Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 71
Le mercredi 25 avril 2012
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations
- Pêches et océans
- Règlement, procédure et droits du Parlement
- Les travaux du Sénat
- La question du soutien aux malvoyants
- Visiteur de marque à la tribune
- La Charte des droits et libertés
- La pêche récréative au saumon de l'Atlantique
- Les négociations sur le développement à Doha
LE SÉNAT
Le mercredi 25 avril 2012
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le projet de loi sur les élections au sein de premières nations
L'honorable Patrick Brazeau : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour essayer de préciser et d'établir, une fois de plus, ce que j'ai voulu faire hier.
Hier, nous avons adopté le projet de loi S-6, une mesure législative qui, pour l'essentiel, prolonge la durée du mandat des chefs de bande et des conseillers qui organisent leurs élections aux termes de la Loi sur les Indiens. Premièrement, j'aimerais féliciter le gouvernement d'avoir essayé de s'attaquer à une question qui préoccupait bien des peuples autochtones partout au pays. Cela dit, s'il y avait eu un vote par appel nominal hier, je me serais abstenu de voter, car je travaille depuis trop longtemps à la protection des droits et des intérêts des Autochtones ordinaires partout au pays et cette mesure législative ne s'applique qu'à ceux qui organisent leurs élections aux termes de la Loi sur les Indiens.
Le fait est que, dans les Premières nations qui organisent leurs élections aux termes de la Loi sur les Indiens, la tenue des scrutins pose rarement problème. Ce qui pose problème, c'est lorsque des chefs et des collectivités des Premières nations organisent leurs élections en se fondant sur des règles coutumières qui, souvent, ne sont pas écrites. Il arrive souvent que les chefs et d'autres personnes influentes profitent de leurs citoyens, et c'est pourquoi je ne pense pas que le projet de loi S-6 soit utile ou changera quoi que ce soit dans la vie des Autochtones ordinaires.
Voilà pourquoi je voulais simplement souligner que j'ai travaillé à la protection des droits et des intérêts des Autochtones ordinaires de ce pays, que je continuerai à le faire et que le projet de loi S-6 n'est pas la voie à suivre.
[Français]
La Semaine nationale de sensibilisation aux victimes d'actes criminels
L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, en cette Semaine nationale de sensibilisation aux victimes d’actes criminels, j’ai l’honneur de rapporter que le gouvernement a annoncé, vendredi dernier à Sherbrooke, la création d’un fonds d’aide financière pour les familles dont un enfant a été assassiné ou a disparu. Ce fonds est destiné aux pères et aux mères qui doivent quitter leur travail, à la suite d’un tel événement, pour s’occuper d’eux-mêmes et de leur famille.
Permettez-moi de vous ramener au mois d’août 2005, alors que le chef de l’opposition officielle à l’autre endroit, l’honorable Stephen Harper, était en visite officielle à Sherbrooke. J’ai eu le privilège d’échanger avec lui en privé. Je lui ai parlé de l’association que je venais de fonder avec trois autres pères de famille dont les filles avaient été assassinées ou avaient disparu. Je lui ai expliqué le parcours pénible et sans soutien que doivent vivre les familles dont un proche a été assassiné ou est porté disparu. Le chef de l’opposition a été d’une écoute exceptionnelle, d’une sensibilité que je qualifierais de celle d’un bon père de famille, avec un grand désir d’agir. Ce tête-à-tête m’a permis d’échanger sur une douzaine de sujets pour lesquels l’association avait des attentes à l’égard du gouvernement fédéral. Dès lors, j’ai su que le premier ministre assumerait jusqu’au bout l’objectif de former le premier gouvernement des victimes d’actes criminels.
Six ans plus tard, alors qu’il forme le gouvernement — dont je fais partie depuis deux ans —, le premier ministre du Canada a répondu à la majorité des demandes des groupes de victimes d’actes criminels. Plus encore, ce gouvernement est devenu le premier qui se consacre à la défense des droits des victimes pour faire en sorte qu’ils passent avant ceux des criminels.
Avec l'annonce du premier ministre et de la ministre des Ressources humaines, vendredi dernier, à Sherbrooke, je dis : mission accomplie. L'annonce du gouvernement, le 20 avril dernier, est une véritable reconnaissance de l'implication et du travail des familles des victimes.
Je tiens à remercier la ministre des Ressources humaines, Diane Finley, pour le travail qu'elle a accompli et surtout pour la sensibilité qu'elle a montrée tout au long de notre collaboration dans la préparation de cette mesure.
Nous ne nous sommes pas battus pour nos familles, mais pour les familles qui, malheureusement, auront à traverser cette difficulté, cette difficile épreuve de perdre un enfant. Cette mission que nous nous sommes donnée d'accompagner ces familles prend encore plus de sens et de force quand un gouvernement comme le nôtre appuie des groupes de victimes en adoptant des mesures significatives.
En cette Semaine nationale de sensibilisation aux victimes d'actes criminels, je tiens à saluer le travail de tous les bénévoles qui œuvrent chaque jour auprès des familles qui vivent l'épreuve la plus difficile qui soit, perdre un enfant. Ces bénévoles ont la mission la plus grandiose, celle de redonner le pouvoir de la vie à ces pères et à ces mères de famille pour qui, trop souvent, la vie s’arrête avec ce drame. Leur voix est essentielle pour parler au nom de ceux qui n’en ont plus. Garder le silence, c’est vivre à jamais dans la prison des victimes.
Je tiens également à remercier le ministre de la Justice, Rob Nicholson, pour son engagement auprès des victimes d'actes criminels. J'ai eu l'occasion, cette semaine, de l'accompagner à deux reprises afin d'annoncer des projets. Son écoute et sa sensibilité à l'égard des victimes sont exceptionnelles.
Prendre la parole est tout à l'image du thème de la Semaine nationale de sensibilisation des victimes d'actes criminels cette année : Aller de l'avant!
[Traduction]
Le décès de Randy Starkman
L'honorable Nancy Greene Raine : Honorables sénateurs, c'est avec tristesse que je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage au journaliste Randy Starkman, qui a gagné de nombreux prix, et qui est décédé lundi dernier à Toronto. Il avait un mal de gorge qui, le temps de se rendre à l'hôpital, s'est transformé en angine streptococcique, puis en pneumonie. C'est une super bactérie qui l'aura finalement emporté. Il n'avait que 51 ans et il avait hâte de couvrir ses 13e Jeux olympiques, cet été.
(1340)
Il n'y avait personne comme Randy au Canada anglais pour comprendre ou couvrir le sport amateur objectivement, équitablement et avec une réelle compréhension de la complexité des nombreux sports qu'il couvrait. Ses articles nous dévoilaient le caractère et la personnalité des athlètes et des entraîneurs d'une manière qui nous faisait comprendre les enjeux et leurs motivations pour faire de la compétition au niveau international. Il suffit de lire ce que des athlètes disent pour comprendre sa passion et à quel point il était apprécié. Honorables sénateurs, voici ce que certains athlètes olympiques ont dit récemment dans les médias d'informations et sur Internet :
La patineuse de vitesse et cycliste Clara Hughes a dit ceci :
Randy était plus qu'un reporter. Pour moi et tant d'autres, il était un ami, une personne qui se souciait vraiment de nous, du sport et de la justice. Mais plus que tout, Randy tenait à faire connaître les athlètes et les disciplines sportives souvent méconnues que nous pratiquons.
La patineuse de vitesse Kristina Groves a dit ce qui suit :
Ce qu'il y a de spécial chez Randy, c'est qu'il ne se contentait pas de colliger les faits. Il ne s'en remettait pas à des recherches sur le Web et il ne posait jamais de questions simplistes ou superficielles. Il prenait le temps de connaître chaque athlète et de nouer une relation avec lui ou elle, bien au-delà de ce que lui dictait son devoir. Ce qui l'animait, c'était de savoir ce qui nous animait. Il a raconté mon histoire et celle de tant d'athlètes au Canada. Il n'était pas là seulement pour soutirer une déclaration et finir son article à temps. Il était là pour nous donner une voix et mettre en lumière l'histoire des personnes derrière les visages et les noms. Je n'ai jamais rencontré de journaliste qui se souciait autant de nous.
Le kayakiste Adam van Koeverden a déclaré ce qui suit :
Randy rédigeait des articles sur le sport avec sérieux, dévouement et intégrité. Randy était plus qu'un chroniqueur : il aimait sincèrement le sport amateur. Randy était un passionné inébranlable. Il nous aimait, et nous l'aimions en retour. Il était notre partisan, notre collègue et notre ami.
La nageuse Julia Wilkinson a fait la déclaration suivante :
Il s'agit d'une perte non seulement pour le milieu canadien de la natation, mais aussi pour tous les sports et pour l'ensemble de notre pays. Dans le monde des médias où les journalistes aiment parfois brouiller les faits et tourner le dos aux athlètes qui échouent, Randy était unique. J'ai toujours fait confiance à Randy pour qu'il me représente comme je suis, et non comme l'athlète que je devais être selon lui. Il ne m'a jamais mal citée, ne m'a jamais fait mal paraître et n'a jamais déformé les faits. Chose plus importante encore, il se souciait sincèrement du sort des athlètes. C'est pourquoi il excellait dans son travail.
L'escrimeuse Sherraine Schalm a déclaré ceci :
Il savait que nous nous entraînions comme des professionnels et il nous traitait en conséquence. Il s'informait régulièrement au sujet de nos progrès, de notre état de santé et de nos objectifs [...] Plus d'une fois tous les quatre ans.
Nos pensées et nos prières accompagnent sa femme, Mary, et sa fille, Ella, au cours de cette période difficile. Espérons qu'elles sauront trouver un peu de réconfort en sachant à quel point Randy était aimé et respecté de tous les intervenants du monde du sport amateur. Randy Starkman était un homme exceptionnel. Il nous manquera beaucoup.
Le multiculturalisme et la religion
L'honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, la semaine dernière, j'ai eu l'honneur de participer à la conférence de la Fondation Ditchley. Cette conférence a réuni 40 experts issus de différentes professions et représentant 14 pays. Les conférences de la Fondation Ditchley mettent l'accent sur les discussions ouvertes et informelles, qui tiennent compte des points de vue personnels et qui se déroulent dans le cadre de règles de confidentialité rigoureuses.
Le but général de la conférence consistait à examiner les façons par lesquelles les questions nationales touchant le multiculturalisme et la religion éclairent l'élaboration de politiques étrangères dans différents pays du monde et exercent une influence sur celles-ci. Nous avons examiné ce que signifie le multiculturalisme aujourd'hui, comment on se sert de la religion pour motiver ou justifier certaines politiques et le rôle que jouent ces deux concepts dans la politique étrangère. Nous avons étudié des exemples observés dans différentes régions et dans diverses traditions politiques.
Honorables sénateurs, les exemples de ce qu'ont vécu les pays représentés à la conférence étaient éclairants. Il m'est rapidement apparu que le Canada a pu, jusqu'à présent, éviter les ghettos ethniques ou les communautés parallèles qui existent dans certains pays d'Europe. Au Canada, le débat sur les avantages comparés du multiculturalisme et du melting-pot n'est pas nouveau. Il a cours depuis plus d'un siècle. N'oublions pas ce qu'a dit sir Wilfrid Laurier en 1907 :
Quiconque prétend être à la fois Canadien et autre chose n'est pas du tout Canadien.
Il n'y a qu'un seul drapeau qui saurait nous représenter, celui du Canada [...]
Et il n'y a qu'une seule loyauté possible : la loyauté envers les Canadiens.
Le gouvernement fédéral a déclaré en 1971, à l'époque du premier ministre Pierre Trudeau, que la Canada allait adopter une politique sur le multiculturalisme. Le débat n'a pas cessé depuis. Par exemple, la question des accommodements raisonnables, sur laquelle le Québec se penche depuis 2007, a fait l'objet d'un débat houleux dans cette province. Lorsque le gouvernement Harper est arrivé au pouvoir, le ministre de l'Immigration de l'époque, Monte Solberg, estimait que le Canada ne devait pas se soucier de protection culturelle. Jason Kenney, qui est devenu ministre de l'Immigration et de la Citoyenneté en 2008, était aussi plus en faveur du melting-pot que du multiculturalisme.
M. Kenney a entrepris de resserrer la définition de ce qu'est un Canadien. Il estimait que les immigrants devaient se conformer davantage aux normes canadiennes. Il s'est empressé de créer un guide complet à l'intention des personnes aspirant à la citoyenneté canadienne et il a mis sur pied un nouvel examen de citoyenneté. Ces changements ont été faits pour que les nouveaux citoyens puissent faire preuve d'une connaissance approfondie de l'histoire du Canada, de ses symboles, de ses institutions, de ses valeurs ainsi que des concepts fondamentaux sur lesquels repose la vraie citoyenneté.
Je suis fière des changements apportés par le Canada pour prévenir de graves questions de société dont il a été question à la conférence. Les politiques canadiennes comme celles ont jusqu'à présent atténué l'isolement des nouveaux immigrants et apaisé les anciennes animosités. Je reprends en d'autres mots ce qu'a dit le premier ministre Jean Charest : l'immigration au Canada est un privilège, et l'accueil des immigrants est la responsabilité de tous les Canadiens. Il faut savoir fixer la limite entre les deux.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune des récipiendaires, des commanditaires et des membres du conseil d'administration des prix Harry Jerome 2012 de la Black Business and Professional Association.
Au nom de tous les sénateurs, je leur souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Les prix Harry Jerome
L'honorable Don Meredith : Honorables sénateurs, j'interviens afin de souligner un événement marquant pour la communauté afro- canadienne. Cette année, la Black Business and Professional Association, une organisation caritative qui promeut l'équité et les possibilités pour la communauté noire dans les domaines des affaires, de l'emploi, de l'éducation et du développement économique, célèbre le 30e anniversaire des prix Harry Jerome. Ce gala annuel, qui est devenu l'un des événements les plus importants pour les Noirs au Canada, n'aurait pas pu exister toutes ces années sans le travail acharné d'innombrables dirigeants communautaires, professionnels et bénévoles.
La BBPA a créé les prix Harry Jerome vers la fin de 1982 pour rendre hommage aux athlètes canadiens noirs qui avaient obtenu d'excellents résultats aux Jeux du Commonwealth cette année-là. On avait suggéré d'inviter Harry Jerome, le meilleur athlète canadien des années 1960, comme conférencier principal. Malheureusement, il est mort subitement avant qu'on ait pu l'inviter. La BBPA a alors décidé d'utiliser les célébrations pour rendre hommage à Harry Jerome et de remettre des prix aux six athlètes invités.
Il est tout à fait à propos que ce gala annuel porte son nom. Né à Prince Albert, en Saskatchewan, et élevé à North Vancouver, Henry Winston Jerome était un athlète et un olympien exceptionnels. Il a représenté le Canada aux Jeux olympiques d'été de 1960, de 1964 et de 1968. En 1964, l'année de ma naissance, il a gagné la médaille de bronze à l'épreuve du 100 mètres. Il a également gagné la médaille d'or aux Jeux du Commonwealth de 1966 et aux Jeux panaméricains de 1967. Au cours de sa carrière, il a établi sept records du monde. Il a fait tout cela après s'être fait dire par les médecins, à la suite d'une grave blessure, qu'il ne marcherait peut-être plus jamais. Pour célébrer ses exploits sportifs, ses réussites universitaires et son travail en tant que défenseur des droits sociaux, Harry Jerome a été nommé officier de l'Ordre du Canada en 1970. C'est le deuxième grade en importance du pays.
La remise des prix Harry Jerome est maintenant un événement national visant à souligner l'excellence des réalisations des Afro- Canadiens dans divers domaines, que ce soit la recherche universitaire, les arts, les médias, le divertissement, l'athlétisme, les affaires, les services communautaires, les sciences de la santé, le leadership, l'excellence professionnelle, l'entrepreneuriat ou la technologie et l'innovation. Le thème de la cérémonie de cette année, qui sera « Notre héritage, notre force », nous rappelle l'héritage d'Harry Jerome, qui a surmonté le racisme, les blessures et la couverture médiatique touchant sa situation, ce qui l'a amené à adopter une devise personnelle, « Il ne faut jamais abandonner ». La cérémonie de cette année est particulièrement importante pour moi, car la Black Business and Professional Association a choisi de me décerner le tout premier prix Harry Jerome pour la promotion des intérêts des jeunes. C'est avec grand humilité que j'accepte cet honneur, car je n'ai jamais cherché à ce que l'on reconnaisse publiquement le travail que j'ai accompli auprès des jeunes. Mon principal objectif a toujours été d'améliorer la vie des jeunes afin de les amener à se surpasser.
(1350)
Honorables sénateurs, je tiens à remercier la Black Business and Professional Association de m'accorder ce nouveau prix et de me motiver à continuer de servir les jeunes. Je la remercie aussi d'avoir créé un programme de parrainage qui permettra à 500 jeunes d'assister à la cérémonie de remise des prix, qui aura lieu samedi. Je me réjouis à la perspective de rencontrer ces jeunes leaders et je veillerai à ce que leur participation à la cérémonie suscite leur engagement et fasse en sorte qu'ils se sentent habilités et encouragés, dans l'esprit de l'héritage que nous a légué Harry Jerome.
Je tiens à rendre hommage publiquement à tous ceux qui, comme moi, recevront un prix, de même qu'aux distingués hommes d'honneur de 2012 désignés par la Black Business and Professional Association, qui ont apporté une importante contribution à notre pays. Je tiens aussi à remercier ceux qui parrainent les prix Harry Jerome, puisque c'est grâce à eux qu'ils peuvent être décernés.
Enfin, j'aimerais féliciter la Black Business and Professional Association à l'occasion du trentième anniversaire des prix Harry Jerome. Puisqu'il s'agit d'un jalon important, j'ai invité les lauréats des prix Harry Jerome de 2012, les distingués hommes d'honneur de 2012 ainsi que les membres du comité exécutif de la Black Business and Professional Association sur la Colline du Parlement aujourd'hui afin de les saluer ici, au Sénat.
Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour applaudir les lauréats des prix Harry Jerome de 2012, les distingués hommes d'honneur de 2012 ainsi que la Black Business and Professional Association, qui est dirigée par Mme Pauline Christian et qui célèbre cette année son 13e anniversaire.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi interdisant les armes à sous-munitions
Première lecture
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint suppléant du gouvernement) présente le projet de loi S-10, Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous-munitions.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Comeau, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
[Traduction]
L'Association parlementaire canadienne de l'OTAN
La session du printemps, tenue du 27 au 30 mai 2011—Dépôt du rapport
L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation à la session du printemps, tenue à Varna, en Bulgarie, du 27 au 30 mai 2011.
L'Association législative Canada-Chine
Le Groupe
interparlementaire Canada-Japon
L'assemblée annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique, tenue du 8 au 12 janvier 2012—Dépôt du rapport révisé
L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport révisé de la délégation parlementaire canadienne de l'Association législative Canada-Chine concernant sa participation à la 20e assemblée annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique, tenue à Tokyo, au Japon, du 8 au 12 janvier 2012.
L'Association parlementaire canadienne de l'OTAN
La participation au séminaire du Groupe Spécial Méditerranée et Moyen-Orient, à la réunion conjointe du Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN, de la sous-commission sur les partenariats de l'OTAN et de la sous-commission sur la gouvernance démocratique et à la visite de la sous-commission sur la coopération transatlantique en matière de défense et de sécurité, tenus du 4 au 7 juillet 2011—Dépôt du rapport
L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation au séminaire du Groupe Spécial Méditerranée et Moyen-Orient, à la réunion conjointe du Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN , de la sous-commission sur les partenariats de l'OTAN et de la sous-commission sur la gouvernance démocratique et à la visite de la sous-commission sur la coopération transatlantique en matière de défense et de sécurité, tenus à La Maddalena, en Italie, les 4 et 5 juillet 2011; à Kiev, en Ukraine, du 5 au 7 juillet 2011; et à Rome, en Italie, les 6 et 7 juillet 2011.
[Français]
PÉRIODE DES QUESTIONS
La citoyenneté et l'immigration
Le programme des candidats des provinces
L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur la décision du gouvernement fédéral d'assumer la pleine gestion du Programme des candidats des provinces dans le domaine de l'immigration, le PCP.
Le Manitoba avait conclu un accord avec le gouvernement fédéral et gérait son propre programme d’immigration. Le gouvernement du Manitoba faisait et fait toujours de l’excellent travail dans la gestion du programme, et s’est même attiré les éloges du ministre de l’Immigration, Jason Kenney. Or, au moment de l’annonce de cette décision unilatérale, M. Kenney a dit que le Manitoba devrait expliquer en quoi son programme est si spécial et pourquoi il est différent des autres provinces.
Je vais vous donner une réponse: 7 p. 100 des 70 000 immigrants qualifiés qui se sont installés au Manitoba depuis 1999 sont francophones. Le gouvernement du Manitoba a collaboré de très près avec la communauté francophone du Manitoba pour recruter, accueillir et intégrer des immigrants francophones, dans le but d’assurer que la communauté francophone profite également des bienfaits de l’immigration.
Cette initiative en vue de promouvoir l'immigration francophone chez nous relève directement du gouvernement manitobain. La semaine dernière, plusieurs intervenants communautaires au Manitoba m'ont dit qu'ils ne comprenaient pas pourquoi le gouvernement fédéral ne peut pas tout simplement accepter et respecter le travail qui se fait en matière d'immigration au Manitoba, surtout en ce qui concerne le recrutement et l'accueil d'immigrants francophones.
Mes questions sont les suivantes: l’accord entre le gouvernement fédéral et le Manitoba a été conclu après avoir réalisé que la province serait mieux informée de ses besoins réels et des besoins des nouveaux arrivants. Qu’est-ce qui a changé depuis? Pourquoi avoir pris cette décision? Comment le gouvernement peut-il rassurer les francophones du Manitoba quant au fait qu’un programme entièrement géré par le gouvernement fédéral maintiendra l’initiative provinciale en ce qui a trait à l’immigration francophone?
[Traduction]
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le ministre Kenney et le gouvernement tiennent à établir un système d'immigration rapide et souple qui cible les personnes qui ont les compétences et l'expérience voulues. Je sais que chaque province a des besoins propres. Un projet de loi est à l'étude au Parlement, et tous les parlementaires auront la possibilité de bien comprendre le contexte et le raisonnement qui le sous-tendent.
Je prends note toutefois de la question sur l'immigration francophone au Manitoba. Je suis certaine que le ministre Kenney en a traité d'une façon ou d'une autre. Je sais qu'il a eu des pourparlers avec les provinces et les territoires. Par conséquent, je prends note de cette partie de la question du sénateur Chaput.
[Français]
Le sénateur Chaput : Le commissaire aux langues officielles cite le Manitoba en exemple en matière de recrutement et d'intégration d'immigrants francophones. Si c'est le Manitoba qui est cité comme exemple, et non pas une des sept provinces sous la gestion fédérale, c'est bien parce qu'il se fait quelque chose de bien chez nous qui ne se fait pas ailleurs.
Le gouvernement dit que tous les immigrants devraient avoir des services de qualité égale, indépendamment de la province dans laquelle ils choisissent de s'établir. Est-ce un engagement du gouvernement fédéral non seulement maintenir le niveau des services au Manitoba, mais également de l'étendre aux autres provinces? Quels seraient les services maintenus par le gouvernement fédéral? Les initiatives spécifiques à l'immigration francophone seront-elles maintenues? Pourriez-vous, madame le leader, obtenir ces réponses?
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Je crois que tous les sénateurs conviendront que le système d'immigration était en piteux état. Il fallait revoir la loi. Le Parlement est saisi d'un projet de loi en ce sens.
En ce qui concerne précisément les exigences linguistiques du Manitoba, comme je l'ai dit il y a un instant, je prends note de la question et je remercie le sénateur Chaput.
(1400)
La santé
L'étiquetage des aliments
L'honorable Robert W. Peterson : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Hier, je lui ai demandé pourquoi le gouvernement mettait en péril la sécurité des Canadiens en abandonnant la réglementation concernant l'étiquetage des produits alimentaires. Elle a répondu que le gouvernement avait pris « des mesures rigoureuses » et « beaucoup amélioré la sécurité des Canadiens ». J'ai ici un article publié par Postmedia News le 20 avril 2012 qui affirme le contraire.
L'article cite des tests menés à l'interne par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Ces tests ont démontré que les entreprises alimentaires les plus importantes du pays indiquent parfois, sur les étiquettes, qu'un produit contient beaucoup moins d'éléments nocifs, et beaucoup plus d'éléments nutritifs, qu'il n'en contient en réalité. Plus de 600 produits ont été soumis à ces tests, et l'information nutritionnelle de plus de la moitié d'entre eux ne concordait pas avec les données sur l'étiquette. La différence atteignait même 90 p. 100 dans certains cas. À titre d'exemple, un produit qui devait supposément fournir 30 p. 100 de l'apport quotidien en fer n'en fournissait que 2,7 p. 100. Un autre produit qui, d'après l'étiquette, ne contenait que 5 calories par portion contenait en fait 106 calories par portion.
Les consommateurs se demandent déjà s'ils peuvent se fier à l'information nutritionnelle fournie sur les étiquettes pour assurer leur sécurité, et le gouvernement veut sabrer davantage dans ce service. Je repose donc ma question : madame le leader du gouvernement reconnaîtra-t-elle enfin que la réduction du financement consacré à la réglementation de l'étiquetage alimentaire met les familles canadiennes en danger et représente une façon honteuse d'économiser quelques dollars?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le sénateur a dit vrai dans la première partie de sa question, quand il a cité correctement mes remarques au sujet du fait que nous avions considérablement amélioré le système et la sécurité alimentaire. Comme les sénateurs le savent, je ne commente généralement pas les articles parus dans les journaux si je ne sais pas quelles sont leurs sources. L'article a été publié par Postmedia, certes, mais qui l'a rédigé? Dans bien des cas, ceux qui rédigent les articles veulent mettre en valeur une position précise.
Je peux toutefois affirmer que le gouvernement, en collaboration avec l'industrie, a beaucoup amélioré l'étiquetage et le contenu des produits alimentaires vendus au Canada. Nous avons augmenté le nombre d'inspecteurs dans l'industrie de la transformation des viandes.
Je dois admettre, honorables sénateurs, qu'il faut lire attentivement les étiquettes. L'autre jour, j'ai dégusté un petit contenant de yogourt en me réjouissant qu'il ne contienne que 60 calories. Puis je me suis rendu compte que les 60 calories correspondaient à un tiers de tasse et que j'avais consommé 180 calories, en fait. Il faut examiner attentivement les étiquettes, mais l'information qui s'y trouve est exacte.
La sécurité publique
La fermeture de prisons
L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, hier, j'ai interrogé madame le leader au sujet de l'intention annoncé du gouvernement de fermer le centre régional de traitement du pénitencier de Kingston. Comme madame le leader le sait sans doute puisqu'elle a participé à l'étude sur la santé mentale menée par le Comité des affaires sociales, les centres régionaux de traitement sont les installations des services correctionnels pour le traitement des problèmes de santé mentale graves. On n'y traite pas les cas légers. Les personnes gravement malades y sont admises. On ne compte que cinq de ces centres au pays et le gouvernement annonce qu'il en fermera un, le seul en Ontario, qui, si mes calculs sont bons, accueille 20 p. 100 de tous les patients qui sont traités dans ces centres régionaux de traitement.
Je répète ma question : qu'entend faire le gouvernement avec ces gens?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je crois avoir signalé hier que la fermeture du centre de traitement du pénitencier de Kingston, auquel le sénateur a fait allusion, et de l'établissement Leclerc se ferait sur deux ans. Service correctionnel Canada a un plan et relocalisera les prisonniers selon qu'ils doivent être dans un établissement à sécurité maximale ou moyenne.
Quant aux patients qui sont soignés dans l'établissement de santé mentale au pénitencier de Kingston, lorsqu'il mettra son plan à exécution en temps utile, Service correctionnel Canada nous avisera de la façon dont il transférera ces personnes et à quel endroit.
Comme je l'ai souligné hier, honorables sénateurs, le gouvernement continuera de prendre des mesures concrètes concernant la santé mentale dans les prisons. C'est le gouvernement actuel qui a fourni des ressources additionnelles, notamment pour faire subir une évaluation de santé mentale à tous les détenus dans les 90 jours suivant le prononcé de leur peine. Avant que cette mesure soit prise, plusieurs de ces détenus devaient croupir en prison pendant plusieurs mois avant qu'une évaluation soit faite. Depuis notre arrivée au pouvoir, on a grandement amélioré l'accès au traitement pour ces détenus et la formation du personnel pour traiter ces patients.
Le sénateur Fraser : Parler d'une grande amélioration, c'est comme parler de beauté, c'est une question d'opinion. Par exemple, notamment grâce à l'enquêteur correctionnel, nous savons que le gouvernement a mis à la porte des psychologues qui travaillaient au Service correctionnel du Canada. Il a grandement réduit le niveau de qualification du personnel qui offre les programmes habituels, dont certains répondent à des besoins fort importants, comme le traitement de la toxicomanie. Il a démantelé les programmes d'intensité faible pour les délinquants sexuels au sein du Service correctionnel. Et je n'ai même pas abordé la question des centres de traitement pour les cas graves. Je ne vois pas comment on peut parler d'une grande amélioration.
Pour ce qui est de la situation des personnes souffrant de troubles psychiatriques graves, voilà des années qu'on sonne l'alarme. De 1997 à 2010, le nombre de délinquants atteints d'un trouble de santé mentale à l'admission a augmenté de 85 p. 100. En 2010 — il y a deux ans déjà —, le rapport du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes indiquait que l'objectif des centres de traitement régionaux, les CTR, était de stabiliser l'état des personnes ayant de graves problèmes de santé mentale afin que ces délinquants puissent réintégrer la population correctionnelle générale. Toutefois, le rapport soutient que :
[...] certains délinquants sont libérés trop rapidement des CTR et se retrouvent très vite en situation de crise dans les établissements correctionnels réguliers. Cette situation s'explique en partie par le manque d'espace pour accueillir l'ensemble des détenus sous responsabilité fédérale qui ont des besoins criants en santé mentale. Cela contribuerait au syndrome de la porte tournante et à la tendance de gérer des crises plutôt que de les prévenir.
Je trouve étrange que le gouvernement prétende qu'il va réduire ou, avec un peu de chance, mettre fin au syndrome des portes tournantes dans nos prisons.
Je répète ma question. Comment le gouvernement peut-il annoncer qu'il fermera cet établissement sans disposer d'un plan pour traiter ces personnes gravement malades? Que va faire le gouvernement?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, tout d'abord, comme c'est souvent le cas, on cite un témoignage dont on ne donne pas la source. Je le répète, grâce au programme que nous avons mis en œuvre, les prisonniers sont évalués dans les 90 jours suivant leur incarcération, contrairement à ce qui se passait auparavant.
Je peux parler du cas de l'Ontario. Cette province a fermé de nombreuses institutions psychiatriques et remis des patients en liberté, ce qui a aggravé le problème.
Honorables sénateurs, je crois qu'il est injuste de laisser entendre que le gouvernement prendrait cette décision — qui se concrétisera sur une période de deux ans — sans avoir de plan. Il y a un plan. Il sera dévoilé en temps et lieu. Nous avons dit que les changements seraient mis en œuvre sur deux ans.
(1410)
Les provinces et les territoires sont une autre composante importante du traitement des prisonniers éprouvant des problèmes de santé mentale. Le gouvernement fédéral et ses homologues provinciaux se penchent sur ce problème qui, de toute évidence, est très grave.
Honorables sénateurs, je crois qu'il serait un peu irresponsable de laisser entendre que nous avons pris une décision importante, comme celle de fermer les deux pénitenciers, sans avoir de plan pour procéder au transfert de ces patients et prisonniers au cours des deux prochaines années.
Le sénateur Fraser : Honorables sénateurs, si madame le leader ne veut pas croire un rapport d'un comité de la Chambre des communes, peut-être croira-t-elle l'enquêteur correctionnel, qui sonne en vain l'alarme à ce sujet depuis au moins huit ans.
En passant, le gouvernement n'a pas donné suite au rapport du comité de la Chambre des communes pas plus qu'il n'a donné suite aux recommandations formulées par le comité du Sénat.
Voilà des années que nous entendons dire que le gouvernement poursuit les discussions avec ses partenaires provinciaux. Voilà des années que des experts se penchent sur la question et suggèrent que le système correctionnel fédéral forme des partenariats avec les institutions provinciales de manière à fournir un traitement plus efficace — sur le plan médical, mais aussi peut-être sur le plan financier — aux personnes atteintes de maladie mentale.
Nous en entendons parler depuis des années, mais rien n'a été fait, honorables sénateurs. Au début, madame le leader nous a dit : « Nous aurons un plan quand le système correctionnel nous en donnera un. » Maintenant, elle nous dit : « Bien sûr que nous avons un plan, mais nous ne vous en parlerons pas pour l'instant. »
Quand ce plan nous sera-t-il soumis et en quoi consistera-t-il? C'est un problème très grave. Il ne s'agit pas seulement de voyous ordinaires; ces gens sont gravement malades et méritent mieux.
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, il y a d'abord eu l'annonce de la fermeture de ces deux établissements. Le ministre de la Sécurité publique et les représentants du Service correctionnel du Canada n'auraient pas autorisé l'annonce de la fermeture de ces deux établissements s'ils n'y avaient pas réfléchi sérieusement. Le plan sera présenté en temps voulu.
Manifestement, la maladie mentale constitue un problème très grave au sein de la population carcérale. Le gouvernement a pris de nombreuses mesures, y compris l'augmentation des ressources et la formation d'un plus grand nombre d'intervenants pour faire face à la situation, en plus de faire en sorte que les détenus soient évalués adéquatement dans les 90 jours suivant leur incarcération.
Toute la question de la maladie mentale chez les gens qui commettent des crimes est un problème grave. Le gouvernement doit travailler avec les provinces et les territoires, et c'est ce qu'il fait.
Pour ce qui est de la réaction du gouvernement, je crois avoir admis hier que le gouvernement examine sérieusement les témoignages et les observations présentés au comité sénatorial qui a étudié le projet de loi C-10. En toute justice, les sénateurs doivent donner au gouvernement au moins un peu de temps pour réagir à certains de ces problèmes, ce que le gouvernement a l'intention de faire.
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, sur ce point, je demanderais à madame le leader de parler à ses collègues qui siégeaient au comité saisi du projet de loi C-10 et de lire les témoignages. Je pense qu'elle se rendra compte que les ressources sont insuffisantes pour s'occuper des détenus qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale. Il est aussi très difficile de recruter du personnel professionnel afin d'offrir les traitements qui sont nécessaires.
Je ne prétends pas qu'il s'agit d'un problème politique, mais je dis que l'incapacité du Service correctionnel du Canada d'obtenir les ressources voulues constitue un véritable problème. Il ne s'agit pas ici des ressources financières — quoiqu'une partie du problème réside dans leur insuffisance — mais des ressources humaines professionnelles nécessaires pour offrir les traitements. Je crois que ceux d'entre nous qui ont siégé au comité ont été troublés par les témoignages entendus.
J'inviterais le leader à consulter ses collègues qui font partie du comité, à lire les témoignages et à faire comprendre à ses collègues du Cabinet la nécessité de se demander si l'approche préconisée constitue réellement une réponse satisfaisante à ce qui est, au dire de tous, un problème qui pèsera de plus en plus lourd sur les systèmes correctionnel et de santé.
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je suis tout à fait du même avis que le sénateur Cowan et je n'ai pas besoin de parler à mes collègues. Ceux-ci se sont assurés de bien faire connaître leur point de vue et celui des membres du comité, pas juste à moi mais aussi à d'autres représentants du gouvernement. Je tiens à dire aux sénateurs que nous sommes conscients de l'ampleur du problème et que le gouvernement prend ces commentaires, ces suggestions et ces recommandations très au sérieux.
À mon avis, le gouvernement réagira très rapidement. Je tiens à assurer de nouveau les sénateurs que mes collègues de ce côté-ci de la Chambre qui siègent au comité ont déployé beaucoup d'éloquence et d'énergie pour faire connaître certaines des préoccupations soulevées. Comme les sénateurs le savent, même si je ne peux évidemment pas lire le compte rendu de toutes les délibérations de l'ensemble des comités, des personnes de mon entourage se chargent de me tenir au courant des activités de chacun des comités. Dans ce cas-ci, mes collègues, dont le sénateur Wallace, ont veillé avec ardeur à faire la lumière sur cette situation très grave.
L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, c'est un très grave problème; je sais que madame le leader le comprend, étant donné son engagement et son expérience au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. La nouvelle de la fermeture de tels établissements suscite l'inquiétude du public.
Pas plus tard que la semaine dernière, à Halifax, un membre bien connu de la communauté gaie de Halifax a été tragiquement et brutalement assassiné par une personne qui avait été autorisée à quitter un établissement pendant une heure. C'est une histoire bouleversante et les émotions sont à vif. Je n'ai aucun doute que les habitants de Kingston et de la région sont inquiets d'apprendre que le gouvernement entend agir ainsi alors même qu'il annonce des compressions.
Comme l'a affirmé le sénateur Fraser, c'est aux Canadiens, plutôt qu'à nous, que vous devriez montrer que vous avez un plan, notamment en ce qui concerne les ressources humaines, pour mettre en place l'effectif nécessaire pour gérer ce dossier. C'est extrêmement important. Les gens sont inquiets. Il est du devoir du gouvernement — tout comme du nôtre, parlementaires — de les rassurer, de les convaincre qu'ils sont en sécurité et de leur faire savoir que ces gens reçoivent un traitement aussi juste et professionnel que possible et obtiennent les soins dont ils ont besoin.
Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de sa question. Je suis consciente de l'affaire tragique dont il a parlé. Il a tout à fait raison, et c'est justement pourquoi le gouvernement a présenté les dispositions législatives contenues dans le projet de loi C-10.
Les gens se soucient beaucoup du crime au Canada. Ils ne se sentent pas à l'aise lorsque des gens qui présentent toujours un grave danger sont mis en liberté. Notre gouvernement est déterminé à protéger la sécurité des Canadiens.
C'est intéressant. Je suis heureuse que les gens aient pris conscience de la question et comprennent qu'il faut garder les criminels en prison pour veiller à la sécurité publique. Il y a quelques mois, on nous reprochait de vouloir construire de nouvelles prisons pour garder plus de gens sous les verrous. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux.
Cependant, j'assure aux honorables sénateurs que l'argent des contribuables sera dépensé sagement et que le principal objectif du gouvernement est de veiller à la sécurité des Canadiens.
L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser au leader du gouvernement au Sénat. L'affaire dont a parlé le sénateur Mercer met en cause un prisonnier atteint de graves problèmes de santé mentale. Il n'est pas question de sévérité ou de tolérance; il s'agit plutôt de lutter intelligemment contre la criminalité. Tâchons de prévoir des mesures intelligentes à l'égard des prisonniers atteints de graves problèmes de santé mentale. Tâchons de nous lancer sur cette voie. Je ne veux surtout pas mettre des mots dans la bouche du sénateur Mercer, mais j'estime que c'est là le cœur de la question.
(1420)
Que devrions-nous faire? On manque de personnel pour s'occuper des prisonniers atteints de maladies mentales. Il s'agit d'une grave pénurie pancanadienne qui touche tant la Nouvelle-Écosse que toutes les autres provinces du Canada.
Le sénateur Cowan a parlé de recrutement, mais il ne faut pas oublier la question du maintien en poste. C'est une situation sans issue. Les gens sont embauchés, ils apprennent à connaître le milieu, et ils se rendent ensuite compte qu'ils n'ont aucun soutien, alors ils démissionnent pour essayer de trouver un emploi où ils auront vraiment l'impression de pouvoir aider des gens. Il s'agit d'une situation extrêmement grave, tant du point de vue du recrutement, du maintien en poste que du manque de professionnels capables de s'occuper des prisonniers atteints de maladies mentales dans le système carcéral.
Madame le leader a affirmé que « le gouvernement a de toute évidence un plan ». Ayant siégé au Comité des affaires sociales avec le sénateur LeBreton lorsque le comité s'est penché sur la question de la santé mentale et des maladies mentales, je serais grandement rassurée si le gouvernement nous dévoilait le fameux plan qu'il est censé avoir selon le leader. Qu'entend faire le gouvernement avec les patients qui sont atteints de maladies mentales et qui sont détenus dans les établissements qui vont être fermés?
Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de la question. Je suis au fait de la situation. Dans le cas dont le sénateur a parlé, il était question de la santé mentale d'une personne en particulier et, de toute évidence, les personnes qui présentent un danger pour les Canadiens ne devraient pas être libérées.
Le gouvernement a fourni davantage de ressources à cet égard. Il reste beaucoup de travail à faire, ça ne fait aucun doute. Force est de constater que, en ce qui concerne la décision de fermer ces deux établissements, il aurait été préférable de présenter un plan, mais il reste encore beaucoup de travail à faire, tant avec les familles que les détenus, et dans les établissements où ils seront transférés.
Ne sautons pas aux conclusions. Laissons Service correctionnel Canada faire son travail; la mise en œuvre de ces mesures est après tout sa responsabilité. Nous sommes conscients de la gravité de la situation, en ce qui concerne notamment les problèmes de santé mentale. J'ai déjà indiqué hier, et plus tôt encore aujourd'hui, que mes collègues du comité qui ont étudié les enjeux entourant le projet de loi C-10 ont, à maintes reprises, signalé au gouvernement, que ce soit à titre individuel ou collectif, les inquiétudes exprimées par les témoins. D'excellentes suggestions ont été formulées sur la façon de régler ces problèmes, ce que nous arriverons à faire, j'en suis persuadée.
[Français]
L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, je dois avouer qu'il est difficile de suivre la politique du gouvernement en ce qui concerne la criminalité.
D'une part, on augmente le nombre de sentences et davantage de gens iront en prison. D'autre part, on ferme des établissements carcéraux. On nous dit toujours que le gouvernement est en faveur de la réhabilitation, mais, tout récemment, on apprenait que le gouvernement a aboli unilatéralement et sans avertissement un programme très efficace qui s'appelait le programme Pro-Vie. Ce programme permettait à des détenus d'aider à la réhabilitation de criminels qui avaient commis des crimes extrêmement sévères.
Un nombre important de gens se sont élevés contre cette coupe unilatérale qui risque d'envoyer à la population le message que le gouvernement se désintéresse complètement de la réhabilitation des détenus et des criminels.
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Je rejette entièrement cette affirmation, honorables sénateurs. Premièrement, c'est de dangereux criminels qu'il est question ici et, dans bien des cas, le gouvernement était réticent à l'idée qu'ils puissent être libérés. Aussi, les prédictions annonçant un grand nombre de nouveaux criminels se sont avérées fausses. En général, il s'agissait de la même personne qui entrait et sortait de prison trois ou quatre fois. En ce qui concerne la réadaptation, des efforts considérables ont été déployés par le gouvernement. On semble vouloir faire croire que celui-ci jette les gens en prison sans se soucier de leurs graves problèmes de santé mentale et sans rien faire pour y remédier, alors que les ressources investies par le gouvernement à cet égard prouvent le contraire.
J'ai souvent fait, ici même, le décompte des ressources considérables qui ont été consacrées à la réadaptation et je serais ravie, honorables sénateurs, de vous soumettre de nouveau des renseignements à ce sujet. En matière de réadaptation, de nombreuses réussites ont été réalisées grâce aux efforts des employés de différentes prisons.
ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations
Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Patterson, appuyée par l'honorable sénateur Mockler, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-8, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations.
L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi S-8, Loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations. Comme le parrain du projet de loi l'a expliqué dans son discours, ce projet de loi permet au gouvernement fédéral d'établir des règlements concernant l'eau potable, la qualité de l'eau et l'élimination des eaux usées dans les réserves des Premières nations.
Les sénateurs connaissent déjà la situation difficile de nombreuses réserves pour ce qui est de l'eau potable. Les images que nous voyons sont bouleversantes et nous poussent tous à agir pour corriger cette situation intenable. Ce n'est pas le premier projet de loi que le gouvernement présente au Parlement pour tâcher de régler le problème de la salubrité de l'eau potable dans les réserves. À la dernière législature, le gouvernement avait présenté le projet de loi S-11 sous le même titre abrégé, Loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations.
Je rappellerai aux sénateurs les principaux éléments de l'étude par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones du projet de loi S-11, qui est le précurseur du présent projet de loi. Le projet de loi S-11 a été présenté le 26 mai 2010 et renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones le 14 décembre 2010. Le comité a entendu plus de 15 témoins en neuf séances. Ce qui est rapidement ressorti des témoignages, c'est une préoccupation généralisée au sujet du projet de loi dans trois domaines fondamentaux : premièrement, il n'y a pas assez de fonds et de ressources pour combler les lacunes sur le plan de l'infrastructure et de la capacité; deuxièmement, plusieurs dispositions portent atteinte aux droits des Autochtones protégés par la Constitution; troisièmement, il n'y a pas eu de consultation. Je reviendrai plus longuement sur ces principales sources de préoccupation plus tard dans mon discours.
Beaucoup de témoins des Premières nations ont exhorté le comité à suspendre l'étude du projet de loi S-11, ou à l'abandonner, tant que le gouvernement n'aurait pas suffisamment consulté les Premières nations. En raison de l'opposition généralisée au projet de loi S-11, la mesure législative n'a pas été soumise à un vote au comité et n'est pas passée à l'étape de la troisième lecture. On en a suspendu l'étude en vue de discuter davantage avec Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, les fonctionnaires et les Premières nations. Ensuite, le projet de loi S- 11 est mort au Feuilleton, lorsque le Parlement a été dissous, le 26 mars 2011.
Depuis, l'Évaluation nationale des systèmes d'aqueduc et d'égout des Premières nations a aussi été terminée, et le rapport a été présenté au Parlement. Cette évaluation a permis, pour la première fois, d'avoir un aperçu de l'ensemble des systèmes d'aqueduc et d'égout en place dans les réserves des Premières nations. Il est évident que les résultats de cet inventaire devraient être présentés au comité le plus tôt possible.
Je tiens à souligner ce qui s'est produit pendant la dernière session parlementaire, afin que nous puissions vraiment déterminer si le gouvernement a amélioré les dispositions du projet de loi S-11 de façon concrète et considérable, au lieu de se contenter d'ajouter des demi-mesures.
D'abord, je suis préoccupée par le fait que le projet de loi S-8 ne prévoit toujours pas de fonds et de ressources pour répondre aux besoins liés aux systèmes d'aqueduc dans les réserves. Il n'y a pas de fonds associés au projet de loi S-8. Comme l'évaluation nationale l'a clairement démontré, il faudrait 4,7 milliards de dollars sur dix ans pour moderniser les aqueducs et les égouts dans les réserves, sans parler d' un budget de fonctionnement et d'entretien de 419 millions de dollars par année. Dans le budget de 2012, le gouvernement a renouvelé le Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières nations, au coût d'environ 330 millions de dollars sur deux ans.
(1430)
Je félicite le gouvernement d'avoir renouvelé ce financement, mais nous sommes bien loin de la somme mentionnée dans l'évaluation nationale.
Honorables sénateurs, si nous ne voulons plus de ces images bouleversantes d' enfants autochtones qui transportent des seaux hygiéniques et qui marchent des kilomètres pour se procurer de l'eau, il faut que le gouvernement du Canada évalue réalistement les fonds nécessaires et qu'il signe des ententes de financement pluriannuelles qui permettraient de répondre entièrement aux besoins réels des Premières nations.
Honorables sénateurs, le Sénat du Canada sait qu'il est important de remédier au problème de l'eau potable dans les réserves. Le Comité sénatorial des peuples autochtones a publié un rapport sur cette question en 2007. Ses recommandations étaient claires : premièrement, procéder à l'évaluation complète des systèmes d'aqueduc et d'égout dans les réserves; deuxièmement, accorder les fonds nécessaires pour répondre à leurs besoins en matière de ressources. Hélas, le gouvernement n'a donné suite qu'à une seule de ces recommandations.
Le deuxième aspect préoccupant du projet de loi, c'est la question de l'empiètement sur les droits ancestraux ou issus de traités, qui sont protégés par la Constitution. Plusieurs dispositions du projet de loi S-11 empiétaient sur les droits des Autochtones. La plus odieuse était une disposition de dérogation qui prévoyait que des règlements puissent déroger aux droits conférés par l'article 35 de la Constitution. Cette disposition a maintenant été remplacée par une disposition de non-dérogation limitée, à l'article 3 du projet de loi S-8. Je dis « limitée » parce que la disposition établit les limites des droits prévus dans l'article 35 de la Constitution. Je cite :
Il est entendu que la présente loi et les règlements ne portent pas atteinte aux droits existants—ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada visés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, sauf dans la mesure nécessaire pour assurer la salubrité de l'eau potable sur les terres des premières nations.
Comme vous pouvez le voir, il n'est pas question de porter atteinte aux droits des Autochtones, sauf dans la mesure nécessaire pour assurer la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières nations.
Je compare cette approche des dispositions de non-dérogation aux résultats des travaux du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles dans son rapport intitulé Prendre au sérieux les droits confirmés à l'article 35 : Dispositions de non- dérogation visant les droits ancestraux et issus de traités. Dans ce rapport, le comité recommandait que soit présentée une mesure législative visant à ajouter la disposition de non-dérogation suivante à la Loi d'interprétation fédérale :
Tout texte doit maintenir les droits ancestraux ou issus de traités reconnus et affirmés aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et ne pas y porter atteinte.
Toutefois, le gouvernement n'a pas suivi cette recommandation. Je félicite mon collègue, le sénateur Watt, qui a présenté un projet de loi pour concrétiser la recommandation du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Mais, pour l'heure, aucune modification de la sorte n'a été apportée à la Loi d'interprétation et j'encourage les sénateurs à songer à remplacer l'article 3 par une disposition de non-dérogation sur laquelle se sont entendus la plupart des juristes et des représentants des Premières nations, tant selon le rapport du Comité qu'aux audiences du comité portant sur le projet de loi S-11.
De plus, lors des audiences sur le projet de loi S-11, les représentants des Premières nations et d'autres témoins ont recommandé vivement au comité d'amender le projet de loi pour préciser que les règlements ne pourraient être élaborés qu'avec le consentement des Premières nations touchées. Les dispositions sur les règlements dans le projet de loi S-11 permettaient que la loi ait prépondérance sur les lois et les règlements des Premières nations, que soient incorporées par renvoi de dispositions légales provinciales et que la loi ait prépondérance sur tout accord issu d'un traité qui pourrait être en conflit avec la loi.
Comme ces dispositions comportent des atteintes au droit des Autochtones à l'autonomie gouvernementale, leur consentement devrait être nécessaire. Pourtant, elles se retrouvent dans le projet de loi S-8 sans qu'on y ait incorporé un moyen officiel d'obtenir le consentement des Premières nations. Le gouvernement a simplement indiqué, dans le préambule, qu'il s'est engagé « à travailler avec les Premières nations afin d'élaborer des propositions en vue de la prise de règlements ».
Honorables sénateurs, un engagement à travailler avec les Premières nations est certainement encourageant, mais une disposition ayant comme effet concret de permettre à la Première nation de consentir ou non à la réglementation sur l'eau potable et les eaux usées serait plus conforme à l'esprit des relations de gouvernement à gouvernement dont cette réglementation devrait être le fruit.
Troisièmement, la Couronne est obligée de consulter les Premières nations et de tenir compte de leurs intérêts.
Or, pendant l'étude du projet de loi S-11 par le comité, presque tous les témoins des Premières nations ont indiqué clairement que le gouvernement fédéral n'avait ni consulté les Premières nations, ni tenu compte de leurs intérêts adéquatement lors de la rédaction du projet de loi S-11. Bien que le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord ait tenu des séances de consultation et ait effectué des études d'impact, les témoins nous ont dit que ces démarches étaient loin d'être suffisantes pour permettre au gouvernement de s'acquitter de son obligation de consulter les Premières nations et de tenir compte de leurs intérêts.
Le rapport sommaire de l'Institut sur la gouvernance, qui a obtenu le contrat pour effectuer les séances de consultation, décrit le problème posé par une telle approche de la consultation. Le rapport indique que la Couronne n'a entrepris aucune consultation valable, qu'elle a failli à son devoir de consulter les Premières nations et de tenir compte de leurs intérêts en décidant unilatéralement d'entreprendre des séances de consultation et des études d'impact portant uniquement sur l'incorporation par renvoi, qu'elle n'a pas vraiment écouté les préoccupations qui ont été soulevées, qu'elle n'a pas prévu le temps et les ressources nécessaires pour permettre la tenue de consultations valables et qu'elle a refusé de participer à toute discussion à propos des incidences des changements proposés sur les droits inhérents ou issus des traités que possèdent les Autochtones.
Après le retrait du projet de loi S-11, au cours de l'étude par le comité, le printemps dernier, aux environs de mars 2011, on a dit aux membres du comité que le ministère était en train de discuter avec les organisations autochtones pour apporter des amendements au projet de loi dans un esprit de collaboration. Les membres du comité se rappellent peut-être que, lors d'une réunion du comité, nous avons adopté une motion qui était une première. Nous avons voté et nous nous sommes prononcés pour faire témoigner le chef de l'Assemblée des Premières Nations une deuxième fois devant le comité, après que le ministre et le ministère eurent témoigné. Cela s'est produit le 9 mars 2011.
Le chef national Atleo est revenu. Nous pensions que nous allions travailler avec les Premières nations pour apporter les modifications nécessaires au projet de loi. Peu de temps après, il y a eu prorogation du Parlement. À cette même époque, des allégations contre Bruce Carson ont été mises au jour. Selon la rumeur, il était associé à une compagnie nommée Water Pros, qui entretient des liens avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Cette affaire a refait surface au cours du dernier mois. Il y a des choses étranges qui se passent à ce ministère en ce qui concerne la filtration d'eau. C'est dans ce contexte que le projet de loi nous a été présenté.
Les fonctionnaires du ministère ont affirmé qu'ils ont des réunions avec les représentants de l'Assemblée des Premières Nations et des régions depuis mai 2010, et que la plupart des différences entre les projets de loi S-8 et S-11 sont attribuables aux négociations qui ont eu lieu entre octobre 2010 et octobre 2011 avec les organisations des Premières nations de l'Alberta et de l'Atlantique, ainsi qu'avec divers groupes de l'APN.
Je suis encouragée par le fait que ces discussions se soient poursuivies après la dissolution de la dernière législature. Toutefois, nous devons encore examiner les types de discussions qui ont eu lieu avant le dépôt au Sénat du projet de loi S-8.
Honorables sénateurs, durant l'étude du projet de loi S-8 par le comité, nous devons faire comparaître une vaste gamme de témoins des Premières nations afin de déterminer ce qu'ils pensent des consultations menées par le gouvernement sur le projet de loi S-8. Croient-ils que ces consultations étaient utiles ou est-ce qu'il y a eu les mêmes problèmes que lors des séances de mobilisation sur le projet de loi S-11? Est-ce que les membres des Premières nations ont été des partenaires égaux dans la rédaction du projet de loi S-8? Comment pouvons-nous améliorer le processus de consultation et de participation durant l'élaboration des règlements pour parvenir à des consultations et à des ententes franches et honnêtes? Nous devons examiner attentivement toutes ces questions.
(1440)
Au moment où ce projet de loi arrive à l'étape de l'étude au comité, j'exhorte tous les sénateurs à examiner les questions en tenant compte de l'étude antérieure du projet de loi S-11 et à vérifier si le projet de loi S-8 a permis d'adopter une approche de collaboration pour régler les problèmes liés aux systèmes d'aqueduc et d'égout dans les réserves.
J'aimerais conclure mes remarques en soulignant l'importance spirituelle de l'eau dans la culture des Premières nations. Comme le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Shawn Atleo, l'a si éloquemment énoncé à la dernière conférence sur les droits relatifs à l'eau de l'APN :
Nous savons collectivement et intrinsèquement que l'eau est directement liée à la survie de tous.
L'eau, le premier esprit vivant sur cette Terre, a donné vie à toute création.
Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Patterson, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)
Pêches et océans
Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur la pêche au homard au Canada atlantique et au Québec—Adoption du sixième rapport du comité
Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans (budget—étude sur la pêche au homard au Canada atlantique et au Québec—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 4 avril 2012.
L'honorable Elizabeth Hubley propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, je propose l'adoption du rapport inscrit au nom du sénateur Manning. Avant que le Son Honneur Président ne demande au Sénat de se prononcer, j'aimerais fournir quelques renseignements concernant la motion dont sont saisis les sénateurs.
Le comité a convenu d'entreprendre une étude sur la pêche au homard au Canada atlantique et au Québec après avoir reçu un ordre de renvoi du Sénat le 8 mars. L'étude pourrait porter sur l'industrie de la pêche au homard, les revenus, les marchés, l'emploi, les intervenants, la viabilité financière, les prix, les intermédiaires, les programmes de rationalisation, la viabilité de l'environnement et les barrières à l'entrée dans l'industrie.
Le comité réclame des fonds pour tenir des audiences publiques et mener une mission d'observation afin de recueillir des preuves formelles, de visiter des installations de pêche au homard, de comprendre l'infrastructure de l'industrie et de rencontrer de façon informelle les pêcheurs et les intervenants du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Règlement, procédure et droits du Parlement
Premier rapport du comité—Décision de la présidence—Report du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, C.P. (Cobourg), appuyée par l'honorable sénateur Cordy, tendant à l'adoption du premier rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (Règlement du Sénat révisé), présenté au Sénat le 16 novembre 2011.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le 27 mars 2012, le Sénat a repris le débat sur la motion d'adoption du premier rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement présenté au Sénat le 16 novembre 2011. Dans ce rapport, on recommandait de remplacer le Règlement du Sénat par le Règlement révisé. L'honorable sénateur Cools a invoqué le Règlement, et les sénateurs Carignan et Fraser ont soumis d'autres observations à l'examen de la présidence.
L'honorable sénateur Cools nous rappelle que les recommandations de modifications à apporter au Règlement « constituent la plus grande masse de modifications du Règlement, en volume et en portée, dont le Sénat ait jamais été saisi ». Cela dit, je lui suis reconnaissant d'avoir pris le temps d'étudier la recevabilité du rapport. S'il est irrecevable, nous devons le savoir dès maintenant; si, en revanche, les objections s'avèrent non fondées, nous saurons qu'il est sans faille sur le plan procédural.
[Français]
De l'avis du sénateur Cools, « [l]es changements proposés au Règlement sont tout simplement trop nombreux, trop complets et trop complexes pour être étudiés en une seule fois. » Il s'agit là d'un commentaire normatif de la part du sénateur; la question à laquelle la présidence doit répondre est de savoir si le rappel au Règlement a fait ressortir une objection de procédure qui serait de nature à empêcher l'examen du rapport. Trois objections ont été formulées.
La première objection est que le comité a outrepassé le mandat qui lui est conféré aux termes du Règlement. La deuxième objection est que le rapport du comité a pour effet de soumettre le débat du Sénat à une motion de clôture en fixant la date d'entrée en vigueur du nouveau Règlement. La troisième et dernière objection est que les recommandations des modifications à apporter ne figurent pas dans le rapport lui-même, mais dans une annexe que madame le sénateur qualifie de documents séparés, sans lien avec le rapport.
[Traduction]
Je vais maintenant traiter de ces trois objections dans l'ordre inverse de celui où elles ont été soulevées.
Le sénateur Cools parle de sa troisième objection en tant que celle « qui est de loin la plus importante et celle qui aura les plus profondes répercussions. » Pour citer ses propos :
Autrement dit, nous ne pouvons pas débattre des modifications proposées au Règlement, car elles ne font pas partie du rapport ou ne sont pas incluses dans le rapport que la motion nous demande d'adopter. [Débats, p. 1495]
Ce rapport et la nature de l'étude font que la question de fond, à savoir les changements proposés au Règlement, ne permet pas aux sénateurs d'examiner, de débattre, d'amender et de mettre aux voix le libellé, paragraphe par paragraphe, des changements apportés au Règlement. Il est donc irrecevable. [Débats, p. 1495]
De par sa nature, l'annexe ne fait pas partie du rapport. [Débats, p. 1501]
[Français]
Selon la présidence, s'il existe une règle interdisant l'utilisation des annexes de rapports pour la modification de nos documents de régie interne, on peut pardonner au comité de ne pas la connaître.
[Traduction]
Le 31 mars 2004, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a déposé son sixième rapport, sur le Règlement administratif du Sénat. L'annexe A du document comporte un projet de modification du Règlement du Sénat, dont l'adoption aurait des conséquences sur l'adoption du Règlement administratif du Sénat. Le rapport a été adopté le 6 mai 2004 et la modification du Règlement du Sénat a été mise en œuvre.
Récemment, soit le 29 mars dernier, le Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs a présenté son troisième rapport, lequel propose des modifications du Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs. Le rapport comportait en annexe une version révisée du code et recommandait l'entrée en vigueur de celle- ci pour le 1er octobre 2012.
Bien sûr, l'utilisation récente des annexes ne permet pas de conclure que la pratique est acceptable sur le plan de la procédure. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'on le fait qu'on devrait le faire.
(1450)
[Français]
Il semble à la présidence que le lien unissant l'annexe au texte principal n'est pas fixe, qu'il constitue plutôt une question de contenu et d'intention. Le contexte et le but indiquent au lecteur si les annexes font partie intégrante du rapport ou y sont étrangères.
Comme l'a fait valoir le sénateur Cools, lorsque les observations d'un membre du comité sont annexées au rapport sous la signature du président, le texte n'est pas considéré comme faisant partie du rapport, selon la procédure. Par contre, présenter les modifications du Règlement dans le contexte où elles seront appliquées, c'est-à- dire dans le corps même du texte réglementaire, peut aider le lecteur à juger de leur importance. Cela est d'autant plus vrai lorsque les articles révisés sont présentés dans un tableau de concordance, comme c'est le cas en l'espèce. En fin de compte, la meilleure façon de présenter les modifications au Règlement dépend de la nature de ces modifications ainsi que de leurs circonstances, et il vaut mieux laisser à l'entité rédactrice du rapport le soin de juger de ce qui constitue la meilleure façon de procéder.
[Traduction]
Enfin, est-ce que le fait que les propositions de modifications du Règlement se trouvent en annexe empêche tout débat à leur propos, ou encore toute motion visant à les modifier? Lors du débat sur ce rappel au Règlement, il y a eu discussion à savoir s'il convenait de soumettre à l'examen du Sénat l'annexe du rapport du comité. Les Journaux du Sénat constituent les procès-verbaux officiels de cette Chambre. À la page 407 des Journaux du 16 novembre 2011, il est écrit que le rapport du comité présenté au Sénat est imprimé en annexe aux Journaux aux pages 412 à 615. Ces pages comportent tant le texte du rapport, avec signature du président, que l'annexe contenant les articles révisés. La présidence est donc convaincue que les propositions de modifications du Règlement ont été déposées au Bureau, que les sénateurs en ont pris connaissance et qu'il est possible d'en débattre et de les modifier.
[Français]
Le sénateur Cools présente comme deuxième objection que le comité, en recommandant le 1er septembre 2012 comme date d'entrée en vigueur du nouveau Règlement du Sénat, a, en fait, imposé la clôture du débat au Sénat. L'argument repose sur la logique que si le nouveau Règlement entre en vigueur le 1er septembre 2012, il faut de toute évidence l'adopter avant cette date. La présidence n'est pas d'accord avec cet énoncé. En termes de procédure, le débat sur la motion d'adoption du rapport du comité peut se poursuivre jusqu'à l'adoption du rapport, jusqu'au retrait de la motion du Feuilleton par absence de débat ou jusqu'à la fin de la session. Si le débat se poursuit après le 1er septembre, le Sénat devra alors évaluer, d'une part, l'effet qu'exercera ce changement de circonstances sur la motion, et, d'autre part, les mesures à prendre dans ce cas. Il serait sûrement possible d'adopter une modification au rapport.
[Traduction]
La présidence va maintenant aborder la première objection du sénateur Cools, celle qui semble être la plus importante, selon laquelle le Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a outrepassé son mandat. La partie du mandat dont il est question est définie à l'article 86(1)d)(i) de la plus récente version du Règlement du Sénat, telle qu'affichée sur notre site web. Celui-ci stipule que le comité a l'autorité, de sa propre initiative, de proposer au Sénat, à l'occasion, des modifications au Règlement. Comme le fait remarquer le sénateur, l'article 86 porte sur les pouvoirs délégués et le comité, en exécutant ses fonctions, ne doit pas outrepasser le pouvoir qui lui est délégué.
Madame le sénateur semble accepter qu'il soit possible de recommander plus d'une modification au Règlement dans un seul rapport, mais elle soutient qu'une abrogation totale n'est pas une modification et qu'aucune modification ne peut annuler la totalité de ce qu'elle modifie.
De toute évidence, ce rapport touche au cœur des privilèges du Sénat. Le droit d'organiser ses propres affaires internes constitue un privilège fondamental. Le Règlement du Sénat compte bon nombre de précédents fondés sur la pratique et les règles qui l'enrichissent d'un accord bien pesé. De plus, plusieurs de ces règles sont un héritage du passé transmis au Sénat sous diverses formes, en provenance des Conseils législatifs du Bas-Canada et de la Province du Canada d'avant la Confédération. Elles appartiennent à notre histoire parlementaire et à notre patrimoine législatif, après avoir traversé de multiples générations de membres de notre Chambre.
[Français]
Il faut résoudre la question de savoir si le pouvoir délégué en vertu de l'article 86 suffit à justifier l'ampleur de ce qui est proposé. Le Comité du Règlement, dans d'autres rapports, a changé plusieurs dispositions du Règlement ou en a ajouté de nouvelles. Toutefois, jamais auparavant le Sénat n'a reçu la demande d'étudier un rapport qui recommande l'annulation entière du Règlement en vigueur pour le remplacer complètement par un autre. En effet, selon les mots du premier rapport, le Comité du Règlement recommande en partie que « l'actuel Règlement du Sénat soit remplacé [...] ».
[Traduction]
Il pourrait s'avérer utile de revoir ce qu'étaient les intentions du comité en présentant son premier rapport. Le comité affirme que « [l]'objectif premier de la révision était de clarifier le Règlement tout en évitant les modifications de fond plus importantes. Dans certains cas, des modifications ont été apportées par souci de clarté ou pour tenir compte de la pratique actuelle. »
Le comité souligne également que « la version révisée du Règlement renvoie aux lois et à la Constitution et précise les dispositions contraires à un article donné. Par exemple, la voix délibérative du Président, qui est une voix non prépondérante, fait l'objet de l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1867, et une mention à ce sujet suit immédiatement l'article du Règlement où il en est question. L'article qui a trait aux temps de parole, soit l'article 6-3(1), est suivi d'une liste d'articles indiquant les exceptions qui s'appliquent ».
[Français]
Le rapport dont nous sommes saisis est donc d'une grande portée, tant pour le contenu que pour la forme. Le comité maintient qu'aucune modification appréciable n'a été apportée à la substance du Règlement, ce que seul le temps nous dira. De nouvelles pratiques telles que la durée des diverses sonneries convoquant les sénateurs à un vote par appel nominal y sont codifiées; une révision complète de la structure et de la numérotation a été effectuée; de nombreuses notes explicatives ont été ajoutées. De plus, le Règlement contient une nouvelle annexe sur la terminologie parlementaire, avec des termes et des définitions qui n'ont toujours pas reçu l'aval du Sénat. Beaucoup de sénateurs pourraient être étonnés par l'ampleur des modifications et l'incidence qu'elles sont susceptibles d'avoir sur la jurisprudence procédurale que l'application du Règlement actuel a établie au fil des années. Ils se demanderont si le rapport est beaucoup plus qu'une simple révision du Règlement pour la forme, si cette révision est de trop grande portée et si elle outrepasse le mandat du comité.
[Traduction]
Honorables sénateurs, il faut garder à l'esprit le droit des sénateurs d'organiser les travaux du Sénat ainsi que l'importance de ne pas limiter les pouvoirs que le Règlement confère aux comités. En déléguant au Comité du Règlement un degré d'autonomie pour proposer des modifications au Règlement, nous lui conférons, en fait, une fonction de gestion, soit la clarification de certaines questions au nom de collègues sénateurs. La présidence garde également présent à l'esprit le droit des sénateurs d'avoir leur mot à dire dans les changements plus importants concernant le déroulement des travaux du Sénat. Il est certes indiscutable qu'on leur demande d'approuver les modifications au Règlement avant qu'elles ne puissent entrer en vigueur, ce qui, pour certains, peut semble arriver un peu tardivement dans le processus.
[Français]
Dans le cas qui nous occupe, une motion demandant l'abrogation et le remplacement du Règlement du Sénat aurait évité de placer les sénateurs dans une situation difficile. Les sénateurs sont confrontés à un changement radical de la façon dont ils doivent codifier leur régie des affaires du Sénat. Il faut par ailleurs également reconnaître l'excellent travail accompli par leurs collègues et les membres du personnel du Sénat qui se sont engagés personnellement à mener ce projet à terme. Il faudrait que la motion soit cohérente avec l'interprétation du mandat qui a été conféré au comité comme étant une responsabilité de surveillance.
(1500)
Dans ce cas-ci, où le Règlement du Sénat n'est pas modifié, mais bien abrogé et remplacé par un nouveau libellé et de nouveaux éléments, comme une sonnerie de 30 minutes pour les motions ne pouvant faire l'objet d'un débat, la présidence craint que le Comité du Règlement n'ait peut-être outrepassé le mandat qui lui a été conféré en vertu de l'article 86.
[Traduction]
Une question procédurale pourrait être en cause ici. La présidence hésite, toutefois, à renoncer à l'excellent travail accompli par le Comité du Règlement à cause d'une question de procédure discutable. La suggestion offerte dans le but d'essayer de résoudre ce dilemme est donc de renvoyer le premier rapport du Comité du Règlement à un comité plénier. L'examen d'une question par un comité plénier est une façon plus souple et convenable d'étudier et de débattre à fond les propositions dont nous sommes saisis qu'un débat officiel au Sénat, qui est de nature plus restrictive. Cette suggestion atteindrait le double objectif de fournir à tous les honorables sénateurs l'occasion de clarifier les buts et les principes à l'origine du rapport et de s'exprimer à son sujet avant d'être appelés à se prononcer sur le résultat. De plus, elle nous permettrait d'éviter de perdre le corpus important du travail effectué par nos collègues au sein du Comité du Règlement.
Donc, en termes clairs, la présidence recommande fortement que la question soit renvoyée à un comité plénier. Si l'ordre n'est pas donné après cette recommandation, la question restera inscrite au Feuilleton.
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint suppléant du gouvernement) : Honorables sénateurs, permettez-moi d'abord de remercier le Président de ses suggestions fort judicieuses et formulées avec conviction. Il ne fait aucun doute que, lorsqu'il est question du Règlement du Sénat, nous ne pouvons pas faire les choses à moitié. Madame le sénateur Cools a toujours été et continue indéniablement d'être une gardienne farouche des règles du Sénat, et nous devrions la féliciter de la vigilance avec laquelle elle veille sur notre Règlement et le dévouement avec lequel elle éclaire plusieurs d'entre nous sur l'origine de ces règles. Je lui suis reconnaissant des très précieux conseils qu'elle m'a donnés au fil du temps sur ces questions.
Nous devons accepter de bien faire les choses. Pour nous et pour les futurs sénateurs qui serviront dans cette enceinte, veillons à bien faire les choses. Je partage le point de vue du Président sur le travail énorme qui a été fait à ce sujet et sur le fait que nous ne devons absolument pas perdre ce travail.
Pour cette raison et de nombreuses autres, je souhaite recommander que le Sénat suive la suggestion et la recommandation fermes du Président. Dans l'esprit de cette suggestion, je propose de rencontrer mon homologue d'en face afin de discuter d'une motion visant à renvoyer la question au comité plénier et de proposer au Sénat le libellé d'une telle motion, les moyens de mettre en œuvre les recommandations fermes du Président ainsi que les délais pour ce faire.
Cela dit, je rencontrerai donc mon homologue et nous ferons part au Sénat du résultat de nos discussions très rapidement.
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, nous attendions avec impatience la décision de Son Honneur sur cette question. Je sais que le comité y a consacré énormément de temps et qu'il est impatient de passer à l'étape suivante. Nous acceptons la décision de Son Honneur et je suis impatiente de collaborer avec mon collègue pour trouver comment la recommandation de Son Honneur peut être mise en pratique.
Le sénateur Comeau : Par conséquent, je recommande que la question soit reportée pour le moment.
(Le débat est reporté.)
Les travaux du Sénat
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint suppléant du gouvernement) : Honorables sénateurs, pendant que j'ai la parole, j'en profite pour souligner que des discussions ont eu lieu avec l'autre côté. Je présente mes excuses à madame le sénateur Cools, qui ne siège pas avec l'autre groupe, mais je lui demande si elle accepterait qu'on appelle l'article no 39 inscrit à l'ordre du jour, qui porte sur le soutien aux malvoyants, afin d'écouter le sénateur Seth, qui, d'après ce que j'ai compris, a choisi de présenter son premier discours au Sénat sur ce sujet. Je demande le consentement unanime.
Des voix : D'accord.
La question du soutien aux malvoyants
Interpellation—Ajournement du débat
Permission ayant été accordée de passer aux interpellations, à l'article no 39 :
L'honorable Asha Seth, ayant donné avis le 4 avril 2012 :
Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur le soutien aux malvoyants.
— Honorables sénateurs, je vous remercie de votre accueil chaleureux. C'est la première fois que je m'adresse à vous dans cette enceinte. J'en suis profondément honorée. Il s'agit en fait d'un honneur unique, non seulement parce que je siège aux côtés de certaines des plus éminentes personnalités de notre grand pays, mais parce que peu de gens ont le privilège de siéger au Sénat.
Cette Chambre est sacrée. De nouvelles idées y sont conçues. Les examens objectifs et le leadership de cette auguste assemblée profitent non seulement à notre pays, mais au monde entier. Forte de son instinct, cette Chambre veille à ce que les plans nationaux arrivent à maturité. Ici, nous mobilisons les ressources en fonction des besoins et relevons le défi de transformer l'espoir en réalité. Ici, nous mettons de côté les politiques partisanes, prouvons que la démocratie est un processus, et non une proposition, et représentons le peuple.
Le destin de notre grand pays, le Canada que nous léguons à nos enfants, sera surtout influencé par des visions progressistes et quelques personnalités dynamiques, et, avec des leaders tels que vous à la barre, cet environnement est propice à une croissance vigoureuse et à un développement rapide dans tous les domaines possibles et imaginables.
Je me suis souvent demandé quel est le secret de la grandeur. C'est sans aucun doute le service. Je n'aurais pu souhaiter et imaginer une meilleur tribune pour servir mon pays adoré.
La petite fille qui a grandi en Inde, et qui ne s'est jamais privée de rêver, est devenue médecin — une profession qu'elle a exercée pendant trois décennies — et siège maintenant au Sénat pour servir son grand pays, le Canada. Ma longue vie est riche en événements.
Il y a des années, quand j'ai prêté le serment d'Hippocrate, je pensais qu'il s'agissait de la promesse la plus importante que j'allais m'engager à tenir pour le reste de ma vie. J'étais loin de me douter à l'époque que le jour viendrait où je prendrais la parole dans cette enceinte et où je m'engagerais à servir les citoyens de notre grand pays.
Honorables sénateurs, partout dans le monde, on admire les Canadiens parce qu'ils sont des gens justes, bons, accueillants et forts, et parce qu'ils sont des gardiens de la paix et des chefs de file. Par conséquent, le fait de servir au sein d'un Sénat d'une force aussi formidable dans le monde n'est pas pour moi un travail, mais plutôt une vocation.
D'abord et avant tout, je remercie le premier ministre, le très honorable Stephen Harper, de m'avoir demandé de siéger dans cette vénérable enceinte pour servir la population canadienne. Le premier ministre Harper est le dirigeant de l'un des pays les plus puissants du monde; toutefois, nous oublions parfois de souligner à quel point les activités caritatives lui tiennent à cœur. Notre premier ministre est le genre de dirigeant qui nous permet de progresser dans le monde et qui accueille aussi les affligés à bras ouverts.
Je tiens à remercier l'honorable Jason Kenney, ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme, qui fait preuve de clairvoyance et qui constitue pour moi une grande source de soutien parce qu'il croit en mon dévouement envers le pays.
Je tiens aussi à profiter de l'occasion pour remercier ceux et celles qui m'offrent un grand soutien au Sénat : le sénateur Consiglio Di Nino; le leader du gouvernement au Sénat, l'honorable Marjory LeBreton; le Président du Sénat, l'honorable Noël A. Kinsella; le whip conservateur du Sénat, l'honorable Elizabeth Marshall; la présidente du caucus, l'honorable Rose-May Poirier; l'honorable Vim Kochhar; et tous les membres du personnel extrêmement efficaces du Sénat.
Je remercie tous les sénateurs de leur accueil très chaleureux.
(1510)
Si mon parcours s'est avéré aussi enrichissant, c'est parce que j'ai eu le privilège de rencontrer plusieurs êtres humains extraordinaires. D'abord et avant tout, le Dr Arun Seth, mon mari et un médecin dévoué. Il m'est d'un grand soutien et m'a toujours vivement encouragée à aider mon prochain. Il y a aussi mes filles, la Dre Anila Seth Sharma, une endocrinologue, et Angie (Seth) Stanjevich, une journaliste qui a gagné de nombreux prix. Malgré leur carrière très exigeante, les membres de ma famille n'épargnent aucun effort pour appuyer mes activités de bienfaisance.
Dès l'âge de cinq ans, j'ai caressé le rêve de devenir médecin. Mes ambitions étaient jugées irréalistes, mais lorsque j'ai été sélectionnée parmi plus de 15 000 candidats pour fréquenter une prestigieuse école de médecine en Inde, j'ai compris que tout était possible. L'école de médecine a été pour moi un véritable lieu de culte. J'ai persévéré et j'ai réussi. J'ai eu l'honneur de gagner un premier prix pour un article sur la tuberculose latente chez les Indiennes. À cette époque, le conflit à la frontière sino-indienne faisait rage. Le désespoir des blessés me bouleversait terriblement et j'ai organisé une collecte de sang pour l'armée indienne. Ce fut un grand succès.
Après mes études médicales en Inde, je suis allée habiter au Royaume-Uni. J'ai été acceptée aux hôpitaux universitaires de Belfast et de Londres, ainsi qu'à l'hôpital Queen Charlotte, dont le département d'obstétrique et de gynécologie est l'un des plus réputés du monde. Depuis 1976, je fais partie du personnel du centre de santé St. Joseph de Toronto. J'ai aussi ouvert ma propre clinique privée d'obstétrique et de gynécologie. Il me semble que c'était seulement hier, mais le temps file : il y a de cela plus de 30 ans maintenant et j'ai mis au monde des milliers de bébés et aidé d'innombrables familles. La petite fille rêveuse a aussi reçu le prix du Conseil du Collège des médecins et chirurgiens de l'Ontario. Il s'agit d'une extraordinaire marque de reconnaissance que des pairs décernent à l'un des leurs qu'ils estiment être un médecin idéal, en raison de ses compétences et de son savoir.
Il y a un certain nombre d'années, ma sœur bien-aimée est morte du cancer. J'étais dévastée. Je me sentais complètement démunie en tant que médecin, parce que je ne pouvais rien faire pour elle. Ma sœur a été une source d'inspiration pour moi toute sa vie durant et, un jour, alors que j'étais assise à côté d'elle, elle m'a tenu la main et m'a demandé de promettre de ne pas pleurer sa mort. Elle m'a demandé de faire preuve de gentillesse, le plus souvent possible. C'est toujours possible.
Bien que plusieurs années se soient écoulées depuis lors, la douleur provoquée par sa mort me motive à aller de l'avant, à accepter de nouveaux défis et à faire de mon mieux pour améliorer la vie des gens qui m'entourent; je sais qu'avec chaque geste que je pose, je remplis son souhait.
Toutes les organisations caritatives me tiennent à cœur, mais l'Institut national canadien pour les aveugles, plus souvent connu sous son acronyme, INCA, revêt pour moi une importance bien particulière. Au cours des deux prochaines décennies, le nombre de Canadiens atteints de graves problèmes de la vue devrait doubler, amenant le total à plus de 1,5 million de personnes.
Compte tenu de cette crise qui se dessine, j'espère sensibiliser la population à la nécessité d'un plan national canadien en matière de santé oculaire. Souvent, les Canadiens handicapés ne peuvent pleinement participer à la société parce que leur accès à l'information ou aux services est limité. Il est essentiel que notre pays tire profit des compétences et de l'ingéniosité de tous ses citoyens.
L'INCA existe depuis bientôt 100 ans. La contribution des professionnels et des bénévoles de l'institut ne peuvent s'exprimer en simples chiffres; ces gens aident un nombre incalculable d'hommes, de femmes et d'enfants à devenir indépendants et à participer à toutes les sphères d'activité de la vie. Nous en avons un exemple éloquent parmi nous aujourd'hui : Amanda Potvin. Honorables sénateurs, j'aimerais vous présenter Amanda Potvin.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Seth : En 2002, cette belle enfant est née et a immédiatement reçu un diagnostic de maladie génétique des yeux. Les médecins ont dit à ses parents, Sherri et James Potvin, que leur petit ange ne pourrait jamais voir notre monde magnifique, le monde où ses parents vivaient et riaient, le monde où, elle aussi, devait vivre et rire. Tous les parents souhaitent que leur enfant ait un avenir meilleur que ce qu'ils ont connu, alors Sherri et James ont été terrassés d'apprendre que leur enfant chérie qui venait de naître n'aurait pas la même chance que les autres dans la vie.
Pourriez-vous vous lever, madame Sherri Potvin et monsieur James Potvin?
Des voix : Bravo!
Le sénateur Seth : Ce fut un moment de grand désespoir pour Sherri et James Potvin, mais ils ne tardèrent pas à se ressaisir et à prendre les choses en main. Amanda n'avait que quatre mois lorsque Sherri et James communiquèrent avec l'INCA, et c'est ce qui permit à cette petite de ne pas être entraînée dans le gouffre par une infirmité qui risquait de l'empêcher de jouir de la vie. Elle commença à bénéficier des services du programme d'intervention précoce de l'INCA. Des spécialistes venaient chez elle pour lui fournir ces services. Non seulement ils l'aidèrent à apprendre et à se développer, mais ils lui permirent d'exceller.
Plus tard, l'INCA lui donna des cours d'orientation et de mobilité, ce qui lui permit d'apprendre à marcher sans danger avec une canne blanche. Des spécialistes de l'INCA firent une évaluation de sa vue, lui conseillèrent des moyens de maximiser sa vue et lui apprirent comment se servir d'appareils utiles pour mieux voir.
Aujourd'hui, elle a une vision de 20/200. Elle peut voir un peu avec son œil gauche et est membre de la Bibliothèque d'INCA. Elle veut être plus tard médecin ou enseignante. C'est dire quel chemin elle a parcouru. L'absence d'un organisme comme l'INCA aurait pu sceller le sort d'Amanda, mais, heureusement, l'INCA était là, avec son énergie, et la famille Potvin a fait preuve de ténacité pour qu'Amanda s'en sorte.
Grâce à l'INCA, Amanda saura naviguer dans le monde lorsqu'elle sera adulte et que ses parents ne guideront plus ses pas.
Je remercie du fond du cœur la courageuse famille Potvin, qui a trouvé la force de partager avec nous son histoire aujourd'hui. Merci.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Seth : Évidemment, aucun organisme ne peut venir à bout tout seul du problème énorme de la cécité. Un effort concerté à l'échelle nationale est nécessaire de toute urgence. Nous avons besoin d'une volonté ferme et d'un engagement clair pour résoudre ce problème, et je continuerai donc de me faire le porte-parole de l'INCA. Nos yeux peuvent leur permettre de voir, et nous pouvons y arriver ensemble.
(1520)
Une nouvelle charge m'a été confiée lorsque j'ai été nommée sénateur, et je me réjouis grandement à l'idée de travailler avec vous et de servir mon beau pays et mes concitoyens. Ce qui importe, au bout du compte, ce n'est pas comment on a vécu sa vie, ce sont plutôt les gens qu'on a inspirés en cours de route.
Honorables sénateurs, je vous remercie de votre attention.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion du sénateur Di Nino, le débat est ajourné.)
Visiteur de marque à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancien collègue, l'honorable Vim Kochhar.
Au nom de tous les sénateurs, je suis heureux de vous revoir au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
La Charte des droits et libertés
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cowan, attirant l'attention du Sénat sur le 30e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés qui a grandement contribué à la fierté de notre pays et à notre identité nationale.
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, c'est pour moi un moment important de prendre la parole aujourd'hui dans le cadre de l'interpellation du sénateur Cowan afin de souligner le 30e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés, et par la même occasion, de reconnaître le rôle significatif qu'a joué la Charte dans la société canadienne au cours des 30 dernières années. Je tiens à remercier notre honorable collègue de cette excellente initiative.
Je voudrais vous parler brièvement de l'essence de ce document, de sa place dans l'esprit des Canadiens, et aborder de façon plus détaillée l'impact de l'article 23 sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Comme d'autres l'ont souligné avec éloquence, la Charte a joué depuis 1982 un rôle important dans la définition des valeurs fondamentales de notre pays. Elle reflète les défis d'une société moderne et multiculturelle ainsi que la dualité linguistique de notre pays. Elle tire sa force d'une conception universelle des droits humains, tout en mettant l'accent sur les droits qui ont une pertinence particulière pour l'histoire canadienne, notamment les droits linguistiques.
[Traduction]
La Charte canadienne des droits et libertés s'est révélée d'une importance capitale pour les groupes marginalisés et désavantagés. Ces groupes ne réussissent pas nécessairement à attirer l'attention des ministres ou des autres détenteurs du pouvoir politique qui doivent souvent essayer de séduire la majorité. La Charte veille donc à ce que les droits de ces groupes soient reconnus et protégés.
Au cours des 30 dernières années, la Charte a joué un rôle crucial dans l'évolution de notre nation; elle a contribué à faire de notre pays une société prospère, juste et éclairée qui accueille les nouveaux arrivants et les nouvelles idées avec enthousiasme. Les juges canadiens, sur le fondement de la Charte, ont rendu des décisions sur des enjeux tels que l'avortement, les revendications territoriales des autochtones, les mariages de personnes de même sexe et les centres d'injection supervisée.
Par exemple, l'article 2 de la Charte garantit notamment la liberté d'expression, et la jurisprudence dans ce domaine ne date pas d'hier; les juges ont notamment fixé des limites à la liberté d'expression. En voici un bon exemple. En 1990, la Cour suprême a conclu qu'un professeur albertain ne pouvait pas invoquer la liberté d'expression pour faire de la propagande antisémite auprès de ses élèves. L'article 2 a aussi permis aux membres des médias de gagner d'importantes luttes en matière de journalisme responsable.
L'article 15 est une disposition particulièrement bien connue de la Charte canadienne des droits et libertés. Il s'agit des droits à l'égalité. C'est, de nouveau, dans ma province, l'Alberta, que l'on a rendu l'une des plus importantes décisions faisant appel à l'article 15. En 1998, la Cour suprême du Canada a invoqué les droits à l'égalité en vertu de l'article 15 pour invalider une loi provinciale qui aurait permis la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. En 1999, la décision hautement médiatisée de l'arrêt M. c. H. a permis au Canada de prendre ses premières mesures formelles visant la reconnaissance du mariage entre personnes du même sexe, car l'article 15 de la Charte confirme que la loi ne peut pas définir un conjoint comme une personne du sexe opposé.
[Français]
Je dois également souligner certaines garanties constitutionnelles de la Charte en matière linguistique, qui traduisent les efforts continus et renouvelés en vue de reconnaître le principe d'égalité des deux langues officielles. L'article 16 de la Charte est le premier d'une série d'articles qui ont pour effet d'enchâsser la notion de deux langues officielles au Canada et d'assurer la protection des droits linguistiques dans un bon nombre d'institutions publiques. L'article 16 lui-même élargit les droits linguistiques déjà présents dans la Loi constitutionnelle de 1867, en permettant notamment le bilinguisme dans la fonction publique fédérale. Ceci n'était pas complètement nouveau puisque la Loi sur les langues officielles du Canada avait introduit ce principe au niveau fédéral en 1969. Toutefois, il ne s'agissait que de lois ordinaires, tandis que l'article 16 de la Charte est venu transformer plusieurs de leurs principaux aspects en principes constitutionnels.
[Traduction]
Une réflexion portant sur les effets de la Charte canadienne des droits et libertés ne saurait être complète si elle passe sous silence l'article 25, qui concerne les droits des Autochtones. La Charte a bien servi les peuples autochtones du Canada, qui ont souvent été marginalisés. L'une des décisions déterminantes pour les droits des Autochtones liées à la Charte, l'arrêt R. c. Sparrow, a mis en place un élément de jurisprudence décisif pour les futures relations entre les peuples autochtones et l'État. La décision a établi un critère permettant de déterminer si les droits des peuples autochtones avaient été enfreints en vertu des dispositions de la Charte des droits et libertés. Plusieurs spécialistes utilisent depuis lors ce critère pour déterminer dans quelle mesure les lois canadiennes peuvent restreindre les droits des Autochtones.
[Français]
Honorables sénateurs, peu d'entre vous seront surpris d'apprendre que je me suis personnellement engagée dans la lutte pour les droits linguistiques des communautés francophones en situation minoritaire et, notamment, pour le droit de la minorité franco-albertaine à une éducation dans sa langue et au contrôle de ses propres établissements scolaires. C'est la raison pour laquelle j'estime que toute discussion sur l'impact de la Charte serait incomplète sans que soit souligné le rôle qu'a joué l'article 23. Cet article reconnaît aux communautés de langue officielle en situation minoritaire le droit constitutionnel à l'instruction dans leur langue maternelle et à la gestion de leurs écoles et ce, lorsque le nombre d'enfants le justifie.
L’article 23 a été interprété généreusement par la Cour suprême du Canada. L’arrêt Mahé, qui date de 1990, a précisé le caractère de l’article 23, qui vise à freiner le problème de l’assimilation et à promouvoir une vision dualiste du Canada. La cour a adopté la méthode du critère variable pour évaluer les demandes liées à l’article 23, c'est-à-dire que « la norme numérique devra être précisée par l’examen des faits propres à chaque situation qui est soumise aux tribunaux ». La cour a décidé que, en évaluant le nombre, il fallait non seulement considérer le nombre de parents admissibles, en vertu de l’article 23, qui voulaient avoir accès à un programme ou à une école, mais aussi le nombre d’élèves qui pourraient, le cas échéant, se prévaloir de ces services.
Depuis 30 ans, cette reconnaissance a amorcé un dialogue sur les systèmes d'éducation de la minorité de langue officielle au Canada, un dialogue entre les membres de la société civile et les différents ordres de gouvernements, qui s'est rapidement déplacé devant les tribunaux
(1530)
Ce dialogue n'aurait probablement pas eu lieu en Alberta et ailleurs au Canada sans la Charte. L'article 23 a été un instrument clé pour les francophones en situation minoritaire, en reconnaissant leur existence et en donnant une légitimité à leurs revendications en matière d'éducation.
De cette façon, la Charte a été déterminante dans l'évolution des droits linguistiques et constitue toujours un outil essentiel dans le cheminement vers l'égalité des deux langues officielles du Canada. Plus concrètement, on peut dire que l'article 23 est à l'origine de la plupart des établissements scolaires francophones en situation minoritaire qu'on retrouve aujourd'hui à travers le Canada.
Ce n'est pas un hasard que l'éducation ait été et demeure le cheval de bataille de la francophonie canadienne. L'école est un des organes vitaux de la langue et de la culture. Elle est un lieu de socialisation et de transmission des connaissances indispensables à la survie d'une langue, qui prend une dimension encore plus grande lorsque cette langue est en situation minoritaire. Étant donné l'importance de l'éducation, l'article 23 est un droit positif, avec un caractère réparateur, qui n'a clairement pas été édicté dans l'abstrait. Il doit être compris dans le contexte historique particulier du Canada, et notamment dans le contexte de la lutte des francophones en situation minoritaire, afin d'établir des systèmes d'éducation qui répondent à leurs propres besoins.
L'article 23 n'est donc pas une disposition que l'on retrouve communément dans les différentes chartes et déclarations des États ou des organismes internationaux.
Dans son jugement rendu le 15 mars 1990, le juge en chef Dickson, de la Cour suprême du Canada, a déclaré, et je cite :
L'objet de l'article 23 de la charte est de maintenir la culture de la langue française et de réduire l'assimilation. L'article 23 est en outre destiné à remédier, à l'échelle nationale, à l'érosion progressive des minorités parlant l'une ou l'autre langue officielle et à appliquer la notion de « partenaires égaux » des deux groupes linguistiques officiels dans le domaine de l'éducation.
Les victoires juridiques obtenues en vertu de l'article 23 ont permis de pallier certaines insuffisances dans le processus politique. Elles ont permis aux communautés francophones en situation minoritaire, qui ont un poids électoral moins important, de faire avancer leurs revendications. C'est notamment le cas pour ma communauté, la communauté francophone de l'Alberta.
Avant la promulgation de la Charte, il n'existait aucune école homogène francophone financée par des fonds publics. Comme je l'ai souligné récemment dans cette Chambre, malgré les profondes racines francophones de la province et la forte présence de la communauté franco-albertaine, l'Alberta a historiquement interdit, et par la suite strictement limité, l'utilisation du français comme langue d'enseignement dans les écoles de la province. Ces discussions ont donné lieu à de forts taux d'assimilation chez les Franco-Albertains, mais également à de grands efforts de ceux-ci en vue de lutter pour l'accès et le contrôle d'établissements scolaires en français.
Pourtant, ce n'est qu'après 1982 qu'il a été possible d'entrevoir la création d'écoles homogènes francophones financées par des fonds publics en Alberta. L'enchâssement de la Charte dans la Constitution a permis de donner une légitimité et un poids légal aux revendications des parents franco-albertains, ce qui a, en fin de compte, permis d'infléchir des décisions politiques considérées injustes.
Comme l'a récemment rappelé Serge Roussel, professeur à la faculté de droit de l'Université de Moncton :
Cette inclusion de droit à l'éducation dans sa langue dans la Constitution du pays ne s'est pas automatiquement matérialisée dans les faits [...]. Au cours des 30 dernières années, ce sont bien souvent les tribunaux qui ont dû rappeler à nos élus leurs obligations constitutionnelles [...].
À cet égard, plusieurs exemples viennent à l'esprit et tendent à démontrer que devant l'innovation gouvernementale, voire parfois l'entêtement de certains élus, la voie judiciaire demeure le seul recours disponible.
Honorables sénateurs, comme plusieurs d’entre vous le savent sûrement, ce sont des démarches juridiques entreprises en 1983 par trois citoyens d’Edmonton qui ont ultimement forcé la main au gouvernement provincial de l’Alberta. Ces citoyens ont invoqué le fait que le gouvernement provincial les privait du droit légitime que leur garantissait l’article 23 à la gestion et au contrôle d’une école de langue française. Cette affaire a marqué le début d’un long processus qui a abouti à la Cour suprême du Canada en 1990. Comme je l’ai mentionné plus tôt, en mars 1990, dans l’arrêt Mahé, la Cour suprême a affirmé que l’objet de l’article 23 était la préservation et la promotion de la langue et de la culture de la minorité de langue officielle. Plus concrètement, la cour a confirmé le droit de la minorité de gérer ses propres écoles financées par des fonds publics de façon indépendante.
À la suite de l'arrêt Mahé, la gestion des écoles a été finalement obtenue en 1994 avec la mise sur pied de conseils scolaires francophones, soit 12 ans après la promulgation de la Charte. Des politiques importantes ont été mises en œuvre depuis pour favoriser l'épanouissement de la communauté franco-albertaine, touchant par exemple le transport des élèves et l'accès à un meilleur financement.
Dans d'autres provinces, certains gouvernements ont suscité depuis de nouvelles mobilisations et de nouveaux jugements, comme que l'arrêt Arsenault-Cameron, en 2000, à l'Île-du-Prince- Édouard, portant notamment sur la formule afin de déterminer le nombre suffisant pour qu'une communauté puisse se prévaloir de ses droits en vertu de l'article 23. Cette décision de la Cour suprême est venue élargir et augmenter par des nuances et des précisions significatives la force de la décision Mahé.
Honorables sénateurs, grâce à l'article 23, les minorités francophones ont pu défendre leur droit à l'éducation dans leur langue devant les tribunaux. La Cour suprême a tracé la voie à une interprétation plus large et généreuse de nos droits linguistiques afin de réparer les injustices historiques et actuelles en vue d'en arriver à une égalité réelle des communautés de langue officielle et de favoriser leur épanouissement.
[Traduction]
Il n'y a aucun doute que les droits que la Charte a enchâssés dans notre Constitution ont été bénéfiques pour le Canada. Nous nous sommes épanouis en tant que société qui traite chaque personne avec respect et qui protège les droits individuels de façon responsable. La Charte des droits et libertés a ajouté une toute nouvelle dimension à la politique canadienne, bien sûr en créant des droits, mais surtout en proposant une façon novatrice de prendre des décisions au sujet de ces droits.
Honorables sénateurs, dans l'ensemble, le peuple canadien accorde une profonde importance à l'enchâssement de ses droits et libertés dans notre Constitution. En 2010, l'Association d'études canadiennes, qui avait mené un sondage d'un océan à l'autre sur les moments les plus marquants de notre pays, a classé le rapatriement de la Constitution, en 1982, et l'avènement de la Charte des droits et libertés au troisième rang. Aux yeux des Canadiens, donc, seules la fondation du pays, en 1867, et la création d'un système de santé public revêtent une importance historique supérieure.
Selon une étude de 2010 de Nanos Research, près de six Canadiens sur 10 estiment que la Charte fait progresser notre société. Une majorité juge également que la Charte a eu des répercussions positives sur le Canada.
[Français]
(1540)
Pour conclure, je me permets de citer un extrait d'un discours prononcé à l'occasion du 20e anniversaire de la Charte par la juge en chef de la Cour suprême du Canada, la très honorable Beverley McLachlin, qui résume bien l'essence de ce document. Elle déclarait à cette occasion que, et je cite :
[...] le caractère typiquement canadien de la Charte se retrouve dans l'importance qu'elle accorde à trois types de droit : les droits individuels liés à la notion de tolérance empreinte de respect; les droits collectifs rattachés à une bonne compréhension de la relation de soutien et d'obligation qui existe entre l'individu et la collectivité; et les droits liés à l'appartenance à un groupe, fondés sur la reconnaissance du pluralisme comme étant l'une des valeurs fondamentales du Canada. La Charte concilie ces types de droits non pas en tant que force opposée en équilibre précaire, mais en tant que droits complémentaires qui se renforcent et se consolident mutuellement. Et, c'est ainsi qu'elle s'harmonise avec la conception que les Canadiens et les Canadienne ont d'eux- mêmes.
Honorables sénateurs, à la lumière des progrès qui ont été réalisés depuis la promulgation de la Charte canadienne des droits et libertés et aussi, entre autres, pour la dualité linguistique de notre pays, je déclare pour ma part qu'il est incontournable de souligner le 30e anniversaire de cet événement marquant.
[Traduction]
Son Honneur le Président : Le Sénat est-il d'accord pour que cet article reste inscrit au nom du sénateur Andreychuk?
Des voix : D'accord.
(Sur la motion du sénateur Tardif, au nom du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)
La pêche récréative au saumon de l'Atlantique
Les avantages économiques—Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Meighen, attirant l'attention du Sénat sur les avantages économiques de la pêche récréative au saumon de l'Atlantique au Canada.
L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, je tiens d'abord à remercier notre ancien collègue, le sénateur Meighen, d'avoir attiré l'attention du Sénat sur les avantages économiques de la pêche récréative au saumon de l'Atlantique au Canada. L'une des dernières contributions du sénateur Meighen au Sénat fut de présenter un merveilleux aperçu de l'état de cette industrie, expliqué en détail dans un récent rapport de la Fédération du saumon Atlantique. Je remercie le sénateur Meighen d'avoir commencé cette interpellation, et je lui souhaite une bonne retraite.
Ce rapport de la Fédération du saumon Atlantique montre clairement les avantages économiques qu'une population de saumons saine peut apporter aux Canadiens, en particuliers ceux qui vivent sur la côte Est. Selon le rapport, la valeur économique du saumon sauvage de l'Atlantique est évaluée à 255 millions de dollars, et cette ressource apporte 150 millions de dollars au produit intérieur brut, ou PIB. L'équivalent d'environ 4 000 emplois à temps plein dépendent de cette ressource. En fait, le véritable nombre d'emplois est probablement beaucoup plus élevé, en raison de la nature saisonnière de cette industrie. La plus grande partie de la contribution de 150 millions de dollars au PIB, soit environ 128 millions de dollars, est directement liée à la pêche récréative.
Les résultats d'un sondage publiés récemment confirment de façon officielle ce que nous savons tous. Le poids démographique et l'activité économique du pays se déplacent vers les provinces de l'Ouest. Bien que cela représente un incroyable potentiel de croissance pour ces provinces, les possibilités économiques sont beaucoup plus limitées dans des régions comme le Canada atlantique, en particulier dans les régions rurales. C'est justement la région du pays qui profite le plus de l'industrie du saumon atlantique. Les 150 millions de dollars de contribution au PIB qui sont directement liés à cette industrie ne se concentrent pas dans nos villes, mais dans les régions rurales de ces provinces, des régions où les gens ont peu de perspectives d'emploi, sauf lorsqu'ils déménagent ailleurs au pays, avec leur famille.
Honorables sénateurs, c'est précisément la raison pour laquelle nous devons protéger cette industrie. La population de saumon sauvage de l'Atlantique est évaluée actuellement à moins de 20 p. 100 de ce qu'elle était historiquement. C'est une espèce que nous devons protéger par un règlement si nous voulons qu'elle survive et que l'industrie qui s'y rapporte prospère.
Il y a 10 ans seulement, la population de saumon sauvage de l'Atlantique, alors estimée à 418 000, a atteint son niveau le plus bas. Ce nombre peut sembler relativement élevé, mais en 1973, soit à peine quelques années plus tôt, le nombre de poissons de cette espèce était d'environ 1,8 million. En 2010, il était passé à 600 000.
Qu'avons-nous vu, au fil de ces fluctuations? Ces dernières années, alors que la population de saumon commençait à se rétablir un peu, le nombre de pêcheurs à la ligne a augmenté, et la valeur économique de l'espèce également. Entre 2005 et 2010, alors que le nombre de poissons commençait à croître, le nombre de pêcheurs à la ligne, dans le secteur de la pêche récréative, est passé de 41 000 à 58 000. Rappelez-vous que ces pêcheurs procurent un avantage économique direct précisément aux régions de la côte Est où les possibilités sont limitées et où la pêche récréative est ce qui contribue le plus à la valeur de cette industrie.
Cependant, même s'ils augmentent, les stocks de saumon ne sont pas encore florissants. Ils ne représentent encore qu'une fraction de ce qu'ils étaient jadis. Le gouvernement fédéral a la responsabilité d'assurer la protection et la conservation de cette ressource, surtout par l'intermédiaire du ministère des Pêches et des Océans, tant en raison de notre responsabilité morale à l'égard de l'environnement que par souci de maintenir le moyen de subsistance des régions qui dépendent de cette pêche.
Nous nous souvenons très bien d'exemples de mauvaise gestion des pêches qui ont entraîné des coûts pour nos collectivités, en particulier sur la côte Est. Nous devons veiller à ce que cela ne se reproduise pas. Comme l'indique le rapport de la Fédération du saumon Atlantique, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada a recommandé que le saumon sauvage de l'Atlantique soit déclaré espèce en péril ou menacée dans de nombreuses régions de la côte atlantique.
Honorables sénateurs, si les stocks de saumon sauvage de l'Atlantique s'effondrent, nous perdrons une industrie qui rapporte des millions de dollars et soutient des zones rurales de la côte atlantique. La pêche récréative au saumon sauvage doit être gérée selon des données scientifiques afin d'assurer la survie de cette espèce. Le ministère des Pêches et des Océans a d'ailleurs établi une politique pour la conservation du saumon atlantique sauvage qui a pour but de rétablir et de maintenir en bon état de santé et de diversité les populations de saumon et leurs habitats, pour le bénéfice et le plaisir perpétuels des citoyens du Canada.
Pourtant, malgré le rôle crucial que joue cette industrie dans certaines des régions canadiennes les plus vulnérables sur le plan économique, les sommes que le ministère des Pêches et des Océans consacre au saumon atlantique ont diminué de 75 p. 100 depuis 1985. De plus, le budget de ce ministère, qui a déjà encore subi des coupes dans le budget de 2011, devrait, d'après les médias, subir d'autres réductions lors du prochain budget fédéral.
Dans son rapport, la Fédération du saumon Atlantique recommande d'augmenter de 15 millions de dollars par année le budget fédéral consacré au saumon atlantique sauvage. Ces fonds financeraient des programmes de conservation, de rétablissement des stocks et d'éducation. Grâce à cet investissement, le gouvernement fédéral pourrait véritablement contribuer à l'expansion de cette industrie. Selon le rapport, cet investissement procurerait un taux de rendement de 18 p. 100 environ, et ce, compte tenu seulement des dépenses des pêcheurs à la ligne, lesquelles augmenteraient en fonction de l'expansion de cette industrie — et il faudrait six ans pour atteindre le seuil d'équilibre, et c'est sans compter que le recours aux autres formes d'aide gouvernementale diminuerait, puisque cette industrie touche principalement des zones rurales où les possibilités d'emploi sont limitées.
Le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire du ministère des Pêches et des Océans, est le principal organisme qui possède le mandat, l'expertise et le pouvoir de protéger le saumon atlantique sauvage. Nous avons atteint un point critique. Les stocks de saumon atlantique sauvage ont commencé à se rétablir, mais ils sont encore menacés ou en péril dans plusieurs secteurs. Lorsque le nombre de saumons augmente, l'activité économique et les avantages connexes augmentent aussi.
(1550)
Ce n'est pas le temps de diminuer davantage la contribution du gouvernement fédéral. C'est plutôt le moment d'investir davantage. Cette industrie a un bon potentiel de croissance, mais celui-ci ne pourra être exploité que si le gouvernement fédéral joue le rôle qui lui incombe. Des investissements supplémentaires sont nécessaires pour permettre à cette industrie de croître, appuyer nos collectivités rurales et protéger le saumon sauvage de l'Atlantique.
J'exhorte le gouvernement fédéral à appuyer cette importante activité du secteur des pêches et à la protéger pour les générations à venir.
(Sur la motion du sénateur Moore, le débat est ajourné.)
Les négociations sur le développement à Doha
Interpellation—Fin du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Harb, attirant l'attention du Sénat sur l'importance pour le Canada de jouer un rôle proactif afin que le cycle des négociations sur le développement à Doha arrive à une conclusion heureuse.
L'honorable Mac Harb : Honorables sénateurs, vous vous rappelez sans doute que, le mois dernier, j'ai exhorté le gouvernement canadien à jouer un rôle proactif afin que le cycle des négociations sur le développement à Doha aboutisse. Malgré l'engagement qu'ils ont pris, les pays développés tardent à agir, et les personnes les plus pauvres en paient le prix.
Partout dans le monde, des pays dépendent des envois de fonds des immigrants, c'est-à-dire de l'argent que ces derniers gagnent à l'étranger et envoient dans leur pays d'origine. Ces fonds représentent jusqu'à 30 p. 100 du produit intérieur brut national. On estime que les envois de fonds aux pays en développement totalisaient 351 milliards de dollars en 2011. Ces paiements soutiennent les pays, mais font en sorte qu'ils dépendent de la santé économique des pays plus riches.
En outre, l'immigration ne permet pas de résoudre les problèmes de certaines régions, comme l'Afrique du Nord, où plus de 60 p. 100 des jeunes ne font pas partie de la population active. Ces jeunes ne peuvent pas compter sur un filet de sécurité sociale comme celui du Canada pour les aider. Deux choix s'offrent à eux : rester dans leur pays et composer avec le désespoir, la frustration et les troubles, ou alors prendre des risques et s'exposer à des difficultés en tentant de s'installer dans un autre pays.
Nous entendons trop souvent parler de bateaux surchargés et de corps échoués sur des côtes étrangères. Certaines personnes parviennent au bout de leur périple, mais le taux de chômage élevé dans les pays développés limite le nombre d'emplois et rend la population du pays plus hostile à leur cause. Cela accroît les tensions.
En mai 2011, l'Organisation mondiale du commerce, l'OCDE et la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement ont signalé qu'il y avait une hausse du protectionnisme en raison des conditions économiques, même si l'histoire a montré que les mesures protectionnistes freinent la croissance et entraînent la perte d'emplois. Ces conditions engendrent un nationalisme virulent et favorisent l'intolérance et l'agitation. Nous avons déjà vu ce genre de situations — les dernières fois ce fut au cours des périodes qui ont précédé les deux guerres mondiales. Tout le monde sera perdant si nous ne concluons pas d'accords commerciaux multilatéraux globaux et si nous n'avons pas une OMC solide.
Toutefois, en raison du système de consensus actuel de l'OMC, les chances de conclure un accord dans un proche avenir sont minces. En raison des élections et des changements à la direction du pays que l'on attend cette année aux États-Unis, en France, en Allemagne et en Chine, les politiciens éviteront les politiques qui semblent affaiblir l'économie nationale. De plus, à cause de l'incertitude de l'économie mondiale et des dettes sans précédent des gouvernements, l'Union européenne, les États-Unis et le Japon ne seront pas disposés à faire des concessions commerciales.
Nous devons nous départir de cet esprit de clocher, et je crois que le Canada est le pays le mieux équipé pour montrer l'exemple. Notre économie est petite, mais stable. Je crois que nous pouvons jouer dans la cour des grands.
[Français]
Le Canada doit resserrer son engagement à l'égard du système commercial multilatéral. Il doit renouveler son engagement à s'abstenir d'accroître les mesures protectionnistes et à veiller à ce que notre pays prenne l'importante décision symbolique et concrète d'ouvrir notre marché aux pays les moins développés sans tarif ni quota. Le Canada doit appuyer l'OMC, mais, dans les faits, il ne s'est pas montré très actif. En ce qui me concerne, je dirais que le temps est venu de s'activer.
[Traduction]
L'OMC doit arrêter d'associer la taille du marché avec le poids politique afin que les pays les plus petits et les plus pauvres puissent prendre part aux négociations commerciales. Nous devons restreindre la capacité de certains pays d'entraver le progrès des négociations prioritaires.
Nous devons accepter que tout ne se fait pas immédiatement. Les experts de toutes les organisations concernées, y compris la Banque mondiale, nous disent qu'il faut atteindre une masse critique de grands joueurs pour que s'améliorent les offres concernant l'accès aux marchés. Le Canada a le poids diplomatique et la crédibilité nécessaires pour jouer un rôle essentiel en vue d'atteindre cette masse critique qui fera changer les choses...
Son Honneur le Président : J'ai le regret d'informer le sénateur que ses 15 minutes sont maintenant écoulées. Le sénateur Harb demande encore cinq minutes. Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Harb : Je n'ai besoin que de deux minutes, Votre Honneur.
Beaucoup de pays ne peuvent joindre les deux bouts à cause de la manière dont fonctionne actuellement le système commercial mondial. Nous en voyons les conséquences — notamment la famine et le fanatisme —, et ces conséquences peuvent s'étendre au- delà de leurs frontières.
Honorables sénateurs, le Canada doit prendre immédiatement les mesures nécessaires pour que les pays pauvres puissent prendre part aux négociations commerciales, et pour qu'ils puissent enfin aider leur population. Ils ont attendu trop longtemps. Ils ont assez attendu.
Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres interventions?
Honorables sénateurs, si personne d'autre ne veut intervenir, cela mettra un terme au débat sur cette interpellation.
(Le débat est terminé.)
(Le Sénat s'ajourne au jeudi 26 avril 2012, à 13 h 30.)