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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 17

Le mercredi 5 octobre 2011
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 5 octobre 2011

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la présence à notre tribune de notre ancien collègue, membre distingué du Conseil privé de Sa Majesté, l'honorable William Rompkey.

Des voix : Bravo!

Hommages

L'honorable Bill Rompkey, C.P.

Son honneur le Président : Honorables sénateurs, plus tôt aujourd'hui, j'ai reçu du leader de l'opposition une demande en vertu de l'article 22(10) du Règlement en vue de prolonger la période consacrée aux déclarations de sénateurs d'aujourd'hui pour rendre hommage au sénateur Rompkey, qui a pris sa retraite du Sénat le 13 mai 2011.

Je rappelle aux sénateurs que, conformément à notre Règlement, chaque sénateur ne dispose que de trois minutes et ne peut prendre la parole qu'une seule fois.

Toutefois, êtes-vous d'accord pour que nous utilisions la période des déclarations de sénateurs afin de rendre hommage au sénateur Rompkey? Nous disposerions alors de 30 minutes et le temps qu'il resterait après les hommages pourrait servir à faire d'autres déclarations.

Des voix : D'accord.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage au sénateur Bill Rompkey, qui a pris sa retraite du Sénat le 13 mai dernier. Le sénateur Rompkey est né à Belleoram, une petite collectivité de la baie Fortune, à Terre-Neuve. On dit parfois que l'endroit où on naît et ou on est élevé nous marque l'âme, nous forme et nous ancre au sol, ce qui fait que, peu importe jusqu'où nous allons sur la planète, notre coin de pays fait toujours partie de nous. C'est certainement vrai de Bill Rompkey. Quiconque rencontre Bill ne peut qu'être frappé par son affection profonde pour Terre-Neuve-et-Labrador, par sa passion pour son histoire, ses traditions, sa population, son territoire et, par-dessus tout, par l'avenir de sa province bien-aimée. Cela est ancré profondément en lui.

Profond aussi est son désir d'aider son prochain, de servir ceux qui l'entourent et son pays. Au Sénat, nous avons pu observer le dévouement du sénateur Rompkey pour les hommes et les femmes de nos forces armées. Il a lui-même servi dans la Marine royale canadienne pendant presque une décennie. En 2009, il a reçu le prix Robert I. Hendy de la Ligue navale du Canada pour ses contributions à la Ligue navale et aux affaires maritimes.

Lorsqu'il n'était pas en mer au service de son pays dans la réserve navale, il enseignait au Labrador. Nous, qui avons aimé ses discours au Sénat, ne serons pas étonnés que sa matière préférée ait été l'anglais. Il est devenu directeur de l'école fusionnée Yale, au Labrador, puis a été nommé premier surintendant de l'éducation au conseil scolaire intégré de l'Est du Labrador, un poste qu'il a occupé jusqu'à son entrée en politique.

Il a été candidat pour la première fois aux élections fédérales de 1972 dans la circonscription qui s'appelait à l'époque Grand Falls—White Bay—Labrador. Il a remporté ces élections et toutes les autres qui ont eu lieu par la suite, jusqu'à son arrivée au Sénat en 1995. Sept victoires électorales consécutives sur un peu plus de 20 ans : quel tour de force!

Au cours de ces années, le sénateur Rompkey a été titulaire de portefeuilles importants. Il a notamment été ministre du Revenu national, ministre d'État aux Transports, ministre d'État aux Mines, ministre d'État aux Petites Entreprises et au Tourisme, secrétaire parlementaire du ministre de la Main-d'œuvre et de l'Immigration et secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement.

Au cours des années du gouvernement Mulroney, il a exigé que ce gouvernement rende des comptes en étant porte-parole pour de nombreux dossiers, allant de la défense nationale aux sciences et à la technologie, en passant par la consommation et les affaires commerciales.

La portée et la profondeur de son expérience et de ses connaissances sont vraiment impressionnantes.

Évidemment, après son arrivée au Sénat, le sénateur Rompkey a présidé un certain nombre de comités et a été un membre appliqué de plusieurs autres. Il a occupé des postes de chef de file en tant que whip du gouvernement et leader adjoint du gouvernement.

Au cours des presque 40 années qu'il a passées au Parlement, le sénateur Rompkey a fait la preuve que la politique peut vraiment être une vocation supérieure, une façon de servir la population canadienne et de régler les problèmes, grands et petits. Il a fait cela en véritable gentleman, avec intégrité, avec sagesse et toujours avec une remarquable bonté.

Les tâches qu'il a assumées étaient loin d'être faciles. Il ne s'est jamais défilé devant des questions difficiles et il a toujours respecté son engagement à faire de son mieux pour les gens de sa province et de son pays. C'est ce qu'il a réussi à faire.

On a pu être témoin récemment de l'engagement du sénateur Rompkey lors du projet lancé en 2009 par la Garde côtière en vue de retirer les gardiens des phares de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Colombie-Britannique. En tant que président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, le sénateur Rompkey a emmené les membres du comité voir les phares et rencontrer les gens dont la sécurité en mer dépendait de ceux-ci. Ils ont emprunté des routes et se sont déplacés en hélicoptère pour écouter en personne les Canadiens touchés par cette situation. Puis, ils ont présenté au gouvernement une série de recommandations, notamment celle voulant que les phares continuent d'être gardés. Dans une décision peut-être sans précédent, le gouvernement a accepté chacune des recommandations du comité.

(1410)

Il y a quelques années, j'ai eu la chance de participer à un voyage au Labrador avec le sénateur Rompkey dans le cadre des travaux du Comité des pêches. J'ai été frappé de voir à quel point le lien qui unissait Bill aux gens que nous avons rencontrés était solide. Ce lien, il l'a établi parce qu'il a passé sa vie au service de cette magnifique région de notre pays.

Honorables sénateurs, je ne sais pas comment il a fait, mais le sénateur Rompkey à mener a mené de front son travail acharné au Sénat et l'écriture de plusieurs livres, notamment des livres sur l'histoire militaire, un recueil de lettres de guerre, ainsi que d'autres ouvrages sur sa province bien-aimée.

J'ai rencontré Bill pour la première fois — il ne s'en souviendra probablement pas — il y a 30 ans lorsqu'il siégeait à l'autre endroit. C'était l'une de ces rencontres qui soit marquent le début d'une amitié qui durera toute une vie, soit sonnent le glas de toute relation cordiale. Il m'a fait subir la traditionnelle cérémonie terre-neuvienne du « Screech In » et je suis soulagé d'être ici pour vous dire que j'y ai survécu. En fait, lui et moi sommes devenus de très bons amis.

Je ne puis terminer mon intervention sans mentionner l'amour que Bill porte à la musique; c'est un autre aspect de sa vie qui, sans l'ombre d'un doute, renforce son identité ténélienne. Plusieurs sénateurs ont eu le plaisir d'être réunis autour d'un piano tandis qu'il jouait des chansons que tous pouvaient chanter, peu importe leurs talents musicaux. La musique est une joie pour lui et c'est une joie qu'il a toujours partagée.

Honorables sénateurs, le sénateur Rompkey me manquera énormément au Sénat. Je m'ennuierai de son calme, de son sens de l'humour pétillant ainsi que de ses conseils judicieux.

Je vais terminer en citant une des réponses à une liste de questions qui avaient été adressées au sénateur Rompkey par son éditeur et que j'ai trouvées sur le site web de ce dernier. Voici que qu'il a écrit :

La vie n'est pas une destination, mais un voyage et ce n'est pas une répétition générale, car il n'y a qu'une seule représentation, alors profitez-en au maximum et faites ce qui vous plaît, mais faites le bien.

Bill, Shelagh et moi vous souhaitons, à Carolyn, à vos enfants, à vos petits-enfants et à vous, de nombreuses années de bonheur dans cette prochaine étape de votre voyage ensemble. Je sais que vous suivrez votre propre conseil et que vous en profiterez au maximum, en faisant ce qui vous plaît, mais en le faisant bien.

L'honorable Ethel Cochrane : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour dire quelques mots au sujet d'un collègue très cher qui a récemment pris sa retraite du Sénat, au terme d'une carrière remarquable de 40 ans sur la Colline du Parlement.

Comme le sénateur Cowan l'a indiqué, le sénateur Rompkey a occupé de nombreux rôles de premier plan au fil des ans et a rédigé, seul ou en collaboration avec d'autres, de nombreux ouvrages magnifiques sur la riche histoire de notre province.

La liste de ses réalisations est impressionnante et force est de conclure que Bill est un être remarquable. Il est non seulement exceptionnellement talentueux, mais aussi extrêmement patient et attentif aux autres. Par surcroît, il est généreux et plein de compassion. Il traite les gens avec dignité et respect et il sait les écouter et leur accorder toute son attention. Il figure au nombre des rares politiciens qui savent vraiment écouter. Je crois d'ailleurs que cette simple qualité est le secret de la réussite phénoménale de Bill.

Bill accorde énormément d'importance à la politique et au service public, mais il a également une autre passion — et, bien sûr, un remarquable talent — pour la musique cette fois. Je pourrais l'écouter chanter et jouer du piano pendant des heures. Je me rappelle que, lors d'un déplacement particulièrement éprouvant d'un comité, je me suis assise avec lui au piano de l'hôtel et nous avons chanté de vieilles mélodies. C'était une façon de tuer le temps avant la prochaine halte prévue dans notre programme très chargé, mais ce fut également un moment inoubliable de pur plaisir qui a remonté le moral de toute l'équipe et qui nous a permis de poursuivre nos travaux avec un regain d'énergie.

Au moment où vous prenez une retraite bien méritée du Sénat, Bill, je me rappelle les paroles de ce grand succès de Vera Lynn, « We'll Meet Again », qui était sur toutes les lèvres à l'époque de la guerre :

Nous nous reverrons,
Je ne sais où, je ne sais quand.
Mais je sais que nous nous reverrons, par un beau jour ensoleillé.

Bill, ce fut un véritable honneur pour moi de collaborer avec vous pendant toutes ces années et j'ai sincèrement apprécié votre fidèle amitié, votre ouverture d'esprit et votre infinie patience. On dit souvent que, derrière les grands hommes, il y a de grandes femmes et je sais, Bill, que ce dicton s'applique bien dans votre cas. Je profite de l'occasion qui m'est donnée ici pour vous souhaiter, à vous et à Carolyn, ainsi qu'à vos enfants et petits-enfants, de nombreuses années de santé et de bonheur.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, compte tenu du fait que le sénateur Rompkey a toujours été un ardent partisan de la diplomatie parlementaire, c'est vraiment une heureuse coïncidence que je vous signale la présence à la tribune de l'honorable Kenneth Marende, président de l'Assemblée nationale de la République du Kenya, qui est accompagné d'une délégation parlementaire du Kenya.

Nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat du Canada.

Hommages

L'honorable Bill Rompkey, C.P.

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à propos d'un homme qui est né Terre-Neuvien et a choisi de devenir Canadien. Époux, père, grand-père, enseignant, marin, député, ministre, sénateur, whip du gouvernement au Sénat, président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, président du Comité permanent de la régie interne, auteur de nombreux livres et articles, il compose aussi des chansonnettes, dont je parlerai davantage dans un moment. En outre, il chante et joue du piano et, enfin, c'est un grand buveur de thé. Cette biographie de Bill Rompkey en quelques mots ne rend pas vraiment justice à l'être humain remarquable qu'il est, comme l'a dit ma collègue.

Je connaissais vaguement Bill, comme on connaît généralement les membres de l'autre endroit, mais quand il est arrivé au Sénat, j'ai pris la pleine mesure de ses talents.

Quand je suis devenue leader du gouvernement au Sénat, le très honorable Jean Chrétien m'a demandé qui j'aimerais avoir pour whip. J'ai répondu « Bill Rompkey » sans hésitation, parce que je savais à quel point Bill tenait à ce que la vie politique se déroule dans le respect et la dignité. Je savais aussi qu'il était très respecté de ses collègues et que ceux-ci n'auraient pas de difficulté à faire ce qu'il leur demanderait. De plus, je savais que Janice Marshall le suivrait. Janice a occupé une place importante dans son bureau, tant ici qu'à l'autre endroit, et elle est aussi dévouée que lui à son travail.

C'est grâce au travail acharné de Bill Rompkey que notre salaire et nos avantages sociaux ont été améliorés, à la fin des années 1990. C'est un fait assez méconnu, parce que d'autres sénateurs ont exprimé leur opinion à ce sujet plus bruyamment que lui, mais c'est Bill qui, en travaillant avec le cabinet du premier ministre, a obtenu des changements.

Il paraît que Bill a raconté récemment qu'il avait perdu un vote peu après être devenu whip et que je lui avais lancé des regards furieux, et qu'il n'avait plus jamais perdu de vote par la suite. Comme Bill et moi avions tous deux enseigné à l'école secondaire, il savait ce que voulait dire mon regard de maîtresse d'école.

Beaucoup de sénateurs libéraux présents aujourd'hui se rappelleront des dîners que nous avons organisés pour souligner la retraite de l'un des nôtres. Le clou de la soirée était, chaque fois, la chanson que Bill composait en l'honneur de la personne fêtée et que plusieurs d'entre nous chantaient en chœur.

Les desserts étaient bien sûr aussi mémorables que la chanson, et c'est Carolyn qui les apportait. D'ailleurs, Bill et Carolyn ont toujours formé un véritable partenariat, à toutes les étapes de la carrière de Bill. L'un ne venait pas sans l'autre. C'est un grand honneur pour John et moi de les compter parmi nos amis.

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, le sénateur Bill Rompkey a sans aucun doute apporté une contribution des plus variées à notre pays.

(1420)

Pour lui rendre hommage aujourd'hui, j'ai choisi de parler presque uniquement de sa contribution à l'étude que le Sénat a menée sur les phares du Canada, qui sont d'importants symboles pour notre pays, et leurs gardiens. À titre de président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, Bill était déterminé à aller au fond des choses. C'est ainsi qu'il a expliqué pourquoi il était si important de s'entretenir avec les personnes dont la vie est liée de près aux phares :

Si nous ne voyons pas les gens dans leur milieu, nous ne pouvons pas réellement comprendre tous les aspects de leur vie, ni connaître comme il se doit l'endroit où ils habitent.

Nos phares ont toujours occupé une place de choix dans le cœur et les souvenirs de nombreux Canadiens. En plus d'avoir contribué à assurer la sécurité des déplacements au pays, ils sont partie intégrante du patrimoine de notre nation. Mon arrière-grand- oncle, James Munson, a d'abord été capitaine. Après avoir survécu à un naufrage au large de la Nouvelle-Angleterre, il est devenu gardien de phare à Cap Enragé, au Nouveau-Brunswick, dans les années 1850.

Pendant les années 1990, soit trois générations plus tard, en tant que journaliste, j'ai participé à un documentaire sur l'île Machias Seal, un territoire de 15 acres situé au large des côtes de la baie de Fundy. Il s'agit du dernier endroit près de l'île du Grand Manan qui fasse encore l'objet d'un différend territorial entre le Canada et les États-Unis. C'est aussi à cet endroit que, en 1832, on a construit le premier phare du Canada.

Bill a souvent fait mention du rôle joué par les phares et de la place qu'ils occupent dans les collectivités. C'est sur cette minuscule île que j'ai pu le constater : les insulaires étaient très attachés à leur phare. Je sais que leur attachement est réel, et on peut les comprendre.

Bill est un homme sage, bon et attentionné. Il ne tient jamais rancune à qui que ce soit, ce qui est assez exceptionnel pour une personne qui a mené une aussi longue carrière au Parlement. Il possède quelques-unes des meilleures qualités humaines. Ce sont ces qualités qui nous attirent et que nous recherchons chez les gens.

La première fois que j'ai rencontré Bill, c'était pendant les années 1970; j'étais alors un jeune journaliste. Il venait tout juste de quitter la politique provinciale et était depuis peu député fédéral. Comme cela a été mentionné, il a par la suite été nommé ministre au sein du Cabinet Trudeau.

Bill a bien servi les Canadiens. Le caucus libéral a lui aussi profité de son engagement, et pas seulement pendant les heures de gloire du Parti libéral.

Aux élections de 1984, lorsque le Parti libéral est passé de 135 à 40 sièges, Bill est resté bien présent et a aidé les libéraux à garder espoir et à demeurer engagés. Il a réitéré son message d'espoir cette année, peu après les élections du 2 mai. C'est le genre de message que les libéraux avaient besoin d'entendre.

Bill a également été un phare pour le Sénat. Ses actions et ses méthodes démontrent constamment qu'on rentre toujours à bon port lorsqu'on continue à faire preuve de respect et de compassion à l'égard des autres, de leurs convictions et de leurs motivations.

Vous avez ma gratitude, Bill, ainsi que votre femme. Je remercie Bill d'être le gardien de phare sur cette Colline. Vous avez été un excellent collègue, et demeurerez toujours un ami intime. J'ai hâte d'entendre parler de vos grandes réalisations à venir.

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, comme mon entrée en cette vénérable Chambre est relativement récente, je n'ai pas eu souvent l'occasion de participer aux hommages offerts aux collègues qui nous quittent, puisque je les connais moins bien que d'autres, ou depuis moins longtemps.

Toutefois, c'est avec plaisir que je me joins aux autres, aujourd'hui, pour rendre hommage au sénateur Rompkey, car il a été pour moi un mentor, une source d'inspiration et un bon ami. J'ai rencontré Bill alors que je venais de me joindre au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. En tant que vice-président, j'ai eu l'occasion de collaborer étroitement avec lui pendant sa dernière année, grosso modo, au Sénat. Je veux dire à tous ceux qui sont présents aujourd'hui à quel point ce fut pour moi un grand privilège de travailler avec lui.

Tout d'abord, sous la présidence bien assurée de Bill, le comité a réalisé un travail exceptionnel — surtout en ce qui concerne l'Arctique et ses aspects prometteurs pour le Canada — qui a donné lieu à deux rapports : un sur les pêches dans les eaux canadiennes, qui s'annoncent très intéressantes au Nunavut et dans l'Ouest de l'Arctique, et un autre intitulé Le contrôle des eaux de l'Arctique canadien : Rôle de la garde côtière canadienne.

L'Arctique est une partie de notre grand pays qui est spéciale, unique et précieuse. En fait, c'est une composante essentielle de l'identité du Canada. Je dirais que le sénateur Rompkey est un homme de l'Arctique, et c'est vraiment un compliment. Certains diront que l'Arctique se trouve au-delà du 60e parallèle, mais je crois que le Labrador et le Nunavik en font partie intégrante. Les gens de ces régions partagent la même côte, les mêmes défis que posent l'éloignement et le climat et, en ce qui concerne les Inuits, le même patrimoine culturel et linguistique.

Il est triste que les frontières provinciales aient parfois nui aux liens qu'entretiennent les gens de l'Arctique vivant au Labrador, dans le Nord du Québec et au Nunavut. Bien qu'ils aient une histoire, une culture et des défis communs, les frontières les ont empêchés d'interagir et de se soutenir les uns les autres. Cependant, les visionnaires savent voir au-delà de ces barrières artificielles, et Bill Rompkey est un visionnaire. Comme il le mentionne sur son site web du Sénat :

Parmi tous les Inuits du monde, les Inuits du Nord du Labrador sont ceux qui vivent le plus au Sud. Mais ils sont les frères et les sœurs des Inuits du Nunavut, du Nunavik et du Groenland.

Sa passion pour l'Arctique transparaît dans l'excellent travail qu'il a accompli au sein du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, tant avant mon arrivée dans ce comité que quand nous y étions ensemble. Tous les rapports du comité témoignent de l'amour que Bill Rompkey éprouve pour l'Arctique. Ces rapports démontrent qu'il comprend parfaitement que l'Arctique est un élément déterminant de notre identité canadienne et que le Canada a besoin de politiques et de stratégies éclairées à propos du Nord pour assurer sa présence sur la scène mondiale en tant que grand pays.

Bill Rompkey est un homme du Nord et un homme de l'Arctique, ce qui lui vaut un grand respect à mes yeux.

J'aimerais aussi lui rendre hommage pour sa façon de présider notre comité. Même s'il nous est déjà arrivé de devoir étudier des politiques publiques à courte vue, pour ne pas dire complètement erronées, Bill Rompkey nous a toujours encouragés à ne jamais critiquer les politiques publiques ou les ministres des Partis conservateur ou libéral, que ce soit en public ou en privé. Nous nous sommes toujours concentrés sur le gouvernement du moment, et non sur son caractère partisan.

La vérité est que chaque nouveau gouvernement hérite des mauvaises politiques publiques du gouvernement partisan précédent. Le parti n'est pas toujours à l'origine des problèmes; parfois, la faute est aux mauvaises politiques et à la rigidité bureaucratique. De toute la période pendant laquelle le sénateur Rompkey a présidé notre comité, nous n'avons jamais perdu de temps à participer au « jeu du reproche », un jeu qui semble plutôt populaire ici à Ottawa. Nous en tirons une grande fierté, et c'est ainsi que nous sommes à notre meilleur.

Les résultats sont évidents. Dans les recommandations principales du rapport de notre comité sur la Garde côtière, même si nous reconnaissions d'emblée que la souveraineté du Canada dans l'Arctique est clairement prouvée, de par la situation géographique de la région et la manière dont nous l'occupons, nous soulignions toute l'importance du contrôle du transport des marchandises dans le passage du Nord-Ouest, surtout dans la mesure où les changements climatiques et l'exploitation minière feront vraisemblablement augmenter les activités maritimes. Nous avons fait valoir également que, alors que les bateaux qui pénètrent dans les eaux canadiennes par l'océan Pacifique ou Atlantique doivent se rapporter à des points de contrôle pour répondre aux questions liées la sécurité, il n'existe aucune exigence semblable dans l'océan Arctique. Nous avons présenté notre rapport en décembre. L'été suivant, le Système de trafic de l'Arctique canadien entrait en vigueur.

Notre comité a ensuite présenté un rapport intitulé Pleins feux sur les phares gardés de la Colombie-Britannique et de Terre-Neuve-et- Labrador, qui a d'abord été adopté par le Sénat, en demandant une réponse au gouvernement, le 21 mars 2011. Deux jours plus tard, le 23 mars, la principale recommandation du rapport visant à interrompre l'automatisation des phares sur les côtes Est et Ouest a été acceptée et annoncée par le ministère des Pêches et des Océans. Deux jours plus tard; je pense que c'est la première fois qu'un comité sénatorial a autant d'influence et fait autant réagir.

[Français]

L'honorable Pierre De Bané : Honorables sénateurs, j'aimerais également joindre ma voix à celle de mes collègues pour rendre hommage au sénateur Rompkey.

Comment décrire succinctement une carrière parlementaire de plus de 38 ans, dont 22 à la Chambre des communes et 16 au Sénat? Comment, en quelques mots, saisir un personnage qui a été député, secrétaire parlementaire, ministre, sénateur, whip du gouvernement, membre de plus de 20 comités sénatoriaux, de 20 comités de la Chambre et de quatre comités mixtes. Et je ne parle que de sa carrière parlementaire. Le sénateur Rompkey a été enseignant, directeur d'école, premier surintendant de l'éducation pour l'Est du Labrador, auteur, lieutenant dans la Marine royale canadienne. Si je devais énumérer toutes ses grandes réalisations, je manquerais certainement de temps.

Le sénateur a des racines profondes à Terre-Neuve-et-Labrador.

(1430)

[Traduction]

J'ai eu l'honneur de siéger avec Bill Rompkey au Cabinet, et il était aussi ministre responsable de Terre-Neuve-et-Labrador. Quand il parlait des habitants de sa province et de sa circonscription, personne ne pouvait demeurer insensible à la passion dont il faisait preuve lorsqu'il les représentait.

J'ai eu l'honneur de coprésider le Comité mixte spécial sur la politique de défense du Canada avec le sénateur Rompkey lorsqu'il était député à la Chambre des communes et que je siégeais au Sénat. J'ai appris beaucoup de choses sur la défense et sur les sentiments profonds qu'il éprouvait pour les Forces canadiennes, dans lesquelles il a servi.

Je pourrais parler encore longtemps, mais j'aimerais dire que je suis très impressionné par les rapports que le sénateur Rompkey entretenait avec ses électeurs. À l'époque, j'étais ministre de l'Expansion économique régionale, et mon travail portait beaucoup sur Terre-Neuve-et-Labrador. Le sénateur Rompkey faisait preuve d'une grande éloquence.

J'aimerais lui dire à quel point il m'a touché. Il m'a beaucoup influencé. Je veux le remercier de son dévouement envers le Canada, le pays qu'il a choisi, et les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador, qu'il a servis avec tant de passion.

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, c'est un privilège pour moi aujourd'hui de pouvoir dire quelques mots d'adieu à notre collègue et ami, le sénateur William Hubert Rompkey, mieux connu sous le nom de Bill, alors qu'il quitte le Sénat du Canada pour prendre sa retraite.

Étant donné l'intérêt que j'ai toujours porté à la politique, en particulier dans notre province d'origine, Terre-Neuve-et-Labrador, j'ai été témoin de la longue et fructueuse carrière du sénateur Rompkey. Il œuvre dans l'arène politique depuis un bon bout de temps. Il a été élu pour la première fois député fédéral de Grand Falls—White Bay—Labrador en 1972. J'avais huit ans à l'époque.

Il a été réélu quatre fois et, à partir de 1980, a été ministre du Revenu national, de la Petite Entreprise et du Tourisme ainsi que des Mines et du Transport. Il a été nommé sénateur en 1995 pour représenter le Labrador au Sénat du Canada.

Pour ceux qui ne le sauraient pas, je précise que les habitants de notre province appellent le Labrador « la grande terre ». Avec ses richesses naturelles en abondance, le Labrador est un lieu d'une beauté exceptionnelle, où la nature est généreuse et les perspectives, formidables. Pourtant, comme c'est toujours le cas, il faut être prêt à surmonter des difficultés considérables lorsqu'on veut exploiter les possibilités qu'offre un pays. Je crois que c'est dans l'adversité que la vraie nature d'une personne se révèle.

Le député Rompkey ou le sénateur Rompkey nous a montré à plusieurs reprises qu'il était prêt à affronter toutes les difficultés pour les gens du Labrador. Qu'il s'agisse de récolter les fruits de l'exploitation des ressources naturelles, de résoudre les problèmes environnementaux qui accompagnent cette exploitation, de participer à la construction et la promotion de la Route translabradorienne, d'aider l'école de musique de l'Université Memorial, d'adhérer aux luttes des habitants dispersés du Nord du pays, de résoudre les problèmes importants des Autochtones du Labrador ou de prêter une oreille attentive aux préoccupations particulières de milliers de Labradoriens, le sénateur Rompkey a acquis la réputation d'un travailleur acharné, déterminé, fier et passionné quand vient le temps de représenter les gens de Terre- Neuve, et en particulier ceux du Labrador.

Ma sœur, Mary, qui est décédée à l'âge de 48 ans, en juin 2000, du cancer du sein, a habité pendant 27 ans à Happy Valley-Goose Bay, au Labrador. Je me souviens de l'avoir entendue souvent dire beaucoup de bien de Bill Rompkey. « C'est un vrai gentleman », disait-elle souvent en insistant sur sa gentillesse.

Je ne crois pas me tromper en vous disant que, pour beaucoup de gens dans ma province, Bill Rompkey n'est pas du tout étranger aux progrès que nous avons réalisés pendant les quarante années où il nous a représentés.

À mon arrivée au Sénat, le sénateur Rompkey a été parmi les premiers à m'accueillir et j'ai eu le privilège de collaborer étroitement avec lui à titre de membre du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, qu'il a présidé pendant de nombreuses années.

Dans le cadre de mes fonctions à ce comité, j'ai pu constater directement la passion du sénateur Rompkey dont j'ai parlé tout à l'heure. Nous ne bâclions jamais le travail. Sa préoccupation première était que le travail soit bien, fait et je m'empresse d'ajouter qu'il se montrait juste dans son rôle de président.

Cette semaine, j'aurai l'occasion de présenter au Sénat un rapport final du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans sur l'affectation de personnel à la garde des phares du Canada. C'est sous la direction du sénateur Rompkey que le comité a produit ce rapport détaillé. Je suis très fier de suivre ses traces à la présidence du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

Mes amis, le sénateur Bill Rompkey a servi notre province et, en fait, notre grand pays, extrêmement bien durant 40 ans. Il a laissé sa marque, de la petite localité de Belleoram, à Terre-Neuve, jusqu'à North West River, au Labrador, et certainement dans les couloirs du pouvoir, ici, à Ottawa.

Lorsqu'il a reçu un grade honorifique en 2000 de l'Université Memorial à Terre-Neuve-et-Labrador, où il avait obtenu un diplôme en éducation 43 ans auparavant, en 1957, le sénateur Rompkey a dit, en parlant de l'île de Terre-Neuve et des grandes terres du Labrador : « Il y a beaucoup plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous divisent. » Il ne pourrait pas dire plus vrai. Aujourd'hui, ici, au Sénat du Canada, qui peut à l'occasion être très divisé, c'est d'une seule voix que nous disons merci au sénateur Rompkey pour toutes ces années où il a été au service de Terre-Neuve-et-Labrador et du Canada.

Nous vous souhaitons à vous et à votre charmante épouse, Carolyn, ainsi qu'à votre famille, un avenir radieux qui, je l'espère, sera toujours aussi lumineux que les aurores boréales du Labrador.

[Français]

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, je veux également dire au revoir à un bon ami et à un collègue respecté, notre cher sénateur Rompkey. Comme l'ont souligné mes collègues, durant sa très longue carrière politique, qui s'est déroulée de 1972 à 2011, Bill Rompkey s'est dépensé sans compter pour ses électeurs et son merveilleux coin de pays, et il l'a fait avec le sourire, car c'est un homme affable et courtois, deux qualités de plus en plus rares en politique.

[Traduction]

Je pense plus particulièrement aux deux années très enrichissantes pendant lesquelles j'ai fait partie des têtes dirigeantes du parti ministériel au Sénat de 2004 à 2006. Le sénateur Rompkey était notre leader adjoint, le sénateur Jack Austin notre leader et j'étais whip du gouvernement.

[Français]

Un parfait ménage à trois!

[Traduction]

Un ménage parfaitement réussi, harmonieux et sans heurts. Si les travaux du Sénat se déroulaient si bien à l'époque, c'était en grande partie grâce au sénateur Rompkey; je suis heureuse d'avoir été membre de cette équipe mémorable et de cette chorale.

[Français]

Je félicite aussi le sénateur Rompkey d'avoir partagé avec moi, avant son entrée en politique, la plus belle profession qui soit, celle d'enseignant. Cette profession lui a sûrement permis d'influencer de façon durable le cours de nombreuses vies, et ce, d'une façon beaucoup moins difficile qu'en politique.

Cher Bill, vous vous doutez bien que vous nous manquez déjà beaucoup. J'espère que les magnifiques paysages de votre chère province ne vous feront pas nous oublier trop rapidement.

[Traduction]

Comme on le dit si bien à Terre-Neuve-et-Labrador : profitez-en. Je vous souhaite de la santé et du bonheur pour de nombreuses années à venir.

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, au nom des hommes et des femmes qui portent l'uniforme de la Marine royale canadienne, j'aimerais dire quelques mots pour rendre hommage au travail formidable que le sénateur Rompkey a accompli pour la marine dans cette enceinte, au sein des comités et partout au pays, avec générosité, dévouement, détermination et sans jamais manquer d'humour. Le gouvernement a le mérite d'avoir apporté les changements nécessaires pour que l'appellation officielle de notre service naval s'apparente davantage à ce qu'il était et à ce qu'il est devenu, la Marine royale canadienne, plutôt qu'à une petite compagnie d'assurances néo-écossaise, mais c'est le sénateur Rompkey qui a lancé le processus lorsqu'il a organisé un modeste complot de l'autre côté de l'enceinte en vue de présenter une motion qui devait saisir le comité si habilement présidé par le sénateur Wallin du débat sur l'éventuelle insertion du mot « canadienne » dans l'appellation officielle de notre marine.

(1440)

Aujourd'hui, alors que les fiers hommes et femmes de nos forces navales, où qu'ils soient dans le monde, comprennent le respect que leur portent les sénateurs, le gouvernement et tous les partis, tout le mérite de cette initiative revient à notre ami qui nous quitte. Ce serait une erreur que de ne pas le mentionner en ce jour important.

Je suis certain que, pour le sénateur Rompkey, la retraite n'équivaut pas à une cessation d'activité. Je sais que son épouse lui a rappelé à plusieurs occasions que « aimer, honorer et servir » ne s'applique pas au lunch et qu'il ne pourra pas rester à la maison toute la journée. Je n'ai aucun doute qu'il mettra ses bons offices au service du pays pendant de nombreuses années encore. Que Dieu vous bénisse, sénateur Rompkey.

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage au sénateur Rompkey. J'ai eu l'honneur de servir aux côtés de Bill dans les deux Chambres du Parlement : à la Chambre des communes, il y a plus de 30 ans, dans le Cabinet de Pierre Trudeau, et enfin au Sénat, ces neuf dernières années.

Bill est un véritable gentleman. Son espèce se fait rare, il en reste encore quelques spécimens ici. Je ne préciserai pas combien, mais, quel que soit leur nombre, il y en aura un de moins après votre départ, Bill.

Vous avez été un parlementaire utile et efficace dans tous les sens du terme — aux Communes, au sein du Cabinet et du caucus, au Sénat, et en faisant fonctionner la démocratie en général. Vous êtes également un éducateur, un érudit, un universitaire et un auteur accompli. Vous êtes chaleureux, amical, et votre sourire est radieux et sincère.

En ce qui concerne vos talents d'auteur, je souligne que j'ai lu le livre que vous avez écrit sur le Labrador — non pas parce que je souffrais d'insomnie, mais bien parce que je me passionne pour l'histoire, surtout l'histoire canadienne. C'est un excellent livre.

Étant donné votre intérêt pour les phares, j'ai songé à vous interpréter un vieux chant de gospel — « I thank God for the lighthouse » —, mais je vous en ferai grâce.

Bill, vous nous manquez déjà. Vous êtes un modèle pour les parlementaires, actuels et futurs. Je vous souhaite, à vous, à Carolyn et à toute votre famille, la meilleure des chances pour les prochains chapitres de votre vie. J'espère que vous écrirez beaucoup. Je suis convaincu qu'il y en aura d'excellents, mon fils.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, il est extrêmement difficile de rendre hommage à l'un des orateurs les plus éloquents que le Sénat ait connu. Nous n'oublierons pas de sitôt la voix du sénateur Rompkey ni ses grandes envolées lyriques lorsqu'il abordait des sujets qui lui tenaient à cœur. Nous ne sommes pas prêts d'oublier non plus — comme d'autres l'ont déjà souligné — les chants qu'il nous faisait chanter. Nos voix vieillissantes, chevrotantes, grinçantes et fausses ne nous ont pas empêchés de former une chorale qui, grâce au sénateur Rompkey, a eu un plaisir fou à chanter.

Nous n'oublierons pas sa gentillesse et son merveilleux sourire. Le sénateur Rompkey parvenait à sourire même dans les moments sombres. Dans les plus sombres de ces moments, il souriait peut-être un peu moins largement et nous demandait si nous commencions à nous amuser. C'étaient là les seules occasions où il trahissait autre chose que la joie d'être ici parmi nous.

C'est aussi un passionné. Il se passionne pour les gens, pour l'histoire et la géographie de Terre-Neuve-et-Labrador, mais aussi pour les militaires et leur histoire.

J'ai beaucoup pensé à vous en juin de cet été, sénateur Rompkey, lorsque je me suis rendue en France pour commémorer le 95e anniversaire de la bataille de la Somme en compagnie d'une délégation. Le 1er juillet, nous étions à Beaumont-Hamel, et je dois dire que nous avons beaucoup pleuré. Quelques jours plus tard, nous étions à Gueudecourt, où, à peine trois mois après Beaumont- Hamel, le Royal Newfoundland Regiment, dont les rangs venaient d'être regarnis, connut une victoire éclatante. Nous avons recommencé à pleurer, mais les membres de cette délégation qui venaient de Terre-Neuve ont spontanément entonné l'ode à Terre- Neuve. J'ai aussitôt pensé à vous, car vous auriez été tellement fier d'eux. Ce sont ces gens que vous avez représentés ici : des militaires, mais aussi des civils, des gens passionnés qui avaient foi en leur pays, qui travaillaient pour leur pays, qui affrontaient le danger pour leur pays et qui ont entonné ce jour-là une ode en son honneur. Vous- même, vous avez fait tout cela et, ce faisant, vous avez égayé nos cœurs.

Je m'en voudrais évidemment de ne pas parler de cette femme merveilleuse que mon mari appelle toujours « Mme Rompkey ». Je ne compte plus le nombre d'occasions où il m'a dit : « Ah bon, les conjoints sont invités? »

[Français]

« Est-ce que Mme Rompkey sera là? Parce que si elle est là, j'y vais! »

[Traduction]

C'est une femme extraordinaire qui a un mari tout aussi remarquable. Nous serons éternellement reconnaissants d'avoir eu la chance de vous côtoyer.

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, nous rendons aujourd'hui hommage à un sénateur connu tout au long de sa carrière non seulement pour ses vastes connaissances et son grand leadership, mais aussi pour sa chaleur et son sens de l'amitié, que l'on savait authentiques. Ce fut un grand plaisir pour moi d'avoir connu le sénateur Rompkey et d'avoir travaillé à ses côtés au cours des 10 dernières années. Je souhaite aujourd'hui lui exprimer toute ma gratitude et lui offrir tous mes vœux.

Le sénateur Rompkey et moi avons siégé ensemble au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, et c'est là que j'ai véritablement appris à le connaître et à le respecter. À l'époque où il présidait les travaux du comité, le sénateur Rompkey était reconnu autant pour son expertise que son enthousiasme. La capacité qu'il avait de poser les bonnes questions aux bonnes personnes m'a toujours épatée. Il comprenait comme pas un les sujets abordés, probablement parce qu'il venait lui-même de Terre-Neuve-et- Labrador.

Que le sénateur Rompkey n'ait jamais oublié ses origines et ait toujours représenté son coin de pays avec fierté et dévouement explique probablement pourquoi il a connu une aussi longue et aussi fructueuse carrière ici, à Ottawa. Le sénateur Rompkey a écrit deux ouvrages sur le Labrador, région dont il a toujours ardemment défendu les habitants, les ressources et la beauté naturelle.

L'affabilité et l'ouverture dont fait preuve le sénateur Rompkey font qu'on lui a souvent demandé de participer à des activités caritatives. J'ai toujours admiré sa participation à la Fondation des mines terrestres du Canada et aux collectes de fonds visant à éradiquer les mines terrestres, mais, plus que tout, je lui suis reconnaissante de sa participation au chœur des Sénateurs chantants. C'est grâce au sénateur Rompkey, et à sa voix superbe, si on nous a invités plus d'une fois à chanter.

Sénateur Rompkey, je vous transmets, à Carolyn, à votre famille et à vous-même, mes meilleurs vœux pour votre retraite. Bonne chance.

L'honorable Marie-P. Poulin : Honorables sénateurs, le sénateur Bill Rompkey et moi avons été nommés sénateurs le 21 septembre 1995, et c'est comme si c'était hier. Lui, deux autres sénateurs et moi-même, bien qu'encore deux autres sénateurs aient été nommés un peu plus tôt cette année-là, nous nous sommes surnommés la « cohorte de 1995 ».

Tous les membres de la cohorte de septembre, Doris Anderson, Lorna Milne et, maintenant, Bill Rompkey, ont déjà obtenu leur diplôme. Je suis la dernière, mais je me réjouis du fait que ce n'est pas en raison de mes aptitudes, mais de mon âge, que je ne l'ai pas encore obtenu.

C'est avec tendresse que je repense à la cohorte de 1995 et, en particulier, à Bill Rompkey. Nous avons été de bons collègues, mais aussi de bons amis. Dès le début de notre association au Sénat, j'ai vu en Bill ce que tous les intervenants soulignent aujourd'hui : son affabilité et sa gentillesse, qui vont de pair avec son sens de l'humour, son intelligence et son savoir impressionnant.

(1450)

Dès 1995, j'ai vu en Bill un homme qui était véritablement au service du public.

Bill, vous avez consacré votre vie à Terre-Neuve-et-Labrador, à sa population, à ses collectivités et aux dossiers la concernant. Nous avons constaté avec quel enthousiasme vous avez servi la population ici, au Sénat, et à l'autre endroit, comme député et comme ministre. Nous avons constaté avec quelle finesse vous vous êtes battu pour les questions qui tenaient à cœur à vos concitoyens. Nous avons lu les livres que vous avez écrits pour parler des endroits que vous aimez à Terre-Neuve-et-Labrador.

J'ai également découvert le respect et l'admiration que vos anciens élèves éprouvent encore pour vous. Certains sont devenus des boursiers Rhodes et d'autres des personnalités très respectées de la télévision.

Plusieurs d'entre nous ont eu le bonheur de vous entendre jouer du piano, Bill, et, lorsque cela se produit, nous avons envie de chanter et de danser.

C'est exactement ce que l'honorable Bill Rompkey fait depuis 50 ans : il amène les gens à se sentir bien dans leur peau.

Oui, honorables sénateurs, nous perdons bien plus qu'un collègue en cette Chambre de second examen objectif, nous félicitons un homme aux multiples talents, un Canadien de Terre-Neuve-et- Labrador qui a le courage de ses convictions.

Je vous souhaite, à vous et à Carolyn, de mener à bien vos futurs projets. Permettez-moi, en tant que dernière représentante de la cuvée de 1995, de vous féliciter d'avoir fait une remarquable carrière au Sénat. Bonne chance, cher ami.

L'honorable Michael Duffy : Honorables sénateurs, nous avons entendu une longue liste des remarquables qualités du sénateur Rompkey et je tiens à m'associer à ce qui a été dit, tout comme le sénateur MacDonald, du Cap-Breton, qui est extrêmement timide et qui prend sa retraite aujourd'hui, ce qui est un peu inhabituel.

En 1972, je suis arrivé sur la Colline du Parlement en même temps que les élus de l'automne 1972, avec le sénateur Munson. Nous étions des jeunes sans expérience et nous avions tous beaucoup à apprendre. Le sénateur Bill Rompkey que nous voyons à la tribune aujourd'hui est le même jeune homme qu'à l'époque : généreux et prodigue, attentif aux autres et promis à la grandeur.

Vous nous manquerez. Je vous rends hommage pour tout en remontant jusqu'en 1972, mon ami. Vous êtes un vrai grand Canadien.

[Français]

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, permettez-moi de joindre ma voix à celle des sénateurs qui ont, aujourd'hui, rendu un hommage exceptionnel à un citoyen remarquable du Canada atlantique.

J'ai connu Bill à mon arrivée sur la Colline du Parlement en 1993. Déjà là, à l'intérieur du caucus de l'Atlantique, il faisait une démonstration de l'unité d'un groupe de personnes, des effets et des efforts qu'il pouvait mettre ensemble.

Un peu plus tard, à mon arrivée au Sénat, j'ai vu Bill avec un différent coup d'œil. Tous ceux qui ont fait des commentaires sur notre collègue diront qu'il y a un mot pour vraiment caractériser Bill : harmonie, harmonie à l'intérieur des comités, harmonie à l'intérieur de cette Chambre et, plus personnellement, harmonie d'une voix extraordinaire.

[Traduction]

Bill, les Sénateurs chantants ne se produiront plus désormais parce que vous n'y serez plus. Vous nous manquerez terriblement. Je vous souhaite une retraite heureuse en compagnie de votre charmante épouse, de vos enfants et de vos petits-enfants. J'ose espérer que, en véritable Canadien que vous êtes, vous continuerez de défendre les causes qui vous ont toujours tenu à cœur. Merci, Bill.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le Commissaire à l'environnement et au développement durable

Dépôt du rapport d'octobre 2011

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport d'octobre 2011 du commissaire à l'environnement et au développement durable du Canada, conformément au paragraphe 23(5) de la Loi sur le vérificateur général.

Le Sénat

Autorisation aux comités de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, je propose :

Que, si la séance du Sénat est suspendue aujourd'hui conformément à l'article 7(2) du Règlement, les comités devant siéger aujourd'hui soient autorisés à le faire à la suspension des travaux et pour le reste de la journée même si le Sénat siège, l'application de l'article 95(4) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

Avis de motion tendant à la mise sur pied d'une stratégie nationale de prévention du suicide

L'honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat convienne que le suicide n'est pas qu'une tragédie personnelle, mais qu'il constitue aussi un grave problème de santé publique et une priorité sur le plan politique; et que le Sénat exhorte le gouvernement de travailler de concert avec les provinces, les territoires, des représentants des Premières Nations, des Inuits et des Métis et d'autres intervenants afin de mettre sur pied et de financer une Stratégie nationale de prévention du suicide, qui ferait, entre autres, la promotion d'une démarche complète et axée sur la recherche pour se pencher sur cette terrible perte de vie humaine.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

L'industrie

Le recensement de 2011

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle fait suite à la question que le sénateur Tkachuk lui a posée au sujet du recensement, question qui l'a d'ailleurs prise au dépourvu.

Hier, madame le leader a dit que, cette année, le taux de participation à l'Enquête auprès des ménages était de 69,3 p. 100. Elle a affirmé qu'il s'agissait d'une amélioration par rapport aux résultats obtenus en 2006 avec le questionnaire détaillé obligatoire du recensement.

Je tiens à ce que tout le monde sache que, selon Statistique Canada, le taux de participation au recensement de 2006 a été de 94 p. 100, ce qui est nettement meilleur que 69,3 p. 100.

(1500)

Le gouvernement a peut-être envoyé l'enquête à un plus grand nombre de ménages et reçu plus de formulaires, mais le taux de participation est nettement plus faible. N'importe quel statisticien dirait que c'est le taux de participation qui est crucial.

Apparemment, même le chiffre de 69,3 p. 100, aussi faible qu'il soit, n'est pas exact non plus. Selon un article de La Presse canadienne du 7 juillet, les gens qui ont travaillé au recensement ont eu pour directive d'accepter les formulaires de l'Enquête auprès des ménages même si les gens n'avaient répondu qu'à 10 des 84 questions. Madame le leader peut-elle préciser quelle proportion des 69,3 p. 100 de répondants ont répondu à toutes les questions de l'Enquête nationale auprès des ménages?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le pourcentage de 69,3 p. 100 que j'ai indiqué hier est correct, en qui concerne le taux de réponse au questionnaire détaillé du recensement à participation facultative et je maintiens que le nombre de ménages qui a répondu est nettement plus élevé que lorsque les Canadiens étaient obligés d'y répondre. Je crois que les statistiques dont parle le sénateur Cowan portent sur la participation obligatoire à cet exercice. Cette année, le taux de participation est extrêmement élevé, comme c'était le cas auparavant dans le cas du questionnaire obligatoire abrégé.

Le sénateur Cowan : Le leader comprendra pourquoi je préfère me fier à l'opinion du statisticien national sur ce sujet qu'à la sienne. D'après Statistique Canada, le taux de réponse était de 94 p. 100 en 2006. Hier, le leader a affirmé que le taux de réponse cette année était de 69,3 p. 100.

Est-ce que madame le leader pourrait prendre cette question en délibéré, préciser ces chiffres et faire rapport au Sénat? Supposons que ce taux de 69,3 p. 100 est correct. Madame le leader peut-elle fournir le taux de réponse pour chaque question?

Si la totalité des répondants comptés dans le 69,3 p. 100 ont répondu à l'ensemble des questions, on peut affirmer que le taux de réponse était réellement de 69,3 p. 100. Toutefois, si toutes ces personnes ont seulement répondu à 10 des 84 questions, le taux de réponse réel ne serait pas de 69 p. 100, mais en bas de 10 p. 100.

Je soupçonne que le chiffre véritable se situe entre 10 et 69,3 p. 100. Les parlementaires et les Canadiens devront se fier sur ces données pour les décisions qu'ils prendront en ce qui concerne l'emplacement des hôpitaux et des écoles et l'affectation de toutes sortes de ressources rares par le gouvernement fédéral, ainsi que par d'autres ordres de gouvernement et organisations non gouvernementales. Ils doivent savoir si ces données sont exactes.

C'est pourquoi je demande à madame le leader si elle pourrait obtenir de la part du gouvernement et des organismes en cause la ventilation des 69,3 p. 100 afin que nous puissions déterminer à combien de questions ces personnes ont répondu et afin que les Canadiens puissent savoir avec certitude que les données sur lesquelles ils doivent se fier sont exactes. Le gouvernement nous a assuré que les données seraient aussi exactes qu'auparavant, et peut- être plus. Les Canadiens ont besoin de ces renseignements et d'en comprendre la nature.

Madame le leader du gouvernement s'engagera-t-elle auprès du Sénat à obtenir et à déposer ces renseignements?

Le sénateur LeBreton : Les Canadiens sont des citoyens respectueux de la loi. Ils savent que le formulaire abrégé de recensement est obligatoire. Ils ont respecté la loi, et ils l'ont rempli. Le taux de réponse était d'environ 90 p. 100.

Hier, dans ma réponse au sénateur Tkachuk, j'ai fait allusion au formulaire détaillé de recensement, qui est maintenant à caractère facultatif. Je pense qu'on a dit que les Canadiens avaient bien raison de se féliciter de leur taux de réponse très élevé au questionnaire détaillé, soit 69,3 p. 100. Je répète qu'il était à caractère facultatif.

L'an dernier, nous avons été témoins d'une réaction hystérique au fait que le gouvernement avait décidé de respecter la vie privée des Canadiens. L'affirmation voulant que les responsables de Statistique Canada aient reçu la consigne d'accepter le formulaire détaillé uniquement si on avait répondu à un nombre donné de questions a alimenté en partie cette hystérie. Tout ce que je puis dire, c'est que Statistique Canada a déclaré — et ce n'est pas le gouvernement qui le dit — que l'Enquête nationale auprès des ménages produirait des données utiles et utilisables, qui répondraient aux besoins des usagers de cette information.

Le sénateur Cowan : Je ne me plains pas des gens qui ont répondu à l'enquête. Ce dont je me plains — et ce dont je me suis aussi plaint l'an dernier —, c'est le fait que, selon nous et de nombreux experts, l'information recueillie ne sera pas aussi fiable que celle qui avait été obtenue au moyen du recensement obligatoire. Le gouvernement a assuré aux sénateurs que plus de Canadiens répondraient maintenant au questionnaire qu'à l'époque où ils étaient tenus de le faire. Or, 94 p. 100 ont rempli le questionnaire obligatoire, tandis que le taux annoncé par le gouvernement était de 69,3 p. 100. Un des deux pourcentages est manifestement élevé.

Une voix : Vous n'avez pas écouté la réponse.

Le sénateur Cowan : Le sénateur LeBreton n'a pas écouté la question. Ce n'est pas moi qui n'ai pas écouté la réponse; c'est madame le leader qui n'a pas écouté la question. Pourrait-elle prendre cette question en délibéré, puis rendre compte au Sénat de la réponse à la question que j'ai posée?

Le sénateur LeBreton : Le chiffre que le sénateur utilise est le taux de réponse au formulaire abrégé de recensement à caractère obligatoire. Je fais allusion au formulaire détaillé à caractère facultatif. Comme je l'ai dit ici à plusieurs reprises dans cette assemblée, j'avais très bon espoir que les Canadiens répondent au formulaire détaillé à caractère facultatif. De toute évidence, le taux de réponse au formulaire de recensement envoyé dans tous les ménages a été très élevé, ce qui est la norme au Canada.

Ce que je dis, c'est que 69,3 p. 100 des Canadiens ont répondu au formulaire détaillé de recensement, qui est maintenant à participation facultative. Statistique Canada dit que ce questionnaire produira des données crédibles et utiles.

Je prends note de la question du sénateur. Cependant, je suis persuadée que les gens qui ont pris la peine de remplir le formulaire détaillé ne se sont pas contentés de répondre à deux ou trois questions avant de retourner le formulaire. Ils ont dû le remplir du début à la fin.

[Français]

Les affaires étrangères

Le respect de la dualité linguistique

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

La semaine dernière, j'ai soulevé ma grande préoccupation à propos de l'embauche de M. Persichilli, un homme qui écrivait jusqu'à tout récemment des commentaires francophobes en tant que chroniqueur et qui est maintenant directeur des communications du premier ministre.

Nous voilà cette semaine avec le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international qui décide d'avoir des cartes d'affaires en anglais seulement. Je répète donc ma question : quel message le gouvernement essaie-t-il d'envoyer aux communautés francophones du Canada quand le porte-parole principal du premier ministre trouve qu'il y a trop de francophones à Ottawa et que le porte-parole principal du Canada à l'étranger refuse d'inclure l'une des deux langues officielles du Canada sur ses cartes d'affaires?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, lorsque j'ai répondu à la question, la semaine dernière, j'espère avoir dit clairement que les opinions exprimées par M. Persichilli dans sa chronique du Toronto Star ne reflètent pas celles du gouvernement ni du premier ministre. En toute franchise, sénateur Chaput, je vous inviterais à lire cette chronique. L'interprétation qu'on en a faite attribuait au chroniqueur des propos beaucoup plus durs que ceux qu'il avait réellement tenus dans son article. Cela dit, je ne défends aucunement la position du chroniqueur. Le premier ministre est un ami du Québec, un ami de la langue française et un ami des francophones. Il en a fait la démonstration de plusieurs manières, notamment en reconnaissant la nation québécoise, en réglant le déséquilibre fiscal, en donnant au Québec un siège à l'UNESCO et en faisant l'annonce qu'il a faite vendredi dernier concernant la taxe de vente harmonisée et l'annonce d'aujourd'hui sur le pont Champlain.

(1510)

Honorables sénateurs, le gouvernement applique à la lettre la Loi sur les langues officielles, et la dualité linguistique se reflète dans tout ce que fait et dit le premier ministre. Quant à M. Persichilli, il est un citoyen canadien très sérieux et très compétent dans le domaine des communications. Il occupe maintenant le poste de directeur des communications au bureau du premier ministre. D'autres personnes qui ont été engagées sont conscientes de la dualité linguistique de notre pays et s'intéressent aux enjeux qui touchent le Québec.

L'histoire des cartes professionnelles du ministre des Affaires étrangères montre encore une fois ce qui arrive lorsque l'on se fie aux journaux. Comme je l'ai signalé à la Chambre hier, les cartes professionnelles du ministre Baird sont imprimées dans les deux langues officielles.

Des voix : Oh, oh!

L'honorable Pierre De Bané : Honorable sénateurs, j'aimerais poser une question au leader du gouvernement au Sénat.

Le Programme de coordination de l'image de marque, ou PCIM, a été créé il y a 42 ans, soit en 1970. Il a été revu en 1974, en 1976, en 1978 et plusieurs fois par la suite. Le PCIM a pour objectif de veiller à ce que tous les ministères et organismes présentent les éléments graphiques, l'image et les valeurs associés au gouvernement du Canada de manière uniforme et cohérente, sans exception. Nul ne doit faire fi des lignes directrices établies dans le cadre de ce programme.

L'une des caractéristiques fondamentales de ce programme est qu'il rejette l'idée selon laquelle les deux langues officielles du Canada sont égales, mais distinctes. Lorsqu'il faut communiquer avec le public, que ce soit au Canada ou à l'étranger, les deux langues officielles doivent figurer dans tous les documents et éléments qui identifient le gouvernement du Canada, ses représentants, ses ministères et ses institutions, entre autres.

C'est la toute première fois qu'un ministre de la Couronne imprime des cartes professionnelles en anglais, en français et bilingues aux frais des contribuables, même si son propre ministère l'a averti qu'il enfreignait ainsi les lignes directrices du PCIM.

Comme les sénateurs le savent, chaque fois qu'un sénateur a demandé aux services d'imprimerie du Sénat d'imprimer des cartes professionnelles en une seule langue, la demande a été refusée poliment. Ces cartes doivent être dans les deux langues officielles.

Le ministre qui doit projeter une image impeccable de notre pays à l'étranger est le seul ministre qui a enfreint les règles du PCIM en 42 ans.

Madame le leader pourra répondre par l'affirmative ou la négative à la question suivante : peut-elle garantir à cette Chambre qu'elle recommandera au ministre de mettre au rebut ces cartes professionnelles unilingues, de rembourser les coûts de celles-ci aux contribuables et de suivre l'exemple du premier ministre, qui respecte la lettre et l'esprit du Programme de coordination de l'image de marque, oui ou non?

Le sénateur LeBreton : Je vais donner exactement la même réponse que j'ai donnée au sénateur Chaput. Les cartes professionnelles du ministre Baird, le ministre des Affaires étrangères, sont imprimées dans les deux langues officielles du Canada.

Les travaux publics et les services gouvernementaux

La désignation des immeubles fédéraux

L'honorable Pierre De Bané : Honorables sénateurs, le premier ministre Harper a déclaré que les Canadiens n'aiment pas que le gouvernement les prenne par surprise. La semaine dernière, le gouvernement du Canada a décidé de donner à un immeuble d'Ottawa le nom de l'ancien premier ministre Diefenbaker en raison des précieux services qu'il a rendus à notre pays. Or, dans plusieurs années, les Canadiens seraient surpris et outrés si un futur gouvernement du Canada décidait de passer sous silence l'hommage rendu la semaine dernière à l'ancien premier ministre Diefenbaker, qui prête maintenant son nom à un immeuble.

N'est-ce pas le comble de l'ironie et du cynisme que le gouvernement à l'origine d'une annonce rendant hommage au premier ministre Diefenbaker choisisse de banaliser la dénomination de l'édifice qui abrite le siège du ministère des Affaires étrangères alors que celui-ci avait été baptisé, il y a de cela de nombreuses années, en l'honneur de l'ancien premier ministre Mike Pearson? M. Pearson a été sous-ministre et ministre des Affaires étrangères, premier ministre, prix Nobel de la paix et président de l'Assemblée générale des Nations Unies; il a de plus joué un rôle majeur dans la résolution de la crise du canal de Suez. Aujourd'hui, le ministère insiste sur l'adresse postale plutôt que sur le nom de l'édifice.

Comment se fait-il que le gouvernement qui baptise un édifice en l'honneur de l'ancien premier ministre Diefenbaker trouve anormal de reconnaître un autre premier ministre du Canada remarquable, dont on a donné le nom à un édifice il y a de cela de fort nombreuses années? Les gens ne sont pas seulement surpris, ils sont offensés. Poser ces deux gestes au même moment montre bien la petitesse, la mesquinerie et la méchanceté du gouvernement.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Le sénateur De Bané est-il en train d'insinuer que les Canadiens devraient être offensés qu'on nomme un édifice en l'honneur du très honorable John George Diefenbaker?

Le sénateur De Bané : C'est tout le contraire.

Le sénateur LeBreton : Le sénateur a souligné les nombreux accomplissements de Lester Pearson et les nombreux honneurs qu'il a reçus en disant qu'il avait été premier ministre, sous-ministre des Affaires étrangères et lauréat du prix Nobel de la paix. Le sénateur trouvera peut-être intéressant de savoir que, d'un point de vue historique, M. Diefenbaker a joué un rôle fort important sur la scène internationale. En fait, M. Diefenbaker participait aux réunions de la Société des Nations, qui est l'ancêtre des Nations Unies. M. Diefenbaker était présent et il a mené la charge contre l'apartheid dans le Commonwealth.

(1520)

Par conséquent, il est tout à fait juste que l'édifice au 111, promenade Sussex soit nommé l'édifice John G. Diefenbaker, tout comme il est juste que le nom de Lester B. Pearson ait été attribué à un autre édifice et au plus grand aéroport du pays, il y a un certain temps.

Je ne comprends pas bien le but de la question du sénateur. Nous n'avons aucunement minimisé ni la contribution de Lester B. Pearson à notre pays ni la marque qu'il a laissée dans l'histoire. La décision de nommer l'édifice en l'honneur de M. Diefenbaker n'est pas une surprise. Elle a été annoncée aux médias. Des avis leur ont été envoyés.

Ce fut un honneur pour moi d'agir comme maître de cérémonie. Beaucoup de personnes étaient présentes, et je pense que c'est un honneur qui convient parfaitement à un grand premier ministre et qu'on aurait dû lui rendre il y a longtemps.

Le sénateur De Bané : Honorables sénateurs, je pense que madame le leader ne m'a pas écouté. J'ai dit que le gouvernement avait raison de donner à cet édifice le nom de l'ancien premier ministre Diefenbaker pour les éminents services qu'il a rendus à notre pays. Si, un jour, un futur gouvernement du Canada faisait la grosse erreur d'essayer de passer sous silence cet hommage en minimisant l'importance du nom de cet édifice, le public canadien en serait offusqué. Voilà ce que j'ai dit.

Lorsque j'ai dit cela, j'ai ajouté qu'il est plutôt surprenant que, en même temps que nous avons pris cette décision, à laquelle je souscris, nous ayons choisi de minimiser l'importance du nom de l'édifice du ministère des Affaires étrangères en le désignant dorénavant par son adresse postale sur la promenade Sussex et en omettant le nom qui lui a été donné.

Je suis tout à fait pour que l'on nomme un édifice important en l'honneur de l'ancien premier ministre Diefenbaker. Je dis toutefois qu'en même temps, nous avons décidé de ne plus mettre en évidence le nom de l'autre édifice. Cela m'apparaît assez mesquin et peu honorable de la part du gouvernement.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je ne vois rien nulle part qui confirme ce que dit le sénateur. Et pour ce qui est de sa question supplémentaire, les articles dans les médias ont peut-être mentionné que le nom du bâtiment figurait sur les cartes de visite. Selon un article que j'ai vu, c'était l'une des rares cartes de visite qui indiquaient le nom de l'édifice. Par exemple, ma carte de visite ne précise pas « édifices du Parlement ».

Quoi qu'il en soit, je tiens à assurer au sénateur que notre gouvernement n'a rien fait, et ne fera jamais rien, pour minimiser l'importance de la contribution qu'un grand Canadien, quel qu'il soit, aurait faite à notre pays. En fait, l'une des choses dont je suis le plus fière concernant le gouvernement actuel, c'est que nous veillons à ce que les Canadiens comprennent l'apport de nombreux grands Canadiens à notre pays.

Nous prenons actuellement des mesures pour nous assurer que les Canadiens connaissent leur histoire, y compris les nombreux Canadiens, hommes et femmes, qui ont contribué à bâtir le Canada. Personne au gouvernement ne voudrait d'aucune façon contribuer à minimiser la formidable contribution du très honorable Lester B. Pearson.

Les affaires autochtones et le développement du Nord

La réforme de la réglementation

L'honorable Nick G. Sibbeston : Ma question d'aujourd'hui au leader du gouvernement porte sur la réforme de la réglementation dans les Territoires du Nord-Ouest.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, les terres et les ressources représentent une question complexe parce qu'il ne s'agit pas seulement de terres de la Couronne. Les terres appartiennent aux Premières nations, et le gouvernement territorial est présent également. Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a pris certaines initiatives pour rationaliser et simplifier la réglementation sur l'utilisation des terres, les questions environnementales et l'approbation de projets économiques, dans le but de la rendre plus efficace.

Il y a quelques années, M. McCrank, de Calgary, a produit un rapport sur cette question. Plus récemment, John Pollard, de Hay River, a étudié la même question. Ces deux hommes ont présenté un rapport au gouvernement et au ministre.

J'aimerais que madame le leader du gouvernement rencontre le ministre Duncan et lui dise que la question de la réforme réglementaire dans le Nord a été étudiée et que des rapports ont été présentés sur le sujet. Les habitants du Nord ont maintenant besoin d'une décision. Pourrait-elle dire au ministre de se dépêcher?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question. J'apprécie cette question ainsi que les détails fournis.

Je serai très heureuse de faire part de sa demande au ministre. Je ne sais pas à quel point j'oserai lui dire de se dépêcher, mais je serai heureuse de demander au ministre où en est ce dossier.

L'agriculture et l'agroalimentaire

La Commission canadienne du blé

L'honorable Robert W. Peterson : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le gouvernement ne cesse que dire qu'il n'abolit pas la Commission canadienne du blé et qu'il ne fait que donner le choix aux agriculteurs en matière de commercialisation. Toutefois, l'atout principal de la Commission canadienne du blé, en fait, son seul atout, c'est son statut de guichet unique, qui lui permet d'obtenir le meilleur prix sur chaque marché, au lieu de se contenter du plus petit dénominateur commun.

Sans ce statut, la commission ne sert pas à grand-chose. C'est tout l'un ou tout l'autre. On est soit en situation de guichet unique ou de libre marché, un point c'est tout. Comment la Commission canadienne du blé est-elle censée fonctionner sans guichet unique, sans assises financières et sans installations de manutention des grains?

Voici ce qu'a dit le président de la Commission canadienne du blé :

Nous avons clairement dit au gouvernement fédéral que la CCB ne peut pas modifier sa structure actuelle de commercialisation et devenir un autre type de société sans une infusion importante de capitaux dans son fonctionnement et son financement, sans un accès règlementé aux terminaux, sans aide pour établir la structure du capital social et autres mesures permettant de protéger une jeune société pendant les premières années. [...] Le ministre Ritz a déclaré qu'il souhaitait que l'organisme soit solide et viable.

Si tel est le cas, il est temps qu'il fasse connaître ce qu'il prévoit faire pour atteindre cet objectif. Aucune nouvelle société ne peut être « solide et viable » si elle ne dispose ni de capitaux ni d'actifs et qu'elle dépend de ses concurrents même pour prendre les livraisons.

Le gouvernement est-il prêt à donner à la Commission canadienne du blé un accès réglementé aux terminaux et aux installations portuaires et à lui fournir le financement nécessaire?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, il est clair depuis un certain temps que le gouvernement prévoit donner aux producteurs de grains de l'Ouest le choix en matière de commercialisation. Nous ne sommes pas en faveur des monopoles. Les agriculteurs auront ainsi le choix de vendre leurs grains directement ou par l'entremise de la Commission canadienne du blé.

Pour résumer, honorables sénateurs, je dirais que, du point de vue du gouvernement, les marchés ont besoin de certitude, tandis que les agriculteurs ont besoin de la liberté de choix.

Le sénateur Peterson : Si vous accordez aux agriculteurs de l'Ouest le droit de commercialiser eux-mêmes leurs céréales, allez-vous aussi permettre aux producteurs assujettis à la gestion de l'offre de faire la même chose? Si non, pourquoi pas?

Le sénateur LeBreton : J'ai déjà répondu à cette question. Le gouvernement est déterminé à maintenir notre système de gestion de l'offre.

En ce qui concerne les producteurs céréaliers, nous voulons leur offrir le libre choix. Nous en avons fait un enjeu électoral, et il ne fait aucun doute que les agriculteurs sont en faveur du libre choix. Nous voulons tout simplement nous assurer que les agriculteurs de l'Ouest ont accès aux mêmes méthodes de commercialisation pour leurs céréales que les agriculteurs de l'Ontario.

Dépôt de la réponse à une question inscrite au Feuilleton

L'industrie—Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 2 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.


(1530)

ORDRE DU JOUR

Les baha'is en Iran

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Jaffer, attirant l'attention du Sénat sur la situation des droits de la personne qui se dégrade pour les baha'is en Iran.

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, j'aimerais aujourd'hui parler de l'interpellation inscrite au Feuilleton par l'honorable sénateur Jaffer, qui souhaite parler du sort des citoyens baha'is qui vivent en République islamique d'Iran.

Les leçons de l'histoire ne sont pas des prisons qui contraignent nos choix. Cependant, quand nous n'en tenons pas compte, nous donnons aux pires excès de l'histoire, à ses crimes les plus épouvantables, les meilleures chances possibles de se reproduire aux dépens de l'humanité dans son ensemble. C'est dans ce contexte précis, et d'un œil honnête et objectif, que nous devons envisager le traitement, par la République islamique d'Iran, de ses citoyens baha'is. Ce faisant, cependant, tâchons de tenir l'histoire, la civilisation et la culture de l'Iran en très haute estime et de porter le plus grand respect à ses habitants, qui ont le même droit que nous à la liberté, aux possibilités économiques et au bonheur. Tâchons également de nous pencher soigneusement et objectivement sur les événements qui se déroulent en Iran, sur les agissements du gouvernement, ses projets concernant les vrais démocrates et son oppression explicite des minorités à l'intérieur de ses frontières.

Je ne m'attarderai pas sur son opinion et ses intentions révisionnistes et essentiellement génocidaires à l'égard de la République d'Israël, non pas parce que sa position est porteuse de la moindre valeur, mais bien parce que fomenter une haine et une hystérie anti-israélienne est la marque de commerce de la plupart des despotes, des extrémistes, des charlatans religieux, des dictateurs et des antisémites depuis le début de l'histoire — et pas seulement dans la partie du monde que l'Iran cherche à dominer, mais ailleurs aussi. Récemment, les forces du mal se sont mis à jouer à ce jeu aussi séculaire que lassant dans des endroits aussi différents que le Venezuela et la Malaisie. C'est faire preuve d'un manque répréhensible de colonne vertébrale que de se laisser emporter par de tels courants, mais de façon générale, dans de nombreuses histoires politiques, lorsqu'il est question de haine envers les juifs et Israël, les courants fascistes, communistes et extrémistes marginaux comptent sur une telle absence de résistance à ces idéologies. Peu de pays ont su entièrement résister à de tels courants, autant en Orient qu'en Occident, dans le monde chrétien, islamique ou non confessionnel. Les excès des dirigeants suprêmes religieux, politiques ou de la garde révolutionnaire de la république islamiste depuis la fin du règne du Shah en 1979 n'ont rien de nouveau, ce qui n'empêche pas qu'ils soient détestables et honteux.

Ce qui est nouveau et horrifiant, ce sont les mesures prises pour emprisonner, opprimer et intimider les adeptes de la foi baha'ie en Iran. N'importe quel gouvernement qui demande à sa garde révolutionnaire de faucher ses propres citoyens, lesquels réclamaient simplement un dépouillement honnête des votes aux dernières élections générales, est capable de tout. Ce qu'ils ont fait aux Iraniens de la foi baha'ie témoigne de l'inhumanité la plus fondamentale et de l'intolérance enracinée, typiques de la vision déformée de l'islam qu'entretient le présent gouvernement irakien et de la manipulation qu'il fait des interprétations les plus extrémistes du Coran aux fins de sa politique oppressive et bornée.

L'histoire nous a appris une chose que le président Ahmadinejad et la brigade al-Qods de la Garde révolutionnaire ne peuvent conjurer. Si vous êtes capable d'opprimer et de tuer vos propres citoyens en grand nombre en raison de leurs conceptions politiques et religieuses, lorsque l'occasion se présente de faire la même chose dans les pays voisins ou dans une région où des gens qui ont des conceptions politiques ou religieuses différentes s'opposent à votre domination, il vous est encore plus facile de les opprimer et de les tuer puisque ce sont des étrangers. C'est la leçon que nous ont apprise MM. Staline et Hitler il y a plusieurs décennies.

Il serait temps que nous abandonnions la vision optimiste voulant que le présent gouvernement de la République islamique d'Iran ne soit qu'une brève anomalie dans ce qui devrait être une force pacifique et constructive sur l'échiquier mondial et dans sa propre région. Il n'y a pas l'ombre du début d'une preuve que des élections vraiment démocratiques dont les résultats seraient véritablement obtenus par voie démocratique pourront être tenues. M. Hitler a été élu en bonne et due forme en 1933 en vertu de ce qui constituait alors les nouvelles règles de la République de Weimar. Ce fut la fin des élections libres jusqu'à l'avènement de la République fédérale d'Allemagne, créée après une guerre mondiale qui a détruit une grande partie de l'Europe et tué plus de 50 millions d'êtres humains.

Suis-je en train d'insinuer que l'oppression des Iraniens de la foi baha'ie par le présent gouvernement, combinée à la répression des forces démocratiques et aux activités iraniennes subversives et bien financées visant à déstabiliser le Liban, la Palestine, la Syrie et l'Irak, constitue une menace à la vie de grands pans de la population mondiale? Oui, honorables sénateurs, c'est précisément ce que j'insinue.

Notre devoir, comme alliés de divers partenaires dans la région, dont les États arabes sunnites ou nos alliés turcs au sein de l'OTAN, et y compris les peuples du Liban, de la Palestine et d'Israël, qui veulent acquérir la liberté de prendre leurs propres décisions sur leurs pays et pour leur avenir, est de dénoncer clairement et sans ménagement les intentions méchantes et malveillantes qui animent les actuels dirigeants de la République islamique d'Iran. Pour œuvrer en ce sens de toutes les façons et à tous les niveaux, avec nos alliés et en tenant compte de nos intérêts géopolitiques, nous nous préparons et nous planifions tout ce qui peut être nécessaire pour contenir cette administration odieuse et sadique. Si elle n'est pas tenue en échec et reste impunie malgré tous ses excès et sa barbarie, cette administration agressive et inhumaine provoquera une troisième guerre mondiale, aussi sûrement que nous sommes tous là à siéger cet après-midi à la Chambre haute.

Ce qui s'impose ici ne se résume pas aux efforts que continue de déployer le groupe de contact réactif pour obtenir une certaine modération en matière nucléaire et des inspections internationales. Le nouveau Bureau de la liberté de religion devrait joindre ses efforts à ceux d'autres entités semblables dans le monde pour promouvoir une action commune dans l'intérêt de la communauté baha'ie en Iran et susciter au sein de divers organismes dans le monde une série de contestations sérieuses que le gouvernement iranien devra affronter. Cela devrait porter le nom de sanctions pour les baha'is pour que les Iraniens comprennent exactement notre intention collective humanitaire et inspirée par des principes. L'oppression religieuse est toujours le premier moyen, le plus conséquent, du tyran; négliger de la combattre ne fait qu'encourager le monstre.

Il va sans dire que les réseaux du Canada, militaires, de renseignement, diplomatiques et autres, tant chez nous qu'à l'étranger, devraient s'intéresser aux amorces de menaces que constituent diverses forces iraniennes dans le monde. Il y a notamment des endroits comme l'Afghanistan, l'Irak, le Liban et la Palestine. Nous devons travailler avec les forces amies, militaires, diplomatiques et du renseignement, au Moyen-Orient, en Europe et en Asie, qui ont des relations diverses avec les Iraniens, afin de déployer un effort cohérent et concerté pour faire échouer la domination des dirigeants de la République iranienne dans la région et dans un monde qui dépend de cette région. Je laisse le soin de définir les mesures précises, la dynamique et les divers aspects de cette initiative commune et de préparer la défense et l'engagement aux experts en uniforme et aux divers services militaires, diplomatiques et clandestins dans le monde entier. Je dis simplement qu'il faut nous préparer dès maintenant, et que nous devons tous faire notre part.

Le Canada, avec d'autres pays, a quitté et boycotté les assemblées où le président Ahmadinejad a déversé son discours vil et haineux, le discours d'un être qui profane les Nations Unies par sa présence et saccage l'histoire merveilleuse, héroïque et riche du peuple perse, qui m'inspire un respect et une affection qui ne sont en rien diminués par l'avertissement que je lance aujourd'hui.

(1540)

Ce serait une bonne chose si notre ministre des Affaires étrangères exhortait ses homologues du monde civilisé à faire comme lui et à convoquer leurs ambassadeurs d'Iran respectifs pour leur livrer le même message sévère au sujet du traitement réservé aux baha'is.

Nous devrions préconiser l'imposition, par tous les pays de bonne volonté qui partagent les mêmes convictions humanitaires, d'une série de « sanctions pour les baha'is », des sanctions nouvelles, précises et efficaces. Cela ne s'est pas fait dans le cas de l'Allemagne des années 1930. Un monde alors en butte à l'incertitude économique et aux graves conséquences d'une terrible crise a préféré feindre de ne pas voir qu'on opprimait, emprisonnait et exterminait des minorités, d'abord en Allemagne, puis dans les pays voisins et ensuite dans toute l'Europe de l'Ouest et de l'Est. Quand l'engagement a enfin débuté, grâce au Royaume-Uni et à ses alliés du Commonwealth, dont le Canada, qui se sont dressés seuls contre les Allemands entre 1939 et 1941, et ensuite grâce aux Américains et aux Russes qui sont entrés dans le conflit après avoir été eux-mêmes attaqués, des millions de personnes avaient déjà perdu la vie et les machines de guerre et d'extermination étaient bien en marche, au plus grand dam et à la plus profonde horreur de l'humanité pour des générations et des décennies à venir. Voilà ce qu'il faut prévenir par une action immédiate.

Nos amis baha'is, qui pratiquent une foi pacifique qui respecte le caractère sacré de toutes les religions, ne sont pas victimes d'actes de violence isolés ou accessoires. Il s'agit d'actes systématiques et brutaux. Ce n'est plus un simple cri d'alarme que les baha'is lancent pour dénoncer l'oppression officielle dont ils sont victimes en Iran, mais un véritable cri du cœur à l'humanité entière, aux gens libres et aux démocraties partout dans le monde pour leur demander de regarder la réalité en face et de ne pas détourner le regard avant d'avoir pris le taureau par les cornes.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

Les organismes autochtones de protection de la jeunesse

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Sharon Carstairs, ayant donné avis le 23 juin 2011 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur le rapport de la vérificatrice générale, surtout à propos des organismes autochtones de protection de la jeunesse.

— Honorables sénateurs, au printemps dernier, j'ai attiré l'attention de cette assemblée sur le nombre d'enfants autochtones pris en charge par l'État dans ma province. Depuis lors, j'ai appris qu'il y a actuellement plus d'enfants autochtones pris en charge par l'État dans notre pays que le nombre total d'enfants qui ont résidé dans les pensionnats. Cette réalité devrait nous inciter tous à examiner ce problème très attentivement.

Le rapport de la vérificatrice générale du 9 juin 2011 constituerait peut-être un bon point de départ. Nous pourrions commencer par examiner les préoccupations qu'elle a soulevées concernant les enfants autochtones dans les réserves. Permettez-moi de citer ce rapport. Voici ce qu'elle a dit :

Il est évident que les conditions de vie dans les réserves des Premières nations laissent à désirer, comparativement à celles observées ailleurs au Canada.

Elle poursuit en disant :

À notre avis, bon nombre des problèmes auxquels les Premières nations se heurtent ont des causes plus profondes que l'inefficience et l'inefficacité des programmes en vigueur. Selon nous, des obstacles structurels nuisent gravement à la mise en œuvre des services publics destinés aux Premières nations et à l'amélioration de la qualité de vie dans les réserves. Nous avons recensé quatre obstacles structurels de ce genre :

  • le niveau des services à assurer est mal défini;
  • il n'y a pas de fondement législatif;
  • les mécanismes de financement ne sont pas appropriés;
  • la pénurie d'organisations en mesure d'offrir des services à l'échelle locale.

La vérificatrice générale a ajouté que le manque de clarté entourant les niveaux de services tenait au fait que le gouvernement fédéral n'avait pas clairement défini le type et le niveau des services qu'il appuie.

Quant à l'absence de fondement législatif, la vérificatrice générale affirme que le gouvernement fédéral a souvent élaboré des programmes sans établir pour eux un cadre législatif ou réglementaire.

Pour ce qui est de l'absence de mécanisme de financement approprié, elle dit que les niveaux de financement sont incertains.

Et à propos de la pénurie d'organisations en mesure d'offrir des services à l'échelle locale, elle signale qu'il y a peu d'organisations capables d'assurer la prestation des services dans les collectivités des Premières nations.

La vérificatrice générale donne encore d'autres détails au sujet des services à l'enfance et à la famille. Par exemple, elle rappelle ce qu'elle a déjà dit plus tôt, en 2008 : les enfants des Premières nations sont huit fois plus susceptibles d'être retirés de leur foyer que les autres enfants canadiens. Les enfants des Premières nations sont les membres les plus vulnérables de la société. Cinq pour cent de tous les enfants sont pris en charge et il n'y a eu aucune amélioration notable à cet égard depuis 2008. Elle affirme que, au moment de la vérification de 2008, AINC a été invité à définir ses attentes à l'égard des services adaptés aux particularités culturelles, mais elle signale que le ministère n'a toujours pas répondu à cet appel et n'a pas défini la comparabilité des services.

La vérificatrice dit aussi que le ministère n'a pas examiné tous les services sociaux offerts dans les provinces en vue de déterminer s'ils sont semblables à ceux offerts aux enfants vivant dans les réserves. Elle juge insatisfaisant les progrès accomplis dans les services à l'enfance et à la famille.

Comme je l'ai fait à ma première interpellation, je prie instamment le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones d'étudier la question.

Honorables sénateurs, nous sommes nombreux à prononcer de beaux discours sur le fait que les enfants sont notre ressource la plus précieuse. Les enfants autochtones sont des enfants canadiens. J'estime qu'il faut reconnaître leur valeur, à eux aussi, mais il semblerait qu'ils soient beaucoup dévalorisés dans notre société. Leur état de santé et leurs résultats scolaires sont les plus médiocres. Ils ont le plus haut taux de suicide. Lorsqu'ils sont pris en charge, on consacre 20 p. 100 moins d'argent à leur bien-être.

Honorables sénateurs, il est impérieux que notre institution prenne l'initiative et étudie les moyens de faire en sorte que tous les enfants au Canada aient la même valeur.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

[Français]

Langues officielles

Adoption de la motion tendant à autoriser le comité à étudier l'utilisation d'Internet, des nouveaux médias, des médias sociaux et le respect des droits linguistiques

L'honorable Maria Chaput, conformément à l'avis donné le 4 octobre 2011, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, l'utilisation d'Internet, des nouveaux médias, des médias sociaux et le respect des droits linguistiques des Canadiens;

Que le comité fasse de temps à autre rapport au Sénat, mais au plus tard le 31 octobre 2012, et qu'il conserve, jusqu'au 31 décembre 2012, tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, conformément à l'article 67(2) du Règlement, la séance est suspendue jusqu'à 17 h 15. La sonnerie retentira alors pour inviter les sénateurs à voter à 17 h 30.

Honorables sénateurs, avant que nous ne partions, je vous rappelle qu'il y aura maintenant une réception dans les appartements du Président en l'honneur du sénateur Rompkey et de sa famille. Tous les sénateurs sont invités à s'y rendre dès que la séance sera suspendue.

Honorables sénateurs, puis-je quitter le fauteuil?

Des voix : D'accord.

(La séance est suspendue.)

(1730)

(Le Sénat reprend sa séance.)

Les travaux du Sénat

Motion tendant à changer l'heure du début des séances du mercredi et du jeudi et à modifier l'heure de l'ajournement du mercredi—Rejet de la motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carignan, appuyée par l'honorable sénateur LeBreton, C.P. :

Que, pour le reste de la présente session,

a) lorsque le Sénat siège un mercredi ou un jeudi, il siège à 13 h 30 nonobstant ce que prévoit l'article 5(1)a) du Règlement;

b) lorsque le Sénat siège un mercredi, il s'ajourne à 16 heures ou à la fin des affaires du gouvernement, selon la dernière éventualité, à condition de ne pas dépasser l'heure prévue dans le Règlement, à moins qu'il ait suspendu ses travaux pour la tenue d'un vote différé ou qu'il se soit ajourné plus tôt;

(c) lorsque le Sénat siège un mercredi après 16 heures, les comités devant siéger soient autorisés à le faire, même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 95(4) du Règlement étant suspendue à cet égard;

d) si un vote est différé jusqu'à 17 h 30 un mercredi, le Président interrompe les délibérations au besoin immédiatement avant l'ajournement sans toutefois dépasser l'heure prévue au paragraphe b) et suspende la séance jusqu'à 17 h 30, heure de la tenue du vote différé, et que les comités soient autorisés à se réunir durant la suspension de la séance.

Sur la motion de l'honorable sénateur Tardif, appuyée par l'honorable sénateur Cowan :

Que la question soit renvoyée au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement pour étude et rapport.

(La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Banks Joyal
Callbeck Losier-Cool
Carstairs Mahovlich
Chaput Mercer
Cordy Merchant
Cowan Mitchell
Dawson Moore
De Bané Munson
Dyck Peterson
Eggleton Poulin
Fairbairn Ringuette
Fraser Robichaud
Furey Sibbeston
Harb Smith (Cobourg)
Hervieux-Payette Tardif
Hubley Zimmer—32

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Meredith
Angus Mockler
Ataullahjan Nancy Ruth
Boisvenu Neufeld
Braley Ogilvie
Carignan Oliver
Cochrane Patterson
Comeau Poirier
Dickson Raine
Duffy Rivard
Eaton Runciman
Finley Segal
Fortin-Duplessis Seidman
Frum Smith (Saurel)
Greene St. Germain
Lang Stewart Olsen
LeBreton Stratton
MacDonald Tkachuk
Manning Verner
Marshall Wallace
Martin Wallin—43
Meighen  

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Cools—1

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, je propose que la question initiale soit maintenant mise aux voix.

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Mockler, avec l'appui de l'honorable sénateur Wallace, propose que la question initiale soit maintenant mise aux voix.

L'honorable sénateur Cowan a la parole.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'avais l'intention de parler de la motion principale, mais je vais plutôt parler de la motion du sénateur Mockler.

Premièrement, je tiens à exprimer le regret et la déception que je ressens à l'égard du résultat du vote qui vient d'avoir lieu. À mon avis, il a été établi hors de tout doute, pendant le débat qui s'est déroulé hier, qu'il était nettement préférable de saisir le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement de la motion du sénateur Carignan, qui viendrait modifier les procédures. Certains de nos collègues les plus chevronnés siègent à ce comité, comme les sénateurs Fraser, Comeau, Stratton et Smith. Nous aurions assurément bénéficié de leur expertise dans ce dossier.

Cependant, le gouvernement a rejeté la proposition fort raisonnable du sénateur Tardif. Au lieu de s'en tenir aux précédents que sont le consensus et l'unanimité, précédents que nous avons suivi par le passé, qui caractérisent notre institution et que le sénateur Tardif a très clairement rappelés, hier, aux fins du compte rendu, le gouvernement a décidé de procéder unilatéralement en dépit de nos objections sérieuses et, à mon avis, plutôt raisonnables.

(1740)

Quelle est l'urgence? Pourquoi maintenant? Le programme législatif du gouvernement est remarquablement léger à l'heure actuelle — et je mesure mes paroles. Plus remarquable encore, les sénateurs de ce côté-ci ont très clairement montrer leur disposition à en arriver à un compromis raisonnable avec le gouvernement afin d'assurer la progression en temps opportun de son programme législatif.

Je mets au défi mes collègues de l'autre côté de réfuter mon affirmation. Depuis quelques années maintenant, nous avons systématiquement prouvé que, malgré notre opposition aux mesures présentées par le gouvernement, nous n'avons jamais rien fait pour nous opposer à leur adoption en temps opportun. Il nous est peut-être arrivé de voter contre certaines d'entre elles et d'exprimer nos grandes réserves, mais nous n'avons jamais fait obstruction à l'examen en temps opportun des mesures législatives du gouvernement.

Pourquoi, les procédures, la considération et le respect que nous, les libéraux, offrions lorsque nous formions la majorité au Sénat ne nous sont-ils pas offerts par la majorité conservatrice? Pourquoi les règles du jeu sont-elles changées unilatéralement?

Je ne peux pas croire que nos collègues conservateurs les plus expérimentés qui ont vécu les changements et revirements qu'impose la politique au Sénat sont à l'aise avec l'attitude du gouvernement et avec sa proposition. Pour paraphraser un dicton bien connu, je dirai : pourquoi faire à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'autrui vous fasse?

L'abus des droits et des intérêts légitimes de la minorité par la majorité n'est pas du leadership, c'est de l'intimidation.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Je trouve profondément décevant que, à la première occasion, la nouvelle majorité au Sénat ait choisi de procéder d'une manière qui ne tient aucun compte des précédents ni des besoins légitimes et du rôle de la loyale opposition de Sa Majesté et de tous les sénateurs.

À mon avis, dans les circonstances actuelles, la meilleure chose que nous puissions faire consiste à respecter la longue série de précédents établis pour faciliter le travail de nos comités le mercredi et revenir à la motion qui a été adoptée à maintes reprises au fil des ans sans une seule voix discordante.

Si j'avais eu la possibilité de prendre la parole avant que le sénateur Mockler présente sa motion légitime, j'aurais proposé un amendement qui aurait permis au Sénat de se réunir à 13 h 30 et d'ajourner à 16 heures les mercredis. Le gouvernement n'a pas cité un seul cas, pas un seul argument convainquant pour justifier la nécessité de procéder comme le souhaite le gouvernement.

S'il y avait eu un seul cas où notre parti, mes collègues de ce côté- ci, avaient fait obstruction à la volonté et au besoin légitimes du gouvernement de procéder rapidement à une étude, ce serait une chose, mais le sénateur Comeau, pas plus que le sénateur Carignan, n'a pu citer un seul cas où cela se serait produit. Nous avons divergé d'opinions sur leurs propositions et cela ne changera pas, mais agir comme ils le font maintenant, sans qu'ils aient démontré que c'était nécessaire, constitue, selon moi, un abus de pouvoir de la part de la majorité au détriment de la minorité.

On récolte ce que l'on sème, comme le dit le dicton.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j’interviens pour de parler de la motion du sénateur Mockler que la question initiale soit mise aux voix. Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il y ait une motion de clôture, une motion de suspension du débat ou une motion concernant la question préalable, alors je suis prise au dépourvu quelque peu. Les motions de procédure portent plusieurs noms et prennent plusieurs formes, selon le sérieux de la situation. Je n'ai pas pu chercher, mais j'ai beaucoup lu sur le sujet au fil des ans.

Premièrement, à ce que je sache, les motions de clôture, les motions concernant la question préalable, les motions de suspension du débat et les motions d'attribution de temps, moins sévères, sont censées être employées dans les cas d'obstruction prolongée de la part de l'opposition. Si j'avais eu seulement 25 minutes ou une demi- heure pour faire quelques recherches, j'aurais pu vous rappeler des précédents.

Cependant, sachez que cette forme de motion vise à créer un état de dictature à la Chambre. Ce sont les mots employés par certaines autorités. Ce sont les mots de ceux qui connaissent bien ces procédures.

Habituellement, à la Chambre des communes, une telle motion était présentée par un ministre, soit dit en passant. J'ai peut-être tort sur ce point, car je n'ai rien lu à ce sujet depuis un certain temps, mais si je me souviens bien, la motion était habituellement présentée par un ministre, et non par un député d'arrière-ban. Au Sénat, c'est différent. Si j'ai tort, je vous présente mes excuses à l'avance.

Honorables sénateurs, c'est une procédure qui peut être employée, mais rarement, car l'invoquer est un geste sérieux ayant des conséquences sérieuses. C'est le signe que le système en entier est en panne, que la Chambre est incapable de fonctionner comme il faut et que le gouvernement est obligé, dans les circonstances, d'avoir recours à cet instrument extrême, qui place la Chambre dans un état de dictature.

Cette motion peut faire l'objet d'un débat pouvant être ajourné. Je ne prévois rien de ce genre prochainement, mais les sénateurs devraient comprendre la solennité et la nature préjudiciable de la procédure à laquelle on a recours.

J'ai entendu des gens à l'arrière dire que ces procédures ont été employées au cours des 10 dernières années. Or, les comptes rendus de nos débats montrent qu'en fait, ces procédures sont rarement employées, et ce, pour une bonne raison. Elles ne devraient jamais être employées de façon routinière ou pour des questions routinières. C'était mon premier point.

Honorables sénateurs, je n'ai aucune note d'allocution, alors je vous présente encore une fois mes excuses. L'autre point que je veux aborder, c'est que ces motions devraient être utilisées quand la motion dont le Sénat est saisi doit être adoptée d'urgence. Il faut qu'il y ait une certaine urgence, qu'il ne s'agisse pas d'affaires courantes, pour que le gouvernement n'ait d'autre choix que d'invoquer cette mesure extrême.

En outre, on n'est censé s'en servir que lorsque la question concerne une politique gouvernementale importante qui intéresse la population. Ces faits sont bien établis. Nous avons eu des leaders au Sénat qui avaient déjà été leaders du gouvernement à la Chambre des communes, et ils étaient fiers de nous le confirmer.

Je me rappelle très bien que le sénateur Allan MacEachen, je crois, nous a dit que, durant toutes les années où il avait été ministre à la Chambre des communes, il n'avait jamais proposé une telle motion. Il existe de légères différences entre ces motions mais, comme je le disais, je ne crois pas qu'une telle mesure devrait être employée.

(1750)

Honorables sénateurs, nous devons comprendre qu'aucune de ces conditions ne s'applique ici. Il n'y a pas eu d'obstruction prolongée, et ce n'est ni urgent ni une affaire d'intérêt public. On doit employer cette méthode dans l'intérêt public. La question doit être importante pour la population.

C'est pourquoi, honorables sénateurs, je suis surprise et perplexe — non pas choquée, mais perplexe. Je ne crois pas que ce soit nécessaire. Je ne comprends pas, et peut-être qu'on pourrait m'expliquer. Quoi qu'il en soit, honorables sénateurs, je voulais le dire clairement.

La motion précédente a été mise aux voix soudainement. On aurait pu nous en informer, pour ceux d'entre nous qui aiment lire sur ces questions. Je crois que cela aurait bien servi notre assemblée.

Honorables sénateurs, nous devons comprendre les enjeux dont nous sommes saisis. Je voudrais revenir à un point que j'ai fait valoir hier. C'est le point important pour moi, qui se trouve à l'alinéa c) de la motion dont nous sommes saisis. Toutefois, je veux d'abord expliquer la différence entre la présentation au Sénat de propositions de forme et la présentation de propositions de fond portant sur une politique gouvernementale, car nous devons comprendre ce qui est en train de se produire ici. Par exemple, l'alinéa a) de la motion établit clairement :

lorsque le Sénat siège un mercredi ou un jeudi, il siège à 13 h 30 [...]

C'est en grande partie une question de forme. Comme aucune règle n'interdit au Sénat de siéger à 13 h 30, cette modification est de nature théorique et de moindre importance.

Ce qui me préoccupe surtout, honorables sénateurs, c'est l'alinéa c), qui se lit comme suit :

lorsque le Sénat siège un mercredi après 16 heures, les comités devant siéger soient autorisés à le faire, même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 95(4) du Règlement étant suspendue à cet égard; [...]

Ce que nous devons bien comprendre ici, c'est la durée de cette suspension. Nous pouvons certes suspendre l'application du Règlement du Sénat, mais si cette suspension devait durer un an, deux ans ou même trois ans, il serait difficile de continuer de la qualifier de suspension. C'est un changement fondamental. C'est une modification. Il ne s'agit pas d'une modification liée à la procédure ou d'une modification de forme. C'est un changement de politique important.

Honorables sénateurs, il faut que nous sachions tous de quoi il est question ici aujourd'hui. Même le libellé de la motion est révélateur, car l'alinéa a) prévoit que « lorsque le Sénat siège un mercredi ou un jeudi, il siège à 13 h 30 nonobstant ce que prévoit l'article 5(1)a) du Règlement », et l'alinéa c) prévoit que « l'application de l'article 95(4) du Règlement [est] suspendue à cet égard ».

Avez-vous déjà entendu parler d'une règle qui est suspendue indéfiniment, pendant toute la durée d'une session qui vient à peine de commencer? Ne seriez-vous pas inquiet si votre enfant rentrait à la maison après l'école et vous annonçait qu'il a été suspendu indéfiniment, que ce soit pendant un an, deux ans, trois ans, quatre ans ou même cinq ans, ce qui peut correspondre à la durée d'une session au Parlement?

Honorables sénateurs, il faut comprendre qu'il s'agit d'une question importante et d'un changement important. Je le dis, car l'article 95(4), qui serait suspendu pendant plusieurs années, soit pendant le reste de la session, expose ce qui suit en des termes extrêmement clairs :

Un comité particulier ne siège pas pendant une séance du Sénat.

Il n'y a pas de conditionnel ici, puisque c'est écrit noir sur blanc « ne siège pas ».

Comprenons-nous bien : chaque semaine, lorsque le leader du gouvernement ou le président d'un comité prendra la parole et demandera le consentement du Sénat pour que les comités puissent siéger pendant que le Sénat siège, il demandera une exception à cette règle absolue. Cependant, il n'est pas possible de suspendre le Règlement et d'ainsi l'ignorer pendant trois ans. Si le président d'un comité se présentait au Sénat et demandait la permission d'ignorer le Règlement pendant trois ans, il y a fort à parier que sa demande serait refusée à l'unanimité.

Honorables sénateurs, essayons de comprendre le sens de ce qui est dit ici. J'essaie de comprendre la logique. Je réitère que le nœud du problème, c'est que l'article 95(4) du Règlement stipule ce qui suit :

Un comité particulier ne siège pas pendant une séance du Sénat.

Honorables sénateurs, cette règle indique la volonté de Sa Majesté que tous les sénateurs accordent leur entière attention aux affaires du Sénat.

Comprenons bien que les règles concernant la présence au Sénat découlent de l'article 95(4) du Règlement, qu'il s'agisse des obligations constitutionnelles exigeant que l'on soit présent à un nombre de séances donné, ou même de toutes les règles que le Sénat a établies au cours des années pour régir la présence des sénateurs.

Honorables sénateurs, la question de la présence des sénateurs a toujours été essentielle, et pas seulement pour les sénateurs. Les sénateurs devraient comprendre que l'assiduité dans le cadre de ses fonctions était aussi essentielle pour les juges. Je recommande toujours aux sénateurs de considérer cette Chambre non pas comme deux caucus qui se font face, séparés par une allée, mais plutôt comme une assemblée de juges. Il faut voir cette Chambre comme la haute cour honorable du Parlement. Comment s'imaginer, alors, que les agents de la Reine, les juges de Sa Majesté, n'ont pas à se présenter à l'audience de la cour du Sénat pendant trois ans? Je n'ai jamais entendu parler d'une chose pareille. Je vous demande de reconsidérer la question. Je crois honnêtement que certains sénateurs ne comprennent pas vraiment la gravité de ce qui est en cause.

Toutefois, il s'agit d'une question de fond, qu'on ne devrait pas traiter de cette manière. L'article 95(4) établit que toute exemption doit être une exception, et même une exception individuelle. Cette disposition est censée garantir que notre présence dans cette Chambre demeure la priorité, qu'elle demeure au cœur de nos processus. Elle assure aussi que la Chambre ait priorité sur les comités. Ne l'oublions pas. Notre serment le prévoit. J'ajouterais aussi que l'article 5(4) exige que le temps des sénateurs soit avant tout passé ici dans cette enceinte.

Quoi qu'il en soit, honorables sénateurs, ce sont les questions que nous avons devant nous. Cela dit, je ne crois pas que...

Son Honneur le Président : J'ai le regret d'informer l'honorable sénateur que les 15 minutes qui lui étaient accordées sont écoulées.

Des voix : Cinq minutes.

Le sénateur Cools : Quoi qu'il en soit, honorables sénateurs, comme je l'ai dit, j'étais favorable à cette motion. Je ne comprends pas pourquoi cette question...

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, je dois, conformément au Règlement, quitter le fauteuil et revenir à 20 h, à moins que la Chambre l'entende autrement.

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Peut-être pourrions-nous ne pas tenir compte de l'heure?

Son Honneur le Président : Comme n'avons pas convenu de ne pas tenir compte de l'heure, les travaux du Sénat sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(2000)

(Le Sénat reprend sa séance.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance. Madame le sénateur Cools a la parole.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, je ne sais pas combien de temps de parole il me reste. Les greffiers au Bureau le savent peut-être. Cinq minutes? Merci.

Honorables sénateurs, j'ai passé du temps pendant la pause à lire sur les motions concernant la question préalable. Je crains que ce genre de motion, qui place le Sénat dans une situation de dictature, soit contraire aux principes habituels de notre système, qui rejette le pouvoir arbitraire. Je m'explique. Les notions de pouvoir arbitraire et de pouvoir illimité ne figurent nulle part dans les principes sous- tendant notre système.

Honorables sénateurs, j'ai tenté de trouver quelles restrictions s'appliquent à l'utilisation de motions portant sur la question préalable. J'ai découvert qu'il y avait des limites quant à leur utilisation. J'aimerais que tout le monde soit au courant de certains faits à cet égard, si c'est possible.

Je cite donc M. Josef Redlich, qui a écrit dans l'édition de 1908 de l'ouvrage intitulé The Procedure of the House of Commons, à la page 227 :

Pour cette raison, il y a d'autres restrictions quant à son application.

Nous parlons ici de la motion portant sur la question préalable.

Elle ne peut être proposée à l'égard d'une motion concernant une transaction d'affaires publiques, une séance de la Chambre ou un amendement, et ne peut être proposée en comité.

Ces restrictions sont d'ailleurs confirmées par Erskine May dans la 10e édition de son ouvrage A Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, ainsi que dans la 23e édition parue en 2004. Dans celle-ci, on peut lire à la page 396 :

La question préalable ne peut être proposée à l'égard d'une motion concernant la transaction d'affaires publiques ou une séance de la Chambre.

C'est clair et net.

On trouve la même chose dans des éditions antérieures de l'ouvrage de May. Dans la dixième édition, qui remonte à 1893, il est dit la même chose. Voici ce qui est dit dans cette édition, à la page 269 :

La question préalable peut être proposée pendant les différentes étapes d'un projet de loi, mais non pendant l'étude d'un amendement. En revanche, une fois l'amendement adopté, on peut proposer la question préalable sur la motion principale modifiée. La question préalable ne peut être proposée dans le cadre d'un débat sur une motion portant sur le traitement des affaires publiques ou les réunions de la Chambre. Elle ne peut non plus être proposée pendant une réunion d'un comité.

Il y a là un grave problème, honorables sénateurs, puisque la motion en question porte particulièrement sur les séances du Sénat et, généralement, sur le traitement des affaires publiques, c'est-à-dire le Règlement du Sénat. Je tenais à le préciser.

Je ne sais pas si un recours au Règlement serait recevable ou de mise, mais il est extrêmement clair que l'utilisation de la question préalable a ses limites. Le leader du gouvernement ou son adjoint pourraient peut-être nous informer des limites associées à l'utilisation de la question préalable, ou quelqu'un pourrait invoquer le Règlement.

Il y a des limites parce que le principe essentiel du droit du Parlement est que l'arbitraire est inacceptable et, surtout, que le franc-jeu devrait toujours prévaloir. De plus, quand une règle est utilisée pour restreindre notre liberté d'expression et écourter les débats, il y a des cas auxquels elle ne peut pas s'appliquer.

Cela dit, honorables sénateurs, je juge toute cette question très troublante. Les questions préalables ne peuvent pas se rapporter à des affaires courantes. Comme je l'ai déjà dit, il n'y a pas urgence et il n'y a pas eu d'obstruction. La question dont nous sommes saisis ne relève pas d'une politique publique ni d'une politique d'intérêt public. En fait, c'est une modification des règles du Sénat en ce qui concerne la façon de traiter les affaires publiques et de fixer les séances du Sénat.

Quoi qu'il en soit, honorables sénateurs, je vous remercie beaucoup de votre attention. Il ne s'agit pas d'affaires courantes, d'affaires de moindre importance. Le recours à la question préalable ne peut pas se résumer à dire qu'il faut nous presser et que c'est urgent. Il faut que le sujet soit incroyablement important, mais ce n'est pas le cas ici. Comme je l'ai déjà dit, j'en suis assez abasourdie.

Honorables sénateurs, ce qui est absolument clair, selon moi, c'est que, lorsqu'on consulte l'ouvrage de Beauchesne et d'autres ouvrages sur le sujet — rappelons que ce ne sont pas des autorités absolues, mais bien des ouvrages de référence —, on constate qu'ils parlent surtout de projets de loi. La question préalable a été proposée pendant des débats sur des projets de loi et à différentes étapes, mais je n'ai trouvé aucun précédent quant à la proposition de la question préalable lors d'un débat portant sur le genre de motion dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Selon moi, honorables sénateurs, il y a quelque chose qui cloche vraiment.

Des voix : Bravo!

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, je n'ai pas la prétention d'être une experte en questions parlementaires comme le sénateur Cools. Toutefois, au début et à la fin de ses observations, elle a avancé un argument fondamental, à savoir que nous sommes en train d'étudier une motion de question préalable qui s'applique à une affaire qui, en fait, n'est ni urgente ni d'intérêt public. C'est une motion qui a été présentée au Sénat pour répondre aux besoins du gouvernement. Toutefois, les parlements n'existent pas pour servir les gouvernements; les gouvernements existent si le parlement le veut bien.

La manœuvre utilisée ici ce soir est, pour reprendre le terme du sénateur Cowan, de l'intimidation. Le gouvernement a décidé d'utiliser le bâillon pour imposer, en fait, un autre bâillon. Cela est tellement antiparlementaire que je n'arrive pas à croire que des collègues en cette enceinte soient prêts à l'appuyer. C'est une vraie honte et nous devrions tous être gênés que notre assemblée soit soumise à une telle manœuvre.

(2010)

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, normalement, je ne me permettrais pas de donner mon avis sur pareille question, mais je suppose que le fait que mon passage ici tire à sa fin me donne du courage.

Comme toujours sur des questions de cette nature, le sénateur Cools fait mouche et nous rappelle que nous prêtons de moins en moins attention à certaines choses qui sont importantes ici. Le Sénat, comme l'a dit le sénateur Fraser, n'est pas au service du gouvernement. Nous ne sommes pas au service du gouvernement. Nous avons déjà commis cette erreur et cela s'est toujours retourné contre nous.

Cependant, le cas présent est un exemple flagrant, comme les sénateurs Cools, Fraser et Cowan l'ont fait remarquer, de mauvaise utilisation d'un mécanisme de procédure. Même si nous étions tous d'accord pour le faire, même si personne n'était contre cette proposition de ce côté-ci, même si nous disions tous : « Oui, allons- y. Faisons le travail plus rapidement, plus efficacement, en nous facilitant la tâche », même si personne ne s'opposait à l'imposition de ce mécanisme de procédure, nous commettrions tous une terrible erreur.

Nous sommes engagés dans une voie qui mène vers deux erreurs graves, honorables sénateurs. Notre première erreur, comme l'a souligné le sénateur Cools, serait d'imposer la clôture du débat, alors qu'il s'agit d'une question importante de procédure. Notre deuxième erreur serait d'adopter la motion.

Honorables sénateurs, le Règlement du Sénat n'existe pas pour rien. L'article 95(4) a sa raison d'être, qui est très simple : il y a 105 sénateurs, et, selon ce que dit ce paragraphe, les comités du Sénat ne doivent pas siéger pendant une séance du Sénat, à moins d'avoir obtenu la permission de ce dernier. Si ce paragraphe n'existait pas et que nous étions tous occupés à siéger à des réunions de comités, il n'y aurait personne ici pour s'occuper des affaires du Sénat, ou celles-ci ne recevraient pas toute l'attention qu'elles méritent.

Je n'ai jamais compris pourquoi le Sénat s'ajourne à 16 heures les mercredis. En fait, je n'ai jamais compris cela parce que je siège à des comités qui se rencontrent les mardis et les jeudis et, quand un ministre doit comparaître, il faut demander la permission du Sénat pour que le comité puisse se réunir, permission qui nous est généralement refusée s'il n'y a pas de ministre parmi les témoins. Nous devons rester ici, parfois jusqu'à 21 ou 22 heures, alors que les témoins attendent dans les salles de réunion des comités que nous ayons fini de délibérer sur les affaires du Sénat, parce qu'il n'y a rien dans le Règlement qui porte sur l'heure d'ajournement les mardis et les jeudis. Par contre, il y a bel et bien un article qui régit les séances du mercredi, ce que je n'ai jamais compris. À moins bien sûr que ce soit parce qu'il y a des gens influents qui siègent à des comités qui se rencontrent les mercredis.

Le point soulevé par le sénateur Cools, c'est que, d'ordinaire — et souvenons-nous en —, si un comité voulait se réunir, pendant une séance du Sénat, le président ou le vice-président du comité devait obtenir l'autorisation du Sénat. C'était une exception à l'article 95(4) du Règlement et il y a une raison à cela.

Honorables sénateurs, si nous voulons démolir cette Chambre, faisons-le uniquement si nous pensons que celle qui la remplacera sera encore plus solide. Personne n'a dit que cette exception générale au Règlement, comme l'a mentionné le sénateur Cools, améliorerait la façon de fonctionner de cette assemblée.

Honorables sénateurs, cette proposition finira par nous nuire. Le passé est garant de l'avenir.

Le sénateur Eaton : Oui, rien n'est plus vrai.

Le sénateur Banks : C'est non seulement inopportun, c'est inacceptable. Nous empruntons cette voie à nos risques et périls. C'est une grave erreur.

Je propose l'ajournement du débat. Pardon, le sénateur Mitchell souhaite prendre la parole.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, j'ai des choses à dire sur la question.

Pour commencer, je tiens à dire que je connais la chanson. Je pensais que c'était l'apanage d'une époque révolue et d'un gouvernement qui n'est plus. En fait, je me sens vieux rien qu'à y penser — et je suis l'un des plus jeunes ici — parce que ce n'est pas la première fois que cela se produit. L'histoire se répète.

Du temps où je siégeais à l'Assemblée législative de l'Alberta, il y a eu une période très difficile — je ne me souviens plus si c'était deux ou trois mois —, le gouvernement conservateur était majoritaire — j'insiste, « le gouvernement conservateur » — et a imposé la clôture à 18 reprises. C'était comme si les conservateurs ne pouvaient pas envisager l'idée que l'on puisse être en désaccord avec eux.

Le sénateur Eaton : Dieu merci, c'est ce que nous avons fait.

Le sénateur Mitchell : Sénateur Eaton, non seulement vous souhaitez que nous débattions uniquement des sujets que vous choisissez, mais en plus vous ne me laissez même pas parler des quelques petites choses dont je veux parler. Me permettez-vous de dire ces quelques mots? Merci.

Le sénateur Eaton : « Quelques petites choses », vous dites.

Le sénateur Mitchell : Ce que j'essaie de dire, c'est que, à 18 reprises en quelques semaines seulement, ils ont eu recours à la clôture. À l'époque, je pensais que c'était une mauvaise chose, mais, rétrospectivement, je dois dire qu'à tout le moins ils ont eu du cran. Chaque fois qu'ils souhaitaient avoir recours à la clôture, ils en discutaient à l'Assemblée législative — les débats étaient télévisés —, ils en faisaient part à la population et présentaient leurs arguments. Ils expliquaient qu'il était nécessaire de mettre fin soudainement et abruptement au débat en raison des circonstances qui entouraient le projet de loi en question, le budget ou le sujet à l'ordre du jour. Cependant, ils avaient au moins le cran de le faire ouvertement chaque fois.

Nous avons maintenant affaire à une toute nouvelle forme de clôture. Je n'aurais jamais imaginé pareille chose. En tout cas, je n'ai jamais vu cela auparavant. Appelons cela une « clôture perpétuelle ». C'est ce que vous ferez toutes les semaines, à 16 heures, et vous n'avez qu'à faire adopter la motion une seule fois. Le moyen que vous avez trouvé pour manipuler les règles de cette importante institution parlementaire démocratique est presque insidieusement brillant.

Comme si cela ne suffisait pas que vous ayez le courage d'imposer l'adoption d'un projet de loi quand vous pensiez que cela pourrait être nécessaire un jour, ou tous les mercredis, vous invoquez la clôture perpétuelle. Peut-être qu'un jour, un successeur au sénateur Cools parlera de la façon dont vous avez établi un précédent parlementaire douteux.

En fait, après avoir vu la clôture imposée ces 18 fois — et il y en a eu bien d'autres — et lorsque je constate que cela se produit maintenant d'une façon encore plus insidieuse, je commence à croire que le recours à la clôture est une valeur fondamentale des conservateurs et que cette mesure est en contradiction flagrante avec le fait que cette Chambre a une valeur démocratique très précieuse. Le Sénat, cette institution parlementaire, a une valeur intrinsèque. Lorsque j'entends des sénateurs se plaindre que le Feuilleton est surchargé et rejeter le point de vue de personnes qui travaillent fort et qui croient en ce processus, je trouve que le manque de respect et le dédain manifestés envers cette institution importante est déconcertant. Le fait que l'on aille encore plus loin et que l'on invoque la « clôture par anticipation » est encore plus renversant.

Oui, c'est bien de la clôture, du fait de limiter la durée des débats, de restreindre la liberté d'expression, qu'il s'agit. Le sénateur Finley s'exprime avec beaucoup de fougue relativement à la liberté d'expression. Je pourrais dire de façon très éloquente, et il est sans doute éloquent à l'occasion. Il avait tout à fait raison lorsqu'il a dit que ces publicités devraient être supprimées. Je suis d'accord avec lui sur ce point.

(2020)

Il est curieux de constater que, lorsque la liberté d'expression dérange un peu ce côté-là, celle-ci n'est soudainement plus aussi valorisée qu'elle le devrait, particulièrement dans une institution comme la nôtre. La liberté d'expression est sacrifiée au profit de la clôture perpétuelle, de la clôture anticipatoire. C'est une forme de liberté d'expression de convenance. Ce n'est pas la liberté d'expression que l'on tolère parce que celle-ci revêt une importance fondamentale pour une démocratie, même si elle peut déranger.

L'autre chose que je trouve choquante, c'est qu'il n'est pas clairement établi que des mesures législatives du gouvernement ont été contrecarrées au Sénat par l'opposition libérale. Il n'y a guère de preuves établissant que des mesures ont été contrecarrées ou retardées par notre parti lorsque nous étions majoritaires ici.

Notre leader a très bien fait valoir ce point. Montrez-nous précisément quand nous avons retardé les choses indûment, au point de contrecarrer les plans du gouvernement. Par ailleurs, il est arrivé une fois, lorsque notre parti était au pouvoir, que le Sénat rejette une mesure législative qui avait été adoptée par la Chambre des communes, et il a aussi laissé mourir au Feuilleton un grand nombre d'autres projets de loi qui avaient été adoptés à l'autre endroit.

Pour autant que je sache, il n'y a pas tant de preuves qui peuvent inciter le gouvernement à conclure que nous retarderons outrageusement ce qu'il veut faire adopter. En fait, c'est presque comme si le gouvernement croyait à ses propres inventions.

Je ne sais pas combien d'entre vous étaient dans cette enceinte à la même époque qu'un de mes anciens collègues au Parlement, le sénateur Nick Taylor. Il avait deux maximes. L'une disait, « ils admirent leur reflet dans la glace », et l'autre, « ils se sont abreuvés à leur propre puits ».

Voilà, en quelque sorte, ce à quoi correspond cette proposition. Le gouvernement s'est convaincu que, d'une manière ou d'une autre, l'opposition a outrageusement retardé ses projets de loi. Je peux vous citer de nombreux exemples où, en fait, nous avons aidé à les faire adopter rapidement. Je citerai de nombreux exemples où j'ai joué un rôle clé. Évidemment, nombreux sont ceux qui pourraient croire que je suis la dernière personne au monde qui voudrait prêter main-forte au gouvernement sur quoi que ce soit.

Dans le cas du projet de loi sur le parc Nahani, le ministre de l'Environnement nous a demandé de faciliter son adoption. Nous l'avons adopté à l'unanimité la première ou la deuxième journée où nous en avons été saisis. Le ministre de l'Environnement a demandé si nous pourrions faciliter l'adoption du projet de loi sur le parc Haida Gwaii. Nous l'avons adopté, mais il n'a pas pu y donner suite à la Chambre des communes. Nous n'avons pas retardé ce processus.

J'ai trouvé que le projet de loi sur l'éthanol était très important. Il a suscité une grande résistance parce que les gens croyaient que nous brûlions de la nourriture. Au comité, ce sont les libéraux, moi, en fait, qui ont travaillé pour faire adopter le projet de loi lorsque nous avions une majorité. Nous n'avons pas fait obstacle au projet de loi. Nous avons été raisonnables. Lorsque de bons arguments ont été avancés, nous avons travaillé avec vous pour que les choses fonctionnent.

Rien ne permet au gouvernement d'affirmer que nous retarderions l'étude des projets de loi, au contraire, les faits démontrent amplement que nous n'avons rien retardé et que nous avons facilité et expédié l'étude des projets de loi.

En outre, même si vous l'acceptez rarement, nous offrons souvent de faire des études préalables des projets de loi avant qu'ils nous arrivent. Les preuves de notre collaboration abondent, même du temps où nous avions la majorité ici, du temps où nous avions du pouvoir au Sénat.

Vous savez qu'en démocratie, il est crucial que les gouvernements soient capables d'écouter les arguments des autres, qu'ils n'aient pas peur de les entendre et qu'ils ne réagissent pas comme seuls les intimidateurs le font lorsqu'ils sont en position de force, c'est-à-dire qu'ils imposent leur volonté et se livrent à ce qui, en l'occurrence, n'est rien d'autre que la violence gratuite. Il n'est pas nécessaire de faire cela. Vous n'avez pas à abuser de notre institution ni à la nier. Vous n'avez pas à miner ce qu'elle représente en invoquant ce que j'appelle la clôture perpétuelle, ce qui est tout à fait inutile maintenant et ce qui constitue une attaque en règle contre le débat démocratique au Sénat.

Recours au Règlement

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Le sénateur Cools a déclaré qu'elle pourrait soulever la question, mais, comme elle ne l'a pas fait, je le ferai. En citant Beauchesne et Erskine May, notre collègue a porté à notre attention la possibilité qu'il soit interdit de recourir à un artifice de procédure consistant à mettre aux voix la question préalable dans des cas qui concernent des réunions du Sénat. Ses citations m'ont convaincu qu'il se pourrait bien que le recours à une motion visant à mettre aux voix la question préalable soit irrecevable dans le cas présents et je demande à Votre Honneur de prendre cela en considération.

Son Honneur le Président : Quelqu'un veut-il commenter le recours au Règlement du sénateur Banks?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, concernant le rappel au Règlement, il m'apparaît important de citer l'article 1(2) du Règlement du Sénat :

Le Règlement du Sénat a toujours priorité sur les pratiques, coutumes ou usages décrits en annexe. En cas de conflit entre les annexes et le Règlement, on s'en tiendra au seul Règlement.

L'article 48(2) dit clairement :

La question préalable est une motion pour la mise aux voix de la question initiale. [...]

J'ai entendu toutes sortes de mots, comme « guillotine » et autres, mais la motion vision à prolonger les heures et permettre au Sénat d'être efficace et de travailler autant en comité qu'en séance du Sénat de façon parallèle est une motion principale. En conséquence, l'article 48(2) du Règlement est clair quant au fait que la question préalable peut être posée sur ce type de motion.

En considération des articles 1(2) et 48, il m'apparaît évident que ce rappel au Règlement n'est pas valable et devrait être rejeté.

[Traduction]

L'honorable Joan Fraser : L'article 1(2) du Règlement du Sénat précise essentiellement que le Règlement a toujours priorité sur les pratiques, coutumes ou usages décrits en annexe. Je pense que le paragraphe 1(1) est plus utile. Il affirme :

Dans tous les cas non prévus au Règlement, le Sénat ou ses comités suivent, compte tenu des adaptations de circonstances, les coutumes, usages, formalités et procédures de l'une ou l'autre Chambre du Parlement du Canada.

Les sénateurs ne sont pas sans savoir que, en plus des coutumes, des usages, des formalités et des procédures du Parlement, les Présidents se sont régulièrement fiés par le passé à d'autres autorités quand le besoin s'en faisait sentir. Je crois que le sénateur Banks a raison. Le sénateur Cools a réussi à démontrer que Votre Honneur se devait de prendre cette question en délibéré.

L'honorable Anne C. Cools : Je prends la parole au sujet du recours au Règlement du sénateur Banks. Ce sujet est beaucoup plus compliqué qu'il n'en a l'air. Le Règlement du Sénat ne se régit pas lui-même. Son autorité et ses pouvoirs sont issus de l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, dans ce qu'on appelle l'ancien droit du Parlement. C'est un terme que j'utilise beaucoup. Je l'ai déjà dit, honorable sénateurs. Il y a deux domaines de la loi qui sont moins étudiés que tous les autres au Canada et, pourtant, ce sont les deux domaines les plus complexes. Ce sont les lois du Parlement et la prérogative de la Reine relativement aux lois du Parlement.

(2030)

Honorables sénateurs, je ne veux pas que nous nous égarions et que nous parlions d'autres prérogatives. Je parle de la prérogative de la Reine qui lui confère un rôle actif dans le processus législatif de la Chambre. Il ne s'agit pas de la prérogative royale de clémence ou d'honneur ou d'une autre prérogative du genre. C'est l'idée que la Reine est toujours présente lors des débats du Sénat, où elle est représentée par cette masse et par le Règlement du Sénat.

Notre règlement découle de la Loi constitutionnelle de 1867.

J'aimerais lire l'article concerné de la Loi constitutionnelle à l'intention des sénateurs qui ne le connaissent peut-être pas. La Constitution est une œuvre d'art composée principalement par un type brillant du nom de sir John A. Macdonald. Je vous invite à écouter ce qu'il dit. N'oublions pas que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 est issu des 72 résolutions adoptées à la Conférence de Québec.

J'aimerais dire aux sénateurs, en particulier à ceux qui admirent sir John A. Macdonald, et dont je fais partie, que sir John A. Macdonald a rédigé lui-même au moins 44 de ces résolutions. C'est bien connu, mais on croit aussi qu'il en a peut-être écrit jusqu'à 50. L'homme savait ce qu'il faisait. C'est l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 qui régit l'adoption de ces règles et des lois du Parlement. Voici ce qu'il dit :

Les privilèges, immunités et pouvoirs que posséderont et exerceront le Sénat et la Chambre des Communes et les membres de ces corps respectifs, seront ceux prescrits de temps à autre par loi du Parlement du Canada; mais de manière à ce qu'aucune loi du Parlement du Canada définissant tels privilèges, immunités et pouvoirs ne donnera aucuns privilèges, immunités ou pouvoirs excédant ceux qui, lors de la passation de la présente loi, sont possédés et exercés par la Chambre des Communes du Parlement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande et par les membres de cette Chambre.

Honorables sénateurs, c'est l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui constitue le fondement du Règlement du Sénat, non l'inverse. Chaque règle de notre Sénat remonte à un des privilèges de la Chambre des communes du Royaume-Uni. Il est certain que notre Règlement contient des règles qu'on peut remettre en question. Je tiens à ce que les sénateurs comprennent que les premiers transcripteurs de ces procédures au Canada, MM. Todd, Bourinot et Beauchesne, avaient pour habitude d'être fidèles aux termes exacts utilisés sur le parquet de la Chambre des communes du Royaume-Uni. Ces paroles ont été transcrites et citées dans le corpus réglementaire du Canada. Le Règlement du Sénat s'inspire largement des expressions utilisées au fil des ans sur le parquet des deux Chambres du Parlement.

J'ai soulevé cette question une fois au comité. L'article 20 du Règlement du Sénat, au sujet des étrangers au Sénat, a été repris mot pour mot d'une motion présentée par l'ancien premier ministre Disraeli. Comprenons bien que le pouvoir constitutionnel d'établir nos propres règles vient de l'ancienne loi du Parlement transférée au Canada dans l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Par exemple, une disposition du Règlement prévoit que chaque Chambre du Parlement doit faire trois lectures d'un projet de loi, pas deux, ni 12. Les parlementaires faisaient auparavant un plus grand nombre de lectures, mais la pratique actuelle des trois lectures tire son origine de la même loi du Parlement. Par exemple, pourrait- on adopter une nouvelle règle disant qu'il n'est pas nécessaire de faire trois lectures d'un projet de loi à la Chambre ou au Sénat? Si on faisait une telle chose, cela ne serait pas conforme à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Je ne m'étendrai pas davantage sur cette question.

J'aborde maintenant le point important voulant qu'aucune pratique du Sénat ne contrevienne au sens strict et ordinaire de l'article 5(4) du Règlement du Sénat, selon lequel : « Un comité particulier ne siège pas pendant une séance du Sénat ». Aucune pratique ni aucun usage du Sénat ne peut contrevenir à cette disposition, qui est tirée directement de la loi du Parlement. C'est Sa Majesté qui veut que sa volonté de nous convoquer au Sénat pour nous occuper des affaires importantes du pays passe avant tout. Honorables sénateurs, il n'y a pas de raison véritable pour justifier la proposition de la question préalable dans le cas qui nous occupe, parce que les conditions pour recourir à des mesures si extrêmes n'existent pas au moment de la proposition de la question préalable.

Nous fonctionnons selon le régime britannique, qui limite le pouvoir des ministres et des gouvernements. C'est pourquoi nous le qualifions de « gouvernement limité ». Nous le qualifions aussi de « gouvernement mixte », puisqu'il concilie la représentation démocratique et les prérogatives royales. Voilà en quoi consiste ce régime. On ne peut s'en remettre à l'arbitraire lorsque le régime rejette par nature l'arbitraire. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il existe des règles sur les avis, le temps et le processus à suivre, notamment. Durant des années, les écrivains politiques du XIXe siècle ont abondamment écrit sur la droiture inhérente au régime parlementaire britannique. Tous, autant qu'ils sont, disent que ce système échappe à l'arbitraire et rejette toute forme d'abus d'autorité. Honorables sénateurs, je ne veux pas qu'il y ait de malentendu. Il a toujours été accepté que, lorsque nous sommes saisis de certains types de questions, notamment celles portant sur le déroulement de nos travaux, qu'on appelle la conduite des affaires d'intérêt public, nous devrions tenter de rallier le plus grand nombre.

Honorables sénateurs, nous n'avons eu aucun préavis, et il n'y a pas urgence à régler cette question aujourd'hui. J'ai passé mes deux heures en bas à lire sur les limites du recours à la question préalable, car le régime britannique limite par nature l'exercice du pouvoir. C'est le propre du régime britannique, que je connais intimement. Je tiens à vous dire quelque chose que très peu de gens connaissent. Quand j'étais jeune, on nous a appris à défendre le système parce que c'est au sein de ce système qu'un dénommé William Wilberforce a réussi à vaincre de puissants intérêts et à faire valoir l'opinion publique dans l'assemblée représentative appelée Chambre des communes afin de libérer les misérables. J'espère que vous comprenez.

(2040)

Honorables sénateurs, on m'a inculqué la notion selon laquelle c'est nous qui sommes les gardiens de ce système, c'est un privilège pour nous de protéger ce patrimoine et de prendre exemple sur William Wilberforce, qui a su mettre fin à une pratique appelée l'esclavage des êtres humains, que John Wesley a caractérisée de scandale de l'Amérique, scandale de la nature humaine et scandale de la religion.

Honorable sénateurs, on m'a appris que ceux qui servent la population, les hommes et femmes qui décident de servir la population, doivent accepter qu'ils sont les héritiers de ce corps législatif, de cet ensemble de connaissances qui nous a été confié, comme une propriété aliénable, et qu'ils sont censés passer le flambeau et défendre ces principes.

Je suis une descendante de ce qu'on appelle les gens de couleur libres. En 1791, il y en avait 10 000 en Jamaïque. Ils étaient très souvent le fruit de croisement entre différentes races, et ces gens de couleur libres étaient si farouchement indépendants d'esprit qu'ils réussirent à acheter leur liberté — c'est quand même incroyable, non? — par un processus appelé la manumission. À l'époque, sur certaines de ces îles, les prohibitions étaient si lourdes que ces personnes devaient payer 1 000 livres pour s'extirper de l'esclavage. L'indépendance d'esprit caractérise depuis longtemps l'histoire de ces gens. Je tiens à ce que vous sachiez combien mes racines sont profondes dans cette histoire, et que ma famille a contribué à l'instauration d'un gouvernement responsable à la Barbade. Vous comprendrez donc que j'ai grandi avec la notion selon laquelle ces principes méritent d'être défendus; il nous revient de les défendre, pas de les bafouer. Je ne dis pas que vous les bafouez, je vous dis simplement que j'ai le devoir impérieux de les défendre.

Votre Honneur, je tentais d'éviter de vous demander de rendre une décision à ce sujet, mais je veux m'assurer d'être claire. J'essaie d'être claire.

Honorables sénateurs, les écrits liés aux motions portant sur la question préalable donnent à penser que les questions doivent être extrêmement importantes. La plupart du temps, il y est question des projets de loi. Il se peut que je me trompe, car je n'ai pas eu le temps nécessaire pour faire des recherches à cet égard. Une bonne partie des motions portant sur la question préalable, qui ont été proposées ici, au Sénat, portaient sur des projets de loi. Peut-être que l'un des anciens leaders s'en souvient. J'ai immédiatement voulu découvrir quelles sont les limites dans le cadre desquelles un pouvoir aussi excessif peut être exercé, car tout pouvoir est assorti de limites. C'est ce que j'ai découvert pendant les deux heures dont je disposais. Il se peut que je me trompe. À un certain moment, de telles motions étaient réservées aux ministres. J'ai vérifié. À un certain moment, c'était ainsi, même si ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Honorables sénateurs, j'aimerais indiquer mes ouvrages de référence à Son Honneur. L'un d'entre eux a été rédigé par M. Joseph Redlich, un homme très célèbre. Il s'agit du deuxième volume de son ouvrage intitulé The Procedure of the House of Commons, paru en 1908. Je fais référence à un passage de la page 227. Dans ce passage, M. Redlich déclare ceci :

La question préalable se révèle donc, on le constatera, une arme à double tranchant pour l'opposition. Pour cette raison, il y a d'autres limites à son application. La question préalable ne peut pas être proposée à l'égard d'une motion touchant les affaires publiques ou une réunion de la Chambre, ni être posée en comité, ni être présentée à l'égard d'un amendement.

Honorables sénateurs, ce sont là de nouveaux renseignements pour beaucoup de gens, car je ne crois pas que la plupart des sénateurs ici présents ont pris le temps de bien réfléchir aux limites d'un pouvoir si grand et si important. Je vois qu'un ancien leader adjoint hoche la tête. C'est tout ce que je demande. Quelles sont les limites de ce pouvoir auquel vous vous fiez et que vous invoquez pour faire adopter cette motion?

J'ai aussi invoqué la 10e édition d'Erskine May, Treatise on the Law, Privilege, Proceedings and Usage of Parliament, qui date de l'époque où Erskine May écrivait lui-même l'ouvrage. En passant, c'est maintenant quelqu'un d'autre qui écrit le Erskine May, mais j'y reviendrai un autre jour. Cet ouvrage a été publié en 1893. On peut y lire ce qui suit à la page 269 :

La question préalable a été proposée pour les différentes étapes d'un projet de loi, mais on ne peut pas la proposer pour un amendement. Cependant, une fois qu'un amendement a été adopté, on peut utiliser la question préalable pour mettre aux voix la question principale modifiée.

L'ouvrage dit ensuite ceci :

La question préalable ne peut pas être proposée au sujet d'une motion portant sur le règlement des affaires d'intérêt public ou sur une réunion de la Chambre.

Autrement dit, ce système, ce processus, ce pouvoir que constitue la question préalable ne doit pas être utilisé pour ce que j'appellerais des questions fondamentales, de base, de tous les jours. Ces questions exigent plus de consensus et on doit investir plus de temps pour arriver à les comprendre et à s'entendre.

Enfin, dans le Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament d'Erskine May, on trouve ceci à la page 396 :

La question préalable ne peut être proposée concernant une motion portant sur le règlement d'affaires d'intérêt public ou sur une réunion de l'assemblée, ni en comité.

Honorables sénateurs, c'est pourtant la situation actuelle. Par ailleurs, ce n'est pas à moi de prouver que le gouvernement n'a pas ce pouvoir. Quand le gouvernement présente une motion lui accordant un pouvoir, c'est au gouvernement d'énoncer le contexte et les règles, ces mêmes règles dont vient de parler le sénateur Carignan. C'est toujours à celui qui exerce le pouvoir de faire valoir la source de son autorité. Nous inversons fortement le processus dans ce cas-ci. Quand le gouvernement invoque un pouvoir, la nature même de l'exercice du pouvoir veut que celui qui l'exerce montre sur quoi il s'appuie pour l'exercer.

(2050)

J'ai fait tout ce que j'ai pu pour m'opposer à cette forme d'exercice du pouvoir et pour faire valoir que les recherches limitées que j'ai pu faire en deux heures démontrent clairement que le recours à la question préalable est sujet à certaines restrictions. Il me semble que l'objet de la motion, telle que je la lis, ne correspond pas aux critères permettant le recours à la question préalable.

Honorables sénateurs, ces questions semblent terriblement complexes, mais faites-moi confiance, il y a une logique inhérente à tout cela. C'est un système qui se tient. En cas de doute, vous devriez toujours vous demander : « Quelle était l'intention de Sa Majesté? » Ceux d'entre nous qui s'inclinent plutôt devant sir John A. Macdonald peuvent faire de même. Quelle était son intention? Je le dis sérieusement.

Comme vous le savez déjà, je suis d'accord pour débuter la séance du Sénat à 13 h 30 et la lever à 16 heures le mercredi, mais je me suis opposée au renvoi de la motion au comité, car je ne crois pas que c'était une bonne idée. En outre, j'ai déclaré que la plupart des sénateurs seraient disposés à s'entendre sur la question de l'horaire. Cependant, d'après ce que je vois, cette motion ne cadre pas avec les lignes directrices applicables à l'utilisation des motions concernant la question préalable.

Il y a quelque chose de triste dans cette situation, car elle est inutile. Les conflits entre humains sont absurdes, car, avec le recul, on se rend compte qu'ils étaient, pour la plupart, inutiles.

Je soutiens, honorables sénateurs, que cette motion sur la question préalable n'est pas vraiment utile et que nous pouvons arriver aux mêmes fins par d'autres moyens.

Son Honneur le Président : Je remercie tous les sénateurs de leur contribution à la question soulevée par le sénateur Banks lorsqu'il a invoqué le Règlement. Moi aussi, j'ai passé une partie de la période de pause de 18 à 20 heures dans l'attente d'une réponse, mais pas dans le sens d'une prophétie. J'ai pu consulter les ouvrages de procédure actuels, mais, d'abord, je tiens à dire que je suis prêt à rendre ma décision, car je suis convaincu de sa justesse.

Toutefois, je respecte la volonté des sénateurs. Ce sont les sénateurs qui réglementent le Sénat. Le Président doit suivre les règles que le Sénat a fixées et les interpréter de façon juste, équitable et réfléchie. Si le Président manquait à ce devoir, il serait corrigé par la volonté de la majorité des sénateurs, ce qui, à mon avis, est une meilleure façon de procéder que ce qui se fait à l'autre endroit. Pour moi, la volonté de la Chambre doit être la lumière qui éclaire la présidence.

Il s'agit donc essentiellement de déterminer si la motion présentée par le sénateur Mockler et appuyée par le sénateur Wallace, voulant que la question préalable soit mise aux voix, est recevable ou non. Selon moi, l'article 48 — je ne le lirai pas, car nous pouvons tous le consulter — est très clair et explicite tel qu'il a été adopté par le Sénat.

Comme plusieurs l'ont indiqué, cette procédure est rarement utilisée; certains commentaires du sénateur Cools expliquent pourquoi, mais cela ne veut pas dire qu'elle n'est jamais utilisée. Par conséquent, il incombe aux sénateurs de déterminer si un d'entre eux invoquera cette règle et proposera que la question précédente soit mise aux voix.

Je déclare que la motion est recevable, car elle concerne une question pour laquelle un avis a été donné. Les sénateurs ont eu amplement le temps d'en discuter pendant la période d'avis. Ils ont encore des occasions de tenir un débat entier sur la motion.

La présidence déclare que la motion est recevable. Si personne d'autre ne désire prendre la parole à ce sujet, je vais mettre la motion aux voix.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Cools d'avoir commenté le recours au Règlement, et le sénateur Banks d'avoir invoqué le Règlement.

Plusieurs points importants ont été soulevés; je remercie les deux sénateurs de leur connaissance approfondie des règles et des procédures du Sénat, ainsi que de leur engagement et de leur dévouement envers cette institution.

Bien des orateurs intéressants ont présenté leurs points de vue ce soir. Au cours des 50 dernières minutes, nous avons entendu le sénateur Fraser, le sénateur Banks, le sénateur Mitchell et le sénateur Cools. Je suis convaincue que nous devons prendre le temps, tous ensemble, de songer à ce qui a été dit au cours des 50 dernières minutes.

Par conséquent, je propose l'ajournement du débat.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la sonnerie retentira pendant une heure. Le vote aura lieu à 21 h 58.

Convoquez les sénateurs.

(2200)

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Banks Merchant
Chaput Mitchell
Cowan Moore
Dawson Munson
Downe Peterson
Eggleton Poulin
Fraser Ringuette
Hervieux-Payette Robichaud
Hubley Smith (Cobourg)
Mahovlich Tardif—21
Mercer

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Martin
Angus Mockler
Ataullahjan Nancy Ruth
Boisvenu Ogilvie
Braley Oliver
Carignan Patterson
Cochrane Poirier
Comeau Rivard
Dickson Runciman
Duffy Segal
Eaton Seidman
Finley Smith (Saurel)
Fortin-Duplessis St. Germain
Frum Stewart Olsen
Greene Stratton
Lang Tkachuk
LeBreton Verner
MacDonald Wallace
Manning Wallin—39
Marshall

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Cools—1

[Français]

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, j'aimerais vous rappeler les événements des dernières semaines qui ont sûrement étonné plusieurs de mes concitoyens du Québec.

Il y a eu d’abord l’installation du portrait de la reine dans toutes les ambassades du Canada et dans l’édifice du ministère des Affaires étrangères. Évidemment, on parle de la reine du Canada, et je crois que son rôle a bien servi les intérêts du Canada, rôle qui est d’ailleurs inscrit dans la Constitution canadienne.

Plus récemment, un projet de loi sur le drapeau a été déposé. C'est probablement un symbole de l'unité des Canadiens, surtout ceux qui ont servi le Canada à l'étranger et qui, pour certains, y ont laissé leur vie.

Tout cela émane de décisions prises par des gouvernements d'un pays démocratique qui possède un régime parlementaire britannique. Je ne sais pas si c'est le cas pour vous, mais j'ai moi- même déjà donné quelques cours sur le régime parlementaire britannique à des parlementaires. Ce régime est souvent comparé au régime américain, qui est un régime présidentiel, parce qu'il a un Sénat, mais je crois que nous devons expliquer la différence entre les deux institutions.

Je crois que le Sénat canadien est une réplique de la Chambre de lords. Même si on pense qu'au Québec nous ne respectons pas les institutions britanniques, il y a des gens, comme moi, qui ont servi dans le milieu de la politique active, soit à la Chambre des communes ou au Sénat, parce que nous croyons aux institutions fédérales. Je crois aux institutions canadiennes et j'ai passé plus de 30 ans de ma vie à m'assurer que ces institutions fonctionnent.

[Traduction]

J'aimerais que la Chambre des lords s'appelle la « Chambre des lords et des ladies ». Je sais qu'on parle habituellement de la « Chambre des lords ». C'est plus ou moins le résultat d'une entente entre gentlemen, mais j'ajouterais maintenant une « entente entre dames ».

En ce qui me concerne, nous avons affaire aujourd'hui à une absence d'entente entre gentlemen. Certains gentlemen et certaines dames parmi nous sont disposés à conclure une entente. Ils sont disposés à aller discuter de la question en comité et à rendre compte au Sénat de leurs recommandations. C'est le processus que nous respectons; c'est le processus qui est en place. Au besoin, je suppose que nous pourrions tous voter ensemble.

Pour moi, la démocratie se mesure à la façon dont elle traite les minorités. Comme vous le savez, les Canadiens français forment un groupe minoritaire. Il n'est pas facile de faire partie d'un groupe minoritaire dans un pays où la majorité des gens ne sont pas d'origine française. Quand je vais dans l'Ouest, je dois expliquer à certaines personnes que nous ne sommes pas des immigrants de fraîche date, que nos ancêtres sont arrivés ici il y a plusieurs centaines d'années. Il y a quelques années, nous avons fêté le 400e anniversaire de la ville de Québec.

En fait, le Canada est véritablement devenu un pays indépendant en 1935, lorsqu'il a obtenu le droit de prendre ses propres décisions en matière d'affaires étrangères. Je suis fière de tous les événements qui ont marqué notre histoire.

J'ai toujours pensé que la règle de la majorité ne devrait s'appliquer que si elle sert les intérêts supérieurs de nos concitoyens. Je me demande — et je vous demande aussi — comment cette mesure peut servir au mieux les intérêts des Canadiens. Comment la majorité peut-elle expliquer son refus d'utiliser les voies normales pour mieux servir les intérêts des Canadiens?

[Français]

Honorables sénateurs, ayez confiance en vos pairs. Nous sommes ici pour travailler à la même cause que vous, c'est-à-dire travailler pour le bien-être et le bénéfice des citoyens canadiens.

Nous disposons du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement pour examiner cette proposition qui nous a été faite par notre collègue et nous faire rapport sur son utilité afin de nous permettre, enfin, d'en discuter.

On parle ici de traditions. On parle d'objectifs que nous devons atteindre pour changer une règle qui a toujours bien servi le déroulement des travaux au Sénat.

Je siège au Sénat depuis 16 ans et je dois vous dire qu'en ce qui concerne la demande de consentement à 16 heures pour aller en comité, je n'ai pas vu, moi, de perturbations. À nos nouveaux collègues, je peux dire que la collaboration a toujours existé et que, pour la grande majorité de ces années-là, nous formions la majorité.

(2210)

Notre institution et ses membres sortiront grandis plutôt qu'amers de se faire imposer par la majorité une règle dont on ne connaît pas l'utilité. La confiance qui peut exister entre nous continuera d'exister en autant nous soyons respectés. En ce qui me concerne, ce soir, je dois vous dire que je suis très déçue de la façon dont on a imposé cette motion. Je ne sais pas si mes collègues sont intéressés à étudier cela en profondeur, je n'en suis pas certaine, et c'est pourquoi je propose l'ajournement du Sénat.

(Sur la motion du sénateur Hervieux-Payette, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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