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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 12

Le dimanche 26 juin 2011
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le dimanche 26 juin 2011

La séance est ouverte à 11 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les prix décernés par l'International Indian Film Academy

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour parler de notre pays qui, une fois de plus, a démontré au monde entier ce qu'est vraiment le multiculturalisme. Hier soir, plus de 800 millions de personnes partout dans le monde ont pris place devant leur téléviseur pour écouter la 12e cérémonie de remise des prix de l'International Indian Film Academy, qui avait lieu pour la toute première fois en Amérique du Nord, plus précisément à Toronto.

Cette cérémonie a attiré plus de 40 000 visiteurs à Toronto, ce qui a permis d'injecter environ 30 millions de dollars dans l'économie locale. Plus important encore, cet événement a permis à notre pays de se faire valoir à l'échelle internationale et de démontrer au monde entier son multiculturalisme.

Honorables sénateurs, tous ceux qui ont participé à la cérémonie de remise des prix de l'IIFA ne se sont pas préoccupés des origines ethniques. Peu importait qu'ils soient musulmans, hindous, sikhs, punjabi, chrétiens ou juifs ou que leur famille vienne de l'Inde, du Pakistan ou d'un autre pays. Ce qui importait, c'était d'être réunis pour l'occasion. En effet, nous étions tous beaucoup plus intéressés à ce qui nous rassemblait qu'aux différences minimes qui nous distinguent. Bien souvent, l'Indian Film Academy rassemble des gens que tout sépare.

Le premier ministre de l'Ontario, Dalton McGuinty, qui a déployé de grands efforts pour que cette cérémonie ait lieu à Toronto, s'est adressé à la foule du Centre Rogers, bondé pour l'occasion, ainsi qu'aux millions de téléspectateurs. Il a souligné tout ce qui nous unit lorsqu'il a dit ceci :

Certaines choses sont universelles, comme une bonne histoire.

Qu'importe que vous ayez grandi à Brampton ou à Bangalore, à Mississauga ou à Mumbai, vous avez tous entendu des histoires ou vous en avez raconté.

L'une des histoires qui a attiré l'attention hier soir est celle du film intitulé « Mon nom est Khan ». Il s'agit de l'histoire d'un musulman appelé Rizvan Khan, un homme heureux qui s'établit à San Francisco, épouse une femme hindoue et démarre une petite entreprise, et ce, même s'il est atteint du syndrome d'Asperger.

Cependant, après les événements du 11 septembre, tout bascule pour Rizvan, qui perd sa famille et son emploi parce que son entourage change d'attitude à l'égard des musulmans. Rizvan, qui ne comprend pas pourquoi l'islam est tenu responsable des actes perpétrés par quelques extrémistes, entreprend alors un périple aux quatre coins des États-Unis pour dire à la population que, même si son nom est Khan, il n'est pas un terroriste.

Honorables sénateurs, le fait que ce film ait remporté les honneurs hier soir, malgré le fait qu'il transmet un message controversé, mais à la fois très important, nous en dit long. Pour moi, cela représente un changement d'attitude et marque un pas important vers la compréhension, que ce soit au Canada ou ailleurs dans le monde.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à vous joindre à moi pour féliciter tous ceux qui ont assuré la réussite de la 12e cérémonie de remise des prix de l'International Indian Film Academy, à Toronto. Une fois de plus, nous avons démontré au monde entier à quel point il est important de miser sur le multiculturalisme.

[Français]

Les affaires étrangères

Le citoyen canadien détenu au Liban

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, mardi dernier, j'ai posé une série de questions concernant mon concitoyen Hendrik Tepper, un producteur de pommes de terre du Nouveau-Brunswick présentement détenu à Beyrouth, et qui fait l'objet d'une alerte rouge d'Interpol visant à l'envoyer en Algérie. Suite à plusieurs discussions, depuis ce temps, avec les autorités libanaises, on m'a indiqué qu'une pétition auprès des membres du Sénat du Canada serait tout à fait bienvenue par le ministre de la Justice du Liban pour retourner notre concitoyen au Canada.

Par conséquent, je ferai circuler aujourd'hui, auprès de tous les honorables sénateurs, une pétition qui se lit comme suit :

Nous, les soussignés honorables membres du Sénat du Canada, demandons à l'honorable ministre de la Justice du Liban, Shakib Qortbawi, de retourner au Canada notre concitoyen, M. Hendrik Tepper.

Honorables sénateurs, je suis fière de vous annoncer que nous avons déjà recueilli 15 signatures. Je remercie mes collègues. Je vous reparlerai tout au long de la journée pour solliciter votre appui.

[Traduction]

Les changements climatiques

L'honorable Nancy Greene Raine : Honorables sénateurs, nous aimons tous parler du temps qu'il fait, surtout lorsque celui-ci sort de l'ordinaire : les grands froids, le printemps pluvieux dans l'Ouest, le temps sec qui a contribué à la propagation des feux de forêt dans le Nord de l'Alberta et les inondations qui ont duré des mois dans les Prairies. On nous dira sans doute que ces événements météorologiques sont des manifestations des changements climatiques dus aux activités humaines. Le climat deviendra plus rigoureux si nous ne réduisons pas les émissions de gaz à effet de serre, proclament les activistes.

Est-ce vrai, ou ces événements sont-ils des variations naturelles du climat? En tant que sénateurs, nous devons mettre de côté la rectitude politique et examiner minutieusement l'avis scientifique d'un large éventail d'experts en la matière. Il ne suffit pas d'écouter uniquement les groupes environnementalistes et les scientifiques qui cherchent à faire de la publicité pour leur cause. Nous devons aller plus en profondeur si nous voulons offrir un second examen objectif à l'égard de questions telles que les changements climatiques.

Honorables sénateurs, permettez-moi d'établir une distinction claire : le temps n'est pas le climat. Le temps se mesure à court terme et varie d'heure en heure ou de jour en jour. Le climat est la moyenne du temps qu'il fait sur une longue période. Comme on le dit couramment, on fait des achats en fonction du climat, mais on s'habille en fonction du temps qu'il fait.

Si nous avons un été chaud, cela ne signifie pas que le climat se réchauffe, pas plus qu'un hiver particulièrement froid indique un refroidissement à l'échelle planétaire. Ce n'est que lorsqu'une nouvelle tendance perdure pendant des dizaines d'années que l'on peut commencer à croire que nous sommes réellement en présence d'un changement climatique.

(1110)

Contrairement à ce qu'on peut parfois lire dans la presse, les scientifiques expliquent que les conditions météorologiques se font plus clémentes durant les périodes de réchauffement climatique. L'écart de température entre haute et basse altitudes est la principale cause des tempêtes violentes et cet écart s'atténue lorsque la terre se réchauffe, causant ainsi des tempêtes moins violentes ou réduisant, du moins, leur fréquence.

C'est donc durant les périodes de refroidissement climatique que les phénomènes météorologiques extrêmes se font plus fréquents. Les conditions météorologiques varient davantage au Canada en ce moment puisque nous vivons une période de léger refroidissement.

Les inondations jamais vues qui frappent le Manitoba, par exemple, ne sont peut-être pas inhabituelles si on les considère sur une vaste période. N'oublions pas que notre bilan en la matière au Canada ne porte que sur quelques centaines d'années. Selon les spécialistes de la sécheresse, dans les Prairies, les cycles de pluviosité et de sécheresse alternent tous les 17 ans. Nous vivons actuellement un cycle de pluviosité et devrions entrer dans un cycle de sécheresse d'ici quelques années. Comme nous ne pouvons rien contre les sécheresses ou les inondations, nous n'avons d'autres choix que de planifier leur venue et de mieux nous y préparer.

Lorsque le Sénat reprendra ses travaux à l'automne, j'espère que l'un des comités sénatoriaux jettera un regard neuf sur la question des changements climatiques, un regard qui soit fondé sur une évaluation réaliste des données scientifiques et des faits historiques. Les Canadiens ne méritent rien de moins.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La sécurité publique

Le recours de la GRC au Régime de justification d'application de la loi—Dépôt du rapport annuel de 2010

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel sur le recours à des dispositions du régime de justification de l'application de la loi par la GRC.

Projet de loi sur le rétablissement de la livraison du courrier aux Canadiens

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes la projet de loi C-6, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 57(1)f) du Règlement, je propose que le projet de loi soit inscrit à l'ordre du jour pour une deuxième lecture plus tard aujourd'hui.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour plus tard aujourd'hui.)


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 27(1) du Règlement, j'avise le Sénat que, lorsque nous procéderons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : en premier lieu, la deuxième lecture du projet de loi C-6; puis, le troisième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales sur le Budget principal des dépenses; la troisième lecture du projet de loi C-8; la troisième lecture du projet de loi C-9, suivis par tous les autres point tels qu'ils apparaissent à l'ordre du jour.

[Traduction]

L'Université Queen's à Kingston

Projet de loi d'intérêt privé visant à modifier l'acte constitutif—Message des Communes

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-1001, Loi concernant l'Université Queen's à Kingston, accompagné d'un message informant le Sénat qu'elle a adopté le projet de loi sans amendements.

Projet de loi sur le rétablissement de la livraison du courrier aux Canadiens

Deuxième lecture

L'honorable Michael L. MacDonald propose que le projet de loi C- 6, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, comme vous le savez tous, après 12 jours de grèves tournantes, Postes Canada a décrété un lock-out. Cet arrêt de travail est survenu après de nombreuses séries de négociation collective, au cours desquelles Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes ne sont pas parvenus à concilier leurs positions respectives et à conclure une entente.

Pendant de nombreux mois, des médiateurs fédéraux ont travaillé avec les deux parties pour tenter de trouver une solution. Malheureusement, l'employeur et le syndicat n'ont pas réussi à signer une nouvelle convention collective. Par conséquent, le gouvernement a décidé d'intervenir et de présenter un projet de loi qui mettra fin à l'arrêt de travail.

Étant donné que notre économie commence à peine à se remettre de la récession et que l'arrêt des services postaux pourrait avoir des conséquences graves, notre pays ne peut pas se permettre de laisser traîner ce conflit en longueur. Une fois promulguée, cette loi mettra un terme au lock-out à Postes Canada.

C'est la reprise économique de notre pays qui est en jeu. À l'heure actuelle, les Canadiens ont toutes les raisons d'être optimistes. Notre pays a connu la croissance économique la plus forte de tous les pays du G7 depuis le milieu de l'année 2009. Nous avons pu récupérer tous les emplois perdus durant la récession mondiale. Ce n'est pas le moment de tout gâcher. Nous avons le devoir de prendre des mesures au nom de tous les Canadiens.

Il est toujours préférable que les parties s'entendent à la table de négociation et que le Parlement n'intervienne pas. La meilleure solution lors d'un conflit de travail est toujours celle dont conviennent les parties en cause.

Malheureusement, dans ce cas, l'écart qui sépare les parties est trop grand.

Nous pourrions laisser la situation se détériorer, les entreprises faire faillite, le chômage augmenter et notre économie péricliter, ou le gouvernement du Canada peut prendre des mesures déterminantes au nom de tous les Canadiens.

Ce projet de loi impose un contrat de quatre ans et des augmentations de salaire, soit 1,75 p. 100 au 1er février 2011, 1,5 p. 100 en février 2012, 2 p. 100 en février 2013 et 2 p. 100 en février 2014. Il prévoit également le choix de l'offre finale, mécanisme exécutoire qui réglerait toutes les questions encore en suspens.

Qui plus est, pour choisir l'offre finale, l'arbitre doit se fonder sur la nécessité de conditions de travail qui sont compatibles avec celles de secteurs postaux comparables.

L'arbitre doit aussi assurer à la Société canadienne des postes la souplesse nécessaire à sa viabilité économique et sa compétitivité à court et à long termes, au maintien de la santé et de la sécurité de ses travailleurs et à la viabilité de son régime de pension.

(1120)

Les conditions d'emploi doivent aussi tenir compte du fait que, premièrement, le ratio de solvabilité du régime de pension ne doit pas diminuer à cause de cette nouvelle convention collective et que, deuxièmement, la Société canadienne des postes se doit, sans recours à des hausses indues de tarifs postaux, d'être efficace, d'accroître sa productivité et de respecter des normes de service acceptables.

Rappelons-nous que la dernière grève des postes est survenue en 1997 et qu'elle a duré 15 jours. Depuis ce temps, la quantité de courrier personnel traité par le service postal a diminué parce qu'on utilise de plus en plus Internet, le courrier électronique, la facturation électronique et les transferts de fonds électroniques. Cependant, les PME comptent encore beaucoup sur le service postal pour la publicité, la facturation et les commandes.

La Société canadienne des postes est une société d'État, et c'est l'un des plus gros employeurs du Canada. Elle compte plus de 70 000 employés à plein temps ou à temps partiel. Chaque jour ouvrable, elle distribue quelque 40 millions d'envois et dessert 14 millions d'adresses. Comme toute entreprise commerciale, la société doit assurer un service fiable, faire des bénéfices, contrôler ses coûts et fonctionner efficacement. De son côté, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes essaie d'obtenir les salaires et conditions de travail les meilleurs qui soient pour ses membres.

Le conflit de travail qui oppose Postes Canada au STTP porte sur le renouvellement d'une convention collective visant quelque 50 000 travailleurs, notamment les employés des centres de tri et des points de service au détail ainsi que les facteurs et les livreurs de service postal. La convention collective entre le STTP et Postes Canada est arrivée à échéance en janvier 2011. Les deux parties étaient en négociation depuis octobre 2010. Lorsque ces pourparlers en sont arrivés à une impasse, un conciliateur a été nommé.

La conciliation a duré jusqu'au début de mai. Au cours de cette période, le conciliateur a de nouveau rencontré les parties. Pendant tout le mois de mai, un médiateur du Service fédéral de médiation et de conciliation du Programme du travail a rencontré les parties à intervalles réguliers.

En dépit de tous ces efforts de médiation et de conciliation et des rencontres de la ministre Raitt avec les dirigeants des deux partis, le 30 mai, le STTP a annoncé son intention d'aller en grève. Le 3 juin, les travailleurs affiliés au Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes ont débrayé et le 15 juin, l'employeur a imposé un lock- out.

En bref, les travailleurs des postes sont sans contrat de travail depuis janvier 2011, en dépit de nombreuses rondes de négociation.

Il arrive que des négociations collectives achoppent. Il est regrettable qu'un employeur et un syndicat n'arrivent pas à s'entendre sur les termes d'une convention collective. Toutefois, lorsque cela se produit, les parties peuvent demander au ministre du Travail de nommer un arbitre.

Honorables sénateurs, dans des circonstances normales, le gouvernement du Canada n'intervient pas dans les conflits de travail. Le gouvernement respecte le droit à la libre négociation collective, qui comprend le droit de grève et de lock-out. Le Parlement n'intervient pas si le conflit ne nuit pas gravement à l'économie et ne menace pas la santé et la sécurité. Toutefois, lorsqu'un employeur et un syndicat empruntent une voie qui nuit à l'économie nationale, le Parlement a le droit de veiller à ce qu'une grève ou un lock-out n'empiète pas sur les droits de l'ensemble des Canadiens.

Quels seraient les effets d'une interruption prolongée du service postal? Force est de reconnaître que Postes Canada est un des grands employeurs à l'échelle du pays. Cette société dépense environ 3 milliards de dollars en biens et services. Elle contribue à hauteur de 6,6 milliards de dollars par année au PIB du Canada. À lui seul, le secteur du marketing direct représente 1,4 milliard de dollars des revenus de Postes Canada. Cependant, au cours de la récente récession, ce secteur a enregistré des pertes financières. Les détaillants canadiens comptent sur Postes Canada pour joindre leurs clients. L'industrie canadienne des périodiques compte elle aussi sur Postes Canada pour la plus grande partie de ses activités de distribution.

Postes Canada assure également un lien essentiel pour les Canadiens des régions rurales et éloignées. Souvent, les bureaux de Postes Canada constituent l'élément central de la vie d'une collectivité. Les livreurs de courrier postal rural ne sont pas visés par le présent conflit de travail, mais les collectivités rurales pourraient être touchées puisqu'il n'y a actuellement ni tri ni distribution de courrier.

Les personnes ayant un handicap rencontrent des obstacles dans le transport et l'accessibilité qui les empêchent de recevoir des produits et des services. Même lorsqu'on fait ses achats en ligne ou par catalogue, on doit se faire livrer les produits par la poste.

Honorables sénateurs, allons-nous demeurer les bras croisés pendant qu'un arrêt de travail prolongé à Postes Canada affecte des secteurs parmi les plus vulnérables de notre économie? Quels seraient les effets sur la viabilité de Postes Canada?

Au cours de la reprise économique actuelle, il est plus important que jamais de favoriser la coopération et la productivité au travail. Prêtons main-forte aux Canadiens qui ont traversé la récession dernièrement et qui espèrent améliorer le sort de leur famille. Aidons-les avec ce projet de loi de reprise du travail. Faisons tourner l'économie. Pensons à l'avenir. Je vous demande, honorables sénateurs, d'appuyer ce projet de loi aujourd'hui.

Des voix : Bravo!

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, trop souvent au cours des cinq dernières années, j'ai dû m'élever contre l'insistance du gouvernement actuel à se laisser guider par son idéologie néoconservatrice au lieu d'adopter de bonnes politiques publiques. Trop souvent, j'ai vu ce gouvernement tellement obnubilé par cette idéologie qu'il était même prêt à ignorer la Constitution et la Charte canadienne des droits et libertés. Avec le projet de loi C-6, je crains que nous n'assistions encore à une manifestation de cette tendance.

Permettez-moi de vous lire un extrait d'une lettre de M. Stephen Harper au Calgary Herald, en 1997, au cours de la dernière perturbation générale du service postal au pays. Le gouvernement libéral du premier ministre Chrétien avait présenté un projet de loi imposant la reprise du travail, et le Parlement l'avait adopté. Voici ce que M. Harper écrivait à l'époque, alors qu'il n'était encore que simple citoyen :

Une loi imposant la reprise du travail traite seulement un symptôme, et non le vrai problème du service postal au Canada. Le vrai problème est le double monopole dans ce service. Le gouvernement accorde à la direction des postes un monopole sur la gestion du courrier des Canadiens. En plus, Postes Canada accorde aux patrons du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes un monopole sur la main-d'œuvre, ce qui leur donne le pouvoir d'interrompre complètement le service. Les familles et les entreprises canadiennes ont une épée de Damoclès constamment suspendue au-dessus de leurs têtes. Il est temps de mettre fin au double monopole et de donner le choix aux consommateurs canadiens en matière de service postal. Si l'on veut s'assurer que les Canadiens ne sont plus jamais pris en otage par une grève des postes, il n'y a pas d'autre solution que de mettre fin à la situation de monopole.

Voilà ce qu'écrivait Stephen Harper, qui est aujourd'hui premier ministre du Canada.

M. Harper ne croyait pas vraiment aux lois de retour au travail en 1997. Il pensait que c'était seulement une solution temporaire. Il affirmait que ces lois traitaient les symptômes plutôt que le véritable problème. Dans cette lettre, il offrait une solution claire au problème : éliminer le monopole du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes et mettre fin aux grèves des postes. Étant donné cette philosophie sous-jacente, nous ne devrions pas être surpris que, maintenant qu'il est premier ministre, il présente une loi de retour au travail pour les employés des postes qui va au-delà de ce qui est nécessaire pour rétablir les services postaux.

Honorables sénateurs, le droit de créer un syndicat, le droit de participer à des négociations collectives et le droit de faire la grève sont des droits constitutionnels au Canada, et ils sont protégés par la Charte. La Cour suprême du Canada a été très claire à cet égard.

Je pense que tous les sénateurs savent que, parfois, il est nécessaire d'adopter une loi de retour au travail pour protéger l'intérêt du public. Comme je l'ai mentionné, des gouvernements libéraux, et même des gouvernements néo-démocrates, l'ont fait dans plusieurs provinces. Ce n'est pas l'adoption d'une loi de retour au travail qui est problématique, c'est le contenu de cette mesure législative.

Si on veut une loi de retour au travail efficace et constitutionnelle, nous devrions rédiger un projet de loi qui permet de résoudre le conflit et de reprendre la livraison du courrier tout en respectant les valeurs canadiennes lors de la résolution des conflits de travail et, surtout, nos droits constitutionnels.

Examinons un instant comment nous en sommes rendus là. Comme le sénateur MacDonald l'a dit, il y avait une convention collective en place qui devait prendre fin le 31 janvier 2011. Les négociations entre Postes Canada et le syndicat ont commencé en octobre 2010. En janvier, le syndicat a demandé l'intervention d'un conciliateur. En mai, la conciliation a pris fin, et la médiation a commencé. Le syndicat a décidé que les négociations n'avançaient pas assez et, le 2 juin, les employés ont commencé une série de grèves tournantes.

(1130)

Honorables sénateurs, il ne s'agissait pas d'une grève à l'échelle du pays, contrairement à celle de 1997. La grève a duré une journée dans chacune des villes touchées. Le service postal n'a pas été paralysé. Au contraire, le syndicat et ses membres se sont donné beaucoup de mal pour minimiser les perturbations causées à la population canadienne. Le STTP a été clair :

Le but de la grève est d'encourager Postes Canada à revenir à la table de négociation avec une proposition qui répond aux besoins des travailleuses et travailleurs des postes actuels et futurs.

Qu'a fait Postes Canada? Au lieu de reprendre les négociations collectives, elle a décrété un lock-out.

Soyons clairs. Nous sommes en présence d'un lock-out, pas d'une grève. Postes Canada appartient au gouvernement. Elle a imposé un lock-out à ses employés, et maintenant son propriétaire, le gouvernement, établit les conditions en vertu desquelles les employés se feront imposer un retour au travail en vertu d'une loi.

Le lock-out a eu des conséquences. Il a coûté fort cher aux Canadiens, aux entreprises et aux œuvres de charité. Je le répète, la façon dont les parties — les deux parties — ont tenté de minimiser l'importance des perturbations pour les Canadiens m'a frappé. Le syndicat et Postes Canada se sont entendus pour qu'environ 2 millions de Canadiens reçoivent leur chèque d'aide sociale, du RPC, de la Sécurité de la vieillesse, de prestations des Anciens Combattants et de prestations fiscales du Canada. Les chèques d'allocation familiale, de pension et de sécurité du revenu du Québec ont tous été livrés.

C'était le 20 juin. Le jour même où le gouvernement a présenté son projet de loi ordonnant le retour au travail.

On ne peut s'empêcher de se demander si Postes Canada, propriété du gouvernement, n'a pas jugé que le temps était venu d'exacerber le conflit de travail en décrétant un lock-out, ouvrant ainsi la porte au gouvernement qui a dit : Cette situation a assez duré, nous devons légiférer pour mettre fin à ce conflit en offrant des conditions favorisant Postes Canada au détriment du syndicat, des conditions inférieures à celles que la société avait elle-même offertes.

Le STTP a proposé de mettre fin à la grève si Postes Canada acceptait de simplement rétablir la convention collective qui était arrivée à échéance récemment. Postes Canada a refusé. Pourquoi aurait-elle accepté? Elle savait que le gouvernement était prêt et disposé à légiférer.

Le gouvernement, bien entendu, a dit qu'il devait présenter ce projet de loi. La secrétaire parlementaire de la ministre du Travail a déclaré à l'autre endroit que « la reprise économique mondiale demeurait fragile et que le pays n'était pas à l'abri d'une rechute ». Elle a aussi dit que le conflit « a donné lieu à un arrêt de travail, une situation qui pourrait compromettre la prospérité économique du Canada si elle devait perdurer. »

Keith Beardsley, conservateur de longue date qui a été conseiller principal et même chef de cabinet adjoint du premier ministre Harper, a écrit un article à ce sujet dans le National Post du 23 juin :

On se serait attendu à ce que la plupart des entreprises qui comptent sur les services de Postes Canada aient pris des mesures en prévision d'une interruption du service. [...] Toute grève a un prix et Postes Canada a annoncé qu'elle perdait des millions de dollars. Il n'y a rien d'inhabituel à cela : la perte de revenus fait partie des moyens de pression que permet d'exercer une grève sur la direction, tout comme une perte de salaires fait mal aux travailleurs en grève. C'est ce qui fait que les deux parties se sentent pressées de négocier un règlement.

Il poursuit en disant :

Le gouvernement dispose d'un éventail d'options, dont la médiation et l'arbitrage. Pourtant, Ottawa sort l'artillerie lourde alors que les services postaux sont complètement interrompus depuis neuf jours seulement. On peut s'interroger sur la nécessité d'intervenir à ce stade. La grève, comme toute grève, a sans contredit des répercussions économiques. Le gouvernement ne cesse de répéter que notre économie est la plus forte de tous les pays occidentaux, mais voilà qu'il dit maintenant que la fermeture des postes pendant neuf jours seulement aura des conséquences désastreuses pour la nation. Cela m'a peut-être échappé, mais je ne me rappelle pas avoir vu des chiffres sur l'économie qui appuyaient ces allégations. Dans combien d'autres grèves vont-ils intervenir maintenant? Toutes les grèves ont des répercussions sur l'économie d'un secteur, d'une région ou d'une ville.

En d'autres termes, honorables sénateurs, même les proches partisans du gouvernement doutent de la nécessité et de l'urgence de ce projet de loi. Il y a déjà eu des grèves plus longues qui ont causé, vous diront bien des gens, plus de tort que celle-ci. Pourtant, dans ces cas, le gouvernement Harper n'a rien fait. Les honorables sénateurs se rappelleront la grève de 50 jours des transports en commun à Ottawa, en 2008-2009. Elle a engendré le chaos dans toute la région de la capitale nationale et a coûté des millions de dollars aux entreprises et aux organismes de charité. Il y eu d'innombrables histoires de gens qui en ont terriblement souffert parce qu'ils devaient marcher des heures et des heures pour se rendre au travail en décembre et en janvier. Le gouvernement Harper n'a rien fait. Pourquoi? C'était à l'époque où le premier ministre Harper avait fermé le Parlement pour se soustraire à des questions embêtantes sur les prisonniers afghans.

Les libéraux et les néo-démocrates étaient prêts à appuyer une loi de retour au travail pour mettre fin à la grève. Je le répète, de ce côté-ci, nous n'avons aucune opposition idéologique à une loi de retour au travail. Cependant, le gouvernement Harper se préoccupait davantage d'éviter de répondre aux questions difficiles posées à l'autre endroit que de l'augmentation des coûts économiques et individuels de la grève qui, évidemment, survenait au plus creux du ralentissement économique. Encore une fois, l'intérêt de Harper était plus important que celui de la population.

Maintenant qu'il est majoritaire et ne fuit plus le Parlement, le gouvernement semble avoir fait un renversement total et être devenu prêt à présenter des lois de retour au travail à la moindre occasion. La grève à Air Canada n'avait pas duré 24 heures — et les voyageurs s'en étaient à peine rendu compte — que le gouvernement Harper annonçait qu'il allait déposer un projet de loi de retour au travail.

Nous étudions maintenant le projet de loi C-6. Je peux concevoir qu'il existe de bons arguments en faveur de la nécessité d'une loi de retour au travail, mais le projet de loi est bien plus que cela. Il vide de toute substance le processus des négociations collectives, soit le cœur des relations de travail, et, je le répète, les négociations collectives sont un droit constitutionnel au Canada. Plutôt que de remplacer ces négociations collectives par un autre processus sérieux, le gouvernement travaille à la massue, pour reprendre le mot de M. Beardsley, et impose aux partis des conditions qui sont clairement favorables à Postes Canada et défavorables au syndicat.

Est-ce que les Canadiens veulent que leurs services postaux soient rétablis? Oui, ils le veulent. Cependant, il existe une meilleure manière de faire que le projet de loi. Je m'explique.

Le projet de loi prévoit la nomination d'un arbitre, ce qui est parfaitement normal dans un tel projet de loi. Cependant, ce qui n'est pas normal, c'est la manière dont le projet de loi entrave le pouvoir discrétionnaire de l'arbitre.

Habituellement, lorsqu'une loi retire le droit de grève, un arbitre est nommé et se voit confier la tâche de parvenir à une conclusion aussi juste que le permettraient des négociations collectives. La Cour suprême du Canada est claire : lorsque le gouvernement retire le droit à des négociations collectives ou le droit de grève, il doit offrir une solution de remplacement garantissant que l'arbitrage sera équivalent à des négociations collectives.

Ce n'est pas ce que le gouvernement propose dans le projet de loi C-6.

Plutôt que d'autoriser l'arbitre à trouver une solution en exerçant son jugement, le projet de loi C-6 donne instruction à l'arbitre de choisir entre deux offres finales : une qui est soumise par Postes Canada et l'autre par le syndicat.

Ce ne sont pas là des négociations collectives, c'est un jeu de roulette truqué. Comme le chef de mon parti, Bob Rae, l'a déclaré à l'autre endroit :

En fait, nous demandons au syndicat de faire concurrence à l'employeur pour voir qui misera le plus bas ou qui concevra le plan le moins coûteux pouvant mettre fin au conflit.

Comme je l'ai dit, les dés sont pipés. Le paragraphe 11(2) dit à l'arbitre que « [pour] choisir l'offre finale », il doit se fonder sur les conditions de travail qui sont « compatibles avec celles de secteurs postaux comparables ».

De quels secteurs postaux comparables s'agit-il, honorables sénateurs? Il n'y en a aucun au Canada. Quel secteur postal autre que Postes Canada peut livrer une lettre dans les Territoires du Nord-Ouest ou à Toronto, pour le même prix?

Le paragraphe se poursuit. Il stipule que les conditions de travail doivent :

[...] [fournir] à la Société canadienne des postes la souplesse nécessaire à sa viabilité économique et sa compétitivité à court et à long terme, au maintien de la santé et de la sécurité de ses travailleurs et à la viabilité de son régime de pension, compte tenu des éléments suivants :

a) la nouvelle convention collective ne doit pas directement entraîner la diminution du ratio de solvabilité du régime de pension;

b) la Société canadienne des postes se doit, sans recours à des hausses indues de tarifs postaux, d'être efficace, d'accroître sa productivité et de respecter des normes de service acceptables.

(1140)

Honorables sénateurs, j'ai mentionné un peu plus tôt le projet de loi de retour au travail adopté en 1997 par le gouvernement libéral du premier ministre Chrétien. Ce projet de loi semble avoir servi de modèle lors de la rédaction du projet de loi C-6, car de nombreuses dispositions sont libellées en termes pratiquement identiques. Cependant, les différences sont frappantes.

Dans le premier cas, c'était un médiateur-arbitre qui était nommé. Il, puisqu'il s'agissait d'un homme, portait le titre approprié de « médiateur-arbitre » et son mandat consistait à « s'efforcer d'intervenir sur les questions visées [dans le conflit...] et d'amener les parties à se mettre d'accord ». Il n'était pas question de choisir entre deux offres finales concurrentes.

La mesure législative définissait des principes directeurs pour le médiateur-arbitre, mais ne contenait aucune mention de ratio de solvabilité ou de secteurs postaux comparables. J'ai été effectivement frappé par un principe qui figurait dans la de 1997 mais qui a été omis dans le projet de loi C-6. En effet, dans la loi de 1997, le médiateur-arbitre devait tenir compte, et ces mots sont importants, de « l'importance des bonnes relations patronales- syndicales entre la Société canadienne des postes et le syndicat ».

Honorables sénateurs, il me semble assez évident que les concepteurs du projet de loi C-6 avaient devant eux la loi de 1997 pendant qu'ils rédigeaient cette mesure. Pourquoi ont-ils omis d'y inscrire ce principe?

On a ajouté beaucoup d'éléments au projet de loi C-6 pour restreindre les pouvoirs de l'arbitre. Il ne s'agit pas d'un véritable arbitrage; ce sont des dispositions imposées par le gouvernement sous le couvert de l'arbitrage. L'arbitre est une marionnette dans ce cas, si vous me permettez l'expression, et le gouvernement Harper tient les ficelles en tant qu'unique actionnaire de la société.

On lit au paragraphe 13(1) du projet de loi C-6 :

[...] la présente loi n'a pas pour effet d'empêcher l'employeur et le syndicat de conclure une nouvelle convention collective avant que l'arbitre ne rende sa décision [...]

Cela me semble très bien. Cela redonne ses galons à la négociation collective. Comme la ministre l'a dit si souvent, le gouvernement préférerait que les parties règlent elles-mêmes les éléments en suspens.

Malheureusement, honorables sénateurs, l'article ne se termine pas là. Je parle de l'article 13. La véritable position du gouvernement ressort aux paragraphes 2 et 3. Le paragraphe 2 prévoit que les parties peuvent négocier, bien sûr, mais que la durée de la nouvelle convention collective n'est pas négociable. La nouvelle convention doit durer quatre ans et être en vigueur jusqu'au 31 janvier 2015. Le paragraphe 3 précise que les parties peuvent négocier, mais qu'elles ne peuvent renégocier les salaires. Ce projet de loi enlève ce pouvoir aux parties. Plutôt que d'en faire l'objet de la négociation collective — car bien sûr, les salaires et la rémunération sont souvent le principal enjeu de la négociation collective —, le gouvernement Harper établit les salaires et la rémunération dans le projet de loi.

L'article 15 est celui qui fixe les salaires. Comme on l'a entendu dire par bien des sources, les augmentations de salaire établies par le gouvernement Harper dans ce projet de loi sont beaucoup moins importantes que celles qui avaient déjà été offertes par Postes Canada.

Quelle sorte de négociation pourrait-on avoir? Les parties ne peuvent pas négocier le régime de pension, parce que le projet de loi établit qu'elles ne peuvent modifier le ratio de solvabilité. Les salaires ne peuvent pas être négociés, parce qu'ils sont établis dans le projet de loi. Et à peu près tous les éléments qui pourraient rester sont également exclus, parce que cela pourrait être considéré comme des changements risquant de nuire à la compétitivité et à la productivité générales de Postes Canada.

Je veux prendre quelques minutes pour parler de l'article 15, celui qui établit les augmentations de salaire à un taux inférieur à celui qu'offrait Postes Canada au cours du véritable processus de négociation collective. Une disposition semblable figurait dans le projet de loi de 1997, mais la ressemblance s'arrête là. Ce précédent projet de loi nommait un médiateur-arbitre autorisé à amener les parties à conclure une entente. Il n'y a pas eu d'offre finale et sans appel, ni de longue liste de paramètres qui entravent les pouvoirs de l'arbitre. La loi de 1997 mettait un terme à la grève et assurait la reprise du service postal sans violer les droits constitutionnels.

La différence entre l'augmentation salariale imposée par voie législative en 1997 et l'offre finale faite par Postes Canada était d'un dixième de point de pourcentage, soit la différence entre le taux de 5,15 p. 100 prévu dans la loi et celui de 5,25 p. 100 offert par Postes Canada dans le but d'éviter une grève.

En l'occurrence, la différence n'est pas d'un piètre dixième de point de pourcentage, mais bien de 0,45 point de pourcentage, soit la différence entre l'offre de Postes Canada de 7,7 p. 100 et le taux prévu de 7,25 p. 100 dans le projet de loi.

Honorables sénateurs, j'aimerais vous lire quelques réactions qu'ont eues certains membres du Parti progressiste-conservateur en cette enceinte en 1997 à l'égard de la disposition sur le taux salarial. Mon bon ami, le sénateur Oliver, a dit ceci :

[...] il n'y a pas de précédent justifiant d'interrompre le processus de négociation collective comme vous l'avez fait dans l'article 12.

Cela va me valoir quelques points de plus au golf, a-t-il dit.

Le sénateur Lynch-Staunton, alors leader du gouvernement conservateur au Sénat, a qualifié l'article en question de « punitif et injuste ». Voici ce qu'il a dit :

Mon avis c'est que même si des conditions salariales ont déjà été fixées par voie législative, ce n'est pas la bonne façon de procéder. Je pense aussi que le médiateur-arbitre a des pouvoirs qui sont extraordinaires et qui reviennent à exclure employeur et employés de la table de négociation. Cela porte gravement atteinte au processus de négociation collective et il n'y a pas de doute qu'il devra être examiné et modernisé prochainement.

Plus tard, il a dit ceci :

L'imposition d'augmentations salariales et de dates d'entrée en vigueur bafouent tout le processus de négociation collective au Canada, quel que soit le gouvernement au pouvoir, cela dure depuis trop longtemps.

Quant au sénateur St. Germain, il n'a pas mâché ses mots. Il a dit ceci aux représentants du STTP :

Je suis franchement déçu de l'article 12. Si le gouvernement veut procéder de la sorte, il devrait au moins y inscrire les offres qui vous avaient été faites. C'est incroyable. Je sais que vous aurez bien du mal à faire accepter cela par vos membres.

Je vais terminer par un plaidoyer.

Toujours en 1997, le sénateur St. Germain a dit :

Vous avez comparu devant nous. Au Canada, le Sénat, le Parlement sont le tribunal de dernière instance. J'espère que vous saurez amener vos gens à réagir de façon rationnelle. J'espère que nous n'aurons plus jamais à appliquer ce genre de solution.

Honorables sénateurs, non seulement les espoirs du sénateur St. Germain ont été déçus, mais le projet de loi C-6 nous pose un problème encore plus important.

À l'époque, le sénateur Kinsella, notre actuel Président, a présenté sans succès un amendement visant à éliminer l'article 12. Je n'obligerai pas Son Honneur à présenter un amendement similaire aujourd'hui. Évidemment, les règles de procédure ne permettent pas de le faire, mais c'est cette position rigide que son caucus et lui avaient en 1997.

Honorables sénateurs, de ce côté-ci du Sénat, nous considérons que Postes Canada doit être rentable et que les Canadiens ont le droit de recevoir leur courrier. Nous ne nous opposons pas à la mesure législative sur le retour au travail. En fait, en 1997, nous avons adopté une mesure forçant le retour au travail des postiers. Par contre, honorables sénateurs, lorsque nous choisissons de nous immiscer dans un conflit de travail, notre engagement envers les Canadiens nous oblige à agir de façon équitable et, surtout, à respecter les droits constitutionnels de toutes les parties en cause.

Les commentaires qu'a exprimés M. Harper en 1997 m'inquiètent profondément. Il se s'agissait pas, soit dit en passant, de commentaires improvisés qui lui seraient échappés. Ces propos sont tirés d'une lettre qu'il a fait paraître dans un journal.

Les mesures législatives visant à régler les conflits de travail ne nous permettent pas de faire fi du droit constitutionnel des syndicats de faire la grève. Les mesures antisyndicales n'ont pas leur place au Canada.

Par ailleurs, la proposition de l'opposition officielle à la Chambre, qui prévoyait qu'on mette de côté le projet pendant six mois, n'est pas non plus une solution acceptable. En fait, elle ne permet pas de régler le différend. Pour cela, il existe de meilleures solutions.

La ministre a déclaré à la Chambre que son gouvernement était ouvert à l'adoption d'amendements. Le projet de loi peut être corrigé à condition que le gouvernement veuille vraiment en arriver à un règlement qui respecte les négociations collectives et qui tienne compte de la Charte des droits et libertés. Étant donné les propos fermes que tenaient les sénateurs conservateurs en 1997, dont plusieurs siègent encore au Sénat aujourd'hui, je nous presse de proposer une démarche bipartite qui serait acceptable pour toutes les parties.

(1150)

Honorables sénateurs, au cours des dernières semaines, quelques grands pontes se sont ouvertement demandé s'il restait une place dans la politique canadienne pour un parti centriste modéré. La façon dont le gouvernement et l'opposition officielle ont abordé ce conflit — c'est-à-dire la lutte entre les idéologies extrêmes des deux partis, qui a retardé la recherche d'une solution sérieuse, pratique et respectueuse — a prouvé au-delà de tout doute qu'il restait un rôle pour un parti, le Parti libéral du Canada, qui croit à une approche raisonnée et équilibrée. C'est un parti qui respecte les aspirations des travailleurs et comprend les réalités économiques des employeurs dans une économie mondiale complexe.

Des voix : Bravo!

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, malheureusement, je ne dispose pas d'un temps de parole illimité, comme mon ami, le leader de l'opposition. Je vais donc essayer d'être aussi succinct que possible à cette étape d'examen du principe du projet de loi.

Je voudrais commencer par féliciter et remercier le sénateur MacDonald pour son discours équilibré, qui n'était pas surprenant compte tenu de ses antécédents et de ses instincts, tels que je les ai observés au fil des ans. Dieu merci, son discours était exempt de la déplaisante grandiloquence dont la partie gouvernementale a fait preuve au cours du débat à la Chambre des communes.

En toute franchise, il était presque effrayant d'entendre certains députés conservateurs parler des dirigeants et des bureaux syndicaux, comme s'il s'agissait de personnes et de lieux étrangers, non canadiens, peut-être même séditieux. Je n'ai pas entendu parler ainsi des syndicats au Parlement pendant toute la période que j'y ai passée. Je crois qu'il faudrait remonter à la grève générale de Winnipeg pour trouver des commentaires de cet ordre de la part des dirigeants, ou peut-être se souvenir de ce que les grands-parents du sénateur MacDonald et les miens nous ont raconté au sujet des grèves des mineurs du Cap-Breton dans les années 1920. Il était un peu angoissant d'entendre ce ton et ces arguments à l'autre endroit. Je ne crois pas que nous entendions rien de pareil ici.

Je ne suis cependant d'accord ni avec le sénateur MacDonald ni avec le gouvernement quand ils disent que, à défaut de ce projet de loi, nous risquons de voir s'effondrer notre « fragile reprise économique ». Comme le leader de l'opposition l'a dit dans son discours, les gens qui rient le plus de cet argument se retrouvent parmi certains des amis du gouvernement dans le groupe des commentateurs conservateurs. Ces gens se moquent de l'argument, ne le prenant pas du tout au sérieux. Je ne suis pas d'accord sur leurs motifs : ils semblent croire qu'une grève prolongée permettrait aux concurrents de Postes Canada de lui enlever tous ses clients, l'acculant à la faillite. Toutefois, ils se rient de l'argument selon lequel la grève pourrait sérieusement compromettre la reprise économique.

Les lois de retour au travail n'ont rien de nouveau. Les débats dont elles font l'objet portent sur le moment choisi pour les déposer, le contexte et le fond des mesures législatives proposées. Il y a lieu de noter que les mesures prises d'abord par le syndicat, puis par la société, sont légales. Je crois que le sénateur MacDonald et le leader de l'opposition l'ont tous deux signalé. Le syndicat a recouru à des grèves tournantes, tandis que la société a décrété un lock-out après l'expiration de la convention collective et l'échec de différents efforts de conciliation et de médiation. À ma connaissance, aucune des deux parties ne devrait s'indigner outre mesure parce que l'autre partie s'est servie des moyens à sa disposition.

Lorsque le projet de loi franchira l'étape de la deuxième lecture et sera renvoyé au comité plénier, je suppose que nous entendrons la ministre du Travail, le ministre responsable de Postes Canada et, je l'espère — je l'ai appris de source assez sûre —, un représentant du STTP.

Je ne me soucie pas de la question de savoir si le moment choisi par le gouvernement était bon ou mauvais. La décision appartenait au gouvernement. Il a présenté son projet de loi. Mes arguments porteront sur le contenu de celui-ci. De toute évidence, je ne m'oppose pas — je ne crois pas que quiconque d'entre nous le fait — à ce que le gouvernement présente au Parlement une loi de retour au travail. Cela s'est produit assez souvent dans le passé, toujours à contrecœur, le gouvernement regrettant de la proposer et le Parlement regrettant de l'adopter.

Toutefois, comme nous le savons, les lois de retour au travail ne sont pas toutes pareilles. Il y a différents types d'arbitrage obligatoire. Un gouvernement sage, prudent et expérimenté saura agir sans causer trop de peine parce que l'objectif est toujours le même : mettre fin à l'arrêt de travail et reprendre les activités. Un gouvernement et un Parlement sages chercheront à faire en sorte que la mesure prise permette de refermer les plaies et ne laisse pas subsister un sentiment d'injustice. Un gouvernement et un Parlement sages chercheront à agir de façon à ne pas empoisonner les relations futures, notamment entre les travailleurs, le syndicat et le gouvernement. Cela exige l'habilité de grands politiciens. Je regrette beaucoup de dire que le projet de loi a échoué à tous ces égards.

Le leader de l'opposition attribue la dureté et le caractère vindicatif du projet de loi à l'idéologie néo-conservatrice du gouvernement. Je ne saurais pas me prononcer à ce sujet. J'ai plutôt l'impression que le présent gouvernement ne se satisfait jamais d'une victoire, éprouvant toujours le besoin de détruire ses adversaires. D'ailleurs, il ne se contente jamais d'avoir des adversaires. Il cherche toujours à les transformer en ennemis. C'est ce qu'il a fait dans ce cas.

Par le passé, nous avons pu constater à maintes reprises que les actes ou les politiques d'un gouvernement avaient eu pour effet de diviser les Canadiens et le pays. Le présent gouvernement est le premier que j'aie connu qui cherche délibérément à diviser par ses actes et à monter les gens contre quelqu'un, en l'occurrence le syndicat en cause. Cette façon dure et vindicative d'agir aura des conséquences à long terme.

Comme je l'ai dit, il y a de nombreuses façons d'imposer un arbitrage obligatoire. Le gouvernement a choisi d'imposer ce choix de l'offre finale, qui est en lui-même plutôt draconien, mais il en a exclu les salaires et les conditions de l'entente. Le gouvernement impose un règlement salarial qui, comme d'autres l'ont signalé, est inférieur à la dernière offre faite par la direction. L'argument qu'il avance pour expliquer son geste ne tient pas debout. Je n'entrerai pas dans les détails pour l'instant, mais je soulèverai la question auprès des ministres lorsqu'ils seront ici. Cela ne tient tout simplement pas debout.

(1200)

Je n'ai pas analysé les chiffres aussi en profondeur que le chef de l'opposition, mais je n'ai pas l'impression, à première vue, que la différence entre l'offre finale de la direction et ce que le gouvernement impose soit énorme. Toutefois, elle a une forte charge symbolique. Le gouvernement choisit délibérément de dire : « Vous forcer à retourner au travail ne nous suffit pas; nous allons le faire d'une manière que vous n'oublierez pas de si tôt et en vous humiliant si nous le pouvons. Vous considérer comme des adversaires ne nous suffit pas; nous allons vous considérer comme des ennemis. » Cette attitude envers un syndicat, quel qu'il soit, est méprisante.

Je vais m'arrêter ici, car, si tout va bien, nous allons, je crois, procéder à l'étape de la deuxième lecture. J'espère que vous serez tous indulgents à l'égard des sénateurs McCoy, Cools, Rivest et de moi. Je ne suis pas au courant de ce qui a été convenu entre le gouvernement et l'opposition officielle, mais je ne crois pas que l'un ou l'autre d'entre nous ait été consulté. Comme vous le savez, il faut le consentement unanime pour franchir toutes les étapes du processus. Par conséquent, chers collègues, votre chef et votre whip vous conseilleront, ne serait-ce que pour aujourd'hui, d'être très indulgents envers les sénateurs indépendants.

[Français]

L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, je voudrais également dire quelques mots sur ce projet de loi, très brièvement.

Je ne veux pas revenir sur la façon dont les événements se sont déroulés à la Chambre des communes. Les Canadiens garderont en mémoire, pour les quatre prochaines années, ce genre d'affrontement idéologique qui va sans doute être la caractéristique de ce Parlement, et qui va donner lieu à des débats sur la vision que l'on peut avoir de ce pays.

Honorables sénateurs, j'ai toujours cru que la Charte canadienne des droits et libertés défendait le droit d'association pour les travailleurs et le droit de négocier librement leur convention collective. Tout le monde a compris, au Canada, que cette libre négociation comportait, bien sûr, l'exercice du droit de grève. Il s'agit d'un droit fondamental et d'un droit tout à fait légitime pour les travailleurs. Que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé, l'exercice du droit de grève, pour être efficace et pour avoir un sens, cause des inconvénients.

Ces inconvénients sont toujours réels, que ce soit pour l'employeur dans le secteur privé ou pour l'ensemble des citoyens qui sont les bénéficiaires des services publics, dans le secteur public. Tout est une question de mesures et d'exercice à cet égard.

Or, dans le présent conflit, j'ai compris que le syndicat représentant les employés de Postes Canada, bien conscient de sa vocation de service public, avait limité l'exercice de son droit de grève d'une façon sélective, de manière à ne pas créer des inconvénients indus en exerçant son droit fondamental à la grève.

On a alors vu ce qui s'est passé. Très rapidement, le conseil d'administration de Postes Canada a décrété un lock-out. Bien sûr, il y avait des inconvénients à l'exercice du droit de grève par les travailleurs, mais il était évident que, à partir du moment où on recourait au lock-out, les inconvénients étaient quintuplés et devenaient extrêmement considérables puisqu'il n'y avait plus de service postal du tout.

On nous a dit, du côté du gouvernement — et on a raison de les croire — que Postes Canada aurait pris librement cette décision. Force est de constater que la décision de Postes Canada de riposter par un lock-out ouvrait irrémédiablement la porte à une action gouvernementale qui était voulue ou non. Comme question de fait, on se retrouve devant le projet de loi C-6.

Honorables sénateurs, je trouve que la manière dont les choses se sont passées porte un préjudice très grave à l'équilibre de notre droit du travail au Canada, et ce projet de loi l'illustre bien. L'exercice du droit de grève dans le secteur public est toujours une chose extrêmement délicate.

En tant que Québécois, bien sûr, je peux en témoigner. L'histoire des relations de travail dans le secteur public au Québec a été marquée, dans les années 1970 et 1980, par des conflits extrêmement difficiles, très idéologiques, et qui ont causé des torts immenses à l'ensemble de la société québécoise. Au fil des ans, on a quand même développé une expertise. C'est que l'exercice du droit de grève dans le secteur public au Québec, en vertu de nos lois, n'est pas laissé au hasard. Lorsqu'il y a une grève dans le secteur public, on a constitué ce qu'on appelle un « conseil des services essentiels ». Avant d'exercer un droit de lock-out ou un droit de grève, les deux parties doivent se présenter devant ce conseil — qui est un conseil indépendant de tout le processus judiciaire — qui détermine les services essentiels lorsqu'on exerce un droit de grève.

Honorables sénateurs, depuis une dizaine d'années, les choses se sont considérablement améliorées, si bien que, dans les services publics au Québec, lorsqu'il y a une grève dans les secteurs du transport en commun, de l'éducation ou de la santé, on connaît exactement la nature et l'ampleur des services essentiels que le syndicat doit fournir en exerçant son droit de grève. Donc, le droit de grève est garanti, il est « civilisé » et « encadré ».

Il n'y a rien de cette nature sur le plan fédéral, si bien que lorsqu'arrive une grève, cela donne évidemment lieu à toutes les interprétations, selon les intérêts et l'idéologie qu'on véhicule. On maximise ou on minimise les effets que cela entraîne. C'est un débat dans l'opinion publique et cela donne lieu à la situation qu'ont vécue les travailleurs des postes et l'ensemble des Canadiens.

L'expérience de ce projet de loi devrait inciter l'ensemble des leaders politiques au Canada à penser à ce droit de grève. Si, chaque fois qu'il est question d'une grève dans le secteur public, le gouvernement menace d'adopter une loi spéciale, comme on l'a fait pour Air Canada, ou qu'il adopte une telle loi, cela veut dire que, en pratique, il n'y a pas de droit de grève dans le secteur public. Si c'est l'opinion du gouvernement, s'il pense que le droit de grève dans le secteur public est quelque chose qui cause des inconvénients insoutenables à la population, qu'il ait le courage, la lucidité et l'honnêteté de purement et simplement abolir le droit de grève. On ne peut pas garder le droit de grève dans nos lois si, aussitôt qu'il est exercé, le gouvernement dépose un projet de loi spéciale comme on l'a vu récemment. C'est l'un ou l'autre.

Je pense que l'expérience québécoise peut être éclairante pour sortir de cette impasse.

Je voudrais également dire, en terminant — et les syndicats l'ont dit —, qu'il est absolument saugrenu et inédit que le niveau des salaires pour les travailleurs des postes soit unilatéralement déterminé par le gouvernement, sans égard à l'état des négociations et aux offres de Postes Canada. Je suis d'autant plus inquiet parce qu'on ne sait pas d'où viennent ces chiffres à l'article 15. Un, deux, ou 3 p. 100, d'où cela vient-il? Jamais le gouvernement ne nous a dit que c'était le niveau qu'il voulait avoir. Sur quelle base sont fondés ces chiffres? On n'a jamais expliqué la chose.

L'autre élément qui m'apparaît très inquiétant, c'est que, à partir du moment où le gouvernement, face à un service public, établit dans une loi des niveaux de 1,5 ou 2 p. 100 d'augmentation de salaire pour une période donnée, cela veut dire, à mon sens, que, dans tous les autres cas qui se produiront au fil des mois et des années, tous les syndicats sauront que ce sera les mêmes chiffres que le gouvernement aurait inclus dans ce projet de loi. Comment le gouvernement pourrait-il, face à la fonction publique ou à d'autres organismes publics au Canada, décider d'une augmentation moindre ou d'une augmentation supérieure à celle qu'il a lui- même déterminée pour les travailleurs de Postes Canada?

(1210)

Je crois que ce projet de loi établit un précédent extrêmement dangereux.

Tout le monde est favorable au retour au travail des employés de Postes Canada, mais j'aimerais attirer l'attention de cette Chambre — et c'est le rôle du Sénat — sur les conséquences que cette loi aura sur notre régime de relations de travail dans le secteur public. Cette loi n'est pas neutre, elle n'est pas indifférente, elle est porteuse d'un message de la part du gouvernement, et ce message, à mon avis, est inquiétant quand on croit, comme on se doit d'y croire, à la liberté d'association et de négociation. Cela vaut pour les travailleurs du secteur privé et cela devrait valoir aussi pour les travailleurs du secteur public.

[Traduction]

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, je vais prendre quelques instants pour répondre au discours du sénateur Murray.

Honorables sénateurs, même dans la meilleure conjoncture possible, la gouvernance est difficile. Pour diriger, il faut prendre des décisions difficiles. C'est encore plus difficile quand les enjeux sont controversés et que l'opinion publique diverge d'un bout à l'autre du pays.

Je prends ombrage des commentaires du sénateur Murray, car je siégeais au Sénat lorsque se sont produits au moins trois situations où il se trouvait à jouer le rôle de leader. Nous avons examiné l'accord de libre-échange avec les États-Unis, qui était l'un des dossiers les plus difficiles, l'une des pires pommes de discorde qu'ait connues le pays. Nous avons examiné la TPS. Pour autant que je me souvienne, ce fut le dossier le plus difficile à traiter et la pire pomme de discorde de l'histoire du pays. Nous avons également tenu l'un des débats les plus déchirants auxquels j'aie participé, à savoir le débat sur le projet de loi sur l'avortement. Le sénateur était mon leader à l'époque. Il était le leader de ce côté-ci de la Chambre. Le sénateur Murray nous avait alors talonnés, comme le fait notre leader actuel et comme les leaders de l'autre côté l'ont fait au moment de traiter de questions difficiles.

Si nous devons être critiqués, nous devons comprendre qu'il ne s'agit pas d'un nouveau phénomène. Cela se produit régulièrement depuis le moment où les législatures ont commencé à siéger. Cela se produira à nouveau. Un gouvernement doit prendre au nom de la population des décisions difficiles qu'il estime être du meilleur intérêt des Canadiens. Voilà ce que le gouvernement est en train de faire.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je prends la parole pour m'opposer au projet de loi C-6 et à tous ses éléments. Ce projet de loi me dérange énormément. Les commentaires du sénateur Murray étaient tout à fait fondés. Le sénateur Murray vient de la petite ville de New Waterford, en Nouvelle-Écosse. Il n'a pas oublié ses racines de Cap-Bretonnais. Je me demande parfois si tous les autres natifs de cette île magnifique n'ont pas oublié certaines choses que leur avaient enseignées leurs ancêtres et, dans bien des cas, leurs familles.

Certaines décisions sont effectivement difficiles à prendre. Il faut prendre des décisions difficiles lorsqu'il s'agit de questions difficiles, mais ces décisions doivent toujours être équitables. Celle-ci ne l'est pas. Je ferai remarquer aux sénateurs qu'il s'agit en fait d'une première offensive contre les syndicats de la fonction publique, en l'occurrence le STTP. Nous entamerons bientôt des négociations avec la fonction publique et les nombreux autres syndicats qui représentent les fonctionnaires qui sont au service des Canadiens. Je suis très inquiet.

Je note également avec intérêt, honorables sénateurs, que, ces derniers jours et ces dernières semaines, un certain nombre de personnes ont pris le soin de m'écrire. Je constate également qu'ils ont aussi écrit à un grand nombre d'entre vous. Je vais mentionner le courriel d'un citoyen du nom de David Orman. Je lui ai fait parvenir un courriel pour m'assurer qu'il comprenait que j'étais susceptible de mentionner son nom. Il vient de la même région que moi. Il a grandi dans mon voisinage. Il a fréquenté la même église que moi. Il a circulé dans les mêmes quartiers que moi quand j'étais un jeune garçon. Je vais citer un passage de son courriel :

Devenir employé de Postes Canada me donnait la possibilité d'atteindre les objectifs que moi et ma famille nous étions fixés, d'aspirer à une carrière respectable et à la retraite un jour. Eh bien, 32 ans plus tard, j'ai toujours mon emploi, mais je n'ai pas hâte à la retraite à cause de ce que Postes Canada nous réserve à moi et à tous les autres qui ont donné tant d'années à l'entreprise comme fidèles employés et ambassadeurs auprès de la collectivité.

Voilà ce à quoi il pense, honorables sénateurs. Il poursuit, dans son courriel, en disant ceci :

Je ne suis pas un militant syndical très actif. Je suis juste un employé qui se sent lésé — non seulement par Postes Canada, mais aussi par le gouvernement Harper et ses troupes qui feront leur possible pour provoquer cette forme d'intimidation en faisant abstraction des victimes.

Honorables sénateurs, il y a des gens qui souffrent en raison de cette mesure législative et des gens qui sont effrayés en raison de cette mesure législative. Lorsque nous aurons ici des porte-parole de Postes Canada, vous m'entendrez leur poser des questions à ce sujet, mais je veux m'assurer que vous en êtes conscients. Depuis deux ans maintenant, j'entends des histoires de personnes qui travaillent à Postes Canada et qui me disent que Postes Canada a acquis une mauvaise habitude depuis 2006 et vous pouvez deviner le symbolisme qui peut être associé à 2006. Elles me disent que, depuis 2006, Postes Canada a éclairci ses rangs en congédiant ou en mettant à pied des centaines et des centaines d'employés considérés comme excédentaires. Ces personnes avaient une chose en commun : elles étaient très proches de la retraite. Pensez-y. Pensez à mon ami, M. Orman, qui m'a écrit et qui s'inquiète pour sa retraite. Cette société a besoin d'être secouée.

Ce matin, dans le Chronicle-Herald d'Halifax, Laura Penny, professeure à l'Université Mount Saint Vincent, a écrit, en faisant allusion à cette mesure législative :

[...] le gouvernement a indiqué clairement qu'il acceptait de faire lui-même le sale boulot de la direction.

Quel commentaire mordant. C'est le genre de commentaires que vous allez récolter, honorables sénateurs d'en face. Voilà des gens qui oublient leurs origines. Je suis scandalisé par la ministre du Travail qui, comme le sénateur Murray et le sénateur MacDonald, vient de l'île du Cap-Breton, tout comme le sénateur Cordy également. Vous devez vous rappeler vos origines.

Selon Mme Penny, le Globe and Mail a publié récemment un article très élogieux à l'égard de la ministre du Travail. On y apprend que la dame vient du secteur portuaire, qu'elle a réalisé toutes sortes d'autres belles grandes choses et que son père était syndicaliste. Pouvez-vous vous imaginer? Quelle belle nouvelle pour le mouvement syndicaliste de notre pays d'avoir pour ministre du Travail une femme dont le père a été syndicaliste — quelqu'un qui comprend les travailleurs, autrement dit? Dans l'article, la ministre évoque des souvenirs de porte à porte avec son père, lors des campagnes de recrutement de membres, et dit avoir la cause des travailleurs « dans le sang ».

Eh bien, j'ignore comment la ministre Raitt pourra rentrer chez elle pour les vacances d'été cette année et oser discuter avec les gens chez qui elle a frappé jadis pour faire signer des cartes d'adhésion au syndicat pour lequel son père travaillait.

Un autre courriel m'a été envoyé de la part d'un monsieur de Dartmouth. Il est peut-être voisin du sénateur MacDonald ou du sénateur Cordy puisqu'ils vivent tous les deux à Dartmouth. Voici ce que cet homme fait valoir :

Postes Canada est rentable depuis au moins 16 années consécutives.

Il ajoute ceci :

La Société canadienne des postes a également versé plus de 1 milliard de dollars en dividendes et en impôts dans les coffres du gouvernement.

(1220)

Il ajoute ceci :

Postes Canada a refusé toutes les tentatives de la part du STTP pour que leur employeur réalise des études ergonomiques sur tous les achats d'équipement dans le but de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir des blessures coûteuses. Les blessures en milieu de travail coûteront cher, et ce, tant pour la Société canadienne des postes que pour les contribuables des provinces et territoires du Canada.

Voilà qui condamne encore sévèrement la Société canadienne des postes.

Honorables sénateurs, cette société est aux prises avec certains problèmes, mais, comme Mme Penny le dit, nous sommes réunis ici pour faire le sale boulot à sa place. Le monsieur de Dartmouth fait valoir un autre point, à savoir qu'il est évident que cette mesure législative, en prévoyant l'arbitrage de l'offre finale, fait pencher la balance en faveur de Postes Canada, ce qu'a également souligné le sénateur Cowan.

Honorables sénateurs, je dirai autre chose plus tard aujourd'hui, lorsque nous poursuivrons le débat, mais d'ici là, j'aimerais revenir sur la question de l'équité et sur le fait que toute cette situation cause du tort à des gens et que ceux-ci craignent que la situation empire, et que cette société d'État a maintenant la réputation de maltraiter ses employés — pas juste de ne pas bien les traiter, mais de les maltraiter — et de leur retirer ce qui leur avait été accordé au prix de dures négociations collectives. Or, le processus de négociation collective est un processus qui a bien fonctionné pour les Canadiens pendant de nombreuses années.

Honorables sénateurs, je m'inquiète du fait qu'il pourrait s'agir là de la première étape d'une offensive qui sera menée contre les travailleurs de la fonction publique et les syndicats du pays.

L'honorable Bert Brown : Honorables sénateurs, ma grand-mère a quitté l'Écosse à l'âge de sept ans pour travailler à l'usine Coats & Clark, où elle faisait des bobines de fil. Je n'aime pas qu'on me fasse la leçon de cette manière au sujet du droit de grève. Je tiens à rappeler aux sénateurs qu'en ce moment, en Europe, 11 pays sur 13 sont au bord de la faillite. Il faut établir un équilibre, et pas seulement dire de belles paroles.

[Français]

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, contrairement à mon habitude lorsque je prends la parole en cette Chambre, je ne suis pas heureuse de parler aujourd'hui de ce projet de loi qui ne devrait pas être devant le Parlement canadien.

Laissez-moi vous expliquer. Mon intérêt pour les relations industrielles ne date pas d'aujourd'hui mais de plusieurs dizaines d'années, quand j'ai entrepris mes études de maîtrise en relations industrielles à l'Université Laval.

Si on comprend le besoin, tant pour la société que pour l'économie canadienne, d'avoir des relations de travail qui veillent à l'avenir du milieu de travail, il n'est certainement pas désirable d'avoir des retours au travail, surtout dans le cas d'une entreprise qui a mis en lock-out des employés qui faisaient une grève tournante pour attirer l'attention de la population canadienne sur leurs négociations. En réalité, si les Canadiens, depuis quelques jours, n'ont pas de courrier livré à leur résidence, c'est effectivement à cause de l'administration de Postes Canada, qui a décidé d'imposer un lock-out de ses employés.

Honorables sénateurs, j'ai été, pendant cinq ans, employée par Postes Canada. J'ai vu combien les relations de travail étaient bonnes à ce moment-là; même si la Société canadienne des postes versait des redevances au gouvernement canadien, à l'ensemble des contribuables du pays, de l'ordre de 55 à 60 millions de dollars par année, sans compter les taxes corporatives, j'ai vu la valeur de bonnes relations de travail. J'ai vu des gens qui pouvaient tenir entre eux un dialogue positif.

Car, en réalité, l'objectif de l'administration d'une corporation, c'est le bon fonctionnement de la corporation pour faire en sorte que, à la fin de l'année, il y ait des profits. De l'autre côté, tout ce que l'employé désire, c'est un salaire raisonnable et des conditions de travail raisonnables. Et, pendant tout ce temps, j'ai pu constater cela. J'ai même vu que l'on ignorait complètement, et ce pendant des années, le groupe des travailleurs qui font la livraison du courrier en zone rurale. Ce groupe a finalement pu avoir accès à un contrat de travail, à une convention collective, et ainsi s'assurer que leur travail rapporterait un salaire qui leur permettrait de vivre dignement en tant que Canadiens en offrant des services aux Canadiens.

Honorables sénateurs, vous vous souvenez sûrement, l'année dernière, du budget omnibus, le projet de loi C-9. Le projet de loi C- 9 contenait 20 mots. Ces 20 mots avaient été demandés au Parlement canadien de façon successive depuis 2007. Ces 20 mots faisaient en sorte de retirer le privilège exclusif du courrier partant du Canada vers d'autres pays à la Société canadienne des postes. Vous vous souviendrez que, souvent dans cette enceinte, je vous ai dit : ces 20 mots, à l'intérieur d'un budget de 900 pages, vont coûter cher à la population canadienne et à Postes Canada. C'est 80 millions de dollars de revenus par année que le gouvernement Harper, dès l'année dernière, a enlevés à la Société canadienne des postes.

Et là, un an plus tard, on se réveille avec un projet de loi qui, à mon humble avis, est totalement partial pour enlever un ensemble de privilèges, dont des salaires déjà négociés.

Honorables sénateurs, souvenez-vous que le seul élément de litige, tant chez Air Canada qu'à Postes Canada, était un élément de fonds de pension. C'était le seul élément de litige. Alors pourquoi, aujourd'hui, le Sénat reçoit-il un projet de loi aussi biaisé, qui va détruire pour des années à venir les relations de travail entre les employés et la direction de la Société canadienne des postes, et Dieu sait quoi d'autre? Qu'allons-nous recevoir l'année prochaine, du gouvernement actuel, qui affectera la Société canadienne des postes? Quelle est cette tendance à détruire une société qui est un exemple de société postale dans le monde? Année après année, vous grugez. Vous voulez détruire les relations de travail de cette corporation.

(1230)

Ce projet de loi ne propose rien pour régler de façon efficace le litige actuel. Cependant, il a tout ce qu'il faut pour détruire les relations de travail entre la Société canadienne des postes et ses travailleurs, et ce, pour des années à venir.

Honorables sénateurs, nous devons réfléchir sérieusement. Il n'est pas question de quelques heures aujourd'hui ou de quelques jours. Il est question d'au moins quatre ans. Quel genre de service y aura-t-il? Le dialogue se fera dans quelle atmosphère pour régler une série d'événements et moderniser la Société canadienne des postes au cours des années à venir?

J'ai bien hâte d'entendre nos témoins. En attendant, je vous demande de réfléchir sérieusement à l'avenir de cette société, qui a joué un rôle primordial aux plans social et économique pour tous et chacun de nous.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur MacDonald, avec l'appui de l'honorable sénateur Duffy, propose que le projet de loi C-6 soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité plénier

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je propose que ce projet de loi soit renvoyé au comité plénier immédiatement.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l'ordre adopté par le Sénat, je quitte maintenant le fauteuil pour que le Sénat se forme en comité plénier pour étudier le projet de loi C-6. Il faudra quelques minutes pour prendre les dispositions techniques requises. Ensuite, le comité plénier commencera ses travaux.

(1240)

[Français]

(Le Sénat s'ajourne à loisir et se forme en comité plénier sous la présidence de l'honorable Donald H. Oliver.)


Le président : Honorables sénateurs, le Sénat s'est formé en comité plénier pour étudier le projet de loi C-6, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux.

Honorables sénateurs, l'article 83 du Règlement stipule ce qui suit :

Lorsque le Sénat se forme en comité plénier, chaque sénateur doit occuper son propre siège. Un sénateur qui veut prendre la parole se lève et s'adresse au président du comité.

Honorables sénateurs, vous plaît-il de déroger de l'article 83 du Règlement?

Des voix : D'accord

Le sénateur Carignan : Honorables sénateurs, je demande que, conformément à l'article 20 du Règlement, l'honorable Steven Fletcher, ministre d'État aux Transports ainsi que l'honorable Lisa Raitt, ministre du Travail, soient invités aux délibérations du comité plénier et que les fonctionnaires soient autorisés à les accompagner.

Le président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Le président : J'aimerais souhaiter la bienvenue au Sénat du Canada aux ministres Lisa Raitt et Steven Fletcher.

Avant que je ne demande aux ministres de présenter leurs fonctionnaires, j'aimerais rappeler aux nouveaux sénateurs certaines des règles de base qui s'appliquent au comité plénier.

Le Règlement du Sénat s'applique au comité plénier, sauf les exceptions suivantes : premièrement, un sénateur peut prendre la parole aussi souvent qu'il le veut; deuxièmement, aucun sénateur ne prend la parole plus de dix minutes à la fois; troisièmement, un vote par appel nominal a lieu immédiatement sans timbre d'appel des sénateurs; quatrièmement, il ne doit pas être admis de discussions à l'encontre du principe dont s'inspire le projet de loi; et, cinquièmement, une motion portant sur la question préalable ou sur l'ajournement n'est pas recevable.

Je demanderai maintenant à madame la ministre Raitt de présenter ses fonctionnaires. Si elle souhaite faire des observations préliminaires, elle peut les faire maintenant.

(1250)

L'honorable Lisa Raitt, ministre du Travail : Merci beaucoup, honorables sénateurs. Je vous suis reconnaissante de bien vouloir m'accueillir parmi vous aujourd'hui. Je suis accompagnée par la sous-ministre, Hélène Gosselin, l'avocat-conseil au ministère de la Justice, Christian Beaulieu, et le directeur général du Service fédéral de médiation et de conciliation, Guy Baron. J'ai une déclaration liminaire à faire, et je vais laisser au ministre Fletcher le soin de présenter ses propres collaborateurs pendant son intervention.

Honorables sénateurs, pour commencer, je vous remercie beaucoup d'avoir bousculé votre programme pour faciliter l'étude du projet de loi et, deuxièmement, de me donner la rare occasion de siéger ici, parmi certains des citoyens canadiens les plus respectés, compétents et accomplis. Merci également de m'accorder l'honneur de répondre à vos questions afin de vous aider dans votre examen du projet de loi.

Honorables sénateurs, nous sommes ici pour parler de Postes Canada. Il s'agit de l'une des plus grandes sociétés au Canada. Elle représente une valeur de 7,5 milliards de dollars et emploie 70 000 personnes aux quatre coins du Canada, la vaste majorité d'entre eux étant syndiqués.

Les Canadiens comptent sur les services de Postes Canada pour de nombreuses raisons, et mon collègue, le ministre Fletcher, donnera de plus amples renseignements à ce sujet pendant son intervention.

La convention collective entre le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, que je vais par la suite désigner par son sigle, STTP, et Postes Canada est arrivée à expiration le 31 janvier dernier. Malheureusement, les parties ont été incapables de s'entendre, malgré les services de conciliation et de médiation qu'elles ont reçus de notre ministère. Il y a en ce moment un arrêt de travail complet, ce qui, à notre avis, menace la bonne santé de l'économie canadienne. Compte tenu de la fragilité de la reprise économique, c'est là une conséquence qu'aucun Canadien, aucune entreprise n'a les moyens d'accepter. Tous comptent donc sur notre intervention. Voilà pourquoi, honorables sénateurs, nous avons présenté un projet de loi qui s'intitule Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux.

Ce n'est pas ainsi que nous aurions souhaité que ce différend se règle, mais c'est un choix qui s'est imposé. Nous avons épuisé tous les autres moyens, et l'enjeu est trop grand pour les Canadiens et pour l'économie. Nous devons agir tout de suite.

Pendant les prochaines minutes, je vais résumer pour les sénateurs l'intention qui sous-tend le projet de loi, parler des risques économiques que nous fait courir l'interruption des services postaux et expliquer pourquoi il est si important que nous agissions de façon décisive dès maintenant au lieu de tergiverser.

Honorables sénateurs, le projet de loi prévoit la reprise et le maintien des services postaux chez Postes Canada et fait disparaître le climat d'incertitude qui caractérise le conflit depuis plusieurs mois. Les gestes des derniers jours ont marqué le point culminant du différend.

Le projet de loi vise également à imposer une convention de quatre ans et une nouvelle augmentation de rémunération. Il y aura des augmentations de 1,75 p. 100 à partir du 1er février 2011, de 1,5 p. 100 en février 2012, de 2 p. 100 en février 2013 et de 2 p. 100 en février 2014.

À un niveau plus fondamental, le projet de loi prévoit le choix de l'offre finale. Il s'agit d'un mécanisme exécutoire qui porte sur toutes les questions non encore réglées entre les parties. De plus, honorables sénateurs, pour choisir l'offre finale, l'arbitre se fondera sur la nécessité de conditions de travail qui sont compatibles avec celles de secteurs postaux comparables et qui fourniront à la Société canadienne des postes la souplesse nécessaire à sa viabilité économique et sa compétitivité à court et à long termes, au maintien de la santé et de la sécurité de ses travailleurs et à la viabilité de son régime de pension.

L'arbitre doit également se conformer à d'autres principes directeurs : d'abord, la nouvelle convention collective ne doit pas directement entraîner la diminution du ratio de solvabilité du régime de pension; deuxièmement, la Société canadienne des postes se doit, sans recours à des hausses indues de tarifs postaux, d'être efficace, d'accroître sa productivité et de respecter des normes de service acceptables.

Honorables sénateurs, ce projet de loi n'est probablement pas l'approche préférée de qui que ce soit, mais c'est une approche décisive, et elle vise à résoudre le différend. Nous devons agir parce que les conséquences pour l'économie sont tout simplement trop lourdes pour que nous en fassions abstraction. Comme les pourparlers entre les membres du STTP et leur employeur se sont enrayés, notre pays doit subir les conséquences. Et ces conséquences, pour bien du monde, ne se limitent pas à la simple absence de services postaux. Elles supposent aussi qu'un élément indispensable au fonctionnement des entreprises canadiennes et aux moyens de subsistance de beaucoup de Canadiens est paralysé.

L'interruption de services postaux fiables pèse lourd. Les petites entreprises envoient leurs factures et reçoivent leurs chèques par la poste. Les entreprises comptent sur la poste pour envoyer les factures, répondre aux commandes et recevoir les paiements. Les éditeurs canadiens et les agents de vente directe comptent sur la poste pour gagner leur vie, les contribuables attendent leur remboursement d'impôt et leur remboursement de TVH. Tous vous diront qu'il y a de lourds enjeux dans ce différend. Ils ajouteront que le problème est loin de se limiter à une question de relations de travail chez Postes Canada.

Nous ne pouvons nous permettre de laisser les Canadiens dans l'expectative, en proie à l'incertitude. Ce n'est pas à eux de subir les conséquences d'un conflit de travail qui, depuis des mois, ne donne aucun espoir de solution.

Honorables sénateurs, je le répète, tous les moyens ont été tentés pour apporter un règlement complet et durable. Si on me le permet, je vais présenter une chronologie schématique des huit derniers mois.

Le 4 octobre 2010, le syndicat a remis à l'employeur un avis de négocier collectivement afin de renouveler sa convention collective, et les parties ont négocié directement d'octobre 2010 à janvier 2011. Le 21 janvier dernier, le syndicat a déposé un avis de différend à mon bureau et demandé l'aide de nos services, des services de conciliation. Nous avons nommé un conciliateur le 31 janvier.

Tout au long de février et mars, le conciliateur a rencontré les parties. Le 1er avril, au terme de la période de conciliation, les parties ont demandé un prolongement jusqu'au 3 mai 2011. Le conciliateur a de nouveau rencontré les parties.

Pendant tout le mois de mai, un agent était là pour participer à des rencontres fréquentes. Malheureusement, malgré tous ces efforts, les parties ne parvenaient toujours pas à une entente.

Honorable sénateurs, nous sommes tous conscients de la menace que cet arrêt de travail fait peser sur le Canada. À notre avis, il faut régler le conflit tout de suite, car l'incertitude plane depuis trop longtemps. Tous, nous constatons qu'il faut faire quelque chose pour protéger l'économie du Canada et ses travailleurs. Nous ferons ce qu'il faut pour mettre un terme au conflit. Nous agirons pour protéger l'économie, mais sans prendre parti. L'employeur et le syndicat étaient dans une impasse, et ils ont choisi de faire des gestes qui ont de graves conséquences pour le Canada.

Nous avons de bonnes raisons pour agir dans l'intérêt public. Dans une période extraordinairement difficile pour l'économie mondiale, le Canada a su persévérer. Nous ne prenons ces mesures exceptionnelles que parce qu'aucune solution réelle n'a été trouvée. De plus, comme je l'ai dit, nous devons protéger l'économie.

Par conséquent, je demande à tous les sénateurs d'étudier le projet de loi, de faire ce qu'il faut pour les Canadiens et d'appuyer ce que nous avons proposé aujourd'hui.

Le président : Merci beaucoup, madame la ministre.

Honorables sénateurs, avant de passer aux questions des sénateurs, j'invite M. Steven Fletcher, ministre d'État aux Transports, à faire son intervention liminaire.

L'honorable Steven Fletcher, ministre d'État (Transports) : Merci de me donner l'occasion de vous entretenir d'un projet de loi très important pour les Canadiens et la fragile reprise économique du Canada. Je suis accompagné par André Morency, sous-ministre adjoint à la Gestion ministérielle chez Transports Canada, et de celle qui me dispense des soins, Brittany.

Honorables sénateurs, cet arrêt de travail a des conséquences pour les petites entreprises et les organismes de bienfaisance, pour Postes Canada et, en fin de compte, pour les Canadiens.

(1300)

À titre de ministre responsable de Postes Canada, je dois, dans le cadre de mes fonctions, me soucier de toutes ces incidences. Pour les entreprises et les organismes caritatifs, la menace de grève et la réalité des grèves tournantes ont créé une importante incertitude au sujet de la livraison du courrier. Beaucoup d'entreprises ont pris la difficile décision de recourir à des fournisseurs privés plus coûteux pour s'assurer de la livraison de leurs marchandises et de leur courrier.

Même si la reprise économique du Canada se maintient, elle reste fragile. Je m'inquiète des effets d'une hausse des frais de livraison sur les entreprises et leurs clients. La situation touche également les particuliers dans toutes les familles canadiennes. Des couples se demandent si les invitations à leur mariage parviendront à leurs destinataires. Des grands-mères et des grands-pères se trouvent dans l'impossibilité d'envoyer des cartes d'anniversaire à leurs petits- enfants. Il y a des étudiants qui attendent leur lettre d'admission à l'université et la liste de leurs cours. Nos hommes et nos femmes en uniforme ainsi que leurs familles ne peuvent pas échanger le courrier qui est tellement important pour eux.

Honorables sénateurs, pour Postes Canada, cet arrêt de travail tombe à un moment critique de son existence. Comme beaucoup d'autres entreprises, Postes Canada a été fortement touchée par la récession mondiale qui a commencé en 2008. Toutefois, la société a dû affronter une plus forte concurrence dans ses principaux secteurs d'activité, comme les lettres du régime intérieur.

Cette situation constitue une menace extrême pour Postes Canada et pour les fournisseurs de services postaux du monde entier. Malgré la baisse du volume des lettres du régime intérieur, les colis et le courrier publicitaire intérieurs demeurent rentables, mais à peine. Les bénéfices réalisés dans ces secteurs sont directement réinvestis dans la société pour favoriser sa modernisation.

En 2008, Postes Canada a commencé à moderniser ses installations, à mettre à niveau ses équipements et à rationaliser ses procédés dans le but d'augmenter l'efficacité et de mieux se positionner pour l'avenir.

Postes Canada cherche en même temps à renforcer la sécurité des installations pour les employés, mais les mesures prises pour réduire les dépenses et moderniser le matériel pourraient ne pas suffire pour assurer la viabilité de l'entreprise. Postes Canada espère augmenter sa rentabilité en collaborant avec ses employés sur les lieux de travail et dans le cadre de la négociation collective afin d'augmenter l'efficacité et de trouver des moyens plus souples de s'acquitter de son mandat.

Comme nous le savons tous, les négociations avec le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes n'ont pas abouti. L'arrêt de travail qui en a découlé a coûté cher à la société. Il compromet sa capacité de travailler et d'édifier un service postal plus efficace et plus abordable au profit de tous les Canadiens. Ce conflit a déjà coûté à Postes Canada plus de 100 millions de dollars. Il faut aussi tenir compte, à long terme, de la décision de certains utilisateurs d'adopter la facturation électronique et de beaucoup d'autres clients qui pourraient ne plus jamais recourir à Postes Canada. Ce coût n'a pas encore été calculé. Plus ce conflit de travail durera, plus il aura d'effets négatifs sur l'avenir de Postes Canada.

Après huit mois de vaines négociations, il faut mettre fin à ce conflit. Ma collègue, la ministre du Travail, a déjà présenté un aperçu des événements. Ce projet de loi de retour au travail reconnaît qu'il ne suffit pas de donner plus de temps aux deux parties. Il empêche toute grève ou lock-out, lève l'incertitude sur les services dispensés aux Canadiens et impose aux parties un processus de règlement de leur différend.

C'est la seule solution pour les employés, pour l'employeur et, ce qui est plus important, pour les Canadiens.

Merci, monsieur le président.

Le président : Merci, monsieur Fletcher. Avant de passer aux questions, pouvez-vous nous présenter les fonctionnaires de votre ministère qui vous accompagnent aujourd'hui?

M. Fletcher : Je suis accompagné d'André Morency, sous-ministre adjoint à Transports Canada.

Le président : Nous pouvons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Cowan : Je remercie les deux ministres et leur souhaite la bienvenue. Je suis sûr que les derniers jours ont été très longs pour vous.

Je voudrais poser deux questions. La première concerne les paramètres que vous avez inclus dans le projet de loi. On a beaucoup dit qu'un gouvernement antérieur a fait la même chose pour mettre fin à une grève en 1997.

Dans le projet de loi précédent, il y avait une disposition qui imposait au médiateur ou à l'arbitre, comme on l'appelait alors, de tenir compte de l'importance des bonnes relations patronales- syndicales entre Postes Canada et le syndicat. Le projet de loi dont nous sommes saisis ne contient pas une disposition de ce genre. Quel message transmettez-vous ainsi, en particulier aux travailleurs des postes, mais, d'une façon plus générale, à tous les syndiqués qui doivent négocier à l'avenir avec le gouvernement et les différentes sociétés d'État?

Mme Raitt : Merci beaucoup, sénateur. J'apprécie votre question. Dans son préambule, le Code canadien du travail établit clairement son propre objet et parle du caractère équitable et raisonnable des relations de travail au Canada.

L'arbitre s'inspirera de nombreux autres documents, à part cette mesure législative. Il s'appuiera notamment sur le Code canadien du travail. Nous croyons qu'il lui appartiendra d'examiner tout ce qu'il juge utile, y compris le code, qui est mentionné dans la loi. Comme cette question de relations de travail figure déjà dans le code, nous ne l'avons pas mentionnée dans le projet de loi.

Le sénateur Cowan : La référence n'existait-elle pas en 1997?

Mme Raitt : Oui, elle existait en 1997, mais nous avons inclus d'autres choses qui n'y étaient pas.

Le sénateur Cowan : Je sais.

Mme Raitt : Nous nous sommes servis du précédent de 1997, mais nous avons décidé de l'améliorer et de l'adapter aux circonstances actuelles et à la situation entre les deux parties. C'est la raison pour laquelle le projet de loi traite directement des questions en litige et du genre d'arbitrage que nous avons choisi.

Le sénateur Cowan : Vous avez insisté, dans votre exposé liminaire, sur l'importance de créer et de maintenir de bonnes relations entre les travailleurs et la direction.

Mme Raitt : Absolument.

Le sénateur Cowan : Ne convenez-vous pas que la suppression d'une phrase qui figurait dans le Code canadien du travail, aussi bien en 1997 qu'en 2011, peut être interprétée par certains comme une omission délibérée et comme un changement d'attitude en matière de relations patronales-syndicales?

Mme Raitt : Non, je ne le crois pas. J'ai le plus grand respect pour les pouvoirs de l'arbitre. En fait, nous avons consacré beaucoup de temps au choix de l'arbitre. Ce sera une personne qui aura beaucoup d'expérience en relations de travail et dans la prise de décisions fondées sur la jurisprudence et les autres textes disponibles. Je suis persuadée que l'arbitre saura trouver ses propres principes directeurs. Voici l'énoncé des principes directeurs du gouvernement. Il est évident que tout arbitre dans un conflit de travail considérera le Code canadien du travail et s'inspirera aussi de ce projet de loi.

Le sénateur Cowan : Je ne sais pas qui voudra répondre à la question suivante, mais on a beaucoup discuté de la question des pensions, de la différence entre les régimes à prestations déterminées et les régimes à cotisations déterminées et de la transition des employeurs des premiers aux seconds. Je crois savoir qu'au cours des négociations, il a été suggéré ou proposé que Postes Canada passe d'un régime à prestations déterminées à un régime à cotisations déterminées, du moins dans le cas des nouveaux travailleurs.

Il y aura certaines négociations. Même si certaines choses ne seront pas négociées, différents éléments de la convention collective pourront faire l'objet de négociations. À l'alinéa 11(2)a), il est prévu que rien dans les négociations ne doit réduire le ratio de solvabilité du régime de pension. Autrement dit, ce ratio ne doit pas baisser comme résultat direct de la nouvelle convention collective. En inscrivant une telle disposition dans le projet de loi, le gouvernement n'ordonne-t-il pas en fait à Postes Canada de rejeter le régime à prestations déterminées en faveur d'un régime à cotisations déterminées, au moins dans le cas des nouveaux employés?

(1310)

Mme Raitt : En théorie, non, parce qu'un régime de retraite à cotisation déterminée serait sans effet sur le ratio de solvabilité d'un régime de pension. Cet alinéa a été inclus exprès, afin que l'arbitre prenne en compte à la fois les meilleurs intérêts des Canadiens et les déficits actuariels. Cet article ne concerne pas le passage d'un régime de retraite à prestations déterminées à un régime à cotisations déterminées.

Le sénateur Cowan : Cette façon de faire a un lien avec le régime existant, un régime à prestations déterminées?

Mme Raitt : Elle vise à ce que l'arbitre, au moment d'évaluer les deux offres finales, s'assure que toute concession ou bonification demandée sur le plan des pensions ne contribue pas au déficit actuariel dont le contribuable a, en définitive, la responsabilité.

Le sénateur Cowan : Du régime en place?

Mme Raitt : En fonction de la valeur du régime, c'est cela.

Le sénateur Segal : Je souhaite la bienvenue aux deux ministres.

J'ai une question pour la ministre Raitt au sujet de l'article 15. Les députés de l'opposition de l'autre endroit ont fait valoir avec une certaine insistance que la méthode utilisée quant aux salaires prescrits dans le projet de loi est légèrement différente de celle qu'on avait l'habitude d'utiliser par le passé.

La ministre pourrait-elle nous expliquer pourquoi, au point de vue de l'intérêt public et des prochaines étapes, le gouvernement a jugé approprié de procéder ainsi?

De plus, le ministre Fletcher pourrait-il aborder la question soulevée à la deuxième lecture par le sénateur Rivest, qui est du Québec, à savoir que les services postaux font partie des services essentiels, tout comme certains autres aspects des services nationaux? Pourrait-il nous dire s'il s'agit d'une question plus large pour l'avenir, mais ne faisant pas partie de ces négociations ou du projet de loi? La protection des Canadiens en ce qui a trait aux services essentiels, comme ce qui se fait dans certaines provinces, est- elle au programme du secteur des transports?

Mme Raitt : Pour ce qui est de l'article 15, lorsqu'il a rédigé le projet de loi, le gouvernement a tenu compte que des hausses de salaires seraient accordées aux employés de Postes Canada. Plutôt que de présenter ces hausses dans le choix de l'offre finale, nous avons pris en compte ce que nous avions négocié avec le plus gros syndicat du gouvernement, soit l'Alliance de la fonction publique du Canada, et avons appliqué ces chiffres aux augmentations.

Je comprends qu'on puisse se demander pourquoi nous n'avons pas choisi l'offre faite par l'une ou l'autre des parties. La réponse, c'est que les offres présentées à la table de négociation faisaient partie d'un ensemble très général de mesures proposées par les parties patronale et syndicale et que le gouvernement aurait été mal avisé d'en privilégier une plutôt qu'une autre. C'est pourquoi nous avons décidé d'offrir aux travailleurs des augmentations salariales très équitables, qui se comparent à ce qui a déjà été négocié. En toute honnêteté, par rapport à la rémunération actuelle des employés des secteurs public et privé, ce sont de bons salaires. De nombreux Canadiens aimeraient bien bénéficier eux aussi d'augmentations de ce genre.

M. Fletcher : Je remercie le sénateur de sa question. Par services essentiels, on entend les services offerts pour appuyer des organismes de bienfaisance, la livraison des chèques socioéconomiques et la livraison dans les régions rurales du Canada, où il n'existe aucune autre méthode de livraison. Lors de la dernière session parlementaire, le gouvernement a présenté le Protocole du service postal canadien, qui définit ce qu'on attend de Postes Canada et qui contribuera énormément à régler les problèmes auxquels le sénateur a fait allusion.

Le sénateur Segal : Madame la ministre, on a entendu beaucoup de commentaires au sujet d'une allégation dont je me dissocie, mais à l'égard de laquelle il pourrait être utile d'obtenir des précisions. On prétend qu'il existe un processus à deux niveaux, dans le cadre duquel les employés déjà en poste continueraient d'être visés par certaines dispositions alors que ceux qui seront embauchés après l'entrée en vigueur de la loi tomberont sous le coup d'autres dispositions.

Il me semble que, normalement — du moins, c'est certainement la position que les syndicats appuient la plupart du temps —, les organisations doivent respecter le principe de l'ancienneté. Il me semble que c'est le principe sous-jacent dans ce cas, mais j'aimerais connaître le point de vue de la ministre sur la distinction qui doit être faite, car, je crois que cette situation a été dépeinte comme un parti pris contre les jeunes travailleurs. Ce n'est toutefois pas ainsi que je perçois l'objet du projet de loi ou sa spécificité.

Mme Raitt : Votre dernière observation est tout à fait juste. Nous n'avons aucune opinion sur l'offre de Postes Canada, qui a été communiquée aux médias par la direction de la société d'État et le STTP, plus particulièrement pour ce qui est de l'implantation d'une échelle salariale différente pour les nouveaux employés qui, plus tard, leur permettra d'atteindre l'éventail complet des taux de rémunération des autres employés de Postes Canada. Lors des négociations, notre objectif était d'aider les parties à aplanir leurs différends et à régler les problèmes auxquels elles devaient faire face. Cette question a fait l'objet de vives discussions.

Nous espérons que, dans le cadre du choix de l'offre finale et de l'arbitrage exécutoire, les deux parties présenteront leurs offres finales afin que, conformément aux principes directeurs, l'arbitre puisse déterminer celle qui est la meilleure. Nous allons laisser cela aux parties en cause. Le gouvernement n'a aucune opinion sur ce qui est négocié à la table.

Je vous remercie de votre question.

Le sénateur Jaffer : Madame la ministre, merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui. J'ai écouté ce que vous avez dit et j'aimerais que vous me donniez quelques précisions. Si je vous ai bien compris, selon vous, toutes les questions seront renvoyées à l'arbitre, sauf les salaires. Pourriez-vous nous indiquer pourquoi vous avez décidé de ne pas confier la question des salaires à l'arbitre?

Mme Raitt : Merci pour la question.

Deux questions ne seront pas confiées à l'arbitre. La première est la durée de la convention. Nous voudrions qu'elle soit de quatre ans, pour des raisons de stabilité. La deuxième question est celle des augmentations salariales. Nous avons constaté qu'il devait y avoir des augmentations salariales, mais que l'écart entre les parties était très important sur cette question, ce qui rendait la tâche de notre médiateur très difficile.

Étant donné que l'Alliance de la Fonction publique du Canada avait déjà négocié et conclu une entente concernant les salaires de ses membres, nous avons déterminé qu'il n'y avait pas de meilleure solution que d'inclure ces salaires dans le projet de loi, de manière à ne pas avoir à tenir compte de cette variable dans le choix de l'offre finale et de manière à permettre aux parties de régler les autres questions litigieuses. Nous pensons que les augmentations salariales que nous avons incluses dans le projet de loi sont équitables. Elles ont été obtenues à l'issue d'une négociation collective qui s'est tenue librement.

Le sénateur Jaffer : Il me paraît inquiétant que vous ayez prévu, dans le projet de loi, des augmentations inférieures à celles qui avaient déjà été négociées par les parties. Je vous ai entendu dire que vous aviez tenu compte des salaires versés dans d'autres secteurs, mais, peu importe que le taux d'augmentation soit bien calculé ou non, je crains qu'à la reprise des activités, les travailleurs éprouvent de la colère et qu'il y ait des tensions entre eux et l'employeur. Je crains que de mauvaises relations de travail se développent en raison de cette loi, qui réduit les salaires par rapport à ce qui avait été négocié.

Mme Raitt : Je comprends votre point de vue sur la question. Comme il a été souligné, les salaires ont également été fixés dans la loi en 1997. Ainsi, la démarche se trouve simplifiée pour obtenir des parties une offre concernant les nombreuses autres questions à régler, qui vont de la santé et de la sécurité aux pensions, en passant par les autres avantages sociaux. Les parties s'y retrouvent beaucoup mieux dans ces autres questions lorsque la question salariale est réglée.

Ça me dérange que les gens disent que les parties s'étaient déjà entendues sur les salaires. L'offre salariale de Postes Canada n'était pas une offre finale. Ce n'était qu'un élément d'une offre globale.

(1320)

Partant d'une perspective très différente, nous avons décidé de ne pas prendre en compte les offres des deux parties. Nous avons plutôt décidé de nous concentrer sur ce qui a cours dans le secteur public d'une part et dans le secteur privé d'autre part. Nous en sommes arrivés aux chiffres qui figurent dans le projet de loi après avoir examiné les ententes que nous avons conclues avec les syndicats de la fonction publique.

Le sénateur Meighen : Comme suite à la question du sénateur Jaffer, je veux m'assurer que les augmentations salariales prévues à l'article 15 sont les mêmes que celles qui ont été négociées avec l'Alliance de la Fonction publique.

Mme Raitt : Ce sont les mêmes, sénateur.

Le sénateur Meighen : Pouvez-me dire à peu près à quelle date? Je tiens à m'assurer qu'il s'agit bien d'une entente récente.

Mme Raitt : Cette entente remonte à il y a huit mois, sénateur.

Le sénateur Jaffer : Madame la ministre, je poursuis dans la même voie que le sénateur Cowan qui a parlé des principes directeurs et de l'importance d'améliorer les relations patronales-syndicales, particulièrement compte tenu de vos antécédents personnels. J'ai entendu la réponse que vous avez donnée au sénateur Cowan. Je suis curieuse de savoir pourquoi l'amélioration des relations patronales-syndicales ne serait pas un des principes directeurs de cette mesure. Nous savons tous qu'il y a une certaine acrimonie dans le moment entre les deux parties. Pourquoi l'amélioration des relations patronales-syndicales ne serait-elle pas un de vos principes directeurs?

Mme Raitt : Comme je l'ai dit, lorsque nous avons rédigé les principes directeurs, nous savions que nous voulions un arbitrage différent de celui qui a eu lieu la dernière fois, en 1997, qui, en toute franchise, n'a pas bien fonctionné. Comme deux longues années de médiation et d'arbitrage n'ont absolument pas amélioré les relations entre Postes Canada et le syndicat, cette fois-ci, nous avons opté pour le choix de l'offre finale. Comme je l'ai indiqué, l'arbitre se fondera globalement sur le Code canadien du travail et tiendra compte de l'importance de bonnes relations patronales-syndicales.

Un exemple des principes directeurs absents de la loi de 1997 et ajoutés en raison des questions soulevées à la table des négociations, c'est la mention de la santé et de la sécurité des travailleurs. Nous déclarons expressément que l'arbitre doit tenir compte de considérations liées à la santé et à la sécurité des travailleurs. C'est un élément qui était abordé dans les négociations. Cette mention est dans la loi parce que nous voulons que l'arbitre soit conscient que cet aspect a fait l'objet de nombreuses discussions.

Pour ce qui est des bonnes relations de travail, le seul fait que les parties se présentent devant un arbitre indique qu'elles ont été incapables de conclure une entente et l'arbitre sera guidé par ses propres principes et, évidemment, par le Code canadien du travail.

Le sénateur Eaton : Merci, madame la ministre, d'être venue aujourd'hui. Pour ce qui est des pensions, pouvez-vous dire combien de Canadiens ont des régimes de pension et quel est l'âge moyen de la retraite au Canada?

Mme Raitt : C'est une très bonne question. Mes collègues à l'autre endroit travaillent beaucoup sur ce dossier. Soixante-trois pour cent des Canadiens n'ont pas de régime de pension, que ce soit à cotisations déterminées ou à prestations déterminées. Ils n'en ont pas. Une partie du raisonnement selon lequel nous voulons éviter que l'ensemble des contribuables canadiens aient à payer un passif non financé, tient au fait qu'il faut travailler davantage à la question de savoir « qui en a » et « qui n'en a pas ». Nous continuons de travailler sur la question à l'autre endroit avec les ministres Menzies et Flaherty.

Quant à l'âge moyen de la retraite, je crois que, dans le secteur public, c'est 55 ans après 25 ans de service, mais cela ne saurait être étendu à l'ensemble de la population où nous voulons éliminer l'âge obligatoire de la retraite. Pour ce qui est de la retraite, de nos jours, des gens travaillent bien au-delà de cet âge.

Le sénateur Mercer : Je remercie les ministres d'être venus ici aujourd'hui. Nous leur en sommes reconnaissants. Le processus a été long.

Monsieur le ministre Fletcher, vous avez déclaré que toute cette affaire arrivait à un moment critique pour la Société canadienne des postes. Si le moment est si critique, pourquoi la société a-t-elle imposé un lock-out à ses employés?

M. Fletcher : C'est un moment critique pour Postes Canada. Le moment est très important. Le fait que le Sénat siège un dimanche matin donne une idée des répercussions sérieuses que chaque jour de l'arrêt de travail a sur l'économie canadienne et sur les Canadiens.

Pour répondre à votre question précise, je dirai que les grèves tournantes ont amené la société d'État à décider d'imposer un lock- out. C'est une décision de gestion courante. Le gouvernement n'a pas pris cette décision, c'est la société d'État qui l'a prise.

Les grèves tournantes ont eu pour effet d'interrompre la livraison postale au Canada. La société a réagi à la situation. Les deux parties, comme la ministre du Travail l'a déjà indiqué, n'ont pas pu arriver à une entente, mais une entente s'impose. Il faut régler ce conflit le plus rapidement possible. C'est la raison d'être des mesures qui ont été prises ces derniers jours. C'est la raison pour laquelle le Sénat siège un dimanche matin. Dans l'intérêt des Canadiens, il faut régler ce conflit. Je remercie le Sénat de s'être réuni aujourd'hui, et j'espère que les Canadiens recommenceront à recevoir leur courrier la semaine prochaine.

Le sénateur Mercer : Vos propos me laissent perplexe, monsieur le ministre. Vous avez affirmé que le service postal a été interrompu par les grèves tournantes. Celles-ci avaient lieu dans quelques villes à la fois; lorsqu'une d'entre elles prenait fin, les travailleurs retournaient au travail et livraient le courrier. Le système ne fonctionnait pas aussi bien que d'habitude, et il n'était pas à la satisfaction de tout le monde, mais les organisations caritatives recevaient leurs chèques par la poste, même si c'était avec quelques jours de retard. C'est quand vous avez mis les travailleurs en lock- out, monsieur le ministre, que la livraison postale a été interrompue, et pas avant, à cause des grèves tournantes.

Vous êtes le ministre responsable de cette société d'État, et vous avez mentionné, dans votre premier discours, les 100 millions de dollars que Postes Canada aurait perdus. Avez-vous de plus amples détails à donner? Pouvez-vous ventiler ce chiffre et nous dire comment vous êtes arrivé à ce montant?

M. Fletcher : Je vous remercie de votre question. Au sujet du premier point mentionné, les grèves tournantes perturbaient énormément la confiance des entreprises, en particulier en ce qui concerne la nécessité d'expédier leur courrier, qu'il s'agisse de factures, de colis ou quoi que ce soit d'autre. Lorsque les grèves tournantes ont frappé Montréal et Toronto, elles ont eu un impact dévastateur sur la capacité opérationnelle de Postes Canada. Le volume de courrier a été réduit de 50 p. 100. Les grèves tournantes coûtaient entre 20 et 24 millions de dollars par jour à Postes Canada. Il était évident que cela ne pouvait durer. La perturbation du service jusqu'au moment du lock-out a coûté 100 millions de dollars. Ce n'est pas tout. Les grèves tournantes coûtaient à Postes Canada de 10 à 12 millions de dollars par jour au titre des coûts de main-d'œuvre. Du point de vue du flux net de trésorerie, c'était difficile à supporter pour Postes Canada. En décrétant le lock-out, la société a réduit ses pertes quotidiennes.

Je rappellerai au sénateur qu'il s'agit d'une période critique pour Postes Canada. La société est en cours de transformation. Elle est en train d'implanter des méthodes plus rationnelles et plus efficaces de distribution du courrier. Le volume de courrier a déjà diminué. La reprise économique est encore fragile. La situation suscitait encore davantage d'incertitude dans l'économie. Monsieur le sénateur, nous songeons vraiment à la viabilité à long terme de Postes Canada. C'est parce que la situation est grave que nous sommes ici aujourd'hui.

Le sénateur Mercer : Monsieur le ministre, depuis des années et non seulement depuis que cette question est venue à l'attention du public au cours des dernières semaines, un certain nombre d'employés occupant des postes à différents niveaux de la hiérarchie de Postes Canada m'ont parlé de certaines décisions prises par la direction de la société pour renvoyer, mettre à pied ou cibler des employés redondants à la veille de prendre leur retraite, ce qui est diamétralement opposé à la façon dont les Canadiens aiment se traiter les uns les autres.

(1330)

Êtes-vous au courant de cette politique mise en œuvre à Postes Canada? Savez-vous combien d'employés proches de l'âge de retraite ont été mis à pied?

M. Fletcher : Monsieur le sénateur, la Société canadienne des postes est indépendante du gouvernement. Je ne suis pas au courant des choses dont vous avez parlé. Tout ce que je sais, c'est que la Société canadienne des postes est en train de subir une transformation. Elle investit 1,5 milliard de dollars dans des infrastructures afin de créer un système de livraison de courrier plus efficace. Certaines des technologies utilisées actuellement remontent à deux siècles, ce qui n'est pas très efficace à une époque où il existe des courriels et de la concurrence privée, entre autres.

La Société canadienne des postes tente de s'adapter à un monde qui change rapidement et de répondre à beaucoup de demandes. La direction prend les décisions qui, selon elle, sont nécessaires pour assurer la viabilité à long terme de la société, garantir qu'elle répond aux attentes en vertu de la charte des postes et s'assurer que les Canadiens reçoivent leur courrier de manière rapide, efficace et économique.

Le sénateur Mercer : L'ancienne PDG, Mme Greene, a acquis une réputation qui lui a permis d'obtenir un poste plus prestigieux. Certaines personnes ont passé toute leur vie au sein de cette société. J'ai lu plus tôt des lettres de personnes qui avaient travaillé 35 ans au sein de cette société. Elles s'inquiètent pour leurs pensions, et elles se demandent comment elles seront traitées par la société à mesure qu'elles se rapprochent de leur retraite, une société qui, bien qu'elle soit indépendante, relève de votre responsabilité.

M. Fletcher : Sénateur, je comprends les points que vous faites valoir. Comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, ce sont des questions d'ordre opérationnel qui devraient plutôt être adressées à Postes Canada. J'ai cru comprendre que des représentants de Postes Canada et du STTP allaient témoigner plus tard.

Mme Raitt : Puisque c'est une question de relations de travail, si des personnes craignent de ne pas être traitées équitablement, elles peuvent s'adresser à leur syndicat, comme vous le savez. Elles peuvent formuler un grief. Si elles le désirent, elles peuvent demander une audience en bonne et due forme devant le Conseil canadien des relations industrielles. Il y a des lois qui guident les relations de travail au Canada, l'équité en matière d'emploi et le traitement des employés. J'encouragerais ces personnes à utiliser tous les moyens mis à leur disposition par le gouvernement fédéral. J'apprécie l'information que le sénateur nous a fournie, et nous nous renseignerons à ce sujet.

Le sénateur Murray : À deux reprises, M. Fletcher a souligné, à juste titre selon moi, que la Société canadienne des postes n'est pas soumise aux directives du ministre et qu'elle est indépendante du gouvernement. Il me semble l'avoir entendu dire, plus précisément, qu'on ne l'a pas consulté avant que la direction de Postes Canada décide d'avoir recours au lock-out. C'est bien ce qu'il a dit, je crois, sinon qu'il me corrige.

Monsieur Fletcher, vous faites partie du Cabinet depuis quelques années déjà, mais votre fonction actuelle à titre de ministre chargé de rendre compte au Parlement des activités de Postes Canada ne date que des derniers remaniements ministériels. Est-ce exact?

M. Fletcher : C'est exact.

Le sénateur Murray : Je ne rappelle même plus qui était votre prédécesseur, mais je tiens seulement à confirmer l'argument que vous et moi avons fait valoir, à savoir que Postes Canada est un organisme indépendant.

Vous êtes accompagné au Sénat de hauts fonctionnaires et vous nous avez parlé de votre sous-ministre adjoint, André Morency. J'aimerais lui demander si on a informé le gouvernement, le ministre de l'époque, qui que ce soit, de l'état des négociations. Plus précisément, j'aimerais savoir si la direction de Postes Canada l'a consulté pendant les négociations en ce qui concerne l'offre de la société et les propositions salariales. M. Morency est-il en mesure de répondre à la question? Je présume qu'il est le sous-ministre adjoint chargé du suivi général des activités des sociétés d'État qui relèvent du ministère des Transports. C'est bien cela?

M. Fletcher : Oui, c'est bien son rôle. Si je puis me permettre, sénateur, je répondrai à la question.

Le sénateur Murray : Bien sûr.

M. Fletcher : Toutes les décisions qui ont été prises, dont le lock- out, proviennent uniquement de la direction de Postes Canada. Le gouvernement n'a jamais été informé de la décision avant qu'elle soit prise.

Le sénateur Murray : Je crois comprendre de ce que vous dites que vos rapports et les rapports du gouvernement avec la Société canadienne des postes respectent en tout point ce qu'avait prévu le Parlement lorsqu'il a fait de Postes Canada une société d'État.

Vous êtes jeune, mais vous vous souvenez peut-être, ou vous l'avez appris, que les Postes étaient un ministère, dont les politiques, comme dans tous les ministères, relevaient du ministre.

À un moment donné, il me semble que c'était pendant les années Trudeau, le gouvernement et le Parlement ont décidé, pour diverses raisons, que différentes conventions et dispositions se rapportant à la fonction publique ne s'appliqueraient plus à Postes Canada et que cette société deviendrait une société d'État indépendante.

La position de Mme Raitt — et je ne vise personne; c'est maintenant une position du gouvernement — est la suivante : le règlement salarial imposé aux employés de Postes Canada est le même que celui appliqué aux fonctionnaires, aux membres de l'Alliance de la Fonction publique du Canada. Ces deux cas ne sont pas vraiment comparables pour les raisons que je viens de donner. À la dernière législature, nous avons soustrait Postes Canada de ce régime. Elle est maintenant assujettie à un grand nombre de conventions et de contraintes différentes de celles qui s'appliquent aux fonctionnaires qui travaillent dans les différents ministères, il me semble. Je ne vois pas comment, à moins que vous ne vouliez que cette société redevienne un ministère relevant d'un ministre, vous devriez appliquer à ces employés les mêmes critères qu'aux fonctionnaires. Le gouvernement Chrétien — je siégeais au Sénat à l'époque et je m'y étais opposé — a donné un statut distinct à Parcs Canada et à Revenu Canada. À l'heure actuelle, ce ne sont pas des sociétés d'État, mais des organismes de service spécial qui ne seraient plus sous la direction du ministre. Cela a été fait presque exclusivement dans le but de les soustraire aux lois du travail. J'ai trouvé que ce n'était pas correct d'agir ainsi. Je me souviens que le sénateur Bolduc et moi avions avancé que, si quelque chose clochait dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et dans les règlements y afférents, le gouvernement n'avait qu'à proposer des modifications à la loi plutôt que d'en soustraire de grands pans de la fonction publique. Cependant, c'était un autre jour et un autre débat.

(1340)

Je signale simplement, pour la gouverne de la ministre du Travail, que j'estime que l'excuse du gouvernement pour avoir imposé ce règlement salarial au syndicat ne tient pas.

Mme Raitt : Merci de votre question, sénateur. Comme vous remettez en question les salaires, je vais répondre. Après 57 heures et demie d'obstruction, je me sens plus vieille que je ne le suis. Toutefois, je comprends l'argument.

Mon rôle n'est pas d'examiner ce qui s'est produit dans le passé au sein de Postes Canada et de la société d'État, mais plutôt de me concentrer sur aujourd'hui et sur l'avenir. Or, nous avons pris soin de la partie « aujourd'hui » en veillant à ce que les salaires soient établis en fonction de ceux d'un service gouvernemental comparable, c'est-à-dire les services gouvernementaux du Canada. Il s'agit d'une industrie comparable et qu'il convient tout à fait d'employer à cette fin.

Pour la partie « avenir », nous veillons à nous assurer de la viabilité à long terme de Postes Canada. Les salaires proposés sont justes. Ce sont de bons salaires, des salaires sûrs, et c'est tout à fait approprié qu'ils soient dans la loi aux taux prévus.

Le sénateur Murray : Je trouve l'argument plutôt faible. Ces employés ne sont plus des fonctionnaires. Vous décidez par vous- même, sans ambages, que ces salaires sont comparables à ceux qui sont versés pour ce que vous appelez des « services gouvernementaux ». Pourtant, vous avez prévu dans ce projet de loi qu'ils devraient être comparables à ceux d'autres secteurs postaux, quels qu'ils soient et où qu'ils soient.

Je signale aussi, concernant cette disposition du projet de loi...

Le sénateur Finley : Tenez compte du temps!

Le sénateur Murray : ... que vous auriez pu confier...

Excusez-moi, est-ce le sénateur Finley qui est responsable de surveiller l'horloge aujourd'hui?

Rappelez-vous, sénateur, que vous aurez besoin du consentement unanime pour que nous passions à l'étape de la troisième lecture, alors restez calme.

Monsieur le président, je peux conclure. D'ailleurs, j'étais en train de conclure avant cette impertinente interruption du sénateur Finley.

Vous auriez pu confier la question des augmentations de salaire à l'arbitre, mais vous avez choisi de ne pas le faire. Vous avez choisi une autre façon de faire. J'en ai parlé à l'étape de la deuxième lecture.

Permettez-moi de m'informer au sujet de la nomination de l'arbitre, car vous en avez parlé. Le ministère a-t-il une liste des arbitres qualifiés à partir de laquelle vous pourrez choisir?

Mme Raitt : Le ministère a une liste, mais nous demandons aussi les coordonnées des juges à la retraite au Canada. Cette affaire doit être traitée par un juge. Nous croyons qu'il importe de faire des consultations. Nous ferons des consultations internes, mais également externes.

Le sénateur Murray : Ce sera un juge à la retraite, vous dites?

Mme Raitt : Je ne peux pas vous dire qui ce sera. Nous n'avons pas encore choisi l'arbitre, monsieur le sénateur. Cependant, je peux vous dire qu'on ne considèrera pas uniquement la liste habituelle des médiateurs ou des arbitres établie par le ministère du Travail. On consultera beaucoup plus largement en vue de trouver la personne la mieux placée pour s'occuper du dossier.

Le sénateur Murray : Vous avez parlé de juges à la retraite, voilà tout. J'espère seulement que le choix de la personne qui agira comme arbitre ne sera pas de nature à exacerber le sentiment d'injustice ressenti par l'une des deux parties en cause, c'est-à-dire par le syndicat.

Mme Raitt : Je comprends, sénateur, et je ferai certainement preuve de sagesse.

Le président : Honorables sénateurs, j'ai sur ma liste le sénateur Meredith, le sénateur Baker, le sénateur Downe, le sénateur Di Nino, le sénateur Ringuette, le sénateur Kinsella, le sénateur Duffy et le sénateur Eggleton.

Le sénateur Meredith : Madame la ministre et monsieur le ministre, merci de comparaître devant nous cet après-midi, en cette journée où nous préférerions pour la plupart être ailleurs. Il s'agit d'un dossier d'une telle importance que nous devons nous en occuper dès aujourd'hui. Merci encore.

Madame la ministre Raitt, la question que je vous adresse cet après-midi, au sujet du projet de loi, concerne un point déjà soulevé par les sénateurs d'en face, à savoir que ce projet de loi est un signal à l'intention des autres syndicats de la fonction publique au pays. Je paraphrase ce que j'ai entendu, mais le gouvernement voudrait semble-t-il leur faire comprendre ainsi que, s'ils s'avisent de faire la grève, il interviendra. Est-ce la position de votre cabinet, madame la ministre?

Mme Raitt : Non, sénateur. Si nous avons dû présenter un projet de loi, c'est que les négociations collectives n'avaient pas donné les résultats espérés dans ce cas. Faire appel au Parlement et comparaître au Sénat aujourd'hui pour demander l'adoption de ce projet de loi et ramener les gens au travail constitue une mesure exceptionnelle.

Nous espérons que les parties sauront tirer une leçon de cette situation : elles doivent négocier librement et équitablement et veiller à réduire rapidement les écarts entre leurs positions, de telle sorte qu'on n'en arrive pas au point où elles s'affrontent et veulent s'enlever l'une l'autre des moyens économiques pour accroître leur pouvoir de négociation. Si l'intérêt public est en jeu à l'échelle nationale, le gouvernement interviendra.

Le sénateur Meredith : Ma dernière question s'adresse au ministre Fletcher.

Comme vous êtes responsable de Postes Canada, monsieur le ministre, lui avez-vous fait des recommandations concernant le problème soulevé par le sénateur Jaffer, soit l'atmosphère qui régnera lors du retour au travail des employés? Avez-vous fait des recommandations à Postes Canada dans le but d'éviter les perturbations ou le vandalisme contre l'équipement, par exemple? Vous êtes-vous assuré que Postes Canada comprend l'esprit du projet de loi et que les employés ne seront pas traités injustement par la direction, de manière à ce qu'il n'y ait pas de représailles?

M. Fletcher : Je remercie le sénateur de sa question. Je n'ai pas eu de communication avec Postes Canada depuis un bon bout de temps, particulièrement depuis le début de l'obstruction parlementaire à l'autre endroit. Toutefois, je suis convaincu que Postes Canada, ses représentants et les dirigeants syndicaux suivent les délibérations. J'invite le sénateur à poser la question aux représentants de Postes Canada et du STTP lorsqu'ils viendront témoigner devant le Sénat plus tard aujourd'hui.

Le sénateur Baker : Mes questions seront brèves et prendront sûrement moins de 10 minutes. Elles sont précises et visent à obtenir des précisions à l'égard de certains éléments du projet de loi. Certes, ce n'est pas le genre de questions que vous entendriez à la Chambre des communes.

Ma première question est possiblement la moins importante. Il y a moins de deux ans, la cour fédérale a tranché sur l'emploi des mots anglais « must » et « shall » pour indiquer une obligation dans son jugement sur l'affaire intitulée Tulk c. le procureur général du Canada. Dans cette affaire, un homme avait utilisé « must » alors que le Code canadien du travail utilise « shall ». Dans le projet de loi qui nous intéresse, on peut lire à l'article 2 proposé :

Sauf disposition contraire, les termes de la présente loi s'entendent au sens de la partie I du Code canadien du travail.

Or, dans le reste du projet de loi, le mot « shall », employé dans toutes les lois imposant le retour au travail promulguées depuis les années 1950, a été remplacé par le mot « must ».

Quelle en est la raison? Est-ce dans le but d'insister davantage sur l'obligation des employés?

Mme Raitt : Je remercie le sénateur de sa question. Je peux l'assurer que ce n'est pas moi qui ai écrit « must » plutôt que « shall ». Le libellé a été préparé par les rédacteurs du ministère de la Justice. Aucune recommandation précise n'a été formulée par moi ou par mes représentants à cet égard.

Le sénateur Baker : La question que je vous adresse est très importante; elle porte sur le détail du projet de loi. Dans quel esprit ce changement a-t-il été effectué? Doit-on désormais considérer que « must » et « shall » ont la même portée dans le Code canadien du travail?

(1350)

Mme Raitt : Mon collaborateur du ministère de la Justice me dit que oui.

Le sénateur Baker : Bien. Passons maintenant à l'article 6 du projet de loi, qui est, ma foi, tout à fait remarquable. Je me souviens de tout ce qui s'est passé ici, et ces souvenirs remontent à très loin.

Une voix : À avant la Confédération.

Le sénateur Baker : Pas tout à fait, mais presque.

À bien y penser, aucune loi de rappel au travail n'a jamais contenu des dispositions libellées de la même façon que cet article 6. Il est important car il prescrit la date d'entrée en vigueur de la nouvelle convention collective et proroge l'actuelle convention jusqu'à ladite date.

Le paragraphe 6(1) porte que :

La convention collective est prorogée à compter du 1er février 2011 jusqu'à la prise d'effet de la nouvelle convention collective à intervenir entre l'employeur et le syndicat.

Si on se reporte aux lois de rappel au travail antérieures, notamment à celle de 1997 dont la ministre a parlé tout à l'heure, on constate que, dans cette ancienne loi, on avait ajouté : « mais ne s'applique pas à la période commençant le 18 novembre 1997 et se terminant à l'entrée en vigueur de la présente loi. »

Et si on avait ajouté ce membre de phrase, c'était précisément pour tenir compte de la période pendant laquelle la Société canadienne des postes Canada n'était pas en activité. Autrement dit, les dispositions de la loi ne s'appliquaient pas à la période pendant laquelle la société était inactive. C'est un problème. J'ignore si c'est une erreur, mais c'est un problème parce que l'ancienne convention collective... Je vais laisser à la ministre le temps de consulter ses collaborateurs.

Mme Raitt : Je voulais simplement vérifier que la réponse que je voulais vous donner était la bonne.

Sénateur, nous avons examiné la loi de 1997. Vous avez raison de dire que le libellé est différent. Mais nous voulions nous assurer que les employés qui étaient engrève tournante ou qui, plus récemment, ont été visés par un lock-out seraient admissibles à des prestations de maladie pendant toute la période. Les employés qui ont cessé de recevoir des prestations de maladie lorsque la convention collective a expiré pourront ainsi recevoir les prestations auxquelles ils avaient droit pendant cette période.

Le sénateur Baker : Et leurs salaires?

Mme Raitt : Ils ne sont pas rémunérés pendant le lock-out.

Le sénateur Baker : Vous dites que l'objectif est de prolonger la couverture de l'assurance-maladie. Si je comprends bien, le texte de loi ne soustrait aucune période à l'application du projet de loi.

Passons maintenant à l'article 7 du projet de loi. Il porte que : « Pendant la durée de la convention collective prorogée par le paragraphe 6(1), il est interdit : », elle est prorogée à partir de la date de son expiration et couvre également la période actuelle d'inactivité à Postes Canada, « a) à l'employeur [...] de déclarer ou de provoquer un lock-out à l'égard du syndicat », sous peine d'une amende de 100 000 dollars par jour pour infraction à la loi.

Ou cette disposition s'applique, ou elle ne s'applique pas. Si elle s'applique, l'employeur sera alors coupable d'avoir enfreint la loi. À mon avis, c'est la raison pour laquelle, dans toutes les lois antérieures de rappel au travail, cette période était soustraite de l'application de la loi.

Mme Raitt : Sénateur, l'article 7 a pour objectif d'empêcher un autre lock-out ou une autre grève. Il ne s'applique pas à ce dont on vient de parler.

Le sénateur Baker : L'article est libellé ainsi : « Pendant la durée de la convention collective prorogée par le paragraphe 6(1), », et elle est prorogée à partir de la date de son expiration, « il est interdit à l'employeur de déclarer ou de provoquer un lock-out... »?

Mme Raitt : Sénateur, le représentant du ministère de la Justice me dit que la réponse que je vous ai donnée est exacte, c'est-à-dire que cette disposition s'applique à la période qui commence maintenant. Toutefois, cet article et celui qui le précède ne sous- entendent pas, du fait de la prorogation de l'ancienne convention collective, que la grève était illégale. Ce n'est pas notre intention, et ces dispositions ne devraient pas être interprétées de cette façon, grèves tournantes ou lock-out.

Le sénateur Baker : Ce n'est peut-être pas votre intention, mais il n'empêche que cette disposition peut être interprétée de cette façon.

Je voudrais maintenant parler de ce que je considère être une grave erreur, mais je me trompe peut-être. Vous serez peut-être en mesure de répondre à ma question qui porte sur la présomption. Il y a toujours une présomption à la fin d'un projet de loi de rappel au travail. Et avant la présomption, le texte de loi énonce, à l'article 20 les circonstances dans lesquelles une personne peut être passible de poursuites civiles :

En cas de défaut de paiement de l'amende infligée pour une infraction prévue à l'article 18, le poursuivant peut, en déposant la déclaration de culpabilité auprès de la cour supérieure de la province où le procès a eu lieu, faire homologuer la décision relative à l'amende, y compris les dépens éventuels; l'exécution se fait dès lors comme s'il s'agissait d'un jugement rendu contre la personne par le même tribunal en matière civile.

Seule une personne peut être poursuivie.

Il faut ensuite se reporter à la disposition sur l'assimilation pour savoir de qui il peut s'agir. L'article sur l'assimilation nous dit que, « [p]our l'application de la présente loi, le syndicat est réputé être une personne », mais pas l'employeur.

Revenons un instant à la loi de 1997 que nous citait la ministre Raitt. Voici comment était formulé l'article sur l'assimilation : « Pour l'application de la présente loi, l'employeur et le syndicat sont réputés être des personnes. » Doit-on en comprendre que seul le syndicat peut faire l'objet de poursuites civiles?

Mme Raitt : Je vous remercie, sénateur. Avant de commencer, je dois revenir à la dernière question, sur l'illégalité rétroactive et le fait que la Charte protège les citoyens contre ce genre de dispositions. Ce n'est pas un problème.

En ce qui concerne la question que vient de poser le sénateur, la jurisprudence nous apprend qu'il arrive en effet que le syndicat puisse se désigner comme une personne, ce que ne fait jamais Postes Canada. Bref, dans sa forme actuelle, l'article 20 couvre tous les cas de figure, car nous savons que Postes Canada est une personne, tandis que, pour le syndicat, c'est différent d'une fois à l'autre : des fois, il est considéré comme une personne, d'autres pas. C'est pour cette raison que l'article est ainsi formulé : pour couvrir les deux cas.

Le président : Je dois informer le sénateur que ses 10 minutes sont écoulées. J'ai ici la liste des sénateurs qui souhaitent faire une deuxième intervention. Les questions du sénateur sont extrêmement importantes. Souhaite-t-il que son nom soit inscrit sur cette liste afin de pouvoir se rendre au bout de ses questions?

Le sénateur Baker : S'il vous plaît, oui.

Le sénateur Downe : Le ministre responsable de Postes Canada peut-il nous dire si les restrictions salariales imposées aux employés visent aussi la haute direction?

M. Fletcher : Le sénateur connaît déjà la réponse à sa question. Cette mesure législative porte sur les relations entre le STTP et Postes Canada.

Le sénateur Downe : Vous me corrigerez si je me trompe, mais j'ai entendu la ministre du Travail expliquer plus tôt pourquoi on diminue les salaires. Or, je n'arrive pas à comprendre pourquoi le gouvernement n'a pas fait savoir à Postes Canada qu'il s'attendait à la même chose de tous les employés de la société, y compris de la haute direction.

M. Fletcher : Le sénateur sait très bien qu'il serait plus approprié de poser cette question au conseil d'administration ou au président- directeur général de Postes Canada, qui comparaîtra plus tard aujourd'hui.

(1400)

Le sénateur Downe : Merci de votre réponse, mais je ne comprends pas la différence. La ministre du Travail nous a justifié les baisses de salaire, mais pourrait-elle nous dire pourquoi le même sort ne s'applique pas à tous les employés de Postes Canada, y compris la haute direction?

Mme Raitt : Nous avons présenté cette mesure législative afin de mettre fin à l'arrêt de travail et de ramener les employés au travail, et nous ne pouvons que légiférer pour les employés qui sont liés à la convention collective. C'est ce que nous avons fait.

Si vous recommandez que le gouvernement lui-même envisage des baisses salariales des fonctionnaires et des dirigeants de Postes Canada, nous soumettrons votre recommandation à nos responsables afin qu'il l'examine et prenne une décision à cet égard.

Le sénateur Downe : Chaque année, la haute direction de Postes Canada touchera des primes. Étant donné que le ministre responsable de Postes Canada a dit que la Société des postes se trouve dans une position fragile pour l'avenir, le gouvernement estime-t-il que les primes devraient être majorées au même niveau que les salaires des employés de l'entreprise?

M. Fletcher : Nous discutons aujourd'hui du projet de loi C-6, et j'inviterais le sénateur à s'en tenir à ce sujet pour que l'on puisse adopter rapidement cette mesure législative qui permettra aux Canadiens de recommencer à recevoir leur courrier le plus tôt possible.

Si le sénateur souhaite soulever des questions qui ne sont pas liées au projet de loi C-6, je serais heureux de le rencontrer, ainsi que tout autre parlementaire. Nous pourrions alors discuter de préoccupations ou de suggestions quant à l'avenir.

Le sénateur Downe : Je vous remercie de cette proposition. Comme vous n'êtes pas sans le savoir, si je pose cette question, c'est en raison de ce que la ministre du Travail a dit quant aux motifs justifiant les restrictions salariales.

Les employés et les Canadiens n'auraient-ils pas raison de croire qu'il s'agit de deux poids, deux mesures? Si les salaires des employés de la société d'État sont restreints au cours des quatre prochaines années, qu'est-ce qui empêche la direction de se donner des augmentations salariales qui, selon elle, répondent le mieux à ses intérêts? Je serais curieux de savoir pourquoi le gouvernement n'a aucune position là-dessus et pourquoi il ne transmettrait pas ce message d'une manière ou d'une autre à la direction de Postes Canada.

M. Fletcher : Je vous ai écouté attentivement. Comme les sénateurs le savent, par le passé, le gouvernement a déjà imposé un gel des salaires non seulement aux fonctionnaires, mais aussi aux parlementaires. Nous discutons aujourd'hui du projet de loi C-6 et souhaitons que les services postaux reprennent le plus rapidement possible. C'est important pour l'économie canadienne.

J'ai pris bonne note de la suggestion du sénateur et me réjouis à l'idée d'en discuter avec lui à un moment plus opportun. Aujourd'hui, nous souhaitons adopter le projet de loi C-6 pour assurer la reprise des services postaux et pour éviter que les Canadiens subissent les contrecoups de tout retard inutile à cet égard.

Le sénateur Downe : Le ministre a parlé de la position précaire dans laquelle se trouve Postes Canada. Connaît-il le total des profits versés dans les coffres du gouvernement du Canada par la société d'État l'an dernier?

M. Fletcher : En fait, Postes Canada n'a pas versé d'argent au gouvernement du Canada. Ses profits ont été réinvestis dans son programme de renouvellement des infrastructures.

Le sénateur Downe : Quelle était cette somme?

M. Fletcher : Elle variait entre 100 et 200 millions de dollars.

Le sénateur Ringuette : Ma première question s'adresse au ministre Fletcher. Monsieur le ministre, vous avez dit que l'arrêt de travail avait coûté 100 millions de dollars à Postes Canada. C'est bien cela?

M. Fletcher : En effet, au moment du lock-out.

Le sénateur Ringuette : Au moment du lock-out?

M. Fletcher : Oui, à ce moment-là, les grèves tournantes avaient coûté 100 millions de dollars à Postes Canada.

Le sénateur Ringuette : Depuis le lock-out, à combien s'élèvent les pertes de Postes Canada?

M. Fletcher : Avant le lock-out, Postes Canada perdait entre 22 et 24 millions de dollars par jour. Après le lock-out, c'est environ la moitié de ce montant, de 10 à 12 millions de dollars par jour à l'heure actuelle. La différence, c'est que depuis le lock-out, il n'y a plus de main-d'œuvre à payer. Celle-ci coûtait de 10 à 12 millions de dollars de plus à Postes Canada.

Le sénateur Ringuette : Je vois. Je comprends la différence.

Vous vous rendez compte que l'an dernier, le gouvernement a privé Postes Canada de la capacité de générer des revenus de 80 millions de dollars par an à perpétuité en lui retirant le privilège exclusif du repostage vers l'étranger? J'ai lu toutes les questions et les réponses à ce moment-là. Il semble que Postes Canada s'en tirait alors fort bien et qu'elle pouvait subir sans problème cette perte de revenus. Il s'agit là de commentaires qu'avaient faits les députés du gouvernement.

Vous avez retiré à perpétuité ce privilège exclusif à Postes Canada, la privant ainsi à tout jamais de revenus totalisant au moins 80 millions de dollars par année. À moins de lui rendre le privilège exclusif du repostage, le gouvernement aura lui même occasionné des pertes de 80 millions de dollars à Postes Canada. Je sais que vous n'étiez pas le ministre responsable lorsque le projet de loi omnibus sur le budget, le C-9, a été présenté l'an dernier, mais vous avez tout de même participé à la décision du Cabinet.

M. Fletcher : En ce qui concerne le courrier international, il est vrai que le gouvernement a retiré le privilège exclusif à Postes Canada, mais la société demeure concurrentielle sur ce marché. Vous démontrez pourquoi il est si important que Postes Canada mette en œuvre son programme de renouvellement de l'infrastructure. En fait, vous nous aidez à démontrer que l'arrêt de travail, dans l'état actuel des choses, a précipité les événements. Les gens ont maintenant recours à d'autres moyens de transmission et de distribution, ce qui a grandement nui à Postes Canada.

Même si je ne souscris pas à ce qui semble être le motif de votre question, en fin de compte, une chose est claire : à notre époque, Postes Canada doit modifier sa façon de faire, et c'est ce que nous faisons.

Plus précisément, nous sommes ici aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-6; nous voulons que la distribution du courrier reprenne. Nous pourrions aborder ces autres enjeux, mais cela ne nous aiderait en rien à adopter rapidement ce projet de loi.

Le sénateur Ringuette : Monsieur le ministre, je suis désolée, mais cela n'est qu'un volet d'un enjeu plus complexe, soit le fait que le gouvernement actuel tente, depuis 2007, de diminuer les profits générés par Postes Canada. Vous témoignez ici aujourd'hui et vous nous dites que ce lock-out coûte 10 millions de dollars par jour. Or, vous ne semblez pas avoir de problème à diminuer de 80 millions de dollars les revenus de Postes Canada pour l'année dernière. Je suppose que nous pourrions continuer encore longtemps comme ça, que vous feriez valoir votre point de vue sur le sujet et que je ferais valoir le mien.

Mon autre question s'adresse à la ministre Raitt. Vous avez dit, madame la ministre, que depuis 1997, les relations patronales- syndicales à Postes Canada sont mauvaises. J'espère que vous retirerez vos propos, car j'ai travaillé à Postes Canada pendant cette période, soit de 1997 à 2002, et à ce moment-là, les relations patronales-syndicales étaient bonnes. J'espère que vous retirerez ce que vous avez dit et que vous veillerez à ce que le débat continue de reposer sur des faits.

(1410)

Mme Raitt : Je remercie le sénateur. Comme le sait le sénateur, de 1997 à 1999, le gouvernement du Canada a dépensé 2,1 millions de dollars pour aider les deux parties à signer une convention collective. Au bout du compte, c'est ce qu'elles ont fait.

Le but de mon observation était de souligner le fait que, en l'occurrence, aucune convention collective n'a même été négociée, et les négociations sont au point mort. Je pense qu'on ne se trompe pas en affirmant que les relations patronales-syndicales n'étaient pas très constructives à l'époque de l'arbitrage, puisqu'il a pris si longtemps aux parties d'arriver à une entente; je maintiens mes propos.

Le sénateur Ringuette : Je ne suis pas d'accord, mais je passerai néanmoins à mon autre question au sujet du paragraphe 11(2) du projet de loi C-6. Il dit ceci :

Pour choisir l'offre finale, l'arbitre se fonde sur la nécessité de conditions de travail qui sont compatibles avec celles de secteurs postaux comparables [...]

Pour la gouverne des sénateurs, pouvez-vous nous dire quels sont ces services postaux comparables?

Mme Raitt : Cette décision reviendra à l'arbitre. Nous supposons que l'arbitre se tournerait vers les secteurs privé et public; il ou elle pourrait également s'inspirer des secteurs postaux à l'étranger.

Le sénateur Ringuette : Pourquoi est-il nécessaire de le préciser? Vous avez déjà fixé le taux salarial. Vous avez déjà fixé les modalités du fonds de pension puisque vous avez établi le même ratio de solvabilité. Quel est le but d'une telle disposition? C'est bien la première fois que je vois un tel énoncé dans une mesure législative. Il est question d'une société d'État nationale; je ne m'objecte pas à ce qu'on compare des pommes et des pommes. Cependant, si vous voulez comparer des pommes, des oranges et des poires, c'est une autre paire de manches.

J'aimerais savoir ce qui constituerait un secteur postal comparable dans l'application de cette disposition de la loi.

Mme Raitt : Pour être claire, je dirai que les éléments fixés dans le projet de loi sont la durée de la convention collective et les salaires. Les principes directeurs à l'intention de l'arbitre ne sont que des principes directeurs. L'arbitre peut décider d'examiner des entreprises postales comparables ou un secteur industriel plus large. La question du régime de pension n'a pas été fixée. Il est clair également que les méthodes de travail, qui sont particulières au secteur postal, n'ont pas été déterminées. La question de l'invalidité de courte durée ni celle de la santé et de la sécurité n'ont pas non plus été déterminées. Cela doit être comparé à des éléments raisonnablement comparables dans un secteur précis. Je le répète, on prévoit que l'arbitre examinera ce qui se fait dans le secteur privé et dans le secteur public, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde, mais c'est l'arbitre qui décidera quels seront ses objets de comparaison.

Le sénateur Ringuette : Quel serait une entreprise du secteur privé comparable au secteur postal?

Mme Raitt : Il y en a quelques-unes dans d'autres pays.

Le sénateur Ringuette : Nous examinons des lois canadiennes. Pouvez-vous nous en nommer quelques-unes?

Mme Raitt : Pour ce qui est d'entreprises postales comparables, nous demandons à l'arbitre de faire l'analyse voulue. Y a-t-il des entreprises au Canada que l'arbitre voudra examiner? Nous ne présumons pas de ce que voudra examiner l'arbitre pour trouver des comparatifs. Nous aimerions que l'arbitre s'en tienne à des entreprises semblables parce que certaines questions encore en négociation sont propres à de telles entreprises.

Le sénateur Ringuette : Je lis ceci dans le projet de loi...

Le président : Sénateur Ringuette, je vous informe que vos 10 minutes sont écoulées. Voulez-vous que votre nom soit inscrit sur la liste suivante?

Le sénateur Ringuette : Oui, s'il vous plaît.

Le sénateur Kinsella : Madame la ministre, j'attire votre attention sur l'article 22 :

La présente loi entre en vigueur à l'expiration de la vingt- quatrième heure suivant sa sanction.

Pouvez-vous nous expliquer cette disposition? Si, avant l'expiration du délai de 24 heures suivant l'adoption du projet de loi les parties s'entendent sur une convention collective, comment le projet de loi, qui aura été adopté par les deux Chambres, mais n'aura pas reçu la sanction royale, s'appliquera-t-il? Que se passera- t-il si les parties s'entendent sur une convention collective avant l'expiration du délai?

Mme Raitt : Les parties, si elles sont en train de négocier ou si elles décident de négocier lorsqu'elles viendront ici plus tard aujourd'hui, ont jusqu'au moment de la sanction royale pour s'entendre. Si elles continuent de négocier après la sanction royale, même pendant le délai de 24 heures ou après, mais avant que l'arbitre rende sa décision, elles peuvent conclure une entente, sauf sur deux points, qui sont la durée de la convention et les salaires, qui sont fixés dans la loi.

Le sénateur Kinsella : Si les parties en arrivent à une entente, notamment sur ces deux questions, elles concluront en fait une nouvelle convention collective. Le cas échéant, cette nouvelle convention s'appliquera. Si elle est acceptée en principe, les syndiqués voteront ensuite. L'entrée en vigueur de cette loi sera-t- elle suspendue ou la loi prévaudra-t-elle sur toute entente conclue avant la fin des 24 heures, tel que prévu à l'article 22?

Mme Raitt : Voilà l'aspect technique de l'entrée en vigueur de la loi par rapport à la sanction royale. Comme je l'ai dit, si, avant le vote final dans cette enceinte et la sanction royale, les parties en arrivent à une entente sur tous les points en litige, ce sera alors la convention collective qui prévaudra.

Si une entente survient, soit après la sanction royale, soit dans la période de 24 heures suivant celle-ci, — comme je ne sais pas exactement quelle éventualité est le déclencheur, je dois demander aux fonctionnaires de mon ministère de le vérifier pour moi — la convention s'appliquera, sauf pour ce qui est de la durée qui serait de quatre ans et des augmentations salariales. Voilà la question.

Les parties disposeront de 90 jours pour s'entendre seules sur les autres points; au terme de cette période, l'arbitre fera le choix de l'offre finale qui sera exécutoire.

Le sénateur Kinsella : À titre de ministre du Travail, vous continueriez à favoriser la négociation entre les parties, ce qui serait dans l'intérêt de leurs relations et, advenant l'adoption de cette mesure législative, cela en faciliterait l'application.

Mme Raitt : Absolument, sénateur. La meilleure entente que peuvent conclure les parties est celle à laquelle elles arrivent elles- mêmes, particulièrement compte tenu du fait que de nombreuses questions sont loin d'être réglées.

Les fonctionnaires de mon ministère ont indiqué qu'une fois la sanction royale donnée, sans égard à la période de 24 heures subséquente, les salaires et la durée de la convention ne peuvent être modifiés. C'est aux parties qu'il incombe de s'entendre sur les autres questions. Les fonctionnaires de Travail Canada sont disposés à aider les parties à en arriver à une entente si ces dernières font appel à eux.

Le sénateur Duffy : Madame la ministre, j'ai reçu un message sur mon BlackBerry d'un dirigeant syndical retraité qui m'a demandé d'attirer votre attention sur une question et de vous demander vos observations. Dans cette mesure législative, les membres des deux Chambres du Parlement ont exprimé des positions très catégoriques à l'égard de ce projet de loi. Cet ancien syndicaliste me signale qu'il s'agit d'une mesure législative qui ne s'applique qu'au secteur fédéral et que la vaste majorité des travailleurs au Canada relèvent des codes du travail de leurs provinces respectives.

Mme Raitt : En effet, la convention collective et la mesure législative s'appliquent aux 45 000 employés de Postes Canada. L'administration fédérale ne représente que 10 p. 100 des employeurs du Canada. Cette proportion est très modeste par rapport à l'ensemble de l'économie, mais elle est primordiale pour la société, car elle englobe les chemins de fer, les transports, les services postaux, les banques et les communications. Toutefois, ce n'est qu'une petite part de l'ensemble de l'économie. Je vous remercie.

(1420)

Le sénateur Cools : Monsieur le président, je tiens d'abord à souhaiter la bienvenue au ministre Fletcher et à la ministre Raitt. Je les remercie de comparaître devant le Sénat.

Ce n'est pas une mince tâche pour les ministres de comparaître devant le Sénat en comité plénier. Vous savez sûrement, monsieur et madame les ministres, que bien des sénateurs sont conscients que ce n'est pas facile. Je vous en remercie et j'admire votre calme.

Je vous remercie également, madame Raitt, de l'ouverture que vous avez manifestée à notre égard et de votre affabilité. Je tiens à le préciser parce qu'il est arrivé bien souvent que des ministres n'ont pas manifesté la même ouverture lorsqu'ils ont comparu devant nous.

Je dois admettre, honorables sénateurs, que je ne m'intéresse pas assez aux conflits de travail et aux fort désagréables mesures forçant le retour au travail. Selon moi, il faut considérer que la situation est un échec quand elle se rend là où elle est actuellement. Comme la guerre est un échec politique, le fait de forcer le retour au travail par une mesure législative constitue un échec des concessions mutuelles qu'exigent les négociations.

Cela ne me plaît pas et n'a rien pour me réjouir. J'ai toujours considéré que les projets de loi de retour au travail étaient des maux nécessaires. J'ai tendance à laisser ces questions à ceux qui sont plus compétents que moi en matière de relations de travail et de conflits de travail. Je fais aujourd'hui exception à cette règle, car j'ai fini par me rendre compte du sentiment extrême de négativisme qui se manifeste en ville au sujet de cette grève et de ce lock-out. J'ai entendu décrire les employés des postes, le gouvernement et la direction de Postes Canada en termes fort déplaisants.

Monsieur le président, je suis un peu plus âgée que bien des sénateurs ici présents. Je me souviens des conflits de travail fréquents, pendant des années et des années, dans le secteur des services postaux. Je me souviens de l'époque où les employés des postes étaient des « postiers » pendant que le ministre portait le titre de « ministre des Postes ». Les conflits de travail sont des problèmes que nous devrions régler le plus équitablement possible.

Je pense notamment au paragraphe 11(2), à la page 4 du projet de loi, qui traite des principes sur lesquels devait se fonder l'arbitre. En voici un extrait :

Pour choisir l'offre finale, l'arbitre se fonde sur la nécessité de conditions de travail qui sont compatibles avec celles de secteurs postaux comparables et qui fourniront à la Société canadienne des postes la souplesse nécessaire à sa viabilité économique et sa compétitivité à court et à long terme [...]

Je n'ai jamais vu une disposition de ce genre. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi les mots « fourniront à la Société canadienne des postes la souplesse nécessaire à sa viabilité économique et sa compétitivité à court et à long termes » devraient figurer dans le projet de loi? La ministre pourrait-elle nous dire si la viabilité économique et la compétitivité à court et à long termes de Postes Canada sont menacées?

Deuxièmement, pourquoi le gouvernement, dans sa grande sagesse, a-t-il jugé bon d'imposer à un arbitre, dont le travail consiste à arbitrer, l'obligation d'accorder une attention extrême à la viabilité et à la compétitivité à court et à long terme de la Société canadienne des postes? Je crois que ces deux problèmes relèvent directement de la direction de la société. Si j'ai mal compris, je suis tout à fait disposée à être remise sur la bonne voie, mais pourquoi une loi doit-elle ainsi imposer à un arbitre une notion telle que la viabilité à court et à long terme de l'organisation?

Mme Raitt : Je vous remercie, madame le sénateur. J'ai également apprécié les commentaires du début de votre intervention. C'est une occasion unique pour moi que de pouvoir m'asseoir dans l'enceinte du Sénat pour discuter de cette question. Bien que je sois heureuse d'être ici et que l'hospitalité du Sénat soit fort agréable, je suis consciente que tout le monde aurait sans doute bien d'autres choses à faire un dimanche après-midi.

Le principe directeur que vous venez d'énoncer tire son origine de ce qui s'est dit à la table de négociation. Les gens du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes vous le diront peut-être aujourd'hui. Ils nous ont indiqué, y compris à moi personnellement, que les avantages dont bénéficient les travailleurs et leur gagne-pain étaient directement liés à la viabilité à court et à long termes de l'entreprise. Ils veulent que Postes Canada soit prospère. Les travailleurs aiment leurs emplois. Ils savent qu'ils sont payés de bons salaires. Ils sont 45 000 à en tirer un bon gagne-pain. Ils soumettent constamment des idées à la direction pour améliorer la compétitivité et la productivité de Postes Canada.

Les deux parties en cause savent très bien qu'indépendamment de la manière employée pour établir la convention collective, il restera des difficultés à surmonter qui sont propres au secteur des services postaux. La quantité de courrier diminue, et il existe des modèles d'affaires et d'autres possibilités qui peuvent être exploités. Tout le monde s'entend là-dessus. Ce fut la partie la plus facile à définir dans les principes directeurs, car les deux parties ont bien franchement à cœur la viabilité économique à court et à long terme. L'arbitre n'aura pas à nous croire sur parole, mais nous pensons qu'en examinant lui-même la situation, il fera le constat nécessaire et choisira l'offre finale en conséquence.

Enfin, je vous dirais qu'il y a lieu de se réjouir du fait que plus de 95 p. 100 des négociations dans l'administration fédérale conduisent à un accord sans qu'il y ait arrêt de travail. C'est une excellente statistique. Il y a de moins en moins d'arrêts de travail au Canada, ce qui augure très bien pour la viabilité économique et la compétitivité du pays. Les parties font beaucoup d'efforts lorsqu'ils négocient pour conclure un accord. Nous en sommes heureux.

Il est malheureux que nous soyons ici aujourd'hui. J'espère que les parties prendront le temps de réfléchir aux styles qu'ils ont employés et qui les ont conduits à la situation actuelle. J'espère qu'ils prendront les moyens pour ne plus jamais en arriver là.

Le sénateur Cools : Si je comprends bien, vous avez une grande confiance dans la viabilité à court et à long terme de Postes Canada.

Mme Raitt : Je crois que les employés et la direction en font leur priorité.

Le président : Je n'ai pas d'autres noms sur ma liste de sénateurs qui veulent poser des questions. Y a-t-il d'autres sénateurs qui souhaitent poser des questions ou faire des interventions au premier tour de table?

Comme il n'y a personne, je cède la parole au sénateur Jaffer pour commencer le deuxième tour de table.

(1430)

Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, je voudrais vous demander de préciser un point. Je vous ai posé une question au sujet des salaires. Dans votre exposé préliminaire, vous avez parlé de modération. J'ai peut-être mal compris, mais j'ai entendu dire que le PDG de Postes Canada obtient un boni de 33 p. 100 sur toute économie réalisée grâce à une réduction des salaires. Pour revenir encore une fois aux principes directeurs, j'ai cru comprendre que le PDG obtient une hausse de salaire de 4 p. 100 en sus du boni de 33 p. 100. Le taux d'inflation est de 3,3 p. 100. Les travailleurs demandaient une augmentation de 2,75 p. 100. Postes Canada a offert 1,9 p. 100, et le gouvernement impose 1,5 p. 100. Pouvez-vous m'expliquer cela, s'il vous plaît?

Mme Raitt : Au sujet de votre première question, madame le sénateur, je n'ai rien à dire au sujet de la détermination des bonis versés à Postes Canada. La société ne relève pas de moi.

Le sénateur Jaffer : J'avais adressé ma question au ministre Fletcher.

Mme Raitt : Pour ce qui est de la seconde question, le choix lié aux hausses prévues à l'article 15 est sans rapport avec ce qui s'est passé à la table de négociation. Les hausses sont plutôt liées à ce qui s'est produit lors de négociations distinctes avec l'Alliance de la Fonction publique du Canada et à ce qui se passe dans le secteur privé. Le nombre que nous avons choisi est sans rapport avec les négociations car, en toute franchise, les hausses proposées à la table faisaient partie d'un ensemble plus vaste d'enjeux qui n'ont pas fait l'objet d'une décision. Nous avons donc décidé de trancher dans le contexte de nos propres paramètres.

Nous n'avons pas inclus une indemnité de vie chère. Cela ne figure pas dans le projet de loi. La question est laissée aux parties, qui pourront la régler dans le cadre de leurs offres finales. Toutefois, les augmentations de base ont été fixées en fonction des raisons que je vous ai données.

M. Fletcher : Pour revenir à votre premier point concernant la rémunération du PDG et des cadres supérieurs, je dois préciser que la décision à ce sujet appartient au conseil d'administration de la société d'État. Le gouvernement n'intervient en aucune façon. Je comprends votre point de vue, et je suis sûr que le conseil d'administration écoutera attentivement toute suggestion que les sénateurs voudront lui présenter.

Le sénateur Ringuette : Je voudrais revenir à la question de la comparaison des pommes et des poires au paragraphe 11(2). Madame la ministre, si vous avez inscrit ces dispositions dans le projet de loi, vous deviez sûrement penser à un certain nombre d'entreprises comparables. Pouvez-vous nous dire quels secteurs postaux directement comparables seront utilisés?

Mme Raitt : Lors de la rédaction du projet de loi, aucune entité particulière n'a été mentionnée quand nous avons exprimé le vœu qu'on examine des secteurs postaux comparables. Toutefois, je voudrais répéter que l'objet du paragraphe 11(2) — fournir des principes directeurs à un arbitre — vise à permettre à celui-ci de comprendre notre point de vue sur les points non réglés à la table de négociation et à le guider quant à la façon dont nous aimerions qu'il aborde ces points. Premièrement, cela relève exclusivement de l'arbitre. Deuxièmement, il ne conviendrait pas que je précise ce que l'arbitre devrait considérer. Nous disons que, d'une façon générale, nous comprenons qu'il y a des problèmes liés aux méthodes de travail, qui sont au cœur du conflit, et qu'il serait utile d'examiner un secteur postal comparable. Si j'étais à la place de l'arbitre, je passerais en revue ce qui existe dans le secteur privé et dans le secteur public d'autres pays. Par ailleurs, l'arbitre pourrait juger qu'il n'existe pas de secteurs postaux comparables et décider de faire la comparaison avec des secteurs différents. Tout cela est bien prévu dans le projet de loi.

Le sénateur Ringuette : Madame, si j'ai bien compris, le projet de loi invite l'employeur et les employés à présenter leurs meilleures offres, et demande à l'arbitre de faire un choix global entre ces offres. Comme cela se fait globalement, et non question par question, quel est l'objet de ce guide comparatif que vous demandez à l'arbitre d'utiliser? Vous ne dites pas « peut se fonder ». Vous dites que « l'arbitre se fonde » sur la nécessité de conditions de travail qui sont compatibles avec celles de secteurs postaux comparables. Vous décrivez donc une troisième option obligatoire puisque cette disposition est imposée à l'arbitre.

Vous dites dans une disposition que l'arbitre peut définir le degré de souplesse nécessaire pour assurer la viabilité économique et la compétitivité à court terme de Postes Canada. Dans une autre disposition, vous dites qu'il n'y a pas de zones grises pour l'arbitre. Il recevra deux ensembles d'offres, un de la direction de la société et un autre du syndicat. Il doit alors choisir l'un des deux ensembles. Encore une fois, quel est l'objet du paragraphe 11(2)?

Mme Raitt : Je vous remercie, madame le sénateur. Vous avez raison de dire que la méthode d'arbitrage que nous avons choisie dans ce cas est le choix de l'offre finale. Chacune des deux parties présentera son offre finale à l'arbitre, qui tranchera. Le gouvernement a fourni des principes directeurs, mais ceux-ci sont transparents et figurent dans la loi. Nous en avons inscrit l'essentiel dans le projet de loi pour que les parties elles-mêmes puissent décider en connaissance de cause du contenu de leur offre finale. Elles peuvent ainsi s'assurer que leur offre s'inscrit dans les lignes directrices que le gouvernement propose à l'arbitre d'utiliser. L'arbitre peut aussi se servir de nombreuses autres lignes directrices. En fait, l'arbitre est tout à fait libre de dire : « Il est impossible de trouver un secteur postal comparable. Par conséquent, je ne peux pas m'inspirer de ce principe. Je vais donc utiliser quelque chose d'autre. » Nous comprenons que c'est une possibilité. C'est la flexibilité inhérente des principes directeurs. Nous aimerions que les offres finales s'inspirent de ces questions particulières parce qu'elles sont au cœur des points de désaccord à la table de négociation. Ce sont les questions qui devraient désormais être prises en considération.

Le sénateur Ringuette : Je comprends. C'est la raison pour laquelle il est encore plus important de préciser les secteurs postaux comparables dont vous parlez, pour la gouverne des deux parties qui doivent présenter leur offre finale. C'est important. Si vous voulez vraiment que les deux parties se servent de ces lignes directrices pour définir leur offre finale, vous devez révéler quels sont ces secteurs postaux comparables. Vous dites qu'on utilisera des secteurs postaux comparables. En fait, si ce n'est pas à l'usage de l'arbitre, si c'est surtout pour permettre aux deux parties d'établir leur offre finale, elles doivent être au courant de ce renseignement. Il faut le leur dire maintenant. Quels sont donc ces secteurs postaux comparables aux yeux des deux entités dont il est question dans le projet de loi?

(1440)

Mme Raitt : Je vous remercie, madame le sénateur, de votre question. Je me réjouis de ne pas être l'arbitre qui sera saisi de ce dossier. Nous avons essayé de faire le maximum.

L'arbitre pourra déterminer lui-même ce qui est approprié, mais ne sous-estimez pas ce que j'ai dit à propos des parties. Celles-ci auront la possibilité, dans leur offre finale, d'indiquer à l'arbitre ce qu'elles considèrent être le secteur postal comparable le plus approprié. Je suis sûre que l'arbitre en tiendra compte et qu'il s'inspirera des lignes directrices et abordera la question sous cet angle. Cela l'aidera à se fonder sur la nécessité d'avoir des conditions de travail qui sont non seulement compatibles avec celles de secteurs postaux comparables mais qui garantiront aussi la souplesse nécessaire à la viabilité économique de l'entreprise. Tout se tient.

Par exemple, c'est l'arbitre qui déterminera quel niveau de souplesse il faut garantir pour assurer la viabilité économique à court et à long terme. Ce sont des choses qu'un arbitre chevronné, qui a l'habitude de prendre des décisions, saura prendre en compte, mais le projet de loi n'est absolument pas prescriptif et n'empêche nullement l'arbitre de prendre les décisions qui lui paraissent appropriées avant de faire son choix final.

Le sénateur Ringuette : Je ne pense pas que nous serons d'accord là-dessus, madame la ministre. Pour terminer, j'aimerais revenir au paragraphe 11(2) qui dit ceci :

[...] qui fourniront à la Société canadienne des postes la souplesse nécessaire à sa viabilité économique et sa compétitivité à court et à long terme [...]

Même si vous n'êtes pas directement responsable du fait que, l'an dernier, la Société canadienne des postes a été privée du privilège exclusif qui lui aurait permis de générer des revenus de 80 millions de dollars vous et votre gouvernement avez, par le fait même, compromis la viabilité à court et à long terme de la société, ainsi que sa compétitivité.

Mme Raitt : Je vous remercie de votre commentaire, madame le sénateur.

Le président : Honorables sénateurs, nous arrivons à la fin de la liste des sénateurs qui voulaient prendre la parole.

Il me reste à remercier, en votre nom, la ministre Raitt et le ministre Fletcher d'être venus nous aider dans notre examen du projet de loi C-6. Je tiens également à remercier tous ceux qui les ont accompagnés. Vous pouvez maintenant quitter cette Chambre.

Honorables sénateurs, je vous propose d'accueillir deux représentants de la Société canadienne des postes : Deepak Chopra, président-directeur général, et Jacques Côté, chef de l'exploitation. Êtes-vous d'accord pour entendre maintenant le témoignage de ces deux personnes?

Des voix : D'accord.

Le président : Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Deepak Chopra, président-directeur général de la Société canadienne des postes, et à Jacques Côté, son directeur des opérations.

Bienvenue au Sénat.

Monsieur Chopra, je vous invite à faire une déclaration liminaire, après quoi, les sénateurs auront sans doute quelques questions à vous poser.

Deepak Chopra, président-directeur général, Société canadienne des postes : Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité. Je m'appelle Deepak Chopra et je suis président-directeur général de la Société canadienne des postes. Je suis accompagné de Jacques Côté, directeur des opérations à la Société canadienne des postes.

(1450)

Monsieur le président, nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître devant vous à titre de représentants de Postes Canada. Toutefois, nous regrettons profondément les circonstances qui nous amènent ici. Nous sommes déçus que Postes Canada n'ait pu conclure une entente avec le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Nous avions réussi à négocier des ententes avec le STTP depuis 1997, mais les circonstances financières et la réalité du marché que nous connaissons aujourd'hui sont fort différentes de ce qu'elles étaient par le passé.

Ne pouvant accepter le lourd fardeau financier à long terme que proposait le syndicat, nous avons épuisé toutes les options dont nous disposions pour mettre fin à cette impasse. Nous avons négocié patiemment même durant les 12 jours de grèves tournantes qui ont eu des effets catastrophiques sur notre entreprise au début du mois.

Postes Canada dirige le plus vaste réseau de transport et de logistique au pays. Tous les éléments du réseau sont intégrés et interdépendants. Patiemment, nous avons dirigé nos activités de notre mieux, même lorsque d'importants marchés comme Winnipeg, Montréal et Calgary étaient ciblés.

Outre les difficultés logistiques causées par les grèves tournantes, nos pertes financières s'accumulaient. Les clients ont cessé d'envoyer du courrier ou ont trouvé des solutions de rechange. Durant cette période de grèves tournantes, Postes Canada et le STTP restaient divisés sur plusieurs questions fondamentales. Aucun progrès n'était réalisé à la table de négociations.

Postes Canada a l'obligation de fournir un service postal abordable aux Canadiens — non seulement dans un avenir prévisible, mais pour plusieurs décennies. Les défis immédiats de Postes Canada ont été bien documentés. Le volume de courrier a chuté de 17 p. 100 par adresse depuis 2006, et la caisse de retraite de l'entreprise accuse un déficit de solvabilité de 3,2 milliards de dollars.

À mesure que le marché et la concurrence évoluent, nous nous efforçons de suivre le rythme en investissant dans notre réseau partout au pays. Nous investissons présentement 2 milliards de dollars pour veiller à ce que notre infrastructure réponde aux besoins futurs. Nous examinons le coût de nos ressources humaines dans la même optique, c'est-à-dire à long terme. C'est en gardant ces considérations à l'esprit que Postes Canada a proposé des changements pour nos futurs employés. Aux termes de notre dernière proposition, les nouveaux employés recevront tout de même des salaires supérieurs à ce qu'offrent les autres entreprises de logistique et de livraison. Ils pourront toujours bénéficier d'un régime de pension à prestations déterminées et pleinement indexé à l'âge de 60 ans.

Bien que nous ayons proposé une nouvelle entente pour nos nouveaux employés, c'est de nos employés actuels que j'aimerais parler aujourd'hui. Au début des négociations, nous avions promis de ne pas régler les problèmes de viabilité de l'entreprise à leurs dépends. Nous tenons cette promesse. Nous croyions parvenir à une entente négociée parce que nous avions promis de garder nos effectifs entiers. Nous avons offert d'augmenter leurs salaires, de protéger leur régime de pension à prestations déterminées et pleinement indexé et de maintenir leur sécurité d'emploi. Nos employés travaillent beaucoup et méritent la rémunération qu'ils reçoivent. Nous devons apporter des changements, mais ce ne sera pas à leur détriment.

Nous savons très bien l'impact que ce long processus a eu sur les Canadiens et, évidemment, sur nos propres employés. Lorsque j'ai joint les rangs de la société d'État en février dernier, j'ai passé ma première journée de travail avec les dirigeants de tous nos syndicats, y compris le STTP. Je suis très conscient du travail qui nous attend, et je leur ai fait part de mon désir de travailler avec eux pour assurer le succès de Postes Canada, pour le bien des générations futures de Canadiens.

Nous nous efforçons constamment de trouver un juste équilibre entre les besoins conflictuels de nos intervenants. Les contribuables canadiens ne veulent pas que Postes Canada devienne un fardeau pour eux; nos clients ne veulent pas que nous épongions les coûts supplémentaires en augmentant les prix. Nous devons protéger les salaires et les avantages sociaux, y compris le régime de pension à prestations déterminées de nos employés actuels, tout en restant compétitifs dans un marché en évolution. Or, nous devons aussi assurer la viabilité financière à long terme de Postes Canada.

Ce sont, bien sûr, des décisions difficiles à prendre, et les Canadiens s'attendent à ce que les dirigeants de Postes Canada agissent de façon responsable. Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.

Le président : Je vous remercie de votre déclaration liminaire.

Monsieur Côté, voulez-vous ajouter quelques commentaires avant que nous passions aux questions et interventions?

Jacques Côté, chef de l'exploitation, Société canadienne des postes : Non, je vous remercie.

Le président : Honorables sénateurs, j'inviterais le sénateur Downe à prendre la parole.

Le sénateur Downe : J'aimerais poser une question au PDG. Vous êtes embauché par le Cabinet, n'est-ce-pas? Vous avez été nommé par le gouverneur en conseil?

M. Chopra : J'ai été nommé par le gouverneur en conseil, mais le conseil d'administration a mené le processus de recrutement.

Le sénateur Downe : Oui, mais c'est le Cabinet, par l'entremise du gouverneur en conseil, qui a donné l'approbation finale de l'embauche?

M. Chopra : C'est avec le conseil d'administration que j'ai eu des échanges, dans le cadre du processus de recrutement.

Le sénateur Downe : Votre salaire a été déterminé selon une grille salariale du gouverneur en conseil également?

M. Chopra : C'est exact.

Le sénateur Downe : Le gouvernement vous-t-il donné des directives ou des indications voulant que les restrictions salariales qui touchent maintenant l'ensemble de la fonction publique devaient s'appliquer à vous et aux autres cadres supérieurs de Postes Canada?

M. Chopra : Non.

Le sénateur Downe : Si cela avait été le cas, les auriez-vous acceptées de bonne foi en sachant que c'est ce qui se fait à peu près partout au gouvernement?

M. Chopra : Les structures salariales des unités de négociations de Postes Canada sont établies dans le cadre du processus de négociation. Celle de la direction est établie en fonction des recommandations faites par la direction au conseil d'administration. C'est le processus que nous suivons, en tenant compte de la viabilité à long terme de l'entreprise.

Le sénateur Downe : Toutefois, vous savez très bien ce qui se passe partout au gouvernement. Un gel a été imposé dans certains secteurs, notamment pour les parlementaires. D'autres font l'objet de certaines restrictions, comme la ministre du Travail l'a mentionné, dont des limites de 1,5 p. 100, comme le prévoit le projet de loi dont nous sommes saisis.

Si le gouvernement vous le demandait, vous accepteriez volontiers, si je comprends bien, qu'une limite de 1,5 p. 100 soit imposée à la haute direction de Postes Canada?

M. Chopra : Comme je l'ai dit tout à l'heure, la rémunération des cadres est assujettie à l'approbation du conseil d'administration. Ce processus sera maintenu. Je suis, bien sûr, au courant des contraintes imposées partout au pays, que ce soit dans le secteur privé ou le secteur public. Je lis les journaux et j'ai probablement la même information que vous. Ce facteur entre certainement en ligne de compte lorsque nous présentons nos recommandations au conseil d'administration. Chose plus importante, toutefois, nous devons nous assurer d'attirer et de retenir les gens les plus talentueux et de garder la société d'État viable.

Le sénateur Downe : Comme vous l'avez dit, vous formulez des recommandations sur les hausses salariales de la haute direction. À titre de PDG, je présume que vous présentez aussi des recommandations au conseil d'administration pour ce qui est des primes offertes aux hauts dirigeants?

M. Chopra : En ce qui concerne les primes, je ne peux parler de ce qui s'est fait par le passé puisque je suis entré en fonction en février 2011. Toutefois, ce serait dans l'ordre des choses, puisque la direction a des objectifs, qui sont établis au début de l'année, entre autres. Un processus d'évaluation a lieu à la fin de l'année. Plusieurs facteurs sont alors pris en compte, de même que les objectifs fixés au début de l'année. Pour ce qui est de la haute direction, le PDG présente des recommandations au conseil d'administration.

Le sénateur Downe : Je présume qu'à titre de PDG de la société d'État, où chacun doit travailler à la réalisation du même objectif, à savoir fournir le meilleur service possible au plus bas coût, vous avez tout intérêt à ce que les restrictions que le gouvernement impose partout dans ses institutions ne s'appliquent pas seulement aux salaires, mais aussi aux primes. Si le gouvernement vous le demandait, vous accepteriez certainement cette mesure et vous la recommanderiez au conseil d'administration, à titre de PDG?

M. Chopra : Je vais vous donner la même réponse : mes échanges se font avec le conseil d'administration, et c'est à lui que je rends des comptes. Le gouvernement ne nous donne pas directement de directives sur la façon de mener nos activités courantes. Lorsque le moment sera venu d'analyser le rendement annuel des cadres supérieurs, je présenterai mes recommandations au conseil d'administration, en tenant compte de plusieurs facteurs.

(1500)

Les mesures d'austérité du gouvernement sont un facteur, mais il faut tenir compte de bien d'autres aspects pour avoir une équipe capable de livrer des résultats, comme c'est le cas pour toute société qui essaie d'établir un juste équilibre entre des priorités concurrentes.

Le sénateur Segal : Je tiens à remercier M. Chopra et son chef de l'exploitation de se joindre à nous aujourd'hui pour nous aider à examiner ce projet de loi.

Si vous le permettez, je voudrais m'adresser à vous en tant que dirigeant possédant une vaste expérience dans ce secteur. Plus précisément, je pense à votre brillante carrière chez Pitney Bowes où vous étiez chargé à la fois de l'Amérique latine et du Canada. Dans le secteur de la logistique, il est évident que la technologie, ainsi que les taux de rémunération comparatifs, la nécessité de trouver des dirigeants compétents pour des champs d'activité vraiment complexes et, bien entendu, les autres questions comme le coût de l'énergie, représentent d'importantes contraintes et possibilités.

Comme vous le savez, au Canada, les sociétés d'État sont là pour occuper des créneaux qui autrement ne le seraient pas. Quand un grand nombre de ces sociétés ont été créées par le passé — et rares sont celles qui sont aussi anciennes que Postes Canada, du moins compte tenu de son statut à la fois de ministère et de société d'État — il y avait une énorme lacune à combler sur le marché. Le secteur privé ne jouait aucun rôle dans le secteur en question.

On peut dire sans exagérer, je crois, qu'il y a eu des changements au niveau de cette lacune et de la concurrence, ce qui n'est pas très différent de la situation à laquelle vous avez été confronté chez Pitney Bowes face à sa concurrence mondiale, dans ce contexte.

Une bonne partie de l'anxiété exprimée au cours des débats à l'autre endroit tournait autour de l'idée que le gouvernement n'essayait pas vraiment de présenter une loi de retour au travail équitable en confiant à un arbitre un rôle important pour clarifier la situation parce que la direction et le syndicat n'ont pas réussi à le faire, et cela peut-être malgré des efforts sincères des deux côtés. On craignait plutôt que le gouvernement ne cherche secrètement à se débarrasser de Postes Canada comme instrument public parce qu'il croit que le secteur privé peut prendre sa place de façon plus efficace.

Compte tenu de votre expérience dans le secteur privé, et maintenant comme dirigeant très compétent de Postes Canada, pourriez-vous nous faire part de votre opinion au sujet de certaines de ces questions? Je sais que vous ne pouvez pas communiquer certains renseignements dans cette tribune. Néanmoins, en tant que PDG, votre point de vue au sujet de votre situation future par rapport à la concurrence nous serait très utile pour l'examen de ce projet de loi.

M. Chopra : Je vous remercie de poser cette question. C'est une question pertinente et très complexe à laquelle sont confrontées les administrations postales du monde entier. Nos voisins du sud ont des défis intéressants à relever en ce qui concerne l'évolution du comportement des consommateurs, surtout en ce qui concerne le courrier.

D'un côté, sénateur, nous voyons les services substitutifs électroniques commencer à se répandre à un rythme beaucoup plus accéléré que ce n'était le cas au cours de la dernière décennie. Il y a eu beaucoup d'expérimentation depuis l'avènement des sites web. Un grand nombre d'entreprises expérimentales ont essayé d'établir des entreprises en ligne et elles ont maintenant pris beaucoup plus de maturité. Le secteur de la publicité a évolué à un tel point que la publicité en ligne et dans les médias sociaux devient viable pour remplacer la publicité imprimée traditionnelle

D'un autre côté, la partie traditionnelle de nos activités, qui nous a permis de prendre de l'expansion et de fournir des services à tous les Canadiens à un taux uniforme, n'a jamais été aussi attaquée qu'elle ne l'est maintenant.

Si nous prenons les autres aspects de nos activités comme les colis, les envois et les autres segments, ces secteurs sont maintenant confrontés à une concurrence mondiale. Nos concurrents utilisent des technologies et des capacités différentes et la concurrence repose sur des bases différentes. C'est également ce qui nous guide. Si nous prenons nos trois secteurs, il s'agit actuellement du courrier transactionnel, du publipostage direct et des colis. Nous faisons face à une concurrence très forte tant de la part des modèles traditionnels que des technologies émergentes.

Si le Canada était seul à se trouver dans cette situation, nous pourrions peut-être l'aborder dans une optique particulière. Nous vivons maintenant dans un environnement mondial et ceux qui rejoignent les consommateurs canadiens par la publicité n'opèrent peut-être même pas dans le marché canadien. Par conséquent, nous nous attendons à connaître des moments difficiles.

Depuis les dernières négociations avec le STTP, en 2007, le monde a évolué. Le monde a changé énormément à la suite de la crise financière. Tel était le contexte des négociations au cours desquelles nous aurions pu faire le point, avec le syndicat, sur la situation dans laquelle nous nous trouvons. C'est dans cet état d'esprit que nous avons agi.

Je dirais surtout que, même dans le contexte de tous les défis dont je vous ai parlé, nous sommes partis du principe que si nous pouvions préserver tous les avantages pour les employés actuels, y compris les régimes de pension à prestations déterminées, offrir des hausses de salaire et préserver la sécurité d'emploi, nous allions pouvoir le faire sur une plus longue période. Ces changements structurels ne peuvent pas être réalisés du jour au lendemain. Les décisions que nous prenons aujourd'hui au sujet des pensions et le reste, auront des répercussions pendant des décennies.

C'est effectivement une situation complexe dont nous avons parlé longuement avec le syndicat, y compris moi-même et mon directeur de l'exploitation. Tel est l'avenir que je prévois pour le marché.

Le sénateur Segal : Pourrais-je vous poser la question inverse? Il y a quelques années, j'étais à l'emploi de Sa Majesté quand Postes Canada a fait l'acquisition de Purolator. À l'époque, les opposants à cette acquisition ont fait valoir qu'il y avait déjà des entreprises sur le marché, à savoir UPS et FedEx, alors pourquoi acheter et ajouter Purolator à Postes Canada? Je crois que l'honorable Harvie Andre, qui était ministre à l'époque, et la direction de Postes Canada pensaient qu'il s'agissait d'une acquisition importante pour préserver notre part du marché. On me dit que maintenant, Purolator contribue largement à la trésorerie de la société.

L'actionnaire vous impose-t-il des limites ou des contraintes en ce qui concerne les autres acquisitions tactiques ou stratégiques qui pourraient être souhaitables — en fonction de leurs avantages, bien entendu — et que vous pourriez analyser et évaluer pour que Postes Canada puisse continuer à servir le public à l'avenir?

M. Chopra : Merci, sénateur. C'est une excellente question. Elle comporte deux parties dont la première concerne Purolator. S'il est un élément d'actif important pour nous si nous voulons développer le commerce électronique, je pense que c'est Purolator, surtout compte tenu de la baisse du volume des lettres dont j'ai parlée dans ma déclaration préliminaire. Le marché des paquets et des colis est concurrentiel et Purolator est un élément important qui nous aidera à nous maintenir à flot. En fait, nous espérons tirer des revenus et des dividendes de cet investissement.

Votre deuxième question porte sur les contraintes. Je n'ai pas encore eu l'occasion jusqu'ici d'établir un plan d'exploitation pour les cinq prochaines années, mais je vais y travailler avec mon équipe. Malheureusement, la situation actuelle nous impose des pressions encore plus grandes. Nous allons examiner toutes ces options avec notre conseil d'administration et les services concernés .

Le sénateur Mercer : Messieurs, bienvenue au Sénat. Nous apprécions votre présence ici. Je sais que vous avez été occupés.

Nos témoins précédents, le ministre Fletcher et la ministre Raitt, avaient un certain nombre de choses à dire. M. Fletcher, en particulier, a déclaré que cette situation survient à un moment critique pour la Société canadienne des postes. J'ai été étonné de l'entendre dire qu'il n'avait pas rencontré la haute direction. M. Fletcher est nouveau à ce poste.

Avez-vous rencontré le ministre, M. Fletcher, depuis qu'il a été nommé au Cabinet pour superviser les sociétés d'État?

M. Chopra : Oui, je l'ai rencontré.

Le sénateur Mercer : Dans ce cas, j'ai dû mal comprendre ce qu'a dit M. Fletcher. Si c'est le cas, je lui présente mes excuses.

Quelle a été la fréquence de vos entretiens avec le ministre?

M. Chopra : Je ne l'ai pas rencontré souvent. Il y a eu une première réunion pour me présenter après la nomination du ministre Fletcher.

(1510)

Le sénateur Mercer : Le ministre Fletcher a effectivement dit que cela arrivait à un moment critique et que vous étiez à la croisée des chemins, comme nous l'avons entendu. Si tel est le cas, pourquoi imposer un lock-out? Nous comprenons que les grèves tournantes avaient un effet; c'est le but recherché, du point de vue du syndicat. Toutefois, le courrier était livré, même si ce n'était pas aussi rapidement que normalement ou aussi efficacement qu'auparavant; nous comprenons tous cela. Toutefois, il y avait encore des recettes qui rentraient et le produit continuait de circuler partout au pays.

Je ne comprends pas pourquoi vous en êtes arrivés à cette décision de mettre les employés en lock-out alors que c'était, comme l'a dit le ministre Fletcher, un moment critique pour la Société canadienne des postes.

M. Chopra : C'est une question à laquelle nous avons consacré beaucoup de temps. Comme c'est le cas pour la plupart des décisions à Postes Canada, rien n'est facile; rien n'est tranché. Des circonstances complexes nous ont amenés à prendre ces décisions.

Permettez-moi de vous donner trois critères en fonction desquels j'ai évalué cette décision, en collaboration avec mes cadres supérieurs. Le premier critère était la question de savoir si le réseau pouvait continuer à fonctionner. Le réseau de Postes Canada constitue le plus grand réseau en matière de logistique au pays. Quelqu'un peut poster une lettre à Flin Flon, Manitoba, mais elle peut transiter par n'importe quel des 192 pays de la Convention postale universelle et franchir des étapes multiples, comme nos installations de tri internationales de Vancouver et de Toronto. Par conséquent, le réseau est hautement complexe.

Étant donné que le nom de la ville touchée par la grève tournante s était annoncé avec seulement quelques heures d'avis, il nous était très difficile de planifier le transport. Nous avons des avions en attente et 7 000 véhicules sur les routes en tout temps. Nous avons toléré ces grèves pendant 12 jours, et des grandes villes étaient touchées et nous devions nous adapter à ces situations. Il était de plus en plus difficile de fournir un service fiable et prévisible, même s'il n'était pas toujours prévisible, et de garder l'infrastructure en bon état. Le réseau était un des critères.

Le dernier jour des grèves tournantes, nous avons appris que les villes de Toronto et de Montréal allaient être touchées. Entre 60 et 70 p. 100 du courrier national provient de ces deux plaques tournantes, et les répercussions en aval de cette situation auraient été énormes. Nous avons continué aussi longtemps que nos avons pu le faire. C'était là une des dimensions.

Le deuxième critère était les pertes financières. Nous avons commencé à voir un changement soudain dans le comportement de nos clients; ces derniers ont commencé à être préoccupés par le fait que s'ils utilisaient la poste et que le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes décrétait une grève générale, leur courrier serait prisonnier du système. Nous avons des clients qui expédient par la poste des abeilles, des poussins et d'autres produits périssables. Si ces produits étaient restés pris dans notre système, les conséquences auraient été désastreuses.

Par conséquent, les pertes financières commençaient à s'accumuler au fur et à mesure que les clients ont commencé à utiliser d'autres solutions que le système postal parce qu'il n'était plus fiable ni prévisible.

La troisième dimension que j'ai prise en compte était l'évolution des négociations. Si les négociations avaient progressé mieux que prévu et dans la bonne direction, nous aurions examiné cette décision sous un angle très différent. Cependant, nous ne pouvions pas voir d'ouverture en ce qui concerne les questions structurelles qui ont été présentées au STTP.

Lorsqu'on met tous ces éléments ensemble, ils laissent entrevoir une entreprise qui ne va nulle part, en perte de vitesse. Pourtant, la masse salariale pour tous les employés était encore intacte, alors, nous avons dû prendre la décision très difficile et très douloureuse d'essayer de forcer le syndicat à commencer à examiner nos propositions et à discuter de manière plus sérieuse. Sinon, on aurait pu avoir plus de grèves tournantes, et peut-être une grève générale qui aurait duré tout l'été. Il est important que nous puissions offrir à nos clients un service prévisible et une certaine assurance qu'ils peuvent compter sur le réseau postal.

Le sénateur Mercer : Je suppose que la dernière raison n'a pas très bien fonctionné; vous n'avez pas amené le syndicat à bouger beaucoup, ce qui nous amène à la situation que nous avons aujourd'hui.

J'ai entendu dans un discours prononcé ici plus tôt aujourd'hui qu'au cours des dernières années, Postes Canada a licencié des travailleurs, jugeant que le poste des personnes en question était redondant ou trouvant d'autres raisons pour mettre fin à l'emploi de personnes qui s'approchent de l'âge de la retraite. Avez-vous une idée du nombre d'employés proches de la retraite qui ont été licenciés par Postes Canada au cours des dernières années? Combien d'argent la société a-t-elle économisé grâce à cette pratique?

M. Chopra : Permettez-moi de répondre à la première partie de votre question, et je demanderai à M. Côté de fournir plus de détails.

Les employés liés par une convention collective bénéficient de la sécurité d'emploi, alors, pour autant que je sache, il n'y a pas eu de licenciement d'employés couverts par une convention collective.

Depuis la crise financière de 2007-2008, et les répercussions que nous avons commencé à voir en 2008-2009, la direction a pris plusieurs mesures pour limiter les coûts et réduire la structure de coûts partout où c'était possible. Je ne suis pas au courant de situations où des employés qui étaient proches de la retraite ont été licenciés, mais je vais demander à mon collègue de fournir des détails.

M. Côté : Pour revenir à ce que disait M. Chopra, durant la récession de 2009, Postes Canada a enregistré une baisse des recettes de 500 millions de dollars cette année-là. Pour rester concurrentielle, la société a dû prendre des mesures sur un certain nombre de fronts. Dans le cadre de ce processus, Postes Canada a réduit les postes de cadre de 15 p. 100; ainsi, les licenciements ont eu lieu uniquement au niveau de la gestion. En ce qui concerne le syndicat, la seule chose qui est arrivée, c'est que des gens ont pris leur retraite; en d'autres mots, ce sont des départs naturels et ces gens n'ont pas été remplacés.

On a posé plus tôt une question sur les augmentations de salaire. Par exemple, l'an dernier, les cadres ont eu droit à une augmentation de salaire de 1,5 p. 100 et les employés syndiqués, à une augmentation de 2,75 p. 100. De plus, tous les nouveaux gestionnaires ont un régime à cotisation déterminée et non un régime à prestations déterminées.

À Postes Canada, la gestion prend des mesures depuis un certain nombre d'années pour réduire les coûts et s'assurer que la société demeure rentable. Nous n'essayons pas d'assurer la rentabilité de Postes Canada aux dépens des employés syndiqués, mais nous examinons tous les aspects de la société pour nous assurer qu'elle demeure rentable.

Le sénateur Mercer : À ce sujet, pour aller dans la même veine que le sénateur Downe, vous dites qu'il y a eu une augmentation de salaire de 1,5 p. 100 pour les cadres au cours de cette période. Est-ce que cela comprend les primes?

M. Côté : Les primes ne sont pas augmentées. Elles sont souvent payées en fonction du salaire.

Le sénateur Mercer : Cependant, si vous accordez à un employé de la gestion une augmentation de 1,5 p. 100, il recevra également, s'il y a droit, une prime qui s'ajoute à cela, n'est-ce pas?

M. Côté : Cela dépend en fait du rendement de la société.

Le sénateur Mercer : J'en conviens, mais il reste que plusieurs de vos cadres touchent des primes en plus de l'augmentation de 1,5 p. 100.

M. Côté : Oui, c'est exact. Les primes étaient moins élevées l'an dernier que l'année précédente.

Le sénateur Carstairs : Je me soucie énormément du tissu social du pays, et je suis préoccupée par l'écart qui se creuse entre la direction et la main-d'œuvre sur le plan de la rémunération. Pouvez-vous me dire quel est le salaire moyen des cadres supérieurs de Postes Canada et quel est celui des employés?

M. Chopra : Tout à fait. L'écart qui se creuse est certainement une question qui se pose à l'échelle nationale. Je demande cependant à mon collègue de répondre à la question portant sur les employés syndiqués de la Société canadienne des postes. Pour la direction, je n'ai pas le chiffre sous la main, puisqu'il existe différents niveaux de gestionnaires.

(1520)

M. Côté : Le salaire des employés de première ligne est d'environ 66 000 $ par année, avantages sociaux compris.

Le sénateur Carstairs : Cela ne me dit pas quel est leur salaire. Mais l'écart salarial entre les patrons et eux est-il considérable? Chez les multinationales, par exemple, le ratio entre le salaire le plus élevé et celui des travailleurs, qui était de 40, est passé à 80 ou 90 et, parfois, bien au-dessus de 150. À Postes Canada, cet écart est-il considérable?

M. Chopra : Permettez-moi de répondre à l'intérieur du contexte que vous venez d'évoquer. La structure des salaires de la haute direction et du président-directeur général de Postes Canada ne ressemble en rien à celle qui existe dans le privé. Les salaires de la haute direction et de la direction en général sont beaucoup plus bas que dans les grandes sociétés et les multinationales dont vous parlez. En ce qui concerne les actions et les autres récompenses offertes aux employés, rien de tel n'existe dans les sociétés d'État. J'affirmerais volontiers qu'aucun des ratios que vous avez mentionnés ne ressemble à ceux qui existent à la Société canadienne des postes.

Le sénateur Carstairs : Apparemment, Postes Canada a offert à ses employés une augmentation salariale de 1,9 p. 100. Vous devez donc savoir ce qu'il lui en aurait coûté et combien la société économisera grâce à la loi, qui fixe l'augmentation à 1,75 p. 100.

M. Chopra : L'offre de Postes Canada ne portait pas seulement sur un point. Elle portait sur un ensemble de nombreux éléments dont la valeur totale, à notre avis, était juste et équilibrée.

Quant au projet de loi, aux salaires et à l'offre, aucune comparaison n'est possible, parce que les décisions que nous prendrons ensuite s'inspireront de ce que nous avons élaboré plus tôt, indépendamment de la loi. Impossible d'établir une comparaison entre seulement deux éléments analogues, parce que notre offre est complexe et comporte de multiples facettes.

Le sénateur Carstairs : Je n'obtiens pas beaucoup de réponses claires.

Ma dernière question concerne le choix de l'offre finale, l'objet des articles 8 à 13 du projet de loi. J'étais députée à l'assemblée du Manitoba quand ce choix lui a été présenté. Je dois avouer que les employeurs, les employés et, par conséquent, les syndicats ont avancé des arguments également convaincants. Comment votre société considère-t-elle le choix de l'offre finale, en vertu duquel l'arbitre ne peut faire qu'un choix?

M. Chopra : Madame le sénateur, nous n'avons aucune influence ni opinion sur la teneur et le libellé du projet de loi. Nous utiliserons les moyens qu'il nous accorde pour le bien de la société.

Le sénateur Jaffer : M. Chopra, quand le projet de loi sera adopté par le Parlement, vous aurez beaucoup de pain sur la planche en ce qui concerne les rapports entre la direction et les employés, les gens avec qui vous travaillez. Qu'envisagez-vous pour les réconcilier?

M. Chopra : Je peux vous assurer que je ne suis pas seul à prendre au sérieux les relations avec les employés. Mon équipe de gestionnaires est avec moi. La société a connu, depuis 1997, une longue période de négociations très fructueuses et réussies. L'issue des dernières négociations ne nous permet pas de nous vanter d'un bilan semblable.

J'aimerais parler des relations avec les employés dans son sens holistique. Au bout du compte, quand nous parlons à nos employés, ils tiennent aux mêmes choses que nous : des clients heureux et l'avenir assuré à long terme, et ils peuvent tous, à mon avis, comprendre cela.

Nous concentrerons nos énergies sur la poursuite du dialogue entrepris bien avant mon arrivée. Toute l'équipe de gestionnaires consacre de nombreuses heures, chaque année, à visiter les employés de première ligne et à discuter avec eux. Même dans la courte période pendant laquelle j'ai occupé mon poste, j'ai consacré beaucoup de temps aux employés. Finalement, ce qu'ils veulent, c'est travailler fort et bien et que leur travail soit reconnu. Au fond, nous avons tous les mêmes besoins humains. Pour maintenir le cap, il faudra plus d'efforts et plus de temps après le retour au travail, parce que les circonstances sont différentes.

C'est certainement ma priorité et celle de mes gestionnaires.

Le sénateur Jaffer : Je suis réconfortée de vous entendre parler de besoins et du point de vue humains. Comme vous pouvez sans doute vous en douter, nous avons reçu de nombreuses lettres. Je n'ai personnellement rien à dire sur votre rémunération, mais, d'après ces lettres, vous obtiendrez une augmentation de 4 p. 100, plus une prime de 33 p. 100. Je ne vous demande pas de répondre à cela. Toutefois, pour un employé, le taux d'inflation est de 3,3 p. 100. Les employés voulaient 2,75 p. 100 d'augmentation, et vous leur avez consenti 1,9 p. 100. Vous avez expliqué au sénateur Carstairs que cette offre faisait partie d'un ensemble. Je comprends.

Ils se retrouvent maintenant avec 1,5 p. 100. La difficulté, pour vous, c'est d'expliquer cela aux employés, du point de vue des besoins humains.

M. Chopra : Nous avons du pain sur la planche. Nous devrons consacrer beaucoup d'efforts à nos relations avec nos employés et, notamment, à leur expliquer l'équilibre complexe auquel j'ai fait allusion dans mes remarques liminaires. D'une part, les contribuables canadiens ne veulent pas que nous soyons un boulet pour eux; d'autre part, nos clients ont maintenant de nombreux choix, de sorte qu'ils ne veulent pas payer davantage. Il y a aussi nos employés actuels dont nous voulons préserver les avantages, les salaires et le régime de retraite à prestations déterminées.

Dans tout ce faisceau complexe de décisions que nous devons prendre, nous avons bon espoir, quand nous leur présenterons les faits, qu'ils comprendront ce qu'il faut faire pour la viabilité à long terme. En fait, beaucoup d'employés m'ont transmis par écrit des idées sur le genre d'activités que nous devrions entreprendre et comment nous pouvons améliorer le service à la clientèle. Nous devons poursuivre ce que nous avons entrepris et faire en sorte d'être disponibles, particulièrement pour les employés de première ligne, afin de parler d'avenir. La plupart des gens sont motivés, quand ils travaillent pour une société qui a de l'avenir. Le contraire serait plus difficile à expliquer aux employés que les moyens de lui aménager un avenir prometteur.

Le sénateur Jaffer : On a discuté de beaucoup de choses. Normalement, si nous avions eu plus de temps pour étudier le projet de loi, cela nous aurait permis de vous poser plus de questions. Cependant, nous avons l'impression qu'il y aura deux niveaux d'employés : le premier est constitué de jeunes employés, dont le régime de pension sera moins généreux que celui des employés qui sont là depuis une certaine date. Bien sûr, les jeunes gagnent moins, mais ils n'auront pas la chance, ultérieurement, de gagner autant. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?

M. Chopra : Le principe auquel nous avons voulu obéir, c'était de préserver les salaires, les avantages sociaux et le régime de retraite à prestations déterminées des employés actuels.

(1530)

Dans le monde des affaires, il faudra toujours faire des choix. Aussi difficile que ce soit, il n'est pas inhabituel qu'un employé qui commence à travailler dans une entreprise ait quelques échelons à franchir avant de parvenir au maximum de l'échelle salariale. Nous croyons que cela nous permet de protéger les avantages sociaux et les salaires des employés qui ont créé une entreprise prospère et qui font partie de cette entreprise depuis de nombreuses années.

Il faut atteindre un équilibre. Je peux vous assurer que les offres visant les nouveaux employés sont très concurrentielles et incluent un régime de pension à prestations déterminées pleinement indexées, ce qui est de plus en plus difficile à offrir dans le secteur privée, dans d'autres sociétés d'État et dans d'autres services postaux ailleurs dans le monde.

C'est une question d'équilibre, mais nous croyons que cela nous donnera une structure salariale concurrentielle pour les nouveaux employés qui feront évoluer la société d'État au cours du prochain quart de siècle.

Le sénateur Ringuette : M. Chopra et M. Côté, je suis une ancienne employée de Postes Canada et je crois que cette société est un joyau, mais que nous ne l'avons pas suffisamment soutenue pour assurer un avenir sûr à ses employés, bien sûr, mais à l'ensemble de nos concitoyens également.

Dans votre allocation d'ouverture, vous avez déclaré que votre offre se comparaît à ce qui se fait dans d'autres entreprises de logistique et de livraison. Quelles sont ces autres entreprises avec lesquelles vous comparez votre offre?

M. Chopra : Ce n'est pas une entreprise précise. Nous sommes en concurrence avec d'autres entreprises dans différents secteurs. Dans la livraison des colis, nous sommes en concurrence avec diverses entreprises. Notre secteur du marketing direct est en concurrence avec d'autres entreprises. Il y a des entreprises mondialisées actives dans la livraison des colis. Si on compare à l'ensemble des entreprises, nous croyons que notre offre serait concurrentielle à tous points de vue.

Le sénateur Ringuette : Vous jugez que votre offre, avec une augmentation de salaire de 1,9 p. 100, était comparable à ce qui est offert dans d'autres entreprises de logistique et de livraison au Canada?

M. Chopra : Je tiens à préciser qu'au départ, nous voulions protéger les salaires et les avantages sociaux de nos employés actuels, ce qui inclut un régime de pension à prestations déterminées pleinement indexées. Notre offre visait les futurs employés de Postes Canada. En préparant notre offre, nous voulions qu'elle soit concurrentielle, ce qui nous permettrait d'attirer des employés talentueux et des employés qui peuvent accepter une proposition concurrentielle.

Le sénateur Ringuette : Vous avez indiqué que les deux parties s'étaient entendues sur le fait que la sécurité d'emploi ferait nécessairement partie de l'offre. Je suppose que les heures de travail et la semaine de travail n'étaient pas en cause. Je ne prévois aucune modification considérable des conditions de travail.

M. Chopra : Comme vous le savez, la négociation collective est un processus des plus complexes; plusieurs demandes provenant autant du syndicat que de la direction demeurent en instance. Il y a beaucoup d'aspects au processus. Il n'était pas facile de stipuler ce qui avait été convenu ou non.

Le sénateur Ringuette : Permettez-moi de reformuler ma question. Quelles sont les questions en instance? Le public a appris qu'il était question du régime de pensions, mais quelles sont les questions en instance, au juste?

M. Chopra : Malheureusement, comme je l'ai mentionné, il demeure plusieurs questions en instance des deux côtés. Notre négociateur en chef serait bien mieux placé pour entrer dans les détails que moi, mais je peux vous dire qu'il y avait beaucoup plus qu'une poignée de questions qui auraient pu être réglées en trouvant un terrain d'entente. Il y avait des dizaines de revendications du syndicat toujours en instance.

Le sénateur Ringuette : Des dizaines?

M. Chopra : Oui.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous des exemples?

M. Côté : Il y avait plusieurs questions liées au taux d'employés permanents par rapport à l'effectif total et au pourcentage de couverture des itinéraires. Ce sont des questions techniques se rapportant à la façon dont les itinéraires sont établis et mesurés. Il y avait également des questions liées à la livraison de médiaposte avec adresse en gros format. Ce sont des questions qui reviennent souvent. Elles sont plutôt techniques et difficiles à décrire.

Plus tôt dans le processus, le syndicat avait demandé de convertir plus de boîtes postales communautaires en livraison à domicile. Au début des négociations, le déneigement et l'aménagement paysager étaient également sur la table.

Toutes ces questions avaient été réglés à la fin, mais c'est la gamme des questions avez lesquelles nous étions aux prises au début.

Le sénateur Ringuette : Monsieur Côté, vous travaillez pour la société depuis plus de 20 ans.

M. Côté : Dix-huit ans.

Le sénateur Ringuette : Je vous accordais un boni de deux ans. Dans le projet de loi dont nous sommes saisis, le paragraphe 11(2) dit :

[...] l'arbitre se fonde...

... et non « peut se fonder »...

... sur la nécessité de conditions de travail qui sont ...

... non pas « peuvent être », mais « sont »...

... compatibles avec celles de secteurs postaux comparables [...]

Selon l'expérience que vous avez acquise ces 18 dernières années, qu'est-ce qui pourrait constituer un service postal comparable?

M. Côté : Il peut s'agir de n'importe quel service postal du monde, par exemple des pays industrialisés d'Europe, comme les Pays-Bas, le Royaume-Uni, et cetera. Je ne connais pas les intentions de ceux qui ont rédigé le texte du projet de loi, mais je suppose qu'ils voulaient que le Canada puisse se comparer à des pays dont le niveau de vie est semblable au nôtre. Ce n'est qu'une supposition de ma part.

Le sénateur Ringuette : Monsieur Chopra, qu'en pensez-vous?

M. Chopra : Certains services postaux relèvent du secteur privé, d'autres, du secteur public. Le secteur postal a beaucoup changé depuis une dizaine d'années; il est en transition. Il faut pousser la réflexion plus loin. Nous avons étudié la question comme vous le faites présentement, et nous allons tâcher de bien comprendre tous les aspects de cette mesure législative, y compris pour le secteur postal. Quoi qu'il en soit, je crois que je vous répondrais essentiellement la même chose que M. Côté.

Le sénateur Ringuette : Ai-je bien compris, et avez-vous réellement répondu tout à l'heure que, depuis 2009, les revenus de la société ont décliné de 500 millions de dollars?

M. Côté : C'est exact : 500 millions de dollars par rapport aux revenus prévus de 2009.

Le sénateur Ringuette : L'an dernier, la direction de Postes Canada accepté de renoncer au privilège exclusif qu'elle détenait sur le régime de départ, réduisant du coup, et de façon permanente, ses revenus d'une somme pouvant aller de 40 millions à 1 milliard de dollars, à cause du volume du service poste-lettres.

Des hauts dirigeants de Postes Canada ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales; ils ont alors affirmé que la société pourrait aisément encaisser ces pertes additionnelles.

(1540)

Or, voilà qu'aujourd'hui vous comparaissez devant nous pour dire que vous avez besoin d'une loi forçant le retour au travail de vos employés, à cause de pertes de 100 millions de dollars que vous nous aviez pourtant dit être ponctuelles et de la situation entre Postes Canada et ses employés.

J'ai beaucoup d'estime pour votre société, mais il n'en demeure pas moins que, depuis l'année dernière, nous avons commencé à retirer petit à petit tous les avantages concurrentiels qu'elle pouvait avoir. Or, ce qui fait que la Société canadienne des postes est concurrentielle, c'est la qualité de ses effectifs et la qualité des relations que la direction entretient avec eux. Je m'inquiète sincèrement. Il n'y a rien d'autre à dire.

M. Chopra : Je peux certainement répondre à la deuxième partie de la question, mais, en ce qui concerne la première partie, je ne connais pas très bien ni les circonstances exactes ni le privilège exclusif dont vous parlez, du moins pas de la façon dont vous en parlez.

Il n'y a pas seulement un facteur en cause dans ce qui se passe actuellement. Il y en a plusieurs, notamment les forces du marché, le passage à des solutions électroniques, le climat concurrentiel et la crise économique. Nous vivons dans un monde différent. Pouvons- nous désigner un facteur qui aurait pu empêcher la situation actuelle? Malheureusement, je ne peux pas nommer un facteur qui aurait pu changer fondamentalement la situation malheureuse dans laquelle nous nous trouvons.

Le sénateur Ringuette : Puis-je faire une dernière remarque qui, à mon avis, sera bénéfique pour tout le monde? La Société canadienne des postes est dans une position unique au Canada parce qu'elle peut fournir à la fois du courrier électronique et du courrier traditionnel aux Canadiens. Cette capacité n'a pas été exploitée à son plein potentiel.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Vous êtes les deux grands responsables de la Société canadienne des postes. À ce titre, c'est vers vous qu'on se tourne pour les réussites ou les échecs de vos opérations et ceux de la société. Votre rôle se divise en deux volets, soit celui de la gestion des ressources, humaines et autres, et celui du leadership.

Lorsqu'on regarde ce projet de loi et les raisons pour lesquelles, en tant que leaders, nous devons avoir recours à une loi pour forcer un retour au travail, je vois une lacune au niveau du leadership, pour ne pas dire dans la gestion.

Étant donné que ces questions se trouvent devant nous, ici, au Parlement, je me demande ce que vous comptez faire. Mardi ou mercredi, lorsque les gens retourneront au travail, j'aimerais savoir quel est votre plan, de façon spécifique, en tant que leaders, pour ce qui est de la réconciliation entre vous et les gens de l'union — qui, pour leur part, sont prêts à continuer à travailler malgré la situation plutôt négative. Je ne veux pas de banalités. Je ne parle pas de visites informelles.

[Traduction]

Je ne veux pas que vous me répondiez que vous allez parler aux employés. Je veux savoir de quoi vous allez parler avec eux. J'aimerais savoir, par exemple, si vous avez un plan de réconciliation pour leur retour au travail. Avez-vous dit aux membres de votre direction ce que vous voulez qu'ils disent et qu'ils fassent?

M. Chopra : Sénateur, vous avez fait plusieurs remarques sur le leadership, et je suis complètement d'accord avec vous. Avant que je ne réponde à votre question, j'aimerais souligner vos services au pays, ainsi que vos contributions. Vous êtes certainement un excellent modèle pour nous tous.

Il est vrai que le leadership est important. Je crois que le leadership nécessite des choix difficiles. Nous aurions pu choisir la solution facile en assumant un fardeau financier à long terme. Cela aurait été la solution facile. La génération suivante demanderait pourquoi nous n'avons pas pris des décisions difficiles afin d'assurer la survie à long terme de la société. Les Canadiens s'attendent à ce que la direction de leurs sociétés d'État adopte une vision à long terme et trouve un juste équilibre. Nous sommes parvenus à le faire lorsque les choses allaient bien.

Vous m'avez également demandé si nous étions prêts et avions un plan précis. Nous ne voulions certainement pas en arriver à 12 jours de grèves tournantes. Nous n'avions certainement pas prévu non plus une interruption du service dans les circonstances que j'ai expliquées plus tôt. Il y a beaucoup à faire, et je puis vous assurer que bien des gens des ressources humaines et d'autres secteurs de l'organisation n'ont ménagé aucun effort à cet égard en particulier. Il faut y voir, pas simplement en vue de savoir comment accueillir les employés, mais pour guérir les cicatrices à long terme. Il importe que les employés comprennent pourquoi nous avons agi ainsi.

Par ailleurs, en collaboration avec nos équipes, nous élaborons actuellement des plans précis à l'intention de nos superviseurs et de nos gestionnaires afin de les orienter quant à l'approche à adopter pour faire face à la situation. Comme je l'ai dit plus tôt, lorsque le sénateur Jaffer m'a demandé dans quelle mesure nous sommes prêts à gérer les relations avec les employés et tout ce qui les entoure, je souligne que nous en sommes à examiner les détails de sorte que nos cadres de première ligne soient outillés pour faire face à la situation.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Je reviens à ma question. Vous êtes les deux chefs, les entités vers lesquelles se tourne la Société canadienne des postes pour son orientation stratégique, sa mission, sa culture, son atmosphère de travail. Vous avez ces responsabilités. Ma question est spécifique. Que comptez-vous dire pour amener la réconciliation avec vos subordonnés? Quelle sera votre initiative personnelle? Quels arguments ferez-vous valoir pour rectifier la friction causée par cette décision d'affaires, dans le fond, qui ne plaît certainement pas à vos employés?

M. Côté : Nous avons commencé, depuis trois ou quatre ans, à rencontrer nos employés. Un programme de communication très défini avec nos employés fut mis sur pied. L'an dernier, nous avons rencontré les employés de tous nos dépôts à une ou deux reprises. Nous visitons les dépôts et les sites de travail dans toutes nos grandes usines. Nous avons entamé ce dialogue avec nos employés dans le but d'expliquer que le secteur des postes est à un point tournant. À travers le monde, on voit le volume du courrier diminuer de 4 à 5 p. 100. Le secteur des postes devra s'adapter à ces changements.

Lorsque les grèves rotatives ont commencé, nous avons été très prudents, dans le souci de préserver les relations de travail et d'assurer qu'il n'y ait pas de conflit. Des instructions furent données au personnel pour accueillir les employés dès leur retour au travail. Nous devrons reprendre le programme de communication avec nos employés, leur expliquer de nouveau ce que nous voulons faire et les raisons qui justifient nos actions et qui font en sorte que nous avons peu de choix.

Les salaires représentent 65 p. 100 des revenus de la Société canadienne des postes. Les revenus diminuent de 3 à 4 p. 100 par année. L'an dernier, les revenus de la poste-lettre ont connu une baisse de 4,5 p. 100, chaque 1 p. 100 représente 30 millions de dollars. Pour augmenter les salaires des employés, avec des revenus stables ou décroissants, nous ne disposons que d'une mince marge de manœuvre.

Nous avons tenté, avec beaucoup d'efforts, d'expliquer la situation à nos employés. Je crois que les employés comprennent passablement bien la situation. Nos efforts, au cours des dernières années, nous aideront lors du retour au travail cette année.

Le sénateur Dallaire : J'estime tout de même qu'il est difficile de dire que vous avez eu du succès, étant donné que vous avez été obligés de recourir à une telle mesure pour régler la division dans votre organisation entre ce à quoi s'attendent les employés, par le biais de leur union, et vous-mêmes.

Je répète donc ma question. Votre philosophie, monsieur le président de la société, est articulée et les gens la connaissent bien. Toutefois, sera-t-elle remise en application dès le retour au travail, ou attendrez-vous la fin des négociations pour reprendre le dialogue?

Le président : Est-ce qu'il y a une réponse?

(1550)

[Traduction]

Le sénateur Dallaire : J'aimerais savoir ce que vous, en tant que PDG, allez leur dire mardi. C'est vous qui êtes à la barre. Tout repose sur ce que vous leur direz; pour eux, vos paroles vont faire foi de tout. Quelles seront vos paroles de réconciliation, après avoir traversé tout ce processus afin de les faire revenir au travail?

M. Chopra : Permettez-moi de répondre encore une fois sur ce point; il y a près de 18 mois, la société a entamé un processus afin d'informer ses employés des raisons pour lesquelles nous devons faire ce que nous tentons de faire; si nous croyons en ce processus, alors nous devons le poursuivre.

Pour ce qui est du processus de guérison, nous prévoyons notamment organiser des rencontres de discussion où les employés pourront poser des questions délicates. Nous n'avons jamais répugné à répondre aux questions délicates de nos employés. Nous le faisons avec tous nos employés, quels que soient leurs quarts de travail. Nous avons tenu des assemblées spéciales au cours des 18 derniers mois. Il sera encore plus nécessaire de nous assurer que les gestionnaires de tous les niveaux, non seulement les cadres supérieurs, mais aussi les cadres intermédiaires ou les gestionnaires de première ligne, soient en mesure de répondre à ces questions. Ils doivent pouvoir répondre aux questions suivantes : qu'est-ce qui s'est passé? Pourquoi sommes-nous rendus là? Qu'arrivera-t-il dans l'avenir? Que fera la société à partir de maintenant?

Je répète ce que j'ai déjà dit : les employés de toute organisation ou institution veulent faire partie d'une équipe gagnante. Ils veulent être parmi ceux qui feront avancer l'entreprise. Pour que tous comprennent bien par où la croissance peut arriver ou non et ce que nous avons à défendre, nous devons être francs et honnêtes. C'est le message que nous, de même que les cadres intermédiaires et les gestionnaires de première ligne, voulons transmettre à nos employés.

Le sénateur Di Nino : Soyez les bienvenus, messieurs. Je voudrais demander un éclaircissement à M. Côté et poser une question à M. Chopra.

Monsieur Côté, je crois que, dans votre exposé, vous avez indiqué qu'en raison des conditions économiques, la société a décidé qu'elle devait réduire son personnel. Vous avez dit qu'environ 15 p. 100 des employés non membres de l'unité de négociation collective ont été mis à pied — est-ce le bon terme? — et qu'une réduction de l'effectif avait eu lieu. Vous avez dit également, je crois, que toute réduction du personnel membre de l'unité de négociation collective ne s'était faite que par le biais des retraites. J'aimerais que vous nous le confirmiez.

M. Côté : C'est exact.

Le sénateur Di Nino : En fait, vous avez congédié des gestionnaires, mais personne dans l'unité de négociation collective.

M. Côté : Exactement. Beaucoup de gestionnaires ont été mis à pied, et l'attrition est aussi entrée en jeu un peu, mais il n'y a pas eu de mises à pied parmi les membres de l'unité de négociation collective.

Le sénateur Di Nino : Monsieur Chopra, je crois que le sénateur Dallaire a fait allusion à une question précise que j'aimerais vous poser. Si ce projet de loi est adopté, et nous espérons qu'il le sera bientôt, quand prévoyez-vous que les employés retourneront au travail et que les activités reviendront à la normale?

M. Chopra : C'est notre chef de l'exploitation qui s'occupe de ces questions. Il peut vous donner une réponse plus détaillée.

Je peux vous assurer que nous savons à quel point il est important que nous soyons prêts à reprendre nos activités le plus vite possible, tout en nous assurant de respecter la loi, et d'être capables de le faire sur le plan opérationnel. Je suis sûr que M. Côté peut vous en dire plus à ce sujet.

M. Côté : Si le Sénat sanctionne la loi, nous aimerions reprendre les opérations de tri et de transport dès demain; le courrier serait prêt à être distribué mardi matin. C'est ce que nous prévoyons. Nous aimerions reprendre nos activités le plus vite possible. Il y a énormément de courrier international et d'autre courrier en attente de traitement.

Le sénateur Di Nino : Enfin, en supposant que le projet de loi sera adopté et que vous reprendrez vos activités normales, vous attendez- vous à une entière collaboration de la part de l'unité de négociation?

M. Côté : Certainement. Malheureusement, par le passé, il y a longtemps, nous avons eu des grèves et, au retour des employés, il y a eu des problèmes. Comme

M. Chopra, je pense toutefois que les employés veulent que l'entreprise fonctionne bien et qu'ils agiront comme il se doit. Comme nous l'avons mentionné, nous avons préparé un plan de communications afin d'expliquer aux employés ce que nous tentons de faire et pourquoi nous le faisons. Il y aura sans doute quelques difficultés, mais nous tâcherons de les surmonter.

[Français]

Le sénateur De Bané : Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à M. Chopra ou à M. Côté.

[Traduction]

Monsieur Chopra, votre prédécesseur a proposé avec enthousiasme au gouvernement d'offrir à tous les employés de devenir actionnaires de la société d'État. Depuis, comme vous le savez, elle a accepté l'offre de diriger les services postaux du Royaume-Uni. Elle préconisait fortement, comme vous le savez, d'offrir des actions aux employés afin qu'ils participent aux bénéfices de la société. Pour toutes sortes de raisons juridiques, son projet n'a pu être mis en œuvre.

Y a-t-il un espoir, dans l'avenir, que tous les obstacles juridiques à cette initiative puissent être éliminés pour que vos employés aient le sentiment de participer à la prospérité de la société?

M. Chopra : Je vous remercie de cette question, sénateur. C'est une chose dont on ne m'a pas encore informé. Je ne suis pas en mesure de vous répondre avec précision à ce sujet. C'est peut-être quelque chose que mon prédécesseur proposait, mais je n'ai pas eu l'occasion d'examiner cette question de façon approfondie.

Le sénateur Mitchell : J'ai quelques questions à vous poser, messieurs. Je suis très intéressé à défendre le processus de négociation collective. Il repose sur de nombreuses années d'expérience. Il existe à cet égard une tradition qui a beaucoup contribué à définir les relations de travail au Canada, et ce processus ne devrait pas être esquivé de façon arbitraire, si je puis m'exprimer ainsi. Il me semble que c'est ce que l'on fait dans ce projet de loi.

Le projet de loi semble empêcher — en fait, il empêche carrément — toute discussion sur les salaires qui pourrait s'écarter de ce qui est prévu dans le projet de loi. Il précise la durée de la convention collective. Il limite tout ce que l'on peut faire relativement au régime de pension, car le ratio de solvabilité ne doit pas changer. Dites-moi, lorsque vous présenterez votre offre finale à l'arbitre, quels éléments pourrez-vous modifier dans cette offre par rapport à ce qui est prescrit dans le projet de loi?

M. Chopra : Sénateur, c'est une question à laquelle il m'est très difficile de répondre à l'heure actuelle. Nous devons examiner cela sous tous les angles afin de comprendre ce que nous pouvons faire ou non.

D'abord, je n'ai pas eu la possibilité de bien analyser tous les éléments du projet de loi. Ensuite, nous n'avons pas vraiment pu évaluer les conséquences sur l'entreprise de cette interruption des derniers jours. Nous prendrons en considération bien des aspects de notre société afin de comprendre ce qui est possible et ce qui ne l'est pas.

Nous continuons à fonder cette ronde de négociations sur notre principe directeur. Ce principe visait à protéger les salaires, les avantages et le régime de pension à prestations déterminées de nos employés actuels, et à offrir, à la future génération d'employés, un régime compétitif, ce que nous estimions déjà offrir. Toutefois, c'était avant la grève ou le regrettable arrêt de travail.

(1600)

Il y a de nombreuses questions complexes qu'il nous faut comprendre et évaluer. Nous élaborerons ensuite une position.

Le sénateur Mitchell : Ce que vous avez dit à propos des pensions m'intéresse, et plus particulièrement à la lumière de l'alinéa 11(2)a) :

la nouvelle convention collective ne doit pas directement entraîner la diminution du ratio de solvabilité du régime de pension;

Dès que les employés obtiendront une hausse salariale, à laquelle ils ont certainement droit — ils méritent probablement plus d'ailleurs —, cette augmentation changera immédiatement le ratio de solvabilité du régime de pension, n'est-ce pas? Leur salaire augmentera. Le pourcentage de ce salaire auquel ils auront alors droit au titre de leur pension augmentera. Que ferez-vous dans l'immédiat pour rééquilibrer le ratio de la pension?

M. Chopra : Nous demanderons conseil sur des questions de cette complexité, comme vous pouvez vous en douter. Vous avez mentionné que vous avez beaucoup d'expérience dans ce domaine.

Le secteur des pensions est extrêmement complexe et n'est certainement pas l'un de mes domaines de spécialité ou de compétence actuarielle. Nous demanderons conseil pour comprendre ce que nous pouvons faire ou non. Comme je l'ai dit, c'est ce que nous souhaiterions, dans la mesure où nous pouvons préserver le principe directeur sur lequel nous nous sommes appuyés pour mener nos négociations.

Le sénateur Mitchell : Revenons au « principe directeur ». Je pense que vous faites référence à ce que vous avez dit dans votre première réponse, à savoir que vous allez protéger les avantages ou la pension des employés actuels, mais que vous allez proposer— et ces mots sont vagues — un régime compétitif pour les nouveaux employés.

Tout d'abord, il y aurait alors une différence entre ce que les employés actuels ont et ce que les nouveaux employés pourraient obtenir. Un régime de pension à prestations déterminées pourrait être l'unique différence possible. Proposez-vous un régime de pension à cotisations déterminées plutôt qu'à prestations déterminées pour les futurs employés?

M. Chopra : Nous n'avons pas eu l'occasion d'analyser le projet de loi dans toute sa complexité ni l'incidence que l'arrêt de travail a eue sur nos activités. Nous prendrons tous ces facteurs en considération. Il est difficile de répondre à cette question; il nous faudra d'abord examiner les données et faire des analyses pertinentes avant de passer aux prochaines étapes.

Le sénateur Mitchell : On dirait que le projet de loi, ou une grande partie de son contenu, vous surprend. Cela veut-il dire que le gouvernement ne vous a pas consultés avant de préparer le projet de loi? Le cas échéant, je ne peux pas imaginer qu'il a consulté le syndicat, alors sur quoi s'est-il fondé pour élaborer le projet de loi?

M. Chopra : Je ne peux pas me prononcer sur le fonctionnement du gouvernement. Notre principe de négociation continue d'être le principe directeur. Je ne peux pas me prononcer sur la façon dont le gouvernement rédige ses lois.

Le sénateur Mitchell : Je peux me prononcer. Je vous parie qu'il s'est fondé sur des principes idéologiques.

Le président : Le sénateur Joyal a la parole.

Le sénateur Joyal : Bienvenue, messieurs Chopra et Côté.

Monsieur Chopra, la première question que je veux vous poser est très simple : avez-vous demandé au gouvernement de rédiger le projet de loi C-6 ou d'intervenir pour régler votre conflit avec le syndicat?

M. Chopra : Comme je vous l'ai mentionné, nous avons commencé à négocier il y a longtemps, bien avant mon entrée en scène, avant que j'intervienne personnellement auprès du syndicat pour tenter de poursuivre les négociations, même en dépit des nombreuses journées de grèves tournantes. Il n'a jamais été question pour nous de prendre d'autres facteurs en considération. Nous cherchions à conclure une entente et voulions éviter ce qui a mené à la situation actuelle. C'est ce sur quoi nous nous sommes concentrés, et nous n'avons demandé à personne d'intervenir.

Le sénateur Joyal : Autrement dit, vous n'avez jamais demandé au gouvernement canadien de présenter un projet de loi pour mettre fin aux négociations difficiles que vous aviez avec le syndicat?

M. Chopra : Non.

Le sénateur Joyal : Vous a-t-on consultés sur l'un ou l'autre des aspects du projet de loi, surtout les articles qui ont trait à la nouvelle convention collective, c'est-à-dire l'article 14 et les suivants?

M. Chopra : On ne nous a jamais consultés.

Le sénateur Joyal : Vous a-t-on déjà consultés sur l'une ou l'autre des dispositions qui allaient régir la future convention collective si le projet de loi était adopté dans sa forme actuelle?

M. Chopra : Jamais.

Le sénateur Joyal : On ne vous a jamais consultés.

Avez-vous consulté vos conseillers juridiques au sujet de la possibilité que le projet de loi ne soit pas conforme à la Constitution?

M. Chopra : Nous n'avons jamais eu de discussions avec mon conseiller juridique.

Le sénateur Joyal : Avez-vous déjà pensé que le projet de loi pourrait ne pas être pleinement conforme à l'alinéa 2d) de la Charte des droits et libertés portant sur la reconnaissance du droit d'association?

M. Chopra : Je me suis concentré et continuerai de me concentrer sur les activités de la société. Je n'ai pas passé du temps à envisager tous les scénarios. Comme je l'ai dit plus tôt en réponse à cette question, nous avons bien des sujets de préoccupation concernant les activités de la société. De nombreuses questions qui ont été posées plus tôt portaient sur les relations avec les employés et de nombreux autres aspects à envisager. Cela n'a pas été ma priorité ni un centre d'intérêt.

Le sénateur Joyal : Autrement dit, depuis que vous avez reçu un exemplaire du projet de loi, vous n'avez jamais demandé à vos conseillers juridiques d'en examiner le contenu?

M. Chopra : Les conseillers juridiques sont en train d'étudier le projet de loi. Nous l'avons examiné lorsqu'il a été déposé, mais je n'ai reçu aucun avis pour le moment.

Le sénateur Joyal : Si le projet de loi était adopté dans sa forme actuelle, serait-il entièrement conforme à la Constitution, selon vous?

M. Chopra : Je ne le sais pas. Je n'ai pas demandé conseil et je ne peux pas me prononcer à ce sujet.

Le président : Le sénateur Kochhar a la parole.

Le sénateur Kochhar : M. Chopra, tout ce que vous avez affirmé est très encourageant. Le leadership dont vous faites preuve à Postes Canada m'impressionne.

Comme vous avez sûrement lu en détail le projet de loi, je vous pose la question suivante : la mesure législative est-elle bonne pour les postiers et pour toutes les parties intéressées? Qu'en pensez-vous?

M. Chopra : Je ne peux pas me prononcer, sénateur. Comme je l'ai déjà dit, il faut tenir compte de bien des aspects, dont les répercussions de l'arrêt de travail. Nous n'avons pas encore tiré de conclusions sur le projet de loi.

Le sénateur Kochhar : Je vous remercie.

Le sénateur Downe : Pour répondre à la question qu'a posée plus tôt un autre sénateur, j'ai appris que les primes accordées aux cadres supérieurs ont été réduites l'an passé. Est-ce exact?

M. Côté : Les primes au rendement étaient inférieures à celles des années précédentes.

Le sénateur Downe : Si, l'an dernier, les revenus de la société étaient inférieurs de 500 millions de dollars par rapport à ce qui était prévu, les Canadiens pourraient se demander pourquoi des primes ont été accordées.

M. Côté : C'était en 2009, il y a eu un manque à gagner de 500 millions de dollars. Une réduction des coûts et un rajustement des dépenses ont permis à la société de respecter ses objectifs de rendement avant impôt.

Le sénateur Downe : Les revenus ont chuté de 500 millions de dollars pendant cette seule année?

M. Côté : Oui, par rapport à ce qui était prévu. L'écart était d'environ 500 millions de dollars. En 2009, la société a éliminé près de quatre millions d'heures de travail dans les ateliers. Ils ont réduit les dépenses, y compris les dépenses discrétionnaires, et sont parvenus à générer un profit pendant cette difficile année de récession.

Le sénateur Downe : Les profits sont-ils réinvestis dans l'infrastructure ou les remettez-vous au gouvernement?

M. Côté : Les profits sont réinvestis dans l'infrastructure. Postes Canada suit un programme de modernisation parce que l'équipement servant au triage des colis et des lettres est désuet. La vaste majorité des fonds vont au régime de pension ou sont réinvestis dans la société.

Le président : Honorables sénateurs, il n'y a plus d'autres sénateurs sur la liste. Au nom de tous les sénateurs, je remercie donc M. Chopra et M. Côté de s'être déplacés pour donner leur point de vue et répondre aux questions des sénateurs. Nous vous remercions de ce que vous avez fait pour nous aider à comprendre le projet de loi C-6.

(1610)

Le président : Honorables sénateurs, puisque les témoins nous quittent, j'aimerais vous informer que M. Denis Lemelin, le président du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, et M. Geoff Bickerton, qui est directeur de la recherche, peuvent maintenant comparaître. Les sénateurs désirent-ils entendre ces témoins dès maintenant?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Ringuette : Monsieur le président, on m'a fait une demande spéciale, et je suppose que nous devons décider si nous y donnerons suite ou non. On m'a demandé s'il serait possible de prendre une photographie, étant donné qu'il s'agit d'un moment historique au Sénat.

Le président : J'aimerais consulter les leaders, le sénateur Cowan et le sénateur LeBreton, en ce qui concerne cette demande.

Le sénateur Ringuette : Il s'agit d'une demande des médias. Ils veulent une photographie.

Le sénateur Comeau : Puis-je proposer que les leaders adjoints des deux côtés discutent de cette question?

Le sénateur Ringuette : Merci.

Le président : Honorables sénateurs, avant d'accueillir les prochains témoins, je donne la parole au leader adjoint du gouvernement en ce qui concerne la demande formulée par le sénateur Ringuette afin qu'une photographie soit prise.

[Français]

Le sénateur Carignan : Honorables sénateurs, après discussion entre les deux leaders, le consensus n'a pas été obtenu pour permettre la présence de photographes dans la salle.

Le sénateur Ringuette : J'aimerais savoir ce qu'on entend par « le consensus n'a pas été obtenu ». Pouvez-vous me dire qui n'était pas d'accord?

[Traduction]

Le président : Ce n'est pas la pratique normale. Normalement, les leaders adjoints des deux côtés se consultent.

[Français]

Le sénateur Tardif : De notre côté, nous n'avions pas d'objection à ce qu'il y ait un photographe dans la salle étant donné que le Sénat siège de façon exceptionnelle un dimanche afin de traiter de cette question très importante. Toutefois, le sénateur Carignan nous dit que les sénateurs de son côté ne sont pas d'accord.

[Traduction]

Le président : J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Denis Lemelin, le président du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, ainsi qu'à M. Geoff Bickerton, qui est directeur de la recherche.

Est-ce que vous aimeriez faire un exposé avant que les sénateurs vous posent des questions?

[Français]

Denis Lemelin, président, Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes : Merci de nous recevoir dans cette enceinte. Je ferai la présentation d'ouverture et on tentera par la suite de répondre aux questions.

J'aimerais présenter deux aspects importants qui sont pour nous assez déterminants dans ce qui s'est passé dans les derniers mois.

Premièrement, je voudrais partager avec vous l'approche qu'on a eue dans cette négociation qui dure quand même depuis plus de huit mois. On a abordé cette approche sur la base de trois principes, le premier principe étant celui du respect, respect dans le sens que Postes Canada est une entreprise rentable depuis 16 ans. Et, nécessairement, ceux qui ont fait que cette entreprise soit rentable, ce sont les 45 000 ou 55 000 travailleurs des postes, car on représente à la fois les gens du secteur urbain et ceux du secteur rural.

(1620)

Si Postes Canada est reconnue comme une entreprise rentable et comme une entreprise qui donne un bon service, c'est grâce à l'ensemble des travailleurs et des travailleuses, d'où cette notion de respect. Sur cette base, on voulait toucher à un certain nombre de points concernant les relations de travail, entre autres, la notion de santé et de sécurité pour l'ensemble de nos travailleurs et travailleuses.

Le second principe sur lequel on a abordé cette négociation est celui de l'égalité. On savait très bien que Postes Canada, dans un contexte économique difficile, adoptait les mêmes façons de faire que les grandes entreprises en tentant de réduire les coûts de la main- d'œuvre, les avantages sociaux et en attaquant directement les fonds de pension. Il était évident qu'il fallait mettre le principe d'égalité de l'avant pour permettre de maintenir les conditions de travail des employés actuels, mais aussi pour protéger ceux et celles qui vont nous remplacer — nos confrères, nos consœurs, nos fils, nos filles — lorsque nous quitterons parce qu'on sait qu'à Postes Canada, il y a beaucoup d'attrition. Donc, un principe d'égalité sur le plan des salaires, des avantages sociaux et des pensions et ce, toujours dans une optique où l'économie doit être basée sur de bons emplois. C'est le deuxième principe sur lequel on s'est prononcé.

Le troisième principe est celui du partage des avantages de la transformation postale ou de la mise en place de la nouvelle technologie.

Comme vous le savez, Postes Canada investira 2 milliards de dollars. Lorsque ces investissements seront faits, en 2014-2015, il y aura des gains de productivité de 250 millions de dollars par année, ce qui correspond à l'élimination de 3 500 à 4 000 emplois à Postes Canada. On a dit qu'il fallait nécessairement que cet investissement soit profitable aux travailleurs et aux travailleuses, mais aussi en termes d'expansion des services. L'expansion des services, comme par exemple les services financiers et les services liés à Internet, est un élément important pour nous.

Avec le service postal, maintenir les emplois dans les collectivités est important parce que Postes Canda a le plus grand réseau de service dans l'ensemble du pays. L'entreprise dessert au-delà de 15 millions de points de remise, à la fois urbains et ruraux.

C'est sur la base de ces trois principes qu'on a abordé cette négociation.

Je veux également partager avec vous que les 45 000 membres de l'unité urbaine connaissaient très bien ces principes. Depuis l'an dernier, on avait commencé à discuter avec l'employeur de la façon dont ils voyaient l'avenir du service postal public universel, ici au Canada. On comprenait très bien que cette négociation était cruciale pour l'avenir.

C'est dans cette optique qu'on a abordé cette négociation depuis le début. Nécessairement, on savait que cela amènerait des discussions importantes sur les méthodes de travail, sur la question de la double échelle et sur la question des nouveaux travailleurs et des nouvelles travailleuses de Postes Canada. Notre cahier de revendications a été adopté par l'ensemble des 45 000 membres.

Je vous épargne tous les aspects parce que dans les faits, tout est devenu public lorsque, à partir du mois de mai, on a demandé une prolongation de la conciliation pour se retrouver en dehors de l'élection fédérale. Syndicalement, c'est nous qui avons eu cette approche afin de ne pas nuire à l'élection fédérale. Dans ce contexte, on a demandé une prolongation de la conciliation jusqu'au 3 mai afin que la campagne électorale ne soit pas interrompue.

À la fin du mois de mai, lorsqu'on a vu qu'il n'y avait plus de possibilités d'avoir une négociation, on a alors envoyé notre avis conforme. On a suivi exactement tous les principes qui sont à la base du Code canadien du travail. On était en droit, à partir de la fin du mois de mai, d'exercer notre droit de grève et l'employeur était en droit d'exercer son droit de lock-out.

Quand on a envoyé notre avis, on a choisi sciemment de faire des grèves tournantes pour être en mesure, justement, de démontrer que notre objectif n'était pas de bloquer le courrier pour l'ensemble de la population. Pour nous, le service postal est un élément important de l'infrastructure économique du pays. On a décidé de faire des grèves tournantes pour permettre que le courrier circule, peut-être plus lentement, afin d'exercer des pressions sur Postes Canada. C'est dans ce contexte qu'on a évolué. Tout cela a été transformé en lock- out par Postes Canada.

Après cela, il y a eu le projet de loi de retour au travail. Pour nous, il est évident que la loi est inutile. Elle était inutile au moment où on l'a mise de l'avant parce que, dans les faits, on avait une grève rotative et le courrier circulait. C'est l'employeur qui, à un moment donné, a décidé de distribuer le courrier aux trois jours. Je vous rappelle que la journée où ils ont mis les travailleurs en lock-out, c'était celle où il devait y avoir une distribution, parce que la veille, les facteurs et les factrices ne travaillaient pas.

C'est une loi inutile. C'est une loi qui est injuste parce que, dans les faits, elle brime le droit de négocier. Aussi, cette loi crée des conditions différentes de celles qui auraient pu être obtenues dans le cadre de la négociation. Cette loi est complètement inacceptable.

On a écouté les débats et les questions qui ont été posées. On partage les mêmes questions que vous sur la question de l'offre financière qui a été faite. On a entendu les arguments de la ministre Raitt, qui a dit que c'est ce qu'ils ont offert à la fonction publique, tout en sachant que Postes Canada est une société de la Couronne qui, en termes de chiffres, va brimer les travailleurs et les travailleuses des postes de 35 millions de dollars sur quatre ans, 35 millions de dollars qui pourraient être réinvestis à l'intérieur de l'économie.

On avait une objection de fond que nous avons toujours par rapport au choix de l'offre finale. Toutes les études juridiques qui ont été faites là-dessus, entre autres, le rapport Sims, démontrent très clairement que l'offre finale fait un perdant et un gagnant. Dans le contexte actuel, il est évident que le gagnant sera Postes Canada parce que c'est une loi punitive envers les travailleurs. Selon nous, ce n'est pas une façon d'améliorer les relations de travail entre les parties quand on met en place un processus qui, dans les faits, divise plus qu'il unit.

On a des restrictions importantes sur la question des principes directeurs imposés à l'arbitre. Je n'élaborerai pas là-dessus parce qu'il y a eu des questions intéressantes sur les amendes qui sont extrêmement importantes. Dans les faits, avoir une loi de ce type qui va imposer des conditions de travail possiblement pour les quatre prochaines années ne règle rien quant à l'avenir de Postes Canada.

C'est pourquoi, quand la loi a été mise de l'avant, on a tenté à plusieurs reprises de négocier avec Postes Canada. C'est important de le soulever. On avait des idées, entre autres, sur la question des pensions, des salaires, sur les méthodes de travail et la santé et sécurité. Nos demandes n'avaient pas un impact financier énorme sur Postes Canada.

(1630)

C'étaient des demandes en matière de santé et de sécurité, méthodes de travail et autres. C'est pourquoi on avait demandé au Parlement de présenter trois amendements à cette loi.

Le premier concernait le remplacement du choix de l'offre finale par un processus de médiation arbitrage, permettant ainsi à l'arbitre de bien saisir les enjeux, de soupeser les arguments des parties et trouver un juste milieu dans le cadre du débat.

Le deuxième était de référer directement toute la question du mandat à la loi, qui a créé la Société canadienne des postes en 1981, dans laquelle on faisait référence au fait que Postes Canada devait être autosuffisante, mais aussi devait aborder la question des relations de travail d'une façon créative.

Le troisième amendement qu'on avait demandé portait sur la question du choix de l'arbitre. Le choix de l'arbitre est un élément important et, nécessairement, on avait émis la possibilité que les parties soumettent des listes pour être en mesure de bien comprendre l'ensemble de la situation et de trouver une personne disponible, une personne qui serait en mesure de bien comprendre les relations de travail souvent complexes, souvent historiques chez Postes Canada.

Voilà donc les amendements que nous avions soumis. Nous pensons que la loi doit être retournée au Parlement pour que les négociations reprennent.

Je vous remercie. Nous sommes maintenant prêts à répondre à toutes les questions des sénateurs.

Le président : Merci beaucoup pour cette excellente explication.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : L'expérience que j'ai des syndicats remonte à l'époque où j'habitais dans une petite ville appelée Timmins, dans le Nord de l'Ontario. Bigre, il me semble qu'il y avait des grèves tous les jours. La ville comptait 10 mines d'or. Si, à la suite d'une grève, les employés d'une mine obtenaient une augmentation salariale, immanquablement, les employés d'une autre mine se disaient qu'ils en méritaient une aussi et déclenchaient la grève.

J'ai donc une très longue expérience des grèves. Puis, je suis parti de Timmins et me suis mis à jouer au hockey. Je ne me rendais pas compte à quel point c'était important. Il fallait que nous ayons des syndicats. Il fallait que nous ayons une association. Il fallait que quelqu'un défende nos intérêts parce que nous n'avions aucune pension. Quand nous avons commencé à jouer, nous n'avions pas d'association. C'est pourquoi nous tentions d'en former une. Le gouvernement n'était pas disposé à nous aider; en fait, personne ne voulait nous aider. Nous avons poursuivi nos efforts, puis, finalement, nous avons essayé très fort de créer une association en 1957, avec M. Ted Lindsay. Ils l'ont échangé. Aussitôt qu'il a organisé les affaires et que nous avons été prêts à passer à l'action — boum! —, ils nous ont menacés. Une dizaine d'années plus tard, un jeune avocat — un certain Eagleson — est entré dans l'action.

Le sénateur Meighen : Que lui est-il arrivé?

Le sénateur Mahovlich : Il s'est acoquiné avec ces gens-là. Il ne nous aidait pas du tout; il se contentait de nous lancer des bonbons de temps à autre.

Vous avez parlé du fait que le gouvernement puise dans vos pensions ou qu'il tente de se les approprier. Cela est arrivé il y a quelques années dans une affaire mettant en cause les magasins Dominion et un certain Conrad Black. Les employés ont porté leur cause devant les tribunaux, et M. Black n'a rien pu faire. Les pensions appartiennent aux travailleurs.

Je pense qu'en l'occurrence, vous avez aussi raison. Vous devez vous tenir debout. Les pensions sont sacrées. Tout le monde a une pension, et je crois que c'est une chose sacrée. Je compatis avec vous. Je pense que vous allez devoir tenir votre bout. Ces pensions sont pour les travailleurs; ils les ont méritées.

Le Canada jouit du meilleur service postal au monde. Ma femme et moi pensons que vous êtes remarquables. Poursuivez votre bon travail.

[Français]

Le sénateur Kinsella : J'aimerais savoir si c'est possible d'avoir votre point de vue concernant le dernier article du projet de loi, l'article 22, qui dit que la présente loi entre en vigueur à l'expiration de la 24e heure suivant sa sanction.

Cela veut-il dire que, durant ce laps de temps, des contacts avec l'employeur peuvent avoir lieu dans le but d'arriver à une entente collective?

M. Lemelin : Je vous soumets deux aspects.

Premièrement, nous avons rencontré l'employeur, hier matin, encore pour essayer d'arriver à une convention collective négociée. Nous avons fait une offre à l'employeur, laquelle a été rejetée, celui- ci revenant sur les positions d'une offre antérieure. Donc, pour le moment, il n'y a pas de discussion sur la question de la négociation.

D'un autre côté, hier, une fois la loi adoptée à la Chambre des communes, j'ai appelé le négociateur en chef, mon vis-à-vis du côté de l'employeur, dans le but de prévoir une rencontre afin de planifier le retour au travail. Il m'a répondu qu'il attendait la sanction royale avant d'amorcer des discussions sur le retour au travail.

De notre côté, aujourd'hui, nous avons envoyé un communiqué à l'ensemble de nos membres pour les informer que nous ne défierions pas la loi si elle passait, que nous allions retourner au travail, malgré les difficultés qui pourraient survenir, et que, en tant que professionnels de la poste, notre objectif est d'offrir le service le plus rapidement possible.

Le sénateur Kinsella : Merci.

Le sénateur Joyal : Je vous remercie. Monsieur Lemelin, lorsque le projet de loi a été déposé, je comprends que ce n'est pas vous, les représentants syndicaux, qui ont demandé au gouvernement d'intervenir dans le conflit pour mettre fin au lock-out par le biais d'une loi spéciale?

M. Lemelin : Non.

Le sénateur Joyal : Lorsque vous avez pris connaissance du projet de loi, pour vous, était-ce une première? C'est-à-dire qu'il n'y avait aucune disposition dans le projet de loi qui avait fait l'objet de consultations avec vous ou avec d'autres de vos représentants sur la substance de ces dispositions?

M. Lemelin : Non.

Le sénateur Joyal : Donc, le projet de loi était tout à fait nouveau pour vous?

M. Lemelin : Le projet de loi était nouveau, mais nous avions eu connaissance du projet de loi concernant Air Canada la veille, donc, nécessairement, on s'attendait à quelque chose de semblable.

Le sénateur Joyal : Avez-vous consulté vos conseillers juridiques sur la constitutionnalité de ce projet de loi?

M. Lemelin : Dans les faits, nous avons regardé le projet de loi, nous avons analysé certains aspects du projet de loi, entre autres, le type d'arbitrage et ainsi de suite. Nous allons vraiment nous attarder à ces aspects du projet de loi dans les prochains jours pour l'analyser dans son entièreté afin de bien identifier les différents aspects et recours possibles. Je ne vous cacherai pas que s'il y a des possibilités de recours, nous allons les analyser.

Le sénateur Joyal : Dois-je comprendre de vos explications que le conflit que vous aviez avec votre employeur n'avait pas dégénéré au point où les dommages qui étaient vécus par les Canadiens, par les entreprises, par les institutions étaient à un tel niveau, j'allais dire « d'insupportabilité », qu'il devenait essentiel que le gouvernement intervienne?

(1640)

M. Lemelin : On pense que non. On a tenu différentes conférences de presse et, à chacune d'elles, on a réussi à démontrer, photos à l'appui, qu'il y avait du courrier dans le système. Cela circulait plus lentement, mais il y avait des volumes. L'employeur n'a, quant à lui, jamais réussi à justifier sa réalité d'un taux de 50 p. 100. Il y avait des volumes; c'était plus lent, mais on voulait continuer les grèves tournantes.

Le sénateur Joyal : Est-ce que vous accepteriez le jugement général suivant, à savoir que ce projet de loi est, à votre avis, prématuré?

M. Lemelin : Nous avons toujours eu pour approche de négocier, et non de légiférer. On était à la table. On échangeait des informations. Avant le lock-out du 15 juin, il y avait des échanges. Toutefois, c'est évident qu'il y avait des points sur lesquels il y avait des différences majeures.

Le sénateur Joyal : À votre connaissance et selon vos souvenirs antérieurs, s'est-il déjà écoulé par le passé un temps beaucoup plus long entre le moment où la grève est déclenchée et le moment où le lock-out est prononcé, avant que le Parlement canadien intervienne?

M. Lemelin : Ce qui me revient le plus facilement en tête est la grève de 1997. À ce moment-là et dans ce contexte, on avait fait la grève un peu moins de deux semaines avant que soit adoptée une loi spéciale. Quant aux années antérieures à 1997, il y a eu un arrêt de travail en 1991 qui lui avait duré plus longtemps. Et avant cela, en 1987, cela avait duré à peu près la même période de temps. Le temps d'intervention varie, mais c'était la première fois qu'on se retrouvait dans un contexte de grèves tournantes et que le gouvernement intervenait.

Le sénateur Joyal : Si je comprends bien vos explications, vous aviez maintenu un minimum de services. Je comprends que vous effectuiez la livraison des chèques de pension, des chèques d'aide sociale et que, par conséquent, les plus vulnérables en termes d'individus, en termes de situation de précarité personnelle, faisaient l'objet d'une considération de votre part?

M. Lemelin : Absolument. Depuis le mois de novembre de l'an dernier, dans toutes les négociations antérieures, on avait négocié un accord avec Postes Canada pour effectuer la livraison des chèques de pension, des chèques de la sécurité de la vieillesse, des chèques pour les enfants et les chèques d'aide sociale. Pour les différentes provinces, il était prévu de livrer mensuellement au-delà de 2 500 00 chèques partout au pays. On avait entre 8 000 et 9 000 volontaires pour distribuer ces chèques.

Ensuite, au moment où on a été mis en lock-out, il y avait uniquement un peu moins que la moitié de l'ensemble de la population du pays qui avait été touchée par une journée de grèves tournantes. Il y avait donc une grande partie des citoyens et des citoyennes qui ne s'en étaient pas trouvés affectés.

Le sénateur Joyal : Si je comprends vos explications, les torts ou les inconvénients qui pouvaient être causés de façon permanente étaient davantage le fait du lock-out de l'employeur que celui des syndiqués par le biais des grèves tournantes et la livraison partielle de certains types de courrier?

M. Lemelin : On partage entièrement cet avis. Cela va faire deux semaines mercredi qu'on est en lock-out. Le lock-out, lui, a empêché toute circulation de courrier. Surtout qu'il est survenu une journée où il devait y avoir une livraison partout au pays.

Le sénateur Joyal : Comme vous l'avez mentionné tantôt, le lock- out a été prononcé la veille pour empêcher cette livraison, plutôt que d'attendre au lendemain que la livraison ait été effectuée?

M. Lemelin : Absolument.

Le sénateur Joyal : C'est ce que j'ai compris de vos propos. Est-ce que, dans votre évaluation des aspects juridiques de ce projet de loi, vous allez porter un intérêt sous l'angle de la Charte des droits et libertés des droits, à savoir votre droit comme travailleurs de vous associer et de négocier des conventions collectives de bonne foi; et le droit de l'employeur de prononcer un lock-out dans certaines circonstances? Ne croyez-vous pas qu'il y a là un droit fondamental en cause et susceptible de faire l'objet d'une décision judiciaire sur la base des précédents et des décisions antérieures des tribunaux supérieurs au pays?

M. Lemelin : C'est sûr que, pour nous, il y a une attaque au droit de négocier. On va analyser l'ensemble des aspects, à la fois au niveau de la Charte des droits et libertés, ainsi que chacun des articles que contient le projet de loi pour voir de quelle façon on peut les analyser et de quelle façon on va être en mesure de faire progresser cet arbitrage avec l'employeur.

Le sénateur Joyal : Mais vous n'avez pas demandé à vos conseillers juridiques, à cette étape-ci, de le faire? Vous n'êtes pas en mesure aujourd'hui de nous exprimer ce que serait votre interprétation de la substance de ce projet de loi, eu égard aux points que j'ai soulevés avec vous?

M. Lemelin : Non. Absolument pas. Notre objectif était de faire modifier le projet de loi. À partir du moment où le projet de loi est adopté, il est évident que, dès demain, matin on va étudier tous ces aspects.

Le sénateur Joyal : Merci, monsieur le président.

Le sénateur Fox : Le sénateur Joyal a soulevé une série de questions très intéressantes. Quant à moi, je veux simplement vous poser une question de détail. Vous avez dit, dans votre déclaration d'ouverture, souscrire à la proposition que vous voulez la viabilité économique de Postes Canada, et qu'avec la direction vous êtes responsables des progrès accomplis de ce côté au cours des années.

J'aimerais mieux comprendre votre position sur la question de ce que j'appellerai la possibilité de deux poids, deux mesures. Vous avez toute une série d'employés qui bénéficient de séniorité, de salaires, de toutes sortes de d'avantages et vous avez, par ailleurs, de nouveaux employés auxquels vous avez référé comme vos remplaçants éventuels, qui eux ne bénéficieraient pas des mêmes normes.

Si je comprends bien, il y aura à l'intérieur de Postes Canada deux classes ou deux sortes d'employés. Comment pensez-vous pouvoir concilier ce genre de choses?

M. Lemelin : Premièrement, y aura-t-il à la fin de l'arbitrage deux sortes d'employés? Je pense que c'est une question extrêmement importante, probablement juridique, car on touche dans la loi des éléments qui concernent les salaires. Nous allons analyser cela de façon très sérieuse. Les travailleurs font exactement le même travail. Ils trient du courrier, préparent du courrier ou vont à l'extérieur livrer du courrier. De penser qu'il pourrait y avoir deux classes de travailleurs, à savoir celui qui va gagner un salaire horaire de 24,15 $, qui est le salaire actuel et un autre travailleur qui gagnerait un salaire horaire de 17,50 $, selon l'offre qui avait été faite au départ, est pour nous un élément assez inacceptable. L'un et l'autre ont exactement les mêmes obligations et travaillent pour le même employeur. Pour nous, c'est une notion qui ne nous semble pas correcte dans une société ou dans un pays qui est très riche et où le partage de richesses doit se faire en fonction des réalités vécues.

Également, cela crée un élément de division à l'intérieur d'un groupe. Lorsque quelqu'un accepte une convention collective dans laquelle un autre travailleur a moins de droits et moins d'avantages, comment se développe la solidarité d'un groupe de travail commun? Cette unité au niveau des travailleurs et des travailleuses est pour nous un élément important.

Le sénateur Fox : Si je comprends bien, la possibilité avec ce projet de loi de négocier une solution unique pour tous les travailleurs est éliminée?

M. Lemelin : C'est ce qu'on va examiner. Il y a différentes interprétations par rapport à la question des salaires dans le projet de loi et différentes façons de faire que nous allons analyser.

Le sénateur Fox : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs : J'aimerais me concentrer sur la question de l'égalité. D'après ce que je comprends, Postes Canada laisse entendre qu'elle ne modifiera pas les salaires ou les avantages sociaux des employés actuels, mais que les nouveaux employés travailleront à des salaires moindres et auront un régime d'avantages sociaux moins généreux. Était-ce bien la proposition qu'on vous avait faite?

(1650)

M. Lemelin : Oui, c'est bien cela.

Le sénateur Carstairs : Au fond, vous défendez les droits de la prochaine génération de Canadiens.

M. Lemelin : C'est ce que nous avons essayé de faire. C'est pourquoi nous avons mis ce principe de l'avant dès le début. L'égalité est importante pour nous. Nous avons donc dit que nous allions nous battre sur ce point et en informer nos membres. Lorsque l'employeur a proposé différents salaires, différents avantages sociaux et différents régimes de retraite, nous avons opposé un refus, parce qu'il s'agit d'un enjeu social. Pour nous, c'est une question humaine qui concerne les travailleurs dans la société.

Le sénateur Carstairs : Soyons bien clairs. Vous auriez deux personnes travaillant sur la même chaîne de tri. L'une d'elles gagnerait — je pense que vous avez donné le chiffre de 24,15 $ l'heure — et l'autre serait payée 17,50 $ l'heure. L'une d'elles pourrait s'attendre à recevoir une certaine prestation de retraite et l'autre pourrait recevoir une prestation différente à la retraite. L'une d'elles bénéficierait de certaines prestations pour frais médicaux et dentaires et l'autre aurait droit à des prestations différentes.

M. Lemelin : Exactement. Cette fois-ci, les enjeux étaient essentiellement les salaires, les pensions et les congés. Cependant, une fois qu'on a laissé faire cela une fois, la porte est grande ouverte ensuite. Pour nous, l'idée c'était que, si nous n'empêchions pas cela tout de suite, il serait trop tard ensuite. Ce serait la règle partout. Tout nouvel employé aurait un salaire inférieur à celui des anciens.

Le sénateur Carstairs : Ma dernière question en est une que j'ai posée à Postes Canada et pour laquelle je n'ai pas vraiment obtenu de réponse. J'ai demandé combien la société économiserait grâce à ce projet de loi, qui réduit l'offre finale de 1,9 p. 100 et vous accorde ainsi une augmentation de 1,75 p. 100. Savez-vous à combien s'élèverait cette économie?

M. Lemelin : Oui, nous connaissons ce chiffre, et nous en avons informé nos membres. La société économiserait 35 millions de dollars sur quatre ans, ou environ 875 $ par employé. Voilà ce que coûterait de plus l'offre de Postes Canada par rapport à celle du gouvernement, 35 millions de dollars.

Le sénateur Meredith : Messieurs, merci d'être venus nous rencontrer cet après-midi. Nous avons reçu le PDG de Postes Canada juste avant vous. Je crois qu'il a dit que Postes Canada avait une dette de 200 millions de dollars. Il a ajouté qu'il y avait un grand écart entre la position de vos négociateurs et celle des négociateurs de Postes Canada, sur plusieurs enjeux.

Vous avez répondu à la question du sénateur Carstairs concernant les deux niveaux de salaire, pour les employés actuels et les employés futurs. Pourriez-vous nous en dire plus long sur les autres enjeux pour lesquels l'écart était si grand?

M. Lemelin : Oui. Je veux revenir sur certains propos qu'a tenus la ministre Raitt au début de l'après-midi, parce que je trouve cela important. Elle a dit que les parties ne parvenaient pas à réduire l'écart entre leurs positions. C'est important, parce que les deux parties doivent y mettre du leur.

Pour nous il y a trois grands enjeux. Le premier a trait aux méthodes de travail, parce que de nouvelles technologies seront adoptées. Les travailleurs des centres de tri et les facteurs doivent adopter de nouvelles méthodes de travail. Ces nouvelles méthodes doivent faire l'objet de négociations avec le syndicat, et elles ont des conséquences majeures sur l'avenir des employés. Si les gens doivent travailler avec une machine qui traite 60 000 lettres à l'heure, il faut en discuter. Les méthodes de travail sont importantes. C'est la même chose pour ceux qui travaillent à l'extérieur. C'était un gros enjeu, et il n'est pas résolu. Pour nous, c'était important, et nous continuerons le combat à cet égard, parce que nous voulons un milieu de travail sûr. C'est fondamental.

Le deuxième point porte sur la notion d'égalité, et nous venons d'en parler. Il s'agit d'un élément très important à nos yeux.

Le troisième point a à voir avec les relations internes. Parce qu'il faut dire que les relations de travail à Postes Canada sont pour le moins difficiles, surtout pour certains aspects. Elles sont notamment ardues entre les gestionnaires de premier niveau et les employés. On entend parfois dire que Postes Canada ne gère pas le courrier, mais qu'elle gère les gens. La direction se fiche bien du courrier. Elle n'en a que pour le harcèlement, les congés de maladie, les blessures et tout ce qui se rapport à la gestion. C'est loin d'être négligeable.

Le respect aussi, c'est important, parce que la direction veut remettre nos acquis en question. Prenons l'exemple des congés de maladie. L'employé qui travaille à Postes Canada depuis 40 ans dispose d'un certain nombre de jours de maladie, qu'il peut accumuler. Or, la direction veut remplacer ces congés de maladie par ce qu'elle appelle un « régime d'invalidité de courte durée », dont l'administration serait confiée à un fournisseur externe. Il s'agissait d'un élément crucial, mais non négociable selon la direction. Le régime d'invalidité de courte durée devait être imposé à tous les employés.

Quand vous dites qu'il y aurait eu moyen de restreindre la portée du conflit, je vous ferai remarquer que ça vaut pour les deux parties. Nous avons offert quelque chose à propos du régime de retraite. Nous avons proposé à la direction quatre moyens de régler la question, et elle a dit « non » les quatre fois. Il y a eu des négociations, mais nous avons notre position, et la direction a la sienne. Chaque fois que nous avons abordé des questions de cette nature, la direction nous répondait la même chose : « Nous devons réduire les coûts de main-d'œuvre. » C'est la seule réponse que nous a faite Postes Canada depuis le début des négociations. Et quand nous demandions à nos interlocuteurs de nous expliquer ce qu'ils entendaient par « coûts de main-d'œuvre » et de nous fournir les coûts du régime d'invalidité de courte durée, ils refusaient de répondre. En quoi consistait le régime d'invalidité de courte durée? Impossible de le savoir. À un certain moment, la direction a soutenu qu'il lui en coûterait 1,4 million de dollars pour répondre à nos demandes, mais elle n'a jamais donné d'explications. Les sénateurs doivent comprendre qu'à certains égards, si nous en sommes là où nous en sommes, la responsabilité incombe aux deux parties.

Le sénateur Jaffer : J'aurais beaucoup de questions à vous poser, mais comme je n'ai pas tout mon temps, je vais commencer par les deux catégories d'employés qui seront instaurées par la nouvelle structure. Comment va le moral des troupes? Comment faites-vous pour motiver les gens à travailler? Mardi matin, ou peu importe le moment où ce projet de loi sera adopté par le Sénat, comment allez- vous réussir à motiver vos employés?

M. Lemelin : Pour nous, ce qui compte, c'est que l'ancienne convention collective continue de s'appliquer. Selon le texte du projet de loi, elle demeurera en vigueur tant que le processus d'arbitrage ne sera pas terminé. Personne ne sera touché du jour au lendemain par les mesures que Postes Canada veut prendre. Il s'agit d'un point qu'il est bien important de comprendre.

Quand nous allons retourner au boulot, nous allons faire notre travail, et nous allons informer nos membres des moyens à prendre pour aborder la situation. Nous allons nous préparer au processus d'arbitrage et tenir nos membres au courant.

Le sénateur Jaffer : Plus tôt, vous disiez que vous alliez étudier très attentivement le texte du projet de loi dès qu'il sera adopté par le Sénat. Je me demande si vous avez lu les articles 6 et 7. Mon collègue, le sénateur Baker, en a parlé tout à l'heure, quand il discutait avec la ministre. Les articles 6 et 7 portent sur la période qui suit le 1er février 2011. Plus précisément, l'article 7 précise que la convention collective est illégale depuis le 1er février 2011. Mais à partir de demain, qu'en sera-t-il du lock-out?

(1700)

M. Lemelin : J'ai écouté attentivement le débat avec la ministre Raitt sur cette question. Je place un point d'interrogation sur ces deux articles. C'est quelque chose que nous allons examiner, c'est certain.

Le sénateur Ringuette : Monsieur Lemelin, vous avez comparu devant des comités du Sénat à titre de témoin à quelques occasions. Vous œuvrez au sein du syndicat depuis longtemps. En ce qui concerne ce projet de loi et l'offre finale des deux parties, l'arbitre n'a pas le choix. Ce sera ou bien l'offre finale du syndicat ou bien l'offre finale de l'employeur.

Personnellement je n'ai jamais vu une loi contraignante de ce genre dans un contexte de retour au travail. Habituellement, lorsque vous avez une loi de retour au travail, l'arbitre examine les différents éléments proposés par le syndicat et par l'employeur et crée un document. L'employeur peut perdre sur certains points et le syndicat peut perdre sur d'autres, mais en fin de compte, un arbitrage de ce genre est considéré équitable dans les circonstances.

Monsieur Lemelin, est-ce que je me trompe dans ma connaissance des conventions collectives?

M. Lemelin : Non, la plupart du temps, c'est la médiation- arbitrage et l'arbitrage d'un différend, mais ce choix de l'offre finale semble se produire de temps à autre. Peut-être que M. Bickerton peut en parler parce qu'il a plus d'expérience que moi sur cette question. Toutefois, à notre connaissance, lorsqu'on a procédé à l'examen du Code canadien du travail en 2000, on a fait tenu compte du rapport Sims qui fait une distinction très intéressante entre ce que nous entendons par arbitrage d'un différend et par choix de l'offre finale. Il montre exactement pourquoi, lorsqu'il y a une loi de retour au travail, la plupart du temps on choisit l'arbitrage d'un différend. C'est parce que c'est l'approche où les parties peuvent faire valoir leur point de vue et, à la fin, lorsque la décision est rendue, vous pouvez dire : « J'ai fait valoir mes arguments; j'ai défendu ma cause. » Cependant, dans ce cas, vous pouvez vous opposer depuis le début et à la fin, être récompensé par l'arbitre, sans avoir rien fait pour expliquer ce que vous voulez.

Geoff Bickerton, directeur de la recherche, Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes : Sims a été très clair sur cette question. Au hockey, on a souvent recours au choix de l'offre finale pour régler les questions salariales, mais pas les questions complexes comme les règles de travail, les questions de santé et de sécurité et de questions de dotation. Sims a été clair sur ce point. Le choix de l'offre finale est tout à fait inapproprié pour les négociations complexes. Il conclut en disant qu'en fait, cela accentue l'atmosphère négative; le résultat étant qu'il n'y a qu'un seul gagnant, cela accentue l'atmosphère négative qui, au départ, a mené à l'interruption de travail. C'est une façon tout à fait inappropriée de conclure des négociations comme celles qui se sont déroulées chez Postes Canada.

Le sénateur Ringuette : Ma question suivante, et je l'ai posée à la ministre Raitt et au président-directeur général de Postes Canada, concerne le paragraphe 11(2). Je n'ai toujours pas de réponse.

Je suis désolée que le sénateur Wallin semble trouver cela drôle, mais moi pas.

Je vais vous répéter ma question qui est extrêmement importante parce qu'elle porte sur un point qui se trouve dans la loi. On y lit ceci :

Pour choisir l'offre finale, l'arbitre se [...]

— c'est une obligation —

[...] fonde sur la nécessité de conditions de travail qui sont comparables avec celles de secteurs postaux comparables . . .

Messieurs, vous qui avez travaillé longtemps dans ce secteur, pouvez-vous nous dire quels sont ces autres secteurs postaux comparables?

M. Lemelin : À mon point de vue, il n'y en a pas. La réalité, c'est qu'au Canada, nous n'avons qu'un seul service postal, Postes Canada, et en même temps, notre réalité est différente de celle de la plupart des autres pays du monde parce que nous avons 33 millions de personnes réparties sur un des territoires les plus vastes au monde. Nous sommes dans une situation où les conditions atmosphériques sont vraiment importantes; et le secteur rural est vraiment important.

Si nous regardons globalement, pour nous il n'y en a pas, mais si nous regardons des aspects concernant de l'expansion des services, que nous avons proposée à Postes Canada, il y a maintenant de nombreux exemples sur la façon de construire un avenir meilleur. Il y a des exemples comme le Brésil et des pays en Europe comme la Suisse, l'Autriche et l'Italie, qui nous donnent des idées sur la façon d'étendre les services. Si nous regardons la question globalement, nous n'en voyons pas; c'est un cas unique. Si nous regardons comment nous pouvons bâtir un avenir meilleur à Postes Canada, tout le monde comprend que le courrier est en mutation, mais cette mutation doit être prise en main par Postes Canada. Ils sont en train de mettre en place une nouvelle technologie qui offrira des possibilités, mais pour exploiter ces possibilités, ils doivent regarder ce qui se passe dans le monde en ce qui concerne l'expansion des services.

J'ignore ce que l'arbitre fera de cet aspect ou s'il en parlera ou s'il mettra la question de côté. Si nous voulons étudier ce qui se passe dans le monde, je pense qu'il faudra plus que trois mois.

Le sénateur Ringuette : Je suis d'accord.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Lorsque le gouvernement vous met en lock- out, aucun service essentiel n'est offert. Est-ce exact?

M. Lemelin : Non, ce n'est pas exact. Les 20 et 21 juin, 8 000 de nos travailleurs et travailleuses sont sortis pour distribuer les chèques aux bénéficiaires de l'aide sociale. En vertu d'une entente, les 9 et 10 juin, avant le lock-out, les chèques destinés aux bénéficiaires dd l'aide sociale devaient être traités dans les centres de tri et distribués les 20 et le 21 juin. Les bénéficiaires ont donc reçu, dans leur boîte à lettres, les deux millions et plus de chèques de l'aide sociale.

Le sénateur Dallaire : Vos employés ont donc travaillé gratuitement pour la Couronne?

M. Lemelin : Ils ont reçu une allocation de 50 $ pour ce travail.

Le sénateur Dallaire : Au fil des ans, avez-vous développé un système qui identifie les services essentiels au cas où se produirait une situation semblable avec le gouvernement?

M. Lemelin : La première fois que nous avons, lors d'une grève, dû assurer un service, c'était en 1981. Depuis plus de 30 ans, lorsque se produit une grève ou un lock-out, nous assurons les services essentiels. Il ne s'agit pas de services essentiels au même titre que ceux dans les secteurs hospitaliers ou policiers. C'est un service que nous identifions à savoir quels sont les gens directement affectés par le service postal et qui reçoivent leur chèque du service postal sur une base mensuelle. Au cours de chaque négociation, depuis 30 ans, nous avons assuré ce service.

Le sénateur Dallaire : Lorsque vous dites « nous », de qui parlez- vous?

M. Lemelin : Je parle des travailleurs et travailleuses des postes.

Le sénateur Dallaire : Par conséquent, aucun processus n'a été mis sur pied, entre la Société canadienne des postes et vous, pour identifier les besoins?

(1710)

M. Lemelin : Non, cela se fait à chaque fois selon la situation. Normalement, il y a un mémoire d'entente entre les parties qui met en place les conditions de la distribution et du moment où cela se fera, et ensuite, il y a une négociation entre Postes Canada et les gouvernements fédéral et provinciaux pour établir quels chèques ils veulent inclure dans la liste.

Le sénateur Dallaire : Parce qu'il n'y a pas que les chèques qui sont essentiels. Est-ce que la négociation des services essentiels a été terminée avant le lock-out?

M. Lemelin : Absolument, cette entente a été signée en mars. C'est important, parce que, au fur et à mesure qu'on s'approche de l'échéance, il faut que ces questions soient réglées. La population a été informée de la situation.

Le sénateur Dallaire : Et l'employeur s'est montré réceptif quant à la décision finale sur les services essentiels?

M. Lemelin : Oui, on a respecté notre part du dossier et l'employeur a respecté son engagement.

Le sénateur Dallaire : Il n'y a donc pas de friction de ce côté?

M. Lemelin : Il y a toujours des petits détails à régler, et cela prend un certain temps pour les régler, mais une fois que c'est fait et qu'il faut les mettre en application, on peut procéder.

Le sénateur Dallaire : Le projet de loi, semble-t-il, vous donnera moins de bénéfices que ceux que vous aviez déjà à l'étape des négociations et qui avaient été approuvés.

Arrivez-vous à comprendre pourquoi le gouvernement vous offre ou semble offrir des conditions moindres que celles que vous étiez en train de négocier avec votre employeur?

M. Lemelin : Pour nous, c'est très facile à comprendre. La ministre Raitt l'a répété quatre ou cinq fois en Chambre hier : le gouvernement fédéral veut imposer une séquence au niveau des salaires qu'ils ont négociés ou imposés à un secteur, par exemple au niveau du secteur public; ils veulent avoir les mêmes salaires pour tout le monde. Même si nous ne sommes pas directement au service du gouvernement, en tant que une société d'État, ils ont imposé les mêmes règles.

Le sénateur Dallaire : Si je comprends bien, si ce projet de loi est adopté, , celui-ci sera utilisé comme barème ou comme norme pour toutes les autres négociations qui auront lieu avec tous les autres employés de la fonction publique et peut-être des sociétés d'État semblables à la vôtre.

M. Lemelin : C'est l'analyse qu'on en fait dans le secteur public fédéral.

Le sénateur Dallaire : Ce n'est pas simplement régler votre cas, c'est d'établir la norme fondamentale de l'argumentation du gouvernement pour tous ceux qui iront en négociations, c'est bien ça?

M. Lemelin : Je pense qu'on partage le même point de vue là- dessus. Le gouvernement se sert de la loi de retour au travail pour envoyer un message très clair à l'ensemble des travailleurs : si vous n'acceptez pas cela, et que vous alliez en grève ou en lock-out, vous vous retrouverez dans la même situation que les postiers.

Le sénateur Dallaire : Vous avez l'employeur, vous avez le gouvernement, et les deux ne s'entendent pas. En plus, vous serez utilisés comme point de repère pour les autres négociations. Ce qui m'amène à ce que votre « bon boss » nous a dit plus tôt — comme le disait Yvon Deschamps, je ne sais pas si c'est ce que vous vouliez dire —, mais il a dit que cela fait au moins 18 mois que vous êtes en bonne entente, que vous êtes en train de discuter et d'établir des relations patronales-syndicales ou employés pour la mise en marche de cette modernisation. Est-ce que vous pensez que cette atmosphère était réelle ou que c'était plutôt dans l'imagination de la gestion?

Et qu'attendez-vous de votre « bon boss » du point de vue de la réconciliation lorsque vous retournerez au travail mardi ou mercredi, si le projet de loi est adopté?

M. Lemelin : Le premier aspect, ce sont les bonnes relations de travail. Il n'y avait pas eu de grève depuis 14 ans à Postes Canada. Même si les relations de travail étaient parfois houleuses, les gens discutaient.

Quant à la question de l'investissement, parce que c'est maintenant le cœur de la situation, quand l'employeur a annoncé cet investissement, au mois d'octobre 2007, on a accepté. On a accepté ce changement, on a accepté la nouvelle technologie, on pense que c'était important de renouveler une technologie qui datait de 35 ans. Mais en même temps, il y a, dans la convention collective, des articles qui disent que lorsqu'on accepte des changements technologiques, il faut en négocier les effets défavorables. Dans le cadre des derniers 18 mois, on n'a pas réussi à négocier les effets défavorables, on est en arbitrage de différends sur la majorité des points qui n'ont pas été entendus sur les effets défavorables de la nouvelle technologie. C'est dans ce cadre que se situe la présente négociation.

On peut dire qu'il y a des relations de travail, on discute avec l'employeur, mais les problèmes majeurs sur la nouvelle technologie existent depuis octobre 2007, et nous avions comme position qu'il fallait régler ces points, sinon à la table de négociations, du moins en arbitrage. On tentait de les régler à la table de négociations, mais il est évident qu'il y a déjà des arbitrages en cours sur ces questions.

L'employeur peut dire qu'il essaie de changer ce qu'il appelle la « culture » à Postes Canada, mais il y a un élément de base : si on veut changer la culture, il faut mettre en place les conditions qui le permettent, et on ne pense pas qu'avec ce qui se passe actuellement, l'employeur établit des conditions qui le permettent.

Le sénateur Dallaire : Donc, on voit une société qui essaie de se rentabiliser avec des nouvelles conditions, qui veut se moderniser, et qui ne parvient pas à établir un lien favorable avec ses employés. De plus, cette situation a dégénéré au point où le gouvernement a utilisé cette situation de friction extrême afin d'établir les normes pour les négociations futures avec tous les autres syndicats. Ne trouvez-vous pas que vous êtes un peu le bouc émissaire pour toute cette organisation qui se prépare?

M. Lemelin : C'est pour cela que dans les faits, on se retrouve dans la situation présente au niveau de la loi. En même temps, je pense que pour nous, nos travailleurs et travailleuses sont très conscients de cette situation, que la lutte qu'on mène pour de bons emplois, de bons avantages, de bonnes pensions est une lutte importante qui nous permettra d'aller de l'avant. On a réussi, dans les trois dernières semaines, à partager cette vision d'une économie différente basée sur de bons emplois avec l'ensemble de la population. Pour cela, on pense que c'est un gain important.

Le sénateur Dallaire : La population semble de votre côté. Est-ce que vos collègues des autres syndicats ont établi des liens avec vous dans une atmosphère de solidarité, anticipant ce qui s'en vient?

M. Lemelin : Absolument. Des gens sont venus sur les lignes de piquetage, des groupes communautaires, des groupes de femmes, et cetera. On a établi des pactes de solidarité avec les autres syndicats parce que tout le monde comprend très bien que les enjeux de notre négociation sont les enjeux de l'avenir pour l'ensemble de la population.

Les gens comprennent très bien cette dimension et ils continueront de travailler pour vraiment faire en sorte de protéger l'avenir.

Le sénateur Dallaire : Vos réponses sont tellement claires qu'il est difficile de comprendre pourquoi on a tellement de problèmes avec le « bon boss ».

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Merci d'être ici cet après-midi. C'est un processus fascinant que nous suivons cet après-midi. Nous avons appris des choses et tenté d'en apprendre d'autres, mais certains ne sont pas disposés à nous donner des réponses.

Je veux donner suite à certains propos du sénateur Dallaire. On dirait qu'on est en train d'utiliser votre syndicat comme modèle pour tous les autres syndicats de la fonction publique. Je suppose par conséquent qu'il vaut mieux faire preuve de beaucoup de solidarité.

Plus tôt aujourd'hui, le sénateur Dallaire a demandé au PDG ce qu'il allait faire le jour de votre retour au travail. Disons pour l'instant que ce sera mardi matin. Il a demandé au PDG ce qu'il allait dire et faire. Le sénateur Dallaire a fait plusieurs tentatives, mais n'a pas obtenu de réponse.

(1720)

Je pense qu'il doit y avoir un problème systémique au sein de Postes Canada. Si je vous ai bien compris, vous avez dit qu'hier, après l'adoption du projet de loi à l'autre endroit, vous avez appelé la direction pour lui demander si elle voulait discuter du protocole de retour au travail. Toujours si je vous ai bien compris, la réponse a été d'attendre la sanction royale. Est-ce bien cela?

M. Lemelin : En effet.

Le sénateur Mercer : La direction ne vous a même pas offert de tenir une assemblée publique, alors qu'elle disait qu'elle allait tenir des assemblées un peu partout.

Franchement, mesdames et messieurs, c'est assez ridicule. Le syndicat appelle pour dire que le projet de loi sera adopté et qu'il convient donc de discuter de la façon d'organiser la rentrée, sans égard au contrat de travail, et se fait dire d'attendre que la loi oblige les travailleurs à rentrer au travail. Nous nous sommes peut-être butés à une partie du problème à Postes Canada.

Vous avez dit que vous respecteriez la loi à votre retour au travail. De toute façon, les pénalités sont assez sévères. Que se passera-t-il si l'attitude de Postes Canada ne change pas au cours des trois prochains mois?

M. Lemelin : Postes Canada a un nouveau PDG. Vous l'avez rencontré. Il est en fonctions depuis quatre mois. Je l'ai moi-même rencontré pour la première fois le 1er février dernier. Nous nous sommes revus quatre mois plus tard, soit le 1er juin, pendant les négociations. Je sais que ce conflit rend la situation difficile pour tout le monde.

Il y a toujours eu un problème à Postes Canada. Je ne suis pas le seul à le dire, d'autres le soutiennent également. À ce jour, à Postes Canada, personne ne s'est occupé des ressources humaines.

Or, les ressources humaines constituent l'un des secteurs les plus importants dans une entreprise. En général, des représentants du service des ressources humaines sont à la table de négociation. Voilà comment les choses se passent dans la plupart des entreprises, sauf à Postes Canada. Les représentants de Postes Canada qui sont à la table sont ceux qui s'occupent de relations de travail, notamment des griefs et des cas d'arbitrage. Voilà la réalité. Il faut changer les choses. Les responsables des ressources humaines doivent consulter le syndicat quand à la façon d'aborder la question.

Parfois, nous nous entendons. Nous avons négocié certains projets avec l'employeur, notamment l'expansion de services, qui figure dans notre convention collective, et un projet concernant la santé que nous avons mis en place en collaboration avec Postes Canada. Toutefois, lorsque vient le moment de négocier, les représentants des ressources humaines ne sont pas à la table; ce sont ceux des relations de travail qui y sont.

Pour nous, la prochaine étape est le retour au travail. Nous avons dit à nos membres : « Rentrez au travail et acquittez-vous de votre tâche. Ne prenez pas de risques. » La situation est difficile. Nous verrons en temps et lieu ce qui se produira en arbitrage. Nous demeurons disposés à rencontrer les représentants de Postes Canada. Nous continuerons à discuter. Les questions concernant la transformation du secteur des postes sont importantes pour nous, pour le patronat et pour les services postaux. Notre objectif consiste à rendre le milieu de travail plus accessible à tous et à ce que les travailleurs s'y sentent à l'aise.

Le sénateur Mitchell : Je conviens que cette mesure législative fait affront au principe de la négociation collective, qui à maints égards constitue un principe fondamental dans notre société. Ce droit ne reçoit absolument pas le respect qu'il mérite.

L'aspect limitatif de ce projet de loi le révèle clairement. Il établit l'échelle salariale et la durée de la convention. Il impose également des limites quant à ce qui peut être fait en matière de pensions. Je songe ici à l'alinéa 11(2)a).

Pourriez-vous nous faire part de votre interprétation de cette disposition, notamment quant au fait qu'elle semble ouvrir la voie à la mise en place d'un régime de pensions à deux vitesses, soit un pour les employés actuels et un autre pour les nouveaux? Le nouveau régime de pensions serait nettement moins avantageux que le premier.

M. Lemelin : Je vais demander à M. Bickerton de répondre à cette question, puisque c'est lui l'expert en matière de pensions.

M. Bickerton : Je ne suis pas un expert en matière de pensions.

Le sénateur Mitchell : Le gouvernement non plus, manifestement.

M. Bickerton : Cependant, nous engagerons des experts en matière de pensions. Je ne me sens pas capable de répondre à votre question directement. Je vous dirais que vous pouvez avoir l'assurance que notre syndicat a comme objectif de veiller à ce qu'une telle chose ne se produise pas.

En ce qui concerne le déficit de solvabilité de la caisse de retraite, il est important de noter qu'en 2003, ce déficit était de 1,2 milliard de dollars. Mais, en 2007, l'excédent de la caisse était si important que l'employeur a cessé de verser ses cotisations. Aujourd'hui, la caisse de retraite souffre de nouveau d'un déficit de solvabilité, comme c'est le cas de beaucoup d'autres caisses de retraite.

Le déficit de notre caisse de retraite est minime actuellement, même si on s'en inquiète. Je ne veux pas juger avant l'arbitrage de ce que feront les parties, mais il est important de se rappeler que, bien que le déficit ait été constamment dépeint comme critique, nous ne croyons pas que ce soit le cas.

Comme M. Lemelin l'a dit, nous avons fait plusieurs propositions importantes au cours du cycle de négociations. Nous avons notamment proposé d'accroître les cotisations des employés pour établir un fonds tampon, si vous voulez, en vue d'absorber les éventuels déficits de solvabilité à l'avenir. Nous avons aussi proposé de réorganiser les cotisations, ce qui aurait entraîné une augmentation des cotisations de nos membres. Nous avons fait de surcroît deux autres propositions.

Chaque fois, nos propositions ont été rejetées, ce qui est extrêmement frustrant. Nous avons l'impression depuis le tout début qu'on nous utilise pour atteindre un objectif d'une plus grande portée, que s'est peut-être fixé le gouvernement et qui consiste à changer les années de la retraite anticipée.

Nos propositions se seraient appliquées à tout le monde. Nous voulons les mêmes pensions pour tout le monde. Nous nous opposons totalement à un système à deux vitesses pour quoi que ce soit. Nous croyons que des gens qui font le même travail devraient recevoir le même salaire et les mêmes avantages sociaux. Ils devraient travailler le même nombre d'heures, et ainsi de suite.

Chaque fois que nous avons fait une proposition impliquant tout le monde, elle a été rejetée. L'employeur nous a répondu qu'il voulait éliminer ou modifier considérablement les dispositions sur la retraite anticipée, dans le régime de pension.

Le sénateur Mitchell : Vous dites que vos membres étaient prêts à augmenter leurs cotisations, mais que l'employeur ne voulait pas accepter cette offre. Était-ce parce qu'il était d'avis que ses cotisations à lui augmenteraient également? S'il a décidé de retirer de l'argent et qu'un déficit s'est produit, il a certainement la responsabilité d'augmenter ses cotisations, il me semble. L'employeur a-t-il indiqué qu'il augmenterait ses cotisations pour combler le déficit créé lorsqu'il a décidé de retirer l'argent de l'excédent?

M. Bickerton : Je ne dirais pas qu'ils ont nécessairement provoqué la situation en retirant l'excédent. Ce n'est pas tout à fait exact. Nous avons proposé de passer d'une situation où nous payons 40 p. 100 et l'employeur 60 p. 100 des cotisations au régime de pension à une répartition 50/50.

Le sénateur Mitchell : Cela souligne la probabilité que la disposition découle de l'idée de mettre sur pied un régime de pension à deux vitesses. Peut-être conserveront-ils les prestations déterminées pour les employés actuels, mais en introduisant les cotisations déterminées, qui sont beaucoup moins avantageuses, pour les nouveaux employés.

M. Lemelin : Votre avenir est lié au marché. Il y a une grande différence avec les régimes à prestations déterminées où on vous dit dès le départ ce que vous recevrez lorsque vous prendrez votre retraite. Si vous gagnez 200 000 $ par année, vous avez probablement toute la latitude voulue pour vous arranger avec un régime à cotisations déterminées. Cependant, lorsque vous gagnez un salaire horaire ou annuel, vous devez construire votre régime à partir de ce que vous gagnez. Chaque employé à temps plein verse 3 000 $ par année dans le régime de pension. C'est notre régime de pension et nous y cotisons. C'est pourquoi nous voulons l'assurance qu'au moment de notre retraite nous toucherons une pension. C'est important. C'est pourquoi nous avons fait à l'employeur une proposition concernant les cotisations, mais il l'a rejetée. De notre côté, je suis convaincu que tous les employés seraient prêts à payer entre 500 $ et 600 $ de plus par année pour protéger leur régime de pension à prestations déterminées. Nous étions prêts à aller dans ce sens parce que nous jugions qu'il était préférable de protéger tout le monde.

(1730)

Le sénateur Mitchell : Je suis d'accord avec vous sur toute la ligne. Il me semble que cette disposition explique votre initiative.

Afin de bien faire comprendre votre position, je dirai que, si un employé paye 3 000 $ par année dans un régime de pension, cela constitue une cotisation déterminée qui totalise 90 000 $ après 30 ans, ce qui représente une bonne carrière. On évalue ensuite l'intérêt rapporté par cette somme, peu importe combien c'est. Mais supposons que ces cotisations rapportent 150 000 $ ou 200 000 $ en 30 ans, on ne peut pas prendre sa retraite avec une somme de 200 000 $ ayant un rendement de 3, 4 ou 5 p. 100. Même un rendement de 5 p. 100 ne représente que 10 000 $ par année. Donc, l'employé qui travaillerait 30 ans avec un collègue ayant droit à une pension à prestations déterminées, pourrait se retrouver avec 4 000 $ ou 6 000 $ par année à la retraite. C'est exactement ce que signifie la disposition. Vous avez bien raison de la combattre.

[Français]

Le sénateur Murray : Vous disiez tout à l'heure que, au cours des derniers jours vous avez fait une proposition salariale à la Société canadienne des postes, qu'elle avait rejetée pour se replier sur une offre qu'elle avait déposée auparavant. Vous ai-je bien compris?

M. Lemelin : Absolument.

Le sénateur Murray : S'agit-il de la même offre dont il fut question au Sénat et à la Chambre des communes, cette offre patronale que nous avons comparée avec le régime salarial que le gouvernement vise à imposer par ce projet de loi?

M. Lemelin : Dans les négociations, ultimement, on fait des offres globales et tout est lié. On peut faire des compromis au niveau salarial et mettre l'accent sur l'indemnité de vie chère. Ensuite, on regarde les autres clauses et la situation dans son ensemble. L'offre s'inscrivait dans le cadre d'une offre globale, hier matin, où on se trouvait sous le parapluie d'une loi de retour au travail. Cette loi aura donc un impact énorme sur l'offre finale.

Dans les circonstances, nous avons déposé une offre, qui est disparue. L'employeur s'est replié sur une offre en disant que la grève ou le lock-out avait coûté des centaines de millions dollars à la société. Il s'agit d'offres globales où on échange des données. D'ailleurs, avant de faire cette offre globale, nous avions suivi un processus de médiation, par le biais du ministère du Travail. Nous arrivions donc avec une offre qui avait du contenu.

Le sénateur Murray : Vous vous attendez à de meilleurs résultats dans le cadre du processus d'arbitrage?

M. Lemelin : Nous verrons bien ce qui découlera du processus d'arbitrage. Il reste des questions humaines qui sont fondamentales et que les gens ne peuvent laisser de côté. On doit toujours mettre les choses en contexte. Toutefois, il faut prendre la décision ultime, à savoir si c'est acceptable ou non. Nous avons pris la décision, suite aux démarches de l'employeur, de tenter de vivre avec ce projet de loi et en trouver les failles.

Plusieurs suggestions ont été formulées aujourd'hui et nous allons les examiner. Je vous remercie de ces suggestions et des idées qui furent apportées par rapport à la loi. Ces questions seront examinées avec attention par nos conseillers juridiques.

[Traduction]

Le sénateur Cordy : Merci d'être venu ici aujourd'hui. Plus tôt cet après-midi, la ministre Raitt a justifié le projet de loi C-6 en disant que toutes les autres options avaient été épuisées et que c'est ce qui a mené à la présentation dépôt du projet de loi de retour au travail. Quelle est la position du syndicat? Est-ce que toutes les options avaient été épuisées avant que la mesure législative sur le retour au travail soit présentée et avant que le lock-out soit décrété?

M. Lemelin : Il est facile pour la ministre de dire cela, parce que, à ce moment-là, nous étions en négociations et nous mettions de la pression sur l'employeur. Au même moment, Postes Canada a décidé de nous mettre en lock-out et le gouvernement a décidé de présenter la mesure législative. Dès que Postes Canada a pris connaissance de cette mesure législative et a vu qu'il était question de la sélection d'un des offres finales, il est clair qu'elle a décidé d'attendre la suite des événements et elle a dit au syndicat de renoncer à tous ses principes et revendications et de se contenter d'accepter les offres.

La présentation de cette mesure législative était injuste parce que Postes Canada avait décidé de nous mettre en lock-out. La mesure de retour au travail aurait dû viser Postes Canada. Lorsque nous avons rencontré la ministre Raitt le 8 ou le 9 juin, nous avons dit que, si la convention collective était remise en vigueur, nous retournerions au travail et continuerions de négocier. Nous l'avons déclaré publiquement le 9 ou le 10 juin, je crois. C'est ce que nous avons proposé. Nous avons fait la même proposition à M. Chopra, en lui disant que, s'il remettait en vigueur la convention collective, nous retournerions au travail.

À partir du 15 juin, cependant, l'employeur n'a eu qu'à se croiser les bras, se détendre et attendre de voir ce que contiendrait le projet de loi. Certains peuvent prétendre que Postes Canada n'a pas été consultée sur le projet de loi lui-même, mais, à notre avis, il est clair qu'il y a eu coalition entre Postes Canada et le gouvernement sur ce projet de loi de retour au travail.

Le sénateur Cordy : Donc, vous étiez prêts à rentrer au travail et à négocier...

M. Lemelin : Oui.

Le sénateur Cordy : ... plutôt que d'attendre le projet de loi C-6?

M. Lemelin : Oui.

Le sénateur Cordy : C'est intéressant.

On a mentionné plusieurs fois un projet de loi semblable qui remonte à 1997. À l'époque, il s'agissait d'une grève de 11 jours, alors qu'en 2011 il s'agit du lock-out des employés de Postes Canada. Les gens ne font pas toujours la distinction entre les deux situations.

Vous l'avez mentionné plus tôt en ce qui concerne les retraites anticipées. Certains ont également parlé des salaires. Quel sera l'impact du projet de loi C-6 sur les négociations collectives futures, non seulement pour votre syndicat, mais également pour tous les autres syndicats concernés du secteur public et du secteur privé? Quel impact aura ce projet de loi sur le processus de négociation collective?

M. Lemelin : Je pense que c'est important, car, par le passé, nous n'avons pas eu droit à ce genre d'arbitrage, mais, en 1987, un certain projet de loi de retour au travail prévoyait effectivement un arbitre. Vingt-quatre ans plus tard, nous vivons toujours avec les conséquences des décisions prises par cet arbitre, car les enjeux n'avaient pas vraiment été bien saisis. Donc, à mon avis, c'est important.

Quelqu'un qui ne comprend pas les problèmes de relations de travail et les conventions collectives risque de prendre des décisions qui transformeront à jamais les relations de travail à Postes Canada. Cela risque d'avoir un impact majeur sur toutes les conventions collectives et sur les gains réalisés pendant 45 années de négociation.

En outre, le message transmis par le gouvernement aura également un impact énorme. Ce message nous dit très clairement que, si nous n'acceptons pas les réductions de salaire, la suppression de certains de nos avantages et une retraite moins généreuse, il nous ramènera au travail par une loi. Voilà le message que nous avons entendu. C'est le message qu'a également compris le mouvement syndical. Quand je discute de cette question avec les gens, ils me disent que nous sommes les premières victimes des dernières élections fédérales, mais qu'il y en aura d'autres. Nous verrons.

Le sénateur Cordy : En ce qui concerne l'arbitre qui sera nommé si le projet de loi C-6 est adopté, vous avez mentionné la possibilité qu'il ne connaisse ni la négociation collective ni Postes Canada. La direction et les travailleurs ont-ils un mot à dire dans le choix de l'arbitre?

M. Lemelin : Nous avons proposé un amendement au projet de loi en vertu duquel les deux parties soumettraient une liste de dix arbitres. L'une des personnes dont le nom figurerait sur les deux listes serait choisie. Rien de cela n'a été retenu. Tout a été rejeté.

(1740)

La ministre décidera qui sera nommé. Je l'ai entendue dire ce matin qu'un juge à la retraite pourrait agir comme arbitre. Elle a toutefois insisté sur le fait que la personne nommée devait avoir une bonne connaissance des relations de travail.

Le sénateur Cordy : Merci beaucoup.

Le sénateur Mahovlich : Je veux revenir à l'intervention de madame le sénateur Carstairs. Elle a parlé des salaires, et vous avez indiqué que certains touchent 24 $ l'heure, pendant que d'autres reçoivent 17 $. Où trouve-t-on les femmes sur cette échelle? J'ai vu plusieurs femmes livrer le courrier à Toronto. Où se situerait une femme sur l'échelle salariale?

M. Lemelin : Pourriez-vous répéter votre question? Il y avait trop de bruit; je n'ai rien entendu.

Le sénateur Mahovlich : Le sénateur Carstairs a mentionné l'échelle salariale. Le salaire le plus élevé était de 24 $ l'heure. Certains touchent 17 $, d'autres, 13 $; ce n'est pas uniforme. Une factrice obtiendrait-elle 24 $ l'heure?

M. Lemelin : Oui, les salaires sont les mêmes pour tout le monde. Dans les années 1960, nous avons dû livrer bataille concernant le salaire des femmes.

Le sénateur Mahovlich : Vous avez réglé la question?

M. Lemelin : Oui, elles touchent le même salaire.

Vous soulevez un point très important. Qui sont les travailleurs temporaires? Qui travaille à temps partiel? Plus souvent qu'autrement, ce sont des femmes. Avec une loi semblable qui prévoit des salaires inférieurs, les femmes seront les premières à être touchées.

Le sénateur Mahovlich : Elles gagneront moins.

M. Lemelin : Oui, elles toucheront moins avec les mesures proposées. C'est tout à fait clair.

Le sénateur Mahovlich : Je veux vous faire remarquer qu'un des plus grands sénateurs à avoir siégé ici était un chef syndical, l'honorable Ed Lawson. Il a été à la tête des Teamsters avant d'être sénateur. Nous avons beaucoup de respect pour les syndicats dans cette enceinte.

Le sénateur Di Nino : J'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue. Votre témoignage nous a certainement permis de mieux comprendre la situation

Je suis sûr que tout le monde conviendra que l'interruption des services postaux a des répercussions négatives sur beaucoup de Canadiens, pas seulement sur les petites entreprises, mais aussi sur les grandes entreprises, les aînés qui attendent leurs chèques de pension et les organisations caritatives attendant leurs dons, entre autres. Je pense qu'ils aimeraient que vous précisiez plus clairement ce que vous nous avez déjà dit. Vous avez probablement déjà répondu à cette question durant votre témoignage, mais si ce projet de loi est adopté, quand les membres du syndicat et vous retournerez-vous au travail?

M. Lemelin : Nous sommes actuellement en train de négocier avec Postes Canada. Le projet de loi sera en vigueur dans 24 heures. Nous sommes prêts à retourner au travail.

Le sénateur Di Nino : Vous êtes prêts à retourner au travail. Combien de temps cela prendra-t-il avant que vous ne puissiez fonctionner à pleine capacité?

M. Lemelin : Nous voulons que tout le monde soit de retour au travail dès la première journée.

Le sénateur Di Nino : C'est bon à entendre. J'apprécie cela.

Je pense que vous avez déjà répondu « oui » à la prochaine question, mais je tiens à ce que vous le confirmiez au Sénat. Croyez- vous que tous vos membres coopéreront pleinement avec la direction pour s'assurer que les services postaux reviennent à la norme le plus tôt possible?

M. Lemelin : Absolument. Nous avons toujours voulu maintenir un service postal public et universel. C'est l'objectif que nous visons.

Le sénateur Di Nino : Merci.

Le président : J'aimerais remercier infiniment les témoins qui ont comparu aujourd'hui. Au nom de tous les sénateurs, je tiens à vous dire que nous sommes très reconnaissants à votre égard pour avoir pris le temps de vous joindre à nous et de nous aider dans notre examen du projet de loi C-6.

Vous êtes maintenant libres de partir. Merci beaucoup.

Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que nous passions à l'étude article par article du projet de loi C-6, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'étude de l'article 1 est-elle reportée?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 2 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 3 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 4 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 5 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 6 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 7 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 8 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 9 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 10 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 11 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 12 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 13 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 14 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 15 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 16 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 17 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 18 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 19 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 20 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 21 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 22 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

L'article 1 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

Le projet de loi est-il adopté sans amendements?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.

Dois-je faire rapport du projet de loi sans propositions d'amendement?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Le président : Adopté avec dissidence.


Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

Rapport du comité plénier

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, le comité plénier, auquel a été renvoyé le projet de loi C-6, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux, a examiné le projet de loi et m'a chargé d'en faire rapport sans propositions d'amendement.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

Des voix : Maintenant.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée?

Des voix : D'accord.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)b) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois maintenant.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Troisième lecture

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, plus tôt aujourd'hui, j'ai décrit les raisons pour lesquelles nous nous opposons à ce projet de loi et suggéré des façons qui, selon nous, permettraient de l'améliorer. Les amendements que je vais proposer sont les mêmes que M. Rae avait proposés à la Chambre des communes. Ceux d'entre vous qui n'ont pas dormi depuis 56 heures et qui n'ont donc pas manqué une seule minute de ce débat connaissent déjà tous les arguments pour ou, peut-être, contre ces propositions d'amendement. Je vais toutefois épargner à mes collègues la liste de ces arguments et simplement les proposer à leur intention.

J'ai informé mon ami, le sénateur Carignan, qu'avec la permission du Sénat, je proposerais les quatre amendements en même temps et que je proposerais aussi qu'ils soient mis aux voix en bloc.

Je crois comprendre que le sénateur Baker souhaite proposer deux amendements. Si cela convient au Sénat, je suggère qu'il les propose maintenant afin que nous puissions nous pencher sur tous les amendements en même temps.

(1750)

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Le sénateur Carignan : D'accord.

Motions d'amendement

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai des amendements à proposer dans les deux langues officielles. Je propose :

Que le projet de loi C-6 ne soit pas lu pour la troisième fois maintenant, mais qu'il soit modifié

a) à la page 4, l’article 11, par suppression des lignes 18 à 35;

b) à la page 5, l’article 13,

(i) par substitution, aux lignes 9 et 10, de ce qui suit :

« 13.(1) Sous réserve du paragraphe (2), la présente loi n’a pas pour effet d’empêcher »,

(ii) par suppression des lignes 20 à 24;

c) à la page 5, l’article 14, par substitution, à la ligne 25, de ce qui suit :

« 14.(1) Malgré »;

d) à la page 6, l’article 16, par substitution, aux lignes 15 et 16, de ce qui suit :

« prévue au paragraphe 14(1), et pour donner effet à la ».

Son Honneur le Président : Débat sur les amendements?

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, comme les amendements seront étudiés tous ensemble, je vais en ajouter deux à ceux qui ont déjà été proposés, compte tenu des témoignages que nous avons entendus aujourd'hui. Je le fais pour qu'il soit bien clair que le Sénat est attentif et propose au moins un amendement. Tout cela pour dire que le projet de loi aurait dû être étudié avec plus de soin aux Communes, comme beaucoup de projets de loi, du reste, mais c'est plus particulièrement le cas pour celui-ci.

Je me suis entretenu avec quelques fonctionnaires avant de faire cette proposition. Je ne propose pas de remplacer le terme « must » par « shall » dans le texte anglais pour satisfaire aux exigences du Code canadien du travail, car on trouve le terme « must » partout dans le projet de loi que nous étudions aujourd'hui.

En ce qui concerne le deuxième problème, je proposerai de modifier le paragraphe 6(1) pour ajouter le libellé qui était présent dans les lois de retour au travail des postiers en 1997, 1991, 1987 et 1984 : la période pendant laquelle Postes Canada n'a pas distribué le courrier devrait être exclue de la convention collective et du nouveau projet de loi. Les raisons sont évidentes.

Si les honorables sénateurs passent à l'article suivant, ils constateront qu'il dit :

7. Pendant la durée de la convention collective prorogée par le paragraphe 6(1), il est interdit :

a) à l'employeur [...] de déclarer ou de provoquer un lock-out à l'égard du syndicat;

b) au syndicat ainsi qu'à ses dirigeants et représentants de déclarer ou d'autoriser une grève à l'égard de l'employeur;

En d'autres termes, à mon avis et de l'avis d'autres sénateurs, le libellé actuel du projet de loi prévoit la perpétration rétroactive d'une infraction contre Postes Canada punissable par procédure sommaire aux termes de la loi pour violation de dispositions du projet de loi que nous sommes en train d'adopter.

De plus, honorables sénateurs, à moins qu'on ne retire la période pendant laquelle Postes Canada était inactive, et si on dit que la convention collective s'applique à cette période comme s'il n'y avait eu aucune interruption, ce que le projet de loi dit bel et bien, alors chaque travailleur doit toucher son salaire. C'est pourquoi le projet de loi de 1997, auquel j'ai travaillé, était conçu comme il l'était. Il y a deux raisons qui justifient cet amendement.

Le deuxième amendement modifierait la dernière partie du projet de loi qui définit le terme « personne ». Les lois de 1997 et de 1991 ordonnant aux postiers de reprendre le travail disaient que le syndicat et l'employeur étaient une personne.

Aux termes du projet de loi, si une personne est reconnue coupable d'une infraction, elle peut être poursuivie n'importe où par le ministère de la Justice. Je ne vais pas tout lire, mais cette personne devrait payer une amende et les dépens, et le jugement serait rendu contre elle en cour supérieure civile dans la province où l'infraction a eu lieu.

Aux termes du projet de loi, seul le syndicat est considéré comme une personne. Dans toutes les lois antérieures, aussi bien l'employeur que le syndicat étaient considérés comme tels. Je vais lire le libellé, car c'est exactement celui que j'utilise. La loi de 1997, dont la ministre dit s'être inspirée, dispose, à l'article 20 :

Pour l'application de la présente loi, l'employeur et le syndicat sont réputés être des personnes.

Pourquoi, dans le projet de loi à l'étude, seul le syndicat est-il considéré comme une personne et comme passible d'une condamnation en cour supérieure s'il viole une disposition du projet de loi?

Honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi C-6 ne soit pas lu pour la troisième fois maintenant, mais qu'il soit modifié

a) à la page 2, à l’article 6, à la ligne 36, par adjonction après le mot « syndicat », de ce qui suit :

« , mais ne s’applique pas à la période commençant le 15 juin 2011 et se terminant à l’entrée en vigueur de la présente loi. »;

b) à la page 7, à l’article 21, par substitution, aux lignes 21 et 22, de ce qui suit :

« 21. Pour l’application de la présente loi l’employeur et le syndicat sont réputés être des personnes. »

Je propose ces amendements, honorables sénateurs, parce qu'ils ne demanderont pas plus de temps que les autres amendements proposés, mais qu'ils montrent bien l'excellent travail que fait le Sénat en signalant aux Communes qu'on commet parfois dans les projets de loi des erreurs inadmissibles.

Qu'on ne se méprenne pas. Si nous avons posé des questions à la ministre, c'était pour connaître les intentions du gouvernement. Comme les honorables sénateurs le savent, cela suffit parfois, en droit. C'est simplement une façon de dire que le Sénat a remarqué des erreurs et que, la prochaine fois, la Chambre des communes devrait faire plus attention ou devrait peut-être faire étudier les projets de loi au Sénat d'abord.

(1800)

[Français]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il est 18 heures. Est-ce que les honorables sénateurs ont l'intention de poursuivre les travaux?

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai vu l'horloge une partie de l'après-midi, je propose de ne plus la voir.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous sommes saisis de six motions d'amendement. Le Sénat a convenu que nous les mettrons aux voix ensemble. C'est donc un ordre du Sénat.

Que tous les sénateurs qui sont en faveur des motions d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que tous ceux qui sont contre les motions d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent. Les motions d'amendement sont rejetées à la majorité.

Honorables sénateurs, nous en sommes à l'étape de la troisième lecture. Le sénateur Carignan, avec l'appui du sénateur Mockler, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois. Vous plaît- il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que tous ceux qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : La motion, mise aux voix, est-elle adoptée? Non.

Et deux sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Il y aura un vote par appel nominal. Je demande la suggestion des whips : combien de temps la sonnerie devrait-elle durer?

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Maintenant? Une demi- heure?

Le sénateur Murray : Non, pas maintenant.

Le sénateur Marshall : Une demi-heure.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'invoque brièvement le Règlement. Je signale que la motion de troisième lecture a bien été proposée, mais que Son Honneur n'a pas permis aux sénateurs de prendre la parole. Quelques sénateurs semblaient vouloir intervenir.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la présidence est toujours prête à répondre à la volonté des sénateurs. Selon moi, ce que j'ai dit était clair en ce qui concerne la motion que j'ai présentée. Je n'ai pas pressé les choses et j'ai présenté lentement la motion. J'ai demandé la présentation de la motion de troisième lecture, puis j'ai répété que la motion avait été présentée par le sénateur Carignan, avec l'appui du sénateur Mockler. La mise aux voix a été demandée, puis la motion a été présentée. Aucun sénateur ne s'est levé. Par conséquent, la question a été mise aux voix et les votes par oui et par non ont été notés.

Comme deux sénateurs se sont levés, nous en sommes maintenant à la mise aux voix par appel nominal. Ce sont les whips qui suggèrent au Président la durée de la sonnerie. Si les whips ne s'entendent pas, la sonnerie durera une heure. Pourrais-je avoir les suggestions du whip en chef du gouvernement et du whip en chef de l'opposition?

Nous sommes en plein cœur d'une mise aux voix. On ne peut pas invoquer le Règlement.

Le sénateur Marshall : Une demi-heure. D'accord? La mise aux voix aura lieu à 18 h 32. Convoquez les sénateurs.

(1830)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence :

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk MacDonald
Angus Manning
Ataullahjan Marshall
Boisvenu Martin
Braley Meighen
Brazeau Meredith
Brown Mockler
Carignan Nancy Ruth
Champagne Neufeld
Cochrane Nolin
Comeau Oliver
Cools Patterson
Demers Plett
Di Nino Poirier
Duffy Raine
Eaton Rivard
Finley Runciman
Fortin-Duplessis Segal
Frum Seidman
Gerstein Smith (Saurel)
Greene Stewart Olsen
Housakos Stratton
Johnson Tkachuk
Kinsella Verner
Kochhar Wallace
Lang Wallin—53
LeBreton

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Jaffer
Carstairs Joyal
Chaput Lovelace Nicholas
Cordy Mahovlich
Cowan McCoy
Dallaire Mercer
De Bané Merchant
Downe Mitchell
Eggleton Murray
Fairbairn Pépin
Fox Poulin
Fraser Ringuette
Hubley Tardif—26

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

(1840)

Projet de loi sur la stratégie nationale relative à l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique (IVCC)

Première lecture

Permission ayant été accordée de revenir à la présentation et à la première lecture des projets de loi d'intérêt public du Sénat :

L'honorable Jane Cordy présente le projet de loi S-204, Loi établissant une stratégie nationale concernant l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique (IVCC).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Cordy, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Le Budget des dépenses de 2011-2012

Le Budget principal des dépenses—Adoption du troisième rapport du Comité des finances nationales

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport (premier rapport intérimaire) du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget des dépenses de 2011-2012), présenté au Sénat le 23 juin 2011.

L'honorable Irving Gerstein : Honorables sénateurs, j'aimerais aujourd'hui parler du troisième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales de cette 41e législature, qui porte sur le Budget principal des dépenses pour l'exercice 2011-2012. Je signale au passage qu'il s'agit du même budget des dépenses que celui qui a été présenté au Sénat en mars 2011.

Honorables sénateurs, personne ne pourrait mieux résumer la situation que Yogi Berra, qui disait : « On a comme une impression de déjà-vu ». Le mercredi 23 mars 2011, j'ai parlé en long et en large du Budget principal des dépenses pour 2011-2012, et je n'ai rien à ajouter. Je propose que la motion soit adoptée.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je tiens à parler brièvement d'une chose. Je ne voudrais surtout pas empêcher indûment le Sénat de s'ajourner pour l'été, mais quand je pense à l'été, justement, je ne peux m'empêcher de penser à la chaleur, aux gaz à effet de serre et aux répercussions des changements climatiques.

J'aimerais donc revenir sur l'intervention du sénateur Raine, qui a tenté de faire le lien entre météo et changements climatiques, mais qui a fini par admettre qu'elle ne souscrivait peut-être pas entièrement aux données scientifiques sur les changements climatiques ni à la théorie selon laquelle les changements climatiques sont bien réels et seraient attribuables à l'activité humaine. Voici en fait, les mots avec lesquels elle a conclu son allocution : « Ce n'est que lorsqu'une nouvelle tendance perdure pendant des dizaines d'années que l'on peut commencer à croire que nous sommes réellement en présence d'un changement climatique. » Une façon, selon moi, de dire qu'elle n'adhère pas vraiment à cette conclusion.

Cette affirmation pose problème à deux égards. D'une part, le sénateur contredit le premier ministre, qui a clairement souscrit à l'imposition d'une augmentation maximale de 2 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. Cette prise de position est importante parce qu'elle aura des répercussions sur les priorités qui, à leur tour, devront être prises en compte, d'une façon ou d'une autre, dans le budget des dépenses. Qui plus est, le premier ministre a clairement accepté, à deux occasions, la validité des données scientifiques sur les changements climatiques. Il a admis qu'il y avait, à l'échelle mondiale, une augmentation de température de deux degrés et que, par conséquent, il faut gérer et réduire les émissions de gaz à effet de serre.

De deux choses l'une : soit le sénateur est en désaccord avec le premier ministre, ce qui laisserait entendre qu'il est possible de s'exprimer librement et ouvertement et de contredire cette instance du parti — ce qui signifierait, évidemment, qu'il y a division au sein du caucus, ce qui serait intéressant, pour ne pas dire plus qu'intéressant —, soit le sénateur indique qu'il y a un changement dans les priorités et une absence d'engagement à l'égard de cette position scientifique fort importante.

Je soulève cet aspect de la question parce que l'affirmation faite aujourd'hui par le sénateur suscite très clairement une telle interrogation. Je tiens aussi à dire au Sénat et au premier ministre que j'espère vraiment qu'elle ne correspond pas au point de vue du premier ministre et que celui-ci demeure toujours convaincu de la validité des données scientifiques sur les changements climatiques et du fait que ceux-ci sont attribuables à l'activité humaine.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, le grand philosophe américain qu'est Yogi Berra, qui jouait de temps à autre au baseball, a déjà dit : « L'avenir n'est plus ce qu'il était. »

Son Honneur le Président : Puis-je demander aux honorables sénateurs s'ils sont prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plait-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Projet de loi de crédits no1 pour 2011-2012

Troisième lecture

L'honorable Irving Gerstein propose que le projet de loi C-8, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2012, soit lu pour la troisième fois.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je ne participe pas souvent aux débats sur les projets de loi de crédits, mais je le fais chaque année, à cette période, pour me plaindre encore une fois, non pas du sénateur Gerstein, mais du système avec lequel nous devons une fois de plus composer. C'était ainsi lorsque je suis arrivé ici, lorsque j'étais assis de ce côté, et c'est ce qui se produit depuis des années ici, c'est-à-dire que ces projets de loi nous sont présentés à la dernière minute et que nous sommes ainsi dans l'impossibilité de les étudier adéquatement.

J'aimerais citer à l'intention des sénateurs l'ancienne vérificatrice générale, Mme Fraser, qui a dit que le gouvernement doit fournir de meilleurs renseignements aux députés sur les prévisions budgétaires. Ses commentaires visaient les cycles usuels d'examen des dépenses. Elle a déclaré ceci :

Il s'agit là de l'un de leurs rôles les plus fondamentaux : approuver la façon dont les fonds seront dépensés, ou voter à ce sujet. Ce rôle est un rôle traditionnel qui remonte aux tous débuts du système démocratique.

C'est exactement cela.

Je veux parler de ce qui s'est passé à l'autre endroit. Cette fois, ils ont fait pire que nous. Je vais essayer d'être gentil avec eux, puisqu'ils ont passé plusieurs nuits là-bas. Néanmoins, ils ont adopté les projets de loi à toute vapeur, puis ils ont tout transmis à un seul comité, pas à tous les comités qu'ils ont créés, mais à un seul comité, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires. Ce comité n'a eu le temps de se réunir qu'une seule fois, il n'y a pas si longtemps. Au cours de cette réunion, les membres du comité ont dû examiner le budget de la Défense nationale, qui totalise 21,3 milliards de dollars, le budget de la Santé, qui totalise 3,3 milliards de dollars, et enfin, celui du Secrétariat du Conseil du Trésor. Ils ont fait tout cela au cours d'une seule et même réunion.

Honorables sénateurs, faisons-nous réellement notre travail si nous ne faisons que jeter un coup d'œil rapide aux livres lorsqu'ils nous passent sous le nez? La vérificatrice générale a dit aux gouvernements qui se sont succédé qu'ils devaient commencer à étudier le tout de manière plus détaillée, ce qui veut dire que nous, ici, devons recevoir les projets de loi beaucoup plus tôt. Je félicite les sénateurs Day et Gerstein du très beau travail accompli par leur comité, qui est excellent et travaille d'arrache-pied, mais il ne peut pas s'acquitter de sa tâche si nous recevons les projets de loi à la dernière minute.

(1850)

Honorables sénateurs, je tiens à prendre un moment pour rendre hommage à des collaborateurs importants qui nous entourent, puisque, semble-t-il, ce sera aujourd'hui notre dernière journée de séance. Je rends hommage à nos excellents interprètes, qui trébuchent parfois dans certaines de mes interventions. Je les remercie du gros travail qu'ils font pour nous.

Je remercie tous ceux qui travaillent au bureau du greffier et les sténographes. Surtout cette année, ils n'ont pas eu la tâche facile ces derniers temps, et je rends également hommage aux pages qui font un excellent travail pour nous.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, je me joins au sénateur Mercer pour remercier ceux qui nous servent si bien et qui font du Sénat, à mon avis, le lieu de travail le plus agréable au monde.

Il y a quelques minutes, j'ai prévenu le sénateur Gerstein que j'interviendrais brièvement à ce stade, que je mettrais votre patience à l'épreuve et que je profiterais de la latitude qui nous est laissée dans l'étude des projets de loi de crédits pour faire quelques observations.

Nous nous engageons dans une période d'austérité de quatre ou cinq ans. Nous savons que le gouvernement a défini des objectifs de réduction du déficit afin d'équilibrer le budget d'ici 2014-2015, je crois. Nous savons également que, pour pouvoir équilibrer le budget, le gouvernement a établi certaines projections de dépenses au titre des programmes. Inutile pour le moment de se demander si le gouvernement peut ou ne peut pas atteindre les objectifs qu'il se fixe. Quelles que soient les lacunes des projections, il y a des circonstances, à l'intérieur du Canada comme à l'extérieur, qui pourraient fort bien avoir un impact radical sur les projections.

Cela me rappelle les célèbres propos de l'ancien secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, à propos des faits connus connus, des faits inconnus connus et des faits inconnus inconnus. Telle est la situation que doivent affronter en ce moment le gouvernement et les gestionnaires des finances. Soit dit en passant, je me demande pourquoi on a tant critiqué M. Rumsfeld. J'ai relu l'autre jour les propos en question, et il me semble que, à bien y penser, ce qu'il a dit se tient très bien.

En ce qui concerne les projections des dépenses de programme, il est juste de rappeler que le gouvernement, dans les premières années où il était normal de le tenir responsable des finances nationales, a augmenté les dépenses de programme à un rythme bien supérieur à celui de la croissance des revenus et de l'inflation, et c'était avant que ne frappe la crise financière internationale.

Il importe de signaler que, dans les quatre ou cinq prochaines années visées par les projections du gouvernement, les dépenses de programme doivent progresser à un rythme nettement inférieur au taux de croissance économique, de croissance des dépenses et de progression de l'inflation. Cela, année après année, pendant quatre ou cinq ans.

Je m'en tiendrai là, même si nous savons tous qu'il serait très difficile à chacun de nous de payer l'épicerie — et je ne parle même pas du carburant — en maintenant le taux de croissance des dépenses bien en bas du taux d'inflation.

Pendant ce temps, le gouvernement s'est engagé à faire augmenter le Transfert canadien en matière de santé de 6 p. 100, ce qui est bien supérieur à la croissance économique, à l'inflation et à l'augmentation des revenus, et le Transfert canadien en matière de programmes sociaux de 3 p. 100.

Chose certaine, il vaudra la peine de suivre l'évolution du dossier. À moins d'une hausse imprévue des revenus, le gouvernement aura beaucoup plus de mal à atteindre ses objectifs que ne semblent le dire ses porte-parole, notamment le ministre Flaherty.

Je voudrais dire un mot sur un autre sujet, les transferts aux provinces. Le projet de loi d'exécution du budget a été adopté à mon insu. Il a fallu que le sénateur Gerstein me rappelle qu'il était déjà adopté. Je m'intéressais au projet de loi d'intérêt privé sur l'Université Queen's.

Le projet de loi d'exécution du budget contenait une disposition prévoyant cette année des versements spéciaux provenant du Trésor, aux termes de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces : environ 369 millions de dollars pour le Québec, 158 millions de dollars pour la Nouvelle- Écosse, 150 millions de dollars pour le Nouveau-Brunswick et 275 millions de dollars pour le Manitoba.

Pourquoi cet argent? Pour préserver l'équilibre de ces provinces, qui recevront moins en paiements de transfert pour la péréquation, le Transfert canadien en matière de santé et le Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Voilà qui m'a semblé intéressant.

Je n'ai pas les montants exacts, mais ces paiements de protection des transferts ont été faits en 2010-2011 de façon ponctuelle. Ils devaient être limités à une année. Cette année, les versements sont faits de nouveau pour une seule année, d'après ce que les fonctionnaires nous ont dit.

Je voulais savoir comment ces diminutions des transferts devaient normalement se faire et à quoi elles étaient attribuables. Nous avons accueilli un représentant de la Direction des relations fédérales- provinciales et de la politique sociale au ministère des Finances, M. McGirr. En réponse à nos questions, il a expliqué clairement que ce n'était ni le TCS ni le TCPS qui étaient en cause. Toutes les diminutions étaient attribuables à l'application de la formule de péréquation, en raison de deux nouveaux plafonnements proposés par M. Flaherty et le gouvernement fédéral : le plafonnement du total des fonds consacrés à la péréquation et le plafonnement des droits de chacune des provinces.

Si je soulève cette question, c'est parce que ces provinces sont maintenant à la merci de dispositions spéciales au cours des prochaines années. Je dis plus spécialement aux sénateurs originaires de ces provinces qu'ils doivent être sur leurs gardes. Une nouvelle formule de péréquation sera mise en place aux environs de 2014-2015, je crois. D'ici là, ces provinces subiront une diminution fort importante de leurs paiements de péréquation, à moins que nous ne nous assurions que le gouvernement préserve l'équilibre de ces provinces, menacé par les effets des modifications apportées à la formule ces dernières années.

Un dernier point, à propos cette fois des négociations qui auront lieu sur le Transfert canadien en matière de santé. On se livre à des spéculations, et la personne la plus en vue qui ait soulevé la question est Maxime Bernier, mais il est loin d'être le seul. Avant de réintégrer le Cabinet, il a proposé que tout le Transfert canadien en matière de santé soit accordé sous forme de points d'impôt, qui seraient transférés aux provinces. M. Boessenkool et d'autres ont avancé des idées semblables.

(1900)

Il y a beaucoup à dire au sujet du transfert de points d'impôt. Je pense avoir déjà indiqué aux sénateurs que j'étais présent lorsque le premier ministre Trudeau a annoncé, lors d'une conférence fédérale- provinciale tenue dans les années 1970, que le gouvernement fédéral était disposé à transférer 13,5 points de l'impôt sur le revenu des particuliers et 1 point de l'impôt sur le revenu des sociétés aux fins de ce qu'on a appelé le financement des programmes établis. Il essayait de persuader ses homologues, et il y est parvenu, que les provinces jouiraient ainsi d'une flexibilité accrue pour donner suite à leurs propres priorités, entre autres arguments. Bien évidemment, la Loi canadienne sur la santé ne se pointait pas encore à l'horizon à l'époque; elle est arrivée plus tard.

Depuis lors, il y a eu de la part du ministère des Finances, à Ottawa surtout — mais ailleurs également — beaucoup de réticence à consentir de nouveaux transferts de points d'impôt aux provinces. Si l'on résiste tant, c'est qu'on a l'intime conviction, c'est qu'on sait pertinemment qu'une fois qu'un point d'impôt est transféré, on n'en revoit jamais la couleur; il faut l'oublier. On craint vraiment d'en arriver à un tournant au-delà duquel un transfert de points d'impôt affaiblira en permanence la capacité fiscale du gouvernement fédéral. C'est une possibilité qu'il faut envisager et il y a tout lieu de s'inquiéter. Il est possible qu'on ne change guère la donne en retranchant encore quelques points de pourcentage à la TPS pour laisser les provinces occuper l'espace fiscal ainsi libéré, mais il y a un point de non-retour, et ce n'est certes pas moi qui pourrais vous dire où il se situe, à partir duquel ces transferts risquent de miner en permanence la capacité fiscale du gouvernement fédéral.

Si je soulève maintenant la question, c'est pour encourager les sénateurs à surveiller de très près la situation. En toute franchise, je pense que les sénateurs membres du caucus conservateur — bien qu'ils ne puissent raisonnablement pas s'attendre à être partie aux négociations — devraient insister pour que les ministres responsables les tiennent bien au fait de l'approche générale adoptée par le gouvernement relativement à ces questions.

Quant au risque que les transferts de points d'impôt en viennent à mettre vraiment en péril la capacité fiscale du gouvernement fédéral, je crois qu'il serait bon qu'un comité du Sénat — peut-être celui des finances, ou un autre — se penche sur la question, car cette possibilité encore hypothétique aujourd'hui pourrait devenir très concrète d'ici quelques années. Je pense qu'il serait sage de convoquer quelques experts pour dégager des points de vue éclairés et exempts de tout esprit partisan de telle sorte que le gouvernement — mais surtout le Parlement et les provinces — sachent exactement de quoi il en retourne lorsque ces questions entrent en jeu à la table des négociations fédérales-provinciales.

L'honorable Jane Cordy : Chers collègues, j'ai assisté à la séance du Comité des finances la semaine dernière, et j'ai été plutôt étonnée. Peut-être le sénateur pourra-t-il répondre à ma question.

Je crois qu'il s'agissait d'un plan de quatre ans pour le logement des Autochtones, et j'ai trouvé inhabituel que le financement prévu à cette fin ne se retrouve pas dans le Budget principal des dépenses, mais plutôt dans le budget supplémentaire. J'aurais cru que le financement d'un plan de quatre ans serait intégré au Budget principal des dépenses. Y a-t-il une raison à cela?

Le sénateur Murray : Désolé, je n'ai pas la réponse à votre question, bien que ce point ait été soulevé lors des délibérations du comité. Peut-être que le sénateur Gerstein a une meilleure mémoire que la mienne.

[Français]

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, permettez-moi un léger aparté concernant le Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Honorables sénateurs, il manquera au Sénat un personnage important l'automne prochain. Je parle de l'honorable sénateur Lowell Murray, qui a été pendant plusieurs années président du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Je dois vous avouer que, lorsque j'ai commencé à siéger au Comité des finances, il y a huit ans, il a agi de façon non officielle à titre de mentor pour me guider parmi tous les règlements, toutes les astuces et surtout pour détecter les éléments qui concernent l'Atlantique et qui étaient fort importants pour nous.

Je voudrais par ailleurs soulever que, dans le projet de loi qui est devant nous, des millions de dollars sont consacrés à des centres récréatifs dans la région du Sud de l'Ontario, alors que, dans les autres régions du pays, ces subventions sont complètement abolies dans les budgets des organisations de développement économique régionales.

Il faudrait aussi souligner le fait que, pour le programme Large bande Canada : Un milieu rural branché, ce projet de loi prévoit des sommes de l'ordre de 44,9 millions de dollars. Encore une fois, honorables sénateurs, j'aimerais souligner que les sommes d'argent pour ce programme particulier ont été diminuées, et ce, même au sein de l'Agence de développement économique du Canada atlantique.

Pour terminer, je voudrais de tout cœur remercier le sénateur Lowell Murray d'avoir consacré de nombreuses années de service auprès du Comité des finances, non seulement pour le bénéfice du Sénat, mais pour tous les Canadiens et les Canadiennes du pays. Merci, sénateur Murray.

[Traduction]

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Ringuette de ses observations et je propose que la question soit maintenant mise aux voix.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(Le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté, avec dissidence.)

[Français]

La Sanction royale

Avis

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 26 juin 2011

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable Louise Charron, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléante du gouverneur général, se rendra à la Chambre du Sénat, aujourd'hui, le 26 juin 2011 à 20 h 30, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du Gouverneur général,
Stephen Wallace

L'honorable Président du Sénat Ottawa

[Traduction]

Projet de loi de crédits no 2 pour 2011-2012

Troisième lecture

L'honorable Irving Gerstein propose que le projet de loi C-9, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2012, soit lu pour la troisième fois.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

Son Honneur le Président : Avec dissidence.

(Le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté, avec dissidence.)

(1910)

Pêches et océans

Autorisation au comité d'examiner les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans et de recevoir les mémoires reçus et les témoignages entendus depuis la troisième session de la quarantième législature

L'honorable Fabian Manning, ayant donné avis le 23 juin 2011 :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution, du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada;

Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis par le comité à ce sujet depuis le début de la troisième session de la quarantième législature soient renvoyés au comité;

Que le comité fasse de temps à autre rapport au Sénat, mais au plus tard le 30 septembre 2012, et qu'il conserve, jusqu'au 31 décembre 2012, tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Examen de la réglementation

Adoption du premier rapport du comité mixte

Permission ayant été accordée de revenir à la rubrique « Autres affaires », motion no 1 :

Le Sénat passe à l'étude du premier rapport du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation (ordre de renvoi et dépenses conformément à l'article 104 du Règlement), présenté au Sénat le 23 juin 2011.

L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, je propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Sénat

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, je me demande si les deux leaders accepteraient de prendre la parole et de nous dire quelques mots puisqu'il y aura une sanction royale tout à l'heure.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée aux leaders des deux côtés du Sénat de dire quelques mots sur la motion d'ajournement avant que nous suspendions nos travaux dans l'attente du suppléant de Son Excellence?

Des voix : D'accord.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Merci, Votre Honneur. Je serai brève. Je ne tiens pas à être massacrée par mon caucus qui est ici depuis 11 heures ce matin.

Nous avons commencé la session le 2 juin et il semble que ce soit déjà loin, même s'il n'y a que quelques semaines de cela. La session a été brève, occupée mais extrêmement productive. Je remercie tout d'abord mes collègues, qui ont travaillé fort et qui se sont acquittés de toutes leurs tâches au Sénat, et je remercie aussi nos vis-à-vis pour tout leur travail et leur zèle.

Je tiens aussi à remercier tout le personnel du Sénat, le greffier, le personnel de son bureau, les traducteurs, les greffiers des comités, le personnel d'entretien, le personnel de la sécurité et nos propres employés.

Nous reviendrons en septembre et je suis convaincue que nous aurons un horaire bien rempli. Je profite de l'occasion pour souhaiter un très bel été à tous. Les étés sont courts au Canada, aussi est-il très agréable de pouvoir en profiter.

Même s'il a quitté la salle, je remercie le sénateur Murray, qui occupait le poste avant moi et avait un point de vue différent sur le Sénat lorsqu'il était de ce côté-ci. Je lui souhaite une très agréable retraite.

Merci, honorables sénateurs.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, au nom de tous mes collègues de ce côté-ci du Sénat, je m'associe aux remarques du leader du gouvernement au Sénat. Je souhaite à tous les membres de notre famille sénatoriale élargie un été agréable et relaxant, sans élections. J'espère que nous nous retrouverons tous revigorés, et peut-être même de meilleure humeur que nous l'avons été par moments ces dernières semaines.

Je sais que tous les membres de notre famille sénatoriale ont travaillé très fort dans l'intérêt de ce grand pays qu'est le Canada. Le Sénat, comme nous l'avons souvent répété, n'est pas apprécié à sa juste valeur, sauf par ceux d'entre nous qui le connaissent vraiment. Les sénateurs font leur travail, et la plupart d'entre eux travaillent très fort en tout temps.

Cependant, aucun d'entre nous ne pourrait faire son travail sans le soutien des autres membres de notre famille, nos employés, le greffier et ses employés, les gardes de sécurité, les interprètes et les autres.

Je sais que le sénateur Murray a fait une très brève intervention puis s'est rapidement esquivé. J'espère que nous aurons l'occasion de lui rendre un hommage digne de ce nom. Plus tôt cet après-midi, le sénateur avait parlé de sa connaissance de l'institution. Depuis que je suis ici, je l'ai toujours écouté attentivement. Je m'en suis remis à lui à quelques reprises afin d'obtenir des conseils et il m'a toujours répondu. Je ne dirai pas que j'ai toujours aimé les conseils qu'il m'a donnés, mais c'était de bons conseils. Ses interventions réfléchies et pénétrantes nous manqueront. Nous en avons eu plusieurs exemples aujourd'hui. Il nous a montré à maintes reprises qu'il était l'archétype de ce qu'il est maintenant, soit un sénateur indépendant. Plusieurs ici l'auront connu lorsqu'il était davantage partisan et peut-être certains de mes collègues n'ont-ils pas apprécié son indépendance autant que nous. Quoi qu'il en soit, il est un grand sénateur et il a apporté une insigne contribution au Sénat, voire à tout le Canada. Nous lui en sommes reconnaissants et nous lui souhaitons une retraite longue et heureuse ainsi que la santé. Nous savons qu'il reviendra nous inonder de ses conseils de temps à autre, que nous le voulions ou non.

Je vous souhaite un bel été à tous.

Hommage aux pages à l'occasion de leur départ

Son Honneur le Président : Honorable sénateurs, après avoir rendu d'honorables et distingués services au Sénat, trois de nos pages nous quitteront aussi cet été. Ils sont ici aujourd'hui.

Jonathan Yantzi, qui occupait cette année le poste de premier page, est né à Burlington, en Ontario, où il a aussi grandi. Il travaille au Sénat depuis maintenant trois ans comme page, en plus d'étudier les sciences politiques à l'Université d'Ottawa. Jonathan prévoit commencer sa maîtrise en septembre 2012, lui qui finira son baccalauréat au printemps prochain. Sa magnifique voix nous manquera tout particulièrement. Merci beaucoup pour ce petit plus.

(1920)

De son côté, Peter Doherty nous vient de St. Catharines, aussi en Ontario. Il entreprendra sa quatrième année en études internationales et en langues modernes à l'Université d'Ottawa, où il étudie l'arabe comme troisième langue et fait une mineure en économie. Il travaillera tout l'été au Sénat du Canada. Il a eu l'immense honneur de travailler au bureau de l'huissier du bâton noir.

Enfin, Maria Habanikova nous quittera elle aussi cet été. Maria est née à Zilina, en Slovaquie, mais considère maintenant que c'est à Toronto qu'elle est chez elle. Toutes nos félicitations à Maria, qui vient d'obtenir son baccalauréat en sciences sociales avec grande distinction de l'Université d'Ottawa. Après un bref séjour cet été dans sa Slovaquie adorée, Maria reviendra en septembre faire une maîtrise à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa.

Au nom de tous les sénateurs, je remercie nos trois pages de la manière exemplaire dont ils ont servi notre honorable Chambre.

Des voix : Bravo!

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je réalise que j'ai encore beaucoup de chemin à faire pour atteindre la rapidité du sénateur Comeau. Je n'ai pas besoin de quitter très longtemps pour que l'ordre du jour avance rapidement.

Je sais qu'il y en a certains qui vont quitter pour l'été, alors j'aimerais remercier mes collègues de leur appui, de même que le sénateur Comeau pour ses précieux conseils au cours de mes premières semaines en tant que leader adjoint. C'est un privilège exceptionnel d'exercer ce poste, et avoir l'appui des honorables sénateurs est d'autant plus exceptionnel. Je veux profiter de ce moment pour les remercier.

Si j'ai bien compris où on en est dans l'ordre du jour, je suggère que l'on suspende la séance en attendant l'arrivée de l'honorable suppléante de Son Excellence le Gouverneur général.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que le Sénat suspende sa séance en attendant l'arrivée du suppléant de Son Excellence le Gouverneur général? Le timbre d'appel sonnera à 20 h 15.

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Il en est ainsi ordonné.

Honorables sénateurs, ai-je la permission de quitter le fauteuil?

Des voix : D'accord.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)

(2030)

[Français]

Sanction royale

L'honorable Louise Charron, juge puînée de la Cour suprême du Canada, en sa capacité de suppléante du Gouverneur général, prend place au pied du trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son vice-président des comités pléniers. Il plaît à l'honorable suppléante de Son Excellence le Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi suivants :

Loi portant exécution de certaines dispositions du budget de 2011 mis à jour le 6 juin 2011 (Projet de loi C-3, Chapitre 15, 2011)

Loi modifiant le Code criminel (mégaprocès) (Projet de loi C-2, Chapitre 16, 2011)

Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux (Projet de loi C-6, Chapitre 17, 2011)

Loi concernant l'Université Queen's à Kingston (Projet de loi S-1001)

L'honorable Barry Devolin, vice-président des comités pléniers de la Chambre des communes, adresse la parole l'honorable suppléante de Son Excellence le Gouverneur général en ces termes :

Qu'il plaise à Votre Honneur.

La Chambre des communes du Canada a voté certains crédits requis pour permettre au gouvernement de pourvoir aux dépenses du service public.

Au nom de la Chambre des communes, je présente à Votre Honneur les projets de loi suivant :

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2012 (Projet de loi C-8, Chapitre 18, 2011)

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2012 (Projet de loi C-9, Chapitre 19, 2011)

À ces projets de loi, je prie humblement Votre Honneur de donner la sanction royale.

Il plaît à l'honorable suppléante de Son Excellence le Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi.

La Chambre des communes se retire.

Il plaît à l'honorable suppléante de Son Excellence le Gouverneur général de se retirer.

(Le Sénat reprend sa séance.)


L'ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 27 septembre 2011, à 14 heures.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 27 septembre 2011, à 14 heures.)


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