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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 100

Le vendredi 29 juin 2012
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le vendredi 29 juin 2012

La séance est ouverte à 9 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les services de santé offerts aux réfugiés

Les répercussions du budget

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j'ai eu le grand plaisir d'être invitée, mercredi, à la conférence de presse organisée par les Médecins canadiens pour les soins aux réfugiés. Il s'agissait de leur dernier recours pour tenter de convaincre le gouvernement Harper d'éviter que les services de santé offerts aux réfugiés ne soient touchés par les compressions budgétaires qu'il imposera à compter du 30 juin au Programme fédéral de santé intérimaire.

Ce programme offre actuellement une protection temporaire aux personnes protégées, aux demandeurs d'asile et à d'autres personnes qui ne sont pas admissibles aux régimes d'assurance-maladie des provinces et des territoires.

Les mesures de réforme annoncées par le ministre mettront un terme, à compter de demain, à la prestation des soins médicaux complémentaires. Le gouvernement a imposé ces compressions sans consulter les intervenants de première ligne et sans même consulter les Canadiens. Lorsque le nouveau programme sera en vigueur, on n'offrira des médicaments et des vaccins qu'en cas de risque pour la santé ou la sécurité publique ou de besoins urgents ou nécessaires.

Les asthmatiques ne recevront pas de médicaments. En cas de crise, ils seront soignés dans les services d'urgence, mais on ne leur donnera pas de médicaments à leur départ. On ne les aura ainsi soigné que jusqu'à leur prochaine visite à l'urgence. Les diabétiques ne recevront pas d'insuline ni les cardiaques, de médicaments. Les soins d'urgence comptent parmi les plus coûteux. Les changements entraîneront donc une augmentation des coûts, qui sera transférée aux provinces et aux territoires.

Les réfugiés entrent au Canada pour échapper à la violence et à la persécution. Nous devons leur donner espoir, mais le gouvernement continue de les traiter comme s'ils ne valaient rien. Ces changements feront du tort aux personnes les plus vulnérables.

Le ministre croit-il vraiment que les réfugiés risquent leur vie et dépensent des sommes colossales pour venir au Canada afin d'obtenir des lunettes gratuites? Le gouvernement a tendance à dresser les Canadiens contre les réfugiés et cela doit cesser.

Ce n'est pas une pratique courante chez les groupes confessionnels, mais le diocèse anglican et un programme de parrainage de réfugiés de Winnipeg ont intenté des poursuites contre le gouvernement fédéral, invoquant que ses modifications au Programme fédéral de santé intérimaire, ou PFSI, constituent une rupture de contrat. Le diocèse et plusieurs signataires d'ententes de parrainage de réfugiés financées par des Églises entretiennent une relation contractuelle avec le gouvernement fédéral et tiennent pour acquis que le PFSI sera en place. Le Conseil canadien pour les réfugiés a dit que ces compressions constitueront un important facteur de dissuasion auprès des parrains. Les conservateurs refilent la facture aux provinces, aux municipalités, aux groupes communautaires œuvrant dans le domaine de la santé, au secteur caritatif et aux programmes et organismes publics qui fournissent des services de santé aux personnes non assurées.

En réaction aux protestations des médecins contre ces modifications qui nuiraient à la santé des réfugiés, le ministre Kenney a qualifié les détracteurs de ces changements d'« extrémistes ». Il a désigné des médecins qui s'inquiètent pour la santé des réfugiés comme étant des extrémistes, alors qu'ils sont en fait des gens bienveillants et compatissants. Les médecins craignent fort que ces compressions dans les services de santé donnent lieu à de piètres bilans de santé. Les travailleurs de la santé au Canada auraient dû être consultés avant que des modifications visant à réduire les soins de santé pour les réfugiés soient proposées.

Honorables sénateurs, il s'agit d'une question très importante. Non seulement elle compromettra la santé des gens qui cherchent refuge au Canada, mais elle entachera aussi notre réputation mondiale de nation compatissante. Respectons nos traditions humanitaires et ne devenons pas insensibles et indifférents aux malheurs des autres.

Le Conseil des rabbins de Toronto, dans une lettre adressée au premier ministre, et Philip Berger, Bernie Farber et Clayton Ruby, dans un article paru dans le Globe and Mail, demandent que les modifications proposées à la couverture médicale des réfugiés soient annulées et que les réfugiés ne perdent pas l'accès aux soins de santé de base.

Ne considérons pas les réfugiés comme des personnes de second ordre. Ces gens ont fui la guerre civile, une région sinistrée ou la persécution. Pourquoi les laisser entrer au Canada, mais leur refuser des soins de santé? La plupart des réfugiés arrivent au Canada sans le sou. Pourquoi chercher à les accabler davantage?

Comme l'a dit le Mme Parisa Rezaiefar, une réfugiée qui s'est installée au Canada et qui est maintenant médecin :

Je demande au ministre Kenney de ne pas détruire le rêve des réfugiés d'aujourd'hui, des citoyens de demain [...] Le Programme de santé intérimaire n'est pas une mesure de charité — c'est un investissement dans l'avenir du Canada.

L'honorable Michael H. Tulloch

Félicitations à l'occasion de sa nomination à la Cour d'appel de l'Ontario

L'honorable Don Meredith : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour souligner un événement important pour les Canadiens d'origine africaine de l'Ontario et la diaspora jamaïcaine au Canada.

Vendredi dernier, le gouvernement a nommé à la Cour d'appel de l'Ontario Michael Tulloch, qui est juge de la Cour supérieure et juge résident de Brampton. Natif de la Jamaïque, il est le premier Canadien d'origine africaine à siéger au plus haut tribunal de l'Ontario. En tant que quatrième Canadien d'origine africaine et premier Jamaïcain à avoir été nommé au Sénat, et en tant que représentant de la province de l'Ontario, je suis particulièrement fier de cette grande réussite.

Honorables sénateurs, le parcours du juge Tulloch est un exemple de la réussite dont rêvent tous les nouveaux arrivants au Canada. J'ai discuté récemment avec le juge Tulloch afin de le féliciter de sa nomination. Je lui ai dit que le caucus conservateur des minorités visibles avait rencontré le ministre de la Justice et le ministre de l'Immigration pour demander comment on pourrait nommer davantage de Canadiens de diverses origines à des postes de premier plan. Nous avons aussi discuté des moyens de favoriser la participation des différentes communautés canadiennes pour inciter leurs membres à poser leur candidature à ces postes.

Le juge Tulloch est fort honoré par cette nomination et remercie le gouvernement de reconnaître les talents qui existent au sein de la diversité canadienne. En outre, il est encouragé à l'idée de pouvoir montrer la voie aux Afro-Canadiens qui aspirent à la magistrature, un peu partout au pays.

Après avoir obtenu son diplôme de la faculté de droit Osgoode Hall et avoir été boursier aux collèges McLaughlin et Vanier de l'Université York, le juge Tulloch a été nommé à la Cour supérieure de justice en 2003, ce qui faisait de lui le plus jeune juge de race noire au Canada.

Avant d'être nommé juge, M. Tulloch a travaillé comme procureur adjoint et mandataire spécial pour le ministère fédéral de la Justice. En 1999, il a participé à l'examen du Code criminel effectué sous la direction du procureur général du Canada et ministre de la Justice. À l'échelon provincial, il a agi comme expert-conseil dans le cadre de l'examen du système d'aide juridique effectué par le gouvernement de l'Ontario.

Honorables sénateurs, le juge Tulloch est un citoyen actif dans son milieu. Il a été membre du conseil d'administration d'Aide juridique Ontario, de l'Association du Barreau canadien, de l'Alliance urbaine sur les relations interraciales et de la clinique communautaire d'aide juridique Jane-Finch, là où j'ai grandi. Il a aussi été président de l'Association canadienne des avocats noirs et de la chambre de commerce africaine et antillaise. Honorables sénateurs, je vous prie de vous joindre à moi aujourd'hui pour célébrer cette belle réussite du juge Tulloch et des gens de l'Ontario. Merci.

[Français]

La conférence des Nations Unies pour un traité sur le commerce des armes

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, à la fin de la guerre froide, en 1989, les pays qui y ont participé ont procédé à la démobilisation des réservistes et à la récupération du matériel de guerre. Ces pays, désirant récolter les bienfaits de cette guerre, essentiellement des pays développés de l'Europe et de l'Amérique du Nord, n'ont pas détruit leur équipement d'armes légères.

La revente de ces stocks devenait une option, parce qu'on ne voulait pas détruire ce que les citoyens canadiens avaient payé avec leurs impôts et qui pouvait encore utile, ce qui fait qu'aujourd'hui au-delà de 300 millions d'armes légères sont éparpillées à travers le monde entier.

[Traduction]

Honorables sénateurs, les armes légères sont le moteur des conflits modernes. Dans des pays comme l'Angola, le Libéria, la Côte d'Ivoire, le Soudan et le Congo, les observateurs des Nations Unies constatent que ces réseaux de trafiquants ont des effets horriblement néfastes. Entre 1990 et 2005, les conflits de ce genre ont coûté à l'économie de l'Afrique une somme estimée à 284 milliards de dollars, soit environ 18 milliards de dollars par année.

La proliférations des armes légères a même des répercussions sur les Canadiens, puisque nos intérêts commerciaux sont menacés par les pirates au large de la Corne de l'Afrique, que nos concitoyens sont exposés ici à des actes de violence mettant en cause des armes à feu et qu'au Mexique, des gangs menacent les axes de transport routier. Nous avons dû nous doter de nouveaux moyens, notamment avec le projet Shiprider, pour empêcher l'importation illégale d'armes dans notre pays. Malgré tout, nous vivons dans un monde où le commerce des bananes est plus strictement réglementé que celui des armes.

(0910)

Honorables sénateurs, lundi prochain, des représentants des Nations Unies et de pays du monde entier se réuniront à New-York pour négocier ce qui pourrait s'avérer la plus importante convention sur le désarmement des dernières décennies. Il s'agira d'un traité international sur le commerce des armes sous l'égide des Nations Unies.

L'idée d'un tel traité a été lancée dans les années 1990 par des organisations non gouvernementales et des lauréats du prix Nobel de la paix. Beaucoup de progrès a été accompli depuis et, aujourd'hui, nous touchons presque au but.

Le traité permettra, entre autres, de faire cesser le transfert d'armes dans les cas où elles pourraient servir à des violations graves des droits de la personne ou du droit humanitaire international, ou encore à des crimes contre l'humanité, comme ceux commis en Syrie ou en Lybie.

Devant de tels enjeux, le Canada ne peut se permettre de rester sur la touche. On ignore pourtant quelle est sa position à cet égard. Honorables sénateurs, le Canada doit jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration de ce traité au cours des trois prochaines semaines, afin de contribuer au contrôle et à la non-prolifération des armes légères illégales dans le monde.

Le Sénat

Hommages aux pages à l'occasion de leur départ

Son honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer au prochain article, je souhaite rendre hommage aux deux derniers pages qui quitteront le Sénat.

Ruphen Shaw est née à Taiwan, mais a vécu en Colombie-Britannique, à Vancouver plus précisément, depuis l'âge de quatre ans. Cette année, elle a participé à un échange avec l'Université d'Ottawa afin de prendre part au programme des pages du Sénat. Ruphen retournera à l'Université Simon Fraser cet automne, où elle terminera ses études en biochimie, avec une mineure en études internationales.

Roland Troke-Barriault a passé son enfance d'abord au Nunavut, puis en Nouvelle-Écosse, mais sa famille est retournée récemment au Nunavut. La première fois qu'il a travaillé au Sénat, c'était à titre de stagiaire d'été au Bureau du greffier. Roland terminera cet automne ses études en sciences politiques à l'Université d'Ottawa et espère faire un jour carrière dans le domaine du droit.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Le Sénat

Avis de motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin de recevoir la haute direction et les représentants de CBC/ Radio-Canada

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, je donne avis que, dans deux jours, je proposerai :

Que, à la fin de la période des questions et des réponses différées de la journée de séance suivant l'adoption de la présente motion, le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir la haute direction et les représentants de la Société Radio-Canada pour qu'ils expliquent leur décision de réduire de 80 p. 100 le financement des services de Radio-Canada International, particulièrement compte tenu de l'importance de :

a) Radio-Canada International en tant que voix du Canada à l'étranger;

b) la radio à ondes courtes dans les régions opprimées du monde où l'accès à Internet est interdit.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Dépôt d'une réponse à une question inscrite au Feuilleton

Les ressources humaines et le développement des compétences—Le Régime de pensions du Canada (RPC)

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 35 inscrite au Feuilleton par le sénateur Callbeck.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 27(1) du Règlement, j'avise le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : le projet de loi C-23, la motion no 47, le projet de loi C-11 et finalement, les autres affaires du gouvernement, tel qu'indiqué au Feuilleton.

Projet de loi sur la croissance économique et la prospérité — Canada-Jordanie

Troisième lecture

L'honorable Pierre Claude Nolin propose que le projet de loi C-23, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Royaume hachémite de Jordanie, de l'Accord sur l'environnement entre le Canada et le Royaume hachémite de Jordanie et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et le Royaume hachémite de Jordanie, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, nous avons procédé à l’examen de ce projet de loi hier au comité. Je comprends quelque peu le désarroi de certains de mes collègues, qui ont compris que ce projet de loi avait passé plusieurs sessions à la Chambre des communes et que nos collègues à l’autre endroit l’ont étudié ad nauseam, alors que le Sénat n’ a eu qu’une seule journée pour le faire. Qu’à cela ne tienne, honorables sénateurs, ce n’est pas parce que les députés ont pris davantage de temps que nous devons retarder l’adoption de ce projet de loi.

Pourquoi le Canada a-t-il conclu cet accord de libre-échange? À ceux qui se posent la question, et notre collègue, le sénateur Downe, y a fait référence, le volume du commerce entre le Canada et la Jordanie, comparativement à ce que nous faisons avec d'autres pays est modeste. Toutefois, pour le Canada, il n'en reste pas moins que cet accord revêt une importance stratégique compte tenu de la position géographique de la Jordanie et de nos prétentions en matière de paix et de sécurité mondiale.

Vous comprendrez qu'il était important que le Canada entreprenne cet accord de libre-échange, surtout que nos principaux partenaires économiques ont signé des accords similaires, par exemple les États-Unis et l'Union européenne. Dans le cas des États-Unis, l'entrée en vigueur date d'un an et, dans le cas de l'Union européenne, l'entrée en vigueur aura lieu dans deux ans.

Le délai de mise en œuvre de l'élimination des tarifs entre le Canada et la Jordanie sera acquis à peu près en même temps que la mise en œuvre des accords avec les États-Unis et l'Union européenne.

C'est le premier accord de libre-échange que le Canada signe avec un pays arabe. Même si c'est un petit pays, c'est un pays arabe stable. Cette stabilité est quand même respectable et respectée dans le monde arabe, et même si ce n'est pas exactement la structure politique que nous voudrions avoir, il n'en reste pas moins que le roi Abdallah a réussi à maintenir une paix relative dans un environnement assez tumultueux; pensez aux voisins de ce pays, l'Irak, la Syrie et Israël.

Je vous ai décrit sans aller dans plus de détails pourquoi il est important que le Canada mette le pied commercialement dans cette région du monde.

Même si c'est marché modeste, il n'en reste pas moins que des entreprises canadiennes font des affaires en Jordanie. Il était important de protéger ces marchés même s'ils sont modestes. Pensons, entre autres, aux agriculteurs de l'Ouest qui produisent des lentilles. Les Jordaniens sont très friands de ce produit et ils sont aussi acheteurs de lentilles. Il était donc important de protéger ces marchés.

Nous avons entendu un témoin qui représente l'industrie du vêtement.

(0920)

On aurait pu croire que l'industrie du vêtement serait réfractaire. Le salaire minimum en Jordanie tourne autour d'un dollar par jour, pas 10 dollars l'heure. Pour un vêtement fabriqué au Canada comparativement un autre fabriqué en Jordanie, dans quel pays croyez-vous que le coût de revient de la fabrication de ce vêtement est le plus avantageux pour celui qui veut en vendre? C'est la Jordanie.

De nos jours, les acheteurs de vêtements canadiens ne fabriquent plus de vêtements au Canada. Ils les font faire dans d'autre pays et en ce moment, le pays en vogue, c'est le Bangladesh. La signature de cet accord avec la Jordanie permettra aux acheteurs canadiens de vêtements en gros, ceux qui placent des commandes de manufacture de vêtements, d'avoir le choix. Ce sera une compétition pour savoir qui produira le meilleur vêtement au meilleur coût.

Le secrétaire parlementaire du ministre de l’Industrie a comparu devant le comité et les représentants des divers ministères impliqués ont tous appuyé cet accord. Nous avons également entendu deux experts. J’ai fait référence à cet expert du secteur du vêtement, mais nous avons également entendu un expert du domaine des accords de commerce international, un ancien fonctionnaire canadien qui enseigne maintenant à l’Université Carleton. Sans qu’il soit absolument enthousiaste en ce qui concerne cet accord, il n’en reste pas moins qu’il l’appuie; il l’appuie parce que cet accord est un symbole.

Les parties ont signé l'accord en juin 2009, il y a eu trois rencontres de négociations en un an et tout a été réglé. Vous aurez compris que c'est un accord simple qui ne comprend que l'accord sur les biens. Rien d'autre n'est inclus dans ce rapport. Il y a deux accords parallèles et je glisserai quelques mots au sujet de l'un d'eux.

Cet accord est un symbole parce que le Canada envoie le message à ses partenaires commerciaux qu'il peut s'entendre même avec les plus petits de la planète, avec des pays qui n'ont pas les mêmes valeurs démocratiques que lui.

L’accord parallèle sur le travail est également important pour l’industrie du vêtement. Certains d’entre vous ont probablement songé au travail des enfants qui font un travail forcé, avec des salaires minimes et dans des conditions qui seraient inacceptables dans un environnement canadien. Cet accord parallèle sur le travail normalise les relations entre les employeurs et les employés du Canada et de la Jordanie.

Songez à toutes les normes de travail que nous imposons au Canada, tant à l’ordre fédéral que provincial. Nous les retrouverons en Jordanie. Imaginez l’égalité, la non-discrimination, l’abolition du travail forcé des enfants, la réglementation du travail des travailleurs migrants et l’établissement de normes de santé et de sécurité au travail. Le salaire minimum, même minime, sera réglementé. Tout cela sera mis en place grâce à la ratification de cet accord par le Canada.

Voici ce qu'il y a de beau. Imaginez un citoyen canadien, un acheteur de vêtements qui visite son manufacturier et qui veut lui offrir de fabriquer des T-shirts. Il visite l'industrie de son fournisseur jordanien et il découvre que des enfants de sept ou huit ans travaillent dans sa manufacture, ce qui est contraire aux normes. Ce manufacturier, dès son retour au Canada, peut individuellement porter plainte. Il n'y a pas que le Canada qui peut porter plainte, l'individu peut aussi le faire.

Un touriste canadien en visite en Jordanie qui croit avoir découvert une anomalie dans le monde du travail pourra, dès son retour au Canada, inscrire et déposer une plainte. Le processus d’enquête se mettre automatiquement en place et, s’il y a matière à enquête, ce processus pourra mener à quelque chose. Par la suite, si l’enquête porte fruit et prouve qu’il y a eu une infraction aux normes du travail, des actions serons prises et la Jordanie devra payer des amendes très sévères.

Honorables sénateurs, pour toutes ces raisons, je crois que nous devons adopter à l'étape de la troisième lecture le projet de loi C-23. C'est un bon accord. J'aurais aimé que nous puissions l'examiner plus longtemps, mais je crois que nous sommes convaincus en majorité qu'il s'agit d'un bon projet de loi et de trois bons accords pour le Canada.

[Traduction]

L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, pourquoi tant de hâte à adopter le projet de loi C-23, l'accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie? Il a été renvoyé au Sénat il y a deux semaines seulement. La Chambre des communes a pu étudier cette mesure législative et son prédécesseur, le projet de loi C-8, pendant plus de 14 mois. Le comité de la Chambre des communes a tenu 12 séances à leur sujet et entendu plus de 40 témoins. Le comité sénatorial n'a pour sa part tenu qu'une seule réunion et entendu seulement sept témoins.

Le processus a été tellement accéléré que nous n'avons même pas pu entendre M. Ed Fast, le ministre du Commerce international. Le gouvernement n'a envoyé que le secrétaire parlementaire du ministre. Nous nous rappelons tous que, lorsqu'elle était dans l'opposition, madame le sénateur LeBreton disait : « Pas de ministre, pas de projet de loi. » Aurait-elle changé d'avis?

L'opposition libérale a présenté une liste de 16 témoins. Un seul était disponible. Un témoin a par exemple reçu un courriel le mercredi 27 juin à 14 h 40 lui demandant s'il pouvait tout laisser tomber et venir témoigner le lendemain matin devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Un autre témoin, qui a également reçu une invitation le mercredi après-midi en vue de la séance du lendemain matin, était en Espagne.

Quelle organisation! Ce n'est pas une façon de gérer l'étude d'un projet de loi. J'irais même jusqu'à dire que ce n'est pas une façon de gérer le Sénat. Sur quoi devons-nous nous fonder pour appuyer cette mesure législative si elle n'a pas fait l'objet d'un examen approprié? Est-ce que le Sénat n'est plus bon qu'à entériner automatiquement les mesures proposées par le Cabinet?

Comme tous les honorables sénateurs le savent, le Sénat a pour responsabilité d'examiner soigneusement les mesures législatives que la Chambre des communes lui renvoie. Quel genre de travail avons-nous accompli au sujet de ce projet de loi? Nous sommes-nous acquittés de nos responsabilités? Pourquoi le gouvernement voulait-il que nous adoptions ce projet de loi à la hâte? Avons-nous raté quelque chose? Quels éléments méritaient une étude plus approfondie?

Permettez-moi de vous mentionner certains éléments tirés de l'étude menée par la Chambre des communes. Après tout, le comité de l'autre endroit a entendu plus de 40 témoins et tenu une douzaine de séances. Les sénateurs auraient peut-être voulu entendre d'autres témoins, si nous en avions eu le temps.

Le 29 mars 2012, le Comité du commerce international de la Chambre des communes a entendu le témoignage de M. Jeff Vogt, conseiller juridique au Département des droits humains et syndicaux de la Confédération syndicale internationale, qui a dit ceci au sujet des travailleurs des usines de Jordanie :

La question des frais de recrutement versés à des tiers reste un grave problème. Les travailleurs migrants sont souvent forcés de payer des sommes substantielles à des agents de recrutement et à leurs mandataires dans leur pays d'origine. Dans plus de 40 p. 100 des usines, les travailleurs indiquaient que cette dette les empêchait de quitter leur emploi. Il n'existe dans le droit jordanien aucune disposition empêchant que ces travailleurs ne soient recrutés dans de pareilles circonstances.

(0930)

Ce même jour, le Comité du commerce international de la Chambre des communes a entendu le témoignage de M. Charles Kernaghan, directeur de l'Institute for Global Labour and Human Rights. À propos des États-Unis, qui ont signé un accord commercial avec la Jordanie il y a 10 ans, il a dit :

Lorsque l'institut a commencé son travail en Jordanie, nous avons découvert que de 2001 à 2006...

— la période pendant laquelle l'accord était en vigueur —

... l'accord de libre-échange États-Unis-Jordanie avait dégénéré en trafic de travailleurs étrangers. On confisquait leur passeport, on les maintenait dans des conditions de servitude, on les obligeait à travailler pendant de longues et pénibles heures sans leur verser le salaire auquel ils avaient droit.

Après la publication de notre rapport, il y a eu des changements mineurs. Notamment, beaucoup de travailleurs étrangers ont pu récupérer leur passeport.

L'institut a publié un rapport le 28 mars dernier.

Il concerne une usine appelée Rich Pine, dans le parc industriel Cyber City. On y fabrique des vêtements pour Liz Claiborne [et] J.C. Penney [...] Les travailleurs étrangers chinois et bangladais travaillent 14 heures par jour, sept jours par semaine. Ils sont à l'usine 96 heures par semaine. C'est la norme. Ils n'ont eu qu'une journée de congé dans les 120 derniers jours, c'est-à-dire en quatre mois. Les travailleurs sont payés environ 70 cents l'heure, ce qui semble... C'est plus bas que le salaire minimum en Jordanie, et qui est de 74,5 cents.

Les travailleurs n'ont absolument aucun droit. C'est un véritable atelier clandestin. Les travailleurs sont logés dans des dortoirs primitifs. Les travailleurs, tant chinois que bangladais, n'ont pas leur mot à dire.

Il a terminé en déclarant ceci :

Enfin, j'aimerais parler brièvement de l'usine Classic, en Jordanie. Il s'agit de la plus importante usine du pays. Elle compte 5 000 travailleurs qui viennent d'Égypte, du Bangladesh, du Sri Lanka et de la Chine.

Cette usine exporte des produits pour une valeur de 125 millions de dollars aux États-Unis, la plus grande partie de ces produits étant destinée à Walmart et à Hanes. Les employés travaillent 14 ou 15 heures par jour. Ils ont peut-être deux vendredis de congé par mois. Les employés sont giflés et on leur crie des injures. Lorsque des marchandises doivent être livrées, ils travaillent pendant des quarts de 18 heures et demie.

Mais c'est ce qu'il y a de moins grave. Nous avons découvert qu'à l'usine Classic, qui est la plus grande usine de Jordanie, des dizaines et des dizaines de travailleuses invitées ont été violées.

Je vais vous dire comment nous avons appris cela. Nous étions en Jordanie en décembre 2010. Des jeunes femmes nous ont approchés et nous ont remis des disques. Elles nous ont remis des enregistrements qu'elles ont faits elles-mêmes au moyen de leur téléphone cellulaire pendant qu'elles témoignaient au sujet des viols, nous implorant de leur venir en aide, nous implorant de faire cesser ces viols.

Une jeune femme, Kamala, nous a parlé des hommes [...]

Il s'agissait d'un directeur général dans ce cas. Elle a dit ceci :

J'ai fait l'objet de tous les abus... Cet homme m'a torturée. Il a beaucoup abusé de moi sexuellement... Je devais me plier à tous ses désirs parce que j'étais dans une situation extrêmement vulnérable et que j'étais intimidée... Tout mon corps me fait mal... Je ne peux regarder mes parents dans les yeux. Je suis détruite. Je ne peux même pas changer de vêtements devant ma mère parce que Priyantha m'a détruite. J'ai des marques de morsures sur tout le corps.

Elle a poursuivi en disant qu'elle était tellement horrifiée... qu'elle se serait suicidée :

Je ne peux pas m'enlever la vie parce que je suis [...] seule pour m'occuper de mes parents. C'est la raison pour laquelle je suis venue ici.

Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. C'est dans notre rapport et nos mises à jour.

Voici ce qu'a conclu M. Kernaghan :

Je vois d'énormes problèmes en Jordanie ainsi que l'absence de respect des droits de la personne et des droits des femmes.

Quelles auraient été les recommandations du Sénat si nous avions entendu de tels témoignages? Quels autres problèmes aurions-nous découverts si nous avions examiné cette mesure législative? Aurions-nous recommandé au gouvernement de conclure l'accord seulement si les normes du travail étaient améliorées et appliquées, surtout en ce qui concerne les femmes d'autres pays qui travaillent dans des usines en Jordanie?

Honorables sénateurs, alors que le Sénat fait adopter ce projet de loi à la hâte, vous devriez peut-être vous poser cette question pendant la pause estivale. Lorsque vous vous régalerez à l'occasion d'un barbecue au cours des prochaines semaines, vous devriez peut-être penser aux conditions que doivent subir ces travailleurs dans ces usines en Jordanie. Vous devriez peut-être vous demander si nous avons manqué une occasion d'améliorer leur qualité de vie tout en mettant en place un accord commercial. Vous devriez peut-être vous demander si les sénateurs ont assumé leurs responsabilités en faisant adopter à la hâte ce projet de loi.

Honorables sénateurs, vous pourriez vous poser ces questions, mais les réponses pourraient vous déplaire.

[Français]

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : L'honorable sénateur Downe accepterait-il de répondre à une question?

[Traduction]

Le sénateur Downe : Oui, bien sûr.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Peut-être que cela m'a échappé dans votre présentation, mais qu'en est-il de l'utilisation des enfants dans les différentes industries que vous avez mentionnées?

[Traduction]

Dans quelle mesure la Jordanie respecte-t-elle les lois sur le travail des enfants mises en place aux termes des conventions internationales qui ont été signées par la Jordanie et par d'autres pays semblables?

Le sénateur Downe : Honorables sénateurs, comme l'a dit le sénateur Nolin, rien n'indique que le travail des enfants est un problème. Je parle des travailleurs migrants, surtout des femmes dont la plupart ont plus de 16 ou 17 ans.

Le sénateur Dallaire : La législation qui encadre le travail des enfants s'applique aux jeunes de 18 ans.

Le sénateur Downe : Je l'ignorais.

[Français]

Le sénateur Nolin : Honorables sénateurs, j'aurais une question, si le sénateur me le permet, qui me permettrait de répondre à la question du sénateur Dallaire.

Je comprends que le sénateur a fait référence aux travailleurs migrants. Effectivement, il n'y a pas d'enfants mineurs dans ce groupe de travailleurs, mais l'accord sur le travail couvre les normes minimales de travail qui empêchent les jeunes de travailler dans ce type d'industrie et qui protègent aussi les travailleurs migrants.

Le sénateur Downe a entendu comme moi, hier, les fonctionnaires expliquer comment cet accord parallèle sur le travail sera mis en place, et les composantes contraignantes associées à cet accord. Ne pensez-vous pas qu'une histoire horrible comme celle que vous venez de nous raconter, quoiqu'encore possible, pourra faire l'objet d'une plainte, en bonne et due forme, par un Canadien qui découvrira ou entendra parler, comme vous l'avez fait, d'une telle situation?

[Traduction]

Le sénateur Downe : Il est assez facile de se plaindre, mais plus difficile de faire appliquer la loi.

Le sénateur Nolin : Faire respecter la loi n'est pas facile, c'est vrai, mais les amendes associées aux violations sont énormes. Nous parlons de millions de dollars. Pour une petite économie comme celle de la Jordanie, cela aura un effet considérable.

L'application de la loi pose toujours des problèmes. Nous parlons de sanctions et de négociations commerciales. Je crois qu'on utilisera un mécanisme d'application approprié, qui permettra d'atteindre les objectifs de l'accord.

Le sénateur Downe : La question du sénateur est excellente. Le fait que nous ayons tenu une seule audience regroupant sept témoins ne démontre-t-il pas cette faiblesse? Ce sont des éléments sur lesquels nous aurions pu nous pencher; ces questions sont excellentes.

Dans mon discours, je parlais d'examiner ce qui a été fait dans le cadre de l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie conclu il y a 10 ans. Après cinq ans, ils ont pu constater les effets d'un manque de mécanismes d'application de la loi. C'est ce que j'ai raconté au Sénat aujourd'hui.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, j'aurais une autre question à poser au sénateur Downe. Existe-t-il des mesures qui favoriseront l'application des règles mentionnées par le sénateur Nolin? Ces mesures sont-elles assez rigoureuses? Il a parlé de la possibilité de porter plainte. Il existe une grande marge entre les plaintes et les gestes concrets. Ces mesures sont-elles assez rigoureuses, d'après le sénateur?

Le sénateur Downe : Honorables sénateurs, je ne peux pas répondre à cette question, puisque nous n'avons eu qu'une audience et que nous n'avons pas étudié cet aspect en détail.

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, j'aimerais faire quelques observations rapides. Le sénateur sait que les questions qu'il soulève me tiennent à cœur.

Les sénateurs connaissent probablement mon engagement envers la communauté tibétaine au Canada. Il y a plusieurs années, j'étais l'une des nombreuses personnes qui se tenaient devant des centres commerciaux et des entreprises en brandissant des pancartes disant « Boycottez ce qui est fait en Chine ».

(0940)

Mes amis tibétains m'ont enseigné une leçon qui s'applique en l'occurrence. Ils affirment qu'isoler, en réalité ne pas établir de dialogue, est pire que d'être présent. En fait, pendant une conférence, Sa Sainteté a formulé une observation semblable à l'intention de l'assemblée. Il ne fait aucun doute que tous les pays n'ont pas les mêmes normes ou le même respect que le Canada relativement aux droits, aux valeurs et aux principes fondamentaux d'équité. Nous ne sommes pas parfaits non plus, mais je pense qu'établir des relations avec ces pays au lieu de les isoler — c'est-à-dire partager la même tente qu'eux — peut aider les peuples de ces pays qui s'emploient à défendre les valeurs et les droits démocratiques.

J'utilise comme exemple ce que je pense qui est en train de se produire en Chine à l'heure actuelle. Je n'aurais jamais pensé pouvoir dire cela, mais je suis très encouragé par les changements qui ont lieu. Je crois qu'il s'agit à peine d'une lueur au bout du tunnel — peut-être même pas encore une lumière — et elle existe en grande partie grâce aux relations que le monde a établies avec la Chine. Bien que je partage totalement l'opinion du sénateur Downe lorsqu'il dit que nous devrions toujours veiller à soulever ces questions et à les défendre, je pense qu'il vaut mieux établir des relations avec ces pays que de les isoler.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Puis-je poser une question au sénateur Di Nino?

Le sénateur Di Nino : Oui.

Le sénateur Jaffer : Lorsque le sénateur Di Nino a décidé de quitter le Sénat, nous avons perdu un défenseur des minorités du monde entier. Je tiens à souligner le travail remarquable qu'il effectue pour tant de gens.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Jaffer : La plupart des gens savent déjà ce que le sénateur fait au Tibet, mais il fait aussi de l'excellent travail au Kurdistan. Je l'ignorais jusqu'à tout récemment.

Le sénateur Di Nino a dit qu'il faut être vigilant. Il en sait quelque chose, car il a dû l'être au Tibet. J'admets qu'il n'est pas nécessaire d'isoler le pays. C'est pour cette raison que nous étudions l'accord commercial. Par contre, nous sommes conscients que les travailleurs étrangers sont victimes d'atrocités en Jordanie. Étant donné que le Canada est un pays vigilant, le sénateur n'est-il pas d'avis que cet aspect devrait faire partie de l'entente pour qu'on puisse veiller à la protection des droits des personnes les plus vulnérables du monde?

Le sénateur Di Nino : Selon moi, la réponse est simple. Nous pouvons soit ériger des obstacles dans les rapports que nous entretenons, soit prêter aux gens une main secourable.

J'ai été banquier pendant 37 ans. Je vais donc parler quelques instants en tant qu'homme d'affaires. Lorsqu'on négocie, il faut parfois accepter ce qui est raisonnable, tant que la proposition respecte certaines limites préalablement définies, afin qu'on puisse au moins établir des rapports et une relation de confiance qui permettent de collaborer. Cela vaut tant dans le milieu des affaires que dans le cas qui nous occupe. L'autre option aurait été qu'il y ait des audiences. Il y en a eu, mais y en a-t-il eu suffisamment? C'est au comité d'en décider. Je ne me lance pas dans ce débat, surtout pas aujourd'hui, ma dernière journée au Sénat.

Cela dit, je suis toujours convaincu, après avoir passé presque un quart de siècle à m'occuper de questions comme celle-ci, qu'il est préférable, si nous pouvons le faire, d'établir des relations avec les autres pays. Il semble qu'on améliore les choses en collaborant avec les pays et en évitant de les isoler. Je pourrais dire que c'est une règle universelle.

Le sénateur Dallaire : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Di Nino : Oui.

Le sénateur Dallaire : Je suis tout à fait d'accord pour dire que c'est seulement en tendant la main, en discutant face à face et en créant des liens entre les êtres humains que nous arriverons à résoudre les conflits en fin de compte.

Par extension, le sénateur pense-t-il que boycotter par exemple la conférence de Durban sur les droits de la personne ou même boycotter la Conférence du Commonwealth parce que nous n'aimons pas certains dictateurs est contraire à la philosophie voulant que nous cherchions à engager le dialogue avec ces gens pour les influencer et peut-être changer leur point de vue?

Le sénateur Di Nino : Parfois, il faut brandir, comme je l'ai fait, une grande bannière sur laquelle est écrit « Boycottez ce qui est fait en Chine ». Il faut affirmer ses convictions. Si vous cherchez un exemple parfait des améliorations qui peuvent en résulter, je vous citerais le cas de Brian Mulroney et de l'apartheid en Afrique du Sud. Nous devions agir ainsi et nous devons encore le faire. Mais le cas actuel est différent. Il s'agit maintenant d'une négociation entre deux pays entretenant déjà des relations, dans le but d'étendre ces relations pour y inclure les échanges de produits et de services, ce qui, je le crois sincèrement, améliorera la situation dans ce pays, en fin de compte.

L'honorable Francis William Mahovlich : Honorables sénateurs, permettez-moi de rendre hommage au sénateur Di Nino. Il se rappelle peut-être qu'en 1972 nous avons eu un échange avec la Russie communiste. Puis, voyez ce qui s'est produit. Nous avons gagné et, de plus, qu'est-il arrivé à la Russie? Le mur est tombé.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, j'ai quelques mots à dire parce que je suis membre du comité qui a procédé à l'examen — le mot « examen » est une façon de parler — de ce projet de loi.

J'aimerais vous faire remarquer qu'un des témoins a qualifié cette entente — un peu comme l'honorable sénateur Nolin nous l'a dit — de « modeste ». J'utiliserais plutôt le terme « négligeable », parce qu'en termes de commerce, c'est en fait très peu.

Un des témoins nous a dit que la raison pour laquelle nous devrions signer cette entente et adopter ce projet de loi était tout simplement pour montrer au monde notre ouverture à faire des affaires.

On dit que nous allons travailler avec ces gens et ouvrir le dialogue, mais je crois que le dialogue sera probablement limité puisque cette entente de commerce sera elle-même limitée en regard des échanges avec ce pays.

Il est vrai que c’est bien de signer cet accord, mais peut-être avons-nous manqué une occasion, comme le sénateur Percy Downe l’a souligné, de faire le point sur ce qui nous est cher, c’est-à-dire le sort des travailleurs étrangers qui travaillent dans ces industries. Si nous avions eu la chance d’avoir quelques jours de séance de plus au comité, nous aurions pu entendre davantage de témoins. Il faut comprendre que ce n’est pas facile pour des gens qui veulent venir témoigné devant un comité du Sénat de trouver du temps pour le faire, parce que ce sont des gens qui travaillent et qui ont des responsabilités, et ils manquent de temps pour préparer un mémoire.

Je déplore ce volet de nos audiences. Nous aurions dû prendre un peu plus de temps afin d'étudier plus en profondeur le projet de loi.

[Traduction]

L'honorable Don Meredith : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Di Nino : Bien sûr.

Le sénateur Meredith : Compte tenu de ce que nous avons entendu aujourd'hui — et le sénateur Downe a parlé éloquemment des atrocités qui sont survenues — et compte tenu de la position du Canada sur la scène mondiale en ce qui a trait à la protection des gens persécutés, le sénateur pense-t-il que nous ne conclurions pas un tel accord si nous étions témoins des atrocités qui ont été révélées? C'est-à-dire que nous ne participerons pas à ces atrocités par la mise en œuvre de cet accord puisque, comme le sénateur Nolin l'a indiqué, la Jordanie pourrait faire mieux encore, et il existe un mécanisme permettant de porter plainte. Le sénateur pense-t-il que nous ne serions pas disposés à conclure cet accord, étant donné ce dont nos sénateurs ont parlé?

(0950)

Le sénateur Robichaud : Comme je l'ai dit, je pense que notre rôle serait très limité. Nous n'avons pas eu le temps d'examiner vraiment ce qui se passait. Ce que le sénateur Downe a dit ne s'appuie pas sur des déclarations de témoins, mais sur un rapport quelconque. J'aurais aimé approfondir la question et présenter mon argument pour que, lorsque cet accord entrera en vigueur, il y ait dans les audiences du Sénat quelque chose sur quoi nous baser, mais nous n'avons pas eu le temps. J'espère sincèrement que lorsque nous commencerons à faire des échanges commerciaux, nous porterons ces points à l'attention de ces gens.

Comme le disait le sénateur Nolin, si un visiteur du Canada en Jordanie voit des choses qui ne devraient pas se produire, comme le travail des enfants ou le travail forcé, il peut le signaler et des mesures peuvent être prises, mais c'est l'application de la loi qui pose problème. Je ne suis pas convaincu que nous ayons examiné la question comme nous aurions dû le faire.

L'honorable Art Eggleton : Si vous le permettez, j'ai une question à poser au sénateur Robichaud. Des sénateurs des deux côtés ont soulevé des atrocités qui pourraient se produire à l'heure actuelle. Je me rends compte que ce sont des allégations à ce stade-ci, mais elles doivent être examinées plus à fond. Quels mécanismes sont en place pour approfondir ces allégations? Avons-nous besoin de proposer un amendement quelconque pour faire une étude plus poussée?

Le sénateur Robichaud : Honorables sénateurs, pour l'heure, je suppose que nous pourrions proposer un amendement, mais c'est un peu tard dans le processus. Le projet de loi a été étudié au comité. La question aurait dû être examinée pendant les audiences à l'étape du comité, où nous aurions pu convoquer des témoins pour nous assurer que nos propositions règlent les problèmes, le cas échéant. Les renseignements disponibles étaient très limités. C'est à ce moment-là que les comités font leur travail. Ils étudient les dossiers dont ils sont saisis, l'historique et ce qui se passera si un accord est conclu.

Comme je l'ai dit dans mon introduction, la seule raison de vouloir signer l'accord tout de suite est de montrer au monde que nous sommes prêts à brasser des affaires. Ce n'est pas, selon moi, une raison suffisante. Nous aurions dû prendre le temps d'examiner de plus près la question.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Adoptée, avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Français]

La Loi sur le droit d'auteur

Projet de loi modificatif—Adoption de la motion tendant à l'attribution d'une période de temps pour le débat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis donné le 28 juin 2012, propose :

Que, conformément à l'article 39 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles ne soient attribuées à l'étude de la troisième lecture du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur;

Que, lorsque les délibérations seront terminées ou que le temps prévu pour le débat sera écoulé, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours au Sénat et mette aux voix immédiatement et successivement toute question nécessaire pour terminer l'étude à l'étape de la troisième lecture dudit projet de loi;

Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit tenu conformément à l'article 39(4) du Règlement.

— Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots pour souligner l'importance de cette motion que j'appellerais aujourd'hui non pas une motion d'attribution de temps, mais de gestion du processus législatif dans les meilleurs délais.

J'invite tous les sénateurs à appuyer cette motion.

[Traduction]

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, tandis que s'achève la session en cours, je pense qu'il convient de réfléchir au travail que nous avons accompli et, tout particulièrement, à la façon dont nous nous y sommes pris. Mes propos s'adressent tout particulièrement à mes collègues de l'autre côté de l'enceinte.

Honorables sénateurs, c'est la quatrième fois en à peine plus d'une semaine que le gouvernement a présenté une motion d'attribution de temps. Depuis novembre, huit motions d'attribution de temps ont été présentées. Les honorables sénateurs se souviendront du fait que le gouvernement a retiré une motion d'attribution de temps demandant une étude préalable sur le projet de loi sur la Commission du blé, mais nous avons été saisis du projet de loi avant que la motion puisse être débattue. Le gouvernement a par la suite présenté une motion d'attribution de temps autant à l'étape de la deuxième lecture qu'à l'étape de l'étude en comité du projet de loi sur la Commission du blé.

Bref, c'est la septième fois en sept mois que l'examen de mesures législatives gouvernementales par le Sénat a été interrompu. Soyons clairs : ce n'est pas parce que l'opposition est obstructionniste. Nous n'avons employé aucune manœuvre d'obstruction. Nous n'avons jamais profité indument des dispositions du Règlement qui permettent aux sénateurs de l'opposition de retarder l'examen de la législation ministérielle. J'ai exposé notre position clairement et à répétition, tant en privé qu'en public. Le gouvernement a toujours su que, de ce côté-ci, nous n'avons jamais eu l'intention de retarder indument l'adoption de ses projets de loi, et pourtant, il a eu recours à une motion d'attribution de temps à sept reprises au cours des sept derniers mois.

Presque chaque fois, le gouvernement a donné avis d'une motion d'attribution de temps le premier jour du débat, généralement, après un ou deux discours. Après moins d'une heure de débat, après avoir entendu l'opinion d'une seule personne, le gouvernement a décidé que c'était assez.

Cette façon de faire influe sur le travail du Parlement de deux façons. La première et la plus évidente, c'est que l'examen d'importantes mesures législatives gouvernementales est radicalement tronqué. Ce n'est pas seulement une question de temps, honorables sénateurs. La qualité de la contribution du Sénat en souffre forcément. Je crois que les observations du sénateur Robichaud plus tôt, concernant le projet de loi sur l'accord de libre-échange avec la Jordanie, le confirment.

Il n'est pas possible de réfléchir aux propos d'un collègue, aux idées qui ont été exprimées ou aux changements qui ont été proposés. Il faut immédiatement prendre la parole au sujet du projet de loi ou se taire à jamais. Par conséquent, l'intervention de tout sénateur n'aura que bien peu d'impact, voire aucun. Il importe peu que les questions soulevées soient pertinentes ou importantes, que les observations soient le fruit de la connaissance et de l'expérience ou que la solution ou la suggestion proposée soit utile.

Ainsi, nous nous livrons essentiellement à un exercice de pure forme : on attribue le temps, on fait de beaux discours, on se lève et on vote. Il n'y a qu'une chose qui compte : l'adoption de la mesure législative du gouvernement telle quelle, sans aucun changement, quand bien même le projet de loi aurait grand besoin d'être amendé.

Honorables sénateurs, nous sommes la Chambre de second examen objectif. On nous compare souvent à une soucoupe refroidissant le thé, un endroit où le temps et la réflexion permettent de détecter les lacunes ou les conséquences imprévues d'un projet de loi avant son adoption. L'objectif de cet exercice consiste, bien entendu, à faire en sorte qu'ensemble, les deux Chambres produisent les meilleures lois possibles pour les Canadiens. L'attribution de temps laisse bien peu de temps pour envisager les choses froidement. En fait, elle ne fait qu'enflammer le débat, et c'est là la deuxième conséquence dont je souhaite parler.

Plutôt que de débattre du fond de la mesure législative dont nous sommes saisis — et chacun de ces projets de loi a une grande portée et d'importantes répercussions sur la vie, voire même parfois la liberté des Canadiens —, nous nous retrouvons encore et encore à débattre avec rancœur du processus. Certains diront que c'est exactement ce que souhaite le gouvernement. Si les parlementaires débattent d'attribution de temps, l'objet de leurs discussions n'est plus le projet de loi lui-même, mais le processus qui l'entoure. Admettons-le, la plupart des Canadiens ne comprennent pas grand-chose à ce genre de débat et certains perdent donc tout intérêt en cours de route. Si le gouvernement présente des mesures législatives controversées — et je crois que nous conviendrons tous que chacun des projets de loi qui ont fait l'objet d'une motion d'attribution de temps est très controversé —, alors il a tout intérêt à ce que le moins de Canadiens possible suivent les progrès des travaux.

(1000)

Voilà qui est on ne peut plus cynique. Une telle approche ne respecte certainement pas l'opinion que les Canadiens pourraient avoir au sujet des mesures proposées, et elle ne respecte manifestement pas l'opinion des parlementaires ici présents, peu importe leur allégeance politique. Plus important encore, une telle approche ne respecte pas la démocratie parlementaire canadienne.

Si je suis dans l'erreur, si cette vision cynique des choses est injustifiée, alors la seule raison plausible de ce recours répété à l'attribution de temps est que le gouvernement est incapable de gérer son propre programme.

Penchons-nous quelques instants sur l'historique législatif de chacun des projets de loi au sujet desquels le gouvernement a imposé l'attribution de temps ces dix derniers jours.

Le projet de loi C-38 est un énorme projet de loi d'exécution du budget. On a beaucoup parlé de sa taille, de sa longueur et de la très vaste portée des éléments que contient ce projet de loi omnibus.

Il a été renvoyé au Sénat la semaine dernière, très tard dans la soirée de lundi. Ce qui parraine le projet de loi du côté des conservateurs, madame le sénateur Buth, a pris la parole à son sujet mercredi. Le sénateur Day, le porte-parole de l'opposition et président du Comité des finances nationales, a ensuite pris brièvement la parole avant d'ajourner le débat pour le reste du temps à sa disposition. À ce moment, le leader adjoint du gouvernement au Sénat a présenté un avis de motion d'attribution de temps.

Nous n'avons eu droit qu'à une allocution de la part de la marraine du projet de loi et à quelques mots de la part du porte-parole de l'opposition, qui nous a promis de revenir avec plus de détails sur le sujet, avant que le gouvernement ne propose de mettre fin au débat.

Rappelez-vous, honorables sénateurs, qu'il s'agissait de la première occasion pour le Sénat de discuter du projet de loi avec tous les sénateurs présents. Étant donné la taille considérable et l'ampleur de ce projet de loi, nous, de ce côté-ci de la Chambre, avons collaboré avec le gouvernement et avons accepté de nous prêter à une étude préalable du projet de loi. Pour ce procédé inhabituel, nous avons divisé le projet de loi en six sections qui ont chacune été remises à un comité sénatorial différent. Bien que les comités aient fait de leur mieux — et je tiens à exprimer de nouveau notre reconnaissance pour le travail accompli par leurs membres — il est important de ne pas se leurrer ni de tromper les Canadiens. En effet, il demeure que notre étude a été grossièrement inadéquate pour un projet de loi de cette taille et d'une telle ampleur.

Je doute que quiconque ici présent puisse prétendre sérieusement que l'étude du projet de loi C-38 se compare au genre d'examen que le Sénat est à même d'effectuer et qu'il a menés de si belle façon dans le passé.

Évidemment, aucun rapport sur ces études préalables n'a été déposé au Sénat, en raison du manque de temps, je suppose. Les membres des comités ont dû reconnaître qu'ils ne disposaient pas de suffisamment de temps pour réfléchir et distiller les renseignements recueillis en un court rapport ou une série de recommandations. Par conséquent, les résultats de l'étude préalable, dont la valeur était déjà diminuée par le manque de temps, se sont avérés peu utiles pour notre réflexion sur cet énorme et important projet de loi.

Honorables sénateurs, vous vous souviendrez que les transcriptions des témoignages entendus par les comités ont été transmises en piles aux membres du Comité des finances nationales; je doute qu'ils aient eu l'occasion de les lire en détail avant de procéder à l'étude du projet de loi article par article. Je ne les critique pas, ni eux ni les membres des comités qui ont mené l'étude préalable, car tous ont fait de leur mieux étant donné les circonstances.

Dès que nous avons entrepris le débat dans cette enceinte, le gouvernement a imposé l'attribution de temps. Une fois de plus, soyons clairs et honnêtes envers les Canadiens. Aucune raison objective ne justifiait que l'on impose l'attribution de temps pour l'étude du projet de loi C-38.

À plusieurs reprises, les porte-parole du gouvernement ainsi que les fonctionnaires ont été priés d'indiquer les dispositions du projet de loi d'exécution du budget qui étaient urgentes. Or, ils n'ont pas pu en désigner une seule. En fait, certaines dispositions — par exemple la modification controversée visant la Sécurité de la vieillesse — ne seront pas mises en œuvre avant une dizaine d'années. Pourquoi alors est-il si urgent d'adopter la mesure législative, sans prendre le temps de l'étudier de façon approfondie et d'en débattre comme il se doit?

Il n'y avait rien d'urgent en soi dans ce projet de loi, ou du moins, le gouvernement n'a rien mentionné à ce sujet. Comme je l'ai mentionné, les sénateurs de ce côté-ci ont dit tout à fait clairement, publiquement et en privé, qu'ils n'avaient pas l'intention de faire de l'obstruction ou de retarder indument l'adoption de la mesure législative. Néanmoins, après un seul discours, le gouvernement a donné avis d'une motion d'attribution de temps. Je vais reprendre les propos que notre Président a tenus lorsqu'il siégeait dans l'opposition, comme nous : le gouvernement sort la guillotine.

Pour ce qui est de la deuxième lecture du projet de loi C-38, on repassera. C'était jeudi dernier.

Par la suite, en fait, le lendemain, le gouvernement a donné avis de son intention de présenter une motion d'attribution de temps pour le projet de loi C-31. Le projet de loi C-31 est un mini projet de loi omnibus, qui porte sur les lois sur l'immigration et le statut de réfugié. Pourquoi dis-je qu'il s'agit d'un mini projet de loi omnibus? Voici son titre officiel : Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, la Loi sur la sûreté du transport maritime et la Loi sur le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Honorables sénateurs, examinons le parcours de cette mesure législative. Comme vous l'avez entendu, il s'agit d'un projet de loi qui suscite beaucoup de controverse, comme le projet de loi d'exécution du budget, non seulement chez les sénateurs, mais aussi chez les Canadiens, qui ont communiqué avec chacun d'entre nous, j'en suis sûr, à ce sujet.

Ce projet de loi est arrivé au Sénat le 11 juin, il y a moins de trois semaines. Nous en avons débattu pendant une journée à l'étape de la seconde lecture, avant de le renvoyer au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Le comité a consacré quatre jours à son examen, ce qui comprend l'étude du projet de loi article par article et la rédaction des observations.

Le 22 juin, vendredi dernier, nous sommes arrivés à l'étape du débat de la troisième lecture. La marraine du projet de loi, madame le sénateur Martin, a parlé très brièvement. Nous reconnaissons tous, je crois, qu'elle a présenté très efficacement les motivations du gouvernement. Ensuite, notre porte-parole, le sénateur Jaffer, a prononcé un discours tout aussi réfléchi et éloquent au nom de l'opposition. Puis, comme le veut la nouvelle tradition du gouvernement, le leader adjoint du gouvernement a pris la parole pour annoncer son intention de présenter une motion d'attribution de temps.

Mercredi, nous avons été forcés de tenir le vote sur cette mesure législative importante, qui infirme une bonne partie de la législation canadienne sur l'immigration et le statut de réfugié. Ce vote a eu lieu deux semaines et deux jours après le dépôt du projet de loi à l'étape de la première lecture.

Honorables sénateurs, à titre de comparaison, regardons quel a été le parcours du projet de loi à l'autre endroit.

Le projet de loi — c'est-à-dire le projet de loi sur les réfugiés — a été déposé le 16 février. Il a ensuite traîné au Feuilleton pendant près de trois semaines, jusqu'au 6 mars, avant que le gouvernement le présente à l'étape de la deuxième lecture.

Honorables sénateurs, prenez un instant pour y penser. Le gouvernement a laissé traîner ce projet de loi à l'étape de la première lecture, sans rien faire, pendant plus de temps qu'il n'en accorde au Sénat pour accomplir toutes les étapes, de la première à la dernière.

Le sénateur Mercer : C'est une honte.

Le sénateur Cowan : À l'autre endroit, le projet de loi a bénéficié de six jours de débat à l'étape de la deuxième lecture, de 15 audiences du comité, de trois jours de débat à l'étape du rapport et de deux jours de débat à l'étape de la troisième lecture. C'est seulement à ce moment-là qu'il a été soumis au Sénat. En tout, ce projet de loi a donc passé quatre mois à l'autre endroit. Mais ici, le gouvernement a sorti la guillotine après une journée de débat et deux interventions.

Le sénateur Moore : Et tant pis pour le second examen objectif.

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, pourquoi ce dossier est-il soudain devenu aussi urgent? D'après ce que nous a dit le leader adjoint du gouvernement, c'est parce que plusieurs réformes concernant l'immigration et le statut de réfugié qui ont été adoptées par le Sénat il y a deux ans entrent en vigueur le 29 juin. C'est pourquoi nous devons adopter le projet de loi avant ce jour-là afin, comme il dit, « d'éviter d'avoir à recourir à une multitude de mesures bureaucratiques et d'empêcher que des erreurs puissent être commises lorsque le système sera mis en œuvre ».

(1010)

Je prendrai un instant pour rappeler aux sénateurs que nous nous sommes joints à l'autre endroit en 2010 pour adopter certaines réformes. Le gouvernement ne les aimait pas, mais il était minoritaire à l'époque. Le Parlement, y compris les membres du Sénat, les a néanmoins adoptées. Au lieu de respecter ce que le Parlement a adopté, maintenant qu'il a la majorité dans les deux Chambres, le gouvernement Harper présente ce projet de loi pour annuler les changements votés et, pour ajouter l'insulte à l'injure, il déclare que nous devons faire vite, sans prendre le temps d'étudier à fond le projet de loi et d'en débattre adéquatement, afin que les modifications que nous avons nous-mêmes adoptées il y a deux ans n'entrent jamais en vigueur.

Évidemment, le gouvernement ou bien ne se rendait pas compte que l'échéance approchait, ou bien était tellement sûr de lui, vu qu'il pouvait imposer une attribution de temps au Sénat, qu'il a laissé le projet de loi traîner au Feuilleton pendant trois semaines à l'autre endroit avant de le soumettre au débat à l'étape de la deuxième lecture. Quand, après des mois, la mesure nous arrive enfin, il y a tout d'un coup urgence, impossibilité de prendre le temps de l'étudier sérieusement et peu de temps pour écouter les Canadiens. De plus, dès que le débat commence, la guillotine tombe et l'opposition est réduite au silence. Honorables sénateurs, voilà tout le respect que le gouvernement a de notre opinion et de la vôtre.

Le projet de loi C-31 porte sur la vie de réfugiés qui fuient une situation épouvantable et d'enfants qui ont été témoins d'horreurs indicibles. Ces personnes méritent certainement mieux de la part du pays qu'elles ont choisi comme terre d'asile qu'une loi adoptée de façon aussi irréfléchie et avec si peu de soin.

Nous avons maintenant le projet de loi C-11, qui modifie considérablement nos lois sur le droit d'auteur. Encore une fois, très peu de choses nous laissent entendre qu'il est urgent que le gouvernement fasse adopter ce projet de loi. Nous pouvons en voir l'importance, sans aucun doute, mais pas l'urgence.

Il s'agit du troisième projet de loi sur le droit d'auteur présenté par le gouvernement Harper. Le premier fut le projet de loi C-61, présenté à l'autre endroit le 12 juin 2008. Il est resté à l'étape de la première lecture pendant trois mois; le gouvernement n'a rien fait. Le projet de loi a fini par mourir au Feuilleton, lorsque le premier ministre Harper a déclenché des élections deux ans après son arrivée au pouvoir, allant à l'encontre du projet de loi sur les élections à date fixe que son gouvernement avait lui-même proposé. Si je me souviens bien, le gouvernement a fait cela parce que le Parlement était devenu dysfonctionnel. Le seul aspect dysfonctionnel à propos de ce projet de loi sur le droit d'auteur, c'est le fait que le gouvernement refuse qu'on en débatte.

Ensuite, le gouvernement a attendu jusqu'en juin 2010 pour présenter le projet de loi C-32. Ayant attendu deux ans après la présentation du projet de loi sur le droit d'auteur précédent, le premier ministre Harper n'était de toute évidence pas pressé d'aller de l'avant avec ce nouveau projet de loi. Le projet de loi C-32 est demeuré au Feuilleton pendant cinq mois avant même d'être présenté à l'étape de la deuxième lecture. Il y a eu plusieurs jours de débat à la Chambre des communes, puis le projet de loi a été renvoyé à un comité législatif spécial qui a tenu 17 audiences. D'autres élections ont été déclenchées, et ce projet de loi est également mort au Feuilleton.

Maintenant, nous avons le projet de loi C-11. La tendance semble s'être maintenue. Le gouvernement a présenté le projet de loi à la Chambre des communes en septembre 2011. Il y a eu 10 jours de débat à la Chambre des communes, puis le projet de loi a été renvoyé à un comité législatif spécial qui a tenu 10 jours d'audiences. Ceux qui ont compté les jours se rendent compte que le comité de la Chambre des communes a tenu 27 jours d'audiences pour étudier les propositions du gouvernement sur le droit d'auteur. Il y a eu deux jours de débat à l'étape du rapport, et deux jours de débat à l'étape de la troisième lecture, puis le Sénat a été saisi du projet de loi le 18 juin, soit neuf mois après qu'il a été présenté à la Chambre des communes.

Deux comités législatifs distincts ont été formés à l'autre endroit pour étudier les propositions du gouvernement Harper sur le droit d'auteur et, comme je l'ai mentionné, il y a eu 27 audiences de comité en tout.

De plus, honorables sénateurs, il est important de souligner qu'aucun projet de loi sur le droit d'auteur du gouvernement Harper ne s'était rendu jusqu'au Sénat auparavant. C'est jeudi dernier, il y a à peine plus d'une semaine, que notre comité sénatorial a eu la possibilité d'étudier pour la première fois les propositions du gouvernement. Hier, le parrain du projet de loi, le sénateur Greene, l'a lui-même souligné lorsqu'il a dit « qu'il s'est écoulé 15 ans depuis la dernière fois où le Sénat a eu l'occasion d'étudier cette mesure législative importante. »

Il a poursuivi en faisant remarquer ceci : « La loi sur la propriété intellectuelle étant complexe, toute mise à jour requiert un exercice d'équilibre. »

Honorables sénateurs, le Comité sénatorial des banques et du commerce a fait de son mieux. Pendant trois jours, il a siégé durant de longues heures et il a tenté d'entendre autant de témoins qu'il était possible de caser dans le peu de temps dont il disposait. Nous avons eu trois jours, honorables sénateurs, pour étudier un projet de loi qui vise à moderniser toute notre législation en matière de droit d'auteur, un sujet qui, d'après le parrain du projet de loi lui-même, est complexe et dont la mise à jour requiert un exercice d'équilibre attentif. Nous n'avons pas eu le temps de réfléchir à ce que les témoins avaient dit et, bien entendu, nous avions à peine le temps d'interroger les témoins qui avaient pris la peine de comparaître devant notre comité. Le comité a ensuite dû renvoyer immédiatement le projet de loi au Sénat avant-hier. Voilà en quoi consiste l'étude que le Sénat a faite de ce projet de loi important et complexe.

Bien entendu, le sénateur Carignan a fait sa danse habituelle — je pense qu'il y est maintenant passé maître — et il a présenté une motion d'attribution de temps.

En ce qui concerne l'urgence d'adopter ce projet de loi, je ne vois pas de quoi il s'agit. L'action ou l'inaction du gouvernement à l'égard de ce projet de loi ou de ses versions précédentes à la Chambre n'a certainement pas reflété un besoin urgent. Rien n'indique qu'un délai était fixé ou qu'il y avait une quelconque urgence concernant ce projet de loi.

Honorables sénateurs, pourquoi nous demande-t-on de renoncer ainsi à notre rôle constitutionnel? Pourquoi nous exclut-on régulièrement du processus législatif? Pourquoi nous empêche-t-on de remplir le mandat qu'on nous a confié, qui est défini dans la Constitution et que nos prédécesseurs ont toujours accompli depuis 1867?

Cependant, ce qui est bien pire encore — je vous avais bien dit que je reviendrais sur les propos des sénateurs d'en face, c'est ceci : pourquoi ces derniers acceptent-ils aussi facilement d'abandonner leur rôle et le travail que tous les Canadiens, qui paient leur salaire, leur demandent de faire?

Une voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Le sénateur Brown, qui intervient parfois pour parler de la réforme du Sénat, voudrait que les sénateurs soient indépendants afin de servir l'intérêt supérieur de cette Chambre. Selon lui, ils le seraient s'ils étaient élus. Je ne partage pas son point de vue optimiste. On constate à l'autre endroit que les députés, qui sont élus, ne sont pas plus indépendants.

Le sénateur Tardif : C'est vrai.

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, nous sommes aussi indépendants au Sénat que nous le serons jamais. Aucun sénateur n'est redevable à un quelconque gouvernement. C'est pour cette raison que notre mandat dure aussi longtemps. Par contre, je m'inquiète autant que le sénateur Brown que des sénateurs semblent prêts à renoncer à leur rôle et à leurs responsabilités constitutionnelles qui, essentiellement, sont de servir non pas de catalyseur, mais d'agent de contrôle de l'exécutif, c'est-à-dire le gouvernement au pouvoir.

Voilà l'enjeu : le gouvernement est déterminé à imposer sa volonté et, ce qui est flagrant, à faire fi autant qu'il peut du Sénat. En tolérant le mépris qu'il affiche pour notre avis réfléchi, en acceptant que des projets de loi soient adoptés à toute vapeur, de façon incessante et répétée, sans que nous puissions faire notre travail à cause des motions d'attribution de temps, les sénateurs — de ce côté-ci comme de l'autre — mettent eux-mêmes le Sénat sous la guillotine.

(1020)

Quel que soit le parti auquel nous appartenons au Sénat, je ne crois pas que nous y soyons pour participer à une telle entreprise. Nous travaillons ensemble depuis un certain temps, et je suis convaincu que nous voulons tous mettre la main à la pâte. Nous voulons faire de notre mieux pour que le Canada s'améliore. Or, ce n'est pas en suivant la voie actuelle que nous y parviendrons, honorables sénateurs.

J'espère que, lorsque nous serons de retour, à l'automne, nous aurons eu l'occasion de réfléchir pendant l'été à ce que nous sommes en train de faire à cette institution, à son rôle au Parlement du Canada et, du reste, à la démocratie parlementaire canadienne.

Des voix : Bravo!

Le sénateur D. Smith : Bravo!

Son Honneur le Président : Le sénateur Brown a-t-il des questions ou des observations?

L'honorable Bert Brown : Le sénateur Cowan me permettrait-il de lui poser une question, s'il vous plaît?

Le sénateur Cowan : Certainement.

Le sénateur Brown : Le sénateur m'a amené à participer à cette discussion, ce matin, alors je voudrais répondre. Le sénateur affirme qu'il a tout le pouvoir voulu. Mais ne croit-il pas que, si les sénateurs étaient élus, à l'avenir, pour représenter leur province, ils auraient beaucoup plus de pouvoir lorsque viendrait le temps de se prononcer sur un projet de loi ou d'y apporter des amendements, puisqu'ils représenteraient une province et ne seraient pas tenus de voter conformément à la position d'un parti politique fédéral? Leur vote ne serait-il pas déterminé par les intérêts de leur province?

Le sénateur Cowan : Je remercie le sénateur de sa question. Lui et moi avons déjà discuté de cela. Comme il le sait, je n'appuie pas le projet de loi du gouvernement, qui cherche ainsi à contourner furtivement des dispositions constitutionnelles que nous devrions respecter, comme nous en convenons, lui et moi, si je comprends bien.

Je ne suis pas convaincu qu'un Sénat composé de sénateurs ainsi élus serait une bonne chose. Comme les sénateurs le savent, j'appuie les dispositions concernant la durée des mandats. Je suis convaincu qu'il s'agit là d'une mesure appropriée.

Comme les honorables sénateurs le savent également, je ne suis pas non plus opposé à l'élection des sénateurs. Je considère toutefois que l'approche du gouvernement à cet égard est inappropriée, et c'est pour cela que je m'y oppose. Je ne suis pas contre l'idée d'élire les sénateurs mais, comme nous en avons déjà parlé, je crois qu'il faut aborder le sujet dans le contexte d'une réforme parlementaire faite selon les pouvoirs appropriés. Si les représentants des deux Chambres sont élus au moyen de la même méthode et qu'il n'existe aucun mécanisme pour sortir des impasses, nous nous retrouverons alors avec le même genre de chaos et d'impasses qui existent aux États-Unis.

J'espère sincèrement que tous les sénateurs auront, d'ici peu, l'occasion de débattre de la proposition actuelle du gouvernement ou d'une version amendée, et j'estime que le temps est venu de tenir un tel débat.

Une voix : Il y aura une motion d'attribution de temps.

Le sénateur Brown : J'aimerais faire un autre commentaire.

Je remercie l'honorable sénateur Cowan. Je le félicite de ses efforts et de son discours. Je dois toutefois annoncer aux sénateurs que nous avons reçu les résultats d'un autre sondage Angus Reid hier soir. Notre cote de popularité a augmenté, et non baissé, de trois points.

Ce sont les Canadiens qui répondent à ces sondages, ce sont eux qui décident, et cela nous satisfait pleinement. Nous voulons que les Canadiens de chacune des provinces puissent jouir des droits inscrits dans la Constitution. Si on jette un coup d'œil au haut de la page 7, on peut y lire que les sénateurs représentent la province, puis il y a la liste du nombre de sénateurs prévus pour chaque province.

Nous voulons que les gens qui veulent tenir des élections puissent avoir un amendement constitutionnel distinct et décider du nombre de représentants au Sénat et de leurs pouvoirs. J'ai remis au sénateur un document à ce sujet. S'il l'a perdu, je me ferai un plaisir de lui en fournir une copie d'ici les cinq prochaines minutes.

Le sénateur Cowan : Je n'ai certainement pas perdu le document du sénateur. Je l'ai lu plusieurs fois.

Je pense que le sénateur et moi nous lançons peut-être dans un débat qu'il vaudrait mieux tenir un autre jour, mais il est plutôt étrange que deux personnes qui prétendent être des sénateurs élus soient sur le point de voter sur une motion d'attribution de temps sur un débat démocratique et ouvert. Je trouve que c'est assez curieux, honorables sénateurs.

Le sénateur Tardif : Pour l'indépendance, on repassera.

Son Honneur le Président : Le temps est écoulé. Y a-t-il d'autres interventions?

Le sénateur Comeau : Le vote!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Une voix : Oui.

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Carignan, avec l'appui de l'honorable sénateur Poirier, propose que, conformément à l'article 39 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles ne soient attribuées à l'étude de la troisième lecture du projet de loi C-11. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote aura lieu à 11 h 25. La sonnerie retentira pendant une heure.

(1120)

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Martin
Angus Meredith
Ataullahjan Mockler
Boisvenu Nancy Ruth
Brown Nolin
Buth Ogilvie
Carignan Oliver
Comeau Patterson
Dagenais Plett
Di Nino Poirier
Doyle Raine
Duffy Rivard
Eaton Runciman
Finley Segal
Fortin-Duplessis Seidman
Frum Seth
Gerstein Smith (Saurel)
Greene St. Germain
Johnson Stewart Olsen
Lang Tkachuk
LeBreton Unger
MacDonald Verner
Maltais Wallace
Manning Wallin
Marshall White—50

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Callbeck Hubley
Campbell Jaffer
Chaput Kenney
Charette-Poulin Mahovlich
Cordy Mercer
Cowan Merchant
Dallaire Mitchell
Dawson Moore
De Bané Munson
Downe Ringuette
Dyck Robichaud
Eggleton Smith (Cobourg)
Fraser Tardif
Furey Watt
Hervieux-Payette Zimmer—30

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

(1130)

[Français]

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Rejet de la motion d'amendement—Report du vote

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Greene, appuyée par l'honorable sénateur MacDonald, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Dawson, que le projet de loi C-11 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié,

a) à l'article 27, à la page 23,

(i) par substitution, aux lignes 22 à 26, de ce qui suit :

« un moment plus opportun. »,

(ii) par suppression des lignes 30 à 33,

(iii) par substitution des lignes 36 à 38 de ce qui suit :

« effet de limiter la communication par télécommunication de la leçon aux élèves inscrits au cours auquel la leçon se rapporte; »;

b) par le changement de la désignation alphabétique des alinéas 30.01(6)b) à d) aux pages 23 et 24 à celle des alinéas 30.01(6)a) à c) et de tous les renvois qui en découlent;

c) à l'article 34, à la page 36, par substitution, à la ligne 27, de ce qui suit :

« la prestation ou de l'œuvre, et elle ne peut ultérieurement reproduire le même enregistrement sonore ou la même prestation ou œuvre fixée au moyen d'un enregistrement sonore à moins que le titulaire du droit d'auteur n'autorise la réalisation d'autres reproductions. »;

d) à l'article 47,

(i) à la page 45,

(A) par substitution, à la ligne 17, de ce qui suit :

« par la mesure — à des fins de contrefaçon, sans l'autorisation du »,

(B) par substitution, à la ligne 22, de ce qui suit :

« désactiver ou entraver la mesure à des fins de contrefaçon. »,

(ii) à la page 51, par substitution, aux lignes 31 à 35, de ce qui suit :

« avec ce paragraphe. »,

(iii) à la page 58, par substitution, à la ligne 9, de ce qui suit :

« règlement, changer le montant ».

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter aux discussions qui ont eu lieu sur le projet de loi C-11, après avoir entendu d'un ensemble de témoins qui sont venus, malgré un très court préavis, nous éclairer sur un projet de loi que tous mes collègues et moi trouvons très complexe, très difficile. Certainement, d'ailleurs, le gouvernement doit-il lui aussi le trouver difficile, car cela lui a pris quand même plusieurs années avant d'en arriver aujourd'hui à l'adoption du projet de loi.

Néanmoins, j'aimerais dire que nous sommes très satisfaits, bien que je pense que les témoignages recueillis nous indiquent que, même si cette loi va peut-être régler certains problèmes dans certains cas, elle présente quand même beaucoup d'incertitude.

J'aimerais vous donner un aperçu du sujet dont on parle, c'est-à-dire de l'industrie culturelle, qui contribue au PIB canadien et dont un secteur particulier me préoccupe actuellement comme ancienne présidente de commission scolaire : le domaine de l'éducation.

En général, cette industrie contribue pour 46 milliards au PIB du Canada et crée 630 000 emplois. Il ne s'agit là pas seulement de l'éducation, mais aussi de la musique et de toutes les créations. Dans le cas du livre, je pense qu'on ne réalise pas l'importance de ce domaine de création au Canada.

Malheureusement, au Canada, nous sommes en dessous de la moyenne de 30 pays. L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle a publié une étude au mois de janvier 2012, qui indique que, en termes d'importance de cette industrie en général, nous sommes de façon significative derrière les États-Unis, où ce secteur représente 11,1 p. 100 du PIB, soit le double de ce qu'il représente au Canada; pour l'Australie, il se situe à 10,3 p. 100, alors qu'au Canada il ne représente que 5,4 p. 100.

Au chapitre des emplois, la contribution moyenne des industries culturelles pour les autres pays est de 5,9 p. 100; le Canada se situe à 3,8 p. 100, comparativement à 8,9 p.100 aux États-Unis et 8 p. 100 au Australie.

Je crois qu'il est important de savoir comment cette loi va affecter l'économie canadienne et de mesurer l'importance des conséquences de sa mise en œuvre. À ce titre, il est tout aussi important que nous soyons conscients du besoin de répondre aux inquiétudes à propos desquelles la plupart des témoins nous ont alertés.

Au Canada, on compte 3 879 auteurs reconnus et, chaque année, 45 000 titres canadiens sont imprimés, soit sur papier, soit sur copie numérique.

On réalise pour 2,1 milliards de dollars de ventes et les entreprises canadiennes investissent chaque année 140 millions de dollars en conception et fabrication de livres. Il est versé 71 millions de dollars de redevances aux auteurs, qui créent 9 700 emplois.

Le domaine du livre est donc un des piliers de l'industrie, et c'est un des éléments importants qui vont être touchés par la Loi sur les droits d'auteur.

L'industrie de la presse et de la littérature est une de celles qui créent le plus de valeur ajoutée, soit en moyenne 40 p. 100 de toutes les industries culturelles. Au Canada, elle ne représente que 25 p. 100. On peut donc progresser. La bonne nouvelle c'est que, au Québec, on dépasse la moyenne internationale; on est à 51 p. 100 en termes de créateurs, auteurs et éditeurs québécois. On a mis 40 ans à atteindre ce niveau, mais c'est quelque chose que je trouve fort encourageant pour le Québec. Le Québec est — d'ailleurs, je pourrai y revenir tantôt — un peu en avance sur ses collègues du monde anglophone, et, surtout, sur le plan législatif, promet de respecter à la lettre les droits d'auteur.

Toutefois, une des choses qui inquiète toute l'industrie, c'est le fait que le projet de loi C-11 a introduit 40 nouvelles exceptions. Quand on parle de droit, on ne s'attend pas à que ce qu'il y ait autant d'exceptions. Pour le monde de la création, que ce soit les observateurs de ce secteur, le monde politique, économique et culturel, on associe ces exceptions à une sorte d'expropriation des droits d'auteur.

Il faut savoir que les auteurs sont ceux qui, à toutes fins utiles, justifient l'existence de la Loi sur les droits d'auteur, car si vous n'avez pas d'auteurs, vous n'avez pas d'industrie. Si l'exception, selon la plupart des observateurs, est devenue la règle — et dans le domaine de l'éducation c'est encore plus inquiétant —, la loi semble donner aux institutions d'enseignement et à toute entreprise ou organisme à visées commerciales ou non le droit d'utiliser gratuitement et sans permission des œuvres qui, pourtant, font l'objet de droits d'auteur. Cette exception est celle qui, de loin, pourra avoir les effets les plus pervers sur l'industrie de l'édition.

Vu les liens étroits entre livre et éducation, cette exception risque de causer une contraction, qui pourrait aller jusqu'à 20 p. 100 dans le secteur de l'édition/écriture dans les deux prochaines années. C'est là que c'est inquiétant, en termes de création d'emplois pour toute la chaîne des intervenants dans ce domaine.

En ce qui concerne les sociétés de gestion collective, ce sont des organismes qui ont été créés pour faciliter la récupération des droits d'auteur. Si, chaque fois qu'un ouvrage est utilisé, l'utilisateur devait envoyer à son auteur la petite portion qui lui revient, compte tenu du fait qu'il y a des milliers d'auteurs et des millions d'utilisateurs, cette façon de faire ne fonctionnerait pas. Au Canada on a donc mis sur pied des sociétés de gestion collective. Celles-ci, chaque année, perçoivent 41 millions de dollars qu'elles redistribuent aux auteurs et aux éditeurs, dont 11 millions au Canada français, soit 0,5 p. 100 du budget total de l'éducation au Canada.

Je parle dans ce cas de l'éducation formelle dans les établissements d'enseignement, je ne parle pas de l'éducation au sens large, car c'est vraiment un autre chapitre qui inquiète tous les témoins qui sont venus comparaître.

(1140)

Cela concerne les manuels publiés pour les formations professionnelles, les associations professionnelles, les cours de langues, les industries. L'Association canadienne des banques produit aussi du matériel. Est-ce que ceux qui ont produit ce matériel perdront leurs droits d'auteur? Le projet de loi ne peut pas le garantir et c'est ce qui a inquiété tous ceux qui ont comparu devant notre comité.

Lors de la comparution des représentants des sociétés de gestion collective, on nous a dit qu'il y avait eu des jugements de la Cour suprême. N'oublions pas qu'on parle de la gestion d'une utilisation équitable. C'est ce qui inquiète la plupart des gens qui œuvrent dans ce secteur, parce que ce projet de loi conduit à l'utilisation gratuite d'œuvres à des fins éducatives et ne protège pas du tout l'industrie du livre.

Vous comprendrez que les auteurs ont aussi été inspirés par les opinions d'organisations juridiques qui sont quand même très sérieuses, comme le Barreau du Québec. Le Barreau du Québec dit, et je cite :

À plusieurs égards, le projet de loi introduit de l'incertitude juridique de nature à encourager la judiciarisation des rapports entre les auteurs, les fournisseurs et les consommateurs usagers.

Ces derniers recommandaient ce qui suit :

[...] L'ajout à l'article 29 du mot « éducation » comme étant l'une des fins permises de l'utilisation équitable d'une œuvre, donne une portée extrêmement vaste et imprécise à cette disposition, surtout au regard des nombreuses nouvelles exceptions particulières au bénéfice des maisons d'enseignement.

Plusieurs sont venus nous dire, surtout les sociétés de gestion collective, que déjà, plusieurs maisons d'enseignement se retirent du mécanisme de collecte de droits d'auteur, sauf une province au complet, où le ministre de l'Éducation s'engage à ce que tous les droits d'auteur soient respectés et que toutes les maisons d'enseignement ne profitent pas ou ne s'insèrent pas dans cette exception, c'est-à-dire de penser qu'elles peuvent s'en sortir et ne rien payer. Pourquoi, dans une classe de 25 élèves, on achèterait qu'une copie et que pour les 24 autres, l'auteur ne recevrait rien? Des auteurs anglophones et francophones, qui ont comparu devant nous, ont dit qu'un livre publié en librairie qui se vend 10 dollars ne leur rapporte qu'une somme ridicule de 90 cents. Tout cela pour dire que les autres 9 dollars et 10 cents vont à l'imprimeur, aux librairies et à tous les autres intermédiaires du secteur qui reçoivent la grande part du gâteau. Les auteurs ont raison de s'inquiéter que les 24 autres copies ne mettent pas leur 90 cents dans le pot.

On nous a aussi parlé du modèle d'affaires des éditeurs scolaires, qui ne font que de l'édition scolaire et qui constituent une part marché quand même très importante. La journée où chaque maison d'enseignement n'achètera qu'une copie des manuels scolaires requis, vous comprendrez que les maisons d'édition scolaire canadiennes disparaîtront tout simplement.

Pour qui se targue de vouloir créer des emplois, c'est tout un secteur de l'économie qui est menacé. Toutes les maisons d'édition nous ont dit se sentir très menacées. Ces représentants, lorsqu'ils ont comparu au comité, n'ont pas pleuré devant nous, mais ils ont suggéré au gouvernement de combler cette lacune en adhérant à la Convention de Berne. Cette convention dit ceci :

Est réservée aux législations des pays [...] la faculté de permettre la reproduction desdites œuvres dans certains cas spéciaux, pourvu qu'une telle reproduction ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur.

Le Canada est un signataire de la Convention de Berne, mais le Canada n'a pas inclus automatiquement cette convention dans ses lois. Le fait de ne pas inscrire ces critères dans la loi met en porte à faux les droits des auteurs et la pertinence pour eux de s'inquiéter.

Si je parle de façon assez importante des droits d'auteur dans le domaine de l'enseignement, c'est parce qu'il s'agit du pilier de la transmission de la connaissance. Il n'est pas uniquement question de copie non plus, mais d'édition électronique afin qu'un élève puisse avoir accès à du matériel scolaire par tous les moyens possibles. C'est pour cela qu'on a créé des sociétés de gestion collective, et ces organismes propres à notre pays sont inquiets de leur avenir. D'autant plus qu'au Canada anglais, seulement deux universités ont renouvelé leur entente avec ces sociétés et que plusieurs maisons d'enseignement se sont déjà désengagées face à cette question.

J'aimerais en venir à la position du Québec, parce que lorsque je suis ici au Sénat, honorables sénateurs, je me sens investie de représenter les intérêts de ma province et des francophones. Je vous ai dit tantôt que l'édition en français au Québec avait fait plus de progrès que l'édition anglophone, qui doit concurrencer tout le monde anglophone, y compris les Américains. Le gouvernement du Québec souscrivait à l'adoption d'une nouvelle loi et reconnaissait que c'était une condition essentielle au maintien d'une économie québécoise et canadienne concurrentielle et prospère, mais qu'on devait avoir une meilleure protection des droits de propriété intellectuelle, particulièrement dans l'univers numérique.

Les éditeurs et toutes les maisons d'enseignement ont dû s'adapter à ces nouveaux modes électroniques de transmission de la connaissance issue de la pensée d'un individu ou d'un professeur qui a mis papier sur papier, ou support électronique, ces nouvelles connaissances que l'on transmet aux jeunes pour préparer l'avenir. C'est certainement une façon de transmettre la connaissance à plus grande échelle, mais à condition que cela se fasse de façon juste et équitable.

Le gouvernement du Québec n'était pas favorable et n'est pas favorable à l'élargissement de l'exception d'utilisation équitable aux fins de l'éducation parce qu'il n'y a pas vraiment d'assurance. La majorité de nos témoins ont interprété le fait qu'on pourrait passer outre de payer les droits d'auteur lorsqu'on les reproduit à des fins d'éducation. On parle pour le Québec d'une perte de près de 40 millions de dollars et, sur le plan cinématographique par les institutions d'enseignement d'environ 25 millions de dollars.

Le gouvernement du Québec, connaissant un peu la donne au plan budgétaire, n'est pas au-dessus de ses affaires. Il a des difficultés financières, comme tous les autres gouvernements provinciaux, mais il ne sacrifiera pas les auteurs sur l'hôtel de leur budget.

J'aimerais également jeter un coup d'œil sur les droits éphémères. L'Association canadienne des éditeurs de musique est aussi inquiet. Après négociation avec les utilisateurs, on avait trouvé un compromis acceptable entre les stations de radio et tous les transmetteurs de musique avec les auteurs. On avait dit qu'on permettait de rassembler des œuvres, de les mettre ensemble et d'accorder une exception pour 30 jours. On a enlevé cet article de la loi et, à l'heure actuelle, on met aussi à risque nos auteurs-compositeurs. Dieu sait que sur la scène internationale les auteurs-compositeurs québécois ont du succès — je ne parlerai pas seulement de Céline Dion, mais aussi de Robert Charlebois et de plusieurs autres.

Ces gens ont persévéré, ont fait des carrières qui ont commencé de façon difficile, mais tous les auteurs-compositeurs au Québec ne sont pas tous des Céline Dion ou des Robert Charlebois. Ce sont des gens qui ont de petits revenus et qui ont besoin de récolter des droits d'auteur chaque fois que leur pièce est jouée, et cette exception risque d'empêcher la collecte des droits d'auteur.

Un secteur qui n'a pas été traité, qui m'inquiète et qui nous a été représenté, concerne les droits de suite.

De leur vivant, les créateurs, qu'ils soient peintres, sculpteurs ou autres, ne connaissent pas toujours un succès financier, pour ne pas dire qu'ils vivent de façon misérable.

(1150)

Tout à coup, lorsqu'ils décèdent, leur œuvre prend de la valeur. Par exemple, une œuvre qui a été vendue 400 $ peut, par la suite, se vendre 50 000 $, 500 000 $ ou un million de dollars, et les héritiers n'en retirent aucun bénéfice.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Madame le sénateur demande-t-elle cinq minutes de plus?

Le sénateur Hervieux-Payette : Cinq minutes de plus.

Son Honneur le Président intérimaire : Est-on disposé à accorder cinq minutes de plus, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, il faudra réexaminer cette question. L'œuvre d'un auteur constitue son héritage, et lorsque son œuvre prend de la valeur, les héritiers devraient pouvoir accéder à une portion des bénéfices de l'œuvre.

Je reviens sur une clause qui me semble assez bizarre, qui stipule que lorsque les droits d'auteur ne sont pas respectés, la loi prévoit un maximum de 5 000 $, somme qui ne permet pas d'aller trop souvent devant les tribunaux. D'abord, si l'auteur engageait un avocat avec une somme de 5 000 $, il serait probablement déjà déficitaire. Donc ne parlons pas d'une somme de 5 000 $ pour aller devant les tribunaux. À moins que dans d'autres provinces ce soit gratuit, les avocats du Québec sont très bien payés et, à mon avis, ce droit ne pourra pas s'exercer.

En conclusion, j'aurais bien aimé dire que cette loi est extraordinaire et qu'elle apportera beaucoup. En fait, l'industrie sera bien servie sauf certains joueurs comme les sociétés de gestion collective qui sont sans but lucratif.

Dans ce projet de loi, le mot « équitable » sert de leitmotiv. Je dois dire que nos collègues conservateurs ont un talent inouï pour jouer avec les mots car ce qui n'est pas équitable, c'est le droit des auteurs contre celui de l'industrie. À l'heure actuelle, et contrairement à ce que dit la Bible, David a perdu la bataille et c'est Goliath qui a gagné.

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, permettez-moi une courte intervention au sujet de ce projet de loi que nous allons replacer dans le contexte actuel.

La Loi sur les droits d'auteur devait faire l'objet d'une révision. Nous avons reçu en comité sénatorial les honorables James Moore et Christian Paradis, qui nous ont clairement signifié l'urgence et la nécessité de réviser ce projet de loi. Ils nous ont aussi dit quelque chose d'important. Ils nous ont dit que ce n'est pas une loi parfaite et qu'elle ne pourra jamais satisfaire tout le monde. C'est une loi pour l'ensemble du monde culturel et des droits d'auteur.

Je n'entrerai pas dans des détails statistiques, comme l'a fait le sénateur Hervieux-Payette, que je respecte beaucoup et qui a fait un bon travail. D'ailleurs, nous, les méchants conservateurs, avons laissé tout le temps nécessaire aux bons libéraux pour entendre des témoins en comité. Nous voulions nous assurer qu'ils puissent poser toutes les questions qu'ils désiraient poser.

Je rappellerai à madame le sénateur que je viens aussi du monde de l'éducation. J'ai été vice-président de la Fédération des commissions scolaires du Québec et, faut-il le rappeler, j'ai été membre du premier gouvernement au Canada qui a reconnu le statut d'artiste.

Il faut le dire : le projet de loi est quand même assez large. Un projet de loi se cadre souvent pour l'ensemble et non pas pour les minorités, car lorsque le législateur légifère pour une minorité, il le fait dans des cas exceptionnels. Dans l'ensemble, il rédige une loi pour la majorité. Par exemple, la Loi de l'impôt dit qu'on doit payer nos impôts, mais la réglementation est là pour nous dire comment les payer.

Il est donc important de situer ce cadre qui existe pour l'ensemble de la population et des créateurs. Bien sûr, la réglementation devra être ajustée. Et je reconnais que dans ce que le sénateur Hervieux-Payette a souligné, il y a des choses qui pourraient être améliorées, et c'est le rôle d'une réglementation. Il y a le cadre législatif et il y a le cadre réglementaire.

Lorsque le comité de réglementation siègera, il appartiendra aux intervenants de se présenter devant les fonctionnaires pour dire qu'ils ne sont pas d'accord avec certains règlements et qu'ils demandent des ajustements. Cela se fait dans tous les parlements et je ne vois pas pourquoi cela ne se ferait pas ici.

Le projet de loi C-11 est important et pas seulement pour les créateurs. Le Canada est un pays d'avenir. Maintenant, on peut dire que nous sommes des citoyens de la Terre, des citoyens faisant partie de la collectivité terrienne. Nous ne devons pas nous refermer. Au contraire, nous devons nous ouvrir sur le monde. Et les nouvelles technologies qui sont à la disposition de l'ensemble des créateurs doivent être des technologies ouvertes.

Je reviens à un point précis qui est celui de l'éducation. Le sénateur Hervieux-Payette a admirablement bien tenté de faire définir le mot « éducation ». Mais le gouvernement fédéral n'a pas à le faire puisque l'éducation est de juridiction provinciale.

J'ai siégé à l'Assemblée nationale et, à l'époque, je n'aurais pas toléré qu'un gouvernement supérieur vienne jouer dans mes plates-bandes. Chaque province et chaque territoire a défini ce qu'était l'éducation. Donc, le gouvernement fédéral ne rouvrira pas cette boîte constitutionnelle pour encore permettre des chicanes à l'avenir.

Le projet de loi C-11 est un projet de loi nécessaire. Le projet de loi C-11 n'est pas parfait, mais il couvre l'ensemble des besoins des Canadiens et des Canadiennes et surtout ceux des créateurs.

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs. je tiens moi aussi à participer au débat sur le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.

Si je tiens à y participer, c'est pour plusieurs raisons, la première étant que j'ai été contactée personnellement par des groupes et organismes représentant le secteur des arts et de la culture. J'ai reçu des lettres et des courriels. Aussi, j'ai à cœur le domaine des arts et de la culture et j'ai un très grand respect pour ses créateurs.

Je tiens aujourd'hui à vous faire part de certaines préoccupations du secteur des arts et de la culture à l'égard du projet de loi C-11 ainsi que celles d'autres groupes et personnes impliquées. La Conférence canadienne des arts a présenté au gouvernement et au comité législatif sur C-11, au nom de 68 organismes culturels de tout le pays, une liste de 20 amendements. Le but de ces amendements était de minimiser l'impact négatif que le projet de loi pourrait avoir sur les artistes canadiens, les écrivains, les éditeurs et autres créateurs.

Bien que l'ensemble des 20 amendements soient soutenus collectivement par les 68 organismes culturels du pays, la CCA a identifié trois amendements qui constituaient des priorités absolues pour les milliers de personnes représentées par la CCA. Le premier amendement, proposé à l'article 32.3 du projet de loi, traite de l'interprétation et se lit comme suit :

En interprétant les limitations ou exceptions au droit d'auteur en vertu de la Partie III de la Loi, le tribunal doit s'assurer qu'elles ne concernent que certains cas spéciaux où il n'est pas porté atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni causé de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur, artiste-interprète ou producteur.

Cet amendement s'explique par lui-même et ne nécessite aucune justification.

Le deuxième amendement proposé par la CCA touche le domaine des dommages et intérêts préétablis et figure à l'article 46 du projet de loi C-11. Leur justification pour cet amendement est la suivante :

Les dommages-intérêts préétablis font partie intégrante de tout régime efficace de protection des droits d'auteur. Il est souvent difficile pour les ayants droit de calculer les dommages reliés à une violation de leurs droits. C'est pourquoi la loi actuelle prévoit le versement de dommages-intérêts préétablis lorsque le titulaire peut démontrer qu'il y a eu violation, ce qui dissuade d'éventuels contrevenants. Le régime actuel est un élément essentiel de la lutte au piratage du gouvernement. Réduire le montant des dommages-intérêts préétablis pour violations non commerciales pourrait avoir comme conséquence inattendue de rendre cette disposition inutile.

(1200)

Les frais judiciaires d'une poursuite pour violation « non commerciale » dépasseraient assurément le montant des dommages-intérêts préétablis du projet de loi C-11, qui varie entre 100 $ et 5 000 $ pour l'ensemble des violations commises à l'égard des œuvres du titulaire de droits.

Les titulaires de droits ne cherchent pas de dédommagement excessif de qui que ce soit. Les tribunaux peuvent déjà à leur discrétion réduire les dommages-intérêts préétablis dans le cas d'une infraction commise par une personne dans un but commercial, et ce pouvoir discrétionnaire devrait rester. Les nouvelles limites et la restriction des dommages-intérêts préétablis aux infractions dans un but commercial enlèvent tout effet dissuasif aux dispositions de la Loi. Si l'on tient compte des frais judiciaires, les nouvelles dispositions anéantissent tout espoir d'une compensation valable. Le plafonnement arbitraire est pratiquement une invitation à la contrefaçon.

Bien qu'il importe que les dommages-intérêts préétablis soient proportionnels aux violations commises, il est tout aussi important que ce régime ait un effet dissuasif sur les personnes commettant ces violations, incluant les contrevenants qui facilitent les violations du droit d'auteur sur Internet. Conséquemment, il est inutile de distinguer dans la loi entre les violations commises à des fins commerciales ou non commerciales, le tribunal devrait plutôt avoir l'opportunité de réduire le montant de dommages-intérêts préétablis s'il est extrêmement disproportionné par rapport à la violation.

Donc, l'amendement proposé reflète cette justification.

Le troisième amendement proposé par le CCA avait trait à la révision de la loi — amendement proposé à l'article 58 et l'article 92.1— et voici la justification que cet organisme a donnée à cet amendement, et je cite :

Compte tenu de la rapidité des changements technologiques qui affectent l'exercice du droit d'auteur et des impacts anticipés des amendements apportés par le projet de loi C-11, il est préférable que la période d'examen de la loi soit raccourcie. On s'attend à ce que d'ici trois ans les détenteurs de droit d'auteur puissent clairement démontrer ces impacts et, par conséquent, justifier l'adoption d'amendements à la Loi.

J'ai aussi lu attentivement le compte rendu des réunions du Comité sénatorial des banques et du commerce lors de l'étude du projet de loi C-11.

Une des grandes inquiétudes des témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial des banques et du commerce lors de l'étude de ce projet de loi, est l'utilisation du matériel produit par les auteurs dans le milieu scolaire. Je parle ici de témoins qui font affaire avec les auteurs. Ces personnes s'inquiètent de ne pas voir dans la nouvelle loi l'obligation de paiements de sommes d'argent habituellement réservées lorsqu'il s'agit d'utiliser, soit par support papier ou électronique, un livre ou du matériel scolaire. Ils ont posé plusieurs questions auxquelles ils ont reçu très peu de réponses.

Les auteurs vont-ils recevoir une compensation chaque fois que les 2 000 ou 3 000 élèves auront copie d'une œuvre? Une formule avait été négociée dans le passé et faisait l'affaire de tous les joueurs. Comment nos auteurs seront-ils indemnisés dans le futur? Seront-ils protégés pour un chapitre ou une partie de leur œuvre seulement?

Ce projet de loi ne change-t-il pas la relation qui existait auparavant entre les systèmes d'éducation et les auteurs et les producteurs?

Ce projet de loi ne sème-t-il pas la confusion à l'égard de ce qui est la définition « d'éducation équitable »? Parle-t-on d'éducation privée, d'éducation publique, de formation professionnelle? La porte semble ouverte à tout processus ayant pour titre « éducation », qu'il s'agisse du système privé ou public. C'est plus large que simplement les écoles, mais il ne semble y avoir aucune distinction.

Donc, il semblerait que les auteurs du matériel n'auront aucune compensation, et les créateurs devront poursuivre en justice l'organisation qui utilisera le matériel en éducation pour que la cour détermine si les six facteurs dans la jurisprudence, des facteurs établis par la Cour suprême, sont pris en compte lors de l'utilisation. Où est le gros bon sens? Où est la logique?

Comme l'a mentionné l'honorable sénateur Céline Hervieux-Payette à un des témoins à la réunion du Comité sénatorial des banques et du commerce, le 26 juin 2012 :

[...] les créateurs nous ont parlé d'un fonds qui, en fin de compte, était accepté, un fonds acceptable d'un peu plus de 20 millions. Cette somme revenait aux auteurs pour l'application raisonnable des droits d'auteur et permettait effectivement les photocopies ou les copies digitales. Les universités n'auront plus à payer ces 20 millions de dollars, alors dites-moi, comment elles vont dorénavant compenser les auteurs dont elles font copies des œuvres? »

Tant de questions, honorables sénateurs, tant d’ambigüité et si peu de réponses. Le projet de loi est convenable et devait arriver, mais il mérite d’être amélioré.

Je voudrais maintenant conclure mon intervention en citant les paroles de M. Bill Harnum, éditeur et président de l’Association of Canadian Publishers en 2012-2013 :

[Traduction]

Nous comprenons que le gouvernement reconnaît la valeur de nos ouvrages de haute qualité et cherche à les rendre plus accessibles. Nous savons également que le gouvernement reconnaît l'importance de maintenir un système qui les met à la disposition du public et qu'il n'a pas l'intention de le compromettre.

Nous nous soucions cependant des conséquences imprévues découlant du manque de clarté dans la définition de l'éducation aux fins de l'utilisation équitable. Une des conséquences immédiates sera l'incertitude dans le marché créée par une interprétation très vaste de l'éducation par les utilisateurs.

[Français]

Je veux aussi vous lire des extraits d'une lettre que j'ai reçue de M. Michael McCarty, président de ole, principal éditeur de musique au Canada.

[Traduction]

Les lois que nous adoptons doivent permettre au secteur canadien de la propriété intellectuelle de réussir dans l'univers numérique d'aujourd'hui et l'encourager à le faire. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-11 rate la cible.

Notre organisation, le plus important propriétaire de droits de la musique et employeur dans le domaine, a investi plus de 115 millions de dollars dans les droits d'auteurs et emploie plus de 40 personnes. Le projet de loi C-11 aura une incidence négative non seulement sur les musiciens et les auteurs-compositeurs, mais aussi sur notre chiffre d'affaires et notre effectif.

Nous convenons du fait qu'une modernisation de la Loi sur le droit d'auteur s'impose. Malheureusement, le projet de loi C-11 écartera en grande partie les créateurs de l'univers numérique alors que les secteurs de la technologie, des télécommunications et de la diffusion continuent de profiter du piratage de musique. Le projet de loi pigera également dans les poches des artistes et des auteurs-compositeurs à hauteur de 30 millions de dollars par année en éliminant certains droits acquis. Il s'agit d'une bonne partie du revenu que toucheront les générations futures de créateurs musicaux.

Honorables sénateurs, comme l'a affirmé le sénateur Moore :

Nous comprenons qu'il s'agit d'un dossier complexe et controversé. Nous pensons cependant que le projet de loi présente certaines lacunes qui nuiront autant aux créateurs qu'aux consommateurs. Nous pourrions régler le problème en amendant le projet de loi.

Honorables sénateurs, les artistes, les musiciens, les auteurs et les autres intervenants du secteur culturel sont inquiets, avec raison à mon avis. Ils ne peuvent se permettre de perdre des revenus.

[Français]

Honorables sénateurs, les inquiétudes que j'ai soulevées sont réelles.

[Traduction]

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour vous entretenir du projet de loi C-11, un autre projet de loi du gouvernement Harper aux allures de bolide de course pour bien montrer que les mesures législatives doivent être adoptées rapidement, bien qu'elles soient toujours présentées à la dernière minute. J'interviens aussi sur un problème de fond. Je n'ai aucun talent artistique, mais j'ai eu l'intelligence de me marier, il y a 40 ans, dans une famille de gens fort talentueux. J'ai deux beaux-frères et une belle-sœur qui sont des artistes, je peux donc prétendre avoir voix au chapitre par leur entremise.

Le projet de loi est complexe, mais le monde numérique dans lequel nous vivons l'est aussi. Que cela nous plaise ou non, nous devons veiller à ce que des mesures de protection adéquates protègent le matériel des artistes, des enseignants et des écrivains contre une utilisation ou une diffusion illégale. Je crois que nous sommes tous en faveur de cela. Toutefois, l'attitude du gouvernement à cet égard est la même que celle qu'il a adoptée à l'égard de tous les projets de loi : « C'est cela ou rien. »

Ce n'est pas la première mouture de ce projet de loi. Le projet de loi C-11 est en fait une copie conforme du projet de loi C-32. Bien que le comité de la Chambre des communes ait entendu des centaines de témoignages et reçu des centaines de mémoires au sujet du projet de loi C-32, les réformistes de Harper n'ont même pas tenté de l'amender.

(1210)

Nous sommes tous d'avis qu'il faut mettre à jour nos lois sur le droit d'auteur — mais ne devrions-nous pas nous y prendre correctement? Pourquoi ne pas écouter les experts qui recommandent de modifier une partie de la loi afin de mieux protéger ceux qui travaillent dans l'enseignement, ou d'éliminer une autre section qui pourrait empêcher les auteurs de garder le contrôle sur leur œuvre?

Le projet de loi C-11 comprend de nouvelles exceptions liées à l'utilisation équitable pour l'éducation, la parodie et la satire; des dispositions qui permettent de faire des copies pour usage personnel, comme l'enregistrement d'émissions de télévision ou le transfert de pièces musicales sur un iPod; de nouvelles règles qui rendent illégal le fait de contourner les verrous numériques; et de nouvelles responsabilités pour les fournisseurs de services Internet, qui devront désormais aviser les titulaires des droits d'auteur de possibles violations de leurs droits. Big Brother guette, encore.

Honorables sénateurs, ce projet de loi devrait permettre au Canada de se conformer aux traités Internet de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle de 1996, qui avaient été élaborés pour combattre le piratage. Je crois que nous voulons tous atteindre cet objectif et protéger les Canadiens, mais à quel prix? Et, ce faisant, qui sommes-nous prêts à provoquer? Je développerai plus longuement ce sujet dans quelques instants.

Ce projet de loi comprend trop de dispositions pour que je les traite toutes; je me concentrerai donc sur celles qui touchent les verrous numériques. Ces dispositions, sévères et inspirées de celles utilisées par les Américains, sont probablement parmi les plus dures et les plus restrictives au monde. Les verrous numériques servent, bien sûr, à protéger le contenu qui, par exemple, se trouve sur un DVD ou un site web.

À combien de reprises avez-vous inséré un CD dans votre ordinateur pour y copier de la musique à partir d'iTunes, pour ensuite la transférer sur votre iPod ou votre Blackberry? Ce faisant, avez-vous pensé que vous étiez en train de voler le travail de quelqu'un? Si ce n'est pas le cas, vous êtes mieux d'y repenser, parce que le gouvernement, lui, considère que vous avez commis un vol et qu'une telle action est passible d'une amende de plusieurs milliers de dollars.

La véritable question est la suivante : qui possède le matériel que vous transférez? Est-ce vous? Est-ce le musicien? Ou alors, en êtes-vous tous les deux propriétaire? Le projet de loi C-11 est censé proposer une approche équilibrée à l'égard de telles questions, mais à mon avis, c'est loin d'être le cas. C'est dans de telles situations que la loi sur la propriété et la loi sur le droit d'auteur empiètent l'une sur l'autre. Cela dit, je vais laisser aux avocats le soin de s'occuper de cette question d'ordre juridique. Dieu sait qu'ils sont bien assez nombreux pour cela.

Le sénateur Cowan : Ils ne sont jamais assez nombreux.

Le sénateur Mercer : Ne me poussez pas à bout, sénateur Cowan!

Les réformateurs de Harper affirment que la mesure législative comprend des dispositions relatives au changement de support et qu'elles permettent de transférer de la musique sur votre iPod, mais il y a un hic. S'il y a un verrou numérique, vous ne pourrez pas effectuer le transfert. On reprend donc d'une main ce qu'on donne de l'autre. Cela ne m'empêche-t-il pas de profiter du matériel que j'ai acheté légalement et dont je devrais pouvoir profiter de la manière qui me convient? Ce sont là des questions intéressantes, honorables sénateurs.

Les Canadiens qui ont acheté de façon légitime des CD et des DVD devraient pouvoir transférer ce matériel, dont ils sont légalement propriétaires, sur un support qu'ils possèdent, en autant, bien entendu, qu'ils ne le revendent pas ou ne le transfèrent pas à une autre personne.

Ce projet de loi prévoit que les Canadiens ne pourront faire de tels transferts si une entreprise choisit de les priver de cette capacité. En fait, cette mesure législative fait de nous des criminels si nous tentons de contourner un verrou numérique, même si nous transférons ce qui nous appartient d'un appareil à un autre, qui nous appartient aussi.

Selon des câbles diplomatiques publiés récemment, certaines parties du plan de réforme du droit d'auteur de Harper ont été élaborées pour donner suite à des préoccupations exprimées par les États-Unis, et non par le Canada, plus particulièrement les dispositions relatives aux verrous numériques.

Au fait, honorables sénateurs, qui dirige le gouvernement? Voilà ce que je veux savoir.

Une voix : C'est nous.

Le sénateur Mercer : Je ne pense pas.

Encore une fois, le gouvernement prétend se soucier des Canadiens, mais, comme pour le budget, cela ne paraît pas.

Honorables sénateurs, je me suis réjoui de voir dans le projet de loi des mesures aidant les étudiants, notamment le fait que l'utilisation de documents protégés par le droit d'auteur aux fins de l'enseignement ou des études soit considérée comme une utilisation équitable. Cependant, le projet de loi perd de sa force quand entrent en jeu les mesures concernant les verrous numériques, car celles-ci l'emportent sur le principe de l'utilisation équitable.

Il importe également de clarifier les dispositions relatives à l'utilisation équitable en ce qui a trait à l'éducation. Je ne peux qu'espérer que toutes les parties continuent à travailler ensemble afin de respecter les droits des artistes tout en permettant aux étudiants d'explorer à fond les possibilités de formation qui leur sont offertes.

Au fil des ans, j'ai travaillé à divers dossiers avec l'Alliance canadienne des associations étudiantes, l'ACAE. D'ailleurs, beaucoup d'entre vous ont assisté à une activité d'accueil des étudiants que j'organise chaque année sur la Colline du Parlement avec l'ACAE. Go, Huskies, go!

Le sénateur Moore : C'est juste.

Le sénateur Mercer : L'ACAE et d'autres groupes d'étudiants ont demandé que l'utilisation à des fins pédagogiques soit considérée comme une utilisation équitable parce qu'elle laisserait une latitude raisonnable pour l'utilisation de documents protégés par le droit d'auteur dans certaines circonstances.

En outre, certains enseignants veulent innover et utiliser tous les outils dont ils disposent afin d'enrichir l'expérience éducative de leurs étudiants. Si l'utilisation d'œuvres protégées par le droit d'auteur à des fins pédagogiques n'est pas considérée comme une utilisation équitable, les étudiants seront pénalisés, mais nous devons veiller à ne pas abuser de cette exception parce que les écrivains et les artistes doivent recevoir une juste rémunération pour leur travail.

Honorables sénateurs, j'applaudis aux efforts déployés pour moderniser efficacement la Loi sur le droit d'auteur, mais certaines dispositions — celles qui se rapportent aux verrous numériques étant à mes yeux les plus discutables — sont très restrictives et n'établissent pas un juste équilibre. Nous devons veiller à ce que la Loi sur le droit d'auteur protège le travail des artistes canadiens et établisse un équilibre entre les droits de ces derniers et ceux des consommateurs. Je ne pense pas que ce soit le cas du présent projet de loi et, pour cette raison, je vais me prononcer contre.

[Français]

L'honorable Dennis Dawson : Honorable sénateur, je vais faire comme vous et voter contre l'adoption du projet de loi. Pour ma part, ce sera à cause de mesures qui sont absentes du projet de loi C-11.

Je vais brièvement vous entretenir du projet de loi C-11 sur les droits d'auteur, et en particulier des droits de suite, les parents pauvres des droits d'auteur : cette nouvelle facette des droits d'auteur pour laquelle bien des sénateurs ont été préoccupés pendant le débat en comité.

Malgré leurs préoccupations et malgré le fait qu'ils aient reconnu que cela devait figurer au projet de loi, aucun amendement n'a été présenté par les sénateurs siégeant au comité; et à ce sujet, j'aimerais attirer l'attention du sénateur Segal particulièrement. Malgré donc la préoccupation des sénateurs, aucun amendement n'a été apporté au projet de loi.

Je ne vais pas revenir sur le sujet d'hier puisque les amendements que l'on devrait présenter sont occultés, mais peut-être aurons-nous l'opportunité à l'automne — comme le disait madame le sénateur Hervieux-Payette — de chercher à trouver une forme d'accommodement.

J'aimerais vous citer des passages d'une présentation du Regroupement des artistes en arts visuels du Québec, organisme ayant comparu devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui traite explicitement des problèmes soulevés par le projet de loi C-11. Il y a une multitude d'erreurs dans le projet de loi qui méritent notre attention. Cela dit, je traiterai uniquement de ce qui manque dans le projet de loi.

[Traduction]

En ce qui concerne les droits de revente des artistes, lors d'une vente d'œuvres d'art aux enchères organisée le mois dernier, à Toronto, des œuvres de 32 artistes canadiens vivants ont été vendues pour un montant total de 1,5 million de dollars. Il va sans dire que les 32 propriétaires de ces œuvres et les maisons de vente aux enchères étaient heureux d'empocher leur part des gains.

Qu'est-ce qui cloche dans ce tableau? D'abord, les créateurs de ces peintures n'ont rien reçu. Qui sont ceux qui ont créé ces œuvres ayant pris de la valeur avec le temps, et qui en a profité? Ce sont les vendeurs qui en ont profité. Les 32 artistes canadiens, pour la plupart des personnes âgées, n'on rien tiré de cette vente. Pourquoi la valeur de ces œuvres a-t-elle augmenté? Parce que ces artistes ont du talent et se dévouent à leur art. Qu'ont-ils touché sur les gains de 1,5 million de dollars? Rien, honorables sénateurs.

[Français]

Si le Canada avait fait ce que 59 autres pays font ou ont déjà fait dans le monde, c'est-à-dire intégrer les droits de suite dans notre législation sur les droits d'auteur, ces artistes auraient pu se partager la somme d'environ 75 000 $. Cette somme peut vous paraître minime, mais rappelons-nous qu'il s'agit des ventes d'un mois en mai et qu'en moyenne les 32 artistes auraient reçu 2 340 $. Malheureusement, il n'a pas été prévu d'intégrer au projet de loi C-11 un droit de suite de 5 p. 100 à verser aux artistes lors de la revente successive des œuvres. Le Sénat peut-il le faire? Oui, honorables sénateurs. Le Sénat a-t-il décidé de le faire? Non, honorables sénateurs; nous n'avons pas apporté d'amendement à ce projet de loi.

[Traduction]

En mettant en place les droits de revente des artistes, on permettrait aux artistes des arts visuels d'obtenir leur part des profits réalisés grâce à leurs œuvres, et au Canada de suivre le modèle adopté par ses partenaires commerciaux.

Les droits de revente des artistes permettraient aux artistes de toucher un petit pourcentage des recettes provenant de la revente de leurs œuvres en Europe, soit entre 2 p. 100 et 5 p. 100. Souvent, la première vente ne permet pas d'obtenir un montant correspondant à la valeur réelle de l'œuvre. Il n'est pas rare que la valeur d'une œuvre d'art visuel augmente à mesure que l'artiste gagne en renommée.

(1220)

À titre d'exemple, Tony Urquhart, peintre canadien renommé, a vendu sa toile The Earth Returns to Life pour 250 $ en 1958. Elle a ensuite été revendue 10 000 $ lors d'une vente aux enchères d'œuvres d'art. Combien l'artiste a-t-il reçu, sur ces 10 000 $? Rien du tout, honorables sénateurs.

Je pourrais parler longuement des œuvres de Riopelle, de Lemieux et d'autres artistes, qui se vendent des millions de dollars sans que l'artiste ou ses héritiers ne reçoivent un seul cent. C'est une honte, honorables sénateurs.

Voilà pourquoi je voterai contre ce projet de loi. Mon vote ne repose pas sur ce qu'il contient, mais sur ce qu'il ne contient pas.

Les artistes autochtones du Canada sont particulièrement touchés par ce phénomène; ils ne profitent aucunement des profits phénoménaux que génèrent leurs œuvres sur le marché secondaire. Les artistes vivent dans la pauvreté dans des communautés nordiques isolées, tandis que la valeur de leurs œuvres grimpe en flèche.

[Français]

Le revenu potentiel des artistes en arts visuels est bien moindre que celui des autres disciplines car ils ne produisent généralement pas d'œuvres en exemplaire multiple. Les écrivains, les artistes de spectacle ont la possibilité de vendre un grand nombre de CD, de DVD entre autres, et de recevoir des droits d'auteur tant et aussi longtemps que leur travail est vendu.

La moitié des artistes en arts visuels au Canada gagnent moins de 8 000 $ par année. Même pour les lauréats du prix du gouvernement général il est difficile voire impossible de gagner leur vie grâce aux revenus découlant de la pratique artistique. Certains ont un revenu nettement en dessous de la moyenne nationale et d'autres doivent travailler à temps plein pour financer leur art. La valeur de ces œuvres s'accroît généralement avec le temps. Les artistes plus âgés ou à la retraite seront avantagés par l'adoption du droit de suite au Canada.

Honorables sénateurs, je réitère mon objection à ce projet de loi, non pas en fonction de ce qu'il contient, mais de ce qu'il ne contient pas. Les membres du comité l'ont reconnu et, comme le sénateur Hervieux-Payette l'a dit, les sénateurs de l'opposition l'ont reconnu. Malheureusement, comme le gouvernement n'accepte pas d'amendement, il n'y a pas eu de débat ni de proposition. Nous avons un projet de loi incomplet, qui a des défauts. Même le sénateur Maltais le dit. J'aimerais mieux qu'on se serve de notre pouvoir en tant que sénateurs pour perfectionner les projets de loi qui sont adoptés par l'autre endroit, souvent avec des imperfections.

[Traduction]

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour parler du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.

J'aimerais d'abord signaler que le Comité des banques a déposé son rapport il y a à peine 48 heures. C'est un rapport exhaustif; les sénateurs qui souhaitent l'examiner en détail n'ont pas eu le temps de le faire.

J'aimerais aussi rappeler — comme je l'ai déjà dit hier et comme le sénateur Cowan l'a dit avec beaucoup d'éloquence ce matin — que ce projet de loi a été présenté à la Chambre des communes le 29 septembre 2011. Pendant les neuf mois qui ont suivi, l'autre endroit a consacré 25 jours de séance à l'examen approfondi des 68 pages de ce projet de loi, et cela, alors que d'autres versions de cette mesure avaient déjà été étudiées pendant des législatures précédentes. Il n'a été adopté que le lundi 18 juin.

L'autre endroit nous a indiqué que ce projet de loi exige un examen attentif et, malgré cela, on demande au Sénat de conclure l'étude de cette question d'ici la fin de la journée.

[Français]

J'aimerais tout de même faire certains commentaires sur ce projet de loi. Il ne fait aucun doute que la Loi sur le droit d'auteur du Canada doit être modernisée. Ceci est nécessaire pour protéger les œuvres de nos créateurs et artistes canadiens, mais aussi à la fois afin d'atteindre un équilibre concernant les besoins et le droit des consommateurs.

Toutefois, les dispositions de cette loi sur les verrous numériques, qui sont les plus restrictives au monde, fausseraient l'équilibre et nuiraient à une utilisation équitable des autres dispositions de ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas appuyer ce projet de loi.

Il n'y a aucun doute que le passage du Canada à l'économie numérique a des retombées importantes sur nos industries culturelles. Nous avons donc proposé des amendements pour pouvoir appuyer le projet de loi. Un aspect de ces amendements à l'article 47, porte sur le besoin de s'assurer que les dispositions relatives aux verrous numériques donnent aux Canadiennes et aux Canadiens qui ont, en toute légitimité acheté, par exemple, un CD, un DVD ou un autre produit du genre, la possibilité d'en transférer le contenu sur leur iPod ou d'en sauvegarder une copie personnelle tant qu'ils ne le font pas à des fins de vente ou de transfert pour d'autres personnes.

D'ailleurs, de nombreux artistes, écrivains, groupes d'étudiants et créateurs ont également exprimé de profondes inquiétudes à l'égard de certains points, comme les nouvelles dispositions relatives à l'éducation, aux dommages-intérêts préétablis et aux versements de droit de revente. Justement, j'aurais aimé voir le projet de loi tenter de bien définir le terme « éducation » et de faire inclure un critère strict et clair pour une utilisation juste à des fins d'enseignement.

Comme vous le savez, honorables sénateurs, mes antécédents sont dans le domaine de l'éducation universitaire. J'ai donc un intérêt tout particulier pour ce domaine et pour les domaines de la recherche et des publications. Plusieurs parties intéressées dans le domaine de l'éducation, par exemple l'Association canadienne des professeurs et professeures d'université, l'Association des universités et collèges du Canada et l'Alliance canadienne des associations d'étudiants sont favorables aux nouvelles modifications concernant l'enseignement et je les approuve aussi. Cependant, ces groupes, tout comme moi, s'inquiètent des dispositions relatives aux verrous numériques.

[Traduction]

Il y a moins d'une semaine, j'ai rencontré le président et le vice-président de l'association des étudiants de l'Université de l'Alberta. Ils m'ont fait part de quelques-unes des très grandes inquiétudes qu'ils éprouvent à l'égard de certains aspects de ce projet de loi.

Pour commencer, ils sont préoccupés par le Règlement sur l'importation des livres, en vertu duquel les coûts imposés aux étudiants augmentent sans que cela ne se traduise par des avantages pour les détenteurs du droit d'auteur de ces ouvrages. En fait, l'Alliance canadienne des associations étudiantes a recommandé que le projet de loi C-11 soit amendé de façon à supprimer les dispositions visant la distribution exclusive exposées au paragraphe 27.1 de la Loi sur le droit d'auteur. Ce projet de loi n'aborde pas l'article pertinent de la Loi sur le droit d'auteur, c'est-à-dire l'article 27, mais j'ai néanmoins été vivement intéressée par les arguments qu'ils ont présentés à ce sujet.

Les étudiants ont également parlé des nouveaux verrous numériques musclés dont j'ai déjà parlé aujourd'hui, à l'instar d'autres sénateurs. Ils représentent un véritable problème pour la recherche universitaire.

Les étudiants de l'Université de l'Alberta ne sont pas les seuls à être préoccupés. Même le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada aurait dit, comme d'autres groupes du domaine de l'éducation, que les dispositions visant les verrous numériques sont trop restrictives.

Le problème réside dans la Loi sur le droit d'auteur qui est définie dans ce projet de loi et dans le fait que les nouvelles dispositions compromettent le droit d'utilisation équitable. Le droit d'utilisation équitable pour l'enseignement n'est pas garanti comme un droit véritable, mais plutôt comme un droit secondaire, parce que le verrou numérique du détenteur du droit d'auteur peut primer en tout temps.

Le verrou pose un problème encore plus important pour les étudiants handicapés. Si un étudiant qui a une déficience visuelle doit modifier le format d'un texte afin de pouvoir le lire, mais que des mesures protègent ce texte, il ne pourra pas le modifier sans contrevenir à la loi.

La mesure législative place aussi les étudiants qui suivent une formation à distance dans une situation impossible. Le collège Boréal, en Ontario, offre, par exemple, des formations à distance aux collectivités francophones minoritaires du Nord de l'Ontario. En vertu des nouvelles dispositions, les étudiants seront obligés de détruire leurs notes et leur matériel de cours dans les 30 jours suivant la formation. En plus de compliquer l'administration de la formation à distance, le projet de loi fera en sorte que les petites bibliothèques des localités éloignées, comme celle du collège Boréal, auront plus de difficulté à prêter des documents aux étudiants, que ces documents viennent de leur collection ou d'autres bibliothèques.

Les changements comme ceux qui sont prévus dans la mesure législative, dont on n'a pas examiné les conséquences de manière approfondie, auront des répercussions graves sur les étudiants mêmes qu'il faudrait appuyer et dont on devrait tenir compte.

Honorables sénateurs, bien des artistes, des éditeurs, des étudiants et des intervenants dans le domaine de la propriété intellectuelle m'ont écrit des lettres et des courriels au sujet du projet de loi C-11. À titre d'exemple, je lirai un passage d'une de ces lettres, car j'estime qu'elle résume parfaitement les effets qu'aura la mesure législative sur les Canadiens ordinaires.

(1230)

Cette femme dirige une petite maison d'édition de l'Alberta. Elle m'a fait parvenir un courriel dans lequel elle écrit ceci :

[...] je tenais à vous faire savoir que le projet de loi C-11 mettrait en péril la publication des livres, peu importe qu'ils soient imprimés ou sous forme électronique. [...] Les écrivains seront abandonnés à leur sort [...] Chaque dollar qu'un éditeur récolte est investi pour créer de nouveaux livres. Les auteurs ne reçoivent déjà pas leur juste part en raison de la baisse des ventes de livres canadiens causée par les éditeurs et les distributeurs américains qui liquident leurs surplus de notre côté de la frontière à une fraction du prix, ce qui pousse les éditeurs canadiens à réduire leurs prix. [...] Les éditeurs et les créateurs travaillent très fort chaque jour pour un maigre salaire; de nombreuses personnes dans le domaine doivent d'ailleurs occuper au moins un autre emploi pour être en mesure de poursuivre leur passion puisque leur travail de créateur n'est pas apprécié.

Honorables sénateurs, il s'agit d'un projet de loi complexe qui aurait dû être examiné beaucoup plus en profondeur à l'étape de l'étude par le comité et qui exigerait certainement d'être abordé plus que deux jours de séance du Sénat, à l'étape de la troisième lecture. J'exhorte fortement les sénateurs à adopter les amendements qui sont proposés par mon collègue le sénateur Moore et qui visent à corriger quelques lacunes cernées dans le projet de loi. Si ces amendements ne sont pas adoptés, je n'aurai d'autre choix que de me prononcer contre le projet de loi C-11.

L'honorable Joan Fraser : Avant que Son Honneur nous invite à passer au vote, je tiens à dire que je souscris entièrement aux propos du sénateur Dawson. L'argument qu'il a fait valoir est d'une importance inestimable.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Le vote portera sur la motion d'amendement présentée par le sénateur Moore, appuyée par le sénateur Dawson, que le projet de loi C-11 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : La sonnerie retentira pendant 15 minutes, et le vote se tiendra à 12 h 48.

(1250)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Dawson, que le projet de loi C-11 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié :

a) à l'article 27, à la page 23...

Puis-je me dispenser de lire la motion d'amendement?

Des voix : Oui.

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée :

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Callbeck Hubley
Chaput Jaffer
Charette-Poulin Mahovlich
Cordy Mercer
Cowan Merchant
Dallaire Mitchell
Dawson Moore
De Bané Munson
Downe Ringuette
Dyck Robichaud
Eggleton Smith (Cobourg)
Fairbairn Tardif
Fraser Watt
Furey Zimmer—29
Hervieux-Payette  

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Massicotte
Angus Meredith
Ataullahjan Mockler
Boisvenu Nancy Ruth
Brown Nolin
Buth Ogilvie
Carignan Oliver
Comeau Patterson
Dagenais Plett
Di Nino Poirier
Doyle Raine
Duffy Rivard
Eaton Runciman
Finley Segal
Fortin-Duplessis Seidman
Frum Seth
Gerstein Smith (Saurel)
Greene St. Germain
Johnson Stewart Olsen
Lang Tkachuk
LeBreton Unger
MacDonald Verner
Maltais Wallace
Manning Wallin
Marshall White—51
Martin

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte maintenant sur la motion de l'honorable sénateur Greene, appuyée par l'honorable sénateur MacDonald, portant que le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, soit lu pour la troisième fois.

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Conformément au Règlement, ce vote aura lieu à 17 h 30, après celui sur le projet de loi C-38.

La Loi canadienne sur les droits de la personne

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Finley, appuyée par l'honorable sénateur Frum, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-304, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne (protection des libertés).

L'honorable Nancy Ruth : Honorables sénateurs, hier, j'ai été surprise que, dans son discours concernant un amendement au projet de loi C-304, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, le sénateur Finley ait omis trois points importants. J'aimerais les énumérer.

Tout d'abord, qui peut invoquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, et qui peut invoquer le Code criminel? Même si le sénateur Finley a indiqué que quiconque peut invoquer la Loi canadienne sur les droits de la personne — si la cause est entendue, évidemment —, il faut obtenir la permission du procureur général pour invoquer le Code criminel. Les critères qui s'appliquent sont bien différents dans les deux cas.

Le deuxième point est le suivant : Qui sont les groupes désignés? À l'écoute du discours du sénateur Finley, on dirait que les groupes sont identiques, ce qui n'est pas le cas. Trois groupes désignés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne ne figurent définitivement pas dans les articles 318 et 319 du Code criminel. Ces groupes désignés sont les personnes handicapées, les personnes victimes de discrimination en fonction de leur âge, et celles qui sont victimes de discrimination en fonction de leur sexe, en l'occurrence les femmes.

Finalement, le sénateur Finley a omis de mentionner que le gouvernement a présenté une mesure visant à inclure ces groupes dans les articles 318 et 319 du Code criminel, mais que cette mesure est enfouie dans les articles 16 et 17 de la partie 2 du projet de loi C-30, qui en est encore à l'étape de la première lecture à la Chambre des communes. On dirait d'ailleurs qu'il va y rester, ce qui fait que ces groupes ne sont pas protégés.

Nous ne retirerons tout de même pas l'accès aux droits avant de les avoir garantis ailleurs, et nous ne devrions peut-être pas priver les citoyens de leur accès au droit de se protéger contre des appels haineux s'ils n'ont pas d'abord obtenu la permission du procureur général.

Votre Honneur, j'aimerais conserver le reste de mon temps de parole pour plus tard et ajourner le débat au nom du sénateur Munson.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, que le débat soit ajourné par le sénateur Nancy Ruth, au nom du sénateur Munson? Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : J'invoque le Règlement. Je ne suis pas certaine de comprendre ce qui vient de se passer. Si j'ai bien compris, le sénateur Nancy Ruth voulait ajourner le débat pour le reste de son temps, mais elle l'a ajourné au nom du sénateur Munson. Madame le sénateur Nancy Ruth aura-t-elle le droit d'intervenir une prochaine fois même si elle a déjà pris la parole?

Son Honneur le Président intérimaire : Oui. Le débat avait été ajourné au nom du sénateur Munson.

(Sur la motion du sénateur Nancy Ruth, au nom du sénateur Munson, le débat est ajourné.)

(1300)

La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Duffy, appuyée par l'honorable sénateur Frum, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-313, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue).

L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, je me joins au débat pour appuyer l'important projet de loi C-313, qui a déjà été adopté à la Chambre des communes avec l'appui de tous les partis.

Le projet de loi C-313 aide grandement les Canadiens à prendre soin de leurs yeux le mieux possible, en assujettissant les lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue — et qui sont souvent appelées lentilles à but esthétique — aux exigences de la Loi sur les aliments et drogues, tout comme les lentilles correctrices.

Franchement, je crois que, pour tout le monde, il n'y a rien de plus important que la santé. Il n'est pas surprenant que, dans un sondage mené en 2003 par Environics Research Group, les Canadiens aient désigné la perte de la vue comme le handicap qu'ils craignaient le plus.

Plusieurs Canadiens portent des lentilles cornéennes, à but esthétique ou correctif, tous les jours et pour toutes sortes de raisons. Les dommages que peuvent causer des lentilles mal ajustées ou mal utilisées sont alarmants. Les complications qui découlent d'un usage, d'une manipulation ou d'un ajustement inadéquats peuvent être prévenues, si on laisse à un professionnel agréé le soin d'évaluer l'état de l'œil et l'ajustement des lentilles, et de renseigner le client sur la façon de manipuler et d'entretenir les lentilles cornéennes.

Le projet de loi C-313 ne peut traiter de toutes ces considérations, honorables sénateurs, puisqu'elles ne sont pas de compétence fédérale. Le projet de loi peut cependant faire en sorte que Santé Canada approuve le produit et veille à ce que des contrôles adéquats soient mis en œuvre avant qu'il ne soit fabriqué et distribué aux détaillants.

Honorables sénateurs, ce qui m'inquiète vraiment, c'est qu'on peut acheter des lentilles à but esthétique dans un magasin qui vend des accessoires de fête, un marché local ou autre commerce qui ne fournit aux acheteurs aucune instruction quant à l'utilisation et à la manipulation de ces lentilles. Tout particulièrement, je me soucie des risques pour la santé associés aux lentilles achetées sur Internet. Les problèmes ne se limitent pas seulement à la vente de lentilles de contact à but esthétique, mais aussi de lentilles de contact et de lunettes qui corrigent la vue.

La vente sur Internet de lunettes prescrites constitue actuellement le plus gros problème pour le milieu des soins oculaires. La vente non réglementée par des fournisseurs sur Internet a bouleversé le marché, les magasins traditionnels étant obligés de respecter la réglementation provinciale alors que les vendeurs en ligne ne le sont pas. Essentiellement, tous les règlements provinciaux concernant la prescription et la distribution de ces produits ont été réduits à néant par les pratiques des commerces en ligne de verres correcteurs.

Une quantité importante de recherche effectuée ici et à l'étranger soulève la question de la sécurité des lunettes achetées en ligne. Une étude effectuée en 2011, dont le rapport s'intitule Safety and compliance of prescription spectacles ordered by the public via the Internet, a conclu ce qui suit :

Près de la moitié des prescriptions de lunettes livrées par des fournisseurs en ligne ne répondaient pas aux caractéristiques optiques correspondant aux besoins visuels des clients ni aux critères permettant d'assurer leur sécurité physique.

Des études comme celles-ci soulignent le fait que, dans près de 50 p. 100 des cas, les verres obtenus sur Internet ne répondent pas à la prescription voulue, sont mal positionnés et ne répondent pas aux normes relatives à la résilience des verres, ce qui pose problème pour la santé oculaire et la sécurité des Canadiens.

Puisque le rôle de Santé Canada dans l'examen des dispositifs médicaux est d'évaluer leur sécurité, leur efficacité et leur qualité avant que leur vente ne soit autorisée au Canada, la recherche que je viens de citer soulève la question suivante : Que fait donc Santé Canada pour protéger les Canadiens qui achètent des lentilles de contact et des lunettes sur Internet? Il y a deux semaines, j'ai écrit une lettre à la ministre fédérale de la Santé et j'attends sa réponse avec impatience.

Comme nous le savons tous, les achats en ligne sont en hausse. Au Canada, on s'attend à ce que la net-économie connaisse une croissance d'environ 7,5 p. 100 d'ici 2016; elle représentera alors près de 4 p. 100 du PIB. Qu'est-ce qui empêche une grande entreprise de vente au détail en ligne, comme Amazon.com, ou une entreprise étrangère qui n'est en rien réglementée, de vendre aux Canadiens des lentilles cornéennes et des lunettes de prescription, de même que des lentilles cornéennes à but esthétique, par Internet?

Je crois que de plus en plus de Canadiens choisiront d'acheter leurs lunettes ou leurs lentilles en ligne, sans savoir les risques qu'un tel achat peut comporter. Santé Canada ne doit pas seulement étudier la situation de près; le ministère doit aussi prendre de nouveaux règlements visant à protéger les Canadiens contre les produits défectueux qui peuvent causer de graves dommages et affaiblir leur vue.

Honorables sénateurs, je n'ai pas l'impression que le projet de loi C-313 empêchera les situations comme celles que je viens de décrire, où des lentilles cornéennes ou des lunettes défectueuses sont vendues par Internet, ce qui pourrait avoir de graves conséquences. Cependant, je suis convaincu que cette mesure législative constitue un pas dans la bonne direction. Je voterai donc en faveur du projet de loi C-313, et j'exhorte la ministre fédérale de la Santé à présenter rapidement une nouvelle mesure législative visant à réglementer la vente en ligne de lentilles cornéennes et de lunettes.

Je tiens aussi à remercier le parrain de cette mesure législative, le sénateur Duffy, de l'avoir présentée au Sénat.

Je vais profiter de l'occasion pour rectifier les faits. Hier soir, dans son discours, le sénateur Duffy a mentionné que le ministre des Transports a dit que le député de Cardigan, l'honorable Laurence MacAulay, n'a jamais écrit de lettre de protestation à Ottawa afin qu'on assure le maintien du service de traversier. J'ai en main des copies conformes de lettres que M. MacAulay a envoyées aux membres du caucus, y compris une lettre qui a été envoyée au ministre des Transports. Je vais tout simplement lire une phrase et les remettre au sénateur Duffy pour son information, car je ne pense pas qu'il était ici en 2009, lorsque cette lettre a été envoyée.

Voici ce que l'honorable Laurence MacAulay a écrit au ministre fédéral des Transports :

Je ne saurais trop insister sur la nécessité de maintenir le service de traversier pour éviter de porter un autre coup à l'économie déjà chancelante de l'Est de l'Île-du-Prince-Édouard.

J'enverrai également à mon collègue, le sénateur Duffy, une lettre que M. MacAulay a fait parvenir au ministre fédéral des Finances sur la même question.

(Sur la motion du sénateur Hubley, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Votre Honneur, lorsque j'ai pris la parole il y a un instant pour demander des précisions à la suite de l'intervention de madame le sénateur Nancy Ruth et après que celle-ci eut exprimé le désir que le débat demeure ajourné au nom du sénateur Munson, j'ai oublié de réserver les 45 minutes qui sont accordées au deuxième intervenant.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, normalement, après que le sénateur du côté du gouvernement, en l'occurrence le sénateur Finley, a fini de parler, le deuxième intervenant, du côté de l'opposition, dispose de 45 minutes. Dans le cas qui nous occupe, madame le sénateur Nancy Ruth était le deuxième intervenant. Êtes-vous d'accord pour que le sénateur Munson dispose de 45 minutes?

L'honorable Gerald J. Comeau : Avant que nous disions si nous sommes d'accord — et je le suis —, je dois souligner qu'il s'agit là d'un problème que nous avons depuis longtemps dans cette enceinte. Il arrive de temps à autre que quelqu'un d'autre parle d'un sujet, que ce soit un projet de loi d'initiative ministérielle ou un projet de loi d'initiative parlementaire. Si Son Honneur donne la parole au deuxième intervenant et que celui-ci commence à prononcer un discours, le Règlement stipule qu'il dispose de 45 minutes. Nous devons donc maintenant revenir en arrière pour donner notre consentement unanime à ce que 45 minutes soient accordées à l'intervenant de l'opposition, ce que j'appuie.

Cependant, cet incident révèle qu'il y a dans notre Règlement une faiblesse qu'il faut corriger. D'ailleurs, j'ai écrit une lettre au Comité du Règlement par l'intermédiaire du greffier du comité. J'ai demandé au comité de se pencher précisément sur cette règle pour que les leaders adjoints des deux côtés du Sénat n'aient pas à demander le consentement unanime des sénateurs dans ce genre de situation. Cela pourrait déconcentrer les sénateurs pendant un moment, ce qui peut arriver très facilement.

(1310)

Lorsque les sénateurs examineront les règles — et je vois que notre collègue d'en face n'est pas ici aujourd'hui pour participer au débat —, j'espère que nous pourrons corriger cette règle une fois pour toutes. Cependant, j'offre mon appui à cet égard.

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, j'aimerais vraiment participer à ce débat, mais je garderai mes observations pour un autre jour.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, y a-t-il consentement pour que le deuxième intervenant sur cette question, l'honorable sénateur Munson, dispose des 45 minutes habituellement accordées?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président intérimaire : D'accord.

Banques et commerce

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes—Adoption du sixième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce (budget—examen sur la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 27 juin 2012.

L'honorable Irving Gerstein propose que le rapport soit adopté.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, le sénateur Gerstein pourrait-il nous dire très brièvement à quoi rime tout cela, et surtout, où les membres du comité comptent voyager?

Le sénateur Gerstein : Oui, avec plaisir.

Ce déplacement concerne le projet de loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Comme les sénateurs le savent, nous avions d'abord prévu déposer notre rapport à la fin mai. Nous avons ensuite reporté ce dépôt à la fin juin, puis à la fin décembre.

Pendant l'examen en comité, nous avons constaté que deux options s'offraient à nous : nous pouvions soit rafistoler un peu le projet de loi, soit nous y attaquer sérieusement. Cette autorisation nous permettra d'aller à Washington, où nous rencontrerons des membres du groupe qui travaille dans ce domaine. Cette décision a reçu l'appui unanime du comité.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'étude sur la création d'une charte du Commonwealth

Adoption du troisième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Une charte « sur mesure » : Consultation parlementaire sur le projet de Charte du Commonwealth, déposé au Sénat le 3 avril 2012.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, cet article était inscrit au nom du sénateur Carignan parce qu'il a eu la gentillesse de reprendre le compte des jours à zéro quand j'ai été malade. J'aimerais maintenant parler de l'adoption du rapport présenté par le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, qui s'intitule Une charte « sur mesure » : Consultation parlementaire sur le projet de Charte du Commonwealth.

Honorables sénateurs, je ferai avec plaisir quelques observations à propos de notre étude.

Le rapport représente l'aboutissement des travaux du comité sur la création d'une charte du Commonwealth, sujet dont il avait été question à la Réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth, tenue à Perth, en Australie, en octobre 2011.

Comme les sénateurs le savent peut-être, le Commonwealth a entrepris un processus de renouvellement au cours des dernières années. En 2009, la Société royale du Commonwealth a entrepris la plus grande consultation publique de son histoire sur la question de l'avenir du Commonwealth. Le rapport, intitulé Commonwealth Conversation, a conclu que la plupart des gens ne savent pas trop ce qu'est le Commonwealth ni ce qu'il représente.

En réaction aux résultats de cette consultation, les chefs de gouvernement du Commonwealth ont créé en 2009 le Groupe des personnalités éminentes. Ce groupe, qui comptait parmi ses 11 membres l'honorable sénateur Hugh Segal, avait pour tâche d'étudier la question du renouvellement et de faire des recommandations pour rappeler l'existence et les valeurs du Commonwealth à la population.

La première des nombreuses recommandations formulées par le Groupe des personnalités éminentes suggérait ceci :

Une « charte du Commonwealth » doit être rédigée après la tenue de vastes consultations dans chacun des pays membres.

Les dirigeants du Commonwealth assemblés à Perth abondaient dans le même sens que le Groupe des personnalités éminentes. Dans leur communiqué, ils ont indiqué ceci :

[...] il devrait y avoir une « charte du Commonwealth » [...] qui incarne les principes contenus dans les déclarations précédentes et rassemblés dans un document unique et consolidé n'ayant pas force exécutoire.

Le 20 janvier 2012, le ministre canadien des Affaires étrangères a demandé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international d'envisager la possibilité de tenir des audiences sur la question d'une éventuelle une charte du Commonwealth. Les membres du comité ont accepté cette demande.

Honorables sénateurs, nous croyons savoir que le Canada est le seul pays du Commonwealth qui tient ses audiences sur la charte du Commonwealth proposée dans le cadre d'un processus parlementaire, plus précisément par l'intermédiaire du Sénat et de ses comités en l'occurrence. Nous avons été honorés d'avoir ce privilège.

Au cours de 11 séances, le comité a entendu des témoins provenant du Canada et d'autres pays du Commonwealth, notamment des représentants gouvernementaux, des membres de la société civile, des universitaires, des jeunes, des représentants d'organismes affiliés au Commonwealth, et même de la Francophonie.

Chaque témoin avait un certain intérêt à l'endroit du Commonwealth et une certaine expertise à cet égard, et a apporté des angles nouveaux à notre étude. Trois grands thèmes sont ressortis de cette étude : premièrement, les pays du Commonwealth partagent certaines valeurs et principes qui leur sont propres. Deuxièmement, certains avantages comparatifs par rapport à d'autres organisations internationales font en sorte que le Commonwealth est unique. Finalement, la charte proposée pourrait jouer un rôle alors que le Commonwealth cherche à transposer ses valeurs et ses principes dans le futur.

Comme on peut le voir dans son rapport, le comité appuie l'idée d'une charte du Commonwealth. Il est d'avis qu'elle pourrait constituer un document inspirant qui prendrait une valeur morale dans les pays du Commonwealth, et servir d'énoncé de référence de ce que représente le Commonwealth. Cette charte a le potentiel de devenir un outil de promotion de ces valeurs et de contribuer à mieux faire connaître le Commonwealth.

Toutefois, afin d'obtenir les meilleurs résultats possible, les membres du comité croient que la charte devrait être aussi succincte et accessible que possible. Elle devrait mettre l'accent sur les compétences fondamentales et les avantages comparatifs qui définissent cette association. Dans leur rapport, les membres du comité recommandent que, outre les valeurs fondamentales que sont la démocratie, la saine gouvernance, les droits humains et la primauté du droit, la charte fasse clairement référence aux trois caractéristiques uniques qui distinguent le Commonwealth des autres associations internationales.

Premièrement, le comité recommande que la charte proposée souligne le rôle de la jeunesse dans le Commonwealth. Environ 60 p. 100 de la population du Commonwealth est âgée de moins de 30 ans. En soulignant l'importance de la promotion de l'épanouissement de notre jeunesse aujourd'hui, la charte peut contribuer à assurer la vitalité de nos sociétés tout en sauvegardant la pertinence du Commonwealth dans le futur.

Deuxièmement, le comité recommande que la charte mette davantage l'accent sur le rôle positif des parlementaires dans le Commonwealth. En tant qu'association fondée sur la tradition juridique et administrative du modèle de Westminster, le Commonwealth peut mettre en valeur ses compétences en ce domaine. La diplomatie parlementaire, tant au sein des divers pays du Commonwealth qu'entre eux, constitue un rouage essentiel permettant de faire connaître les valeurs clés du Commonwealth et de les ancrer dans les politiques publiques. Nous croyons que la diplomatie parlementaire joue un rôle unique et nécessaire, que les dirigeants des pays du Commonwealth doivent le souligner et que le secrétariat devrait poursuivre dans la même voie.

(1320)

Troisièmement, le comité recommande que la future charte fasse ressortir les avantages que présente le Commonwealth pour les petits États. Au total, 32 des 54 États membres du Commonwealth sont considérés comme tels, leur population ne dépassant pas 1,5 million d'habitants. Le Commonwealth aide déjà concrètement ces petits États à s'intégrer à l'économie mondiale et à faire valoir leurs intérêts dans les forums internationaux.

Le comité recommande au ministre des Affaires étrangères d'inviter les États membres à se laisser guider par une compréhension claire et commune des objectifs d'une éventuelle charte.

La participation égale de tous les pays, et de leurs citoyens, est essentielle à la démarche de rédaction d'une charte qui sache témoigner des valeurs de tous les peuples du Commonwealth et dans laquelle chacun se reconnaîtra.

Le 30 mai, j'ai reçu une lettre du ministre des Affaires étrangères dans laquelle il m'informe que le rapport du comité a été remis tel quel aux représentants des États membres qui étaient présents à la rencontre des hauts dirigeants qui a eu lieu les 12 et 13 avril 2012.

Il avait joint à sa lettre la copie révisée qui était ressortie de cette rencontre. J'étais ravie de constater, certes, que bon nombre de nos recommandations avaient été prises en compte, mais surtout que le document qui m'avait été remis était beaucoup plus succinct et qu'on y parlait des jeunes et des petits États. Le ministre m'a assurée que les représentants du Canada tentent actuellement d'y faire ajouter un passage sur le rôle particulier des parlementaires et de la diplomatie parlementaire. Les ministres des Affaires étrangères du Commonwealth se réuniront en septembre 2012 pour étudier les commentaires sur la présente version de la charte.

N'oublions pas que la force du Commonwealth réside dans sa capacité de trouver ce qui unit parmi ce qui distingue.

Le Commonwealth, qui est la tribune des petits États comme des grands et qui représente des peuples aux multiples origines ethniques, culturelles et religieuses, repose sur les valeurs communes de ses membres. C'est dans cette optique qu'une éventuelle charte aiderait le Commonwealth à préserver et à défendre ces valeurs.

L'établissement d'une charte est l'occasion d'entreprendre un dialogue avec les gens et de les informer sur le Commonwealth. C'est aussi l'occasion de créer un document décrivant bien la raison d'être de cette association. Notre comité a eu l'honneur de jouer un rôle dans cette démarche, et nous encourageons les Canadiens à continuer de s'y intéresser alors que le dernier chapitre est en train de voir le jour.

Je serais heureuse que le Sénat puisse adopter notre rapport avant la tenue de la réunion de septembre 2012, de telle sorte que nous puissions exprimer au nom du Sénat, avec tout le poids que cela suppose, l'importance de la jeunesse, l'importance de la participation des parlementaires ainsi que la nécessité d'aider les petits États. J'espère une réponse favorable de la part du Sénat.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, je voudrais simplement appuyer ce que le sénateur vient de dire. Je pense que le comité a fait un travail exceptionnel, et je tiens à signaler aux sénateurs que les recommandations formulées par le comité et contenues dans le rapport qui nous est soumis actuellement ont été adoptées par les hauts fonctionnaires des pays qui œuvrent actuellement à la préparation de la charte et par le groupe de travail ministériel qui s'est réuni par la suite. Ces recommandations seront soumises aux ministres des Affaires étrangères lors de leur réunion aux Nations Unies, à l'automne.

La réunion des parlementaires du Commonwealth, au Sri Lanka, et la réunion de travail qui aura lieu bientôt à Québec sont très importantes, et je suis tout à fait de l'avis de madame le sénateur lorsqu'elle plaide pour que le Sénat adopter ce rapport, ce qui lui donnera plus de poids en vue de la suite des travaux, dans ce dossier dont le sénateur est responsable.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'étude sur les faits nouveaux en matière de politique et d'économie au Brésil

Cinquième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Intensifier les partenariats stratégiques avec le nouveau Brésil, déposé au Sénat le 29 mai 2012.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je compte prendre la parole au sujet de ce rapport, qui est un rapport important du Sénat, mais je voudrais avoir davantage de temps pour me préparer et vous éviter deux discours de suite de ma part. Cependant, madame le sénateur Fortin-Duplessis est prête maintenant et je serais heureuse qu'il puisse prendre la parole aujourd'hui. Je n'ai aucune objection à ce qu'il prenne la parole, puis je demanderai l'ajournement du débat.

[Français]

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a produit ce rapport après avoir tenu 22 audiences à Ottawa, où 56 témoins furent entendus et à la suite d'une mission de reconnaissance au Brésil.

En 2010, nous avons amorcé une étude motivée par l'intérêt que suscitait la question de savoir en quoi et dans quelle mesure l'essor économique spectaculaire du Brésil profite au Canada. Son émergence au sein de la nouvelle économie mondiale est lourde de conséquences pour la prospérité du Canada sur les plans national, bilatéral et mondial.

Mes remarques d'aujourd'hui visent le rapport sur l'émergence du Brésil, un pays gorgé d'histoire, que j'ai eu le plaisir de découvrir lors d'un déplacement du comité. Afin de remplir son mandat, le comité a visité les villes suivantes : São Paulo, Brasilia et Rio de Janeiro. Ce rapport est le dernier d'une série de quatre dans le cadre d'une étude consacrée à l'essor des économies du Brésil, de la Russie, de l'Inde et de la Chine, qui sont les pays constituant le groupe BRIC. Il traite des implications de l'émergence du Brésil en tant que force économique et politique dans l'hémisphère et dans le monde, et fait ressortir les possibilités économiques, sociales et politiques qui pourraient se dégager du renforcement des relations entre le Canada et le Brésil.

Tout d'abord, je tiens à remercier les gens qui ont travaillé très fort au succès de ce rapport. Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont pris le temps de nous rencontrer pour nous faire part de leurs précieux points de vue, lesquels ont servi à forger l'étude.

Je tiens à remercier personnellement le gouvernement du Brésil et les nombreux parlementaires pour l'aide qu'ils nous ont apportée. Je désire remercier particulièrement l'ambassadeur du Brésil à Ottawa, Son Excellence Piragibe dos Santos Tarragô, pour ses précieux conseils.

Je veux également souligner le dévouement exceptionnel des gens du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, au Brésil et au Canada, à l'ambassade du Canada au Brésil et aux consulats généraux du Canada à São Paulo et à Rio de Janeiro.

Enfin, je remercie chaleureusement les membres du comité et leur personnel pour le professionnalisme dont ils ont fait preuve. Un grand merci au Sous-comité du programme et de la procédure, c'est-à-dire les sénateurs Raynell Andreychuk, présidente du comité, Percy Downe, vice-président et Doug Finley, dont la diligence et l'engagement ont été primordiaux pour le comité, appelé à naviguer dans les méandres de ce sujet complexe.

Les adjoints à la recherche du comité, Natalie Mychajlyszyn et Brian Hermon, la greffière, Line Gravel, Ph.D. et les traducteurs méritent une mention toute particulière. Leur professionnalisme a grandement contribué au succès de notre mission de reconnaissance.

Honorables sénateurs, le Brésil est le pays le plus vaste et le plus peuplé de l'Amérique latine. Il se classe au cinquième rang sur le plan mondial par sa superficie et par son nombre d'habitants. Le géant brésilien, qui fait figure de pays-continent, impose également par l'importance de ses ressources naturelles.

Alors que le Canada est un pays à la population vieillissante, le Brésil affiche une population jeune et nombreuse, répartie sur un territoire immense, ayant achevé sa transition démographique.

Le Brésil a passé le cap de la crise financière de 2008-2009 avec des taux de croissance inédits depuis les années 1980, lui permettant d'atteindre le rang de septième puissance économique mondiale en 2010 devant l'Italie, après être passé au huitième rang en 2009 devant la Russie.

(1330)

Il est donc sorti plus fort de la crise de 2009 et s'est donné comme priorité l'accélération de sa croissance et la réduction des inégalités dans le respect des équilibres économiques fondamentaux. Cette stratégie lui permet de jouir d'une bonne image auprès de la communauté financière internationale en mettant son économie à l'abri d'éventuels chocs externes ou internes.

Notre comité a pu constater que cette évolution a été favorisée par plusieurs facteurs déterminants : ajustement du marché du travail au cycle économique, stabilité de l'emploi et du pouvoir d'achat des revenus les plus faibles, mise en œuvre de politiques contra-cycliques, réduction du risque Brésil et confiance des non-résidents.

D'une manière générale, au cours des dernières années, le Brésil a su rééquilibrer ses marchés d'exportation en accroissant la part des nouveaux marchés : l'année 2009 avait été marquée par l'émergence de la Chine comme premier partenaire commercial du Brésil et, au plan global, comme premier exportateur mondial, dépassant l'Allemagne, devant les États-Unis.

Avec un taux de chômage à son plus bas niveau historique, soit 5,8 p. 100, des exportations qui se diversifient, un flux important d'investissement direct étranger et une consommation intérieure dynamique, l'environnement économique brésilien reste très attrayant. Le PIB de l'État de São Paulo, comparable au PIB de la Turquie ou de l'Indonésie, marque à lui seul toute la puissance économique du Brésil. Le Brésil est aujourd'hui le troisième exportateur mondial de produits agricoles. Le pays peut miser sur des perspectives d'importantes ressources qu'il retira des gisements de pétrole et de gaz offshore récemment découverts.

Le gouvernement a haussé les taxes sur les opérations financières pour freiner l'entrée de capital étranger non destiné à des investissements productifs. La Banque centrale doit également surveiller la fluctuation du réal qui dégrade la compétitivité externe du pays, alors que l'inflation dépasse les 7 p. 100. Le maintien d'un taux directeur élevé devrait contribuer à la maîtrise de l'inflation et au contrôle de la croissance.

Le commerce de marchandises et les investissements bilatéraux entre le Canada et le Brésil ont augmenté considérablement au cours des dernières années. La valeur des échanges bilatéraux et du stock cumulatif d'investissements a atteint presque 29 milliards de dollars en 2010. Au cours des cinq dernières années, le volume des échanges bilatéraux a crû de 42 p. 100, et leur valeur s'est chiffrée à 6,7 milliards en 2011. En 2010, le Brésil était la huitième source d'investissements étrangers directs en importance au Canada. Le Brésil se classait au 11e rang des bénéficiaires de l'investissement direct du Canada à l'étranger. Environ 500 entreprises canadiennes sont actives au Brésil, dont plus de 50 dans le seul secteur minier.

Notre comité a appris, lors de réunions avec la Chambre de commerce Brésil-Canada, qu'il existait de fortes possibilités de croissance pour les entreprises canadiennes dans les secteurs clés suivants qui correspondent bien aux capacités et aux intérêts de notre pays : l'infrastructure, l'éducation, les technologies propres, l'information, les communications et les technologies, le pétrole et le gaz, ainsi que l'aérospatiale.

Par ailleurs, des débouchés considérables existent pour le Canada dans divers autres secteurs, dont les mines, la défense et la sécurité, les sciences de la vie, les technologies océanologiques, l'automobile, l'énergie, l'agriculture et l'agroalimentaire, et les services et le tourisme. Le Brésil est un partenaire clé du Canada pour ce qui touche les initiatives visant à attirer, garder et faire croître les investissements, la collaboration dans le domaine des sciences et de la technologie et la participation aux chaînes de valeur mondiales.

Bien que les Brésiliens soient aussi branchés que les Canadiens au téléphone portable, leur pays est très en retard en termes d'accès aux télécommunications : le Brésil occupe une position moyenne — 61e rang — derrière la Chine et l'Inde. Cette situation est due en partie au prix élevé des services et des équipements de télécommunication qui grève le budget des ménages. Cela a conduit le gouvernement à faire voter le deuxième pacte d'accélération de la croissance pour 863 milliards de dollars sur six ans.

Le Canada a, quant à lui, un avantage considérable au sein des pays industrialisés par le nombre et la qualité de ses infrastructures. En effet, le Canada, qui a vite figuré parmi les chefs de file dans le secteur des technologies de l'information et des communications, demeure toujours à la fine pointe dans ces domaines.

Notre déplacement au Brésil nous a bien fait comprendre que le système éducatif supérieur brésilien souffre encore actuellement d'un déficit de places à l'université pour accueillir un flot de cinq millions d'étudiants qui seront ensuite prêts à intégrer le marché du travail. Le Canada est aujourd'hui la première destination d'études de courte durée à l'étranger pour les Brésiliens. En 2011, près de 20 000 Brésiliens ont poursuivi des études au Canada. Établie depuis 1991, l'Association brésilienne d'études canadiennes est très active. Elle compte 12 centres d'études canadiennes au Brésil et regroupe plus de 500 membres.

J'ai été agréablement surprise d'entendre que depuis 2007, 465 étudiants et professeurs brésiliens ont reçu une bourse d'études pour étudier ou mener des recherches dans des universités canadiennes. De plus, cinq universités canadiennes participent à l'effort conjoint visant à promouvoir l'étude du Brésil au Canada et ont établi une chaire itinérante d'études brésiliennes. Créé en 2003, ce programme a permis de faire venir des Brésiliens aux universités et réunions au Canada, y compris pour une conférence de biocarburants en 2008.

Notre comité invite le gouvernement du Canada à favoriser ces échanges interpersonnels importants en raison de leur apport à l'enrichissement des relations entre le Canada et le Brésil. Je remarque avec satisfaction qu'en complément de l'Accord de coopération en matière de science et technologie, le 30 août 2010, le Canada et le Brésil ont signé un protocole d'entente sur la mobilité universitaire et la coopération scientifique pour favoriser l'innovation dans les deux pays en appuyant des projets conjoints de recherche.

Alors que le Canada foisonne d'associations sportives locales, le Brésil, quant à lui, se définit comme une nation de sport et se caractérise par le réseau de ses « clubs », phénomène propre à la classe moyenne et qui favorise une pratique sportive familiale plutôt associée à la détente.

Sur le plan littéraire, le marché du livre, bien qu'encore étroit, se développe progressivement, alors que la musique domine traditionnellement et de loin, la culture brésilienne. D'ailleurs, à cet égard, nous avons eu le privilège d'assister à une performance de capoéira, danse traditionnelle représentant le combat. Cette émouvante performance nous a été offerte par des jeunes venant des favelas, et ce fut grandement apprécié de tous.

Honorables sénateurs, avant de conclure mon intervention, j'aimerais brièvement mentionner les grands axes de la politique étrangère brésilienne. La diplomatie brésilienne s'articule autour des priorités suivantes : se faire reconnaître comme puissance mondiale et de devenir le porte-parole d'une réforme de l'ordre international. Le Brésil milite pour l'élargissement du Conseil de sécurité des Nations Unies et est candidat à un siège de membre permanent.

(1340)

Il défend le G20 comme instance privilégiée de la gouvernance mondiale et la refonte des institutions financières internationales.

Son Honneur le Président intérimaire : Madame le sénateur désire-t-elle cinq minutes de plus?

Le sénateur Fortin-Duplessis : J'aurais besoin de cinq minutes supplémentaires.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci. Il plaide pour la conclusion du cycle de Doha.

Le Brésil souhaite conclure des partenariats stratégiques avec les grands pays émergents. Il développe une ambitieuse politique africaine et, depuis peu, une politique beaucoup plus active vers le Moyen-Orient. Il entend par ailleurs jouer un rôle plus important dans la résolution de certains problèmes régionaux aux enjeux internationaux comme le conflit israélo-palestinien ou le nucléaire iranien.

Le Brésil cherche à renforcer le marché commun du Cône Sud, le Mercosur, entre le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay.

Il souhaite également être le moteur de l'intégration et le leader de l'Amérique du Sud. Sous l'impulsion du président Lula, le Brésil s'est impliqué davantage dans le règlement des crises régionales en Colombie, au Venezuela, en Bolivie et en Haïti. Outre l'intégration régionale via le Mercosur, il vient aujourd'hui renforcer l'Union des nations sud-américaines, en se concentrant sur les thèmes économiques et de défense. Cette stratégie passe également par une protection militaire accrue des frontières terrestres et maritimes, comme les trafics illégaux et le crime organisé.

Honorables sénateurs, depuis plusieurs années, le Canada développe un partenariat stratégique avec le Brésil reposant sur un dialogue politique approfondi, une coopération très riche en matière culturelle, scientifique et technique et la présence de grandes entreprises canadiennes dans des secteurs clés de l'économie brésilienne. Plusieurs visites diplomatiques de très haut niveau ont témoigné du renforcement de ces relations. La victoire de Mme Dilma Rousseff à l'élection présidentielle permet d'inscrire ce partenariat dans la continuité.

[Traduction]

L'étude sur les questions relatives aux obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne

Adoption du septième rapport du Comité des droits de la personne

Le Sénat passe à l'étude du septième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Niveler les chances : Une progression naturelle du terrain de jeu au podium pour les personnes handicapées au Canada, déposé au Sénat le 12 juin 2012.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui au sujet du septième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Niveler les chances : Une progression naturelle du terrain de jeu au podium pour les personnes handicapées au Canada.

Je veux profiter de l'occasion pour féliciter notre estimé ancien collègue, l'honorable Vim Kochhar. Sa recommandation et sa vision ont donné lieu à cette étude. Le sénateur Kochhar a fait un travail remarquable pour appuyer et faire progresser le mouvement paralympique au Canada. Depuis qu'il a pris sa retraite du Sénat, il a continué de servir cette cause, notamment à titre de président de la Fondation paralympique canadienne et de la fondation canadienne pour personnes souffrant d'incapacité physique.

Il a également livré un témoignage fort utile lorsqu'il a comparu aux audiences du comité.

Je vous remercie, sénateur Kochhar, de vos efforts et de votre dévouement soutenus pour promouvoir les droits des personnes handicapées. Tous vos collègues au Sénat vous regrettent.

Honorables sénateurs, la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, que le Canada a signée en 2007 et ratifiée en 2010, reconnaît les droits des personnes handicapées qui participent à des activités sportives et récréatives. Pendant l'étude, notre comité s'est aperçu que le Canada n'avait pas encore reconnu complètement les droits inhérents dans la convention relative aux droits des personnes handicapées. Notre gouvernement doit agir pour respecter ses obligations en matière de droits de la personne aux termes de cette convention.

J'aimerais attirer votre attention sur le paragraphe 30(5) de la convention, qui porte sur les loisirs et les sports. La convention exige des États membres qu'ils encouragent et facilitent la participation. Ils doivent :

[...] Faire en sorte que les personnes handicapées aient accès aux lieux où se déroulent des activités sportives, récréatives et touristiques;

d. Faire en sorte que les enfants handicapés puissent participer, sur la base de l'égalité avec les autres enfants, aux activités ludiques, récréatives, de loisir et sportives, y compris dans le système scolaire;

e. Faire en sorte que les personnes handicapées aient accès aux services des personnes et organismes chargés d'organiser des activités récréatives, de tourisme et de loisir et des activités sportives.

Il y a 4,4 millions de Canadiens handicapés. Certaines études signalent qu'à peine 3 p. 100 d'entre eux participent régulièrement à des activités physiques organisées. Nous savons que les personnes handicapées qui souhaitent participer à la vie récréative, aux loisirs et aux sports sont confrontées à des obstacles bien particuliers, dont le coût de l'équipement spécialisé et du transport, le manque d'entraîneurs spécialisés et le manque d'information concernant les possibilités qui s'offrent à elles.

Darda Sales, nageuse paralympique, a témoigné devant notre comité à propos des obstacles financiers qui rendent la participation à des activités sportives plus difficile. Elle a dit :

Plusieurs athlètes n'ont jamais atteint le niveau international par manque d'argent. Il est extrêmement triste de constater le nombre de personnes handicapées qui ne sont pas actives par manque d'argent.

Ce que peu de gens comprennent, c'est que pour pratiquer ces sports, il faut de l'équipement spécialisé. Pour jouer au basketball en fauteuil roulant, il faut un fauteuil roulant adapté pour le basketball. Pour jouer au hockey sur luge, il faut une luge. C'est plus compliqué que de simplement prendre un ballon et aller jouer.

Les valeurs canadiennes fondamentales que sont la compassion et l'égalité exigent du Canada qu'il soit plus sensible aux obstacles qui limitent la participation des Canadiens handicapés.

Pendant l'étude, le comité a entendu plus de 30 témoins. Le rapport porte sur des questions comme la vie active et les droits de la personne pour les personnes handicapées, la santé et les droits de la personne, les obstacles à la participation et le développement des athlètes au Canada.

Le rapport du Comité des droits de la personne fait 13 recommandations. Dans l'ensemble, il demande au gouvernement fédéral de veiller à ce que les Canadiens aient des chances égales de faire du sport, en intégrant une analyse fondée sur la diversité et l'égalité des sexes dans la recherche et en élaborant et en mettant en œuvre des politiques et des programmes gouvernementaux concernant la participation aux activités sportives et récréatives.

Le rapport recommande aussi que le gouvernement veille à ce qu'il y ait un engagement ouvert, transparent et substantiel avec la société civile, les représentants des organismes de défense des personnes handicapées et le public relativement aux obligations du Canada en matière de droits de la personne aux termes de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Il recommande aussi que le gouvernement signe et ratifie le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Le rapport demande au gouvernement de prendre les mesures suivantes : examiner sa structure ministérielle relativement à la santé, à un mode de vie active et au sport pour assurer le développement de politiques et de programmes efficaces; travailler avec les gouvernements des provinces et des territoires pour multiplier les possibilités d'activités sportives; prioriser la construction d'installations récréatives et sportives accessibles à tous, partout au Canada; aplanir les obstacles économiques, comme les coûts de transport et d'équipement élevés pour les personnes handicapées, ainsi que souligner et rendre publiques les réalisations des athlètes paralympiques canadiens de la même manière que celles des athlètes olympiques.

Kim McDonald, directrice générale de l'Association des sports paralympiques, a défini l'esprit du paragraphe 30(5) comme étant le fait que tout le monde a le « droit de pratiquer le sport de son choix au calibre qui lui convient ».

Voilà l'esprit et l'approche qui ont guidé le Comité des droits de la personne pendant ses délibérations et la rédaction du rapport, et lors de ses consultations avec les représentants du gouvernement, les organismes qui défendent les droits des personnes handicapées, les athlètes paralympiques, les représentants onusiens et des citoyens intéressés.

Le gouvernement doit veiller à ce que les Canadiens aient des chances égales de pratiquer des activités récréatives et sportives, peu importe leur handicap, leur sexe, leur culture ou leur origine ethnique.

(1350)

Plusieurs témoins ont souligné à quel point il est important de promouvoir les initiatives pour les enfants et les jeunes handicapés et leur accès aux programmes communautaires. Honorables sénateurs, lorsque le Canada a signé la Convention relative aux droits de l'enfant, il s'est engagé à défendre les droits de tous les enfants, y compris ceux vivant avec un handicap. Nous devons en faire plus pour respecter cet engagement. Nous devons en faire plus, honorables sénateurs, parce que l'égalité des chances et l'accès aux sports et aux loisirs peuvent faire toute la différence dans la vie d'une jeune personne.

Durant l'une des audiences de notre comité, une jeune athlète, Christina Judd-Campbell, est venue raconter son histoire. Je la cite :

Pendant de nombreuses années, j'ai vraiment eu beaucoup de difficultés. Outre mes frères et sœurs, je n'avais pas vraiment d'amis; je ne trouvais aucune activité qui me plaisait ou dans laquelle j'étais bonne. Toutefois, ma vie a changé lorsque je me suis inscrite en gymnastique rythmique à OSC [...] Mes succès en gymnastique rythmique m'ont démontré qu'en mettant l'effort nécessaire, je pouvais exceller dans quelque chose. Ma confiance s'est améliorée et je suis fière des choses que j'accomplis. Je mène maintenant une vie très active et bien remplie. Je m'entraîne chaque jour en gymnastique rythmique. Je travaille à temps partiel chez Bureau en gros à quelques rues d'ici. Tous les matins, du lundi au vendredi, je vais au Collège Algonquin où je suis inscrite dans un programme spécial. Une fois par mois environ, je fais une présentation ou une démonstration sur les Olympiques spéciaux. J'ai de nombreux amis que je fréquente régulièrement, et je prends aussi des leçons d'équitation et prends soin de mes trois chevaux.

Honorables sénateurs, l'histoire de Christina montre bien l'importance fondamentale de l'activité physique dans la vie d'un enfant. Elle a dit : « Ma vie a changé. » Son bien-être physique, psychologique et social s'est amélioré du tout au tout.

[Français]

Je veux souligner en particulier notre conviction du rôle de chef de file que le gouvernement doit jouer en renouvelant la Politique canadienne du sport et en précisant une approche pancanadienne qui agit en faveur du droit des personnes handicapées et qui reflète les compétences provinciales et territoriales à cet égard.

Les fédérations se définissent par la promotion des partenariats et de la collaboration, et surtout elles offrent des possibilités de leadership et d'action coordonnée sur des questions complexes de politique publique.

Aucun gouvernement dans ce pays ne peut seul résoudre les problèmes d'accès au sport pour les personnes handicapées, mais nous ne pouvons pas non plus réaliser une meilleure reconnaissance des droits de la personne dans ce pays sans l'engagement actif du gouvernement fédéral.

Le gouvernement est un endroit où les gens se rassemblent et où personne n'est laissé pour compte. Nos terrains de jeux, centres de loisirs et centres de formation sportive ne devraient pas être différents.

[Traduction]

Honorables sénateurs, j'espère que nous poursuivrons le débat sur le rapport de notre comité.

Je profite de l'occasion pour remercier, au nom du comité, le greffier du comité, Dan Charbonneau, et l'analyste de la Bibliothèque, Julian Walker. Ils ont tous deux travaillé très fort pour traduire les différents points de vue des membres du comité et je les en remercie au nom de ces derniers.

La façon dont nous, les sénateurs, pouvons le mieux défendre les droits des Canadiens handicapés fait l'objet de ce rapport.

Des voix : Le vote!

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis (Son Honneur la Présidente suppléante) : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

La guerre de Corée

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation du sénateur Martin, attirant l'attention du Sénat sur

a) l'importance de la guerre de Corée, troisième guerre la plus sanglante de l'histoire du Canada, mais souvent appelée « la guerre oubliée »;

b) la contribution du Canada à cette guerre de trois ans dans la péninsule coréenne, notamment le déploiement de 26 791 Canadiens en renfort de la Corée du Sud, dont 516 qui ont fait l'ultime sacrifice, et de 7000 gardiens de la paix arrivés après la signature à Panmunjom de la Convention d'armistice en Corée, il y aura 59 ans le 27 juillet.

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet de l'interpellation visant à souligner l'importance de la guerre de Corée pour le Canada, qui a été présentée par ma collègue de la Colombie-Britannique, madame le sénateur Yonah Martin.

Comme les sénateurs le savent, le 14 juin, madame le sénateur Martin a donné avis qu'elle attirerait l'attention du Sénat sur l'importance de la guerre de Corée, troisième guerre la plus sanglante de l'histoire du Canada, mais souvent appelée « la guerre oubliée », de même que sur la contribution du Canada à cette guerre de trois ans dans la péninsule coréenne, notamment le déploiement de 26 791 Canadiens en renfort de la Corée du Sud, dont 516 qui ont fait l'ultime sacrifice, et de 7 000 gardiens de la paix arrivés après la signature à Panmunjom de la Convention d'armistice en Corée, il y aura 59 ans le 27 juillet.

[Français]

Honorables sénateurs, je suis très fier de pouvoir participer au débat entourant cet avis d'interpellation. C'est une occasion en or pour moi de reconnaître et célébrer la solide relation bilatérale qui existe entre le Canada et la Corée du Sud.

Honorables sénateurs, les Canadiens de race noire ont une longue histoire de service en uniforme. Avant la Seconde Guerre mondiale, il était souvent difficile pour les Noirs de s'enrôler dans l'armée canadienne. L'attitude et les préjugés de plusieurs personnes responsables de l'enrôlement militaire en ont été la cause. Cependant, les Canadiens de descendance africaine ont laissé une marque durable sur les forces militaires canadiennes et ce, depuis des siècles.

Plusieurs d'entre eux ont consenti le sacrifice ultime.

[Traduction]

Par exemple, mon grand-père, William White, s'est enrôlé dans l'armée canadienne et a été aumônier pendant la Première Guerre mondiale. Il était le seul officier noir de l'armée britannique.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs milliers de Noirs, hommes et femmes, ont servi notre pays et défendu la liberté et la démocratie en Europe.

Depuis 1945, les Canadiens noirs ont continué de servir dans l'armée, mais le rôle qu'ils ont été appelés à jouer a évolué. Lors de la guerre de Corée, le Canada est retourné au front pour aider les forces des Nations Unies. Des soldats noirs faisaient partie des troupes de l'armée canadienne qui ont été envoyées au combat à l'autre bout du monde, dans un pays que la plupart d'entre eux ne connaissaient pas du tout.

Je songe par exemple à Joseph Allan Niles, un homme d'Halifax, en Nouvelle-Écosse, qui s'est enrôlé dans les Forces canadiennes en mai 1951, à l'âge de 17 ans. Il a fait partie d'une force spéciale au sein du Royal Canadian Regiment. En mars 1952, il s'est rendu en Corée, où il a participé à des patrouilles de combat et vu ce qui se passait en première ligne.

[Français]

Né en 1931, M. Gus Este, un Noir de Montréal, a aussi servi son pays avec distinction en tant qu'adjoint médical durant la guerre de Corée. Plus tard, il a participé à des missions en Égypte et en Allemagne.

Errol Patrick, un autre Noir de Montréal, a pris sa retraite après une brillante carrière de 33 ans dans l’armée canadienne. M. Patrick s’est joint aux Forces armées canadiennes durant la guerre de Corée. Il a été soldat dans l’artillerie royale canadienne et membre du 1er Régiment de la Royal Canadian Horse Artillery. C’était un courageux soldat qui a participé à l’effort de guerre du Canada en Corée. Il était chef adjoint en artillerie lorsqu’il a pris sa retraite, en 1985.

[Traduction]

Il faut raconter l'histoire de ces trois soldats canadiens noirs qui ont servi en Corée. C'est pour rendre hommage à ces soldats, de même qu'aux milliers d'autres anciens combattants canadiens, que je souhaite intervenir au sujet de l'interpellation du sénateur Martin.

De plus, il y a plusieurs années que je m'occupe de questions de nature politique qui touchent la péninsule coréenne. En tant que président du groupe canadien de l'Union interparlementaire, j'ai travaillé en étroite collaboration avec de hauts responsables de l'Assemblée législative de la République de Corée, y compris M. Young Chin, dans le cadre d'une initiative visant à créer un comité spécial de l'Union interparlementaire sur la paix et la réunification coréenne. Ensemble, nous voulons trouver des façons de renforcer les liens entre nos deux pays, de même qu'entre les deux Corées. Ce comité ferait la promotion des valeurs humanitaires et des droits de la personne; il favoriserait le dialogue, les échanges et la coopération entre les deux Corées; il encouragerait le développement économique de la Corée du Nord et faciliterait la réunification des familles de la Corée du Nord et de la Corée du Sud séparées par la guerre.

(1400)

Malgré le solide appui exprimé par bon nombre d'États membres, l'UIP a choisi de ne pas créer ce comité pour le moment.

Honorables sénateurs, le moment me semble bien choisi pour dire quelques mots à propos de l'interpellation de madame le sénateur Martin. Elle a décrit d'une manière touchante les effets de la guerre de Corée sur les familles coréennes et les soldats canadiens, et a mis en valeur les innombrables contributions du Canada au travail accompli par l'ONU en Corée. Je remercie le sénateur Martin d'avoir abordé ce sujet au Sénat et de donner aux sénateurs l'occasion de participer à ce débat.

Comme l'a signalé le sénateur Martin, la guerre de Corée est souvent surnommée « la guerre oubliée », en raison du peu de publicité et de couverture médiatique qu'elle a reçu à l'époque. Comme l'a dit récemment un ancien combattant de la guerre de Corée :

Nous avons longtemps été oubliés. La guerre de Corée suivait de trop près la Seconde Guerre mondiale. Puis il y a eu la guerre du Vietnam, largement couverte par les chaînes de télévision. À l'opposé, la guerre de Corée était seulement mentionnée brièvement dans le journal ou dans le bulletin de nouvelles au cinéma.

Plusieurs Canadiens ne sont pas conscients du rôle qu'a joué le Canada pendant la guerre de Corée, l'un des épisodes les plus tendus de la guerre froide. Il est d'autant plus important de commémorer le travail du Canada en Corée et de rendre hommage aux militaires qui y ont servi, notamment aux nombreux soldats noirs envoyés au combat.

Honorables sénateurs, c'est le 25 juin que cette guerre a été déclenchée il y a soixante-deux ans. Le 25 juin 1950, des forces armées de la Corée du Nord ont franchi le 38e parallèle et sont entrées en République de Corée. Comme vous le savez, c'est après la Seconde Guerre mondiale que le 38e parallèle est devenu la ligne de démarcation entre les deux nouveaux pays indépendants, la Corée du Nord et la Corée du Sud. De nombreux raids et attaques avaient eu lieu de part et d'autre de la frontière de 1945 à 1950. Mais le 25 juin 1950, il était évident que l'attaque de la Corée du Nord contre la Corée du Sud constituait une violation de la paix et une véritable invasion.

La guerre de Corée opposait un État communiste, la Corée du Nord, et un État capitaliste, la Corée du Sud. D'un côté, il y avait la Corée du Nord, appuyée par les forces chinoises et soviétiques, et de l'autre, l'Organisation des Nations Unies, qui exhortait ses membres, y compris le Canada, à mener une campagne militaire collective contre l'invasion militaire agressive de la Corée du Sud par la Corée du Nord. Le Canada a répondu à l'appel du devoir.

Dans les trois semaines qui ont suivi le commencement de la guerre, trois destroyers canadiens ont été déployés dans les eaux coréennes, sous le commandement des forces onusiennes. Tous les services des Forces canadiennes ont combattu en Corée, que ce soit les forces terrestres, les forces navales ou les forces aériennes. La Marine royale canadienne fut parmi les premiers à arriver sur les lieux, et parmi les derniers à se retirer. Elle a envoyé au combat plus de 3 600 militaires. Au sol, le Contingent spécial de l'armée canadienne se composait de 22 000 soldats. En tout, près de 27 000 Canadiens ont pris part à la guerre. Après la signature de l'armistice, en juillet 1953, 7 000 autres Canadiens ont joint les forces, et quelques troupes canadiennes sont demeurées en Corée jusqu'en 1957. Les militaires canadiens ont fait un travail exceptionnel en Corée.

Permettez-moi de vous parler de l'une des victoires remportées par les Forces canadiennes en Corée, lors de la bataille de Kapyong, qui s'est déroulée en avril 1951.

La bataille opposait la 27e Brigade du Commonwealth britannique, composée de soldats canadiens et australiens, et les forces de la Corée du Nord et de la Chine. La Princess Patricia's Canadian Light Infantry, une division du Contingent spécial de l'Armée canadienne, a combattu au sein de la 27e Brigade. Les soldats des forces alliées ont dû endurer une température glaciale et composer avec un terrain accidenté tout en forçant les forces chinoises à se retirer vers le nord. Au milieu d'avril 1951, les forces alliées du Commonwealth sont descendues dans la vallée de Kapyong, où elles ont dû faire face à une attaque d'une grande ampleur menée par les armées de la Chine et de la Corée du Nord. La brigade du Commonwealth a érigé des barrages et établi des postes de défense dans la vallée de Kapyong pour empêcher les forces chinoises d'avancer davantage vers le sud. Les Australiens défendaient la côte 504, et les Canadiens, la côte 677.

Le 22 avril, les Chinois se sont infiltrés dans les positions de la brigade sur la cote 504 et les Australiens ont été obligés de se retirer. Les Chinois ont ensuite attaqué les Canadiens sur la cote 677. Les Chinois n'ont pas réussi à déloger les Canadiens, qui ont maintenu leur position et empêché toute une division chinoise de percer le front central du commandement des Nations Unies.

En fin de compte, la participation du Canada à cette bataille a empêché les Chinois de s'emparer de Séoul, la capitale de la Corée du Sud.

Dix soldats canadiens ont été tués pendant l'offensive et 27 autres ont été blessés pendant la bataille de Kapyong. Les braves Canadiens qui ont combattu à Kapyong ont mérité une citation du président des États-Unis pour leur courage indiscutable. Ils ont vraiment été un élément clé de la victoire des forces alliées des Nations Unies.

Outre la bataille de Kapyong, nous avons plusieurs autres raisons d'être fiers des anciens combattants qui ont participé à la guerre de Corée. Je pense notamment aux soldats du 3e Bataillon du Royal Canadian Regiment qui ont participé à la bataille de la cote 187 les 2 et 3 mai 1953. Ce fut le combat le plus sanglant auquel le Canada a participé pendant la guerre de Corée. Les hostilités ont fait rage pendant huit heures. Ce jour-là, le Canada a perdu 25 soldats sur le champ de bataille; 27 ont été blessés et huit autres sont disparus durant le combat.

En dépit de l'offensive musclée des Chinois, les forces de l'ONU ont conservé le contrôle de la cote 187. Ce fut la dernière offensive militaire d'importance effectuée par les Forces canadiennes pendant cette guerre. Les pourparlers de paix ont finalement mené à la signature de l'armistice le 27 juillet 1953.

En tout, plus de 930 000 personnes provenant de 16 pays alliés ont servi dans les forces sous le commandement de l'ONU pendant cette guerre qui a duré trois ans. Du côté de l'ONU, le nombre de soldats morts ou blessés au combat s'est élevé à près de 490 000, dont 1 558 Canadiens.

Selon certaines sources, dans les deux camps, il y aurait eu plus de 2 millions de soldats morts ou blessés, et 2,5 millions de civils auraient été tués ou blessés pendant la guerre. Ce sont des chiffres énormes. À chaque perte, tant civile que militaire, correspond une personne qui mérite qu'on se souvienne d'elle et non qu'on l'oublie. C'est à cause de ces personnes et en leur nom que je suis honoré de participer à ce débat.

Honorables sénateurs, la participation du Canada à la guerre de Corée n'est pas passée inaperçue. Les Sud-Coréens éprouvent beaucoup de gratitude envers les Canadiens qui ont combattu là-bas. Un monument commémorant la participation du Canada a par exemple été érigé en Corée du Sud en 1985. Le Monument commémoratif du Canada à Naechon est situé en face des collines défendues par les Forces canadiennes pendant la bataille de Kapyong.

Le 22 juin, la Corée du Sud a rendu un hommage unique au plus vieil ancien combattant canadien de la guerre de Corée encore en vie. Le gouvernement sud-coréen a en effet émis une série de timbres commémoratifs en l'honneur du major Campbell Lane, qui a servi pendant la guerre de Corée.

Vendredi dernier, un haut fonctionnaire du ministère des Anciens Combattants de la Corée du Sud a rendu visite au major Lane, qui aura 100 ans la semaine prochaine, à son domicile d'Ottawa, afin de lui exprimer la plus profonde gratitude de la Corée du Sud pour sa participation à titre de commandant du corps du génie militaire.

Au Canada, les anciens combattants de la guerre de Corée ont leur monument à Brampton, en Ontario. Un mur commémoratif de 60 mètres de long rend hommage aux 516 soldats canadiens qui ont perdu la vie pendant la guerre de Corée. Le nom de chacun des soldats qui a payé de sa vie le prix de la liberté est inscrit sur une plaque de bronze.

L'an dernier, le premier ministre Harper et le ministre des Anciens Combattants, Steven Blaney, ont participé à une cérémonie commémorative à Brampton à l'occasion du 58e anniversaire de l'armistice de la guerre de Corée.

Voici ce qu'a déclaré le premier ministre à cette occasion :

Le sacrifice désintéressé de ceux qui ont relevé le défi a contribué à établir la réputation du Canada en tant que nation luttant contre l'injustice et la répression au-delà de ses frontières.

Le ministre Blaney a quant à lui ajouté ce qui suit :

Comme il s'agit de l'une des participations armées du Canada les plus importantes au sein d'un conflit au XXe siècle, nous devons nous souvenir des sacrifices consentis par ces anciens combattants qui ont tout donné pour défendre la liberté et la démocratie et veiller à perpétuer le souvenir de leur héritage pour les générations à venir.

Ottawa, notre capitale nationale, abrite également le Monument aux canadiens tombés au champ d'honneur, qui rend notamment hommage aux Canadiens qui ont servi en Corée. Le monument représente un volontaire canadien et deux enfants coréens. Un monument identique a été érigé au cimetière commémoratif des Nations Unies, en Corée, où sont enterrés 378 Canadiens.

Le site web du ministère canadien des Anciens Combattants rend également hommage aux nombreux anciens combattants de la guerre de Corée, y compris les Afro-Canadiens Joseph Niles, Gus Este et Errol Patrick. Le site présente la biographie et des entrevues d'archives de chacun d'entre eux.

Le premier ministre Harper a également reconnu que les efforts héroïques de nos militaires canadiens pendant la guerre de Corée n'ont pas bénéficié de l'attention qu'ils méritaient.

(1410)

Le 6 mai 2011, il leur a rendu hommage en faisant la déclaration suivante :

La tragédie de la bataille de la colline 187 et l'incroyable victoire de la bataille de Kapyong — deux des inoubliables batailles de la guerre de Corée — n'ont pas été relatées adéquatement dans les journaux canadiens à l'époque. Aujourd'hui, au nom du gouvernement du Canada, je souhaite honorer les anciens combattants canadiens de la guerre de Corée et souligner l'importance de ces journées pour le Canada. [...] J'encourage tous les Canadiens à garder en mémoire ces jours historiques dans l'espoir que la guerre de Corée ne soit jamais oubliée.

Honorables sénateurs, j'estime moi aussi qu'il est important que tous les Canadiens se souviennent des sacrifices des anciens combattants qui ont participé à la guerre de Corée. Il faut raconter ce qu'ils ont vécu.

Il est donc tout naturel que le Sénat ait adopté unanimement, le 8 juin 2010, la motion du sénateur Martin qui avait pour but de faire du 27 juillet de chaque année la Journée nationale des anciens combattants de la guerre de Corée.

Honorables sénateurs, m'accordez-vous cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Robichaud : Dix minutes.

Le sénateur Oliver : L'apport et la participation du Canada à la guerre de Corée démontre sa détermination à défendre les idéaux des Nations Unies et à prendre les armes pour défendre la démocratie et la paix. J'espère que nous ne dirons plus, un jour, que la guerre de Corée est la « guerre oubliée ». À bien des égards, elle a façonné le Canada et marqué une nouvelle ère pour notre pays, qui intervenait désormais dans les affaires internationales. Les militaires canadiens ont participé à des missions de paix et à des forces d'urgence dans le monde entier. Cette guerre a contribué à faire du Canada un pays voué au maintien de la paix.

Honorables sénateurs, je vous invite également à vous joindre à moi pour remercier madame le sénateur Martin de son extraordinaire travail de sensibilisation à la participation du Canada à la guerre de Corée. J'invite bien sûr les sénateurs à participer au débat sur le sujet. Il est important que nous prenions tous part à cette discussion.

En l'honneur des 26 791 Canadiens qui ont servi dans nos forces armées pendant la guerre et des 7 000 gardiens de la paix, j'exhorte le Sénat à reconnaître leurs nombreuses contributions et leur engagement à l'égard de la paix et de la liberté.

Ensemble, nous pouvons faire mieux que de simplement ne jamais les oublier. Nous pouvons rétablir les faits au sujet de la participation remarquable du Canada durant la guerre de Corée.

L'honorable Michael Duffy : Honorables sénateurs, je souscris aux observations qu'ont faites l'intervenant précédent et le sénateur Martin à ce sujet.

Je pense qu'il est remarquable que l'expression « guerre de Corée » soit employée ici. Pendant des générations, les bureaucrates d'Ottawa parlaient de ce terrible conflit comme étant une intervention policière et non une guerre.

Pourquoi disaient-ils que c'était une intervention policière? Pour pouvoir refuser aux êtres courageux qui se sont battus pour la liberté les prestations d'anciens combattants qui leur étaient dues, prestations qui sont versées à ceux qui participent à une guerre. C'était honteux. Cette manière d'agir perpétuait une tradition instituée par les gouvernements précédents : dénigrer les gens qui ont fait d'énormes sacrifices. Je suis ravi de voir que deux de nos collègues — et le premier ministre dans son intervention — ont eu le courage d'appeler le conflit par son nom. C'était une guerre pour la paix en Asie et personne ne peut le nier.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : J'ai une question, que je voulais poser au sénateur Oliver avant cette intervention. Le sénateur Oliver avait encore du temps, l'honorable sénateur a pris la parole et on n'a pas vu que je voulais intervenir. Puis-je poser une question au sénateur Oliver pendant le temps qu'il lui reste?

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Dallaire : Je remercie le sénateur Oliver de l'examen historique très approprié qu'il a fait de la participation du Canada au « conflit » en Corée, qui est en fait le terme qu'utilisent les historiens. Le sénateur a mentionné que durant ce conflit auquel les Nations Unies ont participé, le PPCLI a pris position sur la colline 677. Mon régiment, le 1 RCHA, s'est battu pour défendre cette colline. Chaque fusil a fait feu plus de 800 fois cette nuit-là. En fait, les cuisiniers sortaient les munitions des camions, qui étaient ensuite directement insérées dans la culasse des fusils. Cette colline a été un symbole du courage dont ont fait preuve les Forces canadiennes en Corée, comparativement à plusieurs alliés : nous avons fait du bon travail dans la bataille de Kapyong.

Cependant, lorsque je me suis enrôlé dans l'armée, il y avait encore des soldats de la guerre de Corée en service actif, dont un sergent noir nommé Sammy Best.

Je voulais poser une question au sénateur à propos de son affirmation concernant la mesure dans laquelle les soldats noirs, même ceux qui avaient servi dans d'autres guerres, étaient acceptés dans les rangs de l'armée. La nuit suivant l'arrivée de Sammy Best en Allemagne, il y a eu ce qu'on appelle une « boule de neige ». Il s'agit d'un exercice d'alerte auquel nous devions répondre en rentrant à la base et en nous préparant à partir. On parcourait la ville avec des microphones, en criant « boule de neige ». Dans le quartier des logements familiaux, on cognait à la porte pour réveiller les gens, car il était 2 heures du matin, et leur dire « boule de neige ».

Sammy Best était un soldat noir. Après avoir ouvert la porte, il s'est retrouvé nez-à-nez avec un Blanc qui lui a dit « boule de neige »; Sammy l'a étalé d'un seul coup de poing. Il a été accusé de voies de fait mais n'a pas été traduit devant un tribunal militaire.

Cependant, il y avait toujours un peu de friction avec les soldats noirs, même s'il s'agissait d'anciens combattants. Le sénateur a-t-il perçu cela dans ses conversations avec les anciens combattants?

Le sénateur Oliver : Je n'ai pas eu de conversation avec les anciens combattants; j'ai seulement lu leurs récits. Ce que je sais, c'est que le premier homme noir à avoir servi dans la Première Guerre mondiale était mon grand-père; il a consigné de nombreux incidents de racisme flagrant dont il a été victime, même s'il était membre du clergé.

Plus tard, dans la Seconde Guerre mondiale, mon frère, le révérend Oliver, a servi en tant qu'aumônier en Europe et a lui aussi été victime d'infâmes humiliations dues aux mauvaises relations interraciales. Durant la Seconde Guerre mondiale, un certain nombre de Noirs qui s'étaient enrôlés ne pouvaient servir et ont dû former, comme le sait le sénateur, leur propre régiment afin de pouvoir défendre et servir leur pays.

Il est certain que le XIXe siècle n'était pas un siècle pour les Noirs désireux de s'enrôler pour servir le Canada.

Le sénateur Dallaire : Fait intéressant, on a créé le seul régiment canadien-français pendant la Première Guerre mondiale dans des circonstances semblables. On ne voulait pas laisser les soldats francophones ensemble parce qu'on se demandait à qui irait leur loyauté. Ils étaient dispersés entre différents régiments. Finalement, on a réussi à convaincre le gouvernement de créer un régiment canadien-français, le Royal 22e Régiment, qui a fort bien combattu. Les Canadiens français ont parcouru le chemin inverse.

Merci de votre discours.

Le sénateur Oliver : Les Noirs formaient le Bataillon de construction. Celui-ci a traversé l'Atlantique, et il était entièrement composé de Noirs désireux de servir le Canada.

L'honorable Betty Unger : Honorables sénateurs, je prends aussi la parole pour rendre hommage aux anciens combattants de la guerre de Corée dont le sacrifice a été la pierre d'assise de la République de Corée forte et libre que nous connaissons aujourd'hui.

Après les événements tragiques du 25 juin 1950 — lorsque l'armée nord-coréenne a envahi le Sud — la communauté internationale répond rapidement à la crise et se mobilise sous l'égide des Nations Unies. Seize pays, dont le Canada, envoient des troupes pour aider au combat. Au cours de cette guerre, environ 266 000 militaires ont servi dans les forces alliées, dont 26 791 Canadiens.

Avec l'aide de ses alliés, la Corée du Sud a réussi à repousser l'avance nord-coréenne, mais les combats intenses et perpétuels n'ont pas permis d'en arriver à une victoire décisive.

Finalement, on a signé un armistice à Panmunjom le 27 juillet 1953. Depuis ce temps, la Corée est divisée par le 38e parallèle. Grâce aux efforts de l'ONU et du Canada, la Corée du Sud a conservé sa souveraineté.

Depuis le règlement temporaire du conflit, la Corée du Sud a connu un essor remarquable. Elle était le deuxième pays le plus pauvre des Nations Unies, mais maintenant son économie occupe le onzième rang à l'échelle mondiale. Aujourd'hui, la Corée du Sud est perçue comme étant un modèle idéal de croissance, et les pays les plus pauvres tentent de reproduire le « miracle de la rivière Han », qui a vu la stupéfiante transformation de la Corée du Sud, d'un pays fortement dépendant de l'aide internationale à un pays prospère, qui contribue à l'aide internationale, en moins de six décennies.

(1420)

En plus de la prospérité économique, la Corée du Sud a aussi connu l'épanouissement de la démocratie, fait pour lequel elle est très reconnaissante envers la communauté internationale et envers tous ceux qui ont défendu sa liberté.

Pour témoigner la gratitude de son pays, le ministère coréen des Anciens Combattants parraine chaque année la visite de vétérans qui ont fait la guerre de Corée. Mentionnons également le programme de visite à Kapyong organisé tous les mois d'avril. Cette année, 52 anciens combattants de la guerre de Corée, accompagnés de parents ou de soignants, se sont rendus dans ce pays pour la première fois depuis qu'ils s'y sont battus. Cette année a été exceptionnelle, car, après 60 ans, le soldat Archie Hearsey a été réuni avec son frère Joseph, tombé au combat en 1951. La fille du soldat Archie, Debbie Hearsey, a exaucé les vœux de son père décédé en amenant ses cendres en Corée, afin qu'elles soient enterrées auprès de la dépouille de son oncle Joseph.

J'ai entendu ma collègue, l'honorable Yonah Martin, parler de la guerre de Corée par le passé. Ses propos ne m'avaient pas particulièrement touchée jusqu'à ce qu'une amie, Brenda Aruda, me raconta l'expérience douce-amère qu'elle et son père ont vécue lorsqu'ils ont visité la Corée, en compagnie d'autres anciens combattants et leurs familles, en avril dernier. Comme pour bien des anciens combattants de la guerre de Corée, Norman Thomas Arthur — c'est le nom du père de Brenda — avait toujours pensé retourner dans ce pays un jour.

Cette année, Brenda a donc accompagné son père, veuf depuis peu, durant son premier voyage en Corée depuis la guerre. Elle avait plusieurs anecdotes à me raconter à propos de leur voyage : la cérémonie de départ, où le sénateur Martin a fait une allocution; leur arrivée à Séoul, en Corée du Sud, où, à leur grande surprise, plus de 200 représentants des médias les attendaient; les progrès accomplis par la Corée du Sud depuis 60 ans, que M. Arthur a pu constater. Brenda raconte que son père a dit : « Ce voyage est comme un retour en arrière et un saut dans le futur. »

Le voyage a aussi été chargé d'émotion pour Brenda que pour son père. En effet, Brenda et Debbie Hearsey ont noué des liens bien particuliers, étant sur la même longueur d'onde. Toutes deux pleuraient la perte d'un parent et, ensemble, elles en ont appris énormément sur la culture coréenne et sur la valeur et le sacrifice de nos anciens combattants.

La vue des contreforts où s'étaient déroulés les combats, il y a tant d'années, a bouleversé les anciens combattants. M. Arthur a dit que c'était la Corée dont ils se souvenaient.

Le jour des funérailles, il pleuvait à verse. C'était comme si la Corée du Sud pleurait, elle aussi, mais tous les arbres étaient en fleurs et le cimetière était magnifique. C'était triste de voir les anciens combattants chercher, sur les pierres tombales, le nom d'un parent ou d'un ami disparu. Un ancien combattant a cherché le nom d'un compagnon qu'il avait transporté depuis le champ de bataille, mais qui n'avait pas survécu.

M. Arthur était un infirmier membre du régiment d'infanterie légère Princess Patricia d'Edmonton. Il est arrivé peu avant la fin de la guerre. Ses principales fonctions étaient liées au maintien de la paix, même si les combats n'avaient pas encore cessé. Brenda a rappelé à son père l'importance du maintien de la paix et lui a fait remarquer que lui et ses compagnons avaient aussi contribué à changer les choses.

Le rôle du régiment d'infanterie légère Princess Patricia consiste à s'approcher de l'ennemi pour l'éliminer par diverses méthodes, notamment en se déplaçant à pied sur des terrains accidentés peu praticables pour les troupes mécanisées. Le 2e bataillon du régiment Princess Patricia a reçu la Presidential Citation des États-Unis pour la bravoure dont il a fait preuve à la bataille épique de Kapyong, à la fin d'avril 1951.

Brenda a également déclaré ceci :

Nous n'oublierons jamais le respect profond et sincère avec lequel les anciens combattants et leurs familles ont été traités par tous les Coréens.

Même les jeunes élèves ont été mis à contribution. Ils ont poussé les fauteuils roulants des anciens combattants et aidé de diverses façons.

Elle a conclu en déclarant ceci :

Il est très difficile pour moi d'expliquer pourquoi j'ai pleuré pour les soldats qui reposent en paix en Corée, tout en étant immensément fière d'eux.

Honorables sénateurs, je ne peux même pas imaginer la peine et la souffrance des familles et des amis des soldats qui ont participé à la guerre de Corée ainsi que des 516 soldats qui ont sacrifié leur vie. Ils ont participé à une guerre qu'on appelait un « conflit ». Lorsqu'ils sont rentrés au pays, au lieu de les accueillir en héros, nous les avons ignorés et oubliés.

Au nom de tous ces valeureux soldats et de leur famille, je tiens à remercier le sénateur Martin d'avoir parlé de cette guerre aux sénateurs et à tous les Canadiens.

Honorables sénateurs, je vous prie de vous joindre à moi pour souligner les réalisations de la République de Corée, qui a été fondée grâce aux sacrifices de nos valeureux anciens combattants, de même que la promesse que les Forces canadiennes n'ont pas oublié — et n'oublieront pas — ceux qui ont combattu là-bas, il y a 60 ans.

(Sur la motion du sénateur Dallaire, le débat est ajourné.)

L'importance de l'Asie pour la prospérité future du Canada

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Poy, attirant l'attention du Sénat sur l'importance de l'Asie pour la prospérité future du Canada.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je suis très heureuse d'intervenir aujourd'hui au sujet de l'interpellation du sénateur Poy sur l'importance de l'Asie pour la prospérité future du Canada. Je remercie le sénateur Poy d'avoir attiré l'attention du Sénat du Canada sur cette question fort importante.

Le Canada et l'Asie ont établi de solides relations d'interdépendance fondées sur le commerce, la culture, le développement, l'immigration et d'autres aspects essentiels de la coopération internationale. La culture asiatique est partie intégrante de la société et de l'histoire canadiennes. Il est impératif de rappeler l'importance de l'Asie pour le Canada, de comprendre ce fait et d'en parler.

Avant de commencer mon discours, j'aimerais prendre quelques instants pour saluer les nombreuses contributions que le sénateur a apportées au Canada et à l'institution que nous servons. Madame le sénateur Poy est une femme remarquable qui a apporté une précieuse contribution dans plusieurs domaines, que ce soit le commerce, l'éducation, la philanthropie ou le service public au Canada. Pendant qu'elle siégeait au Sénat, madame le sénateur Poy s'est consacrée à la problématique homme-femme, à l'immigration, au multiculturalisme et aux droits de la personne. Le rôle qu'elle a joué dans l'élaboration de politiques publiques et l'étude des mesures législatives a eu des répercussions directes et positives sur la vie des Canadiens. Je pense surtout au leadership dont elle a fait preuve afin que l'on reconnaisse le mois de mai comme étant le Mois du patrimoine asiatique, partout au Canada. Je suis donc très heureuse d'intervenir aujourd'hui dans le cadre de son interpellation.

[Français]

Comme le sénateur Poy en a si bien fait état, nous savons désormais que, au cours de la prochaine décennie, l'Asie deviendra le centre mondial de l'innovation et de la technologie. En tant que chef de file mondial dans la fabrication de biens de consommation de masse, l'Asie a besoin non seulement de nos ressources naturelles, mais aussi de nos technologies et de notre savoir-faire dans les domaines de l'éducation et de la gouvernance.

C'est ainsi que la prospérité à long terme du Canada dépendra de la capacité des décideurs canadiens de comprendre et saisir les possibilités économiques qu'offre cette région du monde et d'en profiter. Certaines entreprises, institutions d'enseignement postsecondaire, organismes non gouvernementaux et gouvernements provinciaux entretiennent déjà des liens étroits avec l'Asie.

(1430)

[Traduction]

Canada a noué depuis longtemps un dialogue fructueux avec l'Asie, qu'on pense aux premiers missionnaires canadiens du XIXe siècle ou à la vente de blé dans les années 1960. La Chine revêt une importance particulière pour le Canada et pour ma province, l'Alberta. Selon moi, les liens durables tissés entre nos deux nations sont l'exemple même d'un dialogue, d'un partenariat et d'une coopération interculturels réussis.

Parmi les Albertains, environ 137 000 sont d'origine chinoise. Le programme bilingue anglais-chinois offert en Alberta est le premier du genre dans le monde. Quatorze écoles de l'Alberta offrent un tel programme. Parmi les pays d'origine des étudiants étrangers qui étudient en Alberta, la Chine occupe le deuxième rang. La Chine représente aussi un marché émergent pour les spécialistes albertains des sciences et de la technologie, grâce à plusieurs ententes visant à favoriser la coopération en matière de recherche et de développement dans des domaines comme la technologie de l'information et des communications, les sciences de la vie, les écotechnologies, les matériaux de pointe, les technologies énergétiques et l'agriculture de pointe.

L'Université de l'Alberta peut aussi s'enorgueillir de son Institut de la Chine, un centre de recherche voué à renforcer le dialogue et la compréhension entre le Canada et la Chine. L'institut a été fondé en 2005 dans le but d'encourager les occasions d'enseignement entre le Canada et la Chine et de favoriser la création de liens solides entre l'Université de l'Alberta et les universités chinoises.

L'institut étudie principalement la Chine contemporaine. Il mène notamment des recherches de pointe sur la politique énergétique, la vie politique, l'économie, les questions sociales et la culture de la Chine, de même que les relations Canada-Chine, autant de sujets importants qui guident l'établissement des politiques. L'Institut de la Chine sert donc de point de rencontre entre l'Université de l'Alberta, la ville d'Edmonton, la province de l'Alberta et le Canada, d'une part, et les diverses universités, institutions et collectivités locales de la Chine, d'autre part. Depuis la création de l'institut en 2005, l'Université de l'Alberta a créé un vaste réseau regroupant des administrations locales, des établissements de recherche et des organismes subventionnaires.

J'aimerais aussi ajouter qu'en Alberta, la collection d'objets d'art Mactaggart de l'Université de l'Alberta, composée de plus de 1 000 œuvres d'art chinoises rares, contribue grandement à approfondir notre connaissance des cultures, des traditions et des coutumes de l'Extrême-Orient. Le gouvernement fédéral a attesté qu'il s'agit de biens culturels canadiens correspondant aux critères d'importance nationale. Ce contact direct avec des objets qui ont une importance culturelle et artistique permet de promouvoir le patrimoine asiatique — grâce à la visibilité et à l'accessibilité de ces œuvres — tout en contribuant aux échanges et à la compréhension entre les cultures.

Honorables sénateurs, parmi les grandes économies du XXIe siècle, celle de la Chine connaît la croissance la plus rapide, et ce pays est le deuxième partenaire commercial en importance de l'Alberta. L'économie de la Chine, qui comprend un cinquième de la population mondiale, et qui affiche une croissance annuelle de près de 10 p. 100, a doublé tous les sept ou huit ans depuis la fin des années 1970. Cette tendance a donné lieu à la plus longue période de croissance économique continue qu'a connue le plus grand groupe de la population mondiale dans l'histoire de l'humanité. En quelques décennies, la Chine a permis à plusieurs centaines de millions de personnes de sortir de la pauvreté, ce qui est un autre record historique.

Le pays est engagé à toute allure sur la voie de la modernisation. Aujourd'hui, l'économie de la Chine se classe au quatrième rang, derrière celles des États-Unis, du Japon et de l'Allemagne. Au cours des dernières années, les liens économiques entre le marché canadien et le marché chinois se sont développés rapidement, puisque la Chine compte de plus en plus sur les ressources naturelles du Canada et, surtout, sur le secteur albertain de l'énergie pour poursuivre sa croissance.

Les investissements de la Chine en Alberta ont atteint un niveau sans précédent, et ils façonneront de manière importante l'avenir de l'industrie de l'énergie. Par conséquent, nous devons encourager davantage la contribution de ce pays à la diversification des liens économiques, aux investissements et au secteur du tourisme.

Le sénateur Poy a exhorté le gouvernement à renforcer notre relation avec une région qui prendra sans doute de plus en plus d'importance pour la prospérité future du Canada. J'ai tenté de ne présenter qu'un petit nombre d'initiatives, de partenariats et d'accords interculturels qu'on observe dans ma province, et qui apportent d'énormes avantages à la société canadienne.

Je remercie le sénateur de m'avoir donné la possibilité d'intervenir à ce sujet et je lui souhaite une belle et agréable retraite du Sénat.

L'honorable Hugh Segal : Est-ce que le sénateur Tardif accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Tardif : Certainement.

Le sénateur Segal : Je pense que tous les sénateurs aimeraient faire l'objet des remarques précises, réfléchies et constructives du sénateur Tardif au sujet de madame le sénateur Poy, qui a vraiment été, au Sénat et ailleurs, un chef de file extraordinaire en ce qui concerne l'établissement de relations commerciales constructives avec l'Asie.

J'aimerais connaître l'avis du sénateur Tardif sur la façon d'en arriver un équilibre entre les deux points suivants. D'une part, la Chine offre des possibilités commerciales remarquables, elle connaît un énorme succès économique et un grand nombre de personnes se sont tirées de la pauvreté grâce à leur dur labeur et à leur engagement profond à construire une économie plus vaste et ouverte. D'autre part, il y a certains problèmes incontestables en matière de droits de la personne, qui continuent de faire l'objet d'échanges entre le Canada et la Chine, et les investissements chinois croissent dans la province du sénateur d'une façon qui est probablement constructive en soi pour nos deux sociétés. Comment éviter que des échanges commerciaux constructifs nous empêchent d'aborder des questions pénibles sur les droits de la personne? Autrement dit, selon le sénateur, y a-t-il une façon d'utiliser ces relations commerciales d'une façon qui respecte l'histoire chinoise, sans pour autant délaisser l'engagement à l'égard des droits de la personne, de la démocratie, des droits des minorités et de la liberté d'expression que nous partageons avec un si grand nombre de nos partenaires commerciaux du monde entier?

Le sénateur Tardif : Je remercie le sénateur de sa question. Je suis certaine que le sénateur Segal pourrait y répondre de façon beaucoup éloquente que moi.

Par conséquent, je me contenterai de dire que nous avons eu une discussion semblable ce matin à propos de l'accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie. Comme le sénateur Di Nino l'a si bien dit, faisons en sorte d'établir le dialogue au lieu de le rompre.

Son Honneur le Président : Le Sénat est-il d'accord pour que cet article reste inscrit au nom du sénateur Day?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Tardif, au nom du sénateur Day, le débat est ajourné.)

[Français]

Les effets du redécoupage des circonscriptions électorales fédérales

Interpellation—Fin du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Chaput, attirant l'attention du Sénat sur le processus de redécoupage des circonscriptions électorales fédérales, et les effets qu'il peut avoir sur la vitalité des communautés de langue officielle vivant en milieu minoritaire.

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, j'aimerais poursuivre mon intervention dans le cadre de cette interpellation.

Mon discours pourrait porter la mention « meilleur avant le 22 juin », puisque la commission au Nouveau-Brunswick a présenté son rapport vendredi dernier sur le redécoupage des circonscriptions électorales.

Je demeure à Saint-Louis-de-Kent, qui se situe à la limite nord de la circonscription de Beauséjour. La circonscription de Beauséjour est limitrophe à celle de la Miramichi qui compte une population de 52 000 personnes. La moyenne de la population pour une circonscription au Nouveau-Brunswick étant d'environ 75 000 personnes, cette circonscription est bien en deçà de la limite de 25 p. 100 permise.

D'un autre côté, la circonscription de Beauséjour est également limitrophe à celle de Moncton, qui comprend les villes de Moncton, Dieppe et Riverview, et qui compte actuellement une population de 98 000 personnes; par le fait même, elle se place au-dessus de la limite de 25 p. 100 permise.

Des ajustements s'imposaient donc, et je crois que la commission a fait un bon travail puisqu'elle a essayé d'équilibrer les différentes populations. Cela a occasionné un renversement de la situation, c'est-à-dire que la circonscription de Moncton, qui comptait 98 000 personnes, en compte maintenant environ 82 000 personnes.

(1440)

Beauséjour, qui était à 78, est maintenant rendue à 92; elle est la circonscription la plus populeuse du Nouveau-Brunswick parce qu'on a transféré la ville de Dieppe en entier dans la circonscription de Beauséjour.

Un problème demeure. J'ai parlé tantôt de la circonscription de la Miramichi. Elle a subi un changement dans son territoire. À un moment donné, on avait la région de Belledune qui était tout à fait sur la Baie-des-Chaleurs, qui était reliée à la Miramichi et qui rendait le travail, je crois, d'un député dans cette région assez difficile. Maintenant, je crois qu'on l'a associé à la circonscription Acadie—Bathurst qui reste à l'intérieur des limites.

Toutefois, la circonscription de Miramichi reste encore en dessous de la limite du 25 p. 100. Et lorsqu'on a des raisons qui peuvent être justifiées, la commission peut faire en sorte que cette circonscription reste à la population en dessous de cette limite de 25 p. 100. C'est ce qu'ils ont fait, et je n'ai aucun problème avec cela parce que si j'avais fait mon intervention avant le 22 juin, j'aurais porter à l'attention des commissaires qu'on devait tenir compte des régions rurales et des régions urbaines parce qu'il est plus, du moins je le crois, difficile pour un député d'une circonscription rurale avec un grand territoire, de servir la population qu'un député d'une circonscription urbaine où la population est beaucoup plus concentrée.

Ils ont donc tenu la circonscription de Miramichi en dessous de la limite permise et j'approuve cette façon de faire. En fait, que je l'approuve ou non, c'est la population qui va décider, mais je suis d'accord puisque le territoire est assez étendu.

Il y a une chose que je n'aurais peut-être pas changée, si j'avais été là. On a transféré la région du haut de la rivière de Richibouctou, soit la communauté autochtone Elsipogtog, avec toutes les communautés le long de la rivière, à la circonscription de Miramichi. Je crois que cette région aurait dû rester avec Beauséjour pour le simple fait que la communauté d'intérêts est vers Richibouctou et vers Moncton.

Il n'est pas facile pour une commission de voir à toute une province et d'essayer de jouer autant avec la population, les communautés d'intérêts et le territoire. Reste maintenant à attendre, parce que la commission va tenir des audiences et j'espère que les gens prendront la peine d'aller présenter leurs points de vue sur ce nouveau redécoupage.

Son Honneur le Président : D’autres sénateurs souhaitent-ils intervenir? Sinon, le débat sur cette interpellation est considéré comme terminé.

(Fin du débat)

L'éducation en français au Nouveau-Brunswick

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Losier-Cool, attirant l'attention du Sénat sur l'état actuel de l'éducation en français au Nouveau-Brunswick.

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, je vois que cette interpellation en est à la limite du temps accordé, soit 15 jours. J'aurais besoin d'un peu plus de temps pour effectuer mes recherches avant de vous livrer mon discours sur l'état actuel de l'éducation en français au Nouveau-Brunswick.

(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La tenue de registres des ventes d'armes à feu sans restrictions

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Joan Fraser, ayant donné avis le 21 juin 2012 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la pertinence de tenir des registres des ventes d'armes à feu sans restrictions.

— J'ai le regret d'informer les honorables sénateurs que je prends de nouveau la parole, pour la dernière fois je l'espère, au sujet des armes à feu, en particulier les armes d'épaule, mais qu'il ne s'agit pas du registre des armes à feu. Comme les sénateurs le savent, le projet de loi C-19 est maintenant en vigueur. J'interviens donc davantage au sujet d'une conséquence de cette loi.

Certains sénateurs auront remarqué que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a indiqué, la semaine dernière je crois, qu'il avait examiné un règlement présenté par le ministre de la Sécurité publique. Le mot règlement peut sembler quelque peu bureaucratique, mais ce règlement-ci est très important.

En vertu de ce règlement, le contrôleur des armes à feu d'une province ne peut obliger les vendeurs d'armes à feu à conserver un journal des armes à feu non enregistrées, des armes d'épaule en l'occurrence, qu'ils vendent à leurs clients. Je tiens à préciser que je ne parle pas du registre des armes d'épaule. Il est très important de faire la distinction. Les données auxquelles je fais référence existent depuis de nombreuses années. Elles sont consignées par les vendeurs dans des documents appelés « livres verts ». Ces documents existaient depuis près de 20 ans au moment de la création du registre des armes à feu, et ils étaient obligatoires. Ils ont deux utilités.

Premièrement, le contrôleur des armes à feu de chaque province et territoire consulte ces journaux des ventes pour vérifier les stocks des vendeurs d'armes à l'occasion de l'inspection de leur commerce. Cette information n'est pas centralisée, mais si une inspection permet de découvrir que quelque chose cloche, qu'une arme est manquante ou a été volée par exemple, comme on dispose d'une information selon laquelle il y a un problème, cette information est transmise au Centre d'information de la police canadienne.

La deuxième utilité des journaux des ventes, des livres verts, c'est que les policiers qui ont des raisons de croire qu'une arme à feu ayant servi à commettre un acte criminel vient d'un marchand donné peuvent obtenir un mandat leur permettant de consulter le journal des ventes. Ces journaux sont donc vraiment utiles aux policiers. Ils n'ont absolument aucune incidence sur les propriétaires d'armes à feu respectueux des lois. Ils ne coûtent rien et n'alourdissent pas les formalités administratives, mais ils sont importants pour les autorités policières. Beaucoup de témoins ont dit au comité qu'en ne les rendant pas obligatoires, on faciliterait la tâche des criminels.

Je souligne que le concept du journal des ventes n'a rien de révolutionnaire. Bien des pays, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et certains pays d'Europe, obligent les marchands à tenir de tels journaux. La loi fédérale des États-Unis oblige les marchands d'armes à feu à conserver ces journaux pendant 20 ans. De plus, les armes légères font l'objet de divers traités internationaux, notamment des programmes des Nations Unies, des conventions, des protocoles et des ententes, qui, tous, contraignent les marchands à tenir des registres détaillés à des fins d'application de la loi. Ces journaux ne servent pas à empoisonner la vie des citoyens innocents, mais bien à faire respecter la loi.

Lorsque les journaux des ventes étaient obligatoires au Canada, c'est-à-dire avant l'instauration du registre des armes à feu, ils n'ont jamais fait, à ce qu'on sache, l'objet d'une quelconque plainte.

(1450)

J'ai trouvé intéressant de relire le témoignage que le sergent Murray Grismer, un policier de la Saskatchewan, a fait devant le comité lorsque nous étudiions le projet de loi C-19. Il a dit ceci :

Il y a bien des années, avant de devenir policier, je travaillais dans un magasin d'articles de sport et dans le secteur de la vente au détail. Je connais très bien les registres qui étaient tenus à l'époque. Ce type de système n'était pas trop pénible à respecter, et je ne crois pas que les négociants d'aujourd'hui le trouveraient trop lourd à appliquer.

Ces registres ont bien entendu une importance particulière maintenant que le registre des armes d'épaule a été aboli en vertu du projet de loi C-19.

Permettez-moi de vous rappeler, honorables sénateurs, que lorsqu'on parle des armes d'épaule, il ne s'agit pas seulement des fusils de chasse au canard, comme ils sont communément appelés, qui sont utilisés par les chasseurs respectueux des lois. Malheureusement, la catégorie des armes à feu non enregistrées au pays englobe également certaines armes qu'on n'associerait jamais à des chasseurs respectueux des lois. Je vais en nommer trois : le IMI Tavor TAR-21, que son fabricant classe comme étant une arme d'assaut; le Steyr Mannlicher HS .50 M1, qui est un fusil de tireur d'élite de calibre .50 qui peut transpercer un blindage léger à une distance de 1,5 kilomètre; et, bien entendu, le célèbre Ruger Mini-14, qui a tué 14 femmes et en a blessées 13 autres à environ 20 minutes de Montréal et qu'on a nommé le fusil d'assaut des pauvres. On peut le modifier pour qu'il soit encore plus efficace et c'est ainsi qu'un homme a pu tuer 69 personnes, dont la plupart étaient des jeunes, en Norvège l'été dernier.

C'est l'une des raisons pour lesquelles, pendant l'étude du projet de loi C-19, plusieurs témoins, dont des policiers, ont dit qu'il est important de rétablir ce registre obligatoire, ces livres verts, comme on les appelle. Par exemple, le chef Rick Hanson, du Service de police de Calgary, a dit catégoriquement qu'il faut rétablir l'enregistrement aux points de vente. Beaucoup de gens partagent son avis.

D'anciennes versions du projet de loi abolissant le registre des armes d'épaule exigeaient néanmoins le maintien d'un journal des ventes, mais pas le projet de loi C-19. Quoi qu'il en soit, les partisans du projet de loi à l'époque laissaient clairement entendre que personne ne devait se soucier de l'abolition du registre puisque les dossiers existeraient toujours. Par exemple, M. Toews, ministre de la Sécurité publique, a dit ce qui suit :

Les armureries gardent des dossiers de leurs ventes et on peut avoir accès à ces dossiers au moyen d'un mandat ou d'autres mesures appropriées. Il est inutile de recourir à un registre pour obtenir les adresses.

M. Tony Bernardo, de l'Association des sports de tir du Canada, un des partisans les plus assidus de l'abolition du registre, a expliqué la chose au comité en plus grand détail :

Il faut se rappeler que tous les vendeurs d'armes doivent tenir des registres conformément aux exigences du bureau du contrôleur des armes à feu de la province où ils se trouvent. Même si on abandonne le registre, il n'en demeure pas moins que les vendeurs seront obligés de consigner toutes les transactions commerciales. Pour obtenir un permis d'exploitation, les vendeurs d'armes doivent obligatoirement soumettre les registres des transactions commerciales au bureau du contrôleur des armes à feu. [...] L'obligation de tenir des registres ne sera pas éliminée...

Cela semble plutôt clair.

Il n'est pas étonnant qu'après l'adoption du projet de loi C-19, un certain nombre de contrôleurs des armes à feu aient porté leur attention sur les livres verts. Notamment, le contrôleur des armes à feu de l'Ontario a avisé les armuriers qu'ils devaient désormais consigner toutes les ventes d' armes d'épaule dans leur livre vert, et ce, en vertu du pouvoir que lui conférait l'article 58 de la Loi sur les armes à feu, qui dit qu'un contrôleur des armes à feu peut assortir le permis d'exploitation d'une armurerie des conditions qu'il estime raisonnables.

Cependant, tout à coup, M. Toews et les groupes de pression s'opposant au registre se sont fâchés. Dans mes notes, il est écrit qu'ils ont « pété les plombs », mais je pense que c'est un mauvais jeu de mot en l'occurrence. M. Toews a envoyé une lettre au contrôleur des armes à feu affirmant qu'il ne pouvait obliger les vendeurs d'armes à feu à tenir les livres verts. Puis, pour que la question ne fasse plus aucun doute, il a présenté le règlement que votre comité a examiné la semaine dernière.

À part M. Toews et les groupes comme l'Association des sports de tir du Canada, tout le monde s'entend pour dire que les livres verts doivent être obligatoires pour les armes d'épaules. C'est en tout cas ainsi que l'entendent les policiers.

[Français]

Par exemple, le chef Mario Harel, vice-président de l'Association canadienne des chefs de police, a dit ceci au comité :

[Traduction]

[...] le journal des ventes que tiennent les vendeurs d'armes à feu constitue l'un des moyens permettant aux forces de l'ordre de faire enquête lorsqu'une arme d'épaule a servi à commettre un acte criminel — je répète : un acte criminel.

On ne parle pas d'une banque de données centralisée, dans laquelle on pourrait faire des recherches. On parle d'un journal des ventes qui ne coûte rien aux Canadiens, et qui ne criminalise aucunement les citoyens qui n'ont rien à se reprocher, puisqu'il ne leur impose aucun fardeau.

Pourquoi ce changement de cap difficilement justifiable du point de vue de la sécurité publique?

Voilà une excellente question, à mon avis.

Les victimes ont demandé que les registres ne soient pas abolis. De nombreux sénateurs ont d'ailleurs croisé la très éloquente ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, Mme Sue O'Sullivan. Voici ce que dit le mémoire qu'elle a envoyé :

Il est important que les données relatives à la vente des armes à feu sans restriction soient consignées et conservées au point de vente, car les forces de l'ordre pourront ainsi mieux empêcher que d'autres personnes ne deviennent des victimes et enquêter efficacement sur les crimes commis. Pour les victimes, cet outil est synonyme d'accès à la justice.

Le nom de Mme Priscilla de Villers est sans doute également devenu familier à bien des sénateurs au fil des ans. Cette grande dame, ardente défenseure des droits des victimes, à écrit ce qui suit au comité :

Le désagrément éprouvé par ceux qui doivent enregistrer leurs armes à feu [...]

— au point de vente, s'entend —

[...] n'est rien comparativement à tous les formulaires que nous, qui avons perdu un enfant ou avons été blessé par une arme à feu, devons remplir ou les démarches que nous devons effectuer des années durant.

Pourtant, la prévention de la criminalité ne fait pas le poids par rapport à ce léger désagrément. Nous affaiblissons un à un les systèmes et les mécanismes qui préviennent les crimes commis au moyen d'une arme à feu, alors que le Canada avait fait beaucoup de progrès dans ce domaine. Petit à petit, nous soustrayons les armes d'épaule aux mécanismes de contrôle auxquels doivent habituellement se plier tous ceux qui achètent un bien qui peut présenter un risque pour la société.

Les opposants au système des livres verts voient en celui-ci un moyen détourné de tenir un registre des armes à feu. Franchement, honorables sénateurs, je crois que c'est une affirmation parfaitement ridicule, mais je ne vous demande pas de me croire sur parole. Fiez-vous plutôt à celle du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard. La ministre de la Justice et procureure générale de cette province, Mme Janice Sherry, nous a envoyé une lettre assez ferme et assez longue où elle dit entre autres :

Si les inquiétudes entourant les journaux des ventes tiennent au fait qu'ils pourraient servir à créer une forme de registre une fois sous la responsabilité du Bureau des armes à feu, elles ne sont pas fondées, car c'est tout simplement impossible [...]

Elle affirme que l'information contenue dans les journaux des ventes tenus par les marchands est insuffisante pour créer un registre provincial des armes à feu sans restriction.

Les journaux de ventes contiennent des renseignements relatifs uniquement aux transactions qui ont lieu chez les marchands. Des milliers d'armes à feu sont vendues par des particuliers à des particuliers tous les jours dans ce pays. Toute tentative pour créer un registre à partir de cette information [...]

— c'est-à-dire l'information recueillie par les marchands —

[...] serait vaine, puisqu'il n'existe aucun moyen d'assurer l'exactitude ou l'intégrité de ces données. Les journaux fournissent des renseignements ponctuels qui ne sont reliés qu'aux opérations commerciales des marchands et qui ne servent qu'à vérifier si ces derniers exploitent leur commerce comme l'exige la loi.

L'Ontario, dont le contrôleur des armes à feu semble avoir lancé toute cette affaire, a affirmé très fermement qu'elle ne comptait pas, et ne souhaitait pas, établir un registre provincial des armes d'épaule. Elle considère toutefois que le système des livres verts serait une bonne idée.

Qu'arriverait-il si le journal des ventes n'était plus obligatoire? Permettez-moi de citer le contrôleur des armes à feu de l'Ontario, le surintendant Chris Wyatt, de la Police provinciale de l'Ontario :

Si ce règlement devait entrer en vigueur, plus personne qui achèterait une arme d'épaule auprès d'un commerçant n'aurait à présenter son permis de port d'arme ni à enregistrer son achat.

On n'a même pas besoin de présenter un permis de port d'arme.

M'accordez-vous cinq minutes, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président intérimaire : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Fraser : Merci beaucoup.

Le comité n'a pas poussé ses recherches plus loin, mais il s'agit tout de même d'une interprétation défendable du texte réglementaire actuel, puisque le vendeur d'armes à feu ne peut plus être tenu de consigner les données relatives à la cession d'une arme sans restriction. On pourrait discuter de l'obligation, ou non, de présenter un permis de port d'arme, et d'aucuns diraient d'ailleurs qu'il n'est dit nulle part dans le projet de loi C-19 que les marchands doivent exiger de voir le permis de leurs acheteurs.

Disons que la question reste entière.

Voici ce que dit ensuite le surintendant Wyatt :

Si le journal des ventes disparaît, nous n'aurons plus aucun moyen de savoir d'où vient telle ou telle arme d'épaule ni où elle est censée se trouver.

Il a dit encore ceci :

En Ontario, les inspecteurs qui font la tournée des vendeurs d'armes à feu doivent s'assurer que ces derniers peuvent rendre compte de chacune des armes dont ils ont la responsabilité. Très peu d'armes sont déclarées perdues ou volées, et dans un tel cas les forces de l'ordre sont informées, et les données sont transmises au Centre d'information de la police canadienne. Ce n'est qu'avec un tel degré de rigueur que l'on peut assurer la sécurité du public. Et c'est ce que nous ne pourrons plus faire si ce règlement fait disparaître le journal des ventes.

Voici une dernière citation :

Je suis convaincu que, si on élimine le journal des ventes, les marchands vendront plus d'armes à feu aux criminels et aux clients qui n'ont pas de permis.

Honorables sénateurs, nous savons tous que la criminalité est le fait d'un faible pourcentage de la population seulement, y compris lorsque l'utilisation d'un fusil est en cause, mais c'est ce petit pourcentage qui oblige la société à adopter des mesures pour se protéger. C'est parce que quelques personnes commettent des crimes que le Code criminel existe.

Il en va de même pour les quelques personnes qui achètent ou vendent des fusils. La nature humaine est ainsi faite. Savoir que leur achat serait enregistré par le commerçant dissuaderait les gens qui voudraient se procurer une arme pour des motifs peu honorables. Cet élément dissuasif pourrait maintenant disparaître.

La plupart des commerçants, nous a-t-on dit, sont des gens respectueux de la loi et désireux de contribuer à la sécurité du public, et ils continueront volontairement de maintenir un registre, à tout le moins aux fins de leur inventaire. Que faut-il penser, cependant, du petit nombre de vendeurs d'armes qui verront l'occasion de faire plus d'argent que s'ils faisaient des affaires en toute légitimité? C'est là que les choses peuvent se gâter.

Honorables sénateurs, ces registres ne coûtent rien à l'acheteur ou au propriétaire d'un fusil. Ils ne coûtent rien au contribuable. Ils n'occasionnent, pour l'acheteur ou le propriétaire d'un fusil, aucun autre désagrément que celui de devoir prendre quelques secondes, au moment de l'achat, pour fournir ses coordonnées et indiquer le type de permis qu'il possède. C'est un système tellement simple. Je n'arrive tout simplement pas à comprendre pourquoi le gouvernement du Canada ne veut pas maintenir le registre.

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, j'aimerais poser une petite question, si vous me le permettez.

Je ne suis pas certain que madame le sénateur en ait parlé. J'essayais d'écouter.

Le sénateur Fraser : Vous avez écouté; vous m'avez prise sur le fait.

Le sénateur Di Nino : Je me souviens que le ministre Toews a déclaré plus d'une fois que rien n'interdisait aux provinces de mettre en place ces registres des armes à feu si elles le désiraient. Est-ce exact?

Le sénateur Fraser : Une fois de plus, j'établirais la distinction entre un registre et un journal des ventes. Si une province souhaite mettre en place son propre registre des armes à feu, elle peut le faire. La seule province qui a manifesté un intérêt à cet égard est le Québec, et j'ai fait exprès pour ne pas aborder ce sujet dans mes observations sur les journaux des ventes.

Le sénateur Di Nino : Je ne vous blâme pas.

Le sénateur Fraser : Ce sont les autres provinces qui ne voulaient pas mettre en place un registre qui souhaitent maintenir les journaux des ventes obligatoires.

Selon l'application de la loi, la plupart des contrôleurs des armes à feu sont en fait des agents de la GRC, sauf dans les grandes provinces. Même pour ceux qui ne sont pas des agents de la GRC, les pouvoirs des contrôleurs sont définis dans la loi fédérale, la Loi sur les armes à feu.

Par conséquent, la déclaration de M. Toews est très importante, car elle déterminera la suite des choses.

(Sur la motion du sénateur Runciman, le débat est ajourné.)

Omar Khadr

Interpellation—Fin du débat

L'honorable Roméo Antonius Dallaire, ayant donné avis le 21 juin 2012 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le cas d'Omar Khadr, la première personne à être poursuivie pour des crimes de guerre commis lorsqu'il était mineur et en outre, demandera au Sénat d'exiger son rapatriement sans plus tarder.

— Honorables sénateurs, avant que j'entre dans le vif du sujet, et puisque nous parlons de guerres ou de conflits oubliés dont nous avons subi les lourdes conséquences, j'aimerais, si je peux, porter à l'attention des sénateurs l'édition du Legion Magazine de ce mois-ci, et la commémoration du débarquement de Dieppe, qui a eu lieu le 19 août 1942. Le 19 août marquera le 70e anniversaire de cet événement, et je n'ai vu encore aucune activité planifiée pour l'occasion.

Sur les 5 000 soldats qui sont débarqués sur les côtes, 982 ont perdu la vie, 586 ont été blessés, et 1 946 ont été emprisonnés. On appelle cela une destruction catastrophique des forces armées. Ce fut une terrible leçon que l'armée canadienne, alors inexpérimentée, a dû apprendre aux dépens de ses troupes, et on ne devrait jamais obliger des troupes et des commandants inexpérimentés à réapprendre cette leçon en leur confiant la planification de missions aussi complexes que celle-là.

Cela m'amène au sujet de mon interpellation, Omar Khadr, la première personne à être poursuivie pour des crimes de guerre commis lorsqu'elle était mineure. Je demande au Sénat d'exiger son rapatriement sans plus tarder.

Quand j'ai été libéré des forces armées pour des raisons médicales et que j'ai dû rendre mon uniforme, je me suis senti un peu désorienté. J'ai participé à un congrès international sur les enfants touchés par la guerre, où j'ai fait un exposé, et j'ai eu l'occasion de travailler pour le ministre du Développement international sur le dossier des enfants touchés par la guerre. J'ai alors adopté comme nouvel uniforme une cravate représentant une ONG qui défend les intérêts de ces enfants. La cravate que je porte aujourd'hui ne représente pas les droits des gais, mais l'organisme Aide à l'enfance. L'UNICEF et l'Aide à l'enfance, deux ONG de premier plan, travaillent à réhabiliter et à réintégrer les enfants soldats dans les diverses zones de conflit de la planète. Quand j'étais en Sierra Leone, en 2001, pour démobiliser plusieurs de ces enfants soldats, ces ONG étaient de loin les plus efficaces et celles qui réussissaient le mieux à ramener ces enfants vers une vie raisonnablement normale.

Honorables sénateurs, j'interviens maintenant pour parler du cas du seul enfant soldat qui a été poursuivi pour avoir commis des crimes de guerre.

Le Canada a joué un rôle de premier plan dans l'élaboration et la promotion de la Convention relative aux droits de l'enfant et du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, un protocole qui porte précisément sur les enfants soldats. La convention est entrée en vigueur en 2002 et a été ratifiée par 130 pays.

La même année, le Canada a aussi joué un rôle de leader dans l'élaboration du protocole facultatif, qui a depuis été ratifié par 150 pays.

Le protocole interdit le recrutement et l'utilisation d'enfants de moins de 18 ans dans les conflits armés.

(1510)

Le Protocole facultatif a mené à l'ébauche des Principes de Paris, qui définissent clairement la notion d'enfant soldat. J'ai déjà lu cette définition au Sénat, mais je veux la lire de nouveau seulement pour nous rafraîchir la mémoire :

Toute personne de moins de 18 ans qui fait l'objet d'un recrutement forcé ou volontaire [...]

Bien entendu, dans les zones de conflit, le terme « volontaire » est discutable.

[...] ou qui est utilisé dans des hostilités par n'importe quel genre de forces armées, pour n'importe quelle fonction. Ce qui implique les soldats, les cuisiniers, les porteurs, les messagers, ceux qui suivent les camps et ceux qui accompagnent de tels groupes, y compris des filles utilisées comme femmes de brousse ou esclaves sexuelles, et qu'on marie de force. Donc, ce terme ne désigne pas exclusivement un enfant qui porte ou qui a porté des armes.

Imaginez, honorables sénateurs, que vous êtes un garçon de 13 ans. Pendant toute votre vie, votre famille s'est déplacée et n'est jamais restée très longtemps au même endroit. Vous vivez dans une culture où ce que dit votre père n'est jamais mis en doute. S'il vous dit de sauter, vous lui demandez à quelle hauteur vous devez sauter. Peu importe ce qu'il vous demande de faire, vous vous exécutez. Vous êtes à peine adolescent, vous ne pouvez pas comprendre pleinement le sens ou les conséquences des tâches qui vous sont confiées. Vous vivez dans un pays en proie à un conflit armé. En fait, écouter votre père, c'est assurer votre survie.

Votre père vous envoie vivre et travailler avec ses associés. Il vous dit de rester là et d'écouter ce qu'on vous dit. Un jour, pendant que vous travaillez, le complexe où vous vivez est attaqué par les forces spéciales américaines. Dans l'agitation qui entoure l'échange de coups de feu, vous êtes touché trois fois. Puis, on vous sort des décombres et on vous accuse d'avoir tué un soldat américain. C'est en 2002, vous avez 15 ans et vous vous appelez Omar Khadr.

Selon les normes de l'OTAN, il faut environ une année d'entraînement pour former un soldat professionnel. Il s'agit ici d'un soldat d'infanterie type. Un commando, un membre des forces spéciales, doit compter au moins quatre années de service, et suivre un entraînement spécial pendant 12 à 18 mois.

L'enceinte a d'abord été « préparée », comme on dit, par des largages de bombes de 500 kilos, puis ce fut au tour d'un véritable groupe de la « Delta Force » d'attaquer. Omar Khadr s'est retrouvé au cœur de cette attaque.

Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui au sujet de l'affaire Omar Khadr, un citoyen canadien et ancien enfant soldat actuellement détenu à la prison de Guantanamo Bay. J'ai l'intention de parler des cauchemars vécus par cet homme, car c'est maintenant d'un homme qu'il s'agit, de l'incapacité de notre gouvernement à le protéger, et du fait que le gouvernement doit immédiatement signer sa demande de transfert afin de le rapatrier.

On croit que, pendant la bataille, Omar Khadr aurait lancé une grenade qui aurait tué le sergent Christopher Speer, soldat de la Delta Force et infirmier des forces spéciales. Il a été envoyé à la célèbre prison américaine de Bagram. Après son identification, le gouvernement canadien a demandé une visite du personnel consulaire, demande qui a été refusée.

En septembre 2002, les Affaires étrangères ont envoyé une note diplomatique au département d'État américain. Cette note comportait trois points.

Premièrement, il était question d'une certaine ambiguïté concernant le rôle que M. Khadr aurait joué pendant la bataille du 27 juillet 2002.

Deuxièmement, toujours selon la note, la prison de Guantanamo Bay ne serait pas un endroit approprié pour la détention de M. Omar Khadr car, selon diverses lois canadiennes et américaines, son âge faisait en sorte qu'il devait bénéficier d'un traitement spécial dans le cadre des processus juridiques ou judiciaires.

Enfin, on demandait la tenue de discussions entre représentants appropriés au sujet de M. Khadr avant la prise de toute décision relativement à son statut et à sa détention futurs.

Malgré les craintes de notre gouvernement, Omar a été transféré à Guantanamo, où il est prisonnier depuis dix ans. La vérité n'a pu empêcher ces 10 années d'être un cauchemar pour cet ancien enfant soldat et une tâche sur la conscience de notre société. Elles jettent fondamentalement le discrédit sur le respect que nous avons pour le droit international et les conventions que nous avons signées.

Nous avons appris depuis qu'après avoir été hospitalisé à Bagram, ce garçon de 15 ans, sérieusement blessé, a été enlevé de sa civière, et déposé au sol, la tête couverte d'un sac pendant que des chiens lui aboyaient en pleine face. On lui a versé de l'eau froide dessus; il a été obligé de se tenir debout pendant des heures, les mains attachées derrière la tête, et de transporter de lourds seaux d'eau pour aggraver ses blessures. On l'a menacé de le violer et on a projeté une forte lumière sur son œil blessé. D'ailleurs, il a perdu un œil.

Nous avons appris que, pendant qu'on préparait ce garçon à répondre aux questions des interrogateurs étatsuniens et canadiens, à Guantanamo, il a été soumis à d'autres tortures, notamment par la privation extrême de sommeil et par le maintien de la station debout pendant des heures afin de l'épuiser. Après avoir été détenu pendant trois ans sans mise en accusation, Omar a été inculpé par les États-Unis à titre de « combattant ennemi », en novembre 2005, et a subi un procès en vertu de la Military Commissions Act.

[Français]

Au cours de ces 10 années de cauchemar, nous avons constaté que l'affaire Khadr camoufle les plus graves violations de ses droits : droit à une application régulière de la loi, protection contre la torture, protection contre l'emprisonnement arbitraire, protection contre les poursuites rétroactives, droit à un procès équitable, représentation juridique en temps et lieu et confidentielle, détermination des accusations pénales par un tribunal impartial et indépendant, habeas corpus, égalité devant la loi, ainsi que des droits découlant de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le statut d'enfant signifie que l'intéressé est inapte à comprendre le monde dans lequel il est plongé. Le besoin d'être protégé et pris en charge a toujours été le code tacite de l'humanité. L'existence d'enfants soldats est une trahison de ce code. Le statut d'enfant soldat signifie que l'intéressé est assujetti aux mesures d'endoctrinement les plus atroces, à la torture physique et psychologique et à la pauvreté mentale la plus poignante dans laquelle un innocent puisse être enseveli.

Il y a trop longtemps que nous sommes là à ne rien faire. Nous devons nous rappeler que, sur le fond, l'affaire Khadr conserve les droits des enfants. Dans ce genre de cas, il faut faire preuve d'intelligence, de compassion et d'une réelle volonté de tenir compte du contexte global pour se souvenir que tous les enfants ont des droits inaliénables, même si leur famille — ou eux-mêmes — ont fait des choses que nous désapprouvons. Ces droits n'ont plus aucun sens si nous les respectons de façon sélective.

À Guantanamo, lorsque la commission militaire a rendu un non-lieu en juin 2007 pour des motifs de forme, le gouvernement du Canada aurait pu faire pression pour rapatrier Omar, notamment en raison de l'éventualité kafkaïenne que le gouvernement américain, comme il l'avait promis, interjette appel de la décision devant un tribunal encore à naître.

Je suis allé à Washington discuter avec des membres du Congrès, du Sénat et du département d'État. On disait que la seule entité qui refusait de mettre en marche le départ d'Omar, c'était le Pentagone, supporté par un non-lieu de la part du gouvernement canadien.

Dès le départ, l'administration américaine a adopté des règles au fur et à mesure des besoins tandis que les représentants du Canada se dérobaient de leurs responsabilités à l'égard d'un citoyen. Les accusations de meurtre, de tentative de meurtre, de complot, d'aide matérielle au terrorisme et d'espionnage en vertu de la Military Commission Act sont cependant réitérées en appel.

Pendant qu'Omar attendait son procès à Guantanamo Bay, les tribunaux canadiens examinaient sa cause. En mai 2008, la Cour suprême du Canada a statué que les représentants du Canada avaient porté atteinte aux droits d'Omar Khadr garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, lorsqu'ils l'ont interrogé, en 2003, dans des conditions illégales.

(1520)

Elle a ordonné que les résultats des interrogatoires communiqués aux autorités américaines soient révélés à Omar. Le Canada s'est conformé à l'ordre de divulguer l'information, mais n'a pourtant rien fait jusqu'ici pour mettre fin à ce cauchemar.

En janvier 2010, encore une fois, la Cour suprême du Canada a conclu que le gouvernement du Canada avait continué de porter atteinte aux droits d'Omar garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, estimant que le traitement réservé à Omar était contraire aux normes les plus fondamentales de la société canadienne. La cour n'a pas été jusqu'à ordonner au gouvernement de rapatrier Omar, en raison de la prérogative de l'exécutif en matière de relations avec l'étranger.

Le scénario est donc axé spécifiquement vers l'entité exécutive de notre pays.

Honorables sénateurs, puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Dallaire : Le gouvernement a envoyé une note diplomatique aux États-Unis pour leur demander de ne pas utiliser les fruits de l'interrogatoire canadien. Ce n'était qu'un geste symbolique qui était loin de remédier à la violation fondamentale et grave des droits d'Omar par des agents canadiens.

En août 2010, le procès d'Omar Khadr a commencé à Guantanamo Bay, bien qu'il ait été un enfant soldat. Il a décidé de plaider coupable parce qu'il désirait avoir une chance de vivre. En fin de compte, c'est lui qui a assumé la responsabilité.

[Traduction]

Le Canada a participé activement aux tractations et aux négociations de plaidoyer qui ont précédé le procès. En octobre 2010, le Canada s'est engagé à rapatrier Omar au Canada après une année supplémentaire d'incarcération à Guantánamo.

Le 1er novembre 2010, le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Lawrence Cannon, a déclaré à la Chambre des communes que le Canada allait respecter cette entente. Huit mois plus tard, Omar Khadr pouvait rentrer au Canada, mais le gouvernement n'avait toujours rien fait. Qu'est-ce qui explique ce retard?

Le gouvernement a transformé une simple décision administrative et technique en joute politique. Les Américains et Omar Khadr ont respecté leurs engagements. Le 16 avril, les Américains ont autorisé sa libération pour que le gouvernement canadien puisse le faire venir au Canada et l'incarcérer dans les établissements appropriés de façon à ce qu'il ait accès, comme tous les autres prisonniers, à un programme de réhabilitation et de réinsertion sociale. Pourquoi le gouvernement canadien refuse-t-il de respecter sa parole? Si cette situation découle d'une décision politique, quel est l'obstacle au retour d'Omar Khadr au Canada?

Le gouvernement américain n'a pas la réputation de se montrer laxiste à l'égard du terrorisme. Les États-Unis n'auraient jamais accepté qu'on transfère un détenu, surtout dans un pays allié, s'ils jugeaient qu'il représentait une quelconque menace.

Omar Khadr ne sera pas libéré, mais incarcéré dans une prison canadienne. Pourtant, le gouvernement canadien continue de donner des réponses évasives aux États-Unis qui veulent le renvoyer au Canada. En fait, les spécialistes ou les technocrates canadiens qui sont à Washington refusent même de commencer à discuter avec les Américains des détails concernant les modalités de son transfert au Canada et l'autorité sous laquelle cela se fera.

Le ministre de la Sécurité publique nous dit que le dossier est à l'étude. Cette réponse laisse à désirer. Le ministre croit peut-être — comme l'ont dit les avocats canadiens de M. Khadr — que cela ne fait pas si longtemps, mais il n'a pas passé la dernière décennie à Guantanamo, dans des conditions pour le moins inappropriées, même en comparaison avec nos prisons. Le ministre n'attend pas la décision sur son retour au Canada, menotté au sol. M. Khadr, oui.

Le gouvernement américain ressent beaucoup de frustration à l'endroit du Canada. Non seulement la patience de notre plus proche allié s'amenuise, mais le monde est attentif aux faux pas du Canada dans cette affaire. D'ailleurs, ce mois-ci, le Comité sur la torture des Nations Unies a demandé au Canada d'approuver rapidement la demande de transfert d'Omar Khadr. Plus le processus et la détention à Guantanamo se prolongeront, plus la réputation de défenseur des droits de la personne du Canada en souffrira. Il s'agit simplement de remplir une promesse : soit vous signez l'accord et vous le mettez en œuvre, soit vous refusez et vous perdez toute crédibilité comme négociateur intègre auprès de votre plus proche allié.

Comme l'a dit l'avocat d'Omar Khadr la semaine dernière, pendant une conférence de presse :

Les États-Unis et le Canada sont censés être les gentils. Nous sommes censés être des modèles à suivre pour les gens avides de liberté. Nous sommes censés défendre les droits de la personne, la dignité et la primauté du droit. Le pilier sur lequel repose la primauté du droit, c'est le respect des accords conclus.

Le Canada doit respecter l'accord qu'il a conclu avec Omar Khadr et le ramener immédiatement au Canada. Des avions de toutes sortes attendent de le ramener. Un programme complet est déjà en place, grâce à l'université d'Edmonton, en vertu duquel il a déjà commencé sa réadaptation pendant son incarcération à Guantanamo.

Je dirais pour conclure qu'il ne fait aucun doute que le cas d'Omar Khadr entache la réputation du gouvernement, du pays et de toute la population. Le fait que nous n'adhérons pas aux règles que nous avons nous-mêmes établies, et que nous souhaitons voir suivies par les autres, affaiblit notre crédibilité en matière de repérage, de démobilisation, de rééducation et de réintégration des enfants soldats — ce que je faisais récemment au Congo et dans le Sud du Soudan. Les autres ne sont pas stupides; ils voient bien que nous ne respectons pas les règles. On m'a rappelé sans ménagement que l'affaire Kadhr était un exemple de notre propension à signer les papiers voulus, et même à conclure des ententes avec nos alliés, sans avoir le courage de mettre nos engagements en vigueur.

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, je sais que nous manquons de temps, je me contenterai donc de faire quelques observations dans ce débat.

Depuis des années, le sénateur Dallaire et moi sommes en désaccord sur ce sujet. C'est connu et même consigné dans le Hansard, et n'importe qui peut le vérifier. Non seulement je considère les propos du sénateur Dallaire très durs, mais je les trouve aussi déplacés. Lors de mes interventions en public, on m'a souvent dit qu'on ne souhaitait pas voir revenir Omar Khadr. De telles affirmations m'ont surpris, pour plusieurs raisons. Le fait que sa propre famille dénigre sans cesse et publiquement le Canada laisse entendre que notre pays est fautif, ce qui n'aide pas sa cause.

Le sénateur dit qu'il est maintenant un homme; le fait est qu'il est un homme, un adulte, depuis de nombreuses années. Jamais je ne l'ai entendu exprimer de regrets ou de remords. Je crois que les Canadiens se montreraient beaucoup plus ouverts envers lui si, maintenant qu'il est un adulte, il disait au moins : « Je ne savais pas ce que je faisais. Mes actes sont répréhensibles. » Il ne l'a toujours pas fait.

Son Honneur le Président : Nous en étions au débat. Si vous le voulez, vous pouvez poser une question au sénateur Di Nino ou faire des observations.

Le sénateur Dallaire : Selon moi, il s'agissait d'une question.

Son Honneur le Président : Une fois de plus, permettez-moi d'apporter une précision. Le sénateur Di Nino a participé au débat. Il a terminé son intervention, mais le temps réservé aux questions et observations fait partie du temps qui lui est alloué.

Le sénateur Dallaire : J'aimerais poser une question au sénateur Di Nino.

(1530)

Nous avons un point de vue opposé en ce qui concerne cette question. Le sénateur Di Nino a raison. Il est vrai que nous n'aimons pas les idées que la famille véhicule, comme il est vrai qu'Omar Khadr est maintenant un adulte. Cependant, ce n'est pas parce que nous n'aimons pas les idées de cette famille que nous pouvons fait fi des règles de droit fondamentales et des conventions que nous avons signées.

Nous reconnaissons qu'Omar Khadr était un enfant soldat. Nous avons même envoyé des gens là-bas dès le début pour le ramener ici, mais nous avons changé d'idée. C'était sous l'ancien gouvernement, mais le gouvernement en poste en ce moment a maintenu la même position. Cela veut donc dire qu'aucun des deux côtés n'a mieux fait que l'autre dans cette situation. J'essaie de m'abstenir de faire de la politique.

Or, même si les Canadiens ne sont pas d'accord — et à l'heure actuelle, on parle d'environ 53 p. 100 d'entre eux —, il n'en demeure pas moins que la loi, c'est la loi. Nous avons conclu une entente. Nous avons accepté de procéder de cette façon, mais ce n'est pas ce que nous faisons.

Le sénateur dit qu'Omar Khadr n'a pas exprimé de remords. Personne ne m'a dit pourquoi le gouvernement ne fait pas ce qu'il est censé faire. Je ne cesse d'entendre que nous réexaminons le dossier et que les discussions se poursuivent. Il n'y a pas de raison d'ordre juridique qui nous empêche de mettre en œuvre le processus. Les Américains veulent se débarrasser de lui. La première question est la suivante : pourquoi ne le faisons-nous pas?

Ma deuxième question vise à faire le point en ce qui concerne Omar Khadr et le fait qu'il a déjà bénéficié de nombreuses mesures de réadaptation. Si nous avions posé la question à ses avocats, canadiens et américains, lorsqu'ils étaient ici, nous aurions appris qu'il a exprimé des remords quant au fait qu'il est devenu une victime en pleine guerre et, par conséquent, il a déployé nombre d'efforts pour essayer de réintégrer la société canadienne en étudiant de nombreux sujets que des universitaires appuient.

Je dirais qu'il a déjà fait beaucoup de progrès. Pourquoi pas nous?

Le sénateur Di Nino : Honorables sénateurs, d'abord, je dois dire que je me fiche éperdument des idées de la famille. Je n'ai jamais dit pareille chose.

J'ai dit que je n'appréciais pas les propos tenus en public par la mère et la sœur, qui ont parlé en mal de mon pays, du pays où j'ai choisi de m'établir.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Di Nino : J'ai dit « oui » quand on m'a demandé si je voulais être Canadien, et j'en suis très fier.

Je ne parle pas des idées de la famille, mais des remarques faites par des membres de cette famille au sujet de mon pays, le Canada, qui sont inacceptables.

Pour ma part, je n'ai rien entendu qui me fasse croire que M. Khadr ne partage pas l'opinion de sa famille et, franchement, s'il ne croit pas que le Canada soit un pays où il devrait vivre, qu'on ne le fasse pas revenir.

Le sénateur Dallaire : Je me demande bien d'où sort le sénateur pour dire des choses pareilles.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Dallaire : Si je fais une remarque qui peut sembler blessante, c'est qu'en disant qu'il ne s'agit pas des idées de la famille, mais de l'expression d'une opinion personnelle, on joue sur les mots parce qu'on ne veut pas accepter la famille. Je suis né à l'étranger. Ma mère est une épouse de guerre et mon père est allé au combat. Nous sommes partie prenante de ce pays. Ma famille est arrivée ici en 1656. Je suis certainement aussi fier de ce pays que le sénateur Di Nino.

Cependant, ce que la famille dit ou fait n'a rien à voir avec la loi et son application, avec les ententes que nous avons signées et avec la crédibilité du pays que le sénateur défend.

Voici sur quoi repose la crédibilité de ce pays : nous avons signé une entente et demandé qu'il serve une peine de huit ans de prison. Il s'est déclaré coupable. Il est en réadaptation. Il a déjà exprimé le désir de réintégrer la société et a fait des démarches pendant son emprisonnement, alors qu'il était enchaîné au plancher. Après presque 10 ans d'emprisonnement, il ne s'est pas élevé contre le Canada. Il veut revenir ici.

Dans ce contexte, les Américains ont fait valoir leur point de vue, en conformité avec la loi. Nous avons des prisons à profusion et nous en bâtirons encore plus, donc pourquoi ne pas le ramener chez lui? Jetons-le en prison et attendons que les sept années s'écoulent.

Le sénateur Di Nino : M. Khadr n'a jamais exprimé le moindre regret ou montré la moindre trace de remords. S'il en montrait, je pourrais beaucoup plus facilement me ranger à votre opinion.

Deuxièmement, notre pays agit en conformité avec la loi. Les responsables l'ont dit, et c'est un fait. Ce sont des questions complexes qui exigent du temps. Notre pays n'enfreint pas la loi.

Finalement, nous pouvons avoir des opinions divergentes sur cette question, c'est tout à fait acceptable. Toutefois, si le sénateur a quelque influence que ce soit sur ce jeune homme, ce dernier devrait savoir que s'il se levait pour dire « Pardonnez-moi, Canada », ce geste pourrait grandement aider les Canadiens comme moi à revoir leur opinion.

L'honorable Michael Duffy : Honorables sénateurs, je n'avais pas prévu intervenir, mais il est temps de mettre les choses au clair.

Le Dr Michael Welner, éminent psychiatre judiciaire américain, a demandé à Omar Khadr quelle était la pire torture physique qu'on lui avait fait subir à Guantanamo. Le médecin avait une caméra vidéo et a filmé toute la conversation, qui a duré huit heures. Lui a-t-on gardé la tête sous l'eau? A-t-il été électrocuté et enchaîné au plancher? Il a intenté une poursuite de plusieurs millions de dollars contre le gouvernement du Canada.

Selon le Dr Welner, M. Khadr n'a pu donner qu'un seul exemple de situation où il aurait été torturé physiquement. Cela s'est produit lors d'une visite de représentants de la Croix-Rouge s venu vérifier s'il était bien traité. Ces derniers ont insisté pour que M. Khadr soit pesé. Il a résisté, s'est débattu et s'est mis à crier quand les gardes l'ont fait monter de force sur le pèse-personne. C'est tout. Voilà toute la torture qu'il aurait subie.

En entrant dans la pièce où on devait le peser, il criait en arabe que c'était de la frime et qu'il n'y avait rien à craindre.

Voilà. C'est Omar Khadr.

Le sénateur Dallaire : J'aimerais poser une question au sénateur Duffy.

Omar Khadr avait 15 ans, il s'est retrouvé au milieu de tirs croisés, a été touché trois fois, a perdu un œil et a été torturé. En fait, une des personnes qui se trouvait dans la même prison, avant son transfert à Guantanamo, a été poursuivie par la suite pour avoir tué l'un de ses codétenus. Voilà qu'Omar Khadr se retrouve à Guantanamo, et que des gens viennent le voir, et lui font toutes sortes de promesses. Ils lui font miroiter un avenir intéressant, il cherche désespérément quelque chose à quoi se raccrocher. Ce jeune homme est-il encore tout à fait stable, est-il entièrement conscient de ce qu'il dit, n'est-il pas en état de contrainte du fait de son incarcération? En fait, la Cour suprême a démontré qu'il avait été soumis à des interrogatoires de la part de personnes qui prétendaient être là pour l'aider.

Le sénateur Duffy : Ce que nous savons, honorables sénateurs, c'est que M. Khadr est raciste et sexiste, puisqu'il a traité d'esclave et de putain une gardienne de race noire. Je crois que ses gestes sont éloquents.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Dallaire : Mon autre question est la suivante : le sénateur Duffy a-t-il déjà eu une dure journée? Le sénateur n'a-t-il jamais été poussé à bout, et sur le point de dire quelque chose qui pourrait être quelque peu stupide? A-t-il déjà été dans ce genre de situation, poussé au point de vouloir réagir, privé des médicaments lui permettant de maîtriser ses émotions, et à croire sur parole ceux qui lui faisaient miroiter des possibilités, donnant ainsi au gouvernement canadien une excuse pour ne pas honorer le marché qu'il avait conclu? Soyons sérieux.

Son Honneur le Président : Comme plus personne ne souhaite intervenir sur cette interpellation, le débat est terminé.

(Fin du débat.)

Les travaux du Sénat

Vœux et remerciements

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, avant que nous suspendions la séance en vue du vote d'aujourd'hui, et comme il s'agit de la dernière séance du printemps et du début de l'été, je voudrais prendre le temps de remercier Son Honneur, le greffier, les greffiers au Bureau, les sténographes, les pages et tout le reste du personnel du Sénat chargé de l'administration ou de la protection, pour les services formidables qu'ils ont fournis à tous les sénateurs au cours des six derniers mois. Évidemment, beaucoup continueront à travailler au cours de l'été.

(1540)

La plupart des sénateurs ne seront pas de retour avant septembre. Je voudrais remercier mes collègues des deux partis et leur dire que ce fut une très longue partie de session, avec des débats vigoureux, parfois problématiques. Cependant, en fin de compte, nous parvenons à faire notre travail, nous atteignons nos objectifs et, peu importe de quel côté de l'allée nous siégeons, nous savons tous que nous sommes très chanceux de vivre dans le meilleur pays de l'univers. Il est important de s'en souvenir, compte tenu de la situation dans le monde et de ce que vivent quotidiennement d'autres pays de la planète.

Je souhaite aux sénateurs un très bel été et une très joyeuse fête du Canada dimanche.

Je voudrais en outre faire affectueusement mes adieux aux sénateurs Di Nino, Angus, Cochrane et Poy. On n'a malheureusement pas le choix de prendre sa retraite un jour, mais les sénateurs Di Nino et Poy ont décidé de la prendre avant d'atteindre l'âge où les sénateurs y sont obligés, ce qui me paraît admirable, comme certains en conviendront.

Je remercie particulièrement tous mes collègues pour leur appui. Nous formons une équipe formidable, et je ne serais pas aussi efficace, loin de là, si je ne pouvais pas compter sur l'aide de mes collègues de mon parti, en particulier sur notre leader adjoint, Claude Carignan, sur notre whip, Beth Marshall, ainsi que sur la présidente de notre caucus, Rose-May Poirier.

Même si les gens d'en face l'oublient parfois lorsque nos débats deviennent acrimonieux, j'ai le plus grand respect pour tous les sénateurs canadiens. Il s'agit d'un groupe unique, car, depuis la Confédération, moins de 1 000 personnes ont eu le privilège de servir leurs concitoyens dans cette grande assemblée.

Bonne fête du Canada, bon été, et nous nous reverrons tous ici en septembre.

Le sénateur Cordy : Bon anniversaire à vous!

Le sénateur LeBreton : C'est le 4 juillet. Ils me font toujours une grosse fête, de l'autre côté de la frontière. Merci et bon anniversaire à vous, sénateur Cordy.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je me joins au sénateur LeBreton pour vous remercier du travail accompli ces derniers temps malgré les difficultés qu'il a fallu traverser.

Je remercie Son Honneur de sa patience et de sa sagesse ainsi que de l'influence apaisante qu'il a eue sur nous lorsque nous dépassions un petit peu les bornes. Ce fut fort apprécié et nous l'en remercions aujourd'hui.

Le greffier et les greffiers au Bureau ont toujours fait preuve de la compétence nécessaire pour nous garder dans le droit chemin, du moins sur le plan de la procédure.

Quant au personnel des Débats du Sénat, aux transcripteurs et à tous les pages, nous savons qu'ils travaillent très fort pendant de longues heures et nous les en remercions. Je suis toujours émerveillé de voir comment le personnel des Débats réussit à rendre ce que nous disons de façon lisible dès le lendemain dans au moins une des deux langues officielles.

Le personnel de la sécurité a fait preuve d'un professionnalisme indéfectible et d'une courtoisie de tous les instants à notre égard. Nous devrions leur être reconnaissants de nous permettre de travailler en toute sécurité. Ce n'est pas quelque chose qu'il faut prendre à la légère.

Nous avons aussi souvent, à l'endroit des membres de notre personnel, des demandes déraisonnables auxquelles ils répondent, la plupart du temps, avec enthousiasme et empressement, sans compter leur temps. Nous ne le leur disons pas assez souvent, mais nous apprécions ce qu'ils font pour nous tous.

Je souhaite à tous les honorables sénateurs un été très agréable. J'espère que vos vacances d'été seront reposantes et que nous nous retrouverons à l'automne de meilleure humeur que nous le sommes aujourd'hui.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que la séance soit suspendue jusqu'à ce que la sonnerie se fasse entendre à 17 h 15 pour le vote ordonné à 17 h 30?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Si, dans l'intervalle, les sénateurs se trouvent dans l'impossibilité de quitter l'édifice du Centre, en raison des célébrations du 200e anniversaire de la guerre de 1812, je les invite à porter leur regard à droite du pilier au sud de l'enceinte, à côté des armes héraldiques de la Couronne d'Angleterre, où ils verront deux portraits. Celui à gauche représente le général Wolfe et celui à droite, le général Brock. Dans l'esprit du succès du général Brock, sachez que si vous passez par les appartements du Président, vous ne serez pas déçus de ce que vous y trouverez.

Ai-je la permission de quitter le fauteuil?

Des voix : D'accord.

(La séance est suspendue.)

(1730)

(Le Sénat reprend sa séance.)

Projet de loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable

Troisième lecture

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le sénateur Buth, avec l'appui du sénateur Doyle, propose :

Que le projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures, soit lu pour la troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Meredith
Angus Mockler
Ataullahjan Nancy Ruth
Boisvenu Nolin
Brown Ogilvie
Buth Oliver
Carignan Patterson
Comeau Plett
Dagenais Poirier
Di Nino Raine
Doyle Rivard
Duffy Runciman
Eaton Segal
Fortin-Duplessis Seidman
Frum Seth
Gerstein Smith (Saurel)
Greene St. Germain
Johnson Stewart Olsen
Lang Tkachuk
LeBreton Unger
MacDonald Verner
Maltais Wallace
Manning Wallin
Marshall White—49
Martin

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Callbeck Hubley
Campbell Jaffer
Chaput Kenny
Charette-Poulin Mahovlich
Cordy Mercer
Cowan Merchant
Dallaire Mitchell
Dawson Moore
De Bané Munson
Downe Ringuette
Dyck Robichaud
Eggleton Smith (Cobourg)
Fairbairn Tardif
Fraser Watt
Furey Zimmer—31
Hervieux-Payette  

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

La Loi sur le droit d'auteur

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le sénateur Greene, avec l'appui du sénateur MacDonald, propose :

Que le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, soit lu pour la troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Meredith
Angus Mockler
Ataullahjan Nancy Ruth
Boisvenu Nolin
Brown Ogilvie
Buth Oliver
Carignan Patterson
Comeau Plett
Dagenais Poirier
Di Nino Raine
Doyle Rivard
Duffy Runciman
Eaton Segal
Fortin-Duplessis Seidman
Frum Seth
Gerstein Smith (Saurel)
Greene St. Germain
Johnson Stewart Olsen
Lang Tkachuk
LeBreton Unger
MacDonald Verner
Maltais Wallace
Manning Wallin
Marshall White—49
Martin

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Callbeck Hubley
Campbell Jaffer
Chaput Kenny
Charette-Poulin Mahovlich
Cordy Mercer
Cowan Merchant
Dallaire Mitchell
Dawson Moore
De Bané Munson
Downe Ringuette
Eggleton Robichaud
Fairbairn Tardif
Fraser Watt
Furey Zimmer—29
Hervieux-Payette

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, consent-on à ce que le Sénat suspende sa séance et que la sonnerie retentisse durant cinq minutes en attendant le message pour la sanction royale? Nous nous attendons à ce que cela se produise dans 30 minutes environ.

Des voix : D'accord.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)

(1830)

(La séance reprend.)

[Français]

La sanction royale

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 29 juin 2012

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable David Johnston, Gouverneur général du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l'annexe de la présente lettre le 29 juin 2012 à 18 h 15.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du Gouverneur général,
Stephen Wallace

L'honorable
        Président du Sénat
                Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le vendredi 29 juin 2012 :

Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Royaume hachémite de Jordanie, de l'Accord sur l'environnement entre le Canada et le Royaume hachémite de Jordanie et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et le Royaume hachémite de Jordanie (Projet de loi C-23, Chapitre 18, 2012)

Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures (Projet de loi C-38, Chapitre 19, 2012)

Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur (Projet de loi C-11, Chapitre 20, 2012)

(1840)

L'ajournement

Adoption de la motion

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 25 septembre 2012, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 25 septembre 2012, à 14 heures.)


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