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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 177

Le mercredi 19 juin 2013
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mercredi 19 juin 2013

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

La sanction royale

Avis

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 19 juin 2013

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable David Johnston, Gouverneur général du Canada, se rendra à la Chambre du Sénat, aujourd'hui, le 19 juin 2013 à 16 heures, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du Gouverneur général,
Stephen Wallace

L'honorable
        Président du Sénat
                Ottawa

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de poursuivre, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence, l'ambassadeur de la République de Corée, M. Cho Hee-yong, qui est accompagné de son épouse, Yang Lee.

Votre Excellence, au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommages

L'honorable Pierre De Bané, C.P.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, en vertu de l'article 4-3(1) du Règlement, le leader de l'opposition a demandé que la période des déclarations de sénateurs soit prolongée aujourd'hui afin de rendre hommage à l'honorable sénateur Pierre De Bané, C.P., qui prendra sa retraite le 2 août 2013.

Je rappelle aux sénateurs que, en vertu du Règlement, chaque intervention ne peut dépasser trois minutes et qu'aucun sénateur ne peut parler plus d'une fois.

Êtes-vous d'accord pour que l'on poursuive les hommages au sénateur De Bané, C.P., pendant les déclarations de sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Par conséquent, nous aurons le reste des 30 minutes pour les hommages, ce qui n'inclut pas toutefois le temps alloué pour la réponse du sénateur De Bané. Le temps qu'il restera après l'hommage pourra servir pour d'autres déclarations.

[Traduction]

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, alors que je m'apprête à parler du sénateur Pierre De Bané, je songe que ce qu'il importe de savoir à son sujet, ce n'est ni la longue liste de ses réalisations ni son statut en tant que membre du Conseil privé et conseiller de la Reine, mais plutôt le fait qu'enfant, il fut un réfugié. Il a fui la guerre qui faisait rage sur sa terre natale, dans une partie du monde qu'à l'époque on n'appelait pas un pays, mais plutôt une « entité géopolitique ».

Honorables sénateurs, j'ai déjà parlé de l'importance de nos racines, de l'empreinte que nous laissent nos origines. Dans le cas du sénateur De Bané, des débuts difficiles ont jeté les bases d'une vie vraiment remarquable.

La foi et la famille ont toujours joué un rôle central dans la vie du sénateur De Bané. Il a été élevé dans une famille où l'amour et la loyauté sont encore aujourd'hui source de réconfort, une famille animée par des valeurs fondées sur le respect de la dignité inhérente de chaque être humain. Sa famille a quitté des perspectives d'avenir limitées, des droits limités et des capacités gouvernementales limitées pour embrasser le potentiel illimité du Canada. La reconnaissance qu'il a éprouvée quant au changement de circonstances de sa famille ne l'a jamais abandonné.

À 24 ans, il enseignait à la faculté de droit de l'Université Laval. Sa réputation professionnelle a rapidement attiré l'attention d'un autre avocat francophone. Lorsque Pierre De Bané a rencontré Pierre Elliott Trudeau, les deux Pierre ont passé une longue nuit à échanger des idées sur ce qu'on pourrait accomplir à Ottawa et sur les moyens à prendre pour placer la diversité culturelle et intellectuelle à l'avant-plan de la politique au Canada.

À 29 ans, il est élu député de Matane. Il siège à l'autre endroit pendant 16 ans, occupant les fonctions de ministre des Pêches et des Océans, ministre des Relations extérieures, ministre de l'Expansion économique régionale, ministre des Approvisionnements et Services, et receveur général du Canada. Il sert également à titre de secrétaire parlementaire du ministre des Affaires urbaines, du ministre de la Consommation et des Corporations, et du secrétaire d'État aux Affaires étrangères. Ses réalisations professionnelles lui ont d'ailleurs valu un doctorat honoris causa en sciences.

Le sénateur De Bané a consacré sa vie à protéger les intérêts des Canadiens et ceux des personnes ailleurs dans le monde qui, à l'instar de sa famille, ont vécu des situations difficiles.

Il s'est toujours servi du Parlement comme d'une tribune pour amoindrir les différences et faire ressortir les points en commun, et c'est son empathie envers les autres qui lui a permis de forger des liens d'amitié avec plusieurs collègues de part et d'autre de la Chambre et du Sénat.

Son épouse accomplie, Elisabeth, est probablement la seule personne qu'il tienne en plus haute estime que M. Trudeau. Je crois qu'il dirait que son amour pour elle, pour son fils Jean-Manuel et pour ses cinq petits-enfants constitue son véritable héritage.

Pierre, je sais que je parle au nom de tous nos collègues ici présents en vous disant merci de vos nombreuses années de service aux Canadiens. Je vous souhaite, à vous et à Elisabeth, longue vie, bonheur et santé.

(1340)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour dire au revoir à notre collègue, le sénateur Pierre De Bané, qui a servi au Parlement du Canada pendant 45 ans, d'abord à la Chambre des communes, puis au Sénat.

Le sénateur De Bané quittera le Sénat au début d'août et je sais que tous les sénateurs veulent saluer son dévouement de toute une vie au service de la population. Comme l'a dit le sénateur Cowan, le sénateur De Bané est né à Haïfa et était enfant lorsqu'il est arrivé au Canada. Il a fait des études en droit, notamment à l'Université Laval, aux côtés d'un étudiant qui allait aussi faire son chemin en politique, le très honorable Brian Mulroney, qui considère le sénateur De Bané comme un véritable et loyal ami de longue date.

En 1968, dans la circonscription de Matane, au Québec, Pierre De Bané est devenu le premier Canadien d'origine arabe à être élu à la Chambre des communes. Il a été réélu quatre fois. C'est une réussite impressionnante. Comme les sénateurs le savent, durant les élections de 1968, j'ai accompagné Robert L. Stanfield partout au pays, en pleine Trudeaumanie. Le soir des élections, une des grandes nouvelles était l'élection du premier député canado-arabe.

Comme l'a mentionné le sénateur Cowan, pendant les 16 années au cours desquelles il a été député, Pierre De Bané a occupé divers portefeuilles. Il a notamment été ministre des Approvisionnements et Services, receveur général du Canada, ministre de l'Expansion économique régionale, des Relations extérieures ainsi que des Pêches et Océans. Le dernier jour de son mandat, le 29 juin 1984, avant de passer les rênes du gouvernement à John Turner, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau a nommé Pierre De Bané au Sénat. Depuis, le sénateur De Bané participe activement aux débats en cette enceinte et aux comités, plus récemment comme membre du Comité sénatorial permanent des langues officielles et du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Les sénateurs conviendront sans doute que le travail du sénateur De Bané au Sénat a toujours témoigné de sa passion et de ses profondes convictions. Ces dernières années, nous lui avons été reconnaissants d'avoir attiré notre attention sur la couverture médiatique que fait Radio-Canada des communautés francophones à l'extérieur du Québec dans les bulletins de nouvelles du soir. Je n'ai aucun doute que ses commentaires découlent d'une réelle volonté de veiller à ce que le diffuseur public, comme l'exige son mandat, soit le miroir du Canada et de ses régions pour le public national et régional.

Il faut d'ailleurs vous en féliciter, sénateur De Bané. Même si vous quittez le Sénat, je suis certaine que vous continuerez d'être un ardent défenseur de bien des causes, qui, comme nous le savons tous, vous tiennent à cœur.

Au nom de tous les sénateurs conservateurs, et en mon propre nom, j'adresse mes meilleurs vœux au sénateur De Bané et à sa famille et je lui souhaite santé, longue vie et bonheur pour sa retraite.

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je tiens aussi à rendre hommage à notre collègue, le sénateur De Bané. Nous nous sommes rencontrés peu de temps après son élection en 1968, car, croyez-le ou non, je travaillais alors sur la Colline du Parlement. J'étais adjoint exécutif pour John Turner. C'était il y a longtemps.

Nous avons vraiment commencé à nous connaître après les élections de 1980. Nous nous sommes d'abord côtoyés au sein du caucus avant d'accéder tous les deux au Cabinet.

Les sénateurs savent que Pierre est né à Haïfa, qui était alors en Palestine et qui est maintenant en Israël. J'y suis allé plusieurs fois : c'est une superbe ville méditerranéenne. Le sénateur De Bané est arrivé au Canada à l'âge de 12 ans.

Je crois sincèrement que son enfance au Moyen-Orient lui a permis d'acquérir une grande perspicacité, oui, une grande perspicacité quant à l'agitation, aux troubles, aux tensions qui existent dans cette région. Une telle perspicacité est toujours utile pour comprendre ce qui se passe dans cette partie du globe.

En toute honnêteté, je considère aussi le sénateur De Bané comme un modèle. Il a immigré au Canada alors qu'il était jeune, il y a plusieurs années; il a eu une carrière très fructueuse et signifiante au Sénat dans le but d'assurer le bon fonctionnement de la démocratie dans ce pays, et il a passé 45 ans dans les deux Chambres.

Il a reçu une excellente instruction à l'Université Laval et d'Ottawa, et est même allé au séminaire pendant un certain temps, mais a décidé de devenir avocat plutôt que prêtre. Comme je suis moi aussi avocat et conseiller de la Reine, j'ai encore tendance à considérer la plupart des avocats d'un bon œil, mais je conçois que cette opinion n'est pas partagée. C'est la personne qui compte.

Il a été élu pour la première fois en 1968, quelques semaines avant son 30e anniversaire de naissance. Pour quelqu'un qui était arrivé au pays à l'âge de 12 ans, c'était tout un exploit.

Honorables sénateurs, j'ai fait quelques recherches. En 1968, Pierre a remporté 53,9 p. 100 des voix. Je serais très satisfait d'obtenir un tel résultat. Pourtant, sa popularité allant en augmentant, il a obtenu 73,5 p. 100 des voix aux élections de 1979, et enfin — il faut rester humble, mon ami — 77,8 p. 100 des voix à ses dernières élections, en 1980. C'est vous dire si ses électeurs l'appréciaient.

Honorables sénateurs, vous avez entendu parler des postes de secrétaire parlementaire qu'il a occupés et des portefeuilles de cinq ministères différents qu'il a détenus à la Chambre des communes. Je me souviens surtout de lui lorsqu'il était ministre des Pêches et des Océans. Toutefois, lorsque je pense à Pierre, je pense à une personne accomplie, travaillante et dotée d'un bon instinct politique, mais aussi véritablement humble et modeste. C'est rare. Il est un véritable passionné du Canada, et il transmet cette passion au quotidien.

Pierre, tu vas vraiment nous manquer. Plusieurs de tes réflexions sont des perles de sagesse, mais tiennent également du gros bon sens. Je vous souhaite tout le bonheur possible à toi, à Elisabeth — j'espère que tu ne m'en voudras pas si je dis qu'elle est toujours plus belle que toi —, à votre fils et à votre famille. Tu as bien servi le Sénat, la Chambre des communes, le Canada et la démocratie. Je te souhaite ce qu'il y a de mieux pour le prochain chapitre de ta vie.

Des voix : Bravo!

[Français]

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, alors que je préparais ces quelques lignes pour me joindre à vous dans cet hommage au sénateur Pierre De Bané, je me suis surprise à croire que vous tous et toutes, qui le connaissez depuis des décennies, nous rappelleriez les nombreux dossiers avec lesquels il a dû se familiariser au cours de sa longue carrière comme député, ministre et sénateur, des Affaires internationales jusqu'aux Pêches et Océans.

Pour ma part, j'ai eu l'occasion de travailler avec lui surtout au Comité sénatorial permanent des langues officielles et au sein de la Francophonie internationale. Je n'en garderai que d'excellents souvenirs.

Après le scrutin de 2006, quand nous sommes rentrés au Parlement, c'est avec sa gentillesse, sa politesse et son élégance coutumières qu'il a traversé le couloir qui nous sépare et est venu raviver à ma mémoire un des règlements de la section canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie. Entre 1993 et 2006, j'avais complètement oublié ce règlement qui prévoit que la présidence de la section doit être occupée d'office par un député ou un sénateur appartenant au parti gouvernemental.

Il venait donc me faire part du fait que, lors de l'assemblée générale qui allait se tenir au cours des prochaines semaines, il allait se faire un plaisir et un devoir de proposer que je sois élue à ce poste, qu'il occupait depuis plusieurs années.

Fort heureusement pour moi, il allait demeurer membre du comité directeur à titre de président sortant et de président de la Commission des affaires parlementaires de l'APF. Depuis, en tout temps, j'ai pu compter sur son appui et, surtout, sur ses conseils judicieux.

Alors que le principe de l'alternance qui existe à l'APF fera de moi, dans moins d'un mois, la prochaine présidente internationale, son départ et son absence me rendront la vie beaucoup plus difficile, car Pierre De Bané marque la mémoire collective du Canada à l'APF.

(1350)

Le vieux dicton est toujours aussi vrai : pour savoir où on va, mieux vaut savoir d'où on vient. Le sénateur De Bané me manquera beaucoup.

Au Comité sénatorial permanent des langues officielles, nos opinions étaient souvent semblables, et encore davantage lorsque nous avons étudié les obligations de la SRC dans le cadre de la Loi sur les langues officielles. Il nous manquera beaucoup aussi alors que nous cherchons les meilleurs moyens de faciliter à tous les Canadiens, surtout aux jeunes, l'apprentissage de nos deux langues officielles.

Comment aiguiser chez nos nouveaux arrivants la curiosité et le goût d'apprendre les deux langues de notre pays? Venus d'ailleurs, les nouveaux Canadiens peuvent-ils vraiment apprendre à bien s'exprimer en français et en anglais? Vous en voulez une preuve vivante? Pensez à un enfant d'origine libanaise, né en Palestine, qui arrive au Canada en culottes courtes. Il a passé quelques années dans un collège français dans son pays d'origine et parle aussi l'arabe que, faute d'occasions de le parler, il oubliera au cours des ans. Cependant, à l'âge adulte, il pourra s'exprimer dans une langue châtiée et avec un vocabulaire impressionnant dans l'une et l'autre de nos deux langues. Pierre De Bané en est un merveilleux exemple.

Je trouve bien dommage le fait que ce bouillon de culture ne sera plus au beau milieu de notre délégation à Abidjan, dans deux semaines, lors de l'assemblée générale de l'APF. Il sera aussi absent de notre Sénat quand nous y reviendrons. Sénateur De Bané, votre exemple nous manquera. Vous nous manquerez. Je ne peux qu'espérer avoir le plaisir de vous lire. Vos souvenirs deviendront sûrement un tome difficile à déposer.

Je me console en me disant que vous êtes toujours fidèle pour répondre aux courriels et aux appels téléphoniques. Entre Jean- Manuel et sa marmaille et votre magnifique Elisabeth à vos côtés, j'ose espérer que, de temps à autre, vous trouverez le temps de venir nous saluer.

Je souhaite que cette nouvelle étape de votre vie que vous entreprendrez au cours des prochaines semaines soit un magnifique voyage. Vous l'avez bien mérité. Merci pour tout!

L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, j'aimerais d'abord saluer la compagne de sa vie, son épouse Elisabeth.

Pierre De Bané appartient à une génération d'hommes politiques québécois, et cela est extrêmement significatif pour le Canada, qui ont dû faire face à un des défis les plus grands que le Canada ait connus lorsque l'émergence du mouvement souverainiste au Québec a plongé le Parti libéral du Canada et le Parti libéral du Québec dans une lutte pour la sauvegarde de l'unité canadienne.

Je profite aujourd'hui de cette occasion qui m'est donnée pour rendre hommage à Pierre De Bané, qui a été un des très grands acteurs de cette longue, difficile et parfois très dangereuse aventure sur la question de l'unité nationale, et je l'en remercie.

Pour ma part, j'ai eu l'occasion de participer à ce débat extrêmement important en tant que membre du Parti libéral du Québec et Pierre De Bané, en tant membre du Parti libéral du Canada. Nous en avons parlé ensemble, et Dieu sait que nous avons eu quelques différends. Au Parti libéral du Québec nous avions à faire face au mouvement souverainiste à l'Assemblée nationale et, en même temps, avec prudence, devions toujours garder l'œil ouvert, pour voir ce que faisaient nos amis et cousins du Parti libéral du Canada. Toutefois, pour ce qui est de l'essentiel, la démarche était la même, à savoir sauvegarder l'unité du Canada, et Pierre De Bané y a contribué.

La deuxième chose, honorables sénateurs, c'est Matane et la Gaspésie, où Pierre De Bané a laissé un souvenir impérissable. Il suffit de visiter cette région et de parler du député Pierre De Bané aux gens qui l'habitent pour se rendre compte qu'ils en ont gardé, comme nous tous aujourd'hui, un souvenir absolument impérissable. Pierre me rappelait encore récemment qu'une de ses très grandes réalisations, en tant que ministre des Pêches, a été non seulement d'appuyer l'industrie des pêches, mais de créer des centres de recherche qui offrent une structure d'avenir extrêmement prometteuse pour la région de la Gaspésie.

À titre de ministre de l'Expansion économique régionale, il a profité à la partie nord de la Gaspésie. Il y a eu des débats épiques entre lui et celui qui, à l'époque, maîtrisait la Gaspésie, son ami Gérard D. Levesque, qui s'occupait de la région de la Baie-des- Chaleurs. Une juste répartition des budgets fédéraux s'est effectuée entre le nord et le sud de Gaspésie grâce à l'intervention de notre ami Pierre De Bané.

Honorables sénateurs, j'aimerais également souligner la passion, l'engagement et la détermination de Pierre De Bané à l'égard de la langue française au Québec et dans la Francophonie canadienne et internationale. Peu de parlementaires au Sénat ou à la Chambre des communes ont autant contribué à son essor, sans oublier sa détermination et son engagement à l'égard de l'affirmation de la personnalité du Canada sur le plan de la politique étrangère. Pierre De Bané l'a fait de façon extrêmement belle, engageante et valorisante.

Nous regretterons tous le départ de Pierre, un grand Québécois, un grand Canadien et un homme de toutes les amitiés et de toutes les espérances. Merci.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je suis très fière de rendre hommage à un ardent défenseur des droits des minorités, un homme gentil et doux et un parlementaire remarquable, le sénateur Pierre De Bané.

Je ferai de mon mieux pour livrer un hommage digne en français cet après-midi. Comme vous le savez, lorsque je suis arrivée au Sénat, je ne parlais pas bien le français. Grâce à votre encouragement et à votre inspiration, je suis fière de vous rendre hommage dans la langue de Molière.

Honorables sénateurs, après plus de 44 ans passés dans les deux Chambres, Pierre De Bané est le doyen du Parlement. Il est entré dans l'histoire du Canada en 1968, quand il est devenu la première personne d'origine arabe élue à la Chambre des communes du Canada, où il a servi les électeurs de Matapédia-Matane pendant 16 ans.

L'Université de Moncton lui a conféré sa plus haute distinction, soit un doctorat honoris causa en sciences de l'administration, en reconnaissance de sa contribution importante à la société canadienne.

Le sénateur De Bané est tellement sincère et gentil que la férocité et la conviction avec lesquelles il défend les droits linguistiques est inimaginable pour tous, sauf ceux qui l'ont déjà vu en action. Sa passion pour les droits linguistiques n'a d'égale que sa passion pour un Canada uni, renforcé par sa diversité et mondialement reconnu pour sa défense des droits et libertés individuels.

Sénateur De Bané, votre sagesse et votre présence au Sénat me manqueront énormément, mais je me réjouis de savoir que notre amitié va se poursuivre encore longtemps.

[Traduction]

Vous avez été mon mentor, mon conseiller et mon ami. Vous m'avez toujours encouragée à surmonter les problèmes auxquels je me suis heurtée. Vous avez toujours été là pour m'encourager et m'inciter à faire plus de travail. Pour ces raisons, sénateur, je m'ennuierai toujours de vous. Je vous remercie de tout ce que vous avez fait pour moi.

[Français]

Je vous offre mes meilleurs vœux, ainsi qu'à Elisabeth et votre famille. J'espère que vous profiterez de votre retraite ensemble. Merci.

(1400)

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, mes propos feront suite à ceux de l'honorable sénateur Rivest.

Replaçons-nous en 1976; je suis à l'époque étudiant en troisième année de droit à l'Université d'Ottawa. Ma contribution à la vie politique se limite à ma circonscription électorale quoique, puisque je fréquente l'Université d'Ottawa, je suis en contact avec M. Clark et son épouse. Il y aura, chez les conservateurs, un congrès mémorable en 1976; le gouvernement Bourrassa au provincial subit des ratés et le mouvement indépendantiste, sous la houlette de M. Lévesque, a le vent en poupe et tout va assez bien. Ce n'était pas là ma première rencontre, mais mon premier contact avec deux de nos collègues, le sénateur De Bané et le sénateur Joyal. Ils ne le savaient pas à l'époque, mais vous allez comprendre un plus loin dans mon propos comment l'histoire souvent nous rattrape à un moment donné de notre vie.

Un soir, j'écoute le bulletin de nouvelles et, à ce moment-là, a lieu la bataille des gens de l'air. Pour ceux qui ne connaissent pas bien cette bataille, dans le monde de l'aviation, tout se fait en anglais; tout. Lorsque je dis tout, cela signifie que, même à l'intérieur d'une même tour de contrôle, les contrôleurs aériens doivent se parler en anglais à cette époque. C'est alors que les contrôleurs aériens du Québec ont décidé de commencer à se parler en français.

Devinez qui décide alors d'épouser cette cause : deux de nos collègues, les sénateurs De Bané et Joyal, décident de prendre la défense des gens de l'air et réussissent, de toute évidence, à convaincre le gouvernement de M. Trudeau de reconnaître les demandes des gens de l'air francophones. La bataille était toutefois à venir, car l'association des pilotes qui, elle, était anglophone — elle l'est toujours, d'ailleurs —, avait décidé d'affronter le gouvernement et de le forcer à revenir sur ses positions.

À cette époque, je suis émerveillé et jeune étudiant; je retourne à la maison la fin de semaine et je raconte à mon père, qui est conservateur depuis des générations, que j'ai entendu au bulletin de nouvelles deux jeunes députés libéraux qui m'ont impressionné. Il me dit de ne pas m'en faire et que cela va me passer. Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'un jour je travaillerais avec ces deux jeunes libéraux.

Lorsque le sénateur De Bané m'a demandé si j'allais prendre la parole à l'occasion de son départ à la retraite, je lui ai répondu que oui et je lui ai raconté ce que j'allais vous dire.

Pierre, vous avez su tous les deux, toi et le sénateur Joyal, à un moment qui n'était pas facile pour l'histoire du Québec, faire face à cette situation et les pressions devaient être fortes pour que vous ne posiez pas ce geste. Je suis convaincu que, au sein du gouvernement de M. Bourrassa, certains ont dû vous regarder avec un air un peu réprobateur parce que vous veniez jouer dans leur tale et que vous ameniez finalement de l'eau au moulin de M. Lévesque.

L'histoire nous le dira, les grands analystes, les exégètes de la politique québécoise nous diront si vous avez finalement influencé l'élection du premier gouvernement de M. Lévesque. On verra, mais je tenais à reconnaître ce fait d'armes qui m'a impressionné, même alors que j'étais un jeune conservateur; je pense que cela valait le coup d'être mentionné.

Bonne retraite. Ce n'est certainement pas terminé; 75 ans, ce n'est que le commencement du deuxième chapitre. Bonne chance, Pierre, dans tous tes projets.

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, c'est avec une grande émotion et beaucoup d'affection que nous disons aujourd'hui au revoir à un ami et à un grand ami de l'Acadie, le sénateur Pierre De Bané. C'est un plaisir de rendre hommage à notre doyen au Parlement — 45 belles années de vie publique — et de lui dire merci de la part des Brayons et des Acadiens du Nouveau- Brunswick pour son dévouement envers son pays, sa province et, en particulier, envers les communautés francophones hors Québec.

Honorables sénateurs, je me permets maintenant de le tutoyer. Lorsque ti-Pierre a quitté le Liban à l'âge de neuf ans et est arrivé à Halifax avec sa famille, son papa lui a dit qu'il était plus facile d'aller au ciel que de venir au Canada et y rester.

Toutefois, ne se laissant pas décourager, le petit Pierre a fait cette traverse difficile vers son nouveau pays; Pierre De Bané a rapidement décidé de faire de son nouveau pays une terre d'occasions dans tous les domaines, tant sur le plan économique que social.

Premier Canadien d'origine arabe élu à la Chambre des communes pour la première fois en 1968 — il fallait le faire —, avant d'être nommé au Sénat en 1984, il a reçu l'appui de près de 80 p. 100 de son électorat. C'est un témoignage certain de sa grande écoute, de sa grande disponibilité envers ses électeures, avec humilité et une grande intégrité.

Ti-Pierre, tu es un mentor, tu es un exemplaire. Également récipiendaire d'un doctorat honorifique de l'Université de Moncton, le sénateur De Bané est devenu, au fil des ans, un grand ami de plusieurs parlementaires acadiens que je me permets de nommer, que ce soit les Jean Gauvin, Omer Léger, Jean-Maurice Simard, Jean-Pierre Ouellette ou Fernand Dubé. L'ex-sénateur et premier ministre Richard Hatfield a déjà dit de lui, en 1986, et j'étais témoin, que le sénateur Pierre De Bané à Ottawa était un grand ami de l'Acadie et le serait toujours.

Honorables sénateurs, fidèle à son habitude, le petit Pierre aura mené le combat jusqu'à la dernière minute pour tenter de convaincre la Société Radio-Canada, en décembre dernier, de mieux desservir toutes les communautés francophones du pays. Voici ce que lui a répondu le président de la SRC :

La société d'État s'acquittait bien de son mandat de télédiffuseur canadien.

Je cite maintenant la réponse franche, honnête et intègre du petit Pierre, qui a dit ceci :

Je rejette la proposition que Radio-Canada reflète ce qui se passe dans la réalité du Canada. C'est une telle contrevérité que l'on peut en rire.

Il est un franc-tireur et un défenseur coriace de nos minorités. Sénateur De Bané, bonne retraite bien méritée avec votre famille et un grand merci pour votre grande contribution en vue de faire du Canada le meilleur pays au monde où vivre.

Je termine en disant ce que dirait la Sagouine dirait de vous :

Tu as gagné tes épaulettes, ti-Pierre, nous te disons merci!

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, ce n'est pas sans tristesse que je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à un très cher ami et grand homme, l'honorable sénateur Pierre De Bané.

Le sénateur De Bané, comme vous le savez tous, a consacré sa longue et distinguée carrière au service du Canada et des Canadiens. Il est en fait, avec près de 45 ans de service dans les deux Chambres, le doyen du Parlement du Canada.

Je tiens surtout à rendre hommage aujourd'hui à un collègue qui, après tant d'années, n'a rien perdu de sa passion, de sa fougue et de son honnêteté.

Je rends hommage à un sénateur qui, à chaque réunion du Comité des langues officielles que je présidais, arrivait avec des questions bien préparées et fortement instructives même si, il faut l'admettre, elles n'étaient pas toujours les plus courtes.

J'ai eu le grand plaisir d'avoir plusieurs discussions avec le sénateur De Bané au cours de ma carrière au Sénat et j'en suis toujours sortie enrichie. Je lui suis éternellement reconnaissante de sa grande volonté de partager ses connaissances, ses expériences et sa sagesse.

Je tiens à saluer sa grande compréhension de la réalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

(1410)

En tant que francophone du Manitoba, j'ai toujours su que nous pouvions compter sur un allié de taille, un homme toujours prêt à aller au front pour défendre nos droits et nos intérêts. Ma communauté vous remercie, sénateur De Bané.

Je salue enfin son dévouement envers nos institutions canadiennes, et je ne peux m'empêcher ici de souligner la relation particulière entre notre honorable collègue et la Société Radio- Canada. Je suis convaincue que certains dirigeants de Radio- Canada ont eu quelques frissons et quelques gouttes de sueur lorsqu'ils ont dû répondre au comité aux questions du sénateur De Bané. Ses vibrants plaidoyers en faveur d'une télévision d'État plus représentative et plus canadienne témoignent d'abord et avant tout d'un grand attachement pour celle-ci. Je remercie le sénateur de n'avoir jamais lâché prise et d'avoir accompli ce travail pour tous les Canadiens et les Canadiennes.

C'est avec un peu de tristesse mais surtout beaucoup de reconnaissance que je vous souhaite, sénateur De Bané, une retraite bien méritée et des années de bonheur, entouré de votre famille et de vos nombreux amis. Le Sénat demeurera enrichi à jamais par votre contribution.

L'honorable Jacques Demers : Honorables sénateurs, mes hommages seront sans doute un peu différents de ceux de mes confrères, qui ont tenu des discours merveilleux.

Je remercie votre famille de me donner l'occasion de parler de vous. Vous êtes un modèle de persévérance, un modèle d'homme que l'on ne peut que suivre. J'ai toujours cru, dans la vie, que l'on suit les gagnants. C'est avec des gagnants qu'on forme d'autres gagnants.

Cet hiver, nous avons passé un peu de temps ensemble, avec votre petit-fils que vous aimez tant — et je ne sais pas s'il est présent aujourd'hui. Il était très fier d'être avec nous. Nous avons pris des photos en compagnie de certains de vos amis.

Je suis convaincu, pour bien vous connaître, qu'il est difficile de trouver hommes ou femmes, aujourd'hui, aussi honnêtes et qui remplissent leurs tâches sans que pour eux ce soit un travail; pour vous, c'est naturel.

Nous nous sommes liés d'amitié en parlant un peu de hockey. Au cours de votre carrière, une des choses que vous avez accomplies est d'ouvrir la porte à des immigrants. On hésite souvent ou on se pose la question de savoir si ces immigrants viennent dans notre pays pour prendre des emplois. Vous avez ouvert la porte et avez été un modèle pour ces gens.

Comme le disait le sénateur Smith plus tôt, vous avez obtenu 77 p. 100 des voix, pour ma part je n'en ai probablement obtenu que 27 p. 100.

Vous avez travaillé très fort. Lorsqu'on vient d'un autre pays, il y a une question d'adaptation et de langue, mais rien ne vous a arrêté.

Je me souviens, l'an dernier, lorsqu'un journaliste du Globe and Mail m'avait critiqué en disant que je n'étais pas à ma place au Sénat. Lorsqu'on est entraîneur d'une équipe de hockey, en particulier celle du Canadien, on est habitué à recevoir des coups et des critiques. Cette critique m'avait empêché de dormir pendant trois ou quatre nuits. Je suis une personne assez solide, mais ces propos m'avaient attaqué et touché. À mon arrivée au Sénat, je ne me sentais pas le bienvenu. J'ai toutefois pris les choses en main.

Au moment où nous avons eu besoin de l'appui de nos confrères, les sénateurs du côté libéral ont signé cette formule. Du côté conservateur, ce n'est pas tout le monde qui l'a signée. Vous avez obtenu 67 p. 100. Cela m'a touché et m'a redonné confiance. Je me suis dit : « Réveille-toi, Jacques, tu appartiens à cette institution. »

Sénateur, vous avez dit deux choses qui m'ont vraiment touché : « Jacques Demers est un bon Québécois, et Jacques Demers est un très bon Canadien. Il n'aurait pas pu accomplir ce qu'il a fait dans la Ligue nationale sans sa façon de diriger et s'il n'avait pas été un homme intelligent. »

Je vous en remercie beaucoup. Vous avez changé ma vie à plusieurs points de vue. J'aurai 69 ans le mois prochain. C'est grâce à des gens comme vous que l'on se met à l'écoute. Hier, j'ai écouté votre commentaire sur Radio-Canada et j'ai été émerveillé.

Aujourd'hui, vos confrères perdent un homme de premier plan, un homme extraordinaire. Le Sénat tout entier perd un homme merveilleux, honnête, et qui a mené sa vie de façon très honnête.

L'honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, je suis au Sénat depuis neuf ans. J'ai siégé à la Chambre des communes avec Pierre pendant sept ans, mais reculons un peu dans le temps.

En 1970, Pierre faisait le tour des cégeps, au Québec, comme jeune député libéral. J'avais alors eu l'occasion de le voir. Contrairement au père de Pierre Claude, mon père était libéral, donc je n'avais pas de difficulté à l'admirer.

J'avais facilement compris que M. De Bané et M. Joyal, à cette époque où ils étaient de jeunes députés, avaient droit à la dissidence. Ce phénomène, sénateur Demers, je vous encourage à le cultiver. La dissidence est chose très importante dans un parlement.

Cette dissidence est une chose qui m'a encouragé. Je me suis dit que si des gens comme Pierre De Bané pouvaient venir au Parlement canadien défendre les intérêts du Québec et se faire critiquer par leurs collègues parce qu'ils ont trop de québécitude et qu'ils défendent trop les intérêts du Québec, il y avait de la place pour moi au sein du Parti libéral.

Le sénateur Pierre Claude Nolin se souviendra du dossier des gens de l'air, survenu en 1976. Je travaillais alors avec mon ami, le sénateur Rivest, au Parti libéral du Québec. Encore une fois, deux députés à Ottawa se sont portés à la défense des intérêts des Québécois francophones. Les gens de l'air venaient pour la plupart de l'aéroport de Québec plutôt que de celui de Montréal. À cette occasion, j'ai vu, encore une fois, le droit à la dissidence respecté au sein du Parti libéral du Canada. Je me suis dit qu'il y avait peut-être une place pour moi.

Lors d'une élection partielle, j'ai eu l'occasion, encore une fois, de voir Pierre et Serge Joyal faire du porte-à-porte pour me convaincre de me joindre au Parti libéral du Canada et de poursuivre. Soit dit en passant, je me permets, Pierre, de te tutoyer. C'est à ce moment, d'ailleurs, qu'une dizaine de députés sont entrés au caucus du Parti libéral entre 1979 et 1980. Ils étaient tous plus jeunes que Pierre. La notion de jeune député avait donc un peu disparu parce que nous étions une dizaine qui avions moins de 30 ans. Pierre était toujours avec Serge. On nous encourageait à dire que nous voulions être des membres solidaires d'un caucus de 74 députés, mais que nous voulions avoir le droit d'être dissidents de temps à autre. Pierre a fait preuve de dissidence.

On a parlé des gens de l'air. J'aimerais parler de l'Opération dignité. En Gaspésie, pour défendre les intérêts des concitoyens de sa région, le sénateur De Bané a décidé de prendre ses distances du gouvernement et du parti, et de défendre les gens de l'Opération dignité, même si cette position n'était pas populaire à l'intérieur de son parti. C'est ce genre d'indépendance qui me fait admirer Pierre.

Je serai honnête, Pierre et moi ne nous sommes pas toujours entendus. D'ailleurs, dans un caucus de 74 membres, il est normal de voir un peu de dissidence. Toutefois, aujourd'hui, je lui rends hommage car il est l'une des personnes qui nous a encouragés à croire, nous Québécois qui croyons en l'avenir du Parti libéral, que le meilleur reste à venir.

Elisabeth, je te demande d'être patiente. Tu as partagé ton époux avec nous pendant quelques années. Tu l'auras désormais à toi toute seule. J'espère que ta patience t'aidera à continuer cette belle vie que vous partagez ensemble depuis que je vous connais tous les deux.

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, notre cher et bien-aimé sénateur Pierre De Bané commence aujourd'hui le rite de passage qu'est la retraite.

Je partage le dévouement de cet homme public à la cause publique. Tout comme lui, je voue une affection profonde et éternelle à Pierre Elliott Trudeau, qui nous a nommés tous les deux au Sénat.

Le sénateur De Bané a la distinction d'avoir non seulement fait partie du Cabinet lorsque Pierre Elliott Trudeau était premier ministre, mais aussi d'avoir été son adjoint en 1967 quand il était ministre de la Justice. La vision d'une « société juste » de M. Trudeau a encore une résonance au Canada. Le sénateur De Bané et moi avons tous les deux assisté aux funérailles du très honorable Pierre Trudeau à Montréal, le 3 octobre 2000.

Aujourd'hui, le sénateur De Bané entame le premier jour du reste de sa vie.

Après la Première Guerre mondiale, lors des conférences de paix, les Alliés ont organisé le partage des territoires arabes de l'Empire ottoman. Auparavant, la Jordanie, le Liban, la Palestine, Israël et la Syrie moderne étaient réunis en un seul pays, la Syrie, nommée la Grande Syrie par certains.

Les alliés ont appelé cela la « partition de la Syrie ». De nombreux Arabes chrétiens — et non chrétiens — qui se sont installés dans le Nouveau Monde et dans les Antilles se font encore appeler « Syriens » de nos jours. C'est ainsi qu'ils se décrivent dans leurs documents de voyage.

(1420)

Honorables sénateurs, le sénateur De Bané est né à Haïfa, en Palestine, en 1938. Il a été davantage affligé par la situation apocalyptique des Syriens pendant la Seconde Guerre mondiale que pendant la Grande Guerre. À l'âge de 10 ans, il a fait partie des réfugiés arabes chrétiens qui ont fui la Palestine le 14 mai 1948. Il est un chrétien melkite. Dans l'Antiquité, ces chrétiens ont reçu Jésus- Christ. Leurs liturgies et leurs chants sont glorieux. Le prêtre de l'église que fréquente le sénateur De Bané, Saints-Pierre-et-Paul, parle araméen, la langue du Christ et la langue vernaculaire de l'époque. Le mot « araméen » tire son origine d'Aram, fils de Sem et père d'Uç, qui a fondé Damas, la plus vieille ville du monde. Aram est le nom biblique de la Syrie.

Le sénateur De Bané partage avec M. Trudeau et moi une passion pour le mysticisme et la contemplation propres à la chrétienté ancienne et moderne. Thomas Merton, un écrivain contemplatif et un moine trappiste dont M. Pierre Elliott Trudeau aimait beaucoup les écrits, dit ce qui suit à la page 37 de son ouvrage intitulé Semences de contemplation :

[...] Alors, voici ce que signifie la recherche parfaite de Dieu : me libérer des illusions et des plaisirs, des anxiétés et des désirs de ce monde [...] trouver le silence dans mon cœur et écouter la voix de Dieu; [...] aimer tous les hommes comme moi-même [...] avoir une volonté qui est toujours prête à se replier sur elle- même, puiser dans tous les pouvoirs qui reposent au plus profond de mon âme et me reposer dans l'attente silencieuse de la venue de Dieu [...] rassembler tout ce que je suis, tout ce que je possède et tout ce qui pourrait me faire souffrir ou tout ce que je pourrais faire ou être, et abandonner le tout à Dieu, dans la résignation d'un amour parfait et dans une foi aveugle et une confiance pure en Lui, dans le but de faire Sa volonté.

Honorables sénateurs, j'aimerais dire au revoir au sénateur De Bané. Je lui souhaite une longue et heureuse retraite aux côtés de son épouse chérie, Elisabeth, et de toute leur famille. Au revoir.

[Français]

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis : Honorables sénateurs, c'est avec énormément de plaisir et, en même temps, de tristesse, que je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à notre collègue, le sénateur Pierre De Bané. Je salue la riche carrière parlementaire de ce grand homme qui, pendant 44 ans et plus, avec persévérance, intelligence et grande sagesse, a su influencer les débats au sein de la société canadienne.

Bien que nous ayons siégé tous les deux à l'autre endroit, ce n'est qu'au cours des dernières années que nous avons appris à nous connaître et à nous apprécier mutuellement, puisque nous faisons partie des mêmes comités.

Ce qui m'a marquée et touchée le plus chez vous, cher collègue, c'est cette façon que vous avez de traiter vos collègues avec courtoisie et déférence. La sincérité de votre sourire est une source d'inspiration quant à cette capacité que nous avons de contribuer au bien commun au-delà de toute partisanerie. Que ce soit en Chambre ou au sein des comités, les questions que vous posez sont toujours empreintes de respect et de dignité, même lorsqu'il s'agit de dossiers qui vous tiennent à cœur. Nous en avons été témoins hier lorsque vous nous avez décrit les manquements de Radio-Canada. Nous avons pu apprécier votre ténacité et votre rigueur.

Quelqu'un vous a dit récemment que vous alliez vous ennuyer lorsque votre mandat de 30 ans au Sénat prendrait fin. Je n'en crois rien. Soyez assuré que les personnes de qualité ne restent pas longtemps oisives. Vous allez être sollicité de toutes parts; on vous demandera de vous impliquer dans toutes sortes de domaines. Vous allez finir par ne plus avoir une minute à vous!

Je profite de l'occasion pour saluer dame Elisabeth, votre épouse, qui doit être ravie à la perspective de ce nouveau départ.

En terminant, je veux vous remercier de l'extraordinaire contribution que vous avez apportée à notre pays, et vous dire tout simplement : mission accomplie. Je vous souhaite une merveilleuse retraite, longue vie, santé et bonheur. Vous allez nous manquer, cher collègue.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole à mon tour pour rendre hommage à notre collègue, le sénateur Pierre De Bané.

J'aimerais insister sur votre longue et extraordinaire carrière parlementaire, soit 45 ans de vie publique. Votre contribution importante à notre pays, aux citoyens canadiens et au Parti libéral du Canada est grandement reconnue, et, j'ajouterais, très inspirante. Le Sénat s'est enrichi de votre expérience, de votre sagesse et de votre vaste connaissance. Les valeurs de paix et de justice que vous vous êtes fait un devoir de transmettre ont contribué notamment à renforcer la démocratie dans notre société et au sein de nos institutions parlementaires.

À titre personnel, je vous suis très reconnaissante de votre appui sincère et de vos interventions importantes à l'égard de la dualité linguistique de notre pays et des droits linguistiques des francophones en situation minoritaire. Plus particulièrement, je suis touchée par l'engagement et la persévérance que vous avez montrés avec tant d'énergie et de passion au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Vous méritez notre gratitude pour avoir contribué à faire progresser la dualité linguistique au sein de notre pays.

Je rends hommage à vos nombreuses réalisations, tant sur le plan national qu'international, et je vous souhaite une très heureuse retraite avec votre conjointe, Elisabeth, votre famille et vos nombreux amis.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Je sais que beaucoup d'autres sénateurs désirent intervenir, mais même ma montre confirme que nous avons consacré plus de 30 minutes aux hommages. J'ai donc le grand honneur de donner la parole au sénateur De Bané.

Des voix : Bravo!

[Français]

L'honorable Pierre De Bané : Honorables sénateurs, estimés collègues, chers amis, c'est sans doute la dernière fois que j'ai l'honneur de prendre la parole en cette Chambre qui a été ma maison professionnelle durant près de 30 ans. Cette occasion m'invite à réfléchir à mes 45 années en tant que parlementaire, à ma vie, à mon travail, aux liens que j'ai tissés au cours des années. C'est le moment de tirer le rideau, de quitter la scène et de ressentir la fin d'une époque qui va nourrir mes souvenirs jusqu'à mon dernier souffle.

(1430)

Cependant, je ressens surtout un sentiment de grande satisfaction pour l'excellent travail réalisé par la Chambre haute tout au long des 30 années pendant lesquelles j'ai été membre du Sénat canadien, pour les relations d'amitié que j'ai tissées avec des sénateurs des deux côtés de la Chambre et avec mes collègues indépendants, pour les initiatives auxquelles j'ai eu le privilège de contribuer et, parfois, de diriger et, enfin, et enfin, pour le dynamisme et la richesse du pays que nous servons tous, chacun d'entre nous.

Je tiens à remercier les honorables sénateurs des nombreuses marques de gentillesse envers Elisabeth, mon épouse, et son mari. Je tiens à vous remercier aussi pour les conseils et l'aide que vous m'avez donnés sur tout autre sujet de grande ou de moindre importance.

Je tiens à vous remercier pour la sagesse dont vous avez fait preuve dans la gestion des affaires de l'État. Cela représente notre contribution collective à l'avancement du Canada. Ceci est mon discours d'adieu, distingués collègues, ma dernière occasion de vous livrer le message que je me suis efforcé de transmettre aux Canadiens pendant toutes ces années.

Il ne me sera pas facile de résumer en quelques minutes ce que j'ai tenté de comprendre et de dire toute ma vie durant. J'ai beaucoup appris de vous, tout comme des centaines de collègues, de fonctionnaires compétents et dévoués, des amis et des milliers de Canadiens que j'ai rencontrés à l'occasion de mes nombreux voyages aux quatre coins du pays, des personnes qui ont travaillé avec moi, qui sont ici aujourd'hui. Je voudrais remercier le Président de m'avoir permis de les inviter à la réception qu'il offrira plus tard.

Je pense à Raymond Fournier, à Donald Fitzpatrick, à Anne Allard. Je pense aussi à deux collaborateurs qui ne peuvent être ici aujourd'hui, mon directeur de cabinet quand j'étais ministre, aujourd'hui le maire de la ville de Matane, Claude Canuel, et Thierry Viellard, citoyen canadien qui vit en France.

En rétrospective, je suis franchement étonné du destin qui fut le mien, premier citoyen originaire du Moyen-Orient qui a occupé un siège à la Chambre des communes. Comme des centaines de milliers d'autres immigrants, j'ai foulé le sol canadien au Quai 21 à Halifax. Joseph, l'aîné de la famille, a ouvert le chemin sur le conseil de mon père en arrivant en avion le premier, en 1950, après de brillantes études d'ingénieur dans le domaine pétrolier à Paris. Il s'établit en Alberta où, trois ans plus tôt, le gisement de Leduc avait été découvert.

Son travail l'envoie à Houston. Après un séjour de plusieurs années avec sa famille aux États-Unis, il revient au Canada et travaille à l'Office national de l'énergie. Titulaire d'un doctorat en sciences informatiques de l'Université de Waterloo, il enseigne au MIT à Boston et devient le fondateur et le premier doyen de la faculté de gestion de l'Université d'Ottawa.

Je profite de l'occasion pour exprimer toute mon affection à mon frère et à son épouse, Suzanne, ainsi qu'à leurs enfants, Daniel, Marc, Jeannine, Paul et Philippe, ainsi qu'à leur famille.

Mon jeune frère Paul et moi sommes arrivés à Halifax avec mon père, un an plus tard. Paul est décédé il y a quelques années. Je salue ses deux filles bien-aimées, Marie et Judith. Cette dernière est ici aujourd'hui, en compagnie de son fils Nicolas, que je salue particulièrement.

Nous sommes entrés au Canada comme sujets britanniques car mon père avait été comptable à l'emploi de la compagnie des chemins de fer de la Palestine, qui était alors administrée par le Royaume-Uni. Mes sœurs Thérèse et Roseline sont arrivées par la suite, venant d'Égypte et, finalement, c'est mon grand frère Michel, qui s'est occupé de nous au Liban, qui est arrivé le dernier au Canada. Roseline et Michel sont maintenant décédés.

Mon père était si fier d'arriver au Canada. Je me souviens encore, comme si c'était hier, de ce que mon père nous a dit lorsque nous sommes arrivés à Halifax : « Il est plus facile d'aller au ciel que d'entrer au Canada. » Chaque jour, disait-il, je veux baiser le sol de ce pays béni pour remercier Dieu d'être au Canada. Je n'ai pas l'éloquence de mon père, mais je partage entièrement ses sentiments.

J'ai eu l'honneur d'étudier dans l'une des plus prestigieuses universités canadiennes, l'Université Laval. Plusieurs de mes confrères de classe ont acquis une notoriété nationale et vous connaissez sans doute plusieurs d'entre eux : Brian Mulroney, Lucien Bouchard, Michael Meighen, Peter White, André Ouellette, Clément Richard, président de l'Assemblée nationale du Québec puis ministre, Yvon Marcoux, ministre québécois de la Justice, plusieurs membres de la magistrature, Paul Arthur Gendreau, Louise Lamarre, Sonny Mass, le regretté Bernard Roy, Raynald Langlois, Jean Bazin, Michel Vennat et Michel Cogger.

Je n'aurais pu jamais deviner, après avoir enseigné à la faculté de droit où j'avais fait mes études et pratiqué le droit au cabinet Letarte Saint-Hilaire, que je quitterais Québec pour devenir adjoint du ministre de la Justice, Pierre Trudeau et que je serais élu par la suite, à cinq reprises, député de Matapédia-Matane.

[Traduction]

En 1972, comme l'a dit mon leader, le sénateur Cowan, j'ai été secrétaire parlementaire auprès du secrétaire d'État aux Affaires extérieures et vice-premier ministre, l'honorable Mitchell Sharp. À ma nomination, ce dernier m'a dit : « Pierre, tous mes secrétaires parlementaires sont devenus ministres. Je veux donc que vous assistiez tous les matins aux réunions que je tiens, à 9 heures, avec mon sous-secrétaire d'État, Ed Ritchie, qui vient de quitter son poste d'ambassadeur du Canada à Washington. De cette façon, vous apprendrez comment traiter avec le sous-secrétaire de votre futur ministère. Vous ne serez pas autorisé à prendre la parole en sa présence, mais nous pourrons ensuite échanger sur la réunion. »

Ce fut une expérience fascinante que d'avoir un mentor tel que Mitchell Sharp, un ancien sous-ministre de C. D. Howe. Un jour, il m'a confié que, ayant occupé les postes de ministre et de sous- ministre, il avait préféré le dernier. Lorsqu'il était ministre des Finances, il a aussi été le mentor de Jean Chrétien, qui était alors son secrétaire parlementaire.

(1440)

Après avoir pris sa retraite, Gordon Osbaldeston, qui a été greffier du Conseil privé, a écrit un livre intitulé Organizing to Govern. Il m'a confié que j'étais le seul ministre à avoir écrit au premier ministre pour proposer la fusion de son ministère, le ministère de l'Expansion économique régionale, avec le ministère de l'Industrie.

Le ministère de l'Expansion économique régionale, ou MEER, s'intéressait à l'aspect géographique du développement économique, tandis que le ministère de l'Industrie, lui, avait adopté une approche sectorielle par rapport à l'activité économique au Canada. J'en suis venu à la conclusion que, dans un régime fédéral où les gens ressentent un attachement profond à l'égard de leur province et dans le deuxième pays au monde en termes de superficie, où on trouve six fuseaux horaires, il était impératif d'intégrer les deux aspects du processus décisionnel relatif au développement économique. À ma demande, les deux ministères ont fusionné. Aujourd'hui, 35 ans plus tard, indépendamment de toutes les élections et des changements de gouvernement, ces deux éléments font toujours partie du même ministère.

J'ai été député au sein d'un gouvernement qui a été responsable de certaines des plus grandes réalisations de l'histoire de notre pays : la Loi sur les langues officielles, en 1969; l'augmentation spectaculaire du nombre de Canadiens français au sein de la fonction publique canadienne; la politique sur le multiculturalisme du Canada, établie en 1971; le défi posé par le séparatisme, notamment la victoire lors du référendum de 1980; le rapatriement de la Constitution, en 1982; et la Charte des droits et libertés, qui protège les droits fondamentaux de tous les citoyens. Une personne au Sénat était présente lors de la tenue de ces discussions en 1982. Il s'agit du Président du Sénat, l'honorable Noël Kinsella.

Chaque premier ministre avait le droit d'amener un représentant avec lui, et notre Président était le conseiller du premier ministre du Nouveau-Brunswick. Il était là. Il pourrait nous en dire long sur ce qui s'est passé pendant ces négociations, lesquelles ont réellement permis d'accomplir, au fil des ans, quelque chose qui allait donner une identité aux Canadiens, car notre histoire ne comprend aucun élément commun, qu'on pense à la langue, à l'origine ou à la religion, entre autres. À mon avis, au fil du temps et de façon graduelle, la Charte des droits et libertés deviendra l'élément commun définissant les Canadiens.

Ces négociations nous ont entre autres permis d'inscrire une bonne fois pour toutes dans la Constitution les droits de l'ensemble des anglophones et des francophones du pays afin qu'ils puissent avoir leurs propres écoles et que celles-ci soient administrées par chaque collectivité.

Des voix : Bravo!

Le sénateur De Bané : Nous avons alors accompli quelque chose qui était tout à fait unique. En effet, c'était la toute première fois que nous établissions une distinction entre les Canadiens nés au Canada et ceux qui avaient immigré au pays, en ce sens que les personnes habitant à l'extérieur du Canada — que ce soit aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Australie, entre autres — et souhaitant s'établir dans la province de Québec étaient tenues d'envoyer leurs enfants dans des écoles francophones. Cependant, ceux dont les enfants avaient commencé leurs études dans une autre province et qui décidaient de s'établir au Québec pouvaient continuer d'envoyer leurs enfants à l'école anglophone. Nous avons établi cette distinction afin de montrer que le gouvernement national et les autres provinces étaient au fait de la situation particulière de cette province, et nous avons appelé cette disposition la « clause Canada ». Je crois qu'aujourd'hui, personne ne remet en question cette décision très sage.

En 1984, j'ai été nommé au Sénat, une institution qui n'est généralement pas appréciée à sa juste valeur et dont les lacunes sont trop souvent critiquées. Honorables sénateurs, je suis fier de faire partie de cette institution. Je suis fier de l'excellent travail que nous avons accompli pour les Canadiens. Je suis honoré d'avoir servi la population canadienne aux côtés de dizaines et de dizaines de sénateurs. Le travail acharné, l'intelligence et le bon jugement de ces personnes ont contribué à façonner l'orientation de ce pays.

Prenons un instant l'exemple des règles sur les conflits d'intérêts adoptées par le Sénat il y a huit ans, puis modifiées en 2009 et l'année dernière. Elles nous ont bien servis, de même que nos conseillers sénatoriaux en éthique, M. Jean T. Fournier et Mme Lyse Ricard. Elles ont même inspiré d'autres Chambres hautes. Soulignons qu'il y a davantage d'enquêtes concernant des violations des règles sur les conflits d'intérêts à la Chambre des communes qu'au Sénat ou dans les autres assemblées législatives du Canada. Donc, le régime sénatorial sur l'éthique donne de bons résultats. Nous rendons collectivement compte de nos activités aux Canadiens.

[Français]

Je suis également fier de la grande qualité des débats dans cette Chambre et du travail remarquable des comités sénatoriaux dans des domaines aussi variés que les banques, la politique étrangère et la santé mentale.

C'est là que réside l'essence même du Sénat. Le rôle de la Chambre haute ne consiste pas à faire concurrence à la Chambre des communes, démocratiquement élue, mais plutôt à se concentrer, à débattre et à se prononcer sur des enjeux majeurs, de manière éclairée et relativement non partisane, dans une optique de progrès. Telle est la mission du Sénat, tel est l'esprit qui nous anime.

Honorables sénateurs, le fait que nous soyons nommés et non élus renforce la primauté de la Chambre des communes. C'est en partie parce que nous ne sommes pas engagés dans une course au pouvoir que nous sommes capables d'agir dans l'intérêt supérieur de la population.

La vérité, c'est que cette Chambre, telle que constituée, est fière d'avoir la plus forte représentation de femmes de toutes les assemblées législatives du pays.

(1450)

La vérité c'est que cette Chambre permet à des représentants de différentes communautés en situation minoritaire de participer à la gestion des affaires de l'État.

La vérité, c'est que nos collègues à l'autre endroit ne voudront jamais consentir à l'établissement d'une autre Chambre également démocratique, qui leur ferait concurrence et les éclipserait, comme ce fut le cas aux États-Unis quand les sénateurs ont été élus au début du XXe siècle.

La vérité, c'est que l'abolition du Sénat donnerait à la Chambre des communes une situation intolérable et irrecevable à huit provinces du pays. En effet, le Québec et l'Ontario ensemble comptent pour 60 p. 100 de la population du Canada et auraient la majorité absolue à eux seuls, à l'autre endroit, sans qu'il y ait un contrepoids d'une autre Chambre, la Chambre haute. Peut-on imaginer un pays fédéral où deux provinces feraient la pluie et le beau temps dans l'autre Chambre? Comment peut-on avoir une Chambre des députés démocratique avec 60 p. 100 des députés venant de deux provinces sans le contrepoids d'une autre Chambre?

La vérité, c'est que nombre d'études ont montré la qualité supérieure des débats dans cette Chambre par rapport à ceux de l'autre endroit.

La vérité, c'est que deux Chambres également élues auraient la légitimité de bloquer le gouvernement, mais une seule des deux aurait le pouvoir de renverser le gouvernement, source indéniable d'instabilité et d'incohérence.

Si on veut que la nomination des sénateurs soit faite par un comité dont l'autorité morale et la crédibilité sont incontestables, plusieurs voies sont possibles, dont celle consistant à demander à un jury formé de membres de l'Ordre du Canada, l'ordre le plus prestigieux du pays, de soumettre, selon des critères déterminés, une liste de candidats éminents au premier ministre du Canada.

[Traduction]

M. Mel Cappe, ancien greffier du Conseil privé, c'est-à-dire le titulaire du plus haut poste de la fonction publique fédérale, au sommet de la hiérarchie, qui est également secrétaire du Cabinet et sous-ministre du premier ministre, a publié cette semaine un long article dont je vous lis quelques paragraphes :

En tant que haut fonctionnaire, j'ai toujours eu plus de facilité à comparaître devant un comité de la Chambre des communes que devant un comité sénatorial. Dans les comités des Communes, les deux camps s'attaquaient l'un l'autre avec des arguments partisans, juste pour marquer des points, tandis que le fonctionnaire pouvait rester assis bien tranquille à les regarder. Il pouvait se contenter de présenter de l'information, sans même avoir à répondre à des questions.

Devant les comités sénatoriaux, toutefois, le fonctionnaire devait vraiment connaître sa matière. Les sénateurs n'ont pas à se préoccuper de circonscription, ni des élections à gagner. Ils peuvent prendre le temps de faire leur travail, de fouiller en profondeur un sujet et de remettre en question les affirmations des témoins. Ils examinent les détails des budgets des dépenses, étudient sérieusement les projets de loi et prennent la mesure des grandes questions stratégiques qui sous-tendent les politiques. Beaucoup de sénateurs sont des experts, par exemple du domaine des finances municipales, de la sécurité nationale, des soins de santé, du droit fiscal ou du monde des affaires. Témoigner devant des sénateurs est beaucoup plus difficile pour un fonctionnaire.

Ayant siégé dans les deux Chambres, j'ai pu moi aussi vivre cette réalité. M. Cappe a raison.

Aujourd'hui, je voudrais vous parler de certains travaux auxquels j'ai été associé en tant que sénateur et que je considère comme des contributions importantes pour le Canada. Le premier cas est celui du rapport de 1994 du Comité mixte spécial sur la politique de défense du Canada, que j'ai coprésidé avec M. Bill Rompkey, qui était alors député et qui est devenu plus tard sénateur. Le comité a fait un travail exemplaire d'écoute des Canadiens, de discussion avec nos alliés et de prise en compte sincère des idées et des préoccupations des Forces canadiennes. Notre rapport a servi de fondement à la politique de défense qui a été en vigueur pendant une dizaine d'années par la suite.

La deuxième initiative du Sénat dont je suis particulièrement fier a trait aux travaux menés en 2011-2012 par le Comité sénatorial permanent des langues officielles. Nous nous penchions alors sur la situation et les besoins de la communauté anglophone au Québec, un travail important pour le Canada. Nous avons tenu des audiences à Ottawa ainsi que dans plusieurs collectivités de ma province. Nous avons entendu des résidants d'une foule de collectivités ainsi qu'un grand nombre de témoins, y compris les présidents de plusieurs universités, des professeurs du milieu universitaire, des intellectuels et des artistes. Ces travaux ont duré plus de six mois.

Mon seul regret, c'est que Radio-Canada, dont la mission énoncée dans la Loi sur la radiodiffusion est de « contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationales », n'ait pas diffusé une seule minute de ces audiences. Lorsqu'on lui a demandé des comptes à ce sujet, la société a invoqué des décisions en matière de programmation et de journalisme pour lesquelles elle n'est pas tenue de fournir une explication ou de rendre des comptes. C'est d'ailleurs ainsi que la société a répondu aux quelque 200 questions que je lui ai posées.

Lorsque le professeur émérite de l'Université Laval Florian Sauvageau, une sommité dans le domaine du journalisme, a entendu les questions que j'ai posées ainsi que les prétextes avancés par Radio-Canada afin de nier son obligation de répondre aux questions et de rendre des comptes, il a dit que la société agissait de façon puérile en rejetant ses responsabilités du revers de la main.

Troisièmement, je devrais parler d'une initiative plus récente, c'est-à-dire les mémoires soumis au CRTC par plusieurs de mes collègues et moi-même, lesquels ont été inspirés en partie par le manque de considération de la part de Radio-Canada à l'égard des Acadiens et des collectivités francophones hors Québec. Honorables sénateurs, comme nous l'a montré le rapport publié par la CRTC, nous avons également fait du bon travail car il y a eu des changements dans ce dossier.

Pour l'avenir, je propose très respectueusement deux projets. Je propose d'abord au Sénat de se pencher sur un domaine qu'il a trop longtemps négligé : la culture.

(1500)

À mon humble avis, le Sénat devrait corriger cette lacune en créant un nouveau comité permanent de la culture. Un tel comité servirait de tribune où les sénateurs pourraient diriger leur attention, et celle des Canadiens, sur l'âme de notre pays et sur ce qui nous distingue en tant que peuple. Cette tribune pourrait convoquer, tous les ans, des artistes, des intellectuels et des poètes de partout au pays pour qu'ils présentent leurs idées et leurs préoccupations, qu'ils rappellent aux parlementaires et aux médias nationaux les enjeux qui préoccupent certains des esprits les plus créatifs du Canada.

Un tel comité reconnaîtrait la dimension culturelle de notre vie nationale et de notre personnalité propre. Il conviendrait que cette responsabilité revienne au Sénat, parce que la culture n'est pas une question partisane, et ne doit pas l'être. La culture transcende nos différends politiques. Les artistes et les intellectuels seraient très reconnaissants envers le Sénat s'il entretenait un dialogue continu avec eux. Notre mission consiste à encourager ceux qui rendent notre pays unique : les poètes, les écrivains, les chanteurs, les acteurs, les compositeurs. Prendre soin d'eux devrait constituer une partie essentielle de notre mission.

Naturellement, le gouvernement doit accorder la priorité à l'économie, à la santé, à l'infrastructure, à la science et à l'environnement, afin de garantir prospérité et bien-être aux Canadiens. Le Sénat travaille lui aussi à ces priorités, mais il a également un rôle à jouer pour promouvoir et protéger la culture.

[Français]

La culture, c'est un bien grand mot aux multiples facettes. Selon les groupes et les lieux, on parle de la culture acadienne, de la culture québécoise, de la culture des différentes communautés francophones à travers le pays, de la culture qui est l'expression du génie et de l'âme canadienne, des peintres de Vancouver, de l'art amérindien, des musiciens de Calgary, du théâtre de Stratford. La liste est longue, et je pourrais vous en parler longtemps.

Dans toutes les dimensions d'un pays, la créativité des artistes traduit les aspirations d'un peuple, ses valeurs, ses croyances, ses rêves d'avenir et son histoire. Cette voix bouscule nos certitudes, elle nous met en marche, elle nous rassemble et nous distingue aussi. Qu'ils soient artisans, écrivains, chanteurs, comédiens, architectes, cinéastes, peintres, les créateurs forgent l'âme de la nation. Sans les artistes, une nation perdrait la conscience d'elle-même. C'est précisément pour cela qu'il faut garder le pouvoir de promouvoir nos cultures dans les médias de demain, dans toute leur richesse et leur spécificité, et encourager les réalisateurs à faire des films sur leur propre culture en soulignant leur différence.

La culture n'est pas une marchandise, mais le droit de penser des peuples. On ne peut laisser le cinéma et la culture à la merci des lois du marché; cela mettrait en péril la survie et même la vie du septième art. Sans la potion magique de l'exception culturelle, pour laquelle le Canada s'est battu visière levée, ce sont toutes les cultures, à commencer par la nôtre, qui seront menacées à terme.

[Traduction]

Ma deuxième recommandation, qui ne surprendra personne, honorables sénateurs, est que le Sénat prenne l'initiative de remédier à l'incapacité de notre radiodiffuseur public national, qui n'assume pas le mandat que lui a confié le Parlement.

J'ai prononcé mon allocution à ce sujet à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi S-220 et je ne répéterai pas ces arguments aujourd'hui.

[Français]

Je voudrais saluer ici M. Vincent Raynauld, professeur et chercheur à l'École de journalisme et de communication de l'Université Carleton. Aux termes de l'étude que j'ai déposée lors des audiences du CRTC, un examen du Téléjournal et du National a révélé que, en 2010-2011, Radio-Canada a consacré à peine trois minutes, en moyenne, à la couverture médiatique des autres provinces et des territoires.

Je voudrais rendre hommage à M. Raynauld parce que la qualité scientifique de son étude était telle qu'aucun spécialiste n'a contesté ses conclusions. Le seul argument de Radio-Canada est que l'étude ne portait que sur le Téléjournal de 21 heures. C'est précisément celui-là que le CRTC a reconnu être le grand bulletin de nouvelles, tant à la CBC qu'à la SRC, le vaisseau amiral de l'information, qui ne devrait pas être diffusé à 23 heures, moment où la moitié de la population est couchée, mais bien à 21 heures ou, au plus tard, à 22 heures.

Je voudrais terminer mon discours, honorables sénateurs, avec quelques observations sur la situation de notre pays en 2013. Je suis une personne optimiste non seulement de nature, mais aussi parce que je vois ce qui se passe dans notre pays, et cela me permet de regarder l'avenir avec confiance. Je vois un Canada dont le patrimoine culturel s'est considérablement enrichi, tant par le talent créatif de nos artistes et de nos intellectuels que par l'apport de milliers de nouveaux Canadiens venant de plus de 150 pays dans le monde.

Un Canadien sur cinq, aujourd'hui, n'est pas né au Canada. Selon Statistique Canada, à compter de 2026, 100 p. 100 de l'augmentation de la population sera attribuable à l'immigration.

Je vois une jeune génération de Canadiens qui envisage l'avenir avec confiance. Je ressens cette assurance chez mon fils, Jean- Manuel, et mes cinq petits-enfants, Pénélope, Jean-Gabriel, Delphine, Laurent et Lambert, tout comme dans les attitudes, les valeurs et le talent créatif des jeunes que j'ai rencontrés d'un océan à l'autre. Je vois un pays aux innombrables réalisations dont le potentiel n'est limité que par l'imagination de ses habitants.

Pour citer Al Johnson :

[Traduction]

Rêvons grand. Rêvons grand.

[Français]

Rêvons grand! Travaillons ensemble à la concrétisation de nos grandes ambitions!

Honorables sénateurs, je suis fier de vivre dans un pays où un premier ministre anglophone originaire de l'Ouest respecte avec autant de constance et de fidélité l'autre langue officielle.

Je suis fier d'avoir servi mes concitoyens tout au long de ces 45 années au Parlement de mon pays. Je vous remercie tous pour le travail que vous accomplissez. Je vous quitte en gardant au fond de moi une immense reconnaissance envers notre grande démocratie et je repars nourri de l'espoir que vous m'avez insufflé tout au long de ma vie de parlementaire.

Vive le Canada!


(1510)

AFFAIRES COURANTES

Les travaux du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, après avoir fait des consultations de part et d'autre du Sénat, je demande le consentement du Sénat pour que des photographes et caméramans soient autorisés à avoir accès à la salle du Sénat pour photographier et enregistrer sur vidéo la cérémonie de la sanction royale aujourd'hui, d'une manière qui perturbe le moins possible ses travaux.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

L'Association parlementaire canadienne de l'OTAN

La réunion conjointe de la Commission de la défense et de la sécurité, de la Commission de l'économie et de la sécurité et de la Commission politique, et la réunion conjointe de la Commission de l'économie et de la sécurité et de la Commission politique, tenues du 24 au 28 février 2013—Dépôt du rapport

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation à la réunion conjointe de la Commission de la défense et de la sécurité, de la Commission de l'économie et de la sécurité et de la Commission politique, et à la réunion conjointe de la Commission de l'économie et de la sécurité et de la Commission politique, tenues à Bruxelles, en Belgique, et à Paris, en France, du 24 au 28 février 2013.

Le Sénat

Modification et adoption d'office de la composition du Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Cowan :

Que, conformément à l'article 12-27(1) du Règlement du Sénat, la composition du Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs soit modifiée comme suit :

L'honorable sénateur Tannas est ajouté au comité pour combler une vacance créée par la démission d'un sénateur du comité.

(Conformément à l'article 12-27(1) du Règlement, la motion est adoptée d'office.)


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le revenu national

L'évasion fiscale internationale

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, ma question traitait de la réunion du G8, et plus particulièrement des paradis fiscaux et des nouvelles règles qui devraient s'appliquer.

J'aimerais rappeler à madame le leader du gouvernement au Sénat que la ministre Gail Shea a récemment annoncé que l'Agence du revenu du Canada avait désormais en sa possession des renseignements provenant d'alliés internationaux sur 550 personnes résidant au Canada et possédant des biens à l'étranger.

Ma question est simple : est-ce que madame le leader s'engage à faire rapport à cette Chambre, dès la rentrée parlementaire, des actions que son gouvernement aura entreprises vis-à-vis ces 550 personnes pour récupérer l'argent des contribuables?

Cela devient une priorité, c'est-à-dire que tout le monde doit payer de l'impôt, y compris sur les biens placés à l'étranger.

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, comme je l'ai dit lorsque j'ai répondu à la question de la sénatrice, la liste qui a été rendue publique a été dressée par l'Agence du revenu du Canada. Bien entendu, je me ferai un plaisir de prendre note de la question de la sénatrice sur les progrès de l'agence dans ce dossier.

La sénatrice Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, je vais donner à madame le leader un peu plus de travail.

Au total, 1 800 Canadiens détiennent des comptes à la HSBC en Suisse, et ils ne paient pas nécessairement les impôts connexes. Selon la CBC, l'agence aurait reçu les dossiers de ces gens et elle les examinerait.

J'ajoute 1 800 cas aux 550. Cela vous aidera à éponger le déficit.

La France a déjà récupéré des centaines de millions de dollars placés à la Banque HSBC. Madame le leader pourrait-elle rendre compte aussi de ces 1 800 cas?

La ministre nous dira-t-elle ce qui a été fait, quand nous récupérerons cet argent et combien de ressources il faudra pour effectuer le travail? Compte tenu de la réduction des effectifs à l'Agence du revenu du Canada, nous craignons que cela prenne beaucoup de temps, comme ce fut le cas par le passé. C'est une façon de recouvrer près de 1 milliard de dollars. Madame le leader nous dira-t-elle ce qu'il en est de ces 1 800 autres cas?

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, mettons les choses en perspective. Depuis 2006, nous avons mis en place plus de 75 mesures pour accroître l'intégrité du système fiscal : nous avons notamment augmenté de 40 p. 100 le nombre de postes au Programme de vérification internationale, imposé la déclaration obligatoire des transferts électroniques de fonds de plus de 10 000 $ à l'étranger, simplifié le processus judiciaire qui autorise l'ARC à obtenir des renseignements de tiers, comme les banques, et investi récemment 30 millions de dollars pour cibler l'évasion fiscale internationale et l'évitement fiscal abusif.

Le ministère avance dans l'examen de tous ces dossiers. Dans la mesure où il peut fournir d'autres renseignements, il me fera plaisir de lui demander de le faire.

La sécurité publique

La cybersécurité

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Au cours des 18 derniers mois, je lui ai posé des questions au sujet des cyberattaques, du piratage et du vol de propriété intellectuelle. À cet égard, nous avons entendu parler récemment d'une surveillance étroite des communications des particuliers et du rôle qu'y joue le Centre de la sécurité des télécommunications du Canada. À ce qu'il paraît, il aurait recueilli des métadonnées — par hasard, dit-on — au Canada.

(1520)

Voilà qui va à l'encontre de son mandat. Madame le leader pourrait-elle dire aux Canadiens si c'est vrai et si les médias dressent un portrait exact de la situation?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, tout d'abord, comme vous le savez, et comme je l'ai dit, on ne peut pas parler des aspects opérationnels de la sécurité nationale. J'ai déjà dit aussi que nous prenons au sérieux le dossier de la cybersécurité et que nous tenons compte des conseils des spécialistes.

Le gouvernement a présenté la première stratégie en matière de cybersécurité en 2010. Nous avons investi une somme considérable, 245 millions de dollars, dans une stratégie en matière de cybersécurité qui a pour but de protéger le pays contre les menaces électroniques, le piratage et le cyberespionnage.

Bien entendu, je ne peux pas parler de cas particuliers.

Le sénateur Moore : J'ai une question complémentaire. On peut lire ce qui suit dans un rapport de 2008 de l'ancien responsable du Centre de la sécurité des télécommunications Canada, le regretté Charles Gonthier, ancien juge de la Cour suprême du Canada :

Certaines activités du Centre de la sécurité des télécommunications concernant les métadonnées soulèvent des doutes à savoir si le centre respecte toujours les limites.

Madame le leader pourrait-elle nous dire si le Centre de la sécurité des télécommunications respecte les limites qui lui sont fixées? N'oublions pas qu'il a été fermé entre 2007 et 2008 jusqu'à ce que de nouvelles règles soient établies. Le centre agit-il dans les limites de son mandat?

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, je le crois, oui. En matière de renseignement étranger, le Centre de la sécurité des télécommunications contribue à protéger les Canadiens des cyberattaques et des menaces étrangères. Il se sert des métadonnées pour identifier et recueillir des communications non pas intérieures, mais internationales. Bien entendu, il ne recueille le contenu d'aucune communication en particulier. Oui, le centre respecte les règles établies.

Le sénateur Moore : Madame le leader confirme-t-elle alors que le Centre de la sécurité des télécommunications ne recueille pas de métadonnées sur les communications intérieures faites par des Canadiens?

La sénatrice LeBreton : Oui, honorable sénateurs, c'est ce que je crois comprendre.

Le sénateur Moore : J'ai une autre question complémentaire.

Il y a quelques mois au Sénat, nous sommes passés du BlackBerry au iPhone d'Apple, et nous avons installé un nouvel ordinateur central. Où est le serveur qui gère tout cela? Je me demande s'il se trouve aux États-Unis. Si c'est le cas, est-il assujetti à la Patriot Act, ce qui signifierait que les communications des sénateurs et du personnel qui sont transmises par cet ordinateur central seraient interceptées et assujetties à cette loi? Où est l'ordinateur central, le serveur qui alimente ce service informatique?

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, ce n'est pas une question à laquelle je peux répondre à titre de leader du gouvernement au Sénat. C'est une question pour les fonctionnaires et les autorités qui administrent le réseau de communication du Sénat.

Le sénateur Moore : Honorables sénateurs, je pensais seulement que madame le leader ou que les membres de son personnel possédaient peut-être un iPhone. Madame le leader utilise ce service. Je croyais donc que cela pourrait l'intéresser. J'aimerais qu'elle tente d'obtenir une réponse à cette question.

Au cours des derniers jours, nous avons appris que, aux États- Unis, il y a plus de 2 000 sociétés privées qui surveillent les communications et font rapport à l'agence de sécurité nationale de ce pays, la National Security Agency.

Est-ce que madame le leader saurait ou est-ce qu'elle pourrait se renseigner pour savoir si certaines de ces 2 000 sociétés surveillent les communications canadiennes et en font rapport à la National Security Agency des États-Unis?

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, tout ce que je peux dire au sénateur, c'est que la loi interdit au CSTC de cibler des Canadiens où qu'ils se trouvent dans le monde, ainsi que quiconque au Canada.

Quant aux activités qui ont lieu aux États-Unis, le mandat du Centre de la sécurité des télécommunications est très clair. Il lui est explicitement interdit de cibler des Canadiens.

En fait, je ne pense pas que, en ma qualité de leader du gouvernement au Sénat, je puisse répondre à une question concernant les activités d'un autre pays.

Le sénateur Moore : J'en suis conscient, honorables sénateurs. Cependant, je me demande si madame le leader peut s'informer auprès de nos propres services de sécurité pour leur demander s'ils peuvent, eux, procéder à cette vérification. Je pense qu'il serait important de disposer de ces renseignements.

Certaines de ces sociétés américaines sont peut-être situées à proximité de notre frontière. C'est peut-être leur travail, je ne le sais pas. Toutefois, si nous pouvions obtenir ces renseignements, je pense que cela pourrait être utile et instructif en ce qui concerne nos relations avec les États-Unis. Cela nous permettrait de savoir ce qui se passe et à quelle surveillance les Canadiens sont peut-être soumis sans le savoir.

La sénatrice LeBreton : En ce qui nous concerne, le sénateur pourrait adresser cette question aux autorités compétentes du Sénat.

J'ai énoncé clairement le mandat du Centre de la sécurité des télécommunications. Bien entendu, le gouvernement et les autorités ne font pas de commentaires sur des cas particuliers. Je doute fort qu'il soit possible de répondre à la question du sénateur. Je serai toutefois heureuse de faire part de ses préoccupations aux personnes compétentes.

[Français]

Les langues officielles

La formation linguistique pour les immigrants—La dualité linguistique

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. L'objectif de la Feuille de route pour la dualité linguistique est d'assurer l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il y a deux communautés de langue officielle en situation minoritaire au Canada, les anglophones du Québec et les francophones et les Acadiens à l'extérieur du Québec.

Dans cette feuille de route, votre gouvernement a identifié une somme de 120 millions de dollars qui serait accordée à la formation linguistique pour les immigrants. Ce plan est consacré au renforcement de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire, donc la formation linguistique pour les immigrants devrait s'adresser aux anglophones du Québec et aux francophones et Acadiens à l'extérieur du Québec.

Pourquoi le ministre Kenney a-t-il dit que cet argent, dans la feuille de route, servirait en réalité à enseigner l'anglais aux nouveaux arrivants à l'extérieur du Québec? Pourquoi a-t-il dit de telles choses? Ce n'est pas la raison d'être de la feuille de route.

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton : Honorables sénateurs, je ne suis pas au courant des propos tenus par le ministre Kenney. Je n'en parlerai donc pas de façon précise.

En ce qui concerne la feuille de route, je peux dire aux sénateurs que le Canada est, bien sûr, un pays bilingue et que le gouvernement s'est engagé très fermement à ce que les Canadiens puissent communiquer dans la langue officielle de leur choix.

La Feuille de route pour les langues officielles du gouvernement est un renouvellement de l'investissement le plus complet en matière de langues officielles de l'histoire de notre pays. Ces investissements appuient les communautés linguistiques francophones et anglophones en situation minoritaire et se fondent sur trois piliers : l'éducation, l'immigration et le soutien communautaire.

Bien entendu, le gouvernement est déterminé à continuer d'appuyer les langues officielles afin que les Canadiens puissent tirer parti des avantages économiques et sociaux de la dualité linguistique du Canada.

[Français]

La sénatrice Chaput : Je remercie madame le leader, mais pourrait-elle nous dire quand le ministre Kenney a fait ces commentaires? On m'a dit que c'était lors de sa comparution devant le Comité des langues officielles à la Chambre des communes. Il n'y a pas de problème à enseigner l'anglais aux immigrants à travers le Canada, au contraire, c'est bon et louable, mais cet argent qui sera dépensé n'est pas inscrit dans la feuille de route. Si le gouvernement prend l'argent de la feuille de route pour enseigner l'anglais aux immigrants à l'extérieur du Québec, d'après moi, il détourne l'argent de la feuille de route pour l'utiliser à d'autres fins.

J'aimerais, madame le leader, que vous vous informiez et donniez des réponses à mes questions, à savoir quand le ministre Kenney a dit cela.

[Traduction]

La sénatrice LeBreton : Je remercie l'honorable sénatrice, car, comme les sénateurs le savent, lorsque de nouveaux immigrants arrivent au Canada, on exige qu'ils parlent une des deux langues officielles du pays.

Comme je l'ai dit, je ne suis pas au courant des remarques du ministre Kenney. Je vais bien entendu chercher à connaître ses paroles exactes, et dans quel contexte elles ont été prononcées.

[Français]

La sénatrice Chaput : Honorables sénateurs, je suis sûre que madame le leader comprend que les fonds qui proviennent de la feuille de route doivent servir à l'épanouissement des communautés de langue officielle en milieu minoritaire.

(1530)

Si, effectivement, et c'est louable, le gouvernement fédéral veut enseigner l'anglais aux immigrants qui arrivent au Canada et qui ne connaissent pas l'anglais, c'est très bien, mais l'argent qui sera dépensé pour cela ne devrait pas provenir de la Feuille de route pour la dualité linguistique. Merci.

[Traduction]

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, je comprends parfaitement l'intention et l'objectif de la Feuille de route. Après tout, c'est nous qui l'avons rédigée. Je n'ai pas confondu votre question concernant la Feuille de route avec celle portant sur ce qu'aurait dit le ministre Kenney. J'aimerais simplement savoir ce qu'il a dit au juste, et dans quel contexte.

[Français]

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

Le revenu national—La correspondance de parlementaires

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 70 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.

Le revenu national—Le Programme communautaire des bénévoles

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 71 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi no 1 sur le Plan d'action économique de 2013

Troisième lecture—Suspension du débat

L'honorable JoAnne L. Buth propose que le projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse de dire quelques mots au sujet du projet de loi C-60, projet de loi no 1 sur le Plan d'action économique de 2013.

J'aimerais féliciter et remercier le Comité sénatorial permanent des finances nationales d'avoir procédé à un examen préalable de cette importante mesure législative. J'aimerais particulièrement remercier notre président, le sénateur Day, de sa présidence juste et efficace; Jodi Turner, notre greffière, pour son dévouement et ses incroyables aptitudes organisationnelles; et, enfin, Édison Roy- César et Sylvain Fleury, les analystes de la Bibliothèque du Parlement.

Je tiens aussi à féliciter les représentants des ministères et les témoins de l'extérieur du gouvernement qui ont comparu devant le comité afin de s'exprimer au sujet du projet de loi C-60 et d'expliquer pourquoi son adoption est si essentielle à divers points de vue pour l'économie canadienne. En tout, 67 témoins ont comparu devant le comité. Leur apport à cette très importante mesure législative a été grandement apprécié.

J'invite donc les sénateurs à permettre l'adoption définitive de ces mesures nécessaires pour aider les Canadiens et leur famille, stimuler la croissance économique, créer des emplois bien rémunérés et assurer la prospérité à long terme du Canada.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai quelques mots à dire à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-60. Contrairement au sénateur Baker, pour qui « quelques mots » tend à faire figure d'euphémisme, je tenterai d'être bref. Cela dit, il est possible que je me laisse emporter puisqu'il s'agit d'un projet de loi particulièrement dense. J'ai bon espoir que tous les sénateurs prendront le temps, lorsqu'ils rentreront dans leur région pour la relâche, de réfléchir à quelques-unes des mesures contenues dans le projet de loi.

Il s'agit du premier projet de loi d'exécution du budget de cette année. C'est l'occasion de voter sur le contenu du budget, d'en débattre et de bien le comprendre. Toutefois, le Sénat ne vote pas sur le budget lui-même. Nous le recevons, bien sûr, puisqu'il est déposé ici, mais nous ne tenons pas de vote à son sujet. C'est plutôt sur les projets de loi d'exécution du budget que nous nous prononçons.

Ce projet de loi s'intitule Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures. De l'aveu même de l'exécutif, il contient donc effectivement, çà et là, pas mal de mesures qui ne relèvent pas d'un projet de loi de nature fiscale, mais plutôt du projet de loi omnibus annuel. Je répète depuis le début qu'un projet de loi omnibus n'a rien de répréhensible. C'est un moyen permettant de réunir toutes sortes de mesures mineures qui, en soi, ne mériteraient pas de faire l'objet d'un projet de loi distinct. Il est logique de les regrouper, une ou deux fois par année.

Honorables sénateurs, ce qui me pose problème — et ce à quoi je m'oppose —, c'est qu'il est, au mieux fourbe d'insérer une série de questions n'ayant aucun lien avec les finances et la fiscalité dans un projet de loi à caractère financier en disant : « Voilà, il faut adopter le tout très rapidement, car cela relève de la question de confiance ». Il est injuste pour nous et pour la population que nous représentons de nous obliger à étudier ces questions périphériques à toute vapeur afin de permettre au gouvernement d'obtenir les fonds nécessaires à la poursuite de ses activités.

La sénatrice Buth est le troisième membre du comité directeur. C'est elle qui parraine le projet de loi. Je sais qu'elle m'a déjà entendu à ce sujet. Mes propos n'ont donc rien de nouveau pour elle. Je ne lui apprends donc rien. J'aimerais la remercier, et, par son entremise, tous les membres du Comité des finances de l'excellent travail qui a été accompli. Je me joins à elle pour remercier les membres du personnel de notre équipe qui nous ont aidés à vous présenter ces questions rapidement. Nous avons fait une étude préalable, car nous savions que le projet de loi tarderait à nous être renvoyé. Nous savions qu'il était lié aux aspects financiers et que le gouvernement en aurait besoin avant la pause estivale, mais cela ne rend pas pour autant ce procédé plus acceptable.

J'aimerais aussi remercier le vice-président, le sénateur Smith, de son travail; la sénatrice Buth, qui faisait partie du comité directeur; ainsi que les employés de nos bureaux respectifs, car organiser les différentes audiences et veiller à la présence des témoins nécessitent beaucoup de planification et de travail en coulisse .

Je rappelle aux sénateurs que nous sommes rendus à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-60, qui compte 116 pages et contient 233 articles. Chacun de ces articles n'est pas nécessairement lié à celui qui le précède. Cette mesure législative traite d'une très grande variété de sujets.

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a tenu 11 réunions et entendu 67 témoins, représentant 15 ministères, 5 agences et 16 organisations ne relevant pas du Parlement ou du gouvernement. Le comité a aussi reçu huit mémoires, qui sont conservés dans nos archives. Les sénateurs peuvent consulter ces mémoires en tout temps. Je leur recommande tout particulièrement la lecture des mémoires présentés par la Société Radio-Canada et l'Association du Barreau canadien. Ils ne portent pas sur le même sujet, mais les commentaires qui s'y trouvent sont très importants.

Voici ce qui se passe dans le cas des mémoires. Comme nous tentons de faire notre travail dans un très court laps de temps et que la comparution des témoins ne peut pas toujours être organisée aussi rapidement que nous le souhaitons, nous donnons l'occasion aux témoins qui ne peuvent pas comparaître devant le comité de nous envoyer un mémoire. Le problème, c'est qu'il n'est pas possible d'obtenir des éclaircissements au sujet des mémoires. Lorsque les personnes se présentent devant nous en tant que témoins, nous pouvons avoir un bon dialogue avec elles, ce qui est très utile pour informer tous les membres du comité.

Comme la sénatrice Buth l'a déclaré, nous avons réalisé une étude préalable. Par conséquent, lorsque le projet de loi a été renvoyé au Sénat la semaine dernière, nous en avons immédiatement été saisis. Puis, nous en avons fait rapport au Sénat.

Nous en sommes maintenant à l'étape de la troisième lecture. Comme les sénateurs le savent, il s'agit de l'étape finale avant qu'on nous demande de dire « oui » ou « non » au projet de loi.

(1540)

Le projet de loi renferme de bonnes mesures. J'aimerais bien appuyer certaines parties du projet de loi, mais je ne peux pas, à l'étape de la troisième lecture, voter en faveur de certaines parties et m'opposer à d'autres. Je pourrais présenter des amendements pour essayer de faire retirer les dispositions que j'estime moins judicieuses, sinon tout ce qu'on peut faire à l'heure actuelle c'est voter oui ou non. Les sénateurs comprendront donc que je m'opposerai à cette mesure législative parce qu'à mon avis certaines dispositions du projet de loi laissent à désirer.

Je vous parlerai de certaines de ces dispositions afin que vous compreniez ce qui m'inquiète dans cette mesure législative. Si j'en ai le temps, je pourrai ensuite vous parlez des dispositions que j'estime être d'intérêt public. Et si le projet de loi est rejeté, nous pourrions peut-être présenter de nouveau d'autres dispositions.

J'ai failli proposer que l'on fasse ce qui a été fait l'année dernière et présenter une motion visant à diviser le projet de loi d'exécution du budget pour qu'on puisse étudier, d'une part, les mesures financières et, d'autre part, les autres mesures. J'ai décidé de m'abstenir parce que l'exécutif semble avoir tenté de réduire, cette fois-ci, la taille de cette mesure législative. Le projet de loi fait environ les deux tiers du dernier projet de loi d'exécution du budget. On se dirige lentement mais sûrement vers une diminution des mesures non financières incluses dans de tels projets de loi. Voyons ce que l'avenir nous réserve; peut-être réussirons-nous à convaincre le gouvernement de présenter les mesures non financières dans le cadre d'un autre projet de loi omnibus.

Je tiens tout d'abord à rappeler aux sénateurs que, selon ce qu'on a vu à l'étape de la deuxième lecture, le projet loi est divisé en trois grandes sections : la partie 1, la partie 2 et la partie 3.

L'article 15, de la partie 1, porte sur les coopératives de crédit. Ce sont des institutions financières extrêmement importantes pour nos petites collectivités. Beaucoup de sénateurs ont des coopératives de crédit dans leur région. Dans certaines petites municipalités, la coopérative de crédit est la seule institution financière. En français, on les appelle des « caisses populaires ».

La caisse populaire ou coopérative de crédit est souvent la seule institution financière dans une petite municipalité, et ce projet de loi est une attaque contre les petites caisses populaires ou les petites coopératives de crédit. C'est l'une des raisons pour lesquelles je ne peux pas voter pour ce projet de loi. Ce n'est pas le temps d'augmenter le fardeau fiscal.

Le sénateur Munson : Nous aimerions qu'il y ait un peu moins de bruit pour pouvoir entendre ce que dit le sénateur Day.

Son Honneur le Président intérimaire : Je dois vous dire, sénateur Day, qu'il vous reste deux minutes. Après cela, nous devrons suspendre la séance en attendant l'arrivée du gouverneur général.

Le sénateur Day : Ces deux minutes ne me permettront probablement pas de terminer mes observations au sujet de ce projet de loi, honorables sénateurs, mais je pourrai quand même finir ce que j'ai à dire sur les caisses populaires ou les coopératives de crédit.

Jusqu'à maintenant, il était entendu que la caisse populaire ou la coopérative de crédit étant de petite taille, elle devait faire l'objet d'un traitement particulier dont les grandes banques n'ont pas besoin. D'ailleurs, les grandes banques ne se gênent pas pour fermer leurs succursales dans les petites municipalités, car elles ne les considèrent pas comme suffisamment rentables, tandis que les caisses populaires peuvent rester ouvertes en partie grâce au traitement spécial que leur accorde l'État, soit un taux d'imposition plus bas. L'article 15 du projet de loi, qui prévoit une déduction fiscale additionnelle pour les coopératives de crédit, fait néanmoins disparaître ce traitement particulier. Ce changement devrait coûter aux coopératives de crédit du Canada environ 75 millions de dollars par année. Cette somme sera donc enlevée aux petites collectivités pour être versée dans les coffres de l'État fédéral.

M. Gary Rogers, vice-président chargé des politiques financières de la Centrale des caisses de crédit du Canada, a souligné, lors de son témoignage devant le comité, que son organisme jouissait auparavant d'un excellent partenariat avec le gouvernement fédéral.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, conformément à l'ordre adopté par le Sénat, nous devons maintenant suspendre la séance en attendant l'arrivée de Son Excellence le gouverneur général dans une quinzaine de minutes.

(Le débat est suspendu.)


(Le Sénat s'ajourne à loisir.)

(1600)

[Français]

Sanction royale

Son Excellence le Gouverneur général du Canada arrive et prend place au Trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son Président. Il plaît à Son Excellence le Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi suivants :

Loi modifiant la Loi sur la Société canadienne des postes (documents de bibliothèque) (Projet de loi C-321, Chapitre 10, 2013)

Loi modifiant le Code criminel (Projet de loi C-37, Chapitre 11, 2013)

Loi modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales et la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux (Projet de loi C-383, Chapitre 12, 2013)

Loi modifiant le Code criminel (Projet de loi S-9, Chapitre 13,2013)

Loi édictant la Loi sur l'aménagement du territoire et l'évaluation des projets au Nunavut et la Loi sur l'Office des droits de surface des Territoires du Nord-Ouest et apportant des modifications connexes et corrélatives à certaines lois (Projet de loi C-47, Chapitre 14, 2013)

Loi modifiant le Code criminel (dissimulation d'identité) (Projet de loi C-309, Chapitre 15, 2013)

Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (Projet de loi C-43, Chapitre 16, 2013)

Loi instituant une journée nationale de commémoration pour honorer les anciens combattants de la guerre de Corée (Projet de loi S-213, Chapitre 17, 2013)

Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois (Projet de loi C-42, Chapitre 18, 2013)

Loi modifiant le Code criminel (combats concertés) (Projet de loi S-209, Chapitre 19, 2013)

Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves (Projet de loi S-2, Chapitre 20)

Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations (Projet de loi S-8, Chapitre 21, 2013)

Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence (Projet de loi C-15, Chapitre 24, 2013)

Loi portant mise en vigueur de l'accord définitif concernant la Première Nation de Yale et modifiant certaines lois en conséquence (Projet de loi C-62, Chapitre 25, 2013)

Loi modifiant la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers (Projet de loi S-14, Chapitre 26, 2013)

Loi mettant en œuvre des conventions, des protocoles, des accords, un avenant et une convention complémentaire conclus entre le Canada et la Namibie, la Serbie, la Pologne, Hong Kong, le Luxembourg et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts (Projet de loi S-17, Chapitre 27, 2013)

Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada et la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle- Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada (Projet de loi S-15, Chapitre 28, 2013)

L'honorable Andrew Scheer, Président de la Chambre des communes, adresse la parole à Son Excellence le Gouverneur général en ces termes :

Qu'il plaise à Votre Honneur.

La Chambre des communes du Canada a voté certains crédits requis pour permettre au gouvernement de pourvoir aux dépenses du service public.

Au nom de la Chambre des communes, je présente à Votre Excellence les projets de loi suivants :

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2014 (Projet de loi C-63, Chapitre 22, 2013)

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2014 (Projet de loi C-64, Chapitre 23, 2013)

À ces projets de loi, je prie humblement Votre Excellence de donner la sanction royale.

Il plaît à Son Excellence le Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi.

La Chambre des communes se retire.

Il plaît à Son Excellence le Gouverneur général de se retirer.


(Le Sénat reprend sa séance.)

(1620)

[Traduction]

Projet de Loi no 1 sur le Plan d'action économique de 2013

Troisième lecture—Ajournement du débat

Reprise du débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je parlais de l'élimination progressive du traitement fiscal spécial et du coût que cela entraînera pour les caisses de crédit — des petites institutions financières dans les collectivités partout au Canada —, à savoir près de 75 millions de dollars par année. M. Gary Rogers, vice-président, Politique financière, de la Centrale des caisses de crédit du Canada, l'organisme-cadre, a comparu devant le Comité sénatorial des finances. Nous le remercions d'être venu nous livrer son témoignage et de nous avoir aidés à comprendre cette proposition. Il a déclaré que le taux fédéral d'imposition de chaque caisse de crédit augmenterait d'environ 4 p. 100, en passant de 11 à 15 p. 100. Les sénateurs comprendront que, pour une petite caisse de crédit, environ 1 000 fois plus petite que la plus petite banque, c'est une augmentation considérable.

Voici ce que M. Rogers a déclaré :

C'est pourquoi nous pouvons affirmer à juste titre que de mémoire, aucune décision du gouvernement fédéral n'a suscité autant de surprise, de consternation et de colère de la part des caisses de crédit.

Comme le savent les sénateurs, les caisses de crédit sont importantes pour les collectivités canadiennes. C'est une modification assez considérable et nous n'avons pas suffisamment de renseignements à ce sujet. Nous surveillerons combien de caisses de crédit fermeront leurs portes dans nos petites collectivités à la suite de cette modification proposée dans le projet de loi.

Un autre point que je vais aborder brièvement, honorables sénateurs, c'est la section 1 de la partie 3. La partie 3 comprend 18 sections, mais je ne vais pas toutes les passer en revue, même si je suis tenté de le faire. La section 1 est particulièrement importante pour notre comité, car nous avons de bons renseignements généraux au sujet des tarifs — j'en ai d'ailleurs parlé à l'étape de la deuxième lecture. Le comité a entendu des témoignages et a préparé un rapport au sujet de l'écart de prix, pour les mêmes produits, entre le Canada et les États-Unis. Nous avons constaté que l'un des facteurs qui a des répercussions sur cet écart dans le prix des marchandises, c'est la différence entre le tarif appliqué par les États-Unis et celui appliqué par le Canada aux articles importés d'Asie ou d'Europe. Nous avons constaté que, en raison du système de distribution, c'est non seulement le pourcentage direct du tarif, mais également l'effet multiplicateur qui pose problème, car le tarif est appliqué au début, et les coûts de distribution et de transport s'y ajoutent, sous forme de pourcentage. Le pourcentage est calculé sur le coût, plus le tarif.

Honorables sénateurs, nous étions particulièrement intéressés par l'annonce d'une mesure importante de réduction des droits de douanes sur certains vêtements pour enfants et articles de sport. Toutefois, les problèmes surgissent quand vous commencez à décortiquer le document et que vous découvrez d'autres hausses parce que le gouvernement a décidé de supprimer le Tarif de préférence général, ce qui équivaut à une hausse considérable. Le Tarif de préférence général permettait de réduire les taux tarifaires pour divers produits en provenance de pays en développement. Toutefois, certains pays en développement sont devenus des pays développés ou des pays émergents. Or, le taux tarifaire initialement fixé demeurait en vigueur. Le taux tarifaire pour ces pays ne changeait pas. Peu importe que l'on fasse passer un pays dans une autre catégorie, c'est le taux tarifaire qui compte.

Quelles en sont les répercussions, honorables sénateurs? L'effet prolongé de cette mesure sera une augmentation du coût des produits importés au Canada d'au moins 350 millions de dollars par année. Il s'agit donc d'une taxe, quoi qu'on en dise.

Une voix : Une taxe déguisée.

Le sénateur Day : Comme je l'ai dit précédemment, les droits de douanes désignent les taxes, ou droits, payées sur certaines importations. Le gouvernement dit qu'il garde les taxes à un bas niveau pour les Canadiens, alors que, dans ce cas-ci, il fait le contraire.

M. Mike Moffatt, professeur adjoint à la Richard Ivey School of Business de l'Université Western, est du même avis sur ce point et l'a dit lors de sa comparution devant le comité. Je vais maintenant lire le début de son témoignage :

On peut considérer le tarif, en fait, comme une taxe de vente que paie le consommateur sans le savoir.

M. Moffatt a ajouté :

Les changements au Tarif de préférence général et l'augmentation conséquente de 350 millions de dollars des tarifs font plus que neutraliser les avantages des réductions sur les vêtements pour bébés et les équipements sportifs.

Mme Karen Proud, du Conseil canadien du commerce de détail, a exprimé les mêmes craintes lorsqu'elle a comparu devant le comité, disant :

Nous comprenons l'objectif stratégique que vise le gouvernement avec cet examen, mais nous nous inquiétons quelque peu de son exécution, de sa portée et des effets négatifs qu'il pourrait avoir sur les consommateurs.

(1630)

Il serait peut-être pertinent d'envisager cette politique pour les États qui ont progressé et devraient, de ce fait, changer de catégorie. Cependant, est-il vraiment judicieux d'augmenter le coût d'une vaste gamme de biens alors que l'économie commence à peine à redémarrer?

Si on résume la situation, honorables sénateurs, le gouvernement perdra environ 76 millions de dollars de revenus en raison des réductions consenties sur les articles de sport et les vêtements d'enfants, des réductions annoncées à grand renfort de publicité, mais l'augmentation des droits de douane lui procurera 350 millions de dollars de revenus. Il fera donc un gain net de 274 millions de dollars. C'est ce que prévoit le projet de loi d'exécution du budget sur lequel nous devrons nous prononcer.

Ces droits de douane constituent une nouvelle source de revenus pour le gouvernement, comme on le voit à la partie 1. Cette disposition élimine la déduction d'impôt associée aux coffrets de sûreté, que le projet de loi appelle des « compartiments de coffre-fort ». Beaucoup de petites entreprises ont des coffrets de sûreté dans les caisses populaires ou les banques. Par le passé, la location d'un coffret était calculée dans les coûts d'exploitation de l'entreprise et donnait lieu à une déduction d'impôt. Le gouvernement a décidé d'éliminer cette déduction, parce qu'il considère que les entreprises ont maintenant moins recours à des coffrets de sûreté. Selon les prévisions, ce changement coûtera aux Canadiens environ 40 millions de dollars par année. Le gouvernement ira donc chercher 40 millions de dollars de plus avec cette petite mesure anodine.

Honorables sénateurs, j'aimerais aborder brièvement la question des permis de travail accordés à des travailleurs étrangers temporaires. Nous avons déjà eu de longues discussions à ce sujet, nous avons entendu plusieurs témoins, et les médias ont aussi beaucoup parlé de ce dossier récemment. Ce sujet est traité dans la partie 3, celle qui met en œuvre diverses mesures, plus précisément à la section 9. Le comité a entendu Christopher Smillie, du Département des métiers de la construction, Martin Lavoie, des Manufacturiers et Exportateurs du Canada, et Karl Flecker, du Congrès du travail du Canada. Nous tenons à les remercier, car ils nous ont aidés à comprendre les répercussions qu'auraient ces initiatives gouvernementales sur l'industrie, donc sur le secteur qui crée de la richesse au pays, et sur les gens qui, à l'extérieur du gouvernement, produisent des revenus et embauchent des travailleurs qui paient des impôts. M. Martin Lavoie, des Manufacturiers et exportateurs du Canada, a indiqué que les membres de l'organisme croient, comme le gouvernement, qu'il faut donner priorité aux travailleurs canadiens dans la mesure du possible, et voir à ce que le Programme des travailleurs étrangers temporaires soit utilisé correctement. Ils appuient ces objectifs, et je les appuie moi aussi. Je crois que nous voulons tous la même chose, honorables sénateurs.

Le taux de chômage du Canada est légèrement supérieur à 7 p. 100. Dans ma province, le Nouveau-Brunswick, il est de 10,5 p. 100. Nous voulons tous que les Canadiens retrouvent du travail. Même si M. Lavoie a déclaré que les membres de son association, Manufacturiers et Exportateurs du Canada, ne devraient embaucher des travailleurs étrangers qu'en dernier recours, il a aussi dit qu'il n'est pas toujours possible de trouver des travailleurs canadiens pour pourvoir les postes et qu'il est important que nous comprenions cette réalité. Honorables sénateurs, cette situation est attribuable à différents facteurs.

M. Karl Flecker, du Congrès du travail du Canada, a aussi comparu devant le comité pour discuter des changements au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Il a commencé par exprimer sa déception. Je tiens à souligner qu'on parle ici du Congrès du travail du Canada. Ne s'agit-il pas de la meilleure organisation avec qui discuter de la possibilité de créer des programmes d'emploi pour les Canadiens? Il a commencé par exprimer sa déception à l'égard du processus de consultation du gouvernement, ou plutôt, du manque de consultation. À son avis, les groupes représentant les travailleurs n'étaient pas représentés lors d'un grand nombre de séances de consultation et ils ont été en quelque sorte ignorés. Il a dit que le Programme des travailleurs étrangers temporaires est « défectueux ». Il a aussi fait valoir qu'il faut assurer une plus grande surveillance afin de mettre fin aux abus et de voir à ce que les employeurs, les recruteurs et les consultants en immigration soient tenus responsables des abus qu'ils commettent en ce qui concerne le programme.

Les sénateurs peuvent constater que nous nous éloignons d'une mesure législative portant sur les finances et la fiscalité lorsque nous nous penchons sur d'autres questions qui mériteraient d'être étudiées séparément.

J'ai aussi parlé brièvement d'un autre aspect de la question à l'étape de la deuxième lecture, et j'aimerais le mentionner de nouveau aux sénateurs. Si je proposais un amendement, il porterait sur cet aspect. En effet, on propose de modifier la Loi sur l'immigration et la Loi sur la citoyenneté afin d'y prévoir une exemption à la Loi sur les frais d'utilisation. Des demandes d'exemption à la Loi sur les frais d'utilisation ont été présentées pour ces deux lois, toutes deux administrées par le même ministère.

Les sénateurs se souviendront que la Loi sur les frais d'utilisation a été examinée dans cette enceinte. Nous en avons discuté en long et en large il y a quelques années, et nous avions alors déterminé qu'il était particulièrement important de voir à ce que les ministères n'exigent pas des frais plus élevés que les coûts d'administration de leurs programmes. Nous cherchions alors à éviter qu'on impose une autre taxe déguisée, car parfois, les frais d'utilisation permettent de recueillir des sommes supérieures à celles qui doivent être investies pour offrir les services.

Le ministère de l'Immigration augmente les frais demandés à toutes les personnes dont il vient d'être question. Les consultants en immigration, les futurs travailleurs qui arrivent au pays ainsi que les futurs employeurs doivent tous débourser de l'argent pour obtenir différents privilèges. Selon la Loi sur la citoyenneté, il faut payer des frais de 100 $ pour avoir le privilège de devenir Canadien.

Ils évitent d'appeler ces dépenses des « frais d'utilisation » et tentent d'éviter ceux-ci en nous demandant de les exempter de la loi. Or, nous avons travaillé dur pour que la loi les concerne. Lorsque nous leur avons demandé leur raison, ils nous ont tout simplement répondu qu'il n'était pas commode pour eux de respecter la loi.

Le sénateur Mercer : Pas commode? Vraiment?

Cette attitude est assez courante ces jours-ci.

Le sénateur Day : Honorables sénateurs, il s'agit de la section 17. Je suis conscient que je monopolise le Sénat, je vais donc tenter de procéder rapidement. Les négociations collectives au sein des sociétés d'État sont un autre sujet sur lequel nous devons nous prononcer.

Honorables sénateurs, cette question est traitée dans la section 17 de la partie 3. C'est cette section qui a attiré le plus l'attention des médias, en grande partie parce que l'on comprend mal sa raison d'être, à mon avis. Je vais citer directement la partie du projet de loi où l'on décrit l'objectif de cette section :

La section 17 de la partie 3 modifie la Loi sur la gestion des finances publiques afin de permettre au gouverneur en conseil d'ordonner à une société d'État de faire approuver par le Conseil du Trésor son mandat de négociation en vue de la conclusion d'une convention collective entre elle et un agent négociateur. Elle permet aussi au Conseil du Trésor d'exiger que des fonctionnaires subordonnés à son secrétaire observent les négociations collectives entre ces parties.

Pour des raisons évidentes, les sociétés d'État sont créées de façon à être distinctes des ministères, et voilà que le gouvernement nous dit : « Nous souhaitons assigner un plus grand nombre de nos employés à vos activités régulières, dans le but de diriger celles-ci et de savoir ce que vous faites. »

La section 17 :

[...] permet en outre au gouverneur en conseil d'ordonner à une société d'État d'obtenir l'approbation du Conseil du Trésor avant de fixer les conditions d'emploi de certains de ses employés non syndiqués.

Cela s'adresse donc non seulement aux employés syndiqués, mais aussi aux employés non syndiqués. Ils veulent des représentants des ministères dans les sociétés d'État. Quel est le rôle du conseil d'administration de ces sociétés d'État? Quelles responsabilités auront les membres de ces conseils en matière d'embauche si on leur retire leur pouvoir et leur obligation fiduciaire? Les sénateurs n'ont pas fini d'en entendre parler.

(1640)

Le comité a communiqué avec différentes sociétés d'État, parce qu'il était important qu'elles soient là. Il nous a été impossible de fixer des rencontres durant la courte période dont nous disposions pour étudier le projet de loi en question. Il s'agit d'une des questions sur laquelle nous effectuerons un suivi, pour voir comment se déroule sa mise en œuvre.

Nous avons reçu plusieurs mémoires traitant de préoccupations au sujet de CBC/Radio-Canada. Le sénateur De Bané serait heureux de savoir que beaucoup de gens écrivent au sujet du radiodiffuseur national. Les auteurs de ces mémoires n'ont pu comparaître en raison de conflits d'horaire, mais ils ont quand même présenté une lettre adressée initialement au Comité permanent des finances de l'autre endroit, qui fait état de plusieurs de leurs préoccupations.

D'après CBC/Radio-Canada, les modifications proposées à la Loi sur la gestion des finances publiques — qui, je le précise pour les honorables sénateurs, limiteraient l'indépendance qui est essentielle à ses activités — pourraient aller à l'encontre de certains articles de la Loi sur la radiodiffusion. M. Lavoie nous a envoyé cette lettre et a souligné que certains problèmes d'ordre juridique pourraient exister.

À l'heure actuelle, des mécanismes de protection sont en place pour garantir l'indépendance des activités de CBC/Radio-Canada à titre de radiodiffuseur public. De plus, la société d'État rend compte au Parlement par l'intermédiaire de vastes structures redditionnelles. Tout est couvert. Elle rend des comptes non pas à l'exécutif, mais au Parlement; c'est ainsi que l'exécutif est informé. Par cette initiative, l'exécutif tente de s'immiscer dans les affaires des sociétés d'État.

La question est la suivante : pourquoi devrions-nous légiférer pour que les sociétés d'État soient obligées de s'adresser aux ministres du Conseil du Trésor pour obtenir un mandat de négociation ou déterminer les conditions salariales de leurs employés?

Dans sa lettre, CBC/Radio-Canada signale que cette disposition toucherait les conditions salariales des journalistes, des chefs d'antenne et des cadres supérieurs.

Cette mesure législative permettra à un employé du Conseil du Trésor de prendre part au processus de négociation. CBC/Radio- Canada craint qu'il puisse en résulter un conflit qui pourrait compromettre son indépendance.

J'ai également mentionné aux sénateurs une lettre que nous avons reçue de l'Association du Barreau canadien et dans laquelle sont formulées des préoccupations au sujet de certaines parties du projet de loi, en particulier celle qui concerne les dispositions de la Loi sur Investissement Canada portant sur les entités étrangères qui envisagent de prendre le contrôle d'une société ou d'un organisme opérationnel canadien. La question est de savoir si la société étrangère est une entreprise d'État à 100 p. 100, car les règles sont changées à cet égard.

L'Association du Barreau canadien s'inquiète de l'ambiguïté de la proposition. Comme les sénateurs le savent, je n'aime pas les dispositions déterminatives, mais il y aura place pour une telle disposition lorsqu'une société étrangère aura pris le contrôle, virtuellement ou réellement, c'est-à-dire concrètement, selon un pourcentage précis, même si ce n'est pas à 51 p. 100. Si l'entité en question a pratiquement le contrôle, le gouvernement peut intervenir, comme l'Association du Barreau canadien le fait remarquer, une fois que la transaction est conclue et que l'entité fonctionne, et l'entité étrangère détient 35 p. 100 des intérêts de la société canadienne. Si ces 35 p. 100 lui donnent un contrôle de fait, par opposition à un contrôle de droit, il peut y avoir détermination après le fait, ce qui créerait beaucoup de difficulté sur les marchés qui n'aiment pas les surprises, soit le marché boursier, celui des obligations et celui des investissements étrangers. Ce genre de disposition suscite énormément d'inquiétude.

Cette disposition est là, honorables sénateurs. Il serait bien qu'il n'y soit pas. L'Association du Barreau canadien nous suggère de la supprimer du projet de loi C-60 et d'avoir un débat approfondi sur ses ramifications.

Honorables sénateurs, c'est une autre disposition pour laquelle j'aurais été porté à proposer un amendement visant à la supprimer, mais du fait qu'elle figure dans un projet de loi fiscal, je ne suis pas enclin à le faire à cette étape-ci.

Voilà quelques-unes des questions que je voulais porter à l'attention des sénateurs. D'autres sénateurs ayant participé aux travaux du comité lors de l'étude préalable veulent peut-être souligner d'autres questions.

Je vous remercie de votre attention, honorables sénateurs.

(Sur la motion de la sénatrice Callbeck, le débat est ajourné.)

La Loi sur le programme de protection des témoins

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Bob Runciman propose que le projet de loi C-51, Loi modifiant la Loi sur le programme de protection des témoins, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre brièvement la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-51, Loi améliorant la sécurité des témoins. Ce projet de loi représente la première mise à jour majeure de la Loi sur le programme de protection des témoins depuis sa mise en place, en 1996.

J'aimerais expliquer l'objectif du projet de loi et ce que les témoins ont dit au comité. D'abord, je tiens à remercier la vice-présidente, la sénatrice Fraser. Comme je suis le parrain de ce projet de loi, c'est elle qui a présidé le comité lors de son examen et, comme toujours, elle a fait un travail exceptionnel.

Honorables sénateurs, ce projet de loi poursuit trois objectifs majeurs.

Premièrement, il facilite le processus de changement d'identité en permettant une meilleure coordination des activités dans le cadre des programmes fédéral et provinciaux.

Les sénateurs savent peut-être que plusieurs provinces et municipalités canadiennes disposent de leur propre programme de protection des témoins. À l'heure actuelle, pour que les témoins visés par ces programmes puissent recevoir des documents fédéraux protégés ayant trait au changement d'identité, leur dossier doit être transféré au programme fédéral. Le projet de loi C-51 permettra la désignation de programmes provinciaux afin qu'ils soient visés par la loi fédérale. Cette désignation autorise la GRC à aider ces témoins à recevoir les documents nécessaires, sans qu'il faille transférer leur dossier au programme fédéral.

Deuxièmement, le projet de loi C-51 prévoit de nouvelles interdictions visant la communication de renseignements concernant les personnes admises au programme fédéral ou aux programmes municipaux ou provinciaux désignés. Ces interdictions viseront non seulement les témoins protégés, mais aussi les moyens et méthodes de protection des témoins ainsi que les personnes qui fournissent de la protection ou aident à en fournir.

Enfin, un changement important proposé dans ce projet de loi consiste à étendre les catégories de témoins pouvant être admis au programme de protection des témoins aux personnes qui sont recommandées par un service exerçant des fonctions liées à la sécurité ou la défense nationale.

J'aimerais donner aux sénateurs une idée de ce que le comité a entendu la semaine dernière, durant l'étude de ce projet de loi. Plus particulièrement, j'aimerais attirer l'attention sur le fait que Tom Stamatakis, président de l'Association canadienne des policiers, appuie sans réserve cette mesure législative. C'est un homme très impressionnant. C'est un policier chevronné qui représente 54 000 agents de première ligne.

Dans son témoignage, il a souligné l'ingéniosité des organisations criminelles et la difficulté pour la police de constituer des dossiers. Il nous a dit :

Les forces de l'ordre doivent souvent pouvoir compter sur des témoins qui mettent en péril leur sécurité et celle de leur famille en acceptant de communiquer des renseignements qui serviront à traduire en justice ces dangereux délinquants. Or, cette mesure législative nous permettra de mieux protéger les informateurs et, surtout peut-être, de moderniser les moyens dont nous disposons à cette fin.

À son avis, l'un des changements les plus importants consiste en de nouvelles interdictions visant la communication de renseignements qui permettront de mieux protéger les témoins et les policiers avec qui ils collaborent. À l'ère de l'information, ces changements sont d'une importance capitale, selon M. Stamatakis.

(1650)

Il accueille également avec enthousiasme le nouveau système de désignation d'un programme provincial pour que la GRC puisse aider les témoins à changer d'identité sans avoir à les admettre officiellement dans le programme fédéral. C'est un exemple de réduction des formalités administratives qu'il dit espérer voir aussi dans les prochains projets de loi.

Sa conclusion générale au sujet du projet de loi était, et je le cite :

[...] le projet de loi C-51 est un exemple de mesure législative qui aidera à mieux coordonner les efforts des divers organismes d'application de la loi, offrira une meilleure protection aux policiers et aux policières du Canada, aidera nos membres à sévir contre les activités du crime organisé et des gangs et favorisera à tout le moins quelques aspects efficaces d'un système qui a grand besoin d'être réformé.

C'était le témoignage d'un homme qui représente 54 000 agents de première ligne.

Il n'est pas le seul. Richard Dupuis, policier retraité de la Ville de Montréal anciennement responsable du programme de protection des témoins de la ville, a dit que la beauté du projet de loi C-51, c'est qu'il respecte entièrement l'autonomie des programmes provinciaux et municipaux, tout en permettant un accès accru au soutien fédéral.

Le comité a aussi entendu Yvon Dandurand, professeur de criminologie de l'Université de Fraser Valley. M. Dandurand a contribué à l'enquête sur la tragédie d'Air India et passé des années à étudier le dossier. Je ne dis pas que M. Dandurand a vanté sans réserve le projet de loi C-51. Au contraire, il aurait souhaité que celui-ci aille plus loin en matière de surveillance indépendante, notamment.

Toutefois, il a quand même dit que le projet de loi propose des changements attendus depuis longtemps. Selon lui, le projet de loi C-51 est un pas dans la bonne direction, quoiqu'il aurait préféré que ce pas soit un peu moins modeste. Il estime que le projet de loi améliorera l'efficacité à la fois du programme fédéral et des programmes provinciaux, et juge que c'est un compromis valable qui améliorera le programme national tout en augmentant l'accès des programmes provinciaux à l'aide de la GRC.

Même au chapitre de la surveillance, il estime que le comité consultatif dont on souhaite doter le programme fédéral et le pouvoir qui, en vertu du projet de loi C-42, Loi visant à accroître la responsabilité de la Gendarmerie royale du Canada, permettra de mieux surveiller la GRC, sont des améliorations.

D'ailleurs, Ian McPhail, président intérimaire de la Commission des plaintes du public, a dit au comité que le programme de protection des témoins est très bien surveillé par sa commission et qu'il le sera bien mieux encore par la nouvelle commission qui sera créée en vertu du projet de loi C-42.

Honorables sénateurs, ce ne sont là que quelques témoignages que nous avons entendus au comité. Je ne veux pas qu'on m'accuse de ne citer que les témoins qui sont favorables au projet de loi. Le gouvernement de l'Ontario s'y est aussi vivement opposé, comme en font foi le témoignage du sous-commissaire de la Police provinciale de l'Ontario et le mémoire du procureur général. Même si je ne partage pas leur point de vue, le comité leur est reconnaissant de leur contribution.

L'Ontario fait valoir que le projet de loi C-51 crée un système très lourd qui pourrait faire en sorte que les partenaires provinciaux reçoivent les pièces d'identité après une plus longue période et que les interdictions visant la communication de renseignements pourraient empiéter sur la Loi sur les témoins de la Couronne, qui sera bientôt adoptée en Ontario.

Honorables sénateurs, j'ai été député provincial pendant une bonne partie de ma carrière et j'ai été à même de constater que les rapports avec le gouvernement fédéral peuvent être frustrants, quelles que soient nos allégeances politiques. Je ne prends donc pas ces arguments à la légère et j'en ai tenu compte.

Ce qui est bien du projet de loi C-51, c'est qu'il donne le choix. Les programmes provinciaux pourront choisir d'être désignés afin que les participants puissent obtenir plus rapidement des pièces d'identité du gouvernement fédéral. Ils peuvent aussi choisir de ne pas l'être et de fonctionner exactement comme ils le font actuellement. En quoi cela pourrait-il provoquer des retards comme le prétend la Police provinciale de l'Ontario? C'est difficile à comprendre.

Les objections aux nouvelles interdictions visant la communication sont encore plus discutables. L'Ontario soutient que ces nouvelles dispositions pourraient être incompatibles avec sa Loi sur les témoins de la Couronne, qui n'a pas encore été promulguée. J'insiste sur le fait que cette loi n'a pas encore été promulguée, même si elle a été adoptée en 2009.

Honorables sénateurs, pourquoi le gouvernement fédéral devrait- il retarder des réformes visant à moderniser et à améliorer considérablement le programme de protection des témoins parce que certains des changements pourraient être incompatibles avec une mesure législative dans une seule province, une mesure législative qui, quatre ans après son adoption, n'est pas encore entrée en vigueur, et ne le fera peut-être jamais? En outre, les interdictions relatives à la communication s'appliquent au programme fédéral et à d'autres programmes désignés. Si l'Ontario décide de ne pas demander la désignation, les interdictions ne s'appliqueront pas.

Dans un mémoire reçu un peu avant l'étude article par article du projet de loi, le procureur général de l'Ontario a recommandé deux amendements. Le premier visait à permettre aux fonctionnaires provinciaux de contourner la GRC quand ils demandent des documents fédéraux. Je crois que c'était sa principale priorité. La deuxième visait à permettre aux mesures législatives provinciales sur la communication, le cas échéant, d'avoir préséance sur la loi fédérale.

Pour ce qui est de cette deuxième proposition d'amendement, je veux souligner la sagesse du sénateur Baker, un membre indispensable de notre comité, qui a exprimé son désaccord au comité quant à la possibilité qu'une loi provinciale ait préséance sur une loi fédérale en ce qui concerne la communication de renseignements dans des affaires criminelles.

De plus, les sénateurs pourraient se demander pourquoi l'Ontario a attendu à la dernière minute pour faire part de ces préoccupations. Ce projet de loi découle d'années de consultation avec les partenaires provinciaux et est rédigé de manière à répondre aux préoccupations soulevées.

Honorables sénateurs, ce projet de loi permet un processus simplifié pour les provinces qui choisissent de participer, mais il respecte complètement leur autonomie. Il fournit un meilleur système mais, au bout du compte, ce sont les provinces qui décident si elles veulent participer ou non.

En somme, le projet de loi C-51 rationalise, modernise et améliore le système de protection des témoins du pays. Il nous aidera à assurer la sécurité des témoins et des policiers, et j'encourage tous les sénateurs à l'appuyer.

(Sur la motion du sénateur Baker, le débat est ajourné.)

La Loi sur les transports au Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Unger, appuyée par l'honorable sénateur Smith (Saurel), tendant à la troisième lecture du projet de loi C-52, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada (administration, transports aérien et ferroviaire et arbitrage).

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, j'aurais encore quelques mots à dire au sujet du projet de loi C-52, Loi sur les services équitables de transport ferroviaire des marchandises.

Au cours des audiences du comité sur le projet de loi, nous avons entendu divers témoins, y compris la Coalition des expéditeurs par rail, qui représente 17 associations d'expéditeurs du Canada. Nous avons également entendu l'Association des chemins de fer du Canada, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, le Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée, l'Association des produits forestiers du Canada, l'Institut canadien des engrais, les Producteurs de grains du Canada, Pulse Canada, M. Denis Lebel, ministre des Transports, ainsi que des fonctionnaires de son ministère.

Je suis heureux que le comité ait pu entendre autant de témoins, et j'en remercie le président du comité et le comité de direction.

Quelle démarche avons-nous suivie? Le projet de loi est issu des recommandations formulées par le Comité d'examen des services de transport ferroviaire de marchandises, dans son rapport, au sujet de la relation entre les expéditeurs et les sociétés ferroviaires. S'agit-il d'une mesure législative parfaite? Si les sénateurs lisent les témoignages entendus par le comité, ils verront qu'aucun témoin n'est de cet avis. En revanche, peut-on dire que le projet de loi est un bon début? Peut-être. Il vise à fournir aux expéditeurs un cadre législatif de résolution des différends qui les opposent aux sociétés ferroviaires, de manière à pouvoir conclure avec elles des accords sur le niveau et la qualité des services de transport qu'elles leur fournissent.

Il est intéressant de souligner qu'aucune ligne directrice n'est formulée pour indiquer aux chemins de fer comment ils devront s'acquitter de leurs obligations en matière de services. Cette lacune pourrait entraîner des procédures inutiles et coûteuses.

Honorables sénateurs, comme je l'ai dit précédemment, le projet de loi a pour objectif d'obliger les compagnies de chemin de fer à conclure avec leurs clients des accords sur les niveaux de service qu'elles pourront être contraintes de respecter et qui devront être équitables. Mais le projet de loi atteint-il cet objectif? Je n'en suis pas certain.

Le mécanisme devant conduire à la conclusion d'accords sur les niveaux de service qui sont à l'avantage des deux parties est proposé pour répondre à une demande des expéditeurs. Ces derniers veulent que les chemins de fer soient tenus d'inclure dans les contrats toutes les conditions des services fournis.

(1700)

Dans le paragraphe 169.31(1) proposé, on parle de « conditions d'exploitation », tout comme dans le paragraphe 169.32(1), le paragraphe 169.34(1) et l'article 169.37.

Est-ce que cela résout des problèmes? Est-ce que, outre les conditions d'exploitation, cela garantit des conditions de service dans les contrats? Je ne pense pas.

Honorables sénateurs, un examen obligatoire de la Loi sur les transports au Canada est prévu en 2015. Au lieu d'attendre jusque- là, je préférerais que nous fassions en sorte que ce projet de loi atteigne ses objectifs et ceux du Comité d'examen des services de transport ferroviaire des marchandises, à savoir : un meilleur service pour les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer. Voilà pourquoi j'ai proposé des amendements au comité pour essayer de renforcer certains aspects du projet de loi, notamment ceux que je viens de mentionner. Les amendements avaient été suggérés par la Coalition des expéditeurs par rail afin de renforcer le projet de loi pour tous les expéditeurs, les compagnies de chemin de fer et même l'arbitre. Ces amendements ont été rejetés au comité.

En ce qui concerne l'arbitre, beaucoup d'intervenants ont déclaré que l'arbitre aura beaucoup de difficultés si on en arrive à cette étape.

J'aimerais citer des commentaires formulés par Ian MacKay, conseiller juridique à l'Institut canadien des engrais. Voici ce qu'il a dit :

Le projet de loi contient beaucoup d'entraves, d'obstacles et d'éléments dont l'arbitre devra tenir compte. Ce qui a surpris les expéditeurs, lorsqu'ils ont lu le projet de loi C-52 pour la première fois, c'est la quantité de détails. L'arbitre devra interpréter et appliquer chacun de ces détails dans le cadre du processus d'arbitrage. Nous essayons de clarifier certains détails compliqués au moyen des six amendements proposés par la Coalition des expéditeurs par rail.

Je suis aussi de cet avis, honorables sénateurs.

Cela dit, je crois que nous devons chercher à améliorer le projet de loi. J'ai donc de nouveau passé les propositions d'amendement en revue, et j'aimerais suggérer deux changements qui, selon moi, amélioreront le projet de loi sans toutefois le transformer radicalement. À mon avis, que partagent beaucoup d'autres personnes, ils permettront d'éclaircir le libellé.

Motion d'amendement

L'honorable Terry M. Mercer : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose, avec l'appui du sénateur Robichaud :

Que le projet de loi C-52 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié :

a) à l'article 8, à la page 4, par adjonction, après la ligne 18, de ce qui suit :

« (1.6) Pour l'application de la présente division et sans restriction de la portée générale du terme, « obligations » s'entend notamment des obligations concernant :

a) le respect des délais ainsi que la fréquence pour ce qui est de la réception et de la livraison des marchandises par la compagnie de chemin de fer;

b) les temps de séjour, l'heure d'arrivée prévue, la durée du parcours et la durée du cycle pour ce qui est du transport des marchandises;

c) la quantité de matériel roulant à fournir par la compagnie de chemin de fer, son état et son type;

d) la fourniture d'installations convenables pour le transport, le déchargement et la livraison des marchandises;

e) les installations pour l'échange de renseignements concernant la facturation, la réception, le transport et la livraison des marchandises;

f) le traitement des commandes de wagons, la mise en place des wagons et le positionnement de ceux-ci au point de destination.

(1.7) Il est entendu que la compagnie de chemin de fer est réputée s'être acquittée des obligations visées à l'alinéa (1.6) d) si elle les a remplies d'une manière qui répond aux besoins de l'expéditeur en matière de transport ferroviaire. »;

b) à l'article 11 :

i) à la page 5 :

(A) par substitution, à la ligne 10, de ce qui suit :

« a) les conditions auxquelles la »,

(B) par substitution, aux lignes 17 à 20, de ce qui suit :

« b) les conditions auxquelles la compagnie de chemin de fer est assujettie en cas de non-respect d'une condition visée à l'alinéa a); »,

(C) par substitution, aux lignes 21 à 23, de ce qui suit :

« c) les conditions auxquelles l'expéditeur est assujetti et qui sont liées aux conditions visées aux alinéas »,

(D) par substitution, à la ligne 31, de ce qui suit :

« fer relativement aux conditions »,

(ii) à la page 6, par substitution, à la ligne 27, de ce qui suit :

« conditions visées à l'alinéa »,

(iii) à la page 7, par substitution, à la ligne 26, de ce qui suit :

« a) les conditions visées aux »,

(iv) à la page 8, par substitution, à la ligne 37, de ce qui suit :

« conditions visées aux alinéas ».

Son Honneur le Président intérimaire : Débat.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer? Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné avec dissidence.)

[Français]

La loi sur le mariage civil

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) propose que le projet de C-32, Loi modifiant la Loi sur le mariage civil, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, il s'agit ici d'un projet de loi technique qui fait suite à un jugement rendu lors de la séparation de conjoints de même sexe qui se sont mariés à l'étranger.

Lorsque le mariage a lieu à l'étranger, en cas de divorce, ce sont les règles admises à l'étranger qui s'appliquent. Malheureusement, peu de pays reconnaissent le mariage entre personnes de même sexe, ce qui a pour conséquence que, lorsqu'ils arrivent au Canada et qu'ils veulent se séparer, on ne peut pas appliquer les règles de l'étranger, ce qui crée une certaine incongruité.

Le but du projet de loi est donc de s'assurer que les conjoints de même sexe qui se sont mariés, soit ici ou à l'étranger, s'ils décident de se séparer ici, ne sont pas préjudiciés du fait que la loi de leur pays d'origine ne prévoit pas le mariage entre conjoints de même sexe.

Ceci conclut ma présentation. Je sais que le sénateur Black a aussi une présentation à faire sur ce projet de loi.

(1710)

[Traduction]

L'honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, l'année dernière, le 12 janvier plus précisément, des milliers de couples de même sexe partout dans le monde ont été renversés d'apprendre que la loi canadienne ne reconnaissait pas le mariage qu'ils avaient contracté au Canada. Ces hommes et ces femmes étaient venus ici pour célébrer leur union parce qu'ils ne pouvaient pas le faire dans leur pays. Ils savaient pertinemment que leur mariage ne serait pas reconnu chez eux, mais ils ne savaient pas que le Canada ne reconnaîtrait pas non plus le mariage qu'ils avaient scellé ici. Il faut corriger cette lacune de la loi.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, il s'agit du deuxième discours de la part du gouvernement au sujet de ce projet de loi. Nous aimerions réserver la période de 45 minutes allouée pour le deuxième discours de ce côté-ci de la Chambre. Peut- on s'entendre là-dessus?

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Je comprends très bien. La personne qui devait parler du projet de loi n'était pas ici quand le greffier a annoncé l'étude du projet de loi, et le leader adjoint a pris la parole. Pendant qu'il parlait, le parrain du projet de loi est arrivé. Le sénateur Carignan l'a vu et il a terminé son intervention.

Il ne s'agit en fait que de la première intervention, et la présidence n'a jamais eu l'intention de brimer les droits de la deuxième intervenante, la sénatrice Fraser.

Le sénateur Robichaud : Loin de moi l'idée de douter de vos bonnes intentions.

Son Honneur le Président intérimaire : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

L'honorable Joan Fraser : Je ne suis pas la deuxième intervenante, Votre Honneur; il s'agit plutôt du sénateur Joyal. Je ne sais pas s'il est prêt à prendre la parole aujourd'hui, mais nous pourrons y revenir après l'intervention du sénateur Black.

Son Honneur le Président intérimaire : Merci. Le sénateur Black peut continuer.

Le sénateur Black : La souffrance et l'incertitude ainsi causées sont inacceptables pour le gouvernement.

Je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le mariage civil. Avant de parler des détails et du bien-fondé de cette mesure législative, j'estime important de souligner que nos collègues de la Chambre des communes l'ont appuyée à l'unanimité et l'ont adoptée avec un seul amendement. J'espère que mes collègues d'ici feront preuve de la même diligence.

Honorables sénateurs, l'objet du projet de loi est clair et ses effets sont exempts d'ambiguïté. Le projet de loi présente une série de réformes nécessaires et équilibrées visant à assurer un traitement juste aux couples qui viennent de l'étranger et qui veulent exprimer leur engagement par le mariage.

La première partie du projet de loi C-32 assure la validité juridique des mariages entre non-résidents célébrés au Canada. Pour en comprendre l'effet, il faut d'abord comprendre le pourquoi de la situation.

Les lois qui déterminent la validité d'un mariage ont été élaborées au cours de centaines d'années. La plupart du temps, c'est le droit du pays où une personne vit ou, plus techniquement, où elle a son domicile, qui détermine qui elle peut, ou ne peut pas, épouser. C'est ce qu'on appelle la « capacité » de contracter le mariage. Ces règles du droit privé international précisent également que, pour être valide, le mariage doit satisfaire aux exigences relatives à la « forme » prévues dans le droit du pays où le mariage est célébré, ce qui comprend l'obtention d'un permis, la cérémonie proprement dite et l'inscription au registre civil.

Les non-résidents qui viennent au Canada pour se marier demeurent assujettis aux lois de leur pays quant à leur capacité de contracter le mariage. Par exemple, s'il s'agit de personnes de même sexe et que la loi de leur pays ne reconnaît pas le mariage entre personnes du même sexe, alors leur mariage est invalide dans les deux pays. La même règle s'applique aux personnes de sexes opposés qui veulent se marier. S'il s'agit, par exemple, de personnes ne professant pas la même foi et que la loi de leur pays interdit le mariage entre personnes de confessions différentes, alors leur mariage est invalide dans les deux pays.

Nous ne pouvons pas changer les lois des autres pays, mais nous pouvons modifier les nôtres. Le projet de loi modifiera la loi actuelle afin de rendre les mariages de non-résidents célébrés au Canada valides en vertu du droit canadien.

Le projet de loi ne se contente toutefois pas de valider les mariages célébrés en sol canadien entre non-résidents. La nouvelle loi éliminerait tout doute quant à la validité du mariage lorsque l'une des personnes est résidente canadienne et que l'autre ne l'est pas. La validation ne s'appliquera pas seulement aux mariages qui seront célébrés à l'avenir, elle s'appliquerait aussi à ceux qui l'ont déjà été, pourvu qu'on en ait établi la validité pour deux résidents canadiens. Ainsi, peu importe la date où ils ont été contractés, les mariages de non-résidents feront l'objet d'un traitement identique en vertu du droit canadien.

Il y aura inévitablement des couples qui auront mis fin à leur union. Pour tenir compte de ces cas, le projet de loi C-32 précise que, si un couple obtient une ordonnance de la cour — au Canada ou à l'étranger — qui déclare le mariage nul et non avenu ou qui prononce le divorce avant l'entrée en vigueur de la loi — ce qui s'est déjà produit à quelques reprises aux États-Unis —, le mariage est dissous.

La deuxième partie du projet de loi créerait une nouvelle procédure visant à permettre à un couple de non-résidents qui s'est marié au Canada de dissoudre le mariage à la suite d'une rupture. Les nouvelles procédures de divorce ont été prévues dans la Loi sur le mariage civil plutôt que dans la Loi sur le divorce.

La raison pour laquelle il existe des procédures distinctes de divorce, c'est que les mariages de résidents et de non-résidents correspondent à des situations juridiques fort différentes. À l'échelle internationale, la plupart des pays, notamment le Canada, exigent qu'une personne vive à l'intérieur de ses frontières pendant une période de temps minimale — le plus souvent, pendant au moins un an — avant de pouvoir demander le divorce ou toute autre ordonnance relative à celui-ci.

Plusieurs raisons justifient cette exigence en matière de résidence. Premièrement, cela permet de soumettre les différends au tribunal le mieux placé pour entendre la preuve et pour rendre une décision judiciaire éclairée. Il s'agira du tribunal ayant compétence dans le pays où vivent les époux et leurs enfants, et où sont habituellement situés leurs biens.

Deuxièmement, ces règles en matière de résidence permettent de mieux garantir que toute ordonnance de la cour concernant le divorce et d'autres questions sera reconnue et appliquée dans d'autres pays, au besoin.

Troisièmement, il existe partout dans le monde des exigences en matière de résidence visant à empêcher les gens de soumettre leurs différends dans un pays où ils ne résident pas simplement parce qu'ils croient pouvoir obtenir de meilleurs résultats que dans leur pays de résidence.

Cependant, bien que les exigences en matière de résidence soient logiques pour plupart des couples, il est évident qu'elles entraînent des difficultés pour les couples de non-résidents qui se sont mariés au Canada parce qu'ils ne pouvaient pas le faire dans leur propre pays. Pour plusieurs d'entre eux, le fait que leur mariage ne soit pas reconnu dans leur lieu de résidence signifie également qu'ils ne peuvent pas divorcer. Afin de faciliter le processus, le projet de loi C-32 créerait une procédure de divorce réservée à ces couples de non-résidents. Cette procédure est unique en son genre parce qu'elle est conçue pour répondre aux besoins particuliers de ces couples de non-résidents.

Il existe trois différences entre la nouvelle procédure de divorce prévue dans ce projet de loi et le processus inscrit dans la Loi sur le divorce qui vise les couples de résidents. Premièrement, les couples de non-résidents peuvent obtenir une ordonnance de divorce sans audience du tribunal. Deuxièmement, les époux doivent s'entendre pour soumettre une demande. Troisièmement, ils ne peuvent soumettre une demande qu'après avoir vécu séparément pendant au moins un an.

Premièrement, comme je l'ai expliqué il y a un instant, puisque les tribunaux ayant compétence dans le lieu de résidence des époux doivent prendre des décisions concernant notamment le soutien, les soins aux enfants, les biens et les pensions, la nouvelle procédure de divorce prendrait seulement la forme d'un examen sur dossier, sans audience du tribunal. La loi canadienne déterminerait seulement le processus de délivrance du certificat de divorce mettant fin à la situation matrimoniale du couple reconnue par le Canada aux termes du mariage conclu au Canada.

S'il est difficile pour certains couples de non-résidents de régler leur différend dans leur pays d'origine si leur mariage n'y est pas reconnu, dans bien des cas, il sera possible de le faire en vertu des lois reconnaissant les couples non mariés ou ayant une relation conjugale, ou en vertu de lois autres que celles liées au droit de la famille, comme le droit contractuel.

Le droit de la famille canadien s'applique aux résidents canadiens. Nos lois ne peuvent pas donner à des couples de non-résidents de nouveaux droits et de nouvelles responsabilités dans le pays où ils habitent. Même si des couples de non-résidents étaient en mesure de comparaître devant des tribunaux canadiens pour régler leurs différends, ils devraient payer des frais d'avocat pour obtenir du tribunal une ordonnance qui, de toute façon, risque fort de ne pas être exécutoire dans le pays d'où ils viennent. Si, dans le pays où ils habitent, les tribunaux ne reconnaissent pas leur mariage, ils ne reconnaîtront pas non plus le divorce ni toute ordonnance y étant reliée.

Deuxièmement, comme les couples de non-résidents doivent régler tout différend dans leur propre pays, les deux parties devront dorénavant donner leur consentement, ce qui constitue une composante essentielle de ce nouveau processus. Cette exigence diffère de la loi s'appliquant aux résidents canadiens, ce qui tient compte du fait que la situation juridique des couples de non- résidents est elle aussi très différente.

La demande de divorce étant une affaire juridique distincte — c'est-à-dire qu'il s'agit du seul aspect dont les tribunaux canadiens peuvent être saisis —, l'exigence visant le consentement des deux époux signifie que le couple a réglé ou est en voie de régler les difficultés découlant de sa rupture, comme la garde des enfants et la pension alimentaire dans le pays où ils habitent. Ainsi, les époux peuvent demander une ordonnance d'un tribunal canadien pour régulariser leur situation matrimoniale en vertu de la loi canadienne.

Il peut cependant y avoir des cas où l'un des époux est dans l'impossibilité d'obtenir le consentement de l'autre. Dans ces circonstances, il serait injuste de priver l'époux de tout moyen de dissoudre le mariage.

(1720)

Pour régler ce problème, le projet de loi C-32 permettrait à un tribunal canadien d'accorder le divorce sans le consentement de l'une des parties si le tribunal canadien ou un tribunal du pays de résidence de l'époux rend une ordonnance qui déclare l'une des trois choses suivantes : que l'autre époux est incapable de prendre des décisions en raison d'une incapacité mentale, qu'il est introuvable ou qu'il refuse son consentement sans motif valable.

Un époux pourrait déjà avoir obtenu une telle ordonnance dans le cadre d'une autre instance judiciaire intentée dans son propre pays. En outre, la Chambre des communes a amendé le paragraphe 7(2) que l'article 4 du projet de loi propose d'instaurer afin que les parties puissent s'adresser à un tribunal canadien pour obtenir une telle ordonnance, si elles le souhaitent; c'est de cet amendement dont j'ai parlé plutôt aujourd'hui.

La troisième différence est la suivante : les époux pourront présenter une demande seulement s'ils ont vécu séparément pendant au moins un an. Par contre, ils ne pourront pas invoquer les deux autres motifs de divorce prévus dans la Loi sur le divorce, soit l'adultère et la cruauté physique ou mentale. On tient compte ainsi du fait que la situation des non-résidents est particulière.

Le gouvernement ne doute pas du tout que certains non-résidents seraient capables d'établir qu'il y a eu adultère ou cruauté. Mais ces motifs de divorce entraînent souvent la présentation d'une preuve substantielle et la tenue de longues audiences, ce qui poserait problème et coûterait cher aux époux non résidents, alors que cela pourrait n'avoir aucune incidence sur l'ordonnance qui serait rendue, soit le divorce et la dissolution du mariage au titre de la loi canadienne.

Le projet de loi C-32 modifie la Loi sur le mariage civil afin de créer une nouvelle procédure de divorce pour les non-résidents parce que leur situation exige une solution adaptée à leurs besoins.

Le Canada ouvre la voie à une nouvelle ère grâce à cette mesure législative qui aplanira certaines difficultés.

La nouvelle procédure de divorce sera ajoutée à la Loi sur le mariage civil et non à la Loi sur le divorce, d'une part pour éviter toute confusion, d'autre part parce que la Loi sur le divorce traite de nombreux aspects qui vont au-delà du divorce lui-même et ne s'appliqueraient pas aux non-résidents. À titre d'exemple, d'après la Loi sur le divorce, l'avocat a pour devoir de parler à ses clients des possibilités de réconciliation et des services de médiation, des services auxquels les non-résidents n'auraient probablement pas accès.

La nouvelle procédure offerte aux non-résidents constitue une exemption spécifique à l'approche générale qui s'applique aux résidents, que ce soit au Canada ou dans les autres pays. La nouvelle procédure est différente parce que les couples de non-résidents ont des besoins différents. La Loi sur le divorce continuera d'encadrer le divorce de résidents canadiens. En effet, honorables sénateurs, il est logique que seuls les résidents canadiens puissent profiter pleinement des lois canadiennes.

Le gouvernement est fier d'appuyer cette mesure législative importante. J'encourage tous les sénateurs à appuyer le projet de loi C-32 et à l'adopter dans les plus brefs délais, afin que cette solution nécessaire puisse être mise en œuvre aussi rapidement et aussi efficacement que possible.

Le Canada reconnaît la portée symbolique et juridique du mariage entre deux personnes. Nous ne pouvons pas modifier les lois d'autres pays, mais nous pouvons trouver des façons de traiter tous les couples avec dignité et de respecter leur choix s'ils souhaitent se marier pour exprimer leur engagement réciproque.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions?

[Français]

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je serai vraiment bref sur ce projet de loi à ce stade du débat parce que je veux que nous le renvoyions cet après-midi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles afin que, sous la présidence du sénateur Runciman, nous puissions procéder demain à l'étude du projet de loi.

Je ferai seulement une précision cet après-midi. Comme l'honorable sénateur Carignan l'a souligné, l'origine de ce projet de loi découle d'une décision d'un tribunal ontarien qui opposait deux personnes de même sexe dans le contexte du mariage. Par contre, le projet de loi comme tel, que nous avons aujourd'hui devant nous, le projet de loi C-32, ne restreindra pas son application aux conjoints de même sexe. Je crois qu'il faut être très clair là- dessus.

[Traduction]

Je vais lire le sommaire, pour que tous comprennent bien le but du projet de loi. Les observations préliminaires du sénateur Carignan n'étaient sûrement pas mal intentionnées, mais je ne voudrais pas que les sénateurs croient que ce projet de loi s'adresse seulement aux couples de même sexe. Bien qu'il ait été conçu pour régler un problème qui touche les couples de même sexe, la solution proposée s'appliquerait au mariage civil de tous les types de couples. Je veux lire le sommaire, qui l'explique très clairement :

Le texte modifie la Loi sur le mariage civil afin de prévoir que tous les mariages célébrés au Canada entre non-résidents, qu'ils soient de même sexe ou de sexe opposé [...]

C'est limpide. Il n'y a pas la moindre confusion possible. Il n'est pas question de rouvrir le débat d'il y a huit ans sur la reconnaissance du mariage civil entre personnes de même sexe, auquel beaucoup de sénateurs avaient participé. Je rappelle à madame le leader adjoint que nous avions alors siégé jusqu'en juillet afin d'adopter le projet de loi — et je le dis sans la moindre arrière- pensée.

Son Honneur le Président a d'ailleurs pris part à ce débat. Nous étions convaincus que la question relevait directement des droits des minorités et, comme Son Honneur nous l'a rappelé hier, les droits des minorités sont prioritaires au Sénat. Nous n'avions donc pas voulu ajourner pour l'été sans avoir conclu le débat sur cette question.

Avec huit ans de recul, nous sommes à même de constater tous les progrès réalisés aux quatre coins du monde. D'autres pays nous ont emboîté le pas. Même si le Canada a été le troisième État à légiférer en matière de mariage civil entre conjoints de même sexe, et non le premier, une quinzaine d'autres ont, depuis, reconnu ce genre d'union, le tout dernier étant la France. Certains d'entre vous ont d'ailleurs dû entendre parler des remous qui ont secoué la société française à cet égard. J'ai fait plusieurs séjours à Paris au début de l'année, et j'ai participé à un débat public sur la question. Aux sénateurs qui pensent peut-être que le débat d'il y a huit ans a été tendu, je répondrai que c'était presque une discussion théorique en comparaison avec ce qui s'est vu là-bas. Pendant tout l'hiver et tout le printemps, des centaines de milliers de Français sont descendus dans la rue, encore et encore, pour défendre leur point de vue. L'Assemblée nationale a fini par adopter le projet de loi, et les choses se sont calmées, mais le Conseil constitutionnel avait encore la possibilité de contester les dispositions de la loi. Cependant, tout s'est réglé pour de bon à la fin de mai. Les premiers mariages ont donc eu lieu à la fin de mai et au début de juin.

Je rappelle à mon collègue et ami, le sénateur Segal, que nos homologues de Westminster ont adopté des dispositions semblables au début mars à la Chambre des communes, mais que la Chambre des lords est toujours saisie du projet de loi. La semaine dernière, la Chambre des lords a rejeté une motion visant à ce que le débat soit reporté. On peut donc s'attendre à ce que la Chambre des lords ait aussi à conclure le débat sur cette question avant l'ajournement pour la période estivale. La Grande-Bretagne et la France emboîteront alors le pas au Canada.

Je ne dis pas cela pour exalter votre patriotisme. Ce qu'il faut plutôt retenir, ce sont les propos du sénateur Black, à savoir que les tribunaux étrangers suivent et étudient ce que fait le Canada.

Je tiens d'ailleurs à le souligner : ce qu'a dit le sénateur Black est absolument vrai. Le Parlement du Commonwealth du Massachusetts a adopté une loi reconnaissant le mariage civil pour les personnes de même sexe et cette loi a été contestée devant les tribunaux. Or, le tribunal du Massachusetts qui a été saisi de l'affaire s'est appuyé sur les délibérations canadiennes et sur la décision de la Cour suprême du Canada pour établir que le projet de loi était constitutionnel.

Comme je l'ai dit au sénateur Carignan, j'ai eu l'occasion, au début du printemps, de participer à un colloque auquel participait aussi le juge Breyer, de la Cour suprême des États-Unis. Ce dernier m'a dit — et le Président pourrait le confirmer — que les juges de la Cour suprême des États-Unis s'entretiennent souvent avec les juges de la Cour suprême du Canada, qu'ils ont régulièrement des réunions et qu'ils ont certainement discuté de la façon dont la Cour suprême du Canada a abordé et traité cette question. Autrement dit, nos remarques au Sénat, celles des députés à la Chambre des communes et les raisons données par les tribunaux canadiens pour expliquer pourquoi ils ont conclu que la Loi sur le mariage civil était constitutionnelle sont d'une importance primordiale.

(1730)

Le sénateur Baker nous rappelle parfois à quelle fréquence la Cour suprême du Canada fait référence aux arguments que nous invoquons ici. Les sénateurs ne devraient pas être surpris d'apprendre que la Cour constitutionnelle à Paris s'est également penchée sur la décision de la Cour suprême du Canada et sur les débats du Sénat, surtout en ce qui concerne les raisons de la présentation de cette mesure législative.

Huit ans après toutes les prédictions pessimistes — qui n'avaient pas été faites avec de mauvaises intentions, car il est juste et intelligent quand on débat d'une question d'examiner toutes les possibilités — rien de mauvais ne s'est produit. Huit ans après, nous pouvons examiner cette décision historique avec un certain recul et, comme le sénateur Black l'a dit, nous sommes en mesure de passer à autre chose.

Ce projet de loi a été mûrement réfléchi. Je l'ai lu. Le sénateur Black l'a mieux expliqué que j'aurais pu le faire, surtout les amendements proposés hier au paragraphe 7(4) du projet de loi. C'était un amendement nécessaire parce que ce paragraphe mettait le sort des couples dans les mains d'un tribunal d'un pays qui est hostile aux conjoints de même sexe.

Nous avons tous voyagé à l'étranger, et nous savons malheureusement que la liberté dont nous bénéficions au Canada n'existe pas toujours dans les autres pays. Cet amendement répond à la préoccupation que j'avais quand j'ai lu le projet de loi.

Il serait certainement utile de procéder à une étude article par article demain au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles afin que nous puissions faire rapport du projet de loi avant que nous ajournions pour l'été.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est plus de 16 heures et que la période prévue pour les affaires du gouvernement est terminée, je déclare que, conformément à l'ordre adopté le 18 octobre 2011, le Sénat s'ajourne au jeudi 20 juin 2013, à 13 h 30.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 20 juin 2013, à 13 h 30.)

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