Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 70

Le mardi 24 avril 2012
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 24 avril 2012

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Syrie

Les droits de la personne

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, les cas de violation des droits de la personne qui se poursuivent en Syrie ont fait l'objet d'une résolution à la 126e assemblée de l'Union interparlementaire, qui s'est tenue plus tôt ce mois-ci à Kampala, en Ouganda. Voici le titre de la résolution adoptée par les parlements membres le 5 avril :

Initiative de l'Union interparlementaire pour faire cesser sans délai l'effusion de sang et les violations des droits de l'homme en Syrie, pour assurer l'accès de l'aide humanitaire à tous ceux qui en ont besoin et contribuer à la mise en œuvre de toutes les résolutions pertinentes adoptées par la Ligue des États arabes et l'Organisation des Nations Unies, ainsi qu'aux efforts de paix.

[Français]

L'UIP, qui représente plus de 160 parlements nationaux, souscrit pleinement aux efforts régionaux et internationaux visant à apporter une solution pacifique à cette crise. Elle enverra une mission d'enquête en Syrie afin que les mesures nécessaires puissent être prises pour faire cesser les souffrances.

Honorables sénateurs, la délégation canadienne a joué un rôle majeur dans l'adoption de cette résolution.

Avant l'assemblée, notre délégation a soumis une requête formelle demandant qu'un point d'urgence sur la « situation en Syrie » soit ajouté à l'ordre du jour. Notre groupe croyait qu'il était important d'aborder ce sujet en raison de la violence qui persiste actuellement au pays.

[Traduction]

Comme les sénateurs le savent, depuis mars 2011, des citoyens syriens ont tenu des manifestations en faveur de réformes démocratiques. Face à ces manifestations pacifiques, le gouvernement syrien a adopté des mesures de répression violentes qui, selon les Nations Unies, ont entraîné la mort de 7 500 personnes et causé des blessures à de nombreuses autres. Des milliers de civils sont détenus de façon arbitraire et, selon des sources crédibles, des personnes ont été exécutées sommairement, tandis que d'autres ont été torturées.

Dans sa proposition à l'UIP, le groupe canadien a soutenu que « la grave détérioration de la situation politique et humanitaire observée depuis douze mois et l'insécurité qui règne en Syrie posent de graves menaces pour la population civile du pays ainsi que pour la paix et la sécurité dans le monde ».

Notre demande a été accueillie favorablement par l'UIP et ses États membres. J'ai soutenu que, en tant que représentante des parlements nationaux du monde, l'UIP pouvait jouer un rôle déterminant en aidant le peuple syrien à favoriser la réconciliation politique et à respecter les droits de la personne. Il s'en est suivi l'adoption de la résolution modifiée à la suite des commentaires formulés par divers pays, dont l'Égypte, les Émirats arabes unis, le Royaume-Uni et la France. De nombreux États arabes ont aussi exhorté l'UIP à adopter la résolution.

Honorables sénateurs, vous vous souviendrez aussi que, le 1er avril dernier, le Canada a imposé de nouvelles sanctions afin d'isoler davantage le président de la Syrie et son entourage. Le ministre des Affaires étrangères, John Baird, a dit que le Canada allait continuer d'appuyer les efforts pacifiques de l'opposition syrienne en vue d'obtenir la liberté du peuple syrien en fournissant un million de dollars pour la mise en œuvre de programmes qui favorisent la démocratie. Le Canada va aussi apporter une contribution de 7,5 millions de dollars en aide humanitaire.

Honorables sénateurs, le gouvernement du Canada, tout comme l'UIP, appuie le peuple syrien.

À titre de président du groupe canadien, j'ai jugé nécessaire que l'UIP se penche sur la situation en Syrie et qu'elle exprime sa solidarité et sa sympathie aux gens dont les libertés démocratiques et les droits sont systématiquement bafoués par leur propre gouvernement.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'aimerais attirer votre attention sur la présence à la tribune de six membres de l'Aviation royale canadienne, y compris son commandant, le lieutenant général André Deschamps. Ils sont avec nous aujourd'hui dans le cadre de la Journée de reconnaissance de la Force aérienne sur la Colline du Parlement. Cette journée souligne les services et les sacrifices faits par les hommes et les femmes de l'Aviation royale canadienne afin de protéger notre paix et notre sécurité.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à ces membres distingués de l'Aviation royale canadienne.

Des voix : Bravo!

L'Aviation royale canadienne

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, la semaine dernière, j'ai eu l'occasion ici même de participer à un débat sur le commandement des bombardiers et sur sa contribution remarquable aux efforts des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans le discours que j'ai prononcé, je demandais que l'on crée au Canada un symbole permanent des énormes sacrifices consentis par les pilotes et le personnel au sol au Canada qui faisaient partie du commandement des bombardiers et qui, à l'époque, ont participé à un grand nombre de missions cruciales.

(1410)

Honorables sénateurs, je suis très heureux de vous dire que, le lendemain, Anciens Combattants Canada annonçait une contribution de 100 000 $ pour l'érection d'un monument au commandement des bombardiers, qui sera dévoilé à Londres, en Angleterre, à la fin du mois de juin, par Sa Majesté la reine du Canada et la reine d'Angleterre.

Honorables sénateurs, c'est une contribution louable qui, je l'espère, n'est que le début des efforts visant à créer un souvenir permanent, ici au Canada, de la contribution des Canadiens qui ont participé au commandement des bombardiers pendant la Seconde Guerre mondiale.

L'annonce faite par le gouvernement a été très bien accueillie. Les gens ont réagi de façon passionnée et, même s'il y a encore beaucoup de discussions sur la façon dont le commandement des bombardiers devrait être reconnu ici, il ne fait aucun doute que celui-ci doit faire l'objet d'une reconnaissance au Canada.

Honorables sénateurs, nos récentes missions en Afghanistan et en Libye à titre de membres des forces des Nations Unies et de l'OTAN nous ont rappelé à quel point l'Aviation royale canadienne est une force militaire professionnelle, compétente et adaptable. Les Forces canadiennes comptent 65 000 membres dans la force régulière et environ 25 000 membres dans la réserve. L'ARC emploie 14 500 membres de la force régulière et 2 600 réservistes.

Il est difficile de faire abstraction des manchettes récentes sur l'allure que prendra l'aviation canadienne dans les années à venir et sur le matériel dont elle disposera, mais il ne fait aucun doute que l'ARC vit une période de transition. Quel que soit le résultat de cet exercice, il est réconfortant de savoir que les courageux hommes et femmes de l'Aviation royale canadienne seront là pour protéger les valeurs canadiennes, tant chez nous qu'à l'étranger.

J'invite les sénateurs à se joindre à nos invités ce soir, de 17 heures à 19 heures, à la salle 256-S, où nous soulignerons la Journée de l'Aviation royale canadienne sur la Colline. Nous aurons entre autres invités l'ancien adjudant-maître Vic Johnson, qui vient de prendre sa retraite après 53 ans de service continu dans l'Aviation royale canadienne et auprès de l'Association de la Force aérienne du Canada, où il était rédacteur en chef de la publication Airforce. J'espère que les sénateurs pourront venir cet après-midi remercier ces représentants de l'Aviation royale canadienne comme il se doit.

Je vous remercie, honorables sénateurs.

[Français]

Le laboratoire de l'avenir à Québec

L'honorable Josée Verner : Honorables sénateurs, j'ai eu l'honneur de participer, hier, à l'inauguration du nouveau laboratoire de santé et de mieux-être du groupe Biscuits Leclerc, à Saint-Augustin-de- Desmaures, dans la région de Québec.

Il s'agit d'un investissement de 7 millions de dollars dans cette nouvelle installation. Elle réunira des spécialistes de l'alimentation, de la recherche et du développement, dont la principale tâche sera d'innover dans le marché des collations et des biscuits de l'avenir qui pourront, selon l'entreprise, non seulement prévenir les maladies chroniques, mais aussi contribuer à les guérir.

Honorables sénateurs, cette étape charnière s'inscrit dans l'évolution de l'entreprise, dirigée par cinq générations de Leclerc, qui ont toujours été animés par la détermination, la persévérance et un esprit visionnaire.

Fondée en 1905 par François Leclerc à une époque où l'entrepreneuriat canadien-français était l'exception plutôt que la règle, la petite entreprise a persévéré malgré différentes épreuves, dont les deux guerres mondiales et un incendie majeur, pour devenir aujourd'hui un fleuron du Québec et du Canada.

Elle emploie près de 700 personnes dans cinq usines au Canada et aux États-Unis; elle a un chiffre d'affaires de 275 millions de dollars et exporte ses produits dans une vingtaine de pays.

Au début des années 2000, l'entreprise s'est tournée vers une stratégie de promotion de la santé et de prévention des maladies. C'est ainsi que, en 2002, elle a lancé la marque Vital, éliminé les gras trans de ses produits, et enfin, plus tard, commercialisé les produits Praeventia.

En 2007, Santé Canada a publié les lignes directrices enjoignant les entreprises des secteurs de l'alimentation et de la restauration rapide de limiter l'utilisation de gras trans dans leurs produits. En 2010, l'Organisation mondiale de la santé a déclaré que le surplus de poids et l'obésité constitueraient l'épidémie du XXIe siècle.

Plus récemment, notre Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a recommandé, dans son rapport évaluant la mise en œuvre de l'accord sur la santé de 2004, une stratégie pancanadienne de santé publique pour combattre ce fléau qui coûterait 4,3 milliards de dollars par année aux Canadiens, selon Santé Canada.

Honorables sénateurs, cette chronologie des événements dresse non seulement le portrait d'une entreprise qui a engendré d'importantes retombées économiques, mais elle prouve aussi que sa vision joue un rôle constructif dans l'amélioration de la santé de tous.

Steve Jobs a déclaré ce qui suit en 1995 :

L'innovation est une chose qu'on choisit parce qu'on a une passion brûlante pour quelque chose.

Joignez-vous à moi, honorables sénateurs, pour souhaiter bon succès au nouveau laboratoire de Biscuits Leclerc, une entreprise résolument tournée vers l'avenir.

[Traduction]

L'Aviation royale canadienne

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, j'aimerais également souhaiter la bienvenue aux membres de l'Aviation royale canadienne. J'abonde dans le même sens que le sénateur Day lorsqu'il a salué les réalisations et le travail des hommes et des femmes de l'Aviation royale canadienne.

Je suis aussi d'accord avec lui pour dire que j'espère que la politique sera mise de côté lorsque nous choisirons le bon matériel pour défendre notre pays et les pays que nous défendons quotidiennement, nous, les Canadiens, en aidant ceux qui ont besoin de l'aide que nous pouvons leur apporter. Les hommes et les femmes de l'Aviation royale canadienne méritent ce qui se fait de mieux comme équipement. Que ce soit des F-35 ou un autre type d'appareil, faisons le bon choix et laissons de côté la politique pour une question aussi importante.

Je prends la parole à titre d'ex-membre de l'Aviation royale canadienne et j'espère que le bon sens prévaudra. Je vous remercie.

[Français]

Le génocide arménien de 1915

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, je me joins aujourd'hui aux milliers de nos compatriotes arméno-canadiens qui se sont rassemblés sur la Colline du Parlement et partout au pays pour commémorer la mémoire des victimes du génocide arménien de 1915.

Il y a 97 ans aujourd'hui, que le gouvernement turc ottoman a entrepris l'arrestation en masse des intellectuels arméniens sur son territoire. L'arrestation, la déportation et l'exécution de ces centaines d'intellectuels ont sonné le coup d'envoi aux horreurs qui ont suivi. La population arménienne, se trouvant décapitée de son élite, a été brutalement décimée au cours des mois et des années suivantes. Plus de 1,5 million d'hommes, de femmes et d'enfants ont été victimes d'une campagne d'extermination ethnique planifiée et orchestrée par le gouvernement central.

Quatre-vingt-dix-sept ans plus tard, le gouvernement turc s'obstine à nier ce crime perpétré par son ancêtre ottoman, et ce, malgré le consensus académique sur le caractère génocidaire de ces actes, et malgré aussi la reconnaissance à cet effet de plusieurs pays, y compris le Canada.

Quatre-vingt-dix-sept ans plus tard, le peuple arménien poursuit son combat sur deux fronts, soit ceux de la renaissance et de la pleine reconnaissance de ce crime; la reconnaissance par le maintien de sa langue et de ses traditions, l’établissement et l’épanouissement de communautés vibrantes partout dans le monde, et la renaissance grâce à la jeune République d’Arménie qui, depuis 1991, prend sa place au sein du concert des nations.

Le peuple arménien reconnaît également la mémoire de ses ancêtres, la justice et les droits de l’homme par la sensibilisation et la prévention, et prône l’ouverture à l’endroit de tous, des Juifs d’Europe aux Ukrainiens, du Cambodge au Rwanda, de la Yougoslavie et du Soudan, de l’humanité tout entière.

Un des célèbres fils de la diaspora arménienne, le grand chanteur Charles Aznavour, écrivait ceci à propos de son peuple :

Ils sont tombés sans trop savoir pourquoi, hommes, femmes et enfants qui ne voulaient que vivre [...]. Ils sont tombés en croyant ingénus, que leurs enfants pourraient continuer leur enfance, qu'un jour ils fouleraient des terres d'espérance dans des pays ouverts d'hommes aux mains tendues.

(1420)

Honorables sénateurs, nous ne pourrons jamais expliquer pourquoi ils sont tombés. Cependant, 97 ans plus tard, les Arméniens se tiennent bien debout pour leur cause et pour toute l'humanité. Je leur tends la main et me lève aussi en leur honneur.

[Traduction]

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je m'associe aux propos que vient de formuler madame le sénateur Chaput. Je la remercie.

L'héritage du métropolite Andrei Sheptytsky

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je me joins aujourd'hui à mes collègues d'ici et de l'autre endroit, aux amis des communautés juive et ukrainienne du Canada, aux représentants de l'initiative Ukrainian Jewish Encounter et aux délégués du Conseil des églises et des organisations religieuses d'Ukraine pour célébrer l'héritage du défunt métropolite Andrei Sheptytsky.

Le métropolite archevêque Sheptytsky, de l'Église grecque- catholique ukrainienne, est honoré cette semaine au Canada pour ses qualités exceptionnelles de courage, ses principes et sa compassion, particulièrement envers les juifs ukrainiens lors de l'occupation nazie, au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Unificateur des Ukrainiens de toutes les religions et de toutes les ethnies, le métropolite Sheptytsky a risqué sa propre vie pour abriter une multitude de juifs ukrainiens et leur sauver la vie. Les principes qui ont guidé son action se reflètent probablement le mieux dans la lettre pastorale qu'il a écrite en 1942 sous le titre « Tu ne tueras point » pour exhorter les nazis à reconnaître le caractère sacré de la vie humaine et à cesser de tuer les juifs.

Pour l'éminent érudit Timothy Snyder, le métropolite Sheptytsky « a sauvé plus de juifs que presque n'importe qui d'autre dans l'Europe occupée ».

Des représentants du christianisme, du judaïsme et de l'islam d'Ukraine se trouvent au Canada cette semaine pour célébrer cet héritage, de concert avec les importantes communautés ukrainienne et juive du Canada, dont plusieurs membres reconnaissent qu'ils doivent d'être en vie au métropolite Sheptytsky.

Je salue l'initiative Ukrainian Jewish Encounter et les délégués en visite du Conseil des églises et des organisations religieuses d'Ukraine. J'ai hâte de me joindre aux leaders communautaires et aux parlementaires canadiens pour souhaiter la bienvenue au Conseil ukrainien des églises et des organisations religieuses, qui comprend d'éminents dirigeants spirituels juifs, catholiques, musulmans et évangéliques.

Le dialogue évoqué grâce à cette manifestation et à d'autres cérémonies organisées à la mémoire du métropolite Sheptytsky représente une contribution opportune à la défense des droits de la personne ancrés dans les valeurs du pluralisme, de la liberté religieuse et politique et de l'harmonie interethnique et interreligieuse.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je voudrais attirer votre attention sur la présence à la tribune de membres de l'Association parlementaire du Commonwealth du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord. La délégation est dirigée par Mme Helen Jones, députée, qui est accompagnée de M. Andy Love, député, M. Andrew Percy, député, et M. Mike Weir, député. Nous avons également, de la Chambre des lords, lord Roberts of Llandudno.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le décès de Rory Beck

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, je voudrais rendre hommage au regretté Rory Beck, qui est décédé subitement à Charlottetown le 13 avril, à l'âge de 54 ans. Au moment de son décès, il était greffier du Conseil exécutif et secrétaire du Cabinet à l'Île-du-Prince-Édouard. On se souviendra de lui comme de l'un des fonctionnaires les plus remarquables de la province.

Rory Beck a fait preuve d'un dévouement sans bornes envers sa province et ses concitoyens. Son professionnalisme et son acharnement au travail, de même que sa vaste expérience et ses connaissances étendues, lui ont gagné le respect et l'admiration de ses collègues. Il a toujours manifesté un fort leadership et a été une source de sages conseils. Il a mis la barre très haut pour ceux qui se vouent au service du public.

On se souviendra longtemps des nombreuses réalisations de Rory Beck au sein de différentes administrations provinciales. Il a joué un rôle de premier plan dans l'initiative de regroupement des municipalités, qui a entraîné la création d'une ville plus étendue et plus forte à Charlottetown, de la nouvelle ville de Summerside ainsi que d'autres secteurs regroupés. Son action la plus remarquable est probablement sa participation à la construction du pont de la Confédération, le plus important projet d'infrastructure de l'histoire de l'Île-du-Prince-Édouard. Son action a certainement contribué au grand succès de ce projet.

Rory Beck a contribué au lancement d'une initiative globale fort réussie de réforme du gouvernement visant à établir une administration publique plus rationnelle et plus efficace.

Comme beaucoup d'autres Canadiens, c'était aussi un bon joueur et un grand amateur de hockey. Il était membre de l'équipe des Islanders de Charlottetown lorsqu'elle a remporté la Coupe nationale Hardy en 1981. Il a été président d'un club de hockey junior A de l'Île-du-Prince-Édouard qui a eu beaucoup de succès. Rory a aussi été un populaire entraîneur de hockey et de base-ball des ligues mineures. À ce titre, il a su inspirer un sain esprit de concurrence et de travail d'équipe, qualités qui se sont également reflétées dans sa carrière dans la fonction publique.

Rory Beck avait un vaste cercle d'amis, et il vivait pleinement. Il manquera énormément à la fonction publique et à ses nombreux amis et connaissances.

Il laisse dans le deuil sa femme, Gaylene, et ses trois fils, Luke, Jacob et Dylan, ainsi que sa mère, ses quatre frères, sa sœur et d'autres membres de sa famille étendue. Il est difficile de perdre un être cher, surtout s'il était au faîte de sa carrière et avait encore bien des choses à vivre. Je leur présente mes condoléances les plus sincères et ma plus profonde sympathie dans ces circonstances tragiques.

La santé de la mère et de l'enfant dans le monde

L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, vous vous souviendrez peut-être que je vous ai parlé en novembre de mon rôle de rapporteur canadien pour un projet de rapport de l'Union interparlementaire sur la santé de la mère et de l'enfant.

De concert avec mes collègues de l'Ouganda et de l'Inde, j'ai présenté un rapport soulignant le rôle des parlements dans la solution des grands problèmes liés à la santé des femmes et de leurs enfants. Le rapport et les réactions qu'il a suscitées ont servi de base à une résolution de l'Union interparlementaire qui devait être examinée à la 126e assemblée, à Kampala, en Ouganda. Depuis lors, j'avais hâte de vous présenter un compte rendu des résultats.

Honorables sénateurs, je suis rentrée récemment de la 126e assemblée, et je suis heureuse de vous faire savoir que la résolution a été adoptée à l'unanimité le 5 avril. Les dirigeants de près de 120 parlements nationaux ont exhorté tous les membres à prendre toutes les mesures possibles pour atteindre d'ici 2015 les Objectifs 4 et 5 du Millénaire pour le développement portant sur la santé de la mère et de l'enfant. C'est la première fois que l'UIP adopte une résolution sur la santé des femmes et des enfants.

Le texte de la résolution suit de près les principaux messages de notre rapport :

Que les parlementaires accentuent la sensibilisation à la santé des mères, des nouveaux nés et des enfants et suscitent et maintiennent la volonté politique d'atteindre les OMD;

Qu'ils présentent et modifient des textes législatifs pertinents et examinent de près la mise en œuvre des dispositions législatives;

Qu'ils observent la situation et assurent une surveillance efficace des affectations budgétaires, des engagements en matière de politique et des programmes.

Voilà une réalisation majeure pour l'UIP et le Canada, qui a accordé un appui important à la cause de la santé des femmes et des enfants grâce à l'initiative de Muskoka, à son soutien à la Stratégie mondiale pour la santé des femmes et des enfants, et à la coprésidence, assurée par le premier ministre du Canada, de la Commission de l'information et de la redevabilité pour la santé de la femme et de l'enfant.

En octobre, le Parlement du Canada sera l'hôte de la prochaine assemblée de l'UIP, à Québec. Nous avons hâte d'appuyer et de faciliter la mise en œuvre de cette résolution.

Honorables sénateurs, je tiens à souligner enfin que cette réalisation n'aurait pas été possible sans le personnel de soutien du Groupe canadien de l'UIP et de la Bibliothèque du Parlement. Je remercie tout ce personnel de son travail acharné. Je dois aussi saluer l'important travail que l'UIP accomplit en réunissant des parlementaires du monde entier pour discuter et pour trouver des solutions à des problèmes qui touchent tous les pays.

Les journalistes et travailleurs des médias morts dans l'exercice de leurs fonctions

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, cette année encore, je prends la parole pour témoigner du sacrifice de plus de 50 journalistes et travailleurs des médias qui ont trouvé la mort en 2011 parce qu'ils étaient des journalistes.

Près de la moitié d'entre eux ont été carrément assassinés. D'autres ont été victimes de tirs croisés ou de combats pendant qu'ils faisaient leur travail. D'autres ont été tués au cours de missions dangereuses d'une nature ou d'une autre qui les amenaient à couvrir des manifestations, des émeutes, des mouvements de foule ou des affrontements raciaux.

(1430)

En voici la liste : en Afghanistan, Ahmad Omaid Khpalwak et Farhad Taqaddosi; en Azerbaïdjan, Rafiq Tagi; à Bahreïn, Zakariya Rashid Hassan al-Ashiri et Karim Fakhrawi; au Brésil, Edinaldo Filgueira, Luciano Leitão Pedrosa et Gelson Domingos da Silva; en République dominicaine, José Agustín Silvestre de los Santos; en Égypte, Ahmad Mohamed Mahmoud et Wael Mikhael; en Irak, Muammar Khadir Abdelwahad, Sabah al-Bazi, Alwan al- Ghorabi, Hadi al-Mahdi et Mohamed al-Hamdani; en Côte- d'Ivoire, Sylvain Gagnetau Lago et Marcel Legré; en Libye, Ali Hassan al-Jaber, Mohammed al-Nabbous, Anton Hammerl, Tim Hetherington, Chris Hondros et Mohammed Shaglouf; au Mexique, Luis Emanuel Ruiz Carrillo, Maria Elizabeth Macías Castro, Noel López Olguín et Rodolfo Ochoa Moreno; au Nigeria, Zakariya Isa; au Pakistan, Nasrullah Khan Afridi, Wali Khan Babar, Asfandyar Khan, Shafiullah Khan, Javed Naseer Rind, Faisal Qureshi et Saleem Shahzad; au Panama, Darío Fernández Jaén; au Pérou, Pedro Alfonso Flores Silva; aux Philippines, Romeo Olea et Gerardo Ortega; en Russie, Gadzhimurad Kamalov; en Somalie, Abdisalan Sheikh Hassan, Noramfaizul Mohd et Farah Hassan Sahal; en Syrie, Ferzat Jarban et Basil al-Sayed; en Thaïlande, Phamon Phonphanit; en Tunisie, Lucas Mebrouk Dolega; au Yémen, Jamal al-Sharaabi, Hassan al-Wadhaf et Fuad al-Shamri.

Tous sont morts en essayant de faire connaître la vérité au reste d'entre nous. Dans le sens le plus profond, ils sont morts pour nous. C'est notre modeste façon de témoigner de leur sacrifice.

Le Championnat du monde de curling féminin de 2012

Félicitations à l'équipe de Heidi Hanlon

L'honorable John D. Wallace : Honorables sénateurs, le samedi 21 avril 2012 a été une journée extraordinaire et empreinte d'une vraie fierté pour le Nouveau-Brunswick et surtout pour ceux d'entre nous qui habitent dans l'agglomération de Saint John. En effet, c'est ce jour-là que nous avons reçu de Copenhague, au Danemark, la nouvelle que l'équipe de Heidi Hanlon, du Thistle-St. Andrew's Curling Club, à Saint John, venait de triompher de l'Écosse au compte de 12 à 2 pour remporter le Championnat du monde de curling féminin. Et quelle victoire convaincante et éclatante!

À titre de détentrices du Championnat canadien de curling féminin de 2011, Heidi et ses compagnes, la troisième Kathy Floyd, la seconde Judy Blanchard et la première Jane Arseneau, ont représenté le Canada au championnat du monde. Les autres équipes présentes au championnat mondial étaient les championnes nationales des États-Unis, de la Suède, de la Nouvelle-Zélande, de la Suisse, de la République tchèque, de l'Irlande, du Danemark, du Japon, de l'Italie, de la Finlande, de la Slovaquie, de la Russie et de l'Écosse.

À l'issue de la poule, Heidi et son équipe avaient une fiche parfaite de six victoires sans aucune défaite. Après avoir battu la Nouvelle- Zélande en en semi-finale, l'équipe a affronté l'Écosse en finale.

Les sénateurs imagineront sans mal que, lorsqu'elle est arrivée à l'aéroport de Saint John, dimanche après midi, l'équipe championne du monde a été accueillie par une foule turbulente, fébrile et joyeuse de membres de leurs familles, d'amis et d'accompagnateurs. Il n'y a pas de doute, c'était un spectacle à voir. Je n'oublierai jamais cela.

Honorables sénateurs, s'il y a jamais eu des gens pour incarner à la perfection les adages voulant que rien ne vient sans un travail acharné et que ce qu'il y a de mieux arrive à ceux qui le méritent, ce sont bien Heidi, Kathy, Judy et Jane. Ces victoires n'arrivent pas du jour au lendemain, et elles ne sont pas le fruit du hasard. Heidi, Kathy, Judy et Jane méritent vraiment tout ce qu'elles ont obtenu. Elles sont nos championnes du monde et nous ne pourrions pas être plus fiers d'elles.

La bataille de Kapyong

Le soixante et unième anniversaire

L'honorable Yonah Martin : Honorables sénateurs, tout récemment, j'ai eu l'honneur d'organiser une cérémonie d'adieu sans précédent pour un soldat canadien qui retournait en Corée, où il a combattu il y a 61 ans. Le 21 avril 2012, j'ai accueilli Debbie Hearsey et son fils Solomon, de Sioux Lookout, en Ontario, pendant leur escale à Vancouver. Debbie Hearsey portait les cendres de son père, Archibald Lloyd Hearsey, en Corée, où repose le frère de celui-ci, Joseph Hearsey, qui a été tué dans le feu de l'action, en octobre 1951. Archie avait demandé à être inhumé en Corée avec son frère, et sa fille a noblement accédé à ses vœux. Témoignage de la profonde reconnaissance et du respect que les Coréens éprouvent pour le Canada et le rôle qu'il a joué dans la défense de la Corée à la guerre, les cendres d'Archie ont reçu les plus grands honneurs d'État lorsque sa fille est descendue de l'avion à Incheon. Le ministre coréen des Affaires des anciens combattants, Park Sung Choon, a accueilli Debbie Hearsey à l'aéroport, et une escorte militaire a pris en charge l'urne funéraire, qui a été portée au cimetière national de la Corée, où elle a reposé pendant trois jours dans un sanctuaire national. C'était la première fois que les restes d'un soldat étranger reposaient en cet endroit. Aux yeux des Coréens, il s'agit d'un insigne honneur.

En ce 61e anniversaire de la bataille de Kapyong, Archie Hearsey rejoindra son frère bien-aimé à Busan, où il est inhumé depuis 60 ans. Les frères Hearsey étaient membres du Princess Patricia's Canadian Light Infantry et ils comptaient parmi les braves Canadiens qui ont combattu avec vaillance lors de cette bataille historique. Dans les effets personnels d'Archie Hearsey, il y a un petit ruban bleu, symbole de la citation que le président des États- Unis a accordée au PPCLI pour souligner son extraordinaire résistance à Kapyong.

La bataille de Kapyong a été l'un des engagements déterminants de la guerre de Corée. Le commandant du Princess Patricia's, qu'Archie Hearsey admirait énormément, a donné des ordres simples à ses soldats avant cette bataille. Il leur a dit qu'ils devaient résister à tout prix, qu'ils ne devaient pas céder un pouce de terrain. Ils ont tous compris qu'ils devaient mourir plutôt que de laisser passer l'ennemi. Le bataillon canadien et un bataillon australien ont repoussé l'assaut de deux divisions ennemies 10 fois plus nombreuses. La brigade du Commonwealth a tenu bon, et l'offensive ennemie dans ce secteur a été enrayée.

Aujourd'hui, un autre soldat sera inhumé au cimetière commémoratif des Nations Unies à Busan, en Corée. Archie Hearsey y trouvera son dernier repos, ce qui portera à 379 le nombre de Canadiens inhumés là-bas.

Nous n'oublierons jamais ces jeunes Canadiens courageux qui se sont portés volontaires pour aller secourir un pays et une population qu'ils ne connaissaient pas. Continuons d'entretenir entre nos deux nations la solide alliance que ces jeunes Canadiens courageux ont forgée par leur héroïsme et leur sacrifice, il y a 61 ans.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le Conseil privé

Dépôt du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Syrie et du Décret concernant l'autorisation par permis

L'honorable Gerald J. Comeau, (leader adjoint suppléant du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 7 de la Loi sur les mesures économiques spéciales, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les exemplaires du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Syrie et du Décret concernant l'autorisation par permis à procéder à certaines opérations annoncées officiellement le 30 mars 2012.

L'Assemblée parlementaire de la Francophonie

La Conférence internationale sur les critères et l'auto-évaluation des Parlements démocratiques, tenue les 3 et 4 mars 2010—Dépôt du rapport

L'honorable Pierre De Bané : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant sa participation à la Conférence internationale sur les critères et l'auto-évaluation des Parlements démocratiques de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, tenue à Paris, en France, les 3 et 4 mars 2010.

La réunion du Réseau parlementaire de lutte contre le VIH-SIDA et la réunion de la Commission des affaires parlementaires, tenues du 27 au 31 mars 2010—Dépôt du rapport

L'honorable Pierre De Bané : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant sa participation à la réunion du Réseau parlementaire de lutte contre le VIH-SIDA et à la réunion de la Commission des affaires parlementaires de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), tenues à Casablanca, Marrakech, au Maroc, du 27 au 31 mars 2010.

Le séminaire parlementaire sur la « Démocratie et bonne gouvernance économique : le rôle des parlements », tenu les 10 et 11 novembre 2010—Dépôt du rapport

L'honorable Pierre De Bané : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant sa participation au séminaire parlementaire sur la « Démocratie et bonne gouvernance économique : le rôle des parlements » de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, tenue à Cotonou, au Bénin, les 10 et 11 novembre 2010.

La réunion de la Commission des affaires parlementaires, tenue les 5 et 6 avril 2011—Dépôt du rapport

L'honorable Pierre De Bané : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant sa participation à la réunion de la Commission des affaires parlementaires de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), tenue à Clermont- Ferrant, en France, les 5 et 6 avril 2011.

(1440)

L'Association interparlementaire Canada-France

La réunion du comité permanent, tenue les 15 et 16 mars 2012—Dépôt du rapport

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association interparlementaire Canada-France, à la réunion du Comité permanent, tenue à Paris, France, les 15 et 16 mars 2012.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorable sénateurs, j'ai discuté avec mon homologue d'en face du déroulement des travaux aujourd'hui. Par conséquent, je demande l'autorisation d'inscrire l'interpellation no 40 au Feuilleton des avis afin qu'il soit appelé au moment opportun aujourd'hui.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint suppléant du gouvernement) : C'est d'accord, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président : Il en est ainsi ordonné.

[Français]

La prévention et l'élimination des atrocités de masse

Avis d'interpellation

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je donne avis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur le manque d'engagement constant du Canada en matière de prévention et d'élimination des atrocités de masse, et demandant également au Sénat de suivre la recommandation du Secrétaire général des Nations Unies en désignant 2012 comme l'année de la prévention des atrocités de masse.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les pêches et les océans

L'avenir des pêches commerciales

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Cette année, le gouvernement a publié un document de travail intitulé L'avenir des pêches commerciales canadiennes. Ce document a suscité bien des inquiétudes chez les pêcheurs, en particulier en ce qui a trait aux changements des politiques sur la séparation des flottilles et le propriétaire-exploitant, qui étaient en vigueur depuis 30 ans. Les consultations au sujet de ce document ont pris fin le 15 mars, soit il y a environ six semaines, et les fonctionnaires du MPO ont indiqué qu'ils compileraient un résumé des commentaires et que ce document serait rendu public.

Madame le leader du gouvernement au Sénat accepterait-elle de demander au MPO à quel moment ce document sera publié?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question. Est-ce que madame le sénateur fait allusion à l'annonce que le ministre des Pêches a faite aujourd'hui au sujet de la conservation de l'habitat? Je ne comprends pas bien la question du sénateur.

Le sénateur Callbeck : Au début de l'année, un document de travail intitulé L'avenir des pêches commerciales canadiennes a été publié, et le MPO a tenu des consultations qui se sont terminées le 15 mars. Le ministère a alors indiqué qu'il compilerait un résumé des commentaires, qui serait également rendu public.

Madame le leader pourrait-elle demander au MPO à quel moment ce document sera rendu public?

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de cette précision. Je vais certainement me renseigner à ce sujet.

Le sénateur Callbeck : Honorables sénateurs, je me réjouis que le leader veuille bien s'informer au sujet de ce document, parce que les pêcheurs sont impatients d'avoir des nouvelles du gouvernement.

Les organisations de pêcheurs demandent un meilleur suivi et d'autres consultations sur les enjeux liés aux pêches. Certains pêcheurs ont eu le sentiment de ne pas avoir eu assez de temps pour examiner le document de travail et ils croient qu'un dialogue avec le ministère s'impose. Toutefois, le MPO est muet au sujet de nouvelles consultations.

Est-ce que le gouvernement s'engagera à mener d'autres consultations auprès de l'industrie des pêches? En outre, madame le leader peut-elle demander au ministre quand il prévoit se rendre dans le Canada atlantique, et en particulier à l'Île-du-Prince- Édouard, pour discuter avec les pêcheurs?

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de cette question. Je me ferai un plaisir de me renseigner. Je vais donc prendre note de la question.

La santé

L'étiquetage des aliments

L'honorable Robert W. Peterson : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Dans le budget de 2012, le gouvernement annonçait qu'il cesserait d'appliquer pratiquement toute la réglementation concernant l'étiquetage des aliments. Précisons : le budget annonçait que les Canadiens devront maintenant examiner eux-mêmes les étiquettes sur les emballages des aliments à l'épicerie. Les Canadiens devront vérifier eux-mêmes si les déclarations des fabricants au sujet par exemple de la teneur en cholestérol, des niveaux de sodium, de sucre et d'allergènes sont exactes. Pour ceux qui souffrent de problèmes de santé sérieux comme, par exemple, l'hypertension, l'allergie aux arachides ou le diabète, des déclarations trompeuses pourraient être fatales.

Ce sont des économies de bout de chandelle. Qu'est-ce que le gouvernement cherche à faire en mettant ainsi en danger les Canadiens pour épargner quelques dollars?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, nous ne mettons pas les Canadiens en danger. Nous nous sommes engagés à faire en sorte que les consommateurs aient l'information dont ils ont besoin au sujet des aliments qu'ils achètent. L'Agence canadienne d'inspection des aliments continuera de veiller à ce que le règlement sur l'étiquetage soit respecté, en particulier lorsqu'il y a un risque évident pour la santé ou la sécurité et, à cette fin, elle enquêtera sur les plaintes des consommateurs, elle effectuera des inspections au niveau des fabricants et des détaillants et elle procédera à des tests en laboratoire.

Le sénateur Peterson : Honorables sénateurs, j'espère que l'agence aura plus de succès que lors de cette affaire impliquant la société Maple Leaf, il y a quelque temps. Maple Leaf prétendait que ses produits ne contenaient aucun agent de conservation alors qu'en fait, ils contenaient des nitrates. Nous savons où tout cela mène. J'espère qu'elle fera preuve de plus de diligence que par le passé.

Le sénateur LeBreton : Il me paraît tout à fait évident que, à la suite de cette éclosion de listériose, à l'été 2008, l'Agence canadienne d'inspection des aliments a pris des mesures rigoureuses et augmenté le nombre d'inspecteurs. Avec la coopération de l'industrie, l'agence a beaucoup amélioré la sécurité des Canadiens grâce à son régime d'inspection des viandes.

[Français]

La coopération internationale

L'appui à l'aide internationale

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, le budget de 2012 présenté il y a trois semaines prévoit que les dépenses du gouvernement consacrées à l'aide internationale seront réduites de 7,5 p. 100 au cours des trois prochaines années. L'aide du Canada destinée aux organismes internationaux doit également être revue et faire l'objet de compressions.

Ces compressions sont parmi les plus importantes du budget. Les dépenses versées à l'aide internationale, qui étaient déjà gelées au même niveau depuis 2010, sont estimées à seulement 0,29 p. 100 du revenu national cette année, ce qui est bien loin de l'engagement du Canada à verser 0,7 p. 100 du revenu national en aide publique au développement.

Le Canada se classe déjà parmi les pays développés les moins généreux en termes de dépenses liées à l'aide internationale par rapport à son revenu national. D'ici 2015, ce pourcentage risque de tomber à un niveau encore plus bas.

Cette position du gouvernement a récemment amené OXFAM Canada à poser la question suivante que je me permets de poser à madame le leader : pourquoi le gouvernement équilibre-t-il son budget sur le dos des plus démunis de ce monde?

(1450)

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, nous n'équilibrons pas le budget aux dépens des gens les plus pauvres de la planète. Comme vous le savez, depuis que nous formons le gouvernement, nous avons fait en sorte que nos engagements en matière d'aide internationale soient plus efficaces, plus ciblés et qu'ils soient assujettis à une reddition de comptes plus rigoureuse. Dans le cadre de nos engagements internationaux, le niveau de l'aide octroyée par le Canada continuera d'être plus élevé que sous le gouvernement libéral précédent.

Nous sommes évidemment tous conscients des avantages qui ont découlé du fait que le Canada a délié la totalité de son aide alimentaire, ce qui a permis de réduire les frais de transport, d'appuyer les producteurs locaux et de faire en sorte que la nourriture soit achetée aux meilleurs prix possibles dans les régions où nous concentrons nos efforts.

En 2011, le Canada a été le deuxième donateur en importance au Programme alimentaire mondial, permettant ainsi au programme d'aider plus de 90 millions de personnes dans 73 pays.

[Français]

Le sénateur Tardif : Contrairement au Canada, l'Australie et le Royaume-Uni ont augmenté leur budget d'aide internationale et ce, bien qu'ils soient dans des situations économiques similaires ou encore plus précaires. En Grande-Bretagne, David Cameron a demandé au Parlement une augmentation de 40 p. 100 de l'aide internationale pour s'assurer que le pays atteigne 0,7 p. 100 d'ici 2015, l'année cible pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement. Le Canada dépense un peu plus de 3 $ par semaine par Canadien pour l'aide internationale. D'ici 2015, nos dépenses tomberont à moins de 2,50 $ par semaine par personne.

Comment le gouvernement peut-il justifier de sabrer dans des dépenses modestes visant à aider les plus démunis, alors que la ministre de la Coopération internationale insiste pour séjourner dans des hôtels de luxe afin d'assister à des conférences sur la pauvreté, et alors que des fléaux comme le sida et la tuberculose affligent toujours des millions de personnes dans le monde?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je viens de dire que, en 2011, le Canada a été le deuxième donateur en importance au Programme alimentaire mondial. Les sénateurs savent que le Canada a conclu un partenariat avec les Canadiens en doublant les dons faits à la suite de la sécheresse en Afrique orientale. Nous avons collaboré avec des organismes qui ont de l'expérience et une bonne réputation afin de fournir une aide essentielle à plus de 13 millions de personnes. Grâce au Programme alimentaire mondial, 11,5 millions de personnes ont reçu de la nourriture au Kenya, en Éthiopie et en Somalie. En 2009-2010, 48 p. 100 de l'aide accordée par l'ACDI est allée à l'Afrique, de même que 53 p. 100 de l'aide alimentaire fournie par le même organisme.

Je suis consciente du fait que madame le sénateur ne fait pas uniquement allusion à l'Afrique. Toutefois, comme je l'ai mentionné dans ma réponse initiale, nous avons fait en sorte que notre aide internationale fasse l'objet d'une reddition de comptes plus rigoureuse et nous obtenons de meilleurs résultats sur le terrain.

Pour ce qui est des remarques du sénateur relativement au séjour de la ministre Oda à l'hôtel Savoy, je rappelle que la ministre a remboursé les frais liés au changement d'hôtel et qu'elle a présenté des excuses au Parlement et aux Canadiens.

Les actes posés par la ministre

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, ce n'est pas la première fois que la ministre Oda gaspille l'argent des contribuables. Elle a fait la même chose il y a quelques années, lorsqu'elle se trouvait à Halifax pour la cérémonie des prix Juno. Un chauffeur est venu la chercher à l'aéroport, mais elle l'a renvoyé et a insisté pour se déplacer en limousine. Elle a utilisé la limousine pour parcourir 100 mètres jusqu'au Metro Centre afin d'assister à la remise des prix Juno, et elle a fait attendre le chauffeur pendant la cérémonie.

Quand le gouvernement va-t-il commencer à utiliser judicieusement l'argent des contribuables, au lieu de le gaspiller? La ministre Oda a déjà dû présenter des excuses à Halifax et elle vient de devoir le faire encore une fois.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, premièrement, la ministre Oda s'est excusée. Elle a payé une partie des frais liés à son séjour à l'hôtel Savoy. Pour ce qui est de la cérémonie des prix Juno, elle avait aussi fait amende honorable.

Honorables sénateurs, je signale que les ministres du gouvernement actuel ont réduit leurs budgets de 18 p. 100. Quant au cabinet du premier ministre, il a réduit ses dépenses de 22 p. 100.

Une voix : Bravo!

Le sénateur LeBreton : Encore une fois, j'invite les sénateurs à comparer mes dépenses, à titre de leader du gouvernement au Sénat, à celles de mon prédécesseur. Mes collègues seront sans doute très étonnés de constater que je dépense environ 1 000 fois moins. Par ailleurs, le gouvernement a aussi réduit de près de 80 p. 100 l'utilisation des aéronefs gouvernementaux.

Honorables sénateurs, je pense qu'il est juste de dire que le gouvernement et les ministres actuels sont très prudents dans leur façon de dépenser les deniers publics.

Le sénateur Cordy : Je suis convaincue que bien des Canadiens conviendraient que 16 $ pour un verre de jus d'orange, c'est un peu exagéré. Madame le sénateur n'est-elle pas de ce avis?

Le sénateur LeBreton : Je le répète : la ministre Oda a remboursé les contribuables. Elle a présenté ses excuses. Comme je viens de le dire, le gouvernement a un dossier exceptionnel pour ce qui est de dépenser les deniers publics avec parcimonie, et la ministre Oda a, comme je l'ai dit, présenté ses excuses au Parlement et aux contribuables canadiens.

[Français]

La sécurité publique

La fermeture des prisons

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Selon le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, l'adoption du projet de loi C-10 augmentera le nombre de détenus de façon stratosphérique et forcera les gouvernements fédéral et provinciaux à construire de nouvelles prisons.

Pourtant, la semaine dernière, le ministre de la Sécurité publique, M. Vic Toews, a pris une décision qui va l'encontre de cette information en fermant les prisons de Kingston et de Laval. Étrangement, le dernier budget fédéral n'attribue aucuns fonds pour la construction de nouvelles prisons pour les remplacer.

Madame le ministre peut-elle nous dire quelle stratégie son gouvernement compte adopter afin de compenser l'augmentation des détenus causée par l'adoption du projet de loi C-10 et la réduction des cellules pouvant les accueillir, que ce soit à Kingston ou à Laval, et quel est le plan d'ensemble pour offrir à ces détenus un site d'incarcération convenable?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je suis ravie de constater que madame le sénateur a modifié l'angle d'attaque de ses questions, elle qui, il y a quelques mois, nous accusait de construire des prisons. Bien sûr, nous avons demandé à plusieurs reprises où se trouvaient ces fameuses nouvelles prisons.

La vérité, c'est que nos mesures législatives visent à faire en sorte que les délinquants dangereux et récidivistes restent emprisonnés comme il se doit. Nous ne créons pas des criminels : nous controns simplement le phénomène des portes tournantes. Autrement dit, par le passé, lorsque le gouvernement précédent était au pouvoir, un même prisonnier apparaissait à quatre reprises sur les registres. La même personne allait en prison et en sortait quatre fois. Nous allongeons simplement les peines afin que cette personne reste incarcérée plus longtemps.

D'ailleurs, la vague de détenus prédite de l'autre côté et par les soi-disant experts ne s'est pas matérialisée. Nous fermerons deux prisons. Quiconque connaît le moindrement le pénitencier de Kingston ou l'établissement Leclerc sait qu'ils ont une infrastructure fragmentaire et non conforme aux normes modernes d'hébergement de détenus. Nous avons déjà dit qu'il y a un plan en vue de déplacer les prisonniers concernés vers un établissement à sécurité maximale ou moyenne, selon leur cas respectif. Le plan a déjà été dressé. Comme le savent les sénateurs, des cellules sont ajoutées aux installations actuelles.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Madame le ministre semble penser que son gouvernement, tel un prestidigitateur, peut faire disparaître facilement la question. Or, non seulement le gouvernement fédéral a fait adopter des lois qui vont augmenter le nombre de d'emprisonnements, mais il s'est également assuré que les détenus actuels n'auraient pas droit à la libération conditionnelle, selon des termes beaucoup plus proches de la réhabilitation.

(1500)

Par contre, j'aimerais dire qu'il y a un groupe qui s'appelle GEO, une compagnie américaine qui gère des prisons privées et dont le chiffre d'affaires est de plus de 1,3 milliard de dollars. Cette compagnie a rencontré deux joueurs essentiels en vue d'une éventuelle privatisation du système carcéral canadien, soit le ministre, Vic Toews, le 18 octobre 2011, et M. John McBride, le président-directeur général de l'Agence des PPP au Canada, le 3 juin 2011.

Selon cette information, pouvons-nous conclure que le gouvernement conservateur s'apprête à lancer un appel d'offres pour privatiser le système carcéral canadien? Quand allons-nous voir des documents d'appel d'offres? Combien de places le gouvernement va-t-il assigner à ces prisons privées?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Je crois que madame le sénateur est fascinée par ce qui se passe dans le système carcéral au sud de la frontière.

Le ministre Toews a clairement expliqué pourquoi le gouvernement ferme le pénitencier Leclerc et le pénitencier de Kingston. La fermeture de ces institutions archaïques et vétustes permettra aux contribuables d'économiser près de 15 000 $ par prisonnier et par année. Le Service correctionnel du Canada et le ministère de la Sécurité publique élaborent un plan de transfert des prisonniers dans des installations tout aussi sécuritaires du système carcéral canadien, qu'il s'agisse d'installations à sécurité maximale ou moyenne. Je ne sais pas de quoi parle le sénateur en ce qui concerne un appel d'offres pour la privatisation du système carcéral. Ce n'est pas ce que prévoit le gouvernement.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Quand madame le leader parle de la vétusté de nos prisons, j’aimerais lui rappeler que nous avons à Montréal le très célèbre hôpital Hôtel-Dieu, qui date de plusieurs siècles et dans lequel, chaque jour, des citoyens québécois sont hospitalisés pour ensuite, sûrement, en ressortir en meilleure santé.

Si vous arrivez de Paris ou de l’Europe, vous savez bien qu’on ne détruit pas tout pour ensuite reconstruire. On utilise des édifices et on les remet en bon état. Le ministre avait le choix de remettre ces installations en bon état si elles ne l’étaient pas. Je ne puis croire que, depuis le début du siècle dernier, on n’avait pas apporté d’améliorations à ces établissements.

Où se retrouveront tous ces prisonniers? Les provinces, à l'heure actuelle, nous disent qu'effectivement, pour une certaine partie de la population, les prisonniers qui ont écopé d'une sentence de moins de deux ans se retrouveront dans une prison provinciale. Toutefois, pour tous les prisonniers qui ont écopé d'une sentence de plus de deux ans — et le gouvernement a renforcé les mesures dans plusieurs parties du projet de loi C-10 —, où se retrouveront-ils?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Je ne crois pas du tout qu'on puisse dire que le pénitencier de Kingston puisse d'une façon ou d'une autre être rénové et modernisé. Quiconque l'a déjà visité ou s'est déjà entretenu avec un membre de l'administration connaît les difficultés que posent les lignes de vue et la configuration des cellules. Les prisonniers peuvent lancer des objets aux gardiens, car les barreaux de cellules ne respectent pas les normes actuelles de construction des prisons.

Le Service correctionnel du Canada prévoit construire de nouvelles cellules dans les installations actuelles. Il existe une douzaine d'installations dans la région de Kingston. Il en existe d'autres à une certaine distance du pénitencier Leclerc. Le Service correctionnel du Canada mettra en œuvre, sur deux ans, un plan de transfert des prisonniers du pénitencier de Kinston et du pénitencier Leclerc dans des installations dont le niveau de sécurité correspond à leur peine.

Une chose est sûre : nous n'allons pas construire de nouvelles prisons et le gouvernement n'affectera aux services correctionnels pas un sou de plus que ce qui est nécessaire pour assurer la sécurité des Canadiens.

L'honorable Joan Fraser : J'ai une question complémentaire. Le leader a dit que les prisonniers seraient transférés d'un établissement à sécurité maximale à un autre établissement à sécurité maximale ou d'un établissement à sécurité moyenne à un autre établissement à sécurité moyenne. C'est fort bien, mais le plan prévoit également la fermeture du centre de traitement psychiatrique. Comme les membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles l'ont tous brutalement appris, le système carcéral fédéral est déjà très mal servi sur le plan du traitement de la maladie mentale. Nous savons que nos prisons sont de plus en plus peuplées de personnes atteintes de maladie mentale. Que fera le gouvernement de ces personnes?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, c'est là une question très grave. Le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles mérite des félicitations pour avoir exposé plus en détail cette épineuse question au comité lorsque nous avons étudié le projet de loi C-10.

Je ferai remarquer que c'est le gouvernement conservateur qui a assuré des ressources additionnelles, comme l'évaluation obligatoire de la santé mentale de tous les détenus dans les 90 jours suivant leur incarcération. L'accès aux services de traitement pour les détenus et la formation du personnel se sont améliorés sous le gouvernement conservateur, mais il reste que nous ne pouvons pas totalement compter sur les prisons. Ce n'est pas l'endroit qui convient pour traiter la maladie mentale. Nous travaillons avec nos homologues des provinces pour traiter les personnes souffrant de maladie mentale. Pour ce qui est du centre de Kingston, nous nous occuperons des personnes qui y ont été traitées de la même façon que nous nous occupons des autres personnes qui seront transférés au cours des deux prochaines années du pénitencier de Kingston et de l'établissement Leclerc.

[Français]

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint suppléant du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question orale posée par l'honorable sénateur Jaffer, le 8 mars 2012, concernant la violence faite aux femmes; la réponse à la question orale posée par le sénateur Chaput, le 6 mars 2012, concernant la formation en langue seconde pour les fonctionnaires; et enfin, la réponse à la question orale posée par le sénateur Comeau, le 6 mars 2012, concernant la formation en langue seconde pour les fonctionnaires.

La condition féminine

La violence faite aux femmes

(Réponse à la question posée le 8 mars 2012 par l'honorable Mobina S. B. Jaffer)

L'élimination de la violence faite aux femmes constitue une priorité pour notre gouvernement. Depuis 2007, Condition féminine Canada y a consacré plus de 49 millions de dollars. L'organisme a en effet apporté son soutien à des projets communautaires qui, conformément à l'une de ses priorités programmatiques, avaient pour objet de mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles. Ces projets étaient axés sur la prévention ou le soutien, c'est-à-dire, entre autres :

  • aider les victimes de violence sexiste, les collectivités et les prestataires de services, notamment les professionnelles et professionnels, à mieux comprendre la problématique de la violence faite aux femmes;
  • offrir de l'information à propos des ressources disponibles et des recours possibles;
  • permettre aux femmes de mieux comprendre le droit familial et le système de justice du Canada;
  • faciliter l'accès aux services courants, la prise de contact et l'aide à la transition, favoriser l'autonomie économique (y compris l'éducation financière) et améliorer les services;
  • mettre au point des outils et des mesures d'aide pour les femmes, les communautés ainsi que les professionnelles et professionnels, notamment des ressources qui tiennent compte des spécificités culturelles.

C'est principalement au moyen de ses programmes d'établissement que le gouvernement du Canada répond aux besoins des nouvelles immigrantes. Toutefois, Condition féminine Canada finance aussi une variété de projets qui profitent à ces femmes : depuis 2007, l'organisme a consacré plus de 3 millions dollars au problème de la violence faite aux femmes et aux filles immigrantes. Par exemple, à Edmonton, il a financé la conception de services sur mesure pour les immigrantes et les réfugiées ayant été victimes de violence ou de traite. Les services sont dispensés dans un refuge unique en son genre au Canada, créé spécialement pour ces femmes. Ils incluent de la sensibilisation, des ateliers, un programme de mentorat par les pairs et la liaison avec les principales parties prenantes, dont les forces de l'ordre, les services sociaux et les services d'immigration.

Les langues officielles

La formation en langue seconde pour les fonctionnaires

(Réponse à la question posée le 6 mars 2012 par l'honorable Maria Chaput)

La vérification interne du programme de formation linguistique de l'École, dont il est question dans le Rapport sur les plans et les priorités 2011-2012, a été initiée par la direction de l'École et confiée au groupe de vérification interne de l'École.

Le groupe de vérification interne de l'École met actuellement la dernière touche au rapport de vérification. On s'attend à ce qu'il soit terminé en avril. Dès qu'il sera approuvé, il sera diffusé au grand public.

(Réponse à la question posée le 6 mars 2012 par l'honorable Gerald J. Comeau)

On a mené une évaluation à l'égard d'un Protocole d'entente pilote entre l'École de la fonction publique du Canada et l'Université Sainte-Anne dans le cadre du Plan d'évaluation 2008-2009 de l'École de la fonction publique. Le rapport d'évaluation formative ainsi que le Plan d'action qui en a découlé sont disponibles sur le site internet de l'École (http ://www.csps-efpc.gc.ca/aut/cdo/cdo-arc/usa-evalreport- fra.pdf)


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur les élections au sein de premières nations

Troisième lecture—Motion d'amendement rejetée

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Patterson, appuyée par l'honorable sénateur Ogilvie, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-6, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Dyck, appuyée par l'honorable sénateur Watt, que le projet de loi S-6 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié :

a) à la page 3, l'article 3

(i) en supprimant les lignes 4 à 7;

(ii) en remplaçant les lignes 8 à 13 par ce qui suit :

« b) le gouverneur en conseil a rejeté l'élection du chef ou d'un des conseillers de cette première nation en vertu de l'article 79 de la Loi sur les Indiens sur la foi du rapport du ministre établissant qu'il y a eu des manœuvres frauduleuses à l'égard de cette élection. »;

b) à la page 4, l'article 5, en remplaçant les lignes 5 à 8 par ce qui suit :

« b) s'agissant d'une première nation dont le nom est ajouté à l'annexe en vertu des alinéas 3(1)(b), la date qui suit de six mois la prise de l'arrêté. ».

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j'aimerais répondre aux amendements proposés par notre collègue au projet de loi S-6, loi sur les élections au sein de premières nations. Le 3 avril, le sénateur Dyck a recommandé que l'alinéa 3(1)b) du projet de loi S-6 soit tout simplement rayé. Cet alinéa dit ceci :

3.(1) Le ministre peut, par arrêté, ajouter le nom d'une première nation à l'annexe dans les cas suivants [...]

b) il est convaincu qu'un conflit prolongé lié à la direction de la première nation a sérieusement compromis la gouvernance de celle-ci;

Je veux insister sur ces mots. Ils sont très explicites : si « un conflit prolongé lié à la direction de la première nation a sérieusement compromis la gouvernance de celle-ci ». Je parlerai un peu plus tard de l'importance et de la signification de ces mots.

Il est important que cet alinéa demeure dans le projet de loi. Il fournit un moyen de rétablir la direction dans une collectivité, dans les cas rares et exceptionnels où la gouvernance s'est complètement effondrée dans une Première nation et où absolument aucun progrès ne peut être réalisé sur des questions importantes pendant une période de temps prolongée.

Le sénateur a donné plusieurs raisons à l'appui, à son avis, de la suppression de cette disposition. J'aimerais maintenant les aborder.

D'abord, bien qu'il soit vrai que des témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones aient recommandé la suppression de cet alinéa, l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs nous a dit qu'il appuyait le projet de loi S-6 dans sa forme actuelle. Il s'agit d'un appui important puisque cet organisme a dirigé et défendu cette initiative depuis le début et que c'est grâce à ses recommandations que nous étudions aujourd'hui ce projet de loi.

(1510)

Le deuxième argument invoqué pour réclamer la suppression de cette disposition est qu'elle est possiblement inconstitutionnelle. Le gouvernement estime, pour plusieurs raisons, que les pouvoirs conférés au ministre par l'alinéa 3(1)b) sont constitutionnels. C'est pour ces mêmes raisons qu'il se dissocie respectueusement de l'avis formulé par l'avocat l'Association du Barreau canadien qui a témoigné devant le comité.

D'abord, les pouvoirs conférés par l'alinéa 3(1)b) sont très similaires à ceux que détient actuellement le ministre en vertu de la Loi sur les Indiens. Bien que ceux-ci aient été exercés à trois reprises dans des circonstances controversées, ils n'ont jamais été contestés avec succès pour des motifs constitutionnels.

Ensuite, nous ne devons pas oublier que les droits des Autochtones ne sont pas absolus et que les tribunaux ont déclaré que les atteintes à ces droits peuvent être justifiées dans diverses circonstances. Ainsi, une situation où une Première nation se retrouve sans gouvernance efficace en raison d'un conflit prolongé lié à la direction constitue précisément le genre de circonstance qui justifierait une atteinte à ces droits, et ce, même si un tribunal avait déterminé que le processus de sélection des dirigeants de la Première nation bénéficiait d'une protection constitutionnelle quelconque.

Enfin, dans de telles circonstances, la prise d'un arrêté en vertu de l'alinéa 3(1)b) est à mon avis ce qu'il convient de faire. Il est immoral de laisser à leur sort les membres d'une Première nation dont le conseil s'est dissous à cause d'une incapacité de résoudre des problèmes de leadership qui durent depuis longtemps. Il est immoral de confier la direction d'une Première nation à une tierce partie sous prétexte que son système d'élection n'est pas fonctionnel. Il convient au contraire que le ministre mette en place un régime stable pour un mandat de quatre ans à partir duquel la Première nation pourra réinstaurer un régime viable de son cru.

Ma collègue a indiqué que la troisième raison pour laquelle, à son avis, il faut supprimer l'alinéa 3(1)b), c'est que cette disposition donnerait au ministre de nouveaux pouvoirs sur les Premières nations qui appliquent un code coutumier que ne lui confère pas Loi sur les Indiens.

Avec tout le respect que je lui dois, ce n'est pas du tout le cas. Aux termes de la Loi sur les Indiens, le ministre peut ordonner à une bande — ce qui englobe bien sûr les Premières nations qui tiennent des élections selon leur propre coutume — de tenir une élection conformément à la Loi sur les Indiens. Dans les faits, cette demande ne peut s'appliquer qu'aux Premières nations qui appliquent un code coutumier. En qualifiant la situation « de conflit prolongé à la direction de la première nation ayant sérieusement compromis la gouvernance de celle-ci », le projet de loi S-6 circonscrit davantage l'étendue des pouvoirs du ministre que la Loi sur les Indiens, qui prévoit que le ministre peut ordonner la tenue d'élections en vertu de la loi « lorsqu'il le juge utile à la bonne administration d'une bande ».

En vertu de la Loi sur les Indiens, le ministre peut ordonner la tenue d'élections pour des raisons fort subjectives, alors qu'en vertu du projet de loi S-6, la décision du ministre doit reposer sur des preuves montrant qu'il y a un conflit à la direction qui dure depuis longtemps et qui compromet la gouvernance de la collectivité.

La quatrième raison invoquée par le sénateur Dyck, c'est qu'il y a de meilleurs moyens d'intervenir dans les conflits prolongés. Sur ce point, je suis on ne peut plus d'accord, tout comme le ministre et le ministère. Quand il y a des conflits liés à la gouvernance, le ministère fait de son mieux pour offrir des services de médiation et d'autres processus communautaires afin que la collectivité règle le conflit elle-même. Dans certains cas, la collectivité a eu recours aux tribunaux pour parvenir à une résolution, lorsque le ministre ne s'en est pas mêlé. Dans les trois cas où le ministre a exercé son pouvoir en vertu de la Loi sur les Indiens, il ne l'a fait qu'après que tous les moyens raisonnables en vue de parvenir à une solution eurent été épuisés.

Par exemple, la dernière fois que le ministre a ordonné la tenue d'élections aux termes de la Loi sur les Indiens, ce sont les Algonquins de la Première nation du lac Barrière, au Québec, qui ont été visés. Dans ce cas, la collectivité était divisée en factions, chacune prétendant être le gouvernement légitime choisi selon les coutumes de la collectivité. Les factions ont fait appel aux tribunaux à plusieurs reprises pour régler ce différend. Même si les tribunaux ont rendu des décisions, les factions ne sont pas parvenues à les appuyer et à les respecter, et elles ont continué de revendiquer le rôle de chef.

Enfin, après avoir consacré des années d'efforts — selon certains calculs, tout cela a pris 15 ans, ce qui est très long — et beaucoup de ressources à la résolution de ce conflit, sans résultat, le ministre a ordonné que les dirigeants de la collectivité soient choisis dans le cadre d'élections tenues aux termes de la Loi sur les Indiens. Ces élections allaient permettre de déterminer clairement qui serait le chef et qui serait membre du conseil. Depuis que ces élections ont eu lieu en 2010, le ministère collabore avec le chef et le conseil, et j'ai le plaisir de mentionner que des progrès ont été réalisés en ce qui concerne certains aspects clés.

Mon honorable collègue a aussi proposé que le système électoral dont il est question dans la Loi sur les Indiens soit modifié afin d'y intégrer des éléments du projet de loi S-6. Cette approche ne correspond pas aux recommandations relatives à la réforme électorale qui ont été formulées par les organisations des Premières nations qui ont pris part à cette initiative. Elles ont clairement indiqué que la meilleure façon de mener à bien cette réforme consiste non pas à modifier la Loi sur les Indiens, mais bien à offrir une bonne solution de rechange qui nous permettra d'abandonner les dispositions de la Loi sur les Indiens relatives aux élections, qui sont désuètes. Honorables sénateurs, c'est là, justement, le but visé par le projet de loi S-6. Certaines Premières nations sont d'avis que cette mesure législative n'est pas une bonne solution de rechange; dans de tels cas, le ministère continue d'appuyer les efforts qu'elles déploient pour établir leur propre système électoral.

La cinquième raison à l'appui d'un amendement du projet de loi est qu'il n'existe aucune garantie que le ministre n'utilisera pas indûment les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu du projet de loi S-6. Je me reporte encore une fois au libellé de l'alinéa : « qu'un conflit prolongé lié à la direction de la première nation a sérieusement compromis la gouvernance de celle-ci ». Il doit y avoir un tel conflit pour que le ministre puisse ordonner à une Première nation de tenir des élections en vertu du projet de loi S-6. Si sa décision était remise en question, le ministre serait tenu de l'étayer et de présenter des preuves à l'appui du fait qu'un conflit prolongé lié à la direction de la première nation a sérieusement compromis la gouvernance de celle-ci. Un tribunal annulerait probablement la décision du ministre s'il en venait à la conclusion que celui-ci a agi de façon arbitraire ou pour d'autres motifs.

Je crois qu'il est important de souligner que cet alinéa ne permettrait pas au ministre d'ordonner la tenue d'élections uniquement à la lumière des décisions prises et des débats sains entre les dirigeants et les membres de la communauté. Le type de conflit requis en vertu de ce libellé relève plutôt d'un différend entre diverses factions prétendant former le gouvernement légitime de la communauté, à un point où les gouvernements du Canada, des provinces et des territoires, de même que le secteur privé et les membres de la communauté eux-mêmes ne sauraient plus qui dirige cette communauté en toute légitimité. Il s'agit de conflits de gouvernance qui s'éternisent, où les parties sont incapables de mettre fin à leurs différends ou s'y refusent. Il ne s'agit pas de débats de politique interne au sein d'un gouvernement reconnu.

Enfin, et c'est peut-être le point le plus important, je voudrais souligner que si, comme le prévoit cet amendement, on retirait cet alinéa du projet de loi S-6, le ministre serait quand même capable d'ordonner la tenue d'élections en vertu de la Loi sur les Indiens et d'un système beaucoup moins efficace — je crois que nous en convenons tous — que ce que propose le projet de loi S-6. Une Première nation dont la situation est telle que le ministre doit intervenir afin de rétablir la gouvernance devrait avoir accès au meilleur cadre législatif possible pour la tenue d'élections. Ce cadre se trouve dans le projet de loi S-6, et non dans la Loi sur les Indiens.

Pour toutes ces raisons, je recommande aux honorables sénateurs de voter contre l'amendement proposé.

(1520)

Son Honneur le Président : Y a-t-il des questions et observations?

L'honorable Lillian Eva Dyck : Le sénateur Patterson accepterait- il de répondre à une question?

Le sénateur Patterson : Oui.

Le sénateur Dyck : Je remercie le sénateur pour le discours qu'il a prononcé aujourd'hui. Je suis heureuse qu'il ait lancé l'idée que si nous étudions cet amendement, ce n'est pas principalement à cause de problèmes liés à des élections précises, mais plutôt à cause des factions en concurrence dans les communautés.

Le projet de loi S-6 a été conçu avant tout pour améliorer des élections précises; il ne porte pas sur les factions concurrentes. Ce sont deux choses différentes. Je conviens volontiers que les élections prévues dans le projet de loi S-6 seraient une nette amélioration mais, comme le sénateur l'a souligné aujourd'hui, l'amendement porte sur les factions concurrentes et non sur les irrégularités qui se produisent dans le cadre d'élections tenues en vertu de la Loi sur les Indiens ou du code coutumier.

Le sénateur a cité le lac Barrière en exemple et indiqué que la situation s'y était améliorée. Mais d'après ce que je sais, seulement 10 personnes ont participé aux élections quand on a imposé à la communauté de tenir des élections en vertu de la Loi sur les Indiens. Comment peut-on considérer que le chef et le conseil ainsi élus sont légitimes? Autrement dit, améliore-t-on vraiment la situation quand on impose la tenue d'élections dans une collectivité? Il peut y avoir des exceptions, mais je crois que la plupart des collectivités ne veulent pas que le ministre les force à tenir des élections; elles refusent donc d'y participer.

Le sénateur Patterson : Je remercie madame le sénateur de sa question. Je tenterai de répondre aux deux points qui ont été soulevés.

J'aimerais préciser, avec respect, que quand j'ai parlé pendant mon discours des factions en concurrence dans une communauté, c'était dans le contexte des désaccords en matière de gouvernance, c'est-à-dire des situations où des factions concurrentes remettent en question la validité des élections. Je crois que la disposition qui fait l'objet de notre débat d'aujourd'hui ne porte que sur les désaccords liés à la gouvernance ou au processus électoral. Elle ne s'appliquerait pas aux désaccords concernant les décisions prises par le gouvernement, ni aux divergences sur les politiques au sein d'une communauté, qui, de l'avis du sénateur, ne justifieraient pas vraiment l'intervention du ministre.

Je voudrais qu'il soit clair qu'on parle de bien plus que de factions ou d'opinions en concurrence les unes avec les autres. Il s'agit d'une concurrence entre factions qui entraîne une détérioration de la gouvernance, au point où la population n'a plus de gouvernement et s'expose au risque d'être dirigée de façon tout à fait coloniale par une tierce partie, ce que personne ne souhaite, ou au risque d'être happée par une suite sans fin de procédures judiciaires qui ne font qu'enrichir les avocats et, dans le cas du lac Barrière, ne permettent jamais de régler les problèmes, même une fois les décisions rendues par les tribunaux.

Son Honneur le Président : Le sénateur veut peut-être demander à la Chambre la permission de prolonger son intervention de cinq minutes.

Le sénateur Patterson : Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Patterson : Le sénateur en sait manifestement plus que moi sur la situation du lac Barrière, mais j'en sais assez pour comprendre que, pendant de nombreuses années, il n'y a eu, dans les faits, aucune gouvernance. L'argent a été dépensé en procédures judiciaires et versé à des avocats, ce qui n'a donné aucun résultat. Peut-être qu'il y a eu une participation minimale à une élection, mais, à ce que je sache, des dirigeants sont maintenant en fonction et sont en mesure de prendre des décisions. Espérons qu'ils pourront rétablir un code coutumier auquel adhéreront un plus grand nombre de membres de la population locale.

Le sénateur Dyck : Je crois que cette idée de concurrence entre des factions est extrêmement importante. Au lac Barrière, la situation se résume à une opposition entre les personnes élues de manière habituelle et le pouvoir héréditaire. Dans beaucoup de Premières nations, il existe des chefs héréditaires ou traditionnels qui font partie du conseil des aînés et qui peuvent avoir une opinion très différente de celle des chefs élus en vertu de la Loi sur les Indiens. C'est le cas au lac Barrière.

Je ne sais pas si le sénateur est au courant du jugement rendu par la Cour suprême de la Colombie-Britannique au début d'avril. Le tribunal a décidé qu'il s'abstiendrait d'intervenir dans une lutte de pouvoir qui dure depuis longtemps au sein de la Première nation de Gitxsan, où les chefs traditionnels héréditaires sont en conflit avec les chefs élus. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a déclaré qu'il revenait à la nation elle-même de résoudre ce différend, qui concerne les ressources transportées par l'oléoduc Northern Gateway. Compte tenu de ce qu'a déclaré le juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, pourquoi voudrions-nous inclure ce genre de disposition dans le projet de loi alors qu'elle est nettement contraire aux principes modernes?

Le sénateur Patterson : Honorables sénateurs, selon moi, en ordonnant des élections dans une collectivité où les codes coutumiers provoquent des disputes, on fournit l'occasion à cette même collectivité de créer — ensemble — un code nouveau et efficace.

Quant à la réticence des tribunaux à intervenir, je considère qu'on a affaire à une situation différente quand un ministre ordonne une élection en vertu de cette disposition parce que, dans une élection, les membres de la collectivité ont l'occasion d'exprimer leur choix quant à leurs nouveaux dirigeants.

Le sénateur Dyck : La réponse du sénateur traite de l'engagement de la collectivité dans les élections et je crois que, selon le code coutumier et le retour à la tradition, tous les membres de la collectivité participent à l'élaboration du code. Le sénateur ne conviendrait-il pas qu'il serait préférable que les membres de la collectivité collaborent à l'élaboration de leur propre code plutôt que le ministre vienne leur déclarer : « Vous devez tenir une élection en vertu du projet de loi S-6 »? D'ailleurs, deux intervenants de l'Assemblée des Premières Nations, ainsi que la chef Cook-Searson, de la Saskatchewan, ont affirmé que le développement local était la solution et que le fait d'imposer des ordonnances judiciaires ne résoudra en rien ce genre de situation.

Le sénateur Patterson : Honorables sénateurs, bien sûr, je crois qu'il est de loin préférable qu'une collectivité se regroupe et arrive à un consensus. Toutefois, cette disposition — qui ne représente, soit dit en passant, qu'une petite partie d'un projet de loi important, lequel, vous en conviendrez, propose de nombreuses améliorations progressistes et désirables par rapport à la Loi sur les Indiens — cette disposition, dis-je, ne traite que des situations où les membres de la collectivité ont été incapables de s'entendre, et ce, depuis un bon moment.

Nous espérons tous qu'ils arriveront à s'entendre. Le ministère dispose de ressources pour faciliter cela, mais, quand cela ne fonctionne pas, devrait-on laisser une collectivité dans l'impasse, sans gouvernance, sans possibilité de prendre des décisions, menacée par l'imposition d'un séquestre-administrateur insensible à leurs besoins? C'est la décision que nous devons prendre aujourd'hui.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Dyck, avec l'appui de l'honorable sénateur Watt, propose que le projet de loi S-6 ne soit pas lu pour la troisième fois maintenant, mais qu'il soit amendé :

a) à la page 3, l'article 3,

(i) en supprimant les lignes 4 à 7;

(ii) en remplaçant les lignes 8 à 13 par ce qui suit :

« b) le gouverneur en conseil a rejeté l'élection du chef ou d'un des conseillers de cette première nation en vertu de l'article 79 de la Loi sur les Indiens sur la foi du rapport du ministre établissant qu'il y a eu des manœuvres frauduleuses à l'égard de cette élection. »;

b) à la page 4, l'article 5, en remplaçant les lignes 5 à 8, par ce qui suit :

« b) s'agissant d'une première nation dont le nom est ajouté à l'annexe en vertu de l'alinéa 3(1)b), la date qui suit de six mois la prise de l'arrêté. ».

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Nous allons convoquer les sénateurs. Avons-nous l'avis des whips?

L'honorable Jim Munson : Trente minutes.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 15 h 55.

Convoquez les sénateurs.

Ai-je la permission de quitter le fauteuil?

Des voix : D'accord.

(1600)

(La motion d'amendement est rejetée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Callbeck Hervieux-Payette
Campbell Hubley
Chaput Losier-Cool
Charette-Poulin Lovelace Nicholas
Cordy Mahovlich
Cowan Mercer
Dallaire Merchant
Dawson Moore
Day Munson
De Bané Peterson
Downe Poy
Dyck Ringuette
Eggleton Rivest
Fairbairn Robichaud
Fraser Smith (Cobourg)
Furey Tardif
Harb Zimmer—34

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Maltais
Angus Marshall
Ataullahjan Martin
Boisvenu Nancy Ruth
Braley Neufeld
Brazeau Nolin
Brown Ogilvie
Buth Oliver
Cochrane Patterson
Comeau Plett
Dagenais Poirier
Demers Raine
Di Nino Rivard
Doyle Runciman
Duffy Seidman
Eaton Seth
Fortin-Duplessis Smith (Saurel)
Frum Stewart Olsen
Gerstein Stratton
Greene Tkachuk
Housakos Unger
Johnson Verner
Lang Wallace
LeBreton White—49
MacDonald

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

St. Germain—1

Son Honneur le Président : La motion d'amendement est donc rejetée.

Honorables sénateurs, le vote porte sur la troisième lecture du projet de loi S-6. Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Avec dissidence.

Son Honneur le Président : Adoptée avec dissidence.

L'honorable Patrick Brazeau : Honorables sénateurs, je veux que tout le monde sache que j'ai bien entendu voté contre les amendements proposés, mais que je me serais par contre abstenu si le vote avait porté sur le projet de loi initial. Voici pourquoi. Tout d'abord, je tiens à féliciter le gouvernement d'avoir essayé de régler...

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, lorsqu'un sénateur choisit, durant un vote par appel nominal — comme celui qui s'est déroulé un peu plus tôt —, de voter en faveur ou contre la motion, nos traditions veulent que, lorsque le Président appelle ceux qui souhaitent s'abstenir de voter, il leur permette d'expliquer leur choix. Cependant, puisqu'il n'y a pas eu de vote par appel nominal, les circonstances étaient différentes.

Par conséquent, je dois me tourner vers le bureau pour poursuivre les formalités entourant l'adoption du projet de loi à l'étape de la troisième lecture.

(Le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)

(1610)

[Français]

L'Industrielle Alliance Pacifique, Assurance et services financiers inc.

Projet de loi d'intérêt privé—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Comeau, appuyée par l'honorable sénateur Wallace, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-1003, Loi autorisant Industrielle Alliance Pacifique, Assurance et services financiers inc. à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec.

L'honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, comme mon collègue, le sénateur Comeau, l'a mentionné, ce projet de loi n'est pas controversé. Il est réclamé par une entreprise privée qui désire passer du régime fédéral au régime provincial de la province de Québec. L'Industrielle Alliance Pacifique, IAP, est une filiale de la compagnie Industrielle Alliance Assurance et services financiers, IA, une compagnie d'assurance incorporée sous le régime des lois de la province de Québec.

Afin de faire le changement de régime entre le fédéral et le provincial, une loi d'intérêt privé doit être adoptée puisqu'aucune disposition de la Loi sur les sociétés d'assurance du Canada n'a pour effet de faire passer une société d'une charte fédérale à une charte provinciale. Cette initiative est similaire à celle qui a été prise par l'entreprise en décembre dernier, afin d'assujettir une autre de leurs filiales sous charte québécoise. Comme en décembre dernier, c'est afin d'être plus efficace que la compagnie mère tente d'obtenir cette modification.

Il faut noter que la compagnie a obtenu l'aval des deux organismes réglementaires des marchés financiers, tant au fédéral qu'au provincial.

Cette situation ne crée pas un précédent puisque, depuis 1994, quatre compagnies d'assurance ont passé par le même processus afin d'être assujetties aux lois provinciales du Québec. La dernière fois que nous avons adopté une loi de la sorte, c'était pour la même compagnie, en décembre.

En terminant, j'ajoute qu'il est peut-être temps de recommander au gouvernement du Canada qu'il modifie la Loi sur les sociétés d'assurance pour permettre que les transferts de juridiction se fassent sans avoir recours au temps précieux de la Chambre et des comités. Comme je vous l'avais dit précédemment, j'ai demandé une recherche à la Bibliothèque du Parlement sur les différentes options envisageables. Une des conclusions du rapport est qu'il n'y a aucune clause permettant le transfert de juridiction, puisque l'on souhaite protéger les intérêts des détenteurs de polices d'assurance. On pourrait donc, par exemple, inclure une disposition permettant de faire un transfert de juridiction si le ministre ou le surintendant des institutions financières est convaincu que le régime de la juridiction de transfert offre aux titulaires de polices d'assurance des protections semblables à celles de la loi fédérale.

Je vais revenir sur ce sujet bientôt, honorables sénateurs.

[Traduction]

Si les sénateurs sont d'accord — et je pense que le sénateur Comeau est d'accord —, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1), je propose maintenant ceci :

Que l'application de l'article 115 du Règlement soit suspendue à l'égard du projet de loi S-1003, Loi autorisant Industrielle Alliance Pacifique, Assurance et services financiers inc. à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec; et

Que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

[Français]

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint suppléant du gouvernement) : J'appuie la proposition de mon collègue, le sénateur Dawson, selon laquelle nous abandonnions le délai d'une semaine afin de procéder au renvoi de ce projet de loi au comité.

Son Honneur le Président : Cela a été formellement proposé par l'honorable sénateur Dawson, appuyé par le sénateur Comeau.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

L'honorable Joan Fraser : Le projet de loi a-t-il été lu pour la deuxième fois? C'est seulement une question de procédure : est-ce que cette motion remplace la deuxième lecture?

Le sénateur Comeau : Si je comprends bien, c'est une motion pour procéder tout de suite au renvoi en comité du projet de loi. Donc, si je comprends bien, cela ne remplace pas la deuxième lecture. On peut procéder maintenant à la deuxième lecture et éviter une semaine d'attente, si je comprends bien la nature de la motion.

Son Honneur le Président : Si on veut utiliser l'article 115 du Règlement, cela s'applique. C'est la procédure. D'accord?

L'honorable Fernand Robichaud : Est-ce que, effectivement, le projet de loi a franchi l'étape de la deuxième lecture?

Son Honneur le Président : Pas encore.

Le sénateur Robichaud : Mais il y a un ordre de renvoi au comité, non?

Le sénateur Dawson : Il y a un ordre de renvoi pour suspendre le délai.

Le sénateur Comeau : Je propose, honorables sénateurs, que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Son Honneur le Président : Peut-être devrions-nous reprendre du début? Au Feuilleton d'aujourd'hui, on mentionne la deuxième lecture de ce projet de loi. Le sénateur Dawson, avec l'appui du sénateur Comeau, utilise l'article 115 du Règlement pour ne pas poursuivre le débat à l'étape de la deuxième lecture et suspendre cette période d'une semaine.

Le sénateur Robichaud : Suspendre cette période.

Son Honneur le Président : Oui, cette période. C'est bien cela?

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Pardonnez-moi, Votre Honneur, mais ceux d'entre nous qui siègent à ce comité auront besoin de savoir à quelle étape du processus en est le projet de loi dont ils seront saisis. Je suis peut-être plus perdue que d'habitude, mais j'ai cru comprendre que le projet de loi a été étudié à l'étape de la deuxième lecture, et qu'ensuite vous avez présenté la motion de renvoi, nonobstant l'article 115 du Règlement. Je ne remets pas en question le but de la procédure, mais j'aimerais savoir à quelle étape nous étudierons le projet de loi au comité.

Son Honneur le Président : La suspension de l'article 115 du Règlement a pour effet de suspendre l'étude du projet de loi durant la semaine en cours. En voici le texte exact :

Un comité à qui est renvoyé un projet de loi privé émanant du Sénat et exigeant un avis n'examine ce projet de loi qu'après un délai d'une semaine à compter du jour où il lui a été déféré; s'il s'agit d'un projet de loi privé émanant des Communes, le comité l'examine après un délai de vingt-quatre heures.

Je crois comprendre que nous permettons tout simplement au comité d'étudier immédiatement le projet de loi, c'est-à-dire qu'il ne sera pas obligé d'attendre une semaine, comme le prévoit le Règlement. En d'autres termes, les délibérations à l'étape de la deuxième lecture sont suspendues.

Je demande au Sénat d'expliquer cela parce que je dois admettre mon ignorance à cet égard.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je ne suis pas sûre non plus de bien comprendre la situation mais, comme nous avons accepté de suspendre l'application de l'article 115 du Règlement, Son Honneur ne devrait-il pas maintenant demander quand nous examinerons ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture? Nous pourrions passer ensuite à l'étape de la deuxième lecture.

Son Honneur le Président : Je crois que nous sommes à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi. Quand cette étape sera terminée, et si elle s'achève par la présentation d'une motion demandant que le projet de loi soit renvoyé à un comité, le comité pourra étudier cette mesure législative sans avoir à attendre le délai requis. C'est tout ce que nous faisons. Je remercie les sénateurs d'avoir aidé la présidence à comprendre cette règle.

(1620)

[Français]

Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, il s’agit là d’une règle que très peu d’entre nous ont utilisée par le passé, à mon avis. Le sénateur Dawson l’a trouvée, et cela nous aidera dans notre étude de ce projet de loi fort important pour cette entreprise.

Je remercie tous les sénateurs d’avoir accepté à l’unanimité de renvoyer ce projet de loi au comité, afin que celui-ci puisse l’étudier tout de suite.

Si personne d'autre ne souhaite prendre la parole au sujet de ce projet de loi, je propose qu'il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour un examen en profondeur.

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion tendant à la deuxième lecture de ce projet de loi?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au Comité

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Comeau propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Dawson, que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je souhaite informer le Sénat que la décision du Président sur le premier rapport du Comité du Règlement sera rendue demain.

Les droits de la personne en Iran

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Frum, attirant l'attention du Sénat sur les atteintes flagrantes aux droits de la personne en Iran, en particulier l'utilisation de la torture et le traitement cruel et inhumain des prisonniers politiques incarcérés illégalement.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, je tiens à présenter mes excuses au sénateur Frum. Je lui avais promis d'aborder cette question avant le congé, mais je n'ai pas eu le temps. Nous avons été très occupés cette semaine-là. J'ai presque tous les documents nécessaires, mais il m'en manque encore quelques-uns. J'interviendrai au sujet de cette motion la semaine prochaine mais, en attendant, j'aimerais implorer votre indulgence et demander l'ajournement du débat pour le reste du temps de parole dont je dispose.

(Sur la motion du sénateur Fraser, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat

Motion exhortant le gouvernement à moderniser et à normaliser les lois régissant l'industrie acéricole canadienne—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Raine, appuyée par l'honorable sénateur Andreychuk,

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à moderniser et à normaliser les lois régissant l'industrie acéricole canadienne — qui est prête à prendre son essor dans les marchés nord-américain et outre-mer, et qui offre aux consommateurs un produit agricole naturel et nutritif emblématique du Canada;

Que, pour ce faire, le gouvernement du Canada devrait modifier le Règlement sur les produits de l'érable conformément aux recommandations formulées en septembre 2011 par l'Institut international du sirop d'érable dans son document intitulé « Regulatory Proposal to Standardize the Grades and Nomenclature for Pure Maple Syrup in the North American and World Marketplace » (Proposition de règlement visant à normaliser les catégories et la nomenclature du sirop d'érable pur dans les marchés nord-américain et mondial), aux fins suivantes :

a) adopter une définition uniforme de ce qui constitue du sirop d'érable pur;

b) contribuer à l'élaboration d'une norme internationale relative au sirop d'érable, puisqu'il est évident que le moment est bien choisi pour instaurer une telle norme;

c) éliminer les mesures non tarifaires — notamment en ce qui concerne la taille et la forme des contenants — qui ne sont pas comprises dans la norme internationale et qui peuvent être employées pour faire obstacle au commerce;

d) moderniser et normaliser le système de catégories et de classement du sirop d'érable pur vendu sur le marché intérieur et sur les marchés d'importation et d'exportation, ainsi que dans le commerce interprovincial, en vue d'éliminer le système de classement actuel, qui est incohérent et obscur, et qui n'explique pas clairement aux consommateurs les importantes différences entre les catégories et les classes de couleur;

e) favoriser la commercialisation et la vente des produits issus d'une industrie mature, hautement organisée et bien positionnée en vue de croître;

f) rehausser la production et les ventes canadiennes, qui, chaque année, représentent plus de 80 % de la production annuelle mondiale des produits de l'érable;

g) maintenir et rehausser les normes de qualité et de sécurité relatives aux produits de l'érable;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Nolin, appuyée par l'honorable sénateur Lang, que la motion soit modifiée de la façon suivante :

1) En remplaçant les mots « qui est prête à prendre son essor » par les mots « qui désire poursuivre son développement »;

2) En remplaçant le paragraphe d) par ce qui suit :

« moderniser et normaliser le système de catégories du sirop d'érable pur vendu sur le marché intérieur et sur les marchés d'importation et d'exportation, ainsi que dans le commerce interprovincial, ce qui permettrait d'expliquer plus clairement au consommateur les systèmes de catégories et de classement; ».

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, Nous en sommes presque à la saison de production du sirop d’érable, qui sera très courte cette année. Avant que cette question devienne épineuse avec ma collègue championne de ski, j’ai décidé de débuter mon intervention en vous parlant de mon histoire personnelle liée.

En effet, il y avait une cabane à sucre sur la terre de mon grand- père. Tout jeunes, nous faisions la tournée de l'érablière avec un percheron magnifique. Il n'y avait pas beaucoup de choses très modernes. On entrait dans une vieille cabane qui prenait un peu l'eau et on faisait bouillir l'eau d'érable 24 heures sur 24. Les hommes se relayaient pendant que les femmes faisaient la cuisine. Je me rappelle bien que, chaque fois, il y avait du petit blanc qui circulait pour permettre aux gens de faire la récolte de l'année.

C'était beaucoup moins compliqué que ce qu'on nous propose aujourd'hui, à savoir un projet de standardisation des normes de classification du sirop d'érable, élaboré et proposé par l'Institut international du sirop d'érable. Cela paraît très bien; la motion est assez élaborée et je n'ai pas l'intention de la commenter en détail.

J’ai pu voir qu’il y avait deux sortes de producteurs au Québec: il y a les producteurs artisanaux, comme mon grand-père, mes oncles et mon cousin, qui produit encore du sirop d’érable, donc de petites productions. Aujourd’hui, celles-ci sont un peu plus sophistiquées qu’avant puisqu’on y utilise un système de pipeline, alors que, dans le bon vieux temps, on faisait la tournée avec un cheval et on vidait chaque seau dans un énorme baril, qu’on rapportait pour faire bouillir l’eau d’érable.

Ici, on parle de sommes énormes, de milliers d'emplois, d'opérations carrément commerciales. À la lecture du dossier que m'a soumis la Fédération des producteurs acéricole du Québec, je me rends compte qu'on demande d'aller dans cette direction, mais que la consultation générale n'a pas été faite, surtout pas auprès de ceux qui sont de petits producteurs. On parle de concepts assez élaborés, comme l'appellation contrôlée, pour laquelle, comme pour le vin, toutes sortes de norme s'appliquent. On parle aussi, dans les documents, de la couleur, du degré de sucre, et cetera. Il reste quand même que si, demain, les petits producteurs artisanaux se retrouvaient face à toutes ces normes internationales approuvées, j'aimerais bien qu'ils soient contents ou qu'ils en soient exemptés.

Dans le cas présent, la seule personne habilitée à le faire à ce jour, c'est le ministère de l'Agriculture, à qui, selon le dernier budget, on vient de supprimer 300 millions de dollars.

Je suppose que c'est ce qui retarde les choses, car il me semble que si on avait les fonds disponibles, le Sénat n'aurait pas à traiter une telle question. Qu'il y ait une étude, je n'ai aucun problème avec cela, je pense que c'est important.

Surtout, quand il s'agit de petits et de grands producteurs, il y a peut-être aussi conflit d'intérêts, car il faut savoir que les grands producteurs veulent exporter. Demain, les petits vont peut-être se voir imposer des normes qui vont les affecter dans leurs opérations commerciales, voire les rendre incapables d'aller jusqu'au bout du processus.

Même si cette motion est motivée par de bonnes intentions, on n'en a selon moi pas besoin. On pourrait simplement dire au ministre, qui a reçu les mémoires et qui est informé de la question : « Mettez donc en place un processus de consultation avec les producteurs, les petits comme les grands; allez voir comment ça se passe sur le terrain. »

Vous avez des recommandations à gauche et droite. Le Comité sénatorial de l'agriculture a entendu la question, et voilà que nous devons présenter une motion pour dire au ministre de faire son travail. Cela fait quand même quelques années que je fais de la politique, et il me semble qu'on n'a pas besoin de dire au ministre de l'Agriculture de s'occuper des agriculteurs. Normalement, il s'en occupe.

Que se soit l'amendement ou la résolution principale, ce qui m'inquiète, c'est que, même si on exporte 80 p. 100 de la production, il faut savoir que le premier public à servir est la population québécoise. Il faut aussi savoir que presque 90 p. 100 de la production est faite au Québec. C'est sûr que cela nous intéresse.

À ce jour, il semble que, lorsqu’il s’agit de questions qui ont trait au Québec, nous ne sommes pas les premiers sur la liste. On n’a qu’à regarder le nombre de députés, et je crois que cela correspond à peu près à la réalité. En ce qui me concerne, et je loue la bonne volonté de ma collègue, je n’ai ni les capacités ni la compétence nécessaires pour évaluer toute la question. Je le ferai quand on nous soumettra le rapport.

À l’heure actuelle, nous avons une proposition d’un organisme qui s’intéresse aux grands producteurs. Par contre, les petits producteurs n’ont pas été consultés. En ce qui me concerne, honorables sénateurs, cette motion n’est pas mauvaise, mais elle ne devrait pas exister. Le ministre devrait faire son travail.

Je conclus en vous disant que je ne peux pas appuyer cette motion telle quelle. Je comprends que les gens qui font partie de l'association qui regroupe les grands producteurs l'appuient, mais ils n'ont même pas étudié tous les aspects de cette motion, à savoir comment évaluer la couleur et le degré de viscosité du sirop pour les classifier de façon correcte.

(1630)

Il existe des concurrents malhonnêtes qui font du « sirop de poteau ». Les honorables sénateurs qui viennent d'autres provinces n'ont peut-être pas vu de « sirop de poteau », mais au Québec, il y en a régulièrement. Il s'agit de sirop auquel on ajoute généralement beaucoup d'eau et qui est souvent de qualité très inférieure.

Il est évident que le Québec bénéficierait d’un produit de grande qualité en tout temps et à tout moment. Je crois que la meilleure façon d’implanter ce système serait que les 750 petits producteurs — ce qui représente beaucoup de gens — consentent à un processus et qu’ils en connaissent les incidences sur le plan commercial. À ce moment-là, je serais d’accord avec la motion. Il faut régler ce problème.

Je renvoie tout simplement cette motion au gouvernement et lui demande de mener une étude et de refaire ses devoirs. Après, nous pourrons nous réjouir d’avoir des normes qui éliminent la concurrence déloyale, afin qu’on ne confonde pas le sirop d’érable avec le sirop de maïs, et que le sirop d’érable soit une industrie prospère et continue de l’être. Il est important que les gens soient satisfaits au plan local. Dans le contexte actuel, je ne puis appuyer cette motion.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint suppléant du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai appris que le sénateur Carignan, qui ne pourra être présent cette semaine, s'intéresse à ce sujet. Il a demandé que l'on ajourne le débat à son nom. Étant donné les propos du sénateur Hervieux-Payette, je crois que cela donnera une motivation supplémentaire au sénateur Carignan de corriger certains commentaires qui ont été faits au cours des dernières minutes. Je propose l'ajournement du débat sur la motion au nom du sénateur Carignan.

(Sur la motion du sénateur Comeau, au nom du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La sclérose en plaques et l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cordy, attirant l'attention du Sénat sur les Canadiens qui souffrent de l'insuffisance veineuse céphalorachidienne (IVCC) et de la sclérose en plaques (SP), et qui n'ont pas accès à la procédure de « déblocage ».

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, comme vous le savez, les députés ont eu une séance d'information sur l'IVCC et j'ai demandé à madame le leader du gouvernement au Sénat si elle organiserait une séance similaire pour les sénateurs. Elle a gentiment accepté de prendre les arrangements voulus. Comme la séance aura lieu cette semaine, je voudrais ajourner le débat à mon nom pour le reste de mon temps de parole. J'interviendrai sur le sujet après avoir assisté à la séance d'information.

(Sur la motion du sénateur Cordy, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion exhortant le gouvernement à présenter des excuses officielles à la communauté sud-asiatique et aux personnes touchées par l'incident du Komagata Maru—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Jaffer, appuyée par l'honorable sénateur Munson :

Que le gouvernement du Canada présente des excuses officielles à la communauté sud-asiatique et aux personnes touchées par l'incident du Komagata Maru survenu en 1914.

L'honorable Yonah Martin : Je prends la parole aujourd'hui pour vous rappeler à quel point nous avons un pays formidable. Contrairement à bien d'autres pays, le Canada permet à ses citoyens de jouir de certaines libertés. Nous pouvons nous prévaloir de la liberté de parole, de la liberté de pensée, de la liberté de religion, de la liberté d'expression et d'opinion, de la liberté de voyager à l'étranger et de nombreuses autres libertés que nous tenons pour acquises.

Si nous décidons de faire quelque chose de notre vie, nous pouvons certainement y parvenir. Nous nous sommes protégés, par le truchement de nos lois, afin que chaque citoyen canadien et résident permanent puisse réaliser ce qu'il souhaite accomplir dans la vie. Notre qualité de vie et les possibilités qui s'offrent à nous sont sans pareilles. Il n'est pas surprenant que des gens de toutes les régions du monde considèrent que le Canada est un bon endroit où vivre, élever une famille, investir, lancer une entreprise et vieillir.

Le ministère de l'Immigration est un endroit occupé et très dynamique. Le système en place se fonde sur les principes d'équité et de justice. Le ministre Jason Kenney mérite des félicitations pour avoir assumé la responsabilité de l'un des ministères les plus délicats à gérer et en avoir fait ce qu'il est aujourd'hui.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Martin : Chaque année, notre pays accueille un quart de million d'immigrants. Ce sont des gens qui fuient la persécution ou qui cherchent tout simplement un meilleur endroit où vivre avec leur famille. Nous façonnons l'avenir de notre pays par le truchement de nos politiques, qui nous permettent d'accueillir des gens brillants et prêts à travailler. Tous les nouveaux Canadiens peuvent trouver leur place dans notre beau pays, comme ma famille et moi l'avons fait.

Malheureusement, cela n'a pas toujours été le cas. Le Canada n'a pas toujours été le refuge juste et équitable qu'il est aujourd'hui pour les migrants et les réfugiés. Dans le passé, certaines lois ont été adoptées pour traiter de façon discriminatoire certaines personnes qui arrivaient ici. C'est pourquoi le gouvernement a pris, dès son arrivée au pouvoir en 2006, des initiatives visant à reconnaître les injustices faites à certaines collectivités au cours de l'histoire de notre pays.

L'incident lié au Komagata Maru est l'un de ces épisodes malheureux. En 1914, soit il y a près d'un siècle, un paquebot japonais, le Komagata Maru, transportait 340 sikhs, 24 musulmans et 12 hindous. Ces 376 passagers étaient tous des sujets britanniques de l'État du Pendjab, en Inde. Lorsque le bateau est arrivé au port de Vancouver, 356 d'entre eux n'ont pas été autorisés à entrer au Dominion du Canada. La raison invoquée était que le paquebot n'avait pas fait un voyage sans escale jusqu'au Canada, tel que prescrit par la réglementation canadienne de l'époque en matière d'immigration. Le bateau était parti de Hong Kong et s'était rendu à Shanghai, en Chine, puis à Yokohama, au Japon, avant de finalement parvenir à sa destination, soit Vancouver, au Canada. Quelques années auparavant, le gouvernement canadien avait adopté un décret qui interdisait l'immigration de personnes qui n'arrivaient pas de leur pays de naissance ou de leur pays de citoyenneté à la suite d'un voyage continu, ou qui n'avaient pas acheté leurs billets avant de quitter leur pays de naissance ou de citoyenneté. Cette mesure excluait donc tous les bateaux qui commençaient leur voyage en Inde, puisqu'il était impossible pour un bateau de partir de l'Inde et de se rendre au Canada sans faire au moins une escale.

Cette loi a été conçue afin de d'exclure les immigrants d'origine asiatique. Seuls 20 passagers du Komagata Maru ont été accueillis sur le territoire canadien; tous les autres ont été refoulés puisque le navire à vapeur était en contravention des dispositions d'exclusion de 1908 interdisant aux navires d'arriver directement de l'Inde. Celui-ci a dû rebrousser chemin à destination de l'Asie à la fin du mois de juillet après avoir été ancré pendant deux mois au large des côtes canadiennes.

Les événements qui suivirent furent tragiques. Le Komagata Maru est arrivé à Calcutta, en Inde, aujourd'hui connu sous le nom de Kolkata, à la fin septembre, six mois après avoir quitté Hong Kong. Une canonnière britannique a présumé qu'il y avait des agitateurs politiques à bord puisqu'il avait été refoulé du Canada. Une escarmouche fut déclenchée, causant la mort de 19 des passagers. Les survivants furent arrêtés, emprisonnés ou maintenus en garde à vue jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale.

Qui sait comment la situation se serait soldée si le Canada avait accueilli ces immigrants? Ce que nous savons, c'est que la communauté indo-canadienne a énormément contribué à l'édification de notre pays.

Les restrictions imposées en matière d'immigration au début du XXe siècle constituent un chapitre déplorable de notre histoire nationale.

En reconnaissance de ce tort historique, le gouvernement conservateur a créé un fonds pour financer des projets communautaires visant à reconnaître l'incidence des mesures de guerre et des restrictions en matière d'immigration imposées aux communautés ethnoculturelles. Cette initiative s'appelle le Programme de reconnaissance historique pour les communautés, soit PRHC. Ce programme vient financer des projets commémoratifs et éducatifs communautaires reconnaissant l'expérience des communautés ethnoculturelles touchées par les mesures prises en temps de guerre et les restrictions en matière d'immigration imposées par le Canada. Le programme cherche également à faire la promotion des contributions de ces communautés à l'édification de notre pays. Le PRHC a été annoncé en 2006 et lancé en 2008. Il accorde aux projets admissibles soulignant l'incident du Komagata Maru un financement pouvant atteindre 2,5 millions de dollars.

Ce programme comporte en réalité trois volets pour reconnaître les autres torts commis par le Canada dans le passé. Le premier est une enveloppe de 10 millions de dollars à l'appui des initiatives commémorant l'expérience des communautés internées durant la Première Guerre mondiale. Ce fonds est géré par la Fondation ukrainienne-canadienne Taras Shevchenko.

(1640)

Le deuxième volet distribue 5 millions de dollars sous forme de subventions et de contributions aux communautés italo-canadienne et sino-canadienne, en raison respectivement de l'internement pendant la Seconde Guerre mondiale et des restrictions en matière d'immigration.

Le troisième volet du PRHC prévoit des subventions et des contributions pour les projets qui commémorent d'autres mesures prises en temps de guerre ou d'autres restrictions en matière d'immigration. Il englobe non seulement l'incident du Komagata Maru, mais également celui du MS St. Louis, qui a touché la communauté juive du Canada. Chaque communauté ethnoculturelle peut recevoir jusqu'à concurrence de 2,5 millions de dollars.

La création de comités consultatifs individuels pour les communautés ethnoculturelles touchées est un élément clé du PRHC. Par l'entremise des fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada, ces comités conseillent le ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme au sujet de l'intérêt relatif de chaque projet admissible. Le Comité consultatif indo-canadien s'est réuni pour la première fois le 29 juin 2009. À la suite de cette réunion, ce comité a recommandé de financer trois projets que le ministre Kenney a approuvés.

Un financement a été accordé aux Grayhound Information Services de Metcalfe, en Ontario, à Peripheral Visions de Toronto, en Ontario, et à la Progressive Intercultural Community Services Society de Surrey, en Colombie-Britannique. L'un des projets, Beyond the Gardens' Wall : The Asian Immigrant Workers of Tod Inlet des Grayhound Information Services, portait sur les restrictions à l'immigration qui visaient les communautés chinoise et indienne au Canada. Les comités consultatifs de ces deux communautés l'ont examiné et recommandé.

Le 19 janvier 2010, un nouvel appel de propositions a été lancé dans le cadre du PRHC, et d'autres propositions de projet ont été acceptées. Je suis heureuse de pouvoir dire que, jusqu'à maintenant, cinq autres projets qui s'intéressent à l'incident du Komagata Maru ont été acceptés. Outre ces projets, il faut aussi voir comment le gouvernement conservateur a traité publiquement cet incident. En mai 2008, le gouvernement du Canada a fait adopter à l'unanimité une motion à la Chambre des communes pour reconnaître l'incident du Komagata Maru et présenter des excuses à ceux qui avaient été directement touchés. Le 3 août 2008, le premier ministre Stephen Harper a présenté ces excuses aux membres de la communauté indo- canadienne à Surrey, en Colombie-Britannique.

Ces excuses historiques faisaient suite à d'autres excuses présentées antérieurement pour des erreurs commises par le gouvernement canadien, notamment l'internement des Japonais pendant la Seconde Guerre mondiale et la taxe d'entrée imposée aux immigrants chinois. Il importe de reconnaître nos erreurs passées et de ne jamais oublier les contributions que les immigrants du monde entier ont faites à notre pays. Après tout, nous sommes une nation d'immigrants qui voient la vie différemment. C'est ce qui donne au Canada son caractère particulier et son dynamisme. Chacun d'entre nous apporte une contribution unique à notre société. C'est en raison de nos différences que nous sommes si forts, si accueillants et si prospères. Notre diversité nous donne une résistance qui nous aide à supporter toutes les tempêtes, le froid, la pluie, la neige et les turbulences de l'économie qui menacent notre mode de subsistance.

Je suis fière que notre premier ministre ait présenté les excuses de notre pays à ceux qui ont souffert de l'incident du Komagata Maru. Tout comme le premier ministre, je reconnais que les anciennes lois injustes en matière d'immigration ont fait obstacle à des personnes qui auraient pu contribuer notablement à notre société. Chers collègues, nous ne devrions jamais oublier le passé. Si nous ne l'oublions pas, nous pouvons espérer ne pas répéter à l'avenir des erreurs comme l'incident du Komagata Maru.

L'honorable Art Eggleton : Madame le sénateur accepte-t-elle de répondre à une question?

Le sénateur Martin : Oui.

Le sénateur Eggleton : Je félicite le sénateur Martin de ses commentaires sur le Komagata Maru et sur d'autres erreurs du passé que divers gouvernements de notre pays ont perpétuées pendant des années. Le sénateur a salué, au début, l'équité des pratiques de M. Kenney et du gouvernement. Pourtant, nous apprenons maintenant que des dossiers toujours non réglés de personnes ayant demandé à immigrer dans notre pays avant 2006 seront fermés. Nous allons dire à ces personnes que leur dossier sera retiré de l'arriéré et que, si elles le veulent, elles peuvent poser à nouveau leur candidature. Toutefois, les règles ont changé, et certaines d'entre elles ne seront pas en mesure de présenter à nouveau leur candidature. Des personnes qui ont mis leur vie en suspens pendant des années en attendant de connaître la décision du gouvernement au sujet de leur demande d'immigration apprennent tout à coup que cette décision ne viendra pas. Est-ce vraiment équitable?

Le sénateur Martin : Honorables sénateurs, j'ai mentionné le travail que le ministre Jason Kenney accomplit actuellement et certaines des réformes qu'il pilote en se fondant sur de vastes consultations. J'ai aussi fait allusion au courage et à la détermination dont il fait preuve relativement à ces réformes. Je suis au courant de certains de ces cas et je connais même personnellement quelques-unes des personnes visées. Je fais confiance à nos fonctionnaires et au ministère pour traiter ces cas au mieux.

Ma déclaration d'aujourd'hui portait sur l'incident du Komagata Maru. J'étais en Colombie-Britannique le jour où le premier ministre a présenté ses excuses au nom du gouvernement. Lorsque la motion a été adoptée à l'unanimité, les personnes qui avaient été directement touchées et les survivants des victimes en ont été profondément émus.

Je ne retire rien de ce que j'ai dit. Le ministre Kenney travaille sans relâche. J'ai vu son agenda et je sais qu'il sillonne constamment le pays. Quant à ses dossiers, je fais pleinement confiance à son personnel et à ses fonctionnaires, et j'ai foi en leurs capacités.

Le sénateur Eggleton : Je comprends ce que dit madame le sénateur et je la félicite de ses commentaires au sujet des erreurs passées. Je crains fort, toutefois, que nous ne soyons sur le point de commettre une nouvelle erreur. Plusieurs personnes ont mis leur vie en suspens en attendant que leur demande soit traitée. Maintenant, nous les envoyons promener. Il me semble que c'est parfaitement injuste. J'espère que le sénateur en parlera au ministre, car nous ne voulons pas faire une nouvelle erreur dans le contexte de notre politique d'immigration.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

La Charte des droits et libertés

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition), ayant donné avis le 5 avril 2012 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le 30e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés qui a grandement contribué à la fierté de notre pays et à notre identité nationale.

— Honorables sénateurs, je vous remercie d'avoir accepté d'accélérer le débat sur cette interpellation, qui vise à attirer l'attention du Sénat sur un événement remarquable dont nous avons souligné le 30e anniversaire la semaine dernière. Le 17 avril 1982, Sa Majesté la reine Elizabeth, le premier ministre Trudeau et le ministre de la Justice, Jean Chrétien, ont signé la Charte des droits et libertés. Après plus de 100 ans, nous avions enfin notre propre Constitution, et les Canadiens avaient une Charte enchâssée dans la Constitution qui définissait les libertés et les droits fondamentaux auxquels nous avions tous droit et qu'aucun gouvernement ne pouvait enfreindre.

Des voix : Bravo!

(1650)

Le sénateur Cowan : Une génération entière a grandi avec la Charte. Il est facile de faire preuve de complaisance et de tenir pour acquises les garanties qui s'y trouvent. Je veux lire un extrait d'un discours que M. Trudeau a livré à la conférence constitutionnelle de février 1968 lorsqu'il était ministre de la Justice du premier ministre Pearson. Même à l'époque, il était convaincu que le Canada avait besoin d'une déclaration des droits ancrée dans la Constitution. Voici ce qu'il a déclaré :

On m'a demandé pourquoi le Canada a besoin d'une déclaration des droits, ce à quoi je réponds que les Canadiens en ont peut-être moins besoin que les citoyens d'autres pays, mais que nous ne devrions tout de même pas surestimer notre droiture. En effet, notre pays est coupable : d'avoir adopté des lois visant à détruire des livres par le feu ou à les interdire; de renverser, par voie législative, des droits qui avaient été accordés aux minorités linguistiques; d'avoir procédé à des expropriations légales qui, dans certains cas, ressemblaient plus à une confiscation; d'avoir arrêté des personnes au beau milieu de la nuit et de les avoir empêchées de communiquer avec l'extérieur pendant plusieurs jours. Nous n'avons aucune raison d'être complaisants. Combien de Canadiens savent que le droit canadien permet à la police de présenter des preuves lors de procès criminels, même si elles ont été obtenues illégalement? À part les confessions, pour lesquelles il existe des règles bien précises afin de veiller à ce qu'elles ne soient pas obtenues sous la contrainte, les preuves incriminantes [...]

C'était en 1968.

[...] sont admissibles devant nos tribunaux, même si elles ont été obtenues frauduleusement, volées par les autorités policières, obtenues sans mandat de perquisition ou recueillies dans le cadre d'une introduction par effraction dans une propriété privée. Heureusement, et c'est tout à l'honneur des forces policières de notre pays, ces tactiques ne sont que rarement utilisées. La question qu'il faut se poser, c'est de savoir si nous voulons vivre dans un pays où elles pourraient être utilisées; dans un pays où, à l'occasion, elles sont utilisées et où les citoyens et les organismes gouvernementaux ne sont pas tenus de souscrire à la même norme de conduite.

Je ne le veux pas et, à mon avis, beaucoup de Canadiens ne le veulent pas non plus.

M. Trudeau avait raison, et c'est pourquoi les Canadiens ont adhéré massivement à la Charte.

Dès le début, la Charte a été considérée comme la charte du peuple. Ce n'était pas quelque chose qui était imposé par les autorités. En fait, un nombre sans précédent de Canadiens ont participé à la rédaction du texte. Mme Lorraine Weinrib, professeure de droit réputée de l'Université de Toronto, a décrit de la façon suivante ce qui s'est passé à l'époque :

Dans le cadre d'audiences télévisées [...], un large éventail de représentants de la population canadienne ont pris la parole à tour de rôle pour dénoncer les atteintes notoires aux valeurs démocratiques libérales que sont la liberté, l'égalité et l'équité. Les uns après les autres, des groupes de défense de l'intérêt public ont ridiculisé la très faible protection des droits et des principes fondamentaux garantie par la Constitution canadienne, la Déclaration canadienne des droits et la common law. Ils réclamaient une Charte solide afin que les droits à la liberté, à l'égalité et à l'équité des Canadiens qu'ils représentaient ne soient plus violés. Le gouvernement a bien accueilli ces amicales remontrances. Des modifications ont rapidement été apportées pour remplacer un certain nombre de dispositions faibles et complaisantes.

Dans sa chronique parue la semaine dernière dans l'Ottawa Citizen, Andrew Cohen a qualifié cet exercice de « carnaval de la démocratie » extraordinaire à couvrir pour un journaliste.. Le comité spécial, coprésidé par le sénateur Joyal, qui était alors député, a siégé pendant 56 jours d'audiences télévisées. Il a entendu 914 personnes et 294 groupes. Il est intéressant de rappeler à ceux parmi nous qui se sont habitués, ces dernières années, à ce que le témoignage des ministres dure parfois moins d'une heure que le ministre de la Justice de l'époque, Jean Chrétien, a comparu devant le comité pendant plus d'une centaine d'heures pour expliquer le sens de mots et de dispositions clés.

Le sénateur Mercer : Ça, c'est de la démocratie ouverte.

Le sénateur Cowan : Comme Jean Chrétien l'a lui-même écrit dans son livre Dans la fosse aux lions, c'était tout un test. Par contre, j'estime que ce processus exigeant a été bénéfique pour la Charte et, par conséquent, pour nous tous.

Le professeur Weinrib a écrit ce qui suit :

Si la participation au processus démocratique constitue la pierre de touche de la légitimité politique, comme ceux qui s'opposaient à la Charte le prétendaient, alors la nouvelle Charte du Canada, avec ses garanties étendues et ses dispositions limitatives strictes, avait une légitimité considérable. Les nombreux groupes de défense de l'intérêt public qui ont participé à la rédaction finale de ces dispositions a fonctionné à maints égards comme l'assemblée constituante que le Canada n'avait jamais eue.

Aujourd'hui, la Charte est devenue l'un des plus importants symboles de l'identité nationale canadienne. Dans un sondage réalisé par Environics à l'automne 2010, la Charte est arrivée deuxième parmi les symboles nationaux des Canadiens. Notre système de santé est arrivé premier. La Charte était considérée plus importante même que le drapeau et l'hymne national. C'est dire la place qu'elle occupe dans notre conscience collective.

J'ai remarqué la semaine dernière que quelqu'un offrait gratuitement une application spéciale de téléphone intelligent pour la Charte, avec un menu complet comportant les différentes catégories de droits et de libertés qu'elle protège. Les promoteurs disaient que l'offre soulignait le trentième anniversaire de l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés.

On a entendu ces derniers jours que le premier ministre Harper a décidé de ne pas souligner cet anniversaire de la Charte parce qu'il est sensible aux préoccupations des Québécois relativement à la Constitution. Je soupçonne qu'un grand nombre de Québécois souhaiteraient que, au lieu de passer outre aux célébrations de la semaine dernière, supposément par déférence pour leurs préoccupations constitutionnelles, le premier ministre prenne le temps de discuter avec le gouvernement du Québec pour régler les différents actuels sur des questions comme le registre des armes à feu, les approches de la justice criminelle pour les adolescents et la réforme du Sénat.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Il pourrait même tenir une réunion des premiers ministres.

En fait, selon un sondage CROP mené en octobre dernier, une énorme majorité de Québécois, soit 80 p. 100, pensent que le rapatriement de la Constitution a été une bonne chose. Une forte proportion, 88 p. 100, est en faveur de la Charte. Avec un soutien pareil partout au pays, est-ce trop demander au premier ministre du Canada de se joindre aux Canadiens pour fêter cet anniversaire?

La Charte a véritablement transformé l'histoire de notre pays. En 1982, Mark MacGuigan, le ministre de la Justice de l'époque, a déclaré que la Charte était « le plus important développement sur le plan juridique au Canada au XXe siècle. » C'était peu après la ratification de la Charte.

À l'occasion du vingtième anniversaire de la Charte, le juge en chef Antonio Lamer a déclaré avec exubérance que la Charte avait produit « une révolution de l'envergure de l'adoption du système métrique, des grandes découvertes médicales de Louis Pasteur et de l'invention de la pénicilline et du laser. »

Plus récemment, la semaine dernière en fait, Louise Arbour, ancienne juge en chef de la Cour suprême, ancienne haut- commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et maintenant présidente de l'International Crisis Group, a écrit que « l'événement politique le plus significatif au Canada après la Deuxième Guerre mondiale est peut-être l'adoption de la Charte des droits et libertés », et que la Charte « a transformé un pays obsédé par la division du pouvoir entre le fédéral et les provinces et lui a permis de traiter de sa diversité de façon sérieuse et dans le respect de principes ».

Honorables sénateurs, pourquoi les Canadiens aiment-ils autant la Charte? Pourquoi est-elle l'objet d'autant de louanges? C'est sans aucun doute en grande partie attribuable aux droits et libertés qu'elle contient. Certains de mes collègues vont parler du profond impact de certaines des dispositions de la Charte, mais je crois qu'il y a plus. Il y a la fierté de savoir que notre pays défend avec fermeté certains principes fondamentaux qu'aucun gouvernement ne peut supprimer, la fierté de savoir que les tribunaux sont prêts à défendre ces principes, ces droits et libertés fondamentaux qui ne sont pas simplement tolérés ou maintenus par la bonne grâce de la majorité du moment, mais qui existent bel et bien en toute légitimité, en vertu de la Constitution elle-même.

J'admettrai que je suis souvent surpris lorsque certains conservateurs parlent avec mépris de dispositions de la Charte. La Charte est un rempart contre l'ingérence du gouvernement dans la vie privée des Canadiens. Elle protège nos libertés personnelles. J'aurais cru qu'il s'agirait de la valeur conservatrice suprême, surtout pour un gouvernement tellement déterminé à défendre les libertés individuelles qu'il a aboli le questionnaire détaillé de recensement obligatoire, soi-disant parce qu'il le considérait trop intrusif et coercitif à l'endroit des Canadiens pour en tolérer plus longtemps l'existence. Malheureusement, ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui ne semblent pas vraiment voir du même œil la relation entre le gouvernement et les citoyens. Demandez aux organismes de défense de l'environnement ce qu'ils pensent de leur liberté de s'élever contre les politiques gouvernementales. Mais cela relève d'un tout autre débat.

Pendant ce temps, le gouvernement Harper préfère escamoter les effets de la Charte. Il tente plutôt de mettre en valeur la contribution du premier ministre conservateur Diefenbaker et de sa Déclaration canadienne des droits.

(1700)

Je souligne et applaudis les efforts louables du premier ministre Diefenbaker. J'ai toujours reconnu ses contributions visionnaires à la société canadienne. Le hic, c'est que la Déclaration canadienne des droits était une loi ordinaire du Parlement du Canada. Elle n'a jamais donné ce qu'on en attendait. . Ce n'était tout simplement pas un instrument efficace pour protéger les libertés et les droits fondamentaux des Canadiens, mais c'était un bon début.

Au début de mes remarques, j'ai cité des propos tenus par le premier ministre Trudeau en 1968 expliquant pourquoi le Canada avait besoin d'une charte inscrite dans la Constitution. Permettez- moi de vous donner un autre exemple, qui remonte à quelques années à peine avant la négociation et la signature de la Charte.

En 1974, la police de l'Ontario a effectué une descente dans une taverne à Fort Erie. Les policiers ont fouillé presque la totalité des 155 clients et ont demandé aux 35 femmes présentes de se dévêtir et les ont soumises à un examen des cavités corporelles. Le résultat? La police a mis la main sur six onces de marijuana, dont la majorité, soit dit en passant, ont été trouvées sur le plancher de la taverne, et pas dans les vêtements ou dans les cavités corporelles des gens.

L'honorable Marc Rosenberg, juge de la Cour d'appel de l'Ontario, a traité de cette affaire dans un article qui examinait les répercussions de la Charte sur le droit pénal à l'occasion du 25e anniversaire de cette dernière. Voici ce qu'il a dit à l'époque :

La morale de l'affaire survenue à Fort Erie, ce n'est pas que la police a agi bêtement ou par excès de zèle, mais qu'elle a agi en toute légalité. La Charte a toutefois changé cela. À la suite de l'adoption de l'article 8 de la Charte, qui garantit la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives, les mandats de main-forte et autres grands pouvoirs législatifs permettant les fouilles sans mandat ont été abrogés.

Pour reprendre les mots de l'ancien juge en chef Lamer, la Charte a eu des conséquences révolutionnaires, et ce, non seulement sur le droit canadien, mais aussi en tant que constitution parmi les constitutions. Elle a été avant-gardiste à bien des égards. On n'a qu'à penser à l'article 1, qui garantit les droits et les libertés qui sont énoncés dans la Charte, « dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique ». N'oublions pas non plus l'article 33, la disposition de dérogation, la fameuse clause « nonobstant ».

À cette époque, il s'agissait de dispositions avant-gardistes très controversées. Il en a découlé une nouvelle voie, une solution de rechange, d'une part, à la suprématie législative incarnée par le modèle de Westminster et, d'autre part, à la suprématie judiciaire incarnée par le modèle américain.

Voici comment le professeur Weinrib a décrit cette situation :

La structure de la Charte en matière de protection des droits a établi des liens entre un éventail relativement large de droits garantis, assortis d'une disposition limitative rigoureuse axée sur des principes, et une disposition de dérogation qui ne s'applique qu'à certaines garanties. Par conséquent, les tribunaux ont acquis une nouvelle fonction judiciaire dictée par la Constitution. De même, la disposition de dérogation a confié aux assemblées législatives canadiennes une nouvelle fonction politique dictée par la Constitution.

Honorables sénateurs, un grand débat continue de faire rage au sujet de la Charte. On se demande si le Parlement a cédé trop de pouvoirs à l'appareil judiciaire ou si, inversement, les gouvernements d'aujourd'hui se désistent de leurs responsabilités à l'égard des questions difficiles, laissant aux tribunaux le soin de statuer en vertu de la Charte. Il va sans dire que des gens raisonnables peuvent avoir des points de vue différents sur le fait que, compte tenu de la responsabilité des tribunaux de veiller à l'application de la Charte, les gouvernements manquent de fermeté ou font preuve de passivité en présence d'enjeux qui prêtent flanc à la controverse. Cependant, il est tout à fait erroné de dire que l'attitude timorée des gouvernements est attribuable à la Charte.

À mon avis, la Charte établit un juste équilibre entre les pouvoirs judiciaire et législatif, qui adapte la suprématie parlementaire traditionnelle à un nouvel ordre à l'intérieur d'une constitution suprême et qui transfère une partie de ce pouvoir à chacun des citoyens canadiens. La disposition limitative de l'article 1 et la possibilité permanente d'invoquer l'article 33 ont créé ce que Peter Hogg appelle « le dialogue fondé sur la Charte entre l'appareil judiciaire et le pouvoir législatif ». Dans son célèbre article, il a écrit ce qui suit :

[P]our juger du bien-fondé d'un contrôle judiciaire, il est utile de considérer ce contrôle comme un élément d'un « dialogue » entre juges et pouvoirs législatifs [...] Une décision peut ainsi susciter un débat public où les valeurs définies dans la Charte prennent plus d'importance que d'habitude. L'organe législatif est ensuite à même de décider d'une marche à suivre — la réadoption de l'ancienne loi, l'adoption d'une autre loi ou l'abandon du projet — en s'inspirant de la décision du tribunal et du débat public qui en a découlé.

Nous ne sommes pas aux États-Unis. Nous avons un système propre, comme en témoigne notre Charte. Contrairement à nos voisins du Sud, dont certains estiment que leur Constitution est sujette à interprétation en fonction de l'intention première des fondateurs, dans les années 1700, nous envisageons la Constitution comme un arbre vivant. Nos tribunaux n'ont heureusement pas été politisés. Notre Cour suprême est considérée, comme l'a écrit récemment John Ibbitson dans le Globe and Mail, comme « un virtuose de l'équilibre entre les pouvoirs constitutionnels et législatifs, un rôle que la Cour suprême des États-Unis s'est vu retirer après que les républicains et les démocrates l'eurent transformée en champ de bataille idéologique ».

D'ailleurs, notre Charte, qui constituait une grande innovation en 1982, est devenue un modèle dans le monde entier. Deux professeurs américains, David Law et Mila Versteeg, ont mené il y a peu de temps une vaste recherche dans le cadre de laquelle ils ont étudié 729 constitutions adoptées dans 188 pays de 1946 à 2006. Leur analyse a révélé que la Constitution des États-Unis, longtemps considérée comme le modèle pour le monde et qualifiée à juste titre de « cadeau pour tous les pays », perd en réalité son influence. Ils ont conclu que l'un des héritiers les plus probables du titre de « principale source d'inspiration pour l'élaboration d'une Constitution » — c'est leur description — est nul autre que le Canada. Ils affirment :

Un contraste frappant peut être établi entre l'intérêt décroissant de la Constitution américaine comme modèle pour les autres pays et l'intérêt croissant du modèle offert par le voisin du Nord des États-Unis, le Canada.

C'est la Charte canadienne qui a le plus influé sur la rédaction de la Déclaration des droits de l'Afrique du Sud, des lois fondamentales d'Israël, de la Déclaration des droits de la Nouvelle-Zélande et de la Déclaration des droits de Hong Kong, entre autres. Plusieurs spécialistes ont conclu que le Canada est à l'avant-garde d'un « nouveau modèle de constitutionnalisme dans le Commonwealth ».

Law et Versteeg ont intitulé comme suit leur chapitre sur l'influence de la Charte : « Le Canada est-il une superpuissance constitutionnelle? » Il n'est donc pas étonnant que les Canadiens soient si fiers de la réalisation dont nous avons célébré le 30e anniversaire la semaine dernière.

La Constitution que nous avons forgée influence aujourd'hui le monde. Les longues négociations et l'apport direct de centaines de citoyens et d'organismes canadiens ont permis de créer quelque chose qui est considéré comme un modèle à suivre par les autres pays. Hommage à la sagesse des leaders politiques canadiens d'il y a 30 ans, cette œuvre, menée à bien grâce au leadership de Pierre Trudeau et de Jean Chrétien, est le fruit des efforts concertés des dirigeants de divers partis politiques et de différentes régions, dont Roy McMurtry, Richard Hatfield, Bill Davis et Roy Romanow.

Honorables sénateurs, je sais qu'il y en a aujourd'hui qui tournent en ridicule ce qu'on appelle le « pouvoir de persuasion ». Je suis très fier de savoir que l'un des plus grands cadeaux du Canada au monde est notre Charte, avec ses notions de droits et libertés fondamentaux, d'équilibre entre les différents pouvoirs dans un État fédéré et entre les pouvoirs judiciaire et législatif, et ses notions de respect fondamental et de société juste.

Law et Versteeg ont écrit ceci :

Toutes choses étant égales par ailleurs, plus un pays est démocratique, plus sa constitution ressemble à celle du Canada.

(1710)

Voici ce qu'ils ont déclaré :

Certains pays peuvent être très enclins à emprunter des éléments de la Charte canadienne des droits et libertés, soit parce qu'ils croient partager les buts et les valeurs de la société canadienne, soit parce qu'ils sont plus exposés que la moyenne à la réflexion juridique canadienne [...]

C'est un grand hommage.

Oui, il convient tout à fait de souligner le 30e anniversaire de cette réalisation, d'autant plus que nombreux étaient ceux qui la croyaient impossible. Le moment est venu de réfléchir à ce que nous avons accompli comme nation et à ce que nous représentons maintenant aux yeux du monde.

Honorables sénateurs, je dois vous dire que je ne comprends pas pourquoi le gouvernement Harper s'est uniquement contenté de publier un communiqué de presse laconique pour souligner cette occasion. Le gouvernement n'est-il pas fier de la Charte? Il souligne nos réalisations militaires et dépense entre autres 30 millions de dollars pour commémorer la guerre de 1812, mais il ne peut pas se résoudre à souligner le 30e anniversaire de la Charte. Lorsque nous envoyons nos militaires en Afghanistan et en Libye, par exemple, ne voulons-nous pas exposer ces pays aux droits et aux libertés que nous chérissons ici, au Canada? Nous appuyons nos militaires en grande partie parce qu'ils protègent ardemment nos valeurs canadiennes.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : La Charte canadienne des droits et libertés est au cœur des valeurs qu'ils défendent.

Comme je l'ai dit, je suis très déçu que le gouvernement Harper n'ait pas jugé bon de souligner le 30e anniversaire de la Charte, mais je soupçonne que cela a autant à voir avec l'approche de M. Harper en matière de gouvernance qu'avec un aspect particulier de la Constitution.

J'ai expliqué que la Charte était le fruit de longues audiences et de longs débats publics où le ministre de la Justice avait témoigné pendant plus de 100 heures devant un comité parlementaire et où des centaines et des centaines de personnes et de groupes avaient fait valoir leurs opinions.

Qu'est-il advenu, depuis cette époque, de ce large éventail de groupes voués à la défense de l'intérêt public qui, selon le professeur Weinrib, étaient de facto l'assemblée constituante que le Canada n'avait jamais eue et qui ont fait en sorte que la Charte soit issue du peuple? Le gouvernement Harper a tout fait pour étouffer leur voix. Le financement de bon nombre de ces groupes a été réduit ou aboli — « perdu » pour reprendre l'expression chère aux conservateurs de Harper. Le gouvernement a été très clair : il n'appuiera pas les groupes qui défendent des causes — les groupes de défense des droits des femmes et les autres organisations du genre ne doivent pas exprimer leurs opinions ni oser contredire le gouvernement. Plus récemment, les ministériels ont lancé une charge contre des organismes de charité qui représentent des milliers de Canadiens partout au pays. On a affirmé à tort que ces organisations nuisaient aux intérêts du Canada, qu'elles étaient, pour reprendre l'expression du sénateur Duffy, « anticanadiennes » et que des étrangers s'y étaient infiltrés.

Nous nous souvenons tous que l'une des premières mesures que le gouvernement Harper a prises en 2006 a été d'abolir le Programme de contestation judiciaire du Canada. Il s'agissait d'une décision idéologique et non financière : elle a été prise bien avant que la crise financière frappe le monde entier. À cette époque, le gouvernement disposait encore de l'important excédent qu'il avait hérité du gouvernement libéral précédent. Il ne pouvait donc pas plaider l'austérité pour abolir ce programme. Le gouvernement conservateur n'aime tout simplement pas être contesté — ni par les Canadiens, ni par l'opposition et certainement pas au moyen de contestations constitutionnelles en cour.

Le Programme de contestation judiciaire était utile aux personnes dont les droits constitutionnels avaient été violés et qui ne pouvaient pas s'offrir d'avocats pour intenter une action en cour.

Le sénateur LeBreton : Vous ressassez continuellement le même discours.

Le sénateur Cowan : Nous n'avons pas entendu le vôtre, sénateur LeBreton. Cela me fera plaisir de l'entendre. Cela représentera un défi. Entre-temps, vous pourriez écouter. Qui sait, vous apprendrez peut-être quelque chose.

Il a aidé les familles qui ont des enfants handicapés, il a aidé les personnes sourdes...

Une voix : Oh, oh!

Le sénateur Cowan : Si le sénateur Duffy souhaite prendre la parole, il devrait le faire à partir de sa place.

Il a aidé les personnes sourdes, qui voulaient que soit reconnu leur droit d'avoir accès à un service d'interprétation gestuelle dans les hôpitaux, et il a joué un rôle déterminant dans la défense du droit des Canadiens d'utiliser l'une ou l'autre des langues officielles.

J'ai mentionné un peu plus tôt la lettre d'opinion publiée la semaine dernière par Mme Louise Arbour, dans laquelle elle parlait notamment de l'importance du Programme de contestation judiciaire. Voici ce qu'elle disait à son sujet :

Il formait le complément par excellence de la Charte. Il témoignait de la confiance et de l'engagement du gouvernement à l'égard du respect des droits, en offrant aux plaignants et aux organisations de la société civile la possibilité d'avoir accès aux tribunaux. Grâce à ce programme, les tribunaux ont été appelés à se pencher sur de d'importants litiges fondés sur la Charte, sans lesquels il aurait sans doute fallu beaucoup plus de temps pour constituer la précieuse jurisprudence relative à la Charte.

Je suis fier qu'autant de gouvernements canadiens, tant libéraux que progressistes-conservateurs, aient accordé une telle importance à notre Constitution qu'ils ont accepté de financer un programme qui permettait qu'on conteste leurs propres lois. Ces gouvernements n'ont pas eu peur que les Canadiens expriment des opinions dissidentes. Ils ont cherché avant tout à ce que l'ensemble des lois canadiennes respectent la Constitution en tout point.

Le gouvernement actuel procède bien autrement. En plus d'avoir éliminé le Programme de contestation judiciaire et réduit le financement de nombreux groupes qui remettaient en question son travail, dans sa volonté d'imposer sa vision d'un nouveau Sénat aux Canadiens, il cherche ouvertement à contourner l'intention manifeste et le libellé de la Constitution. Il a systématiquement refusé de renvoyer la question relative à la constitutionnalité de ses propositions à la Cour suprême. À mon avis, la seule conclusion possible, c'est qu'il craint que ses propositions soient jugées inconstitutionnelles.

Honorables sénateurs, si un gouvernement est prêt à modifier la Constitution en faisant fi de la formule d'amendement, qu'est-ce qui l'empêchera de décider prochainement de faire fi des droits et des libertés fondamentaux protégés par la Charte? C'est précisément pour se protéger contre de telles décisions de la part d'un gouvernement — n'importe quel gouvernement — que nous nous sommes dotés de la Constitution et de la Charte.

Je conclus en revenant au début, aux paroles prononcées par le premier ministre Trudeau il y a 30 ans, le 17 avril 1982, lors de la cérémonie de proclamation de la Charte. Ce jour-là, il a dit espérer de tout son cœur que le Canada « accède également à la maturité politique. Qu'il devienne en plénitude ce qu'il ne devrait jamais cesser d'être dans le cœur et dans l'esprit des Canadiens ». Il a dit aussi :

Je souhaite [...] un Canada de la rencontre des ethnies où, par un choix délibéré, des hommes et des femmes d'ascendance amérindienne, française et britannique s'unissent à leurs compatriotes d'origines et de traditions culturelles les plus diverses pour partager un même pays dans la paix, la justice et le respect de leurs différences; un Canada tirant force et fierté de sa vocation bilingue; un Canada fondé sur l'entraide et le partage, plutôt que sur l'isolement des régions et la loi du chacun-pour-soi;

enfin, un Canada où chaque personne puisse vivre librement son destin, à l'abri des tracasseries et de l'arbitraire des pouvoirs publics [...]

Nous disposerons désormais d'une charte qui définit le genre de pays dans lequel nous voulons vivre et garantit solennellement les droits et libertés qui sont rattachés au titre de citoyen ou citoyenne du Canada.

Cette charte renforce les droits linguistiques des francophones hors Québec et des anglophones du Québec. Elle reconnaît notre réalité multiculturelle. Elle consacre l'égalité des femmes. Elle protège les droits des handicapés.

Je termine par les mots de Trudeau :

Ce que nous célébrons aujourd'hui n'est pas le couronnement de nos travaux mais le renouvellement de nos espoirs. Cette cérémonie ne signale pas la fin de nos efforts mais le début d'une ère nouvelle.

Célébrons le retour en terre canadienne de notre Constitution rajeunie, mais plaçons avant tout notre foi dans ceux et celles qui seront appelés à la faire vivre.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions?

[Français]

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, c'est avec beaucoup de plaisir que je participe aujourd'hui au débat sur l'interpellation de mon collègue et leader de l'opposition au Sénat, l'honorable sénateur Cowan. Ce dernier a choisi de souligner le 30e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés, un des textes fondamentaux de notre corpus législatif fédéral. Je le remercie et le félicite pour son discours éloquent et inspirant.

(1720)

C'est en 1982 que la nouvelle Loi constitutionnelle a enchâssé la Charte des droits et libertés, et c'est grâce à cette Charte que les minorités de langue officielle ont aujourd'hui au Canada les droits que nous tenons tous pour acquis.

Je voudrais vous rappeler en particulier les dispositions de la Charte qui traitent très spécifiquement de ma province, le Nouveau- Brunswick, et donc de la minorité que je représente dans cette Chambre : les Acadiennes et les Acadiens. Ces dispositions touchent principalement aux deux langues officielles de notre pays.

Le paragraphe 16(2) de la Charte stipule que le français et l'anglais sont les langues officielles de ma province, d'importance égale dans les institutions législatives et gouvernementales du Nouveau-Brunswick. C'est donc cet article, et sa confirmation dans le paragraphe 20(2) de la Charte, qui donne à la société acadienne de ma province le droit d'être servie en français par le gouvernement de Fredericton, et ce, partout dans la province.

L'article 16.1 de la Charte a été ajouté à la Charte en 1993, après le jugement de 1990 de la Cour suprême dans l'affaire Mahé, qui traitait du droit des minorités linguistiques de s'impliquer dans la gestion de l'éducation de leurs enfants. Ce nouvel article réitère que les communautés linguistiques anglophone et francophone de ma province ont un statut, des droits et des privilèges égaux. La Charte accorde notamment à notre Acadie provinciale le droit à ses propres institutions d'enseignement distinctes et à ses propres institutions culturelles distinctes, qui sont nécessaires à sa protection et sa promotion.

Ce nouvel article 16.1 confie aussi au gouvernement provincial le mandat constitutionnel de protéger et de promouvoir ce statut, ces droits et ces privilèges des deux communautés linguistiques principales de notre province. Vous comprendrez donc mieux les levées de bouclier de notre Acadie ces dernières années lorsque les deux plus récents gouvernements provinciaux ont voulu remettre en question nos acquis en matière de régies de la santé, de gestion de districts scolaires et d'éducation en français, notamment en immersion.

La Charte contient aussi d'autres dispositions touchant ma province, toujours dans le domaine des langues officielles. Ainsi, le paragraphe 17(2) accorde aux députés du Nouveau-Brunswick le droit de s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Le paragraphe 18(2) stipule que tous les documents produits par notre législature provinciale, des comptes rendus aux lois, doivent être rédigés dans les deux langues officielles, avec importance et valeur juridique égales de chacune. Le paragraphe 19(2) précise quant à lui que toute personne impliquée dans une procédure juridique devant un tribunal de ma province a le droit d'employer la langue officielle de son choix. Les prévenus dans l'affaire Louis Mailloux auraient bien aimé avoir ce droit à l'époque, je vous assure.

Honorables collègues, si vous vous rappelez mon discours du 31 janvier dernier sur l'évolution de l'éducation en français au Nouveau-Brunswick, vous savez déjà que notre Acadie n'a pas attendu la proclamation de la Charte pour se prendre en main.

Il est absolument indéniable que la Charte nous a donné un énorme coup de pouce qui nous a permis de conforter nos acquis en matière d'usage du français. Comme l'a si bien évoqué le sénateur Cowan, la Charte a enchâssé dans la Constitution de notre pays la notion de statut égal des deux langues officielles et des deux principales communautés linguistiques de notre pays, et de ma province. C'est donc pour cette raison que notre Acadie du Nouveau-Brunswick doit une fière chandelle à la Charte. Je dis merci aux visionnaires qui l'ont rédigée.

[Traduction]

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je prends la parole à l'occasion du 30e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés. Il n'arrive pas souvent dans la vie que nous ayons l'occasion de faire quelque chose qui peut avoir un effet réel et favorable sur la vie des gens. Cela n'arrive pas tous les jours. L'adoption de la Charte a été l'un des moments les plus remplis de sens et les plus émouvants de ma vie. Voici mon histoire.

En 1980, j'étais un député relativement jeune, toujours dans la trentaine, et l'ONU avait adopté une motion faisant de 1981 l'Année internationale des personnes handicapées. Le premier ministre Trudeau m'a dit : « David, je voudrais créer un comité spécial. Je veux que vous examiniez la situation qui existe au Canada et nous remettiez un rapport d'ici environ un an, au début de 1981. »

J'ai présidé le comité, qui comptait sept membres. Il y avait quatre députés libéraux que je me contenterai d'énumérer : Thérèse Killens, de Montréal, Peter Lang, de Kitchener, qui était médecin, et Ray Chénier, de Timmins. Il y avait aussi deux députés conservateurs. L'un d'eux était Walter Dinsdale, l'une des plus belles personnalités qu'il m'ait été donné de connaître. Il était officier de l'Armée du Salut et il avait servi dans les forces aériennes au cours de la Seconde guerre mondiale. Je connais sa femme, et un membre de la famille du député était handicapé. L'autre député conservateur était Bruce Halliday, député d'Oxford. C'était un homme merveilleux, et nous qui ont suivi de bons amis. Sa femme a contracté la polio dans les six mois suivant leur mariage. C'était environ un an avant l'apparition du vaccin. Elle a passé le reste de sa vie dans un lit à roulettes.

Le comité pouvait donc compte sur des gens qui comprenaient les problèmes. J'avais un oncle très proche, Lennox Smith, qui avait attrapé la polio lorsqu'il était bébé, et il a passé sa vie à marcher avec un appareil orthopédique très raide et une canne. Il n'y avait pas la moindre trace d'esprit de parti au comité. C'est très agréable. J'étais fermement convaincu qu'il fallait lancer un message parlant des difficultés que les personnes handicapées devaient surmonter au Canada. J'ai fait appel aux meilleurs rédacteurs et photographes des meilleures maisons de publicité de Toronto, leur demandant de faire don de leur temps, et nous avons produit un rapport intitulé Obstacles, que certains d'entre vous ont peut-être déjà vu. Il traitait des obstacles que les personnes handicapées devaient affronter. Nous avons choisi 12 personnes, un peu partout au Canada, qui étaient aux prises avec diverses difficultés dans des différentes régions et dans des zones éloignées.

Serait-il possible d'avoir un peu de silence?

Des photos ont été prises et je vous en montre quelques-unes. Voici Joan Green, de Saint John, au Nouveau-Brunswick. Elle souffrait d'arthrite rhumatoïde. Elle était clouée à son lit. Sa température corporelle était de trois ou quatre degrés au-dessus de la moyenne. Et elle souriait toujours.

En voici d'autres dont je veux dire un mot. Julius Hager était un Autochtone paraplégique qui habitait à Pelly Crossing, une localité minuscule du Yukon. Il était en fauteuil roulant et il était handicapé à 95 p. 100. Craig Ostopovich était devenu totalement sourd à l'adolescence, mais il a réalisé des choses étonnantes. Ses deux parents étaient sourds.

Le cas Melanie Wise sortait vraiment de l'ordinaire. Nous ne pouvions parler qu'à son père. Elle souffrait d'arriération mentale profonde et d'autisme. À l'époque, elle avait 21 ans. Elle était dans un fauteuil roulant, recroquevillée sur elle-même. Elle n'avait jamais établi de contact avec son père, ni par le regard ni par la parole. Elle souffrait également d'épilepsie, et elle avait environ 25 crises par jour. Peut-on imaginer cela? Nous avons discuté avec son père, qui était un gentleman.

Le rapport principal faisait environ 190 pages. Nous avons formulé 130 recommandations, mais le document était plein de photographies de personnes handicapées. Nous avons également produit des versions abrégées qui contenaient toutes les photos et le résumé. Toutes les écoles secondaires au Canada en voulaient des exemplaires. Les écoles d'infirmières le voulaient, tout comme les collèges communautaires qui avaient des programmes de sciences de la santé. Nous avons dû produire 400 000 exemplaires de ce rapport. La Présidente de la Chambre des communes d'alors, Mme Sauvé, qui a plus tard été nommée gouverneure générale — nous étions alors de très bons amis —, m'avait appelé pour me faire des reproches. Elle m'avait dit : « David, nous n'avons pas les moyens de nous permettre cela. » Je lui ai demandé : « Quel est le problème? » Elle a répondu : « Tout le monde veut ce rapport. » Je lui ai dit : « Vous vous en plaignez? Beaucoup de rapports parlementaires peuvent servir de remèdes pour l'insomnie. Gardez-les à votre chevet et, si vous avez de la difficulté à vous endormir, vous n'avez qu'à commencer à les lire. » Elle a rapidement battu en retraite. Nous avons produit un rapport spécial sur les populations autochtones. Un an et demi plus tard, nous avons également publié un rapport de suivi rempli de photos qui racontaient toute l'histoire.

(1730)

Honorables sénateurs, vous vous demandez peut-être pourquoi je mentionne ce point. Ce que j'essaie de montrer, c'est que nous avions réussi à intéresser les gens à ce sujet. Partout, tout le monde en parlait. Nous avions visité 23 collectivités différentes du Canada pour entendre des témoins. Nous nous étions partagés la tâche. Nous étions allés dans le Nord et dans les régions isolées. Nous avions entendu plus de 600 témoins.

J'ai perdu le fil de mes notes. J'avais l'intention de parler brièvement d'autres personnes, que je mentionnerai en passant. Nous avions un aveugle de Montréal, Denis Beaudry, et un quadriplégique d'Ottawa, Bill Selkirk. Il y avait aussi Shaun McCormick, d'Halifax, qui était devenu paraplégique à 21 ans; Barbara Goode, de North Vancouver, qui avait une déficience intellectuelle, mais qui parlait avec une grande franchise; Len Seaby, d'Edmonton, qui avait des bras artificiels depuis l'âge de quatre ans; Jennifer Myer, de Lethbridge, qui avait la sclérose en plaques; Serge LeBlanc, de Chicoutimi, qui était atteint de paralysie cérébrale; et Ian Parker, de Toronto, qui avait subi une lésion de la moelle épinière dans un accident de voiture qui l'avait laissé complètement paralysé.

Honorables sénateurs, quelques mois à peine après la parution de ce rapport, la première ébauche de la Charte a été publiée. Étant alors leader adjoint du gouvernement à la Chambre, je me suis beaucoup occupé de cette affaire. Nous avons tenu d'innombrables séances spéciales du caucus pour discuter de la Charte. Le paragraphe 15(1) était alors ainsi libellé, abstraction faite de quelques formules juridiques : « La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous [...] indépendamment de toute discrimination fondée sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe ou l'âge. » Le texte s'arrêtait là.

Nous étions fortement d'avis qu'il fallait également inclure les déficiences mentales et physiques. Je prenais la parole à ces réunions du caucus pour prononcer des discours disant que c'était une question d'intégrité et de principe, que cela faisait partie de nos valeurs. J'ai prononcé ce discours à plusieurs reprises. On me faisait part de réactions officieuses parce qu'il n'y avait pas de bureaucrates aux réunions du caucus, mais les gens parlaient à des avocats et à des juges. On m'a dit par exemple : « Cela veut-il dire que chaque immeuble de deux étages du Canada doit avoir un ascenseur? » À cette question, je répondais : « Eh bien, s'il s'agit d'édifices à bureaux du gouvernement fédéral auquel des personnes handicapées doivent avoir accès, la réponse est oui, mais ce n'est pas nécessaire dans les maisons. Nous devons supposer que l'appareil judiciaire fera preuve de bon sens à cet égard. Nous devons le faire. »

J'avais prononcé ce discours quatre ou cinq fois, mais les gens ne semblaient pas encore convaincus. J'étais un peu déprimé. Nous avions l'habitude de nous réunir dans l'édifice de l'Ouest. Un jour que je me rendais à l'édifice du Centre — je n'oublierai jamais cette rencontre —, j'ai senti un bras autour de mes épaules. C'était Allan J. MacEachen, qui était alors ministre des Finances et vice-premier ministre. Il m'a dit : « David, vous avez raison. Ne renoncez pas. C'est une question de principe. Ne renoncez surtout pas. »

Excusez-moi si je suis un peu ému. Deux semaines plus tard, je me suis levé au cours d'une autre réunion spéciale du caucus et j'ai commencé à faire le même discours, avec quelques variantes. Je n'oublierai jamais ce qui a suivi. Après plus ou moins deux minutes, Pierre Trudeau s'est levé et m'a dit : « David, nous n'avons pas à écouter votre discours encore une fois. Nous allons faire cet ajout. » Je n'ai pas pu empêcher mes larmes de couler, mais c'était des larmes de joie. Je n'oublierai jamais, jamais cela.

Je tiens à dire — et j'aimerais bien que le leader m'écoute — que nous avions réussi à faire inclure cette disposition dans la Charte, mais que ce n'était pas vraiment une réalisation libérale. Walter Dinsdale et Bruce Halliday comptaient parmi mes meilleurs amis. Des années plus tard, j'ai assisté aux funérailles de Bruce. Lorsque Walter est décédé, j'ai pris l'avion pour aller à Brandon. Je ne l'oublierai jamais parce qu'il était officier de l'Armée du Salut. Lorsque le cercueil a été descendu, l'orchestre a entonné O Boundless Salvation. Pas une seule des personnes présentes n'avait les yeux secs. Ces gens ont contribué à l'adoption de la Charte, qui est non une réalisation libérale, mais une réalisation canadienne.

Je tiens à leur rendre hommage. Je suis très fier de ce qui s'est passé, et j'espère que c'est le cas de tous les honorables sénateurs. Je voudrais mentionner quelques personnes, en particulier Barbara Reynolds et Sherri Torjman. Elles aussi y ont participé. Voilà ce que je ressens en parlant de la Charte canadienne des droits et libertés. Que dit maintenant le paragraphe 15(1)? Il dit « indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques ».

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 25 avril 2012, à 13 h 30.)


Haut de page