.

Selon le directeur parlementaire du budget, à eux seuls, les avions de chasse furtifs coûteront 30 milliards de dollars, ce qui représente 1 000 $ par Canadien, homme, femme ou enfant. Aujourd'hui, le directeur parlementaire du budget, dont le poste a été établi par le gouvernement conservateur, a publié un deuxième rapport, dans lequel il indique qu'il continue de s'en tenir à l'estimation qu'il a publiée, laquelle a été contredite par le gouvernement.

(1400)

Le premier ministre est déconnecté de la population canadienne. Croit-il réellement que les Canadiens préfèrent qu'il dépense 30 milliards de dollars pour acheter des avions de chasse au lieu d'investir dans les soins de santé ou la garde des enfants?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je vous remercie, sénateur Cowan. Il est évident que le directeur parlementaire du budget dispose de données qu'il croit exactes. Le gouvernement croit lui aussi qu'il a présenté des données exactes à la Chambre des communes.

Je rappelle au sénateur que le marché visant les avions de chasse est un engagement de longue durée. Il vise à remplacer les CF-18, des appareils qui sont essentiels, comme le prouve la situation en Libye.

La réponse courte à la question du sénateur est que le but du gouvernement est de stimuler l'emploi et la croissance économique, et non de gaspiller 300 millions de dollars de fonds publics pour des élections inutiles et ainsi priver, entre autres, les aînés et les pompiers volontaires des prestations qu'ils toucheraient si le budget était adopté.

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, madame le leader soulève la question des aînés. Il fut un temps où elle était la ministre responsable des aînés. Le gouvernement conservateur a dépensé plus en un seul jour pour le G20 que ce qu'il dépenserait, en vertu du budget déposé hier, en une année entière pour les aînés.

Des voix : C'est une honte!

Le sénateur Cowan : Le gouvernement dépenserait mille fois plus pour des avions de chasse que pour les étudiants de niveau postsecondaire et mille fois plus pour bâtir des prisons que pour les programmes de prévention de la criminalité chez les jeunes, sans rien dépenser pour les logements à prix abordable ou la garde d'enfants. Le gouvernement actuel a abandonné les familles et les aînés canadiens.

Quand le gouvernement commencera-t-il à prendre des mesures et à tenir compte des priorités des Canadiens?

Le sénateur LeBreton : Premièrement, il faut vraiment que le sénateur arrête de demander à Scott Brison de rédiger ses questions.

Tous les gouvernements ont des programmes, notamment pour la défense nationale, et il va de soi qu'il y a des coûts associés à la tenue d'une conférence internationale.

Le gouvernement se concentre d'abord et avant tout sur l'économie. Nous espérons toujours que l'opposition revienne à la raison et appuie le budget, lequel contient des mesures qu'elle réclame depuis des années. Notre but est de maintenir un faible taux d'imposition et de ne pas donner suite aux demandes de hausses massives d'impôt. Nous ferons des investissements ciblés pour stimuler l'emploi et l'économie.

J'ai effectivement été ministre d'État aux Aînés et je suis fière du bilan du gouvernement dans ce dossier. D'ailleurs, puisque le sénateur a soulevé la question, je profite de l'occasion pour faire un survol de ce bilan.

La prochaine phase du Plan d'action économique du Canada prévoit de nouvelles mesures budgétaires pour améliorer la qualité de vie des aînés du Canada et leur offrir de meilleures possibilités. Elle s'appuie sur les résultats des mesures que le gouvernement a déjà mises en œuvre pour aider les aînés, mesures que je vais passer en revue de ce pas.

Le Plan d'action économique du Canada a majoré de 1 000 $, pour la deuxième fois, le crédit en raison de l'âge, ce qui procure des économies d'impôt à 2,2 millions d'aînés. Le Plan d'action économique s'appuie sur les allégements fiscaux précédents. En 2006, nous avons augmenté de 1 000 $ le crédit en raison de l'âge; en 2007, nous avons autorisé le fractionnement du revenu de pension. Nous avons fait passer de 69 à 71 ans l'âge limite pour la conversion des régimes de pension et des REER. Nous avons fait passer de 500 $ à 3 500 $ le revenu pouvant être gagné avant que le SRG soit réduit, ce qui a aidé 1,6 million d'aînés. Les personnes âgées reçoivent près de 37 milliards de dollars par année grâce à la Sécurité de la vieillesse et au SRG. Nous avons fait passer en sorte que le renouvellement du SRG soit automatique. Ainsi, les aînés admissibles qui remplissent une déclaration de revenus n'ont plus à présenter une demande chaque année. Nous investissons 400 millions de dollars dans le logement abordable pour les aînés à faible revenu. Nous avons haussé le financement de l'Initiative ciblée pour les travailleurs âgés.

En 2007, quand j'étais ministre des Aînés, nous avons créé le Conseil national des aînés. Nous avons réalisé une campagne nationale de sensibilisation au très grave problème de la violence envers les aînés et nous avons accru le financement du programme Nouveaux Horizons pour les aînés.

Maintenant, avec le dernier budget, nous augmentons les prestations du SRG de 600 $ pour les célibataires et de 800 $ pour les couples, et nous augmenterons de nouveau, cette fois de 10 millions de dollars, le financement du programme Nouveaux Horizons pour les aînés.

Le sénateur Cowan : Je suis heureux d'avoir donné la chance à madame le leader de parler du bilan de son gouvernement. J'aimerais poser une autre question complémentaire concernant un autre aspect du bilan du gouvernement.

Le Président de l'autre endroit a rendu trois décisions contre le gouvernement Harper. Il a constaté des manquements concernant les droits fondamentaux du Parlement. Le gouvernement est sur le point de devenir le premier gouvernement de l'histoire du Canada, et peut-être de tout le Commonwealth britannique, à être reconnu coupable d'outrage au Parlement.

Des voix : C'est honteux!

Le sénateur Cowan : Le premier ministre Harper a fermé deux fois le Parlement, dont une fois pour éviter un vote de défiance. On a fait appel deux fois à la GRC, au cours d'une même semaine, pour qu'elle fasse enquête sur deux anciens membres du personnel des conservateurs. L'un d'eux était un très proche conseiller du premier ministre et même, durant un certain temps, le chef intérimaire du cabinet du premier ministre. Par ailleurs, quatre personnes faisant partie de la garde rapprochée du premier ministre risquent des peines de prison pour fraude électorale.

Le premier ministre a fait preuve de mépris à l'égard des Canadiens et de la démocratie parlementaire. Il n'a pas tenu ses promesses aux Canadiens. Compte tenu de tout ce qui est arrivé, pourquoi les Canadiens devraient-il croire quoi que ce soit de ce que le gouvernement dira au cours des six prochaines semaines?

Le sénateur LeBreton : D'abord, j'invite le sénateur à tenir ces propos à l'extérieur.

Seuls ceux qui suivent ce qui se passe au Parlement sauraient que, dans le cas du supposé « outrage au Parlement », notre gouvernement a déposé tous les documents conformément à la décision du Président. Nous n'y pouvons rien si l'information que nous rendons publique n'est jamais suffisante aux yeux de l'opposition. Au comité, la semaine dernière, les témoins, dont l'ancien greffier du Conseil privé, ont livré un témoignage éloquent en faveur de la position du gouvernement.

Comme le sait le sénateur, peu importe ce qu'ont dit les témoins ou la teneur des témoignages, il était entendu d'avance que, dans un gouvernement minoritaire, le gouvernement étant minoritaire au sein des comités, l'opposition aurait rédigé ce rapport indépendamment de ce qu'ont dit les témoins.

Pendant que j'ai la parole, je dois dire que, en près de 50 années de vie parlementaire, je n'ai jamais vu une femme — ni qui que ce soit, y compris un ministre — être traitée comme l'a été ma collègue, la ministre Oda.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Tkachuk : C'est une honte! La coalition dépasse les bornes!

Le sénateur LeBreton : Je disais même que, si un conservateur avait fait ces commentaires au sujet d'un ministre libéral, on nous aurait accusés de misogynie et traités de racistes.

Des voix : Bravo!

L'honorable Jane Cordy : Il est honteux que le gouvernement actuel considère la démocratie comme une nuisance.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Cordy : Honorables sénateurs, après avoir pris connaissance du budget de 2011 du gouvernement, je vois clairement comment M. Harper compte payer les réductions d'impôt accordées aux entreprises, les prisons à l'américaine et les contrats sans appel d'offres pour les avions chasseurs F-35.

Des voix : Oh, oh!

Des voix : À l'ordre!

Le sénateur Cordy : Il compte financer le programme déconnecté de la réalité de son parti en sabrant les services offerts dans les provinces de l'Atlantique, en fermant des bureaux de Service Canada dans les localités de ces provinces et en réduisant de millions de dollars les fonds destinés à Marine Atlantic, à l'APECA et au ministère des Pêches et des Océans, sans compter qu'il ne prévoit rien pour la porte de l'Atlantique. C'est ce que les Canadiens des provinces de l'Atlantique ont pu constater dans le budget présenté hier.

Des voix : C'est honteux!

Le sénateur Cordy : Quelles sont les priorités du gouvernement pour les provinces de l'Atlantique?

(1410)

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, de toute évidence, ils n'ont pas lu le budget.

Si les sénateurs veulent un exemple d'outrage au Parlement, ils n'ont qu'à se reporter à hier. Lorsque le ministre des Finances a pris la parole pour présenter le budget, aucun chef des partis de l'opposition n'était présent à la Chambre.

Le sénateur Tkachuk : Quel outrage au Parlement!

Le sénateur LeBreton : En ce qui a trait à la porte de l'Atlantique, comme je l'ai dit récemment, le gouvernement estime que le Canada atlantique est dans une position idéale pour jouer un rôle essentiel dans l'économie canadienne. Nos représentants ont tenu des réunions fructueuses avec nos partenaires provinciaux et sont ravis d'annoncer la Stratégie sur la porte et le corridor de commerce de l'Atlantique. D'importantes annonces de financement stratégique pour améliorer des projets d'infrastructure clés ont récemment été faites dans le Canada atlantique et nous attendons impatiemment l'occasion de poursuivre sur cette lancée.

Le gouvernement met en œuvre un plan d'action économique qui continue de stimuler la croissance économique, de créer des emplois et de soutenir les familles canadiennes. Il prend des mesures pour mettre à profit l'énorme potentiel du Canada atlantique et de tous ceux qui habitent et chérissent ce coin de pays.

Nous savons que le parti d'en face préférerait augmenter les dépenses imprudemment, hausser les taxes et les impôts et causer la perte d'emplois, non seulement au Canada atlantique mais également dans tout le pays.

Le sénateur Mitchell : Comment osez-vous dire cela! C'est un mensonge!

Une voix : Prenez garde.

Le sénateur Tkachuk : Surveillez votre langage! Vous commettez un outrage.

Une voix : C'est un outrage.

Le sénateur Tkachuk : Dites-le à voix haute! Prenez la parole et dites-le devant le Président.

Le sénateur LeBreton : Une fois de plus, j'exhorte le sénateur à faire entendre raison à ses collègues de l'autre endroit.

Soit dit en passant, je n'ai jamais vu un budget accueilli aussi positivement.

Le sénateur Stewart Olsen : Bravo!

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur LeBreton : Permettez-moi de citer quelques exemples : l'organisme Environmental Defence — je pourrais citer ses réactions, mais je m'en abstiendrai pour le moment...

Le sénateur Dawson : Oh, oh!

Le sénateur LeBreton : Votre imagination est aussi large que vous l'êtes, sénateur Mitchell, ou quiconque a dit cela.

Une voix : Voilà toute une insulte dans son cas.

Le sénateur LeBreton : Oh, c'était le sénateur Dawson. Ils se ressemblent tous.

Le sénateur Tkachuk : Vous avez la même voix que le sénateur Mitchell, sénateur Dawson.

Le sénateur LeBreton : Je continue. Les Producteurs de grains du Canada, la Canadian Cattlemen's Association, la Coalition canadienne des aidantes et aidants naturels, la College Student Alliance, l'Association des universités et collèges, le Conseil des universités de l'Ontario, la Chambre de commerce du Canada, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la chambre de commerce de Toronto...

Une voix : Encore, encore!

Le sénateur LeBreton : Notons en particulier l'association pour la recherche sur les troubles neurologiques et leur traitement, l'Association des produits forestiers du Canada, la Fédération canadienne des municipalités, l'Association canadienne des métiers du bâtiment, pour ne nommer que quelques organismes.

Je me ferai un plaisir de donner lecture de la liste au complet si le sénateur le désire.

Le sénateur Tkachuk : Relisez-la.

Son Honneur le Président : À l'ordre!

Honorables sénateurs, le Président a de la difficulté à entendre. Le sénateur Cordy a la parole.

Le sénateur Cordy : Je rappelle au leader du gouvernement au Sénat qu'il n'existe encore aucun plan stratégique pour la porte de l'Atlantique, même si ce plan aurait dû entrer en vigueur il y déjà plus d'un an et demi. J'ai posé des questions à ce sujet à maintes reprises. Premièrement, le ministre a été changé. Cela fait longtemps. Il n'y a encore aucun plan stratégique pour la porte de l'Atlantique.

Le plan budgétaire fait 352 pages. Le Canada atlantique, sous une forme ou une autre, est mentionné cinq fois au total. Sur ces cinq occurrences, quatre concernent les compressions budgétaires à l'APECA. Quatre de ces cinq mentions du Canada atlantique concernent des coupes dans les programmes de l'APECA. L'APECA contribue depuis longtemps au développement économique du Canada atlantique. Pourtant, dans le budget, des millions de dollars sont retirés à cet organisme.

Madame le leader voudrait-elle bien nous dire encore une fois pourquoi le Canada atlantique est systématiquement lésé par le gouvernement conservateur?

Le sénateur LeBreton : Le sénateur utilise la même tactique que le sénateur Callbeck a utilisée hier concernant les prétendues compressions en agriculture.

Certains fonds ont été alloués spécifiquement sous forme de mesures de stimulation économique pour s'ajouter au budget général de l'APECA. Il n'y a eu aucune coupe. Le financement a simplement été ramené à son niveau normal.

Le sénateur Cordy n'a pas entendu ma réponse à sa première question. Je la répéterai plus lentement. Le gouvernement croit que la région de l'Atlantique est dans une position unique pour jouer un rôle essentiel dans l'économie canadienne. Nos fonctionnaires ont eu des rencontres fructueuses avec nos partenaires provinciaux et ils sont heureux d'annoncer la Stratégie sur la porte et le corridor de commerce de l'Atlantique — « ont été » heureux d'annoncer, passé composé. D'importantes annonces de financement stratégique ont aussi été faites récemment un peu partout dans le Canada atlantique en vue d'accroître le nombre de projets d'infrastructure clés, annonces dont je fournirai volontiers copie au sénateur. Nous nous réjouissons à la perspective de faire d'autres annonces dans l'avenir.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cordy : J'ai entendu ce que madame le leader a dit, mais j'ai du mal à le croire. Je la prierais de présenter la stratégie sur la porte de l'Atlantique. Je lui pose de nouveau la question : est-elle en train de dire aux sénateurs que le financement accordé à l'APECA dans le budget n'a pas été réduit?

Le sénateur LeBreton : Je serai heureuse de présenter une réponse écrite à la dernière question du sénateur.

[Français]

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Comme vous le savez, votre gouvernement a « généreusement » octroyé le statut de société distincte à la province de Québec, le 27 novembre 2006. Cela dit, je n'ai pas besoin de vous rappeler l'énorme contribution que les Québécois et les Québécoises ont faite sur les scènes culturelles nationale et internationale.

Je peux vous citer l'exemple d'écrivains québécois comme Arlette Cousture, auteure du roman à succès Les filles de Caleb, vendu à plus de 300 000 exemplaires dans plusieurs pays du monde, ainsi que Yann Martel, gagnant du prix Man Booker et « libraire officiel » du premier ministre. On peut penser à des artistes musicaux comme Arcade Fire et Céline Dion, sans oublier nos créateurs cinématographiques, comme Denys Arcand et Denis Villeneuve, qui ont recueilli des dizaines de prix et des nominations à de nombreux festivals de films internationaux. Pensons aussi au fabuleux Xavier Dolan, récompensé au prestigieux Festival de Cannes.

Le Québec est certes, à notre avis, le moteur culturel du continent nord-américain. Il offre au monde entier une panoplie de produits culturels uniques, qui bénéficient dans cette province d'une exemption de taxe.

Précisons que les Québécois paient leurs produits culturels en moyenne 25 p. 100 plus cher qu'ailleurs au Canada puisque ces produits sont offerts sur un marché plus petit que le marché anglophone, soit 330 millions pour une partie du continent contre 8 millions.

L'Ontario s'est vu octroyer récemment quelques milliards de dollars pour la TPS. Le gouvernement libéral précédent avait donné près d'un milliard de dollars aux provinces de l'Atlantique, et la Colombie-Britannique a reçu une contribution très importante à ce titre. Le Québec, pour sa part, attendait dans le dernier budget une contribution de 2,2 milliards de dollars en guise de compensation pour la TPS/TVQ qu'il collecte, décision prise sous un gouvernement libéral antérieur. Le refus d'octroyer cette somme de 2 milliards de dollars alimente le cynisme chez le Bloc québécois et le Québec : d'une part, on reconnaît que le Québec est une société distincte et, d'autre part, on ne lui accorde aucune subvention pour la TPS, qui s'applique à des produits culturels.

Puisque le gouvernement du Québec nous affirme que ce sont les produits culturels qui sont visés, la ministre peut-elle nous dire quelles sont les raisons profondes du blocage de ces 2,2 milliards de dollars, alors que les Québécois et les Québécoises paient 25 p. 100 de plus pour leurs produits culturels?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Je suis contente que madame le sénateur ait signalé que cela dure depuis 20 ans. Après cela, on va nous rendre responsables des 15 années d'inaction des libéraux pendant qu'ils étaient au pouvoir.

(1420)

Comme le sait le sénateur, et le ministre des Finances l'a déclaré à plusieurs reprises, il a eu des discussions très utiles et fructueuses avec le gouvernement du Québec. Ces discussions se sont déroulées sous le signe de la bonne foi, même si certains points restent à régler.

Les collègues du sénateur à l'autre endroit ne devraient pas retarder ces discussions productives en imposant la tenue d'élections inutiles aux Canadiens et aux Québécois.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Il s'agit d'une question de justice envers le Québec. Il s'agit d'équité envers les Québécois. Le ministre Raymond Bachand négocie de bonne foi avec votre gouvernement depuis des années. Vous avez octroyé à l'Ontario et à la Colombie-Britannique des milliards de dollars en compensation. Le gouvernement du Québec applique une taxe harmonisée au Québec depuis près de 10 ans, donc il ne s'agit pas d'entreprendre un nouveau système.

Hier, le Journal de Québec rapportait que le ministre conservateur Denis Lebel s'attendait à ce que les deux parties en viennent à une entente. Je ne sais pas combien de temps il faudra au gouvernement pour comprendre que le Québec est une société distincte. Le ministre Lebel a dit ceci :

Je souhaite qu'il y ait un règlement qui fasse l'affaire des deux parties. J'espère qu'il y aura un règlement dans les prochains mois et dans les prochaines semaines.

On se pose des questions. Comment nos ministres du Québec nous représentent-ils au sein du Cabinet? Quand le gouvernement va-t-il comprendre que les Québécois paient des impôts, comme tous les autres Canadiens? Le gouvernement laisse souvent entendre que le Québec reçoit des cadeaux du gouvernement fédéral. Je dois vous dire que, dans ce cas-ci, non seulement nous ne recevons pas de cadeaux, mais nous sommes traités de façon tout à fait injuste.

J'aimerais connaître les points en litige pour que le remboursement soit accordé sur la taxe harmonisée, et que le gouvernement dépose les points en suspens afin que nous puissions l'aider à régler ce litige avec le Québec.

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Après cette longue question, je dirai que nous aussi, tout comme le gouvernement du Québec, négocions de bonne foi. Les discussions se poursuivent.

Le ministre Flaherty a eu des discussions utiles avec le ministre Bachand et les négociations se font de bonne foi. Nous n'allons pas négocier avec le Bloc québécois. Nous négocions avec le gouvernement du Québec. Je le répète, des points restent à régler. J'espère que l'opposition, à l'autre endroit, reprendra ses esprits, appuiera le budget et permettra aux ministres des Finances de poursuivre leur bon travail.

Le sénateur Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, si le leader pouvait nous dire quels sont les points que le gouvernement ne parvient pas à régler avec le Québec, nous pourrions peut-être l'aider.

Le sénateur LeBreton : L'honorable sénateur pourrait peut-être nous aider en nous disant où sont les 40 millions que nous tentons de récupérer de ses collègues québécois.

Des voix : Oh, oh!

Son Honneur le Président : À l'ordre, s'il vous plaît.

L'agriculture et l'agroalimentaire

La recherche et l'innovation en agriculture

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. En répondant à une question du sénateur Cordy, le leader a déclaré hier que je me trompais en donnant à entendre qu'il y avait des compressions dans la recherche en agriculture.

Je demande à notre collègue de jeter un coup d'œil sur le Budget principal des dépenses pour 2011-2012 pour Agriculture et Agroalimentaire, à la page 46, sous la rubrique « sciences, innovation et adoption ». En 2010-2011, le chiffre était de 404,449 millions de dollars, et pour 2011-2012, il est de 252,284 millions de dollars. D'après mes calculs, il s'agit d'une réduction d'environ 150 millions de dollars.

Comment madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle affirmer qu'il n'y a pas eu de coupe?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, comme je l'ai expliqué, des programmes étaient prévus dans le Plan d'action économique et le plan de relance, lorsque nous montrions aux pays du G7 la voie vers la sortie de la crise économique, et des montants précis avaient été accordés en plus des crédits normalement accordés à ces organismes. J'ai déclaré hier que si je suis si convaincue de ce que j'affirme, c'est parce que j'avais demandé l'information. Le sénateur obtiendra une réponse écrite complète.

Le sénateur Callbeck : Je remercie le leader. J'attends la réponse avec impatience. Sa déclaration ne cadre pas du tout avec la façon dont je comprends ces chiffres.

Les finances

Le budget de 2011

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

L'année dernière, le Sénat a adopté à l'unanimité un rapport sur la pauvreté, le logement et l'itinérance. Ce rapport était le fruit d'un effort bipartisan. Il contenait plusieurs recommandations sur le logement. Il recommandait notamment le maintien de l'Initiative en matière de logement abordable, le principal programme dans le cadre duquel de nouveaux logements abordables sont construits pour les gens dans le besoin au Canada. Il était également question du Programme d'aide à la remise en état des logements. Ces deux programmes existent depuis bon nombre d'années. Le Programme d'aide à la remise en état des logements joue un rôle important dans le maintien en état et la rénovation de logements pour les gens à faible revenu et offre également des logements locatifs. Ces deux programmes se termineront à la fin de l'exercice financier. Ils viennent à expiration. Le budget présenté hier ne dit mot sur leur renouvellement ou leur remplacement.

Honorables sénateurs, il y a 4 millions de Canadiens qui ont besoin d'un logement décent et abordable. Que compte faire le gouvernement pour remplacer ces programmes et offrir des logements abordables aux Canadiens à faible revenu?

Le budget vante toutes les réalisations du gouvernement au cours des quatre dernières années. Je vous en prie : ne me les citez pas. J'ai tout lu. Que fera-t-on pour ces gens dorénavant?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Le sénateur a raison. Le budget porte sur des questions d'importance dans l'immédiat. Dans le dossier de l'itinérance et du logement, nous avons tenu notre engagement de cinq ans envers la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance. En novembre, nous en avons annoncé le financement jusqu'en 2014. Nous investissons dans plus de 1 200 projets dont le but est de prévenir et de réduire l'itinérance. Nous avons tenu de vastes consultations à l'échelle nationale et nous nous sommes inspirés de ce que nous ont dit les provinces, les municipalités et les Canadiens afin d'améliorer le financement au-delà de 2011. Ces améliorations répondent aux préoccupations à long terme des intervenants. Nous nous sommes entretenus directement avec les personnes qui œuvrent dans le dossier.

Honorables sénateurs, nous reconnaissons que ce n'est pas qu'un problème urbain. Nous avons ajouté des éléments concernant les régions rurales et éloignées et des éléments concernant la santé mentale et la toxicomanie. Nous avons fait de gros investissements dans le logement abordable, ce qui a contribué à créer des milliers d'emplois. Plus de 12 000 projets sont achevés ou en cours d'achèvement. Nous avons laissé aux provinces et aux territoires toute la latitude qu'ils voulaient. Nous ne leur avons pas dicté quoi faire. Nous sommes bien conscients que les provinces et les territoires se heurtent à des difficultés différentes.

Honorables sénateurs, les provinces et les territoires connaissent leurs besoins particuliers. Nous avons aussi multiplié les mesures de vérification afin de garantir à l'utilisation optimale de l'argent des contribuables alloué au programme pour le logement et les sans-abri.

Le sénateur Eggleton : Honorables sénateurs, la question que j'ai posée au leader portait sur le logement abordable et non sur les sans-abri. C'est un tout autre problème.

Si on ne construit pas d'installations permanentes ou si on ne les rénove pas, on se retrouve avec plus de sans-abri qu'on ne peut loger. Quelle ironie! L'argument du leader est stérile. Il faut s'attaquer à la question du logement abordable.

Dans le rapport, nous avons aussi demandé que soit mise en œuvre une stratégie nationale en matière du logement, idée qui a été adoptée à l'unanimité par cette institution.

Honorables sénateurs, le leader a parlé de création d'emplois et des mesures qui ont été prises. Le plan de relance contenait beaucoup de choses. Ce plan est maintenant arrivé à échéance. Ce que je trouve particulièrement alarmant dans le budget d'hier, c'est que...

Son Honneur le Président : À l'ordre, s'il vous plaît. J'informe les honorables sénateurs que le temps réservé à la période des questions est écoulé.


(1430)

ORDRE DU JOUR

Recours au Règlement

Report de la décision de la présidence

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, je ne suis pas particulièrement heureux d'avoir à faire ceci, mais nous avons tous besoin, de temps à autre, de nous rappeler que le décorum doit être maintenu au Sénat et qu'il y a des limites à ne pas respecter les règles.

À quelques reprises, au cours de la période des questions, le sénateur Mitchell a accusé le sénateur LeBreton de mentir. C'est un comportement qui n'est pas accepté au Sénat. Il est certes compréhensible que, dans le feu de l'action, nous nous laissions parfois emporter et que nous ne respections pas toujours le décorum.

En outre, je me souviens que, il n'y a pas si longtemps, le sénateur Mitchell a accusé le Sénat, du moins soit le personnel, soit notre parti, d'avoir falsifié le hansard, de l'avoir modifié. Je n'ai rien dit à ce moment.

Aujourd'hui, honorables sénateurs, j'ai décidé de protester parce que le Règlement dit bien que, lorsqu'un sénateur emploie un tel langage, il devrait retirer ses paroles et présenter ses excuses. J'espère que le sénateur Mitchell le fera, sinon j'en ferai officiellement une question de privilège.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de répondre aux deux accusations. Premièrement, le leader du gouvernement accuse les libéraux d'avoir augmenté les impôts et d'avoir mal dépensé les deniers publics ou d'avoir trop dépensé. Deuxièmement, on m'accuse d'avoir tenu des propos répréhensibles. Il est normal de s'interroger dans les deux cas, et j'accepte que nous le fassions.

Il s'agit premièrement de la véracité des propos du leader du gouvernement au Sénat concernant le comportement des libéraux lorsqu'ils étaient au pouvoir, comparativement à la fiscalité mise en œuvre par le présent gouvernement.

Deuxièmement, il s'agit de l'emploi du mot...

Une voix : Ça suffit.

Le sénateur Mitchell : C'est lui qui a soulevé la question.

Le sénateur Angus : Vous n'avez absolument pas le droit de tenir ces propos, et vous le savez.

Le sénateur Mitchell : J'ai tout à fait le droit. C'est lui qui a soulevé la question. J'ai le droit de me défendre. Il m'a accusé.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous en prie.

Le Règlement prévoit que, dès lors que l'ordre du jour est appelé, un sénateur peut invoquer le Règlement. Nous entendons actuellement le recours au Règlement du sénateur Di Nino. Celui-ci est d'avis qu'il y a lieu d'invoquer le Règlement. Je dois maintenant entendre les arguments du sénateur Mitchell. Le sénateur Mitchell a la parole.

Le sénateur Mitchell : Je vous remercie, Votre Honneur, et je vous en suis reconnaissant. Je vais répondre aux deux points soulevés, en bonne et due forme, par le whip, le sénateur Di Nino.

Premièrement, est-ce que ce que le leader du gouvernement au Sénat vient de dire est vrai? Autrement dit, est-ce vrai que les libéraux ont augmenté les impôts à tort et à travers, si tant est qu'ils les aient augmentés, et qu'ils n'ont pas géré efficacement les finances publiques, alors que, personnellement, je dirais qu'ils les ont gérées beaucoup plus efficacement — infiniment plus efficacement, en fait — que le gouvernement actuel? Voilà la première question à laquelle je répondrai.

Une fois que j'aurai établi que les propos du leader étaient faux, il me restera la seconde question, à savoir si les mots que j'ai utilisés étaient appropriés et si je pouvais les utiliser en ces murs. Je répondrai à ces deux questions.

Premièrement, voici les faits : le gouvernement conservateur de M. Mulroney, et madame le leader du gouvernement devrait le savoir mieux que quiconque puisqu'elle a fait partie de son Cabinet, a laissé un déficit de 42 milliards de dollars au gouvernement libéral qui lui a succédé. Ce dernier, dirigé par M. Chrétien, puis par M. Martin, a transformé ce déficit en un excédent de 12 milliards de dollars.

Une voix : Oh, oh!

Le sénateur Mitchell : C'est vous qui avez soulevé la question, alors souffrez que je vous donne les détails. Bref, je parlais d'un excédent de 12 milliards de dollars.

Or, voilà que le gouvernement actuel, le gouvernement Harper, comme on doit maintenant le désigner, en a fait à son tour un déficit de 56 milliards de dollars.

Une voix : Combien?

Le sénateur Mitchell : Cinquante-six milliards : comptez par vous-mêmes. Il a pris un excédent de 12 milliards de dollars et en a fait un déficit de 56 milliards, une différence 68 milliards de dollars.

Comment s'y est-il pris? Je vais vous le dire, honorables sénateurs : il a augmenté les dépenses de 80 milliards de dollars en quatre ans. On parle d'une augmentation de 40 p. 100. Il a fait augmenter la dette...

Des voix : Oh, oh.

Le sénateur Mitchell : C'est vous qui avez posé la question; vous l'avez cherché.

Le sénateur Cowan : Votre tour viendra.

Le sénateur Mitchell : C'est bien ce que vous avez demandé.

À l'échéance de son budget de 2015-2016, un budget que le gouvernement n'aura pas l'occasion de présenter, car il est impossible qu'il survive jusque-là, le premier ministre aura ajouté 200 milliards de dollars de plus à la dette. Si nous divisons ce chiffre par le nombre total de Canadiens, nous arrivons à une dette totale de plus de 85 000 $ par citoyen, pour une famille de cinq personnes. Le gouvernement devrait se rappeler de cela avant de commencer à critiquer les gouvernements Chrétien et Martin en prétendant que leur gestion n'était pas financièrement responsable et qu'ils ont augmenté les impôts, ce qu'en réalité ils n'ont pas fait.

Voyons maintenant comment le gouvernement a pu accumuler ce déficit de 56 milliards de dollars. Il a dit qu'il s'agissait d'un train de mesures de stimulation de l'économie, mais, en réalité, ces mesures ne représentaient que 30 milliards de dollars l'année dernière. Par conséquent, les autres dépenses de 26 milliards de dollars ne peuvent s'expliquer que par une mauvaise gestion financière. Comment savons-nous que le gouvernement est incapable de gérer efficacement? Nous le savons parce qu'il n'a pas réussi à nous donner le genre d'information dont nous avons besoin pour évaluer ses mesures législatives en matière de criminalité et pour déterminer ce que coûterait la construction et l'administration des nouvelles prisons. Lorsqu'on est incapable de prévoir un budget pour des dépenses aussi évidentes et coûteuses, comment peut-on gérer un gouvernement d'une façon financièrement responsable?

Bien entendu, ce n'est pas une surprise, car le gouvernement actuel déteste le gouvernement. Si le président de Toyota détestait les voitures, quelle sorte de compagnie serait Toyota? Le premier ministre déteste le gouvernement. Comment pourrait-il donc gérer efficacement un gouvernement?

Cela va-t-il finir un jour? Nous constatons comment les choses se passent actuellement...

Le sénateur Wallin : Veuillez vous asseoir.

Le sénateur Mitchell : Je n'ai pas terminé.

Son Honneur le Président : À l'ordre. Honorables sénateurs, l'article 18(3) du Règlement stipule que :

Lorsque le Président doit se prononcer sur une question de privilège ou sur un rappel au Règlement, il lui appartient de juger si les arguments présentés sont suffisants.

J'en ai suffisamment entendu pour prendre la question en délibéré et je rendrai une décision ultérieurement.

Le sénateur Mitchell : J'invoque le Règlement, Votre Honneur.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Mitchell : J'invoque le Règlement. Je tiens à présenter des excuses. Pour ce faire, j'ai besoin d'un petit instant. J'ai besoin de cinq petites minutes...

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Mitchell : Cinq secondes, alors.

Mon deuxième point est que j'ai effectivement tenu des propos inappropriés et j'en suis désolé. Mon argument était correct, mais mes propos étaient déplacés.

L'Accord atlantique

Dépôt de document

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Puis-je avoir la permission de déposer un document? La question d'actualité aujourd'hui était l'Accord atlantique. J'ai un communiqué intitulé « Le gouvernement du Canada dévoile la Stratégie sur la porte et le corridor du commerce de l'Atlantique », sujet sur lequel portait une question posée par le sénateur Cordy à notre leader. Le sénateur LeBreton a bien fait allusion aux déclarations concernant l'Accord atlantique. Ai-je la permission de déposer le document dans les deux langues officielles?

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée?

Des voix : D'accord.

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suspension du débat

L'honorable Larry W. Smith propose que le projet de loi C-59, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (procédure d'examen expéditif) et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, notre comité a réalisé une étude passionnante et entendu des témoins exceptionnels. Le sénateur Fraser a fait un travail remarquable, en qualité de présidente de notre comité, pendant une longue période. Sans faire de grande déclaration, car je ne suis pas sûr que les grandes déclarations ont la cote aujourd'hui, il est important que les gens prennent en considération ce que l'on tente de faire ici pour créer un nouvel équilibre qui tienne compte de la réalité. J'exhorte tous les sénateurs à appuyer l'adoption de ce projet de loi.

(1440)

Dans la région que je représente, quelque 50 personnes sont directement touchées par ce projet de loi. Il est important de comprendre que, lorsqu'une personne fait du tort à autrui, elle doit en payer le juste prix. Elle doit répondre de ses actes et en assumer la responsabilité.

Enfin, nous considérons que toute personne doit, à certains moments de sa vie, mériter ses droits. La mesure législative qui entrera en vigueur suivant l'adoption de ce projet de loi est équilibrée et garantira que les contrevenants gagnent le droit à une libération conditionnelle.

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, je ne parlerai que brièvement puisqu'un autre sénateur de ce côté-ci parlera du projet de loi.

Je me ferai l'écho des propos de l'auteur de la motion. Lundi, le comité a tenu des audiences sur ce projet de loi pendant 10 heures consécutives, au cours desquelles des sénateurs des deux côtés ont interrogé des témoins.

Le principal point en litige est la constitutionnalité du projet de loi. Le sénateur Joyal a dit que, selon lui, la mesure ne survivrait pas à une contestation constitutionnelle. Les témoignages des représentants de l'Association du Barreau canadien et du Barreau du Québec vont dans le sens de l'opinion du sénateur Joyal. Des professeurs d'universités de la Colombie-Britannique et de la côte Est partagent aussi ce point de vue.

Comme le sénateur l'a mentionné il y a quelques instants, c'était une séance très intéressante. Les avocats et les étudiants qui vont se pencher sur ces délibérations lorsque la constitutionnalité du projet de loi sera examinée vont s'intéresser au débat entre le ministre et le sénateur Joyal, de même qu'à l'échange entre le sénateur Carignan et le représentant de l'Association du Barreau canadien.

Le sénateur Joyal a contre-interrogé l'honorable Vic Toews. M. Toews est le ministre tout désigné pour faire la promotion de cette mesure législative. Il est avocat de profession. Il reste une grande question à éclaircir au sujet du projet de loi, à savoir si l'on peut adopter une mesure rétroactive. Selon l'Association du Barreau canadien et le Barreau du Québec, le projet de loi est rétroactif. Le ministre n'est pas d'accord. Il dit que la mesure s'applique rétrospectivement.

Si l'on jette un coup d'œil aux antécédents de l'honorable Vic Toews, on constate qu'il était le procureur de la poursuite dans la première cause portant sur cette question. Il poursuivait les banques au motif qu'elles n'avaient pas appliqué des dispositions législatives sur le travail. Évidemment, nous souhaitions tous qu'il gagne sa cause.

Le litige portait sur les heures de travail et les conditions salariales des caissiers et des caissières dans les banques à charte. Les banques ont dit que le projet de loi était rétrospectif et, par conséquent, inconstitutionnel. M. Toews a perdu sa cause devant la cour provinciale, mais il l'a portée devant la Cour supérieure où, comme l'a souligné le sénateur Joyal, il a encore perdu. Par conséquent, le sénateur Joyal a demandé au ministre Toews ce qui lui faisait croire, compte tenu qu'il avait perdu cette cause à l'époque, que le résultat serait différent dans le cas de son projet de loi.

N'oublions pas que les personnes qui ont entraîné l'élaboration de cette mesure législative sont Vincent Lacroix, Earl Jones et d'autres qui ont été reconnus coupables d'avoir fraudé un grand nombre de personnes et qui se sont vu imposer une peine. En vertu du projet de loi, les conditions de la libération conditionnelle vont changer.

L'autre discussion intéressante était celle du sénateur Carignan et du représentant du Barreau. Ce dernier a dit que les conditions de la libération conditionnelle et le moment de celle-ci font partie de la peine.

Comme les sénateurs le savent, l'alinéa 11i) de la Charte canadienne des droits et libertés dit que, si une loi est modifiée entre le moment où une personne est reconnue coupable et celui de la sentence, la peine la moins sévère s'applique. Le sénateur Carignan voulait savoir comment la libération conditionnelle pouvait faire partie de la peine imposée au moment du prononcé de la sentence. Le représentant du Barreau a évidemment dit exactement le contraire.

La discussion était fascinante. De plus, elle touche tous les projets de loi que le Sénat a adoptés au cours des deux ou trois dernières années. À titre d'exemple, nous avons récemment adopté la Loi sur la lutte contre les crimes violents, dont les tribunaux du Canada sont toujours saisis.

Je renvoie les sénateurs à la décision R. c. Randouwa, de la Cour de justice de l'Ontario, 2010, Carswell, Ontario, 10426, une décision qui a été rendue il y a trois mois. Le juge y a examiné d'autres affaires qui sont restées coincées dans une cour provinciale en raison de cette question.

Au paragraphe 3 de la décision R v. Jaycox, le juge Morgan, Ji, de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique, explique en détail pourquoi il estime que les modifications apportées à l'article 252.2, le 7 juillet 2008, du fait de l'adoption de la Loi sur la lutte contre les crimes violents, font que l'article est valide. J'essayerai donc de résumer son argumentation.

Comme les sénateurs le savent, la question n'est pas réellement de savoir si des dispositions sont inconstitutionnelles. Des dispositions jugées inconstitutionnelles peuvent toujours s'appliquer si elles répondent aux critères énoncés à l'article 1 de la Constitution. S'il s'agit d'une restriction raisonnable des droits constitutionnels fondamentaux de la société en général, elle peut être justifiée au regard de l'article 1. Les juges de tous les tribunaux du Canada ont discuté de cette question.

Le juge fait référence à la décision que j'ai citée, puis, au paragraphe 5, il en vient à la conclusion que l'article 8 n'est pas justifié par l'article 1 de la Charte. Pour remédier au problème, au paragraphe 6, il interprète en conséquence l'article modifié.

Bref, des dispositions adoptées par le Sénat, même si elles sont jugées inconstitutionnelles, peuvent être déclarées valides en vertu de l'article 1, à défaut de quoi il est toujours possible de les interpréter de façon à les rendre constitutionnelles.

(1450)

Les arguments qui ont été invoqués sont fascinants si on les examine dans le contexte de la déclaration suivante du ministre : « Écoutez, nous savons que ce projet de loi est peut-être inconstitutionnel. » Ce sont ses paroles exactes. Il a aussi dit : « Il s'agit d'une mesure législative rétrospective. Je dois l'admettre. » Toutes ces questions sur la constitutionnalité ont trait à l'intention du Parlement. Quelle était l'intention du gouvernement à cette époque? Les sénateurs peuvent consulter des experts comme Sullivan et Driedger pour connaître leur interprétation des lois, mais cela n'est pas nécessaire dans le cas présent, puisque le ministre a comparu devant le comité et déclaré : « Écoutez, cette mesure législative est rétrospective. Elle s'appliquera aux personnes qui sont déjà en prison et qui présenteront des demandes de libération conditionnelle. » Comme le ministre a admis cela d'entrée de jeu, la question ne se pose même pas.

Honorables sénateurs, je suis désolé de vous entretenir si longtemps. Toutefois, ces 10 heures ont été fascinantes. J'ai assisté à environ 9 heures sur 10.

Les sénateurs pourraient se demander : pourquoi le Sénat n'examine-t-il pas l'article 10 de ce projet de loi et ne tente-t-il pas de l'amender? Honorables sénateurs, je vais vous le dire et je vais expliquer pourquoi je pense que cette question devrait être mise aux voix, comme le demandent des sénateurs d'en face qui souscrivent à la position du gouvernement, ce qui n'est pas mon cas. Pourquoi ne peut-on pas l'amender? Il ne peut pas être amendé parce que le Bureau et le Président de la Chambre des communes ont statué, lorsque le projet de loi était à l'étude à l'autre endroit, que le fait d'amender l'effet rétrospectif de ce projet de loi en violerait le principe même, ce qui est interdit. Honorables sénateurs, je peux comprendre cela, car le gouvernement dit que ce projet de loi a un effet rétrospectif, et les motifs en sont clairement exposés. N'oubliez pas que, lorsque nous avons été saisis de ce projet de loi en 2009, son effet n'était pas rétrospectif. Il ne s'appliquait pas aux cas antérieurs. En fait, il disait carrément l'inverse : il s'appliquerait à partir de sa date de proclamation. Maintenant, le ministre a décidé de changer intentionnellement l'effet de cette mesure législative.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas présenter un amendement au Sénat qui a été jugé irrecevable et qui est contraire aux règles de Beauchesne et d'Erskine May parce que cela irait certainement à l'encontre des principes. Cela créerait le chaos. Une Chambre dirait que c'est permis, et l'autre dirait que ce ne l'est pas. Nous ne pouvons pas nous mettre dans une telle situation.

Honorables sénateurs, je propose que, lorsque les interventions sur le projet de loi seront terminées, nous procédions immédiatement à un vote sur le projet de loi, puis que nous laissions les tribunaux examiner tous les témoignages présentés au comité sénatorial.

Une chose est certaine, honorables sénateurs : le Sénat a bien fait son travail en ce qui concerne le projet de loi.

[Français]

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, j'ai participé à la presque totalité des audiences, d'une durée de 11 heures, concernant le projet de loi C-59. J'ai entendu des témoins extrêmement crédibles. La preuve était au-delà du doute raisonnable. Presque 80 p. 100 des témoins qui ont témoigné devant le comité nous ont dit que le projet de loi C-59 était un projet de loi abominable, une insulte pour notre système judiciaire, qu'il violait tous nos principes de justice naturelle et qu'il s'attaquait surtout à nos citoyens et citoyennes les plus démunis, soit les jeunes et les femmes.

Ce qui me touche le plus, c'est que les femmes autochtones seront les plus touchées, celles qui, dans notre société d'aujourd'hui, sont des victimes de la misère, de la souffrance, de la pauvreté, ainsi que les enfants de ces femmes qui sont en difficulté avec la loi.

Il m'apparaît important de relater les propos de gens que je considère comme étant des spécialistes et qui se sont adressés à nous. Je pense à M. Ivan Zinger, directeur exécutif et avocat général du Bureau de l'enquêteur correctionnel. Il ne s'agit pas de gens qui se sont adressés à nous simplement à partir de leurs impressions ou de leurs préjugés. La première chose qu'ils nous ont dite est que cette loi fera en sorte que, étant donné que, à l'heure actuelle, nous avons dans nos prisons une surreprésentation des Autochtones, ils seront évidemment les plus affectés. Je parle ici des hommes comme des femmes.

Nous savons qu'ils comptent pour 4 p. 100 de la population canadienne et pour 20 p. 100 de l'ensemble de la population carcérale. Aussi, comme ils sont davantage concentrés dans certaines provinces, nous pouvons affirmer qu'il s'agit de beaucoup plus de 20 p. 100 dans certaines d'entre elles.

Nous avons appris également que, concernant là encore les femmes en particulier, les Autochtones sont plus nombreuses dans les établissements fédéraux, et que, pour celles-ci, lorsqu'il s'agit d'obtenir une libération au sixième de la peine, leur taux de libération est beaucoup plus bas.

Une des raisons à cela est la difficulté de réinsertion sociale. C'est la difficulté intrinsèque à la qualité des individus qui n'ont pas grandi avec toutes les mesures qui auraient dû les accompagner dans leur développement.

Parlons de l'avenir. La croissance du nombre de femmes autochtones admises dans les pénitenciers fédéraux, dans les 10 dernières années, a été de l'ordre de 35 p. 100. Ce n'est donc pas un problème qui est en train de se résoudre, mais qui va en s'accentuant.

J'aimerais partager avec vous certaines données. Une autre personne extrêmement compétente, Mme Shelley Trevethan, directrice générale exécutive de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, est venue nous dire que ce projet de loi s'adresse d'abord à un tiers des délinquants, soit ceux qui ont commis une première infraction en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, et s'agit là d'un nombre au-delà de 30 p. 100; 14 p. 100 faisaient partie d'un autre groupe de personnes qui avaient des problèmes de consommation de drogue.

On est déjà à 47 p. 100, presque 50 p. 100. Ensuite, on nous a dit que 7 p. 100 avaient été condamnés pour des complots en vue de commettre un acte criminel; que 7 p. 100 avaient été condamnés pour des vols par effraction; que 4 p. 100 avaient été condamnés pour fraude de plus de 5 000 $; et que 3 p. 100 purgeaient une peine pour vol de 5 000 $ ou moins. La grande majorité — presque les deux tiers — de ces infractions sont des infractions sans violence physique.

Si, demain matin, on devait mettre en prison tous les gens ayant commis des vols par effraction dans notre maison de campagne ou dans notre voiture, je crois qu'il ne s'agirait pas de 5 milliards de dollars, mais plutôt de 10 milliards de dollars qui seraient engagés dans la construction de prisons au Canada.

Il est important de se souvenir de la clientèle qui y est présente. Rappelons-nous : il s'agit d'une condamnation sans violence. J'aimerais également vous relater les opinions d'une autre personne extrêmement compétente, M. Graham Stewart, un expert qui se demande ce qui arrivera par la suite.

Je crois que les honorables sénateurs de l'autre côté devraient être attentifs à cette citation :

[Traduction]

[...] il y a un manque de constance accru en ce qui a trait aux services correctionnels tels que prévus dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et aussi les principes de la mesure la moins restrictive sans élément de preuve pour justifier la nécessité de ce changement. [...]

Il n'y a pas de raison d'apporter des changements.

M. Stewart poursuit en disant ceci :

Cela est injuste. Le fait d'empêcher systématiquement les auteurs de crimes les moins graves de présenter une demande de semi-liberté à leur date d'admissibilité est un problème grave. Nous ne devrions pas surestimer les conséquences d'une pratique aussi clairement injuste pour la population carcérale.

Il a ajouté ceci :

Cela rend les services correctionnels inefficaces. Le fait de priver les détenus les moins violents qui purgent une peine de courte durée de la possibilité de profiter des meilleurs programmes ne constitue pas un service correctionnel efficace.

Plus précisément la libération graduelle surveillée.

Cela peut causer également une plus grande victimisation.

Je fais référence ici surtout aux femmes et aux détenues.

Honorables sénateurs, il est impossible de réduire les taux de récidive des criminels violents, taux qui sont déjà très bas par ailleurs. En effet, dans le système actuel, les taux de récidive sont presque pareils, que les délinquants soient libérés au sixième ou au tiers de leur peine, ce qui signifie que cette pratique n'a donné aucun résultat, si ce n'est criminaliser davantage les jeunes délinquants en leur imposant de plus longues peines d'emprisonnement au lieu de les réadapter. Il ne faut pas être un génie pour comprendre cela.

(1500)

Les témoins ont principalement fait valoir que la somme de 350 millions de dollars que coûteraient à l'État les 1 500 détenus touchés serait mieux investie dans des programmes de réhabilitation.

[Français]

On a reçu des lettres de citoyens. On pourrait penser que ceux qui sont inquiets pour leur sécurité nous disent de laisser ces personnes en prison. Même la représentante des victimes d'Earl Jones, qui s'est présentée devant nous, était horrifiée de savoir qu'il y aurait plus de 1 000 personnes qui demeureraient en prison à cause du cas d'Earl Jones.

Dans le cas de ce dernier, si on en croit le Barreau canadien, le Barreau du Québec et les experts québécois en droit criminel, la rétroactivité ne s'appliquera pas. La seule personne pour laquelle ce projet de loi a été déposé, dans un mariage totalement honteux du Bloc québécois et des conservateurs et avec des visées bassement partisanes, laisse croire que le projet de loi C-59 va prévenir ou punir M. Jones plus longtemps alors qu'on sait que ce projet de loi ne s'appliquera pas à lui.

On se pose alors la question suivante : quel est l'objectif de ce projet de loi? Pourquoi veut-on laisser en prison des personnes qui, demain matin, pourraient commencer à purger une sentence au lendemain du sixième de leur peine?

Je voudrais expliquer à mes collègues que le ministre nous a dit que « they will be out in the street ». On aurait pu croire que le ministre, avec son expertise, savait que...

[Traduction]

...ces personnes ne seront pas libérées. Elles iront dans une maison de transition et seront assujetties à plusieurs conditions, selon le crime commis.

[Français]

Nous avons entendu le témoignage d'une spécialiste, la présidente de la Société Elizabeth Fry, qui nous a expliqué tout le processus. Les agents de probation, les agents correctionnels, les spécialistes, psychologues ou sociologues, ont analysé chacun des cas. On fait rapport sur la capacité de ces personnes d'avoir une libération conditionnelle anticipée après un sixième de la peine.

Ce n'est pas le cas. Personne ne retourne dans la communauté comme cela. C'est la première phase de la réhabilitation d'un individu d'aller chercher dans la communauté de la formation professionnelle, de terminer des études secondaires, de retourner sur le marché du travail, de cesser de fréquenter certaines personnes, et cetera. Les conditions sont adaptées à chacun des individus. Induire la population en erreur en parlant de « out in the street », ce n'est certainement pas une preuve que le ministre est très sérieux.

Ce qui est étrange, c'est qu'aucun spécialiste, d'aucun organisme qui traite avec les prévenus, n'est venu nous dire que ce projet de loi avait du mérite.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs que la séance soit suspendue en attendant l'arrivée de Son Excellence le Gouverneur général?

Des voix : D'accord.

(Le débat est suspendu.)

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)


[Français]

Sanction royale

Son Excellence le Gouverneur général du Canada arrive et prend place au Trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son Président. Il plaît à Son Excellence le Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi suivants :

Loi modifiant la Loi sur la sécurité automobile et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) (Projet de loi S-5, Chapitre 1, 2011)

Loi modifiant le Code criminel et une autre loi (Projet de loi S-6, Chapitre 2, 2011)

Loi modifiant la Loi sur l'inspection de l'électricité et du gaz et la Loi sur les poids et mesures (Projet de loi C-14, Chapitre 3, 2011)

Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet (Projet de loi C-22, Chapitre 4, 2011)

Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale en conséquence (Projet de loi C-48, Chapitre 5, 2011)

Loi modifiant le Code criminel (peines pour fraude) (Projet de loi C-21, Chapitre 6, 2011)

Loi modifiant le Code criminel (Projet de loi C-30, Chapitre 7, 2011)

Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (Projet de loi C-35, Chapitre 8, 2011)

Loi modifiant la Loi sur l'aéronautique (Projet de loi C-42, Chapitre 9, 2011)

Loi prévoyant la prise de mesures restrictives à l'égard des biens de dirigeants et anciens dirigeants d'États étrangers et de ceux des membres de leur famille (Projet de loi C-61, Chapitre 10, 2011)

La Chambre des communes se retire.

Il plaît à Son Excellence le Gouverneur général de se retirer.


(1530)

[Traduction]

(Le Sénat reprend sa séance.)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai le grand honneur et l'immense plaisir d'attirer votre attention sur la présence à la tribune de Son Excellence Sharon Johnston.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'aimerais aussi attirer votre attention sur la présence à la tribune de Son Excellence Teodor Baconschi, ministre des Affaires étrangères de Roumanie.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

La loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith (Saurel), appuyée par l'honorable sénateur Ataullahjan, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-59, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (procédure d'examen expéditif) et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois.

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, j'aimerais revenir à la question des femmes qui seront punies de façon tout à fait inutile. Ces femmes souffrent tellement. On remarque, beaucoup plus chez les femmes que chez les hommes incarcérés, des cas incroyables de mutilation et de tentatives de suicide. Lorsqu'on adopte un projet de loi, il faut en connaître les conséquences.

Dans les prisons, des services devraient être offerts aux personnes en difficulté en vertu de la loi. Ces personnes devraient être capables de s'adapter à la société et revenir progressivement à une vie utile. Or, cela ne se fait certainement pas en prison. La prison n'est pas un endroit pour réhabiliter une personne.

(1540)

Il y a 2,9 p. 100 de récidive. Les chiffres sont minimes. La preuve est faite au-delà de tout doute raisonnable que la libération après un sixième de la peine est une méthode civilisée, une méthode moderne, à tel point que les États-Unis, en particulier l'État de New York, et l'Angleterre suivaient autrefois la méthode de libération à une date ultérieure. Aujourd'hui, ils ont pris l'exemple du Canada, qui est en train d'abolir une technique qui fonctionne très bien.

Je demande donc aux honorables sénateurs de l'autre côté de réfléchir au sort qui sera réservé à plus de 1 000 personnes au Canada à cause d'une loi qui ne servira jamais à punir M. Jones, puisque, de toute façon, il faudra pour cela un jugement de la Cour suprême. Je serais très étonnée que son avocat n'invoque pas l'inconstitutionnalité de cette loi.

Ce projet de loi sera donc inefficace, et, au contraire, fera en sorte que nous punirons des personnes qui devraient être réintégrées dans la société. Au lieu d'avoir une attitude d'œil pour œil, dent pour dent, nous nous devons d'avoir une attitude de pardon et de réconciliation. Plusieurs témoins nous ont parlé d'excellents programmes de réconciliation entre les victimes et les personnes qui ont commis des offenses.

J'exhorte donc tous les honorables sénateurs à ne pas adopter le projet de loi C-59 et, au contraire, de traiter de la question des crimes graves en col blanc en modifiant tout simplement cette loi afin qu'elle s'applique strictement aux crimes en col blanc de plus de 100 000 $, par exemple, et non aux victimes dont on parle présentement.

Un dicton anglais dit « If it ain't broken, don't fix it ». Je pense que si vous comprenez bien l'argument des experts, argument que j'ai essayé de vous résumer au mieux de ma connaissance, vous comprendrez également que ce projet de loi n'accomplira jamais le dessein du gouvernement, et qu'il est plutôt une mesure purement partisane mise sur pied en vue de la campagne électorale.

[Traduction]

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je ferai une brève observation concernant les propos intéressants portant sur ce projet de loi. J'aurais aimé assister à la réunion à laquelle le sénateur Baker a fait allusion plus tôt. Il faut dire que le sénateur Baker réussirait à rendre l'annuaire téléphonique intéressant.

Le sénateur Baker nous a fait part de points importants. Il est dommage que nous ne puissions amender ce projet de loi, étant donné que le ministre en a reconnu l'inconstitutionnalité. Le sénateur Baker nous a expliqué en effet que l'amendement serait contraire au principe du projet de loi. C'est donc le principe du projet de loi en soi qui est inconstitutionnel.

Préparons-nous à entendre les gens de certains milieux pousser les hauts cris contre les lois dites prétoriennes si nous décidons d'adopter ce projet de loi et que les tribunaux statuent que celui-ci est inconstitutionnel, comme les éléments d'information tendent à l'indiquer. En effet les juges auront légiféré parce que le Parlement a fait une erreur. Merci, honorables sénateurs.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, le gouvernement Harper, bien qu'il porte le nom de gouvernement conservateur, est en fait un gouvernement radical. Il a renversé non seulement la façon de faire de la politique dans ce pays, mais aussi la façon d'élaborer les politiques publiques. Le projet de loi C-59 est un autre exemple déplorable de mesure législative fondée sur la basse politique plutôt que sur une politique rationnelle.

Nous nous rappelons tous que M. Harper, lorsqu'il était candidat, avait promis une ère nouvelle d'ouverture, de transparence et de responsabilité. On l'a ensuite vu diriger le gouvernement le plus fermé, le plus opaque et le plus irresponsable que les Canadiens aient jamais connu.

Il a cyniquement présenté la prétendue « Loi sur la responsabilité », qu'il vante encore comme étant une réalisation majeure. Elle n'était, au dire de l'ancien sous-commissaire à l'information, Alan Leadbeater, que « du vent ». M. Leadbeater a par la suite été démis de ses fonctions et expulsé de son bureau, genre de mesure qui caractérise depuis le traitement que le gouvernement Harper réserve à tout fonctionnaire ou chien de garde indépendant qui ose ne pas être d'accord avec le premier ministre.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a fait des observations très clairvoyantes sur la Loi sur la responsabilité et sur la véritable attitude du gouvernement Harper à l'égard de l'ouverture, de la transparence et de la responsabilité. Il a dit ceci :

Le Parti conservateur a fait grand cas de son intention de « contraindre le gouvernement à faire preuve d'ouverture » durant la dernière campagne électorale. Cependant, les nombreuses audiences qu'il a tenues sur le projet de loi C-2 ont permis au Comité de constater que, dès qu'il a pris le pouvoir, « le nouveau gouvernement du Canada »...

celui qui a précédé « le gouvernement Harper »...

...a fait de son mieux pour fermer les écoutilles.

Depuis, les choses sont allées de mal en pis. Le gouvernement refuse de remettre aux parlementaires les documents dont ils ont besoin à titre de représentants des Canadiens qui les ont élus. Le Président de l'autre endroit a à trois reprises jugé qu'il y avait preuve prima facie d'outrage au Parlement de la part du gouvernement Harper. La réaction du premier ministre à cette entrée tristement célèbre dans l'histoire canadienne a été : « Parfois on gagne, parfois on perd. »

Honorables sénateurs, la gouvernance, ce n'est pas un jeu, et le Parlement n'est pas un aréna de hockey où parfois on gagne, parfois on perd.

Le régime de la responsabilité s'est avéré tout à fait à l'opposé de ce qui avait été promis. Quant au prétendu programme de lutte contre la criminalité, il n'est lui non plus guère plus que du vent.

Je me rappelle qu'un ancien premier ministre rêvait d'une société juste. Voici ce que disait le premier ministre Trudeau :

J'ai toujours rêvé d'une société où tous les membres pourraient réaliser leur plein potentiel humain, une société où les obstacles à l'égalité seraient chose du passé. Évidemment, les libertés individuelles, l'égalité des chances, la santé, l'éducation en seraient les principales clés, et je conçois la politique comme une série de décisions visant à faire de cette vision une réalité.

Au contraire, la vision du premier ministre Harper semble prendre racine dans la revanche, le châtiment et l'incarcération. Tout ça à une époque où le taux de criminalité diminue.

Au lieu de célébrer le fait que les politiques canadiennes ont de toute évidence porté leurs fruits et de s'attaquer aux vrais problèmes des Canadiens, y compris ceux en matière de criminalité, le gouvernement Harper dit aux Canadiens qu'ils devraient avoir peur parce que le nombre de crimes non signalés, lui, ne cesse d'augmenter.

Les Canadiens s'attendent à ce qu'on discute honnêtement et sérieusement des vrais problèmes et qu'on y trouve des vraies solutions. C'est ce qu'ils méritent. C'est pourquoi j'espère que le débat d'aujourd'hui se fera sous le signe de l'honnêteté mutuelle. L'expression le dit : les crimes non signalés sont précisément cela — non signalés. Aucune enquête n'est possible à propos de ces crimes, ils ne peuvent donner lieu à aucune accusation et, logiquement, personne ne peut être condamné et envoyé en prison.

Honorables sénateurs, il est irresponsable de dépenser des milliards de dollars provenant des poches des contribuables pour incarcérer des prétendus criminels qui n'iront jamais en prison, puisque les crimes qu'ils ont commis n'ayant jamais été signalés, ils ne peuvent pas avoir été jugés.

À propos des vrais problèmes des Canadiens en matière de criminalité, la solution proposée par le gouvernement, qui consiste à imposer des peines minimales obligatoires et à garder les contrevenants plus longtemps en prison, est vouée à l'échec.

Prenons le temps d'étudier attentivement le projet de loi C-59. Ce dernier empêcherait les délinquants non violents qui en sont à une première infraction de se prévaloir de la procédure d'examen expéditif. Il en empêcherait même ceux qui ont été condamnés avant sa présentation, comme nous l'a fait remarquer le sénateur Baker.

Voici quelques statistiques qui nous permettront de remettre la situation dans son contexte. Au cours des cinq dernières années, 7 272 délinquants ont demandé à se prévaloir de la procédure d'examen expéditif et d'être remis en semi-liberté après avoir purgé le sixième de leur peine. Du nombre, 4 878 demandes ont été accueillies, soit à peu près 1 000 par année, ce qui correspond à environ 67 p. 100 des demandes. Autrement dit, contrairement à ce qu'affirment certains, la procédure d'examen expéditif n'aboutit pas automatiquement à un résultat positif : un tiers des demandes sont rejetées.

(1550)

Toutefois, le facteur le plus significatif est sans doute le taux de succès de ceux dont les demandes ont été approuvées. Don Head, commissaire du Service correctionnel du Canada, a déclaré devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles que, au cours de l'exercice 2009-2010, près de 87 p. 100 des semi-libertés accordées en vertu de la procédure d'examen expéditif se sont terminées avec succès. Seulement 13 p. 100 de ces libérations ont été révoquées, mais pas une seule à cause d'une infraction violente. En grande majorité, ces libérations ont été révoquées par suite d'une violation des conditions de remise en liberté. Seulement 2,4 p. 100 des demandes ont été révoquées parce que les délinquants avaient commis une infraction, mais aucune n'impliquait le recours à la violence. En d'autres termes, le système a marché, et bien marché.

Peut-il être amélioré? Sans nul doute. Toutefois, devons-nous simplement rejeter tout un système dont le taux de succès est de 87 p. 100? Je ne le crois pas.

Honorables sénateurs, apparemment, ce projet de loi a été déposé pour persuader les Canadiens que le gouvernement prenait des mesures décisives face à l'injustice de la semi-liberté d'un Vincent Lacroix, qui a dépouillé plus de 9 000 Canadiens de leurs économies de toute une vie. Le caractère rétroactif ou rétrospectif du projet de loi vise à faire en sorte qu'un autre escroc notoire, Earl Jones, ne bénéficiera pas du même traitement.

Honorables sénateurs, au cours du débat qui a eu lieu au Sénat sur le prétendu « projet de loi sur la lutte contre les crimes violents », j'ai parlé de l'importance qu'il y a à ne pas réagir inconsidérément en adoptant une politique de peur et de sensationnalisme. C'est ce que fait le gouvernement actuel, une fois de plus, en présentant ce projet de loi. Au lieu de prendre le temps de concevoir une modification précise pouvant remédier à des cas comme ceux de Lacroix et de Jones, le gouvernement a encore une fois pondu une mesure passe-partout.

Quelles seront les incidences du projet de loi C-59? Premièrement, s'appliquera-t-il vraiment à des fraudeurs à grande échelle, comme Vincent Lacroix et Earl Jones? Non. Les témoignages présentés cette semaine au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont révélé que seulement 4 p. 100 des demandes présentées dans le cadre de la procédure d'examen expéditif, ou PEE, proviennent de délinquants condamnés pour des fraudes de plus de 5 000 $. D'après les recherches réalisées par le Service correctionnel du Canada lui-même, 61,6 p. 100 des personnes admissibles à la PEE sont des femmes.

Allant encore plus loin, Kim Pate, de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, a déclaré devant le comité de l'autre endroit qu'environ 82 p. 100 des femmes détenues ont été emprisonnées par suite d'infractions liées à la pauvreté. Mme Pate a expliqué que des femmes sont souvent recrutées aux centres de sécurité sociale par des criminels endurcis pour faire leur sale travail, en précisant qu'un certain nombre de cas bien documentés montrent que les femmes pauvres sont considérées comme des cibles faciles. Honorables sénateurs, dans la population carcérale, 82 p. 100 de l'ensemble des femmes et 91 p. 100 des femmes autochtones ont des antécédents d'abus physique ou sexuels. Comme elles ont manqué de soutien tant dans l'enfance que dans la vie adulte, elles absorbent souvent des médicaments en dehors de toute prescription médicale. D'après Mme Pate, cela entraîne des dépendances croisées et des problèmes de santé mentale qui finissent par faire aboutir ces femmes dans le système carcéral.

Honorables sénateurs, il ne s'agit pas là de criminels endurcis, qu'ils aient commis des crimes en col blanc ou d'autres infractions. Ce sont des concitoyens qui vivent des circonstances terribles et qui ont une seule fois trempé dans des activités criminelles. Ne perdons pas de vue que le projet de loi vise les délinquants primaires non violents. Les indices dont nous disposons indiquent clairement que nos prisons n'accordent pas à ces Canadiens l'aide dont ils ont besoin pour réintégrer avec succès nos collectivités.

Le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de l'autre endroit a mené une importante étude sur la prévalence de la maladie mentale et des toxicomanies dans le système carcéral fédéral. L'étude a révélé que 80 p. 100 des détenus dans les établissements fédéraux ont une dépendance à l'alcool ou à la drogue.

En janvier, le Globe and Mail a publié un reportage spécial intitulé « Pour guérir et protéger », qui citait des statistiques récentes selon lesquelles près de 35 p. 100 des 13 300 détenus dans les établissements fédéraux souffrent d'une maladie mentale nécessitant un traitement. Les statistiques sont particulièrement tragiques dans le cas des femmes. Selon un autre article de la même série, parmi les délinquantes, un pourcentage pouvant atteindre 40 à 45 p. 100 sont atteintes d'un trouble mental grave. Et certains experts croient que ces chiffres ahurissants sont en fait inférieurs à la réalité.

Quelle est la solution, honorables sénateurs? Faut-il enfermer ces gens pendant des périodes de plus en plus longues dans des établissements où ils ne reçoivent pas les soins dont ils ont besoin et où ils n'ont pas accès aux ressources nécessaires?

De quelle façon cela peut-il rendre nos rues plus sûres? Ces gens sortiront bien un jour et, d'ici là, leurs troubles se seront probablement aggravés. Il n'y a pas de doute que la possibilité pour eux de mener une vie productive dans la société sera encore plus réduite.

La rareté des services offerts dans nos prisons réduit déjà les chances que ces Canadiens soient admissibles à une libération conditionnelle anticipée, les agents de libération conditionnelle se voyant incapables de les aider à réintégrer la société. Howard Sapers, enquêteur correctionnel du Canada, cité dans le Globe and Mail, a dit : « Cela augmente les risques de récidive pour ces gens. C'est vraiment un ironique retour des choses. Le cycle est particulièrement contre-productif. »

Honorables sénateurs, le Bureau de l'enquêteur correctionnel a fait savoir qu'il s'inquiétait des incidences différentielles du projet de loi C-59 et des effets qu'il aurait sur les femmes en général et les femmes autochtones en particulier. Nous connaissons tous les statistiques : les Autochtones forment moins de 4 p. 100 de la population du Canada, mais constituent près de 20 p. 100 de la population carcérale fédérale. Les femmes autochtones représentent 33 p. 100 de la population carcérale féminine des pénitenciers fédéraux.

Ces femmes sont-elles en prison parce qu'elles ont monté des escroqueries à grande échelle destinées à voler des millions de dollars aux investisseurs canadiens? Je ne le crois pas. Faudrait-il priver certaines d'entre elles de l'accès à la libération conditionnelle anticipée? Absolument, et 11 p. 100 des demandes présentées par des femmes dans le cadre de la PEE sont d'ailleurs rejetées. Toutefois, faut-il vraiment priver toutes les détenues de la possibilité d'accéder à une libération conditionnelle anticipée parce que le gouvernement du Canada veut que les Canadiens pensent qu'il prend des mesures contre Vincent Lacroix et Earl Jones? Est-ce juste d'agir ainsi?

Quelle est notre but, honorables sénateurs? Voulons-nous simplement punir, indépendamment des conséquences à long terme pour les intéressés et la société canadienne, ou bien souhaitons-nous cibler nos efforts pour que nos collectivités soient vraiment plus sûres et que notre société soit plus juste?

Ne perdons pas de vue que le projet de loi C-59 vise les délinquants primaires non violents. Ce sont précisément ces gens qui constituent les meilleurs candidats à la réadaptation et qui peuvent devenir des membres productifs de notre société.

Kim Pate a parlé, au comité de l'autre endroit, du taux de succès des femmes qui ont présenté des demandes dans le cadre de la PEE. Selon Mme Pate, le potentiel de réinsertion sociale des femmes est élevé, et seulement quelques-unes d'entre elles ne respectent pas leurs conditions de remise en liberté à la suite d'un processus d'examen expéditif. Les femmes qui enfreignent ces conditions ne commettent généralement pas de nouvelles infractions. Chez les femmes, le taux de bris de condition est très bas, le taux de réinsertion sociale, très élevé, et le taux de réussite du processus d'examen expéditif, très bon.

Honorables sénateurs, il y a quelque temps, un de mes collègues du Service correctionnel du Canada m'a dit ceci : « Si ce projet de loi est adopté, nous aurons probablement besoin de plusieurs autres prisons assez rapidement pour les femmes qui devront passer plus de temps derrière les barreaux. »

Honorables sénateurs, il ne s'agit pas d'adopter une approche laxiste à l'égard de la criminalité, mais plutôt de se concentrer sur ce qui fonctionne. Je vais vous lire une lettre qui a été écrite par M. William Perry, qui habite Victoria, en Colombie-Britannique. Elle a été publiée dans le National Post en août :

Les conservateurs prévoient maintenant investir des milliards de dollars dans de nouvelles prisons. Cette façon de faire n'a pas fonctionné aux États-Unis, et elle ne fonctionnera pas davantage ici.

Je suis un ancien policier, et je sais qu'il est plus judicieux de réformer le système de justice pénale. Plus on emprisonne de gens d'une génération, plus on s'expose à emprisonner encore plus de gens de la génération suivante. Le problème n'est pas qu'il n'y a pas assez de gens emprisonnés, mais bien qu'il y en a trop.

Nous n'avons pas besoin d'un plus grand nombre de prisons, de plus longues peines, ou de lois dites des trois fautes. Il n'est pas non plus nécessaire d'éliminer les libérations conditionnelles. Ce qu'il faut, c'est de l'argent pour offrir de la formation, des emplois et de l'aide à ceux qui réintègrent la société.

Honorables sénateurs, la meilleure preuve est qu'on n'obtient pas les résultats escomptés en envoyant de plus en plus de gens en prison pendant des périodes de plus en plus longues. Cela a été mis à l'essai aux États-Unis.

Honorables sénateurs, en novembre 2007, un rapport intitulé Unlocking America a été publié par le JFA Institute, un organisme sans but lucratif qui se consacre depuis 30 ans à la recherche sur la justice et les services correctionnels. Le rapport est signé par neuf auteurs, qui sont des experts réputés du domaine de la justice pénale. Ils parlent de l'explosion de la population carcérale aux États-Unis, qui est passée d'un peu moins de 200 000 personnes en 1970 à plus de 1,5 million en 2007, dans les prisons relevant des États et les prisons fédérales. Voici ce qu'écrivent les experts :

Cette croissance de la population carcérale en l'espace d'une génération n'a pas été causée par une augmentation du taux de criminalité, mais bien par des modifications de la politique de détermination de la peine qui ont entraîné des augmentations dramatiques de la proportion de déclarations de culpabilité pour des actes délictueux graves nécessitant des peines d'emprisonnement ainsi que des augmentations de la durée d'incarcération découlant de ces peines [...]

(1600)

La croissance de la population carcérale a entraîné le résultat suivant, et n'oublions pas qu'il s'agit des États-Unis :

La politique d'emprisonnement a exacerbé un problème national qui couve sans cesse, c'est-à-dire le problème des inégalités sociales et raciales [...] Une proportion ahurissante de 8 p. 100 des hommes de race noire en âge de travailler est en prison, et 21 p. 100 des hommes de race noire âgés entre 25 et 44 ans ont purgé une peine à un moment ou un autre de leur vie. Au rythme actuel, un tiers des hommes de race noire, un sixième des hommes d'origine latino-américaine et un homme de race blanche sur 17 feront de la prison au cours de leur vie. Un taux d'incarcération aussi élevé est une tragédie nationale.

Les auteurs concluent ceci :

Cette frénésie carcérale a créé un régime d'apartheid dans notre pays, les États-Unis.

D'éminents conservateurs, aux États-Unis, reconnaissent désormais ouvertement que les politiques ayant produit ces résultats, qu'ils ont eux-mêmes appuyées jadis, sont de mauvaises politiques et devraient être changées.

Newt Gingrich, ancien président républicain de la Chambre des représentants, et Pat Nolan, le chef du Parti républicain à l'Assemblée législative de l'État de la Californie, ont écrit ensemble un article ayant paru dans le Washington Post du 7 janvier 2011. En voici un extrait :

Nous ne pouvons pas continuer comme si de rien n'était. Le système de justice pénale ne fonctionne pas, et les conservateurs doivent ouvrir la voie à une réforme.

Les auteurs indiquent que les États ayant réduit leur population carcérale au fil des ans ont vu la criminalité diminuer davantage que ceux qui ont augmenté le taux d'incarcération. Voici un autre extrait :

Les Américains doivent savoir que nous pouvons réformer nos systèmes carcéraux de telle sorte qu'ils coûtent moins cher, tout en garantissant la sécurité publique. Nous espérons que les chefs de file conservateurs à la grandeur du pays se joindront à nous pour lutter judicieusement contre la criminalité.

Asa Hutchinson, qui a dirigé l'organisme de lutte contre la drogue et été sous-secrétaire à la Sécurité intérieure au sein du gouvernement de George W. Bush, a comparu devant le Comité de la sécurité publique de l'autre endroit. Il a décrit l'expérience américaine et expliqué pourquoi il préconisait une réévaluation de l'approche adoptée par les États-Unis. Il a déclaré que les États-Unis avaient fait des erreurs et qu'il espérait que le Canada tirerait des enseignements de ces erreurs.

Malheureusement, le gouvernement Harper semble vivre dans une autre dimension et il ne peut voir que des avantages politiques à court terme dans la reprise des anciennes politiques américaines qui ont échoué.

J'ai parlé plus tôt de l'effet disproportionné que le projet de loi C-59 aura sur les femmes, surtout les femmes autochtones. Je veux maintenant parler des effets qu'il aura sur notre système pénitentiaire et sur les contribuables canadiens qui paient pour ce système.

Howard Sapers, l'enquêteur correctionnel du Canada, a déclaré qu'il y avait un « choc systémique » qui commençait à se faire sentir maintenant que les personnes qui travaillent dans le système correctionnel essaient de s'adapter au rythme rapide des changements que le prétendu programme de répression rigoureuse de la criminalité du gouvernement amène. Voici ce qu'il a déclaré devant notre Comité des affaires juridiques et constitutionnelles.

S'il est adopté, il est probable que le projet de loi C-59 se traduise par une hausse notable de la population carcérale [...] Mon bureau s'inquiète de l'incidence d'une autre augmentation importante de la population carcérale sur un système correctionnel déjà surchargé. L'augmentation de la population carcérale fédérale aura des conséquences pour la sécurité des établissement et pour la capacité des détenus de profiter des programmes et services qui les aident à réintégrer la société en temps opportun et en toute sécurité.

Dans son mémoire au comité, M. Ivan Zinger, directeur exécutif et avocat général au Bureau de l'enquêteur correctionnel, écrivait :

De nombreux ouvrages démontrent que la surpopulation carcérale peut favoriser les tensions et la violence, et mettre en danger la sécurité du personnel, [des visiteurs] et des détenus.

Il expliquait cela ainsi :

Il convient de mentionner que les effets profonds de la surpopulation carcérale vont bien au-delà d'un milieu de vie confortable pour les détenus [...] On sollicite le système au-delà de sa capacité de guider les délinquants dans leurs plans correctionnels de façon opportune. La protection de la société en souffre. En effet, les délinquants sont incarcérés plus longtemps par rapport à leur peine, ils sont mal préparés à leur retour dans la société et leur période de supervision est ensuite plus courte.

Le gouvernement Harper cherche souvent à détourner l'attention du coût de ses projets de loi sur la criminalité en soulignant le coût incalculable de la criminalité pour les victimes. Honorables sénateurs, c'est une des principales raisons pour lesquelles je m'oppose si ardemment à cette approche qui se veut dure contre la criminalité. Il a été prouvé qu'une telle approche créera plus de criminels endurcis et, de ce fait, plus de victimes de la criminalité.

En tant que parlementaires responsables, nous avons le devoir de tenir compte du coût de ces mesures pour les contribuables canadiens. Étonnamment, comme l'a fait remarquer plus tôt le sénateur Baker, le ministre responsable de ces mesures, Vic Toews, ministre de la Sécurité publique, a dit à notre Comité des affaires juridiques et constitutionnelles lundi dernier que le ministère avait effectué une évaluation du coût des mesures, mais qu'il ne l'avait pas encore vue. Est-ce réellement responsable sur le plan financier de proposer une mesure au Parlement, de la parrainer dans les deux Chambres et d'avouer par la suite qu'on n'a pas encore pris connaissance des estimations des coûts effectuées par son ministère? Comment peut-il s'attendre à ce que des parlementaires canadiens responsables se prononcent sur un projet de loi sans même savoir ce qu'il coûtera aux contribuables canadiens?

Nous savons déjà que le coût d'incarcération annuel dans un établissement fédéral varie entre 90 000 $ et 140 000 $ pour un détenu et se situe à 185 000 $ pour une détenue. Nous savons également que le coût annuel du maintien d'un délinquant dans une maison de transition dans un grand centre urbain est de 25 000 $.

D'après les chiffres fournis par le gouvernement — qui sont systématiquement trop bas —, le projet de loi C-59 coûtera au Service correctionnel du Canada plus de 350 millions de dollars sur cinq ans, chiffre auquel vient s'ajouter un coût permanent de 53,2 millions de dollars. La Commission nationale des libérations conditionnelles aura elle aussi besoin de fonds supplémentaires. Les chiffres fournis par le gouvernement sont plutôt modestes; ils vont de 5,6 millions de dollars à 17,3 millions de dollars. Ils semblent plutôt faibles à la lumière du témoignage des représentants de la Commission nationale des libérations conditionnelle, qui s'attendent à ce que le projet de loi entraîne une nette augmentation de leur charge de travail.

D'ailleurs, un des témoins a affirmé que, à lui seul, le projet de loi coûtera 500 millions de dollars. Combien de soins de santé pourrions-nous offrir aux Canadiens avec 500 millions de dollars? Combien de médecins et d'infirmières pourrions-nous affecter dans les régions rurales avec une telle somme? Combien de jeunes Canadiens pourrions-nous aider à aller à l'université ou au collège?

Dans le seul but de donner l'impression qu'on prend des mesures à l'égard de deux fraudeurs notoires — dont un ne sera même pas touché par le projet de loi —, on nous demande d'adopter une mesure qui coûtera des centaines de millions de dollars aux contribuables en argent emprunté pour rallonger la peine que purgeront des délinquants non violents pour leur première infraction. Ceux-ci côtoieront des criminels violents et endurcis et ne disposeront plus des services qui pourraient contribuer au succès de leur réinsertion dans la société canadienne et les aider à régler les problèmes qui les ont poussés à tomber dans la délinquance.

Essentiellement, le gouvernement fait une croix sur ces Canadiens. Pour reprendre les mots du rapport américain, il crée un genre d'apartheid canadien. Toutefois, au lieu de bénéficier du principe du « retrait après trois prises », les contrevenants n'auront qu'une chance au bâton, selon les règles du jeu de M. Harper.

Je dois aussi dire un mot sur l'application rétroactive ou rétrospective de cette loi. Essentiellement, comme le sénateur Baker nous l'a expliqué, pour que cette mesure s'applique à Earl Jones, le gouvernement a fait en sorte que ce projet de loi s'applique à tous les prisonniers, même à ceux qui ont été condamnés longtemps avant la présentation du projet de loi au Parlement. Pour une question de principe, nous avons souvent — et c'est le cas d'un bon nombre d'entre nous, des deux côtés du Sénat — exprimé beaucoup de réticence à adopter des lois rétroactives, surtout s'il s'agit de droit criminel. Il y a de bonnes raisons pour cela. Mis à part le cas d'Earl Jones, il y a probablement bien des gens qui ont décidé de plaider coupable au lieu de subir un procès, ou qui ont décidé de ne pas se défendre en cour, en raison de la procédure d'examen expéditif.

Maintenant, toutes les règles sont changées. Cela pose un problème, honorables sénateurs. Cela pourrait même, comme l'a dit plus tôt le sénateur Baker et comme le sénateur Joyal l'a fait valoir en interrogeant les témoins au comité, engendrer un problème d'ordre constitutionnel.

(1610)

Fondamentalement, je ne crois pas que la justice criminelle soit mieux servie si la loi prévoit des peines d'emprisonnement obligatoires et élimine ou réduit grandement le pouvoir discrétionnaire accordé aux juges et à d'autres décideurs. Honorables sénateurs, notre système de justice pénale est fondé sur la présomption que chaque personne est unique devant la loi. Avec des lois qui prévoient des peines minimales obligatoires et qui abolissent les solutions de rechange comme la procédure d'examen expéditif, nous sommes en train de remplacer progressivement notre système de justice pénale par quelque chose de très différent.

Au lieu d'examiner chaque cas individuellement, nous appliquons une forme de sanction de groupe, ou une conception globale des infractions, sans la moindre preuve que le système en sera amélioré. En fait, les constatations tendent à montrer que cette méthode n'a pas fonctionné là où on l'a appliquée. Nous sommes en train de nous défaire d'un système qui fonctionne bien, dans l'ensemble. Le système pourrait être amélioré, mais, selon moi, ce n'est pas une amélioration que de simplement se débarrasser du système.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-59, comme tant de mesures du gouvernement actuel axées sur la loi et l'ordre, ne va tout simplement pas dans la bonne direction. Il va coûter cher aux Canadiens, tant à court terme, compte tenu des coûts liés à l'incarcération de tous ces délinquants durant des périodes plus longues, qu'à long terme, puisque que je suis convaincu que la criminalité va augmenter si l'on transforme des criminels non violents qui en sont à leur première infraction en récidivistes.

Pour toutes ces raisons, je ne peux pas appuyer le projet de loi.

L'honorable Bob Runciman : Le sénateur Cowan accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Cowan : Certainement.

Le sénateur Runciman : Le sénateur a parlé de demandes rejetées, mais, en fait, il n'y a pas de demande. En vertu du programme, l'examen est automatique.

Il a aussi dit, en faisant allusion à Earl Jones, que le projet de loi n'aurait aucune incidence sur son cas. On a dit au comité, si je ne m'abuse — et ce n'était peut-être pas dans le cadre des témoignages officiels —, que, si le projet de loi n'entre pas en vigueur avant la tenue d'élections, M. Jones sera admissible à une libération conditionnelle anticipée cet automne. Je suis convaincu que le sénateur est au courant que cet individu a été reconnu coupable d'avoir volé plus de 60 millions de dollars, soit les économies d'un grand nombre de personnes. Je pense qu'il y a lieu de clarifier la situation en ce qui a trait à cette personne. Pourquoi le sénateur a-t-il conclu que M. Jones ne sera pas touché par le projet de loi?

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, j'ai dit deux choses. Premièrement, ceux qui présentent une demande n'obtiennent pas automatiquement une libération conditionnelle anticipée. J'ai fourni les chiffres pertinents et je peux le faire encore, mais je crois qu'ils sont là. Je doute que le sénateur conteste les chiffres. La libération conditionnelle n'est pas automatique. Un grand nombre de demandes sont rejetées et un grand nombre d'individus ne sont pas libérés une fois que leur demande a été étudiée.

J'ai dit que, sans le projet de loi, sans son application rétroactive et rétrospective, la mesure ne s'appliquerait pas à M. Jones. Je n'ai pas entendu le ministre Toews, mais je pense que c'est la raison pour laquelle il a laissé entendre que le projet de loi est rétroactif et rétrospectif. C'est afin que cette mesure s'applique à M. Jones.

Je n'ai pas dit que, si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, il ne s'appliquera pas à M. Jones. Je pense qu'il va s'appliquer à lui. Le projet de loi s'applique à M. Jones parce qu'il a un caractère rétroactif et rétrospectif. Si je n'ai pas mentionné clairement ce point, je voulais le faire.

Le sénateur Runciman : C'est clair. En ce qui a trait à un autre point, nous croyons, comme l'a mentionné le sénateur Fraser lors des audiences, que M. Jones n'a même pas une infraction de stationnement à son dossier. L'examen se fait de façon automatique. La crainte qu'un individu commette une infraction violente constitue vraiment le seul motif de rejet. Dans ce cas-ci, si nous regardons les antécédents de l'individu, je ne pense pas qu'il existe un motif de rejet, et c'est ce qui nous préoccupe.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, j'ai une précision à apporter. Le sénateur Runciman m'a citée presque fidèlement, mais puisqu'il semble que la clarification soit notre mot d'ordre, je vais essayer de faire la lumière sur ce qui s'est produit dans le cours de nos travaux.

Je me souviens bien que, lorsque j'ai tenu ces propos, c'était dans le contexte d'une discussion au comité où il avait été dit qu'un grand nombre, et peut-être même une majorité, de délinquants non violents condamnés pour la première fois à une peine d'emprisonnement dans le système carcéral fédéral avaient déjà des dossiers criminels bien garnis dans le système provincial, mais qu'ils seraient tout de même admissibles à la procédure d'examen expéditif du fait que cette condamnation était la première dans le système fédéral et qu'ils étaient incarcérés pour une infraction non violente.

J'ai répliqué à cette affirmation, en me fondant seulement sur ce que j'avais lu dans les journaux, que je ne croyais pas que M. Jones, dans le passé, aurait été poursuivi pour ne serait-ce qu'une contravention de stationnement impayée. Que ce soit bien clair. Je n'ai pas dit ce que j'ai dit dans le contexte de l'examen de sa demande ni en me fondant sur une connaissance exacte, précise, officielle ou juridique de son dossier.

L'honorable John D. Wallace : Le sénateur Cowan accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Cowan : Certainement.

Le sénateur Wallace : Si j'ai bien compris le sénateur, je pense qu'il a dit que le projet de loi C-59 abolirait le pouvoir discrétionnaire de ceux qui prennent des décisions sur les libérations conditionnelles. Ce n'est pas ce que je comprends. Je comprends qu'en vertu du projet de loi, la Commission des libérations conditionnelles, dans les dossiers impliquant des délinquants coupables d'infractions violentes ou non violentes, pourrait toujours exercer ce pouvoir discrétionnaire. La Commission des libérations conditionnelles continuerait d'exercer ce pouvoir discrétionnaire de la même façon, qu'il s'agisse d'un délinquant violent ou d'un délinquant non violent. Bien entendu, ce n'est pas ce qui se passe aujourd'hui dans le cadre de la procédure actuelle d'examen expéditif.

Je me demande si j'ai bien compris le sénateur lorsque j'ai cru l'entendre dire que le projet de loi abolirait le pouvoir discrétionnaire des décideurs.

Le sénateur Cowan : Je remercie le sénateur. Dans nos vies antérieures, lui et moi avons exercé une profession commune. Je suis persuadé que, dans des circonstances semblables, comme je l'aurais fait moi-même, il aurait demandé aux juges d'exercer leur pouvoir discrétionnaire et qu'il aurait évoqué maintes fois la valeur de notre système, un système dans le cadre duquel ce sont les personnes les plus compétentes qui sont nommées juges et investies du pouvoir discrétionnaire d'examiner les faits dont elles sont saisies en se fondant sur la prémisse qu'elles sont les personnes les plus compétentes pour les évaluer et rendre des décisions.

Mon commentaire ici est le même que celui que j'ai fait à propos d'autres projets de loi traitant de peines minimales obligatoires. Il s'inscrivait dans le contexte des projets de loi et d'autres éléments du programme de répression de la criminalité qui concernent la création, l'accroissement des peines minimales obligatoires et les cas où elles sont imposées. Il portait sur le régime des peines minimales obligatoires et sur le fait que je déplore que le pouvoir discrétionnaire des juges, que le sénateur et moi aurions mentionné avec fierté, est érodé par l'instauration de peines minimales obligatoires, qui enlèvent au juge, qui a entendu la preuve, son pouvoir discrétionnaire.

Il s'inscrivait dans le contexte du débat sur les peines minimales obligatoires et du pouvoir judiciaire discrétionnaire dont je parlais dans ce cas, et non dans le contexte de ce projet de loi. Je remercie le sénateur de m'avoir donné la possibilité de clarifier la question.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Convoquez les sénateurs.

Avons-nous l'avis des whips quant à la durée de la sonnerie?

Le sénateur Di Nino : Nous avons un grand nombre de réunions de comités à différents endroits. Une heure, donc.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je conclus qu'on s'est entendu pour que la sonnerie retentisse pendant une heure?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 17 h 20.

Ai-je la permission de quitter le fauteuil?

Des voix : D'accord.

(1720)

(La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk LeBreton
Angus MacDonald
Ataullahjan Marshall
Boisvenu Martin
Braley Meighen
Brazeau Meredith
Brown Mockler
Carignan Nancy Ruth
Champagne Neufeld
Cochrane Nolin
Comeau Ogilvie
Demers Patterson
Di Nino Plett
Duffy Raine
Eaton Rivard
Finley Runciman
Fortin-Duplessis Seidman
Gerstein Smith (Saurel)
Greene Stewart Olsen
Housakos Stratton
Johnson Tkachuk
Kochhar Wallace
Lang Wallin—46

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Joyal
Banks Kenny
Callbeck Losier-Cool
Campbell Lovelace Nicholas
Chaput Mercer
Cordy Merchant
Cowan Mitchell
Dawson Moore
Day Munson
De Bané Murray
Downe Pépin
Dyck Peterson
Eggleton Poulin
Fairbairn Ringuette
Fox Robichaud
Fraser Rompkey
Furey Smith (Cobourg)
Hervieux-Payette Tardif
Hubley Watt
Jaffer Zimmer—40

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Bob Runciman propose que le projet de loi C-54, Loi modifiant le Code criminel (infractions d'ordre sexuel à l'égard d'enfants), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis ravi de prendre la parole pour appuyer le projet de loi C-54, Loi sur la protection des enfants contre les prédateurs sexuels, qui a reçu l'appui de tous les partis à l'autre endroit, et pour cause.

Le projet de loi C-54 a deux objectifs importants. Premièrement, toute infraction d'ordre sexuel à l'égard d'enfants doit être traitée avec sérieux et cohérence au chapitre de la détermination de la peine. Deuxièmement, les enfants doivent être protégés de tels actes criminels et la meilleure façon d'y arriver tient à la prévention. Les modifications proposées par le projet de loi C-54 reflètent clairement ces objectifs.

Honorables sénateurs, les réformes proposées feraient en sorte que toutes les infractions d'ordre sexuel à l'égard des enfants soient assorties de peines minimales obligatoires importantes et uniformes. Ces réformes aideraient également à prévenir ces crimes en prévoyant deux nouvelles infractions qui concernent les actes qui mènent souvent à la perpétration d'infractions de nature sexuelle à l'égard d'enfants, et elles accordent aux tribunaux des pouvoirs élargis pour interdire aux personnes soupçonnées d'être des agresseurs sexuels d'enfants de se livrer à des actes qui pourraient les aider à commettre des infractions.

(1730)

Je vais esquisser brièvement les réformes en matière de détermination de la peine. Actuellement, des peines minimales obligatoires sont prévues pour 12 infractions sexuelles précises à l'égard d'enfants, mais il n'y en a pas pour les délits sexuels de nature plus générale dont la victime peut être un enfant. C'est donc dire qu'il est possible d'imposer des peines avec sursis — comme l'assignation à résidence — pour certaines infractions commises à l'égard d'enfants, mais pas pour d'autres. Toutefois, il faut que ces délits à l'égard d'enfants, compte tenu de leur nature et de leur gravité, soient passibles d'une peine d'emprisonnement si on veut que soient appliqués les principes de la dénonciation et de la dissuasion.

Il ne faut pas tolérer que certaines agressions sexuelles sur des enfants soient considérées comme moins graves que d'autres simplement parce que le prévenu est inculpé aux termes d'un article différent quoique semblable.

Dans l'état actuel de la loi, c'est exactement ce qui se passe. En 2008, 80 p. 100 des incidents d'agressions sexuelles sur des enfants signalés à la police ont donné lieu à des accusations portées aux termes de l'article 271 du Code criminel, qui concerne les agressions sexuelles générales. C'est donc dire qu'il n'y a pas de peine minimale obligatoire pour la majorité des infractions sexuelles à l'égard d'enfants.

Voilà qui est préoccupant. Quel message le droit pénal transmet-il ainsi? Que certains enfants victimes d'agression sexuelle sont moins importants que d'autres? Devant cette inégalité de traitement, quelle peut être la réaction des jeunes victimes? Cette approche peu cohérente des peines pour les infractions sexuelles à l'égard d'enfants veut dire que ces peines ne correspondent pas de façon adéquate ou cohérente à la gravité des crimes.

Le projet de loi C-54 tend à faire disparaître ces incohérences. D'abord, il ajoute sept nouvelles peines minimales obligatoires pour des infractions qui n'en sont pas actuellement passibles lorsque la victime est un enfant.

Trois des nouvelles peines s'appliqueraient à des infractions à l'égard d'enfants : bestialité en présence d'un enfant, leurre d'enfant et exhibitionnisme en présence d'une personne de moins de 16 ans.

Les quatre autres se rapporteraient aux infractions sexuelles de nature générale où la victime est une personne de moins de 16 ans. Ces infractions comprennent l'inceste, l'agression sexuelle, l'agression sexuelle armée, la menace ou l'infliction de lésions corporelles et l'agression sexuelle grave.

Fait important, le projet de loi C-54 propose également des peines minimales plus élevées pour sept infractions sexuelles précises à l'égard d'enfants, infractions déjà passibles de peines minimales obligatoires.

Le but du projet de loi est de rendre cohérente la réaction à toutes les infractions sexuelles à l'égard d'enfants. Des peines minimales semblables seraient imposées pour des infractions semblables. Par exemple, le projet de loi C-54 alourdirait la peine minimale actuelle pour contacts sexuels, lorsqu'il y a mise en accusation, la faisant passer de 45 jours à un an. Cela est identique au minimum obligatoire que le projet de loi propose pour les infractions sexuelles de nature générale, lorsqu'on procède par mise en accusation. Voilà qui est logique, car les deux infractions sont passibles d'une peine maximale de 10 ans lorsqu'on procède par mise en accusation.

Honorables sénateurs, la prévention joue un rôle important dans la protection de la société contre le crime. Quel meilleur moyen d'assurer la sécurité des enfants que d'empêcher que des crimes ne soient commis à leur égard? Le projet de loi C-54 tend à atteindre cet objectif important de deux façons. D'abord, il propose deux nouvelles infractions portant sur des actes qui ont généralement lieu avant l'agression sexuelle sur la personne d'un enfant. Deuxièmement, il exigera que les tribunaux envisagent d'imposer deux nouvelles conditions précises afin d'empêcher une personne soupçonnée d'infractions sexuelles à l'égard d'enfants ou reconnue coupable de telles infractions de se livrer à des actes qui peuvent faciliter la perpétration d'infractions sexuelles à l'égard d'enfants.

La première des nouvelles infractions interdirait à quiconque de fournir du matériel sexuellement explicite à un jeune pour faciliter la perpétration d'une infraction sexuelle à son égard. Les agresseurs sexuels d'enfants agissent souvent de cette manière pour atténuer les inhibitions sexuelles de leurs victimes. Cela fait partie de ce qu'on appelle souvent le « conditionnement ».

À l'heure actuelle, si ce matériel sexuellement explicite est de la pornographie juvénile, le comportement du délinquant est considéré comme une infraction de pornographie juvénile. Si le matériel est obscène, le délinquant se rend coupable d'une infraction tendant à corrompre les mœurs.

Toutefois, comme les honorables sénateurs le savent, on ne parle de pornographie juvénile que lorsqu'il y a représentation de personnes de moins de 18 ans. Le seuil est fixé encore plus haut dans le cas de l'infraction d'obscénité, car elle ne s'applique qu'aux formes extrêmes de matériel sexuellement explicite qui comprennent la représentation d'activités sexuelles explicites doublées de violence ou que les tribunaux estiment dégradantes ou déshumanisantes.

La nouvelle infraction prévue dans le projet de loi C-54 comblerait donc la lacune de la loi en vigueur. Elle s'appliquerait lorsqu'une personne a remis du matériel sexuellement explicite à un enfant pour faciliter la perpétration d'une infraction sexuelle à son égard. Le matériel sexuellement explicite est défini au moyen de termes qui correspondent à ceux utilisés pour décrire d'autres infractions existantes, soit le voyeurisme et la pornographie juvénile.

Cela aidera les tribunaux à interpréter la disposition de façon cohérente. En outre, la nouvelle infraction ne viserait que la situation où le matériel sexuellement explicite est remis à une jeune personne pour faciliter la perpétration d'une des infractions sexuelles énumérées à l'égard de cette jeune personne ou d'un enlèvement. Cette infraction est passible d'une peine allant de 30 jours à six mois sur déclaration sommaire de culpabilité et de 90 jours à deux ans sur mise en accusation.

La deuxième nouvelle infraction proposée interdirait d'utiliser des moyens de télécommunication comme Internet pour faire une entente ou un arrangement avec une autre personne pour commettre une infraction sexuelle à l'égard d'un enfant. Cette infraction vise des préparatifs qui sont très préoccupants. Les adultes qui conspirent pour commettre des infractions sexuelles à l'égard d'enfants doivent répondre de leurs actes, même lorsque les infractions, en fin de compte, ne sont pas perpétrées.

Cette infraction constitue un outil important à cet égard. Elle s'appliquerait non seulement aux cas où un enfant risque de subir un préjudice, mais aussi à ceux où un policier agit clandestinement. La nouvelle infraction comprendrait des dispositions analogues à celles qu'on trouve actuellement dans une disposition sur le leurre d'enfant : ne sont pas un moyen de défense le fait que la personne avec qui l'accusé a fait un arrangement était un agent de la paix ou une personne qui a agi sous la direction d'un agent de la paix ou le fait que, dans l'une ou l'autre situation, il n'y a pas vraiment d'enfant en cause.

Cette nouvelle infraction prévoit une présomption au sujet de l'âge de la jeune personne. La preuve que la jeune personne a été présentée à l'accusé comme ayant moins que l'âge limite constitue, sauf preuve contraire, la preuve que l'accusé la croyait telle.

La nouvelle infraction comprendrait également une disposition voulant que ce ne soit pas un moyen de défense que de croire, à tort, que la jeune personne avait un certain âge, à moins que l'accusé n'ait pris des mesures raisonnables pour s'assurer de l'âge de la personne.

Les peines dont la nouvelle infraction est passible sont un minimum de 90 jours et un maximum de 18 mois sur déclaration sommaire de culpabilité ou d'un à 10 ans lorsqu'on procède par mise en accusation.

Le projet de loi C-54 assure aussi, grâce à des dispositions de coordination avec le projet de loi S-2, Loi protégeant les victimes de délinquants sexuels, qui a reçu la sanction royale le 15 décembre 2010 et devrait être mis en vigueur bientôt, que les deux nouvelles infractions proposées seront sur la liste des infractions primaires pour lesquelles le prélèvement d'échantillons pour analyse génétique est obligatoire. Le projet de loi S-2 ajoutera un grand nombre des infractions sexuelles dont il est question dans le projet de loi C-54 à la liste des infractions primaires. Et le projet de loi C-54 fait en sorte que cette liste comprenne toutes les infractions sexuelles à l'égard d'enfants, une fois que le projet de loi S-2 aura été proclamé en vigueur, de façon à garantir un traitement uniforme de ces infractions en droit pénal.

Enfin, le projet de loi C-54 propose d'élargir les pouvoirs dont les tribunaux disposent pour empêcher une personne soupçonnée d'être un agresseur sexuel d'enfant ou reconnue comme telle de commettre des actes qui peuvent faciliter la perpétration d'une infraction sexuelle à l'égard d'un enfant. Actuellement, le tribunal peut interdire à un délinquant condamné pour agression sexuelle d'enfants de fréquenter certains endroits que pourraient fréquenter des personnes âgées de moins de 16 ans et d'obtenir un emploi ou un poste de bénévole où il pourrait se retrouver en situation de confiance ou d'autorité vis-à-vis de personnes âgées de moins de 16 ans.

(1740)

Quant aux personnes accusées d'une telle infraction, un juge peut maintenant leur imposer un engagement s'il existe des motifs raisonnables de croire qu'elles risquent d'agresser sexuellement un enfant. Ces deux dispositions sont des outils importants de prévention.

Plus particulièrement, le projet de loi C-54 propose d'allonger la liste des infractions qui entraîneraient l'imposition de ces conditions de manière à inclure les quatre infractions relatives au proxénétisme et à la prostitution, à savoir : proxénétisme, vivre des produits de la prostitution d'une personne âgée de moins de 18 ans, infraction grave consistant à vivre des produits de la prostitution d'une personne âgée de moins de 18 ans et prostitution d'une personne âgée de moins de 18 ans.

En outre, en vertu du projet de loi C-54, le tribunal devrait envisager la possibilité d'interdire au délinquant d'entrer en contact avec des enfants ou d'utiliser Internet, à moins d'être supervisé.

Ces conditions permettraient d'éviter qu'un délinquant puisse avoir l'occasion d'agresser sexuellement un enfant et d'utiliser Internet et d'autres technologies qui permettent aux délinquants de commettre plus facilement des infractions d'ordre sexuel à l'égard des enfants.

Honorables sénateurs, nous devons protéger nos enfants contre ceux qui veulent les agresser sexuellement. Pour les protéger, il faut avant tout empêcher que de telles infractions puissent être commises. Le projet de loi C-54 propose des dispositions importantes en ce sens. Par contre, si un enfant a été agressé sexuellement, il faut punir sévèrement l'auteur du crime en lui imposant une peine minimale obligatoire afin de dénoncer son crime et de dissuader les autres.

Le message du projet de loi C-54 est simple : le Canada ne tolérera pas ce genre de crime. Les lois du Canada doivent garantir le droit des enfants de grandir dans des collectivités sûres.

J'espère que tous les sénateurs se joindront à moi pour appuyer ce projet de loi important.

L'honorable Joan Fraser : Le sénateur Runciman accepterait-il de répondre à quelques questions?

Le sénateur Runciman : Oui

Le sénateur Fraser : Merci, et félicitations pour cette description du projet de loi qui nous est fort utile. Comme le sait le sénateur, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s'affaire à étudier bon nombre de projets de loi, et je commence à peine à saisir les nuances de celui-ci. Je suis donc très reconnaissante au sénateur de son explication détaillée.

Si possible, j'aimerais quand même obtenir quelques renseignements supplémentaires. Je pense avoir entendu le sénateur affirmer que l'agression sexuelle sera dorénavant assortie d'une peine minimale obligatoire d'un an. Ai-je bien compris que cette disposition vise toute agression sexuelle? N'oublions pas que, aux yeux de la loi, le terme « agression sexuelle » couvre toute une gamme d'infractions; il peut s'agir d'une agression comme on l'entend normalement ou encore d'un acte beaucoup plus bénin, comme un baiser non sollicité de la part d'un collègue qui aurait un peu trop bu à la fête de Noël du bureau; c'est peut-être déplaisant, mais c'est moins grave qu'un viol.

Le sénateur Runciman : Si j'ai mal compris la chose, je signalerai ultérieurement mon erreur au sénateur. Cependant, je pense que le projet de loi porte sur les infractions à l'égard d'enfants.

Le sénateur Fraser : Seulement les enfants?

Le sénateur Runciman : Oui, seulement les enfants.

Le sénateur Fraser : Ma deuxième question porte sur l'article 15 du projet de loi, qui se trouve à la page 8, à la ligne 23. Il est question du paragraphe 173(2) proposé :

Toute personne qui, en quelque lieu que ce soit, à des fins d'ordre sexuel, exhibe ses organes génitaux devant une personne âgée de moins de seize ans est coupable :

a) soit d'un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de deux ans, la peine minimale étant de quatre-vingt-dix jours;

b) soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d'un emprisonnement maximal de six mois, la peine minimale étant de trente jours.

Je pense que nous sommes tous tout à fait d'accord sur le fait que les gens qui commettent un outrage à la pudeur en présence d'enfants sont socialement indésirables et méritent d'être punis. Cependant, d'après ma compréhension de la disposition, il semble qu'elle s'applique à toute personne, même à une personne de 16 ans ou de 15 ans qui aurait des relations sexuelles avec une autre personne de son âge. Je doute que qui que ce soit au Sénat souhaite encourager les relations sexuelles à un très jeune âge, mais voulons-nous vraiment envoyer des enfants en prison?

Le sénateur Runciman : C'est une question intéressante et je suis certain que nous l'approfondirons au comité. Je ne crois pas que le projet de loi s'appliquerait à la situation que madame le sénateur a décrite. Sinon, je serais aussi inquiet qu'elle.

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, je voudrais remercier le sénateur Runciman d'avoir partagé ses réflexions avec nous. Je serai le porte-parole pour ce projet de loi. Je voulais entendre ce qu'il avait à dire. Je parlerai de ce projet de loi demain. Par conséquent, je propose l'ajournement du débat à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Campbell, le débat est ajourné.)

Le Budget des dépenses de 2011-2012

Le Budget principal des dépenses—Adoption du onzième rapport du Comité des finances nationales

Le Sénat passe à l'étude du onzième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget principal des dépenses 2011-2012) présenté au Sénat le 22 mars 2011.

L'honorable Joseph A. Day propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, ce rapport n'est pas très différent du rapport relatif au Budget supplémentaires (C) des dépenses dont j'ai parlé hier. Le Budget principal des dépenses n'est qu'un des morceaux du puzzle sur lequel nous nous penchons tous les ans. Ce rapport est le rapport provisoire sur le Budget principal des dépenses dont la mise en œuvre commence le 1er avril. Nous sommes tenus de présenter un rapport provisoire, mais nous avons pour mandat de poursuivre notre étude du Budget principal des dépenses toute l'année. C'est ce que nous allons faire au nom des sénateurs. Ce rapport permet aux honorables sénateurs d'avoir une idée de notre première impression et de ce que les témoins ont dit à propos du Budget principal des dépenses pour l'année prochaine.

Nous devrions recevoir vendredi le projet de loi des crédits qui accompagne le Budget principal des dépenses et qui prévoit l'octroi de crédits provisoires au gouvernement. Ces crédits provisoires permettent au gouvernement de financer des initiatives pour lesquelles les fonds ne sont pas prévus par la loi, et ce, pendant une certaine période. En général, cette période est de trois mois. Mais, nous verrons bien ce qu'il adviendra vendredi, vu le climat politique actuel. Quoiqu'il en soit, le gouvernement demandera des crédits provisoires découlant du Budget principal des dépenses.

Les sénateurs ont sans doute tous reçu un exemplaire du Budget principal des dépenses pour l'exercice en cours. Une annexe y figure. Lorsque nous recevrons le projet de loi sur le Budget principal des dépenses, nous comparerons l'annexe que nous avons étudiée à celle qui se trouve dans le projet de loi. Si les deux annexes sont identiques, ce qui est généralement le cas, nous aurons effectué l'étude préliminaire du projet de loi. Autrement dit, comme l'annexe que nous aurons étudiée constituera le projet de loi lui-même, nous en aurons déjà fait une étude préliminaire. Il ne sera donc pas nécessaire de renvoyer le projet de loi au comité lorsque nous en serons saisis puisque nous l'aurons déjà étudié.

(1750)

Ce rapport et les travaux que nous avons effectués jusqu'à maintenant ne portent pas sur le contenu du budget déposé le 22 mars. Ce budget était en préparation, mais était sous le sceau de la confidentialité, tandis que le Budget principal des dépenses pour le prochain exercice a été élaboré à partir de l'automne jusqu'à la première partie de l'année en cours.

Honorables sénateurs, nous devrions nous attendre à ce que toute initiative prévue dans le budget qui sera adoptée pour l'année à venir figure également dans le Budget supplémentaire des dépenses. Nous avons discuté hier d'un Budget supplémentaire des dépenses, le Budget supplémentaire des dépenses (C), et en avons adopté le rapport.

Lors des deux ou trois derniers exercices, trois budgets supplémentaires des dépenses ont été déposés au cours de chaque année. Ces budgets prévoient des fonds pour de nouvelles mesures ou autres initiatives dont la mise en œuvre était partielle lors de la préparation du Budget principal des dépenses. Nous entamons un nouvel exercice financier, et le gouvernement prévoit des crédits provisoires à cet égard.

Nous avons examiné le Budget principal des dépenses dès qu'il nous a été renvoyé, et nous avons rencontré des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor, comme nous le faisons normalement. Je pense que le vice-président du comité, le sénateur Gerstein, et les autres membres du comité jugent important que je reconnaisse le bon travail des fonctionnaires du Conseil du Trésor et les bons conseils qu'ils nous prodiguent. Ils sont très réceptifs face à certaines de nos préoccupations.

Nous avons rencontré des représentants du Service correctionnel du Canada et du ministère des Finances pour discuter de leurs prévisions et de l'argent qu'ils prévoient dépenser. En fait, c'est de cela que nous discutons avec les ministères. Nous leur demandons combien ils prévoient dépenser au cours de l'année à venir.

Nous avons examiné ces deux crédits votés sur lesquels nous devrons nous prononcer lorsque nous seront soumis les projets de loi de crédits, ainsi que les crédits législatifs, qui sont autorisés par les lois que nous adoptons ici, au Sénat. Nous voulons quand même savoir combien on prévoit dépenser au cours de l'année à venir. Nous examinons les dépenses législatives. Nous ne les autorisons pas, mais nous les examinons quand même. Nous examinons aussi les crédits votés.

Nous avons notamment examiné les Partenariats public-privé, ou PPP Canada Inc. Comme c'est une nouvelle initiative, qui existe depuis environ deux ans, nous avons jugé bon de rencontrer les responsables. Les sénateurs constateront que nous avons obtenu de l'information intéressante en parlant aux représentants des Partenariats public-privé. Nous avons découvert que Patrimoine canadien est presque un ministère fourre-tout qui regroupe beaucoup d'organismes, d'associations et de groupes différents, qui sont représentés par ce grand titre. Nous n'avons pu examiner que quelques-uns de ces éléments au sein de ce ministère. Enfin, Agriculture et Agroalimentaire Canada était un secteur d'intérêt pour nous. Je peux présenter brièvement certains des points qui ressortent de ce rapport intérimaire.

Honorables sénateurs, la somme totale prévue est de 276 milliards de dollars. Pour l'année à venir, on parle de 278 milliards. Cela englobe les crédits votés et les crédits législatifs. Ce chiffre est beaucoup moins élevé qu'il le serait si nous avions maintenu les dépenses pour stimuler l'économie. Pour plusieurs de ces postes de dépenses, nous constatons une réduction du budget des ministères. Quand on cherche à savoir pourquoi, on apprend que c'est parce que le plan de relance a pris fin. Cela nous a aidés à comprendre, mais nous avons voulu nous assurer que c'était le cas partout où l'on constatait une réduction du budget. Nous avons donc examiné la question un peu plus attentivement.

Par exemple, le Secrétariat du Conseil du Trésor nous a dit qu'environ 28 p. 100 des dépenses prévues seront des dépenses de fonctionnement et d'immobilisations. Nous avons tenté d'analyser ce qui ira dans les dépenses de fonctionnement et ce qui ira dans les dépenses d'immobilisations. Le Secrétariat du Conseil du Trésor a indiqué que 60 p. 100 des dépenses prévues consisteraient en des paiements de transfert. Pensez-y, honorables sénateurs : chaque année, 60 p. 100 de l'argent du gouvernement est consacré à des transferts, soit à des pensions qui sont versées ou à des paiements de transfert et de péréquation. Cela veut dire qu'il reste 40 cents par dollar au gouvernement fédéral. Sur cette somme, quel pourcentage va aux frais d'intérêts sur la dette qui s'accumule et augmente chaque année? Actuellement, 12 p. 100, mais on s'attend à ce que ce pourcentage augmente à mesure que notre dette croît en raison de déficits annuels.

Honorables sénateurs, la flexibilité dont le gouvernement dispose pour assumer les dépenses de programmes, qui est l'aspect sur lequel nous mettons tous l'accent, ne cesse de diminuer parce que les paiements de transfert, à savoir le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, ne baissent pas. Les provinces ont besoin de ces paiements de transfert. À mesure que les taux d'intérêt et la dette augmentent, le pourcentage des fonds consacré à ces dépenses augmente également. Il y a de moins en moins d'argent pour s'occuper des dépenses de programmes. Nous analysons les chiffres annuellement pour déterminer vers quoi nous nous dirigeons. Heureusement, les taux d'intérêt ont été très bas récemment, ce qui nous a donné une plus grande marge de manœuvre qu'habituellement. Cela ne durera pas toujours, comme nous le savons tous. Par conséquent, nous aurons un obstacle de taille à surmonter dans un avenir prochain.

Honorables sénateurs, nous avons discuté en long et en large du gel des dépenses. Le gel des dépenses concerne l'enveloppe budgétaire qui est allouée à chaque ministère. On dit donc aux ministères : « Vous, les ministères, vous devez gérer ces fonds. Nous ne vous accorderons pas davantage d'argent pour de nouveaux salaires ou pour financer les augmentations salariales qui ont été négociées dans les conventions collectives. » Par conséquent, où chaque ministère prend-il l'argent pour cela? Il puise dans les fonds de fonctionnement ou l'argent prévu pour les dépenses en immobilisations. Le ministère voudrait financer certaines activités de fonctionnement, certains programmes, mais il ne le peut pas, car il doit payer, à partir de l'enveloppe qui lui a été allouée, les salaires qui ont augmenté. Le gel des dépenses commence à avoir des répercussions négatives. C'est l'année passée qui a servi d'année de base. Le gel s'appliquera encore pour les deux prochaines années par rapport à l'année de base. Ce n'est pas fini.

Pour la première année, on remarque des dispositions de report en ce qui concerne les dépenses en immobilisations. En effet, 20 p. 100 des crédits pour dépenses en immobilisations qui, pour une raison ou pour une autre, n'ont pas été utilisés ne se périmeront pas et n'auront pas à être utilisés à d'autres fins. Nous n'aurons pas non plus à en approuver le report sur une année ultérieure. En somme, 20 p. 100 de ce qui n'est pas dépensé pourra être reporté sur l'année suivante. Il s'agit d'une nouvelle disposition. Nous ne savons pas si elle s'appliquera à l'avenir. Nous avions déjà vu un report de 5 p. 100 des crédits de fonctionnement et des crédits pour dépenses en immobilisations. Il est ici question de 20 p. 100 des fonds pour dépenses en immobilisations. C'est une nouvelle initiative qui vise à inciter les ministères qui disposent de crédits non dépensés mais approuvés à ne pas les dépenser de façon imprudente et irresponsable, car ils savent qu'ils pourront en reporter 20 p. 100 sur l'année suivante. C'est une bonne disposition, et j'espère qu'elle sera appliquée encore une autre année.

(1800)

Honorables sénateurs, nous devrions parler aussi du Service correctionnel du Canada, dont le budget est augmenté au total de 522 millions de dollars, y compris 458 millions, soit 88 p. 100, pour payer les coûts issus de la mise en œuvre de la Loi sur l'adéquation de la peine. Les sénateurs ont entendu, dans cette enceinte, des discussions sur ces coûts à plusieurs occasions. Nous commençons maintenant à observer les conséquences de cette loi pour les prochaines...

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément au Règlement... Sénateur Comeau?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai discuté de la question avec le leader adjoint de l'autre côté et je voudrais savoir s'il y a consentement unanime pour que nous ne tenions pas compte de l'heure et que nous continuions à traiter les questions inscrites au Feuilleton.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Day : Une somme additionnelle de 458 millions de dollars est prévue pour mettre en œuvre la Loi sur l'adéquation de la peine. Cette somme ne comprend pas les coûts additionnels qui devront être assumés par les gouvernements des provinces et des territoires. C'est un dossier qui suscite des inquiétudes grandissantes. La somme a été fixée selon une estimation, puisque la loi ne fait que commencer à s'appliquer.

Le ministère des Finances est venu témoigner au sujet de ses dépenses. Premièrement, nous avons parlé des taux d'intérêt. Nous avons aussi parlé d'un projet lié au train de mesures de relance économique, projet qui s'inscrit dans un continuum. Le ministère des Finances rachète des hypothèques aux institutions financières pour que celles-ci aient davantage d'argent à investir ailleurs, notamment pour accorder d'autres prêts hypothécaires malgré le ralentissement économique.

Ce programme n'a pas obtenu la participation prévue. Par conséquent, le ministère des Finances a eu besoin de moins d'argent pour l'intérêt. Il faut tenir compte de l'intérêt sur les prêts, mais aussi sur les hypothèques rachetées. Le ministère a dépensé moins que prévu, ce qu'il nous a expliqué. Nous avons ainsi pu mieux comprendre la situation.

Pour ce qui est des transferts aux provinces et de la péréquation, le programme...

Son Honneur le Président : Les 15 minutes allouées au sénateur Day sont écoulées.

Le sénateur Day : Honorables sénateurs, pourrais-je disposer de cinq minutes supplémentaires, en plus de la minute et demie que j'ai perdue lorsqu'on a décidé s'il convenait ou non de ne pas tenir compte de l'heure?

Le sénateur Comeau : D'accord pour cinq minutes.

Le sénateur Day : Six minutes et demie, merci. Les transferts provinciaux et la péréquation ne vont pas changer cette année, mais, honorables sénateurs, n'oubliez pas que les ententes devront être reconduites. La date d'expiration des ententes actuelles en matière de santé, de transferts sociaux et de péréquation générale est le 31 mars 2014.

Il faudra donc s'atteler à la tâche pour renouveler ces divers programmes de transfert avant la date limite. Une autre entente en matière de santé, qui porte sur les transferts au titre de la réduction des listes d'attente et qui se chiffre à 250 millions de dollars par année, arrivera aussi à expiration à la fin du mois de mars 2014.

Dans le dossier de l'harmonisation de la taxe de vente, la Colombie-Britannique et l'Ontario ont touché 3 milliards de dollars du gouvernement fédéral sous forme d'aide transitoire à cet égard. Les sénateurs ont peut-être entendu M. Duceppe parler de cette question dans le contexte du Québec.

Honorables sénateurs, avant que mon temps de parole soit encore écoulé, j'aimerais parler de PPP Canada en général. Je vais résumer mes propos. Honnêtement, nous avons été surpris d'apprendre que, pour le moment, Partenariats public-privé Canada ne semble être qu'un organisme subventionnaire parmi tant d'autres. Nous pensions qu'il fonctionnerait davantage comme une entreprise bénéficiant de contributions du gouvernement et du secteur privé, qui uniraient leurs efforts pour construire des infrastructures qui ne verraient peut-être pas le jour autrement si elles devaient être financées entièrement par des deniers publics.

Honorables sénateurs, nous nous sommes rendu compte que 1,2 milliard de dollars avaient été investis dans ce programme sur une période de cinq ans. L'organisation compte 40 employés, mais souhaiterait en avoir davantage. Son budget de fonctionnement annuel se chiffre à 12,7 millions de dollars et, en deux ans et demi, elle a versé trois subventions — il ne s'agit pas de trois investissements, mais bien de trois subventions.

Nous avons été stupéfaits d'apprendre cela. Cette organisation a obtenu une enveloppe de plus de 500 millions de dollars, mais elle a versé des subventions d'une valeur de 1 million de dollars seulement. Par conséquent, elle a encore beaucoup d'argent à sa disposition. Honorables sénateurs, nous devrons garder un œil attentif sur cette initiative particulière. Si PPP Canada n'est qu'un simple organisme subventionnaire, pourquoi serait-il nécessaire de créer une autre infrastructure, compte tenu du fait qu'il existe déjà plusieurs organismes subventionnaires et outils de développement économique? C'est une des constatations que nous avons faites.

J'ai parlé de Patrimoine canadien. Son budget de fonctionnement total est réduit de 34 millions de dollars. Pour ce qui est de savoir où seront effectuées les réductions, le ministère se dit capable de les éponger à l'interne. Nous verrons bien.

Plusieurs programmes d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, dernier ministère dont je voulais parler, se terminent à la fin de ce mois-ci, ce qui veut dire dès la semaine prochaine. Les crédits approuvés pour ce ministère en particulier sont réduits de 192 millions de dollars, et les crédits législatifs, de 226 millions de dollars.

Les représentants du Conseil du Trésor et d'Agriculture Canada qui sont venus témoigner devant le comité nous ont dit de ne pas nous inquiéter parce que le budget comprendrait des éléments qui n'apparaissent pas dans le Budget principal des dépenses. Nous comprenons cela. J'ai expliqué plus tôt que le Budget principal des dépenses ne comprend pas les initiatives budgétaires.

Or, j'ai examiné le budget, sa valeur et ses avantages. On y annonce le lancement du programme Cultivons l'avenir 2 en 2013-2014, mais peu d'initiatives seront mises en œuvre au cours des deux prochaines années, et il n'est nulle part mention des initiatives qui achèvent et qui s'appliquaient à de nombreux secteurs de l'agriculture. Ce sera une source de préoccupation, à moins que certains des budgets supplémentaires à venir ne prévoient des mesures qui ne figurent pas dans le budget.

Honorables sénateurs, voilà les points saillants du rapport. Il est beaucoup plus complet et beaucoup plus détaillé. Bien entendu, le Budget principal des dépenses est aussi beaucoup plus détaillé. En supposant qu'il sera adopté, il servira de fondement à l'adoption du projet de loi de crédits plus tard cette semaine et du projet de loi de crédits provisoires entre le 1er avril et la fin de juin.

L'honorable Irving Gerstein : Honorables sénateurs, je suis honoré de prendre aujourd'hui la parole en cette enceinte au sujet du Budget principal des dépenses pour l'exercice 2011-2012. Je ne me dis pas honoré seulement parce qu'il est d'usage de le dire ou parce que c'est toujours un honneur de s'adresser à cette auguste assemblée, bien que ce soit aussi vrai, mais parce que je suis vraiment fier du bilan du gouvernement actuel en ce qui concerne sa solide gestion économique et parce que le budget marque un autre petit pas vers l'amélioration de ce bilan.

(1810)

Les crédits ventilés dans ce budget reflètent la prochaine phase du Plan d'action économique du Canada, dont le budget de 2011 déposé hier à la Chambre des communes expose le détail. Toutefois, honorables sénateurs, avant de s'intéresser à ce que nous réserve l'avenir, il serait utile d'examiner brièvement les tendances économiques récentes.

Il y a deux ans, le premier ministre Harper a déclaré que le Canada a été le dernier des pays avancés à tomber en récession, que nous veillerions à ce que les effets soient les moins graves possible et que nous nous en sortirions plus vite que quiconque et plus forts que tous les autres.

Honorables sénateurs, voilà exactement ce qui se produit et tous les Canadiens devraient en être fiers. Bien avant que quiconque ait prévu la récession, le gouvernement a réduit les taxes et les impôts des consommateurs, faisant passer de 7 à 5 p. 100 la taxe de vente fédérale, abaissant l'impôt des particuliers et allégeant de 3 000 $ le fardeau fiscal de la famille canadienne moyenne. Lorsque la récession est survenue, le fardeau fiscal fédéral au Canada était déjà à son plus faible depuis l'époque du premier ministre John Diefenbaker, qui remonte à une cinquantaine d'années.

Grâce à de telles mesures et au fondement solide sur lequel a été édifié notre secteur financier au fil des ans, et ce, je le souligne, sous les gouvernements des deux allégeances, le Canada a pu essuyer la récession mieux que la plupart des autres pays.

Lorsqu'est survenue la récession, le gouvernement du Canada, à l'instar de nos partenaires économiques du monde entier, a réagi en déployant un programme de relance à grande échelle.

Cependant, nous n'avons pas simplement dilapidé de l'argent ici et là, sans discernement, en espérant produire des résultats positifs. Nous n'avons pas non plus créé de nouveaux programmes entraînant des dépenses importantes, qui auraient perduré une fois la crise passée ni alourdi la bureaucratie de façon permanente. Nous avons plutôt réduit les tracasseries administratives et nous avons accéléré des milliers d'investissements prévus dans l'infrastructure publique pour appuyer la croissance économique des prochaines générations. Nous avons aussi éliminé les droits de douane sur les intrants de fabrication, notamment la machinerie, pour accroître la productivité des entreprises canadiennes. Enfin, nous avons mis en place des mesures ciblant les industries les plus touchées par la crise ainsi que les Canadiens qui ont perdu leur emploi de longue date sans en être responsables, et nous avons alloué davantage de fonds au programme de travail partagé afin que les employés puissent éviter les mises à pied et n'aient pas à suivre par la suite une nouvelle formation et à être réembauchés.

Honorables sénateurs, grâce au Plan d'action économique du Canada, notre pays émerge de la récession mondiale encore plus fort, comme l'avait promis le premier ministre. Je ne vous demande pas de me croire sur parole. Les preuves sont éloquentes. Comme mes collègues d'en face le savent très bien, ayant entendu ces paroles de la bouche de l'un de leurs anciens chefs, « une preuve est une preuve ». Je cite bien entendu le très honorable Jean Chrétien.

Honorables sénateurs, voici les preuves :

Au total, 480 000 emplois ont été créés au Canada depuis que le pays a franchi le creux de la récession, en juillet 2009. Cela signifie qu'il y aujourd'hui un plus grand nombre de Canadiens qui travaillent qu'avant la récession. Bien peu d'économies développées peuvent se targuer d'avoir réussi à regagner tous les emplois perdus. La croissance de l'emploi au Canada est forte, car notre croissance économique dans son ensemble l'est tout autant. En fait, parmi les pays du G7, le Canada est celui qui affiche la plus importante croissance économique, et il est suivi, de loin, par les autres pays. Notre pays vient de connaître six trimestres consécutifs de croissance économique, et notre niveau d'activité économique dépasse aujourd'hui celui d'avant la récession.

Le Canada arrive aussi au premier rang des pays du G7 en ce qui concerne la croissance du revenu disponible par habitant, ce qui signifie que les familles canadiennes ont plus d'argent à dépenser comme bon leur semble. L'effet marginal des taux d'imposition sur les nouveaux investissements commerciaux au Canada a diminué presque de moitié sous le gouvernement actuel, et il est maintenant le plus bas parmi les pays du G7. Grâce au plan quinquennal de réduction de l'impôt des entreprises, qui est devenu loi en 2007, avec l'appui de nos amis libéraux de l'autre endroit, le taux d'imposition des entreprises canadiennes sera inférieur au taux moyen des pays membres de l'OCDE en 2012.

Comme Jack Mintz, un éminent économiste et fiscaliste, l'a souligné récemment, toutes ces mesures donneront aux entreprises l'impulsion nécessaire pour élargir leurs activités au Canada et permettront de créer des dizaines de milliers, voir des centaines de milliers d'emplois sans que le trésor fédéral ne soit tenu d'investir d'importantes sommes d'argent.

Honorables sénateurs, il y a un coût associé à la première phase du Plan d'action économique — celle de la stimulation directe — que je viens de décrire. Pourtant, le gouvernement conservateur n'a pas imposé pour dépenser. Cela n'aurait fait qu'empirer la situation. Par contre, nous avons emprunté pour dépenser. Même à cela, honorables sénateurs, le Canada est, et de loin, le pays du G7 dont la dette nette totale est la moins élevée, exprimée en pourcentage de l'économie, et cela comprend tous les ordres du gouvernement.

En outre, nous avons un plan solide pour ramener notre budget du côté des excédents d'ici quatre ans. Au cours de la dernière année, le déficit a diminué de plus de 25 p. 100 et notre plan le réduira d'autant dans l'année à venir. Le gouvernement conservateur est en bonne voie d'atteindre son objectif, à savoir l'équilibre budgétaire, d'ici 2015-2016. En fait, nous sommes légèrement en avance sur les prévisions que nous avions publiées dans la mise à jour économique de l'automne dernier. Je mets cependant tous les sénateurs en garde, car nous sommes au début du processus et on ne peut rien tenir pour acquis.

Les économistes du secteur privé projettent maintenant une croissance de 2,9 p. 100 du PIB réel en 2011, soit un demi-point de pourcentage de plus que ce qu'ils prévoyaient au moment de la mise à jour économique. Qui plus est, selon leurs prévisions, la croissance du PIB nominal — le meilleur moyen de mesurer l'assiette fiscale — sera de 20 milliards de dollars supérieure aux projections de l'automne dernier.

Les sénateurs savent que, pour préparer leurs prévisions, les économistes compétents et dévoués du ministère des Finances s'appuient en moyenne sur plus d'une dizaine de prévisions publiées par les principales institutions financières et économiques du Canada. Ensuite, le gouvernement, aux fins de planification budgétaire, soustrait 10 milliards de dollars par an aux prévisions du secteur privé relatives au PIB nominal. Honorables sénateurs, le moins que l'on puisse dire, c'est que les prévisions du gouvernement sont très conservatrices. Les Canadiens peuvent être sûrs que le plan présenté par le gouvernement conservateur permettra d'atteindre l'équilibre budgétaire d'ici 2015.

Cela me ramène au Budget principal des dépenses pour l'exercice 2011-2012 et à la phase suivante du Plan d'action économique du Canada. Bien sûr, en parlant de l'avenir économique du Canada, je pars du principe que le gouvernement conservera, d'une façon ou d'une autre, son mandat de mettre en œuvre le Plan d'action économique du Canada.

Honorables sénateurs, c'est le premier ministre britannique Anthony Eden qui, en 1956, a dit : « Tout le monde est toujours en faveur de l'économie générale et des dépenses particulières. » Cette remarque est encore d'actualité, puisque l'opposition demande au gouvernement de financer des programmes de dépenses massives, alors qu'elle s'élève contre le déficit. Ces politiques sont contradictoires et le seul moyen de les concilier est d'augmenter les impôts, ce qui est néfaste pour l'emploi et la reprise économique.

Honorables sénateurs, nous ne devons pas nous engager sur cette voie. Nous devons garder le cap vers à un budget équilibré. Toutefois, nous devons y arriver en comprimant les dépenses et en appliquant une politique sensée, non en haussant les impôts. Le gouvernement conservateur accroîtra les recettes en créant les conditions favorables à la croissance économique. Nous augmenterons l'assiette fiscale, non le taux d'imposition.

Toutefois, tout en limitant les dépenses, nous devons éviter d'équilibrer le budget au détriment des transferts aux provinces pour des services cruciaux comme les soins de santé et l'éducation. Nous ne pouvons pas non plus nous permettre de négliger les responsabilités fondamentales de l'échelon fédéral, comme le maintien de forces armées aptes au combat.

En bref, honorables sénateurs, nous devons trouver un équilibre réaliste entre l'économie générale et certaines dépenses précises.

C'est exactement ce que font le Budget principal des dépenses de 2011-2012 et le Budget de 2011. Ils ne renferment ni financement pour des établissements sportifs professionnels ni plan pour un horaire de travail de 45 jours par année. En somme, ils ne comprennent aucune mesure nécessitant une augmentation de la TPS régressive ou une hausse d'impôt pour les entreprises qui créent des emplois.

Honorables sénateurs, laissez-moi vous donner les points saillants du budget des dépenses. Celui-ci expose en détail les dépenses de 250,8 milliards de dollars prévues pour l'exercice. Il s'agit d'une diminution de 10,4 milliards de dollars par rapport au Budget principal des dépenses de l'an dernier. La majeure partie de la réduction est attribuable à des dépenses législatives moins élevées en raison de la reprise économique canadienne qui se poursuit. Par exemple, l'impressionnante croissance de l'emploi au Canada a entraîné une importante baisse du montant de prestations d'assurance-emploi à verser. Toutefois, les efforts continus déployés par le gouvernement pour modérer les coûts sont attestés par la diminution de 4,6 p. 100 des dépenses totales du Budget principal des dépenses par rapport à celles du Budget des dépenses de 2010-2011. Les crédits votés pour les dépenses de programmes et de fonctionnement ont diminué de 720 millions de dollars, soit 1,5 p. 100.

(1820)

Des fonctionnaires qui ont comparu devant le Comité des finances nationales ont expliqué que bon nombre des différences entre le Budget principal des dépenses de 2010-2011 et celui de 2011-2012 s'expliquaient par des initiatives du Plan d'action économique qui sont simplement arrivées à terme. Il faut cependant souligner que, si la majeure partie des mesures gouvernementales de relance arrivent à échéance le 31 mars de cette année, il y en a qui se poursuivront au cours du prochain exercice financier. Par exemple, la période d'admissibilité des projets d'infrastructure à un financement fédéral a été prolongée jusqu'en octobre 2011. Cela n'entraîne aucun coût additionnel pour le gouvernement fédéral puisque l'argent a déjà été affecté à ces projets et est simplement étalé sur une plus longue période afin que les projets qui ont déjà été approuvés et ont été entrepris puissent être terminés.

Je le répète, ce ne sont pas les dépenses de tous les secteurs qui sont réduites en raison des efforts que nous avons déployés pour atteindre l'équilibre budgétaire. Par exemple, le gouvernement conservateur a promis de ne pas transférer le fardeau du déficit aux provinces. Fidèles à notre parole, le Budget principal des dépenses de 2011-2012 prévoit une augmentation de 6,3 p. 100 des transferts aux provinces au titre de la santé, une augmentation de 2,7 p. 100 des transferts sociaux et une augmentation de 2,1 p. 100 des paiements de péréquation. Ces augmentations sont conformes à l'arrangement pluriannuel conclu entre le gouvernement et les provinces afin d'assurer un financement stable et prévisible pour les soins de santé, l'éducation et les services sociaux.

Le gouvernement s'est aussi engagé à fournir aux Forces canadiennes les outils et les ressources dont elles ont besoin pour faire leur travail indispensable efficacement et de la manière la plus sécuritaire possible. Le Budget principal des dépenses reflète une augmentation planifiée de 200 millions de dollars des dépenses budgétaires de la Défense nationale.

Honorables sénateurs, ce sont là des exemples de dépenses précises auxquelles le gouvernement reste attaché, même dans le climat économique général actuel.

Pour terminer, je n'ai pas besoin de rappeler aux sénateurs que le Budget principal des dépenses n'est que le premier d'une série de quatre budgets que nous étudierons au cours de l'exercice 2011-2012. Ces budgets ne reflètent pas les nouvelles mesures contenues dans le budget de 2011. Je sais que les sénateurs sont très enthousiastes à l'idée de débattre du projet de loi d'exécution de ces nouvelles mesures dès que l'occasion se présentera.

Le sénateur Day : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Gerstein : Avec plaisir.

Le sénateur Day : Je félicite le sénateur de son exposé. Je l'ai écouté très attentivement, mais il nous serait utile de savoir si le sénateur appuie le rapport dont nous discutons actuellement.

Le sénateur Gerstein : Comme le sénateur le sait, je suis ravi qu'il ait posé cette question. J'appuie sans réserve le rapport que nous débattons en ce moment.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, l'honorable sénateur a prononcé un discours. Il a souvent l'habitude de s'emporter, mais, à la question du sénateur Day, il a dit qu'il appuyait le rapport. Je n'ai pas l'impression qu'il parlait du même rapport que celui dont parlait le sénateur Day. Pourrait-il m'éclairer?

[Traduction]

Le sénateur Gerstein : Je remercie le sénateur d'avoir posé cette question. Toute ma vie, on m'a reproché d'être trop enthousiaste. J'ai dû composer avec cela. Je sais que la population canadienne espère que ce rapport sera adopté puisqu'elle sait que le budget comporte des mesures qui sont bonnes pour le Canada.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le rapport est adopté.)

[Français]

La sanction royale

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 23 mars 2011

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable David Johnston, Gouverneur général du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l'annexe de la présente lettre le 23 mars 2011 à 17 h 57.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Stephen Wallace

L'honorable
    Président du Sénat
        Ottawa

Projet de loi ayant reçu la sanction royale le mercredi 23 mars 2011 :

Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (procédure d'examen expéditif) et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois (Projet de loi C-59, Chapitre 11, 2011)

[Traduction]

La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Dennis Dawson propose que le projet de loi S-227, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (dépenses électorales), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je sais qu'au moins un sénateur — le sénateur Gerstein — attend avec impatience le discours que je devais faire le 14e jour. Je voulais faire ce discours la semaine prochaine, mais, pour toutes sortes de raisons, je ne pourrai pas le faire. Mon discours a créé des attentes, et je vais tenter d'y répondre.

Honorables sénateurs, je vais donner une courte explication du projet de loi. Certains sénateurs ont déjà entendu parler du projet de loi et des diverses explications à son sujet. Le projet de loi ne vise pas à empêcher les gens de faire de la publicité entre les campagnes. Il leur dit plutôt que, s'ils veulent en faire, ils doivent l'inscrire dans le budget de la campagne si la publicité est faite dans les trois mois qui précèdent la campagne.

Ce projet de loi repose sur certains principes. Puisque je présente de nouveau le même projet de loi, je vais parfois répéter les justifications et les principes qui sous-tendent ce dernier. J'énumérerai également certains des comportements scandaleux du gouvernement. Ce ne sont pas les mêmes que la dernière fois. La liste s'est juste allongée depuis. Je tenterai de mettre cette liste à jour en parlant des nouvelles façons de faire dont le gouvernement Harper nous a récemment gratifiés.

[Français]

Le tout premier principe sur lequel est basé ce projet de loi est le suivant : les élections ne devraient pas et ne doivent pas dépendre de la taille des coffres d'un parti politique. Les résultats de nos élections devraient être basés sur qui, selon l'avis des Canadiens et des Canadiennes, présente les meilleures idées pour le pays. Les élections sont un combat d'idées et non un combat pour savoir qui peut dépenser le plus. Cette façon de faire où les idées priment sur l'argent en campagne électorale est une longue tradition canadienne qui remonte à M. Diefenbaker. Le fait d'avoir un « level playing field » en campagne électorale avait été promu et défendu par M. Diefenbaker. Je sais que vous le citez souvent, et c'est pour cela que je me permets de le faire aujourd'hui.

L'argent ne devrait pas permettre à un parti de mobiliser le discours politique. Pour s'assurer que les partis politiques aient la même chance de faire valoir leurs idées, on devrait peut-être revenir aux valeurs traditionnelles. La Loi électorale du Canada fixe des limites quant aux montants pouvant être dépensés par les partis pendant les campagnes électorales. C'est l'esprit de cette philosophie.

(1830)

Une majorité écrasante de Canadiens acceptent d'ailleurs la loi électorale canadienne sur le « level playing field ».

[Traduction]

Depuis plusieurs dizaines d'années, nous avions des règles du jeu équitables, mais voilà que les conservateurs actuels veulent tout chambouler. Le gouvernement actuel a pris le pouvoir en promettant d'éliminer le pouvoir de l'argent en politique, mais il tente maintenant de changer les règles qui faisaient en sorte que tous se trouvaient sur un pied d'égalité.

Le premier principe de ce projet de loi consiste à réduire l'influence de l'argent dans la sphère politique, en empêchant les partis politiques les mieux nantis de remporter les élections parce qu'ils ont plus d'arget et à faire en sorte que les règles du jeu demeurent équitables afin que tous les candidats et tous les partis puissent faire valoir leurs idées.

Le second principe repose sur une tradition canadienne qui remonte à M. Diefenbaker, et même, sénateur Gerstein, au grand-père du sénateur Meighen. Je sais qu'après les accusations qui ont été portées le mois dernier, il y a un principe qui risque de ne pas plaire à certains sénateurs d'en face, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit de l'un des grands principes de la démocratie : nul ne doit exploiter les lacunes de la loi. C'est mal de tenter d'en tirer parti et de se dire qu'on ne fait rien de mal tant qu'on ne se fait pas pincer par Élections Canada.

Manifestement, la Loi électorale du Canada s'est retrouvée avec une de ces lacunes depuis que les conservateurs ont adopté leur loi sur les élections à date fixe. Dans la mesure où la date des élections est fixée par la loi, si cette loi était respectée, ce qu'elle n'a pas été la dernière fois et ce qu'elle ne sera sans doute pas encore cette fois-ci, pendant les trois mois qui précèdent une campagne, rien n'empêche tel ou tel parti politique de dépenser des millions de dollars pour tenter d'influencer l'électorat, ce qui rompt avec la tradition canadienne. En effet, si on connaît la date théorique des prochaines élections, qu'est-ce qui nous empêche de commencer à dépenser des mois d'avance? Or, si un parti peut se lancer dans une campagne effrénée de publicité avant de dépêcher son chef chez le Gouverneur général, c'est nécessairement que la loi comporte une lacune. Cette façon de faire contrevient à l'esprit de la Loi électorale du Canada. Rien ne les empêche d'organiser une campagne de publicité, mais ils doivent rendre des comptes.

[Français]

Ainsi, avec des élections à date fixe, tous les partis connaissent la date du prochain scrutin et peuvent facilement se lancer dans des campagnes publicitaires des mois à l'avance sans que celles-ci ne soient assujetties à la loi.

Cette situation est encore plus préoccupante en situation minoritaire. Dès qu'une élection semble se pointer à l'horizon, tous les partis se lancent en blitz préélectoral. Et vous savez aussi bien que moi que, en période minoritaire, on a des menaces d'élection tous les six mois, incluant cette semaine, d'ailleurs.

Que ce soit l'opposition qui retire sa confiance envers le gouvernement ou bien le premier ministre qui décide de violer sa propre loi d'élection à date fixe, comme l'a fait M. Harper en 2008, les élections en période minoritaire semblent toujours imminentes.

Allons-nous avoir des publicités et des campagnes préélectorales chaque fois qu'il y a menace d'élections? Je crois sincèrement que les parlementaires canadiens sont payés pour gouverner et non pour faire des campagnes tous les trois mois.

Ceci m'amène à mon troisième grand principe, les campagnes permanentes.

[Traduction]

Au Canada, on avait aussi l'habitude de travailler et de gouverner entre les élections, plutôt que de consacrer l'essentiel de son temps à faire campagne contre les autres partis politiques. Au cours des décennies antérieures, les partis politiques attendaient le déclenchement des élections avant de lancer leur campagne officielle, mais les conservateurs essaient maintenant d'imposer aux Canadiens une stratégie de campagne permanente, comme il en existe une aux États-Unis, où les représentants passent une année à ramasser de l'argent, puis l'année suivante à le dépenser, au lieu de gouverner le pays. Ce n'est pas un joli modèle à suivre. Nous souhaitons nous inspirer de certaines qualités des États-Unis, mais nous ne voulons pas suivre l'exemple de ce pays dans ce domaine.

Le mois dernier, plus précisément le 3 février, lendemain du jour où j'ai présenté ce projet de loi, le National Post, un journal que les sénateurs conservateurs connaissent mieux que moi, écrivait ceci :

La scène politique canadienne s'éloigne de plus en plus de ce qu'elle a été pour devenir le théâtre d'une « campagne permanente ».

L'éditorial n'était pas élogieux, croyez-moi.

Je ne crois pas aux campagnes permanentes parce c'est contraire à la tradition canadienne, qui consiste à débattre des idées, et non à dépenser n'importe comment, à longueur d'année, et à essayer de discréditer ses adversaires. La tradition canadienne veut aussi que l'on travaille et que l'on gouverne entre les élections, et non que l'on passe son temps à faire campagne. Les Canadiens attendent de leurs parlementaires qu'ils préparent et étudient des projets de loi, et non qu'ils passent leur temps à faire campagne. C'est précisément ce qui fait que j'ai présenté de nouveau mon projet de loi. Je crois sincèrement que les Canadiens méritent qu'on débatte du genre de vie politique qu'ils souhaitent voir au pays.

Les libéraux ne resteront pas les bras croisés pendant que les conservateurs changent cette tradition. Nous devons réagir. Je crois que nous devons débattre du changement qui s'est produit dans la vie politique au Canada. La question fondamentale, dans ce débat, consiste à déterminer si nous voulons que subsiste en permanence l'ambiance électorale dans laquelle les conservateurs nous ont plongés ou si nous voulons préserver la tradition canadienne, selon laquelle les élections sont équitables et les idées priment sur l'argent.

Les conservateurs essaient outrageusement de changer cette tradition canadienne en dépensant sans cesse hors des campagnes électorales. La dernière fois que j'ai pris la parole au sujet de ce projet de loi, en 2009, on faisait essentiellement valoir qu'environ 5 millions de dollars étaient consacrés à des campagnes. Les dépenses n'ont certainement pas diminué depuis ce temps.

Il convient de mentionner, cependant, que, même si l'alliance réformist-conservatrice a dépensé autant d'argent, elle n'a pas pu convaincre l'électorat de l'appuyer. Il est vrai qu'elle a probablement eu une influence négative sur notre parti, mais en réalité, même avec toutes ces dépenses, les conservateurs ne sont pas remontés dans les sondages. Est-ce que les sénateurs pensent que dépenser encore 4 millions de dollars cette année les aidera? Je ne le crois pas.

La semaine dernière, les médias ont annoncé que le gouvernement Harper, tel qu'il s'est renommé, avait dépensé 26 millions de dollars pour des spots publicitaires destinés à promouvoir son plan d'action. Le gouvernement actuel devrait avoir honte d'utiliser l'argent des contribuables à des fins partisanes. L'adage « la fin justifie les moyens » va comme un gant aux conservateurs, qui estiment que tous les moyens sont bons pour atteindre leurs objectifs politiques.

Non seulement ils se rendent coupables d'abus de pouvoir, mais ils abusent aussi des ressources gouvernementales — notamment le bureau et la résidence du premier ministre — pour faire des publicités partisanes, comme l'a mentionné le sénateur Mercer, sans compter l'utilisation abusive du personnel ministériel de la part du ministre Kenney. Et la liste n'en finit plus. Je vais passer quelques exemples, mais le meilleur est le plus récent. Il y a une machine à signer dans le bureau de Mme Oda, étant donné que la ministre a dit que c'était la machine qui avait signé la note. C'est une première, honorables sénateurs. Nous avons entendu « c'est la faute de l'opposition » et « c'est la faute des bureaucrates ». Ils font cela depuis cinq ans. C'est la faute du gouvernement précédent? Mais oui. Nous connaissons la chanson. C'est la faute des médias? Nous l'avons déjà entendue, celle-là. C'est la faute de la machine à signer? Alors ça, c'est une première, honorables sénateurs.

Il y a les chèques du gouvernement portant le logo des conservateurs et les dépenses dans les circonscriptions conservatrices qui sont disproportionnées par comparaison avec celles dans les autres circonscriptions, et la liste est longue.

Il est incontestable que les conservateurs se servent des ressources gouvernementales et la plupart d'entre nous le savons. J'estime que cette utilisation pose problème. Je pense que ce projet de loi n'est que la première d'une série de modifications à la Loi électorale du Canada. Les conservateurs abusent tellement que je pense que nous devrons à un moment donné tenir un débat plus réaliste.

J'aimerais que le projet de loi soit renvoyé au comité afin qu'on puisse débattre de certaines de ces pratiques qui changent la façon dont le Canada est perçu dans le monde. Par exemple, j'estime que nous devrions légiférer sur l'utilisation, par les partis politiques, de séquences vidéo appartenant à un diffuseur public. Les conservateurs ont été accusés d'avoir utilisé des séquences vidéo appartenant à CBC/Radio-Canada. Récemment, les conservateurs ont utilisé, sans autorisation et contre la volonté du diffuseur public, des images et des séquences vidéo lui appartenant. CBC/Radio-Canada se doit de demeurer neutre et les partis politiques ne devraient pas avoir le droit de se servir de sa propriété intellectuelle à des fins partisanes. C'est, à mon avis, inacceptable.

De plus en plus de Canadiens envisagent la politique et leurs politiciens avec cynisme. Le taux de participation aux dernières élections illustre bien le phénomène. À mon avis, le fait que les Canadiens se désintéressent à la politique est en partie attribuable aux publicités négatives à saveur républicaine. J'estime que ces publicités négatives contribuent beaucoup au cynisme des Canadiens, parce qu'ils ne les aiment pas. Les Canadiens désirent un discours politique plus recherché et plus constructif que des publicités négatives.

Ce n'est pas pour pleurnicher que je présente cette mesure. Je la présente parce que j'estime que c'est un sujet qui mérite un débat. Les publicités négatives rebutent les Canadiens. Elles rebutent les électeurs, objectif bien connu qu'ont en commun les conservateurs et les partis de droite aux États-Unis. Plus la participation au scrutin diminue, plus les partis de droite ont des chances de gagner. La diffusion ciblée est un objectif politique. Les stratégies visant à réduire la participation au scrutin sont préconisées par les partis de droite. Les idéologues de droite ont tout à gagner de la faible participation électorale.

Nous savons bien que les conservateurs bénéficient toujours d'une faible participation électorale. Ils en ont bénéficié lors des dernières élections. Ils ont obtenu moins de votes qu'aux élections précédentes mais ont quand même gagné. Il semble qu'ils atteignent leur objectif. Ils ont obtenu moins de votes en 2008 qu'en 2006, mais ils ont obtenu plus de sièges à la Chambre. Si c'est là leur objectif, ils devraient au moins l'avouer. Ils ont beaucoup en commun avec les républicains, mais contrairement à ceux-ci, ils n'ont pas le courage de s'assumer. Si nous nous dirigeons vers un système en vertu duquel nous sommes toujours en campagne, comme aux États-Unis, peut-être devrions-nous faire campagne comme les Américains. Peut-être que le chef des conservateurs devrait dire : « Je suis Stephen Harper, et j'ai approuvé cette publicité. » Il ne l'a jamais fait parce que ces messages le mettent probablement un peu mal à l'aise mais, selon moi, si l'on doit imiter les Américains, autant le faire jusqu'au bout.

(1840)

Le sénateur Tkachuk : Qu'est-ce qu'une publicité négative?

Le sénateur Dawson : Je suis sûr que vous les avez vues en Saskatchewan.

Le sénateur Cowan : Je pense que vous avez capté leur attention, sénateur Dawson.

Le sénateur Dawson : Je suis censé présider un comité dans cinq minutes, alors je dois partir. Enfin, je ne crois pas que le premier ministre dirait : « Je suis Stephen Harper et j'approuve ces mensonges. » Je sais que nous n'avons pas le droit d'employer le mot « mensonge », mais chaque fois que les conservateurs ont été critiqués pour avoir diffusé des messages mensongers, ils les ont retirés des ondes. Ils conservent toutefois l'objectif de décourager les Canadiens; c'est bien connu. Moins les gens votent, plus vous pensez avoir des chances de gagner.

[Français]

En conclusion, honorables sénateurs, pour en finir avec le cynisme des Canadiens envers la politique et pour le bien démocratique canadien, nous devons mener des élections qui se gagnent avec des idées, et non avec de l'argent.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je crois que ce projet de loi est nécessaire parce qu'il préserverait une tradition canadienne, mettrait un terme aux campagnes permanentes et, au bout du compte, espérons-le, ranimerait l'intérêt des gens pour les élections et la politique. Quand on est fier d'affaiblir la participation au scrutin, dans un État démocratique, à une époque où le monde réclame une plus grande participation à la démocratie, le seul mot qui me semble convenir est « pathétique ».

Honorables sénateurs, comme la plupart des Canadiens, je ne crois pas aux campagnes permanentes. Je crois aux débats équitables. Je crois aux politiciens qui travaillent pour le Canada au lieu de se battre en permanence.

Les sénateurs ont probablement entendu la réponse libérale aux publicités négatives des conservateurs, car, bien sûr, les adversaires doivent toujours réagir. Ils ne se contentent pas de regarder sans dire un mot. C'est pourquoi les campagnes permanentes ne sont pas souhaitables. Dès qu'un parti commence, l'autre répond, et c'est l'amorce d'un cercle vicieux de réparties partisanes sans fin.

Rappelez-vous que la réponse libérale était : « Est-ce votre Canada? Ou celui de Harper? » Permettez-moi de vous dire quelque chose, honorables sénateurs, les campagnes permanentes n'existent pas dans mon Canada; elles sont propres à celui de Harper. Je crois vraiment à notre tradition canadienne. Je crois que le résultat des élections devrait être déterminé sur la base d'un échange d'idées, et non d'un concours à qui peut dépenser le plus. Enfin et surtout, je sais que la plupart des Canadiens, aux quatre coins du pays, croient que la grande priorité d'un politicien devrait être de gouverner, et non de faire campagne en permanence.

[Français]

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis : Mon honorable collègue accepterait-il une question ou un commentaire?

Le sénateur Dawson : Oui.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Le sénateur Dawson a énuméré différentes erreurs que le gouvernement a supposément commises, mais ne croit-il pas que c'est l'attitude de son parti qui a fait en sorte que tout cela se produise?

Vous savez, tous les partis étaient au courant qu'un budget serait présenté à la Chambre des communes et, il y a plus d'un mois, le chef libéral a déclaré qu'il ne l'approuverait pas et qu'il ne le lirait même pas. En fait, cette déclaration qui n'avait pas de sens a causé des réactions. C'était mon commentaire.

Le sénateur Dawson : Honorables sénateurs, je dois vous dire que le Parti libéral a fondé sa décision concernant ce gouvernement non seulement sur le budget, comme vous le savez, mais également sur l'outrage au Parlement, sur tous les gestes posés par ce gouvernement depuis les dernières semaines, sur tous les scandales — Carson, hug-a-thug in the PMO. Toutes ces actions ont mené notre parti à conclure que nous ne pouvions pas continuer d'appuyer ce gouvernement. Lorsque la confiance à l'égard du parti au pouvoir n'y est plus, c'est le rôle d'un parti de l'opposition de le battre. C'est ce qu'ils vont faire à l'autre endroit et ce sera à nous ensuite d'aller en campagne électorale afin de retraverser de l'autre côté de la Chambre.

[Traduction]

L'honorable Irving Gerstein : Votre Honneur, je serai le porte-parole sur ce projet de loi. Je prévois intervenir à ce sujet demain. Je propose donc que le débat sur ce projet de loi soit ajourné à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Gerstein, le débat est ajourné.)

La Loi sur les brevets

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Fairbairn, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-393, Loi modifiant la Loi sur les brevets (drogues utilisées à des fins humanitaires internationales) et une autre loi en conséquence.

L'honorable Stephen Greene : Honorables sénateurs, à la suite des excellents discours prononcés par mes collègues au sujet du projet de loi C-393, je suis heureux d'avoir l'occasion de m'exprimer à mon tour à ce sujet. D'entrée de jeu, je tiens à préciser que ma tâche en tant que porte-parole n'est pas enviable, compte tenu des objectifs et de l'esprit de ce projet de loi. En effet, je suis déchiré. L'objet de ce projet de loi me tient à cœur et il suscite en moi de l'espoir.

En tant que Canadien fort soucieux de la position de notre pays sur la scène internationale, je crois sincèrement que l'objet de ce projet de loi est conforme à nos priorités en matière de promotion de la santé dans les régions du monde qui ont vraiment besoin de notre aide. Qui plus est, comme nous sommes l'un des pays les plus riches et les plus généreux de la planète, nous avons l'obligation d'être au fait des cas de souffrance humaine dès leur apparition et d'agir lorsque cela est possible.

Compte tenu des appels et des courriels reçus par les divers bureaux parlementaires, du battage médiatique, de la participation de vedettes de la musique rock et des pressions bien orchestrées et sincères à ce sujet, on pourrait penser que l'adoption de ce projet de loi au Sénat est la solution au problème de l'accès aux médicaments et de leur envoi en Afrique ou, à tout le moins, que les conséquences en seraient très positives. Malheureusement, je ne crois pas que ce soit le cas.

Honorables sénateurs, ce projet de loi est loin d'être une solution miracle. Il ne réglera pas le problème qu'il est censé régler et pourrait même en créer de nouveaux. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi.

L'adoption de ce projet de loi viendrait essentiellement faciliter la mise en œuvre d'une option d'achat impopulaire et coûteuse pour les groupes ou les pays qui cherchent à obtenir des médicaments pour l'Afrique. La simple réalité, c'est que, sans aucune tracasserie administrative, des fournisseurs de soins de santé africains peuvent déjà obtenir des médicaments plus abordables auprès de fabricants de médicaments génériques dans des pays autres que le Canada. C'est une bonne nouvelle. Certains médicaments sont distribués en Afrique. Certaines personnes reçoivent un traitement. Pas assez, bien sûr, car il faudrait davantage de médicaments, mais il y a une solution qui fonctionne au moins jusqu'à un certain point. Des médicaments sont régulièrement distribués et des traitements sont offerts.

S'il était adopté, le projet de loi offrirait une autre possibilité d'achat, mais à un prix plus élevé que ce que nos concurrents en Inde et au Brésil, par exemple, peuvent offrir. Le projet de loi créerait également une voie juridique comportant moins de problèmes d'accès. Toutefois, il n'accroîtrait pas la demande pour les médicaments génériques canadiens et il compromettrait malheureusement les brevets canadiens.

Lorsque la première mouture du RCAM a été mise en œuvre, on imaginait que les pays d'Afrique seraient nombreux à vouloir profiter de la solution juridique qu'offrait ce régime en matière d'approvisionnement. Ces pays n'ont pas fait la queue pour s'inscrire au programme. En fait, un seul pays s'en est prévalu. L'entente entre le Rwanda et la société canadienne Apotex a été conclue grâce aux efforts déployés par les deux partis qui souhaitaient mettre le programme à l'essai.

Honorables sénateurs, il faut comprendre que l'échec du RCAM n'est pas attribuable à des questions administratives, mais plutôt à des questions économiques. Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, dont je suis membre, a déjà été saisi d'un projet de loi semblable à l'automne 2009. C'est à ce moment que je me suis vraiment familiarisé avec le dossier. J'ai pu m'entretenir avec de nombreux intervenants, notamment les grands-mères, dont j'admire sincèrement le dévouement et l'enthousiasme pour cette cause.

En ce qui concerne les failles du projet de loi, je tiens à reprendre ici les propos de M. Amir Attaran, professeur associé aux facultés de droit et de médecine de l'Université d'Ottawa. M. Attaran est un ardent défenseur des initiatives en matière de santé qui visent l'Afrique et d'autres régions du monde. Voici ce qu'il avait à dire sur le RCAM et sur les modifications législatives qui sont proposées :

Une analyse juste révèle que le RCAM a échoué pour des raisons économiques et non pour des raisons juridiques. Étant donné que les échecs du RCAM ont été causés par des raisons profondément économiques, il va de soi que la modification des dispositions d'ordre administratif de la loi ne va probablement pas nous aider.

(1850)

M. Attaran a ajouté ceci :

Nous convenons tous que le RCAM a pour objectif de favoriser l'exportation de médicaments génériques canadiens vers les pays pauvres. Or, bien entendu, il faut d'abord que les prix des médicaments génériques canadiens soient concurrentiels sur le marché mondial pour que l'exportation réussisse. C'est un préalable. L'ennui, c'est que, sans que ce soit la faute du RCAM ou de ceux qui y ont mis des efforts, les médicaments génériques canadiens sont probablement les plus chers au monde. Par conséquent, aucun pays pauvre n'est désireux de les acheter.

[. . .]

Voici l'élément le plus important. À votre avis, quel pays pauvre va penser à acheter des médicaments génériques du Canada qu'il peut acheter ailleurs pour la moitié du prix ou moins? Le pays pauvre qui compare les prix en vue d'acheter ses médicaments se tournerait plutôt vers les États-Unis, l'Europe, l'Inde, la Chine ou peut-être la Nouvelle-Zélande — n'importe quel pays sauf le Canada.

M. Attaran a étudié la question en profondeur. Il nous a permis de comprendre que, si nous effectuons les changements proposés dans ce projet de loi, nous allons modifier notre Loi sur les brevets selon un modèle qui est déjà mis à l'essai dans les 27 pays de l'Union européenne. Ceux-ci n'ont encore reçu aucune commande sous ces nouveaux régimes. Ces régimes sont semblables sinon identiques à celui que nous aurions si nous adoptions ce projet de loi. Ces efforts ont abouti à un échec total, c'est-à-dire que ces pays n'ont reçu aucune commande. J'estime que les modifications proposées auraient également un effet nul.

Certains diront, comme ils me l'ont déjà dit, que lorsqu'il s'agit des soins de santé en Afrique, il ne faut négliger aucune option si nous voulons éventuellement trouver une solution. J'espère que le gouvernement du Canada adoptera une approche plus sérieuse pour obtenir des résultats plus positifs en matière de soins de santé dans les endroits où notre aide est nécessaire.

Les témoignages que nous avons entendus à l'automne 2009 au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce sur le projet de loi identique présenté par le Sénat seront instructifs à cet égard. Les témoins experts nous ont notamment dit que ce projet de loi aurait pour effet de relâcher les restrictions imposées par le RCAM, ce qui risquerait d'entraîner une partie ou la totalité des conséquences suivantes.

Premièrement, au lieu d'un envoi unique d'un seul médicament à destination d'un pays précis d'une façon sûre et sécuritaire, un acheteur aurait plutôt la permission de fractionner les brevets de multiples médicaments et de les acheminer vers de multiples destinations, peut-être même à des fins commerciales.

Deuxièmement, les médicaments qui n'ont pas été certifiés par Santé Canada comme étant sûrs et efficaces pourraient être expédiés à des populations innocentes à leur détriment.

Troisièmement, les médicaments visés par le RCAM pourraient être redirigés vers le marché noir et les profits qui en seraient tirées pourraient ne pas servir à des causes humanitaires, mais à l'achat d'armes, par exemple.

Quatrièmement, si des médicaments sont expédiés sans le consentement du gouvernement du pays récepteur, ce que permettrait le projet de loi, les médicaments pourraient ne pas être conformes aux lois et traditions de ce pays.

Cinquièmement, si le projet de loi C-393 est adopté, le RCAM pourrait aller à l'encontre de nos obligations commerciales internationales imposées par l'OMC. Nous pourrions être poursuivis devant les tribunaux.

Finalement, si des brevets courants sont menacés, les détenteurs de ces brevets pourraient quitter le Canada et aller chercher refuge dans des pays qui accordent de la valeur à la protection des brevets. Les pertes pour la R-D au Canada pourraient être importantes.

Il est du devoir du Canada d'avoir une approche sérieuse pour aider à améliorer l'état de santé en Afrique, pas d'adopter une solution bricolée mais qui paraît bien, comme le projet de loi que nous étudions, tout bien intentionné qu'il soit.

Il est clair que la solution aux problèmes des médicaments en Afrique comporte de nombreuses facettes. Ainsi, le Canada a lancé l'initiative canadienne de vaccination contre le VIH. Il a apporté d'importantes contributions à des organisations comme Partenaires canadiens pour la santé internationale. En retour, l'organisme a envoyé dans le monde en développement des millions de doses de médicaments obtenus gratuitement auprès d'entreprises pharmaceutiques canadiennes et a fait des dons en argent importants au Fonds mondial, à l'Initiative mondiale d'éradication de la poliomyélite et à la Fondation Clinton, entre autres.

Au bout du compte, le projet de loi C-393 atténue la protection des brevets au Canada de même que les mesures de vérification de la qualité et de la sécurité des médicaments à des fins non commerciales. Le pire, c'est qu'il ne réglera pas les problèmes du RCAM, qui est d'abord et avant tout un problème de marché, pas un problème de bureaucratie.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je veux aussi prendre part au débat sur le projet de loi C-393. Le sénateur Carstairs a déjà très bien expliqué pourquoi nous devons adopter ce projet de loi rapidement. Je veux expliquer les bienfaits qu'il apporterait à tant d'Africains. La voix du sénateur Murray s'est ajoutée aux nôtres. Les sénateurs Carstairs et Murray sont, pour la plupart d'entre nous, des leaders et des mentors au Sénat. Les sénateurs Nancy Ruth et Dallaire ont ajouté leurs voix.

Je suis de l'avis de mes collègues et j'adhère à ce qu'ils ont dit de ce projet de loi. Comme la plupart d'entre vous, j'ai écouté attentivement le débat sur le projet de loi C-393, Loi modifiant la Loi sur les brevets (drogues utilisées à des fins humanitaires internationales) et une autre loi en conséquence.

À l'heure où l'on se parle, nous sommes nombreux à nous inquiéter de la tournure que prennent les événements. Nous examinons actuellement 101 autres projets de lois et questions, et nous sommes loin d'être convaincus que celui-ci est prioritaire ou qu'il changera quoi que ce soit à la vie des Africains, car l'enjeu dont il est question relève davantage des forces du marché.

L'organisme Canadian Grandmothers for Africa a longtemps travaillé à partir de mon bureau. J'ai vu l'attachement total de ces femmes pour leur cause. J'ai vu leur dévouement. Au nom des enfants d'Afrique, je salue leurs efforts.

Je suis une enfant de l'Afrique. J'ai bu l'eau du Nil et j'ai nagé dans celle du lac Victoria. Mais c'est maintenant le Canada qui est mon pays. Pendant plus de 40 ans, ses citoyens, mes concitoyens, ont habillé ma famille et ils nous ont nourris à l'époque où nous étions des réfugiés affamés. Aujourd'hui, les Canadiens m'offrent la chance incroyable de faire partie de cette grande institution qu'est le Sénat du Canada.

Aujourd'hui, moi, la Canadienne, j'ai la chance de pouvoir manger à ma faim et de me prévaloir du meilleur système de santé au monde. Je vis dans l'un des pays les plus pacifiques du monde. Je crois sincèrement que le Canada est le meilleur pays du monde.

À cause de tous les avantages dont nous, Canadiens, profitons, je crois que nous devrions en faire un peu plus pour que les plus vulnérables de la planète ne soient pas laissés pour compte par le Canada.

Permettez-moi de vous faire partager mon expérience. En novembre 2007, j'ai eu le privilège d'accompagner le premier ministre Stephen Harper dans mon pays d'origine, l'Ouganda, à l'occasion de la Conférence du Commonwealth. J'en garderai un souvenir impérissable toute ma vie. Madame le sénateur Stewart Olsen était aussi présente, et il nous arrive parfois, elle et moi, de comparer les notes que nous avons rapportées de ce voyage extraordinaire.

À l'époque, c'est la femme du haut-commissaire du Canada, Vanessa Hynes, qui avait été chargée de régler les détails de mon séjour en Ouganda. Quelle femme généreuse. Au nom du Canada, elle a fait des miracles pour venir en aide aux plus démunis d'Afrique. Elle m'a amenée dans un hôpital. Après en avoir fait la visite, nous avons remis des poupées fabriquées au Canada aux enfants qui séjournaient dans l'aile pédiatrique.

Pendant que nous distribuions les poupées, une fillette s'est lentement approchée de nous en rampant. Elle s'appelait Miriam et elle était âgée de quatre ans. Une grosse cicatrice marquait le côté gauche de son cou. Je n'ai pu m'empêcher de m'arrêter pour lui parler. Son sourire était accrocheur. Alors qu'elle tendait les bras vers la poupée, je me suis penchée pour jouer avec la petite Miriam. Son père m'a expliqué en swahili que Miriam avait eu une grosse tumeur cancéreuse qu'on avait réussi à retirer lors d'une opération.

Comme j'avais l'air perplexe, je lui ai demandé ce que sa fille et lui faisaient à la clinique externe. Il m'a expliqué que Miriam avait contracté le paludisme, mais qu'il n'avait pas les moyens d'acheter les comprimés antipaludiques. Il était revenu à l'hôpital pour tenter d'en obtenir.

Pendant que nous faisions le nécessaire pour que Miriam obtienne ces comprimés, celle-ci a laissé tomber sa poupée et est tombée dans le coma. Elle a été admise de nouveau à l'hôpital.

Au retour de notre visite des autres services, nous avons aperçu les parents de Miriam qui sanglotaient. Miriam était morte parce qu'ils n'avaient pas pu acheter de comprimés antipaludiques, des comprimés qui ne nous coûtent que quelques dollars. Une enfant atteinte de cancer qui avait survécu à une opération qui lui avait sauvé la vie a été emportée par le paludisme parce que ses parents n'avaient pas les moyens d'acheter des comprimés antipaludiques.

L'adoption du projet de loi C-393 sauverait la vie de nombreuses Miriam.

Quelques années plus tard, je suis retournée au même hôpital. Je me suis de nouveau dirigée vers le service de pédiatrie. Nous y avons rencontré John, un grand et beau garçon de 13 ans qui avait été transporté à l'hôpital. Il était très malade. Il avait une forte fièvre. Son père l'y avait amené dans ses bras.

J'ai appris plus tard que John était mort. Pourquoi? Parce que ses parents n'avaient pas les moyens d'acheter les médicaments dont il avait si désespérément besoin. Le projet de loi C-393 sauvera la vie de nombreux garçons comme John.

(1900)

Mon adjointe, Rahmat Kassam, et moi étions en Afrique orientale la semaine dernière. Nous avons visité une maternité parce que nous cherchions des moyens de prévenir la fistule chez les femmes enceintes. Pour ceux qui ne le savent pas, la fistule obstétricale est une perforation du canal génital due à un travail prolongé sans intervention médicale rapide. Cette intervention est ordinairement une césarienne. La fistule provoque des problèmes chroniques chez la femme et entraîne le plus souvent la venue au monde d'un enfant mort-né.

Lorsque nous sommes arrivées à l'hôpital, nous avons appris que la fistule n'était pas courante dans cette région particulière parce que les femmes avaient accès à une clinique. Toutefois, comme nous étions déjà dans la maternité, nous avons décidé de la visiter. Au cours de la visite, nous avons appris que la clinique ne disposait pas des médicaments dont elle avait besoin. Elle n'avait ni produits antipaludiques à administrer aux mères souffrant de paludisme, ni antibiotiques pour traiter les mères qui avaient de la fièvre, ni antiviraux pour celles qui étaient atteintes du sida. Tous les accouchements avaient lieu dans une petite salle surpeuplée où trois femmes devaient partager chaque lit.

Parmi toutes les femmes de la maternité, Rahmat et moi ne pouvions pas détacher nos yeux de Josephine. C'était une femme très belle, mais son visage était déformé par une souffrance atroce parce que la clinique n'avait ni analgésiques ni produits d'anesthésie péridurale à lui administrer.

Josephine était assise toute seule dans un coin. Aucun proche n'était là pour lui tenir la main pendant ses contractions parce qu'il manquait de place pour acceuillir des membres de la famille. Nous sommes allées la voir pour essayer de la consoler. Toutefois, l'une des infirmières nous a dit qu'il y avait une autre raison pour laquelle les membres de la famille n'étaient pas admis dans la salle : ils couraient le risque d'attraper la tuberculose. Si une patiente ou un proche contractaient la maladie, il n'y aurait aucun médicament pour les traiter. Rahmat et moi avons été saisies d'un affreux sentiment d'impuissance.

Nous sommes sorties précipitamment parce que, autour de nous, la douleur des femmes était insupportable. Nous avons rapidement regagné notre hôtel et avons commencé à faire nos bagages pour rentrer à Ottawa. Ce fut une très longue soirée. Le lendemain matin, au petit déjeuner, nous étions toutes deux très silencieuses, mais nous avons décidé de nous arrêter à la maternité avant de partir.

Une fois arrivées à la clinique, nous sommes tombées sur Josephine et son beau bébé. Dès qu'elle nous a vues, elle nous a tendu sa fille avec une grande fierté. Nous l'avons embrassée et sommes parties le cœur chaud après avoir vu cette mère souriante tenant son bébé dans ses bras.

Honorables sénateurs, nous pouvons décider aujourd'hui de poursuivre le débat sur le projet de loi C-393. Toutefois, nous avons déjà débattu auparavant cette mesure législative. Nous pouvons attendre son retour du comité, mais le projet de loi a déjà été examiné au comité auparavant.

Honorables sénateurs, nous avons déjà étudié, débattu et analysé cette mesure. Au nom des Miriam, des John et des Josephine dont nous pouvons sauver la vie, je voudrais vous dire qu'ayant le pouvoir de sauver la vie de nombreux Africains, nous devons saisir cette occasion et le faire tout de suite.

Honorables sénateurs, ayons le courage d'adopter le projet de loi C-393 cette semaine. Nous sommes ici, au Sénat, pour exercer une influence. Nous pouvons l'exercer vraiment maintenant. Il y a des moments où, à titre de parlementaires, nous pouvons ne pas être d'accord sur certaines questions. Cela est inévitable dans une démocratie. Toutefois, cette même idéologie nous impose de nous efforcer de travailler ensemble chaque fois que c'est possible.

Ce projet de loi est un exemple d'un cas où, indépendamment du parti que nous représentons et de ce que nous jugeons inefficace, nous pouvons agir. Nous, Canadiens, avons beaucoup de chance parce que la bonne fortune nous a favorisés. Cela nous impose le devoir de penser à ceux qui n'ont pas les mêmes privilèges.

Honorables sénateurs, nous devons aller de l'avant avec une intention très simple : à titre d'êtres humains, faisons tout notre possible pour aider nos congénères. Il ne m'a fallu que 15 minutes pour prononcer ce discours. Pendant ce court laps de temps, 30 enfants sont morts en Afrique. Toutes les 45 secondes, un enfant succombe au paludisme. Honorables sénateurs, nous pouvons vraiment faire quelque chose pour eux. Faisons-le tout de suite.

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie (Son Honneur le Président suppléant) : Nous poursuivons le débat. Le sénateur Carignan a la parole.

[Français]

L'honorable Claude Carignan : Honorable sénateurs, je constate que le sénateur Smith a dû s'absenter et je sais qu'il voulait prendre la parole sur ce projet de loi. Je demande donc l'ajournement à son nom.

[Traduction]

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président suppléant : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président suppléant : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président suppléant : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président suppléant : Convoquez les sénateurs.

Les whips se sont-ils entendus sur la durée de la sonnerie?

Le sénateur Di Nino : Que la sonnerie retentisse pendant une heure.

Son Honneur le Président suppléant : J'avise donc les honorables sénateurs que le vote aura lieu à 20 h 5.

Ai-je la permission de quitter le fauteuil?

Des voix : D'accord.

(2000)

(La motion est adoptée et le débat est ajourné.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Kocchar
Angus Lang
Ataullahjan LeBreton
Boisvenu MacDonald
Braley Marshall
Brazeau Martin
Brown Meighen
Carignan Meredith
Champagne Mockler
Cochrane Neufeld
Comeau Nolin
Demers Ogilvie
Di Nino Patterson
Duffy Plett
Eaton Raine
Finley Rivard
Fortin-Duplessis Runciman
Gerstein Seidman
Greene Stewart Olsen
Housakos Tkachuk
Johnson Wallace
Kinsella Wallin—44

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Banks Joyal
Callbeck Losier-Cool
Campbell Lovelace Nicholas
Chaput Mercer
Cordy Merchant
Cowan Mitchell
Dawson Moore
Day Munson
De Bané Murray
Downe Pépin
Dyck Peterson
Eggleton Ringuette
Fairbairn Robichaud
Fox Rompkey
Fraser Smith (Cobourg)
Hervieux—Payette Tardif
Hubley Watt
Jaffer Zimmer—36

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

(2010)

Projet de loi sur la Journée du patrimoine national en matière de chasse, de piégeage et de pêche

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur St. Germain, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Champagne, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-465, Loi instituant la Journée du patrimoine national en matière de chasse, de piégeage et de pêche.

L'honorable Charlie Watt : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour parler du projet de loi C-465, qui vise à faire du 23 septembre une journée du patrimoine national en matière de chasse, de piégeage et de pêche.

Je sais bien qu'il existe de nombreux excellents chasseurs, trappeurs et pêcheurs qui pratiquent ces activités de manière sportive dans le Sud du Canada, mais force est de reconnaître que la chasse et la pêche sont nécessaires à la survie de toutes les communautés du Nord. En parlant de « sport », nous amoindrissons le rôle crucial de ces chasseurs et pourvoyeurs.

Je ne veux pas que les discussions d'aujourd'hui nous fassent perdre de vue la question de la chasse visant à assurer la subsistance. Ce que je veux faire valoir, c'est que ce n'est pas tout le monde qui chasse ou qui pêche pour le plaisir. La crise alimentaire qui sévit dans le Nord et les besoins économiques nous ont obligés à continuer de pratiquer une chasse de subsistance, celle-ci est d'ailleurs toujours bien vivante aujourd'hui. Dans le Nord, nous ne pouvons toujours pas compter uniquement sur les produits achetés en magasin en raison de leur coût élevé et de leur disponibilité réduite dans les épiceries.

J'apprécie les efforts du gouvernement visant à verser des subventions plus généreuses aux gens du Nord par le biais d'un programme d'approvisionnement alimentaire par la poste revu et corrigé, mais c'est insuffisant. Il faut encore trouver un remède à la pauvreté et à la rareté alimentaire, ainsi que des solutions permanentes pour les communautés de l'Arctique.

Nous pourrions commencer par reconnaître comme elles le méritent les personnes qui pratiquent une chasse de subsistance. Nous devrions leur offrir des subventions et des programmes s'apparentant à ceux destinés aux agriculteurs et aux pêcheurs puisque ces chasseurs approvisionnent la région en aliments.

Je demande aux sénateurs d'établir dans leur esprit une distinction nette entre les chasseurs sportifs et les personnes qui chassent pour leur subsistance. Je leur demande aussi de songer à des moyens novateurs de montrer de la gratitude et du respect aux personnes qui chassent pour assurer la survie de leur communauté.

Honorables sénateurs, lorsque l'Union européenne a cessé d'accepter les peaux de phoque, nos chasseurs n'étaient pas admissibles à l'assurance-emploi. Par contre, vous vous rappelez sans doute que les pêcheurs de morue des Maritimes ont reçu un dédommagement lorsque les stocks de morue ont décliné, il y a de nombreuses années. Nous pourrions peut-être nous fonder sur des paramètres semblables ou en établir de meilleurs. À tout le moins, nos chasseurs devraient recevoir davantage d'aide financière dans le cadre des programmes de soutien qui leur sont destinés, et ils devraient bénéficier d'allégements fiscaux pour ce qui est de leur revenu de chasse et de l'achat de l'équipement requis pour effectuer leur travail, par exemple des cordes, des filets, des bateaux et des motoneiges.

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres interventions?

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Comeau, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

(2020)

Projet de loi sur la protection des insignes d'ordres militaires et des décorations et médailles militaires

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Daniel Lang propose que le projet de loi C-473, Loi visant à protéger pour les générations futures les insignes d'ordres militaires et les décorations et médailles militaires revêtant une importance culturelle, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, nous venons tout juste de recevoir ce projet de loi de l'autre endroit. Je vais recevoir plus d'information sur cette mesure et je serai prêt à en débattre plus tard. Cela dit, avant de demander que le débat soit ajourné à mon nom, je vais laisser la parole au sénateur Banks.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je ne suis pas le premier intervenant et je ne suis pas non plus le parrain du projet de loi. Toutefois, je tiens à mentionner que cette mesure interdit la vente, par des Canadiens, de médailles et d'insignes militaires importants à des étrangers, ce qui est une bonne chose.

Si on a une médaille militaire, une Croix militaire ou une Croix de Victoria et qu'on veut la vendre, il faut d'abord tenter de trouver un acheteur canadien. En vertu du projet de loi, une personne ne peut exporter ou tenter d'exporter un insigne revêtant une importance culturelle avant d'avoir présenté une offre de vente au Musée canadien des civilisations, au Musée canadien de la guerre, au ministère du Patrimoine canadien ou aux Forces canadiennes et d'avoir reçu un refus de son offre, ou de pas avoir reçu d'acceptation de l'offre dans les 120 jours. C'est une bonne chose.

Honorables sénateurs, le projet de loi dit ensuite, dans la modification apportée à la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels :

« La commission fixe, sur demande du ministre, un juste montant pour toute offre d'achat au comptant de l'insigne [...] »

Le problème, c'est qu'il n'y a pas d'arbitrage. J'espère que l'on se penchera sur cette modification dans le cadre de l'étude du projet de loi.

Si j'ai une Croix de Victoria que je ne compte pas exporter pour la remettre à ma femme, à mon père, à ma mère ou à un proche parent — ce qui est autorisé dans le projet de loi — je peux dire, par exemple, que je veux la vendre à un musée de Philadelphie au prix de 100 000 $. Le projet de loi ne dit pas que je ne peux pas faire cela. La Commission d'examen des exportations va juger que 5 000 $ est un juste montant. Toutefois, j'ai demandé 100 000 $ et il n'y a pas de processus d'arbitrage. Le fait que le musée refuse mon offre de vente de la médaille au prix de 100 000 $ signifie que je peux maintenant exporter celle-ci au Venezuela ou dans n'importe quel autre pays. Si l'on veut que l'objectif du projet de loi soit respecté, il faut qu'il y ait un processus d'arbitrage. Sinon, la personne qui souhaite exporter une médaille ou un insigne qu'elle ne pourrait autrement exporter peut tout simplement fixer un prix irréaliste qui ne serait jamais accepté, ce qui n'est pas conforme à l'objectif du projet de loi. Je tenais simplement à signaler cette lacune à ceux qui vont étudier la mesure.

(Sur la motion du sénateur Lang, le débat est ajourné.)

L'étude sur les coûts et les avantages de la pièce d'un cent

Adoption du huitième rapport du Comité des finances nationales

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gerstein, appuyée par l'honorable sénateur Eaton, tendant à l'adoption du huitième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, intitulé Les coûts et les avantages de la pièce de un cent canadien pour les contribuables et l'économie canadienne, déposé au Sénat le 14 décembre 2010.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'étude sur les instruments d'épargne des Canadiens

Adoption du quatrième rapport du Comité des banques et du commerce

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé L'épargne-retraite : La clé d'une retraite confortable, déposé au Sénat le 19 octobre 2010.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

La Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennesLa Loi sur les pensions

Projet de loi modificatif—Présentation du huitième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

Permission ayant été accordée de revenir à la présentation de rapports de comités permanents ou spéciaux :

L'honorable Pamela Wallin, présidente du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, présente le rapport suivant :

Le mercredi 23 mars 2011

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a l'honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes et la Loi sur les pensions, a, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 21 mars 2011, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,
PAMELA WALLIN

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Wallin, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'étude du rôle que peut jouer le gouvernement pour encourager la promotion et la protection des droits des femmes en Afghanistan

Dépôt du septième rapport du Comité des droits de la personne—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du septième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé La formation en Afghanistan : inclure les femmes, déposé au Sénat le 15 décembre 2010.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, cet article est inscrit au nom de madame le sénateur Nancy Ruth. Il s'agit d'un rapport du Comité des droits de la personne et je ne souhaite pas conclure le débat aujourd'hui. Par conséquent, je demande que l'article soit ajourné à mon nom, afin que nous puissions en débattre à la prochaine séance. Je ne crois pas que madame le sénateur Nancy Ruth ou quelqu'un d'autre s'y oppose.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

Les promesses du gouvernement

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cowan, attirant l'attention du Sénat sur la litanie de promesses non tenues par l'administration Harper, à commencer par celle concernant les fiducies de revenu, ce qui a anéanti le coussin que tant de Canadiens âgés s'étaient constitué en prévision de la retraite.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, le sénateur Cowan a attiré notre attention sur la litanie de promesses non tenues par le gouvernement. L'une des questions pertinentes, en lien avec les promesses non tenues, est de savoir si le gouvernement Harper — comme il faut maintenant l'appeler, m'a-t-on dit — est coupable d'outrage au Parlement. C'est une question qui se heurte à des considérations obscures de constitutionnalité, de procédure, de convention, de pratique et de droit. La plupart de Canadiens, comme moi, n'ont donc pas les compétences ou connaissances nécessaires pour statuer sur cette question. Cela dépasse largement mes compétences. Cette question est au nombre de celles qui sont réglées à l'autre bout du corridor.

(2030)

Pour ce qui est de savoir si le gouvernement Harper fait preuve de mépris à l'endroit du Parlement, la réponse donnée aux Canadiens qui rentrent à la maison par l'autobus de 17 heures serait oui, incontestablement. N'importe quelle personne sensible ayant un minimum de connaissances des événements des derniers mois sait cela. Les preuves sont irréfutables. Les déclarations, les actes et, surtout, l'attitude du gouvernement sont éloquents à cet égard.

La vraie question, ce n'est pas tant le fait que le gouvernement soit coupable d'outrage au Parlement que celui qu'il méprise clairement cette institution, et aussi les promesses qu'il a faites aux Canadiens.

Un bon nombre de ces promesses avaient trait à l'ouverture, à la transparence et au mot magique, c'est-à-dire la « responsabilité ». La Loi fédérale sur la responsabilité devait amener notre nation vers de nouveaux horizons caractérisés par l'ouverture, la transparence et la responsabilité, mais cela n'a pas été le cas. Le gouvernement avait aussi promis l'honnêteté, mais il a supprimé du code d'éthique des ministres l'exigence d'agir de façon honnête.

Le gouvernement avait promis de nommer un commissaire aux nominations, mais il n'a pas aimé l'ouverture et la transparence du processus de sélection. Il a donc pris ses billes et il est rentré à la maison. Chaque année, des millions de dollars sont prévus pour le bureau du commissaire aux nominations, mais il n'y a pas de commissaire.

Le gouvernement avait promis de nommer un commissaire à l'intégrité. On peut reprendre ici les paroles de My Fair Lady et dire : « Nous étions indépendants, sereins et heureux avant Ouimet ».

Nous n'en avons certainement pas eu pour notre argent.

Le gouvernement nous avait promis un directeur parlementaire du budget. Le 14 mars 2008 — mieux vaut tard que jamais, pensions-nous —, l'honorable Peter Van Loan, qui était à l'époque leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre responsable de la Réforme démocratique, annonçait la nomination de Kevin Page, qui devenait le premier directeur parlementaire du budget. Le communiqué du gouvernement disait ceci :

Cette nomination remplit un autre engagement pris envers les Canadiens durant la dernière campagne électorale. « Tel que promis dans la Loi fédérale sur la responsabilité, le directeur parlementaire du budget offrira aux Canadiens une analyse indépendante de l'état des finances de la nation », a déclaré le ministre Van Loan. « Grâce à son expertise en sciences économiques, M. Page est un excellent choix pour occuper ce poste. »

Le gouvernement ajoutait :

Le directeur parlementaire du budget est un fonctionnaire indépendant de la Bibliothèque du Parlement qui relève du Président de la Chambre des communes et du Président du Sénat.

La Bibliothèque du Parlement rend des comptes aux Présidents des deux Chambres.

Le poste a été créé au moyen de modifications apportées à la Loi sur le Parlement du Canada par le truchement de la Loi fédérale sur la responsabilité.

Le communiqué se terminait ainsi, sauf que le titulaire du poste n'est pas tout à fait indépendant.

La Loi sur le Parlement du Canada — il ne s'agit pas simplement d'une politique gouvernementale, mais bien d'une loi du Parlement — dit, à l'article 79.2 :

Le directeur parlementaire du budget a pour mandat :

a) de fournir au Sénat et à la Chambre des communes, de façon indépendante, des analyses de la situation financière du pays, des prévisions budgétaires du gouvernement et des tendances de l'économie nationale;

b) à la demande de l'un ou l'autre des comités ci-après, de faire des recherches en ce qui touche les finances et l'économie du pays :

(i) le Comité permanent des finances nationales du Sénat ou, à défaut, le comité compétent du Sénat,

(ii) le Comité permanent des finances de la Chambre des communes ou, à défaut, le comité compétent de la Chambre des communes,

(iii) le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes ou, à défaut, le comité compétent de la Chambre des communes;

c) à la demande de tout comité parlementaire à qui a été confié le mandat d'examiner les prévisions budgétaires du gouvernement, de faire des recherches en ce qui touche ces prévisions;

d) à la demande de tout comité parlementaire ou de tout membre de l'une ou l'autre Chambre du Parlement, d'évaluer le coût financier de toute mesure proposée relevant des domaines de compétence du Parlement.

Le directeur parlementaire du budget doit, à la demande d'un sénateur ou d'un député, évaluer le coût financier de toute mesure proposée relevant des domaines de compétences du Parlement.

Le paragraphe 79.3(1) prévoit ce qui suit :

[...] le directeur parlementaire du budget a le droit, sur demande faite à l'administrateur général d'un ministère, au sens des alinéas a), a.1) ou d) de la définition de « ministère » à l'article 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques, ou à toute personne désignée par cet administrateur général pour l'application du présent article, de prendre connaissance, gratuitement et en temps opportun, de toutes données financières ou économiques qui sont en la possession de ce ministère et qui sont nécessaires à l'exercice de son mandat.

Cette disposition est claire tant qu'on ne lit pas les petits caractères à la fin, où se trouve la vérité. C'est la bonne vieille astuce des petits caractères, un peu comme dans les polices d'assurance. On définit ce qu'on appelle des « exceptions ». Eh oui, des exceptions.

Ainsi, la loi prévoit que le directeur parlementaire du budget a le droit de prendre connaissance gratuitement et en temps opportun de toute l'information qu'il veut, sauf notamment des données qui « sont contenues dans les documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada ».

Autrement dit, le gouvernement et les ministères doivent communiquer gratuitement et sans délai l'information que leur demande le directeur parlementaire du budget, sauf l'information qu'ils décident de ne pas lui communiquer.

De quelle sorte de transparence s'agit-il? Comment le directeur parlementaire du budget peut-il remplir son mandat? Comment peut-il s'acquitter de sa responsabilité « d'évaluer le coût financier de toute mesure proposée relevant des domaines de compétence du Parlement »?

Le Parlement n'a-t-il pas un droit de regard sur toute mesure proposée? Y a-t-il des mesures qui ne font pas partie des domaines de compétence du Parlement? J'aimerais qu'on m'instruise sur cette question.

Ce serait drôle si ce n'était pas si triste. Le raisonnement circulaire employé dans cette loi est presque kafkaïen.

Lorsque le premier ministre a promis de créer le poste de directeur parlementaire du budget et lorsque le ministre Van Loan en a annoncé la création effective, environ deux ans plus tard, tout le monde était d'accord. Tous les partis félicitèrent le gouvernement parce que la création de ce poste était vraiment une bonne idée. On en avait besoin. L'initiative arrivait à point nommé et suscitait l'approbation générale, mais surtout, le Parlement l'a approuvée.

Cependant, nous avons aussi approuvé les détails écrits en petits caractères. Alors, il se pourrait bien que le gouvernement n'ait pas violé la Loi sur le Parlement du Canada.

Le gouvernement a plutôt trahi la confiance des gens qui croyaient qu'il était sincère dans ses intentions et qu'il respecterait ses promesses. On espérait que ses promesses d'ouverture, de responsabilité et de transparence aient un sens, mais nous sommes plutôt en présence d'une nouvelle forme impénétrable de dissimulation. La gestion de l'information est quasiment machiavélique. Les projets de loi présentés au Parlement portent des titres abrégés qui sont des réclames publicitaires. Le gouvernement enfreint ses propres lois et se moque de ses propres engagements solennels.

Nous voyons même ce que M. Churchill, pour éviter d'utiliser des propos non parlementaires, appelait des « inexactitudes terminologiques ». Ce que nous observons est tout le contraire de la responsabilité ministérielle. Le directeur parlementaire du budget n'a pas suffisamment de fonds pour faire son travail, il n'a pas accès à tous les renseignements pertinents et le gouvernement le traite avec antipathie, pour ne pas dire autre chose.

Les Canadiens qui rentrent chez eux par l'autobus de 17 heures se demandent comment les choses ont si mal tourné, comment il est possible qu'un gouvernement au pouvoir depuis seulement cinq ans ait rompu tant de promesses et comment le Parlement a pu — comment nous avons pu — laisser une telle situation se produire.

Cette longue et triste liste de promesses non tenues auxquelles le sénateur Cowan a fait allusion et dont il a parlé en détail semble s'allonger tous les jours.

Le gouvernement actuel — ou le gouvernement Harper, comme il aime être appelé — porte le nom du grand parti politique qui a dirigé la fondation de notre pays, mais sa ressemblance avec ce dernier diminue chaque jour.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

(2040)

[Français]

Le Sénat

Motion tendant à condamner les attaques à l'endroit des fidèles dans les mosquées du Pakistan et à demander l'égalité des droits pour les membres des communautés minoritaires—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Finley, appuyée par l'honorable sénateur Greene,

Que le Sénat condamne les attaques barbares de vendredi dernier sur les fidèles des deux mosquées ahmadies de Lahore au Pakistan;

Qu'il exprime ses condoléances aux familles des personnes blessées ou tuées; et

Qu'il demande ardemment aux autorités pakistanaises d'assurer l'égalité des droits pour les membres des communautés minoritaires, tout en s'assurant que les auteurs de ces horribles attentats soient poursuivis en justice.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, dans la motion qui a été proposée par le sénateur Finley, vous remarquerez que, dans la version anglaise, il est mentionné :

That the Senate condemns last Friday's barbaric attacks [...]

En français il est mentionné :

Que le Sénat condamne les attaques barbares de vendredi dernier [...]

Motion d'amendement

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, étant donné que cette motion date de quelques semaines, je propose un amendement quelque peu différent en anglais et en français, mais qui dirait ceci :

Que la motion soit amendée et que les mot en anglais « last Friday's » soient exclus de la motion.

En français, la présente motion propose :

Que le Sénat condamne les attaques barbares de vendredi dernier [...],

L'amendement proposé à la motion serait :

Que le Sénat condamne les attaques barbares sur les fidèles [...]

Je crois que la motion serait beaucoup plus claire, étant donné la date d'aujourd'hui. Je propose cet amendement à la motion.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : D'accord.

(La motion d'amendement est adoptée.)

[Traduction]

Son Honneur le Président : Y aura-t-il un débat sur la motion principale?

Le sénateur Comeau : Le vote!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, à des fins de précision, la motion principale qui a été modifiée a été présentée par le sénateur Finley et appuyée par le sénateur Greene.

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur la motion principale?

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je voudrais proposer l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Banks, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat en ligne

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Mitchell, attirant l'attention du Sénat sur la présence du Sénat en ligne et sur le site web du Sénat.

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer l'interpellation de l'honorable sénateur Mitchell et souligner l'importance d'assurer une forte présence du Sénat en ligne. Internet, ce monde virtuel, est sans aucun doute la cité de l'avenir et le Sénat du Canada doit s'assurer d'y être pleinement présent.

La Toile, en anglais le World Wide Web, est le lieu privilégié pour accéder facilement et très souvent gratuitement à une incroyable multitude de renseignements. La jeunesse canadienne se tourne instinctivement vers la Toile pour trouver l'information recherchée, que ce soit pour connaître l'horaire des films à l'affiche au cinéma, pour s'informer sur l'état de la glace sur le canal Rideau à Ottawa, pour magasiner un cadeau de fête pour un ami, pour se renseigner sur les us et coutumes de pays lointains, pour accéder à des documents affichés par un professeur ou pour s'enquérir sur les travaux du Parlement du Canada.

Quelle que soit l'information recherchée, les jeunes se tournent d'abord vers la Toile, ou le web, pour trouver ce qu'ils recherchent. D'ailleurs, les deux langues officielles du Canada figurent parmi les trois premières langues de la Toile — un bel avantage pour le Canada.

[Traduction]

Il y a plusieurs mois, le sénateur Mitchell a dit au Sénat :

[...] il est absolument impossible d'effectuer des recherches dans les Débats du Sénat [en ligne]. [...] Au XXIe siècle, au Sénat du Canada, on ne peut pas trouver le nom d'une personne dans les Débats du Sénat.

Je suis d'accord sur le fait que l'accès aux Débats du Sénat sur le web, cette excellente autoroute de l'information, est compliqué et limité. Quiconque souhaite lire les Débats du Sénat en ligne pour se renseigner sur un sujet donné doit surmonter de formidables obstacles.

Bien que les Débats du Sénat, à partir de la deuxième session de la 35e législature, soient disponibles en ligne, il est extrêmement difficile de trouver ce que l'on cherche. Comme il n'existe aucun moteur de recherche incorporé pour faciliter la tâche aux internautes, ceux-ci se trouvent obligés de passer au peigne fin chaque hansard du Sénat, tâche des plus titanesques.

Dans les bibliothèques, les Débats du Sénat sont munis d'un index. Pourquoi pas les Débats en ligne?

[Français]

Les Débats, les Journaux et les témoignages entendus devant les comités parlementaires de l'autre endroit sont organisés de façon à faciliter la recherche en ligne, voire à l'encourager. Pourquoi ne pas adopter ce modèle?

Un moteur de recherche interne sur le site web de l'autre endroit permet la recherche par mots clés ou en utilisant un index selon le sujet, la personne, le document, la circonscription ou l'organisation en question.

Le jeune qui effectue un travail scolaire pourra donc retracer rapidement l'information qu'il recherche sur le site web de l'autre endroit, ce qui l'encouragera à y revenir de nouveau et à explorer davantage les débats parlementaires. Pourquoi le Sénat ne peut-il pas en faire autant? Cela contribuerait à promouvoir le travail du Sénat.

Afin d'assurer un contact direct avec les Canadiens, en particulier avec la jeunesse canadienne, le Sénat devrait maintenir une forte présence sur le web et exposer au grand jour l'excellent travail qui est accompli par les honorables sénateurs et les comités de cette Chambre. Il faut simplifier l'accès aux Débats du Sénat en ligne afin de permettre à nos concitoyens de pouvoir mieux s'informer et, donc, mieux comprendre leur Sénat.

Le Sénat devrait être représenté sur le web comme il l'est en réalité : une institution dynamique et essentielle. Ainsi, ne serait-il pas utile d'afficher sur le site web du Sénat tous les Débats, en vue de permettre éventuellement au public d'accéder, en ligne, à l'ensemble complet des travaux du Sénat du Canada depuis 1867?

Certes, c'est un projet d'envergure, mais il s'impose par nécessité d'assurer que le Sénat soit connu et qu'il soit davantage accessible. Je vous soumets respectueusement que nous devons prendre l'initiative en vue d'assurer une forte présence du Sénat sur le web, une présence digne de cette grande institution et du rôle vital qu'elle joue.

[Traduction]

L'honorable Jim Munson : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?

Le sénateur Chaput : Oui.

Le sénateur Munson : Merci. Le sénateur Neufeld et moi étions au pays de Galles la semaine dernière. Devinez ce que nous avons vu. La télévision. Devinez ce que nous avons vu à l'assemblée nationale. Nous avons vu 60 personnes. Elles avaient toutes accès à un ordinateur muni de touches en caoutchouc durant la période des questions. Nous avons également vu Internet; les gens se servaient de Twitter et faisaient toutes sortes de choses afin de rester en contact avec la population. C'était plutôt fascinant. Tout était ouvert et transparent. Les habitants du pays de Galles regardent leurs représentants élus ou nommés dans leur assemblée.

C'était fascinant. Il y a un service de télédiffusion et des caméras de télévision. Les gens peuvent voir leurs représentants élus ou nommés. Quelle idée!

J'aimerais donc demander ceci à madame au sénateur Chaput : comme nous sommes maintenant en 2011, bientôt au mois d'avril, pense-t-elle qu'avec l'avènement de toutes ces belles nouveautés, dont celle qu'on appelle le « web » ou la Toile, le Sénat du Canada, cette merveilleuse institution, devrait entrer dans la nouvelle ère et permettre aux Canadiens de voir ce qui se passe au Sénat? Ces derniers voient bien le travail que nous effectuons aux comités, et ils en sont ravis. Qui plus est, cela nous rend plus crédibles.

Il y a cette nouveauté qu'on appelle le « web » et une autre découverte qu'on appelle la « télévision ». Madame le sénateur pense-t-elle que nous devrions incorporer ces nouvelles choses, entre autres, dans notre auguste enceinte?

(2050)

[Français]

Le sénateur Chaput : Je vous remercie pour votre question. Malheureusement, vous n'aurez peut-être pas la réponse que vous aimeriez. J'ai des sentiments très partagés lorsqu'il s'agit de téléviser les débats du Sénat. Je ne sais pas si ce serait une bonne chose pour nous. Je m'inquiète que cela ne se transforme en un cirque et ne nuise vraiment à la réputation du Sénat.

J'ai des opinions partagées sur ce sujet et, présentement, je ne suis pas en mesure de vous dire si j'appuierais un Sénat télévisé. Je suis désolée.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Je comprends les réserves du sénateur. Toutefois, lorsque les sénateurs retournent chez eux dans leur ville ou village natal, ils ouvrent la télévision et que voient-ils? La diffusion des réunions du conseil municipal où débattent les conseillers, et, à ma connaissance, ces derniers ne s'adressent pas à la caméra. Ils ont la responsabilité de représenter les citoyens qui les ont élus et la télédiffusion leur permet de le faire de façon entièrement ouverte et transparente.

Je ne poserai pas d'autre question à madame le sénateur. Je sais ce qu'elle a dit à ce sujet. Je ne sais pas pour ce qui est de la télé et de la radiodiffusion, mais dès que nous faisons appel au nouveau média appelé site web, à mon avis, les Canadiens peuvent surveiller nos travaux. Voilà qui est important. Les Canadiens se demandent parfois ce que nous faisons, mais s'ils peuvent regarder et écouter nos délibérations, ils en auront peut-être une meilleure idée.

[Français]

Le sénateur Chaput : Il ne fait aucun doute que, lorsque nos comités sont télédiffusés sur CPAC, cela fait connaître les travaux du Sénat. Pour ce qui est de téléviser les séances en Chambre, je suis toujours ouverte à un débat. Je suis certainement prête à entendre les pour et les contre mais, présentement, je ne peux pas vous dire si j'appuierais une telle démarche.

(Sur la motion du sénateur Jaffer, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Sénat

Motion tendant à demander au gouvernement chinois de libérer Liu Xiaobo de prison—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Di Nino, appuyée par l'honorable sénateur Stewart Olsen :

Que le Sénat du Canada demande au gouvernement chinois de libérer Liu Xiaobo, gagnant du prix Nobel de la paix de 2010.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je prendrai brièvement la parole au sujet de la motion du sénateur Di Nino, appuyée par le sénateur Stewart Olsen, inscrite au nom du sénateur Day. Après mon intervention, j'aimerais que le débat soit de nouveau ajourné au nom du sénateur Day. Je lui ai demandé la permission d'intervenir à ce sujet aujourd'hui.

J'ai une réserve à l'égard de cette motion que le sénateur Day pourrait, à mon avis, partager. Elle s'applique aussi à l'ajournement d'une autre motion que j'ai proposé plus tôt. Elle découle du fait que je ne suis pas certain, et peut-être pourra-t-on m'éclairer à ce sujet pendant la discussion, qu'il soit convenable pour le Sénat de demander à un gouvernement étranger de faire quelque chose, comme c'est le cas ici.

Je comprends que le Sénat puisse demander au gouvernement du Canada d'inviter un gouvernement étranger à faire quelque chose. J'indiquerais au sénateur Di Nino que je serais parfaitement à l'aise avec la motion si celle-ci disait que le Sénat du Canada demande au gouvernement du Canada de demander au gouvernement chinois de libérer de prison et ainsi de suite.

En règle générale, il me semble que ce sont les gouvernements des pays, et non les assemblées délibérantes, qui s'occupent de ce genre de questions entre les pays. La même règle s'applique à une partie de la motion dont nous discutions précédemment, qui concernait le Pakistan et qui demandait au gouvernement de ce pays de faire quelque chose. La perspective que la Chambre des communes ou le Sénat décident, de leur propre chef, d'exhorter le gouvernement de quelque pays que ce soit à faire quelque chose sans consultation me met mal à l'aise. Normalement, les questions de relations internationales, de traités et autres choses du même genre se décident entre les gouvernements.

Si, par exemple, nous discutions d'échanges commerciaux avec le gouvernement de la Chine, et si ces négociations allaient bon train et que, tout à coup, nous recevions une note d'une personne — je ne vois pas comment cette note pourrait nous parvenir, par contre — qui dirait que le Sénat du Canada condamne quelqu'un pour un acte donné ou exhorte ce gouvernement étranger à prendre des mesures, je crois que cela risquerait d'avoir des répercussions sur la suite des négociations.

Je crois qu'il est inapproprié que l'une ou l'autre des Chambres de notre Parlement exhorte un gouvernement étranger à prendre des mesures ou dénonce sa conduite, quel que soit l'enjeu. Je préférerais que cela soit fait par l'entremise du gouvernement. Le Parlement peut faire une telle demande, pas intervenir de son propre chef. Ce sont là les réserves que je souhaite exprimer à propos de la présente motion et de la motion précédente relative au Pakistan.

L'honorable Consiglio Di Nino : Le sénateur accepte-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Banks : Je serais enchanté de le faire.

Le sénateur Di Nino : Tout d'abord, je crois qu'il n'est pas nécessaire que je rappelle aux sénateurs que nous sommes une assemblée parlementaire indépendante et dûment constituée et que nous avons le droit de prendre de telles mesures. Nous l'avons déjà fait. Ma question au sénateur, qui peut ne pas sembler sincère, est la suivante : s'il a lu le compte rendu des débats qui ont eu lieu ici, au Sénat, sur ce sujet, il a dû constater que j'ai souligné que cette question avait déjà été soulevée auparavant et que le Président avait alors déterminé que nous avions le droit de prendre de telles mesures. Le sénateur a-t-il eu la possibilité de prendre connaissance de cette décision de la présidence?

Le sénateur Banks : Je ne l'ai pas regardée, mais je me souviens que le sénateur Di Nino a déjà soulevé ce point lors d'un débat, avant que j'arrive ici. Hormis le fait que nous pourrions avoir le droit de le faire — et je ne pense pas que quiconque ait dit que nous n'en avions pas le droit; nous avons le droit de faire pratiquement n'importe quoi —, ce n'est pas ce droit que je remets en question. Je me demande s'il est approprié et sage de le faire, plutôt que de demander au gouvernement de le faire pour les raisons que j'ai déjà mentionnées et que le sénateur a entendues, à savoir que les relations entre gouvernements doivent être des relations entre gouvernements et non entre des assemblées législatives, qui ne sont qu'un élément de ces gouvernements.

Le sénateur Di Nino : Est-ce que ce serait pareil si nous parlions d'un autre pays, si nous parlions de l'ONU, si nous parlions de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, si nous parlions d'une province, si nous parlions d'une institution d'envergure internationale? Le sénateur Banks croit-il que cela devrait aussi être une règle que, en qualité de corps législatif constitué en vertu des lois de notre pays, nous n'avons pas le droit de traiter avec toute entité qui n'est pas dans les limites du Canada? Est-ce ce que le sénateur laisse entendre?

Le sénateur Banks : Non, je n'ai pas dit cela. Encore une fois, je ne dis pas que nous n'avons pas le droit de le faire. Je me demande s'il est approprié d'intervenir dans un domaine — et c'est une simple opinion; je n'en ai parlé à personne — qui relève des relations entre gouvernements plutôt que des relations entre une assemblée législative et un gouvernement. Je suis certain que nous avons le droit de le faire. Je crois qu'il n'est ni approprié ni sage d'adopter cette voie. Il serait plus acceptable et sage que le Parlement exhorte le gouvernement à envoyer le message.

(2100)

Son Honneur le Président : Le débat est ajourné au nom du sénateur Day. Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Banks, au nom du sénateur Day, le débat est ajourné.)

Les femmes incarcérées au Canada

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Mitchell, attirant l'attention du Sénat sur les questions reliées aux femmes incarcérées au Canada.

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, j'ai toujours pensé que l'on pouvait se faire une bonne idée d'un pays d'après la manière dont il traitait ses prisonniers, mais lorsque je constate le sort des femmes incarcérées dans les pénitenciers canadiens, je ne reconnais pas le Canada que je croyais pourtant connaître. Nous abandonnons des femmes et des familles et c'est un crime terrible.

Selon le dernier rapport du Bureau de l'enquêteur correctionnel, la situation des femmes dans les pénitenciers s'est détériorée ces 20 dernières années. Cela est particulièrement alarmant étant donné que, dans le rapport de 1990 intitulé La création de choix, produit par le Groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale, on révélait que les programmes et les politiques élaborés pour les femmes dans les pénitenciers étaient inadaptés et déshumanisants et qu'il fallait apporter des changements profonds au système.

Honorables sénateurs, les délinquantes ont des problèmes complexes et des besoins uniques qui exigent des traitements et des soins particuliers. Néanmoins, nous n'avons pas encore consacré les ressources nécessaires pour mettre en œuvre des programmes essentiels. Si nous voulons briser le cycle des mauvais traitements, de la pauvreté et de la maladie qui emprisonne des femmes dans la criminalité, nous ne pouvons pas attendre encore 20 ans. Nous devons agir maintenant.

Nous savons que le profil de la détenue typique diffère considérablement de celui de son équivalent masculin. Tout d'abord, elle est probablement autochtone. Elle est probablement aussi toxicomane, elle s'est probablement retrouvée en prison pour une infraction liée aux drogues, elle est probablement atteinte d'une maladie mentale, elle a probablement été victime de mauvais traitements et elle est probablement mère.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous donner plus de précisions. Depuis 10 ans, le nombre de délinquantes autochtones incarcérées dans les prisons fédérales a connu une hausse spectaculaire de 90 p. 100. Au cours de la même période, le nombre d'hommes incarcérés n'a augmenté que de 17 p. 100. À l'heure actuelle, une détenue sur trois est d'origine autochtone. Cette statistique est troublante et, de toute évidence, il faut en faire davantage pour arriver à comprendre cette tendance et à la renverser. Qui plus est, la détenue moyenne est deux fois plus susceptible que le détenu moyen d'être aux prises avec des problèmes de toxicomanie et d'être emprisonnée à la suite d'une condamnation liée à la drogue. Comme des dispositions législatives relatives à des peines obligatoires minimales dans le cas de crimes liés à la drogue pourraient être adoptées prochainement, ces chiffres ne feront que continuer d'augmenter.

Outre les problèmes de toxicomanie, de 30 à 45 p. 100 des femmes détenues ont aussi des problèmes de santé mentale. Ce taux équivaut à plus du double de celui des détenus de sexe masculin. Ces femmes souffrent de toutes sortes de problèmes, allant de la dépression majeure à la schizophrénie. Elles sont plus susceptibles de s'automutiler, sont sept fois plus susceptibles que le Canadien moyen de se suicider et, faute de traitements et d'un hébergement adéquats, elles peuvent avoir un comportement violent.

Ces problèmes de santé mentale chez les délinquantes incarcérées découlent aussi du fait qu'un très grand nombre d'entre elles ont été victimes d'agression sexuelle pendant leur enfance. On estime que ce taux est de 90 p. 100. C'est énorme. Enfin, la majorité des délinquantes ont aussi des enfants. Il s'agit surtout de mères monoparentales d'enfants âgés de moins de 5 ans.

Honorables sénateurs, ces statistiques révèlent que ces femmes ont besoin d'aide. La majorité des femmes incarcérées dans des établissements fédéraux sont condamnées à des peines d'emprisonnement de deux à trois ans. Ces années constituent une période critique. Si leur cas est géré correctement, les femmes peuvent obtenir l'aide dont elles ont besoin pour que, à leur sortie de prison, elles soient plus aptes à prendre soin de leur famille et à adopter un mode de vie honnête et sain. D'après ce que l'on sait des pourcentages de femmes détenues souffrant de maladies mentales et de toxicomanie, les programmes de traitement dans les prisons fédérales sont absolument nécessaires. Nous devons régler ces problèmes sous-jacents pour aider les femmes à reprendre leur vie en main.

Dans Les services correctionnels pour femmes : sur la voie de l'avenir, le rapport d'un comité d'experts publié en 2006 par le commissaire du Service correctionnel du Canada et portant sur une période de dix ans, on notait ce qui suit :

[...] les femmes qui présentent des problèmes de santé mentale sont les plus vulnérables des délinquantes incarcérées, et ce sont elles qui auront le plus besoin d'aide au moment de leur retour dans la collectivité.

Heureusement, certains programmes de traitement des maladies mentales et de la toxicomanie ont été mis en œuvre récemment dans les établissements carcéraux fédéraux. Cependant, le rapport reconnaît que le financement est un problème constant et que le Service correctionnel du Canada doit trouver lui-même la façon de financer ces programmes quand et où il le peut.

Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que ces programmes ne soient pas offerts uniformément dans l'ensemble du pays et que les femmes soient souvent obligées de choisir entre suivre les programmes de traitement dont elles ont besoin ou demeurer près de chez elle. Par ailleurs, les listes d'attente pour accéder à ces programmes sont souvent longues. Comme la vaste majorité des femmes restent moins de trois ans dans les pénitenciers fédéraux, il y en a beaucoup qui passent toute la durée de leur incarcération à attendre de suivre un programme approprié. Ces femmes finissent par être remises en liberté sans même avoir reçu de traitement. C'est inacceptable.

Honorables sénateurs, le financement des programmes de traitement des femmes ayant des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie ne devrait pas être considéré comme un luxe optionnel que le Service correctionnel du Canada peut offrir occasionnellement. Il s'agit d'une dimension fondamentale et essentielle du système carcéral pour les femmes.

Nous devons faire mieux pour résoudre les problèmes de santé mentale et de toxicomanie auxquels font face les délinquantes si nous voulons éliminer le récidivisme et mettre fin au cercle vicieux de la criminalité, des mauvais traitements et de la pauvreté qui afflige des femmes et leur famille de génération en génération.

La majorité des femmes qui se trouvent dans le système carcéral fédéral sont des mères de famille ayant des enfants de moins de cinq ans. Le traitement que nous réservons à ces femmes a donc une incidence sur leurs enfants et sur le milieu dans lequel ils vivent. Les études démontrent que, dans les milieux défavorisés, les femmes sont souvent le ciment qui permet à la collectivité de continuer de fonctionner. Autrement dit, lorsqu'une femme se retrouve en prison, sa famille et son milieu subissent une perte énorme.

Les programmes visant à maintenir et à assainir la relation entre la mère et ses enfants ont une importance cruciale. Pourtant, le Programme mère-enfant a été largement réduit en 2008, lorsqu'on a établi des critères d'admissibilité plus stricts. Nous en sommes actuellement au point où il ne reste plus que deux participantes à ce programme. Nous sommes en train de rater l'occasion d'aider les mères et leurs enfants.

Honorables sénateurs, nous savons que les enfants dont la mère est en prison sont très susceptibles de souffrir d'une mauvaise estime de soi et d'un haut degré d'anxiété, de fournir un faible rendement scolaire, d'éprouver des tendances dépressives et d'avoir de la difficulté à nouer des relations. Autrement dit, ces enfants sont vulnérables et risquent de répéter les mêmes erreurs que leur mère.

Heureusement, les interventions précoces peuvent grandement les aider. Les études ont démontré à plusieurs reprises que l'établissement d'un solide lien entre la mère et son enfant au départ peut avoir un bon effet et sur les mères, et sur leurs enfants.

Les mères incarcérées disent souvent que leurs enfants ont une influence apaisante et motivante sur elles. Ces femmes réagissent mieux aux traitements et font davantage d'efforts pour améliorer leur sort. Pour les enfants aussi, le fait d'être avec leur mère signifie qu'ils n'ont pas à dépendre du système d'aide sociale et qu'ils ont de meilleures chances de tisser des liens profonds et durables avec la personne qui s'occupe d'eux, soit leur mère.

Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Mitchell d'avoir lancé cette importante interpellation et je fais écho à ses grandes préoccupations concernant les femmes détenues. Si nous voulons faire baisser le taux de récidive chez les délinquantes et créer des collectivités saines, nous devons changer la manière dont nous traitons les femmes qui sont incarcérées au Canada.

Il est scandaleux de voir que le gouvernement ne prévoit embaucher que 25 infirmiers et 10 psychologues alors qu'il compte dépenser des centaines de millions de dollars pour embaucher 3 000 nouveaux agents de correction, agents de libération conditionnelle et administrateurs pour nos prisons.

Il y a 20 ans, nous nous sommes rendu compte que les femmes dans nos prisons représentaient un groupe négligé et marginalisé qui avait besoin de meilleurs traitements et d'avoir accès à des programmes adéquats. Ces femmes attendent toujours l'aide qu'il leur faut pour briser le cycle de la violence, sortir de la pauvreté et vaincre la maladie, trois facteurs qui les confinent dans la criminalité.

(2110)

C'est évident : ce n'est pas de peines minimales, de conditions plus strictes pour obtenir la liberté conditionnelle ni de conditions carcérales plus dures que la majorité de nos délinquantes ont besoin. Elles ont besoin de traitements, de formations et d'occasions à saisir afin de pouvoir mener avec leurs enfants des vies saines dans le respect de la loi. Les enfermer longtemps n'est pas la solution. Il nous faut des politiques publiques qui brisent le cycle au lieu de le perpétuer.

Son Honneur le Président suppléant : Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole à ce sujet, je considère le débat clos.

Le sénateur Banks : Je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Banks, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion visant à instituer la Journée des droits de la personne le 10 décembre de chaque année—Ajournement du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Jaffer, appuyée par l'honorable sénateur Mercer,

Que le Sénat du Canada reconnaisse, chaque année, le 10 décembre comme étant la Journée des droits de la personne, tel qu'établie par l'Assemblée générale des Nations Unies le 4 décembre 1950.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je constate que la question est inscrite au Feuilleton depuis 14 jours et je veux m'assurer qu'elle n'en sera pas rayée. J'ai l'intention d'en parler, mais, compte tenu de l'heure, je demande l'ajournement pour le reste du temps qui m'est alloué.

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

Les affaires autochtones

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Brazeau, attirant l'attention du Sénat sur la question d'imputabilité, de transparence et de responsabilité des affaires autochtones au Canada.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je sais que cet article en est au 14e jour, mais, contrairement au sénateur Andreychuk, je n'ai aucunement l'intention d'en parler. Par conséquent, je demande l'ajournement du débat au nom du sénateur Finley.

(Sur la motion du sénateur Comeau, au nom du sénateur Finley, le débat est ajourné.)

La stratégie nationale sur la langue

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, ayant donné avis le 1er février 2011 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur l'importance d'élaborer une stratégie nationale sur la langue.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet de mon interpellation et j'attire l'attention du Sénat sur l'importance d'élaborer une stratégie nationale sur la langue.

La stratégie nationale sur la langue que je propose concrétiserait l'engagement du gouvernement fédéral en matière de pluralité linguistique en adoptant une façon de voir les choses qui confirmerait que la formation linguistique est un outil qui contribue non seulement au développement des aptitudes personnelles, mais qui stimule aussi la croissance économique. En outre, cette stratégie permettrait de reconnaître que l'apprentissage de langues internationales et ancestrales est susceptible d'ouvrir des voies de communication et d'améliorer la vie professionnelle des gens tout en favorisant une meilleure compréhension des Canadiens entre eux.

[Français]

Avant de poursuivre, je tiens à préciser que je ne suis en aucun cas en train de suggérer que les langues ancestrales soient enseignées à la place du français. Bien que, tout au long de cette interpellation, nous mettrons l'accent sur l'importance de l'enseignement des langues internationales et ancestrales, je tiens à souligner le fait que j'ai toujours pris en charge et fortement plaidé en faveur de l'enseignement des deux langues officielles dans le cas de l'éducation de base des enfants à travers le Canada.

Cependant, les enfants doivent avoir la possibilité d'apprendre d'autres langues que le français et l'anglais, et ce, en plus de leur éducation de base.

Bien que diverses provinces soutiennent l'enseignement des langues ancestrales et des langues internationales, il n'y a pas eu d'effort uniforme pour développer un cadre politique cohérent pour la promotion des langues autres que l'anglais et le français. C'est vraiment malheureux que les avantages de la promotion d'une société multilingue, dont un grand nombre seront évoqués tout au long de cette interpellation, soient abandonnés.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le Canada est véritablement une société multilingue. Selon le recensement de 2006, plus de cinq millions de Canadiens ont une langue maternelle autre que le français ou l'anglais. Maintenant, plus que jamais, il faut encourager la pluralité linguistique, mais aussi la compréhension interculturelle, parce que cela confirmerait de nouveau l'engagement du Canada à être un pays pacifique, tolérant et multiculturel. De plus, cela serait également conforme à l'identité canadienne, qui est formée d'une mosaïque de langues et de cultures et où les différences sont considérées comme des forces, et non des faiblesses.

Avant de parler de certains des nombreux avantages associés à l'élaboration d'une stratégie nationale sur la langue, je dois souligner que l'importance de préserver les langues internationales et ancestrales a déjà été reconnue par le Sénat une fois par le passé.

En effet, le projet de loi C-37, présenté à la Chambre des communes en septembre 1989 et adopté par le Parlement en janvier 1991, demandait l'établissement d'un institut des langues patrimoniales, qui avait pour but d'élaborer des normes nationales pour la formation des enseignants et un programme d'enseignement pour les classes en langues ethniques minoritaires au Canada.

Dans son budget de février 1992, le gouvernement a toutefois suspendu jusqu'à nouvel ordre la mise sur pied de l'institut. Puisque cette mesure législative n'est pas entrée en vigueur pendant 20 ans, elle a récemment été abrogée.

Toutefois, beaucoup de choses ont changé depuis la présentation du projet de loi C-37. Au cours des 20 dernières années, l'Association canadienne des langues a été créée, et elle a adopté un grand nombre des mêmes principes que l'institut recommandé dans le projet de loi C-37. De plus, de nombreux autres organismes axés sur la recherche ont été créés, y compris l'Institut de recherche en langues secondes du Canada, qui se trouve à l'Université du Nouveau-Brunswick; l'Institut d'études pédagogiques de l'Ontario, qui se trouve à l'Université de Toronto; Institute for Innovation in Second Language Education d'Edmonton; et le Language Reasearch Centre de l'Université de Calgary.

Dans le contexte actuel, la mise en place d'une stratégie qui adopte certains des principes de base proposés dans le projet de loi C-37, mais qui est beaucoup moins imposante et moins coûteuse, sera avantageuse pour tous les Canadiens sur les plans social, culturel et économique.

D'abord et avant tout, honorables sénateurs, j'aimerais attirer votre attention sur les avantages économiques que procurerait l'adoption d'une stratégie nationale sur la langue. Je crois sincèrement que ces avantages seraient nombreux et donneraient au Canada l'avantage concurrentiel qu'il recherche si désespérément.

Le premier ministre Harper a annoncé, le 9 novembre 2010, le lancement de consultations économiques en vue de connaître l'opinion des Canadiens sur la prochaine phase du Plan d'action économique du Canada. Il a affirmé ce qui suit :

Pour convertir notre reprise économique fragile en un succès durable et solide, nous devons également prendre des mesures pour accentuer notre avantage concurrentiel. Cela signifie nous appuyer sur nos efforts pour attirer des investissements étrangers, ouvrir de nouveaux marchés, trouver de nouveaux débouchés pour les entreprises canadiennes et jeter les fondements d'emplois durables à long terme.

J'aimerais féliciter le premier ministre Harper d'avoir reconnu que le Canada avait besoin d'attirer des investissements étrangers et d'ouvrir de nouveaux marchés. Je reconnais moi aussi l'existence de ce besoin et la nécessité pour le milieu des affaires de trouver des marchés de croissance ailleurs qu'en Amérique du Nord.

Sur la scène internationale, où le Canada doit désormais performer et exceller, l'enseignement des langues est indispensable aux fins des relations que le Canada entretient avec la communauté mondiale ainsi que dans les domaines des relations et de la coopération et des relations internationales, du commerce international et du développement.

Lors de mon récent séjour en Chine, en compagnie des membres du Comité des affaires étrangères, j'ai été agréablement surprise de constater à quel point l'ambassadeur Mulroney et son personnel maîtrisaient bien le mandarin. Il était évident que leur excellente maîtrise de la langue donnait au Canada un grand avantage à Pékin.

Je crois que le défi que nous devons tous relever maintenant consiste à donner aux entreprises canadiennes l'avantage concurrentiel dont elles ont besoin pour se tailler une place sur le marché international et la conserver.

Le président du Conseil canadien pour les Amériques signale que ce qui explique qu'un si grand nombre d'entreprises ne réussissent pas à se tailler une place sur les marchés internationaux et à la conserver est l'incapacité de ces entreprises à recruter des gens qui possèdent des compétences linguistiques suffisantes. Compte tenu du faible nombre de diplômés universitaires polyglottes que nous avons actuellement, il y a lieu de se demander si nous allons pouvoir négocier et obtenir des contrats pour nos entreprises canadiennes, qui cherchent toujours des façons de prendre de l'expansion.

(2120)

Honorables sénateurs, nous sommes une nation commerçante. Nous devons préparer nos enfants à parler plusieurs langues. Il importe de ne pas oublier que ce sont ces entreprises qui nous permettent de préserver non seulement notre niveau de vie élevé, mais aussi notre position de chef de file dans le monde. C'est précisément la raison pour laquelle nous devons investir dans l'apprentissage des langues. Un tel investissement nous aiderait à atteindre nos objectifs économiques et il aiderait le Canada à prendre une longueur d'avance sur le marché mondial dans lequel nous devons maintenant faire face à la concurrence.

Outre les innombrables avantages économiques liés à l'adoption d'une stratégie nationale sur la langue, il y aurait aussi certains avantages sociaux et culturels. En fait, l'un des avantages les plus tangibles de l'apprentissage des langues est la cohésion sociale et culturelle, qui favorise les initiatives antiracistes, la paix, la participation communautaire et la compréhension interculturelle.

Malheureusement, la majorité des enfants d'immigrants récents dont la langue maternelle n'est ni l'anglais ni le français n'ont pas bénéficié — sauf en nombres relativement faibles et pour de courtes périodes — d'un soutien du système scolaire pour favoriser l'apprentissage dans leur langue maternelle. En outre, plusieurs travaux de recherche montrent que le modèle d'apprentissage volontaire des langues ancestrales durant de courtes périodes de la journée scolaire est très insuffisant pour préserver la langue et la culture des immigrants au-delà de la deuxième et de la troisième génération.

Étant donné que j'ai immigré au Canada, j'ai pu constater par moi-même que c'est effectivement le cas. Mes grands-parents, qui étaient d'origine indienne, ont migré en Ouganda il y a plus d'un siècle. Notre langue maternelle a survécu durant deux générations en Afrique. Malheureusement, après avoir vécu quelques décennies au Canada, je suis forcée de regarder disparaître une langue qui a été parlée par mes ancêtres durant des siècles, puisque mes enfants ne parlent pas le katchi couramment. Ce phénomène est préoccupant. Il importe de comprendre que l'enseignement et la promotion des compétences linguistiques renforcent l'identité multiculturelle du Canada et son sentiment d'appartenance unique. L'anglais, le français, les langues autochtones et les langues étrangères et ancestrales sont des éléments clés et égaux de la mosaïque multiculturelle du Canada, qui est indissociable de la notion de multiculturalisme. L'enseignement des langues renforce l'identité multiculturelle canadienne et le sentiment d'appartenance propre à notre pays.

À l'heure actuelle, plusieurs provinces appuient l'enseignement de langues ancestrales et étrangères, mais il n'y a pas d'efforts concertés afin d'établir un cadre cohérent pour la promotion des langues autres que l'anglais et le français. Après avoir collaboré étroitement avec l'Association canadienne des langues, nous avons élaboré une vision selon laquelle une stratégie nationale sur la langue est essentielle dans un contexte de changements profonds aux niveaux national et international. Nous reconnaissons qu'une vision multilingue pour le Canada signifie qu'il faut respecter les voix importantes qui peuplent notre pays, les voix qui travaillent ensemble pour bâtir notre nation et pour donner vie à la mosaïque dont nous sommes si fiers.

Honorables sénateurs, je reconnais la Loi sur les langues officielles et je l'appuie activement, mais je suis aussi consciente de l'importance de reconnaître et d'appuyer de façon officielle la pluralité linguistique. Comme l'a dit Dyane Adam, ancienne commissaire aux langues officielles :

Nous voyons une nation qui embrasse le bilinguisme et le multilinguisme officiels [...] Nous allons continuer à embrasser la diversité.

Dans ce contexte, la stratégie proposée doit tenir compte des quatre composantes linguistiques qui font de nous des vrais Canadiens : l'anglais, le français, les langues autochtones et les langues étrangères et ancestrales. L'objectif de la stratégie devrait être avant tout de promouvoir et d'améliorer l'enseignement et l'apprentissage des langues en encourageant les provinces à s'inspirer de l'expérience d'autres systèmes d'éducation dans le monde qui dispensent un enseignement multilingue dans un système scolaire central.

Deuxièmement, cette stratégie devrait servir à accroître le nombre de personnes qui font l'apprentissage des langues grâce à l'élaboration et à la mise en œuvre d'une campagne nationale solide et cohérente de sensibilisation et d'éducation du public, campagne qui créerait un partenariat entre le monde de l'éducation, le monde des affaires et le gouvernement.

Troisièmement, cette stratégie devrait se faire en collaboration avec les provinces de sorte qu'on alloue aux conseils scolaires et aux communautés un financement efficace et équitable pour les programmes de langues. On pourrait notamment augmenter le nombre et les groupes de langues offertes dans les écoles primaires et secondaires, appuyer des programmes parascolaires, encourager les conseils scolaires à désigner des écoles clés comme des centres d'apprentissage des langues et envisager des programmes bilingues, dans la mesure du possible.

Enfin, le projet de la stratégie nationale sur la langue devrait sensibiliser à l'importance du multilinguisme pour tous les Canadiens dans l'intérêt du bien-être individuel et collectif.

Honorables sénateurs, il est temps que le Canada s'engage à élaborer un plan d'action concret afin de composer avec les réalités de l'économie mondiale du XXIe siècle. La stratégie nationale sur la langue proposée traduirait la volonté du gouvernement fédéral de renforcer les capacités linguistiques des Canadiens. Elle ferait également la promotion d'une vision des langues qui présenterait celles-ci à la fois comme une aptitude à la vie quotidienne et un moteur de croissance économique — c'est-à-dire que les langues peuvent servir pour faire des affaires et s'épanouir, communiquer et faire avancer sa carrière ainsi que promouvoir, encourager et inculquer une meilleure compréhension entre les cultures.

[Français]

Le projet de stratégie sur la langue au Canada assurerait l'engagement du gouvernement fédéral d'accroître la capacité du Canada en matière de langues et une vision des langues, à la fois comme une compétence de vie et un moteur de la croissance économique, pour être utilisées dans les affaires et pour l'évolution personnelle, afin d'ouvrir de nouvelles portes vers l'amélioration de la communication et des carrières et pour promouvoir, encourager et susciter une meilleure compréhension culturelle.

[Traduction]

En nous engageant en faveur d'une stratégie nationale sur la langue, nous préparerions la voie afin que les gouvernements fédéral et provinciaux trouvent le moyen de faire profiter l'économie canadienne ainsi que les citoyens, les familles et les collectivités du pays de notre expérience interculturelle de communication et de nos ressources multilingues. Cette démarche suppose évidemment la collaboration des différents ordres de gouvernement, des établissements d'enseignement, des communautés ethniques, des familles et des entreprises.

Honorables sénateurs, l'avenir de notre grand pays est entre les mains de nos enfants, ne l'oublions pas. Nous devons donc tout faire pour que ces derniers aient accès aujourd'hui aux outils dont ils auront besoin pour s'épanouir demain. L'adoption d'une stratégie nationale sur la langue tracera la voie à suivre et permettra aux enfants canadiens d'avoir une longueur d'avance sur le reste du monde.

L'honorable Tommy Banks : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?

Le sénateur Jaffer : Oui.

Le sénateur Banks : Madame le sénateur nous disait que le projet de loi C-37, qui avait été adopté par le gouvernement de M. Mulroney, avait été abrogé. Est-ce que c'est déjà fait ou le processus d'abrogation est-il encore en cours? Je pose la question, parce que c'est cette loi du Parlement qui a donné lieu à...

Le sénateur Jaffer : Peut-on m'accorder encore cinq minutes?

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader du gouvernement) : Cinq minutes, oui.

Son Honneur le Président : D'accord.

Le sénateur Banks : C'est ce projet de loi qui a donné lieu à la loi du Parlement intitulée Loi sur l'abrogation des lois, dont je peux réclamer modestement la paternité.

Or, aussitôt que cette loi est entrée en vigueur, il y a quelques semaines, comme le disait le sénateur Comeau, ce dernier a déposé la liste des lois du Parlement et des parties des lois du Parlement qui, selon le ministre de la Justice, étaient susceptibles d'être abrogées le 31 décembre prochain, à moins que d'autres mesures ne soient prises. Parle-t-on de la même chose ou la loi dont parle le sénateur avait-elle déjà été abrogée?

Le sénateur Jaffer : Nous parlons de la même chose. Je me rappelle que c'est le sénateur qui a présenté le projet de loi dont il nous parle et que celui-ci a franchi toutes les étapes du processus législatif. Cela étant dit, comme tout cela remonte à plus de 20 ans, j'ai cru que la loi dont je parlais avait déjà été abrogée.

Le sénateur Banks : Pas encore, mais cela ne saurait tarder.

Le sénateur Jaffer : Cela ne saurait tarder; je vois.

Le sénateur Banks : À propos, je tiens à dire qu'à l'époque, c'était une bonne idée. En fait, c'est une question qui m'intéresse tout particulièrement, parce que l'Institut canadien des langues patrimoniales que créait cette fameuse loi devait être situé à Edmonton.

(2130)

Je me demande si la loi pourrait être utile une fois modifiée et modernisée, en ce qui concerne l'initiative dont le sénateur a parlé.

Le sénateur Jaffer : Si la loi n'était pas abrogée, elle serait utile. Si les ressources nécessaires avaient été fournies à cet institut, nous aurions déjà réalisé de grands progrès dans la mise en œuvre de notre stratégie. Le fait que la loi n'ait pas encore été abrogée est déjà un important progrès en soi. Je vais examiner la question.

Le sénateur Banks : Pour la gouverne des sénateurs, la loi sera forcément abrogée à moins qu'il ne soit proposé aux deux Chambres du Parlement de ne pas le faire.

Le sénateur Day : Honorables sénateurs, je me demande si cela est tout à fait vrai. À mon avis, tant qu'elle n'aura pas été abrogée, cette mesure législative continuera d'être une loi dûment adoptée par le Parlement. Si elle est proclamée dans l'intervalle, elle sera effectivement une loi. Je demande au sénateur Jaffer de bien vouloir confirmer que, conditionnellement à un intérêt réel au sein du gouvernement et du Parlement, il suffirait de proclamer la loi.

Le sénateur Jaffer : Je remercie le sénateur de ces suggestions. Je vais les examiner pendant notre période de relâche.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

La sclérose en plaques et l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Jane Cordy, ayant donné avis le 10 mars 2011 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur les Canadiens qui souffrent de l'insuffisance veineuse cérébrospinale (IVCC) et la sclérose en plaques (SP), et qui n'ont pas accès à la procédure de « déblocage ».

— Honorables sénateurs, près de 75 000 personnes au Canada souffrent de sclérose en plaques. Chaque année, 1 000 autres Canadiens découvrent qu'ils ont la maladie et près de 400 Canadiens en meurent.

La sclérose en plaques est une maladie dévastatrice qui s'attaque au cerveau. C'est la maladie neurologique la plus fréquente chez les jeunes adultes. Elle est de deux à trois fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. Les symptômes de la sclérose en plaques peuvent être légers ou invalidants à divers degrés. Les personnes atteintes de sclérose en plaques peuvent souffrir de problèmes de vision, de perte d'équilibre ou de coordination, de fatigue extrême, de perte de la mémoire ou de la parole ou encore de rigidité musculaire ou de paralysie.

Les causes de la sclérose en plaques sont toujours inconnues, et il n'existe pas de traitement pour le moment. On constate qu'il y a d'importants dépôts de fer dans le cerveau des personnes atteintes de sclérose en plaques, et les études montrent qu'il est possible qu'il y ait un lien entre ces dépôts et la détérioration de l'état du malade.

Des études récentes sur des patients ayant la sclérose en plaques effectuées en Italie par un chercheur de pointe, le Dr Paolo Zamboni, montrent qu'un fort pourcentage de ces patients souffrent d'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique, ou IVCC. L'IVCC est une anomalie vasculaire qui restreint l'afflux sanguin vers le cerveau et venant du cerveau, et cela pourrait être la cause des dépôts de fer dans le cerveau des personnes atteintes de sclérose en plaques.

Pour traiter l'IVCC, le Dr Zamboni a été le premier à réaliser une intervention de déblocage, dite de libération, qui consiste à effectuer une angioplastie pour corriger l'anomalie dans les veines menant au cerveau. Beaucoup de médecins, dans le monde entier, ont commencé à utiliser cette technique pour traiter l'IVCC chez les personnes atteintes de sclérose en plaques.

Le Dr Zamboni a constaté que les patients ayant subi cette intervention de libération voient souvent leurs symptômes diminuer. Les améliorations sont parfois spectaculaires, parfois moins visibles, mais il est de plus en plus évident que cette intervention peut soulager certains symptômes.

Le Dr Sandy MacDonald, de Barrie, en Ontario, a suivi une formation auprès du Dr Zamboni afin de pouvoir diagnostiquer l'IVCC, et il enseigne maintenant la technique à d'autres. Le Dr MacDonald a constaté que près de 90 p. 100 des patients atteints de sclérose en plaques qu'il a vus souffrent aussi d'IVCC.

Au cours des dernières années, l'intervention de libération a été offerte et administrée à des patients atteints de sclérose en plaques dans des pays comme l'Italie, la Pologne, l'Écosse, le Japon, l'Inde, le Mexique et les États-Unis. Toutefois, les Canadiens ne peuvent pas subir ce traitement au Canada. En fait, le Dr MacDonald, le seul médecin canadien à faire le diagnostic et à réaliser l'intervention, l'a pratiquée sur six patients au Canada, mais il n'a plus le droit de le faire.

Honorables sénateurs, l'angioplastie est une intervention à faible risque pratiquée universellement dans les cas d'obstruction veineuse. Tous les Canadiens peuvent avoir une angioplastie s'ils ont une obstruction veineuse — tous les Canadiens sauf ceux qui ont reçu un diagnostic de sclérose en plaques.

Je demande donc ceci : pourquoi notre système de soins de santé exerce-t-il une discrimination à l'endroit des patients qui souffrent de sclérose en plaques? Ce type d'intervention est pratiqué quotidiennement par des radiologistes, des cardiochirurgiens et des chirurgiens vasculaires, mais ce traitement ne peut pas être administré à des personnes atteintes de sclérose en plaques pour traiter l'IVCC.

L'argument avancé au Canada est qu'il n'y a pas suffisamment de données indiquant une corrélation entre l'IVCC et la sclérose en plaques. En raison de ce manque de données, les personnes atteintes de la sclérose en plaques se voient même refuser les examens d'imagerie permettant de diagnostiquer l'IVCC.

Cette décision a porté un dur coup aux personnes atteintes de sclérose en plaques au Canada. Ce sont des patients canadiens qui attendent chaque jour, en espérant que des médecins vont les traiter, non pas avec des médicaments, mais au moyen d'une technique qui s'est révélée prometteuse dans 50 autres pays.

Un grand nombre de personnes atteintes de sclérose en plaques au Canada estiment que la seule possibilité d'être soulagées de leurs symptômes est la chirurgie dite de « déblocage » et, pour l'obtenir, elles n'ont d'autre choix que de se rendre à l'étranger pour être opérées par des médecins qu'elles ne connaissent pas dans un système médical qu'elles ne connaissent pas.

La semaine dernière, j'ai reçu des courriels de Néo-Écossais qui m'ont raconté leur histoire. Jeremy, dont la sœur, Kara Lee, une jeune femme dans la trentaine, est atteinte de sclérose en plaques, m'a envoyé un courriel. Je vais vous en lire un passage.

Pour faire une histoire courte, notre famille a accepté assez rapidement le fait que le Canada allait prendre du temps à offrir ce traitement pour Kara Lee. Elle ne voulait pas attendre trois à cinq ans. Pendant plusieurs mois, nous avons suivi de près ce qu'on disait de l'IVCC. Nous avions évalué les possibilités de déplacement vers plusieurs pays. Toutefois, nous avons fini par conclure que Los Cabos, au Mexique, était le bon endroit pour nous parce qu'un ami de la famille y avait reçu le traitement dans le cadre d'une étude clinique à laquelle participaient 10 patients. Nous savions donc au moins que ce n'était pas une arnaque.

Le coût total du voyage s'est élevé à environ 20 000 $. Les examens et l'intervention chirurgicale ont coûté 13 500 $.

Accepter que le traitement ne soit pas offert était une chose, mais la partie de loin la plus frustrante de tout le processus a été l'impossibilité de subir des examens au Canada et aller au Mexique comportait un risque important. En effet, si l'examen révélait que Kara Lee ne souffrait pas de l'IVCC, il n'y aurait pas de traitement. En fin de compte, l'examen Doppler fut l'étape décisive et nous avons été soulagés d'apprendre que Kara Lee pouvait effectivement être traitée.

Il est impossible non seulement de passer les examens au Canada, mais aussi de voir un médecin qui accepte de faire un examen de suivi. Elle est maintenant de retour à la maison, mais en Nouvelle-Écosse, il n'est toujours pas possible de passer les examens. Il semblerait néanmoins que des cliniques privées en Colombie-Britannique et en Ontario offrent ces examens contre paiement.

Au Mexique, tous les examens et l'intervention ont eu lieu la même (très longue) journée. Il y a eu les analyses de sang, le Doppler, puis l'intervention de « libération ». Kara Lee a immédiatement vu des changements. C'était incroyable : dans les 20 minutes suivant l'intervention, ses jambes n'étaient plus bleuâtres, elle avait des sensations dans la jambe et elle a constaté une nette amélioration au niveau de son élocution et de sa vivacité d'esprit. Presque tous les autres patients ont vécu la même expérience. D'après ce que j'ai pu constater, les résultats de l'intervention sont les plus probants chez les personnes qui ont obtenu un diagnostic de sclérose en plaques récemment. Un homme de Vancouver, qui avait besoin d'une canne pour marcher et qui avait de la difficulté à travailler une journée complète, se sentait si bien après l'intervention qu'il a joué une ronde de golf de 18 trous à Los Cabos en août, alors que j'avais personnellement de la difficulté à rester à l'extérieur. Son frère a également subi l'intervention. Il était arrivé en fauteuil roulant et, étonnamment, il a marché sans aide du restaurant de l'hôtel jusqu'à sa chambre le dernier soir de son séjour là-bas

(2140)

Kara Lee a de très bons médecins en Nouvelle-Écosse qui essaient de l'aider du mieux qu'ils peuvent sans toutefois approuver sa décision de subir cette intervention à l'étranger. Un médecin avait même essayé de lui faire passer un test d'IRM au Canada, mais la demande a été rejetée lorsqu'on a constaté qu'elle était atteinte de sclérose en plaques. Kara Lee a alors informé ses deux principaux médecins traitants qu'elle allait subir l'intervention au Mexique et ils ont tous deux fourni un dossier médical et des résumés détaillés au chirurgien qui allait l'opérer. L'un des médecins lui a demandé si elle pouvait lui faire subir un examen complet avant et après l'intervention — non pas à des fins de recherche, mais pour satisfaire son intérêt personnel — et elle a été renversée par les résultats.

Durant les six jours que nous avons passés au Mexique, nous avons rencontré environ 15 Canadiens qui allaient subir l'intervention. Chacun a dépensé près de 20 000 $. Aucun rendez-vous n'était disponible dans cet hôpital avant des mois. La plupart des patients que nous avons rencontrés ont dû organiser des campagnes de financement, se serrer la ceinture, faire des tours de passe-passe ou contracter un prêt pour pouvoir se payer ce voyage.

Quand on me pose des questions, j'essaie de faire passer des messages clés. Par exemple, les Canadiens doivent pouvoir passer des tests. Il n'y a aucun mal à passer un Doppler ou un examen par IRM. On devrait agir vite afin d'enregistrer les gens et de faire un suivi des progrès des patients qui sont allés se faire traiter à l'étranger. Je suis content de voir que ces derniers bénéficient de crédits d'impôt. Cependant, il me semble que nous encourageons activement nos compatriotes à quitter le Canada afin de recevoir ce traitement. Étant donné que tant de malades souffrant de sclérose en plaques ne travaillent pas, cela vaudrait la peine d'investir dans ce procédé au Canada même si seulment une infime partie de ces gens pouvaient retourner travailler grâce à lui. En outre — et je sais que j'ai un parti pris — je pense que ce traitement est vraiment unique et qu'au bout du compte, le Canada doit suivre le mouvement. Le fait que les chercheurs essaient de prouver qu'il existe un lien entre la sclérose en plaques et l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique est ridicule et semble être un prétexte pour simplement retarder les tests cliniques. Il est inutile que je vous donne des détails sur les effets dévastateurs de la sclérose en plaques. Mais les conséquences sur les familles sont aussi terribles.

Cette note venait de Jeremy.

Edna Lee, de Glace Bay, m'a aussi envoyé un courriel. Certains d'entre vous se souviennent peut-être d'elle, puisqu'elle était venue témoigner devant le Comité sénatorial de l'énergie lors de la fermeture de la mine exploitée par la société Devco. Je vais lire des extraits de son courriel :

Je m'appelle Edna Lee. Je souffre de la sclérose en plaques depuis 27 ans. C'est une maladie incurable dont la cause est inconnue. Lorsque je songe aux années vécues depuis que je souffre de cette maladie, bien des périodes difficiles me viennent à l'esprit, des périodes où j'ai dû lutter pour surmonter une maladie qui m'a volé mes forces, ma capacité de marcher, mon équilibre et ma coordination, et qui a provoqué chez moi une fatigue extrême, la paralysie, la perte de sensation et d'autres symptômes non apparents mais présents.

La sclérose en plaques est une maladie dévastatrice qui est difficile à accepter, mais avec laquelle il est encore plus difficile de vivre. Le Canada a le taux le plus élevé de SP au monde. En général, la SP frappe les gens âgés de 15 à 40 ans. À titre de personne aux prises avec la SP, j'ai constaté un manque de compréhension de cette maladie, même au sein de ma propre famille et de ma collectivité. Souvent, les gens disent que j'ai l'air bien. Je suis heureuse d'entendre un tel compliment, mais je me demande ce qu'ils penseraient s'ils savaient comment je me sens dans mon corps.

J'ai eu à affronter les obstacles liés à mon handicap tant à la maison qu'au travail. En tant que Canadiens, nous nous efforçons d'être les meilleurs au monde, de nous préoccuper de nos voisins et de faire notre possible pour atténuer la souffrance. Nous sommes généreux. Nous l'avons prouvé à maintes occasions lors de désastres dans le monde. Nous sommes conscients de la situation des handicapés et nous veillons à ce que nos édifices leur soient accessibles. Pourtant, nous accusons du retard pour ce qui est de faire en sorte que les personnes qui souffrent de la SP aient toutes les chances possibles d'avoir accès à une cure ou à une qualité de vie meilleure, parce que nous leur refusons l'accès à des essais cliniques au Canada, ainsi qu'au traitement de libération et au suivi pertinent.

Des Canadiens se rendent à l'étranger, ce qui leur coûte énormément cher, afin de recevoir un traitement de libération, dans l'espoir que ce sera la cure qui leur permettra de mener une vie normale. Comme tous ceux et celles qui souffrent de la sclérose en plaques, j'ai attendu une cure, j'ai vécu toutes ces années dans l'espoir qu'on trouverait une façon d'arrêter la progression de ma maladie.

Pour la première fois, une découverte pourrait améliorer la qualité de vie des personnes qui souffrent de la sclérose en plaques, l'IVCC. Il semblerait que l'IVCC soit quelque chose de tabou dans certains milieux médicaux au Canada et dans certaines provinces, notamment la Nouvelle-Écosse. Un simple test, une échographie Doppler, qui ne prend que quatre minutes, n'est pas couvert par le régime de santé. Le 30 mai, je vais me rendre à Barrie, en Ontario, pour un test lié à l'IVCC. Je suis impatiente de subir ce test et je vais assumer les frais de 250 $. Pourquoi? La réponse est simple. C'est pour savoir si j'ai une chance d'avoir une cure, ou une qualité de vie améliorée. Cela peut sembler fou, mais l'IVCC est la première lueur d'espoir pour une personne comme moi.

J'ai lu tellement de bonnes choses sur les améliorations ressenties après le traitement de « libération ». Si j'ai l'IVCC, j'espère que je pourrai recevoir le « traitement de libération » au Canada, parce que je n'ai pas les moyens de payer des milliers de dollars pour me rendre dans un pays où je n'ai aucune idée de la qualité des soins de santé que je peux y recevoir. Le manque de soins de suivi dans le cas des personnes qui sont allées dans d'autres pays pour recevoir le traitement de libération est une préoccupation majeure. Si j'avais un blocage cardiaque, je serais traitée ici. Un blocage des grandes veines n'est pas différent et mérite aussi d'être traité.

La Loi canadienne sur la santé assure à tous les Canadiens un accès à des soins de santé universels de qualité. Par conséquent, les Canadiens qui souffrent de sclérose en plaques et d'IVCC doivent avoir accès librement et sans frais aux tests de dépistage de l'IVCC et au traitement de libération. Je soutiens que les lacunes au chapitre des tests de dépistage, du traitement et du suivi médical de l'IVCC au Canada vont à l'encontre des droits des Canadiens prévus dans la Loi canadienne sur la santé.

Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Je tiens à remercier Jeremy, Edna et les nombreux autres qui m'ont écrit au sujet des effets de la sclérose en plaques sur les personnes qui en sont atteintes ainsi que sur leur famille.

Honorables sénateurs, le gouvernement fédéral doit ouvrir la voie. Souvent, en médecine, lorsqu'un traitement semble prometteur, il devient rapidement accessible. Nul ne peut nier que la technique de libération est prometteuse. Pourtant, de nombreux patients atteints de sclérose en plaques attendent toujours que le système de soins de santé agisse alors que 50 autres pays procèdent à des essais cliniques. Les Canadiens méritent mieux que cela.

Les lacunes au chapitre du suivi médical représentent une chance ratée pour notre système de soins de santé de mieux étudier et de mieux comprendre l'IVCC et sa possible relation avec la sclérose en plaques. Aucune donnée n'est recueillie au Canada. La Société canadienne de la sclérose en plaques et ceux qui ont de l'expérience relativement à la technique de libération réclament un suivi adéquat des patients qui choisissent de recevoir le traitement à l'étranger de même que la tenue d'un registre des Canadiens qui subissent une angioplastie veineuse, afin de mieux surveiller le progrès des patients atteints de sclérose en plaques et de recueillir des données à ce sujet.

Cependant, des essais cliniques au Canada sont hautement nécessaires pour mieux étudier et mieux comprendre la relation possible entre l'IVCC et la sclérose en plaques. Le meilleur moyen pour les scientifiques et les médecins du Canada d'étudier la question est de mener leurs propres essais cliniques, non pas de se fier aux résultats publiés par d'autres.

Les patients canadiens préfèrent consulter leur médecin de famille et obtiennent ainsi de meilleurs soins. Les résultats dans chaque cas sont mieux compris si les soins sont prodigués ici même au Canada. Nous devons nous donner l'objectif de mettre fin à cette discrimination contre les personnes atteintes de sclérose en plaques. La triste réalité est que le taux de suicide chez ces personnes est sept fois plus élevé que la moyenne nationale, une statistique choquante qui en dit long sur le désespoir qu'éprouvent de nombreuses personnes souffrant de sclérose en plaques devant leur incapacité d'obtenir un soulagement de leurs symptômes.

Le traitement dit de « libération » s'annonce beaucoup trop prometteur dans le reste du monde pour être laissé à l'écart par le gouvernement. Nous nous devons d'offrir aux Canadiens atteints de la sclérose en plaques, et à leur famille, les meilleurs soins possibles. J'implore la ministre de la Santé de faire preuve de leadership dans ce dossier et de mobiliser ses homologues provinciaux et territoriaux dans le but d'établir une politique nationale sur le traitement et les soins de suivi destinés aux Canadiens atteints de sclérose en plaques.

Honorables sénateurs, cette question n'est pas partisane. Je suis convaincue que la plupart des sénateurs ici présents connaissent de courageux Canadiens atteints de sclérose en plaques. Nous ne devrions pas avoir un système à deux vitesses qui oblige ces Canadiens à se mettre à genoux pour bénéficier d'une angioplastie, qui figure déjà au répertoire des pratiques médicales établies au Canada et qui, pourtant, ne leur est pas offerte parce qu'ils s'adonnent à être atteints de sclérose en plaques.

Comme l'a dit Kirsty Duncan, députée d'Etobicoke-Nord, qui a fait de l'excellent travail dans le dossier : « Rien n'est pire que d'être atteint de la SP si ce n'est le fait d'être atteint de la SP et de savoir qu'il existe un traitement, sans toutefois y avoir accès. »

(2150)

Honorables sénateurs, combinons nos forces pour faire ce qui s'impose.

Des voix : Bravo!

L'honorable Don Meredith : Je remercie le sénateur Cordy de son discours passionné sur cette question. Ayant moi-même recueilli des fonds pour la sclérose en plaques par le passé, je sais que ce traitement permettrait à de nombreux Canadiens de jouir d'une meilleure qualité de vie.

Ma question est la suivante : quelles sont les objections formulées par Santé Canada qui ont fait obstacle à l'établissement de cette stratégie nationale?

Le sénateur Cordy : Je remercie le sénateur Meredith de sa question et de l'intérêt qu'il manifeste à l'égard de la sclérose en plaques parce que, comme je l'ai dit plus tôt, 75 000 Canadiens vivent avec cette maladie et, chaque année, 1 000 Canadiens de plus en reçoivent le diagnostic.

Je ne suis pas absolument certaine, mais je crois comprendre, selon ce que j'ai lu, que les responsables de Santé Canada estiment qu'on ne dispose pas d'assez de renseignements sur le traitement. La Société canadienne de la sclérose en plaques suggère de commencer à receuillir des données et de tenir un registre. C'est une des choses les plus importantes que proposent les représentants de la Société canadienne de la sclérose en plaques et les Canadiens qui travaillent sur le terrain. Ils préconisent la création d'un registre et nous demandent de commencer à receuillir des données et à faire des essais cliniques au Canada pour que nous disposions des renseignements nécessaires pour faire progresser l'utilisation du traitement au Canada.

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

Affaires étrangères et commerce international

Autorisation au comité de reporter la date de présentation de son rapport final sur l'étude de questions liées aux affaires étrangères en général

L'honorable A. Raynell Andreychuk, conformément à l'avis donné le 21 mars 2011, propose :

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le mardi 16 mars 2010, la date pour la présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international sur les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères en général, soit reportée du 31 mars 2011 au 31 décembre 2011.

Son Honneur le Président : Réclame-t-on des explications?

Une voix : Oui.

Le sénateur Andreychuk : Il s'agit de la date de référence habituelle du Comité des affaires étrangères. La date de présentation du rapport avait été fixée au 31 mars, mais nous avons l'habitude de reporter cette date en raison de notre objectif général en matière de politique étrangère.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 24 mars 2011, à 13 h 30.)


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