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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 147

Le jeudi 21 mars 2013
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 21 mars 2013

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'Ordre de la Pléiade

Félicitations aux honorables Pierre-Hugues Boisvenu et Jacques Demers

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui afin de souligner un événement qui s'est déroulé hier, à l'Assemblée nationale du Québec.

En effet, l'Assemblée parlementaire de la Francophonie décerne annuellement certains hommages à d'illustres personnalités qui se sont distinguées en servant les idéaux de l'Assemblée et de la Francophonie. Il s'agit de l'Ordre de la Pléiade, ordre de la Francophonie et du dialogue des cultures.

Hier, nos collègues, les honorables sénateurs Pierre-Hugues Boisvenu et Jacques Demers, se sont vu remettre cet ordre honorifique par le Chancelier de l'Ordre de la Francophonie et du dialogue des cultures.

Le Sénat, honorables sénateurs, est une institution pour laquelle j'ai énormément de respect. Nous retrouvons des deux côtés de cette Chambre des personnes d'une grande richesse, qui ont un bagage impressionnant et qui montrent des qualités exceptionnelles.

Le fait que deux de nos collègues soient reconnus ainsi pour leur apport indiscutable à l'avancement de notre société mérite assurément d'être soulevé et souligné en cette Chambre.

L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu, par son histoire personnelle et sa détermination à faire avancer les droits des victimes d'actes criminels au Canada, a démontré sans l'ombre d'un doute, comme le disait la psychanalyste française Françoise Dolto :

Dans toute épreuve, il y a un fruit. Le tout est de savoir le cueillir.

Le sénateur Boisvenu a fait plus que le cueillir. Il l'a multiplié et a partagé sa récolte afin d'en faire profiter la société tout entière.

Quant à l'honorable sénateur Jacques Demers, il a touché le cœur de bien des Québécois et de bien des Canadiens. Il est un exemple de résilience et de persévérance. Il a su se faire une place au soleil malgré des limitations fonctionnelles eu égard à la lecture et à l'écriture, limitations qu'il a par la suite repoussées par sa détermination et son courage. Recevoir aujourd'hui la Pléiade, ordre de la Francophonie et du dialogue des cultures, revêt donc une signification toute particulière pour le sénateur Demers. Pour plusieurs, et ce, depuis un bon nombre d'années, il est un modèle de marque pour plusieurs de nos concitoyens.

Honorables sénateurs, j'offre à mes chers collègues mes sincères félicitations pour l'honneur qu'ils ont reçu hier et je les remercie de leur engagement, de leur chaleur humaine et de leur grande gentillesse.

Je vous réitère mes plus sincères félicitations pour cet hommage justement reçu. Soyez-en fiers. Je vous remercie de tout ce que vous nous apportez. Vous êtes des hommes d'exception et cet hommage rejaillit sur l'ensemble des membres de cette Chambre et sur notre institution.

[Traduction]

Le festival de Norouz

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, Norouz Mubarak à vous tous. C'est aujourd'hui un jour très spécial pour de nombreuses communautés religieuses et culturelles, tout particulièrement les musulmans chiites. Aujourd'hui, le 21 mars, marque la célébration de Norouz, qui signifie « le jour nouveau » en perse. Le festival marque le début du nouvel an, le premier jour du printemps.

Le festival de Norouz date d'il y a 3 000 ans, de l'époque où les astrologues du roi Jamshid, roi iranien mythique, ont constaté que le 21 mars marquait l'équinoxe vernal, point de l'année où le jour et la nuit sont de durée égale. Après cette découverte, le roi a déclaré le 21 mars était le premier jour du calendrier iranien, ou Norouz

Les Perses ont été les premiers à célébrer le Norouz, qui est aujourd'hui célébré dans diverses régions géographiques, dont l'Asie centrale et du Sud, l'Amérique du Nord et l'Europe. Dans beaucoup de pays, le Norouz est une fête nationale.

À cette occasion, amis et familles se réunissent pour passer du temps ensemble, échanger des cadeaux et partager un repas festif. Les adeptes de diverses confessions religieuses, dont les musulmans, les zoroastriens et les baha'is, se rendent à leur lieu de culte pour prier, exprimer leur reconnaissance et célébrer en compagnie des leurs. Ils en profitent souvent pour savourer des produits fins comme des friandises, des fruits secs, des noix et des grains, symboles d'abondance et de prospérité. C'est aussi le moment de l'année où les domiciles sont nettoyés et décorés, et les gens portent de nouveaux vêtements en signe du renouvellement du corps et de l'esprit. Chaque communauté célèbre la venue du printemps de sa propre façon.

Ce qu'il y a de plus extraordinaire dans le Norouz, c'est sa portée symbolique : l'hiver terminé, le printemps donne lieu à une vie nouvelle. C'est le temps d'un renouvellement physique et spirituel, le temps de renouveler nos engagements à l'égard des valeurs canadiennes profondément enracinées que sont la paix et la fraternité.

Les célébrations du nouvel an sont une importante occasion de réfléchir aux succès et aux défis de l'année passée et de penser à toutes les personnes moins fortunées et plus vulnérables. Espérons que, en cette nouvelle année, le monde sera un monde meilleur empreint d'humanité, un monde caractérisé par la paix, l'espoir et la sécurité.

Honorables sénateurs, en cette occasion joyeuse et pleine de promesses, veuillez vous joindre à moi pour souhaiter aux Canadiens qui célèbrent le Norouz un très heureux Norouz Mubarak.

La Journée mondiale du syndrome de Down

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Honorables sénateurs, je prends la parole pour vous dire qu'aujourd'hui est un jour qui me tient beaucoup à cœur. Aujourd'hui, le 21 mars, marque la Journée mondiale du syndrome de Down. L'Assemblée générale des Nations Unies a créé cette journée par voie de résolution en 2011 et l'observe officiellement depuis 2012. De nombreuses villes au pays soulignent cette journée par divers événements. Quant à la date, elle symbolise ce vingt-et-unième chromosome supplémentaire que possèdent 95 p. 100 des personnes qui souffrent du syndrome de Down.

(1340)

Honorables sénateurs, la Journée mondiale du syndrome de Down est une journée de sensibilisation. Elle vise à mettre en valeur et à communiquer l'information sur le syndrome de Down aux éducateurs, aux praticiens, aux responsables de l'application de la loi et au public en général. C'est une journée qui vise à détruire les mythes pour les remplacer par des faits qui permettront d'améliorer et de prolonger la vie des personnes atteintes du syndrome de Down, des faits dont la compréhension enrichira la vie de tous les membres de la société.

Honorables sénateurs, le fait est qu'une personne sur 900 naît avec le syndrome de Down, et que cela n'a rien à voir avec l'âge, la race ou la nationalité de la mère, pas plus qu'avec le statut social ou économique de la famille. Le fait est que de 30 à 40 p. 100 des personnes atteintes du syndrome de Down ont une malformation cardiaque qu'une intervention chirurgicale parvient souvent à corriger. Le fait est que les personnes atteintes du syndrome de Down ont des espoirs, des aspirations et des aptitudes tout aussi variés que ceux du reste de la population. Le fait est qu'un enfant atteint du syndrome de Down n'est pas un fardeau pour lui-même ou sa famille mais bien un cadeau, comme tout autre enfant le serait, pour ses parents, sa famille et la collectivité.

Honorables sénateurs, j'ai la chance de faire partie du Comité consultatif pour l'enfance en difficulté du Conseil scolaire catholique du district de Toronto. J'y offre des conseils au sujet des politiques éducatives visant les enfants ayant des besoins spéciaux. Je poursuivrai le dialogue national à ce sujet par l'entremise de mon travail au comité sénatorial.

Honorables sénateurs, la sensibilisation est la clé, et cela signifie plus que de simplement parler d'un sujet. La sensibilisation permet de sauver des vies, de concevoir des mesures adaptées d'application de la loi et d'inclure les personnes handicapées dans notre société. La sensibilisation permet de débattre de l'attribution de ressources additionnelles afin de faire progresser la recherche médicale et d'améliorer les possibilités d'éducation pour les personnes atteintes du syndrome de Down. Cela leur permet de contribuer d'une manière enrichissante à notre société et notre économie.

Ma propre fille, Rocel Enverga, en est la preuve. C'est une fille aimante et attentionnée, un être hors du commun qui nous donne beaucoup, à moi, aux membres de ma famille et à toute la collectivité. Je sais que je ne suis pas le seul sénateur qui peut personnellement en témoigner.

Je vous remercie, honorables sénateurs.

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, aujourd'hui, à l'occasion de la Journée mondiale du syndrome de Down, je peux dire que je fais partie de la même équipe que le sénateur Enverga. Comme il l'a dit, nous soulignons aujourd'hui la Journée mondiale de la trisomie 21, une journée de sensibilisation qui permet de réfléchir au rôle essentiel que jouent les trisomiques dans notre vie et dans notre milieu.

La trisomie se produit naturellement. Elle a toujours existé et touche toutes les populations, quels que soient l'ethnie des gens, leur sexe ou les conditions socio-économiques dans lesquelles ils vivent. Un nouveau-né canadien sur 800 est trisomique. Il ne faut pas remonter très loin dans le temps pour voir à quel point la vie des trisomiques a radicalement changé. Il n'y a pas si longtemps, on les mettait à l'écart. Ils ne participaient pas aux activités sociales, professionnelles, sportives et artistiques. Parfois, même, on ne leur permettait pas de se montrer dans des activités sociales. Ces aspects de la vie n'étaient pas pour eux. On les réservait aux autres.

Heureusement pour nous, il y a toujours eu des gens dans la société qui, en plus de prôner l'égalité et l'intégration, avaient aussi la force d'agir selon leurs convictions. Il existe aujourd'hui des groupes et des organismes, un peu partout au Canada, qui défendent ces convictions. Ils ont pour but de veiller à ce que tous puissent prendre part à la société et s'épanouir.

Sous le thème « Différent et pourtant comme toi! », la Société canadienne du syndrome de Down rend hommage à des héros trisomiques qui mènent une vie exceptionnelle : des athlètes, des bénévoles, des étudiants et des défenseurs d'intérêts sociaux. Les activités et les réalisations de ces personnes permettent d'illustrer les grandes aptitudes des trisomiques et leur précieuse contribution à la société.

La société souligne également cette journée importante en prenant une initiative remarquable et opportune. Elle a publié une déclaration de principe sur les termes sans jugement de valeur. Le langage est un outil puissant qui peut servir à inclure les gens dans notre société ou à les en exclure.

Voici la déclaration de la Société canadienne du syndrome de Down :

La Société canadienne du syndrome de Down promeut l'utilisation de termes dépourvus de jugement de valeur qui respectent les forces, les compétences et les talents uniques des personnes atteintes du syndrome de Down. En employant un langage respectueux et réfléchi, nous pouvons contribuer à bâtir des collectivités dans lesquelles toutes les personnes sont appréciées à leur juste valeur et considérées comme des citoyens à part entière.

Les sénateurs savent bien entendu que j'appuie l'organisation Olympiques spéciaux Canada depuis de nombreuses années. Cette organisation offre un entraînement sportif et des occasions de participer à des compétitions à des personnes présentant une déficience intellectuelle. Plus de 34 000 enfants, jeunes et adultes sont inscrits à des programmes qui fonctionnent chaque jour de la semaine grâce à un réseau extraordinaire de plus de 16 400 bénévoles. L'organisation Olympiques spéciaux Canada est fière de participer à cette journée internationale visant à rendre hommage aux personnes atteintes du syndrome de Down.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à la Société canadienne du syndrome de Down, à Olympiques spéciaux Canada, ainsi qu'à d'innombrables autres groupes, organisations et personnes dans le monde, y compris Michael Trinque, qui travaille dans mon bureau et qui est atteint du syndrome de Down, pour célébrer la Journée mondiale des personnes atteintes du syndrome de Down. Je vous demande également de vous souvenir de mon fils maintenant décédé, qui souffrait du syndrome de Down.

Sa Sainteté le pape François

L'honorable Norman E. Doyle : Honorables sénateurs, au cours des derniers jours, j'ai eu l'honneur et l'immense privilège de représenter le Sénat du Canada en tant que membre de la délégation du gouverneur général qui s'est rendue à Rome pour l'installation du nouveau pape, Sa Sainteté le pape François.

Ce serait un euphémisme de dire que cet événement était extrêmement touchant. Des dirigeants religieux et des dirigeants civils de presque partout dans le monde ont participé à ce grand moment.

Vers 7 heures le jour de la messe d'inauguration, c'est-à-dire le mardi, plus de 200 000 personnes, dont les membres de la délégation canadienne, ont pris le chemin de la place Saint-Pierre pour écouter le service et l'homélie du pape, prévus pour 9 h 30. L'homélie prononcée par le pape lors de la messe d'inauguration est souvent considérée par les catholiques du monde entier, au nombre de 1,2 milliard, comme annonciatrice du pontificat qui s'amorce. Par ailleurs, les chrétiens en général considèrent aussi qu'elle permet de mieux comprendre le rôle de l'Église comme porte-étendard spirituel des attentes du peuple. À mon avis, l'homélie du pape François a bien atteint cet objectif. Elle ne nous a pas déçus. À propos de la vocation de l'Église, celle de « gardien », il a dit ceci :

La vocation de garder, cependant, ne nous concerne pas seulement nous les chrétiens, elle a une dimension qui précède et qui est simplement humaine, elle concerne tout le monde. C'est le fait de garder la création tout entière, la beauté de la création, comme il nous est dit dans le Livre de la Genèse et comme nous l'a montré saint François d'Assise : c'est le fait d'avoir du respect pour toute créature de Dieu et pour l'environnement dans lequel nous vivons. C'est le fait de garder les gens, d'avoir soin de tous, de chaque personne, avec amour, spécialement des enfants, des personnes âgées, de celles qui sont plus fragiles et qui souvent sont dans la périphérie de notre cœur. C'est d'avoir soin l'un de l'autre dans la famille [...]

Il a également dit ceci :

Je voudrais demander, s'il vous plaît, à tous ceux qui occupent des rôles de responsabilité dans le domaine économique, politique ou social, à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté : [soyons] « gardiens » de la création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l'autre, de l'environnement.

Le pape semble accorder beaucoup d'importance à l'environnement, aux pauvres ainsi qu'aux personnes fragiles, marginalisées et vulnérables. C'est le premier pape originaire de ce côté-ci de l'Atlantique, et c'est pour cette raison qu'il met autant l'accent sur le caractère universel de l'Église. De près, il semble modeste et peu porté sur les parures ostentatoires ou le luxe. Pasteur d'abord et avant tout, il garde une place de prédilection dans son cœur pour ceux qui sont dans le besoin.

Comme j'ai eu la chance de pouvoir assister aux diverses cérémonies, j'ai aussi pu voir assez facilement, sous des extérieurs annonçant une grande douceur, une personne à la foi inébranlable dont le pontificat sera marqué par la volonté de ramener l'Église à ses principes originels.

(1350)

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous remercier encore, ainsi que le gouverneur général, de m'avoir donné l'occasion et le privilège rare d'assister à l'installation du pape François. Je suis sûr que vous vous joindrez tous à moi pour lui offrir nos meilleurs vœux dans son rôle de chef spirituel de 1,2 milliard de catholiques dans le monde.

Des voix : Bravo!

L'Île-du-Prince-Édouard

La sécurité énergétique

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui sur une question d'importance vitale pour les gens de l'Île-du-Prince-Édouard. Depuis quelques années, le gouvernement de Charlottetown demande de l'aide fédérale pour ajouter un nouveau câble électrique entre l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick.

En 2005, les gouvernements du Canada et de l'Île-du-Prince- Édouard ont annoncé conjointement un projet d'amélioration du réseau de transmission électrique. Un nouveau câble aurait été placé à l'intérieur du pont de la Confédération, dans un corridor spécialement conçu pour cet usage. Mais en 2006, la constitution du fonds de partenariat devant servir à financer ce projet a été annulée par le nouveau gouvernement.

À part l'électricité produite par ses éoliennes, l'Île-du-Prince- Édouard achète à la Société d'énergie du Nouveau-Brunswick pratiquement toute son électricité, qui lui est transmise par deux câbles sous-marins installés en 1977. Ces câbles arrivent à la fin de leur vie utile de 40 ans. Une fuite survenue récemment dans l'un des câbles, qui a dû être mis hors service en attendant d'être réparé, nous a rappelé brusquement que ces câbles n'ont pas une durée de vie infinie et qu'ils devront un jour ou l'autre être remplacés.

Parallèlement, on observe une hausse de la demande d'électricité à l'Île-du-Prince-Édouard. On prévoit que, d'ici 2017, il faudra installer un câble supplémentaire, même si l'on peut toujours compter sur les deux câbles existants.

De plus, ce câble supplémentaire fournirait à la province un moyen d'exporter l'électricité produite avec ses éoliennes lorsqu'elle n'en a pas besoin pour répondre à la demande locale.

L'installation d'un nouveau câble correspond à un besoin vital en matière d'infrastructures, et les gens de ma province sont plongés dans l'incertitude à ce sujet. Même Mme Gail Shea, la ministre fédérale responsable de la province, admet qu'il faudra agir bientôt.

Honorables sénateurs, j'ai soulevé cette question à plusieurs reprises ici. Je demande encore une fois au gouvernement fédéral de prendre les mesures qui s'imposent pour aider les Prince- Édouardiens à assurer leur sécurité énergétique, sécurité dont ils ont besoin et qu'ils méritent.

Le décès d'Edward William « Billy » Downey

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à Edward William, dit « Billy », Downey, originaire d'Halifax, qui nous a quittés le vendredi 8 mars 2013. Il était le fils des regrettés George Alexander Downey et Leotra Tomlinson Downey. Grand amateur de sports, Billy, qui excellait au baseball, à la boxe et au hockey, était aussi un fier homme d'affaires noir avant-gardiste.

Dans sa jeunesse, Billy avait été le gérant des Vaughan Furriers, une équipe de baseball junior championne des Maritimes composée d'athlètes noirs et d'athlètes blancs exceptionnels. Plus que le gérant de l'équipe, il fut le visionnaire qui a fait fi des couleurs en constituant son équipe, à laquelle il a légué un trésor inestimable. L'équipe avait de nombreux partisans et attirait régulièrement plus de 4 000 supporters aux matchs disputés au parc municipal d'Halifax. L'histoire de Billy et de son équipe est racontée dans le livre de Frank Mitchell intitulé The Boys of '62.

C'est peut-être pour son amour de la musique et du monde du spectacle que Billy est surtout connu. Au milieu des années 1960, Billy et l'un de ses frères, Graham, ont ouvert l'Arrows Club, situé d'abord dans une maison de la rue Creighton, puis dans la rue Agricola. En 1969, Billy a déménagé son club dans de nouveaux locaux plus spacieux, rue Brunswick. Le cabaret de Billy n'avait rien à envier à ceux de Montréal et de New York et de toutes les villes intermédiaires. Il a fait venir des artistes aussi renommés que Ike et Tina Turner, Sam et Dave et Lotsa Poppa, pour n'en nommer que quelques-uns. C'était la boîte la plus branchée en ville. Des gens de toutes les couches de la société, les grands et moins grands, de toutes les couleurs et allégeances politiques, finissaient par se retrouver dans l'ambiance chaleureuse du club de Billy. Des années après la fermeture de l'Arrows Club, en 1987, Billy a ouvert un nouvel établissement, l'Open Circle, rue Gottingen, où il a continué à promouvoir et à produire des artistes locaux et des artistes de passage.

À la fin des années 1960, Billy avait invité Miriam Makeba, une célèbre chanteuse de folk qui avait remporté un Grammy et était mariée à Stokely Carmichael — le leader des Black Panthers à l'époque — à se produire à l'Arrows Club. Stokely dit à Billy que Miriam monterait sur scène à une condition : que les clients noirs et les clients blanc soient assis chacun d'un côté du Arrows Club. Billy lui répondit que Miriam ne pourrait pas se produire dans son club sous cette condition. Dans le cœur de Billy, la musique ne connaissait pas de frontière. Stokely a compris le message et Miriam est montée sur scène, à la plus grande joie du public et de Stokely qui prit place dans le public hétérogène. Billy Downey, à lui tout seul, a beaucoup fait pour désamorcer les tensions raciales qui existaient à l'époque à Halifax.

Le mois dernier, Billy Downey a reçu la Médaille du jubilé de diamant de la reine en reconnaissance de son entrepreneurship et de son activisme communautaire uniques. C'était un grand moment de fierté pour lui et sa famille. Je remercie mon collègue, le sénateur Cowan, d'avoir présenté la candidature de Billy car il méritait amplement de recevoir cette médaille.

Samedi dernier, plus de 500 personnes étaient réunies en l'église baptise Emmanuel d'Upper Hammonds Plains pour célébrer la vie de Billy. Il fut précédé dans la mort par son épouse, Carol. Nous offrons nos plus sincères condoléances aux enfants de Billy, à ses sœurs et à ses frères. C'était un homme unique rempli de bonnes intentions. Je suis fier d'avoir été son ami.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Les affaires autochtones et le développement du Nord

Dépôt du rapport de mise en Œuvre pour 2010-2011 de l'accord définitif de la Première Nation de Tsawwassen

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport sur l'accord définitif de la Première Nation de Tsawwassen, rapport de mise en œuvre pour 2010-2011.

[Traduction]

La Fondation autochtone de guérison—Dépôt du rapport annuel de 2012

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2012 de la Fondation autochtone de guérison et le rapport du vérificateur pour l'exercice se terminant le 31 mars 2012.

Projet de loi d'assentiment aux modifications apportées à la loi concernant la succession au trône

Dépôt du vingt-deuxième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable Bob Runciman, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dépose le rapport suivant :

Le jeudi 21 mars 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

VINGT-DEUXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-53, Loi d'assentiment aux modifications apportées à la loi concernant la succession au trône, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 7 mars 2013, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
BOB RUNCIMAN

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Runciman, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Le Budget des dépenses de 2012-2013

Le Budget supplémentaire des dépenses (C)—Dépôt du dix-huitième rapport du Comité des finances nationales

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dix-huitième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, portant sur les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (C), pour l'exercice se terminant le 31 mars 2013.

(Sur la motion du sénateur Day, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

L'étude de la proposition relative aux frais d'utilisation

Agriculture et Agroalimentaire—Dépôt du dixième rapport du Comité de l'agriculture et des forêts

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dixième rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, qui porte sur la proposition de l'Agence canadienne d'inspection des aliments visant à imposer un prix pour l'obtention d'un permis d'importation pour importer des produits du secteur des établissements non agréés par le gouvernement fédéral.

Je propose que l'étude de ce rapport soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.

Une voix : Avec dissidence.

(Sur la motion du sénateur Mockler, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance, avec dissidence.)

[Français]

L'étude sur les services et avantages sociaux offerts aux membres et aux anciens combattants des forces canadiennes et aux membres et aux anciens membres de la GRC, les activités commémoratives et la Charte

Dépôt du neuvième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le neuvième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, portant sur une étude de la Nouvelle Charte des anciens combattants.

(Sur la motion du sénateur Dallaire, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1400)

[Traduction]

Projet de loi de crédits no 5 pour 2012-2013

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes un message accompagné du projet de loi C-58, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2013.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

[Français]

Projet de loi de crédits no 1 pour 2013-2014

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes un message accompagné du projet de loi C-59, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2014.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes un message accompagné du projet de loi C-55, Loi modifiant le Code criminel.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5 du Règlement, je propose que la deuxième lecture de ce projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour plus tard aujourd'hui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Carignan, nonobstant l'article 5-5 du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

[Traduction]

La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes un message accompagné du projet de loi C-279, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel (identité de genre).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Tardif, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

La Loi sur la gestion des finances publiques

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Wilfred P. Moore dépose le projet de loi S-217, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (emprunts de fonds).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Moore, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Pêches et océans

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final relativement à son étude sur la pêche au homard au Canada atlantique et au Québec

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le 8 mars 2012, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans relativement à son étude sur la pêche au homard au Canada atlantique et au Québec soit reportée du 31 mars 2013 au 31 mai 2013.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

La Gendarmerie royale du Canada—La demande de documents

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat et concerne certains renseignements fondamentaux qui semblent difficiles à obtenir.

Nous avons de la difficulté à obtenir des renseignements, premièrement sur le budget de la Gendarmerie royale du Canada pour les exercices financiers 2002-2003 à 2012-2013; deuxièmement sur le nombre de membres réguliers recrutés chaque année, de l'exercice financier 2002-2003 à l'exercice financier 2012-2013; et troisièmement sur les données relatives à l'attrition à la GRC pour la même période.

J'ai donné préavis de cette question. Je ne m'attends pas à obtenir une réponse aujourd'hui, mais je serais reconnaissant si nous pouvions recevoir une réponse rapidement, c'est-à-dire avant que nous soyons trop avancés dans l'étude du projet de loi C-42.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur et lui suis très reconnaissante d'avoir donné préavis de sa question. Effectivement, sa demande concerne des données très précises. Je l'ai donc déjà transmise au ministre de la Sécurité publique afin qu'il fournisse une réponse détaillée.

Les anciens combattants

Le Programme pour l'autonomie des anciens combattants

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. J'aimerais faire un suivi au sujet de la question posée par la sénatrice Callbeck le 2 mai dernier et de la réponse différée qu'elle a reçue le 14 décembre.

La sénatrice Callbeck a posé une question très précise au sujet du Programme pour l'autonomie des anciens combattants et de l'injustice des critères d'admissibilité des conjoints survivants.

(1410)

Je suis moi aussi préoccupée par cette iniquité. Beaucoup de veuves d'anciens combattants de l'Île-du-Prince-Édouard m'ont dit qu'elles n'avaient pas pu avoir accès aux services dont elles avaient besoin et auxquels elles devraient être admissibles.

Comme l'ombudsman des vétérans, Guy Parent, l'a mentionné dans un communiqué publié le 6 mars, il n'y a là rien de nouveau. En fait, il a lui aussi présenté la question au gouvernement à plusieurs reprises, mais jusqu'à maintenant, ses efforts n'ont pas porté fruit.

Le problème semble attribuable au fait qu'il y a une faille dans les critères d'admissibilité, laquelle fait en sorte qu'il est impossible pour certains conjoints d'être admissibles à certains services, même s'ils respectent les critères de base en ce qui concerne le revenu ou l'invalidité. La réponse différée à la question de la sénatrice Callbeck explique très clairement la nature de cette faille. Selon le ministre des Anciens Combattants, certaines personnes ne seront pas admissibles à tous les services, car une fois qu'elles sont jugées admissibles au Programme pour l'autonomie des anciens combattants en tant que principal dispensateur de soins, elles ne peuvent plus être considérées comme des survivants.

J'aimerais savoir pourquoi une telle faille existe encore. Dans sa réponse à la sénatrice Callbeck, le gouvernement a indiqué que cette faille était la cause de cette iniquité, mais il n'a pas expliqué pourquoi il n'a pas réglé le problème. Le conjoint survivant d'un ancien combattant ne devrait pas se voir refuser des services en raison d'une règle administrative ou bureaucratique si, autrement, il aurait en principe droit à ces services.

Je vais poser de nouveau la question : pourquoi ne se penche-t-on pas sur cette règle injuste? Madame le leader pourrait-elle également nous dire quand nous pouvons nous attendre à ce qu'un changement soit apporté?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Comme les sénateurs le savent, plus de 38 000 veufs et veuves d'anciens combattants canadiens ont profité du Programme pour l'autonomie des anciens combattants depuis que le gouvernement les a rendus admissibles à celui-ci, en 2008. Je me souviens très bien de la réponse écrite et du fait qu'on y avait reconnu l'existence de l'anomalie dont la sénatrice a parlé. Je prends note de cette partie de la question et je saurai, lorsqu'elle sera renvoyée aux personnes concernées, si celles- ci ont eu l'occasion de se pencher sur cet aspect en particulier.

[Français]

Le patrimoine canadien

Bibliothèque et Archives Canada—Le code de conduite

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question porte sur le Code de conduite de Bibliothèque et Archives Canada qui suscite la controverse depuis quelques jours. Parmi les éléments controversés de ce nouveau code de conduite, on retrouve des passages qui identifient des activités comme le fait de parler devant une classe ou d'assister à une conférence comme étant à risque élevé.

Le code semble également carrément interdire aux employés de participer à ce genre d'activités publiques si le thème discuté est relié à leur travail ou au mandat de Bibliothèque et Archives Canada, ou si les organisateurs de l'activité collaborent ou pourraient éventuellement interagir avec Bibliothèque et Archives Canada.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous expliquer pourquoi ces activités sont soudainement identifiées comme étant risquées et pourquoi le code de conduite semble interdire aux employés de Bibliothèque et Archives Canada d'interagir sur leur temps personnel avec des groupes qui œuvrent dans ce domaine ou dans d'autres?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, les bibliothécaires et les archivistes ont toujours le droit de prononcer des conférences et de s'exprimer dans le cadre d'autres activités. La politique est restée la même.

Le processus relatif au Code de conduite remonte à 2004, lorsque l'ancien gouvernement était au pouvoir. À l'époque, c'est le greffier du Conseil privé qui pilotait le dossier. Reg Alcock, qui présidait le Conseil du Trésor, a mentionné le projet de loi C-11 parce que c'était la politique de l'ancien gouvernement, une politique qui a cours depuis 2004. Je cite ce qu'il a dit lorsqu'il a témoigné, le 14 octobre 2004, à propos du projet de loi C-11, Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles :

Le projet de loi prévoit que le Conseil du Trésor devra établir un code de conduite pour l'ensemble de la fonction publique fédérale.

La politique est en vigueur depuis maintenant neuf ans. Elle n'a pas changé. Les archivistes et les bibliothécaires sont libres de continuer à donner des conférences et à participer à d'autres activités.

La sénatrice Tardif : Honorables sénateurs, selon le code, l'obligation de loyauté des fonctionnaires envers le gouvernement — et je cite — « découle de la mission essentielle de la fonction publique, soit de permettre au gouvernement élu, conformément à la loi, [de] servir l'intérêt public et de mettre en œuvre les politiques publiques [...] ».

Quel est l'intérêt, pour Bibliothèque et Archives Canada, d'adopter un code de conduite empêchant les membres de son personnel de s'exprimer en public et d'interagir avec les professionnels de leur domaine tout en soulignant l'obligation de loyauté envers le gouvernement dûment élu? Quel serait le but?

La sénatrice LeBreton : Le gouvernement, c'est le gouvernement, peu importe qui est au pouvoir. En 2004, lorsque la politique a été établie, un autre parti détenait le pouvoir. La politique est restée la même. Sur le site web du Secrétariat du Conseil du Trésor, la citation est plutôt celle-ci :

[...] la reconnaissance du Code est une condition d'emploi pour tous les employés du secteur public fédéral.

En ce qui concerne les archivistes et les bibliothécaires, la politique demeure inchangée. Ils sont libres de participer à des activités comme par le passé, y compris, naturellement, à des activités scolaires.

La sénatrice Tardif : Selon Richard Provencher, conseiller principal en communications de Bibliothèque et Archives Canada, le code a été rédigé en réponse au Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique d'avril 2012, lequel demandait aux ministères fédéraux d'établir leur propre code de conduite. Bibliothèque et Archives Canada a rédigé son code de conduite en se fondant sur celui d'autres organismes fédéraux.

Le gouvernement considère-t-il que s'adresser à une salle de classe, parler à des enseignants ou s'exprimer en d'autres lieux présente un risque élevé? Est-ce là le code de la fonction publique prôné par les organismes fédéraux?

La sénatrice LeBreton : Je crois avoir déjà répondu à cette question. La politique n'a pas changé. Les archivistes et les bibliothécaires sont parfaitement libres de participer à des activités organisées par des écoles et à d'autres événements du même genre.

La sénatrice Tardif : Dans ce cas, honorables sénateurs, pourquoi a-t-on rédigé le code en avril 2012, en s'inspirant du Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique, et comment se fait-il que le gouvernement préconise ce dernier dans d'autres organismes fédéraux? Pour quelle raison? Les dates ne concordent pas.

La sénatrice LeBreton : Si la sénatrice a des questions concernant Bibliothèque et Archives Canada, je l'encourage à inviter M. Caron, l'administrateur général de Bibliothèque et Archives Canada, à venir traiter de cette question devant un comité du Sénat.

Les gens sont responsables de leur propre ministère. Le Conseil du Trésor a des lignes directrices normalisées dont j'ai déjà parlé. Je n'ai rien d'autre à ajouter à ce sujet.

La sénatrice Tardif : Honorables sénateurs, je crois comprendre que Bibliothèque et Archives Canada a mis en place ce code de conduite en s'inspirant de ce qui se fait dans d'autres organismes fédéraux.

Ma question est la suivante : le gouvernement appuie-t-il ce code de conduite et la façon dont les actes des employés sont encadrés? S'agit-il d'une chose que le gouvernement accepte dans d'autres organismes fédéraux?

La sénatrice LeBreton : Encore une fois, honorables sénateurs, il s'agit d'une pratique établie, comme je l'ai dit, et je ne peux que répéter ce qui se trouve sur le site web du Conseil du Trésor :

[...] la reconnaissance du Code est une condition d'emploi de tous les employés du secteur public fédéral.

La sécurité publique

La Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat.

Selon le récent rapport de l'enquêteur correctionnel, intitulé Une question de spiritualité, les délinquants autochtones représentent 22 p. 100 de la population carcérale, alors qu'ils ne comptent que pour 2 p. 100 de la population canadienne. La situation des femmes autochtones est encore plus préoccupante. En effet, elles représentent 32 p. 100 de toutes les femmes incarcérées dans les prisons fédérales, ce qui représente une augmentation de 86 p. 100 en 10 ans.

Il y a plus de 20 ans, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition est entrée en vigueur. La loi, pour reprendre la description qu'en fait l'enquêteur correctionnel, contient des dispositions qui visent à accroître la participation des collectivités autochtones aux services correctionnels et à régler la question de la surreprésentation des Autochtones dans le système correctionnel fédéral.

(1420)

Voici la question que j'adresse à madame le leader : qu'entend faire le gouvernement en réponse au rapport de l'enquêteur sur la situation des Autochtones en prison?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le gouvernement est bien au fait du rapport et il a investi dans des programmes par l'entremise de divers ministères afin d'aider les détenus, surtout les femmes. Il existe une longue liste de programmes que je me ferai un plaisir de vous fournir dans une réponse écrite.

La sénatrice Jaffer : J'ai une question complémentaire. L'enquêteur correctionnel a aussi constaté dans son rapport un écart important entre le financement accordé pour les pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81, qui sont gérés par les communautés autochtones, et celui qui est accordé pour les installations de Service correctionnel Canada. Il a estimé que les communautés autochtones recevaient environ 60 p. 100 des fonds que Service correctionnel Canada reçoit pour la gestion de leurs pavillons de ressourcement. Les quatre pavillons de ressourcement gérés par les communautés autochtones ne comptent que 68 lits pour l'ensemble du Canada. Ces installations confessionnelles ne peuvent accueillir que 2 p. 100 des Autochtones qui purgent une peine fédérale. Qu'entend faire le gouvernement pour négocier l'allocation d'un financement permanent, réaliste et équitable pour les pavillons de ressourcement gérés par les communautés autochtones, existants et futurs, et pour augmenter considérablement le nombre de lits dans ces centres?

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, en ce qui concerne les Autochtones qui sont emprisonnés, comme pour tout autre segment de la population, ce sont bien entendu les tribunaux qui statuent sur la culpabilité ou l'innocence des gens. Les tribunaux se prononcent sur leur emprisonnement au vu de la preuve dont ils sont saisis.

Le gouvernement fournit des ressources importantes, honorables sénateurs, pour la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones, qui permet aux communautés autochtones d'accroître leur participation à l'administration locale de la justice. Nous fournissons des fonds par l'intermédiaire du Programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones, qui aide les Autochtones accusés d'infraction à obtenir un traitement juste et équitable. Nous avons adopté une approche équilibrée, en misant notamment sur la prévention et en investissant dans le Fonds de prévention du crime chez les collectivités autochtones et du Nord, dans le Fonds de lutte contre les activités de gangs de jeunes, dans la Stratégie nationale antidrogue et dans la Stratégie nationale pour la prévention du crime.

Pour ce qui est de la question qui porte sur les pavillons de ressourcement, je ne dispose pas des renseignements nécessaires pour y répondre. J'en prends note.

Les édifices du Parlement

Les visites guidées de la Cité parlementaire

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. On m'a dit aujourd'hui que le public n'avait pas pu faire de visite guidée des édifices du Parlement. Je me demande si madame le leader est au courant de ce fait et j'aimerais savoir pourquoi il en a été ainsi.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, la Cité parlementaire ne relève pas de ma compétence à titre de leader du gouvernement au Sénat. Je n'étais pas au courant de la situation, et je ne pense pas que mon titre de leader du gouvernement au Sénat me permette de répondre à la question.

Le sénateur Moore : J'aimerais poser une question complémentaire. Je crois comprendre que la décision vient du sergent d'armes de l'autre endroit, et peut-être de celui d'ici. Des visiteurs étrangers qui étaient ici ce matin ont voulu faire une visite guidée des édifices du Parlement et n'ont pas pu le faire. Je serais porté à penser que, lorsque des gens se font refuser l'accès à leurs propres immeubles, ce devrait être connu. Je ne sais pas si des gens du côté de madame le leader ont voulu faire visiter les lieux à des invités aujourd'hui, mais madame le leader pourrait peut-être s'enquérir de la situation et en informer le Sénat.

La sénatrice LeBreton : Je répète, honorables sénateurs, que cette question n'est pas de mon ressort. J'imagine qu'elle relève des Présidents des deux Chambres. Si la sécurité sur la Colline du Parlement causait quelque inquiétude, il est évident que le sergent d'armes et les Présidents le sauraient. Je ne suis au courant de rien de tel. Je n'ai pas d'invités d'habitude.

Honorables sénateurs, si la Cité parlementaire ou les autorités policières ont jugé bon d'intervenir d'une manière spécifique sur la Colline du Parlement, cette décision ne relève pas de ma responsabilité ni de celle du gouvernement. Je conseillerais au sénateur de s'adresser aux autorités appropriées du Sénat et de la Chambre des communes pour en savoir davantage.

Le sénateur Moore : Se pourrait-il, en fait, que la Cité parlementaire relève du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration? Le président de ce comité connaît peut-être la réponse.

L'honorable David Tkachuk : Non, je n'ai pas la réponse, mais je chercherai à savoir si la sécurité de la Cité parlementaire a été renforcée.

Le sénateur Moore : Le sénateur s'informera et nous fera part de ce qu'il aura appris?

Le sénateur Tkachuk : Oui.

Le sénateur Moore : Si ce changement était en lien avec la sécurité de la Cité parlementaire, faut-il en déduire qu'il existait une menace dont nous n'étions pas conscients? J'aimerais savoir ce qui s'est passé. Le président du Comité de la régie interne pourrait-il découvrir pourquoi, exactement, le public s'est vu refuser l'accès à ces édifices?

Le sénateur Tkachuk : Je n'ai eu connaissance d'aucune menace concernant la sécurité, mais je tenterai de découvrir ce qui s'est produit.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13 (3) du Règlement, j'avise le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : le projet de loi C-27, la motion no 63 et les autres points tels qu'ils apparaissent au Feuilleton.

Projet de loi sur la transparence financière des Premières Nations

Adoption de la motion tendant à la fixation de délai

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement), conformément au préavis de motion donné le 20 mars 2013, propose :

Que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-27, Loi visant à accroître l'obligation redditionnelle et la transparence des Premières Nations en matière financière.

— Honorables sénateurs, il s'agit de la motion d'allocation de temps. Donc, comme je l'ai expliqué hier, il nous apparaît important de consacrer une période maximale de six heures pour débattre de ce projet de loi. Il est important que ce projet de loi puisse entrer en vigueur avant le 31 mars 2013, de façon à s'assurer de son application rapide pour la prochaine année financière qui couvre les états financiers des réserves auxquelles il va s'appliquer. C'est pour ce motif que nous demandons de procéder avec cette motion d'allocation de temps.

J'invite les honorables sénateurs à prouver l'efficacité du Sénat et à s'assurer du respect de cette loi le plus rapidement possible.

[Traduction]

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'interviens au sujet de la guillotine qui vise à clore le débat sur le projet de loi C-27, Loi visant à accroître l'obligation redditionnelle et la transparence des Premières Nations en matière financière. Le projet de loi à l'étude aura des répercussions graves et très étendues sur les peuples autochtones du Canada et les institutions qui leur servent à s'organiser et à se gouverner.

Certains sénateurs appuient le projet de loi alors que d'autres s'y opposent. Le désaccord est profond.

(1430)

Honorables sénateurs, n'est-ce pas là la raison même de notre présence ici, soit discuter, débattre des divergences de vues et essayer d'améliorer les lois du Canada grâce à nos délibérations?

Le débat est sain. Je souhaiterais que le débat sur le projet de loi C-27 se prolonge plutôt que de le voir interrompu si rapidement. Le gouvernement cherche maintenant à mettre fin au débat en une journée. Nous sommes saisis du projet de loi à l'étape de la troisième lecture depuis à peine 48 heures. Le sénateur Patterson a proposé la motion de troisième lecture du projet de loi C-27 mardi. Je ne crois pas que nous ayons eu depuis un débat satisfaisant sur cet important projet de loi.

Le leader adjoint du gouvernement a eu raison de faire valoir que lui et moi n'avions pas pu nous entendre sur un nombre satisfaisant de jours ou d'heures pour achever la troisième lecture du projet de loi C-27. Je ne pouvais pas accepter une limite de temps.

Les sénateurs doivent savoir qu'aucune raison n'a été avancée pour justifier l'urgence de l'adoption du projet de loi.

Le 19 mars, le sénateur Patterson a dit ce qui suit :

À ma connaissance, le projet de loi, même s'il est adopté, ne sera pas proclamé et n'entrera pas en vigueur avant l'exercice 2014.

Cela veut dire le 1er avril 2014, soit dans plus d'un an.

Le sénateur Patterson a dit qu'il était important de donner du temps « aux bandes pour s'adapter au nouveau régime ».

Je ne conteste pas cette opinion du sénateur, mais j'ai du mal à croire que quelques jours de débat de plus au Parlement avant l'adoption du projet de loi — qui est inévitable, puisque le gouvernement dispose de la majorité — empêcheront les bandes d'adapter leurs affaires et leurs pratiques à temps pour le 1er avril 2014. C'est grotesque, franchement.

Je comparerais la situation du projet de loi C-27 à celle du projet de loi C-55. Nous avons reçu ce dernier aujourd'hui, et il y a une raison concrète de l'adopter de toute urgence. En effet, le projet de loi C-55 modifie le Code criminel pour offrir des garanties relativement à l'autorisation d'intercepter des conversations privées parce que, le 11 février, la Cour suprême a conclu à l'inconstitutionnalité des dispositions actuelles à cet égard. Elle a donné au Parlement jusqu'au 13 avril pour rendre ces dispositions conformes à la Constitution. Pour ces raisons, notre groupe parlementaire a accepté à l'unanimité que le projet de loi soit lu aujourd'hui pour la deuxième fois. Aucune urgence semblable dans le cas du projet de loi C-27. Il est tout à fait inadmissible que le gouvernement, sans aucune raison concrète, force le Sénat à conclure le débat sur ce projet de loi.

En ce qui concerne le projet de loi même, la transparence et la divulgation proactive sont des objectifs importants pour tous les gouvernements, y compris ceux des Premières Nations, et j'appuie ces objectifs. Néanmoins, le gouvernement conservateur a le devoir de travailler avec les Premières Nations à l'amélioration de la reddition mutuelle de comptes, et non d'imposer ses idées sur les solutions efficaces.

Comme la sénatrice Dyck l'a dit avec tant d'éloquence à plusieurs reprises, les Premières Nations sont des partenaires disposés à collaborer en matière de gouvernance, mais le gouvernement doit cesser de les traiter comme des adversaires.

Le projet de loi C-27 ne fait rien pour alléger le fardeau des rapports, actuellement écrasant, surtout pour les petites Premières Nations qui ont une capacité administrative limitée. À lui seul, le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien reçoit chaque année plus de 60 000 rapports des Premières Nations, et voici que le gouvernement impose de nouvelles obligations en matière de rapports tout en réduisant les ressources dont les Premières Nations disposent pour se conformer à ces exigences.

Comme la sénatrice Dyck l'a expliqué, l'approche gouvernementale de la question viole l'obligation constitutionnelle qui est faite à la Couronne de consulter les Premières Nations avant de modifier des lois ou politiques qui ont une incidence sur elles, leurs institutions et leurs droits.

Voici que le gouvernement use de sa majorité au Sénat pour interrompre le débat et imposer l'adoption d'une politique d'intérêt public contraire à la Constitution.

Cette façon d'agir établit un certain ton. Elle en dit long sur l'attitude du gouvernement dans ses relations avec les membres des Premières Nations du Canada. Là où la confiance devrait régner, il y a méfiance. Là où il devrait y avoir un esprit de coopération, il y a affrontement. Ce n'est pas du leadership.

Honorables sénateurs, je vais voter contre cette motion d'attribution de temps, et j'invite les sénateurs de part et d'autre de notre assemblée à faire la même chose.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Je remercie l'honorable sénatrice Tardif de son excellente intervention.

Honorables sénateurs, je me considère toujours comme une nouvelle venue au Sénat, alors que j'y siège depuis près de huit ans. Cette motion tendant à limiter le débat m'étonne toujours. Dans toute société démocratique, le débat devrait être possible. À mes yeux, cette motion est tout à fait grotesque. Nous, sénateurs, sommes ici pour débattre des projets de loi et pour les améliorer, pas pour empêcher le débat. La motion est fondamentalement antidémocratique.

En ce qui concerne le projet de loi C-27, dont j'ai parlé hier, on peut dire qu'il est mal conçu, illogique, inutile et imposé aux Premières Nations sans qu'on les ait consultées et sans leur consentement. En limitant le débat, nous ne faisons que tourner le fer dans la plaie, puisque nous ne permettons pas aux sénateurs de deux camps de livrer le fond de leur pensée. C'est une très mauvaise idée.

Hier, j'ai informé les sénateurs des inquiétudes renouvelées qui se font sentir au sujet des nouvelles ententes de financement. Je me suis entretenue avec la Première Nation de Burnt Church. Ses membres ont l'impression que l'entente de financement est comme un fusil qu'on leur braque sur la tempe. Ils n'ont pas le choix. Lorsqu'ils apprendront qu'un autre projet de loi leur sera imposé au Sénat, ils ne réagiront pas très bien. Hier, en fin d'après-midi, le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Shawn Atleo, a publié un communiqué. Il a dit :

Les « initiatives législative unilatérales » du gouvernement ont « toujours été infructueuses » et ont fait en sorte que les Premières Nations n'ont pas vraiment leur mot à dire dans les décisions concernant des politiques importantes.

Ce ressentiment a refait surface l'an dernier et s'est poursuivi après que le budget de 2012 du gouvernement Harper eut entraîné la présentation de deux projets de loi omnibus auxquels de nombreuses Premières Nations se sont opposées, entraînant la naissance du mouvement populaire autochtone Idle No More, des grèves de la faim et des manifestations sur la Colline du Parlement.

La réunion du 11 janvier entre Stephen Harper et les chefs des Premières Nations s'est conclue par la promesse d'une rencontre de suivi entre Harper et Atleo. À ce moment-là, le cabinet du premier ministre avait déclaré que cette réunion aurait lieu au cours des semaines suivantes. Nous voici, deux mois et demi plus tard, sans rencontre de suivi avec le premier ministre et à un point tournant et historique, le premier projet de loi visant les Premières Nations étant sur le point d'être adopté après toutes les tensions vécues depuis décembre. Plutôt que d'aller de l'avant et d'imposer un autre projet de loi non souhaité par les Premières Nations en limitant les débats, nous devrions permettre la tenue d'un débat ouvert, libre et démocratique.

Paradoxalement, nous célébrons aujourd'hui la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. La Confédération des Premières Nations signataires du Traité no 6 nous a indiqué avoir lancé un appel urgent devant le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale des Nations Unies au sujet du tsunami de projets de loi qui sont imposés aux Premières Nations. Aujourd'hui, j'ai demandé à mes collègues de lire des extraits de cet appel afin d'illustrer l'exaspération qu'éprouvent les Premières Nations du Canada. Elles sont tellement exaspérées de ne rien obtenir du gouvernement qu'elles doivent se tourner vers les Nations Unies pour obtenir de l'aide. Elles attendent que cet organisme envoie une lettre au Canada pour lui dire : « Réveillez- vous et faites quelque chose pour ces gens. »

Mes collègues vont maintenant lire certains extraits de cet appel.

(1440)

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Le document s'intitule Mémoire à la 82e session du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale concernant la non-conformité du Canada avec les Conventions des Nations Unies sur les droits de l'homme et la recommandation générale no 23 du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale. Le mémoire a été présenté du 11 février au 1er mars 2013, à Genève, par les membres de la Nation crie d'Ermineskin, la Nation crie d'Onion Lake, la Nation crie de Samson, la Nation crie de Montana, les Dénés de Coal Lake, la Nation crie de Saddle Lake, la Nation crie d'Alexander, la Nation crie de Kehewin, la Nation crie de Lubicon, la Nation crie de Little Pine, la Nation crie de Piapot, la Nation crie de Witcheken, la Nation crie de Sweetgrass, la Première Nation de James Smith, les Saultaux, la Première Nation de Sakimay, la Première Nation de Muskoday, la Nation crie Serpant River, la Nation crie de Starblanket et la Nation crie de Thunderchild.

Ces nations...

[...] croient en leur création et estiment que la relation spirituelle détermine la reconnaissance de leurs droits inhérents découlant des traités et l'exercice de ces droits sur leurs propres terres. Ce lien qu'elles ont avec leur Créateur, en restant proche de la terre, s'harmonise avec leurs lois et l'exercice de leurs droits inhérents sur leurs territoires traditionnels dans le contexte de leurs traités respectifs.

Les Nations soutiennent qu'elles ont toujours été des nations souveraines qui ont toujours exercé leurs droits inhérents sur les territoires que leur a conférés leur Créateur. Les Nations affirment également qu'elles occupent leurs terres de manière conforme avec les ordonnances juridiques traditionnelles des Cris et des Ojibways, leurs lois, leurs systèmes de croyances et leurs structures de gouvernance, et que ces lois ont été établies et peuvent être exprimées dans leurs langues.

Les Nations se gouvernent conformément à leurs lois, qui sont distinctes des lois de l'État du Canada. Le Canada a été créé aux termes d'un acte du Parlement britannique. Nous avons négocié et conclu des traités avec la Couronne britannique pour permettre aux colons de fouler nos terres. Il s'agissait de traités de paix et d'amitié dont il a notamment été question dans le UN Study on Treaties, Agreements and other Constructive Agreements, étude entreprise par le regretté Miguel Alfonso-Martinez. En sa qualité d'État successeur, le Canada a hérité de l'obligation de mettre en œuvre ces traités de bonne foi pour préserver l'honneur de la Couronne. Cependant, l'État du Canada a contrevenu à ces traités en nous imposant unilatéralement, à l'aide de son système juridique, des politiques, programmes et lois, dont la Loi sur les Indiens. La Loi sur les Indiens est une loi fédérale qui limite la façon dont les nations autochtones auteures du présent mémoire peuvent utiliser leurs terres et leurs ressources. La Loi sur les Indiens gouverne tous les aspects de nos vies, de la naissance à la mort, dans les terres de réserve désignées, ou réserves. Cependant, ces terres de réserve reconnues constituent seulement une petite partie des grands territoires traditionnels des nations, terres justement visées par nos traités respectifs.

Le mouvement autochtone Idle No More a commencé au début de novembre en réponse à une série de lois présentées par le Canada qui touchent directement les peuples autochtones de la partie nord de l'Île aux tortues, aujourd'hui appelée le Canada, dont font partie les Nations qui ont rédigé le présent mémoire...

Les Nations indigènes présentent cette demande de procédure d'alerte rapide et d'intervention d'urgence [...] afin d'attirer l'attention du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale sur la série de mesures qui violent constamment et systématiquement les droits fondamentaux des Nations et sur la manière dont le Canada ne tient aucunement compte des recommandations du comité, qui est responsable de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Les activités qui ont lieu au Canada ont fini par se transformer en manifestations graves de racisme et de haine envers les membres des Nations et des autres citoyens canadiens d'origine indigène. La démarche entreprise par le Canada suppose le déni complet des droits indigènes des Nations, et plus particulièrement du droit à l'autodétermination. Ce déni est particulièrement apparent dans la série de mesures législatives présentées par le gouvernement conservateur du Canada, qui visent à usurper, à bafouer et à nier la souveraineté qu'exercent actuellement les nations sur leurs territoires. Nous y sommes souverains car c'est nous qui avons occupé ces territoires les premiers; nous avons nos propres formes de gouvernement, qui respectent les décrets et les lois issus de notre culture, de nos traditions et de nos langues [...]

Le Canada a présenté une série de mesures législatives qui violent directement les droits inhérents qui nous ont été conférés par le Créateur, nos droits fondamentaux et le droit que nous avons de nous gouverner nous-mêmes à l'intérieur de nos territoires traditionnels respectifs et de ceux qui nous ont été accordés par voie de traité. Pour chacune de ces mesures, toutes déposées au Parlement du Canada en 2012, le processus législatif qui en fera des lois en bonne et due forme suit son cours. Certains projets de loi sont encore à l'étude à la Chambre des communes ou au Sénat. On compte au total dix projets de loi qui violent les droits inhérents des Nations, divers engagements pris, par voie de traité, entre la Couronne britannique, dont le Canada est l'État successeur, et les Nations ainsi que le droit à l'autodétermination des Nations à l'origine de la présente demande. Deux de ces projets de loi (le C-38 et le C-45) sont déjà en vigueur, même si les chefs des Nations signataires de la présente demande s'y sont opposés avec véhémence [...]

Le mouvement autochtone Idle No More a été provoqué par les projets de loi omnibus C-38 et C-45, qui ont été adoptés en dépit de la levée de boucliers. Les projets de loi omnibus sont des projets de loi budgétaires qui modifient de nombreuses lois. Ils ont des centaines de pages, et les mesures qu'ils contiennent ne sont pas étudiées comme elles le seraient normalement dans le cadre des travaux parlementaires, qui donneraient lieu à des débats et des consultations, notamment dans le cas des mesures litigieuses visant à modifier ou abroger des lois, ou encore à en promulguer de nouvelles. La description suivante permet de bien comprendre ce qu'est un projet de loi omnibus :

[...] un projet de loi omnibus vise à modifier, à abroger ou à adopter plus d'une loi et il se caractérise par diverses parties indépendantes, mais ayant néanmoins un lien entre elles. Tout en cherchant à créer ou à modifier plusieurs lois disparates, le projet de loi omnibus a cependant « un seul principe de base et un seul objet fondamental qui justifie toutes les mesures envisagées et qui rend le projet de loi intelligible à des fins parlementaires ». Une des raisons invoquées pour déposer un projet de loi omnibus consiste à vouloir regrouper dans un même projet de loi toutes les modifications législatives découlant de l'adoption d'une politique afin de faciliter le débat parlementaire.

L'utilisation des projets de loi omnibus est propre au Canada. Le Parlement britannique adopte de tels projets de loi, mais sa pratique législative est différente, notamment en raison d'un contrôle beaucoup plus rigoureux qui est exercé sur la durée des débats.

Au cours de l'année 2012, le gouvernement du Canada a présenté deux projets de loi omnibus controversés qui violent directement les droits inhérents des Autochtones du pays protégés par des traités, y compris les droits de la personne, et qui nient notre droit à l'autodétermination. Ces projets de loi ont été adoptés d'une manière qui viole les conditions établies dans les traités et fait fi des relations entre nations sous-tendant ces traités [...] Cette manière de faire est contraire au droit des nations à l'autodétermination. Le gouvernement du Canada a décidé de faire adopter ces projets de loi sans informer les principaux intéressés, sans les inclure dans la démarche et sans les consulter véritablement, comme l'exige la jurisprudence de la Cour suprême sur l'obligation de consulter.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, avant que je continue de lire le mémoire soumis au comité des Nations Unies, permettez-moi de joindre simplement ma voix à ceux qui disent qu'il est grotesque de prétendre qu'il peut y avoir un quelconque motif valable pour adopter ce projet de loi à toute vapeur un an avant qu'il n'entre en vigueur.

Je lis maintenant le mémoire présenté au comité de l'ONU :

Le 26 avril 2012, le gouvernement canadien a présenté le projet de loi C-38 à la Chambre des communes pour la première lecture et, le 29 juin 2012, le projet de loi a reçu la sanction royale sans que les parties et les groupes visés, dont les Nations qui ont soumis la présente requête, n'aient été consultés comme il se doit. Ce projet de loi proposait des modifications à plus de 70 lois fédérales. Par ailleurs, le débat sur les mesures touchant les Nations, le cas échéant, a été limité. Parmi les lois visées par le projet de loi omnibus qui touchent directement les Nations et d'autres Autochtones au Canada, il y avait entre autres :

a. la nouvelle Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (2012);

b. la Loi sur la gestion des terres des premières nations (abrogation de l'art. 41);

c. la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières nations;

d. la Loi sur le développement commercial et industriel des premières nations;

e. la Loi sur les pêches.

En dépit de l'opposition des Nations autochtones, de diverses parties et de groupes intéressés de la société civile, les dispositions de ce projet de loi sont maintenant en vigueur au Canada. La loi limite et restreint la capacité des Nations d'exercer leurs droits autochtones inhérents à l'autodétermination sur leurs territoires. L'intention du gouvernement est de permettre un accès plus rapide à nos ressources sans aucune surveillance. Étant un pays colonial, le Canada doit avoir accès à nos territoires pour soutenir son économie et la garder aussi prospère qu'elle l'est en ce moment. Cela se fait aux dépens de notre environnement et de nos peuples.

Le 18 octobre 2012, le gouvernement canadien a présenté le projet de loi C-45 à la Chambre des communes pour la première lecture et, le 14 décembre 2012, le projet de loi a reçu la sanction royale. Les chefs n'ont été informés des modifications apportées aux lois les touchant directement qu'au moment où le ministre des Affaires autochtones leur a envoyé une lettre circulaire le 22 octobre 2012. Or, c'était quatre jours après la présentation de la mesure législative. Bien que le gouvernement conservateur ait prétendu dans divers médias qu'il y a bel et bien eu des consultations, les Nations autochtones n'ont pas du tout été consultées. Est-ce ainsi que l'État canadien défend l'honneur de la Couronne? Qui plus est, le fait de ne pas consulter les Nations autochtones directement touchées par ces projets de loi contrevient au principe fondamental de la démocratie selon lequel les gens qui sont directement touchés par les mesures du gouvernement doivent avoir voix au chapitre.

(1450)

Les chefs ont cherché à comparaître devant le comité chargé de l'étude du projet de loi, mais on ne leur a pas permis de le faire. Selon la greffière du comité, une difficulté d'ordre procédural les en empêchait. Les représentants ont assisté aux audiences, mais ils n'ont pas pu s'exprimer. Le gouvernement affirme à la population canadienne que les chefs ont eu l'occasion de se faire entendre, mais c'est également faux.

Le projet de loi C-45 a été adopté sans que les parties et les groupes intéressés, dont les nations autochtones qui soumettent le présent mémoire, ait été consultés comme il se doit. Le projet de loi omnibus a modifié plus de 50 lois fédérales, dont la « Loi sur les Indiens », qui régit les droits, les terres et les territoires autochtones. On a apporté ces modifications sans que les nations aient été consultées et sans qu'elles aient pu en discuter. Les articles de la Loi sur les indiens qui ont été modifiés concernent les terres autochtones et changent la façon dont on considère les terres réservées, notamment la façon dont elles sont « désignées » et « cédées ».

Quand des traités ont été conclus, nous avons compris que nous partagerions le territoire avec de nouveaux venus. La colonisation se poursuit de nos jours par le biais de la présentation à répétition de mesures législatives nous dictant quoi faire sur nos terres. Par exemple, dans le cadre du débat que tient actuellement le Sénat, le sénateur Dennis Glen Patterson a dit ce qui suit au sujet de la lutte du mouvement Idle No More contre le projet de loi C-45 :

Je suis avec inquiétude ce qui se passe dans le cadre du mouvement Idle No More, plus particulièrement les manifestations, — dont certaines prennent la forme de barrages illégaux qui obstruent la circulation —, contre les répercussions du projet de loi C-45 telles que perçues par certains leaders autochtones et journalistes mal informés. Parmi les accusations les plus incendiaires émises par le mouvement Idle No More, notons l'affirmation que le projet de loi C-45 faciliterait la vente des terres des Premières nations.

Dans son numéro du 12 décembre, le Yukon News rapporte que le chef régional de l'Assemblée des Premières Nations, Mike Smith, a déclaré ceci :

Ces terres nous appartiennent, et tout ce que nous avons à dire aux gouvernements du Canada et du Yukon, c'est qu'elles ne sont pas à vendre.

Par la suite, selon un reportage diffusé le 14 décembre par CBC, des manifestants à l'Île-du-Prince-Édouard ont déclaré que le projet de loi C-45 prévoit d'importants changements au chapitre de la gestion des terres dans les réserves qui feraient en sorte qu'il serait plus facile pour le gouvernement d'exercer son contrôle sur les terres de réserve.

La déclaration du sénateur est la preuve que le gouvernement du Canada colporte des renseignements inexacts sur nos terres. Les mesures prises par le gouvernement du Canada enfreignent notre droit à l'autodétermination, et nous empêchent de profiter de nos droits inhérents en tant qu'Autochtones et des droits découlant des traités que nous avons signés concernant nos terres.

Des voix : Bravo!

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je vais moi aussi lire le mémoire présenté à la 82e session du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale. Je poursuis donc la lecture des déclarations des 20 Premières Nations ayant participé à la rédaction de ce mémoire.

Je me joins à tous ceux qui dénoncent ce projet de loi.

Voici un extrait du mémoire :

La Loi sur la transparence financière des Premières Nations est le projet de loi le plus récemment soumis au Parlement. Il est en voie d'être adopté. À l'heure actuelle, le projet de loi est débattu au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. À l'étape de l'étude par le Comité permanent de la Chambre des communes, les chefs traditionnels n'ont pas eu voix au chapitre. Devant le tollé suscité par le projet de loi et devant les nombreuses demandes d'amendements et de consultations, le Gouvernement a décidé d'imposer la clôture, ce qui a coupé court au processus démocratique.

Il ne semble jamais y avoir de fin.

La clôture a eu pour effet d'empêcher les partis de l'opposition de proposer des amendements. Les chefs, qui n'ont pas leur place au Parlement, ont été tenus à l'écart du système parlementaire. Les chefs souhaitaient des changements majeurs et un nouveau processus afin que nous puissions donner notre consentement préalable librement et en connaissance de cause comme c'est notre droit en vertu des traités que nous avons signés. Dans le système parlementaire canadien, la clôture est une mesure draconienne pour interrompre le débat et la discussion. Il s'agit d'une mesure arbitraire et expéditive.

Le but du projet de loi, selon le gouvernement du Canada, est d'augmenter la transparence des gouvernements des Premières Nations, en forçant leurs dirigeants à divulguer publiquement leurs données financières. Celles-ci seront affichées sur un site Web du gouvernement du Canada. Une telle obligation nuira à notre capacité de faire des affaires et violera le droit des citoyens à la vie privée. Malgré ce que prétend le gouvernement, ce projet de loi vise à avoir accès à toutes les sommes que les Premières Nations auront amassées par leurs propres moyens.

En outre, il existe un mythe autour du projet de loi qui vient nourrir le racisme envers nos nations. Nos nations autochtones doivent déjà présenter de nombreux rapports pour être en mesure d'obtenir les sommes octroyées par le gouvernement du Canada. Le projet de loi perpétue le mythe selon lequel les Premières Nations sont corrompues et incapables de gérer leurs propres affaires. Il porte atteinte à notre souveraineté et à notre capacité à affirmer nos propres principes d'autodétermination, parce qu'il discrédite nos formes traditionnelles de gouvernement. L'honorable sénateur Dennis Glen Patterson fait valoir les arguments suivants durant les débats que tient actuellement le Sénat sur ce projet de loi :

[L]es dirigeants travaill[ent] plutôt à cacher l'information de l'ensemble des membres ou de leurs opposants. Comme l'ont affirmé certains témoins qui ont comparu devant le comité de la Chambre des communes chargé d'étudier le projet de loi, dans certaines collectivités, les membres sont victimes d'intimidation lorsqu'ils demandent accès à ces renseignements financiers de base.

La déclaration du sénateur Patterson laisse entendre que tous les gouvernements des Premières Nations s'adonnent à la corruption et qu'il faut imposer à leurs dirigeants un cadre législatif pour qu'ils rendent des comptes à leurs membres. Les déclarations de ce genre minent notre capacité de bâtir nos propres gouvernements conformément aux droits inhérents des peuples autochtones. Elles perpétuent les discours coloniaux selon lesquels les dirigeants et les gouvernements des Premières Nations sont corrompus et incapables de gérer leurs affaires. Elles discréditent notre capacité d'établir nos propres structures de gouvernance dans un contexte d'autodétermination.

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, j'aimerais poursuivre le débat.

Je dois tout d'abord mentionner, à titre d'ancien membre du Comité des peuples autochtones, combien je trouve désolant de devoir dénoncer' un projet de loi qui révèle, encore une fois, une vision paternaliste de la relation entre les deux nations, alors que l'initiative devrait venir des Autochtones. Je trouve regrettable que nous répétions encore les erreurs du passé.

Le mémoire dit ce qui suit à propos du projet de loi C-428, Loi sur la modification et le remplacement de la Loi sur les Indiens :

Le 4 juin 2012, le gouvernement du Canada a présenté à la Chambre des communes le projet de loi C-428 pour sa première lecture. Depuis, il franchit les étapes qui mèneront à son adoption. Ce projet de loi d'initiative parlementaire vise à modifier en profondeur la Loi sur les Indiens. À ce jour, il n'y a eu aucune consultation notable à propos des changements majeurs proposés et de l'effet qu'ils auraient sur les Nations. Voici les principales caractéristiques d'un projet de loi d'initiative parlementaire :

[L]'objet ou le but d'un projet de loi privé est de conférer à une ou plusieurs personnes, ou à un groupe de personnes, des pouvoirs ou avantages spéciaux, ou d'exclure de telles personnes de l'application générale d'un texte de loi.

[Le] projet de loi privé [...] se rapportera directement aux affaires d'un particulier ou d'un groupe, notamment d'une société, qui est nommé dans le projet de loi; il visera un but qui ne saurait être atteint au moyen d'une loi générale et il sera fondé sur une pétition présentée par un particulier ou un groupe.

Bien que le projet de loi C-428 vise à modifier considérablement la Loi sur les Indiens et à la remplacer, le gouvernement du Canada n'a entrepris aucune consultation auprès des Premières Nations. La façon dont le gouvernement conservateur a présenté ce projet de loi a donné une fausse impression. Les médias ont dit que les Nations avaient demandé une telle mesure législative. En fait, plusieurs membres du gouvernement conservateur ont déclaré à divers médias que les nations avaient été consultées au sujet de ce projet de loi. Non seulement cette déclaration du gouvernement conservateur est-elle fausse, mais elle étaye la thèse coloniale selon laquelle les Premières Nations sont irresponsables et incapables de prendre des décisions dans leur intérêt et que, par conséquent, les modifications législatives importantes présentées par le gouvernement conservateur du Canada étaient nécessaires. Or, en imposant ce projet de loi, le gouvernement conservateur prive les Nations des droits de la personne fondamentaux que le Créateur leur a donnés et de leur droit à l'autodétermination sur leur territoire respectif.

(1500)

La présentation dit ceci au sujet du projet de loi S-2, Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux :

Ce projet de loi a été présenté au Sénat le 28 septembre 2011 et a récemment été adopté à l'étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes le 22 novembre 2012. Il a ensuite été renvoyé au Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. Le député conservateur qui a présenté le projet de loi à la Chambre a déclaré que le projet de loi « fera en sorte que les Autochtones vivant dans les réserves jouiront des mêmes droits et protections que les autres Canadiens en ce qui concerne les biens immobiliers matrimoniaux. » Or, il n'y a pas eu suffisamment de consultations respectant les normes juridiques des Premières Nations, et surtout des nations signataires. Qui plus est, le projet de loi porte atteinte aux relations qui, selon ce que croyaient les Nations, avaient été établies dans les traités. Le projet de loi tente de brimer les droits inhérents et les droits issus des traités en les assujettissant à des lois provinciales, privant ainsi les Nations d'exercer leurs droits à l'autodétermination. Les propos suivants, tenus par un député dans le cadre du débat sur ce projet de loi, illustrent parfaitement les problèmes que cette mesure législative pose aux Premières Nations, en particulier aux nations signataires :

Ainsi, j'insisterai sur le fait qu'imposer des lois provinciales aux Premières Nations sans leur consentement est problématique sur les plans éthique et pratique, en plus de faire fi de leurs droits inhérents et de leur souveraineté. Toutefois, il n'y a rien de neuf sous le soleil. En effet, au cours de la dernière année et demie, les conservateurs ont imposé des mesures de façon unilatérale, tout particulièrement dans le domaine aborigène.

Je suis spécialisé dans le domaine et, en tant que porte- parole, je parle plus souvent de ces sujets. Dans le cas qui nous occupe, les conservateurs tentent simplement de démontrer qu'ils ont mis en avant des mesures de façon expéditive, poussive et un peu désordonnée, simplement pour retirer un certain crédit et dire qu'ils ont abordé directement cette problématique.

Lors des débats tenus à la Chambre, les points de vue contradictoires sur ce projet de loi ont fait la preuve que le programme du gouvernement conservateur consiste à faire adopter des mesures législatives qui entravent gravement la souveraineté des Nations, et particulièrement notre capacité à créer nos propres lois et à exercer nos compétences au moyen de l'autodétermination. De plus, cette approche perpétue l'attitude colonialiste à l'égard des Premières Nations, qui suppose que nous sommes incapables de décider nous-mêmes ce qui convient le mieux à nos peuples et à nos Nations. Le programme législatif colonialiste réprime la capacité des Nations à élaborer leurs propres initiatives de gouvernance fondées sur les lois culturelles et spirituelles qui guident les gouvernements de nos Nations.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, c'est avec tristesse que je participe au débat cet après-midi. Ce qui m'attriste encore davantage — comme vous, j'en suis sûr, et vous devriez avoir honte —, c'est de consigner au compte rendu d'autres extraits du mémoire présenté à la 82e session du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale concernant l'échec du Canada à se conformer aux conventions des Nations Unies sur les droits de l'homme et à l'observation générale no 23 du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale.

Il est malheureux que les populations de nos Premières Nations soient encore obligées de faire appel aux Nations Unies.

Je poursuis :

Projet de loi S-6 « Loi sur les élections au sein des premières nations »

Ce projet de loi a été présenté au Sénat le 6 décembre 2011. Il a été présenté à l'étape de la première lecture à la Chambre des communes le 4 mai 2012. Il vise à modifier la façon dont sont élus les dirigeants des Premières Nations de telle sorte que le ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien puisse exercer un contrôle encore plus strict sur les gouvernements des Premières Nations en leur imposant un processus électoral digne de l'époque coloniale.

Les sénateurs d'en face doivent être fiers de leur coup.

Voici ce qu'a déclaré le sénateur conservateur qui a parrainé ce projet de loi lors du débat portant sur ce dernier :

[...] fournir un cadre adéquat [aux Premières Nations], de manière à ce qu'elles puissent se doter de gouvernements modernes.

Les avantages qu'il offre sont trop grands pour qu'on les ignore. Le projet de loi S-6 découragera les pratiques électorales douteuses et encouragera des pratiques fiables, cohérentes et efficaces qui se prêtent moins aux abus.

Le projet de loi sur les élections au sein des Premières Nations est présenté par le gouvernement du Canada [...]

Le débat sur ce projet de loi au Sénat perpétue un programme et un discours qui remontent à l'époque coloniale, selon lesquels les formes de gouvernement traditionnel des Premières Nations, qui reposent sur nos valeurs, notre culture et nos croyances spirituelles, sont inadéquats et rétrogrades et qu'il est préférable que nos Nations soient assujetties à des mesures législatives présentées par le gouvernement conservateur en vue de « moderniser » les mécanismes applicables aux gouvernements des Nations. Cependant, le projet de loi nuit à la compétence des Nations, à leur souveraineté et à leur capacité de s'autodéterminer sur les territoires qui tirent leur origine des droits inhérents qui nous ont été conférés par notre Créateur, ainsi que de nos droits de la personne.

Projet de loi S-8 « Loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations »

Ce projet de loi sénatorial a été présenté le 29 février 2012. Il se trouve actuellement à l'étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes, où il a été débattu pour la dernière fois le 26 novembre 2012. Ce projet de loi vise l'adoption de règlements du gouvernement du Canada liés à l'eau sur les terres des Nations. Selon le gouvernement, ces règlements permettront de régler des problèmes concernant la qualité de l'eau. Toutefois, le projet de loi nuit aux lois gouvernementales inhérentes aux Nations et à la compétence qu'elles exercent sur leurs propres territoires. Pendant l'un des débats, un dirigeant d'une Première Nation a parlé de ses inquiétudes au sujet du manque de consultations sur le projet de loi. Voici ce qu'il a déclaré : « Le projet de loi S-8 [...] suit le schéma d'imposition unilatérale de lois et ne respecte pas les critères de développement conjoint et de reconnaissance claire de la compétence des Premières Nations. » Toujours au sujet du manque de consultations lors de l'élaboration du projet de loi, une députée a fait la déclaration suivante au sujet de ses préoccupations à cet égard :

Rien dans le texte ne reflète le fait que certaines Premières Nations ont peut-être déjà leur propre réseau d'approvisionnement en eau potable ou pourraient souhaiter se doter d'un tel réseau, avec l'aide du fédéral.

La disposition de non-dérogation pose aussi problème, car elle prévoit une exception tellement énorme qu'un boulet de canon passerait facilement au travers. L'article 7 pourrait aussi entrer éventuellement en conflit avec l'article 35 de la Constitution, car il ferait sorte que les règlements pris en vertu du projet de loi S-8 l'emporteraient sur les lois des Premières Nations.

Les Nations sont aussi préoccupées par le fait qu'il n'y a pas eu de consultations au sujet de ce projet de loi, que celui-ci leur est imposé et qu'il fait fi des relations fondées sur les traités, des droits inhérents des Autochtones, des droits de la personne et de la capacité d'accéder à l'autonomie gouvernementale. Il s'agit d'un autre problème important que pose cette mesure législative. Le gouvernement du Canada pourrait obliger nos Nations à conclure des ententes avec des entreprises privées pour assurer l'approvisionnement en eau sur nos territoires. La mesure législative imposerait de lourdes obligations aux Nations, sans leur accorder le financement nécessaire pour appuyer les critères qui y sont énoncés. En somme, le gouvernement du Canada condamne nos Nations à l'échec. La mesure législative mine nos droits liés à l'eau — lorsque nous avons signé des traités avec la Couronne, nous n'avons pas renoncé à nos droits liés à l'eau.

(1510)

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, le projet de loi S-212, Loi sur la reconnaissance de l'autonomie gouvernementale des Premières Nations :

[...] déposé le 1er novembre 2012, en est actuellement à l'étape de la première lecture. Diverses versions de cette mesure ont été présentées depuis 20 ans avant qu'elle ne devienne le projet de loi S-212, qui a pour objet de définir un processus législatif pour permettre aux Premières Nations de devenir autonomes en leur conférant des pouvoirs semblables à ceux des provinces. Depuis le dépôt du projet de loi, aucune consultation n'a été menée auprès des Premières Nations relativement à ses répercussions sur les administrations autochtones, sur les droits naturels de la personne et des peuples autochtones ainsi que sur les droits reconnus au titre d'un traité.

En imposant une mesure législative aux Premières Nations, le gouvernement non seulement fait abstraction de nos modes de gouvernement traditionnels, qui sont fondés sur nos valeurs, notre culture et notre spiritualité, sous-entendant qu'ils sont archaïques et laissent à désirer, mais il perpétue aussi le discours colonialiste à l'égard des Premières Nations selon lequel notre culture est enlisée dans le passé et le Canada doit venir à la rescousse.

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, il est profondément désolant que nos propres concitoyens aient à sortir du Canada pour obtenir justice. Nos premières familles doivent littéralement quitter le pays pour réclamer justice contre leur propre — je refuse de dire gouvernement — leur propre contre-nation.

Je commence à la partie B, qui porte sur la réaction des Nations aux mesures législatives imposées.

Le mouvement autochtone Idle No More, qui a vu le jour en novembre sous la forme de séminaires locaux, vise à sensibiliser les gens à une série de projets de loi qualifiés de mesures d'éradication des Premières Nations. Ceux-ci en sont à diverses étapes du processus parlementaire devant mener à leur adoption, une progression que nous avons tenté de stopper au moyen de manifestations pacifiques (rassemblements, danse traditionnelle en public, campagne épistolaire, etc.). Cependant, le gouvernement canadien est resté sourd à nos demandes. Le Canada exploite le processus législatif pour nous contraindre au silence. Le gouvernement nous prive de notre capacité de soulever des questions liées aux traités qui régissent notre relation. En nous réduisant au silence et en oblitérant notre relation scellée par traité, le Canada entache sa réputation sur la scène internationale. L'État a pourtant besoin des traités pour légitimer tout intérêt qu'il détiendrait dans nos territoires. À titre d'État successeur, le Canada est tenu de respecter les traités conclus par la Couronne. Le Canada puise directement dans le discours colonialiste voulant que nos Nations ne soient pas des entités souveraines et qu'il doive leur imposer des lois pour la gestion de leurs affaires, un discours qui le justifie de toujours nous déposséder de nos terres ancestrales et de nos ressources, et de dénier nos droits naturels, y compris les droits de la personne et ceux reconnus en vertu d'un traité.

Il est évident que le Canada refuse de reconnaître notre identité nationale quand il omet de nous inviter aux discussions touchant la façon dont le projet de loi a été présenté, ce qui a été fait sans notre participation. Les organismes politiques nationaux qui sont des sociétés sans but lucratif créées en vertu d'une loi canadienne n'ont pas conclu de traités. Ils n'ont pas signé de traités avec la Couronne. Ils n'ont pas qualité pour être consultés au nom des Nations qui ont signé des traités avec la Couronne.

Je vous demande, honorables sénateurs, de bien écouter, s'il vous plaît.

Des voix : À l'ordre.

L'honorable Gerald J. Comeau (Son Honneur le Président suppléant) : Il y a un peu de désordre.

Le sénateur Moore : Merci, Votre Honneur.

Dans de nombreuses lettres adressées au premier ministre, nous avons exprimé nos craintes au sujet des répercussions de la mesure législative sur nos Nations, et on nous a refusé la possibilité de prendre part au processus démocratique. En vertu de l'article 18 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les Nations ont

le droit de participer à la prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits, par l'intermédiaire de représentants qu'ils ont eux-mêmes choisis conformément à leurs propres procédures, ainsi que le droit de conserver et de développer leurs propres institutions décisionnelles.

Le refus de nous faire participer au processus constitue une violation de nos droits inhérents et de nos droits issus de traités et nie notre capacité à l'autodétermination. Par exemple, les chefs des Nations représentées dans cette requête ont reçu le 22 octobre 2012 une lettre du ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien les informant que des modifications seraient apportées à la Loi sur les Indiens par le truchement du projet de loi C-45. Les chefs des Nations n'ont pas demandé ces modifications. En outre, ils n'ont pas été consultés de manière à pouvoir donner leur consentement préalablement, librement et en connaissance de cause, conformément à la norme internationale énoncée à l'article 19 de la Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones.

Nous avons donc été obligés de présenter des observations écrites au comité afin qu'il tienne compte de nos craintes, mais même ce geste n'a rien donné, et le projet de loi a été adopté le 14 décembre 2012.

L'opposition aux projets de loi C-38 et C-45 ainsi qu'au reste de la série de mesures législatives s'est traduite par des lettres, des communiqués et des résolutions que nous avons envoyés au premier ministre, et, puisqu'on a refusé d'acquiescer à notre demande d'écarter les projets de loi, les chefs n'ont eu d'autre choix que de manifester en personne sur la Colline du Parlement le 4 décembre 2012. Les chefs des Premières Nations n'ont ménagé aucun effort et ont utilisé les ressources dont ils disposent pour s'opposer à la série de mesures législatives que le gouvernement a imposée aux Premières Nations. Le Canada refuse toujours de tenir compte de nos observations dans ses décisions, et il mine ainsi les gouvernements tribaux des Nations, qui continuent d'être opprimées par ces programmes législatifs coloniaux.

[Français]

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, j'aimerais donner une orientation quelque un peu différente au débat. Plutôt que de considérer la question sous un angle technique, pourquoi ne pas opter pour une vision morale et éthique concernant ce projet de loi qui reflète non seulement un manque de sensibilité, selon moi, mais également un manque fondamental de reconnaissance pour des gens qui ont le droit de s'attendre à être respectés selon les critères de leur société et, par le fait même, comme participants à l'ensemble de la population dans ce pays qu'est le Canada?

Je vais vous lire, si vous permettez, un extrait de la Loi sur le multiculturalisme canadien relatif aux Autochtones. Laissez-moi seulement vous indiquer ce qu'on dit, ce qu'on demande et ce qu'on offre aux gens qui immigrent dans notre pays, tout en tenant compte que c'est nous qui sommes les immigrants ici, puisque les Autochtones étaient ici bien avant nous. Nous sommes arrivés et nous évoluons, au fil des décennies sinon des siècles, avec ces populations. J'aimerais renverser les rôles et vous demander ceci : que fait-on avec les gens qui immigrent maintenant et de quelle façon répondons-nous à ces nouveaux arrivants versus ce que nous faisons avec les Autochtones?

Si vous le permettez, je vous lirai ceci :

La Loi sur le multiculturalisme canadien fournit un cadre juridique qui oriente les responsabilités et les activités du gouvernement fédéral — c'est nous — en ce qui concerne le multiculturalisme canadien.

Voici les éléments de fond de cette loi. Premièrement, la loi :

Réaffirme le multiculturalisme en tant que valeur fondamentale de la société canadienne.

Alors, on intègre, ils sont avec nous; on fait partie d'un ensemble.

Deuxièmement, la loi :

Encourage les institutions fédérales à respecter les valeurs de longue date que sont le respect, l'équité et l'égalité des chances pour les membres des groupes diversifiés.

Troisièmement, la loi :

Contribue à protéger les droits de tous les Canadiens, à favoriser la pleine participation de tous les membres de la société, à célébrer le patrimoine diversifié du Canada et à reconnaître les vastes contributions de tous les Canadiens, quels que soient leurs antécédents ethniques, culturels, religieux et linguistiques;

Enfin, la loi :

Encourage les institutions fédérales à s'acquitter de leurs activités en tenant compte de la réalité multiculturelle du Canada.

(1520)

C'est tout de même une loi d'envergure qui vise à s'assurer que ceux qui se joignent à nous puissent être bien reçus et qu'on respecte non seulement les valeurs fondamentales de notre pays, mais ce que nous sommes afin d'échanger de façon équitable avec eux pour leur permettre d'évoluer dans notre pays.

Le projet de loi C-27 nous est maintenant imposé, et ce, de façon draconienne et peu démocratique. C'est bien beau de jaser ici et de discuter, mais si nous ne pouvons faire progresser le débat parce que nous sommes en minorité, que nous avons une optique différente de celle du gouvernement, et si nous ne pouvons poursuivre un débat de fond sur le contenu d'un sujet aussi important que celui d'autres êtres humains vivant sur le territoire et ayant droit à ce respect d'être traités avec respect et reconnaissance, cela donne quoi d'être ici?

Il serait aussi bien d'éliminer tout cela, comme tellement d'autres le veulent, et laisser cela entre les mains du Cabinet. Nous n'avons même pas besoin des législateurs, mais seulement de l'exécutif et, de temps en temps, de faire appel au pouvoir judiciaire si on en a vraiment besoin. C'est comme dire : « Tout le reste de la gang, allez- vous en donc chez vous! » Peut-être ont-ils raison et est-on en train de gaspiller de l'argent.

Enfin, ce projet de loi et la façon dont il est géré montrent à la société canadienne que nous ne sommes pas en ce moment payés pour faire notre travail, mais plutôt payés pour permettre à une main forte autocratique, imposante et inflexible, d'imposer sa volonté et sa perspective sur le futur de nations qui étaient ici bien avant nous et qui ont droit à ce respect.

Je voterai contre ce projet de loi non pas parce qu'il est techniquement erroné, mais parce que je considère que ce projet de loi va fondamentalement à l'encontre de nos valeurs, de l'éthique et de la morale que nous représentons. Les gens de ce groupe ont donné leur vie en servant les Forces armées canadiennes et le peuple canadien et ont été prêts à mourir pour nous aider, et aujourd'hui, nous ne sommes pas prêts à les reconnaître et à leur donner au moins une chance équitable dans des institutions comme celle-ci dans le cadre d'un débat qui mérite de revoir le contenu d'un projet de loi aussi mal conçu et imposé d'une façon aussi autocratique.

Ne me parlez pas de démocratie quand le gouvernement en poste agit de façon aussi autocratique.

Son Honneur le Président suppléant : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président suppléant : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

L'honorable Fernand Robichaud : Son Honneur le Président suppléant pourrait-il lire à haute voix la motion sur laquelle nous devons voter?

Son Honneur le Président suppléant : L'honorable sénateur Carignan propose, avec l'appui de l'honorable sénatrice Nancy Ruth :

Que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-27, Loi visant à accroître l'obligation redditionnelle et la transparence des Premières Nations en matière financière.

J'ai déjà posé la question concernant les sénateurs qui sont pour et je pose maintenant la question suivante : que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président suppléant : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, la sonnerie retentira pendant 30 minutes. Le vote se tiendra à 15 h 55.

Convoquez les sénateurs.

(1550)

[Traduction]

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Batters McInnis
Bellemare McIntyre
Beyak Meredith
Boisvenu Mockler
Braley Nancy Ruth
Brown Neufeld
Buth Ngo
Carignan Ogilvie
Champagne Oh
Dagenais Patterson
Demers Plett
Doyle Poirier
Duffy Raine
Eaton Rivard
Enverga Runciman
Gerstein Seidman
Greene Seth
Housakos Smith (Saurel)
Johnson Stewart Olsen
Lang Tkachuk
LeBreton Unger
MacDonald Verner
Maltais Wallace
Manning Wells
Marshall White—51
Martin

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Jaffer
Callbeck Joyal
Charette-Poulin McCoy
Cowan Mercer
Dallaire Mitchell
Dyck Moore
Eggleton Munson
Fraser Ringuette
Harb Robichaud
Hervieux-Payette Tardif
Hubley Zimmer—22

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

(1600)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'honorable Denise Batters propose que le projet de loi C-55, Loi modifiant le Code criminel, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c'est un honneur pour moi de prendre la parole aujourd'hui pour la première fois au Sénat. Ayant vécu et travaillé en Saskatchewan pendant toute ma vie, je suis fière de représenter les Saskatchewanais dans cette auguste assemblée.

Je suis heureuse d'avoir l'occasion de parler du projet de loi C-55, Loi donnant suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Tse. Il s'agit là d'une importante mesure législative concernant l'article 184.4 du Code criminel. Cette disposition autorise l'interception de communications privées, soit l'écoute électronique, sans permission judiciaire en cas de danger imminent. L'article 184.4 est essentiel à l'exercice des pouvoirs de police. Il est utilisé par la police dans des situations telles que les menaces d'attentat à la bombe et les enlèvements.

Honorables sénateurs, le contexte législatif dans lequel nous nous trouvons actuellement exige que nous agissions rapidement. Dans l'arrêt R. c. Tse, la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnel l'article 184.4, mais a suspendu la déclaration jusqu'au 13 avril 2013. Si le projet de loi C-55 n'est pas adopté par le Parlement d'ici là, la police ne pourra plus compter sur l'article 184.4 pour prévenir des situations de danger imminent. Je donnerai un peu plus tard d'autres explications sur les conséquences possibles, mais il est évident que ces conséquences peuvent être très graves.

À la base, honorables sénateurs, le projet de loi dont le Sénat est saisi représente la mise en œuvre par le gouvernement de la feuille de route établie par la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Tse. Avant de donner des précisions sur les dispositions du projet de loi C-55, permettez-moi de dire quelques mots des liens qui existent entre l'article 184.4 et les autres dispositions du Code criminel relatives à l'écoute électronique.

Le pouvoir d'interception des communications prévu à l'article 184.4, qui ne nécessite pas une autorisation judiciaire et ne sert que dans des circonstances exceptionnelles, est différent du pouvoir d'interception d'urgence prévu à l'article 188 du Code criminel. En vertu de l'article 188, un agent de la paix spécialement désigné peut obtenir d'un juge désigné l'autorisation d'intercepter des communications privées pendant une période maximale de 36 heures. Cela se produirait dans des circonstances où l'autorisation ordinaire d'interception ne peut pas être obtenue assez rapidement compte tenu des contraintes de temps du moment. Contrairement à l'article 184.4, qui ne nécessite pas d'autorisation judiciaire, l'article 188 prévoit une procédure d'autorisation accélérée.

Par ailleurs, pour que la police puisse invoquer l'article 184.4 du Code criminel, la période d'interception doit être tellement courte que même la procédure accélérée prévue à l'article 188 n'est pas envisageable. Autrement dit, honorables sénateurs, même si les articles 188 et 184.4 traitent tous deux de l'écoute électronique en cas d'urgence, on ne peut recourir à l'article 184.4 que dans une catégorie beaucoup plus restreinte de cas d'urgence.

La simple existence de l'article 188 met en évidence la nécessité de ne recourir à l'article 184.4 que lorsque c'est absolument essentiel. Dans l'arrêt R. c. Tse, la Cour suprême a noté que l'article 188, de même que les autres dispositions du Code criminel autorisant l'écoute électronique, garantit que le pouvoir conféré en vertu de l'article 184.4 est intrinsèquement limité dans le temps. Avant de recourir à l'article 184.4, la police doit commencer par évaluer la possibilité d'utiliser les autres dispositions. Si elle utilise l'article 184.4, elle doit passer aux autres dispositions d'interception aussitôt que possible.

Je voudrais maintenant aborder les modifications proposées dans le projet de loi C-55. L'objet fondamental de cette mesure législative est d'ajouter à l'article 184.4 du Code criminel des mesures de protection garantissant la reddition de comptes et le respect de la vie privée. Le projet de loi atteint son objectif en définissant quatre obligations. Premièrement, les personnes dont les communications privées sont interceptées dans des circonstances exceptionnelles en vertu de l'article 184.4 doivent en être informées après coup. Deuxièmement, le projet de loi impose de produire des rapports annuels sur le recours à l'article 184.4. Troisièmement, il limite l'application de cet article aux infractions prévues à l'article 183 du Code criminel. Quatrièmement, il n'autorise que les agents de police à recourir à cet article.

L'intégration de ces mesures de protection permettrait de laisser à la police un pouvoir essentiel lui permettant de réagir en situation de crise. Je vais placer mon examen de ces quatre éléments dans le contexte de l'arrêt R. c. Tse de la Cour suprême.

La Cour a statué que la notification après coup ou une mesure de protection comparable constituait le changement à apporter à la loi pour rendre l'article 184.4 du Code criminel conforme aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés.

La disposition de notification prévue dans le projet de loi C-55 est semblable à celles qui figurent dans d'autres dispositions d'interception. Elle impose d'informer la personne qui a fait l'objet d'une interception en vertu de l'article 184.4 dans les 90 jours suivant l'interception. Le délai de 90 jours peut être prolongé par un juge. Le régime de notification établi dans le projet de loi C- 55 est conforme au point de vue présenté par la Cour suprême dans l'affaire R. c. Tse.

La deuxième modification proposée dans le projet de loi C-55 impose la publication de rapports sur les cas de recours à l'article 184.4. Même si la Cour suprême a précisé que la publication de tels rapports n'est pas une exigence constitutionnelle, elle a exprimé l'avis que ce serait une bonne politique publique. Ce concept avait également été appuyé par les tribunaux inférieurs qui avaient examiné la constitutionnalité de l'article 184.4 du Code criminel.

Les modifications proposées dans le projet de loi C-55 étendraient à l'article 184.4, en les adaptant, les dispositions relatives à la production de rapports qui existent actuellement dans les autres dispositions du Code criminel relatives à l'interception des communications privées. La production de rapports annuels assurerait la transparence du processus et permettrait au public de comprendre l'application de l'article 184.4.

La troisième modification limiterait le recours à l'article 184.4 aux cas où il est immédiatement nécessaire d'empêcher qu'une infraction prévue à l'article 183 du Code criminel ne soit commise. La définition du mot « infraction » à l'article 183 englobe une gamme d'activités criminelles relativement étendue, mais elle est conçue pour s'appliquer expressément aux infractions graves. Par contraste, le libellé actuel de l'article 184.4 fait uniquement allusion à la prévention d'actes illicites, ce qui peut prêter à une interprétation plus large.

(1610)

Restreindre l'application de l'article 184.4 du Code criminel aux « infractions » est une mesure qui a été jugée nécessaire sur le plan constitutionnel par des tribunaux inférieurs de la Colombie- Britannique et du Québec. Même si la Cour suprême du Canada n'a pas souscrit à cette opinion, le gouvernement estime néanmoins qu'il convient de restreindre l'application de l'article 184.4. En plus de restreindre le recours à l'écoute électronique en vertu de l'article 184.4 à une liste d'infractions précises, la modification permettrait d'harmoniser l'article 184.4 avec d'autres dispositions sur l'écoute électronique dont le recours est restreint dans leurs cas aux infractions énumérées à l'article 183.

Honorables sénateurs, il importe de noter que lors de l'étude du projet de loi C-55 par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, la Criminal Lawyers' Association, l'Association des libertés civiles de la Colombie- Britannique et l'Association du Barreau canadien ont toutes informé le comité qu'elles appuyaient cette modification.

Par ailleurs, le projet de loi C-55 prévoit que cette disposition pourrait uniquement être invoquée par les policiers. À l'heure actuelle, l'article 184.4 peut être invoqué par les agents de la paix, dont la définition donnée à l'article 2 du Code criminel est plutôt large.

Dans l'arrêt R. c. Tse, la Cour suprême du Canada a indiqué que, compte tenu des éléments de preuve présentés, elle ne pouvait pas se prononcer sur cet aspect de l'article 184.4. Toutefois, la Cour a laissé entendre dans sa décision que le gouvernement aurait peut-être intérêt à restreindre la portée de cette disposition, parce que la vaste catégorie des agents de la paix pourrait éventuellement rendre l'article 184.4 vulnérable sur le plan constitutionnel.

Voilà pourquoi le projet de loi C-55 propose de limiter le recours à l'article 184.4 aux policiers, que l'article 183 définit comme suit : « S'entend d'un officier ou un agent de police ou toute autre personne chargée du maintien de la paix publique. »

Cette définition est utilisée ailleurs dans le Code criminel, ainsi que dans d'autres lois. Celle-ci a été interprétée comme visant toutes les autorités policières ayant fait l'objet d'une désignation fédérale ou provinciale, ainsi que les agents de la paix employés au « maintien de la paix publique ». Par exemple, les policiers militaires, qui sont les premiers intervenants sur les bases militaires, feraient partie de cette catégorie, mais pas les personnes qui n'ont pas un mandat en vertu de lois. Les agents de sécurité employés par le secteur privé, comme les gardiens de sécurité des centres commerciaux ou des immeubles de bureaux, en seraient exclus.

Voilà qui résume les paramètres de protection que le gouvernement propose d'ajouter à l'article 184.4 du Code criminel. Ils sont conformes à la décision de la Cour suprême dans l'affaire R. c. Tse. En outre, ils établissent un juste équilibre entre la protection de la vie privée et la reddition de comptes et la nécessité d'agir de façon rapide et décisive en cas de préjudice imminent.

Honorables sénateurs, je tiens à souligner que, outre l'ajout de paramètres de protection à l'article 184.4 prévu dans le projet de loi C-55, toutes les restrictions existantes visant le recours à l'article 184.4 seraient maintenues. Dans la cause R. c. Tse, la Cour suprême a reconnu que les restrictions actuelles s'appliquant à l'article 184.4 font en sorte qu'on ne peut y recourir qu'en cas de véritable urgence. La police peut ne peut se prévaloir de l'article 184.4 que dans les cas où l'urgence de la situation ne permet pas d'obtenir une autorisation d'écoute électronique, qu'une interception immédiate est nécessaire pour empêcher des dommages sérieux à une personne ou à un bien et que l'auteur de la communication ou la personne à laquelle celui- ci la destine est la victime ou la personne visée ou la personne dont les actes sont susceptibles de causer des dommages.

Enfin, j'exhorte les sénateurs à étudier ce projet de loi de manière à l'adopter le plus tôt possible. Comme je l'ai déjà dit, l'article 184.4 du Code criminel sera jugé invalide sur le plan constitutionnel à compter du 13 avril 2013 si les modifications contenues dans ce projet de loi ne sont pas adoptées d'ici là. Si ces changements ne sont pas mis en œuvre, ceux qui doivent appliquer la loi ne pourront plus invoquer l'article 184.4 pour procéder à une écoute électronique sans autorisation judiciaire afin de prévenir un danger imminent.

Du point de vue de l'application de la loi, l'article 184.4 est d'une importance capitale. Par exemple, dans l'affaire R. c. Tse, la police a invoqué cet article pour intercepter des communications téléphoniques afin d'enquêter sur trois cas d'enlèvement interreliés. En outre, en Ontario, la police a invoqué l'article 184.4 du Code criminel à la suite d'une fusillade impliquant un gang criminel afin de retrouver un suspect et de l'empêcher de commettre d'autres actes de violence. Dans une autre affaire, en Colombie- Britannique, la police a invoqué l'article 184.4 lorsqu'elle a eu vent, dans le cadre d'une enquête sur un homicide, d'une tentative de meurtre imminente, qu'elle a pu prévenir ce crime. La police connaissait l'identité du suspect, mais pas celle de sa cible. Compte tenu de l'urgence d'agir et des circonstances exceptionnelles de l'enquête, l'article 184.4 du Code criminel était le seul instrument d'enquête sur lequel la police pouvait compter pour agir rapidement et prévenir le meurtre.

Comme les sénateurs peuvent s'en douter, l'article 184.4 peut être appliqué dans de nombreuses situations de ce genre, notamment dans des situations de crise où on doit faire face à des menaces impliquant des armes chimiques ou le gangstérisme. Si on privait la police d'un tel instrument d'enquête, on pourrait l'empêcher d'intervenir dans des situations de crise lorsqu'il y a danger imminent. Comme il est clair qu'un tel risque est inadmissible, j'encourage les sénateurs à faire le nécessaire pour que le projet de loi C-55 soit adopté avec célérité.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, permettez-moi d'abord de féliciter la sénatrice Batters de ses explications très claires et bien présentées sur le projet de loi. Il s'agit effectivement d'une mesure législative nécessaire. Nous devons tous convenir qu'il y a des situations où les policiers ont vraiment besoin de recourir à l'écoute électronique de façon urgente, sans devoir obtenir un mandat au préalable. Comme la Cour suprême l'a mentionné dans l'arrêt Tse, la prise de mesures extrêmes est justifiée dans des circonstances extrêmes. Le projet de loi donne suite à la décision Tse dont la sénatrice Batters a parlé. Par conséquent, nous devons agir.

Je suis tout aussi préoccupée par le processus que par n'importe quel élément du projet de loi. Cela fait maintenant presque un an que la Cour suprême du Canada nous a dit qu'il fallait corriger cet aspect de la loi. C'était le 13 avril de l'an dernier. Or, le Sénat dispose maintenant de quatre jours de séance, en comptant la journée d'aujourd'hui, pour s'occuper d'une modification très importante au Code criminel. À mon avis, c'est inacceptable.

Il en est ainsi parce qu'à l'origine le gouvernement a tenté d'inclure ce changement très nécessaire dans le tristement célèbre projet de loi C-30, qui portait sur les communications électroniques. Je ne peux imaginer pourquoi le gouvernement a agi de la sorte, puisqu'il était évident dès le début que l'adoption du projet de loi C- 30 allait susciter une vive controverse. Il aurait été tellement facile d'agir rapidement l'année dernière et de faire ce qui est maintenant en train d'être fait. Hélas, le gouvernement a tergiversé jusqu'à ce que le projet de loi C-30 soit retiré le 11 février 2013 et remplacé par la mesure législative dont nous sommes saisis.

La Chambre des communes a fait de son mieux pour étudier le projet de loi assez rapidement. Honorables sénateurs, depuis le 11 février, nous avons eu deux semaines de relâche. Nous avons maintenant reçu le projet de loi et nous avons quatre jours pour en faire l'étude. Si nous trouvons quoi que ce soit qui devrait être corrigé, ce sera bien dommage. Comme nous le savons tous, si le Sénat modifie un projet de loi, celui-ci doit être renvoyé à la Chambre des communes. Or, la Chambre fera relâche à Pâques et ne reviendra qu'après la date fatidique du 13 avril fixée par la Cour suprême.

Le sénateur Mercer : C'est de la mauvaise gestion.

(1620)

La sénatrice Fraser : Très mauvaise gestion. Voilà pourquoi le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, conformément à l'ordre donné par le Sénat, a amorcé une étude préalable du projet de loi. Maintenant que le Sénat est saisi du projet de loi, le comité passera à l'étude normale de celui-ci, quoique de façon accélérée. Je félicite le président du Comité des affaires juridiques, le sénateur Runciman, de sa capacité à concilier les divers éléments nécessaires à l'accomplissement de cette tâche.

Honorables sénateurs, nous devons étudier attentivement le projet de loi. Même dans le projet de loi le plus essentiel, des difficultés peuvent surgir dans les détails. Le projet de loi modifie le Code criminel du Canada et traite de droits fondamentaux de la personne. Au cas où quelqu'un douterait de l'importance des travaux des comités sénatoriaux, permettez-moi d'imiter le sénateur Baker quelques instants et de rappeler aux honorables sénateurs que dans sa décision relative à l'affaire R. c. Tse, la Cour suprême a cité les travaux du Comité sénatorial des affaires juridiques qui ont précédé l'adoption de l'article 184.4 en 1993. Le travail des sénateurs a de l'importance et, comme le sénateur Baker le rappelle si souvent à la Chambre, les tribunaux en tiennent compte.

Le comité a amorcé ses travaux ce matin à l'étape de l'étude préalable avec grand sérieux, puisqu'il a entendu le ministre de la Justice et ses collaborateurs. Bien sûr, l'exercice était très intéressant et, par moments, très instructif. Toutefois, j'ai trouvé un certain moment quelque peu amusant.

Un élément sur lequel je m'interroge est le fait qu'en vertu du projet de loi, un policier peut demander à un juge l'autorisation de prolonger jusqu'à trois ans la mise sur écoute sans mandat. Cela me semble une très longue période. Les sénateurs comprendront que, dans un cas complexe, et le crime organisé en serait le parfait exemple, il puisse s'avérer nécessaire de prolonger une mise sur écoute au-delà de la période initiale de 90 jours, mais une prolongation de trois ans me semble potentiellement risquée.

J'ai demandé au ministre : « Pourquoi trois ans? Pourquoi pas un an? » Le ministre m'a regardé dans les yeux et m'a répondu qu'il fait confiance au jugement de nos juges et que je devrais en faire autant. Qu'une telle observation vienne du ministre même qui nous présente régulièrement des projets de loi imposant des peines minimales obligatoires de sorte que nous n'ayons pas besoin de nous en remettre au jugement et à la discrétion des juges, j'ai trouvé cela fort amusant.

Bien des questions demeurent en suspens. Par exemple, si je ne m'abuse, 10 éléments doivent figurer dans les rapports annuels sur les mises sur écoute, notamment leur nombre, lesquelles ont mené à des accusations, lesquelles pourraient mener à des accusations, lesquelles ont été reconduites et combien de personnes étaient impliquées. On peut nous indiquer, quoique la loi ne l'exige pas, combien de ces mises sur écoute n'ont servi à rien, n'ont pas mené à des accusations ou à des enquêtes sur des infractions qui auraient été mises au jour. Ce genre d'information est très pertinente et je ne sais pas pourquoi il n'en est pas question dans le projet de loi. J'aimerais qu'elle y figure.

Le comité entendra de nouveau des fonctionnaires et j'espère qu'ils pourront apaiser mes inquiétudes à ce sujet et à d'autres sujets. le Sénat est coincé, car nous n'avons que quatre jours pour étudier ce projet de loi. Ce n'est pas ainsi que le Parlement est censé fonctionner. Oui, c'est un projet de loi nécessaire, mais il est gênant que nous ne disposions que de quatre jours pour en faire l'étude.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Batters, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur White, appuyée par l'honorable sénateur McInnis, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-350, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (responsabilisation des délinquants).

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, je crois comprendre que les sénateurs des deux côtés souhaitent que le projet de loi C-350 soit renvoyé au comité. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que je parle de son contenu. Par ailleurs, je signale que le sénateur White a prononcé un excellent discours lorsqu'il a proposé que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois. Loin de moi l'idée de contredire le sénateur White au sujet des personnes incarcérées et des raisons pour lesquelles elles se trouvent en prison. Il a déjà été commissaire adjoint de la GRC et il a dirigé le service de police d'Ottawa et le service de police régional de Durham, en Ontario. Les réalisations qu'a inscrites à son actif en si peu de temps le sénateur White dans le domaine de la police sont exceptionnelles.

Il est important de renvoyer le projet de loi C-350 au comité sénatorial, car une de ses dispositions pourrait faire l'objet d'un renvoi aux tribunaux, ce qui préoccupe certaines personnes. Honorables sénateurs, permettez-moi de vous expliquer la situation.

Le sénateur White a expliqué clairement l'objet du projet de loi. Il a déclaré qu'en vertu de cette mesure législative, si des dommages- intérêts étaient octroyés à un délinquant qui a intenté un recours civil contre la Couronne, peu importe à quel sujet, cet argent n'irait pas directement dans les poches du délinquant, mais servirait plutôt à payer des arriérés, d'abord au titre d'une pension alimentaire pour un enfant, puis, en deuxième lieu, au titre d'une pension alimentaire destinée au conjoint.

(1630)

Honorables sénateurs, voici ce que dit l'article 2 du projet de loi :

[...] est payée dans l'ordre de priorité suivant :

a) toute somme à payer par le délinquant en vertu d'une ordonnance alimentaire rendue par un tribunal compétent;

Cette disposition fait l'unanimité. Voici la deuxième somme dans l'ordre de priorité :

b) toute somme à payer par le délinquant en vertu d'une ordonnance de dédommagement rendue en vertu des articles 738 ou 739 du Code criminel;

L'article 738 traite des dommages causés à un bien imputables à la perpétration d'une infraction. L'article 739 traite des biens d'origine criminelle remis moyennant contrepartie ou vendus, pour lesquels une indemnisation serait acceptable.

Voici la prochaine somme dans l'ordre de priorité :

c) toute suramende compensatoire [...] infligée en vertu de l'article 737 du Code criminel;

Il s'agit des 50 $ ou des 100 $ qui, dans un projet de loi qui a été présenté, passeraient maintenant à 200 $ ou 30 p. 100 du montant, s'il s'agit d'une indemnité.

Le dernier alinéa de cet article du projet de loi dit ceci :

d) toute autre somme à payer par le délinquant en vertu d'un jugement rendu par un tribunal compétent.

S'il reste des indemnités, elles sont versées au délinquant. Autrement dit, il y a toute une série de priorités à respecter.

Honorables sénateurs, il existe toutefois une exception à l'article 2, mais le sénateur White ne s'est pas étendu sur le sujet. En effet, ces indemnités ne peuvent pas servir au paiement d'une pension alimentaire pour enfants ou d'une pension alimentaire versée au conjoint. Je crois savoir pourquoi l'autre endroit a prévu cette exception. Ils ne voulaient pas toucher aux indemnités versées à un délinquant au titre de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens.

Si le projet de loi lui est renvoyé, le Comité des affaires juridiques devrait exiger des preuves de l'organisme qui a proposé cet amendement, car celui-ci a comparu au comité de la Chambre des communes au cours de la dernière heure des audiences. Le comité a accepté l'amendement proposé. Si je comprends bien, lorsque l'amendement a été proposé, c'était un amendement du NPD.

Comme je l'ai dit, honorables sénateurs, il est important que le Sénat fasse preuve de diligence raisonnable à cet égard. Pour conclure, je dirais que plusieurs arrêts de divers tribunaux ont faire référence aux comités sénatoriaux au cours des trois dernières semaines.

La Cour suprême du Canada a rendu, il y a trois semaines, l'arrêt Sun Indalex Finance, LLC, Carswell Ontario, 733, et elle y dit ce qui suit au paragraphe 81 :

Un rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a expliqué ainsi le choix fait par le législateur :

Dans l'arrêt, la Cour suprême du Canada passe en revue le récent rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, puis, deux paragraphes plus loin, ceci :

Je suis donc d'avis d'accueillir les pourvois principaux sans dépens devant notre Cour [...]

Honorables sénateurs, c'était il y a à peine trois semaines.

La Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse a rendu, il y a trois semaines, l'arrêt que l'on peut trouver grâce à la référence Carswell, Nouvelle-Écosse, 111, et elle dit ce qui suit au paragraphe 47 :

Rien dans la preuve ne laisse entendre qu'on retient l'information ou que celle-ci est mal utilisée. On peut lire ce qui suit dans le rapport du Sénat de juin 2010, à la page 47 [...]

C'était il y a à peine trois semaines.

Voici une autre citation d'il y a trois semaines. Pour la gouverne des sénateurs qui siègent aux comités, on fait souvent référence aux rapports des comités et aux comptes rendus des délibérations longtemps après leur publication.

Voici un extrait d'une décision de la Cour d'appel de l'Ontario, la plus haute instance de cette province. Voici ce qu'on peut lire au paragraphe 41 :

En outre, un exemplaire du rapport du Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites, intitulé Cannabis, ou rapport Nolin, a été déposé sur consentement.

Et ce n'est pas fini, honorables sénateurs. Bien entendu, certains ne sont pas d'accord avec les conclusions du rapport d'un comité. Il arrive ainsi que certains tribunaux ne soient pas tendres à l'égard du rapport et de la transcription d'un témoignage d'un comité sénatorial.

C'est le cas d'un juge d'un tribunal québécois qui, dans l'affaire EYB2011198927 a déclaré, au paragraphe 178 :

Avec tout le respect qui lui est dû...

Lorsqu'on commence une phrase ainsi, cela signifie qu'on n'est pas d'accord.

Avec tout le respect qui lui est dû, la Cour ne souscrit pas à certaines déclarations du comité sénatorial. Par exemple [...]

Vient ensuite toute une liste de points au sujet desquels l'opinion du juge diffère de celle du comité sénatorial et de ses recommandations.

La Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a rendu, il y a à peine cinq mois, un jugement dont une section complète était consacrée à un rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Voici ce qu'on peut lire au paragraphe 9, au moment d'aborder le rapport du comité :

Le Canada a signé la convention le 28 mai 1990 et l'a ratifiée le 13 décembre 1991. Elle est entrée en vigueur au Canada le 12 janvier 1992. La convention a été incorporée [...]

Je ne lirai pas tout, mais il y a un rappel historique, puis on peut lire ceci :

La convention n'a pas été intégrée aux lois canadiennes. Elle n'a pas été mise en œuvre par le Parlement, mais certains — comme le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, sous la présidence de l'honorable Raynell Andreychuk, dans son rapport provisoire de novembre 2005 intitulé Qui dirige ici? Mise en œuvre efficace des obligations internationales du Canada relatives aux droits des enfants — ont noté une certaine [...]

Puis, la cour cite la Cour suprême du Canada et approuve la décision prise par le comité sénatorial dans son rapport. Ce rapport a servi de fondement à une décision prise dans un tribunal de la famille. Dans cette affaire intitulée John c. John, 2012, Carswell, Nouvelle-Écosse 672, le tribunal devait décider s'il autoriserait des enfants âgés de huit ans et de 10 ans à témoigner lors d'un procès visant à déterminer qui aurait leur garde.

Honorables sénateurs, ce rapport récent d'un comité sénatorial est sans cesse utilisé par les tribunaux pour justifier leurs décisions. Dans cette affaire, le tribunal a décidé de nommer une personne qui veillerait à ce que les souhaits des enfants soient respectés.

Honorables sénateurs, les tribunaux ne font jamais référence aux rapports d'un comité de la Chambre des communes. C'est révélateur.

Voici un autre jugement qui a été rendu il y a six mois. Ce jugement fait sans cesse allusion à un sénateur qui a fait changer la loi régissant la façon dont le SCRS mène ses enquêtes. Le sénateur assistait à une audience où comparaissait un représentant du SCRS, et il lui a posé les questions suivantes : « Quand interrogez-vous les gens qui font l'objet d'une enquête? Est-il vrai que vous les interrogez dans leur lieu de travail? »

Le représentant du SCRS a répondu : « Oui, c'est vrai. »

(1640)

La sénatrice a tenu les propos suivants, que l'on répète fréquemment :

Néanmoins, pour bien des gens, et pas seulement pour les gens appartenant à certains groupes minoritaires, la visite d'un représentant du SCRS dans leur milieu de travail peut être dérangeante. Vous devez interrompre votre travail, trouver un endroit privé pour parler à ce représentant et expliquer à votre patron pourquoi il vous faut trouver un endroit privé pour lui parler. Cela peut perturber bien des gens et avoir des conséquences dans leur milieu de travail.

Le SCRS en a conclu qu'il valait mieux changer la manière de procéder aux entrevues, donc qu'il fallait changer les règles. Désormais, le SCRS ne se rend plus sur les lieux de travail, et c'est ce dont parle ce jugement.

Le jugement parle de la note de service signée par W. J. Hooper, sous-directeur des Opérations, note qui lui a été inspirée par son témoignage devant le comité sénatorial et où il précise que « même si les visites inopinées étaient une stratégie d'enquête légitime, cette pratique présente [...] des risques de controverses. Les employés du SCRS doivent donc [...] », et la note cite l'intervention d'une sénatrice qui, en posant une question à un fonctionnaire, a fait changer les règles concernant les enquêtes.

Le sénateur Mercer : De quelle sénatrice s'agit-il?

Le sénateur Baker : C'était la sénatrice Fraser.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Baker : Pour terminer, permettez-moi de vous parler d'un sujet lié à une discussion intéressante entendue dans les coulisses du Sénat. Le sénateur White et le sénateur Dagenais s'interrogeaient au sujet d'une intervention policière sur la Colline du Parlement. Ils se demandaient pourquoi certaines choses pouvaient arriver sur la Colline. Parfois, il m'arrive de lire la jurisprudence, ce qui me permet d'être au courant d'affaires qui se produisent sur la Colline et se retrouvent devant les tribunaux.

La Commission ontarienne d'examen a rendu un jugement le 5 février 2013. Je ne sais pas si beaucoup de gens savent ce qu'est une commission d'examen, mais nous avons un expert un Sénat, le sénateur Paul McIntyre, qui a présidé une commission provinciale d'examen pendant plus longtemps que quiconque, à ce que je sache, soit pendant plus de 20 ans. C'est encore un homme jeune. Pourtant, seuls les anciens juges peuvent occuper un tel poste. Imaginez que, pendant 23 ans, vous devez siéger entre deux psychiatres pour rendre des jugements sur des personnes incarcérées.

Voici ce que dit la décision rendue le 5 février par la commission d'examen. C'était le mois dernier. Je ne nommerai personne, mais voici ce qui s'est produit. Je vous lis le paragraphe 4 :

Résumé : Dans la matinée du 14 juin 2012, vers 11 h 45, l'agent McKinnon, qui fait partie du détachement de la GRC sur la Colline du Parlement, s'est rendu sur les lieux du Sénat, dans l'édifice du Centre, à la suite d'une plainte. Le plaignant, l'agent Marcoux, membre de l'unité de sécurité du Sénat, avait déclaré être en contact avec un homme qui exigeait de parler à Dieu, le premier ministre du Canada. Peu de temps après, l'agent McKinnon est arrivé sur les lieux, où il a observé l'agent Marcoux qui parlait avec le sujet. L'homme portait une chemise et des pantalons de couleur pâle et des chaussures habillées. Il avait une calvitie naissante et arborait une barbe grise. L'homme — dont l'identité avait été établie — a déclaré que Dieu l'avait envoyé sur la Colline du Parlement pour transmettre un message au premier ministre. On l'a encouragé à écrire une lettre au premier ministre, ce qu'il a refusé de faire en disant qu'il devait transmettre le message de Dieu en personne.

Tous les efforts déployés pour raisonner l'homme ont échoué. Malgré les efforts de plusieurs intervenants, il s'est posté carrément en face du côté ouest de l'entrée principale du Sénat. Son positionnement et son comportement sont devenus préoccupants. Il entravait le déplacement des employés dans l'aire publique et, pour cette raison, et compte tenu de son refus de quitter les lieux de son plein gré, il a été arrêté.

Le jugement se poursuit et révèle que l'homme avait un casier judiciaire, mais il était ici. Je suppose qu'il croyait que le premier ministre était Dieu et que le Sénat était le paradis. Au moins, il avait raison à moitié, mais je ne dirai pas de quelle moitié il s'agit.

Son Honneur le Président suppléant : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Runciman, appuyée par l'honorable sénateur Braley, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-217, Loi modifiant le Code criminel (méfaits à l'égard des monuments commémoratifs de guerre).

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je vais parler aujourd'hui du projet de loi C-217, Loi modifiant le Code criminel (méfaits à l'égard des monuments commémoratifs de guerre). Comme le texte de ce projet de loi est très bref, je le serai aussi. En tout cas, je vais essayer.

J'ai servi dans les Forces canadiennes durant 37 ans, ce qui fait de moi un ancien combattant.

Mon père, qui a servi durant 28 ans, a pris part à la Seconde Guerre mondiale; il a passé six ans à l'extérieur du pays.

Mon beau-père, lui, a servi durant 21 ans; il commandait un régiment pendant la Seconde Guerre mondiale; c'est lui aussi un ancien combattant, vous l'aurez compris.

Mon fils a été envoyé en mission en Sierra Leone et en Haïti, et il est encore dans l'armée. Lui aussi, c'est un ancien combattant.

Outre par l'entremise de ces proches, j'entretiens des liens étroits avec l'armée. J'ai notamment été nommé colonel honoraire du 6e Régiment d'artillerie de campagne, à Lévis, et membre honoraire à vie de l'Association de l'artillerie royale canadienne.

J'ai fait partie du comité consultatif pour la restauration du monument de la crête de Vimy, après avoir, comme beaucoup d'autres, réclamé pendant des années qu'on le restaure. Nous avons finalement obtenu le feu vert, et un budget de 32 millions de dollars.

Les sénateurs se doutent donc que je suis particulièrement attaché aux monuments commémoratifs de guerre.

Je me rappelle que, quand mon fils est revenu d'Haïti, nous étions à la base de Québec et il se tenait à mes côtés, son uniforme sur le dos, fraîchement débarqué de l'avion. Un journaliste s'est approché et m'a dit : « Votre fils est dans l'armée, lui aussi. » Avant que j'aie le temps de répondre quoi que ce soit, il lui a rétorqué : « Je fais partie de la quatrième génération de militaires du côté de ma mère, et de la troisième du côté de mon père. Nous manquons cruellement d'imagination, dans la famille. »

Pour en revenir au monument de Vimy, il y a quelques années — presque 10 ans, en fait —, le Canada s'est plaint avec vigueur auprès de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth, qui participe à l'entretien de nos monuments de guerre outre- Atlantique, parce que les jeunes français ne se gênent pas pour profaner le monument de Vimy.

(1650)

Le Mémorial de Vimy surplombe une vaste plaine, et c'est un site extraordinaire à visiter au printemps, à l'été et au début de l'automne, car la vue et les couchers de soleil y sont magnifiques. C'est pour cette raison qu'il était devenu un endroit où les jeunes couples aimaient se livrer à des ébats amoureux.

Ce qui se passait au mémorial était donc devenu une source d'embarras pour la population locale. Les policiers de l'endroit ont finalement pris des mesures afin d'exercer un certain contrôle sur les visiteurs nocturnes. Ils n'ont pas jeté les gens en prison, ni élaboré de loi, mais ils ont appliqué les lois usuelles du pays qui régissent de tels sites.

Aujourd'hui, nous soulignons le 115e anniversaire de la création de la Troupe de campagne du Yukon. Cette troupe, qui comptait 203 officiers et hommes, a été envoyée au Yukon en 1898 en tant que symbole de la souveraineté canadienne et comme soutien aux autorités civiles qui devaient faire respecter la loi et l'ordre pendant la ruée vers l'or au Klondike.

Presque tous les jours — et j'utilise cet exemple — nous pouvons souligner un jalon de notre histoire militaire, et c'est précisément pour cette raison que nous accordons autant de valeur aux monuments commémoratifs de guerre de notre pays. En tant que parlementaires, nous sommes très attachés aux monuments commémoratifs de guerre du Canada. Tout juste à l'extérieur du Sénat, dans la Tour de la Paix de l'édifice du Parlement, se trouve la Chapelle du Souvenir, où on peut voir les Livres du Souvenir. Dans ces livres, on trouve le nom de tous les soldats, marins et aviateurs canadiens qui ont fait le sacrifice ultime pour assurer la paix et protéger la liberté des Canadiens.

Tous les jours, à 11 heures, dans le silence de la Chapelle du Souvenir, on tourne les pages de ces livres. Chaque jour, nous avons l'occasion de nous souvenir de ces hommes et de ces femmes qui ont sacrifié leur vie pour notre pays. Chaque jour, nous avons l'occasion, en tant que sénateurs, de faire preuve d'humilité, car nous sommes entourés de ces symboles de la bravoure des membres des Forces armées canadiennes.

Le projet de loi C-217 vise à modifier le Code criminel en ajoutant des peines précises pour les méfaits commis à l'égard d'un monument commémoratif de guerre, d'un cénotaphe ou d'une autre structure servant à honorer ou à commémorer ceux qui ont servi dans les forces armées ou qui sont morts lors d'une guerre, d'un conflit ou d'une mission de paix. On peut penser aussi au Monument au maintien de la paix, qui se trouve tout près d'ici. Le projet de loi prévoit des peines minimales qui s'établissent comme suit : pour une première infraction, on prévoit une amende minimale de 1 000 $; pour une deuxième infraction, un emprisonnement minimal de 14 jours et un casier judiciaire; et pour chaque infraction subséquente, un emprisonnement minimal de 30 jours. J'essaie d'imaginer une personne qui commettrait ce genre d'infraction au Canada ou dans d'autres pays.

Des députés et des sénateurs des deux côtés ont donné des exemples de méfaits navrants et troublants, malheureusement trop fréquents, commis à l'endroit des monuments commémoratifs de guerre du Canada. Je vis à Québec et, à ma connaissance, aucun des monuments extraordinaires qui s'y trouvent n'a été vandalisé. Mais je sais que cela arrive parfois.

Il existe des exemples, bien que je n'en aie pas la liste sous les yeux et qu'ils ne soient pas mentionnés dans la documentation. Je sais toutefois que les députés de la Chambre et le parrain du projet de loi ont donné des exemples.

Les intentions que poursuit l'auteur du projet de loi sont probablement justes et louables. Pourtant, la comparaison qui me vient à l'esprit, c'est qu'on prend peut-être un rouleau compresseur pour écraser une mouche. La solution envisagée pour résoudre ce problème social est-elle exagérée?

[Français]

Comme la plupart des mesures de lutte contre la criminalité proposées par les conservateurs, ce projet de loi est axé sur la répression plutôt que sur la prévention, et il manque une occasion importante de favoriser la compréhension plutôt que simplement imposer des mesures punitives. Mon Dieu, que la vie est simple quand il n'y a pas de question à se poser; c'est blanc ou c'est noir.

Étant donné qu'une grande partie des actes de vandalisme sur des monuments commémoratifs sont commis par des jeunes, nous devrions, au contraire, pour réparer leurs torts, les encourager à effectuer possiblement des travaux communautaires auprès de groupes d'anciens combattants. Nous pourrions peut-être les éduquer, les instruire, et peut-être même leur instiller ce sens du respect, des valeurs de notre pays. Cela les inciterait peut-être, à l'avenir, à ne pas agir de la façon dont ils ont agi quand ils ont été appréhendés.

Je crois qu'il serait beaucoup plus utile de les éduquer, de les engager à discuter avec des anciens combattants encore vivants, en leur demandant pourquoi ils ont eu, eux, le désir de servir, et qui était ceux qui ont payé le prix du sacrifice ultime. D'ailleurs, ceux dont ces monuments honorent la mémoire sont pour une grande majorité les pères de ces jeunes. Ce n'était pas des hommes de 80 ans qu'on a envoyés de l'autre côté. C'était des jeunes qui, trop souvent, étaient âgés de 16, 17 ans plutôt que 18 ans.

La majorité de ces cas de vandalismes à l'encontre de nos monuments ont été commis par des jeunes de cet âge. Il aurait été intéressant de permettre une éducation plutôt qu'une incarcération, de faire évoluer leur mentalité, peut-être même, qui sait, en faire des mentors, des gardiens futurs de ces sites.

Il ne faut pas perdre de vue que les peines minimales obligatoires pourraient faire en sorte que ces jeunes ne soient accusés que d'une infraction générale de méfait. Les procureurs évitant l'imposition de peines minimales obligatoires, le résultat est que le problème lié à ce comportement particulier reste entier. Ce faisant, on ne fait pas de prévention, on ne vise pas à l'éliminer. On veut simplement, par la peur d'être mis en prison, par la coercition, mettre ces jeunes au défi d'agir de nouveau de la sorte.

Ce comportement, ces actes de vandalisme, sont un problème de norme civile. Nous pouvons inculquer aux jeunes un sens du respect, et c'est en faisant une telle éducation qu'on devrait traiter fondamentalement ce problème.

À l'heure actuelle, l'article 430 du Code criminel définit les méfaits et précise les peines connexes. Il ne prévoit aucune peine minimale obligatoire pour les méfaits, et il ne fait aucune mention particulière des monuments commémoratifs — ce qui était prévisible, sans doute. Cela dit, il contient des dispositions sur les méfaits à l'égard de biens culturel ou religieux, ce qui, selon certaines interprétations, pourrait englober les monuments commémoratifs de guerre, auxquels nous portons tellement de respect, pour les sacrifices de vies humaines qu'ils représentent.

De plus, ce projet de loi ne protégera pas vraiment davantage les autres monuments commémoratifs, ce qui peut entraîner des incohérences dans la détermination de la peine. Que fait-on si quelqu'un est arrêté en Afrique du Sud pour avoir tenté de profaner des pierres tombales du petit cimetière des soldats de la guerre des Boers? Quels sont les outils qu'utilise le Commonwealth War Graves pour justement répondre à des occasions où, possiblement, des gens se livrent à des actes de déprédation à l'encontre de ces monuments? Nous ne le savons pas. Pourtant, il s'agit de soldats canadiens, des nôtres, qui reposent là-bas, autant que ceux qui reposent ici.

On ne cherche pas à influer sur cette institution, on ne tente même pas, avec ce projet de loi, de communiquer avec elle pour voir ce qu'elle fait et comment elle traite ces situations.

(1700)

Ils ont beaucoup plus de monuments historiques de guerre que nous en avons ici, principalement parce qu'on s'est battu beaucoup plus là-bas qu'ici.

De fait, les peines minimales obligatoires se sont révélées inefficaces par le passé. Nous avons débattu à plusieurs reprises ce sujet, je n'irai donc pas plus loin. Même s'il s'agit dans ce cas-ci de peines légères, je demeure, par principe, opposé à l'imposition de peines minimales obligatoires et au fait d'enlever aux juges la responsabilité d'utiliser leur jugement. C'est pour cette raison qu'ils sont payés. Surtout, afin de décourager de tels comportements dès le départ, nous devrions axer nos efforts sur l'éducation des jeunes pour qu'ils prennent conscience des courageux sacrifices qui ont été consentis et de la signification des monuments et des sites commémoratifs.

[Traduction]

Nous devrions encourager les écoles à inviter les grands-parents qui ont servi dans les guerres mondiales, les vétérans des autres guerres et conflits ou même des missions de maintien de la paix ainsi que les parents qui ont servi en Afghanistan ou dans d'autres missions dans les deux dernières décennies, soit depuis la fin de la guerre froide, ceux qu'on appelle les vétérans du maintien de la paix, afin qu'ils fassent part de leurs expériences avec les étudiants. Amener les jeunes à reconnaître la valeur des monuments commémoratifs de guerre contribuerait à mon avis beaucoup plus que toute autre chose à la réduction du vandalisme. Il faut éduquer les gens et investir dans l'éducation — donner au ministère des Anciens Combattants les fonds dont il a besoin pour contribuer à ces initiatives éducatives, sinon dans les écoles alors dans les centres communautaires ou au sein des ONG qui sont nombreuses à promouvoir les valeurs, le respect de l'éthique et les autres principes auxquels nous croyons au Canada.

J'estime qu'il est important, au comité, d'analyser les mesures prises par nos alliés, ne serait-ce que pour se faire une idée de ce qu'ils font pour prévenir et punir ce type de méfait. Selon mes recherches, seuls les États-Unis ont adopté une loi semblable, en 2003, et deux personnes seulement ont été reconnues coupables.

La France et la Grande-Bretagne, qui compte d'innombrables monuments commémoratifs de guerre, n'ont aucune loi criminalisant de tels méfaits à l'égard des monuments commémoratifs de guerre. On ne parle pas de tape sur les doigts mais bien d'un dossier criminel. Il serait utile, pour rédiger notre propre loi, de comprendre les mesures prises par nos alliés pour s'attaquer à de tels actes de vandalisme. De surcroît, nous devrions évaluer les ressources dont dispose le Canada pour protéger et, le cas échéant, réparer les monuments commémoratifs de guerre canadiens à l'étranger. Il nous a fallu pratiquement 20 ans pour revitaliser le Monument commémoratif du Canada à Vimy. Nous avons enfin eu la bonne idée de nous faire une réserve suffisante de marbre croatien pour pouvoir refaire le marbre à nouveau dans 50 ou 60 ans, quand la nature l'aura érodé. Tout ce marbre est stocké dans d'énormes voûtes souterraines situées sous le monument.

Toutefois, nous ne disposons pas d'une véritable politique à cet égard. Le ministre des Anciens Combattants a consacré des fonds pour l'érection de nouveaux monuments commémoratifs, et il y a eu un effort avec la guerre de 1812, mais nous n'avons pas de politique nationale pour prévenir la détérioration de ces monuments. En fait, nous ne faisons rien pour empêcher celle-ci. Comment s'attendre à ce que les gens soient bouleversés par un monument qui tombe en ruine, qui est laissé à l'abandon ou qui en donne l'impression, et dans lequel je ne sais quoi a élu résidence?

Même si cette loi pénale est adoptée, un très grand nombre de nos monuments sont situés dans des territoires qui échappent entièrement à sa portée. Je conviens que nous devons nous concentrer sur ce que le gouvernement peut faire pour préserver le caractère sacré de ces monuments. Si vous me le permettez, je proposerais aussi d'entendre le témoignage de groupes de jeunes et d'anciens combattants afin d'évaluer l'efficacité du projet de loi et l'impact qu'aura celui-ci, selon eux, pour prévenir ce genre de geste.

Le projet de loi soulève un débat intéressant sur une question que j'invite les sénateurs du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles à éplucher d'un œil critique, et à fond. La chose me déplaît, elle me déplaît profondément. Toutefois, nous verrons quelle sera la décision à l'étape de l'étude du comité,, et ce qui en ressortira. Ce sera beaucoup plus constructif que de sortir l'artillerie lourde.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Les universités et les établissements d'enseignement postsecondaire

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cowan, attirant l'attention du Sénat sur les nombreuses contributions des universités et autres établissements d'enseignement postsecondaire du Canada, ainsi que de leurs instituts de recherche, à l'innovation et à la recherche dans notre pays, et en particulier aux activités que ceux-ci entreprennent, en partenariat avec le secteur privé et celui sans but lucratif, avec un appui financier de sources nationales et internationales, dans l'intérêt des Canadiens et des gens un peu partout dans le monde.

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, cette interpellation est inscrite au nom du sénateur Dawson, mais j'aimerais prendre la parole aujourd'hui, puis demander l'ajournement à débat en son nom.

Honorables sénateurs, c'est un plaisir pour moi de participer à l'interpellation du sénateur Cowan sur les efforts de recherche et d'innovation que déploient les universités et les établissements postsecondaires du Canada. Je suis surtout heureuse de parler de la province d'où je viens, l'Île-du-Prince-Édouard, et du rôle crucial qu'elle joue.

L'Île-du-Prince-Édouard est certainement en train de se bâtir une réputation en matière de recherche et d'innovation. Des pièces très spéciales fabriquées par son industrie aérospatiale font actuellement le tour du monde dans les airs. Ses récoltes de la mer sont transformées en des produits exceptionnels qui sont bénéfiques pour la santé des animaux et des humains. Le Culinary Institute of Canada, et sa branche de recherche, la Canada's Smartest Kitchen, est reconnu pour être la meilleure école de cuisine du pays. Et de fantastiques petites pastilles de miel déshydratées créées par l'entreprise Island Abbey Foods et le centre de biotechnologie de l'Île-du-Prince-Édouard sont actuellement en orbite dans la Station spatiale internationale et elles font le tour de la planète avec l'astronaute Chris Hadfield.

Il ne s'agit là que d'une poignée des nombreux projets que nos chercheurs compétents sont en train de réaliser dans nos installations à la fine pointe de la technologie, qui nous ont donné de véritables innovations et qui ont permis aux entreprises de la province de connaître du succès en affaire. L'Île-du-Prince-Édouard n'est peut-être pas grande, mais elle a su tirer un avantage concurrentiel de sa taille, laquelle favorise l'innovation et l'instauration de partenariats dynamiques entre les entrepreneurs privés, les chercheurs et les bailleurs de fonds, et ce, tant au sein du monde des affaires que du milieu universitaire. La proximité de ces établissements d'enseignement supérieur et de ces centres de recherche joue aussi un rôle crucial dans ce succès.

Le milieu de la recherche de l'Île-du-Prince-Édouard a adopté le modèle des grappes industrielles, lequel favorise la création et le renforcement de relations entre les participants. Soulignons trois secteurs qui ont connu du succès à l'Île-du-Prince-Édouard grâce à ce modèle : celui des sciences biologiques, celui de l'agroalimentaire et celui de l'aérospatiale.

(1710)

L'Université de l'Île-du-Prince-Édouard a aussi énormément contribué à l'avancement de la recherche dans cette province. Elle reçoit 54 millions de dollars chaque année en bourses pour la recherche active. Environ 36 p. 100 de ces sommes sont versées par les gouvernements fédéral et provincial, et par l'industrie; les 64 p. 100 qui restent proviennent de contrats.

En outre, les chercheurs de l'Université de l'Île-du-Prince- Édouard ont reçu plus de 40 millions de dollars par le truchement du Fonds d'innovation de l'Atlantique de l'APECA, depuis le lancement de ce programme en 2009. Ces recherches et ce financement ont permis la création d'entreprises connexes. Pensons à ScreenScape Networks, un service de marketing en ligne comptant 32 employés, qui crée des affiches publicitaires numériques diffusées sur des téléviseurs installés dans des endroits publics. Nautilus Biosciences Canada, une entreprise de biotechnologie comptant six employés à temps plein, axe ses efforts sur la découverte et la création de produits naturels dérivés de produits marins destinés au bien-être et à la santé des êtres humains et des animaux. Discovery Garden, avec ses 15 employés à temps plein et cinq employés à temps partiel, crée des systèmes informatiques qui permettent la conservation et l'organisation de dossiers numériques, et leur partage entre universités, municipalités et organismes de recherche partout en Amérique du Nord.

L'Île-du-Prince-Édouard est aussi fière du Collège vétérinaire de l'Atlantique, affilié à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est l'une des meilleures institutions de médecine vétérinaire en Amérique du Nord. L'école vétérinaire contribue de manière importante à la recherche, et ce, à plusieurs égards. Le travail accompli par le Dr Greg Keefe, sur la gestion de la santé des troupeaux laitiers, n'est qu'un exemple. Ses travaux de recherche sur la maladie de Johne portent sur un traitement pour l'une des pires maladies touchant l'industrie laitière du monde entier.

Le Centre d'excellence en épidémiologie aquatique de notre université jouit également d'une renommée mondiale. Ce centre mène des recherches stratégiques pour les entreprises et organismes affiliés œuvrant dans le domaine de la production alimentaire partout au pays. Ses travaux sont variés et peuvent aller d'un projet de recherche d'envergure sur la mammite, mené en partenariat avec les producteurs laitiers de tout le pays, à un projet de lutte contre les maladies réalisé de concert avec des éleveurs de saumons locaux.

Au collège vétérinaire, les vétérinaires de l'Atlantic Centre for Comparative Biomedical Research s'emploient à dépister et à combattre des maladies animales, et à prévenir leur transmission aux humains. Ils veillent à la salubrité des aliments et à la protection des écosystèmes, et ils cherchent de nouvelles façons de traiter et de prévenir les maladies humaines. C'est dans ce dernier domaine que les scientifiques du Collège vétérinaire de l'Atlantique apportent une contribution exceptionnelle.

Ce centre regroupe des chercheurs de calibre mondial provenant de divers milieux et disciplines afin d'effectuer des recherches sur les maladies qui ont des effets importants sur la santé humaine. Parmi les initiatives financées récemment, notons les recherches sur le diabète effectuées par Catherine Chan, qui cherche à comprendre les mécanismes biochimiques qui protègent une race spéciale de souris contre les effets négatifs du gras sur les cellules qui produisent l'insuline. Ces travaux permettront d'améliorer les connaissances sur des maladies comme le diabète.

Le centre se penche aussi sur la maladie d'Alzheimer. Michael Mayne et Tarek Saleh ont récemment obtenu une subvention de 240 000 $ pour étudier la maladie. On a décidé d'accorder la subvention à ces personnes, des sommités dans ce domaine de recherche, qui ont été choisies parmi un nombre sans précédent de candidats d'excellence.

Il y a également le Marine Natural Products Group de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, dirigé par Russell Kerr, qui est venu de l'Université Florida Atlantic, accompagné des 14 membres de son équipe de recherche. Ce laboratoire a reçu plus de 6amillions de dollars en fonds de recherche. C'est M. Kerr qui a créé Nautilus Biosciences Canada, dont j'ai déjà parlé. Son groupe trouve des façons de commercialiser des produits de la mer naturels sur les marchés de la santé et de la nutrition.

Notons également le complexe de recherches en biosciences établi sur le campus de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, un investissement de 13,5 millions de dollars du Conseil national de recherches. Le complexe du CNR met des laboratoires et des installations techniques à la disposition de plus de 10 sociétés du domaine bioscientifique qui mettent au point des produits de santé naturels d'origine marine et terrestre.

BioFood Tech est un autre centre de recherche et de développement exceptionnel. Fondé en 1987 sous le nom de PEI Food Technology Centre, BioFood Tech est une société qui offre des services confidentiels en matière de recherche sous contrat, de transformation et d'analyse. Ce groupe de chercheurs novateurs aide ses clients à commercialiser une idée en déterminant tous les procédés biotechnologiques dont ils ont besoin. Au cours des 25 dernières années, BioFood Tech a réalisé plus de 1 000 projets novateurs.

Je mentionnerai en particulier le cube de miel déshydraté « Honibe », mis au point par la société Island Abbey Foods, qui a remporté le premier prix du concours international de l'innovation alimentaire en 2010. Ce petit cube qui ne colle pas se vend chez les détaillants et dans les épiceries du monde entier et se trouve même dans l'espace à l'heure actuelle, car l'astronaute canadien Chris Hatfield en a apporté avec lui.

C'est l'entreprise BioFood Tech qui a aidé Mike Beamish, propriétaire du verger Beamish, à porter sa production de beurre de pomme à l'échelle commerciale.

La PEI Juice Works Ltd. est une autre de ses réussites. L'entreprise produit un jus de bleuets sauvages exceptionnel à son usine d'Alberton, à l'Île-du-Prince-Édouard, selon un ancien procédé mis au point par une famille mennonite de l'Europe de l'Est et transmis de famille en famille il y a plus de 100 ans. Grâce à ce procédé unique, le jus produit est entièrement pur et 93,4 p. 100 des éléments nutritifs des fruits sont conservés.

Nous avons aussi l'immense chance d'avoir chez nous le collège Holland. Cet établissement dont les diplômes et les certificats sont reconnus à l'échelle internationale est un partenaire universitaire à part entière qui contribue au développement et à la croissance économique de la province. Ses programmes pratiques, axés sur les besoins de l'industrie, sont offerts à 11 campus dans la province.

Les diplômés de son programme de technologie en sciences biologiques ont ce qu'il faut pour faire carrière comme biotechniciens hautement spécialisés. Ce programme a été cité par le magazine Maclean's comme l'un des programmes d'études supérieures les plus populaires au Canada en 2011.

J'arrive maintenant à la Canada's Smartest Kitchen, qui constitue le volet recherche et développement de l'Institut culinaire du Canada, un autre élément du collège Holland. Ce centre met au point des aliments à valeur ajoutée qui sont commercialisables. Allan Williams est le chef de la recherche et du développement à cet établissement intelligent où on réalise des choses fort intéressantes, comme masquer le goût des oméga-3 extraits du poisson et ajoutés au jus d'orange, par exemple, de sorte que le consommateur ne le perçoit pas, mais qu'il retire les bienfaits de ces acides gras.

Leurs travaux sont fascinants et assez complexes. Comme le dit M. Williams : « L'idée n'est pas simplement de retirer le sel d'un aliment préparé pour en diminuer la teneur en sodium, mais de le faire d'une manière qui n'en diminue aucunement le goût ou la saveur essentielle. »

Un autre fleuron de la recherche et du développement dans notre province est Three Oaks Innovations. Three Oaks est affiliée à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard et sert d'intermédiaire entre les laboratoires de recherche et l'industrie privée. Par exemple, l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard a récemment signé une entente pour autoriser CNS CRO, une filiale de l'entreprise de biotechnologie Neurodyn Inc, à utiliser ses technologies de recherche médicale.

L'entente vise des technologies novatrices qui serviront au développement et à l'essai de médicaments pour les accidents vasculaires cérébraux, l'épilepsie et la schizophrénie. Ces technologies contribueront à améliorer grandement la vie des gens aux prises avec ces troubles de la santé.

Three Oaks a connu un autre événement excitant récemment lorsque son produit nutraceutique appelé UPI 100 a été homologué et est passé à l'étape des tests d'innocuité et des évaluations toxicologiques, laquelle précède les essais cliniques chez les humains.

L'UPI 100 servira à prolonger le délai propice à l'administration de médicaments pour aider à combattre un accident vasculaire cérébral. Autrement dit, il augmente le délai et donne à la personne victime d'un accident vasculaire cérébral beaucoup plus de temps pour se rendre à l'hôpital où un traitement pourra être amorcé.

L'une des dernières choses que j'aimerais mentionner est la prospère industrie aérospatiale. C'est tout un exemple de réussite. Cette industrie qui n'existait même pas il y a 22 ans compte maintenant 10 entreprises et emploie près de 1 000 personnes, ce qui en fait la quatrième industrie en importance dans l'île.

Depuis la cession de la base aérienne de Summerside en 1991, l'Île- du-Prince-Édouard a développé une industrie aérospatiale d'une valeur de près de 400 millions de dollars au chapitre des ventes annuelles et qui y est devenue le deuxième exportateur en importance.

Honorables sénateurs, je suis ravie de présenter ces exemples parmi les nombreuses réalisations faites dans ma province dans les domaines de l'innovation et de la recherche.

Bien des Canadiens sont conscients des contributions des universités et des établissements dans les grands centres du Canada, mais les régions comme l'Île-du-Prince-Édouard font preuve d'un engagement extraordinaire à l'égard de la collaboration et du développement économique et cet engagement continuera de façonner l'avenir de notre pays.

(Sur la motion de la sénatrice Tardif, au nom du sénateur Dawson, le débat est ajourné.)

(1720)

Droits de la personne

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément au préavis donné le 7 mars 2013, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à siéger le lundi 25 mars 2013 à 16 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Sécurité nationale et défense

Autorisation au comité d'étudier l'état de préparation opérationnelle des bases des Forces canadiennes

L'honorable Roméo Antonius Dallaire, conformément au préavis donné le 19 mars 2013, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, l'état de préparation opérationnelle des bases des Forces canadiennes et l'importance de ces bases pour la défense des intérêts du Canada et des Canadiens, en particulier la capacité de leur infrastructure, de leur personnel et de leur équipement;

Que le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2014 et qu'il conserve jusqu'au 31 mars 2015 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'ajournement

Adoption de la motion

Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motion du gouvernement :

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 5-5g) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au lundi 25 mars 2013, à 18 heures, et que l'application de l'article 3-3(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au lundi 25 mars 2013, à 18 heures).

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