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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 67

Le mardi 3 avril 2012
L'honorable Pierre Claude Nolin, Président suppléant


LE SÉNAT

Le mardi 3 avril 2012

La séance est ouverte à 14 heures, le Président suppléant, l'honorable Pierre Claude Nolin, étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Mme Betty Howatt

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, je suis très heureuse d'intervenir aujourd'hui pour rendre hommage à une personne qui a grandement contribué à sensibiliser les gens à l'importance du mode de vie des habitants de l'Île-du-Prince-Édouard.

Ayant vécu près de la terre toute sa vie, Betty Howatt connaît et comprend très bien les plantes et les animaux de l'île. Elle s'est servie des expériences qu'elle a accumulées tout au long de sa vie pour rédiger un ouvrage très populaire intitulé Tales from Willowshade Farm. Dans ce livre, elle parle de jardinage, d'animaux sauvages, de folklore et de médecine folklorique, et aussi de souvenirs d'autrefois. Elle a également fait connaître ses expérience dans le cadre de son émission radiophonique à la CBC. Son sens de l'humour et sa sagesse lui ont permis d'obtenir un auditoire vaste et réceptif.

L'engagement de Betty Howatt envers l'environnement, l'agriculture et l'histoire de l'Île-du-Prince-Édouard lui a valu le respect et l'admiration des Prince-Édouardiens. Cela lui a également valu une reconnaissance officielle. En effet, le mois dernier, elle a été l'une des six récipiendaires des premières médailles du jubilé de diamant remises à l'Île-du-Prince-Édouard. Dans la citation, il est indiqué que Mme Howatt est une défenseure du patrimoine environnemental et agricole de l'Île-du-Prince-Édouard. Elle a reçu la médaille en reconnaissance du travail qu'elle a effectué pour promouvoir la gérance de l'environnement, ainsi que l'importance de l'agriculture pour l'économie et le mode de vie de l'île.

Le mois dernier, Mme Howatt a également reçu un autre prix prestigieux, le prix d'honneur de la Fondation des musées et du patrimoine de l'Île-du-Prince-Édouard. Elle a reçu ce prix pour sa contribution à faire connaître le patrimoine de l'île et pour le travail qu'elle a fait au sein du conseil d'administration de la fondation pendant 12 ans.

Un grand nombre de Canadiens ont beaucoup contribué à mieux nous faire comprendre et apprécier le monde dans lequel nous vivons. Betty Howatt en fait partie. Je demande aux sénateurs de se joindre à moi pour souligner l'œuvre de toute sa vie.

L'éducation et l'apprentissage chez les Premières nations

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour féliciter le gouvernement du Canada de s'être relevé les manches et d'avoir pris des décisions fondées et raisonnables, comme en témoignent les mesures du budget présenté la semaine dernière, en cette période difficile sur le plan économique.

Honorables sénateurs, nous savons tous que les comités sénatoriaux travaillent dur, et je puis affirmer en toute honnêteté que, au cours des 19 années que j'ai passées au Sénat, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a fait un énorme travail et a produit plusieurs excellents rapports. Les membres du comité ont fait de leur mieux pour bien conseiller le gouvernement dans l'intérêt de la clientèle autochtone que nous servons tous, des deux côtés.

Au cours de la préparation de l'un de nos rapports, Partager la prospérité du Canada — Un coup de main, pas la charité, qui a vu le jour sous la présidence du sénateur Nick Sibbeston, et tout au long de l'étude que nous avons faite de plusieurs autres questions, nous avons remarqué qu'un thème revenait souvent. Nous avons fini par conclure que la solution pour libérer le potentiel économique du Canada passait par l'éducation, c'est-à-dire l'acquisition de connaissances et de compétences. L'éducation et l'apprentissage donnent aux gens les capacités dont ils ont besoin pour exercer leur leadership et prendre leur destin en main.

Honorables sénateurs, nous devons reconnaître, et c'est tout à son honneur, que le gouvernement a étudié attentivement notre rapport — non pas le mien, mais le nôtre — intitulé La réforme de l'éducation chez les Premières nations : de la crise à l'espoir, de même que le rapport d'un comité national d'experts, et qu'il a écouté les dirigeants autochtones au cours de la rencontre entre la Couronne et les Premières nations, en janvier dernier.

Le gouvernement est le premier à vraiment reconnaître que, pour l'avenir du Canada, nous devons faire en sorte que tous les Canadiens aient des chances égales, non seulement pour libérer le potentiel économique du Canada, mais aussi pour que chaque Canadien puisse s'investir à fond dans sa collectivité. Voilà, en gros, à quoi sert l'éducation.

Le gouvernement s'est engagé à investir 275 millions de dollars, sur trois ans, pour faciliter l'alphabétisation des jeunes enfants et pour construire et rénover des écoles dans les réserves. Chose plus importante encore, le gouvernement s'est engagé à travailler avec les Premières nations et à élaborer une loi sur l'éducation des Premières nations, qui établira pour la première fois les structures et les normes nécessaires pour appuyer la mise sur pied de systèmes d'éducation solides et responsables au sein des collectivités des Premières nations.

(1410)

Comme le recommande également le rapport du Sénat, le gouvernement va créer les mécanismes nécessaires pour assurer le financement stable, prévisible et durable de l'éducation primaire et secondaire des Premières nations.

Honorables sénateurs, l'éducation favorise un esprit indépendant, qui permet aux personnes libres de choisir leur avenir, de tendre la main aux autres, de réussir dans la vie et de réaliser leurs rêves. En tant que sénateurs canadiens animés d'une volonté exempte de tout esprit partisan, nous pouvons réaliser ce que de nombreuses autres institutions de l'État ne peuvent qu'espérer faire un jour.

Merci, et que Dieu vous bénisse.

La Journée internationale de la sensibilisation au problème des mines

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, nous célébrons demain la Journée internationale de la sensibilisation au problème des mines. Depuis 20 ans, les responsables de la Campagne internationale pour interdire les mines travaillent sans relâche partout dans le monde pour débarrasser la planète des mines terrestres. Cette campagne connaît un vif succès. Depuis que le traité d'Ottawa visant à interdire les mines terrestres est entré en vigueur en 1999, le commerce mondial des mines terrestres a disparu presque complètement. La plupart des pays ont détruit leurs stocks de mines terrestres et très peu de pays utilisent encore activement ce genre de mines. Au fil des années, de plus en plus de terrains sont déminés et les mines font de moins en moins de victimes.

Le combat n'est toutefois pas terminé. Il faut encore déminer des milliers d'acres de terrain et, chose encore plus troublante, il faut s'occuper des mines terrestres qui viennent d'être posées. L'an dernier, les forces gouvernementales libyennes ont utilisé des mines terrestres, et c'est maintenant au tour de la Syrie d'y avoir recours. En effet, le gouvernement syrien a posé des mines antipersonnel le long de sa frontière, plus particulièrement dans le but de cibler les réfugiés qui tentent de fuir le pays. C'est totalement inacceptable, et ces mesures ont été condamnées par des pays partout du monde entier, dont le Canada.

Malheureusement, les mines terrestres font des victimes d'abord et avant tout au sein de la population civile. Les enfants sont tout particulièrement vulnérables, et ceux qui ont la chance de survivre sont amputés et doivent apprendre à vivre avec des membres en moins et des handicaps permanents.

Le 4 avril, l'organisme Action Mines Canada invite les Canadiens à participer à la campagne « Prêtez votre jambe pour un monde sans mines », afin de montrer leur soutien à ces enfants et à toutes les victimes de mines terrestres. Demain, je retrousserai mes manches par solidarité à l'endroit des personnes qui ont réchappé aux mines terrestres. J'encourage tous les sénateurs à se joindre à moi.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de représentants de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, la FAO, de la Québec Farmers' Association, la QFA, et de l'Union des cultivateurs franco-ontariens, l'UCFO. Ils sont les invités du sénateur Fairbairn.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le Tribunal canadien des droits de la personne

Dépôt du rapport annuel de 2011

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2011 du Tribunal canadien des droits de la personne, conformément au paragraphe 61.4 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[Traduction]

Le vérificateur général

Dépôt du rapport du printemps de 2012

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du printemps de 2012 à la Chambre des communes, conformément au paragraphe 7(5) de la Loi sur le vérificateur général.

Agriculture et forêts

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole—Présentation du sixième rapport du comité

L'honorable Percy Mockler, président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, présente le rapport suivant :

Le mardi 3 avril 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a l'honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 16 juin 2011 à examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2013 et demande qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à :

a) embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin; et

b) voyager à l'intérieur du Canada; et

c) voyager à l'extérieur du Canada.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis.

Le président,
PERCY MOCKLER

(Le texte du budget figure à l'annexe A des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1108.)

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Mockler, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'étude sur la création d'une charte du Commonwealth

Dépôt du troisième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le troisième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Une charte « sur mesure » : Consultation parlementaire sur le projet de Charte du Commonwealth.

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Sécurité nationale et défense

Budget et autorisation de se déplacer—L'étude sur l'état des relations avec les États-Unis en matière de défense et de sécurité—Présentation du cinquième rapport du comité

L'honorable Pamela Wallin, présidente du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, présente le rapport suivant :

Le mardi 3 avril 2012

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mercredi 7 mars 2012 à examiner, en vu d’en faire rapport, l'état des relations en matière de défense et de sécurité entre le Canada et les États-Unis, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2013 et demande qu’il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à voyager à l’extérieur du Canada.

Conformément au chapitre 3:06, section 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,
PAMELA WALLIN

(Le texte du budget figure à l'annexe B des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1124.)

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Wallin, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Budget—L'étude sur les services et les avantages offerts aux membres et aux anciens combattants des Forces canadiennes et aux membres et aux anciens membres de la GRC, les activités commémoratives et la Charte—Présentation du sixième rapport du comité

L'honorable Pamela Wallin, présidente du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, présente le rapport suivant :

Le mardi 3 avril 2012

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a l'honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mercredi 22 juin 2011 à étudier les questions concernant les anciens combattants, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2013.

Conformément au Chapitre 3:06, section 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,
PAMELA WALLIN

(Le texte du budget figure à l'annexe C des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1130.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Wallin, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'Association législative Canada-Chine
Le Groupe interparlementaire Canada-Japon

L'assemblée annuelle du Forum parlementaire de l'Asie-Pacifique, tenue du 8 au 12 janvier 2012—Dépôt du rapport

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association législative Canada-Chine et du Groupe interparlementaire Canada-Japon concernant sa participation à la 20e assemblée annuelle du Forum parlementaire de l'Asie-Pacifique, tenue à Tokyo, au Japon, du 8 au 12 janvier 2012.

(1420)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable W. David Angus : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et par dérogation à l'article 58(1)a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à siéger après le vote, mais pas avant 17 heures, le mardi 3 avril 2012, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président suppléant : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président suppléant : L'honorable sénateur Angus, avec l'appui de l'honorable sénateur Stratton, propose que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à siéger après le vote, mais pas avant 17 heures, le mardi 3 avril 2012, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Français]

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Pourrais-je demander à l'honorable sénateur quelques explications afin de connaître les raisons pour lesquelles le comité devrait siéger lorsque le Sénat siège?

Le sénateur Angus : Avec plaisir.

[Traduction]

Honorables sénateurs, il s'agit d'une situation assez particulière.

Je crois comprendre qu'il pourrait y avoir un vote vers 17 heures ou 17 h 30. Grâce à une merveilleuse initiative du sénateur Mitchell, des élèves d'une école secondaire d'Edmonton ont suivi notre étude sur l'énergie pendant cinq ou six mois. Le projet qu'ils ont mené leur a permis de développer un très grand intérêt à l'égard du travail accompli par le Sénat par l'entremise de ce comité. Chaque élève s'est très bien préparé afin de pouvoir s'entretenir avec les membres du comité pendant la réunion, qui devrait normalement avoir lieu à 17 heures aujourd'hui. Ils sont ici avec des accompagnateurs et des enseignants. Selon ce que je comprends, ce sera la toute première fois dans l'histoire du Sénat que nous accueillerons des jeunes qui participeront de façon interactive à nos travaux, et nous en sommes très heureux. Nous ne voulons donc pas nous arrêter au beau milieu de la réunion pour revenir voter, et vice versa.

En fait, ce que je demande, au nom de mes collègues du comité, c'est qu'on nous permette de siéger après le vote et pas avant 17 heures. J'espère que cela répond à votre question, sénateur Tardif.

Le sénateur Tardif : Tout à fait.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

L'achat de chasseurs F-35

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, le gouvernement n'est jamais descendu aussi bas que dans le dossier des chasseurs F-35. Aujourd'hui, le vérificateur général a déclaré ceci :

En mai 2008, dans le cadre de la Stratégie de défense Le Canada d'abord, le gouvernement fédéral a annoncé son intention de remplacer la flotte des C-18 par 65 avions de combat de la nouvelle génération. Puis, en juillet 2010, le gouvernement a annoncé sa décision d'acheter le F-35 Lightning II, sans entreprendre un processus concurrentiel, pour remplacer le CF-18.

Le vérificateur général blâme le MDN parce qu'il n'a pas fourni les renseignements clés en temps opportun et n'a pas non plus fourni les renseignements sur les coûts aux parlementaires. Le vérificateur général reproche aussi à Travaux publics et Services gouvernementaux d'avoir simplement accepté la décision du MDN sans avoir la documentation et les approbations pertinentes.

Le premier ministre lui-même a trompé les Canadiens pendant la campagne électorale — ce dont j'ai parlé la semaine dernière — quant à l'existence d'un contrat et à sa déclaration que le Canada était protégé contre l'augmentation du coût du programme des F- 35.

Dans le meilleur des cas, toutes les étapes du processus depuis 2008 ont été entachées d'incompétence. Dans le pire des cas, le gouvernement a pris sciemment la décision d'imposer cet achat, quels que soient le coût ou les abus entourant le processus.

Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat peut expliquer les nombreuses erreurs de jugement du premier ministre, du ministre de la Défense, des fonctionnaires chargés des acquisitions et de la ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux? Honorables sénateurs, ce sont tous les responsables connus à ce jour.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'aimerais commencer par remercier le nouveau vérificateur général de son travail dans ce dossier. Le gouvernement accepte ses conclusions et mettra ses recommandations en application.

Le gouvernement prend immédiatement des mesures afin que les principes de diligence raisonnable de surveillance et de transparence fassent partie intégrante du processus de remplacement de la flotte vieillissante d'avions de combat. Il a gelé le financement prévu et il crée un Secrétariat du F-35, indépendant du ministère de la Défense nationale, qui aura pour responsabilité de faire avancer ce projet.

Le sénateur Moore : La réponse du gouvernement au rapport accablant du vérificateur général sur l'achat des F-35 consiste donc à créer un autre niveau de bureaucratie, ce que le leader a mentionné, au ministère des Travaux publics cette fois-ci, pour surveiller et gérer le processus d'acquisition.

Compte tenu de cette nouvelle, c'est-à-dire la création d'un secrétariat pour gérer le processus d'acquisition, couplée à l'annonce faite il y a quelques jours de compressions dans tous les ministères, quand le gouvernement agira-t-il de façon responsable sur le plan financier et abolira-t-il le poste de ministre responsable des acquisitions?

Le sénateur LeBreton : Je crois que le sénateur vient de tenir des propos très provocateurs. Nous avons des exemples de secrétariats au sein du ministère des Travaux publics qui ont fait de l'excellent travail. Comme je viens de le dire, le gouvernement créera immédiatement un secrétariat du F-35 au sein du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Le secrétariat agira à titre de coordonnateur principal des mesures prises par le gouvernement en vue de remplacer la flotte de CF-18. Un comité de sous-ministres sera mis sur pied pour superviser le secrétariat du F- 35, et je crois que c'est une initiative prudente et appropriée. Nous avons des fonctionnaires exceptionnels, et nous pouvons certainement accorder toute notre confiance à ce secrétariat.

Le sénateur Moore : Selon moi, le simple fait que le gouvernement se croit obligé de créer un secrétariat, quand on sait combien de ministères, de bureaucrates et de fonctionnaires ont participé à ce processus, est une preuve accablante du piètre rendement du gouvernement et des ministères.

Le gouvernement a aussi décidé de geler à 9 milliards de dollars les coûts liés à l'achat de cette flotte d'avions. Évidemment, cela limitera le nombre d'avions que le ministère de la Défense nationale pourra acheter. Si on se fie aux estimations les plus optimistes, qui indiquent que le coût par unité approche les 200 millions de dollars, il se pourrait que nous ne puissions acheter que 45 de ces avions.

Comment le gouvernement peut-il faire cadrer cette réduction avec l'affirmation du ministère de la Défense nationale que 65 est le nombre absolument minimal d'avions dont les Forces canadiennes ont besoin pour remplir leurs engagements envers le NORAD et l'OTAN?

(1430)

Pourquoi le gouvernement insiste-t-il tant sur ce chiffre de 65 depuis quatre ans, alors qu'il est maintenant évident que cet objectif est absolument irréalisable, compte tenu de la hausse vertigineuse des coûts et du cybervol des Chinois? Je voudrais avoir des réponses, qu'elles visent à provoquer ou non.

Le sénateur LeBreton : Laissons le secrétariat faire son travail. Comme je l'ai déjà dit, le gouvernement a bloqué les fonds.

Au bout du compte, honorables sénateurs, le Canada s'abstiendra de signer un contrat d'achat portant sur le nouvel appareil tant que toutes les étapes n'auront pas été franchies et que le travail de développement ne sera pas assez avancé.

Le Canada demeure déterminé à faire en sorte que l'Aviation royale canadienne dispose de l'appareil dont elle a besoin pour faire le travail qui lui est demandé. Notre responsabilité première est de veiller à ce que les hommes et les femmes de l'Aviation royale canadienne et l'ensemble de nos forces armées aient le meilleur matériel disponible. J'estime que, en suivant ce processus, le gouvernement agit de façon prudente et responsable.

Encore une fois, en mon nom personnel et au nom du gouvernement, je remercie le nouveau vérificateur général, Michael Ferguson, de son rapport. Nous acceptons ses recommandations sans réserve.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, chose curieuse, le gouvernement semble étonné, et il a attendu le rapport du vérificateur général avant d'agir.

Le groupe parlementaire libéral, au Sénat comme à la Chambre des communes, soulève ce problème depuis deux ans. Le 1er février dernier encore, le sénateur Moore a posé une question ici même sur les F-35, et il en avait déjà posé bien d'autres. Le leader a répondu que, de l'avis du gouvernement, le F-35 était l'appareil qui répondait aux besoins du Canada et permettait d'honorer ses engagements envers l'OTAN. Dans ses réponses à la plupart de ces questions, madame le leader a dit qu'elle croyait fermement que le F-35 serait la solution.

Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas posé de questions à nos ministères, comme celui de la Défense nationale?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, à la vérité, si le gouvernement répondait à tous les articles des journaux, à toutes les spéculations et discussions du caucus libéral, il n'aurait le temps de rien faire.

Le vérificateur général est celui qui est le mieux équipé pour examiner les différents dossiers des ministères. C'est ce qu'il a fait, bien entendu. Il a fourni au gouvernement de l'information et des conclusions sur la démarche qui a été suivie. Le gouvernement accepte sans réserve le travail et les recommandations du vérificateur général et, comme je l'ai déjà dit, il bloquera les fonds et laissera le secrétariat faire son travail.

En fin de compte, l'objectif du gouvernement est de fournir aux membres travailleurs et dévoués de l'Aviation royale canadienne le matériel de la tout meilleure qualité, sans perdre de vue les engagements du Canada envers l'OTAN.

Le sénateur Cordy : Le 14 mars dernier, dans sa réponse à une autre question du sénateur Moore, le sénateur LeBreton a dit ceci :

Honorables sénateurs, les médias qui affirment que nous laissons tomber le programme des F-35 sont mal informés.

Deux semaines plus tard, les reportages ne sont plus erronés. Le vérificateur général a dit que les points soulevés dans les questions posées à la Chambre des communes, et assurément dans celles que les sénateurs Moore, Dallaire et Cowan ont posées au Sénat, s'étaient avérés fondés. Le gouvernement a refusé d'en tenir compte. Je serais portée à croire qu'un gouvernement responsable aurait essayé de trouver les réponses à ces questions.

Le sénateur n'a pas répondu à la question. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas posé de questions au ministère de la Défense nationale et au ministère des Travaux publics pour faire toute la lumière? De toute évidence, le vérificateur général a posé des questions et il a obtenu des réponses. D'après ces réponses, on peut dire que ce processus n'aurait pas dû aller aussi loin et qu'il a été mal géré.

Je réitère ma question : pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas posé de questions au ministère des Travaux publics et au ministère de la Défense nationale?

Le sénateur LeBreton : Pour commencer, disons que je n'ai vu nulle part, dans le rapport du vérificateur général ni dans aucune des réponses du gouvernement, que nous abandonnions le programme du F-35. En réalité, le gouvernement a dit qu'Industrie Canada, par l'entremise du secrétariat chargé du F-35, continuera d'étudier les possibilités de participation de l'industrie canadienne à la chaîne d'approvisionnement mondiale de l'avion de combat interarmées F- 35, ainsi que les autres retombées possibles pour le Canada dans les domaines du maintien en puissance, des essais et de la formation. Le secrétariat tiendra le Parlement au courant. Voilà un point très important à souligner : il existe un engagement à tenir le Parlement au courant, notamment, dans ce cas-ci, pour expliquer les retombées.

Honorables sénateurs, le vérificateur général a étudié très sérieusement cette question. Son rapport, si on le lit bien, dit que le travail accompli par le ministère de la Défense nationale avec l'industrie a été un processus correct, mais nous venons de bloquer le programme. J'estime que c'est la décision responsable qui s'imposait. C'est certainement ce que le sénateur Cordy exigeait de nous.

En fin de compte, le Canada ne signera aucun contrat d'achat tant que toutes les étapes que le gouvernement a décrites aujourd'hui n'auront pas été franchies et que le travail ne développement ne sera pas assez avancé.

Comme je l'ai indiqué, grâce aux mesures prises, les membres loyaux et dévoués de l'Aviation royale canadienne disposeront du meilleur équipement qui soit pour accomplir le travail que nous attendons d'eux.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, pourquoi donc a-t-il fallu un rapport du vérificateur général pour comprendre ce que disaient les citoyens canadiens ordinaires et les experts comme Allan Williams? Je l'ai entendu ce matin dans une entrevue à la télévision du réseau anglais de Radio- Canada, où il a affirmé que le gouvernement fait fausse route depuis le début.

Le vérificateur général vient de prendre le gouvernement en flagrant délit de mensonge. Pourquoi a-t-il fallu en venir jusque-là pour que le gouvernement agisse comme le lui demandaient les sénateurs et les députés de mon parti, ainsi que des experts de partout au pays et d'ailleurs dans le monde depuis des années? Pourquoi le gouvernement a-t-il attendu aussi longtemps?

Le sénateur LeBreton : Premièrement, il est inexact de dire que le vérificateur général a pris le gouvernement en flagrant délit de mensonge. Ce n'est pas le cas, et le sénateur le sait.

De fait, M. Williams s'est toujours prononcé contre ce programme lors de ses apparitions dans les médias. D'autres personnes ont déclaré aux médias qu'elles étaient favorables au programme. Pour chaque personne qui s'oppose au programme, je peux en nommer une qui est en faveur du programme.

Une seule personne au pays peut examiner adéquatement de tels programmes ministériels ou interministériels, et il s'agit du vérificateur général. C'est ce qu'il a fait, et il s'est bien acquitté de sa tâche, de manière rigoureuse. Le gouvernement le remercie et accepte sa recommandation d'appliquer un gel au programme.

Le secrétariat en cours de formation au ministère des Travaux publics sera composé de sous-ministres d'expérience. Nous avons vu par le passé le résultat du travail de ces sous-ministres dans le dossier de la construction navale. Je suis convaincue que le secrétariat saura veiller à ce que toutes les étapes nécessaires soient franchies et à ce qu'en fin de compte, nous disposions d'un appareil digne des hommes et des femmes de valeur qui composent les forces armées.

Le sénateur Cowan : Le leader n'est certainement pas en train de prétendre que le gouvernement n'aurait pas pu obtenir cette information, en faire la synthèse et produire un rapport semblable sans que le vérificateur général ait à intervenir. Le gouvernement a certainement la capacité d'obtenir l'information nécessaire des divers organes de l'État et il aurait pu arriver à la même conclusion que le vérificateur général.

Justement, comme il est question d'induire en erreur les Canadiens et le Parlement, permettez-moi de lire ce que le premier ministre a déclaré le 8 avril 2011, en pleine campagne électorale :

Il faut comprendre que nous avons été très transparents envers les Canadiens au sujet des coûts des F-35. Quant aux coûts du développement dont il est question aux États-Unis, les contrats que nous avons signés [...]

Je vous rappelle que c'est le premier ministre qui parle :

[...] nous protègent de toute hausse liée aux frais de ce genre. Nous avons pleinement confiance en nos estimations, qui comprennent une certaine marge de manœuvre afin de parer à toute éventualité. Nous sommes confiants que nous ne dépasserons pas ces estimations.

(1440)

De quel contrat parlait-il?

Le sénateur LeBreton : Si le sénateur vérifiait auprès du chef du troisième parti à l'autre endroit, il constaterait que c'est exactement la même question qu'il avait posée au premier ministre et que le premier ministre y avait répondu. Je serai heureuse de fournir au sénateur une copie de la réponse du premier ministre. Il avait alors dit que l'entente de tous les pays participants relativement au développement du F-35 avait commencé il y a 15 ans sous l'ancien gouvernement libéral.

Le sénateur Cowan : Le contrat de développement avait été signé par le gouvernement du Canada d'alors, qui avait versé une contribution de 100 millions de dollars aux frais de développement. Lorsque le gouvernement en question a pris le pouvoir vers le milieu des années 1990, le contrat avait déjà généré quelque 400 millions de dollars de contrats pour les entrepreneurs canadiens dans le secteur de la défense. C'était un très bon investissement de 100 millions de dollars au début des années 2000. À l'époque, le gouvernement d'alors n'avait pris aucun engagement au sujet de l'achat des F-35. Madame le ministre convient-elle que c'est exact?

Le sénateur LeBreton : Je n'en conviens absolument pas. Le sénateur Cowan est très astucieux, mais il faudrait qu'il le soit beaucoup plus pour être en mesure de m'attribuer des propos que je n'ai pas tenus.

Le sénateur parle des différents ministères, mais seul le vérificateur général a le pouvoir d'aller dans ces différents ministères pour y recueillir les renseignements nécessaires. Cela fait partie de son rôle.

Le vérificateur général travaille là-dessus depuis un certain temps. Il a formulé des recommandations que le gouvernement a acceptées. Nous avons gelé le financement. Nous sommes en train d'établir un secrétariat qui adoptera des pratiques exemplaires. Je pense que c'est ce que le public canadien voudrait nous voir faire, et c'est exactement ce que nous faisons. En fin de compte, notre but est d'en arriver à un processus qui nous permettra d'obtenir le meilleur avion possible pour les hommes et les femmes de l'Aviation royale canadienne.

L'honorable David P. Smith : Je voudrais demander à madame le leader du gouvernement si elle croit — j'insiste sur le mot « croit » — que le vérificateur général avait un argument valide. J'insiste également sur le qualificatif « valide ». Si c'est le cas, que pense-t-elle de l'argument valide qu'il a présenté?

Le sénateur LeBreton : J'ai dit clairement, je crois, que le gouvernement juge valides les arguments du vérificateur général. Nous avons accepté ses recommandations et avons pris des mesures pour y donner suite.

L'honorable Robert W. Peterson : Le gouvernement avait un contrat et était protégé par des honoraires versés d'avance. Est-ce que le leader peut nous dire quel serait le montant du dédit si le gouvernement décidait de mettre fin à ce contrat?

Le sénateur LeBreton : Il ne faudrait pas mettre la charrue devant les bœufs. Nous allons commencer par accepter les recommandations du vérificateur général, ce qui est déjà fait. J'applaudis le nouveau vérificateur pour son rapport. Le gouvernement a accepté ses recommandations. Il a pris des mesures pour geler le financement et établir un secrétariat. Le gouvernement s'est engagé à présenter des rapports réguliers à ce sujet au Parlement. Permettons donc au secrétariat de faire son travail avant de commencer à poser toutes sortes de questions hypothétiques.

L'environnement

Le règlement sur les sables pétrolifères

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je dois nuancer ma question avant de la poser. Même si la question peut sembler hostile à certains sénateurs, je tiens à dire que j'apprécie beaucoup l'appui unanime des conservateurs en ce qui concerne la réunion spéciale que nous devons tenir plus tard dans la journée. Nous en sommes très reconnaissants.

Le gouvernement a dit qu'il publierait le règlement sur les émissions des sables pétrolifères en juin dernier. Dix mois plus tard, les environnementalistes et l'industrie — croyez-le ou non, l'action du gouvernement a beaucoup rapproché ces deux groupes — se demandent ce qui se passe. Le budget nous en donne une vague idée. Comme nous le savons, le budget prévoit des coupes sombres dans la politique, les programmes, les initiatives et tout ce qui est lié à l'environnement.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le retard dans la publication du règlement n'est-il pas attribuable, du moins en partie, au fait que, après le congédiement d'un millier d'employés d'Environnement Canada, il ne reste tout simplement plus personne pour travailler à l'élaboration de ce règlement?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Si le sénateur a lu le budget — ce qui est loin d'être certain, je le sais —, il aura constaté que notre gouvernement a un programme environnemental énergique, même au moment où il prend de sérieuses mesures pour rétablir l'équilibre budgétaire. Comme nous nous sommes engagés à appuyer les projets de mise en valeur des ressources qui créent des emplois et protègent l'environnement, nous avons reconduit le financement du Bureau de gestion des grands projets.

Le sénateur écoute-t-il? Non. Il ne fait que poser les questions. Il n'écoute jamais les réponses.

Malgré les discours vides de l'opposition — et ceux du sénateur ne font pas exception à la règle —, les choses qui durent longtemps ne sont pas nécessairement meilleures. Notre détermination à améliorer les éléments des évaluations environnementales profitera à tous les Canadiens. Nous avons également reconduit le financement des programmes de protection des espèces menacées. Nous sommes déterminés à créer un nouveau parc national dans la vallée de la Rouge, projet qui a été très bien accueilli. Nous maintenons notre appui à d'autres efforts environnementaux, par exemple au lac Winnipeg et au lac Simcoe.

On se rend compte, en lisant le budget, qu'il est très riche en contenu. Je crois que ma collègue, madame le sénateur Raine, a essayé hier d'en convaincre le sénateur Mitchell. Je lui ai dit que c'était un peu comme prêcher dans le désert et qu'elle ne devait s'attendre à aucun résultat. Il n'en reste pas moins que le budget témoigne d'un fort appui à l'endroit de l'environnement.

Le sénateur Mitchell : Je vous remercie de répondre à une question que je n'ai pas posée. Il n'y a absolument rien dans cette réponse — si l'on peut parler de réponse — qui porte sur la réglementation liée aux changements climatiques.

Je pourrais mentionner que le sénateur Raine a présenté la liste des mesures prises par le gouvernement. Toutefois, si on lit cette liste attentivement, comme je l'ai fait, on constate que celle-ci fait état des réalisations du gouvernement depuis 2006. Or, toutes ces mesures ont évidemment été annulées. Par conséquent, la liste n'est pas si impressionnante.

L'Association canadienne des producteurs pétroliers se dit préoccupée part le fait qu'il n'y a pas eu de dialogue constructif entre le gouvernement et l'industrie, relativement à l'élaboration d'une réglementation. Nous aurions cru que s'il y a un groupe avec lequel le gouvernement souhaitait avoir un dialogue constructif, c'est bien l'industrie. Or, celle-ci dit que cela n'a pas du tout été le cas. Est-ce parce que, après avoir licencié 1 000 employés du ministère, il n'y a tout simplement personne qui peut le faire, ou est- ce parce que le gouvernement ne souhaite vraiment pas réglementer en matière de changements climatiques, qu'il ne voudra jamais le faire et que, par conséquent, il ne sert à rien de discuter avec qui que ce soit de l'élaboration d'une réglementation?

Le sénateur LeBreton : En fait, j'ai répondu à la question sur le budget, parce que le sénateur a fait allusion au budget, et j'ai souligné certaines mesures contenues dans le budget.

Le sénateur Mitchell est complètement dans l'erreur. Ce n'est pas vrai que 1 000 employés ont été licenciés au ministère, qui compte un grand nombre d'employés. Le gouvernement utilise de nombreuses ressources au ministère et dans le secteur privé pour aider Environnement Canada. Notre engagement en matière d'environnement est le plus solide qui ait jamais été pris par un gouvernement. Il est bien plus fort que celui du gouvernement qui nous a précédés. Comme je l'ai dit hier, celui-là n'a absolument rien fait.

Le sénateur Mitchell : Est-ce tout simplement une coïncidence, ou le gouvernement a-t-il volontairement supprimé la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, qui préconisait une initiative en matière de changements climatiques, et à laquelle siégeaient aussi des conservateurs, afin d'économiser 5,5 millions de dollars? Cette somme a ensuite été directement versée à l'ARC afin qu'elle puisse museler tous les groupes environnementaux qui tentent eux aussi de donner un sens à la politique environnementale du gouvernement.

Le sénateur LeBreton : Mon Dieu qu'il est doué pour établir des liens abusifs.

La réalité, c'est que plusieurs agences gouvernementales n'ont plus leur raison d'être. Il existe d'autres services d'experts auxquels nous pouvons faire appel. Beaucoup de scientifiques qui travaillent pour le ministère de l'Environnement ont participé à de nombreuses séances publiques, et ils n'ont certainement pas été muselés.

Les finances

Le crédit à l'embauche pour les petites entreprises

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le crédit à l'embauche pour les petites entreprises accorde un crédit annuel maximal de 1 000 $ aux entreprises dont le montant des cotisations d'assurance-emploi a augmenté par rapport à l'année antérieure. Je suis heureuse de voir que le gouvernement a maintenu ce crédit dans le récent budget, mais ma préoccupation est la même que lorsque le crédit a été créé.

(1450)

Le problème, c'est que ce ne sont pas toutes les petites entreprises qui pourront en profiter, car seules celles qui versent 10 000 $ ou moins en cotisations d'assurance-emploi seront admissibles à ce crédit, ce qui veut dire que la moitié d'entre elles ne le seront pas. En effet, une entreprise qui compte plus de neuf employés dont la rémunération est assurée au maximum sera inadmissible au crédit à l'embauche.

Nous savons tous que les petites entreprises sont importantes pour l'économie canadienne, que ce sont elles qui créent les emplois, que ce sont elles le véritable moteur économique du pays. Pourquoi toutes les petites entreprises ne peuvent-elles pas bénéficier du crédit d'impôt à l'embauche?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, cette question est dans le même ordre d'idées que d'autres questions qu'a posées le sénateur Callbeck. Le but du crédit d'impôt est d'aider les petites entreprises à embaucher des employés. À entendre tous les arguments à propos de l'assurance-emploi et des cotisations, je ne puis m'empêcher de songer au fait que le troisième parti à l'autre endroit a proposé une année de travail de 45 jours, ce qui aurait considérablement fait grimper les cotisations. Cette mesure figure dans le budget pour aider les petites entreprises à embaucher. Elle fonctionne. Elle a fonctionné l'année dernière et continuera de fonctionner à l'avenir.

Le fait est que nous élaborons nos politiques fiscales en fonction des contribuables. Je ne vois pas comment on pourrait offrir un crédit d'impôt aux gens qui ne versent aucun impôt. J'ai du mal à comprendre ce paradoxe.

Le sénateur Callbeck : Honorables sénateurs, cela n'a rien à voir avec l'impôt versé par une entreprise. C'est un crédit d'impôt destiné aux petites entreprises. Il accorde jusqu'à 1 000 $ aux entreprises dont les cotisations d'assurance-emploi ont augmenté au cours de la dernière année.

Je répète que c'est à mon avis un bon programme; je félicite le gouvernement de l'avoir maintenu. Cependant, pourquoi le structurer de manière à ce que seule la moitié des petites entreprises puissent en bénéficier? La moitié des petites entreprises au Canada ne sont pas admissibles au programme. Pourquoi pas?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je répète que je ne comprends pas comment il est possible d'offrir un programme à des gens qui ne sont pas visés par le programme en question. Je prendrai néanmoins note de la question et demanderai au ministère des Finances d'expliquer plus en détail l'intention du programme.

[Français]

Le financement du programme Katimavik

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorable sénateurs, ma question concerne également le budget.

Le budget que le gouvernement a déposé la semaine dernière a aboli plusieurs programmes. Un des programmes qui disparaîtra, malheureusement, est Katimavik. Ce programme a permis à des jeunes de faire du bénévolat en milieu communautaire et d'apprendre à devenir de meilleurs citoyens tout en aidant les plus défavorisés de notre pays. Il a donné lieu à plusieurs histoires de succès, que nous connaissons tous. Katimavik a formé plus de 30 000 Canadiens. Il a changé leur vie. Il a changé la vie de ceux et celles qui les ont aidés, les jeunes bénévoles de Katimavik, et surtout « les segments fragilisés et marginalisés de la population dans divers secteurs d'activités ».

Je ne ferai pas une grève de la faim, comme notre regretté collègue, l'honorable sénateur Jacques Hébert. Toutefois, je regrette et déplore l'abolition de ce programme.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous fournir les raisons spécifiques, avec chiffres à l'appui, qui ont poussé le gouvernement à abolir le programme Katimavik?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je vous citerai quelques chiffres avec plaisir. J'étais en poste quand s'est produit cet incident, et je peux dire avec fierté que je compte parmi les représentants du gouvernement qui militent depuis plusieurs années pour l'abolition du programme Katimavik.

Depuis que ce programme a été créé par le gouvernement Trudeau il y a plus de 30 ans, on y a investi plus de 375 millions de dollars de fonds publics. Depuis 1977, le financement de Katimavik provient toujours à 99 p. 100 des fonds publics. Pourquoi cet organisme ne mène-il pas sa propre campagne de financement?

Chacun des jeunes participants soutenus par le programme a coûté 28 000 $ aux contribuables. C'est à peu près le salaire annuel d'un Canadien moyen. Notre gouvernement est résolu à aider les jeunes, mais le financement de programmes coûteux n'est pas la façon d'y arriver. Par ailleurs, Katimavik ne représente qu'une fraction des fonds que le gouvernement investit dans les programmes destinés aux jeunes. Ce programme représente, plus précisément, 5 p. 100 de ces investissements. Cette année, le gouvernement a consacré plus de 300 millions de dollars aux jeunes Canadiens.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, conformément à l'article 27(1) du Règlement, j'avise le Sénat que lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : la motion no 34, la troisième lecture du projet de loi C-19, suivis de tous les autres points des affaires du gouvernement, tels qu'ils apparaissent au Feuilleton.

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, avant d'accorder la parole au leader de l'opposition, je voudrais attirer l'attention des honorables sénateurs sur la présence à la tribune de notre ancien collègue, l'honorable Marcel Prud'homme. Tous vos anciens collègues vous saluent, sénateur Prud'homme!

Des voix : Bravo!

Le Code criminel
La Loi sur les armes à feu

Projet de loi modificatif—Adoption de la motion tendant à l'attribution d'une période de temps pour le débat

L'honorable Gerald J. Comeau, au nom de l'honorable sénateur Carignan, conformément à l'avis donné le 2 avril 2012, propose :

Que, conformément à l'article 39 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles ne soient attribuées à l'étude de la troisième lecture du projet de loi C-19, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu;

Que, lorsque les délibérations seront terminées ou que le temps prévu pour le débat sera écoulé, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours au Sénat et mette aux voix immédiatement et successivement toute question nécessaire pour terminer l'étude à l'étape de la troisième lecture dudit projet de loi;

Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit tenu conformément à l'article 39(4) du Règlement.

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, avant de procéder au débat sur cette motion, permettez-moi de vous rappeler que, en vertu de l'article 40 du Règlement, le débat sur cette motion durera un maximum de deux heures et demie. Les leaders pourront parler pendant un maximum de 30 minutes, et les autres sénateurs, pendant un maximum de 10 minutes chacun. Si un vote par appel nominal est demandé à la fin du débat, le timbre d'appel retentira pendant une heure et le vote ne pourra être différé.

(1500)

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je crois qu'il est important de pouvoir procéder à la suite du débat sur le projet de loi C-19 dans un délai de temps imparti. Cela permettrait de respecter la volonté de la population canadienne, clairement exprimée lors des dernières élections, de mettre en œuvre les engagements électoraux d'abolir le registre des armes à feu et de faire en sorte que les centaines de millions de dollars pouvant être injectés dans la bureaucratie soient plutôt transférés vers les victimes, vers des outils efficaces de prévention de la criminalité et vers l'augmentation de services aux citoyens qui auront un réel effet sur la prévention de la criminalité.

J'ai discuté avec madame le leader adjoint de l'opposition afin de fixer un cadre précis pour l'attribution de temps pour ce débat. Malheureusement, malgré de la bonne volonté, nous n'avons pu en arriver à une entente.

Je crois qu'il était important de fixer un temps limite, une période de temps suffisante pendant laquelle les sénateurs pourraient débattre, qui leur permettrait d'exprimer leur opinion comme ils ont déjà pu le faire à l'étape de la deuxième lecture. Il y a eu beaucoup de débats de part et d'autre dans ce dossier, mais on devrait pouvoir clore ce débat, une fois pour toutes, à l'intérieur de la période impartie afin d'adopter ce projet de loi et de faire en sorte que la volonté des citoyens se traduise en un projet de loi raisonnable, effectif et qui nous permette de passer à d'autres projets de loi tout aussi importants pour la société canadienne.

[Traduction]

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, nous y voici encore. Lorsqu'il siégeait dans l'opposition, notre Président, l'honorable sénateur Kinsella, a comparé l'attribution de temps à la guillotine. Le gouvernement Harper a recours si souvent à cette tactique qu'il rivalisera bientôt avec la Révolution française.

Pourquoi le gouvernement a-t-il si peur d'un débat libre et ouvert? Un ancien juge de la Cour suprême des États-Unis, William Brennan, a écrit dans un arrêt célèbre : « Le débat sur les enjeux d'intérêt public devrait être sans entraves, robuste et largement ouvert. »

Le gouvernement Harper pense qu'il ne devrait pas y avoir de débat, mais que, s'il y en a tout de même un, pas question qu'il soit sans entraves, robuste et largement ouvert. Il devrait être étranglé, affaibli et interrompu le plus rapidement possible. Voilà ce qui arrive encore aujourd'hui, à cause de cette motion.

Chaque fois, projet de loi après projet de loi, le gouvernement sort la guillotine et rend impossible la tenue d'un débat ouvert et sans entraves. C'est devenu une question d'habitude. Le Sénat est saisi d'une question. Un seul discours et le débat est ajourné. Simple question de respect. Le parrain du projet de loi doit penser que son intervention mérite réflexion, mais il n'y a pas de réflexion : le leader adjoint au Sénat intervient et il clôt le débat.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-19 prête à controverse. Les Canadiens de tout le pays, dans un camp comme dans l'autre, ont des idées très arrêtées. On peut invoquer de solides arguments pour dire que le projet de loi est mauvais pour le Canada. Mes collègues d'en face ne sont peut-être pas de cet avis, mais ils conviennent sûrement que ces arguments méritent d'être entendus et discutés sans qu'on ait à se préoccuper du temps qui file.

Il y a quelques semaines à peine, le bâillon a été imposé au cours du débat sur le projet de loi C-10, le projet de loi omnibus du gouvernement sur la criminalité. Les uns après les autres, les sénateurs de ce côté-ci se sont fait interrompre avant la fin de leur intervention, et parfois même au milieu d'une phrase. C'est ce qui est arrivé au dernier sénateur qui a parlé de la motion, le sénateur Robichaud.

Le gouvernement ne s'intéresse pas du tout à ce qu'on peut avoir à dire contre ses plans. Au Parlement, le lieu par excellence où la voix de la population doit se faire entendre, où ses points de vue doivent être transmis au gouvernement, on étouffe le débat en interrompant des parlementaires au beau milieu d'une phrase. Le gouvernement ne veut pas écouter. Lorsque des rapports donnent des conclusions qui ne lui conviennent pas, il les fait disparaître.

Un rapport d'évaluation de la GRC sur le registre des armes d'épaule a conclu que le programme était rentable et efficace et qu'il constituait un outil important pour l'application de la loi. Les conclusions du rapport ont été écartées pendant des mois. Le surintendant principal de la GRC, qui approuvait ces conclusions et devait présenter le rapport, a soudain été remplacé comme chef du Programme canadien des armes à feu, et on l'a envoyé apprendre le français.

Je le répète, le gouvernement Harper ne veut écouter aucune voix dissidente, même si c'est la police qui s'exprime. Lorsqu'il siégeait dans l'opposition, Stephen Harper a eu la réflexion célèbre que voici :

Quand un gouvernement commence à essayer d'éliminer ou d'éviter les dissensions, il perd rapidement son autorité morale de gouverner.

Le premier ministre Stephen Harper ferait bien d'écouter ses propres paroles.

Le paradoxe n'échappera à personne : le gouvernement a eu recours à l'attribution de temps pour faire adopter de force un projet de loi qui visait à réprimer la criminalité et à rendre plus sûres nos villes et nos collectivités, mais voici qu'il utilise la même tactique pour imposer un projet de loi qui supprimera l'obligation d'enregistrer non seulement les armes de chasse, mais aussi des armes tactiques d'assaut. J'ai vu ce qu'était une ces armes. Il y a des photos qui ont circulé ces derniers jours. Il s'agissait du Steyr Mannlicher HS .50. Ses balles peuvent transpercer une armure. Un fabricant autrichien a expédié en toute légalité un chargement de fusils de ce modèle en Iran, et ils se sont retrouvés entre les mains de terroristes irakiens.

Honorables sénateurs, les Canadiens qui chassent le canard ont-ils vraiment besoin de fusils pour tireurs d'élite dont les balles peuvent transpercer une armure? Tenons-nous vraiment à ce que des armes semblables circulent au Canada sans être enregistrées?

Le sénateur Tardif : Non.

Le sénateur Cowan : Comment le gouvernement peut-il dire qu'il sévit contre la criminalité et envoyer des adolescents en prison parce qu'ils ont fait pousser six plants de marijuana dans le garage, alors qu'il est parfaitement acceptable d'avoir, cachées dans son sous-sol, des armes tactiques dont les balles peuvent transpercer une armure?

Pourtant, nous ne pourrons pas discuter correctement de ces questions-là. Ma position et celle de mon caucus ont été très claires. Nous n'appuyons pas le projet de loi C-19 et nous entendons voter contre. Par contre, il n'a jamais été question de retarder de façon indue son adoption, de prolonger inutilement le débat ni de pratiquer une obstruction systématique. Notre responsabilité, notre travail de parlementaires, c'est de veiller à ce que les projets de loi qui nous sont soumis fassent l'objet d'une étude suffisante et sérieuse et à ce que les points de vue divers des Canadiens se fassent entendre dans les comités et dans les débats au Sénat même. Voilà ce que, de façon répétée, le gouvernement nous a empêchés de faire. Il utilise sa majorité, ici comme à l'autre endroit, pour imposer chaque fois le bâillon.

Honorables sénateurs, c'est une honte. Nous ne faisons pas le travail que nous avons pour mission d'accomplir au Sénat. Ce n'est pas pour cela que les contribuables canadiens nous paient.

(1510)

Quelle est l'urgence dans tout cela, honorables sénateurs? J'ai mentionné le projet de loi C-10, il y a quelques instants. Le gouvernement nous a obligés de l'adopter à toute vitesse à cause d'un délai politique artificiel imaginé au cours d'une campagne électorale. Le premier ministre Harper avait déclaré qu'il ferait adopter cette mesure dans les 100 jours. Pourquoi 100 jours? Il y a aucune raison, honorables sénateurs. On ne nous a jamais donné une raison quelconque. On nous a simplement dit que c'était une promesse électorale. Cela sonnait bien, un bon chiffre rond. Nous voilà, quelques semaines plus tard, en train d'attendre la mise en vigueur ne serait-ce que d'un seul article du projet de loi C-10. Le gouvernement avait promis de faire adopter le projet de loi en 100 jours pour rendre plus sûres nos rues et nos communautés. Pourtant, il n'en a pas mis en vigueur une seule disposition. Quelle est donc l'urgence? Où est donc l'honnêteté dans tout cela?

Honorables sénateurs, tout cela n'est que de la frime. Il s'agit simplement de montrer aux membres de la base politique qu'on a suffisamment de pouvoir pour faire adopter des lois, qu'elles soient bonnes ou non et qu'elles soient mises en vigueur ou non.

Nous commençons déjà à voir les conséquences du refus par le gouvernement Harper d'écouter l'opposition. Aujourd'hui, le gouvernement du Québec a demandé une injonction pour empêcher la mise en vigueur du projet de loi. Voilà où en est rendu le fédéralisme respectueux, et, avec la motion dont nous sommes saisis, voilà où en est rendu le respect du Parlement.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour m'opposer à la motion visant à attribuer un maximum de six heures de débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C- 19, qui a pour objet d'éliminer le registre fédéral des armes à feu et de détruire les données qu'il contient.

Lorsqu'ils siégeaient dans l'opposition, les représentants du gouvernement au Sénat dénonçaient le recours à l'attribution de temps en parlant d'intimidation et de guillotine, comme vient de le rappeler le sénateur Cowan. Ils disaient alors que le gouvernement voulait museler le Parlement et user de son pouvoir pour s'accorder davantage de pouvoirs. Même quand les projets de loi à l'étude portaient sur des questions urgentes liées à la sécurité nationale, les sénateurs d'en face exhortaient le gouvernement à laisser le Sénat prendre le temps nécessaire pour faire le travail dont il est chargé, celui de faire un second examen objectif.

Honorables sénateurs, nos collègues d'en face ont commodément changé de point de vue, mais, comme si cela ne suffisait pas, ils semblent avoir fait un virage à 180 degrés. La motion dont nous sommes saisis aujourd'hui porte sur la troisième lecture du projet de loi C-19 visant à abroger un registre fédéral. Cela n'a rien d'urgent. Aucune question importante laissée en suspens ne sera influencée d'un côté ou de l'autre si le Sénat met plus de six heures pour débattre du projet de loi. Le gouvernement n'a produit aucune preuve établissant qu'il y a urgence, mais les sénateurs savent fort bien que le présent gouvernement n'a pas une très grande considération pour les preuves.

En parlant de preuves, je dirais que le projet de loi dont il est question dans la motion est un excellent exemple de mesure législative qui contredit directement toute une série de preuves établies de longue date. Le registre que le projet de loi vise à détruire donne de précieux renseignements aux représentants des forces de l'ordre au sujet de l'utilisation des armes d'épaule. Les données de la GRC montrent que les armes d'épaule sont les armes à feu les plus couramment utilisées pour tuer un conjoint. Au cours de la dernière décennie, 71 p. 100 des homicides de conjoint mettaient en cause des carabines et des fusils de chasse.

La semaine dernière, j'ai reçu une lettre d'un groupe de femmes de l'Alberta qui exhortaient le Sénat à étudier soigneusement ces preuves et d'autres. Voici un extrait de leur lettre :

Les Albertaines sont vraiment désolées de voir le gouvernement du Canada démanteler le registre des armes d'épaule et détruire les données qui y sont accumulées.

Les femmes, les enfants et les agents de police de l'Alberta, surtout dans les collectivités rurales où beaucoup de gens possèdent des armes à feu, sont les plus exposés à être tués ou blessés à l'aide d'armes à feu.

Honorables sénateurs, c'est à Calgary qu'on a enregistré le plus grand nombre d'incidents de violence conjugale de toutes les villes du Canada, avec 15 789 l'année dernière, ce qui représentait une augmentation de 10 p. 100. Dans les collectivités rurales, comme Leduc, le nombre d'appels à la police au sujet de querelles conjugales a augmenté de 25 p. 100 en 2010.

Les travailleurs de première ligne, y compris les femmes en milieu rural, les travailleurs des refuges et les médecins des services d'urgence ont déclaré, dans leur témoignage, que la police dépendait de la consultation du registre des armes d'épaule lorsqu'elle décidait, à la suite d'appels, de retirer toutes les armes à feu dans certaines situations pour éviter une perte de vie.

Des représentants du YWCA, qui est le plus important fournisseur de refuges du Canada, ont déclaré devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes que la suppression du registre des armes d'épaule n'était pas dans l'intérêt des femmes et des enfants susceptibles d'être victimes de violence conjugale. Il faut se rendre compte que les armes à feu légalement détenues jouent un rôle dans la violence contre les femmes et les enfants.

Honorables sénateurs, il vaut la peine de mentionner que ce projet de loi n'a pas fait l'objet d'une analyse différenciée selon le sexe. Malgré les demandes d'un certain nombre de fournisseurs de services aux femmes victimes de violence, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles n'a pas inclus un seul des 30 témoins invités à participer à l'étude du projet de loi. Il est évident pour moi qu'un examen sérieux et approfondi du projet de loi est nécessaire avant que le Sénat ne se prononce. Les sénateurs doivent avoir la possibilité de passer en revue la masse de preuves recueillies par le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles.

C'est une question de sécurité publique. Les faits dont j'ai pris connaissance jusqu'ici dans mon examen des témoignages me portent à croire que des vies pourraient être en jeu. De ce fait, je soutiens que s'il a jamais été nécessaire d'accorder à un projet de loi un second examen objectif, c'est bien maintenant.

[Français]

Honorables sénateurs, les Pères de la Confédération ont institué cette Chambre afin de faire une deuxième analyse approfondie de tous les projets de loi. À ce titre, c'est notre devoir de considérer le projet de loi C-19 consciencieusement et en profondeur.

Il est évident que le Sénat, confronté à cette motion d'attribution de temps, n'aura pas assez de temps pour débattre de ce projet de loi en cette Chambre, d'autant plus que le projet de loi C-19 continue de susciter énormément de controverse de la part du grand public.

Comme l'a dit mon honorable collègue, le sénateur Cowan, une tendance inquiétante se dessine depuis que le gouvernement a remporté la majorité qu'il convoitait. À plusieurs reprises, nous l'avons vu, tant ici qu'à l'autre endroit, le gouvernement recourt à des stratagèmes procéduraux pour étouffer le débat sur ses mesures législatives. Y compris cette motion, le gouvernement aura invoqué la clôture relativement à huit mesures législatives distinctes. Il y a moins d'un mois que ce recours au bâillon a été imposé par le gouvernement.

[Traduction]

L'attribution de temps est un moyen que le gouvernement devrait réserver aux affaires de la plus haute urgence et qu'il ne devrait pas utiliser pour museler ceux qui ne sont pas du même avis que lui. Il peut être nécessaire d'y recourir en cas d'obstruction, c'est-à-dire lorsqu'il y a un effort délibéré pour retarder indûment une affaire importante.

Je demande instamment aux sénateurs d'en face de nous montrer une preuve d'une telle intervention de ma part ou de la part de notre caucus. Nous ne faisons pas d'obstruction. Nous ne prolongeons pas indûment l'étude du projet de loi C-19. Nous n'avons pas refusé inutilement de coopérer. En fait, les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont fait preuve de la plus grande coopération pour accélérer l'examen de cette mesure législative.

(1520)

Au Sénat, le débat à l'étape de la troisième lecture de ce projet de loi n'a commencé qu'hier — cela ne fait même pas une journée, honorables sénateurs. Des sénateurs de ce côté-ci qui veulent prendre la parole à l'étape de la troisième lecture ne pourront pas le faire parce qu'ils sont en déplacement officiel. Où est l'urgence, honorables sénateurs? Y a-t-il une raison rationnelle? Non, il n'y a que la date limite arbitraire imposée par le gouvernement pour une raison inconnue.

J'implore les sénateurs de se pencher sur les conséquences de l'adoption d'une autre motion d'attribution de temps. Les articles 39 et 40 du Règlement, qui portent sur l'attribution de temps, ont été ajoutés par des parlementaires qui nous ont précédés afin que nous puissions y avoir recours dans des circonstances exceptionnelles, lorsqu'une urgence spéciale doit primer sur les droits et les responsabilités du Parlement. Nous ne sommes pas en présence de l'une de ces urgences aujourd'hui, honorables sénateurs. En fait, aucune des huit fois où l'on a invoqué ces articles au cours de la 41e législature ne satisfaisait à ce critère.

Je crois fermement que si notre assemblée permet que le recours à des dispositions sur l'attribution de temps devienne la norme plutôt que l'exception — qu'on utilise le pouvoir pour obtenir plus de pouvoir, comme un sénateur d'en face l'a déjà dit —, nous manquons au mandat qui nous a été confié. L'institution que nous servons mérite qu'on lui témoigne un plus grand respect que celui que nous lui portons à l'heure actuelle. Je demande aux honorables sénateurs de ne pas appuyer la motion d'attribution de temps du gouvernement pour le projet de loi C-19.

L'honorable Joan Fraser : Qu'est-ce qui presse tant? Où est l'urgence?

[Français]

J'ai écouté avec une attention tout à fait particulière l'intervention du leader adjoint du gouvernement, qui nous expliquait pourquoi il proposait cette motion, parce que j'ai beaucoup de respect pour le leader adjoint du gouvernement.

Pourtant, le seul vrai argument qu'il a avancé n'était pas, à mon avis, très convaincant. Il a dit que la majorité des Canadiens avaient voté pour le programme du gouvernement. Nous savons tous que ce n'est pas exactement vrai; même pas 40 p. 100 des Canadiens ont voté pour le Parti conservateur, c'est-à-dire qu'un peu plus que 60 p. 100 ont voté pour d'autres partis.

[Traduction]

En outre, honorables sénateurs, certains éléments du projet de loi dont nous sommes saisis diffèrent des versions précédentes qui nous ont été présentées ces dernières années. Ce n'est donc pas comme si on nous demandait de réexaminer un document bien connu.

Il ne s'agit pas ici d'une mesure législative de moindre importance. Le Feuilleton contient des projets de loi sur le pari sportif, le combat concerté, la sensibilisation du public à l'épilepsie, et cetera. Ce sont tous des sujets importants, mais ce projet de loi est d'un tout autre ordre. Il porte littéralement sur la vie et la mort, sur des instruments de mort, et pourtant, on nous demande de l'adopter au pas de course.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s'est trouvé dans l'obligation d'accélérer son examen du projet de loi en n'y consacrant que quatre séances. Je rends hommage au sénateur Wallace, le président de ce comité, car il a bataillé ferme malgré ces contraintes pour assurer la juste représentation des témoins qui pouvaient expliquer les diverses opinions concernant ce projet de loi. En tant que vice-présidente du Comité des affaires juridiques, j'ai beaucoup apprécié son travail. Tous les membres du comité ont siégé pendant de longues heures à l'occasion de ces quatre séances.

Toutefois, je vous prie de croire que quatre séances ne suffisent pas à comprendre la complexité de ce projet de loi. Plus nous en entendions, plus nous sommes rendu compte à quel point certains éléments étaient complexes. Ce projet de loi a par exemple une profonde incidence sur nos relations internationales et sur nos obligations en vertu de certains instruments internationaux, chose que plusieurs d'entre nous n'avions peut-être pas réalisée. Nous n'avons toutefois pas eu l'occasion d'approfondir cette question.

Le comité n'a pas non plus eu l'occasion de profiter des connaissances de nombreux témoins experts, qui n'ont pu être présents compte tenu du court préavis — de la commissaire à la protection de la vie privée à l'Association canadienne des policiers, en passant par des représentants de refuges pour femmes. Tous ces gens ont une grande connaissance et un énorme vécu dont les membres du comité auraient pu bénéficier.

Nous aurions pu, jusqu'à un certain point, contrebalancer ces lacunes dans les travaux du comité par un débat un peu plus détaillé à l'étape de la troisième lecture, mais non. Il faut se dépêcher. Comme le leader adjoint de l'opposition l'a indiqué, nous n'avons pu prononcer qu'un seul discours au sujet de ce projet de loi, hier, il y a moins de 24 heures, avant que le couperet ne tombe. Il ne s'agit pas de la journée la plus glorieuse du Sénat.

Hier, j'ai entendu des sénateurs du parti au pouvoir se réjouir bruyamment à propos du projet de loi. Tout ce qui m'est venu à l'esprit, c'est l'observation d'une Québécoise au sujet des célébrations tenues à l'autre endroit après le vote pour la mesure. Elle a dit ce qui suit :

[Français]

Ils dansent sur les tombes des victimes.

[Traduction]

Nous ne nous contentons pas de danser sur les tombes des victimes : nous nous empressons de le faire. Cela me met franchement mal à l'aise.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je veux soulever quelques points à ce sujet. Je suis frappé par l'ironie de la situation face à cette décision d'imposer la clôture, surtout sur un dossier comme celui du contrôle des armes à feu. Le gouvernement est très, très doué en propagande et en communication politique. Systématiquement, et non sans un certain mérite, il se réclame souvent d'un idéal pour défendre sa position.

Aux points forts du débat sur le contrôle des armes à feu, il a invoqué les droits, soutenant que les particuliers ont le droit de posséder ces armes et de ne pas être traités comme des criminels s'ils ne s'adonnent à aucune activité illicite. C'est argument majeur, frappant et porteur. Plusieurs d'entre nous objecteraient qu'il s'agit, à bien des égards, d'un privilège et non d'un droit évident puisqu'il faut le modifier et l'adapter en fonction du contexte social global. Cela dit, c'est un argument légitime, et le gouvernement soutient avec persistance à toutes les tribunes que la véritable raison pour laquelle il faut mettre un terme au contrôle des armes à feu, c'est qu'il s'agit d'une question de libertés et de droits fondamentaux.

Il est particulièrement ironique que notre processus démocratique et parlementaire — le débat parlementaire — permette au gouvernement de recourir à la pratique la moins démocratique qui soit, la clôture, qui bafoue carrément nos droits, pour établir sa politique et la faire adopter. Une telle façon de faire est d'autant plus déconcertante qu'il n'y a aucune urgence. Comme l'a demandé le sénateur Fraser : « Qu'est-ce qui presse tant? » D'ailleurs, qu'est- ce que cela changerait que le débat se poursuive encore un jour ou deux, voire deux ou trois semaines?

Honorables sénateurs, ce projet de loi est pratiquement en vigueur. Personne n'est arrêté en vertu de l'ancienne loi. Personne n'est obligé d'enregistrer ses armes à feu aux termes des anciennes dispositions. Ce projet de loi est déjà en place. On pourrait dire que l'ancienne loi est bel et bien morte, comme le perroquet.

(1530)

En fait, il n'y a aucune raison d'agir de la sorte et, à mon avis, c'est une forme de violence gratuite. Pourquoi se donner ce mal? Pourquoi, après avoir insisté aussi lourdement sur la protection des droits en matière de contrôle des armes à feu, s'attaquer au droit démocratique important qu'est la liberté d'expression, en particulier ici et à l'autre endroit, alors qu'il n'est vraiment pas nécessaire d'agir de la sorte?

Certains font preuve de cynisme face à la politique et qui citent souvent en exemple la période des questions et la rancœur qui caractérise l'autre côté, ou qui disent que les propos des politiciens n'ont souvent aucun sens ou encore que personne n'écoute les intervenants dans les assemblées législatives. Ce qui importe vraiment c'est le symbolisme rattaché au fait de pouvoir s'exprimer librement dans des enceintes comme celle-ci d'un océan à l'autre, indépendamment de la teneur des propos, du degré de désaccord, ou du fait que les propos peuvent sembler ridicules. Chaque manifestation de la liberté de parole dans notre belle démocratie est importante. Notre démocratie ne mérite pas cette violation des droits démocratiques, surtout pas lorsqu'il n'y a aucune urgence ni aucune exigence d'intérêt public qui nous contraigne à agir rapidement. Il est très ironique de constater que le gouvernement se fait le défenseur de certains droits puis, dans le but de « protéger » ces droits, qu'il porte inutilement atteinte à d'autres droits, notamment le droit très important qu'est la liberté d'expression.

Nous parlons ici de quelque chose qui englobe beaucoup plus que le droit de s'armer ou non. Cette question touche aux droits démocratiques et comporte de nombreux aspects. Je vais les mentionner et je vais montrer comment ce comportement de la part du gouvernement s'inscrit dans une tendance nettement plus large et plus marquée, une tendance qu'un grand nombre de Canadiens trouvent de plus en plus déroutante. Ce comportement en dit long sur la véritable nature du gouvernement. Nous ne savons toujours pas pourquoi le gouvernement juge nécessaire d'adopter un tel comportement. Il jouit d'une majorité. Il n'a aucune raison de bousculer qui que ce soit ni de recourir à l'intimidation. Il peut accorder quelques semaines, quelques jours ou quelques heures de plus pour débattre d'un dossier qui reflète aussi parfaitement la notion de droits démocratiques.

Il y a la question de la responsabilité, qui est un fondement du processus démocratique. De combien de façons cette notion a-t-elle été bafouée? Je n'aurai pas le temps, dans les dix minutes dont je dispose, de toutes les énumérer, mais je vais quand même commencer.

Par exemple, la présentation de projets de loi omnibus est en train de devenir la procédure normale pour le gouvernement. À l'occasion, il peut arriver qu'un tel projet de loi soit nécessaire, mais le gouvernement se sert de cet outil pour faire adopter des mesures législatives rapidement, parce qu'il ne veut pas faire face à la critique. Il le fait parfois pour montrer que des députés de l'opposition qui ont voté contre un projet de loi visant une initiative donnée ont ensuite voté de la façon contraire parce que cette initiative était incluse à tort dans un projet de loi omnibus.

Que dire de la période des questions? Nous suivons tous la politique depuis très longtemps. Je ne dis pas que la période des questions à l'autre endroit est un exercice facile et je ne dis pas non plus qu'il est inutile. Il est important d'avoir des échanges musclés et cette période joue un rôle très important dans notre processus parlementaire. Cela dit, jamais auparavant on a vu des ministres prendre la parole les uns après les autres sans jamais faire le moindre effort pour prendre en considération les questions qui leur sont posées, et encore moins pour y répondre. C'est un affront au processus parlementaire qui contribue à l'érosion de la qualité et de la vigueur du processus démocratique, tel qu'il est incarné dans le processus parlementaire.

J'ai déjà dit et je répète qu'il y a des gens au Sénat, et certainement au sein du gouvernement, qui, parfois, jugent que le processus démocratique et le processus parlementaire dérangent, qu'ils constituent un fardeau et une perte de temps. En fait, le système parlementaire est la meilleure forme de gouvernement au monde à l'heure actuelle. Ce type de gouvernement existe depuis plus longtemps que n'importe quelle autre forme de gouvernement. Il existe depuis plus de 900 ans sous différentes configurations évolutives, et il en est ainsi parce que ce type de gouvernement fonctionne. Il est plus important que chacun de ses membres. Il s'occupe de dossiers et il sert des intérêts qui sont plus importants que ses membres. Il défend des droits et des libertés qui sont plus importants que chacun d'entre nous.

Le gouvernement et plusieurs d'entre nous répètent sans cesse que nous sommes fiers des hommes et des femmes qui font partie des forces armées et qui défendent les droits démocratiques partout dans le monde. Le Sénat est le reflet de ces droits. Ce sont ces droits que ces hommes et ces femmes défendent. Ce sont pour ces droits qu'un bon nombre d'entre eux donnent leur vie. Or, ici aujourd'hui, et bien trop souvent à l'autre endroit, le gouvernement viole des valeurs et des droits démocratiques importants pour la seule raison que ceux-ci dérangent, ou parce que le gouvernement en a assez d'entendre des objections à ce qu'il a l'intention de faire.

Il y a aussi la notion de responsabilité. Si quelqu'un n'est pas de l'avis du gouvernement, comme par exemple le directeur parlementaire du budget, le gouvernement s'attaque à cette personne, à des aspects non pertinents liés à cette personne, ainsi qu'à son travail. Pourquoi le gouvernement ne se contente-t-il pas de discuter des principes, des hypothèses, des constatations et des données de recherche? C'est parce qu'il ne veut pas vraiment être tenu responsable et qu'il ne comprend pas qu'un débat approprié et constructif repose sur les notions de responsabilité et de droits démocratiques.

La transparence est très importante, mais cette notion aussi a été minée par le gouvernement. On ne peut certainement pas parler de transparence durant la période des questions, puisqu'il n'y a pratiquement jamais de réponses qui sont données. Regardez ce qui est arrivé à la façon de répondre aux demandes d'accès à l'information. Les réponses sont censurées. Il est très difficile d'obtenir quelque renseignement que ce soit du gouvernement. Tout est effacé et censuré. Pourtant, les conservateurs ont fait campagne en faisant la promotion d'un gouvernement plus démocratique et du renouvellement démocratique.

Le sénateur Mockler sait de quoi je parle puisqu'il vient d'une province qui a connu une telle situation lorsque M. McKenna en était le premier ministre. Ils ont dû composer avec le même genre de problème.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Mitchell : Comme le disait si bien notre ancien collègue, le sénateur Nick Taylor, « il suffit de leur lancer un peu de viande rouge pour qu'ils commencent à secouer la cage ».

Le gouvernement entretient une relation tumultueuse, compliquée et distante avec l'information.

Son Honneur le Président suppléant : Le temps de parole du sénateur est écoulé.

Le sénateur Mitchell : Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président suppléant : Y a-t-il consentement unanime pour accorder davantage de temps au sénateur Mitchell?

Des voix : Non.

Son Honneur le Président suppléant : Sénateur Mitchell, j'ai le regret de vous dire qu'il n'y a pas consentement unanime.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j'ai écouté attentivement les propos des autres sénateurs concernant la motion visant à limiter le débat. Je suis troublée chaque fois que le débat est limité parce que, en tant que personne qui a vécu en marge de la société pendant plusieurs années, j'ai toujours considéré qu'il est très important de prendre connaissance de tous les points de vue. Comme l'a dit le sénateur Fraser, il ne semble pas y avoir de raison valable pour précipiter l'adoption du projet de loi par le Sénat. Limiter le nombre de témoins appelés à comparaître devant le comité est une mauvaise idée. Plusieurs personnes sont contre le projet de loi. Si nous ne prenons pas la peine d'écouter les raisons pour lesquelles elles s'y opposent, comment pourrons-nous prendre la meilleure décision qui soit?

Nous ne faisons pas tous partie du comité qui a entendu les témoins se prononcer sur cette question. Les points de vue à ce sujet sont variés. Si nous n'en prenons pas connaissance, le comité ne pourra pas prendre une décision éclairée. Je ne siège pas au comité; comment pourrais-je alors connaître les tenants et aboutissants du débat? Il s'agit d'un enjeu complexe. Nous nous imposons des limites et nous restreignons notre temps de parole. En nous limitant ainsi, nous n'exerçons pas nos responsabilités de sénateurs. C'est pourquoi je crois que toute limitation des débats au Sénat est déplorable.

(1540)

Des voix : Bravo!

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, la dernière fois que je suis intervenu, j'ai pris la parole pendant environ une minute et demie lors du débat sur la motion de clôture concernant la Commission canadienne du blé. Cela ne fait pas si longtemps, et l'histoire se répète. J'hésite un peu à prendre le temps de tous les honorables sénateurs, les arguments ayant déjà été apportés, mais c'est comme si c'était écrit dans le ciel. Les sénateurs d'en face ne se sont pas exprimés sur cette motion, mais ils semblent être tous d'accord, alors vaut-il la peine d'essayer de les convaincre?

Cela m'inquiète. Je crois qu'on aurait pu prendre le temps de faire une certaine réflexion sur les changements que ce projet de loi occasionnera. Ce qui m'inquiète aussi est le fait que des armes très puissantes, qui sont actuellement restreintes, deviendront disponibles sur le marché.

Je ne connais pas grand-chose aux armes à feu. J’ai une carabine .22, un 308 et, comme on dit chez nous, un number 12. Il s’agit d’armes semi-automatiques, ce qui signifie que, chaque fois que vous appuyez sur la gâchette, le projectile sort vite et que cela ne prend pas beaucoup de temps pour vider ces armes. Ce sont des outils de chasse.

J’ai vu, dans une lettre qui nous a été transmise par madame le sénateur Fraser, que, tout à coup, des armes très puissantes deviendraient disponibles sur le marché, comme celle que je vois ici, un Steyr-Mannlicher HS5.50 M1, qui peut transpercer une armure légère à un kilomètre et demi. Cela signifie que cette arme est très puissante et très rapide.

On ne dit pas combien de projectiles cette arme peut contenir, mais, d’après ce que je vois, il s’agit d’une arme semi-automatique, ce qui signifie, honorables sénateurs, que chaque fois que vous appuyez sur la gâchette, les projectiles sortent très vite. Les chasseurs savent ce qu’est une arme semi-automatique, tout comme ceux qui ont servi dans les forces armées et la police. Ce n’est pas la seule arme dont on parle, honorables sénateurs; j’en vois plusieurs autres. Juste à les regardé, je suis intimidé.

Par le passé, des gens qui se sont servis d'armes même pas aussi puissantes que celle-ci ont commis des crimes graves, alors imaginez- vous un individu dérangé qui a une telle arme en sa possession et les dommages qu'il pourrait faire!

J'aimerais que quelqu'un me dise pourquoi ces armes devraient être sur le marché. Pourquoi? Imaginez-vous un chasseur qui tombe sur un repaire de quelques chevreuils. Avec une arme de cette capacité, il va tous les abattre en peu de temps. Ce serait un massacre.

Ce ne sont pas des armes qu’on peut utiliser pour la chasse. Cela veut dire que, si on adopte ce projet de loi à toute vitesse, comme on semble vouloir le faire, on va donner immédiatement la possibilité à certains de s’acheter des armes de cette puissance. A-t-on songé à apporter des modifications qui pourraient faire en sorte que ces armes demeurent restreintes ou défendues? Si nous avions davantage de temps, nous aurions peut-être pu nous rendre à l’évidence que ces armes devraient demeurer restreintes ou défendues pour le public en général.

J'aurais aimé tout simplement qu'on prenne le temps d'étudier le projet de loi pour trouver la meilleure démarche à suivre. Je comprends qu'on veuille éliminer le registre des armes d'épaule. Beaucoup de gens étaient contre ce registre lorsqu'il a été mis en place. Énormément de personnes ont donné leur avis, dont celles qui s'exprimaient publiquement et disaient n'être pas d'accord avec le registre. D'autres personnes, la majorité silencieuse, celle qui s'exprime de bouche à oreille, nous disait que le registre était bon et qu'il devait être maintenu.

Si le gouvernement voulait abolir le registre, il aurait peut-être dû tenir compte des portes qu’il a ouvertes quant à l’accès à ces armes. Je mentionne également que le gouvernement du Québec souhaite conserver les données qui ont été recueillies lorsque les gens devaient enregistrer leurs armes à feu. Pourtant, on laisse entendre que ces données seront détruites dès que possible, même si le gouvernement d’une province souhaite obtenir ces données pour s’en servir.

J'ai un peu de difficulté avec tout cela. Je déplore le fait que le gouvernement impose la motion de guillotine afin de disposer de ce projet de loi à toute vitesse.

L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, mes commentaires seront brefs. J'ai écouté avec intérêt les arguments des honorables sénateurs sur la manière dont le gouvernement procède dans ce dossier.

On sait qu’une des ambitions de ce gouvernement est d’augmenter la sécurité publique. C’est un thème fort véhiculé par le Parti conservateur, et la majorité des Canadiens partagent sans doute le même objectif. Pourtant, en procédant aussi rapidement — bien sûr, il a eu le projet de loi C-10 —, en limitant l’attention du gouvernement sur le registre des armes à feu et en en faisant un symbole politique, je me demande si on n’est pas en train de créer une véritable illusion quant à la réussite de la lutte contre le crime. Cependant, je veux bien qu’on revoie le registre tel qu’il a été conçu.

Je cois d’ailleurs qu’il est important de souligner, du moins en parlant du Québec, qu’une très grande majorité de la population québécois est en désaccord avec le gouvernement actuel en ce qui a trait à sa démarche à l’endroit du registre. Puisqu’il s’agit d’une question de sécurité, j’aurais souhaité que les parlementaires de la Chambre des communes et surtout du Sénat puissent s’interroger sur la place des armes à feu dans notre société, parce que c’est là que se trouve le problème.

Le sénateur Robichaud vient d'évoquer certaines armes, leur nature et les conséquences possibles de leur utilisation, mais le véritable problème de la société canadienne en qui concerne l'usage des armes à feu, ce n'est pas uniquement une question de registre, quels que soient les mérites du registre des armes à feu.

(1550)

Le problème, c'est la présence des armes à feu. Il me semble qu'un gouvernement responsable aurait dû prendre le temps de poser la question, particulièrement aux institutions parlementaires : quelle place donnons-nous à l'usage des armes à feu au Canada? Quel contrôle le gouvernement canadien peut-il exercer sur la circulation des armes à feu, sur l'importation des armes à feu, sur la possession des armes à feu? Que l'on revoie l'ensemble de cette question, qui est une question importante, et j'en conviens avec le gouvernement.

En procédant de la sorte, en faisant croire à la population, d'une façon consciente ou inconsciente — sans doute inconsciente —, que l'on va la sécuriser en abolissant le registre des armes à feu, c'est un contresens, parce qu'il ne s'agit que d'un aspect minime d'un problème beaucoup plus large.

Au Québec, au Canada, et, on l’a vu aux États-Unis encore cette semaine — le sénateur Robichaud y a fait allusion —, l’un des grands problèmes, en ce qui concerne l’usage des armes à feu, ce sont les gens qui sont sous l’effet de la drogue ou qui ont une condition mentale dégénérée. Ce sont eux qui auront accès ou qui pourront être en possession d’armes à feu, sans qu’on leur impose un contrôle.

Il me semble que c'est un problème fondamental auquel le gouvernement aurait dû s'adresser au lieu de simplement limiter son action à la stricte question des armes à feu. Il me semble que l'on aurait pu confier aux sénateurs, qui ont le temps de le faire, toute la question de l'usage et de la présence des armes à feu dans la société canadienne, y compris bien sûr la question du registre, mais en limitant l'ensemble du débat et de la réflexion de la société.

Je crois que le gouvernement passe à côté de la question et qu'il risque de créer une immense illusion au sein de la population en lui disant qu'on l'a sécurisée.

Comme beaucoup de sénateurs l'ont signalé, comme on l'a aussi relevé dans l'opinion publique, l'abolition du registre va permettre une circulation et un usage accrus des armes à feu et l'on n'aura pas, à mon sens, atteint l'objectif que le gouvernement dit poursuivre, c'est-à-dire la protection de la sécurité publique.

[Traduction]

L'honorable Jane Cordy : J'aimerais aussi parler d'une mesure qui est de plus en plus employée, soit la limitation des débats au Sénat. Le recours à la motion d'attribution de temps est en voie de devenir la règle plutôt que l'exception au Sénat. Je sais qu'il est parfois justifié que le gouvernement présente une telle motion, soit lorsqu'il y a urgence. Or, la situation n'est pas du tout urgente.

Nous avons une responsabilité en tant que sénateurs : le Sénat est censé être la Chambre de second examen objectif. Nous sommes supposé représenter les régions et les Canadiens. Il est de notre devoir d'écouter les Canadiens.

Les conservateurs ont la majorité au Sénat. Ils constituent donc maintenant la majorité conservatrice non élue qui n'a de comptes à rendre à personne, mais ils ne devraient pas pour autant empêcher les sénateurs de débattre.

Nous sommes au Canada, un pays démocratique. Les Canadiens chérissent leur liberté. Nous accordons beaucoup d'importance aux droits et libertés pour lesquels des femmes et hommes courageux ont combattu depuis la création de notre pays. Où est l'urgence? Vaut-il vraiment la peine de limiter le débat et de bafouer ainsi la démocratie?

À ce que je sache, d'excellents amendements ont été proposés lors de l'étude au comité, mais la majorité conservatrice a voté contre. Je ne suis pas membre de ce comité et, comme l'a dit le sénateur Dyck aujourd'hui, j'aurais aimé que les sénateurs m'expliquent pourquoi ils ont voté contre les amendements. J'aurais aimé savoir pourquoi les données recueillies au fil des ans seront supprimées.

Je regrette que le gouvernement ait recours à la guillotine. Je crois qu'il a eu tort de faire adopter une motion d'attribution de temps pour l'étude de ce projet de loi, qui suscite de fortes réactions favorables et défavorables. Pourquoi ne pouvons-nous pas tenir un débat dans cette enceinte? Pourquoi le gouvernement a-t-il peur de la discussion et des débats? Pourquoi, une fois de plus, sommes-nous en train d'abdiquer notre rôle de Chambre de second examen objectif?

J'ai reçu le courriel suivant aujourd'hui :

Je pense depuis longtemps que le Sénat joue un rôle très nécessaire en tant que Chambre de « second examen objectif » du Parlement. Je suis de cet avis parce que vous vous êtes élevés à de nombreuses reprises au-dessus des querelles partisanes et vous avez proposé des amendements à des projets de loi qui étaient mal rédigés ou qui auraient eu des conséquences imprévues.

Je vous écris donc après avoir regardé la séance du 29 mars du Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui portait sur le projet de loi C-19.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que le projet de loi C-19 sera adopté et que l'enregistrement des armes à feu sera aboli. Cependant, de nombreux témoins, y compris le chef de la Police de Calgary, Rick Hanson, qui est favorable à l'élimination du registre, ont indiqué dans leurs témoignages que le projet de loi contenait des lacunes relativement à la tenue de dossiers au point de vente et à la vérification des « permis » lors des ventes de gré à gré.

Le chef Hanson a souligné que le libellé des dispositions du projet de loi C-19 portant sur la vente de gré à gré d'une arme à feu est insuffisant. Il est d'avis que « l'acheteur doit posséder un permis » et que le vendeur DOIT en vérifier la validité auprès du registraire des armes à feu.

Le chef Hanson nous indique également qu'avant l'adoption du projet de loi C-68, en 1995, les armuriers avaient l'obligation de consigner la vente de toute arme à feu ainsi que l'identité de l'acheteur. (Note : Cette exigence a été remplacée par « l'enregistrement » auprès du registraire des armes à feu une fois que le projet de loi C-68 adopté.) Le chef Hanson pense que le projet de loi C-19 devrait être modifié pour que « l'enregistrement au point de vente soit rétabli »!

J'ai donc été choqué d'apprendre que, lorsqu'est venu le temps du vote pour adopter un à un chaque article du projet de loi, les membres conservateurs du comité ont rejeté les amendements proposés pour corriger les lacunes du projet de loi signalée par le chef Hanson et plusieurs autres témoins.

La lettre se poursuit en ces termes.

Je trouve qu'il est très triste que le Sénat soit devenu si partisan après les récentes nominations qu'il refuse d'assumer une responsabilité qu'il détient depuis longtemps, à savoir faire l'étude objective des projets de loi et proposer des amendements au besoin.

J'ai toujours espéré que le projet de loi C-19 ne serait pas adopté, car je crois fermement que cela affaiblira grandement nos lois sur les armes à feu. Cependant, affaiblir davantage nos lois en adoptant un projet de loi comportant des lacunes évidentes peut être éviter si la volonté d'admettre que des changements doivent y être apportés existe.

J'espère donc que vous exigerez que les lacunes évidentes du projet de loi soient corrigés en adoptant des amendements similaires à ceux qui ont été présentés au comité.

Cette lettre s'adressait à tous les sénateurs. Je crois vraiment que nous devons tenir compte de ce qui y est dit.

Nous n'adoptons pas des projets de loi dont nous savons qu'ils comportent des lacunes. Le Sénat est la Chambre du second examen objectif et l'endroit où nous pouvons apporter des amendements. Je voterai contre ce projet de loi, mais ces personnes qui sont en faveur de l'abolition du registre des armes d'épaule affirment que ce projet de loi comporte des lacunes.

Ce projet de loi a besoin d'amendements. C'est notre rôle. Notre rôle est de nous assurer que les lois que le Sénat adopte sont les meilleures possibles. Nous devons agir de manière responsable.

Pourtant, comme le leader de l'opposition, le sénateur Cowan, l'a dit, on nous impose la guillotine pour nous empêcher d'apporter des changements à ce projet de loi et d'en discuter et pour nous inciter à l'adopter aveuglément.

C'est inacceptable.

[Français]

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, j'aimerais vous dire que cela me préoccupe beaucoup de limiter le débat. Pourquoi? Parce que certaines questions n'ont pas été discutées à fond et que, certains sujets inclus dans ce projet de loi ne sont pas suffisamment compris. Je m'explique.

Ce n'est pas l'élimination du registre des armes à feu qui me pose un problème. J'habite dans un secteur rural du Manitoba, parmi et avec des chasseurs qui n'ont pas aimé le registre des armes à feu. Évidemment, lorsque je suis retournée chez moi, la semaine dernière, on m'a demandé si le registre des armes à feu serait éliminé. J'ai répondu que la question n'était pas là, la question est plutôt que le projet de loi C-19 enlève l'obligation de vérifier la légalité du permis. Donc, une personne qui voudra acheter un fusil ira chez la personne qui le vend et aura un permis sans que le vendeur n'ait à vérifier la légalité de ce permis.

(1600)

Je veux vous dire aujourd'hui, honorables sénateurs, que ces personnes qui étaient contre le registre des armes à feu m'ont dit : « Pourquoi vous faites cela? Ce n'est pas nécessaire d'enlever l'obligation de la vérification légale du permis. Au contraire, cela devrait être conservé. C'est une méthode de contrôle et cela assure la sécurité. » C'est ce que je voulais partager avec vous, honorables sénateurs.

Je crois que la question n'a pas été suffisamment étudiée et n'est pas comprise. Il faudrait l'étudier encore plus longuement.

[Traduction]

Son Honneur le Président suppléant : Poursuivons-nous le débat? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

[Français]

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président suppléant : Que tous les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

[Traduction]

Son Honneur le Président suppléant : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président suppléant : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

[Français]

Son Honneur le Président suppléant : En vertu du Règlement, je dois accorder 60 minutes pour la sonnerie, à moins d'avoir un contre-ordre qui me soit indiqué par la Chambre.

Convoquez les sénateurs.

[Traduction]

Le vote aura lieu à 17 heures précises. Je demande la permission de quitter le fauteuil pendant que retentira la sonnerie d'appel.

Des voix : D'accord.

(1700)

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Angus Manning
Boisvenu Marshall
Braley Meredith
Brazeau Mockler
Brown Ogilvie
Buth Patterson
Carignan Plett
Cochrane Raine
Comeau Rivard
Dagenais Runciman
Demers Segal
Di Nino Seidman
Doyle Seth
Duffy Smith (Saurel)
Eaton St. Germain
Fortin-Duplessis Stewart Olsen
Frum Stratton
Greene Tkachuk
Housakos Unger
Lang Verner
LeBreton Wallace
MacDonald Wallin
Maltais White—46

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Mahovlich
Callbeck Massicotte
Chaput McCoy
Cools Mitchell
Cordy Moore
Cowan Munson
Day Peterson
Downe Poulin
Dyck Poy
Eggleton Ringuette
Fairbairn Rivest
Fraser Robichaud
Harb Sibbeston
Hervieux-Payette Smith (Cobourg)
Hubley Tardif
Losier-Cool Watt
Zimmer—33  

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

(1710)

[Français]

Troisième lecture—Report du vote

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lang, appuyée par l'honorable sénateur Tkachuk, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-19, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu.

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, c'est avec tristesse que je prends la parole suite à l'étude de ce projet de loi au comité. J'aimerais tout simplement rassurer les citoyens canadiens, qui ont participé aux délibérations du comité, et leur signifier que des personnes les ont entendues, les ont écoutées et ont retenu de leurs témoignages la bonne foi de ces gens qui n'avaient pas d'intérêt personnel, mais qui avaient plutôt à cœur les intérêts des citoyens et citoyennes du Canada.

En tant que sénateur de la région de Bedford, au Québec, je veux d’abord dire que je souscris à l’opinion du gouvernement du Québec qui, par l’intermédiaire de son ministre qui a comparu devant l’autre endroit, a demandé au Parlement fédéral, à l’aide d’une motion adoptée unanimement par l’Assemblé nationale, de préserver un système universel d’enregistrement des armes à feu.

Les autorités gouvernementales québécoises sont d’avis qu’un système d’enregistrement des armes d’épaule est utile et essentiel aux fins de la prévention du crime, du travail des policiers et de l’administration de la justice.

Contrairement à certains dires, les armes à feu sans restriction sont plus souvent qu'on le pense utilisées dans un contexte d'infraction contre la personne. Le ministre nous disait que, de 2003 à 2009, ce type d'arme a été impliqué dans plus de 2 000 infractions violentes au Québec.

En 2009, parmi les 1 476 infractions contre la personne réputées avoir été commises avec une arme à feu au Québec, seulement 274 ont été perpétrées avec une arme à feu sans restriction. Il est alors évident que le registre des armes à feu a permis de compiler ces statistiques, de savoir d'où provenaient les armes et qui a commis ces infractions.

De plus, le Québec est préoccupé par l'abolition du registre en raison des programmes qu'il a mis en place pour lutter contre la violence conjugale et faire face aux questions générales sur le suicide.

Entre 2007 et 2009, il y a eu 169 événements de violence conjugale impliquant une arme à feu sans restriction, alors que 122 impliquaient des armes de poing. Je ferai remarquer aux honorables sénateurs qu'il y a plus d'infractions avec les armes qui ne sont pas à usage restreint. De plus, les statistiques au Québec démontrent que, parmi les suicides commis par arme à feu, neuf sur 10 impliquaient des armes à feu sans restriction.

D'ailleurs, les coroners au Québec ont fortement recommandé le maintien de registre des armes à feu à la suite de ces suicides par arme à feu sans restriction survenus au Québec.

De plus, il y a la question des ordonnances d'interdiction. En vertu du Code criminel, des ordonnances interdisant la possession d'arme à feu peuvent être prononcées lorsqu'une personne est condamnée pour un crime violent ou à titre préventif lorsque son état présente un risque pour elle-même ou pour autrui. Le registre permet ainsi d'assurer le respect et le suivi des ordonnances d'interdiction.

De 2007 à 2010, pas moins de 1 042 ordonnances d'interdiction ont été émises contre des propriétaires d'arme à feu sans restriction au Québec. Advenant l'abolition du registre des armes longues, les policiers devront donc procéder à des enquêtes plus approfondies pour déterminer si les personnes visées par une ordonnance sont en possession d'une arme à feu sans restriction. Cela impliquera des coûts additionnels pour les organisations policières, occasionnera une diminution du nombre d'interventions et augmentera le risque subséquent.

Il est également important de rappeler que, au cours de la seule année 2010, 2 561 armes à feu sans restriction ont été retirées à la suite d'une ordonnance afin d'assurer la sécurité du propriétaire de l'arme, ainsi que celle d'autrui. Inutile de vous dire que ce nombre est suffisant pour nous faire comprendre que le registre joue un rôle extrêmement important.

En ce qui concerne la question de la santé mentale, l'enregistrement universel permet aux contrôleurs des armes à feu de vérifier si ces armes sont possédées par les personnes visées par une demande d'ordonnance de garde en établissement ou une demande d'évaluation psychiatrique. On se souvient des crimes commis au Québec à différents endroits. Pour ceux qui ont été prévenus — parce qu'il y a déjà eu des personnes qui avaient une arme et qui étaient menaçantes —, on a retiré l'arme et on a probablement prévenu un drame humain.

Entre le 1er janvier 2008 et le 31 mars 2010, 13 383 demandes d'ordonnance ont été signalées et la consultation du registre a permis d'effectuer 1 193 interventions pour assurer la sécurité des personnes. On parle de personnes susceptibles de souffrir d'une dépression. Ce n'est pas une maladie mentale spécifiquement liée à un désordre chimique, mais plutôt une maladie qui fait suite au stress. Toutes les personnes ici présentes sont susceptibles de souffrir de dépression. Le point final d'une dépression, quand la personne n'a plus le goût de vivre, c'est évidemment le suicide.

Je pense qu'on reconnaît l'importance de la traçabilité des armes à feu, sur le plan du droit international, par deux traités de l'Organisation des Nations Unies et l'Organisation des États Américains. Il faut dire que le Canada a signé, mais, de façon bizarre ou pour le moins inquiétante, il n'a jamais ratifié ces conventions. L'objet de ces traités est de prévenir, combattre, éradiquer la fabrication et le trafic illicite des armes à feu, notamment par le marquage, qui facilite la traçabilité et l'identification de chaque arme à feu.

Je rappelle aux honorables sénateurs que les témoins nous ont dit que, au moment où on se parle, très peu de registres peuvent nous permettre d'être au fait de l'entrée d'armes à feu au Canada, et qu'il peut s'agir d'armes légales ou illégales. Il y a peut-être des endroits au Québec en particulier où elles entrent sans trop d'ennuis, mais nous n'avons pas à tous les points d'entrée, que ce soit dans les ports, les aéroports ou aux frontières, un système en place pour contrôler leur entrée au Canada.

À ce sujet, on sait qu'il y a des conventions internationales et que le Canada sera exclu de l'application de ces conventions. Ce projet de loi constitue donc un recul important, surtout en ce qui a trait à l'obligation pour le marchand de tenir un registre de son inventaire d'armes à feu pour consigner les transactions liées à la vente des armes et permettant d'identifier l'acquéreur. C'est une donnée fondamentale et nécessaire, et cela avant même de parler de registre national. Au point de vente — entendons-nous bien —, plus personne ne pourra être identifié comme étant le propriétaire d'une arme à feu.

Également, concernant l'obligation pour le vendeur de vérifier si l'acquéreur détient un permis pour l'acquisition d'une arme à feu, il ne s'agira que d'une petite question. Le vendeur n'aura pas besoin de vérifier le permis, sa validité ou s'il appartient à la personne qui détient le permis au moment de se présenter chez un armurier. Également, l'acquéreur et le vendeur — tous les deux — pourront échapper à l'identification d'une arme quelconque, cela même quand on sait qu'au Canada il y a quand même plusieurs millions d'armes à feu légales.

Le Québec rappelle qu'il faut que le registre des armes à feu soit maintenu ou au moins modifié afin de retirer les dispositions relatives à la destruction des données concernant le Québec, et pour permettre à une province d'obtenir ces données relatives aux certificats d'enregistrement des armes à feu sans restriction, parce que cela concerne les citoyens du Québec qui ont contribué, par leurs taxes, à la mise en place du système. Nous savons que le gouvernement du Québec a aujourd'hui demandé une injonction afin de protéger les données.

La seule question que je me pose est la suivante : le gouvernement a-t-il déjà procédé à la destruction des données? Il semble que non seulement les conservateurs ont hâte de modifier le projet de loi, mais qu'ils vont même plus vite que le processus d'adoption du projet de loi.

Le gouvernement du Québec respecte la population du Québec. Nous aimerions que le gouvernement canadien fasse de même.

(1720)

Je reviens à la question du suicide, puisque nous avons eu d'excellents témoins qui ont fait le point sur cette question, des professionnels qui sont venus nous montrer en quoi le lien entre la disparition du registre des armes à feu et la possibilité de prévenir les suicides est important.

Parmi eux, l'Association québécoise de prévention du suicide nous a dit, lors de nos audiences, qu'il était important de maintenir intégralement les mesures de contrôle des armes à feu existantes, comme l'obligation pour tous les propriétaires d'armes à feu non restreintes d'enregistrer chacune des armes possédées, et celle pour le marchand d'armes de vérifier la validité des permis des acheteurs potentiels lors ou transfert d'une arme non restreinte.

Sachant ceci, advenant le cas où on a un marchand qui vend une arme et qui, pour des fins professionnelles, désire conserver des données sur l'acheteur, il faut savoir que, aujourd'hui, l'acheteur pourra, de son côté, la revendre à sa tante, à sa grand-mère, à ses amis ou à qui que ce soit, et aucune trace de cette vente n'apparaîtra nulle part au Canada. Le principe du projet de loi C-19 est de supposer que tout le monde a un permis en vigueur, mais personne n'a l'obligation de le vérifier, qu'il s'agisse du deuxième acheteur ou du vendeur original, c'est-à-dire le marchand.

Lorsqu'on examine les données statistiques pour voir quelle est la relation entre le suicide et la distribution très libérale des armes à feu, l'argument a été soutenu par des associations internationales, qui disent qu'il y a un lien direct entre les meurtres, le suicide, la prolifération des armes à feu et l'absence de contrôle de celles-ci.

Une société suisse a fait une étude, en 2006, montrant qu'entre 24 et 28 p. 100 des suicides en Suisse sont commis avec une arme à feu, ce qui place ce pays au second rang d'un triste classement mondial, très loin, il est vrai, des États-Unis, qui sont en tête avec un taux de 57 p. 100.

Cela signifie que plus on a d'armes à feu en circulation, plus il est facile de s'en procurer une, plus il est difficile de savoir qui en a une lorsqu'une personne souffre de problèmes mentaux, et plus on a un taux élevé de suicide.

On se demande si la protection des individus n'exigerait pas d'adopter une politique en santé mentale qui prendrait en compte le fait qu'une personne qui souffre de dépression profonde peut se suicider avec une arme à feu. En effet, c'est certainement le moyen plus efficace, et l'étude le dit :

Le fusil ou le pistolet sont des moyens très efficaces pour s'enlever la vie. Un suicide par arme à feu réussit dans 90 p. 100 des cas.

On peut trouver cette étude à l'adresse suivante : http ://www.swissinfo.ch/fre/dossiers/la_suisse_des_records/ records_d_europe/Suicides_par_balle,_le_record_dont_personne_n_est_fier.html?cid=8476506. Autrement dit, les chances de s'en sortir pour celui qui utilise une arme à feu sont assez minces.

Quand on pense au fait de distribuer les armes à grande échelle et sans contrôle, il faut se rappeler que, quand une personne achète une arme et qu'elle doit, pour cela, avoir un permis valide qui est dûment vérifié, cela a pour effet d'accroître la responsabilité de cet acheteur d'arme. Cela constitue peut-être déjà une première barrière de sécurité pour éviter qu'une personne en détresse psychologique, qui se présente chez un armurier, puisse se procurer une arme à feu, et, ce faisant, permettre de lui sauver la vie.

Je pense qu'il n'y a pas un seul témoin, parmi ceux qui ont comparu devant notre comité, qui n'ait pas établi de relation de cause à effet entre le fait de détruire le registre des armes à feu, de ne conserver qu'un contrôle minime des permis, et les conséquences létales que cela aura sur une partie de la population canadienne. Pour ma part, une seule vie perdue justifie de conserver le registre.

Un groupe de médecins a également comparu devant notre comité. Je ne sais pas si nous avons la même structure dans toutes les provinces, mais ces médecins, qui ont tous signé le mémoire qu’ils nous ont présenté, sont les directeurs de la santé publique du Québec. Ils ont pour mandat de s’assurer que la santé des citoyens est protégée. Dans ce cas, on parle évidemment de santé mentale.

Pour eux, entre 1998 et 2004, il y a eu une diminution d'environ 250 suicides et 50 homicides par année en moyenne, dans tout l'ensemble du Canada, ce qui représente près d'un décès évité par jour, année après année. On parle ici de politiques publiques, on ne parle pas d'individus; on parle d'une politique d'ensemble pour tout le reste de la population.

Des témoins sont venus contredire quelques-unes des études que qui ont été citées. On en est presque venu à des arguments totalement déplacés. Je dis cela parce que je ne l'avais jamais vu dans un autre comité : des témoins qui commencent à invectiver d'autres témoins. Les représentants des médecins ont subi des attaques de la part des membres du comité consultatif du premier ministre. Je dois vous dire que c'était une première pour moi, et ce n'était pas tellement élégant.

Je reviens sur la question de notre responsabilité vis-à-vis des Nations Unies. Il faut se rappeler que le Canada a adopté un protocole sur les armes à feu le 31 mai 2001 à l'Assemblée générale. Il est entré en vigueur le 3 juillet 2005. À ce moment-là, un nombre suffisant de pays avaient ratifié le protocole.

Plus récemment, en 2002, la Communauté européenne a signé ce protocole. En 2010, une mesure a été mise en vigueur pour tous les pays de la communauté européenne. Honorables sénateurs, je crois que ce protocole, qui définit la confiscation, la saisie et la neutralisation des armes à feu, qui demande aux État d'adopter des mesures législatives nécessaires à l'incrimination, et également une coopération et un échange d'informations régulières entre les État, nécessite un système qui permet de le faire. Avec le projet de loi C-19, nos obligations en vertu de ce traité international ne seront absolument pas respectées.

Il faut savoir également que, à l'OEA, l'Organisation des États américains, un protocole semblable a été signé par le Canada, qui n'a évidemment pas été ratifié par le gouvernement actuel.

En revanche, il y a un organisme qui s'appelle l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. Ce dernier a fait des enquêtes sur les homicides dans lesquelles on constate que 42 p. 100 des homicides sont commis avec des armes à feu, mais que ce chiffre comporte des disparités régionales puisque ce taux atteint 74 p. 100 en Amérique, et 21 p. 100 en Europe. Ainsi, là où il y a un cadre législatif rigoureux et un contrôle de la circulation des armes à feu, vous voyez les statistiques diminuer — et on parle, évidemment, de vies humaines.

À l'échelle mondiale, pas seulement au Canada, cet organisme des Nations Unies nous dit que 80 p. 100 des auteurs d'homicide sont des hommes. Alors que, par ailleurs, j'étudiais la question des femmes victimes de violence conjugale et l'incidence possible des armes à feu dans ce contexte, j'ai dû constater que les principales victimes, lorsqu'il s'agit d'armes à feu — et on parle ici toujours d'armes à feu légales et contrôlées —, sont les hommes. En revanche, en 2008, près de 80 p. 100 de toutes les personnes tuées par leur partenaire, actuel ou ancien, étaient des femmes. Il y a donc quand même un lien entre les différents intervenants.

On a beaucoup discuté également, lors des audiences de notre comité, et aussi depuis plusieurs années, de la question de savoir si c'était un droit ou un privilège que de posséder une arme à feu. Il y a eu un cas à la Cour suprême, l'affaire Philip Neil Wiles, qui avait commis une infraction ou un crime impliquant la possession de drogue.

(1730)

En première instance, on avait donné raison à M. Wiles, admettant qu'il avait été victime de discrimination, mais, en fin de compte, voici ce que disent la Cour d'appel et la Cour suprême :

L'intérêt qu'a l'État à réduire l'utilisation abusive des armes est valable et important. Le juge chargé de la détermination de la peine n'a pas accordé suffisamment d'importance au fait que la possession et l'utilisation d'armes à feu ne constituent pas un droit ou une liberté que garantit la Charte, mais un privilège.

Donc, nous avons un précédent devant la Cour suprême arguant le fait qu'avoir une arme à feu, c'est une responsabilité, et en même temps un privilège que l'on peut encadrer par des mesures législatives.

Je crois donc qu'il a été confirmé que M. Wiles n'a pas été victime d'une mesure cruelle et injustifiée et que, dans le cas présent, il avait contrevenu au Code criminel. Il avait des antécédents, mais ce jugement confirme que, pour tous les citoyens, ce n'est pas un droit de détenir et utiliser une arme à feu, c'est un privilège.

En ce qui a trait à l'Association du Barreau canadien, elle s'est prononcée à plusieurs reprises et nous invite à conserver le registre des armes à feu. L'ABC préconise l'usage responsable des armes à feu et des droits de propriété restreints quant à ces dernières, envisageant la possession d'arme à feu comme un privilège et non un droit. Elle confirme que la Cour suprême avait raison de dire que c'était un privilège.

L'ABC prône également un système efficace et peu coûteux visant l'enregistrement de toute arme à feu. Cette exigence entraînera une sécurité publique accrue et une responsabilisation adéquate de la part des détenteurs d'armes à feu.

Vous en conviendrez, honorables sénateurs, vous qui connaissez le professionnalisme de l'Association du Barreau canadien, et surtout la sagesse de ses énoncés politiques, nos collègues juristes ont mesuré cette question et auraient pu se prononcer en faveur d'une libéralisation, si cela avait été dans l'intérêt public.

Ces derniers disent d'ailleurs que, pour améliorer la sécurité des agents, — ce registre n'est pas, bien sûr, le seul moyen d'améliorer la sécurité des agents, — c'est un moyen efficace. Également, le registre sert de soutien important pour les enquêtes criminelles.

Pouvez-vous imaginer le temps, les efforts et le coût pour soutenir la recherche de l'auteur d'un crime commis avec une arme à feu, alors que l'on ne connaît ni le vendeur ni l'acheteur de l'arme? La chasse sera longue et ardue avant de retrouver le coupable. Pour un gouvernement qui veut s'assurer de la sécurité de ses citoyens, je trouve un peu bizarre de prendre cette direction.

De plus, le barreau parle de l'amélioration de la santé publique et de la sécurité publique. Le barreau revient à la question des problèmes de maladie mentale et de violence familiale. Il dit ceci :

L'état psychique des gens peut changer radicalement avec le temps à la suite d'une perte d'emploi, d'une séparation ou d'autres tensions socioéconomiques ou psychologiques, d'où des risques pour eux-mêmes et pour autrui s'il y a une arme à feu dans le décor.

Il ne s'agit pas de paniquer, mais tout simplement d'encadrer la vie de citoyens honnêtes qui connaissent une situation difficile à un moment donné.

Ces derniers disent qu'il ne faut pas faire fi des victimes de violence liée aux armes à feu, y compris les personnes qui décèdent en grand nombre par suite de violence domestique avec arme à feu.

Cette question a été reprise de nombreuses fois par d'autres témoins. Je ferai un petit exposé sur la question des femmes et le projet de loi C-19.

Le Barreau du Québec a totalement entériné la position de l'ABC et, pour eux, un système informatisé d'enregistrement de toutes les armes à feu en circulation devrait permettre, notamment par l'identification de leur propriétaire, une surveillance plus adéquate des importations et exportations en cette matière, de même que l'utilisation faite de ces armes, tout en facilitant la détermination de leur provenance lors de saisies policières. Ainsi le gouvernement devrait-il être en mesure, ce faisant, d'atteindre les objectifs qu'il s'est fixés, à savoir non seulement assurer un meilleur contrôle des frontières, mais d'abord et avant tout de contribuer de façon sensible à l'endiguement de la criminalité comportant l'utilisation d'une arme à feu.

Il faut réaliser que, après l'adoption du projet de loi C-19, toutes les armes seront légales, qu'elles soient acquises par des chemins généralement empruntés pour faire du trafic de tabac et d'arme à feu ou pas. Du moment où l'arme sera au Canada, elle pourra être vendue sans aucune pénalité, ni pour l'acheteur ni pour le vendeur, parce qu'il n'existera aucun document. Quand on fait les choses illégalement, c'est très rare qu'on va s'en confesser sur la place publique.

Le Barreau du Québec s'étonne que le gouvernement se soit donné pour objectif de garantir la sécurité des rues et des collectivités, d'une part, et, d'autre part, la suppression de l'obligation d'enregistrer les armes d'épaule et la destruction du registre des armes à feu existant. Il s'agit d'un choix législatif contre-productif en raison des objectifs de protection du public.

Il m'est difficile de réconcilier le fait que l'on souhaite protéger la vie et la sécurité des personnes tout en mettant en circulation, sans encadrement ou presque, la vente légale d'armes à feu.

Je ne parle pas des armes à feu semi-automatiques dont on nous a montré les photos lors de nos audiences, mais de l'arme à feu qui a coûté la vie aux jeunes en Norvège, qui était l'une de ces armes non prohibées, vendues librement sur le marché, une arme extrêmement meurtrière et qui peut abattre énormément de personnes dans une période de temps très courte. J'ai quand même précisé à mon collègue qui est intervenu sur les armes semi-automatiques que ce sont des armes qui sont, à notre grand étonnement — et même à l'étonnement de nos collègues conservateurs —, extrêmement destructrices et qui ne servent aucunement pour la chasse. Elles seront disponibles sur le marché sans être plus contrôlées qu'avant, sinon avec l'enregistrement, mais là, il n'y aura même pas d'enregistrement. Voulons-nous nous retrouver dans des situations comme à Oakland, cette semaine, alors qu'une personne dérangée a abattu plusieurs innocents? C'est évident que l'arme seule ne tuera pas, qu'il faut quelqu'un derrière cette arme, et lorsque des gens qui ne devraient pas en avoir en ont entre les mains, les conséquences sont tragiques et dramatiques.

J'aimerais vous parler d'un groupe qui aurait voulu comparaître devant notre comité. Je parle d'un groupe, parce qu'il s'agit de plusieurs associations. J'aimerais leur donner une voix aujourd'hui. Il s'agit des associations suivantes : B.C. Society of Transition Houses, the Alberta Council of Women Shelters, the Manitoba Association of Women Shelters, the Ontario Association of Interval and Transition Houses, la Fédération des ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté au Québec, the Transition House Association of Newfoundland and Labrador, P.I. Family Violence Prevention Services, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, the Transition House Association of Nova Scotia, the Ottawa Coalition To End Violence Against Women and the Canadian Federation of University Women.

[Traduction]

Il s'agit des organismes suivants : la société des maisons de transition de la Colombie-Britannique, le conseil albertain des refuges pour femmes, l'association manitobaine des refuges pour femmes, l'Association ontarienne des maisons de transition, la Fédération des ressources d'hébergement pour les femmes violentées et en difficulté du Québec, l'association des maisons de transition de Terre-Neuve-et-Labrador, les services de prévention de la violence familiale de l'Île-du-Prince-Édouard, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, l'association des maisons de transition de la Nouvelle-Écosse, la Coalition d'Ottawa contre la violence faite aux femmes et la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités.

Ils disent avoir appris avec stupéfaction la décision du Sénat de mettre un terme à son étude du projet de loi C-19.

[Français]

(1740)

Je n'ai pas besoin de vous apprendre que le fait de clore le débat n'appartient pas à ce côté-ci de la Chambre. Également, ce ne sont pas les membres du comité sénatorial et certainement pas notre représentant au Sous-comité du programme et de la procédure qui ont empêché ces personnes, qui représentent les femmes à travers le pays, de nous dire, après l'avoir rencontrée au mois de février, que la ministre Ambrose a admis qu'il n'y avait pas eu d'analyse concernant le genre sur ce projet de loi. Elles s'offusquent du manque de travail effectué par le gouvernement et donne un exemple d'une femme qui a été assassinée avec un fusil de chasse.

Pour les associations de femmes que je viens de mentionner, il est tragique de savoir que demain il n'y aura pas de moyens faciles de repérer les personnes qui auraient acquis une arme ni de contacter les autorités gouvernementales afin de les empêcher d'utiliser une arme dans une situation de violence.

Ces femmes m'ont informée que le gouvernement du Québec avait élaboré une politique globale sur la violence domestique. Dans cette politique, des principes assurent la sécurité et, dans leur plan d'action, car ils en ont un pour nous assurer de la sécurité des familles, des exigences s'appliquent à tous les intervenants, ce que l'on retrouve par exemple dans le manuel qu'utilisent les policiers dans lequel on dit que ceux-ci pourraient confisquer les armes lorsqu'il y a une situation de violence.

J'imagine que vous avez déjà vu ou entendu une intervention de policiers qui frappent à une porte à la suite d'une plainte d'une personne qui a été agressée par un conjoint. Il est évident que c'est plus facile pour eux, au moment où on se parle, de vérifier dans le registre des armes à feu s'il y a une arme feu dans la maison et s'ils doivent la confisquer. S'il n'y a aucun moyen de vérifier, ce sera plus difficile de confisquer une arme qui est peut-être cachée et dont les autorités ne connaissent pas l'existence.

Il y a un autre groupe extrêmement important et actif à travers le Canada : je reviens au YWCA. Au Québec comme ailleurs, ce groupe joue un rôle extraordinaire pour appuyer les femmes dans leur avancement et dans les difficultés qu'elles rencontrent. Dans ma ville, Montréal, des femmes ont retrouvé leur autonomie financière grâce à cette association. Le Y dénonce très fort le fait qu'on ne gardera plus aucun registre ni chez le marchand ni au gouvernement fédéral. Le registre est un outil essentiel pour permettre le contrôle et surtout pour assurer une meilleure protection des femmes en difficulté, car ces associations interviennent auprès de ces femmes et les appuient, mais elles peuvent difficilement intervenir lorsque les outils de prévention ne sont pas là.

On a entendu le témoignage de Mme Francine Dulong, de Vancouver. Elle a fait référence à une situation que l'on voit tous dans nos provinces respectives, le fameux taxage, ou bullying. Elle disait que, quand on règle nos problèmes par la violence lorsqu'on est jeune, quand on grandit, s'il n'y a pas eu d'intervention, la violence augmentera.

Cette dame a subi la perte d’un membre de sa famille lors du massacre à Polytechnique. Dans sa famille, pourtant, il y avait des armes. Elle est originaire de la Nouvelle-Écosse et son père était un chasseur. Elle ne dit pas qu’il faut bannir toutes les armes. Elle dit simplement qu’il faut conserver le registre et qu’il ne s’agit pas d’une dépense somptuaire pour un gouvernement. Les dépenses liées à la réparation des dommages, qu’il s’agisse de suicide ou de meurtre, sont également importantes. Il ne faut pas s’imaginer que, le lendemain du massacre à Polytechnique, chacun est retourné chez lui en se disant: Ouf, j’ai été épargné, donc je n’ai pas de problème. Demandez aux autorités: à la suite de crimes violents, que ce soit sur une base individuelle ou collective, combien de gens, comme ce fut le cas après Polytechnique, se sont suicidés parce qu’ils ont fait une dépression attribuable au choc post-traumatique lié à cet événement? Penser alors que, à partir de demain, il n’y aura pas d’augmentation du nombre de suicides ou de meurtres et que tout se passera bien dans le meilleur des mondes, je demande aux sénateurs d’en face de tout simplement m’en donner la preuve. Personne ne nous a donné la preuve du contraire. Il faut encadrer l’usage des armes à feu, qui sont des armes meurtrières, et responsabiliser les personnes afin d’éviter qu’elles en fassent l’usage, contre elles- mêmes ou contre autrui.

Priscilla de Villiers, qui fait des études à ce sujet depuis des années, a été un témoin impeccable. J'invite les honorables sénateurs à lire son mémoire. Elle connaît le dossier par cœur. Elle a perdu une fille par homicide. Elle est venue nous parler de sa recherche profonde sur le sujet. Elle est venue partager avec nous la peine qu'elle a eue, mais aussi les moyens d'éviter que d'autres mères perdent leur enfant de la même façon.

Le projet de loi C- 19 n'est pas la solution. Il aurait été beaucoup plus sage de la part du gouvernement de proposer un petit amendement auquel tous les honorables sénateurs auraient probablement souscrit. C'est-à-dire que lorsqu'il y a une infraction comme celle liée au projet de loi antérieur, au lieu de la qualifier d'acte criminel, en faire une infraction hybride en s'assurant que si un questionnaire a été mal rempli ou est arrivé quelques jours en retard auprès des autorités gouvernementales, la personne ne se voit pas aux prises avec un casier judiciaire, parce que ce qu'elle a fait revient à commettre un acte criminel, et qu'on puisse corriger la situation. Un peu comme si demain matin je circulais avec ma voiture avec un permis de conduire échu parce que j'aurais oublié de le renouveler. Il y a des solutions beaucoup plus pratiques dans l'intérêt des citoyens et des enfants.

Il faut penser que, lorsqu'un conjoint est assassiné, les enfants deviennent souvent orphelins et doivent vivre aux frais de l'État. On parle toujours de coûts, mais pourquoi ne parle-t-on pas des coûts subséquents à l'assassinat d'une femme qui avait une famille, de jeunes enfants et dont le mari a été reconnu coupable, si jamais on trouve qui est le coupable, car sans registre ce sera plus difficile de le faire? Il faudra s'assurer que cette famille soit prise en charge par l'État. Concernant l'argument simpliste voulant qu'on vienne d'épargner de l'argent, aucun témoin sérieux et compétent dans le domaine ne viendra nous dire : « Vous savez, ce registre est tellement dispendieux! » On a d'ailleurs raconté un tas d'histoires sur les coûts. J'ai tout simplement rappelé aux gens que le gouvernement fédéral publie les chiffres de son budget et de ses états de revenus et dépenses chaque année. Si on veut savoir le prix exact, on le peut, c'est disponible, mais on n'invente pas des coûts.

La plupart des témoins n'ont pas relevé la question du coût actuel du maintient du registre. Il y a déjà plus de sept millions d'armes enregistrées. Des sénateurs d'en face nous ont dit que ce registre comprenait beaucoup d'erreurs.

(1750)

À ce que l’on sache, et d’après ce que l’on a vu, les nombreuses erreurs associés au registre touchaient en grande partie les armes à usage contrôlé. Lorsqu’il s’agit de revolvers et d’armes utilisées par un nombre limité d’individus, on a intérêt à vérifier et à corriger. Il faut savoir que le registre des armes à feu à usage contrôlé sera maintenu. Or, s’il contient des erreurs, je ne vois pas pourquoi le gouvernement ne s’emploierait pas à le corriger immédiatement. Toutefois, je doute fort que, dans le nouveau registre pour les armes à usage non restreint, les fusils aient été enregistrés de manière incorrecte, à moins que les questionnaires n’aient été complétés de façon incorrecte. Lorsqu’il ne s’agit que d’inscrire son nom, son adresse et le numéro de série d’une arme, je ne crois pas qu’on puisse faire des erreurs volontaires. Je crois que cela vient de notre âme et conscience.

Ce projet de loi ne traite pas d'une banale gestion de biens matériels. On parle d'un projet de loi qui permettra à des gens d'obtenir une arme sans qu'on ait mis en place un cadre réglementaire et législatif qui permette de responsabiliser les personnes, de retrouver ceux qui commettent des infractions et de retirer les armes à ceux qui ne devraient pas en posséder. Il existe donc un justificatif absolu pour garder ce registre en place.

J'invite les honorables sénateurs à réfléchir deux fois avant de refuser de respecter la volonté du gouvernement du Québec, qui aimerait obtenir les données et faire fonctionner le registre. Il y a double juridiction. Plusieurs autorités provinciales ont collaboré à créer le registre avec les policiers du Québec. J'invite les honorables sénateurs à réfléchir deux fois avant de procéder. Le Québec a payé un quart des dépenses liées à ce registre. Or, voilà que ces données s'envoleraient en fumée, alors qu'il serait si simple de les transmettre au procureur général du Québec.

Honorables sénateurs, j'espère que la nuit vous portera conseil et que vous penserez aux mères, aux personnes qui souffrent de dépression et à celles qui deviendront des victimes parce que nous n'aurons pas fait notre travail correctement.

L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer sur une mesure législative qui a fait l'objet de nombreux débats quant à sa légitimité et à son efficacité.

Depuis son adoption, en 1996, le projet de loi C-68 a été porteur de controverse. Sa légitimité fut questionnée par plusieurs segments de la population, notamment les chasseurs et les trappeurs. Le registre a provoqué un clivage entre le monde rural et certaines communautés urbaines. Son efficacité a été remise en question tant sur le plan des coûts astronomiques qu'il a entraînés que du point de vue des vies humaines qu'il devait sauver.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour saluer l'adoption du projet de loi C-19 et vous inviter à faire de même. J'aimerais prendre les quelques minutes qui me sont accordées dans ce débat pour vous en donner les motifs.

Vous savez, j'ai passé ma jeunesse en Abitibi, une région merveilleuse, et qui dit Abitibi dit chasse et pêche. Mon père et ma mère avaient décidé d'élever leurs 10 enfants à la campagne plutôt qu'en ville. Je leur en serai éternellement reconnaissant car, très jeune, c'est là que j'ai appris à aimer la nature, à la protéger et surtout à me faire des camarades qui, encore aujourd'hui, sont dans mon cercle d'amis. Nous étions une dizaine de jeunes garçons qui apprivoisions la chasse à la perdrix et au lièvre avec la carabine de notre père.

Je m'adresse à vous en tant que Québécois natif de l'Abitibi, terre sauvage à l'image du Québec, et en tant que personne ayant acquis une formation scientifique, dans le cadre de mes études universitaires en psychologie. Je crois qu'un équilibre entre la réalité concrète sur le terrain et une approche scientifique mérite d'être considéré dans ce débat afin d'éviter la dérive subjective et émotive qui peut parfois cacher une partie de la réalité.

En vieillissant, tout chasseur devient ambitieux, et en Abitibi, le rêve n'est pas seulement de devenir comme Guy Lafleur ou Maurice Richard, mais d'aller à la chasse à l'orignal.

Dans les années 1970, lorsque nous étions un peu plus âgés, il nous fallait suivre des cours sur le maniement des armes à feu et sur la sécurité. Plus l'arme était grosse, plus il fallait être sécuritaire et vigilant. Déjà, les associations de chasse et pêche, à cette époque, inculquaient aux chasseurs les principes de civisme en forêt et surtout de sécurité dans le maniement des armes à feu et leur remisage. Ce n'est pas seulement grâce au projet de loi C-68 que les chasseurs sont devenus vigilants et sécuritaires. Cet aspect faisait déjà partie de l'ère du temps des années 1970.

Puis est arrivé la terrible et dramatique tuerie de la Polytechnique. Beaucoup de gens, surtout les victimes et les proches touchés par cet événement, amorcèrent des pressions politiques afin de mieux encadrer et contrôler les armes à feu, incluant celles des honnêtes chasseurs et trappeurs. Comme la majorité des Abitibiens, j'ai fortement douté de l'efficacité de ce registre et de ce contrôle. Le registre fut tout de même adopté.

À cette époque, j'étais haut fonctionnaire au ministère de la Faune du Québec et j'ai assisté à l'impuissance des chasseurs à constater l'obligation d'enregistrer leurs armes. J'ai assisté surtout à leur soumission de les enregistrer. Ainsi, le registre est devenu pour eux un mal nécessaire.

Sur le plan de la légitimité, ce registre a été imposé aux Canadiens titulaires de carabines comme si c'était l'arme qui posait le danger et la menace appréhendée. L'individu, le chasseur, devenait un criminel potentiel en se basant sur la possession de cet objet. Les citoyens honnêtes des régions rurales se sont pliés à la loi. Pourtant cela n'a pas empêché que des drames, comme celui du Collège Dawson, se produisent quelques années plus tard, et ce, malgré l'existence du registre qui devait sauver des vies mais qui a coûté des milliards de dollars. D'ailleurs, c'est la vérificatrice générale du Canada qui l'a prouvé il y a quelques années.

En 2002 s'est produit dans ma vie un drame terrible, soit l'assassinat de ma fille, et j'ai dû alors me projeter sur la scène publique pour défendre les victimes d'actes criminels.

Mon doute a toujours persisté par rapport à l'utilisation du registre. Toutefois, le dénoncer publiquement tout en étant un défenseur des droits des victimes, au Québec, ne se fait pas. Il est inconcevable, dans la belle province, de questionner le registre des armes à feu, car au Québec, remettre en question le registre des armes à feu, c'est comme si on voulait s'identifier comme étant insensible à la violence faite aux femmes.

Au cours des huit années pendant lesquelles j'ai défendu les victimes d'actes criminels, je n'ai jamais défendu la pertinence du registre des armes à feu. Comme mon père le disait, dans le doute, on s'abstient.

Puis, un jour, le premier ministre Harper m'a accordé le grand privilège de me joindre à son équipe afin de poursuivre ma mission de défendre les droits des victimes. Un premier projet de loi, déposé au cours d'une législature précédente, m'a amené à rencontrer des groupes de victimes afin de leur expliquer la position de notre gouvernement sur l'enregistrement de ces armes. Malgré mes doutes persistants, je l'ai fait. Ces rencontres furent très émotives et difficiles. En effet, le simple fait de remettre en question l'efficacité du registre des armes à feu est perçu comme faisant preuve d'insensibilité face à la violence faite aux femmes. Je devais donc me documenter afin d'être en mesure d'élever ma réflexion sur ce sujet et surtout pour une pensée objective sur l'efficacité du registre — et c'est ce que je fais depuis deux ans.

Mon constat est à l'effet que l'enregistrement des armes de chasse n'a aucun lien avec la réduction du nombre de suicides et d'homicides au Canada. Au contraire, aucun défenseur de l'enregistrement des armes n'a prouvé, de façon scientifique, qu'il existe un lien entre la baisse des homicides et des suicides au Canada.

(1800)

Si un véritable débat sur l'efficacité des armes longues avait eu lieu au moment de l'adoption du projet de loi C-68, nous ne serions pas ici pour en débattre à nouveau. En effet, le registre des armes d'épaule ne s'est jamais révélé l'outil de prévention qu'il devait être. Il n'existe aucun exemple de crimes ayant pu être évités grâce au registre.

En lieu et place d'un débat objectif sur l'efficacité d'un registre, le gouvernement libéral de l'époque a exploité les événements de 1989 pour de proposer une solution politique.

En effet, comme ce fut le cas au Royaume-Uni, le registre découle d'une réponse politique à des massacres commis par des individus déséquilibrés. À titre d'exemple, la Firearms Amendment Act, une loi britannique de 1988, a été adoptée suite au massacre d'Hungerford de 1987. De même, à la suite d'un massacre à Dunblane, le gouvernement britannique adoptait la Firearms Act (Amendment No. 2) en 1997.

Donc, ce que j'ai constaté est très révélateur. J'ai étudié l'Angleterre, la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Les trois ont réagi de la même façon dans ce domaine. Précisons au départ que la Nouvelle-Zélande a retiré, en 1983, l'obligation pour les chasseurs d'enregistrer leurs armes tout en maintenant dans sa loi l'obligation de les remiser en toute sécurité.

Un premier point en commun concerne l'Angleterre, le Canada et l'Australie. Les trois pays ont adopté une telle obligation après, des tueries de masse qui ont choqué l'opinion publique. De tels registre nationaux ont été adoptés malgré le fait que de nombreux homicides et suicides avec de telles armes aient été en baisse constante depuis plus d'une décennie avant l'adoption de ces registres.

Parlons maintenant du Canada. De 1979 à 1994, le nombre d'homicides par armes de chasse est passé de 183 à 66, soit une baisse de 64 p. 100. De 1995 — moment de l'adoption du registre — à 2010, le nombre d'homicides par armes de chasse est passé de 64 à 36, soit une baisse de 44 p. 100.

Et maintenant, si je fais référence à la période où toutes les obligations du registre avaient force de loi, soit entre 2002 et 2010, la baisse n'est que de 10 p. 100, soit de 40 à 36. Il s'agit là de quatre meurtres de moins en huit ans, au moment où toutes les obligations sont en vigueur. Il en va de même pour les suicides. J'ai examiné la courbe relative aux suicides. De 1979 à 2010, elle suit la même courbe descendante que pour les homicides. Ces données proviennent du tableau 253-0005 du Juristat 2011. Toujours selon Juristat 2011, les données canadiennes sur les homicides pour la même période révèlent que sept armes sur 10 ayant servi à commettre un homicide n'étaient pas enregistrées.

Honorables sénateurs, je vous pose donc une question. Si la période de 1979-1994 a connu une plus forte baisse des homicides et des suicides que la période 2005-2010 — je compare deux périodes comptant chacune 15 ans —, puis-je scientifiquement affirmer que l'absence du registre a eu plus d'impact sur la baisse des homicides et des suicides que la présence du registre? Vous allez me dire que non, et je vais être d'accord avec vous. C'est un raccourci trop facile. Si j'ai tort de poser une telle conclusion concernant les statistiques, pourquoi ceux qui affirment que le registre peut sauver des vies et a réduit le nombre de meurtres et les suicides au Canada auraient-ils raison concernant une période où le registre existait?

Lorsqu'on veut comparer la baisse des suicides et des homicides au Canada avec le registre, il faut comparer une période existante du registre avec une période durant laquelle le registre n'existait pas. Sinon, on compare une période à la même période et cela, à mon avis, n'est pas du tout valable scientifiquement. C'est, là aussi, un raccourci aussi intellectuel que celui que j'aurais pris.

Notre gouvernement a donc décidé d'investir dans la prévention là où la criminalité est en hausse, c'est-à-dire particulièrement chez les jeunes impliqués dans les gangs de rue.

Je suis très fier des témoins qui sont venus s'exprimer en faveur du projet de loi C-19. Nous avons eu la chance d'entendre des témoignages articulés de professionnels du monde de la chasse, de la médecine et de la recherche scientifique. Ces professionnels sont venus démontrer que le registre n'avait pas livré les résultats promis lors de son adoption.

J'attirerais votre attention, honorables sénateurs, sur un scientifique qui est un médecin de l'Université McMaster à Hamilton et qui a fait une étude très scientifique, très solide et très documentée. L'étude s'intitule Canadian Firearms Legislation and Effects on Homicide 1974 to 2008, et a été produite le 10 février 2012.

Je vous invite à parcourir cette étude scientifique qui fait la démonstration hors de tout doute qu'il n'y a aucun lien entre la présence du registre et la baisse des homicides et des suicides. Si vous voulez faire un jugement objectif et non émotif au sujet du registre, allez consulter cette étude.

Le journal néo-zélandais New Zealand Herald publiait le 30 mars 2010 un article intitulé NZ's firearms rate drops. Dans cet article, le journaliste Michael Dickison souligne que ce pays est celui qui a connu les baisses les plus prononcées au chapitre des homicides commis au moyen d'armes à feu, et ce, en dépit du fait que ce pays possède une réglementation des moins restrictives dans le monde, notamment en comparaison avec le Canada, l'Australie et l'Angleterre.

Un article du Journal of Interpersonal Violence, publié aux États- Unis, confirme notamment que la Nouvelle-Zélande a connu, et je cite :

[...] the most pronounced decline in firearm homicide over the past two decades.

Honorables sénateurs, la Nouvelle-Zélande a aboli son registre en 1983, et malgré ce fait, la courbe descendante des homicides et des suicides a suivi celle du Canada, qui avait un registre, a suivi celle de l'Angleterre, qui avait un registre et celle de l'Australie, qui avait un registre.

Lorsqu'on veut vraiment dire que le registre a un impact sur la baisse des suicides et des homicides, il faut comparer à des périodes où ce registre n'existait pas ou à un pays qui n'a pas de registre.

De plus, le président de l'association des policiers de la Nouvelle- Zélande, Greg O'Connor, a déclaré à un journaliste du même journal que le déclin des homicides par armes à feu montre que la Nouvelle-Zélande a un système de permis bien équilibré. C'est ce que le Canada veut faire. Selon M. O'Connor, et je cite :

[Traduction]

Je serais très déçu si, en raison des gestes commis par des criminels en Nouvelle-Zélande, on empiétait sur les droits des propriétaires légitimes d'armes à feu.

[Français]

Ce policier veut dire qu'il serait désolé, avec la baisse de la criminalité, que nous ayons encore plus de contrôle sur les armes à feu.

À part quelques cas mineurs d'armes volées retournées, le registre néo-zélandais s'est avéré sérieusement imparfait et n'a jamais servi à résoudre des crimes graves. Cela a été confirmé par la police dans une évaluation sur l'utilité du registre. Il n'avait aucune valeur et il était coûteux à entretenir afin de maintenir des données à jour et de qualité. Des tentatives ont été faites depuis le milieu des années 1970 dans le but d'améliorer le registre dans ce pays et, après une consultation publique, le Arms Act de 1983 a été aboli.

La nouvelle loi a aboli, en Nouvelle-Zélande, l'enregistrement pour les carabines et les fusils de chasse dont l'usage sportif est très répandu dans ce pays. Il met plutôt l'accent sur l'obtention de permis pour les individus et l'enregistrement de toutes les armes sportives et met aussi l'accent sur le remisage sécuritaire des armes.

En Nouvelle-Zélande, le total annuel des homicides par armes à feu a connu une baisse constante depuis les années 1980.

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, le temps accordé au sénateur Boisvenu est écoulé.

Le sénateur Boisvenu : Honorables sénateurs, je demande cinq minutes plus.

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Cinq minutes.

Une voix : Non.

Le sénateur Day : Non, il n'est pas question de prolonger les discours. Nous disons non...

Le sénateur Comeau : Avez-vous dit « non »?

Le sénateur Cowan : Vous avez dit « non » plus tôt.

Le sénateur Comeau : Il s'agissait des deux heures et demie...

Le sénateur Day : Va-t-on prolonger les discours, oui ou non? Vous avez dit plus tôt que ce ne serait pas le cas.

Le sénateur LeBreton : Il était alors question de l'attribution du temps.

Le sénateur Cowan : Si tout le monde est d'accord, je n'y vois pas d'inconvénient.

Son Honneur le Président suppléant : Il s'agit d'un débat différent. C'était un débat totalement différent. Nous débattons maintenant de la motion principale, c'est-à-dire la troisième lecture.

Le sénateur Boisvenu demande cinq minutes de plus. Plaît-il au Sénat de lui accorder cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président suppléant : D'accord. Le sénateur Boisvenu a la parole.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : En Angleterre, le British Home Affairs a identifié l'urgence d'une stratégie visant la réduction des crimes par armes à feu commis par les groupes de jeunes criminels organisés en gangs. Le British Home Affairs a publié un rapport intitulé Ending gang and youth violence : cross-government report, qui privilégie une stratégie basée sur les gangs de rue qui représentent le véritable défi pour la sécurité des villes et autres communautés.

Le gouvernement britannique réalise maintenant — et c'est le gouvernement qui l'affirme — la faible efficacité des mesures d'enregistrement et le défi posé par les armes illégales. Tout comme en Angleterre, il faut s'attaquer à la culture des gangs et au phénomène de la santé mentale en tant que facteurs qui ont des impacts sur les comportements suicidaires et destructeurs des hommes qui commettent des massacres.

(1810)

Dans son étude mentionnée plus tôt, le Journal of Interpersonal Violence conclut ses recherches en confirmant qu'un haut taux de chômage et l'usage de drogues fortes sont des facteurs plus significatifs quant à l'usage d'une arme à feu pour commettre un homicide que l'enregistrement de l'arme.

Ce qu'il faut contrôler, ce sont les hommes, les gens qui ont des problèmes psychiatriques. Il faut s'attaquer avant tout aux vrais criminels, ceux qui n'ont jamais enregistré leurs armes et qui sont responsables de la très grande majorité des crimes au Canada. Il faut s'attaquer au vrai problème, celui que posent les criminels, et non les honnêtes citoyens.

[Traduction]

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je connais très bien le dossier du contrôle des armes à feu, car il était déjà à l'ordre du jour à l'époque où j'étais maire de Toronto et parce que, dans les années 1990, je faisais partie du gouvernement de Jean Chrétien qui a promulgué le projet de loi C-68.

Je crois que le projet de loi C-19 est une catastrophe. Nous nous rappelons tous que le pays tout entier a ressenti à un profond sentiment de tristesse après la tuerie de l'École Polytechnique en décembre 1989 où 14 femmes ont été brutalement assassinées. Ces événements étaient encore frais dans notre mémoire — et nous connaissions les statistiques concernant l'utilisation d'armes à feu au Canada — lorsque, il y a près de 17 ans, mes collègues de la Chambre des communes et moi avons adopté le projet de loi C-68, La Loi sur les armes à feu. À l'époque, nous avions exposé d'importantes lacunes dans les lois canadiennes régissant les armes à feu.

Honorables sénateurs, les carabines et les fusils de chasse sont les armes à feu les plus souvent impliqués dans des situations de violence familiale, des accidents et des suicides. Ces armes ont également été utilisées pour cibler nos policiers.

C'est ce que les experts nous ont dit. Voilà les problèmes auxquels nous avons dû nous attaquer. C'est le contexte dans lequel plus de 350 organismes, y compris l'Association canadienne des chefs de police et l'Association canadienne de santé publique, nous ont demandé — à mes collègues et à moi — de renforcer la loi. C'est ce que nous avons fait. Nous avons écouté les policiers et les victimes d'actes criminels.

Je suis triste, car nous nous apprêtons à faire marche arrière et à revenir à l'époque où les lois sévères sur les armes à feu n'existaient pas. N'avons-nous rien appris? Je crois que si, et c'est la raison pour laquelle je m'oppose catégoriquement à ce projet de loi.

Le sénateur Runciman : Nous avons dépensé 2 milliards de dollars.

Le sénateur Eggleton : Premièrement, le registre fonctionne. Pourquoi essayer de régler un problème qui n'existe pas? Deuxièmement, le programme n'est pas un gaspillage d'argent, contrairement à ce que font valoir mes collègues conservateurs. Troisièmement, ce projet de loi mettra la vie de Canadiens en danger, car il sera plus facile d'acheter des armes mortelles.

Honorables sénateurs, cela fait plus de 15 ans que des lois plus sévères sur les armes à feu, notamment le registre, ont été promulguées. Ont-elles fonctionné? Tout porte à croire que oui. Le fait est que le nombre de décès causés par des armes à feu a diminué au Canada depuis que des contrôles plus stricts sont en vigueur.

Le sénateur Runciman : Pas depuis l'instauration du registre.

Le sénateur Eggleton : Les sénateurs n'ont pas à me croire sur parole quant à l'utilité du registre. Les faits parlent d'eux-mêmes.

Le sénateur Runciman : Effectivement.

Le sénateur Eggleton : Fait : le nombre de décès causés par une arme à feu n'a jamais été aussi bas depuis plus de 40 ans. En effet, par rapport à 1995, près de 400 Canadiens de moins sont morts par balle en 2008.

Fait : en 1995, 911 Canadiens se sont suicidés au moyen d'une arme à feu. En 2008, le nombre de cas avait diminué à 518. L'une des mesures cruciales de toute stratégie de prévention du suicide, c'est d'empêcher les personnes à risque d'avoir accès à une arme à feu.

Fait : le nombre de vols qualifiés commis au moyen d'une arme à feu a diminué de 43 p. 100 alors que le nombre de vols qualifiés commis par un autre moyen n'a diminué que de 9 p. 100.

Fait : le nombre de meurtres commis au moyen d'une carabine ou d'un fusil de chasse a radicalement diminué. Il est passé de 61 en 1995 à 36 en 2010. Les chercheurs ont conclu que les mesures rigoureuses de contrôle des armes à feu ont fait grandement chuter le nombre d'homicides commis au moyen d'une arme à feu sans augmenter notablement le nombre d'homicides commis d'une autre manière.

Fait : le nombre de femmes assassinées par leur partenaire intime au moyen d'une arme à feu a diminué de 69 p. 100 depuis 1995.

Fait : après l'adoption du projet de loi par les libéraux en 1995, un numéro sans frais a été créé à l'intention des conjoints des demandeurs de permis d'armes à feu et des autres personnes qui pourraient craindre pour leur sécurité. De décembre 1998 à octobre 2001, plus de 26 000 appels y ont été logés.

Voilà les faits. Les rigoureuses lois de contrôle des armes à feu qui ont été adoptées en 1995, notamment le registre, ont réduit au Canada le nombre d'actes criminels commis au moyen d'une arme à feu. Ce que je trouve le plus frustrant en ce qui concerne les arguments invoqués contre le registre des armes à feu, c'est qu'on ne tient pas compte des faits. C'est comme si le gouvernement Harper disait : « Je me suis déjà fait une idée là-dessus; ne venez pas m'embêter avec les faits. »

Maintenant que nous savons que la Loi sur les armes à feu a contribué au Canada à réduire le nombre d'actes criminels commis au moyen d'une arme à feu, voyons le rôle qu'a joué le registre.

Honorables sénateurs, des spécialistes ont affirmé que l'enregistrement des armes à feu sans restrictions au nom de leur propriétaire légal est la clé de l'efficacité du contrôle des armes à feu, et ce, pour cinq raisons importantes. Permettez-moi de vous relater les faits.

Le contrôle initial des propriétaires d'armes à feu et l'obligation qui leur est faite d'obtenir un permis réduisent le risque que des gens dangereux aient accès à des armes. De plus, l'enregistrement des armes renforce l'obligation de détenir un permis, car elle tient les propriétaires d'armes à feu responsables de leurs armes et réduit les risques qu'elles passent entre les mains de personnes qui ne détiennent pas de permis.

Honorables sénateurs, nous délivrons des permis aux conducteurs et nous enregistrons les véhicules, ce qui encourage la conduite responsable, aide la police à faire respecter la loi et permet de lutter contre le vol de véhicules. Le même principe s'applique aux armes à feu.

Voici un autre fait : des policiers de partout au pays consultent le registre des armes à feu — 17 402 fois par jour, au dernier compte — à des fins préventives ou pour faire respecter des ordonnances d'interdiction. Par exemple, peu après la fusillade au Collège Dawson, les policiers ont utilisé l'information contenue dans le registre pour confisquer les armes d'un imitateur potentiel.

Dans la même veine, après qu'un homme eut menacé de tuer un collègue avec un fusil, les policiers ont confirmé grâce au registre que le suspect détenait un permis valide et qu'il possédait neuf autres armes enregistrées, ce qui leur a permis de récupérer les armes et les munitions.

En tout, 4 612 armes enregistrées ont ainsi été confisquées à des individus dont les permis ont été révoqués à cause de craintes pour la sécurité publique. Cela démontre l'efficacité du registre.

Le registre des armes à feu a aidé à des enquêtes policières. Il a permis la production de plus de 18 000 affidavits destinés à soutenir des poursuites pour des crimes liés à des armes à feu. Par exemple, deux hommes soupçonnés de complicité dans le meurtre des quatre agents de la GRC à Mayerthorpe, en Alberta, ont été reconnus coupables en partie parce qu'une arme enregistrée avait été laissée sur les lieux du crime et qu'on a pu en retracer le propriétaire.

Le contrôle des armes à feu légales est essentiel pour étouffer le commerce des armes illégales. Par exemple, en mars 2011, un marchand d'armes autorisé du Québec a été inculpé de la vente illégale de 63 armes à feu, y compris des armes d'épaule, à des gangs de rue de Montréal. Les policiers ont entrepris une enquête parce que trois armes enregistrées au nom de cet individu avaient été utilisées dans des crimes commis par des gangs. Grâce au registre, ils ont réussi à trouver un grand nombre d'armes illégales.

La majorité des pays industrialisés enregistrent les armes à feu. Le registre aide le Canada à respecter ses obligations internationales en matière de dépistage des armes à feu et de lutte contre le trafic illégal des armes à feu.

Honorables sénateurs, je viens de présenter cinq façons, accompagnées d'exemples, illustrant comment le registre aide à combattre le crime au Canada. Si nous votons aujourd'hui en faveur de l'élimination du registre, nous allons perdre ces importants outils de lutte contre la criminalité.

Nos collègues conservateurs ont beaucoup parlé du coût du registre, mais encore une fois ils n'étayent leurs arguments d'aucun fait. Le système précédent, mis en œuvre en 1991— soit sous le gouvernement Mulroney —, coûtait 50 millions de dollars par année et comportait de graves lacunes. La création du registre a été plus coûteuse que prévu, mais ce qui est fait est fait, et l'infrastructure est maintenant en place. Lors de la dernière vérification du programme, le vérificateur général du Canada a rapporté que les coûts annuels du registre avaient beaucoup diminué et que le système s'était grandement amélioré. La GRC a dit que son fonctionnement ne coûte plus que 4 millions de dollars par année.

(1820)

Combien vaut une vie? À mon avis, même une seule vie vaut ce montant.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Eggleton : Si le registre disparaît, le coût des enquêtes policières va augmenter, car des renseignements essentiels ne seront plus disponibles. Les policiers risquent d'avoir de la difficulté à retracer l'origine des armes à feu, ce qui compromettra leurs enquêtes, et, surtout, il leur sera moins facile de prendre des mesures préventives.

Je sais qu'il y a aussi de nombreuses armes à feu illégales. Il faut faire plus pour les empêcher de franchir la frontière, mais un grand nombre d'armes à feu enregistrées finissent souvent par être utilisées d'une manière illégale ou deviennent partie prenante du problème au Canada. Il faut en tenir compte.

En 2006, l'Institut de hautes études internationales et du développement à Genève a présenté la loi sur les armes à feu du Canada comme un modèle à suivre, car elle a grandement contribué à diminuer le nombre de personnes tuées ou blessées par balle au Canada. Selon cet organisme international, la diminution du nombre de personnes blessées ou tuées par balle depuis 1995 a permis de réaliser des économies de 1,4 milliard de dollars canadiens par année et, j'ajouterai, de sauver combien de vies? De nombreuses vies.

Si le registre est aussi inutile et coûteux que le gouvernement le prétend, pourquoi les services de police s'y fient-ils autant? Pourquoi l'utilisent-ils autant? Pourquoi continuent-ils d'affirmer qu'il s'agit d'un atout précieux?

Selon les associations de policiers, le registre est un outil essentiel de lutte contre la criminalité. Le chef du service de police de Toronto, Bill Blair, en sa qualité d'ancien président de l'Association canadienne des chefs de police, a dit :

[...] nous ne devons pas nous laisser détourner de la question la plus importante : la sécurité publique. Le registre a fait du Canada un pays plus sûr. Le registre a sauvé des vies. Nous le perdrions à nos risques et périls.

Permettez-moi de répéter une partie de cette citation : « Le registre a fait du Canada un pays plus sûr. Le registre a sauvé des vies. Nous le perdrions à nos risques et périls. »

Honorables sénateurs, j'aimerais terminer en disant que ce projet de loi est irresponsable et dénué de vision. Contrairement à toutes les autres mesures que les conservateurs ont présentées pour abolir le registre, le projet de loi C-19 fait bien plus qu'abroger quelques dispositions de la Loi sur les armes à feu. Il abolit des mesures essentielles en vigueur depuis 1977. Il permettra à un détenteur de permis de faire l'acquisition d'un nombre illimité d'armes à feu sans que qui que ce soit ait l'obligation légale de vérifier si le permis est en règle. Ce détenteur pourrait même obtenir un fusil de précision ou la Mini-14 de Ruger, arme semi-automatique utilisée dans le massacre à Montréal et, plus récemment, l'été dernier, pour abattre 77 Norvégiens. Il n'y aura aucun moyen de savoir qui possède de telles armes puissantes ou qui les a vendues. Je précise, pour qu'il n'y ait aucune confusion, que ce sont des armes dont les projectiles peuvent percer des véhicules blindés et toucher une cible avec précision à près de deux kilomètres de distance.

Qui plus est, il n'y a aucune disposition dans le projet de loi rétablissant l'exigence selon laquelle les commerces doivent tenir un registre des ventes. Ceux-ci sont obligés de le faire depuis 1977 mais l'obligation sera éliminée parce que les données en question figurent dans le registre. Sans de telles informations, la police ne pourra plus déterminer la provenance des armes à feu utilisées dans la perpétration d'un crime. L'Association canadienne des chefs de police a écrit au ministre de la Sécurité publique en mai 2011 pour demander que cette obligation soit rétablie et que ces données soient maintenues à la disposition de la GRC. Sans elles, les organismes d'application de la loi ne pourront plus retracer l'origine des carabines et des fusils trouvés sur la scène d'un crime ou confisqués à des suspects.

Honorables sénateurs, en mai 2010, un groupe d'experts a témoigné en faveur du maintien du registre des armes d'épaule. Faisaient partie du groupe des représentants de la GRC, de l'Association canadienne des commissions de police, de l'Association canadienne des policiers, de l'Association canadienne des médecins d'urgence, de la Société canadienne de pédiatrie et du Congrès du travail du Canada, ainsi que les procureurs généraux de l'Ontario et du Québec et bien d'autres encore.

Sommes-nous censés croire les affirmations du gouvernement conservateur à propos du registre plutôt que celles de ces experts respectés? Les nombreuses contradictions dans les arguments des conservateurs sont insensées. D'une part, le gouvernement prétend que le projet de loi C-10 sur la criminalité, qui vient tout juste d'être adopté, favorisera la sécurité publique. Cependant, le projet de loi C-19 constitue manifestement un danger pour le public. L'approche du gouvernement est incohérente. Elle va dans tous les sens. Contrairement à ce qu'affirment les conservateurs, cependant, je ne pense pas que le projet de loi C-10 contribuera à la sécurité. Il transformera nos prisons en fabriques de criminels. Le gouvernement prétend néanmoins qu'il contribuera à la sécurité, mais ce projet de loi-ci, lui, menace la sécurité publique.

Il semble que le projet de loi C-10 doit permettre aux victimes de mieux se faire entendre. Or, cette mesure législative fait fi de l'avis des victimes, qui s'y opposent. Récemment, j'ai reçu une lettre de la mère de l'une des victimes du massacre perpétré à Montréal. Peut- être que nous avons tous reçu la même lettre. J'estime qu'il est important de reprendre ses propos. Dans sa lettre, elle disait que le jour où les parlementaires ont adopté cette mesure législative a été le plus triste de sa vie depuis le 6 décembre 1989, soit le jour où sa fille est décédée. Elle a écrit ceci : « Le gouvernement évalue la valeur d'une vie humaine à 5 millions de dollars. Je peux vous dire que le sentiment de perte découlant du décès d'un être cher ne se mesure pas en termes monétaires. La peine qu'on ressent dépasse tout ce qu'on aurait pu imaginer. Ma confiance à l'égard du gouvernement est sur le point de se transformer en cynisme. »

Malheureusement, une fois de plus, nous nous retrouvons avec une politique conservatrice qui est uniquement fondée sur l'idéologie et sur le désir de gagner des voix, et qui fait fi de tous les faits et de toutes les preuves.

Son Honneur le Président suppléant : Sénateur, votre temps de parole est écoulé. Honorables sénateurs, lui accordez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Eggleton : J'ai seulement besoin d'une minute de plus.

Son Honneur le Président suppléant : D'accord?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président suppléant : Je vous alloue cinq minutes de plus.

Le sénateur Eggleton : À mon avis, l'abolition du registre des armes à feu est une gifle au visage des victimes d'actes criminels, qu'elles pleurent le décès de leurs proches ou pansent leurs plaies. Ainsi, on éliminera inutilement des données et une mesure de protection essentielles, dont on a besoin pour assurer la sécurité future de tous les Canadiens.

Des voix : Bravo!

L'honorable Vernon White : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole au sujet du projet de loi C-19. Cette mesure législative nous permettra de rétablir des liens avec les Canadiens respectueux de la loi qui ont eu l'impression d'être traités comme de vulgaires criminels.

Honorables sénateurs, je vous demande d'appuyer cette mesure législative, car ainsi, nous réparerons une injustice. Il est malvenu de laisser entendre qu'on pourrait protéger la société simplement parce qu'on connaît le numéro de série d'une arme à feu.

[Français]

La semaine dernière, j'ai entendu le directeur général de l'Association canadienne de tir nous expliquer les problèmes du registre des armes à feu.

[Traduction]

Il a décrit les gens qui font partie de son organisation et qui aiment, de façon responsable, faire du tir sportif, chasser, collectionner des armes à feu et s'adonner à d'autres activités liées au patrimoine. Il a dit que les membres de son club aiment passer une journée au champ de tir comme certaines familles aiment aller à l'aréna, au terrain de soccer ou ailleurs. Puis, il a dit que son organisation avait dépensé 875 000 $ au cours des 10 dernières années pour défendre des membres dans des affaires criminelles qui existaient seulement en raison d'une violation administrative de la loi, ce qui a criminalisé des Canadiens respectueux des lois et sans casier judiciaire.

[Français]

Honorables sénateurs, nous avons également entendu Mme Linda Thom nous dire qu'elle représentait le Canada dans des compétitions de tir international, et qu'elle a remporté cinq médailles d'or, quatre d'argent et deux de bronze pour notre pays.

[Traduction]

Mme Thom est mieux connue pour avoir remporté une médaille d'or olympique en 1984. Elle a pris position en faveur d'une réglementation exigeant un entreposage adéquat des armes à feu, comme par exemple mettre sous clé les munitions et les fusils, et de l'imposition de cours écrits et pratiques sur le maniement sécuritaire des armes à feu, que doivent suivre et réussir ceux qui souhaitent avoir une arme d'épaule et obtenir un permis. Elle a poursuivi en affirmant qu'il est important que les propriétaires de fusils et les détenteurs de permis deviennent de véritables outils préventifs.

Honorables sénateurs, nous avons entendu des gens passionnés parler du registre des armes d'épaule. Des Canadiens respectueux des lois et coopératifs — ceux qui détiennent un permis de possession et d'acquisition pour les armes d'épaule et les munitions — nous ont dit qu'ils souscrivaient sans réserve aux exigences visant l'obtention de ces permis, la sécurité, la manutention et l'utilisation sécuritaires au Canada, mais que le registre des armes d'épaule criminalisait ces mêmes Canadiens.

Certains témoins ont parlé d'autres pays, et des mouvements qui ont mené à la création ou à l'abolition de registres comme celui dont nous parlons aujourd'hui. Je crois que le projet de loi C-19 permettra aux législateurs que nous sommes, et à ceux qui luttent contre la criminalité au sein de nos collectivités, de cibler ceux qui utilisent une arme à feu pour commettre des crimes, plutôt que ceux qui respectent les lois. En réalité, honorables sénateurs, les Canadiens qui utilisent une arme à feu pour commettre des crimes ne sont pas ceux qui suivent un cours de deux jours en vue de présenter une demande de permis, ni ceux qui sont soumis à une vérification du casier judiciaire par la police. La vérité, honorables sénateurs, c'est que notre registre des armes d'épaule n'inquiète pas les criminels qui utilisent des armes à feu au Canada. Ce registre ne les concerne pas. Il s'agit plutôt de la plus grande banque de données canadienne sur les Canadiens respectueux des lois.

(1830)

Ce sont des Canadiens respectueux des lois qui ont l'impression qu'on les considère comme des criminels, et qui sont traités comme des criminels lorsqu'ils contreviennent à une loi de nature administrative qui les met en conflit avec les agents de la paix.

Je crois que le registre des armes d'épaule ne peut pas prévenir le crime. Il ne peut pas aider à prévoir les comportements criminels. Après tout, il s'agit d'une liste de numéros de série correspondant à des biens acquis de façon légale par des Canadiens respectueux des lois. Le terme « Canadien respectueux des lois » devrait être compris par chacun d'entre nous, sinon, les propriétaires d'armes à feu ne pourraient pas obtenir un permis.

Que se passerait-il si le projet de loi C-19 était adopté? Nous maintiendrons les importants mécanismes de sécurité, c'est-à-dire les permis, les vérifications policières, les délais d'attente obligatoires, les références, les cours obligatoires suivis par les demandeurs de permis, les examens écrits et les examens pratiques. Chacun de ces éléments permet à ceux qui ont choisi de posséder une arme d'épaule de rendre des comptes. Ces mesures, notamment les examens écrits et les examens pratiques, sont en place, parce que pendant des années, les cours de sécurité à la chasse se sont avérés être les meilleurs moyens pour prévenir les décès et les blessures à la chasse. Ces mesures ont été très efficaces.

Certains soutiennent que le registre aide les policiers à déterminer s'il y a une arme à feu dans une résidence avant d'arriver sur les lieux. Je peux toutefois affirmer que tous les policiers avec lesquels j'ai travaillé pendant ma carrière, qui a duré presque 31 ans, partent du principe que la personne à laquelle ils seront confrontés, quand ils répondent à un appel, risque d'être armée. C'est cet état d'esprit — et non une base de données dont l'exactitude n'est pas assurée — qui aide les policiers à rester en vie. C'est la formation et la pensée stratégique des policiers — et non une base de données inexacte — qui peut leur sauver la vie. L'idée même qu'on puisse être plus en sécurité parce que le numéro de série d'une arme d'épaule a été entré dans une base de données n'a pas de sens.

Dans les faits, je pourrais très bien être propriétaire d'une arme d'épaule dûment enregistrée, pour laquelle j'ai tous les permis requis, et décider tout à fait légalement de la prêter à un ami, par exemple au sénateur Lang, qui satisfait aussi aux exigences d'obtention de permis, comme je le sais. Supposons qu'un policier qui vient chez moi consulte la base de données. Il verra que j'ai une arme, alors que je n'en ai pas. Un autre policier qui irait chez le sénateur Lang croirait qu'il n'a pas d'arme, alors qu'il a celle que je lui ai prêtée. Ce système était voué à l'échec et il a constamment échoué.

Enfin, la création du registre a donné lieu à des contestations judiciaires dans cinq provinces, dont le Nouveau-Brunswick, Terre- Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse, qui avaient toutes un gouvernement libéral à l'époque, si je me souviens bien. Ce n'est donc pas une question d'esprit partisan.

La situation, c'est qu'un groupe de Canadiens respectueux des lois veulent être traités avec tout le respect qu'ils méritent. Pour ma part, je soutiendrais que des lois rigoureuses sur le contrôle des armes à feu peuvent avoir une certaine valeur symbolique, mais que cette valeur symbolique n'a jamais permis de sauver des vies. Nous devons nous concentrer sur les criminels qui utilisent des armes à feu, et non sur les Canadiens respectueux des lois qui utilisent des armes comme les Canadiens le font depuis des siècles. Selon moi, le registre des armes d'épaule a donné aux citoyens et aux policiers un faux sentiment de sécurité. Un gouvernement fort doit avoir la force de reconnaître qu'une erreur a été commise. À mon avis, honorables sénateurs, l'occasion nous est donnée de corriger une erreur en abolissant le registre des armes d'épaule et en adoptant le projet de loi C-19.

[Français]

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, selon ce que nous avons entendu au cours des dernières semaines, le projet de loi C-19 est apparemment né du fait que plusieurs citoyens honnêtes et des chasseurs avaient le sentiment d'être traités comme des criminels lors de l'enregistrement de leurs armes à feu. La réponse du gouvernement à ce souci, bien que légitime, fut radicale et difficile à justifier.

On nous a, à plusieurs reprises, parlé de la bonne vieille arme de chasse, alors que le projet de loi inclut également les armes d'épaule qui peuvent transpercer des armures légères. Nous avons vu la liste et les images des armes d'épaule qui n'auront plus à être enregistrées. Vous savez tous que nous sommes très loin de l'arme de chasse traditionnelle.

L'introduction du projet de loi C-19 dénote aussi une certaine incohérence, car il arrive seulement quelques semaines après l'adoption du projet de loi C-10 qui visait, selon le gouvernement, à rendre nos rues et communautés plus sûres. L'argument en faveur du projet de loi C-19 et de l'abolition du registre a été entendu plusieurs fois. Ce ne sont pas les armes à feu qui tuent, nous dit-on, mais bien les personnes. Cet argument semble séduire plusieurs honorables sénateurs. Mon intention aujourd'hui n'est pas de les faire changer d'idée. Ils ont eu plusieurs occasions de le faire, et je respecte leur décision. Je tiens simplement à leur dire que le projet de loi C-19 ne se limite pas à l'abolition du registre, comme ils veulent le croire.

On défend l'abolition du registre des armes d'épaule en disant que cela ne change rien et que si une personne possède un permis valide, on se doit de lui faire confiance. Le problème est que le projet de loi C-19 n'oblige pas le commerçant à s'assurer de la validité du permis de l'acheteur. Que l'on arrête de dire que le projet de loi C-19 ne vise qu'à abolir le registre; il rend aussi l'achat des armes par quiconque beaucoup plus facile.

En 2009, le gouvernement a introduit le projet de loi S-5, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi, qui visait, lui aussi, à abolir le registre des armes d'épaule. Le projet de loi S-5, effectivement, visait à abolir uniquement le registre des armes d'épaule. Or, le projet de loi C-19 diffère du projet de loi S-5. Sous la loi actuelle, le cédant ou le commerçant, au moment de l'achat d'une arme à feu, doit informer le directeur du registre de la cession de l'arme afin de vérifier si la personne qui l'acquiert détient le permis nécessaire. Ce principe est d'une logique élémentaire : registre ou pas, il faut s'assurer que la personne qui achète une arme détient un permis valide. Le projet de loi S-5 maintenait cette obligation. Avec le projet de loi S-5, qui visait à abolir le registre des armes d'épaule, le commerçant avait l'obligation d'informer le contrôleur des armes à feu et d'obtenir l'autorisation de vendre.

Encore une fois, que l'on soit pour ou contre l'abolition du registre, on s'entend à dire que le permis de l'acheteur devrait être vérifié. Le projet de loi S-5 de ce même gouvernement était en accord avec ce principe. Or, le gouvernement a changé d'idée et cette disposion n'existe plus dans le projet de loi C-19. En vertu du projet de loi C-19, un commerçant peut demander une vérification du permis, toutefois il n'est pas tenu de le faire. Le cédant ou commerçant ne doit avoir « aucun motif de croire que le cessionnaire n'est pas autorisé à acquérir et à posséder une telle arme à feu ». C'est tout ce qui est exigé.

Pourquoi éliminer l'obligation de vérifier la validité du permis? Se sent-on traité comme un voleur lorsque le bibliothécaire vérifie la validité de notre carte avant d'autoriser notre emprunt? Un citoyen honnête s'objectera-t-il à ce que le vendeur confirme auprès du contrôleur qu'il possède bel et bien le permis nécessaire pour l'achat? Lorsque nous conduisons notre voiture et que nous sommes arrêtés par un policier, celui-ci vérifie la légalité de notre permis de conduire. Cette pratique n'est-elle pas normale?

Le ministre a indiqué au comité que le commerçant serait mal avisé de vendre une arme à une personne qui ne détient pas le permis nécessaire, car il pourrait être passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement. En d'autres mots, suite à un meurtre ou à un attentat commis avec une arme d'épaule, le commerçant peut être reconnu coupable si on peut prouver hors de tout doute raisonnable qu'il avait « un motif de croire que le cessionnaire n'était pas autorisé à acquérir et à posséder une telle arme à feu ».

« Un motif de croire que le cessionnaire », voilà ce que dit le projet de loi. Mais comment prouver ce motif? Est-ce bien la faute du commerçant si l'acheteur lui a montré un faux permis très convaincant? On se retrouve alors face à un crime qui aurait pu être évité.

Mettons de côté la question du registre, puisque la plupart des honorables sénateurs souhaitent son abolition. Parlons plutôt du permis nécessaire pour l'acquisition d'une arme à feu. J'essaie de comprendre pourquoi le gouvernement a décidé de reprendre le même projet de loi présenté il y a deux ans et d'y soustraire sciemment l'obligation de vérifier tous les permis au moment de l'achat d'une arme à feu. C'est ce point spécifique qui m'inquiète.

On a répété que ce n'est pas l'arme qui tue, mais bien la personne. Pourquoi ne voulons-nous pas nous assurer de l'identité de la personne à qui on s'apprête à vendre une arme? Pourquoi ne voulons-nous plus nous assurer de la validité du permis de cette personne avant l'acquisition? C'est la personne qui est dangereuse, d'après ce que l'on nous dit, et non l'arme.

Voilà le genre de détails sur lesquels nous, sénateurs, devons nous attarder. Avons-nous vraiment compris pourquoi le gouvernement n'a pas tout simplement réintroduit le projet de loi S-5? Si les honorables sénateurs sont convaincus qu'il faut abolir le registre, se sont-ils assurés que le projet de loi qu'ils se doivent d'étudier se limite à ne faire que cela?

Selon les témoignages que nous avons entendus au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, ce projet de loi va plus loin que l'abolition simple du registre des armes d'épaule.

(1840)

Je souhaite que tous mes collègues, quelle que soit leur position sur le registre lui-même, en soient avisés. En votant pour l'adoption du projet de loi C-19, nous abolissons le registre, certes, mais nous éliminons aussi l'obligation de vérification du permis d'achat de possession d'une arme. Alors, je me dis, honorables sénateurs, que je ne vois vraiment pas comment le projet de loi C-19 contribue à la sécurité du public. Dans mon esprit, il produit l'effet inverse.

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, gouverner, c'est choisir, choisir entre différentes options pour prévenir la criminalité et augmenter la sécurité dans nos rues. Avant toute chose, il m'importe de faire ces quelques remarques concernant le registre des armes à feu.

Son adoption en 1995 fut une réponse politique aux nombreuses revendications et représentations des victimes et des familles de victimes de la tuerie de Polytechnique. Ce drame horrible survenu le 6 décembre 1989 a bouleversé toute notre société et a même trouvé un écho hors de nos frontières. Les êtres humains, peu importe leur nationalité, sont toujours ébranlés par de tels comportements fous et inhumains. De plus, faut-il le rappeler, ce drame a ébranlé notre collectivité, car il visait spécifiquement les femmes.

Marc Lépine, le tireur fou de cette tuerie, n'a pas que tué 14 femmes, il a fait feu en quelque sorte sur toutes les femmes du Québec et du Canada. Marc Lépine connaissait-il spécifiquement ses victimes? Les avait-il même déjà rencontrées? La réponse est non à ces deux questions. Ne connaissant pas personnellement ses victimes, sa rage meurtrière ne s'adressait pas à elles en tant que personnes, mais plutôt à elles en tant que femmes. Il a fait feu sur les femmes du Québec et du Canada. Consciemment ou pas, c'est comme cela que nous avons absorbé ce choc.

Sans minimiser la douleur spécifique ressentie par les familles et les proches des 14 femmes tuées le 6 décembre 1989, ce drame atroce a eu une portée virulente à l'encontre d'une de nos valeurs les plus fondamentales : l'égalité des hommes et des femmes, lutte menée depuis des décennies principalement par des femmes courageuses et des pionnières. La tuerie de Polytechnique aura provoqué un traumatisme d'autant plus grand. Cette barbarie a touché le cœur de notre nation, mais cette barbarie a été le fait d'un homme excessivement perturbé, visiblement déconnecté du réel, vivant une période de folie meurtrière.

Une fois les plaies les plus vives cicatrisées, différents groupes se sont mobilisés afin de revendiquer des lois plus sévères et contraignantes. L'extrême émotivité entourant le drame qui sous- tendait leurs revendications et actions aura possiblement amené le gouvernement de l'époque à adopter une série de mesures importantes dont certaines ont pu avoir un effet concret, mais d'autres, comme le registre des armes d'épaule, n'ont eu aucun effet sur la prévention. Malheureusement, de toutes les mesures qui ont été adoptées, c'est le registre des armes à feu qui est devenu un symbole du refus de la violence à l'égard des femmes. Aussi, il est, d'une certaine manière, perçu par certains comme un monument érigé à la mémoire des victimes de Polytechnique. Malheureusement, de toutes les mesures de contrôle adoptées, c'est le registre qui s'est avéré le plus inefficace et le plus dispendieux.

Comme parlementaires, nous devons prendre du recul et tenter d'analyser objectivement ce qui nous est présenté. Lorsqu'on prend le temps de regarder et d'analyser les positions de chacun dans le dossier du registre des armes à feu, on se rend rapidement compte qu'aucune étude sérieuse n'est venue prouver son efficacité en matière de prévention des homicides.

En fait, comme l'a souligné mon collègue, le sénateur Boisvenu, une étude menée récemment à l'Université McMaster a révélé que le resserrement des lois sur le contrôle des armes à feu n'a eu aucun effet sur le taux d'homicides et les homicides entre conjoints au Canada. Le chercheur chargé de cette étude, un résident du département de médecine d'urgence de l'Université McMaster, a découvert que la baisse globale du nombre de crimes mettant en cause une arme à feu pourrait être attribuable à une population plus riche et plus âgée plutôt qu'à de quelconques mesures de contrôle des armes à feu, et que l'adoption de programmes sociaux améliorés visant à combattre les causes de la violence armée serait beaucoup plus efficace qu'une loi.

D'autres études ont conclu à une certaine efficacité des mesures de contrôle des armes à feu. Une étude a particulièrement attiré mon attention puisqu'elle retrace l'ensemble des études sur le sujet. Il s'agit de l'étude menée par le professeur Étienne Blais, professeur à l'École de criminologie de l'Université de Montréal, portant sur l'Effet des lois en matière de contrôle des armes à feu sur les homicides au Canada de 1974 à 2004. Cette étude a été publiée en 2011. De fait, cette étude a tenté de mesurer les impacts des projets de loi C-51, en 1977, C-17, adopté en 1991, et C-68, adopté en 1998. On y trace des indicateurs de rendement afin de mesurer les impacts réels de ces trois lois sur les taux d'homicides. Ces indicateurs vont de la province d'origine, de la proportion d'hommes âgés entre 15 et 24 ans, du taux de chômage, de la consommation de bière per capita, des homicides commis par arme à feu par 100 000 habitants, des homicides commis par arme à feu à autorisation restreinte ou prohibée ou à l'aide d'un fusil de chasse ou de carabine par 100 000 habitants. En fait, à sa lecture, ce qui semble donner les meilleurs résultats en termes de prévention est la vérification des antécédents de la personne au moment de la demande de permis de possession d'arme à feu, les mesures d'entreposage efficace des armes à feu et les retraits de permis de possession d'arme à feu.

Car voilà, honorables sénateurs, si une chose a été prouvée, c'est qu'il y a une baisse de mortalité par arme à feu depuis 1979, bien avant la mise en place du registre des armes à feu, mais plusieurs mesures ont aussi été adoptées depuis ces années pour contrôler l'individu qui a le droit de posséder une arme.

Aucune recherche n'est venue nous prouver qu'il y avait un lien entre cette baisse de mortalité par arme à feu et l'inscription à un registre national. Ce qui est important, c'est de contrôler l'individu qui a le droit de posséder une arme plutôt que de contrôler le numéro de son arme.

Un fait demeure : l'installation du registre des armes à feu a coûté une fortune aux contribuables. Selon le vérificateur général du Canada, le registre des armes à feu a coûté plus de 2 milliards de dollars et il n'existe aucune preuve concrète qu'il a permis d'éviter la perpétration d'un seul acte criminel. Ce montant aurait pu être dépensé à des fins bien plus judicieuses, notamment la prévision du crime armé et l'adoption d'outils plus efficaces pour les autorités policières et les tribunaux dans l'arrestation et la condamnation de contrevenants.

Imaginez un moment ce que nous aurions pu faire avec 2 milliards de dollars. Deux milliards de dollars, c'est 2 000 policiers de plus pendant 10 ans ou, si vous préférez, c'est 4 000 intervenants de milieu aussi pendant 10 ans. Vous y pensez, j'ai personnellement l'intime conviction que 2 000 policiers ou 4 000 intervenants de milieu de plus auraient eu assurément plus de résultats qu'un registre dont on a peine à mesurer les effets après 17 ans d'expérience.

Certaines personnes prétendent que les lois sur le contrôle des armes à feu sauvent des vies. Permettez-moi de commenter brièvement ce mythe. Pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, les autorités policières ont répété que le registre des armes d'épaule n'aidait en rien à prévenir les crimes mettant en cause une arme à feu. Les lois sur le contrôle des armes à feu sont impuissantes pour s'attaquer aux causes profondes du crime et pour empêcher les criminels de se livrer à des fusillades en pleine rue. Les témoignages et les preuves qu'on nous a présentés sont éloquents.

(1850)

Le registre des armes d'épaule ne contribue pas du tout à mettre fin au crime armé ni n'a permis de sauver des vies canadiennes.

Honorables sénateurs, la vérité, c'est que, sur le plan législatif, la forme de contrôle des armes à feu la plus efficace demeure le système d'octroi de permis. C'est pourquoi le projet de loi C-19 garde le système en vigueur actuellement. C'est également la raison pour laquelle il préserve le régime très sévère de contrôle des armes à feu à autorisation restreinte et des armes à feu prohibées. En fin de compte, le registre des armes à feu n'est qu'une banque de données à laquelle les propriétaires d'armes à feu respectueux des lois ont été obligés d'adhérer. Par sa mise en œuvre, le projet de loi qui nous occupe éliminera l'exigence portant sur l'enregistrement des armes d'épaule sans restrictions.

L'abolition de ce registre permettra de rediriger les ressources d'un programme qui s'est révélé inefficace, lourd et gourmand avec l'argent des contribuables vers des mesures de contrôle des armes à feu et de prévention du crime qui ont fait leurs preuves. Or, les mesures absentes du projet de loi C-19 sont toutes aussi importantes que celles qu'il contient. Par exemple, le texte n'apporte aucune modification au système canadien de permis de port d'arme.

Les personnes souhaitant acquérir et posséder une arme d'épaule ou tout autre type d'arme devront toujours se procurer les permis nécessaires. Ici, j'aimerais corriger une affirmation des sénateurs Chaput et Hervieux-Payette. Les honorables sénateurs ont mentionné plus tôt dans la journée que le projet de loi C-19 éliminait l'obligation pour un acheteur de présenter son permis lors de l'achat d'une arme à feu. Cette obligation n'existe pas plus dans la loi actuelle. La seule obligation faite à l'acheteur est celle d'avoir un permis en règle lors de l'achat.

L'actuel article 23(a) de la loi stipule que :

le cessionnaire est effectivement titulaire d'un permis l'autorisant à acquérir et à posséder une telle arme [...]

On n'y retrouve aucune obligation de présenter son permis. Le projet de loi C-19 ne vient aucunement modifier cet article. Toutefois, le projet de loi C-19 introduit une nouvelle disposition, à son article 23(1), qui donne la possibilité au vendeur de vérifier auprès du directeur si l'acheteur est bel et bien détenteur du permis mentionné à l'article 23(a), ce que nous n'avions pas dans l'actuelle loi. Elles devront toujours se soumettre à une vérification approfondie des antécédents et réussir le cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu avant d'obtenir leur permis.

Honorables sénateurs, comme le prescrivent les règlements habituels, ces personnes seront soumises à une vérification poussée afin de déterminer qu'elles n'ont pas d'antécédents d'infraction criminelle violente ou de maladie mentale associée à la violence, qu'un tribunal n'a pas délivré à leur endroit une ordonnance d'interdiction de posséder une arme à feu et qu'elles ne présentent pas une menace à la sécurité.

Le projet de loi C-19 ne vient en rien modifier cet état de choses. En fait, notre gouvernement a pris des mesures ayant pour but de renforcer le système d'octroi de licence.

[Traduction]

Depuis 2006, on a investi 7 millions de dollars supplémentaires par année pour renforcer l'évaluation initiale des demandeurs d'un premier permis d'arme à feu. Ce financement permet aux fonctionnaires d'examiner 20 000 demandes supplémentaires par année, y compris les demandes de permis restreint.

[Français]

Notre gouvernement a également agi afin d'améliorer la conformité à l'actuelle législation fédérale sur les armes à feu et faire en sorte qu'un nombre accru de propriétaires d'armes détiennent un permis et, par conséquent, soient soumis à la vérification continue d'admissibilité. De telles mesures de vérification continues font en sorte que le propriétaire d'une arme à feu détenant un permis et qui fait preuve d'un comportement à risque élevé sera immédiatement porté à l'attention des forces de l'ordre. D'ailleurs, il existe une ligne 1-800 qui permet aux personnes préoccupées, mais de façon non urgente, en matière de sécurité publique liée aux armes à feu de signaler ces situations.

Ainsi donc, plusieurs mécanismes existent déjà et continueront d'exister pour contrôler les armes à feu, que l'on pense aux ordonnances interdisant la possession d'une arme à feu, au refus simple lors de la demande initiale, à la révocation des permis valides.

Pour comprendre l'impact de toutes ces mesures, il est intéressant de constater qu'en 2005 on comptait 58 709 personnes qui avaient une interdiction visant une arme à feu. Sous notre gouvernement, ce nombre est passé à 301 048 en 2010.

Il faut comprendre, honorables sénateurs, que le registre des armes à feu n'est qu'une des nombreuses mesures mises de l'avant pour encadrer l'utilisation des armes à feu. L'évaluation de la mise en œuvre du Programme canadien des armes à feu en recense une vingtaine de mesures, allant de l'imposition de sentences minimales à l'examen minutieux des titulaires de permis, à la vérification continue de l'admissibilité...

Son Honneur le Président suppléant : Honorable sénateurs, le temps de parole du sénateur est écoulé.

Le sénateur Carignan : Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Carignan : ... à l'exigence de suivre des cours de sécurité de maniement d'arme à feu, à la réglementation sur l'entreposage sécuritaire des armes à feu et des munitions, et cetera. Un nombre impressionnant de mesures spécifiques existent pour contrôler les armes à feu et c'est fort probablement ce qui explique que, depuis 2006, c'est plus de 300 000 personnes qui se sont vu imposer une interdiction de possession d'une arme à feu.

[Traduction]

En plus de maintenir le régime de délivrance de permis existant, le projet de loi C-19 ne modifie pas non plus la disposition selon laquelle les propriétaires d'armes à feu prohibées ou à utilisation restreinte, y compris toutes les armes de poing et les armes automatiques, sont tenus d'enregistrer ces dernières dans le cadre du Programme canadien des armes à feu de la GRC.

[Français]

Honorables sénateurs, le projet de loi C-19 permettra d'atteindre un équilibre en préservant l'actuel système d'octroi de permis, en conservant l'enregistrement obligatoire des armes à autorisation restreinte et des armes prohibées tout en abolissant l'exigence portant sur l'enregistrement légal des carabines et fusils de chasse.

Notre gouvernement s'est engagé à rendre nos collectivités plus sûres, mais le registre des armes d'épaule ne contribue en rien à atteindre cet objectif. En guise de conclusion, honorables sénateurs, permettez-moi de résumer de nouveau les résultats que le projet de loi C-19 nous permettra d'atteindre.

Il éliminera l'obligation pour les propriétaires d'arme d'épaule respectueux des lois d'enregistrer leur arme d'épaule sans restriction. Il éliminera le fardeau porté par les chasseurs, les agriculteurs et les chasseurs sportifs respectueux des lois que l'on a traités comme des criminels pendant trop longtemps.

Il remettra l'accent sur les outils utilisés par les autorités policières qui ont fait leurs preuves, qui sont fiables et qui donnent les résultats escomptés.

Au même moment, le système d'octroi rigoureux actuellement en vigueur, qui compte parmi les mesures concrètes et responsables en matière de contrôle des armes à feu, demeurera inchangé.

Honorables sénateurs, en mai dernier, nous avons énoncé pour les Canadiennes et les Canadiens un plan clair expliquant comment nous réaliserons notre mandat. Nous avons promis de présenter de nouveau notre ensemble de mesures sur la loi et l'ordre et de l'adopter dans les 100 premiers jours de séances du Parlement. C'est pour cette raison que j'invite tous les honorables sénateurs à examiner le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui et à l'adopter.

Le sénateur Chaput : Honorables sénateurs, je suis d'accord lorsque le sénateur dit que le projet de loi C-19 n'enlève pas l'obligation de présenter un permis. Vous n'avez pas bien interprété ce que j'ai dit tout à l'heure.

Maintenant, je poserai la question suivante : est-ce que le projet de loi C-19 élimine toutefois l'obligation du vendeur de vérifier la validité du permis de la personne qui achète?

(1900)

Le sénateur Carignan : Pas du de tout. La personne n'a pas le droit de vendre son arme à quelqu'un qui n'est pas détenteur d'un permis. Si elle le fait, elle commet une infraction punissable d'un maximum de cinq ans de prison. C'est la raison pour laquelle, en tant qu'avocat, si j'avais à conseiller une personne qui vend son arme, je lui suggérerais de poser la question.

La loi ne l'oblige pas à poser la question, mais elle n'a pas le droit de vendre à quelqu'un qui n'a pas de permis; si elle a des motifs raisonnables de croire que la personne n'a pas de permis, elle ne peut pas lui vendre. Donc, comment vérifier si on n'a pas des motifs raisonnables et probables de croire que la personne n'a pas de permis? La meilleure façon, c'est de poser la question.

Le sénateur Chaput : Et quelle est, honorable sénateur, la définition de « motifs raisonnables »?

Le sénateur Carignan : Je crois que, quand on vend une arme, surtout pour un magasin tel que Canadian Tire ou un commerce de ce genre, il n'y a pas de motif, il n'y a pas d'autre façon que de poser la question. Je ne pense pas que des magasins ou des commerces, en pareille matière, puissent se permettre de commettre seulement une infraction, compte tenu des conséquences que cela aurait. Donc, il est évident que ces gens vont vérifier ces aspects.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, je reviendrai sur ce point très précis dans quelques instants.

[Traduction]

J'aimerais faire écho aux sentiments exprimés hier par le sénateur Lang, qui a dit qu'au sein de notre comité, tous les membres comprennent maintenant mieux l'autre côté. Je dirai que la personne qui m'a le plus aidée à mieux comprendre les gens d'en face, c'est le sénateur Lang lui-même; sa passion, sa conviction, son honnêteté et sa transparence dans sa façon de parler de ce qui lui tenait à cœur ont été pour moi beaucoup plus persuasives que n'importe quel témoin venu appuyer le projet de loi C-19.

On nous dit que le registre n'est pas parfait. Aucune base de données n'est absolument parfaite. Que le registre ne soit pas parfait ne le rend pas inutile et n'empêche pas qu'on puisse s'en servir comme outil. J'aimerais simplement signaler que s'il est imparfait et contient des erreurs, cela s'explique par des raisons dont on a tendance à ne pas tenir compte. Ainsi, dès le départ, certaines personnes ont entrepris de le saboter, non seulement en bloquant les lignes téléphoniques, mais en faisant de fausses inscriptions, comme on nous l'a rappelé hier, en enregistrant même des fusils à colle.

L'amnistie que le gouvernement a accordée presque aussitôt arrivé au pouvoir et qu'il a renouvelée cinq fois a sans doute aussi contribué au fait qu'une bonne partie des renseignements figurant dans le registre ne sont pas à jour.

Enfin, je ferai remarquer que, selon le vérificateur général, de nombreuses erreurs ont trait au transfert de données antérieures concernant les armes de poing, mais non les armes d'épaule.

On nous dit que, entre autres imperfections, le registre n'est pas vraiment compris de nombreux agents de police, qui font par conséquent des erreurs lorsqu'ils l'administrent, faute d'avoir été adéquatement formés. Si les agents de police n'ont pas reçu la formation voulue, qu'on les forme. Ce n'est pas une excuse pour abolir l'outil.

Revenons à la raison d'être du registre. Celui-ci a été conçu pour réduire — et non éliminer — le risque de décès et de blessures attribuables à des armes à feu, et il y est parvenu, quoi qu'en disent ceux qui n'en voient pas l'utilité.

Le sénateur Eggleton, notamment, nous a fourni des statistiques au sujet de la diminution des décès attribuables à des armes à feu même si la population a augmenté. Il a parlé, tout comme d'autres d'ailleurs, de la possibilité de déjouer les plans de ceux qui pourraient vouloir imiter le tueur du Collège Dawson et a invoqué la tragédie de Mayerthorpe, indiquant que le registre avait permis d'identifier les armes en cause. Il existe d'autres exemples de l'utilité du registre des armes à feu. Heather Imming, qui a subi la violence de son conjoint, estime que c'est grâce au registre, qui a permis de confisquer l'arme de celui-ci, qu'elle a eu la vie sauve.

Il y en a eu un autre cas, en février dernier. Un employé d'un magasin de chasse de la Colombie-Britannique a été accusé d'y avoir volé 159 armes à feu et d'en avoir fait le trafic par l'entremise de sites Web populaires auprès des amateurs de fusils. Selon les policiers, le registre a permis d'appréhender le suspect et de récupérer les 159 armes volées. Cet exemple nous rappelle que même s'il est vrai, comme on l'entend souvent, que les criminels n'enregistrent pas leurs armes à feu, ils en volent, et il n'est pas rare que ces armes volées soient retrouvées grâce à l'information de base contenue dans le registre au sujet de leur source originale, de leur véritable propriétaire.

Ce type d'exemple illustre pourquoi tant de gens, y compris des policiers, sont favorables au maintien du registre. Il a été question d'un sondage douteux mené auprès de policiers de première ligne. Pourtant, tous les services de police de première ligne au pays, depuis les policiers eux-mêmes jusqu'aux chefs de police, tous appuient le registre, et les exemples que j'ai évoqués montrent bien pourquoi ils s'en servent. On nous a dit que des 17 000 requêtes faites chaque jour, beaucoup sont probablement automatiques et ne comptent pas vraiment. Or, même les requêtes automatisées produisent parfois de l'information utile, automatiquement, par exemple lorsqu'on intercepte une voiture suspecte, ne serait-ce que pour un contrôle routier.

Ainsi, un des points qui me frappe, c'est que l'an dernier, au cours de la période de neuf mois qui s'est terminée le 30 septembre, il y a eu en moyenne 363 requêtes par jour portant expressément sur le numéro de série des armes — 363 par jour, soit plus de 130 000 par année. Les policiers se servent donc du registre.

Le registre a contribué à la soumission de 18 000 affidavits aux tribunaux relativement à des crimes commis avec une arme à feu et à la révocation de 2 000 permis de possession d'arme chaque année, que ce soit au moyen d'une ordonnance de la cour ou par les policiers eux-mêmes. Grâce au registre, lorsque ces permis sont révoqués, chaque année, 4 500 armes à feu sont saisies chez des personnes dont il a été déterminé qu'elles ne devraient pas en posséder et qu'elles représentent un danger public. Il n'est pas du tout question de retirer leurs armes aux honnêtes citoyens qui les utilisent comme il se doit, mais certaines personnes ne devraient pas avoir accès à une arme à feu.

Il est aussi beaucoup question des coûts. La fameuse somme de 2 milliards de dollars a été galvaudée. Avant tout, gardons à l'esprit que ce qui a été dépensé pour mettre le registre sur pied l'a été une fois pour toutes et ne pourra jamais être récupéré.

Quoi qu'il en soit, l'essentiel des sommes consacrées au lancement du registre et à son maintien aujourd'hui, c'est-à-dire au système de contrôle des armes à feu, tout cela est associé au système de délivrance des permis et non au registre des armes d'épaule. Le registre des armes d'épaule représente moins de 10 p. 100 du coût de fonctionnement de notre système de contrôle des armes à feu. La GRC soutient que l'abolition du registre des armes d'épaule ne lui fera épargner que 4 millions de dollars par année, alors que les frais d'enquête policière, eux, comme il a été souligné, augmenteront évidemment.

Comparez maintenant ce coût à celui que représente pour la société canadienne la violence liée à l'utilisation des armes à feu. Les estimations varient de 3 à 6 milliards de dollars par année. Entre vous et moi, ne devrait-on pas conserver un outil dont les coûts sont évalués à 4 millions dollars s'il permet de réduire les dépenses de l'ordre de 3 à 6 milliards de dollars?

Parce qu'on y oppose souvent les secteurs urbains aux secteurs ruraux du Canada, ce débat suscite parfois des réactions très émotives, surtout au sein des populations autochtones, parce que l'utilisation des armes à feu pour chasser fait souvent partie intégrante de leur mode de vie. Or, les problèmes liés aux armes à feu existent aussi dans les milieux ruraux et les collectivités autochtones. Par exemple, les collectivités où l'on trouve davantage d'armes à feu que la moyenne sont aussi celles qui enregistrent les taux de suicide les plus élevés, comme c'est notamment le cas chez les Autochtones des secteurs ruraux de l'Alberta. D'autres études révèlent que les femmes autochtones ou vivant en milieu rural sont beaucoup plus nombreuses à avouer qu'elles craignent profondément la violence conjugale lorsqu'il y a des armes à feu dans la maison.

(1910)

Ce dernier élément nous rappelle que toute cette question concerne surtout les femmes. Pas seulement elles, évidemment : si vous êtes mort, vous êtes mort, peu importe que vous soyez un homme ou une femme. Les femmes sont néanmoins particulièrement concernées parce que les carabines et les fusils de chasse sont les armes les plus souvent utilisées pour menacer ou tuer les femmes et leurs enfants. C'est pourquoi je trouve aussi aberrant et inexcusable que le gouvernement ne semble pas avoir réalisé d'analyse comparative entre les sexes avant de présenter son projet de loi.

Ce projet de loi renferme beaucoup d'éléments néfastes. Que se passera-t-il si nous l'adoptons sans amendement, comme le gouvernement est décidé à le faire? Quelles en seront les répercussions? Pour commencer, nous violerions une série d'obligations internationales, comme nous l'a rappelé le sénateur Hervieux-Payette. Au moins quatre ou cinq instruments internationaux exigent que l'on puisse retracer les armes à feu, que ce soit la possession, la vente ou le transfert des armes à feu.

Nous avons interrogé un fonctionnaire qui était censé connaître le dossier. il nous a dit qu'après l'adoption du projet de loi C-19, il sera possible de retracer les armes à feu de différentes façons. Ce fonctionnaire n'a toutefois pas précisé comment il serait possible de retracer une arme à feu sans adopter une nouvelle loi. Or, voilà ce qu'il faudra faire pour que le Canada respecte ses obligations internationales.

Dans ce contexte, comme je l'ai mentionné au comité, j'ai été particulièrement surprise par le cas du Protocole sur les armes à feu des Nations Unies, qui exige que les armes à feu puissent être retracées. Lors de la réunion des chefs d'État du Commonwealth tenue en octobre dernier, le premier ministre a exhorté ses homologues à respecter toutes les obligations issues du droit international et a demandé à tous les pays de signer et de mettre en œuvre ce protocole. Je suis incapable de trouver un iota de sincérité dans ces deux positions; je suppose que ni l'une ni l'autre n'était sincère.

Ici, au Canada, les relations fédérales-provinciales en prendront un coup. Comme nous l'avons entendu, le Québec souhaite instaurer un registre des armes à feu pour ses propres citoyens — ce qui est permis par la Constitution — et il a demandé au gouvernement de négocier le transfert des données. Le ministre de la Sécurité publique du Québec, Robert Dutil, a écrit une lettre au comité :

[Français]

Le Québec souhaiterait convenir dès que possible des modalités de transfert des données inscrites au SCIRAF (le registre) qui concernent les citoyens québécois. Il s'agirait là, à notre avis, d'une belle occasion pour le gouvernement fédéral de traiter ce dossier dans l'esprit d'un fédéralisme coopératif.

[Traduction]

Pour le fédéralisme coopératif, on repassera. Ce projet de loi, loin de favoriser les négociations, prescrit la destruction des données aussitôt que possible après son adoption. On ignore si « aussitôt que possible » se traduira par dix secondes, dix minutes, dix heures ou dix jours une fois la loi en vigueur, et c'est bien sûr pourquoi le gouvernement du Québec doit s'adresser aux tribunaux pour obtenir une injonction.

En outre, le projet de loi crée d'énormes lacunes dans notre système, ce qui est pire encore du point de vue de M. et Mme Tout- le-Monde. D'abord, il y a la question des armes à feu sans restrictions. Certains sénateurs ont vu le courriel que j'ai fait circuler...

Le sénateur LeBreton : Qui était une farce.

Le sénateur Fraser : J'aimerais bien qu'il s'agisse d'une farce.

Le sénateur LeBreton : C'était ridicule.

Le sénateur Fraser : Toujours est-il que ce courriel contenait des illustrations d'armes ne faisant l'objet d'aucune restriction au Canada. À l'heure actuelle, elles doivent, comme toutes les armes à feu, être enregistrées. La carabine employée à l'École Polytechnique fait partie de ces armes. La même fut utilisée, comme le soulignait le sénateur Hervieux-Payette, pour tuer 77 jeunes en Norvège l'été dernier.

Lorsque le registre ne sera plus là, honorables sénateurs, ces armes pourront encore être détenues sans restriction et être acquises sans difficultés. On peut les acheter sur Internet. Il n'y aura aucun moyen de savoir qui, au Canada, se promène avec des armes qui sont en fait vendues comme fusils d'assaut. Dans certains cas, leurs fabricants eux-mêmes les appellent fusils d'assaut. Ce ne sont pas des fusils pour la chasse au canard. Si on s'en servait pour abattre un canard, il ne resterait pas grand-chose de la pauvre bête.

Voilà un problème. Le suivant, comme on l'a déjà dit, c'est que les marchands n'ont pas l'obligation de tenir des dossiers. Pendant des années avant l'établissement du registre des armes à feu, les marchands d'armes devaient conserver ce qu'on appelait alors des « livres verts » donnant l'identité des acheteurs. Ces livres étaient à la disposition de la police en cas de besoin.

Nous avons entendu le sergent Murray Grismer, qui est opposé au registre et qui appuie le projet de loi. Il a dit ce qui suit :

Il y a bien des années, avant que je devienne policier, je travaillais dans un magasin de vente au détail d'articles de sport. Je connais très bien les livres qui étaient tenus à cette époque. Le système n'était pas particulièrement contraignant alors, et je ne crois pas que les marchands d'aujourd'hui le trouveraient trop exigeant.

Toutefois, le gouvernement se soucie peu de rétablir ce système. Nous ne reculerons pas de deux décennies. Nous reviendrons plutôt à ce qui existait au milieu des années 1970, au moment où aucun livre n'était exigé. Au comité, les sénateurs du gouvernement ont rejeté un amendement visant à rétablir ce système peu contraignant de tenue de livres, qui aurait aidé la police à faire son travail, qui aurait déchargé les propriétaires d'armes à feu de la responsabilité de tenir des dossiers et qui aurait restitué cette responsabilité aux marchands. Je ne peux pas comprendre pourquoi le gouvernement n'a pas voulu préserver ces livres.

Puis-je avoir cinq minutes de plus, s'il vous plaît?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président suppléant : Cinq minutes.

Le sénateur Fraser : Merci beaucoup, honorables sénateurs.

Comme nous en avons beaucoup parlé ici, il y a aussi la question des permis. Il est malheureusement vrai que le projet de loi n'impose nullement aux marchands de contrôler la validité du permis. D'après le projet de loi, l'acheteur doit posséder — pas présenter, mais simplement posséder — un permis et le marchand — vous noterez le double négatif — ne doit avoir aucun motif de croire que l'acheteur ne possède pas un permis valide. Le marchand n'est pas du tout obligé de vérifier d'une façon quelconque l'existence d'un permis valide. Il est autorisé à appeler le Centre des armes à feu pour demander : « Dites donc, pouvez-vous me dire si telle personne possède un permis valide? » Cela dit, les responsables du centre ne sont pas autorisés à consigner les appels de ce genre.

Nous savons que quelques-uns des pires individus de notre société qui vont acheter des armes à feu sont susceptibles de compter parmi les gens considérés comme les plus paisibles ou même parmi nos voisins. J'attire, par exemple, l'attention des sénateurs sur la personnalité du colonel Russell Williams, qui était auparavant considéré comme une personne très estimable.

Par le passé — disons plutôt en vertu de la loi, telle qu'elle existe encore ce soir —, le marchand n'a pas à vérifier la validité du permis parce qu'il doit, en vertu des dispositions actuelles, appeler les responsables des armes à feu pour leur demander un certificat d'enregistrement pour la personne et pour l'arme. Avant de délivrer ce certificat, les responsables vérifient l'existence d'un permis valide.

Toutefois, il n'y aura plus de certificat d'enregistrement dans le cas des armes d'épaule. Nous en aurons plus de 7 millions — ceux qui sont actuellement enregistrés — et tous ceux qui seront achetés sans que nous ayons un moyen quelconque de savoir qui les possède, où elles se trouvent et quelle est leur origine, et encore moins de savoir si elles sont entre les mains de criminels ou de personnes qui ont perdu leur permis, comme cela se produit près de 2 000 fois par an, par suite de troubles émotionnels, par exemple.

(1920)

Nous avons aussi proposé un amendement sur la vérification des permis, et les sénateurs ministériels s'y sont également opposés.

Le sénateur Tardif : C'est une honte.

Le sénateur Fraser : Je ne parviens pas à comprendre ou à expliquer pourquoi le gouvernement, qui est toujours prêt à se vanter de son dévouement à la police et aux victimes, est si déterminé à aller de l'avant avec un projet de loi auquel les policiers et la majorité des victimes s'opposent.

Les sénateurs auraient dû entendre ce que certains de leurs représentants nous ont dit. Voici ce qu'a dit Steve Sullivan, le représentant des victimes à Ottawa : « nous parlons de ce que peuvent ressentir les propriétaires d'armes. Je m'excuse si c'est ce qu'ils ressentent mais, avec tout le respect que je leur dois, nous [les personnes qui s'occupent des victimes] avons affaire à des personnes qui sont réellement terrorisées et effrayées. » Il ajoute un peu plus tard que « les propriétaires d'armes se sentent peut-être ciblés, mais les personnes que nous représentons le sont réellement. »

C'est la terrible vérité, honorables sénateurs. Ce ne sont pas les propriétaires d'armes à feu respectueux des lois qui causent des problèmes. Ce sont les gens dangereux qui ne devraient pas posséder d'armes et qui pourront maintenant s'en procurer beaucoup plus facilement. Croyez-moi : certains d'entre eux les utiliseront.

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, j'aimerais moi aussi exprimer mon appui pour le projet de loi C-19, la Loi sur l'abolition du registre des armes à feu. Cette mesure législative, qui est le fruit de 17 années d'efforts, éliminera finalement cette exigence insensée qui oblige les gens à enregistrer les armes à feu sans restrictions comme les armes d'épaule. Cette exigence a été mise en place par les libéraux en 1995. Comme il l'a été dit de nombreuses fois ce soir et par le passé, cette exigence s'est non seulement révélée inefficace, mais elle a également entraîné un gaspillage de 2 milliards de dollars et n'a rien fait pour empêcher les criminels de mettre la main sur des armes.

J'aimerais signaler d'entrée de jeu que je ne possède plus d'armes depuis que les libéraux ont mis en place le registre des armes d'épaule. Avant cela, je possédais trois armes d'épaule que j'avais toujours utilisées de manière responsable et entreposées correctement et sûrement. Toutefois, je ne voulais pas les enregistrer. Je m'en suis donc débarrassé avant l'entrée en vigueur du registre.

Le sénateur Chaput a déclaré — et j'aimerais la citer correctement, quoique j'emploierai peut-être des termes un peu différents — que ce ne sont pas les fusils qui tuent, mais bien les gens.

Nous avons entendu plusieurs sénateurs parler du massacre de l'École Polytechnique en parlant de cette mesure législative. Ce massacre fut un événement épouvantable à Montréal, en 1989. Marc Lépine, 25 ans, a tiré sur 28 personnes, visant surtout les femmes, avant de s'enlever la vie. Il était armé d'un Ruger Mini-14, une arme d'épaule, qu'il avait obtenue légalement. Je répète : qu'il avait obtenue légalement.

Que cette arme ait été obtenue légalement n'a rien changé au fait que Marc Lépine était misogyne et qu'il était un criminel violent. C'est lui qui a abattu sans pitié 14 femmes innocentes. Plutôt que de créer ce registre inefficace et coûteux, le gouvernement libéral aurait dû prévoir des peines plus lourdes pour les criminels violents.

Depuis plusieurs années, c'est à Winnipeg qu'il y a le plus grand nombre d'homicides par personne du Canada. En outre, en 2010, c'est le Manitoba qui a enregistré le taux d'homicides le plus élevé parmi toutes les provinces et tous les territoires. Un grand nombre des criminels violents sont recrutés par des gangs. Parm Gill, députée de Brampton—Springdale, a récemment présenté à l'autre endroit le projet de loi C-394, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale (recrutement par des organisations criminelles).

Ce projet de loi vise à lutter contre le problème du recrutement de jeunes, innocents et vulnérables, qui sont activement ciblés par des organisations criminelles. Il fournira aux responsables de l'application de la loi et à notre système de justice les outils nécessaires pour obliger ces criminels à répondre de leurs actes et pour protéger nos jeunes.

Le gouvernement conservateur s'est vu confier un mandat solide et renouvelé. Nous avons présenté et adopté des mesures législatives qui permettront de lutter contre la criminalité et d'envoyer les criminels violents derrière les barreaux. Le gouvernement continuera de mettre l'accent sur des mesures qui permettent de faire échec à la criminalité et de renforcer la sécurité de nos collectivités. Voici ce qu'a déclaré récemment le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews :

Nous avons introduit des peines minimales obligatoires pour les infractions commises avec une arme à feu et nous ciblons les individus qui participent à des activités criminelles dangereuses comme les fusillades depuis une voiture. Nous avons également financé de nombreux programmes dans le cadre de la Stratégie nationale pour la prévention du crime pour prévenir la perpétration d'actes criminels avec une arme à feu. Nous assurons la sécurité des Canadiens en adoptant des lois strictes et efficaces et en mettant en place des programmes de prévention, non en augmentant inutilement les tracasseries administratives et en ciblant les Canadiens respectueux de la loi.

Les libéraux et les néo-démocrates se sont farouchement opposés à nos mesures législatives pour réprimer la criminalité à toutes les étapes. Il est tout à fait déconcertant que l'opposition s'imagine qu'un criminel va enregistrer son arme à feu avant de s'en servir pour commettre un acte criminel. Pourtant, le registre des armes d'épaule traite en criminels les chasseurs, les agriculteurs et les tireurs sportifs qui respectent les lois.

Un très bon ami à moi qui, comme moi, réside à Landmark, au Manitoba, chasse toutes sortes d'animaux sauvages — entre autres les chevreuils, les orignaux, les orignaux, les ours et les dindes sauvages — avec ses fils. Ils chassent à l'année longue et utilisent diverses armes à feu, notamment des armes à chargement par la bouche, des armes d'épaule, des arcs et des flèches, ainsi que des arbalètes. Ils respectent toutes les consignes de sécurité liées à l'utilisation et à l'entreposage de leurs armes. De plus, ils ont suivi tous les cours de sécurité prescrits. Ils sont opposés, avec raison, à ce registre depuis qu'il a été créé en 1995. Dorénavant, ils seront libres d'utiliser leurs armes à feu en toute sécurité sans s'exposer à des représailles.

En dépit de l'adoption du projet de loi C-19, toutes les personnes qui détiennent une arme à feu devront détenir un permis d'arme à feu valide, se soumettre à une vérification des antécédents par la police et réussir le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu. En outre, elles devront continuer à enregistrer les armes à feu prohibées et à autorisation restreinte, comme les armes de poing.

Honorables sénateurs, je crois que nous devons nous attaquer aux problèmes de fond, notamment à l'entreposage non sécuritaire des armes à feu, qui est à l'origine de plusieurs accidents et décès, et résoudre le problème des gens qui manient des armes à feu sans avoir suivi le cours obligatoire.

Selon un rapport publié par Statistique Canada en 2003, sur les 526 victimes de tentatives de meurtre recensées partout au Canada cette année-là, 82 p. 100 n'avaient pas été blessées par une arme à feu. Sur les 93 victimes de tentatives de meurtre qui avaient effectivement été blessées par une arme à feu, 72 p. 100 avaient été blessées par une arme de poing. Or, les armes de poing sont des armes à feu prohibées et à autorisation restreinte et le resteront, même après l'adoption du projet de loi C-19.

En outre, on n'a utilisé une arme à feu que pour 29 p. 100 des 548 meurtres commis en 2003. Du lot, seulement 6 p. 100 étaient enregistrées. Les autres armes, c'est-à-dire 94 p. 100, n'étaient pas enregistrées ou le gouvernement n'en connaissait pas le statut, car elles avaient été volées ou leur numéro de série avait été effacé, ce qui m'amène encore une fois à la question suivante : pourquoi traitons-nous des citoyens respectueux de la loi, des agriculteurs et des chasseurs de canards qui se servent légitimement d'armes d'épaule, comme des criminels?

Honorables sénateurs, il est temps de faire ce qui s'impose, à savoir abolir cette mesure inefficace et coûteuse, ce gâchis libéral de 2 milliards de dollars. J'invite tous les sénateurs à voter en faveur du projet de loi C-19.

(1930)

Son Honneur le Président suppléant : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président suppléant : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président suppléant : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président suppléant : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président suppléant : Convoquez les sénateurs. Les whips ont-ils une recommandation à faire en ce qui concerne la sonnerie?

L'honorable Jim Munson : En vertu du Règlement du Sénat, j'aimerais reporter le vote.

Son Honneur le Président suppléant : Le vote est reporté à demain, à 17 h 30.

Projet de loi sur les élections au sein de premières nations

Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Patterson, appuyée par l'honorable sénateur Ogilvie, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-6, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi S-6, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs.

Honorables sénateurs, le parrain du projet de loi a souligné les avantages de celui-ci il y a quelques semaines, et je n'insisterai pas sur ceux-ci ce soir. La semaine dernière, un critique du projet de loi a parlé de certains problèmes quant au processus, et je n'ai pas l'intention de dire grand-chose à ce sujet. Je pense que les membres du comité n'ont pas eu l'occasion d'entendre les arguments en faveur de certains amendements dont a discuté un petit groupe d'entre nous lors d'une petite réunion du comité. Je crois que cela a été une erreur. À mon avis, nous aurions dû réunir tout le comité avant de procéder à l'étude du projet de loi article par article, afin d'expliquer le raisonnement motivant la proposition de certains amendements.

Je tenterai ce soir de convaincre les membres du comité, ainsi que les sénateurs d'en face, de l'utilité de proposer au moins un amendement, soit la suppression de l'alinéa 3(1)b) du projet de loi. Voilà, en somme, le propos de mon discours ce soir.

Le projet de loi S-6 a été élaboré à la demande de l'Assemblée des chefs du Manitoba et du secrétariat de l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs. Cette mesure législative, à laquelle l'adhésion est facultative, s'adresse aux Premières nations qui tiennent des élections en vertu de la Loi sur les Indiens. Il contient de bonnes dispositions dont le parrain du projet de loi a fait mention. Je l'ai déjà dit. Les dispositions relatives à l'adhésion facultative ne me posent aucun problème. Cependant, il n'a pas dit grand-chose au sujet du principal problème du projet de loi, soit l'inclusion de l'alinéa 3(1)b). Cette disposition permet au ministre d'obliger une Première nation à adhérer au projet de loi et à tenir ses élections selon les dispositions du projet de loi S-6. En d'autres mots, si le ministre est convaincu qu'un conflit prolongé lié à la direction de la Première nation a sérieusement compromis la gouvernance de celle- ci, il peut décider unilatéralement d'obliger cette Première nation à adopter le système de gouvernance énoncé dans le projet de loi S-6. Pis encore, cette conversion obligatoire ne s'appliquera pas seulement aux 240 bandes qui tiennent des élections en vertu de la Loi sur les Indiens, mais aussi aux 341 bandes qui tiennent des élections selon leur propre coutume. Seulement 36 Premières nations autonomes ne sont pas assujetties à une telle intervention. De toute évidence, l'alinéa 3(1)b) a d'énormes répercussions négatives sur presque toutes les bandes.

Honorables sénateurs, il y a six raisons pour lesquelles l'alinéa 3(1)b) doit être supprimé du projet de loi. Premièrement, tous les témoins, à l'exception du ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord du Canada, l'AADNC, se sont opposés à cet alinéa. Deuxièmement, l'alinéa 3(1)b) est inconstitutionnel. Troisièmement, cet alinéa accroît considérablement les pouvoirs d'intervention du ministre dans les élections tenues en vertu du code coutumier et non seulement dans celles tenues conformément aux dispositions de la Loi sur les Indiens. Quatrièmement, il existe de meilleurs moyens d'intervenir dans des conflits prolongés sur des élections dans les collectivités des Premières nations. Cinquièmement, cet alinéa pourrait être utilisé de façon inopportune. Et enfin, sixièmement, la suppression de l'alinéa 3(1) b) est tout simplement la chose à faire.

Honorables sénateurs, je vais maintenant aborder chacune de ces raisons plus en profondeur. Premièrement, tous les témoins, sauf l'AADNC, se sont opposés à cet alinéa. Les deux organismes régionaux des Premières nations qui ont été les instigateurs de cette mesure législative — l'Assemblée des chefs du Manitoba et l'Atlantic Policy Congress — avaient seulement demandé des dispositions à adhésion facultative. En ce qui concerne l'alinéa 3(1)b), le grand chef Nepinak de l'Assemblée des chefs du Manitoba a dit ceci :

Si vous me le permettez, j'appuie la recommandation selon laquelle les alinéas 3(1)b) et c) doivent être retirés de la mesure législative. Je souscris à votre caractérisation de ces dispositions qui témoignent d'une époque révolue et du recours à une approche paternaliste pour gérer les relations au sein de nos communautés.

En outre, M. John Paul, de l'Atlantic Policy Congress of First Nation Chiefs, a déclaré ceci :

Je crois qu'imposer une volonté extérieure à la collectivité a toujours des conséquences. Nous savons d'expérience que si quelqu'un impose sa volonté aux collectivités, celles-ci réagissent très mal.

Voici ce qu'a déclaré la chef Jody Wilson-Raybould, de l'Assemblée des Premières Nations :

Malheureusement, le pouvoir prévu aux alinéas 3(1)b) et c) du projet de loi [...] illustre plutôt une utilisation inopportune de la loi fédérale, une utilisation malheureuse de la loi fédérale que j'ai mentionnée lors de la rencontre Canada-Premières nations. Essentiellement, ces dispositions donnent au ministre le pouvoir d'imposer à une Première nation des règles de gouvernance fondamentales que la Première nation risque de détester et de juger illégitimes, ce qui jettera sans doute de l'huile sur un feu déjà vif.

Le témoin de l'Association du Barreau canadien a déclaré que les dispositions :

[devraient exclure] explicitement les Premières nations ayant signé des ententes sur l'autonomie gouvernementale et les Premières nations régies par des systèmes coutumiers de gouvernance, à moins que leur consentement ne soit obtenu suivant leurs pratiques traditionnelles ou, à défaut de cela, par l'obtention d'une double majorité des voix.

Les témoins de l'Assemblée des Premières Nations et de l'Assemblée des chefs du Manitoba, ainsi que la chef Cook- Searson, de la Saskatchewan, étaient tous d'avis que l'alinéa 3(1) b) devrait être éliminé du projet de loi. Le message était très clair : il faut éliminer l'alinéa 3(1)b), parce qu'il s'agit d'une disposition inacceptable au XXIe siècle, et parce qu'en n'excluant pas les Premières nations qui tiennent des élections selon la coutume, le projet de loi va au-delà de la portée autorisée par la Loi sur les Indiens en ce qui concerne la mesure législative optionnelle visant les Premières nations.

La deuxième raison justifiant l'élimination de l'alinéa 3(1)b), c'est que ce dernier est anticonstitutionnel. Le témoin de l'Association du Barreau canadien a fait valoir que l'application de l'alinéa 3(1)b) pourrait être contraire au droit à l'autonomie gouvernementale protégé par la Constitution. Le témoin a déclaré ceci :

Permettre au ministre d'imposer un type d'élections aux Premières nations qui tiennent actuellement des élections selon la coutume irait à l'encontre du droit à l'autonomie gouvernementale.

Il a ajouté ce qui suit :

Les vastes pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre pour inclure les Premières nations participantes pourraient avoir des conséquences pour les droits protégés par la Constitution et les principes juridiques internationaux.

De plus, bien que des représentants du gouvernement aient affirmé qu'il n'est arrivé que trois fois, au cours des 10 dernières années, que le ministre ait exigé la tenue d'élections au sein des Premières nations, et bien qu'ils aient souligné que le ministre n'agit ainsi qu'en de rares circonstances, un tel geste perpétue des pratiques archaïques et coloniales et bafoue le droit des Premières Nations de se gouverner elles-mêmes.

Il est particulièrement troublant qu'on envisage de donner ce pouvoir législatif au ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien alors qu'un accord a été conclu en janvier entre les Premières nations et la Couronne fédérale. À cette occasion, le chef national Atleo avait exhorté le gouvernement à « redonner vie aux relations traditionnelles, fondées sur la reconnaissance mutuelle, le partage et la confiance ». Il l'avait aussi exhorté à repenser le programme.

(1940)

La troisième raison pour laquelle il faudrait supprimer l'alinéa 3(1)b), c'est que cette clause donnerait au ministre de nouveaux pouvoirs sur les Premières nations qui appliquent un code coutumier. La Loi sur les Indiens autorise le ministre à intervenir dans les élections des Premières nations et à ordonner la tenue de nouvelles élections pour la « bonne administration » d'une bande, mais ce pouvoir ne s'applique qu'aux 240 Premières nations qui tiennent des élections en vertu de l'article 74 de la Loi sur les Indiens. Si une Première nation applique un code coutumier, le ministre ne peut pas intervenir, sauf si la Première nation en fait la demande par l'entremise de la Politique en matière de règlement des différends pour les élections selon la coutume, ou s'il y a ordonnance de la cour. Toutefois, l'alinéa 3(1)b) du projet de loi S-6 donnerait au ministre le pouvoir d'ajouter des Premières nations qui appliquent un code coutumier à l'annexe du projet de loi S-6. Il serait ainsi autorisé à intervenir dans un règlement de différend relatif aux élections dans une Première nation appliquant un code coutumier, et ce, sans que la Première nation le demande et sans ordonnance de la cour.

Parmi les Premières nations, 341 appliquent un code électoral coutumier. Si le projet de loi S-6 est adopté, le ministre pourra intervenir en cas de conflit prolongé de leadership, et cette intervention aura préséance sur la politique volontaire en matière de règlement des différends pour les élections selon la coutume.

J'insiste sur ce point : le ministre pourra ordonner à n'importe laquelle des 341 Premières nations qui ont des codes électoraux conformes à leur coutume de tenir une élection selon la formule prévue par le projet de loi S-6 s'il estime qu'un conflit prolongé lié à la direction compromet sa gouvernance. C'est là un nouveau pouvoir. Le ministre ne peut agir de la sorte pour l'instant, à moins que la Première nation ou une ordonnance judiciaire ne lui demande de le faire.

En outre, le ministre pourra ordonner à n'importe quelle des 200 Premières nations assujetties à la Loi sur les Indiens de se soumettre aux dispositions du projet de loi au lieu de leur laisser la possibilité de le faire ou non. À l'heure actuelle, le ministre peut seulement ordonner la tenue d'une élection aux termes de la Loi sur les Indiens.

La quatrième raison de supprimer l'alinéa 3(1)b), c'est qu'il y a de meilleurs moyens d'intervenir dans les conflits prolongés au sujet des élections. Des témoins d'AADNC ont affirmé qu'il était nécessaire d'ordonner aux Premières nations en cause de tenir des élections selon la formule du projet de loi S-6 parce que, dans les élections qui se déroulent conformément à la Loi sur les Indiens, aucune disposition ne définit les infractions électorales ni ne prévoit des sanctions pour ces infractions. Il y aurait une solution simple : modifier la Loi sur les Indiens pour y ajouter des dispositions identiques à celles du projet de loi S-6 qui définissent les infractions et les sanctions. Si le ministre ordonne alors la tenue d'une élection aux termes de la Loi sur les Indiens pour une Première nation qui suit le code électoral de sa coutume, des infractions et des sanctions identiques à celles que le projet de loi S-6 prévoit s'appliqueraient.

Les témoins ont aussi affirmé que la vaste majorité des problèmes électoraux surgissent dans les Premières nations qui tiennent des élections aux termes de la Loi sur les Indiens. Modifier cette loi semble donc une bonne stratégie si on veut prévenir ces problèmes. Le fait qu'AADNC insiste sur le maintien de l'alinéa 3(1)b) tel quel donne la nette impression que le ministère veut avoir le pouvoir d'intervenir dans les élections qui se tiennent conformément au code de la coutume.

La cinquième raison de supprimer l'alinéa 3(1)b), c'est que rien ne garantit que le ministre n'en fera pas un usage inapproprié. Le ministère soutient que les Premières nations peuvent faire confiance au ministre, qu'il n'en fera rien, puisqu'il n'est intervenu que trois fois au cours des 10 dernières années. Mais rien ne garantit qu'il en ira de même à l'avenir. Par exemple, comme les pressions en faveur d'une plus grande mise en valeur des ressources naturelles sur les terres des Premières nations ou à proximité se font plus fortes, il y a un grand risque de dissensions importantes. Et lorsque les collectivités des Premières nations, les gouvernements provinciaux et des entités du secteur privé essaieront de négocier des accords, il y aura probablement des conflits prolongés au sujet de la direction dans ces collectivités.

Les autorités fédérales ne sont pas impartiales. Le gouvernement fédéral a ses propres intérêts à défendre, qui peuvent fort bien aller à l'encontre de ceux d'une Première nation donnée. Il est donc possible que le ministre soit porté à ordonner une élection dans l'espoir que soient choisis des dirigeants avec qui on pourra s'entendre plus rapidement.

Enfin, la sixième raison pour laquelle l'alinéa 3(1)b) devrait être supprimé est simple. Ce n'est pas la chose à faire au XXIe siècle. Malgré les efforts considérables déployés par une collectivité des Premières nations pour élaborer son propre code électoral fondé sur ses coutumes, et même s'il a été approuvé par le ministre, ce dernier peut quand même reprendre le contrôle du processus électoral en vertu de l'alinéa 3(1)b) du projet de loi S-6. C'est tout simplement inacceptable. La chef Wilson-Raybould a dit ce qui suit :

[...] les problèmes de corruption et d'irresponsabilité dans les collectivités des Premières nations ne sont certainement pas aussi prononcés qu'on le dit. Sans vouloir vous manquer de respect, je crois qu'il est erroné de penser que l'imposition d'une loi par un gouvernement de l'extérieur réglera ces difficultés.

Honorables sénateurs, il est symptomatique du colonialisme qui subsiste qu'on banalise constamment les droits des peuples des Premières nations et qu'on ne conteste jamais la position du ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien et de son ministre, qui prétendent savoir mieux que quiconque ce qui convient aux peuples autochtones. Les Premières nations ne devraient pas avoir à justifier pourquoi elles veulent restreindre le pouvoir que le ministre détient sur leurs propres élections coutumières.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à ne pas adopter le projet de loi S-6 dans sa forme actuelle, mais à appuyer un amendement en vue d'abroger l'alinéa 3(1)b) qui octroie au ministre le pouvoir d'ordonner à une Première nation de se conformer aux dispositions de ce projet de loi plutôt que de lui donner le choix de le faire ou non. Comme je l'ai dit tout à l'heure, en raison de circonstances imprévues, je n'ai pas pu formuler les observations précédentes au comité. Je demande donc aux membres du Comité des affaires autochtones plus particulièrement de faire ce que les témoins des Premières nations...

Son Honneur le Président suppléant : Madame le sénateur Dyck a-t-elle besoin de plus de temps?

Le sénateur Dyck : Cinq minutes.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Dyck : Merci.

Je demanderais maintenant aux membres du Comité des affaires autochtones plus particulièrement de faire ce que les témoins des Premières nations et de l'Association du Barreau canadien nous ont demandé de faire : voter en faveur d'un amendement visant à supprimer l'alinéa 3(1)b).

Je rappelle aux membres du comité que dans notre rapport sur les élections chez les Premières nations rendu public en mai 2010 et qui s'intitule Élections chez les Premières nations : une question de choix fondamental, nous avons dit :

[...] toute tentative de la part du ministère d'intervenir dans le processus coutumier de choix des dirigeants, une fois que celui-ci a été mis en place, ne peut être qu'une forme d'ingérence déplacée.

L'alinéa 3(1)b) constitue une telle tentative de la part du ministère d'intervenir dans le processus coutumier de choix des dirigeants. Si nous, les membres du comité, nous ne nous prononçons pas en faveur de la suppression de cette disposition, nous nous contredisons. Nous avons en outre recommandé dans notre rapport que le ministère travaille en collaboration avec les bandes assujetties à la Loi sur les Indiens pour les aider à modifier leur régime électoral coutumier ou à le mettre à jour et consacre à cette tâche les ressources voulues. En d'autres mots, il s'agit d'amener les Premières nations à adopter un meilleur système électoral.

Autrement dit, au lieu d'obliger les Premières nations à changer de système électoral pour se conformer aux dispositions du projet de loi S-6, le ministère devrait plutôt les aider à adopter ou à mettre à jour leur code électoral coutumier. Ce serait nettement préférable.

Enfin, nous avons recommandé dans notre rapport la création immédiate d'une commission électorale et d'un tribunal d'appel des Premières nations. L'établissement d'une telle commission serait un meilleur moyen de régler les conflits prolongés lié à la direction dans les collectivités des Premières nations, et le ministre ne sentirait pas qu'il a à s'occuper de ce qui se passe au moment des élections dans les collectivités des Premières nations.

Honorables sénateurs, si nous ne supprimons pas l'alinéa 3(1)b), nous contribuerons à l'effritement des droits des Premières nations. Nous nous ferons les complices d'un crime, celui de ne rien faire alors que nous savons que nous pouvons empêcher quelque chose de mal de se produire.

Même si l'application des dispositions du projet de loi S-6 sera facultative, chaque collectivité des Premières nations ayant la possibilité de décider si elle y adhère ou non, si le projet de loi est adopté avec l'alinéa 3(1)b), le ministre pourra assujettir une collectivité où un conflit lié à la direction se prolonge aux dispositions du projet de loi, qu'elle le veuille ou non.

Honorables sénateurs, agissons comme il se doit, faisons ce qu'il est honorable de faire : adoptons un amendement supprimant l'alinéa 3 (1) b). J'ai exposé six raisons pour lesquelles nous devrions le faire. Les Premières nations méritent notre soutien, qui se manifestera par la suppression de l'alinéa 3 (1) b) du projet de loi S- 6. Je vous prie d'accéder à cette demande.

(1950)

Motion d'amendement

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, par conséquent, je propose que le projet de loi S-6 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié :

a) à la page 3, l'article 3,

(i) en supprimant les lignes 4 à 7;

(ii) en remplaçant les lignes 8 à 13 par ce qui suit :

« b) le gouverneur en conseil a rejeté l'élection du chef ou d'un des conseillers de cette première nation en vertu de l'article 79 de la Loi sur les Indiens sur la foi du rapport du ministre établissant qu'il y a eu des manœuvres frauduleuses à l'égard de cette élection. »;

b) à la page 4, l'article 5, en remplaçant les lignes 5 à 8, par ce qui suit :

« b) s'agissant d'une première nation dont le nom est ajouté à l'annexe en vertu des alinéas 3(1)b), la date qui suit de six mois la prise de l'arrêté. ».

(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné à la prochaine séance du Sénat.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Budget—L'étude sur le plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004—Adoption du huitième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du huitième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (budget—étude sur le plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004), présenté au Sénat le 2 avril 2012.

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie propose que le rapport soit adopté.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, je prie instamment le sénateur Ogilvie de nous en dire un peu plus au sujet de ce rapport.

Le sénateur Ogilvie : Honorables sénateurs, voici le budget que le comité a dressé relativement à la présentation de l'étude sur l'accord décennal de 2004 sur les soins de santé. Il englobe la préparation d'un résumé et d'une publication spéciale d'une douzaine de pages qui éviteront au Sénat près de 200 pages imprimées.

Le sénateur Fraser : C'est bien.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Budget et autorisation d'engager du personnel—L'étude sur la cohésion et l'inclusion sociales—Adoption du neuvième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (budget—étude sur la cohésion et l'inclusion sociales au Canada—autorisation d'embaucher du personnel), présenté au Sénat le 2 avril 2012.

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie propose que le rapport soit adopté.

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je n'ai pas vu le rapport et j'ai une question qui porte à la fois sur ce rapport-là et sur le prochain. Ont-ils subi d'importants changements par rapport à ce que le comité avait demandé?

Le sénateur Ogilvie : Non.

L'honorable Joan Fraser : Au profit des sénateurs qui n'ont pas pris part aux délibérations, le sénateur Ogilvie pourrait-il nous fournir des précisions sur cette étude? Elle semble extrêmement intéressante, mais elle pourrait aussi être fort coûteuse.

Le sénateur Ogilvie : Honorables sénateurs, j'attendais justement l'occasion de vous parler de ce rapport. Il est lié à l'étude sur l'inclusion sociale que mène actuellement le comité et dont le principal responsable au Sénat est le sénateur Eggleton. Le rapport est presque terminé. Le budget de 21 500 $ a été approuvé et couvre essentiellement le même genre de travaux que j'ai mentionnés un peu plus tôt, à savoir la publication d'un résumé qui évitera au Sénat d'avoir à imprimer un nombre considérable de pages.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Budget et autorisation d'engager du personnel—L'étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance—Adoption du dixième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du dixième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (budget—étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada—autorisation d'embaucher du personnel), présenté au Sénat le 2 avril 2012.

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, le rapport prévoit exactement le même genre de budget de publication, mais pour deux rapports visant deux études consécutives devant être terminées au cours de la présente année financière, concernant les produits pharmaceutiques. La première étude est en cours et porte sur les essais cliniques. La seconde, que nous espérons pouvoir commencer à l'automne, portera sur la surveillance post-autorisation. Le rapport porte sur la publication du même genre d'étude exactement et prévoit la même somme d'argent.

Le sénateur Fraser : C'est tout?

Le sénateur Ogilvie : C'est tout. Il n'y a pas d'autres documents. Aucun déplacement n'est prévu, ni rien d'autre que ce que j'ai indiqué.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

Les travaux du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'aimerais apporter une précision concernant le Règlement. Après la demande de vote sur le projet de loi C-19, nous avons poursuivi les débats et nous avons tous conclu que l'on ne voyait pas l'horloge, mais je crois qu'il n'y a pas eu de mention officielle à cet effet.

L'article 39(5)c) du Règlement prévoit que nous aurions normalement dû interrompre les débats après le vote sur le projet de loi C-19. Toutefois, étant donné que nous étions pris de passion dans notre de travail de sénateur, nous avons poursuivi nos travaux sans voir l'horloge. Je voudrais donc m'assurer, afin que tout soit validement adopté, que nous avons le consentement de ne pas voir l'horloge.

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, je ne pense pas que ce consentement soit même nécessaire puisque le Règlement prévoit qu'on ne voie pas l'horloge et que les débats se poursuivent.

Le sénateur Carignan : Je ne veux pas en débattre, mais l'article 39(5)c) du Règlement ne semble pas dire la même chose.

(2000)

Son Honneur le Président suppléant : C'est comme porter une ceinture et une paire de bretelles pour être certain que le pantalon va tenir.

Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que l'on ne voie pas l'horloge?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président suppléant : Tous les honorables sénateurs sont d'accord, Nous n'avons pas vu l'horloge.

[Traduction]

Au cas où certains sénateurs craignent que nous ne suivions pas les règles à la lettre, je leur assure que nous les appliquons rigoureusement. C'est exactement ce que dit l'article 39(5)c) du Règlement.

Le sénateur Carignan : Exactement.

[Français]

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, Votre Honneur, puis-je demander une clarification? Lors de vos commentaires, vous avez indiqué que l'article 39(5)c) du Règlement disait exactement cela. Qu'est-ce que « cela » représente?

Son Honneur le Président suppléant : Mes notes me disent : « Aucune pause pour le dîner », alors nous avons continué, nous n'avons pas vu l'horloge parce que le Règlement nous indique qu'on ne voit pas l'horloge. Il n'y a pas eu de pause pour le repas.

Le sénateur Carignan : Ce que le Règlement dit, c'est qu'à la fin, lorsqu'on a terminé la période d'allocation de temps, on devrait, selon l'interprétation qu'on fait du Règlement, interrompre la séance. L'article dit :

Lorsque le Sénat s'interrompt pour le dîner, conformément à l'article 13 du Règlement, la séance n'est pas interrompue tant que le débat n'est pas terminé ou que la période prévue pour l'étude de cet article n'est pas expirée.

Ce qui suggère que lorsque le débat est clos, on doit s'interrompre pour la pause du dîner, mais comme on n'a pas vu l'horloge et qu'on a confirmé qu'on ne voyait pas l'horloge, je crois que tout est clair maintenant.

Son Honneur le Président suppléant : Tout est clair, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Finances nationales

Budget—L'étude sur les raisons pouvant expliquer les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis—Adoption du neuvième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (budget—étude sur les raisons pouvant expliquer les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis) présenté au Sénat le 2 avril 2012.

L'honorable Joseph A. Day propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, conformément à la tradition qui semble s'être établie relativement à de telles affaires, voici le budget d'une étude spéciale du Comité sénatorial permanent des finances nationales portant sur les inégalités entre les prix de part et d'autre de la frontière. La somme demandée est de 49 700 $, afin que le comité puisse se déplacer dans une localité frontalière pour étudier la question.

Son Honneur le Président suppléant : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Régie interne, budgets et administration

Neuvième rapport du comité—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du neuvième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budgets de certains comités—législation), présenté au Sénat le 29 mars 2012.

L'honorable David Tkachuk propose que le rapport soit adopté.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, il y a quelques points que nous voulons approfondir quant au rapport du comité. Si vous le permettez, on préférerait reporter à demain l'adoption du rapport.

Son Honneur le Président suppléant : Avant d'entamer cette portion du débat, j'aimerais proposer la motion et ensuite, je donnerai la parole au sénateur.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Honorables sénateurs, j'ai effectivement proposé que le rapport soit adopté, mais j'aimerais plutôt proposer l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Budget—L'étude sur l'état actuel et futur du secteur de l'énergie—Troisième rapport du comité—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles (budget—étude sur le secteur de l'énergie), présenté au Sénat le 29 mars 2012.

L'honorable Grant Mitchell propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, ce budget nous permettra de compléter notre étude, qui prendra fin au plus tard à la mi-juillet. Le rapport sera probablement publié d'ici la fin de juin. Pour diverses raisons, il est temps. Nous avons procédé à un examen très approfondi et très satisfaisant. Malheureusement, le sénateur Angus nous quittera à la mi-juillet, lorsqu'il atteindra l'âge de la retraite. C'est effectivement en son honneur que nous agissons ainsi, mais aussi parce que nous avons besoin de son expertise pour terminer cette étude avant qu'il nous quitte.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, le sénateur Mitchell réclame dans son rapport des frais professionnels. Est-ce que le sénateur peut nous donner plus de détails sur ces montants, les mandats qu'il veut présenter ou donner? Y a-t-il des choix qui ont été faits? Comment ont été faites les estimations? J'aimerais avoir plus de détails.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, nous avons demandé à des experts de divers domaines de nous aider. Nous avons d'abord besoin d'aide pour la rédaction. Ce rapport contient énormément de renseignements : les travaux ont duré trois ans, ont exigé l'audition de plus de 250 témoins et portaient sur des questions fort complexes touchant diverses régions. Même si deux excellents chercheurs travaillaient déjà pour nous — l'un d'entre eux est d'ailleurs en train d'écrire en ce moment —, nous avons estimé qu'il fallait retenir les services d'une personne qui allait rassembler toute cette information. Nous avons donc demandé l'aide d'un éminent homme d'affaires de l'industrie de l'énergie à Calgary, Peter Tertzakian. Il est un investisseur aguerri qui travaille au sein d'une florissante entreprise d'investissement dans l'industrie de l'énergie. Il est connu pour avoir écrit deux livres bien fouillés sur cette industrie. Ses grandes capacités intellectuelles ont déjà été sollicitées pour organiser ces renseignements et pour commencer le processus de rédaction. Il nous charge 1 $, le Sénat n'assumera donc presque aucune dépense. C'est lui qui nous a offert son aide.

Nous voulions isoler certains éléments pendant la rédaction du rapport, car le document de base sera très long et exhaustif. C'est le sénateur Neufeld qui en a fait la proposition; il a fait la même chose dans le cadre d'une étude semblable qui a été menée pendant qu'il était ministre de l'Énergie en Colombie-Britannique. Il avait alors été en mesure de produire un rapport de 35 pages très concis et très bien rédigé. Nous avons estimé qu'il nous fallait un rédacteur qui était capable de rédiger de façon aussi efficace. M. Tertzakian collabore avec un rédacteur qui a beaucoup d'expérience dans les revues portant sur l'industrie du pétrole et de l'énergie, qui sait écrire et qui comprend les enjeux. Il s'agit, à notre avis, de 20 000 $ très bien dépensés.

Il faut aussi que le rapport soit très clair et que la présentation soit percutante, parce qu'il s'agit d'un dossier très complexe. Nous avons donc commencé par le processus de sensibilisation. Les Canadiens de partout au pays ont beaucoup d'idées et de conceptions différentes, tant exactes que fausses, et c'est une des raisons pourquoi nous avons décidé de mener cette étude : afin de pouvoir expliquer ces enjeux aux Canadiens.

Nous avons estimé qu'il fallait faire appel à des ressources exceptionnelles, tels des graphistes, pour traiter toutes ces données, pour les synthétiser en 35 pages — il faut savoir que ce rapport de 35 pages sera publié en version électronique, la publication en sera donc grandement facilitée — et pour les présenter de façon à ce qu'elles soient facile à comprendre, qu'elles captent l'attention des gens et qu'elles soient intéressantes. Nous en avons fait la demande au sous-comité, qui a acquiescé à notre demande.

(2010)

Nous croyons que c'est plus que nécessaire. Nous pensons que ce sera un excellent rapport, qui sera lu par un vaste public et très bien compris. Nous sommes d'avis qu'il permettra de faire avancer le débat et les discussions sur cette question importante. Il a été demandé par un grand nombre de secteurs et d'industries au Canada. Nous recommandons aussi d'envisager sérieusement la mise en place d'une stratégie de l'énergie pour le Canada.

[Français]

Le sénateur Carignan : Compte tenu de la réponse du sénateur Mitchell, j'aurais des vérifications complémentaires à faire. Je voudrais donc ajourner le débat à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Transports et communications

Budget—L'étude sur les nouveaux enjeux du secteur canadien du transport aérien—Adoption du quatrième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications (budget— étude sur les nouveaux enjeux du secteur canadien du transport aérien), présenté au Sénat le 29 mars 2012.

L'honorable Stephen Greene propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, nous avons besoin d'une petite somme d'argent, à savoir 44 000 $, pour terminer notre rapport. Cette partie du rapport porte sur le magasinage transfrontalier, plus particulièrement sur le nombre de reprises où que les Canadiens prennent l'avion à partir de villes américaines se trouvant le long de la frontière. Je tiens à souligner que nous demandons seulement 44 000 $, ce qui est 5 000 $ de moins que le Comité des finances n'en demande pour sa propre étude sur le magasinage transfrontalier. Nous promettons également de ne pas nous livrer nous-mêmes à du magasinage transfrontalier quand nous serons là-bas

Son Honneur le Président suppléant : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Une voix : Le vote!

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'étude sur les politiques, les pratiques, les circonstances et les capacités en matière de sécurité nationale et de défense

Adoption du quatrième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Wallin, appuyée par l'honorable sénateur Lang, tendant à l'adoption du quatrième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Répondre à l'appel : Le rôle de la Première réserve du Canada dans l'avenir, déposé au Sénat le 15 décembre 2011.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, ce débat a été ajourné à mon nom il y a 10 jours maintenant. Je sais que le comité a hâte qu'il progresse. Je remercie les sénateurs de leur indulgence pendant que je me préoccupais d'affaires financières.

Je peux commenter assez brièvement ce rapport.

Lorsque le rapport a été mis aux voix au comité, je me suis abstenu. Je n'ai pas voté pour le rapport. Il s'agit d'un rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense sur les réserves, intitulé Répondre à l'appel : Le rôle de la Première réserve du Canada dans l'avenir.

Honorables sénateurs, la question des réserves a toujours été d'un grand intérêt, et j'ajouterais, d'une grande importance, pour le Comité de la sécurité nationale et la défense au cours des 10 dernières années où j'ai siégé à ce comité. Certains de nos anciens collègues, dont les sénateurs Forrestall et Wiebe, siégeaient à ce comité et ont manifesté beaucoup d'intérêt pour les réserves à chacun de nos déplacements.

Je souhaitais m'assurer que le rapport reflétait le travail que nous avions réalisé par le passé, ce qui était le cas dans les rapports antérieurs. Toutefois, l'an dernier, le comité tentait de faire adopter ce rapport avant Noël. La première fois que j'ai vu la version complète du rapport, c'était le jour où nous souhaitions le mettre aux voix. Comme j'avais des réserves sur cette façon de procéder, je me suis abstenu de voter.

Il y a eu diverses versions antérieures du rapport dans l'une ou l'autre des deux langues officielles. J'estimais, non pas en tant que membre du comité directeur ou de l'exécutif de ce comité, que je devrais attendre que le rapport soit étudié par le comité, plutôt que d'examiner une copie d'un de mes collègues dans une des langues officielles.

C'est pourquoi je me suis abstenu de l'examiner. C'est par principe que je n'ai examiné le rapport que lorsqu'il a enfin été présenté dans les deux langues officielles. J'ai alors dit qu'il me faudrait un certain temps pour faire cela. On a indiqué que c'était la dernière occasion pour tenir une réunion et, comme je ne souhaitais pas retarder les choses, je me suis abstenu de voter sur le rapport.

Depuis, j'ai eu l'occasion d'examiner le rapport. Je puis dire à mes collègues qu'il s'agit d'un bon rapport et je recommande que l'on examine ce rapport sur la Première réserve. Il s'agit d'un rapport provisoire. Il reste encore beaucoup de travail à faire au sujet de la réserve. Le comité va devoir se pencher là-dessus régulièrement. Je m'attends à ce que nous ayons l'occasion de réexaminer cette question et à ce que, au moment opportun, nous approfondissions le sujet traité dans ce rapport.

Son Honneur le Président suppléant : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Les services concernant la santé mentale, la maladie et la toxicomanie au Canada

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Hubley, attirant l'attention du Sénat sur le 5e anniversaire du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie intitulé De l'ombre à la lumière : La transformation des services concernant la santé mentale, la maladie et la toxicomanie au Canada.

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, madame le sénateur Callbeck souhaite intervenir au sujet de cette interpellation et elle sera la prochaine à le faire. Je demande l'ajournement du débat sur cette interpellation au nom du sénateur Callbeck pour le temps de parole qu'il reste.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Hubley, au nom du sénateur Callbeck, le débat est ajourné.)

Antiterrorisme

Autorisation au comité spécial de recevoir les mémoires reçus et les témoignages entendus par les comités spéciaux pertinents au cours des précédentes sessions

L'honorable Hugh Segal, conformément à l'avis donné le 2 avril 2012, propose :

Que les documents et les témoignages recueillis, ainsi que les travaux accomplis par le Comité sénatorial spécial sur le projet de loi C-36 au cours de la première session de la trente- septième législature; par le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste durant la première session de la trente-huitième législature et la première session de la trente-neuvième législature; et par le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme durant la deuxième session de la trente- neuvième législature et la troisième session de la quarantième législature soient renvoyés au Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme afin de l'aider dans ses travaux pendant la session en cours.

— Honorables sénateurs, je ne fais qu'expliquer que cette motion permettra au Comité spécial sur l'antiterrorisme actuel d'accéder à tous les documents qui ont été utilisés par les incarnations précédentes du comité pour que nous puissions mener nos travaux de façon éclairée grâce aux études et aux recherches qui ont été menées antérieurement, sans être obligés de les refaire.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 4 avril 2012, à 13 h 30.)


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