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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 165

Le jeudi 23 mai 2013
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 23 mai 2013

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée internationale pour l'élimination de la fistule obstétricale

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, aujourd'hui est la Journée internationale pour l'élimination de la fistule obstétricale. Dans les pays en développement, plus de 2 millions de femmes et de jeunes filles vivent avec des fistules obstétricales, un trou dans le vagin ou le rectum causé par un travail prolongé lors de l'accouchement, qui dure souvent des jours, et ne reçoivent aucun traitement. En général, le bébé meurt. Comme la fistule laisse la femme incapable de contrôler l'écoulement de l'urine ou l'excrétion des matières fécales, elle entraîne souvent l'isolement social, la dépression et une pauvreté de plus en plus profonde.

Comme le fait remarquer M. Babatunde Osotimehin, directeur exécutif du Fonds des Nations Unies pour la population, la fistule obstétricale peut être prévenue et, dans la plupart des cas, guérie. Pourtant, plus de 50 000 nouveaux cas apparaissent chaque année. M. Osotimehin a fait la déclaration suivante :

La persistance de la fistule [...] s'explique par les inégalités chroniques sur le plan sanitaire et les contraintes qui pèsent sur le système des soins de santé, ainsi que par des problèmes plus généraux, comme l'inégalité entre les sexes et l'inégalité socioéconomique, les mariages d'enfants et les premières grossesses trop précoces, qui sont tous de nature à ruiner la vie des femmes et des filles et à les empêcher de jouir de leurs droits fondamentaux.

Honorables sénateurs, j'aimerais raconter ma rencontre avec le père d'une jeune fille, Amina, qui souffrait de la fistule. Je l'ai vu entrer dans l'hôpital de Khartoum avec sa fille sur son dos. Il était couvert de sueur et, au-delà de l'épuisement, il avait l'air complètement abattu.

Quelques jours plus tard, je lui ai parlé. Il m'a dit que sa fille avait été mariée à l'âge de 14 ans, comme le veut la coutume de la communauté. Elle est partie vivre avec son époux dans un village très loin de chez lui. Un mois auparavant, il a découvert qu'Amina avait été abandonnée par son époux parce que son vagin s'est déchiré lorsqu'elle a donné naissance à leur enfant.

Elle n'avait accès à aucune aide médicale. Elle souffrait d'incontinence et sentait mauvais en permanence. Apprenant qu'elle avait été abandonnée, le père d'Amina est allé la voir dans son village. À sa grande horreur, il a trouvé sa fille recroquevillée dans une petite hutte, sans nourriture ni eau. Elle ne pouvait même pas marcher.

Le père a parlé au mari d'Amina, qui s'était remarié et ne voulait en rien aider Amina. Il est même allé plus loin, disant que c'était de sa faute si Amina était en mauvaise santé et il a insisté pour qu'il lui rende les vaches qu'il lui avait données lorsqu'il avait épousé Amina.

Le père d'Amina l'a fait sortir de l'enclos où elle se trouvait. Ils n'ont pas pu prendre l'autobus, les chauffeurs leur en refusant l'accès parce qu'ils craignaient que l'odeur dégagée par Amina n'incommode les autres passagers.

Le père a marché trois jours pour se rendre à Khartoum.

Honorables sénateurs, Amina n'aurait pas souffert pendant des années si elle avait été soignée convenablement. Lorsque je suis retournée à Khartoum, six mois plus tard, c'est une tout autre Amina que j'ai trouvée. Non seulement, elle marchait, mais elle aidait d'autres jeunes femmes. Elle avait retrouvé sa dignité et une raison de vivre.

Honorables sénateurs, la fistule obstétricale détruit la vie des jeunes femmes qui ne reçoivent pas l'aide dont elles ont besoin lorsqu'elles accouchent. Ce ne sont pas des statistiques ou des histoires d'une autre époque. Cela se passe aujourd'hui, sous nos yeux. Nous pouvons faire plus pour les jeunes filles comme Amina.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Michael Dan, président d'Aspenware, et de M. Mike Fedchyshyn, directeur des Services d'entreprise, Aspenware. Ils sont les invités du sénateur White.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Aspenware

L'honorable Vernon White : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour faire l'éloge d'une grande innovation canadienne qui va améliorer radicalement notre environnement ainsi que l'économie des réserves des Premières Nations. Je fais allusion à Aspenware.

Aspenware est un produit fabriqué à Vernon, en Colombie- Britannique, qui se veut un embryon de solution à un énorme problème jusqu'ici non résolu, posé par les 100 milliards d'ustensiles en plastique qui ne servent qu'une fois et qui sont jetés aux rebuts chaque année en Amérique du Nord. Cette quantité d'ustensiles pourrait remplir la Place Banque Scotia plus de deux fois chaque année.

Aspenware est une gamme d'ustensiles jetables et compostables qui sont fabriqués à partir de bois de placage canadien exploité de manière durable et sous-utilisé. Ce bois provient d'exploitations appartenant à des Premières Nations et du bois récupéré auprès de l'industrie du bois d'œuvre de la Colombie-Britannique qui, autrement, serait rejeté. L'entreprise crée cinq fois plus d'emplois par arbre que le secteur forestier, et elle ajoute 20 fois plus de valeur que les utilisations typiques, par l'industrie, de la même source de fibre de bois. Aspenware fabrique jusqu'à 25 000 ustensiles à partir d'un seul arbre, et chaque ustensile est fabriqué au Canada, avec des ressources et de la main-d'œuvre canadiennes.

Le modèle d'affaires d'Aspenware prévoit que plus de la moitié de la chaîne de valeur est versée aux partenaires autochtones qui produisent le placage pour faire les ustensiles. À titre d'exemple, Aspenware a une usine de placage dans la réserve de Wabauskang, dans le Nord-Ouest de l'Ontario, et l'entreprise prévoit construire d'autres usines semblables dans d'autres réserves.

Le couteau en bois fabriqué par Aspenware est tellement solide qu'il peut couper un couteau en plastique, même s'il va se transformer complètement en compost en quelques semaines seulement. C'est le seul produit sur le marché qui possède cette caractéristique.

L'inventeur canadien d'Aspenware, Terry Bigsby, s'est vu décerner le prix d'innovation Manning. Partenaire fondateur, Michael Dan est un philanthrope progressiste qui veut prouver que les partenariats avec les Premières Nations dans des entreprises commerciales sont la meilleure façon d'apporter des changements positifs.

Depuis leur entrée sur le marché au début de 2013, les ustensiles d'Aspenware sont utilisés dans des institutions d'enseignement supérieur, ainsi que par les forces armées et au cours d'événements d'importance nationale comme le Stampede de Calgary. Ils sont aussi distribués en Europe et en Amérique du Sud.

Espérons que nous trouverons bientôt ces produits canadiens écologiques et innovateurs dans les cafétérias des deux Chambres du Parlement.

L'Enquête nationale auprès des ménages

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, il y a deux semaines, Statistique Canada publiait les résultats de son enquête nationale à participation volontaire auprès des ménages. Il s'agit de l'enquête qui a remplacé le questionnaire détaillé obligatoire du recensement, qui était très objectif et très fiable.

Nous savons déjà que la nouvelle enquête à participation volontaire n'est tout simplement pas acceptable. Statistique Canada a même fait des mises en garde dans ses publications concernant le manque de fiabilité de certaines données. Les renseignements recueillis sont incomplets et nous laissent sur notre faim.

Premièrement, le taux de réponse à l'enquête est loin d'être comparable à celui du formulaire détaillé de recensement. Alors que 94 p. 100 des Canadiens ont répondu au questionnaire détaillé de recensement en 2006, seulement 69 p. 100 se sont sentis obligés de remplir le questionnaire facultatif. Les familles à faible revenu, les Autochtones et les nouveaux arrivants sont les moins susceptibles de le remplir, alors que ce sont probablement eux qui bénéficieraient le plus des résultats du recensement.

(1340)

Ce taux élevé de non-réponse rend les résultats encore moins fiables pour les collectivités de moins de 25 000 habitants. C'est pourquoi Statistique Canada a choisi de ne pas publier les résultats concernant plus de 1 000 municipalités canadiennes. Les résultats ont été rendus publics pour seulement 75 p. 100 des collectivités, ce qui est beaucoup moins que le taux de publication de 96,6 p. 100 du dernier véritable recensement. Exactement 30 p. 100 des collectivités de ma province se retrouvent sans données les concernant, ce qui fait qu'ils n'y a aucune statistique au sujet de plus de 20 p. 100 des habitants de l'île.

Partout au pays, des particuliers et des organismes ont fait part de leurs préoccupations au sujet de l'annulation du questionnaire obligatoire. Des gouvernements provinciaux, des groupes de bénévoles, des églises, des organismes de bienfaisance et d'autres se sont inquiétés au sujet de leur capacité de pouvoir continuer d'offrir des services. À quel endroit construire des hôpitaux ou des écoles? À quel endroit prévoir des circuits d'autobus, ou encore où mettre en place des services destinés aux aînés ou aux immigrants? Tout cela dépend de données précises concernant les habitants de ces localités. Cette nouvelle enquête à participation volontaire ne permet pas d'obtenir des renseignements adéquats ou fiables. Les gens doutent à juste titre de pouvoir se fier aux résultats, et les Canadiens ne peuvent plus faire totalement confiance aux données de Statistique Canada, comme c'était le cas à l'époque du questionnaire détaillé de recensement.

Munir Sheikh, ancien statisticien en chef du Canada, avait démissionné à cause de la nouvelle enquête à participation volontaire. Voici ce qu'il a récemment écrit dans une lettre d'opinion publiée dans le Globe and Mail du 9 mai dernier :

Le plus grave, en remplaçant le recensement par l'Enquête nationale auprès des ménages, c'est que cela risque d'entraîner une diminution constante, à long terme, de la qualité des données sociales et des renseignements sur les ménages. Cela devrait grandement inquiéter cet organisme statistique qui compte parmi les meilleurs au monde.

Honorables sénateurs, nous avons perdu une source essentielle d'information. M. Sheikh avance qu'il n'est pas trop tard pour que le gouvernement rétablisse le questionnaire détaillé obligatoire du recensement pour 2016. Je demande instamment au gouvernement fédéral de le faire.

Le festival Carassauga

L'honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour la première fois dans cette vénérable enceinte.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Oh : J'aimerais remercier le premier ministre Stephen Harper de m'avoir nommé et de m'avoir accordé l'honneur et le privilège de servir l'Ontario et le Canada dans notre Chambre haute.

Je dois également remercier notre leader au Sénat, la sénatrice LeBreton, ainsi que ma marraine, la sénatrice Frum.

Je tiens à remercier tous mes collègues, des deux côtés, de m'avoir accueilli dans leurs rangs.

Nous avons tous un grand devoir envers nos concitoyens et je suis impatient de collaborer avec les sénateurs pour m'acquitter de ce devoir. C'est également un grand honneur pour moi d'être le premier Canadien d'origine singapourienne à obtenir cette nomination prestigieuse. Je suis tout à fait conscient des responsabilités liées à ce mandat et je suis vraiment reconnaissant de l'occasion qui m'est donnée de servir au Sénat.

Honorables sénateurs, je réside à Mississauga et c'est avec une grande fierté que je prends la parole pour parler de l'une des plus importantes institutions culturelles de notre ville, dirigée par notre mairesse de longue date, Hazel McCallion. Depuis sa création en 1985, le festival des cultures Carassauga est devenu l'un des plus importants festivals multiculturels de l'Ontario et le deuxième festival culturel en importance au Canada. Cet événement d'une durée de trois jours célèbre la diversité culturelle de Mississauga et vise à promouvoir la compréhension et le respect entre Canadiens d'origines différentes.

Lorsque le Carassauga a été créé, en réponse à un défi lancé par notre mairesse, Hazel McCallion, il y avait 10 pavillons culturels. Cette fin de semaine, le Carassauga célèbre son 28e anniversaire et met en vedette 72 pays dans 28 pavillons répartis dans 13 endroits de la ville. Les citoyens de Mississauga sont fiers de l'expansion et du succès de cet événement communautaire important.

Je tiens à remercier le président de Carassauga, Jack Prazeres, et la directrice administrative, Linda Siutra, des efforts qu'ils déploient pour assurer la réussite de ce festival. Je tiens aussi à féliciter les extraordinaires bénévoles qui donnent de leur temps pendant la fin de semaine du festival pour faire connaître les histoires et les traditions de nos voisins du monde entier.

J'invite les sénateurs à participer aux festivités qui auront lieu un peu partout à Mississauga les 24, 25 et 26 mai.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l'honorable Jim Reiter, ministre des Relations gouvernementales de la Saskatchewan, et de l'honorable Russ Marchuk, ministre de l'Éducation, qui sont accompagnés de M. Marlin Stangeland. Ils sont les invités de la sénatrice Denise Batters.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je profite du fait que j'ai la parole pour vous signaler aussi la présence à la tribune de Son Honneur Jim Diodati, distingué maire de Niagara Falls, qui est accompagné de M. Matt Marchand, PDG de la chambre de commerce de Windsor-Essex, et de quelques-uns de ses associés. Ils sont les invités du sénateur Runciman.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite cordialement la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le déjeuner pour les jeunes Canadiens sur la Colline du Parlement

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, le 8 mai dernier, j'ai présidé le neuvième déjeuner annuel pour les jeunes Canadiens de l'organisme Era 21 Networking, qui a eu lieu sur la Colline du Parlement. Cette activité a vu le jour grâce à l'honorable Vivienne Poy. Lorsqu'elle a pris sa retraite l'an dernier, on m'a demandé d'être la présidente d'honneur de cette fort belle activité, ce que j'ai accepté très humblement.

Le déjeuner, tenu une fois l'an au restaurant du Parlement pour célébrer le Mois du patrimoine asiatique et le Mois de l'histoire des Noirs, en était à sa neuvième édition. Il rassemble une centaine d'élèves canadiens de 11e et 12e années, parmi lesquels ceux qui sont d'origine asiatique, africaine ou autochtone invitent un pair n'appartenant pas à leur propre communauté ethnoculturelle pour qu'il assiste à cet événement inclusif. Les parlementaires ainsi que les entreprises, les professionnels et les représentants des groupes culturels de la région sont également invités à se mêler aux élèves à leurs tables.

Cet événement est une fête de la diversité qui s'inscrit conjointement dans le cadre du Mois du patrimoine asiatique et du Mois de l'histoire des Noirs. Il profite de l'appui de nos partenaires exceptionnels des communautés ethnoculturelles, de la société du Mois de l'histoire des Noirs d'Ottawa, du centre de formation J'Nikira Dinqinesh et de notre commanditaire, la Banque Royale du Canada. Je voudrais en outre remercier le Conseil scolaire du district d'Ottawa-Carleton pour sa participation à cet événement, année après année.

Le déjeuner a pour but d'encourager les gens de cultures différentes à tisser des liens entre eux, dans l'esprit du multiculturalisme typiquement canadien, et d'aider les élèves à profiter des formidables avantages de la diversité du Canada ainsi que des perspectives qui en résultent pour eux, en tant que citoyens du monde.

Cette année, le déjeuner a débuté par un chant traditionnel autochtone interprété par les chanteurs et les percussionnistes autochtones de la famille Picody. Nous avons eu l'honneur d'entendre trois jeunes conférenciers parler aux élèves de leurs luttes et de leurs victoires à titre de jeunes chefs de file du Canada d'aujourd'hui. Il s'agit de Caitlin Tolley, membre du conseil de bande de la Première Nation algonquine de Kitigan Zibi et étudiante de premier cycle à l'Université d'Ottawa, de Jorge Barrera, journaliste au réseau de télévision des peuples autochtones, et de Jenna Tenn-Yuk, une slameuse et étudiante de deuxième cycle à l'Université d'Ottawa. Chaque conférencier a présenté à l'auditoire ses raisons personnelles de s'intéresser à son patrimoine et y puiser la motivation nécessaire afin de réaliser des changements dans son milieu, au Canada et dans le monde. J'aimerais remercier Caitlin, Jorge et Jenna d'avoir su inspirer les élèves et de m'avoir inspiré aussi.

Honorables sénateurs, la diversité du Canada constitue un formidable avantage que nous pouvons saisir pour élargir chacun notre propre identité culturelle et nouer des relations avec les gens qui nous entourent. Le Canada est notre patrie. Comprendre et mettre en valeur nos différences ne peut que renforcer notre société.

(1350)

En regardant la foule ce matin-là et en voyant le visage de ces jeunes gens brillants issus de diverses cultures, je me suis prise à espérer que cette nouvelle génération puisse accomplir de grandes choses, non seulement dans l'avenir, mais aujourd'hui même. Il y avait une telle énergie dans la salle ce matin-là. Ces jeunes étaient prêts à passer à l'action. Je leur souhaite la meilleure des chances dans ce qu'ils entreprendront.

[Français]

Le Nouveau-Brunswick

La distinction accordée à Bouctouche pour ses atouts artistiques

L'honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, je prends la parole pour féliciter une petite ville de par chez nous qui a récemment remporté la distinction de la ville la plus artistique au Canada. À la suite d'un concours parrainé par le Reader's Digest, la ville de Bouctouche a été reconnue pour ses atouts artistiques.

La candidature de la ville a été soumise par Mme Darlene Lawson, une citoyenne de la région qui a vu dans cette petite ville quelque chose de bien spécial. Suivant ses convictions, elle a soumis la candidature de la ville de Bouctouche.

À l'embouchure de la rivière de Bouctouche sur le détroit de Northumberland, cette petite ville du sud-est du Nouveau- Brunswick a été fondée en 1785 par les familles LeBlanc et Bastarache. À partir de ces familles, la population de Bouctouche compte présentement au-delà de 2 400 habitants. Nous y trouvons des familles M'ikmaq, acadiennes et anglophones.

Encore aujourd'hui, un grand nombre de LeBlanc et de Bastarache habitent toujours dans la ville de Bouctouche. La richesse de Bouctouche réside dans ses diverses cultures qui montrent à leur manière leur héritage culturel et leurs talents artistiques dans les festivals, les célébrations, ainsi que dans ses grands espaces ruraux, ses plages de sable où il fait bon vivre et qu'il faut visiter. L'air y est pur et la nature en est à son meilleur.

D'après le directeur général de la ville, M. André Cormier, ce ne fut pas une surprise que l'on décerne cette distinction de ville la plus artistique au Canada, puisque la ville de Bouctouche reconnaît depuis longtemps les talents de ses résidants. Selon M. Cormier, « si vous frappez aux portes, aux deux maisons, vous y trouverez un artiste : un chanteur, un acteur, un écrivain, un musicien, un peintre », et j'en passe.

La caractère artistique de Bouctouche se fonde, bien entendu, sur l'attrait touristique qu'est le pays de la Sagouine, qui est en réalité la voix des muets, soit une pauvre laveuse de plancher qui gagne son pain à la sueur de son front. À partir de cet humble personnage est née une attraction touristique majeure. En effet, le pays de la Sagouine attire plusieurs milliers de touristes à chaque saison estivale.

En 2008, par ailleurs, la ville de Bouctouche a été choisie comme finaliste à la huitième édition du sommet Global Travel Tourism, à Dubai. C'est la seule ville canadienne qui s'est rendue en finale.

C'est dans cet environnement que l'auteure Antonine Maillet a écrit des œuvres comme La Sagouine. Comme l'a bien mentionné le sénateur Day, c'est à cet endroit que Viola Léger interprète ce rôle chaque été, rôle pour lequel elle a remporté un prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle.

Félicitations au maire de la ville de Bouctouche, Albéo Saulnier, mais surtout à ses fiers résidants. Honorables sénateurs, je vous assure que les gens de la ville de Bouctouche sont accueillants et chaleureux. Comme la Sagouine le dit si bien : Vnez nous ouaire!

[Traduction]

L'Association médicale canadienne

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui des médecins canadiens à l'occasion de leur visite annuelle sur la Colline du Parlement.

L'Association médicale canadienne représente plus de 78 000 médecins d'un océan à l'autre. Elle a vu le jour l'année où le Canada a été fondé, soit en 1867. C'est plutôt exceptionnel pour une association nationale qui s'est donné pour mandat de servir et d'unir les médecins du Canada et de défendre, en collaboration avec la population du Canada, les normes de santé et de soins de santé les plus élevées. Elle milite depuis des années en faveur d'une réforme de notre régime de soins de santé. J'invite d'ailleurs les sénateurs à prendre connaissance de son document stratégique sur la transformation des soins de santé, et des principes sous-jacents.

Ce matin, des médecins canadiens nous ont conviés à un petit- déjeuner au restaurant du Parlement pour assister à un exposé donné par Ipsos Reid et la présidente de l'Association médicale canadienne, Anna Reid. De plus, toute la journée, soit de 8 heures à 16 heures, dans la pièce 238-S, un médecin peut vous faire un examen de santé.

Enfin, j'encourage les sénateurs à rencontrer un médecin de leur région afin de discuter des problèmes auxquels se heurtent les populations du pays en matière de santé et de soins de santé.


AFFAIRES COURANTES

La Gendarmerie royale du Canada

La demande d'instruments de politique du Sénat—Dépôt de la correspondance

Son Honneur le Président : J'informe les sénateurs que la Section des enquêtes de nature délicate et internationales de la Division nationale de la Gendarmerie royale du Canada nous a demandé des exemplaires de nos instruments de politique sur l'indemnité de subsistance et les frais de déplacement dans le cadre de son examen des demandes des sénateurs Brazeau, Harb et Duffy.

Pour donner suite à cette demande, nous avons fourni à la section les renseignements demandés, et nous continuerons de collaborer avec elle durant son travail.

Par conséquent, avec le consentement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer la correspondance connexe.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Présentation du vingt-septième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable Bob Runciman, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 23 mai 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

VINGT-SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-299, Loi modifiant le Code criminel (enlèvement d'une jeune personne), a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 6 février 2013, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
BOB RUNCIMAN

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Runciman, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Finances nationales

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, pour les fins de son étude de la teneur du projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures, le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à siéger même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Les victimes de harcèlement au sein de la Gendarmerie royale du Canada

Préavis d'interpellation

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat :

J'attirerai l'attention du Sénat sur les membres de la GRC qui ont été victimes de harcèlement et de harcèlement sexuel au sein de la GRC.

Le Sénat

Préavis de motion tendant à modifier le Règlement du Sénat du Canada

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours, je proposerai :

Que le Règlement du Sénat soit modifié :

(1) par substitution, à l'article 4-5b), de ce qui suit :

« présentation ou dépôt de rapports de comités »;

(2) par substitution, à l'article 5-5f), de ce qui suit :

« l'adoption du rapport d'un comité permanent ou du Comité de sélection »;

(3) par adjonction, à l'article 12-2, de ce qui suit :

« Pouvoirs du Comité de sélection

12-2. (4) Le Comité de sélection peut faire des enquêtes et rapports sur toute autre question dont le Sénat le saisit et peut également :

a) ordonner la publication de documents et de témoignages;

b) proposer au Sénat des changements à la composition d'un comité.

Le Comité de sélection n'est ni comité permanent ni comité spécial

12-2. (5) Il est entendu que le Comité de sélection n'est ni un comité spécial ni un comité permanent.

Quorum du Comité de sélection

12-2. (6) Six membres du Comité de sélection constituent le quorum. »;

(4) par substitution, à l'article 12-6, de ce qui suit :

« Quorum des comités permanents

12-6. Sauf disposition contraire, quatre membres d'un comité permanent constituent le quorum.

DISPOSITION CONTRAIRE

Article 12-27(2) : Quorum du Comité sur les conflits d'intérêts des sénateurs »;

(5) par modification de la définition de « Comité » à l'Annexe I :

a) par adjonction de la définition suivante :

« a) Comité de sélection : Comité du Sénat nommé au début de chaque session pour proposer un sénateur à la charge de Président intérimaire et pour proposer les candidats aux fonctions de membres des comités permanents et des comités mixtes permanents. »;

b) par le changement de la désignation littérale des points a) à e) à celle des points b) à f) et le changement de tous les renvois dans le Règlement qui en découlent.


(1400)

[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Sénat

Le vingt-deuxième rapport du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration—Demande de délibérations publiques

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, aujourd'hui encore, mes questions s'adressent à madame le leader du gouvernement au Sénat. Comme nous le savons tous, le 22e rapport du Comité de la régie interne portant sur l'étude des dépenses du sénateur Duffy a été renvoyé au comité afin qu'il le revoie à la lumière de ce qui s'est passé ces derniers jours et ces dernières semaines.

Hier, à cette heure, je vous ai demandé si vous accepteriez de signer avec moi une lettre à l'intention du président et du vice- président du comité leur demandant de faire le nouvel examen en public. J'ai fait rédiger cette lettre et je l'ai fait porter à votre bureau. Vous m'avez répondu par un message selon lequel vous déclinez ma demande et refusez de signer la lettre.

Madame le leader, inutile de vous dire à quel point les Canadiens sont préoccupés par la façon dont le Sénat, dont cette institution et ses comités ont géré ces affaires. Je vous réitère donc ma demande aujourd'hui : appuierez-vous maintenant ma demande, que j'ai fait parvenir au comité, afin que celui-ci tiennent ces délibérations en public?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Merci, sénateur Cowan.

Hier, en répondant à une question du sénateur Furey, j'ai dit clairement que j'appuierais sans réserve toute décision prise par le Comité de la régie interne. La décision lui appartient.

Sénateur Cowan, je sais ce que vous faites, mais il demeure que ni vous, leader de l'opposition, ni moi, leader du gouvernement, ne dictons ni ne devrions dicter sa conduite à quelque comité sénatorial que ce soit. La décision revient au comité, où siègent, d'un côté comme de l'autre, des sénateurs exceptionnels. Je fais confiance aux membres du comité, aussi bien aux libéraux qu'aux conservateurs. J'ai tout à fait l'assurance que, lorsqu'ils se réuniront, ils tiendront compte de votre opinion ainsi que de la réponse que j'ai faite hier au sénateur Furey et qu'ils prendront une décision qui est dans l'intérêt supérieur du Sénat, du comité et de la population canadienne.

Le sénateur Cowan : Sénatrice LeBreton, je ne propose pas aujourd'hui et je n'ai pas proposé hier non plus que vous ou moi ou tous les deux ensemble devions ordonner quoi que ce soit au comité. Je suis tout à fait d'accord pour dire que la décision appartient au comité.

La demande que vous et moi avons faite il y a quelque mois, que nous avons signée tous les deux, invitant le comité à rendre son rapport public le plus tôt possible, n'était pas autre chose qu'une simple demande. Le comité y a répondu favorablement. Il a pris note de notre demande. La lettre que j'ai fait placer sur votre bureau, que je vous ai communiquée hier, était également une demande, pas un ordre de vous, de moi ou de nous deux. C'était une demande, et je vais en citer exactement le libellé : Nous demandons que vous réexaminiez le rapport en public.

Le comité a parfaitement le droit de ne tenir aucun compte de notre demande, mais j'estime que, à titre de leaders, nous avons la responsabilité d'exprimer notre opinion sur la question. Mon opinion est bien arrêtée : ce dossier mérite une telle attention de la part du public que ces audiences devraient avoir lieu en public. Partagez-vous ce point de vue?

La sénatrice LeBreton : Sénateur Cowan, je répète que nous avons un Comité de la régie interne. C'est un comité du Sénat. Je suis évidemment d'avis que l'évolution de la situation depuis la publication des rapports, le 9 mai, modifie la dynamique.

Par ailleurs, sénateur Cowan, le Parlement du Canada est constitué de la Chambre des communes et du Sénat, qui ont tous deux des comités. À titre de leader du gouvernement au Sénat, je fais confiance aux membres du comité et j'espère que, comme leader de l'opposition, vous leur faites aussi confiance. Vous leur avez écrit pour leur faire connaître votre opinion, et c'est votre droit. J'ai fait connaître la mienne au Sénat hier en répondant au sénateur Furey. Les sénateurs qui siègent au comité connaissent bien leur dossier et ils sont saisis de la question. Ils sont conscients de la gravité de la question ainsi que l'intérêt qu'elle suscite dans l'opinion.

Sénateur Cowan, je comprends et je sympathise, et votre opinion m'intéresse beaucoup, mais j'estime néanmoins que, étant donné la gravité de la question et le fait que nous avons retourné le rapport au comité au moyen d'une motion, j'ai entièrement confiance que les membres du comité, tous des sénateurs responsables, sérieux, travailleurs, honnêtes et éthiques, prendront la bonne décision. Connaissant vos souhaits, j'ai entièrement confiance que les sénateurs de ce côté-ci, tout comme les sénateurs de votre côté, tout particulièrement le vice-président et ancien président du comité, arriveront à la bonne décision, compte tenu de ce qui s'est passé, de toute l'information que nous avons reçue depuis le 9 mai et des attentes du public à l'égard d'une plus grande clarté.

Le cabinet du premier ministre

Le versement de fonds—Le vingt-deuxième rapport du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Je remercie la sénatrice de sa sympathie et de son intérêt. J'aurais aimé un plus grand appui de sa part, cependant.

Hier, le premier ministre a dit qu'il était frustré et en colère à cause de ce qui s'est passé au sein de son gouvernement et de son propre cabinet. C'est certainement les émotions qui ressortent des courriels que nous avons tous reçus et des conversations que nous avons avec nos compatriotes dans la rue, au café et ailleurs. C'est, selon moi, le moins que l'on puisse dire.

J'aimerais lire une citation :

Au nom du public canadien, nous les parlementaires devrions être consternés de constater jusqu'où le premier ministre et le gouvernement ont laissé choir les limites de la responsabilité [...] Le premier ministre ne rend de comptes à personne [...]

Les parlementaires et les membres des médias et par leur entremise, la population, sont soumis à toutes les tactiques imaginables de la part des défenseurs du premier ministre qui reçoivent leurs ordres du premier ministre ou de sa garde prétorienne au cabinet du premier ministre. On utilise toutes les tactiques pour semer la confusion dans l'esprit de la population, détourner son attention ou désinformer simplement les gens afin d'étouffer le débat.

Cette citation figure à la page 450 des Débats du Sénat; c'est vous, sénatrice LeBreton, qui avez prononcé ces mots le 27 mars 2001. Vous parliez du premier ministre de l'époque. Je prends la peine de citer ce passage parce que vous dites parfois que je vous prête des propos que vous n'avez pas tenus. Ce sont vos propos tirés du hansard du Sénat.

(1410)

Je vous dirai qu'une majorité écrasante de Canadiens partage la frustration et la colère de votre premier ministre. Est-ce que tout cela ne suscite pas chez vous aussi de la frustration et de la colère?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : En fait, lorsque vous avez lu cet extrait, j'ai pensé qu'il était tiré du nouveau livre qui vient de paraître sur Pierre Elliott Trudeau et qu'il décrivait sa façon de mener le cabinet du premier ministre.

Bien sûr, je ressens de la frustration, sénateur Cowan. Bien sûr, je ne suis pas très satisfaite de la situation. Aurais-je voulu qu'il en soit autrement? Absolument. Pour revenir aux événements de l'hiver et de février, nous avons mis en place un processus qui me satisfaisait pleinement. Nous l'avons appliqué. Nous avons fait ce que nous nous étions engagés à faire et avons rendu publiques les vérifications de Deloitte. Nous avons également apporté des changements aux règles, comme je l'ai mentionné hier.

Il est évident que je ressens de la frustration. Comme je l'ai dit dans mon discours d'hier, je prends très au sérieux mon rôle de leader du gouvernement au Sénat. J'ai toujours pris au sérieux mon rôle de sénatrice et l'obligation que j'ai de préserver l'argent des contribuables. Je soutiens que j'ai été extrêmement respectueuse de cet argent.

Encore une fois, oui, je suis déçue. Aurais-je préféré dire ici que ces choses ne se sont jamais produites? Absolument. Toutefois, j'ai insisté hier sur le fait que nous connaissons une crise au Sénat. Le public a tout à fait raison d'être furieux. Je n'ai qu'à écouter les membres de ma famille et de ma collectivité. Comme je l'ai signalé, cependant — car je crois qu'il vaut la peine de le répéter —, les règles qui s'appliquent au Sénat ainsi que nombre de pratiques du passé qui sont suivies depuis des années doivent être modifiées.

Je sais qu'il y a des gens qui n'aiment pas m'entendre dire cela, mais c'est la vérité. Pendant très longtemps, le Sénat a été essentiellement une institution libérale. Il était contrôlé par une majorité de libéraux. Dès l'instant où nous avons été majoritaires au Sénat, nous avons pris des mesures pour informer le public des dépenses des sénateurs. Nous avons commencé à publier des rapports trimestriels sur l'argent dépensé par ces derniers, ce qui a attiré — à juste titre — l'attention des gens sur les dépenses du Sénat.

Aussi difficile que soit la publication trimestrielle de cette information, le fait est que c'est une bonne chose pour notre institution et pour nous tous. Ainsi, nous n'aurons pas à l'avenir les situations dont nous avons été témoins depuis 20 ans que je suis ici, lorsque les sénateurs s'acquittaient de leurs fonctions sénatoriales et s'écartaient de l'intention des règles, qui est de leur rembourser les frais de déplacement et de subsistance qu'ils encourent pour s'occuper des affaires du Sénat, assister à des réunions de comités et s'acquitter d'autres fonctions officielles. Voilà l'objet de ces règles. C'est aussi la raison pour laquelle il était nécessaire de les resserrer.

Pour répondre à votre question, personne ne ressent plus de frustration que moi à cause de cette situation. Toutefois, comme je l'ai dit hier, il y a toujours moyen de trouver quelque chose de bon dans les situations difficiles. La bonne chose qui découlera de cette crise, c'est que nous aurons un Sénat beaucoup plus transparent, ouvert et responsable, un Sénat où le public pourra observer ce qui se passe.

Le sénateur Cowan : Pensez à la quantité de papier que les gouvernements consomment en général partout au pays. Ne croyez- vous pas que les Canadiens trouvent étrange qu'une transaction de plus de 90 000 $ entre le chef de cabinet du premier ministre et un sénateur ait pu se faire sans qu'on utilise une seule feuille de papier ou même une petite note autocollante? Cela ne vous semble-t-il pas un peu bizarre?

La sénatrice LeBreton : J'ai déjà répondu à ces questions, sénateur Cowan. Il est très clair, je crois, que les événements survenus après la présentation des rapports au Sénat le 9 mai ont changé la dynamique. Il n'y a pas de doute. Toutefois, je ne puis que répéter ce que j'ai dit auparavant. Le gouvernement n'avait absolument aucune connaissance de cet arrangement. C'est ce qu'a dit le premier ministre de l'étranger où il est en mission commerciale. Je n'ai aucun commentaire à formuler sur une transaction et une situation dont j'ignore absolument tout.

Le sénateur Cowan : Vous venez de dire que le premier ministre a finalement répondu à des questions dans la sécurité relative — ou, du moins, c'est ce qu'il pensait, j'en suis sûr — dont il jouit au Pérou. Dans sa réponse, il a dit que, lorsque M. Wright a donné 90 000 $ au sénateur Duffy — et je reprends ses paroles —, « il l'a fait à titre de chef de cabinet ». C'est ainsi que M. Harper s'est exprimé. Par conséquent, tout document, papier ou courriel qu'il a produit à titre de chef de cabinet appartient non à lui, mais au titulaire de la charge publique, c'est-à-dire au premier ministre.

Le gouvernement produira-t-il les documents qu'il a en main? De plus, s'efforcera-t-il de rechercher tout papier ou lettre qui lui appartient légalement, ce qui comprend tout document que M. Wright a produit en agissant à titre de chef de cabinet de M. Harper, comme l'a dit le premier ministre lui-même?

La sénatrice LeBreton : Si vous voulez citer équitablement le premier ministre, il faudrait dire qu'il a ajouté que le chef de cabinet avait démissionné à cause de ce geste et qu'il avait accepté sa démission.

Encore une fois, sénateur Cowan, je ne puis que répéter ce que j'ai dit hier. À notre connaissance, comme il s'agissait d'une entente entre deux personnes, il n'y a pas eu de documents juridiques. C'est l'information dont nous disposons. C'est tout ce que je peux vous dire aujourd'hui, sénateur Cowan.

Le sénateur Cowan : Sénatrice LeBreton, les déclarations ont été rédigées très attentivement, comme cela doit être le cas. C'est une affaire très grave, comme vous le dites, et il faut faire preuve d'une grande prudence en posant des questions ou en y répondant.

Cela dit, selon la réponse donnée ou la déclaration faite, le gouvernement n'avait aucun document. Il n'était au courant d'aucun document en sa possession. Ma question portait sur le fait qu'étant donné que M. Wright agissait, comme l'a dit le premier ministre, à titre de chef de cabinet du premier ministre, tout document produit par lui à ce titre ne lui appartient pas, mais appartient en fait au gouvernement du Canada. Si vous ne l'avez pas déjà fait, allez-vous vous assurer que le gouvernement enjoigne M. Wright de remettre au gouvernement tout document qu'il peut avoir en sa possession et que le gouvernement n'a peut-être pas, n'a peut- être jamais eu en sa possession, relativement à tout aspect de cette transaction?

La sénatrice LeBreton : Pour ce qui est de M. Wright, il est très clair que le dossier est maintenant entre les mains de la commissaire à l'éthique. Sachant à quel point la commissaire fait preuve de sérieux dans son travail, je pense, sénateur Cowan, qu'elle trouvera le moyen d'obtenir des réponses à plusieurs questions. Selon moi, il serait prudent de laisser la commissaire étudier attentivement ce dossier et faire son travail.

L'honorable George J. Furey : Sénatrice LeBreton, je viens de lire une entrevue que le sénateur Tkachuk doit avoir accordée tout récemment au magazine Maclean's. Je suis désolé qu'il ne soit pas présent, mais je ne le blâme pas de ne pas être ici. La santé prime sur tout. Je lui souhaite bonne chance et un prompt rétablissement.

J'aimerais connaître votre réaction à ce qui est dit ici :

Q : Quelqu'un au cabinet du premier ministre vous a-t-il déjà laissé entendre comment le rapport devrait être rédigé?

On parle ici du rapport du comité directeur qui a ensuite été transmis à tout le comité.

La réponse donnée par le sénateur est la suivante :

R : Pas vraiment.

(1420)

R : C'est que, quand je demande des conseils, des gens me donnent des conseils. J'ai bel et bien demandé des conseils; je ne le nie pas. Tout ce que je dis, c'est que personne ne m'a donné d'ordre; personne n'est venu me voir dans mon bureau pour me dire quoi faire.

Puis, le journaliste a posé la question suivante :

Q : Diriez-vous que les conseils que vous a fournis le cabinet du premier ministre ont eu une incidence sur la façon dont le rapport a été rédigé?

R : Eh bien, je ne sais pas. C'est difficile à dire. J'ai reçu des conseils d'un très grand nombre de personnes; alors, tout se trouve dans le rapport.

Compte tenu des problèmes qui entourent toute cette question et, plus particulièrement, étant donné que nous savons maintenant qu'une somme de 90 000 $ a changé de mains, ne pensez-vous pas que le sénateur Tkachuk devrait céder sa place en tant que président du comité pour que les Canadiens aient le sentiment que le processus est ouvert, clair et honnête?

Des voix : Bravo!

La sénatrice LeBreton : Je vous remercie, sénateur Furey. Vous venez de m'apprendre l'existence de cette entrevue. Je ne l'ai pas encore vraiment lue. Je vous remercie de m'en avoir informée.

Bien entendu, je vais lire l'entrevue au complet, sénateur Furey. Comme je l'ai indiqué dans cette enceinte hier, nous avons évidemment informé tous nos collègues du processus utilisé au Sénat, car les gens étaient très inquiets, à juste titre d'ailleurs. Je songe tout particulièrement aux députés, lorsqu'ils sont retournés dans leurs circonscriptions. Ils nous ont demandé ce que nous faisions et comment nous entendions régler le problème. Je n'ai cessé de leur garantir que le processus mis en place au Sénat serait transparent et que nous allions déposer les rapports de la firme Deloitte, ainsi que ceux du comité, et que nous allions modifier les règles. Je crois comprendre que les consultations tenues entre des représentants du gouvernement et des membres du caucus à l'autre endroit se sont déroulées dans ce contexte.

Si le sénateur Furey n'y voit pas d'objection, j'aimerais lire l'entrevue en entier. Je comprends ce que vous laissez entendre, mais je crois que, en toute justice, je devrais au moins avoir la possibilité de lire l'entrevue en entier.

Le sénateur Furey : Je vous remercie. Je pense qu'il s'agit d'une réponse très appropriée, sénatrice LeBreton. Je vous demanderais de faire rapport au Sénat lorsque vous aurez eu la chance de parler au sénateur Tkachuk. J'ai toujours très bien travaillé avec lui par le passé, mais certaines de ces observations me préoccupent grandement. Je suis convaincu que vous lui parlerez, que vous ferez toute la lumière sur la question et que vous nous en reparlerez.

La sénatrice LeBreton : Je peux vous assurer que je le ferai.

L'honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, à la lumière des propos du sénateur Furey et du fait que vous vouliez que le processus soit transparent, si le sénateur Duffy acceptait de rendre public cet examen du rapport, seriez-vous d'accord?

La sénatrice LeBreton : Sénateur Dawson, je le répète, j'ai le plus grand respect pour les règles et le processus parlementaire. Il y a un système de comités. Le Sénat a des comités qui font de l'excellent travail et qui sont maîtres de leurs travaux. Nous pouvons toutefois leur faire des suggestions. Le comité en question est composé de sénateurs des deux côtés. Je crois que c'est le premier comité auquel j'ai siégé après avoir été nommée au Sénat. Je l'appelais le « Comité de la régie infernale ».

Je crois vraiment que, tous autant que nous sommes et quelle que soit notre allégeance, nous devons faire confiance aux sénateurs des deux côtés qui forment ce comité et être convaincus qu'ils prendront les mesures qui s'imposent.

Le sénateur Dawson : Est-ce que c'est une réponse négative?

La sénatrice LeBreton : J'ai dit que je ne peux pas présumer de ce que le sénateur Duffy pourrait dire. De toute évidence, le sénateur Cowan a son opinion sur la façon dont le comité doit s'y prendre pour accomplir son travail. Pour ma part, je dis simplement que des sénateurs exceptionnels siègent au comité, d'un côté comme de l'autre. Au vu de l'information qu'ils ont reçue depuis qu'ils ont produit leur rapport, ils se saisiront de cette question très sérieuse. Bien sûr, ils prennent note, eux-aussi, de la réaction du public et de ce que nous faisons pour redresser la situation. Je dis simplement, sénateur Dawson, que j'ai la conviction que les membres du comité, de part et d'autres, tiendront compte, lorsqu'ils se réuniront — j'ignore quand, mais ce devrait être bientôt —, des idées du sénateur Cowan et d'autres idées qu'ils peuvent eux-mêmes avoir, et ils tiendront compte du fait que je me suis engagée à appuyer à fond leur décision et la démarche qu'ils choisiront.

Le sénateur Dawson : Cela avait l'air d'un « peut-être ». Je remercie madame le leader du gouvernement.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, s'il y a un conflit d'intérêts flagrant, c'est bien celui-ci : le président du comité qui examine le problème dont le Sénat est saisi a pris des mesures qui l'impliquent précisément dans les faits sur lesquels porte l'examen dont le comité est chargé. Comment se peut-il que nous laissions à la présidence de ce comité une personne qui est de façon aussi claire dans une situation de conflit d'intérêts? Il a modifié le rapport que le comité avait approuvé. Il semblerait qu'il ait reçu des ordres du cabinet du premier ministre — je sais que vous réservez votre opinion à ce propos —, et voici qu'il préside un comité qui examinera notamment ses propres actes. Comment cela marche-t-il?

La sénatrice LeBreton : Premièrement, il y a ici beaucoup d'hypothèses. Cela dit, sénateur Mitchell, je comprends que vous ne puissiez pas accepter la réponse légitime que j'ai donné au vice- président du Comité de la régie interne, soit que j'étudierai cette question très sérieusement. Je comprends néanmoins, sénateur Mitchell. Vous n'êtes jamais capable d'accepter une réponse légitime sur une question d'une pareille gravité.

Le sénateur Mitchell : Le sénateur Furey parlait d'une indication précise de conflit d'intérêts, mais il est à peu près de notoriété publique que ce président, de la majorité conservatrice, a modifié un rapport, et que ces modifications feront partie des faits examinés par le comité. Comment un président qui a été mêlé à la modification d'un rapport peut-il examiner ses propres actes? Comment un processus dans lequel le président est impliqué et dont les actes doivent faire l'objet de l'examen peut-il avoir la moindre crédibilité?

La sénatrice LeBreton : Comme je l'ai dit au sénateur Furey lorsqu'il a avancé une proposition, il me faudra obtenir davantage d'information. Il s'agit toutefois d'un comité du Sénat, sénateur Mitchell. J'ignore ce qui s'est passé pendant cette séance de comité à huis clos. Je n'ai pas pris part au débat. Il s'agissait d'une séance à huis clos; il n'y a donc pas de compte rendu des échanges. Tout ce que je sais, c'est que, le 9 mai, le comité a déposé des rapports qui appartiennent désormais au Sénat. Deux d'entre eux n'ont pas été étudiés, et deux l'ont été. C'est tout ce que je puis dire pour l'instant.

Les membres du Comité de la régie interne, qui sont relativement nombreux, les membres des deux partis, tiendront certainement compte de tout ce qui s'est dit et de tout ce qui s'est passé depuis le 9 mai. Je le répète, la décision sera prise au comité.

Le sénateur Mitchell : Ne pouvez-vous pas au moins admettre qu'il est important que ce processus soit au-dessus de tout soupçon et apparaisse aussi comme absolument irréprochable aux yeux d'une population très cynique et sceptique? Ne pouvez-vous pas au moins admettre qu'il y a un conflit d'intérêts flagrant dans le fait que le président du comité participe à l'examen d'une série de problèmes auxquels il est inévitablement mêlé? Pourquoi ne se récuse-t-il pas de son propre chef, dans tout ce processus? Pourquoi ne cède-t-il pas la présidence pour que l'examen puisse se faire en dehors de sa présence? Pourquoi n'insistez-vous pas pour qu'il le fasse?

La sénatrice LeBreton : Je conviens qu'il s'agit d'un problème grave et qu'il faut s'en occuper correctement. Je répète tout de même qu'il s'agit d'un comité qui compte un grand nombre de membres, et que se sont des sénateurs très responsables, d'un côté comme de l'autre. J'ai l'intime conviction que le comité fera ce qui est juste dans l'intérêt du public, du contribuable, du Sénat et du Parlement.

(1430)

Sénateur Mitchell, vous me demandez de me prononcer sur des renseignements qui tiennent encore de l'hypothèse. Lorsqu'il se réunira, le comité sera saisi de ces éléments, et il s'en occupera. J'ai bon espoir et je suis convaincue qu'il le fera.

Le sénateur Mitchell : Par définition, il s'agit d'hypothèses, sans quoi nous n'aurions pas à faire enquête. Ce n'est pas un moyen de défense que prétendre qu'il s'agit d'hypothèses. Le président est en situation de conflit d'intérêts. C'est évident. Peu importe comment on présente la chose, c'est un conflit d'intérêts. Comment pouvez- vous rester là sans lui demander, où qu'il se trouve, de démissionner de son poste, pour laisser la place à quelqu'un d'autre qui aura au moins une petite chance de paraître objectif?

La sénatrice LeBreton : Sénateur Mitchell, pour l'instant, le sénateur Tkachuk n'est pas ici pour se défendre. Il a...

Le sénateur Mitchell : Il relève de vous.

Le sénateur LeBreton : Il relève du Sénat. Il rend des comptes au Sénat, et non à moi.

Le sénateur Mitchell : Désolé, il relève sans doute du CPM.

La sénatrice LeBreton : Non, ce n'est pas le cas. Il relève du Sénat. Il préside un comité sénatorial. Il ne relève pas de moi, mais du Sénat, comme tous les présidents de comités sénatoriaux. Les comités sont composés de sénateurs des deux côtés. Cependant, le sénateur n'est pas ici pour se défendre. Des idées ont été avancées aujourd'hui au sujet de ce qu'il pourrait ou devrait faire. Elles ont été exposées publiquement, et je suis persuadée que nous prendrons, qu'il prendra vos observations en considération.


ORDRE DU JOUR

Question de privilège

Le vingt-quatrième rapport du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration—Décision de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je souhaite rendre ma décision sur une question de privilège.

Le 21 mai, l'honorable sénateur Harb a soulevé une question de privilège concernant le vingt-quatrième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration présenté le 9 mai. Le sénateur Harb a fait valoir que la teneur de ce rapport avait terni sa réputation, nui à sa capacité de s'acquitter de ses fonctions et porté atteinte au Sénat comme tel. Il a critiqué le processus suivi pour l'examen des indemnités de subsistance, soutenant que les principes fondamentaux de la justice naturelle avaient été enfreints. Il a aussi remis en question les conclusions du comité. Présentant son point de vue, le sénateur Harb a expliqué comment, à son avis, la question de privilège satisfaisait aux quatre critères énoncés à l'article 13-3(1) du Règlement.

[Français]

Des honorables sénateurs sont intervenus sur la question de privilège. Le sénateur Carignan a souligné que le sénateur Harb avait lui-même reconnu qu'il avait eu l'occasion d'intervenir pendant le processus ayant abouti au vingt-quatrième rapport. Il a souligné que les recommandations du rapport n'entreront en vigueur que si le rapport est adopté par le Sénat, et que c'est le Sénat qui prendra la décision finale à ce sujet. Il a ajouté que le sénateur Harb pourra participer au débat. Pour ces motifs, le sénateur Carignan estimait qu'il n'y avait pas matière à question de privilège.

[Traduction]

Le sénateur Furey a ensuite questionné le sénateur Harb sur les habitudes de déplacement examinées dans le rapport. Puis, le sénateur Nolin a cité la deuxième édition de l'ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes et Erskine May pour montrer que le point soulevé par le sénateur Harb ne constituait pas une question de privilège en bonne et due forme. Se disant d'accord en général avec les observations du sénateur Nolin, la sénatrice Fraser a fait valoir que la plainte tenait plutôt à une réévaluation des frais de subsistance, question qui relève de la compétence du Comité de la régie interne et du pouvoir du Sénat. Elle a dit « qu'à aucun moment on ne porte atteinte à la réputation ou au nom du sénateur Harb. Selon le rapport il n'a pas fait de réclamations de mauvaise foi... Le rapport indique simplement qu'il n'aurait pas dû faire les réclamations. »

[Français]

Comme les honorables sénateurs le savent, une question de privilège s'entend d'une « Allégation selon laquelle [une] atteinte a été portée aux privilèges du Sénat ou des sénateurs ». Le privilège s'entend des « Droits, pouvoirs et immunités particuliers à chaque Chambre collectivement, et aux membres de chaque Chambre individuellement, faute desquels il leur serait impossible de s'acquitter de leurs fonctions » et qui « dépassent ceux dont sont investis d'autres organismes ou particuliers ». Ces définitions figurent à l'annexe I du Règlement du Sénat.

[Traduction]

Cette chambre et ses membres bénéficient de nombreux droits et privilèges. L'un de ces droits consiste à régir les affaires internes. En exerçant ce droit, le Sénat peut mettre en œuvre des mesures pour protéger sa réputation auprès du public, même si cela peut sembler nuire aux intérêts des sénateurs à titre individuel. Cela est confirmé à la page 88 de la deuxième édition de l'ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes où on peut lire ceci : « [...] les droits des [parlementaires] sont subordonnés à ceux de la Chambre pour prémunir la collectivité contre le risque que des [parlementaires] interprètent abusivement la portée de leurs privilèges. » Autrement dit, les droits et privilèges du Sénat comme tel l'emportent sur ceux des sénateurs, à titre individuel.

[Français]

Le rapport du Comité de la régie interne renferme une proposition sur l'utilisation des ressources du Sénat et l'application des politiques du Sénat à cet égard. Une telle proposition relève clairement du mandat du Comité. Aux termes de l'article 12-7(1)a) du Règlement, le Comité peut, « examiner, de sa propre initiative, les questions financières et administratives se rapportant à la régie interne du Sénat ». En présentant ce rapport, il ne fait que remplir son mandat. Bien entendu, ce rapport n'aura de suite que s'il est adopté par le Sénat.

[Traduction]

Le sénateur Harb a soulevé sa question de privilège à la première occasion. Toutefois, les trois autres critères prévus à l'article 13-3(1) du Règlement ne sont pas clairement établis. La plainte du sénateur Harb ne concerne pas directement les privilèges du Sénat, d'un de ses comités ou d'un sénateur. Aucune atteinte grave et sérieuse n'a été identifiée. Rien, à première vue, ne permet d'affirmer que la capacité du sénateur Harb de s'acquitter de ses fonctions parlementaires a été entravée.

Ce rapport s'inscrit dans le contrôle légitime du Sénat sur sa gestion interne. La question de privilège ne satisfait pas aux deuxième et troisième critères. Les préoccupations relatives à l'équité du processus ayant abouti au rapport et à ses conclusions pourront être examinées durant le débat, et les sénateurs pourront proposer que le rapport soit renvoyé au comité pour une étude approfondie. En fait, c'est ce qui est arrivé dans le cas du vingt- deuxième rapport. Le rapport pourrait aussi être modifié ou rejeté. Les questions soulevées par le sénateur Harb peuvent être réglées au moyen de plusieurs procédures parlementaires. Par conséquent, la question ne satisfait pas aux conditions du quatrième critère.

[Français]

La décision est donc la suivante : la question de privilège n'est pas fondée à première vue.

[Traduction]

La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lang, appuyée par l'honorable sénatrice Martin, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, j'aimerais dire que je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C- 42 à l'étape de la troisième lecture, mais ce n'est pas vraiment le cas. J'ai de sérieuses réserves à l'égard de ce projet de loi et de ce qu'il vise à corriger. Je suis particulièrement préoccupé parce que, en y réfléchissant bien — et cela ne demande peut-être pas une grande réflexion —, je crois que le projet de loi ne résoudra pas le problème et pourrait même aggraver la situation.

(1440)

Il n'y a pas de doute que la GRC est une organisation en difficulté, mais nous ne savons pas à quel point. Ce n'est pas seulement moi, sénateur de l'opposition, qui le dis. Le commissaire lui-même a reconnu qu'il y avait des problèmes. Le ministre aussi l'a admis. L'existence même du projet de loi C-42 témoigne de la présence de ces problèmes à la GRC.

La question qui se pose à cet égard est de savoir quelle est l'importance de ces problèmes. Bien peu d'efforts ont été déployés par les cadres supérieurs de la GRC pour établir cette importance. C'est mon premier sujet d'inquiétude au sujet de ce projet de loi et, d'une façon plus générale, au sujet du débat concernant le harcèlement sexuel, le harcèlement et les problèmes culturels de la GRC. Quelques témoins ont abordé cette question. L'importance du problème revêt deux formes. La première est quantitative : combien de problèmes y a-t-il et quelle en est la portée? La seconde est qualitative. Je parlerai de ces deux aspects.

Nous n'avons obtenu que des renseignements très limités parce que nous avons eu de la difficulté à faire comparaître devant le comité un vaste éventail de témoins et ce, pour diverses raisons, dont les efforts déployés par le passé par les représentants du gouvernement au comité pour limiter les témoignages reçus.

Au cours d'un échange qui a eu lieu au comité, on a indiqué que seuls 117 problèmes ont été étudiés dans le cadre des différents processus d'examen qui existent à la GRC. Permettez-moi de préciser cela. Il y a eu 117 cas dans une période d'environ 10 ans qui ont été renvoyés à la commission d'examen extérieure. Cette commission n'est qu'un seul des organes d'examen des problèmes de la GRC. Il y en a beaucoup d'autres : le processus de règlement des griefs, le processus quasi externe d'examen public de la commission, le processus du tribunal, les processus d'arbitrage, etc. Par conséquent, il était très trompeur d'affirmer que le problème n'était pas très grave puisqu'avec un effectif de 30 000 personnes à la GRC, seuls 117 cas ont été soumis à cette commission. C'est fort trompeur.

Honorables sénateurs, nous connaissons certains des nombres, mais nous n'en avons pas obtenu suffisamment parce qu'on n'a pas fait assez d'efforts pour évaluer le problème. Premièrement, nous savons que, dans la période de cinq ans étudiée par la Commission des plaintes du public, sous la direction d'Ian McPhail, 718 cas ont été examinés. Ce sont les cas qui ont dû être traités au cours de cette période, ce qui donne une moyenne de 144 cas par an. Ce nombre ne semble pas très élevé, mais ne perdons pas de vue que ce ne sont que les cas qui ont atteint le stade où on commence à tenir un dossier.

À la GRC, les cas peuvent passer par de multiples étapes. Avant qu'ils atteignent un certain niveau, ils ne font l'objet d'aucun dossier. Il y a probablement beaucoup d'occasions — on peut du moins le supposer — où les intéressés ont renoncé à leur plainte avant d'atteindre l'étape à laquelle il faut remplir des papiers. Entre autres possibilités, il se peut aussi qu'un règlement soit intervenu avant qu'on ait à remplir des papiers.

La seconde raison pour laquelle ce chiffre est vraisemblablement bas, c'est que de nombreux indices nous amènent à croire que plusieurs membres de la GRC, aussi bien parmi les agents en uniforme que chez les civils, craignent de se plaindre d'un problème ou de proposer une solution parce qu'ils ont vu ce qui est arrivé à beaucoup de leurs collègues qui l'avaient fait. Encore une fois, par suite de l'intervention des représentants du gouvernement, le comité n'a pas été autorisé à convoquer des membres de la GRC qui avaient été touchés par ce processus. Je vais en parler un peu parce que j'ai moi-même eu l'occasion de m'entretenir avec plusieurs personnes touchées.

Honorables sénateurs, nous avons entendu à maintes reprises que beaucoup de gens ont peur de déposer une plainte pour harcèlement ou intimidation parce qu'ils craignent des représailles. Ils se disent qu'on ne les écoutera pas, que le problème ne sera pas réglé de façon satisfaisante, qu'ils risquent d'être ostracisés et que leur carrière et peut-être leur santé mentale pourraient s'en ressentir. Cela s'est produit très souvent.

Oui, le rapport McPhail parle de 718 cas officiels. Je note que, premièrement, il n'a pas vérifié les dossiers de la GRC. C'est la GRC qui lui a remis ces dossiers. Par conséquent, rien ne garantit que nous avons reçu tous les dossiers. Deuxièmement, bien des cas n'atteignent pas ce stade. Troisièmement, beaucoup de cas ne commencent jamais vraiment parce que les intéressés ont trop peur de parler.

Honorables sénateurs, nous avons un autre bon processus en Colombie-Britannique. Il a été mis en place par une membre civile de la GRC, Simmie Smith, qui a demandé aux agents de la région de lui exposer leur point de vue. Je crois que la région compte 6 000 agents et civils de la GRC. Simmie Smith a établi un processus qui a permis d'entendre 462 d'entre eux, c'est-à-dire 8 à 9 p. 100 de l'effectif de la région.

Sur ces 462 membres, il n'y avait que cinq hommes parce que les agents de sexe masculin avaient été exclus pour permettre aux femmes de parler plus librement du harcèlement sexuel, sujet particulièrement intime et personnel. Simmie Smith a jugé que la présence d'hommes empêcherait les femmes de s'exprimer ouvertement et de parler avec franchise de leurs préoccupations. Bref, il n'y avait que cinq hommes.

Compte tenu du nombre de cas mentionnés dans le rapport McPhail, on peut constater que les pourcentages de femmes et d'hommes sont à peu près équivalents : entre 44 et 49 p. 100, environ. Pour le reste, nous ne savons pas qui a été touché parce que le sexe n'est pas indiqué. Si on considère qu'il y avait quelque 456 cas de femmes dans l'étude de Simmie Smith et que les pourcentages sont à peu près équivalents, on peut supposer qu'il y a peut-être 450 cas d'hommes qui ont connu des problèmes semblables.

Honorables sénateurs, cela fait maintenant 900 cas sur 6 000 employés, ce qui représente un ratio important, soit 15 p. 100. Dans une certaine mesure, ces chiffres excluent les personnes qui ont peur de porter plainte parce qu'elles n'ont pas confiance que leur cas sera traité de façon juste et appropriée. L'ampleur du problème est énorme.

Continuons notre analyse. Un recours collectif a été présenté par 300 membres. Encore une fois, ce sont uniquement des femmes, parce que dans ce cas-ci le recours concerne uniquement les femmes. Cela représente une grosse pointe de l'iceberg. En effet, si ces personnes sont prêtes à s'astreindre à tout ce processus, à raconter tous les problèmes qu'elles ont vécu au sein de la GRC, à dépenser de l'argent pour mener ce genre de démarches judiciaires et à rendre publics des événements très personnels, on peut sûrement parler de pointe de l'iceberg parce qu'il existe sans doute bien d'autres cas. Nous ne parlons pas de centaines de cas, mais peut-être bien de milliers au sein d'une organisation qui compte 30 000 employés. Cela représente un pourcentage important de cas.

Cela dit, nous ne savons pas exactement ce qu'il en est. Personne n'a effectué de vérification de base. L'étude menée par Simmie Smith en Colombie-Britannique était très bonne. Pourquoi une telle étude n'a-t-elle pas été menée dans l'ensemble du pays? Le rapport rédigé par Ian McPhail renferme certaines données. Toutefois, ce n'est pas en Colombie-Britannique que le pourcentage était le plus élevé. Ce n'est pas la région où le problème était le plus aigu. Je ne dirai pas dans quelle région le problème était le plus grave, mais si la situation était assez sérieuse en Colombie-Britannique pour que l'étude menée par Simmie Smith soit invoquée, pourquoi le commissaire Paulson ne voudrait-il pas qu'un tel exercice soit mené partout au pays, de façon à avoir une base de référence, à connaître la nature du problème et à s'y attaquer?

Dans tout ce processus, on élude la question de l'ampleur du problème. Nous avons maintenant une idée de la nature du problème, c'est-à-dire de la façon dont les cadres supérieurs perçoivent ces cas et des solutions inadéquates qu'ils proposent à ces graves problèmes.

(1450)

Par sa nature même, tout cela est anecdotique, évidemment, mais on a entendu des observations très troublantes. Chose curieuse, le commissaire a dit qu'il avait besoin de ce projet de loi pour pouvoir se débarrasser des éléments indésirables. Cependant, les responsables n'ont jamais eu la moindre difficulté à congédier les personnes qui ont formulé des plaintes.

Lorsqu'une femme porte plainte contre un homme, c'est souvent la femme qui se fait congédier. Les tribunaux ont été saisis d'une affaire. Ce sont des faits de notoriété publique. Un sergent et une policière ont eu une relation, une aventure. Tous deux ont d'abord menti à ce sujet, mais ils ont ensuite avoué. Le sergent a perdu 10 jours de paye et la policière a été congédiée. Voilà qui montre que le processus est faussé jusqu'à un certain point, pour ne pas dire qu'il y a là une attitude cavalière ou des préjugés plus profondément ancrés.

Deuxièmement, malgré le fait que le commissaire ait dit qu'il ne pouvait pas congédier du personnel, il est intéressant de signaler qu'il a précisé, lorsqu'il est devenu commissaire, fin décembre 2011, qu'il voulait sévir dans des cas comme ceux-là. Fort bien. Plusieurs semaines plus tard, l'affaire Donald Ray a été soumise à un comité de trois arbitres, des agents de la GRC. D'après les médias, ils auraient dit qu'ils avaient envisagé le congédiement de la personne en cause, ce qui veut dire qu'ils avaient le pouvoir nécessaire, mais qu'ils avaient décidé de ne pas le faire.

Comme je l'ai déjà expliqué au Sénat et vais le rappeler brièvement, l'affaire Donald Ray est sordide. Le comité d'arbitrage l'a reconnu coupable d'avoir plusieurs fois fait de l'exhibitionnisme au bureau, devant un personnel féminin. Il a aussi apporté de l'alcool au bureau et y a eu des relations sexuelles. Pour tout cela, il a perdu 10 jours de paye, il a été rétrogradé du rang de sergent d'état-major à celui de sergent, et il a été envoyé en Colombie-Britannique. Cela me dit qu'il y a effectivement un problème. Même si le commissaire a dit qu'il voulait que Donald Ray et ses semblables soient traités différemment, sévèrement, on peut soutenir que, à bien des égards, les arbitres ont défié son initiative. Voilà qui est révélateur de la nature de cette culture.

Nous n'avons pas pu convoquer au comité des témoins qui ont été des victimes. Je parlerais plutôt de « personnes gravement blessées »; en effet, on ne peut pas dire que ces personnes sont des survivantes, puisqu'elles subissent toujours des traitements. Si les sénateurs pouvaient les voir et parler avec elles, ils seraient profondément remués.

La députée Judy Sgro et moi avons tenu des audiences à Ottawa. Quatre personnes qui ont souffert de ces traitements ont présenté des exposés. D'autres députés et sénateurs se sont joints à nous. Nous avons fait la même chose à Vancouver la semaine dernière. Cette fois, nous avons entendu cinq personnes, mais aussi deux autres en privé, tellement elles avaient peur. Leurs histoires ont une énorme puissance.

Ainsi, Sherry Benson, qui a comparu devant le comité de la Chambre, la seule personne blessée qui l'ait fait, a relaté l'histoire d'un harcèlement profondément constant et dévastateur. On lui lançait des injures tellement horribles que je ne les reprendrai pas ici, et on lui lançait ces injures à répétition, des injures humiliantes pour une femme, des insultes très agressives à connotation sexuelle. Cela pouvait se produire devant le public et sur le système radio.

Quand elle a demandé à ceux qui la traitaient ainsi d'arrêter — ce n'est pas beaucoup demander —, c'est alors qu'on a commencé à l'ostraciser, à l'exclure, à l'isoler. Cela a duré des années. À un moment donné, elle a trouvé dans son casier un tétras mort et ensanglanté. Les sénateurs peuvent-ils imaginer que cela se produise dans le casier de l'un de nos employés? Pouvez-vous imaginer ce qui se passerait? Il ne s'est rien passé, il n'est rien arrivé à ceux qui avaient fait ça.

Nous avons accueilli Catherine Galliford. Plusieurs sénateurs doivent la connaître, car elle était ce porte-parole de la GRC qui s'exprimait et se présentait très bien pendant l'enquête sur Pickton. Je crois qu'elle a tenu le même rôle pendant l'enquête sur Air India. Elle nous a relaté l'histoire d'un harcèlement destructeur qui s'est étalé sur de longues années.

Jamie Hanlon et Krista Carle sont également des personnes qui s'expriment extrêmement bien et avec beaucoup d'éloquence. Ce ne sont pas des personnes qui sont là pour réclamer de l'argent. Elles ne veulent pas causer du tort à la GRC. Elles sont entrées dans la GRC parce qu'elles croyaient profondément en cette institution et étaient convaincue de pouvoir y jouer un rôle pour rendre le Canada meilleur et servir la population. Tout ce qu'elles veulent, c'est régler le problème. Il n'y a rien de retors, il n'y a aucune récrimination. Elles veulent se faire entendre, et elles veulent régler le problème.

On se dit que la situation s'améliore parce que des mesures ont été prises, mais ce n'est pas immédiatement évident non plus. Il y a à peine un an, une décision a été rendue dans une affaire qui concernait une jeune femme en formation à la Division Dépôt. Un soir, elle a reçu un appel à sa chambre d'hôtel, et un agent lui a demandé : « Pourquoi ne descends-tu pas prendre un verre avec moi? » Elle l'a fait. Rien de mal à cela. Arrivée sur les lieux, elle a vu qu'il y avait 12 ou 15 collègues et, devant eux tous, il a fait sur elle des attouchements déplacés. Il a fait à son propos une remarque narquoise devant ces gens. Elle s'est assise. Que pouvait-elle faire d'autre? Elle était une recrue. Elle était une nouvelle venue. Elle a essayé d'endurer comme le font tant de personnes à qui ces traitements sont infligés. À la fin, il l'a de nouveau touchée de façon déplacée devant tout le monde.

Qu'est-il arrivé à cette victime? L'arbitre, et c'est tout à l'honneur de la GRC, a jugé que l'agent avait eu un comportement inadmissible et l'a obligé à présenter à la jeune femme des excuses en cri. Je présume donc qu'elle était autochtone. De toute façon, on se doit d'encourager une femme autochtone qui est membre de la GRC. Que s'est-il passé? On l'a tellement ostracisée et isolée qu'elle a finalement demandé un transfert.

J'ai demandé plus de détails au commissaire Paulson lorsqu'il s'est présenté devant le comité. Je lui ai demandé pourquoi elle devait partir. Il a répondu qu'elle l'avait demandé. Bien sûr, elle n'avait pas d'autre choix. J'aimerais demander au commissaire Paulson pourquoi il n'a pas téléphoné à cette jeune agente pour lui dire : « Vous savez, je crois que vous ne devriez pas être transférée. Vous n'avez rien fait de mal; je vais plutôt transférer ceux qui vous harcèlent et vous ostracisent. Ce sont eux qui devront quitter l'unité. Nous trouverons de qui il s'agit et nous les enverrons ailleurs. »

Quel genre de message une telle mesure transmettrait-elle à l'organisation au sujet du changement de culture? Je crois que ce message serait des plus percutants.

Le fait qu'il ait répondu : « Elle l'a demandé » indique encore une fois, à mon avis, un problème dans la culture de cette organisation.

Enfin, on constate l'ampleur du problème lorsque l'on considère le cas à propos duquel la présidence a rendu une décision la semaine dernière ou la précédente. Il s'agit du cas de Roland Beaulieu, qui, selon toute vraisemblance, a été victime d'intimidation de la part de la direction de la GRC, qui souhaitait l'empêcher de se présenter devant le comité du Sénat. Il avait été invité à se présenter, ce à quoi il a consenti. Il en a informé son supérieur, malgré le fait qu'il était en congé de maladie. Peu après, il a reçu une lettre de la part d'un médecin — un médecin qu'il n'a jamais rencontré, qui ne lui a jamais parlé et qui ne l'a jamais examiné — qui disait essentiellement : « Si vous allez assez bien pour témoigner devant un comité pendant une heure, vous allez assez bien pour retourner au travail. » Il est presque incompréhensible qu'ils fassent une telle chose étant donné l'examen attentif dont ils font l'objet de la part du comité sénatorial. C'est incompréhensible. C'est presque incroyable qu'ils fassent une chose pareille.

Si nous n'avons pas pu évaluer l'aspect quantitatif du problème parce que les études qui doivent être faites ne le sont pas, ces vues et ces observations de nature purement qualitative font sûrement ressortir l'existence d'un problème sur le plan de la culture de l'organisme à un certain niveau et à certains endroits. Je ne prétends pas que le problème s'étend partout; je ne veux pas ternir la réputation de toute la GRC, absolument pas. Beaucoup de membres de la GRC — probablement la très grande majorité — sont excellents et ont un comportement irréprochable et exemplaire, mais quand de telles situations se produisent et que de telles décisions sont prises aux échelons supérieurs, il est clair qu'il existe un problème sur le plan de la culture de l'organisme.

Il s'agit là des instances dirigeantes. On ne peut pas régler un problème culturel si les instances dirigeantes ne le comprennent pas. Celles-ci doivent commencer par comprendre — comme les militaires ont fini par le faire, avec succès — qu'il s'agit de changer la culture et que ce n'est pas facile, ce qui m'amène au projet de loi C-42.

(1500)

Le ministre et le commissaire Paulson considèrent le projet de loi C-42 comme l'antidote nécessaire du problème, dont ils admettent l'existence. Ils ne savent pas à quel point il est étendu, mais ils reconnaissent qu'il existe. Pour eux, le projet de loi réglera le problème. Le commissaire dit que cette mesure lui permettra de congédier les mauvais sujets, ce qu'il n'est pas en mesure de faire à l'heure actuelle.

Voici la difficulté : presque chacune des dispositions du projet de loi visant à restructurer la GRC traite des problèmes après qu'ils se sont produits. Le projet de loi conférera plus de pouvoirs au commissaire pour qu'il puisse congédier des membres, mais on ne congédie des gens qu'après coup. Le commissaire pourra restructurer le processus de règlement des griefs, mais, encore une fois, ce processus n'intervient qu'après coup. Le projet de loi parle de moyens plus objectifs d'enquêter sur les incidents graves mettant en cause des agents de la GRC. Une fois de plus, on ne fait enquête sur un incident grave qu'après que l'incident s'est produit.

Enfin, la nouvelle Commission civile d'examen et de traitement des plaintes n'interviendra, elle aussi, qu'après coup. Ce qu'on ne trouve ni dans le projet de loi ni ailleurs — du moins pas d'une façon assez intense et marquée, sans compter que nous n'avons pas eu les témoignages permettant de conclure qu'on en a fait assez —, c'est une initiative destinée à changer la culture pour éviter que ces problèmes se posent ou, du moins, pour en réduire considérablement le nombre.

La GRC nous dira — les cadres supérieurs l'ont fait — qu'elle a établi le Programme pour le respect en milieu de travail, qui permettra d'affronter les problèmes sur ce plan. J'en ai discuté avec les témoins, et d'autres l'ont également fait. Premièrement, je leur ai demandé s'ils disposaient d'un budget. Les cadres supérieurs n'ont pas pu dire s'il y avait un budget réservé au programme. Sans budget réservé et avec des responsables qui ne savent pas à combien s'élève ce budget, ce qui est tout aussi grave, comment peut-on affirmer que le programme constitue une priorité dans les politiques et les programmes et qu'il est très important pour l'institution et sa direction?

J'ai demandé : « Avez-vous procédé à une vérification de base pour connaître l'étendue du problème dans le pays, sa nature et son importance et pour être en mesure de comparer les progrès réalisés par rapport aux dispositions du projet de loi C-42? » Eh bien, on a fait quelque chose en Colombie-Britannique, mais pas dans tout le pays. Par conséquent, il n'y a pas de données de base.

Le responsable des vérifications a comparu devant le comité. Je lui ai demandé : « Avez-vous dressé un plan de vérification de l'organisation au cours des mois et des années à venir pour déterminer dans quelle mesure vous avez réalisé des progrès? » Non, il n'y a aucun plan.

Si les responsables n'ont pas de budget, s'ils n'ont pas scientifiquement évalué le problème, s'ils n'ont pas de programme de vérification permettant de suivre les progrès, quel genre d'engagement y a-t-il et comment peut-on penser que ces mesures auront du succès? Elles ne réussiront tout simplement pas. Dans la mesure où il est possible de l'affirmer, je prétends, moi, que ces mesures ne seront pas couronnées de succès.

Comme si cela ne suffisait pas, la mise en œuvre est laissée à l'initiative régionale. Il n'y a pas de normes nationales. Il n'existe aucune norme nationale concernant la structuration de ce programme. Certains groupes le feront peut-être très bien, mais les quatre ou cinq régions restantes ne le feront pas. Rien ne prouve qu'il existe un processus d'élaboration de pratiques exemplaires. Aucun indice ne montre l'existence d'une orientation qui vient des échelons supérieurs et de leadership. Autrement, tous les éléments de ce programme auraient été en place, ce qui n'est pas le cas.

J'ai en fait l'impression non seulement que le projet de loi C-42 ne réglera pas le problème culturel de la GRC, mais qu'il pourrait bien l'aggraver. Si le projet de loi confère, comme l'a dit le commissaire, un plus grand pouvoir de congédiement, pouvoir qui sera délégué aux différents niveaux de la direction, qui peut garantir, en l'absence d'un changement de culture, que les harceleurs ne seront pas investis d'un plus grand pouvoir de congédier les gens qui osent se plaindre du harcèlement?

Les comités de déontologie remplaceront les comités d'arbitrage pour examiner les décisions relatives aux graves manquements à la discipline. Toutefois, qui peut dire si les trois personnes qui ont envoyé Donald Ray en Colombie-Britannique comme punition, et l'ont privé de 10 jours de paye, ne seront pas désignées elles-mêmes comme membres des nouveaux comités de déontologie? Rien ne garantit qu'il y aura un changement quelconque.

Ma crainte — c'est aussi celle de beaucoup des personnes touchées —, c'est que ces dispositions rendront les choses beaucoup plus difficiles pour les membres de l'organisation qui ont un problème et qui souhaitent déposer une plainte.

Il y a aussi quelques difficultés particulières. Par exemple, le projet de loi permet de recourir à certaines techniques pour enquêter sur les membres de la GRC. Soyons équitables envers tous les membres de la GRC. Le projet de loi permet toujours d'avoir recours aux télémandats. On peut obtenir par téléphone ou par courriel un mandat pour faire une enquête au domicile d'un membre de la GRC. Le projet de loi parle « d'un autre moyen de communication ». Si une telle mesure touchait l'un d'entre nous, nous considérerions cela comme une violation grossière et désespérée de nos droits. S'il faut enquêter sur les membres de la GRC, l'enquête devrait être équitable. Dans ce contexte, j'estime que les télémandats sont inacceptables.

Deuxièmement, on peut forcer un membre de la GRC à faire une déclaration pouvant l'incriminer lui-même. Aucune disposition du projet de loi ne permet à ce membre de prendre le temps de se préparer ou de demander l'assistance d'un avocat avant de faire sa déclaration. Il pourrait venir de vivre un incident particulièrement difficile au cours duquel il aurait par exemple tué quelqu'un. On peut l'obliger à parler immédiatement alors qu'il est sous le coup du stress et de l'émotion. C'est là une autre faiblesse du projet de loi.

Tous les rapports rédigés par des juges, notamment les juges O'Connor, David Brown et d'autres, recommandent la création d'une véritable commission publique et apolitique chargée de surveiller et d'encadrer la GRC, et expliquent en long et en large pourquoi une telle commission est nécessaire. La majorité, sinon la totalité des corps policiers des grandes villes du Canada sont assortis d'une telle commission. Le danger est que les gens pourraient penser que la nouvelle commission d'examen et de traitement des plaintes prévue dans le projet de loi sera une telle commission publique de surveillance et d'encadrement. Ce n'est pas le cas. La commission aura uniquement le pouvoir de faire enquête dans les dossiers qui lui seront soumis. Elle aura le pouvoir d'ouvrir une enquête relativement à certaines questions. Toutefois, même ces pouvoirs sont très limités.

Le commissaire peut rédiger une lettre disant : « Désolé, mais je ne veux pas que vous meniez cette enquête parce qu'elle fait concurrence à une enquête interne en cours. » Il peut aussi dire : « Désolé, mais je ne vais pas vous fournir l'information demandée, parce que celle-ci est trop sensible ou secrète. » Même s'il existe des processus qui permettent de contourner cet obstacle, ceux-ci sont très lourds.

Dans le cas de l'examen du SCRS par le CSARS, les membres ont une habilitation de sécurité très élevée. Ils peuvent obtenir l'information demandée.

Non seulement la commission ne correspond-elle pas à ce qu'on nous a dit à plusieurs reprises qu'il faudrait faire, c'est-à-dire se doter d'une véritable commission publique de surveillance et d'encadrement, mais même lorsqu'on pense qu'elle peut mener une enquête relativement indépendante, ses pouvoirs peuvent être limités, croyez-le ou non, par le commissaire, qui pourrait lui-même être visé par une enquête.

La commission de police d'Edmonton, qui est exclusivement composée de civils, est un exemple de commission publique de surveillance qui fonctionner efficacement. La commission est responsable de l'élaboration du budget annuel du corps policier, conjointement avec le chef. Elle élabore ce budget et le plan annuel de concert avec le chef, et elle assume cette responsabilité. Elle présente le budget et le plan au conseil municipal. La commission a aussi la responsabilité d'embaucher le chef de police.

Le conseil municipal peut renverser les décisions de la commission. Il semble que cela se soit produit une fois, mais c'est une décision très importante. Encore une fois, on voit la différence entre un organisme qui détient des pouvoirs de gestion et de supervision, qui joue un rôle pratiquement quotidien dans la gestion d'un corps policier, et la nouvelle commission, qui interviendra a posteriori, qui ne pourra qu'examiner les dossiers et qui n'aura certainement pas son mot à dire relativement aux questions budgétaires.

Le financement de cette commission est une autre contrainte. Qui contrôle son budget? C'est le gouvernement. Le financement de cette commission est assuré à même le budget de la GRC, ce qui limite ses pouvoirs.

(1510)

Je crois que notre examen approfondi de ce projet de loi et notre étude plus poussée sur le harcèlement en général au sein de la GRC ont réellement été limités par le fait que nous n'avons pas été en mesure de convoquer des témoins qui ont été lésés. Certains craignaient que cela tourne en chasse aux sorcières.

Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. J'ai parlé à ces gens, qui ont fait des exposés en public. Ils n'ont pas mentionné de noms. Ce sont des gens très avertis, qui ont été jugés assez compétents et intelligents pour être embauchés par la GRC. Ils font des exposés publics sur diverses questions, comme l'importation légale, ils font l'objet de poursuites en diffamation, entre autres, et j'oserais même dire qu'ils ont été traités de façon si injuste qu'ils ne veulent pas faire subir le même sort à d'autres.

Il ne fait nul doute que nous sommes davantage sensibilisés à cette situation en raison des exposés que nous avons entendus. Bon nombre d'entre eux ont été présentés publiquement et consignés. Nos deux tables rondes ont produit des résultats extrêmement positifs qui, à mon avis, fourniraient au comité sénatorial un excellent contexte et la motivation nécessaire pour s'attaquer à cette question, en saisir toute la portée et être mieux en mesure de formuler des recommandations pour y remédier.

Une fois de plus, je tiens à souligner que le cas de Roland Beaulieu prouve fort bien que nous souhaitions entendre un témoin, mais que celui-ci n'a pas été autorisé à s'adresser à nous. Peut-être que ce témoin disposait de renseignements qui auraient pu avoir une influence sur le projet de loi C-42 et nous être réellement utiles pour notre évaluation. Ces renseignements auraient pu avoir une incidence sur l'étude du harcèlement, à un point tel que la GRC se serait prétendument donné beaucoup de mal pour intimider ce témoin afin qu'il ne témoigne pas devant le comité. Dans ce contexte, comment pouvons-nous, en toute légitimité, appuyer ce projet de loi alors qu'on sait que certains sont intervenus pour que nous ne puissions pas entendre une personne qui aurait pu être un témoin très important?

Le projet de loi a une autre lacune : il passe aussi sous silence le problème entourant la crainte de dénoncer des agissements. Trop de personnes ne font pas confiance à la procédure actuelle de traitement des griefs. Nous avons entendu beaucoup de témoignages à cet effet. Elles ne peuvent pas lui faire confiance. Elles n'ont aucune assurance que cette procédure sert adéquatement et réellement leurs intérêts. Elles redoutent d'être ostracisées et de subir des traitements qui dépassent l'entendement une fois leur démarche connue. La procédure n'est assez objective pour leur inspirer un sentiment de sécurité et de confiance, comme elle le devrait.

Cette procédure, c'est celle des relations de travail. Il y a des représentants. Ils proviennent de la GRC. Ils font partie de la chaîne de commandement, et c'est la GRC qui établit le budget dont ils disposent. Par conséquent, eux aussi affirment qu'ils pourraient être vulnérables et subir des pressions de la part de la direction, des hauts gradés, contrairement, par exemple, à un représentant syndical ne faisant pas partie de la procédure.

Beaucoup de témoins ont mis en doute le caractère objectif et sûr du processus d'examen actuel, et rien ne garantit qu'une simple refonte de la procédure de traitement des griefs, qui serait confiée au commissaire, résoudrait le problème de quelque façon que ce soit. Ce qui soulève la question de savoir s'il devrait y avoir un syndicat. Je ne dis pas qu'il faut absolument syndiquer la GRC, sauf qu'actuellement, aucune disposition ne prévoit qu'on puisse ne serait-ce qu'analyser cette éventualité adéquatement et de façon structurée.

Presque tous les grands corps policiers au pays ont un syndicat, et il a été amplement prouvé que cela peut être bénéfique, car la négociation collective permet de définir des comportements, des sanctions et des procédures de manière à ce qu'un agent qui fait l'objet de mesures disciplinaires soit très bien appuyé et représenté adéquatement et objectivement.

Je mentionne ce point parce qu'il a été soulevé par des témoins, et certains modèles pourraient certainement faire l'objet d'une étude. À mon avis, il est évident qu'il faut étudier ces modèles si l'on veut régler le problème. À tout le moins, il faut — comme des témoins nous l'ont dit — mettre en place un processus d'appel indépendant et final qui serait un recours ultime. Une personne pourrait interjeter appel et la décision rendue, qui serait une forme d'arbitrage, serait définitive et ne pourrait pas être renversée par la commission.

C'est là une autre lacune de la nouvelle Commission civile d'examen et de traitement des plaintes, la CCETP. Le commissaire n'est pas tenu d'accepter les recommandations de la commission. Il peut tout simplement les rejeter. Certains corps policiers ont une commission d'appel indépendante dont les décisions sont définitives. Ainsi, une personne qui est en danger ou qui a le sentiment d'avoir été mal traitée sait qu'elle a au moins accès à un organisme objectif. Or, une telle structure n'est pas non plus prévue dans le projet de loi.

Le traitement du personnel civil de la GRC est une autre question qui a d'importantes répercussions sur les plans de l'équité et de la justice. Une disposition du projet de loi prévoit que, dorénavant, les membres civils de la GRC vont avoir le statut d'anciens fonctionnaires. Les préoccupations ici sont liées au fait que ces personnes assument des fonctions très spécialisées, notamment dans le domaine des enquêtes médico-légales. On a fait valoir que ces personnes ont et doivent conserver un statut distinct au sein de la GRC. Toutefois, même si l'on peut faire valoir que ces personnes devraient être transférées à la fonction publique avec leur statut actuel, rien n'a été précisé à cet égard. Cette situation peut avoir des répercussions énormes eu égard à la rémunération et aux avantages sociaux — en particulier la pension —, mais absolument rien de précis n'a été établi à cet égard. Pourquoi le gouvernement n'attendrait-il pas d'avoir réglé les détails liés à ce changement? Une fois ces détails réglés, il pourrait présenter une mesure législative pour effectuer le transfert en sachant qu'elle est juste, et non arbitraire, et qu'elle ne pénalisera pas les gens d'une manière injuste.

Voilà la série de faiblesses du projet de loi C-42 qui m'inquiètent profondément.

Je crois que le ministre veut vraiment régler ce problème. Quelqu'un, j'ignore qui, l'aura convaincu d'une façon ou d'une autre que le projet de loi C-42 va faire l'affaire. Or, le projet de loi C- 42 ne va pas régler le problème. Le problème est de nature culturelle et il faut s'y attaquer sur le plan de la culture. Il n'est pas possible de le faire au moyen d'une loi, et surtout pas d'un projet de loi qui, dans presque chacun de ses éléments, apporte des solutions après le fait. Il nous faut chez les dirigeants un engagement solide et profond à instaurer une culture qui empêchera ces problèmes d'exister, de se produire, bien avant qu'ils ne puissent surgir.

Il y a des solutions possibles. On pourrait par exemple faire une analyse très précise de ce qui s'est passé dans l'armée canadienne. Le sénateur Dallaire a joué un rôle indissociable du processus qui a permis de renouveler et de guérir la culture des militaires. Personne n'ira dire que c'est parfait, mais c'est beaucoup mieux. Ce ne peut être parfait, puisque le sénateur Dallaire a quitté l'armée. Cependant, il y a eu une amélioration importante, immense.

L'armée a suivi une démarche semblable à celle qu'on observe ici. Comme le sénateur Dallaire le dirait, les militaires savaient très bien comment faire dévier la rondelle, mais ils ne savaient pas du tout comment transformer le jeu. Voilà ce qu'il nous faut : quelqu'un qui va transformer le jeu. Je paraphrase le sénateur Dallaire. Je ne m'arroge pas le crédit de cette comparaison qui illustre fort bien ce qui se passe.

Le gouvernement présente le projet de loi C-42 en disant qu'il apporte des solutions qui vont régler le problème, mais il se contente de faire dévier la rondelle. Cela ne change rien au jeu. Il ne s'attaque pas à la cause profonde du problème.

Avec le temps, parce que la pression qui s'exerçait devenait intenable, et aussi à cause de l'affaire de la Somalie, les dirigeants ont pris conscience du fait qu'ils devaient vraiment faire quelque chose de fondamental. L'une des grandes mesures qu'ils ont prises, c'est de mettre sur pied une commission publique et civile de contrôle et de surveillance. Je crois qu'elle est restée en place pendant six ans. Elle dirigeait les militaires. Elle a retiré beaucoup de responsabilités aux militaires et les a dirigés. Six groupes consultatifs civils ont été créés pour surveiller différents éléments des problèmes liés à cette question de culture.

Ces groupes ont étudié à fond l'éducation des militaires. Ils ont restructuré le programme d'études des officiers au Collège militaire royal de Kingston. Ils ont créé un nouveau programme de maîtrise pour les officiers. Ils ont exigé non seulement une éducation technique, mais aussi une éducation libérale qui amène à réfléchir aux philosophies, aux idées et à l'éthique d'une manière différente. Aujourd'hui, 90 p. 100 des officiers d'état-major ont un diplôme d'études postsecondaires; 50 p. 100 ont des diplômes de niveau supérieur. Cela modifie profondément leur conception du monde, de la façon de diriger d'autres personnes.

(1520)

Par ailleurs, nous ne savons pas quel est le niveau d'instruction des officiers de la GRC. J'ai fait inscrire une question écrite à ce sujet au Feuilleton, mais je n'ai reçu aucune réponse. Voici un exemple qui révélera peut-être que l'on se soucie bien peu de l'éducation dans cette organisation.

Il existe deux programmes à l'intention des cadres supérieurs. L'un est intitulé Programme de perfectionnement des superviseurs et l'autre Programme de perfectionnement des gestionnaires. Ces cours portent entre autres sur la culture et le harcèlement. Selon les chiffres que j'ai vus, lesquels visent une période donnée, seulement un tiers des cadres avaient terminé la formation de perfectionnement des superviseurs et seulement un peu plus de 40 p. 100 d'entre eux avaient suivi la formation de perfectionnement des gestionnaires.

Ces cours sont présentés comme la solution au problème, du moins en partie, mais ils ne sont pas obligatoires. Lorsque j'en ai parlé au commissaire Paulson, il a dit qu'ils pourraient être une condition préalable à toute promotion, mais il n'a pas dit qu'ils étaient obligatoires. Il faut en faire une condition préalable à toute promotion. J'ai maintenant une question inscrite à mon nom au Feuilleton; j'y demande que l'on me communique les politiques écrites qui prévoient qu'il est obligatoire de suivre à tout le moins ces deux cours pour obtenir une promotion.

Je crois que nous pouvons en apprendre beaucoup de l'expérience des forces armées. C'est au sénateur Dallaire qu'on doit la refonte complète du programme de formation des officiers, lequel n'est plus seulement axé sur l'éducation.

La GRC devrait faire appel à des consultants externes, consultants qui lui indiqueront notamment comment modifier la culture de l'organisation. Je suis certain que le commissaire Paulson et ses cadres supérieurs sont d'excellents policiers, mais la GRC a un budget de 3 milliards de dollars et elle emploie 30 000 personnes qui exercent leurs activités dans 14 administrations. Il ne s'agit pas d'un petit corps de police. Il faut beaucoup d'expérience pour changer la culture d'une si vaste organisation, et je serais surpris que des gens qui ont passé toute leur carrière dans la GRC — sans vouloir dénigrer leurs réalisations — aient l'expérience et les qualifications nécessaires pour y parvenir efficacement. Rien ne donne à penser qu'ils ont demandé de l'aide à l'extérieur.

On nous a dit que certaines forces policières avaient été consultées. Le commissaire Paulson veut moderniser la force policière. Il a donc parlé à d'autres forces, mais toutes les grandes forces policières qu'il a pu consulter sont dotées d'une commission de police publique et d'un syndicat. Si on veut moderniser la force policière, il faut sûrement reconnaître au moins la nécessité de créer une commission de police publique.

Comme je l'ai dit, nous devons considérer la surveillance civile comme une solution. Nous devons envisager sérieusement la mise en place d'un syndicat. Je n'ai pas de préférence marquée pour l'une ou l'autre de ces solutions, mais il faut les étudier de façon constructive. Les modèles existants doivent être examinés et analysés. Nous devons tenir compte du niveau de formation et du programme d'études des officiers de la GRC. Il faut mettre en place un processus d'examen externe qui soit complètement indépendant et effectif, et qui offre un processus d'appel final pour les policiers qui éprouvent des difficultés. Il y a d'autres leçons que la GRC pourrait tirer ce qui a été fait au sein des forces armées.

C'est important, et le commissaire Paulson a raison : il faut moderniser la GRC. Nous ne connaissons pas l'ampleur du problème qui rend la modernisation nécessaire, car il n'a pas été étudié adéquatement, ce qu'il faudrait faire. J'ai demandé au représentant des relations fonctionnelles qui a comparu devant le comité si on avait fait une étude et une vérification de base. La réponse était non. J'ai dit que cela aurait été fait s'il y avait eu un syndicat.

La situation n'a pas été évaluée adéquatement. Un certain nombre d'indices laissent croire que la direction a de la difficulté à déterminer l'ampleur des mesures qui doivent être prises à cet égard. Malheureusement, le projet de loi comporte des lacunes qui m'inspirent de sérieux doutes à ce sujet.

Son Honneur le Président : Sénateur Mitchell, voulez-vous demander plus de temps pour répondre aux questions?

Le sénateur Mitchell : Je suis heureux de le faire. Merci.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Dans l'exposé très complet que le sénateur nous a présenté aujourd'hui, il a parlé du contexte des discussions portant sur le projet de loi C-42, des contraintes que nous avons connues lorsque nous avons essayé d'approfondir certains aspects et des réponses que nous avons reçues du ministre et du commissaire. Toutefois, il n'a jamais abordé la question de savoir pourquoi la GRC devrait garder son caractère d'entité paramilitaire. La GRC fait du travail policier aux niveaux provincial, municipal et national, mais c'est toujours du travail de police. Nous ne sommes plus au XIXe siècle, du temps de la Rébellion du Nord-Ouest, lorsque la GRC se composait d'anciens militaires placés sous les ordres d'un ancien colonel d'artillerie.

N'y avait-il personne qui souhaitait examiner cette dimension, qui pourrait bien constituer l'une des principales causes des problèmes qui existent, puisque la GRC n'est ni une entité militaire ni un service de police et qu'elle se situe quelque part entre les deux?

Le sénateur Mitchell : Je suis très heureux que le sénateur soulève cette question. Nous sommes tellement habitués à voir le monde tel qu'il est qu'il nous arrive souvent d'oublier de poser des questions sur une caractéristique particulière qui devrait susciter notre intérêt. Je ne crois pas que les témoins aient dit quelque chose d'explicite à ce sujet. Je sais que le sénateur a évoqué ce concept.

J'ai eu l'impression, en parlant à des membres de la GRC, qu'ils considèrent eux-mêmes que leur organisation a un caractère paramilitaire. On peut se demander pourquoi. La majorité des membres de la GRC travaillent aujourd'hui pour des services de police municipaux et ruraux. Dans cette période de modernisation des services de police, nous n'avons pas besoin d'une organisation paramilitaire dans le sens où l'entend le sénateur Dallaire. En fait, cela pourrait être contraire au concept moderne de la police qui s'est développé avec succès à Edmonton et à Calgary, qui possèdent non pas une force, mais un service de police.

Cette valeur est peut-être une relique du passé qu'il conviendrait d'examiner sérieusement et probablement d'écarter dans le contexte de la modernisation de la GRC.

Le sénateur Dallaire : Personne n'a envisagé le modèle d'une vraie gendarmerie? J'entends par là un service de police spécialement structuré, comme on en trouve dans certains pays, notamment de langue française. Personne n'a pensé à examiner comment ces services fonctionnent?

Près de 10 000 des membres de la GRC sont des civils. Le sénateur a dit que la GRC a décidé de régler son problème de ressources humaines attribuable au fait qu'il y a trois ou quatre catégories de civils en les transférant en bloc dans la fonction publique. La réponse que nous avons reçue à ce sujet du Conseil du Trésor était presque aussi claire que cela : on se débarrassera de ces gens en les envoyant chez nous, en nous laissant le soin d'imaginer comment les rémunérer, les structurer et les classifier.

Chez les militaires, les fonctionnaires font preuve d'une loyauté exceptionnelle. Ils sont souvent maintenus à des classifications inférieures à celles qu'ils auraient eues dans d'autres ministères. Leur engagement envers ceux qui servent en uniforme est inégalé. Je n'ai jamais connu de problème à cet égard.

(1530)

La GRC a intégré ces civils à ses activités. Ce sont des civils spéciaux, qui font partie de la GRC. Ils ont un sentiment de loyauté envers le personnel en uniforme et la GRC. Le sénateur croit-il que le changement proposé remet en cause la loyauté de la GRC envers les civils, parce que la simple modification administrative qu'elle souhaite apporter pourrait profondément changer la culture qui unit les civils à la GRC et ébranler leur loyauté?

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, je crois que les renseignements dont nous disposons ne sont vraiment pas suffisants et que les responsables n'ont pas suffisamment réfléchi aux détails de ce transfert, ce qui leur aurait permis, premièrement, de mener une évaluation adéquate afin de prouver la pertinence et la nécessité de ce transfert et, deuxièmement, d'être absolument sûrs que ces employés seront traités équitablement.

Même si le gouvernement actuel n'aime pas le gouvernement, il ne devrait pas se montrer indifférent au sort des employés qui travaillent pour lui. À titre d'employeur, il devrait voir à ce qu'ils soient traités équitablement, mais nous n'avons aucune indication à cet effet.

(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Budget des dépenses de 2013-2014

Adoption de la motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (A)

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement), conformément au préavis donné le 21 mai 2013, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2014.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Mitchell, appuyée par l'honorable sénatrice Dyck, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-279, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel (identité de genre).

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui à propos du projet de loi C-279, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel (identité de genre). D'entrée de jeu, j'aimerais souligner qu'il s'agit d'une question fort complexe et très délicate. Néanmoins, je ne peux passer sous silence les préoccupations légitimes dont m'ont fait part bon nombre de Canadiens.

Avant de commencer, je veux mentionner que le sénateur Grant Mitchell, qui parraine le projet de loi, est d'avis que le fait d'adopter ce projet de loi créerait une société plus égalitaire et plus tolérante, ce qui est un principe auquel nous souscrivons tous. Toutefois, je fais respectueusement valoir que, selon moi, le projet de loi n'atteindra pas cet objectif. J'espère que le sénateur Mitchell va lui aussi respecter mon opinion, alors que j'exprime de sérieuses réserves au sujet de cette mesure législative.

Depuis quelques années, le gouvernement fait de grands efforts pour combattre l'intimidation dans les écoles et la cyberintimidation. Ce problème, qui a atteint de nouveaux sommets, entraîne la dépression et mène parfois même au suicide. Je suis d'avis qu'il faut encourager et promouvoir une culture de tolérance et d'acceptation. En tant que société et législateurs, nous devons faire tous les efforts possibles en ce sens. Je suis d'ailleurs très fier des initiatives prises par le gouvernement sur les plans de l'éducation, de la sensibilisation, de la prévention et de l'exécution, dans la lutte contre l'intimidation et la cyberintimidation.

Nous entendons souvent dire que les transgenres sont plus susceptibles d'être victimes d'agressions, d'agressions sexuelles et de harcèlement que le reste de la population. Toutefois, comme les sénateurs le savent, ces actes sont déjà tous illégaux au Canada. Le projet de loi ne va pas et ne peut pas changer la fréquence des agressions et des cas de harcèlement dans notre pays pour quelque groupe que ce soit. Cela dit, nous pouvons prendre des mesures qui vont permettre de réduire la violence pour tous les Canadiens. En fait, le gouvernement a pris des initiatives afin de protéger les victimes de crimes violents, et les mesures législatives que nous avons prises pour lutter contre la criminalité ont pour résultat que le nombre de crimes violents diminue depuis 2006.

Le sénateur Mitchell a dit que les jeunes transgenres sont deux fois plus susceptibles d'envisager le suicide que les autres jeunes. C'est une statistique étonnante et très désolante. Le gouvernement a pris des mesures pour lutter contre le suicide. Il a d'ailleurs récemment adopté la Loi concernant l'établissement d'un cadre fédéral de prévention du suicide. Le gouvernement reconnaît que nous avons un rôle à jouer à titre de législateurs et que nous pouvons adopter des mesures pour réduire l'intimidation, le harcèlement, la discrimination et le suicide, tout en étant conscient qu'il n'est pas possible d'éliminer complètement ces problèmes.

Comme les sénateurs le savent, ce projet de loi a déjà contenu les expressions « identité sexuelle » et « expression sexuelle ». Le député Randall Garrison, qui a présenté ce projet de loi à l'autre endroit, a prétendu que la suppression d'« expression sexuelle » et l'ajout de la notion d'« identité de genre » assortie d'une définition de cette notion ajoutent clarté et précision au projet de loi.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire en lisant la définition proposée d'« identité de genre » :

[...] « identité de genre » désigne, pour une personne, l'expérience intime, personnelle et profondément vécue de son genre, que celui-ci corresponde ou non au sexe qui lui a été assigné à sa naissance.

Permettez-moi de répéter :

[...] « identité de genre » désigne, pour une personne, l'expérience intime, personnelle et profondément vécue de son genre, que celui-ci corresponde ou non au sexe qui lui a été assigné à sa naissance.

Honorables sénateurs, est-ce que cela ressemble à une mesure législative bien définie et objective? Cette disposition ajoutera à la Loi canadienne sur les droits de la personne et au Code criminel une notion totalement subjective et dépendante de définitions personnelles. Comment un tribunal pourra-t-il juger d'une affaire en toute équité en se fondant sur les sentiments personnels d'une personne et sur son expérience subjective?

Je sais que des députés de l'autre endroit ont fait l'objet de critiques pour avoir utilisé l'expression « projet de loi sur l'accès aux toilettes publiques ». Bien entendu, je n'utiliserai pas cette expression, car je ne crois pas que c'était l'intention derrière la présentation de ce projet de loi. Je crois toutefois qu'il pourrait s'agir d'une conséquence parfaitement plausible si ce projet de loi était adopté, et il faut en tenir compte.

S'il existe des salles de bain distinctes pour les hommes et les femmes, c'est pour une bonne raison. C'est parce que les hommes et les femmes sont différents du point de vue biologique, que cela nous plaise ou non. Beaucoup de Canadiens inquiets m'ont écrit pour me demander de défendre les droits des femmes et des filles. De nombreuses femmes ont indiqué qu'elles se sentiraient extrêmement mal à l'aise dans des toilettes ou des salles d'habillage en présence d'un mâle biologique, que celui-ci s'identifie ou non comme une femme.

Les expressions « transgenre » et « identité de genre » ont été utilisées de façon interchangeable dans les débats à l'autre endroit ainsi que dans le cadre de nos discussions préliminaires au Sénat, ce qui sous-entend que la définition n'inclurait que les personnes transgenre. Toutefois, la définition d'« identité de genre » va bien au-delà de cela.

(1540)

La commission australienne des droits de la personne a précisé les diverses formes d'identité sexuelle lorsque l'Australie a étudié une mesure législative semblable à celle-ci. La liste inclut, sans être exhaustive, les personnes transgenres, transsexuelles, intersexuées, androgynes, agenres, travesties, drag kings, drag queens, à genre fluide, allosexuelles, intergenres, neutres, pansexuelles, pangenres, de troisième genre et de troisième sexe. Oui, ce sont toutes des variantes d'identités sexuelles et non des expressions de genres. Aux fins de cette discussion, il n'est pas nécessaire de définir chaque type. Toutefois, je vais parler de certains qui me préoccupent dans le contexte de cette mesure législative.

Par exemple, une personne à genre fluide se décrit comme une personne qui se considère par moments de sexe masculin et par moments de sexe féminin. Si je me perçois comme à genre fluide, théoriquement, je pourrais aller au vestiaire des hommes un jour et au vestiaire des femmes le lendemain, sans recours. J'estime qu'il n'appartient ni à moi ni à qui que ce soit de dicter à une personne comment elle devrait se sentir. Ce sur quoi je ne suis pas d'accord, c'est sur l'idée que la société doive accepter tout ce qu'impliquent ces sentiments et en faire des motifs de distinction illicite.

Et que dire de ceux qui se disent pangenres? Ces personnes ont le sentiment qu'elles n'entrent pas exclusivement dans une catégorie. Elles s'identifient comme une combinaison de tous les genres. En revanche, celles qui se considèrent agenres se voient comme n'ayant pas de genre. Honorables sénateurs, qu'implique le fait de s'assurer qu'une personne ne fera pas l'objet de discrimination en raison de son identité de genre dans les cas où son identité se définit comme l'absence de genre?

Un citoyen canadien inquiet m'a envoyé un article traitant d'un cas dans un collège de Washington où un homme transgenre tournait autour d'un vestiaire pour filles et dans lequel un parent inquiet a dit :

Il entrait nu dans le sauna, où il s'exhibait devant des femmes et des filles pouvant avoir aussi peu que six ans. Le collège partageait un vestiaire avec un club local de natation et une école secondaire. Lorsqu'une entraîneuse sportive demanda à l'homme transgenre de quitter les lieux, il répondit qu'il n'avait pas à subir une telle discrimination. Il fit valoir qu'on n'était plus en 1959 en Alabama et qu'on ne pouvait plus appeler la police en voyant une personne boire à la mauvaise fontaine, une comparaison qui me semble inconcevable. L'entraîneuse a dû présenter ses excuses. Elle ne savait pas qu'il s'agissait d'une personne transgenre.

Le sénateur Mitchell nous a rappelé à plusieurs reprises, y compris aujourd'hui, le cas de l'agent de la GRC qui s'est exhibé devant une femme d'âge adulte et qui n'a pas bénéficié d'un recours suffisant à ce sujet. Or, en vertu de cette disposition, un homme pourrait se montrer nu dans un sauna devant une fillette de six ans, et il n'y aurait aucun recours pour l'en empêcher. La seule personne risquant d'être sanctionnée en vertu de cette loi serait celle qui demanderait à l'individu de quitter le vestiaire ou de se couvrir, parce qu'une telle demande serait de la discrimination fondée sur l'identité sexuelle.

Le collège accorde des droits spéciaux à une personne transgenre, au risque de traumatiser une fillette de six ans. Honorables sénateurs, c'est une erreur. Tant qu'à y être, nous devrions nous demander pourquoi nous donner la peine de séparer les hommes et les femmes dans des toilettes et des vestiaires différents. Le texte du projet de loi est tellement vague qu'il nous oblige à nous demander où nous devons fixer la limite.

Honorables sénateurs, une autre conséquence potentielle du projet de loi a été portée à mon attention. Elle a trait à la démarcation vague entre les équipes sportives masculines et féminines. Aux États-Unis, certains États se sont dotés d'une loi similaire permettant aux personnes qui sont biologiquement de sexe masculin de faire partie d'une équipe sportive féminine dans leur école secondaire, et vice versa. En plus d'accorder un avantage injuste, une telle pratique peut causer des problèmes en matière de sécurité. Il existe une raison tout à fait valable pour que les hommes et les femmes jouent dans des équipes sportives distinctes. Honorables sénateurs, pensons à ce qui arriverait si un homme de 220 livres et de six pieds et cinq pouces ayant l'identité d'une femme pouvait jouer dans une équipe féminine de rugby. En plus d'être dangereuse, une telle situation procurerait à une équipe un avantage totalement inéquitable, compte tenu des règles de la pratique sportive.

Le sénateur Mitchell a posé la question suivante :

Pourquoi ne mettons-nous pas maintenant un terme aux disputes et n'abattons- nous pas les barrières et les obstacles afin que l'on puisse éviter, du moins en partie, les souffrances et le chagrin qui guettent les transgenres si cette mesure n'est pas adoptée? Accordons reconnaissance et protection à ces Canadiens qui nous demandent notre aide.

Honorables sénateurs, je ne suis pas certain de vouloir me transporter dans un monde où la sécurité collective est mise en péril parce qu'on décide d'octroyer des droits à un petit groupe de personnes.

Le sénateur parle de l'évolution des droits des femmes et des Autochtones comme si la présente mesure constituait la prochaine étape logique vers une société progressiste. Or, ce n'est pas du tout le cas. Il ne s'agit pas ici de permettre aux transgenres de se marier ou de voter. Tout ce qu'on réussira à faire, c'est brouiller les limites actuelles, qui ont été définies parce que les hommes et les femmes sont différents d'un point de vue biologique. C'est pour cette raison qu'il existe des vestiaires, des toilettes et des équipes sportives pour les hommes et d'autres pour les femmes.

Nous avons entendu parler de plusieurs cas de personnes transsexuelles qui ont invoqué la discrimination liée au sexe devant le Tribunal canadien des droits de la personne et qui ont eu gain de cause. Ainsi, d'un point de vue juridique, cette nouvelle disposition n'est pas nécessaire pour protéger les gens contre la discrimination. Elle ne ferait qu'ouvrir la porte à des interprétations subjectives.

On dit souvent que le Sénat est la Chambre de second examen objectif. Je m'oppose farouchement à une mesure législative si vague qu'il est impossible de prévoir les effets qu'elle aura une fois adoptée. Notre mandat consiste à examiner les conséquences, à songer à toutes les parties intéressées, puis à prendre la meilleure décision possible à la lumière de l'information dont nous disposons.

Honorables sénateurs, je voudrais mettre en lumière certaines questions soulevées par des députés et des Canadiens intéressés. Qu'entend-on précisément quand on parle de préjugés fondés sur l'expérience intime, personnelle et profondément vécue d'une personne quant à son sexe? Quels genres de propos fondés sur le sentiment qu'a une personne d'être un homme ou une femme seraient considérés comme de la propagande haineuse? Qu'entend- on par des préjugés fondés sur le sentiment qu'a une personne d'être un homme ou une femme? Comment privilégie-t-on un sexe par rapport à l'autre?

Il est évidemment impossible de répondre à ces questions. La définition proposée d'« identité de genre » est vague, subjective et ouverte à de vastes interprétations. Comme je l'ai indiqué clairement, les conséquences possibles d'un texte législatif aussi vague sont nombreuses et dangereuses.

Honorables sénateurs, je crois à l'égalité des droits pour tous les Canadiens. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les personnes transgenres sont parfois victimes de harcèlement et de voies de fait. C'est un problème auquel nous, parlementaires, devons nous attaquer et que nous devons prévenir à tout prix. Lorsqu'un député, quel que soit son parti, présentera une mesure législative bien définie qui permettra d'éviter des souffrances indues à ces personnes sans compromettre la sécurité du reste de la société, je serai ravi de l'étudier.

M'accordez-vous une minute de plus?

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, accordons-nous...

Des voix : Oui, cinq minutes.

Le sénateur Plett : Si vous m'accordez cinq minutes supplémentaires, le sénateur Mitchell disposera de quatre minutes pour poser des questions.

Comme l'a dit le sénateur Mitchell, il fut un temps où les femmes ne pouvaient pas voter et où celles qui auraient osé porter un pantalon auraient fait scandale. Les femmes se battent encore pour faire progresser l'égalité des sexes et les droits des femmes. Nous avons la possibilité de protéger et de défendre des droits que les femmes ont obtenus à grand-peine.

Je demande instamment à tous les sénateurs de défendre les droits des femmes et des jeunes filles et d'examiner de près les conséquences qu'entraînera cette redéfinition du genre.

J'exhorte les honorables sénateurs à voter contre le projet de loi C-279.

(1550)

L'honorable Grant Mitchell : Je remercie le sénateur Plett d'avoir mûrement réfléchi à la question. Il a livré un discours bien raisonné. Bien sûr, je ne suis pas d'accord avec lui, mais il a le droit de faire valoir son point de vue et il l'a bien fait.

Je veux faire valoir un point et ensuite poser une question. Il se peut que nous connaissions, sans le savoir, des transgenres. Nous ne nous en rendons peut-être pas compte parce que cette identité leur colle à la peau. C'est tout simplement qui ils sont. Nous sommes entourés de transgenres. Or, s'ils sont « démasqués », ils risquent tout à coup d'être victimes de formes brutales de discrimination. Voilà un de mes points.

L'un des principaux points que le sénateur Plett a soulevés dans sa présentation, c'est que la définition de transgenre ou d'identité sexuelle est très subjective et vague, et que, par conséquent, elle est difficile à défendre. Je tiens à dire clairement que je vais faire une comparaison prudente, afin que, je l'espère, le sénateur Plett comprenne que je suis conscient que la circonspection est de mise : la religion est protégée, dans ces deux lois, et la religion est quelque chose de très personnel. On ne peut pas deviner la religion d'une personne en la regardant — je ne peux pas deviner la confession du sénateur en le regardant. J'ai ma petite idée à ce sujet, parce qu'il en a parlé, mais je ne peux pas deviner en le regardant. La religion repose sur une conviction très personnelle et pourtant les sénateurs sont protégés contre la discrimination fondée sur la religion.

En outre, les tribunaux sont presque toujours aux prises avec une dimension subjective quand vient le temps de déterminer si un incident a eu lieu par accident ou a été commis avec préméditation, et qu'il s'agit alors d'un crime. Les tribunaux s'appuient sur des critères subjectifs pour évaluer ce que les gens pensaient au moment où ils ont posé leurs gestes afin de découvrir quels étaient leurs motifs véritables. Les tribunaux ont depuis longtemps l'habitude de procéder ainsi, c'est une tradition bien établie, dont ils ont une longue expérience.

Si je puis me permettre, j'irais même plus loin. Le problème ne tient pas à la façon dont la personne transgenre se définit, mais aux croyances subjectives qui animent la personne ayant une attitude discriminatoire à l'égard des transgenres. Le problème, c'est sa perception subjective de cette personne. Tous les cas de discrimination en vertu de cette loi, de la Loi canadienne sur les droits de la personne et du Code criminel sont, par définition, subjectifs. La discrimination ne peut pas se fonder sur des faits concrets. Elle est, par définition, subjective. Les tribunaux évaluent constamment cet aspect, pas seulement en ce qui a trait à, comme je l'ai dit...

Son Honneur le Président : Sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Voici ma question : le sénateur Plett ne voit- il pas le lien entre la dimension subjective et l'évaluation des tribunaux dans tous les autres domaines, et ne pense-t-il pas que les tribunaux pourraient certainement s'accommoder de la dimension subjective dans ce cas-ci?

Le sénateur Plett : Si Son Honneur avait laissé le sénateur poursuivre pendant une autre minute, je n'aurais pas eu à répondre à cette question.

Tout d'abord, pour ce qui est de la religion, à l'évidence, je ne crois pas qu'on impose à quiconque, de quelque manière que ce soit, ma religion ou celle de toute autre personne. Comme l'a dit le sénateur, c'est une question fort personnelle. Mes croyances n'ont aucune incidence sur qui que ce soit, à moins que je n'accoste une personne, que je la retienne de force et que je commence à lui faire la morale et à lui dire qu'elle doit absolument écouter mes propos. Bien entendu, c'est illégal. Ce serait du harcèlement.

Revenons au cas des personnes qui ne sont pas reconnues pour ce qu'elles sont. C'est précisément une des questions qui me posent problème. La Commission des droits de la personne s'est très clairement prononcée sur le cas des transsexuels. La situation des transsexuels, je la comprends, mais les transgenres, eux, disent : « Ce matin, je me sens de telle façon, mais demain, il se peut que je me sente autrement », ce qui a une incidence sur d'innocentes victimes. Je céderai toujours devant les victimes innocentes, surtout si ce sont des enfants.

Le sénateur Mitchell : Qu'en est-il de la GRC?

L'honorable Pierre Claude Nolin : Ai-je le temps de poser une question? Je ne le crois pas. Je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

Régie interne, budgets et administration

Le vingt-cinquième rapport du comité—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice LeBreton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Carignan, tendant à l'adoption du vingt-cinquième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (Politiques et lignes directrices sur les déplacements des sénateurs), présenté au Sénat le 9 mai 2013.

L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, cet article a été ajourné au nom de la sénatrice Cools. J'ai parlé à la sénatrice, et elle a accepté que je prenne la parole même si la motion est inscrite à son nom.

Je demande que, après mon intervention, cet article reste inscrit au Feuilleton au nom de la sénatrice Cools.

Des voix : D'accord.

La sénatrice McCoy : Honorables sénateurs, je vais parler du Comité de la régie interne, qui a recommandé des modifications au Règlement administratif du Sénat.

Je vais d'abord revenir en arrière et rappeler comment tout cela a commencé. Presque toutes ces questions et tous ces problèmes — il y en a pas mal, et ils sont difficiles à démêler; j'y reviendrai plus tard cet après-midi — trouvent leur origine dans nos processus internes. Ils ont été mis en évidence grâce à une vérification interne administrée par notre personnel sous la responsabilité du greffier du Sénat.

Cette vérification interne a fait ressortir certaines questions qui ont été examinées par la suite. Il a alors été suggéré que de nouvelles règles soient mises en place concernant la déclaration de résidence, selon lesquelles il fallait produire une copie de notre permis de conduire, de notre carte d'assurance-maladie et de la première page de notre plus récente déclaration de revenu, où est indiquée notre province de résidence aux fins de la déclaration du revenu.

À ce stade de l'examen, il semble que, parmi les 105 sénateurs, 99 ont vu leur cas jugé acceptable — ce que la présidence du comité a déclaré un peu plus tôt, je crois. Parmi les six autres sénateurs, deux ont été interrogés et blanchis; les quatre autres ne l'ont pas été. Trois sénateurs parmi les quatre restants ont fait l'objet d'un rapport; le cas de la sénatrice Wallin n'est toujours pas réglé. Trois cas ont alors été soumis à un sous-comité spécial du Comité de la régie interne, présidé par la sénatrice Marshall.

Il n'est pas clair si les quatre cas ont été soumis au sous-comité — ce qui est possible — mais nous savons que trois l'ont été. Nous savons aussi avec certitude qu'à ce stade, après l'examen fait par les sénateurs Marshall, Comeau et Campbell, on a eu recours à des vérificateurs externes.

On me dit que le comité a examiné deux cas, ceux des sénateurs Harb et Brazeau.

On a alors demandé à des vérificateurs externes de tirer au clair, de vérifier et d'examiner plus en détail les demandes de remboursement de dépenses. Ces rapports ont probablement été remis au Comité de la régie interne ou au comité de direction.

C'est à ce moment-là, je crois, que les choses se sont mises à déraper, car c'est à ce stade que deux des quatre enquêtes ont été soumises à un sous-comité spécial, alors que les deux autres ont été soumises au comité de direction.

Ceci m'amène à mon premier point au sujet du rapport : il passe à côté de l'essentiel.

(1600)

Nous sommes empêtrés dans des règles alors que nous devrions assumer nos responsabilités de gouvernance et la responsabilité que nous avons les uns envers les autres — et aussi envers les Canadiens — de préserver la dignité et la réputation du Sénat, ainsi que la confiance du public à l'égard du Parlement.

À ma connaissance, nous sommes la seule institution publique ou privée de cette envergure qui n'a pas de comité de vérification indépendant. Je propose fermement que, avant de prendre toute autre mesure, nous ordonnions au Comité de la régie interne d'étudier la pertinence, la faisabilité et la façon de mettre sur pied un sous-comité permanent du Comité de la régie interne qui assumerait les fonctions de comité de vérification indépendant, puis de faire rapport au Sénat. Il existe un précédent. Il y a un tel comité à la Chambre des lords, en Angleterre. Ce comité est composé de cinq membres, dont trois sont des pairs du royaume, c'est-à-dire des lords qui siègent à la Chambre. Les deux autres membres sont de l'extérieur. Ils ne siègent pas à la Chambre des lords.

Je propose que nous nous inspirions de ce précédent et que nous fassions venir quelqu'un qui s'y connaît bien dans la haute gestion de grands organismes comme le Sénat, qui a de l'expérience en comptabilité et en vérification, qui a de l'expérience dans le domaine judiciaire et qui a l'habitude de rendre des décisions. Nous aurions ainsi un processus cohérent, des compétences solides et la chance de pouvoir obtenir des avis impartiaux à toutes les étapes. C'est une structure en laquelle les Canadiens et, j'en suis convaincue, tous les sénateurs, pourraient avoir confiance.

Honorables sénateurs, je vais mentionner un autre point. Tous les ministères du gouvernement du Canada ont maintenant des comités de vérification indépendants qui comptent des membres externes. Si cette structure est bonne pour la fonction publique, pourquoi ne le serait-elle pas pour nous?

Selon moi, c'est la première chose que nous devrions faire.

La deuxième chose que nous devrions faire, c'est d'examiner notre mode de fonctionnement. Je crois que nous ne donnons pas à nos employés les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail correctement. Lorsqu'on nous dit, à tort ou à raison, qu'une erreur administrative a été commise dans le bureau d'un sénateur, quelles mesures avons-nous prises pour éviter que cela se produise? Quand avons-nous dispensé une formation pour la dernière fois, ou exigé qu'au moins un membre de notre personnel soit parfaitement au courant des règles et capable d'indiquer la bonne marche à suivre au sénateur dont il relève? Quand avons-nous donné à nos employés la possibilité d'obtenir des avis solides sur la façon de faire ces choses?

Je veux mentionner un précédent en Alberta, au sein de la Law Society of Alberta. Nous avons des conseillers en pratique. Ce sont des personnes qu'un avocat pratiquant peut consulter en privé et à qui il peut dire : « Je ne connais pas les règles. Je ne suis pas sûr des règles. Pourriez-vous me conseiller? » Il n'y a ni nom ni blâme. C'est un endroit sûr où obtenir des conseils sur la marche à suivre.

Avons-nous songé à créer une telle structure pour nos employés, afin que la procédure normale puisse être respectée?

Je veux aussi mentionner que le CN a une politique similaire en matière de sécurité. Le bilan de cette société en matière de sécurité est remarquable. C'est l'un des meilleurs de l'industrie ferroviaire, parce que le CN s'est doté de cette structure, d'un conseiller en pratique, d'un processus sans nom et sans blâme, qui permet aux gens d'avoir un endroit sûr où s'assurer que les règles sont suivies comme il se doit.

En terminant, j'aimerais parler de nos procédures opérationnelles, dont on n'a pas parlé, à ma connaissance. Je félicite le greffier du Sénat et ses employés de leur excellent travail. Je sais que cela fait deux ou trois ans qu'ils mettent notre Règlement à jour et proposent de nouvelles procédures. Plusieurs des recommandations n'ont pas encore été acceptées. Ils font de l'excellent travail, mais je ne suis pas sûre qu'on leur ait donné tous les outils dont ils ont besoin.

Honorables sénateurs, j'aimerais apporter une autre précision quant au vingt-cinquième rapport. La toute première recommandation du rapport porte sur la suppression du paragraphe 4 du chapitre 1:02 du Règlement administratif du Sénat. Le chapitre 1:02 du Règlement administratif du Sénat, que j'ai devant les yeux, énonce le principe selon lequel les règles administratives sont interprétées et appliquées.

Le paragraphe 4 dit ce qui suit :

Les actes du sénateur engagent son honneur personnel et celui- ci est réputé avoir agi honorablement dans l'exercice de ses fonctions administratives tant que le Sénat ou le Comité de la régie interne n'en décide pas autrement.

J'ai été personnellement offusquée d'apprendre que l'on proposait la suppression de ce paragraphe, car sans lui, j'estime qu'on pourrait s'attribuer le droit de me considérer coupable jusqu'à ce que je prouve mon innocence. Puisque le principe de la présomption d'innocence s'applique à tous les citoyens canadiens, j'estime qu'il devrait également s'appliquer à tout honorable sénateur et employé de notre institution, ou de toute autre institution, entreprise ou organisation. C'est pourquoi j'ai exprimé ma vive opposition à cette proposition. On m'a appris, depuis, que cela n'a rien à voir avec les circonstances de l'affaire actuelle.

J'affirme, aux fins du compte rendu, que je m'oppose toujours à la suppression de cette disposition, mais la proposition découle d'une affaire datant de plusieurs années mettant en cause un sénateur dont le comportement était considéré inapproprié et qui a, depuis, quitté le Sénat. Certains sénateurs estimaient que cette disposition les obligeait à accepter toutes les affirmations du sénateur en question, peu importe leur véracité. C'est à mon avis une interprétation plutôt étrange de cet énoncé de principe, mais, si c'est le cas, et si la recommandation de la supprimer vise à éviter un tel écueil à l'avenir, je peux en comprendre le bien-fondé. J'estime, cependant, qu'il faut avant tout former les sénateurs et bien leur faire comprendre les règles régissant leur comportement et leurs responsabilités à cet égard, chose que nous ne faisons pas régulièrement depuis six ou sept ans.

À mon avis, il est fort malheureux qu'on ne cesse de répéter que nous ne nous fonctionnons maintenant plus selon le système fondé sur l'honneur. Ce faisant, nous induisons les Canadiens en erreur. Nous n'avons jamais appliqué un système fondé sur l'honneur. Nous avons toujours été tenus d'étayer nos dépenses en présentant des reçus et en expliquant les raisons pour lesquelles nous avons engagé ces dépenses, parfois par écrit, parfois en témoignant au Comité de la régie interne. Je vois que tous les sénateurs acquiescent. Jamais on ne nous a remboursé nos dépenses sans justification. Le Comité de la régie interne et le personnel des finances du Sénat ont toujours tenu les dossiers des demandes de remboursement de chaque sénateur avec beaucoup de diligence — et parfois même un peu trop, à notre avis.

Il est tout à fait inexact de dire que nous fonctionnions auparavant selon un système fondé sur l'honneur et que ce n'est plus le cas à l'heure actuelle. Je tiens à ce que les Canadiens en soient informés. Je demanderais à tous les sénateurs de ne plus induire les Canadiens en erreur à ce sujet. Ce n'est pas en affirmant de telles choses que nous allons contribuer à donner un sentiment de dignité au Sénat et à rehausser sa réputation. En outre, de tels propos sont loin de renforcer la confiance du public à l'égard du Parlement, alors que c'est l'objectif que nous devrions tous viser.

Le rapport aborde également un deuxième sujet, en l'occurrence les définitions des termes « résidence dans la capitale nationale » et « résidence provinciale ». Cette question est abordée de façon plutôt détaillée. Je ne vois pas en quoi cela est nécessaire. Je ne suis pas entièrement convaincue du bien-fondé de cette démarche, mais je n'ai pas entendu toutes les raisons.

Par ailleurs, je tiens à souligner que cela nous amène à une autre question, une évidence dont personne ne veut parler dans cette enceinte.

(1610)

Il faudra s'occuper tôt ou tard d'une question toujours en suspens. Elle touche l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui dit ceci :

S'il s'élève quelque question au sujet des qualifications d'un sénateur ou d'une vacance dans le Sénat, cette question sera entendue et décidée par le Sénat.

Selon moi, il s'est certainement posé une question au sujet du lieu de résidence et, par le fait même, des qualifications d'un sénateur ou de plusieurs sénateurs. Il nous incombe, tôt ou tard...

Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président : D'accord?

Des voix : D'accord.

La sénatrice McCoy : Il nous incombe, conformément à la Loi constitutionnelle, de régler cette question. Je crois que nous devrions le faire en temps opportun et à la vue du public. Je crois aussi que nous devrions renvoyer cette question au comité plénier, faire venir des conseillers juridiques qui pourront nous fournir des conseils pertinents, avoir recours à des experts en matière constitutionnelle, inviter autant de témoins que nous le désirons et tenir des débats approfondis et vigoureux. Je crois que nous devons poser ce geste important afin de préserver la confiance des Canadiens envers le Sénat et le Parlement du Canada.

L'honorable Hugh Segal : S'il reste un peu de temps à la sénatrice McCoy, accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice McCoy : Oui.

Le sénateur Segal : Sénatrice McCoy, selon votre expérience ici au Sénat et à titre de ministre principale en Alberta, comment un comité de vérification indépendant pourrait-il procéder dans un contexte comme celui-ci? Je ne vois aucun mal à ce qu'un comité de vérification indépendant comprenant des gens de l'extérieur qui nous fourniraient une expertise ainsi que des cadres fiduciaires et analytiques appropriés. Ce serait un pas dans la bonne direction, selon moi. Ce qui m'inquiète, par contre, c'est l'idée de demander à certains d'entre nous, en toute bonne foi, alors que nous pourrions tous être appelés à siéger au Comité de la régie interne un jour ou l'autre, de prendre la responsabilité d'effectuer une vérification rétroactive des dépenses de l'un d'entre nous. Cette situation me semble avoir un côté plutôt pervers, voire incestueux. Je crois qu'il est problématique que nous soyons évalués par des gens que nous avons nous-mêmes élus membres d'un comité.

La sénatrice a mentionné que certains ministères ont un comité de vérification indépendant. De plus, c'est le vérificateur général qui voit au cycle régulier des vérifications et des rapports sur tous les aspects financiers de ces ministères. Le vérificateur général n'est pas influencé par les querelles internes qui peuvent opposer deux sénateurs à propos de divers sujets. Il accomplit simplement son travail, conformément à la Loi sur la vérification des comptes publics. Comme la sénatrice jouit d'une vaste expérience, je me demande si elle pourrait nous donner son avis à ce sujet.

La sénatrice McCoy : Je ne vois aucune raison pour que nous nous dérobions à nos responsabilités. Pourquoi faire? On dit souvent du Parlement qu'il est le plus haut tribunal du pays, alors pourquoi n'assumerions-nous pas nos responsabilités? Nous agirions en fonction des preuves. De par leur nature même, les vérifications sont, évidemment, rétroactives. On ne peut pas vérifier un chiffre fictif. On ne peut pas vérifier ce qui ne s'est pas encore produit. On vérifie toujours ce qui a déjà été fait. Cela dit, on accumule les preuves avant de prendre les mesures qui s'imposent. Sianous ne sommes pas prêts à assumer ainsi nos responsabilités, peut-être que nous ne devrions pas assumer celle de demander aux autres d'être jugés adéquatement, comme ce fut le cas au cours du débat de cet après-midi sur la commission indépendante d'examen de la GRC. Vous avez écouté et approuvé beaucoup de commentaires allant dans ce sens. Pourquoi pas nous?

Honorables sénateurs, nous savons que cela relève de la nature humaine. Nous savons que la pression sociale est l'un des trois moyens qui influent le plus efficacement sur un comportement. Si je disais au sénateur Segal, ou si lui me disait : « Je veux vous voir adopter un comportement strictement et parfaitement honorable », je pense que cela aurait plus de poids que si c'était quelqu'un de l'extérieur qui l'exigeait.

Le sénateur Segal : Puis-je poser une autre question complémentaire?

Lorsque les vérificateurs indépendants entament un mandat dans le secteur privé — mais je pense que c'est aussi vrai dans les ministères —, l'une des questions d'un long questionnaire auxquelles ils doivent répondre concerne d'éventuels conflits d'intérêts. Ont-ils quelque chose à voir, de près ou de loin, avec une personne susceptible de faire l'objet d'une vérification, ce qui les empêcherait d'être tout à fait impartiaux et professionnels? Ils doivent répondre à cette question avec une franchise absolue. La sénatrice pense-t-elle que, si nous allions dans le sens de ce qu'elle propose de manière aussi constructive cet après-midi, les membres du comité de vérification, y compris ceux qui sont sénateurs, devraient remplir une déclaration de ce genre afin que nous ayons l'assurance de leur impartialité?

La sénatrice McCoy : Bien sûr. Pourquoi pas?

(Sur la motion de la sénatrice Cools, le débat est ajourné.)

Le vingt-quatrième rapport du comité—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Stewart Olsen, appuyée par l'honorable sénateur Ogilvie, tendant à l'adoption du vingt-quatrième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (Examen du statut des résidences principale et secondaire du sénateur Harb), présenté au Sénat le 9 mai 2013.

L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, de nouveau, cet article a été inscrit au Feuilleton au nom de la sénatrice Cools. Celle-ci a accepté que je prenne la parole à sa place. À la suite de mon intervention, je demanderais que l'article reste au Feuilleton au nom la sénatrice Cools.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Motion d'amendement

L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, d'entrée de jeu, j'aimerais proposer un amendement. Il est appuyé par la sénatrice Cools. Par conséquent, je propose :

Que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit renvoyé au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration pour étude approfondie et rapport.

Son Honneur le Président : L'honorable sénatrice McCoy, avec l'appui de l'honorable sénatrice Cools, propose que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit renvoyé au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration pour étude approfondie et rapport.

Débat.

La sénatrice McCoy : De nouveau, je pense que nous devons être bien conscients que bien des questions demeurent en suspens. Je ne vais pas parler de chacune d'entre elles. Comme nous l'avons mentionné plus tôt, certaines ont été renvoyées au Comité sur les conflits d'intérêts, d'autres à la conseillère sénatoriale en éthique, et ainsi de suite. Nous devons établir une distinction claire entre trois questions ayant trait au vingt-quatrième rapport du Comité de la régie interne, qui porte sur le sénateur Harb. Voici ces questions : la procédure établie a-t-elle été respectée? Les règles ont-elles été enfreintes? Le cas échéant, quelles devraient être les conséquences?

Je parlerai d'abord de la procédure établie. Je crois vraiment que nous devrions prendre le temps de mettre en place un comité de vérification indépendant afin de pouvoir faire ce qui suit : répondre aux graves questions qui ont été soulevées dans le cas des sénateurs Harb et Duffy et qui le seront bientôt dans celui de la sénatrice Wallin; nous assurer que nous maîtrisons parfaitement le processus; faire preuve de cohérence; et veiller à ce que le processus soit indépendant et accessible au public.

J'ai été quelque peu décontenancée aujourd'hui quand, à la période des questions, la sénatrice a affirmé qu'il n'y avait même pas de transcription du processus que nous avons suivi jusqu'à présent. C'est vraiment consternant. Les sénateurs qui connaissent l'histoire d'Angleterre savent que la Chambre étoilée était tristement célèbre parce qu'elle était composée de pairs du royaume — nos homologues — qui se rencontraient dans des salles secrètes. Je crois qu'il y avait des étoiles sur le plancher ou sur le plafond. C'est de là que vient le nom « Chambre étoilée ». Elle est devenue synonyme d'abus de procédure. Certes, rien de ce qui s'y passait n'était consigné; or, il est impératif d'avoir un compte rendu lorsque nous sommes aux prises avec ce genre de situation quasi judiciaire. Nous le devons à nous-mêmes, au public et, surtout, à la personne qui fait l'objet de l'enquête. C'est la règle de la justice naturelle.

(1620)

Honorables sénateurs, en ce qui a trait au processus, il a été porté à notre attention que le sénateur Harb estime ne pas avoir eu l'occasion d'être entendu, de se défendre, de réagir aux accusations portées contre lui. À mon avis, que ce soit entièrement ou partiellement vrai ou tout à fait faux est sans importance.

Nous sommes juges de tant d'autres, nous adoptons tant de lois établissant des procédures justes et équitables pour les sociétés d'État, les ministères et les Canadiens, et nous traitons du Code criminel pratiquement chaque jour sous le gouvernement actuel, du moins, c'est mon impression. Nous ne pouvons pas nous permettre d'être perçus comme injustes. Si quelqu'un estime avoir été traité injustement, nous avons le devoir d'y remédier.

Il est vrai que le sénateur Harb peut présenter sa défense dans cette enceinte, mais personne n'a proposé que nous nous formions en comité plénier de sorte que nous puissions échanger avec lui. Il faut lui donner l'occasion d'être entendu et de faire connaître son point de vue, de participer à ce processus quasi judiciaire. Je ne crois pas que le comité ait entièrement satisfait à la nécessité d'une procédure juste et équitable. À mon avis, il faut faire appel à un comité de vérification indépendant. Cette possibilité devrait être accordée et le tout devrait être public

J'aimerais parler de la deuxième question concernant une éventuelle violation des règles. Je ne crois pas que l'application d'un pourcentage est appropriée. Ce serait facile; je pourrais réduire toutes mes décisions éthiques et morales à une question de pourcentage. Si je ne mange pas de bonbons 2 p. 100 du temps, peut-être que je ne prendrai pas de poids. Quelle est cette expression latine?

Son Honneur le Président : Reductio ad absurdum.

La sénatrice McCoy : Son Honneur s'y connaît en latin.

Le sénateur Harb a indiqué, à juste titre, que c'est un terme qui donne matière à interprétation, comme c'est souvent le cas. Il faut aborder ces questions de manière judicieuse. Que se passerait-il si le président d'un comité était responsable d'un énorme rapport, comme celui qui portait sur la santé mentale, et si, pendant presque un an, il devait, presque 100 p. 100 du temps, travailler avec son personnel à Ottawa afin de présenter ce rapport dans un délai raisonnable? On peut alors facilement comprendre que, pendant cette année, cette personne passe 100 p. 100 de son temps à Ottawa, même si sa résidence principale se trouve toujours au Nouveau- Brunswick.

Honorables sénateurs, vous savez où se trouve votre résidence principale, parce que c'est là que se trouvent le chien de la famille, les photographies qui relatent l'histoire de votre famille et les photos de vos grands-parents. Vous savez où se trouve votre résidence principale. Ce n'est pas difficile à comprendre. Il n'y a pas de raison de dire soudainement que ce n'est pas fondé sur le pourcentage de temps passé à Ottawa. On peut être atteint d'une maladie. On peut souffrir d'arthrite et ne pas pouvoir retourner chez soi aussi souvent qu'avant. Il se peut qu'on ne rentre chez soi qu'une ou deux fois. Il se peut qu'on communique toujours par courriel. Quelqu'un qui vient de l'Île-du-Prince-Édouard peut se contenter de téléphoner aux habitants de la province parce qu'il connaît 99 000 personnes sur les 100 000 qui y habitent; quel que soit le nombre exact — sénatrice Callbeck, loin de moi l'idée de vouloir vous offusquer. Ce que je veux dire, c'est qu'il n'est pas nécessaire d'être sur place pour être en contact tout le temps.

Il faut pouvoir faire preuve de souplesse et trouver des solutions judicieuses dans de tels cas. Nous ne sommes pas des enfants. Si nous essayons de justifier des décisions sur la base d'un simple calcul arithmétique, nous abdiquons nos responsabilités, d'autant plus que le vérificateur s'est fondé sur le temps passé aux différents endroits. Je m'élève contre cette règle, et je pense qu'un examen plus précis et éclairé s'impose quant à savoir si des règles ont été violées dans le cas qui nous intéresse. On en viendra peut-être à la même conclusion, mais je veux que le raisonnement qui a mené à cette conclusion soit plus rigoureux.

Le troisième point concerne les sanctions. J'estime que la discussion n'a pas été assez approfondie. Je ne sais pas si on en a discuté au comité, parce qu'il n'y a pas de transcription. Cependant, je ne crois pas que les sénateurs en ont même parlé entre eux, que ce soit dans les corridors ou en caucus — et je ne fais partie d'aucun caucus.

La sénatrice Cools : Moi non plus.

La sénatrice McCoy : On n'a aucunement discuté de l'éventail des sanctions qui pourraient être imposées. Il y a toujours des règles, des sanctions et d'éventuelles circonstances atténuantes. Aucune discussion à ce sujet n'a été tenue.

Voici quelques sanctions qui pourraient être imposées. On pourrait placer la gestion financière du bureau d'un sénateur sous tutelle si l'on constate des irrégularités répétées. C'est ce qu'on fait parfois aux Premières Nations. Il s'agirait d'une conséquence des plus sévères.

Pourquoi ne pas imposer, pendant une certaine période de temps, les services d'un employé qui serait épaulé par la Direction des finances du Sénat afin que les employés reçoivent la formation nécessaire et que les pratiques en vigueur soient suivies?

Et qu'en est-il des cas où on plaide ne pas avoir été mis au courant d'une décision de la présidence qui a entraîné une modification des règles et où on soutient avoir continué à suivre l'ancienne règle? S'agit-il d'une circonstance atténuante?

J'ai eu la chance de parler à deux personnes. J'ai rencontré l'une dans le cadre des déplacements d'un comité, et l'autre au cours d'un vol qui me ramenait chez moi. L'une est ingénieur principal d'une importante société énergétique transnationale, et l'autre travaille pour un syndicat transnational. Je leur ai demandé quelles étaient leur règles concernant la mauvaise allocation des fonds de l'organisation. Ils m'ont tous deux répondu que c'était tolérance zéro. Quiconque serait congédié si une telle chose se produisait.

Par contre, le représentant de la société énergétique m'a dit : « Vous savez, ça m'est déjà arrivé. Une de mes employées, une jeune femme, utilisait une carte de crédit de l'entreprise pour acheter de la nourriture parce qu'elle devait nourrir ses enfants. Elle était confrontée à des circonstances totalement imprévues qu'elle ne savait pas comment gérer, et elle devait nourrir sa famille. » Ils se sont occupés de son cas. Ils ont fait en sorte qu'il lui soit impossible de recommencer, mais elle n'a pas été congédiée. J'oserais dire que ses chances d'obtenir une promotion ont été sérieusement réduites, mais il y avait des circonstances atténuantes et son cas a été traité adéquatement.

Dans l'autre cas, les circonstances atténuantes ont également permis de traiter un problème de façon appropriée. Un employé, réalisant qu'il avait fait une erreur, s'est précipité dans le bureau de son supérieur avec un chèque en disant : « Je suis vraiment désolé. Je n'avais pas remarqué cet élément. Je n'aurais pas dû l'inclure dans ma demande de remboursement de dépenses. C'est de nature personnelle. » Son supérieur lui a alors répondu : « Si tu n'avais pas porté cela à mon attention et qu'on avait découvert le problème, tu aurais été congédié. » Il y avait cependant là des circonstances atténuantes.

C'est également ici que la notion d'« endroit sûr » est mise en lumière. Dans le dernier cas, l'employé était bien formé et connaissait ses responsabilités. Si lui ou un de ses subalternes avait été dans le doute — s'il existait un bureau où l'on peut obtenir des renseignements sans nom ni blâme, ou encore un conseiller en pratique —, il aurait pu aller consulter cette personne et ensuite prendre les mesures pour corriger son erreur. En aucun cas une personne ayant commis une erreur en toute bonne foi et ayant pris les mesures correctives nécessaires en toute bonne foi ne devrait avoir à être punie. Nous devons instaurer de tels outils pour nous, pour notre personnel et pour le personnel du greffier. Nous ne l'avons pas fait, et je crois que nous sommes en tort.

Pour toutes ces raisons, je crois que nous devrions renvoyer ce rapport au Comité de la régie interne pour un examen plus approfondi, mais c'est ce que je recommande fortement seulement après que nous ayons mis en place un processus et un mécanisme pour traiter les questions de cette nature.

(1630)

Son Honneur le Président : Je crois que nous nous sommes entendus pour que le débat sur cette affaire soit ajourné au nom de la sénatrice Cools.

Honorables sénateurs, il est vrai que nous sommes saisis d'une nouvelle motion, mais nous avons pour pratique de permettre aux sénateurs de s'exprimer au sujet de l'amendement ou de la motion principale. Puis-je prendre le temps de vous donner des explications?

Lorsqu'un amendement à une motion est proposé, nous avons l'habitude de permettre aux sénateurs de prendre la parole au sujet de la motion d'amendement, car c'est techniquement de celle-ci dont nous sommes saisis. Toutefois, les sénateurs sont aussi autorisés à parler du contenu de la motion principale, s'ils le souhaitent. Techniquement, nous sommes saisis d'un amendement, donc d'une nouvelle motion.

La sénatrice Cools propose l'ajournement du débat. Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

Consentement ayant été accordé de revenir à l'article no 1, sous la rubrique Autres affaires, Projets de loi d'intérêt public des Communes, Troisième lecture :

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Plett, appuyée par l'honorable sénateur Tannas, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-309, Loi modifiant le Code criminel (dissimulation d'identité).

L'honorable Serge Joyal : Je souhaitais honorer la promesse que j'avais faite au sénateur Plett de prendre la parole aujourd'hui. Malheureusement, vers 15 heures, j'ai dû sortir de la salle pour un moment, et l'article a été appelé pendant mon absence.

Si le sénateur y consent, je vais m'exprimer en français, car le port du masque et la dissimulation de l'identité constituent un sujet très brûlant dans ma province et en particulier dans la ville d'où je viens, Montréal. Je sollicite l'indulgence du sénateur, car je voudrais formuler mes observations en français. Je crois qu'il sera en mesure de suivre mon exposé.

[Français]

Honorables sénateurs, cette question est d'actualité, en particulier à Montréal, et j'oserais dire dans la Ville de Québec, puisque nous avons vécu, au cours de l'année dernière, plusieurs manifestations publiques qui ont amené des milliers de personne dans les rues et mené à plusieurs centaines d'arrestations. Malheureusement, dans certaines circonstances, on a commis du vandalisme et de la destruction de propriété. Certaines personnes ont également souffert des blessures physiques.

Cette question est extrêmement délicate. Lorsque le Parlement est appelé à légiférer dans des circonstances où la pression publique est énorme, on peut être amené, dans un geste de paix publique, de bon ordre et de bon gouvernement, à poser des gestes ou adopter des législations qui pourraient se retrouver, à très court terme, devant les tribunaux et être contestées par ceux qui sont directement visés ou dont les droits sont compromis par ces législations.

Dans le cas particulier du port du masque, il y a présentement devant la Cour supérieure du Québec une action en contestation de la constitutionnalité du règlement municipal P-6 à la Ville de Montréal. J'aimerais vous lire ce court règlement afin de vous exposer l'étendue du problème. L'article 3.2 se lit comme suit :

Il est interdit à quiconque participe ou est présent à une assemblée, un défilé ou un attroupement sur le domaine public d'avoir le visage couvert sans motif raisonnable, notamment par un foulard, une cagoule ou un masque.

Cela signifie que, dans toute manifestation, quelle qu'elle soit, vous ne pouvez porter un masque si vous n'avez pas de motif raisonnable. Le règlement ne précise toutefois pas quel est le motif raisonnable. C'est donc une prohibition complète et totale du port du masque.

Le port du masque, selon la jurisprudence canadienne, est associé à une forme de liberté d'expression, c'est-à-dire qu'une personne qui se promène ou participe à une manifestation avec un masque peut avoir d'excellentes raisons de le faire. Par exemple, des citoyens d'un pays gouverné par une dictature qui participent à une manifestation devant le consulat ou l'ambassade de ce pays et qui ne veulent pas être reconnus parce qu'ils ont des membres de leur famille qui se trouvent dans leur pays d'origine peuvent vouloir dissimuler leur figure pour éviter d'être reconnus.

Pensons également aux années 1970, alors que des minorités réclamaient la reconnaissance ou la protection de l'orientation sexuelle et ne pouvaient pas s'afficher ouvertement comme gays ou lesbiennes, craignant de perdre leur emploi dans l'armée canadienne, dans les services diplomatiques, ou encore de perdre leur poste d'enseignant ou d'être rejeté par leur famille — car, dans certains cas, cette question divisait l'opinion familiale. Par conséquent, si une telle personne voulait participer à une manifestation, dans les années 1970, où ces droits n'étaient pas reconnus, plusieurs manifestaient le visage couvert.

C'est donc, comme je le soulignais plus tôt par ces deux exemples, une façon de s'exprimer qui est protégée par l'article 2 de la Charte et que les tribunaux ont toujours reconnue d'une manière extrêmement rigoureuse.

Pour les assemblées législatives, qu'elles soient provinciales ou municipales, comme celle de Montréal actuellement, ou dans le cas du Code criminel, puisque nous en sommes saisis par le projet de loi C-309, lorsqu'une disposition d'un règlement, d'une loi provinciale ou du Code pénal veut limiter la liberté d'expression, il faut se poser la question à savoir comment la Cour suprême a, dans le passé, interprété ces limites. On peut ainsi déterminer si celles proposées au projet de loi C-309 — qui, soit dit en passant, est un projet de loi d'intérêt privé, selon ses parrains — passe le test de la constitutionnalité.

Honorables sénateurs, vous le savez, et je viens de le mentionner, il s'agit d'un projet de loi d'intérêt privé. Ce n'est donc pas un projet de loi pour lequel le ministre de la Justice, en vertu de l'article 4 de la Loi sur le ministère de la Justice, a confirmé sa constitutionnalité. Il s'agit d'un projet de loi d'intérêt privé. L'article 4 de la Loi sur le ministère de la Justice est très clair. L'obligation du ministre de la Justice se rapporte strictement aux projets de loi déposés par un ministre de la Couronne. Lorsqu'il s'agit d'un projet de loi présenté par un député ou un sénateur, comme il arrive fréquemment, ces projets de loi ne sont pas validés constitutionnellement par le ministère de la Justice eu égard à l'article 4. Nous avons donc une responsabilité additionnelle, lorsque nous examinons ces projets de loi, de nous poser la question du test de la constitutionnalité.

De plus, une cause est présentement devant la Cour fédérale et implique un avocat senior du ministère de la Justice, M. Edgar Schmidt, dont le titre, selon les informations publiées, est le suivant.

[Traduction]

Il est avocat général et conseiller spécial au sein de la Direction des services législatifs du ministère de la Justice.

[Français]

C'est donc un avocat senior de la division législative du ministère de la Justice qui conteste la façon dont le ministre de la Justice s'est acquitté de la responsabilité de l'article 4 depuis le début des années 1990.

(1640)

Sa cause a été présentée au début de janvier à la Cour fédérale. Le gouvernement a plaidé qu'il n'avait aucune cause d'action et malgré tout, le juge Noël, de la Cour fédérale, lui a donné raison et lui a accordé les frais pour pouvoir maintenir sa poursuite. C'est donc dire qu'un doute sérieux sera débattu devant les tribunaux sur la constitutionnalité ou la façon dont l'on applique le test de constitutionnalité des projets de loi. Le projet de loi dont nous sommes saisis laisse ouverte la question de sa constitutionnalité. Il n'y a pas de présomption que le ministère de la Justice l'a validé selon l'obligation statutaire du ministre.

Je le mentionne d'autant plus que la Ville de Québec avait un règlement qui prohibait le port du masque. Ce règlement de la Ville de Québec a été déclaré non constitutionnel par un jugement du juge Paulin Cloutier, le 29 mars 2004, jugement que je recommande aux honorables sénateurs qui sont intéressés par cette question de la limite à manifester masqué. Le jugement du juge Cloutier a déclaré le règlement de la Ville de Québec non valide, non constitutionnel.

Je vais lire le règlement de la Ville de Québec. Il est fort simple :

1. - Quiconque, de quelque manière que ce soit, troublera sans cause légitime, les paisibles habitants demeurant dans une rue; ou

5. - Sera masqué ou déguisé, de jour ou de nuit, dans une rue; ou

Il était interdit, dans la ville de Québec, de porter un masque dans la rue. Ce règlement a été déclaré non constitutionnel dans une révision qui a étudié l'ensemble de la jurisprudence et a démontré que cette interdiction était trop générale.

[Traduction]

Cette disposition était trop vague. Quiconque se trouvait dans la rue avec un masque était coupable d'une infraction.

[Français]

Dans le cas de la Ville de Montréal, elle répète le même règlement, la même prohibition. Je l'ai mentionné plus tôt, l'article 3.2. du règlement de la Ville de Montréal empêcherait toute personne de participer à un défilé ou une manifestation ou un attroupement dans la rue en portant un masque à moins d'avoir un motif raisonnable. Quel pourrait être un motif raisonnable?

On pourrait imaginer une personne qui aurait été blessée, qui aurait eu une chirurgie dans la figure et qui aurait le visage couvert par des pansements. On pourrait penser qu'il s'agit là d'un motif raisonnable. Toutefois, le règlement municipal ne précise pas ce qu'est un motif raisonnable. Il n'est pas défendu, comme vous le savez, de porter le niqab.

Le gouvernement ontarien a rendu une décision qui reconnaît que l'on peut témoigner masqué devant un tribunal, devant un juge. Le droit de porter un masque est reconnu même dans des situations extrêmement délicates, comme celle de la crédibilité d'un témoin devant un juge.

Or, le règlement de la Ville de Montréal, comme je l'ai dit, est contesté en Cour supérieure actuellement par Julien Villeneuve contre la Ville de Montréal. J'ai lu les procédures à cette étape-ci, et je n'ai pu que me faire la réflexion que le projet de loi C-309 pourrait soulever lui aussi des questions, je dirais même des doutes, sur sa constitutionnalité.

Il y a, à l'article 351 du Code criminel, une disposition qui prévoit, qui sanctionne le fait de porter un masque avec l'intention de commettre un crime. Je répète : le Code criminel sanctionne déjà, à l'article 351, le fait de porter un masque dans l'intention de commettre un crime.

Je lis l'article :

351. (2) Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, dans l'intention de commettre un acte criminel, a la figure couverte d'un masque ou enduite de couleur ou est autrement déguisé.

Donc, l'intention de commettre un acte criminel. En d'autres mots, pour ceux et celles qui connaissent le droit criminel, il y a le mens rea, une intention coupable. Dans le cas du règlement de la Ville de Montréal, il n'y a pas d'intention coupable. Le seul fait de porter un masque et d'être dans une manifestation vous rend automatiquement coupable. Le Code criminel, très clairement, a bien spécifié à l'article 351 que l'intention coupable est essentielle.

En d'autres mots, une personne qui se met une cagoule sur la tête pour aller dévaliser une banque, on comprend bien qu'il ne s'agit pas là de liberté d'expression. Ce n'est pas parce qu'il se déguise en père Noël qu'il ne commet pas un acte criminel. En fait, cela fait partie de la commission de l'acte criminel.

Que dit le projet de loi C-309? Il est très court. Il ne contient en pratique qu'un article, en fait deux articles parce qu'il amende deux autres dispositions du Code criminel. Il modifie l'article 63 du Code criminel sur l'attroupement illégal. Le Code criminel réprime un attroupement illégal. Qu'est-ce qu'un attroupement illégal? Un attroupement illégal, selon le code :

63. (1) Un attroupement illégal est la réunion de trois individus ou plus qui, dans l'intention d'atteindre un but commun, s'assemblent, ou une fois réunis se conduisent, de manière à faire craindre, pour des motifs raisonnables [...] à troubler tumultueusement la paix.

Que veut dire l'expression « tumultueusement »? J'ai regardé la jurisprudence. Évidemment, la définition du mot « tumultueux », selon les définitions courantes, signifie « un grand désordre bruyant ou encore une grande agitation désordonnée ».

On comprend tout de suite. Je crois que nous avons tous vu des assemblées tumultueuses, des gens qui se groupent et qui font beaucoup de bruit en criant des slogans ou encore en tapant sur des casseroles, comme on l'a vu à Montréal au printemps de l'année dernière, ou qui font un tapage ou un tintamarre tumultueux en troublant la paix publique parce que le bruit est trop fort. Cela ne menace pas la sécurité en soi des gens, c'est plutôt une sorte de nuisance. Comme on le voit, un attroupement tumultueux fait davantage référence à l'idée du bruit qu'à l'idée d'une menace à la sécurité de la personne.

Or, le projet de loi C-309 dit ceci :

3. (2) Quiconque commet l'infraction prévue au paragraphe (1) [...]

Donc, quiconque fait partie d'une assemblée tumultueuse, d'un attroupement vu comme illégal, parce que tumultueux.

[...] en portant un masque ou un autre déguisement dans le but de dissimuler son identité sans excuse légitime est coupable :

soit d'un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans;

C'est donc dire que, dorénavant, dès que vous serez dans une assemblée tumultueuse considérée comme un attroupement illégal, le fait que vous portiez un masque vous rend immédiatement coupable d'une infraction passible d'un maximum de cinq ans d'emprisonnement, à moins que vous ne puissiez donner une excuse légitime.

Voici ce qui pourrait se produire. Vous êtes dans un défilé...

Puis-je demander cinq minutes de plus aux honorables sénateurs pour compléter mon discours?

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour prolonger de cinq minutes le temps de parole du sénateur Joyal?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Joyal : Si vous êtes dans un défilé tout à fait légal et que ce défilé attire des passants, vous trouvez sympathisants et que le bruit devient fort, c'est un vacarme, c'est ennuyeux pour la « paix publique », si vous portez un masque, et si le défilé est devenu un attroupement illégal, une assemblée tumultueuse, vous êtes automatiquement coupable d'une infraction punissable jusqu'à cinq ans d'emprisonnement.

Cette infraction n'existait pas auparavant dans le code. Je l'ai souligné au sénateur Plett, parce que certains députés à l'autre endroit ont simplement dit ne pas avoir besoin de ces amendements, puisqu'il y a déjà l'article 351. Cependant, comme je le disais plus tôt, l'article 351 suppose l'idée de commettre un acte criminel en se déguisant, mais si vous faites partie d'un défilé qui devient un attroupement illégal parce qu'il est tumultueux et que vous portez un masque, alors vous passez immédiatement la frontière qui mène à un acte criminel à responsabilité stricte.

Qu'est-ce que cela veut dire? Le seul fait d'être là et de porter le masque vous rend automatiquement coupable, à moins que vous puissiez prouver que vous aviez une bonne raison de porter un masque.

Évidemment, la loi ne dit pas quelle est la bonne raison. On dit simplement sans « motif raisonnable ».

(1650)

Mettez-vous à la place d'un policier qui fait face à un attroupement illégal, à un vacarme de 1 000 personnes qui sont rassemblées dans un parc, qui crient et qui font du bruit. Le seul fait, pour ce policier, de se trouver face à ces 1 000 personnes qui porteraient toutes un masque les rend tous également coupables de l'acte reproché d'avoir porté un masque et de se trouver dans un attroupement illégal.

Or, honorables sénateurs, la Cour suprême, dans ses décisions antérieures, a été extrêmement claire. Lorsqu'on veut limiter la liberté d'expression, on ne peut pas limiter la liberté d'expression totalement sans essayer de préciser de façon claire le but qu'on veut atteindre par la limite que l'on impose.

[Traduction]

Autrement dit, quel est notre objectif? Si nous voulons seulement que personne ne porte un masque dans un attroupement illégal, pour reprendre l'expression employée dans le Code criminel, le projet de loi dépasse largement cet objectif, compte tenu des limites de la liberté d'expression définies par la Cour suprême dans une affaire où c'était vraiment l'enjeu, c'est-à-dire l'affaire Zundel. Je pense que beaucoup de sénateurs connaissent cette affaire. Je les renvoie aux pages 1774 et 762 de la décision.

[Français]

Je vais lire le principe que la cour a établi dans l'arrêt Zundel, à la page 774 :

Mais le préjudice doit être évident et urgent et le crime doit être suffisamment circonscrit de façon à ne pas interdire indûment l'expression d'idées qui n'exigent pas qu'on brandisse la sanction ultime du droit pénal.

[Traduction]

J'estime que ce projet de loi fera tôt ou tard l'objet d'une contestation judiciaire. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit. La question est trop controversée. Elle suscite trop d'intérêt parmi les Canadiens, en particulier en Colombie-Britannique. Nous avons entendu un témoin de l'émeute de Vancouver. Nous avons entendu des témoignages sur le sommet de Toronto et, bien entendu, sur les manifestations à Montréal également. Il ne fait aucun doute que c'est une question très délicate, et je pense que les juges s'efforceront de déterminer s'il n'y a pas une autre manière d'obtenir le même résultat.

Selon moi, il existe une autre manière d'obtenir le résultat ou d'atteindre l'objectif que vise le projet de loi, soit d'interdire le port d'un masque lors d'une émeute, d'un attroupement illégal ou de la perpétration d'un crime, par exemple lorsqu'un individu jette une pierre dans une vitrine ou à des policiers, c'est-à-dire lorsqu'il commet des voies de fait ou qu'il détruit des biens. C'est un objectif valable, mais il pourrait être atteint autrement.

[Français]

On aurait pu déterminer ce qu'on appelle des circonstances aggravantes. En d'autres mots, si on avait toujours conservé les articles 65 et 63, qui visaient à défendre les attroupements illégaux, à défendre les émeutes et à faire du port du masque en soi simplement une circonstance aggravante, à mon avis, on aurait assuré l'objectif visé, mais dans un contexte moins susceptible d'être révisé par les tribunaux et d'être possiblement limités par la Cour suprême, puisque tous ces règlements, tôt ou tard, finiront par se retrouver devant la Cour suprême.

Honorables sénateurs, je tenais à vous soumettre ces réflexions parce, comme je l'ai souligné, elles sont extrêmement importantes puisque nous avons devant nous un projet de loi qui limite fondamentalement la liberté d'expression.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Le quatrième rapport du comité—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, C.P. (Cobourg), appuyée par l'honorable sénateur Fraser, tendant à l'adoption du quatrième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (modifications au Règlement du Sénat), présenté au Sénat le 12 décembre 2012.

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, la sénatrice Cools m'a avisé qu'elle voulait compléter ses notes concernant ce rapport avant de prendre la parole à ce sujet. Je propose donc que le compte des jours soit repris à zéro.

(Sur la motion du sénateur Carignan, au nom de la sénatrice Cools, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L'étude sur les dispositions et l'application de la Loi modifiant le Code criminel (communication de dossiers dans les cas d'infraction d'ordre sexuel)

Le vingtième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du vingtième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, intitulé Examen législatif des dispositions et de l'application de la Loi modifiant le Code criminel (communication de dossiers dans les cas d'infraction d'ordre sexuel), déposé au Sénat le 13 décembre 2012.

(Sur la motion du sénateur Runciman, au nom de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

[Français]

Le bénévolat au Canada

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Mercer, attirant l'attention du Sénat sur le niveau actuel du bénévolat au Canada, son impact sur notre société et son avenir au Canada.

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, j'avais l'intention de prendre la parole aujourd'hui, mais, compte tenu de l'heure, je propose que la suite du débat soit reportée à la prochaine séance du Sénat pour le temps de parole qu'il me reste.

(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)

La diversité au Sénat

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Oliver, attirant l'attention du Sénat sur l'état de la diversité au sein du Sénat du Canada et de son administration et, en particulier, sur comment nous pouvons adresser les obstacles à l'avancement professionnel auxquels font face les minorités visibles du Sénat et accroître leur représentation en se concentrant sur leur embauche, rétention et promotion.

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je sais que le sénateur Meredith avait l'intention de prononcer un discours à ce sujet et je propose donc que la suite du débat soit reportée à la prochaine séance pour le reste de son temps de parole.

(Sur la motion du sénateur Carignan, au nom du sénateur Meredith, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Bob Runciman, conformément au préavis donné le 22 mai 2013, propose :

Que, pour les fins de son examen du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir de 15 heures à 17 heures le mardi 28 mai 2013 et de 15 heures à 18 h 30 le mercredi 29 mai 2013, même si le Sénat est en séance à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'étude sur la cyberintimidation

Autorisation au Comité des droits de la personne de reporter la date de publication des conclusions de son neuvième rapport

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément au préavis donné le 22 mai 2013, propose :

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le mercredi 30 novembre 2011, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne conserve tous les pouvoirs nécessaires jusqu'au 31 mars 2014 pour diffuser ses conclusions dans le rapport :La cyberintimidation, ça blesse! Respect des droits à l'ère numérique déposé au Sénat le 12 décembre 2012.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

L'ajournement

Adoption de la motion

Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motion du gouvernement :

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5g) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 28 mai 2013, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mardi 28 mai 2013, à 14 heures.)

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