Débats du Sénat (Hansard)
2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 53
Le mardi 29 avril 2014
L'honorable Pierre Claude Nolin, Président intérimaire
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- Le décès de l'honorable James Michael (Jim) Flaherty, C.P.
- Le décès du très honorable Herbert Eser (Herb) Gray, C.P., C.C.
- Visiteur à la tribune
- Le décès du très honorable Herbert Eser (Herb) Gray, C.P., C.C.
- Les droits de la personne en Iran
- Le Mois de l'excavation sécuritaire
- AFFAIRES COURANTES
- La Société royale du Canada
- La Loi électorale du Canada
- Projet de loi sur l'accord définitif concernant les Tlaamins
- Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mardi 29 avril 2014
La séance est ouverte à 14 heures, le Président intérimaire étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le décès de l'honorable James Michael (Jim) Flaherty, C.P.
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, aujourd'hui, je tiens à rendre hommage à notre collègue Jim Flaherty, qui est décédé à la suite d'un problème cardiaque. Les nombreux éloges funèbres qui ont été prononcés pendant les jours qui ont suivi son décès ont montré très clairement à quel point il était apprécié et aimé de tout le monde. Des deux côtés de cette enceinte, des sénateurs ont livré des témoignages chargés d'émotion, qui ont fait ressortir le profond respect que chacun éprouvait à l'égard de Jim Flaherty, un véritable bourreau de travail.
[Français]
Après avoir œuvré comme avocat pendant plusieurs années, Jim Flaherty fait le saut en politique provinciale en 1995 pour occuper un poste de député, puis de ministre pendant une dizaine d'années au Parlement ontarien. C'est à l'élection fédérale de 2006 que notre ex-collègue sera élu au Parlement du Canada et immédiatement nommé ministre des Finances.
Après avoir reçu son nouveau mandat comme ministre des Finances du Canada, Jim Flaherty était prêt à réduire la dette fédérale et le fardeau fiscal des Canadiens.
[Traduction]
Grâce à son excellent travail en tant que ministre des Finances, M. Flaherty a laissé un précieux héritage à des millions de Canadiens et à plusieurs générations. Parmi ses réalisations, j'aimerais souligner le budget de 2008, dans lequel M. Flaherty a annoncé la création du compte d'épargne libre d'impôt. Grâce à cette mesure d'épargne enregistrée qui se démarque par sa souplesse, les Canadiens peuvent toucher des revenus de placement exempts d'impôt et économiser plus d'argent au cours de leur vie.
[Français]
En 2009, M. Flaherty est nommé « ministre des Finances de l'année » par un influent magazine économique européen, Euromoney, pour avoir agi rapidement face à la récession. Selon les analystes, Flaherty a « rehaussé la réputation de son pays grâce à une politique fiscale prudente, qui prend en compte la justice sociale, et en maintenant un régime de réglementation solide, qui a permis au secteur financier d'éviter le chaos de la récession. »
Depuis la création de ce prix en 1981, Flaherty est le seul ministre des Finances du Canada à avoir reçu cet honneur. Il est aussi le seul ministre des Finances qui soit resté en poste aussi longtemps au sein d'un gouvernement en situation minoritaire au Canada.
[Traduction]
Lors de l'annonce du décès de Jim Flaherty, le président du Conseil du patronat du Québec a déclaré ce qui suit au sujet de notre ancien ministre des Finances :
Jim Flaherty était un homme d'une grande valeur. Il a su démontrer sa grande foi en l'économie canadienne et envers les Canadiens. Ses budgets responsables ont réussi à nous faire passer à travers la crise de façon moins éprouvante que dans d'autres pays du G7, tout en maintenant une fiscalité globale plus compétitive pour les entreprises et pour les citoyens.
[Français]
Finalement, sa famille, ses amis ainsi que son entourage ont perdu un père, un mari, un ami et un collègue qui faisait preuve d'une loyauté et d'une rigueur exemplaires, et qui était doté d'une générosité remarquable et d'un sens de l'humour légendaire. En terminant, je tiens à offrir, en mon nom et au nom de notre caucus et de notre institution, mes plus sincères condoléances à sa femme, Christine, et à ses fils, Quinn, Galen et John. Merci pour tout, Jim.
[Traduction]
Le décès du très honorable Herbert Eser (Herb) Gray, C.P., C.C.
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je tiens à rendre hommage au très honorable Herb Gray, qui est décédé le 21 avril dernier.
Comment juge-t-on de la valeur d'un homme? On pourrait être tenté d'examiner les records qu'il a battus et les obstacles qu'il a éliminés. Il ne fait aucun doute qu'à cet égard, Herb Gray était un géant. Victorieux lors de 13 élections consécutives — il n'a jamais été battu —, il détient le record du député ayant siégé le plus longtemps sans interruption à l'autre endroit, soit 39 ans, 6 mois et 29 jours. Premier Juif à devenir ministre fédéral, il a occupé neuf postes au sein du Cabinet, dont celui de premier — une autre première — vice-premier ministre à temps plein du Canada.
(1410)
Aussi importants et impressionnants que soient ces faits, ils ne résument pas qui était vraiment Herb Gray, à mon avis. L'homme qu'était Herb Gray ne se mesure pas à des exploits, mais à la marque indélébile qu'il a laissée sur sa famille bien-aimée, les citoyens de Windsor, son parti et son pays.
Il a contribué à la conception du drapeau qui vole au-dessus de cet endroit et qui recouvrait son cercueil la semaine dernière, du régime public d'assurance-maladie, du Régime de pensions du Canada, du Programme canadien de prêts aux étudiants et de la Charte canadienne des droits et libertés. Ces éléments qui sont le fondement et la pierre angulaire de l'identité canadienne d'aujourd'hui sont des mesures qu'ont imaginées et concrétisées les gouvernements libéraux qu'Herb Gray a fièrement appuyés et servis au Parlement. Ils incarnent ce pour quoi il a servi ses concitoyens, parce qu'ils ont aidé et soutenu les Canadiens — tous les Canadiens —, quel que soit leur lieu de résidence et qu'ils soient riches ou pauvres, nouveaux immigrants ou Canadiens de longue date.
Tout cela était inscrit dans la nature profonde d'Herb Gray, que l'ancien premier ministre Paul Martin a résumée en ces mots : compassion et partage.
M. Martin a attribué ces qualités aux principes juifs que suivait M. Gray, et personne ne pourrait nier qu'il attachait une profonde importance à ses racines et à son héritage juif. Ses parents, immigrants du Bélarus, sont venus au Canada en quête de libertés et de possibilités qui leur étaient inaccessibles dans leur pays d'origine. Selon Herb Gray lui-même, son histoire est « celle de millions d'autres personnes qui ont fait du Canada ce qu'il est. L'histoire de ma famille fait partie de l'histoire des personnes constituant la grande famille canadienne qui a construit ce qui est jusqu'à maintenant le seul pays multiculturel et pluraliste à avoir fait ses preuves dans le monde. Nous y sommes parvenus ensemble. Nous avons édifié ce que sir Wilfrid Laurier appelait, il y a 100 ans, un Canada uni dans sa diversité. »
Comment juger de la valeur du très honorable Herb Gray? Il était après tout la fine fleur de l'identité canadienne. Devant des réalisations aussi nombreuses, il est tentant de reprendre les mots de Shakespeare et de dire que nous ne reverrons jamais son pareil, mais ce serait faux, car Herb Gray s'est employé à bâtir une nation où il espérait voir plus de gens comme lui, de différents horizons et de partout au pays.
Herb Gray était un parlementaire au sens le plus noble et le plus pur du terme. Il croyait très profondément que le Parlement est l'endroit où les grandes questions d'intérêt pour les Canadiens sont débattues et qu'il appartient au gouvernement de donner le ton au débat.
Il n'y a jamais eu politicien plus partisan que Herb Gray. Il était un libéral dans l'âme, mais être partisan ne voulait jamais dire gagner à tout prix. Il n'a jamais permis à la joute politique d'étouffer ses principes ou ses valeurs, parmi lesquels arrivait au premier plan un profond respect pour ses concitoyens de toutes les allégeances et opinions politiques, d'abord, mais aussi pour tous ses collègues parlementaires et ce qu'ils avaient à dire sur les questions du jour. Cela allait au-delà du respect pour la personne. M. Gray partait du principe que tous les parlementaires à l'autre endroit ont été élus par les Canadiens pour les représenter et que leur point de vue est digne de respect. Jamais il ne s'adonnait à des attaques personnelles contre ses adversaires politiques.
Quiconque a connu Herb connaît le rôle central, le rôle fondamental que jouait son épouse, Sharon Sholzberg-Gray, dans sa vie, de même que leurs enfants, maintenant des adultes, Elizabeth et Jonathan. Comment juger de la valeur d'un tel homme? Dans ce cas, il suffit de voir l'amour et la fierté reflétés par sa famille.
J'ai rencontré Herb Gray pour la première fois durant une période difficile pour le Parti libéral, après les élections de 1984.
Martin Luther King a déjà dit : « On mesure véritablement la valeur d'un homme non pas aux idées qu'il professe aux époques calmes et faciles, mais aux idées qu'il défend en temps de contestation et de controverse. » Quant à moi, je peux dire que Herb Gray a été inébranlable durant ces années de tourmente. Le respect et la confiance qu'il a gagnés auprès de ses collègues lui ont valu d'être nommé chef intérimaire après la démission de M. Turner et avant l'élection de M. Chrétien à la tête du parti.
Il en fut ainsi tout au long de sa carrière politique.
Au cours des dernières années, c'est-à-dire depuis que je suis leader de l'opposition au Sénat, même si M. Gray avait pris depuis longtemps sa retraite à titre de député, j'ai eu l'occasion de le consulter sur plusieurs dossiers. Il m'a toujours donné de bons et judicieux conseils bien ancrés dans des principes et des valeurs immuables. Son sens de l'humour empreint d'ironie, sa modestie et son dévouement à l'égard des gens de Windsor, de son parti et de son pays étaient incomparables.
La dernière fois qu'il a pris la parole à l'autre endroit, M. Gray a cité les paroles suivantes de Pierre Elliott Trudeau :
[...] si la nation canadienne survit, ce sera seulement grâce au respect et à l'amour que nous aurons les uns pour les autres. Chacun d'entre vous, chacun d'entre nous doit, de toutes ses forces, viser cet objectif dans sa vie quotidienne.
C'était bien plus que de simples mots. Tous ses proches pourraient confirmer que c'est ainsi que Herb Gray s'est appliqué à vivre sa vie.
Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour offrir vos condoléances à sa famille et à lui témoigner aussi notre gratitude, car Herb Gray était un grand politicien, un grand parlementaire et un Canadien exceptionnel.
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Frank Meyers, qui élève du bétail et cultive du maïs près de Trenton, en Ontario, sur des terres que le roi George III a accordées à sa famille il y a plus de 200 ans. Il est l'invité de l'honorable sénatrice Jaffer.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le décès du très honorable Herbert Eser (Herb) Gray, C.P., C.C.
L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, j'aimerais moi aussi dire quelques mots pour rendre hommage à un grand homme, à un grand parlementaire et à un grand Canadien. Le très honorable Herb Gray était une véritable institution à la Chambre des communes, car il a été à la tête de nombreux ministères. En fait, il a été le premier Juif à devenir ministre au Canada, et il a également été vice-premier ministre.
Nous savons tous qu'il était un parlementaire dévoué qui a représenté ses électeurs avec sagesse et esprit pendant près de 40 ans. Les habitants de sa circonscription, Windsor-Ouest, l'ont récompensé de son dévouement et de son service en l'élisant 13 fois de suite durant sa carrière politique fédérale, ce qui est tout un exploit.
J'ai eu l'honneur et le privilège insignes de siéger avec Herb à la Chambre des communes de 1988 à 1993. Je me rappelle toujours combien il était gentil et serviable avec moi quand je suis arrivée à Ottawa comme nouvelle députée en 1988. Il était toujours prêt à donner un coup de main et à offrir des conseils amicaux aux nouveaux députés qui débutaient à la Chambre. Sa vaste expérience et son énorme succès étaient toujours une grande source d'inspiration pour nous.
Il ne fait aucun doute qu'il était un grand parlementaire. Il a servi son pays avec distinction pendant près de 40 ans. Tout au long de sa carrière, il a fait preuve de classe et de décence, et il a été une source d'inspiration pour les autres. Il comprenait les préoccupations de ses électeurs, et il connaissait bien tous les dossiers qui aboutissaient sur son bureau.
Honorables sénateurs, Herb était un être humain exceptionnel. Je n'ai aucun doute qu'il manque beaucoup à sa famille, ainsi qu'à ses nombreux amis et collègues. Veuillez vous joindre à moi pour offrir nos plus sincères condoléances à son épouse, Sharon Sholzberg-Gray, à ses deux enfants, Elizabeth et Jonathan, ainsi qu'à ses huit petits-enfants, en cette très triste occasion.
Les droits de la personne en Iran
Maryam Shafipour
L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, j'aimerais attirer l'attention du Sénat sur les plus récentes violations des droits de la personne commises en Iran, plus particulièrement dans la prison d'Evin, à Téhéran, ainsi que sur le sort d'une prisonnière en particulier, Maryam Shafipour.
Le 17 avril, il y a 12 jours à peine, prétextant une inspection, quelque 100 gardiens ont attaqué les prisonniers du quartier 350, celui des prisonniers politiques, de la prison d'Evin. Ils les ont passés à tabac et plusieurs prisonniers saignaient, avaient des fractures et d'autres blessures. Pourquoi?
Parce que les gardiens ont essayé d'enrayer la fuite de renseignements concernant les conditions de détention horribles à la prison d'Evin. Pourtant, après l'attaque, les détails entourant ces atrocités ont été divulgués, grâce aux prisonniers, à leurs amis et à leur famille, qui sont très courageux, malgré le danger de mort.
Certaines personnes à l'extérieur de la prison se sont rasé la tête en signe de protestation et de solidarité.
Maryam Shafipour est l'une des prisonnières politiques de la prison d'Evin. Elle a 29 ans et était étudiante en génie agricole. Durant l'élection présidentielle de 2009, elle a appuyé la campagne du candidat de l'opposition, Mehdi Karoubi.
(1420)
En 2010, Maryam a été suspendue, puis renvoyée de l'université, pour avoir commis le crime de visiter les familles de prisonniers politiques et en raison de son association avec la campagne de Karoubi. À la même époque, elle a été condamnée à une peine d'un an avec sursis pour avoir fait de la « propagande contre le régime ».
Ce n'était que le début du malheureux parcours de Maryam. En juillet dernier, les autorités l'ont convoquée à la prison d'Evin pour répondre à des questions et elle s'y trouve depuis ce temps.
Maryam a d'abord été détenue en isolement cellulaire pendant deux mois, sans avoir le droit de parler à un avocat, puis elle a passé six autres mois avec les autres prisonniers, tout cela sans procès. Comme c'est le cas de plusieurs autres prisonniers en Iran, Maryam a été traitée avec cruauté pendant son interrogatoire.
En décembre dernier, le Comité des journalistes pour les droits humains en Iran a informé le monde que la santé de Maryam se détériorait. On lui a refusé l'IRM que le médecin de la prison avait recommandée.
Enfin, le 1er mars de cette année, Maryam a comparu devant un tribunal révolutionnaire. Elle a été déclarée coupable et condamnée à sept ans de prison pour avoir « fait de la propagande », « participé à des rassemblements et comploté » contre le régime. Maryam demeure incarcérée à la prison d'Evin et on s'attend à ce qu'elle y reste pour les sept prochaines années.
Songez à cette injustice et au gaspillage d'une vie. On peut dire la même chose au sujet d'un grand nombre de dissidents courageux qui sont actuellement incarcérés dans des prisons iraniennes. Qu'ils sachent que les sénateurs du Canada n'oublient pas leurs souffrances, en souhaitant que cela leur apporte un peu de réconfort.
Le Mois de l'excavation sécuritaire
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour aborder un sujet qui a des répercussions sur la sécurité des entrepreneurs, des travailleurs, des entreprises, des propriétaires et du grand public au Canada. La Canadian Common Ground Alliance, ou CCGA, a désigné le mois d'avril comme le Mois de l'excavation sécuritaire pour les propriétaires et les exploitants d'infrastructures enfouies partout au Canada.
L'excavation sécuritaire comporte trois volets. D'abord, avant de procéder à l'excavation, tant les entreprises que les particuliers qui souhaitent installer une nouvelle clôture sur leur propriété doivent s'informer par téléphone ou en ligne avant d'entreprendre leurs travaux. Ensuite, les propriétaires doivent avoir recours à des processus structurés et réglementés pour identifier leurs infrastructures souterraines. Ces renseignements doivent être transmis à une autorité réglementée ou structurée et doivent être consignés de manière à pouvoir être consultés facilement par les personnes qui s'apprêtent à excaver ou à creuser.
Nombre d'entre nous ne saisissent pas l'ampleur du réseau d'infrastructures souterraines du Canada. Il y a des millions de kilomètres d'infrastructures enfouies au pays, notamment des câbles électriques, des conduites de gaz et des câbles téléphoniques de même que des pipelines, des conduites d'eau et des installations de télécommunications. En Alberta seulement, la longueur totale du réseau d'infrastructures souterraines est de 2 millions de kilomètres.
Malheureusement, sans un engagement adéquat pour localiser les services et les processus, ces infrastructures peuvent être endommagées, et ces dommages peuvent entraîner des blessures graves et même la mort dans le cas des conducteurs d'excavatrice, des travailleurs, des membres du public et des premiers intervenants.
Les dommages causés aux infrastructures peuvent également entraîner des risques environnementaux importants ou des interruptions de service. En fait, selon la CCGA, les infrastructures souterraines du Canada sont endommagées en moyenne 8 000 fois par année ou environ 31 fois par jour ouvrable.
Les dommages causés aux infrastructures souterraines entraînent également des coûts importants pour les contribuables. En Ontario, avant l'adoption d'une loi en 2012 — et l'Ontario est la seule province à avoir adopté une telle loi —, les dommages causés aux infrastructures enfouies coûtaient plus de 33 millions par année aux contribuables ontariens. Depuis l'adoption de son projet de loi C-8, l'Ontario est devenu la seule province à adopter une loi exigeant l'enregistrement de toutes les infrastructures enfouies sous des emprises publiques auprès de l'organisme Ontario One Call. Le projet de loi C-8 est un modèle qui devrait être appliqué à toutes les administrations du pays — aux échelons provincial, municipal et même fédéral, dans la mesure où l'Office national de l'énergie du gouvernement fédéral et le CRTC ont compétence sur les infrastructures souterraines.
Des groupes comme la CCGA et son réseau d'homologues provinciaux ont été créés pour diminuer les coûts et accroître la sécurité. Ces groupes cherchent à réduire les dommages aux infrastructures souterraines à l'échelle du pays afin d'assurer la sécurité du public, des travailleurs et de la collectivité, la protection de l'environnement ainsi que l'intégrité des services en misant sur la prévention efficace des dommages.
En plus d'encourager les pratiques d'excavation exemplaires, la CCGA facilite la mise sur pied de centres de style « guichet unique » où toutes les demandes de localisation peuvent être coordonnées. Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles réalise actuellement une étude à ce sujet et produira son rapport très prochainement. Avec l'arrivée du printemps, les entrepreneurs et les propriétaires s'apprêtent à entreprendre leurs travaux extérieurs. La CCGA et ses pendants souhaitent rappeler à tous les Canadiens qu'ils doivent appeler ou cliquer avant de creuser.
AFFAIRES COURANTES
La Société royale du Canada
Dépôt du rapport annuel de 2013
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de la Société royale du Canada, conformément à l'article 9 de la Loi constituant en corporation la Société royale du Canada.
La Loi électorale du Canada
Projet de loi modificatif—Dépôt du sixième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles sur la teneur du projet de loi auprès du greffier pendant l'ajournement du Sénat
L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'informer le Sénat que, conformément à l'ordre de renvoi adopté par le Sénat le lundi 7 avril 2014, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a déposé son sixième rapport, un rapport intérimaire sur la teneur du projet de loi C-23, auprès du greffier du Sénat le mardi 15 avril 2014.
Projet de loi sur l'accord définitif concernant les Tlaamins
Première lecture
Son Honneur le Président intérimaire annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-34, Loi portant mise en vigueur de l'accord définitif concernant les Tlaamins et modifiant certaines lois en conséquence, accompagné d'un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis
La réunion hivernale de la National Governors Association, tenue du 21 au 24 février 2014—Dépôt du rapport
L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la réunion hivernale de la National Governors Association, tenue à Washington, D.C., du 21 au 24 février 2014.
PÉRIODE DES QUESTIONS
La défense nationale
L'expropriation des terres agricoles de Frank Meyers
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La question, ainsi que le préambule, a été présentée par Lisa Gibson au nom de Frank Meyers et des 56 000 personnes qui l'appuient.
Le forum des sénateurs libéraux a reçu près de 40 questions à ce sujet grâce à l'initiative « Votre période des questions ». La question retenue a été présentée au nom de Frank Meyers. Ma question est la suivante.
(1430)
Frank Meyers est un agriculteur de Trenton, en Ontario, âgé de 86 ans. Il est né dans l'exploitation agricole où il a travaillé toute sa vie. Ces terres ont été données à son ancêtre par le roi George III il y a plus de 200 ans en signe de reconnaissance pour ses services pendant la révolution américaine. Une patente de la Couronne, signée en mai 1978, a attribué ces terres à la famille Meyers pour toujours. Je souligne : pour toujours. Depuis, ces terres ont été expropriées par le ministère de la Défense nationale, qui entend y construire des installations de formation pour la force opérationnelle interarmées.
En somme, ces terres et cette exploitation agricole sont les seules choses que Frank ait jamais connues. Et elles lui sont arrachées. Il a travaillé inlassablement toute sa vie pour nourrir sa famille et l'ensemble des Canadiens. Il n'est donc que normal qu'on le tienne en la plus haute estime. Veuillez noter que nous avons plusieurs sujets de préoccupation à soulever au sujet de l'expropriation de cette exploitation agricole.
Monsieur le leader, le principal problème, c'est la disparition des terres agricoles au Canada. Vu l'augmentation de la population mondiale, nous avons besoin des meilleures terres agricoles. Au Canada, les terres du domaine public se comptent par millions d'acres. Ce sont des terres impropres à la culture, des terres qui appartiennent déjà à l'État, comme celles de Mountain View, tout près. Pourquoi ne peut-on pas construire la base sur ces terres?
Il semble totalement illogique de dépenser l'argent des contribuables pour exproprier des terres et construire une nouvelle base militaire, étant donné les bases qui ont été délaissées dans tous les coins du Canada. Il semblerait beaucoup plus pratique de remettre en état une base existante.
Voici la question que j'ai à poser au leader : pourquoi prive-t-on Frank Meyers des terres agricoles qui appartiennent à sa famille depuis 200 ans?
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je remercie l'honorable sénatrice pour sa question.
Comme vous le savez, notre gouvernement a investi et continue d'investir dans la création d'un nouveau centre d'entraînement à la base des Forces canadiennes de Trenton, qui permettra d'optimiser ses capacités en matière de formation et ses capacités opérationnelles.
Cet investissement favorisera également la création de centaines d'emplois dans la région et apportera des millions de dollars à l'économie locale.
Le gouvernement du Canada a traité cette expropriation foncière avec beaucoup de délicatesse et a offert à M. Meyers un dédommagement complet pour sa propriété.
Nous avons reçu l'assurance que les représentants du gouvernement ont toujours traité M. Meyers avec respect et ont tenu compte de sa situation particulière tout au long du processus. Des représentants du gouvernement du Canada et des Forces armées canadiennes ont également établi un calendrier de mise en œuvre flexible qui permettra à M. Meyers de déménager son matériel et ses biens de façon à ce que la prise de possession par la 8e Escadre de la base des Forces canadiennes de Trenton se fasse graduellement et dans le respect. M. Meyers habite d'ailleurs toujours sa maison, qui ne fait pas l'objet de l'expropriation.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Monsieur le leader, je vous suis très reconnaissante de votre réponse et de votre volonté de faire en sorte que M. Meyers soit parfaitement respecté au moment où on l'expulse de ses terres.
J'ai moi-même rencontré M. Meyers lorsque je me suis rendue à Trenton, et je puis vous dire que cet homme aime profondément les terres qu'il cultive. Il est absolument anéanti. Il n'y a pas de façon délicate de séparer un agriculteur de ses terres.
M. Meyers a affirmé que les soldats servent avec fierté leur pays, comme les anciens combattants l'ont fait. Ils doivent néanmoins se plier à des compressions généralisées. On ferme des bureaux du ministère des Anciens Combattants, ce qui rendra les programmes quasi inaccessibles. De plus, les soldats en service semblent aux prises avec une situation tragique en matière de santé mentale. Au lieu de bâtir de nouvelles bases militaires, le gouvernement ne devrait-il pas plutôt utiliser l'argent des contribuables pour offrir aux soldats des soins de santé et les nécessités de la vie qui leur font si cruellement défaut? Cela ne serait-il pas plus judicieux, à un moment où l'argent est rare, que de construire de nouvelles bases militaires?
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénatrice Jaffer, comme vous le savez, on essaie d'utiliser les deniers des contribuables de la façon la plus efficace possible.
Je comprends très bien ce qu'une personne qui est expropriée peut ressentir lorsque son bien est utilisé pour le service public. Ma famille aussi a été expropriée pour la construction d'un site de déchets. Imaginez les terres ancestrales sur lesquelles on a construit un site de déchets. Lors de la construction de l'aéroport de Mirabel, la famille de ma conjointe a également fait l'objet d'une expropriation par le premier ministre Trudeau, qui avait exproprié des terres inutilement, terres qui ont été rétrocédées par notre gouvernement.
Je comprends très bien comment on peut se sentir lorsqu'on est victime d'expropriation mais, dans le cas précis que vous avez soulevé, notre gouvernement a agi avec beaucoup de délicatesse et a offert à M. Meyers un dédommagement complet pour sa propriété, délicatesse dont j'aurais moi-même aimé bénéficier lors de négociations tenues avec le gouvernement antérieur, au sujet d'autres dossiers.
[Traduction]
L'honorable Jim Munson : Sauf votre respect, le Canada est un vaste pays. Comment s'y prend-on pour exproprier « avec délicatesse » celui à qui on enlève ses terres?
[Français]
Le sénateur Carignan : L'expropriation est toujours un acte difficile. Dans l'intérêt public, on doit balancer les intérêts collectifs et les intérêts privés. Comme je l'ai expliqué, M. Meyers occupe toujours sa résidence et l'occupation des lieux se fait de façon graduelle.
Comme je l'ai dit, nous avons reçu l'assurance que les représentants du gouvernement ont agi avec doigté pendant les discussions qui ont mené à l'expropriation. Je pense que c'est la bonne façon de faire.
Malheureusement, de temps à autre, les biens privés doivent servir dans l'intérêt collectif. Dans ces cas, les représentants du gouvernement se doivent d'agir de façon délicate, et c'est l'assurance qu'on nous a donnée dans ce cas.
[Traduction]
L'honorable Terry M. Mercer : Il est intéressant, sénateur Carignan, que vous parliez d'intérêt collectif. Poursuivons ce débat en prenant pour exemple la situation de M. Meyers.
Selon Agriculture et Agroalimentaire Canada, le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire apporte une contribution de 100 milliards de dollars au produit intérieur brut du Canada. C'est plus que le PIB national des deux tiers des pays de la planète.
Selon CropLife Canada, un Canadien sur trois vivait dans une exploitation agricole en 1931. Aujourd'hui, c'est 1 sur 46. Actuellement, un emploi sur huit au Canada est lié à l'agriculture.
Tous les sénateurs seront renversés en entendant la prochaine statistique. La demande mondiale de denrées alimentaires devrait augmenter de 70 p. 100 d'ici 2050. Je répète : 70 p. 100.
Le leader du gouvernement pourrait-il nous expliquer pourquoi le gouvernement permet l'expropriation d'encore une autre exploitation agricole alors que nous en aurons désespérément besoin à l'avenir, dans l'intérêt collectif, pour nourrir les Canadiens et le monde entier?
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénateur Mercer, lorsque vous parlez de statistiques dans leur ensemble, et que vous essayez de faire le lien avec une situation en particulier, je pense que vous faites de la désinformation. La situation dont il est question concerne l'agrandissement de la base militaire. On ne peut pas faire le parallèle que vous évoquez.
Je pourrais ajouter qu'avant la pause, vous m'avez vous-même posé des questions sur les chemins de fer et le problème auquel nous faisions face avant que la ministre Raitt prenne des décisions en ce qui concerne le transport des céréales. Les récoltes étaient trop importantes et avaient été fructueuses. Nous devons gérer les récoltes qui sont fructueuses, et nous avons pris des décisions en matière de transport par chemin de fer.
Chacun de ces problèmes entraîne des prises de décisions. On ne peut pas faire le lien que vous faites, car cela crée une désinformation.
(1440)
Ici, il y a une situation particulière en Ontario, soit l'agrandissement de la base militaire. Malheureusement pour M. Meyers, son terrain se situe à côté du centre d'entraînement qui est nécessaire pour exercer la formation et les capacités opérationnelles de la base.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Votre Honneur, je suis vraiment désolé de mettre le leader du gouvernement au Sénat mal à l'aise, mais il reste qu'il inflige à M. Meyers un malaise encore plus grand.
En passant, monsieur le leader, dans votre réponse à la question que j'ai posée avant la pause concernant le transport des céréales en provenance de l'Ouest du Canada, vous avez dit « les récoltes étaient trop importantes ». Voilà 10 ans que je siège au Comité de l'agriculture et je n'ai jamais entendu un agriculteur déclarer : « J'ai produit trop de céréales l'an dernier; mes récoltes sont trop importantes. » Il s'agit d'un problème que tous les agriculteurs aimeraient avoir.
Honorables sénateurs, M. Meyers est âgé de 86 ans. Toute sa vie, il a géré sa ferme et y a vécu. Il est pour quelque chose dans la contribution de presque 100 milliards de dollars que le secteur de l'agriculture fait annuellement au PIB canadien, et dans le montant de plus de 90 milliards de dollars généré chaque année par la fabrication des aliments et des produits alimentaires.
Pourquoi le gouvernement permet-il la destruction de fermes familiales, alors que celles-ci revêtent une si grande importance pour l'économie d'aujourd'hui et de demain, comme c'était le cas pour l'économie d'hier?
[Français]
Le sénateur Carignan : Au moins, dans ce cas-ci, on a l'assurance que le gouvernement investit dans un nouveau centre d'entraînement à la base des forces armées de Trenton, lequel permettra des économies. Je vous ai rappelé la fin des années 1960 et j'ai évoqué l'exemple de l'aéroport de Mirabel, quand votre ancien chef, M. Trudeau, le père de l'autre, a exproprié des fermes et des terres en quantités beaucoup plus importantes qui n'ont jamais été utilisées dans l'intérêt public.
[Traduction]
Les pêches et les océans
Les espèces en péril—Le rorqual à bosse
L'honorable Grant Mitchell : J'ai le plaisir de poser une question au nom de Jeremy Godfrey, d'Halifax en Nouvelle-Écosse. M. Godfrey s'inquiète du fait que le gouvernement ait retiré le rorqual à bosse de la liste des espèces en péril. Il demande des précisions à ce sujet; si le leader du gouvernement au Sénat ne peut donner une réponse aujourd'hui, il peut s'engager à le faire plus tard.
Je vais citer la question de M. Jeremy Godfrey :
Pouvez-vous expliquer en détail le processus ayant mené à la décision du gouvernement du Canada de réviser à la baisse les mesures de protection des rorquals à bosse au large des côtes de la Colombie-Britannique qui sont prévues dans la Loi sur les espèces en péril?
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, cette décision a été prise en fonction de recommandations fondées sur des données scientifiques et formulées par un comité d'experts indépendants. Les recommandations du comité sont demeurées constantes depuis 2011 et ont fait l'objet d'un long processus de consultation. Bien que cette reclassification soit encourageante et montre que la population de rorquals à bosse du Pacifique Nord continue d'augmenter, les baleines et leurs habitats resteront néanmoins protégés par les solides dispositions de la Loi sur les pêches, du Règlement sur les mammifères marins, ainsi que de la Loi sur les espèces en péril. Je veux également citer la professeure Marty Leonard, de l'Université Dalhousie, qui est la directrice du COSEWIC et qui s'est exprimée ainsi :
[Traduction]
Nous n'allons pas nous préoccuper de la dimension politique ni des autres dimensions de la question. Nous examinerons simplement les données scientifiques biologiques et nous fonderons notre décision sur celles-ci.
[Français]
La professeure Leonard affirme également ce qui suit :
[Traduction]
Il n'y a pas d'ingérence politique.
[Français]
Honorable sénateur, vous qui ne cessez de nous reprocher de ne pas nous fier à la science et de cesser d'investir dans la science, vous nous attaquez à tort. S'il vous plaît, ne nous reprochez pas d'agir en conformité avec la science.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : De nombreux scientifiques seraient en désaccord avec Mme Leonard. Je me demande si le gouvernement et même Mme Leonard sont conscients du fait que la population de rorquals à bosse recommence à augmenter — cela fait maintenant 30 ans que cette population a recommencé à augmenter, de 5 à 7 p. 100, ce qui n'est pas une énorme augmentation — grâce au programme qui a été mis en œuvre pour protéger les espèces en péril. N'est-ce pas là une bonne raison de poursuivre ce processus, au lieu d'y mettre fin?
[Français]
Le sénateur Carignan : Comme je l'ai dit, la décision a été prise en fonction de recommandations fondées sur des données scientifiques et formulées par un comité d'experts indépendants. Les recommandations du comité sont demeurées constantes depuis 2011 et ont fait l'objet d'un long processus de consultation.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Le leader a parlé du COSEWIC, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Il s'agit peut-être d'un comité indépendant, mais son site web est hébergé sur le serveur d'Environnement Canada. Combien de groupes qui ne bénéficient pas de l'appui du gouvernement — ou plutôt, combien de groupes entièrement indépendants — sont mentionnés sur les sites web du gouvernement? Nous avons constaté que toutes sortes de références sont modifiées sur les sites web du gouvernement dès que certains groupes osent s'opposer aux mesures que le gouvernement entend prendre.
[Français]
Le sénateur Carignan : Lorsque c'est le sénateur Mitchell qui attaque les organismes à but non lucratif qui ont un caractère scientifique et environnemental, on aura tout vu. Comme je l'ai dit tout à l'heure, pour revenir au cœur du sujet, la reclassification de cette espèce est encourageante et montre que la population de rorquals à bosse du Pacifique Nord est en croissance, qu'elle continue d'augmenter. Ces baleines et leur habitat continueront d'être protégés en vertu des dispositions de la Loi sur les pêches, du Règlement sur les mammifères marins ainsi que de la Loi sur les espèces en péril. L'encadrement législatif et réglementaire est donc présent pour que cette espèce puisse continuer à croître.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Le gouvernement a-t-il songé ou envisage-t-il de songer aux conséquences, pour l'avenir de la population de rorquals à bosse, d'une autorisation de l'oléoduc Gateway et d'une circulation accrue de pétroliers dans l'habitat de cette baleine?
[Français]
Le sénateur Carignan : Les lois qui concernent les mammifères marins, comme la Loi sur les espèces en péril et la Loi sur les pêches, vont continuer à s'appliquer et à permettre d'encadrer la vie des 18 000 rorquals à bosse qui se trouvent dans cette région.
[Traduction]
L'honorable Wilfred P. Moore : Monsieur le leader, j'ai une question complémentaire au sujet des chiffres utilisés dans cette récente reclassification du rorqual à bosse du Pacifique. La décision est-elle fondée sur les données observées lorsque l'animal a été inscrit sur la liste des espèces en voie de disparition ou sur des données plus actuelles?
Il se peut que vous n'ayez pas la réponse sous les yeux, mais j'aimerais savoir sur quoi se fonde cette récente recommandation, c'est-à-dire si elle se fonde sur les données de l'époque où le rorqual à bosse du Pacifique a été ajouté à la liste des espèces en voie de disparition ou sur des données plus récentes.
Si vous n'avez pas la réponse aujourd'hui, monsieur le leader, pourriez-vous tenter de l'obtenir? Je suis curieux.
[Français]
Le sénateur Carignan : Cette décision a été prise en fonction de recommandations fondées sur des données scientifiques et faites par un comité d'experts indépendants. Les recommandations du comité sont demeurées constantes depuis 2011 et ont fait l'objet d'un long processus de consultation.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Je vous ai entendu répondre la même chose au sénateur Mitchell, mais cela ne répond pas à ma question. Peut-être pourriez-vous vérifier les chiffres que je vous ai demandés. Si vous n'avez pas la réponse aujourd'hui, je peux attendre, mais j'aimerais savoir sur quels chiffres précisément on s'est fondé pour en venir à cette recommandation.
(1450)
[Français]
Le sénateur Carignan : Je peux vérifier s'il est possible d'avoir accès à l'étude scientifique et au rapport. Peut-être pourriez-vous les obtenir également. Le sénateur Mitchell a mentionné le site web de l'organisme. Je ne sais pas si les documents sont affichés sur le site web. Je l'ai déjà dit, mais je vais le répéter : cette décision est basée sur des recommandations faites par l'organisme scientifique à ce comité, et sur des données scientifiques qui sont demeurées constantes depuis 2011.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur la Journée Lincoln Alexander
Troisième lecture—Ajournement du débat
L'honorable Don Meredith propose que le projet de loi S-213, Loi instituant la Journée Lincoln Alexander, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je parlerai du projet de loi S-213, Loi instituant la Journée Lincoln Alexander.
Avant de commencer ma brève intervention, je tiens à remercier les membres du Comité des affaires sociales et la sénatrice Merchant d'avoir appuyé le projet de loi visant l'instauration de la Journée Alexander Day, ainsi que tous ceux qui ont pris la parole pour souligner la valeur de cet homme et sa contribution au Canada.
Notre pays a été fondé sur un idéal : le sens civique, qui est lui-même ancré dans la démocratie. Cet idéal est la pierre d'assise d'une société pacifique où nulle valeur n'est plus importante que l'égalité. J'ose dire que l'honorable Lincoln MacCauley Alexander incarnait cet idéal et qu'il l'a défendu toute sa vie avec force dignité et une détermination inébranlable.
Grâce à l'hommage qui lui est rendu aujourd'hui, nous rendons justice à l'histoire et nous célébrons la citoyenneté canadienne à son meilleur. Profitons-en pour nous rappeler que chacun d'entre nous doit la faire sienne, la promouvoir, la renforcer et la cultiver.
L'honorable Lincoln MacCauley Alexander n'était pas le genre d'homme qui reculait devant les défis, aussi colossaux fussent-ils. Il pouvait compter sur son sens du devoir pour surmonter ces défis.
Honorables sénateurs, la preuve réside dans les cinq jalons qui ont marqué sa vie et qui montrent que sa volonté de servir les Canadiens n'avait d'égale que son souci de justice pour tous, indépendamment de la couleur de la peau.
Lincoln Alexander a posé son premier jalon en s'enrôlant dans l'Aviation royale du Canada au cours de la Seconde Guerre mondiale, dont nous célébrons cette année le 75e anniversaire. Cet homme de conviction n'a pas hésité à s'engager lorsque son idéal — un monde libre et juste — a été menacé. Il était tout aussi désireux de combattre face à l'intolérance de l'époque quand, pour reprendre ses propres mots, « les gens ne savaient pas comment traiter les questions de race ».
En fait, lorsqu'il a dit à un officier supérieur qu'on avait refusé de servir dans un bar à cause de la couleur de sa peau et que l'officier n'a rien fait pour remédier à la situation, Lincoln Alexander a quitté l'aviation par principe, obtenant une libération honorable.
Honorables sénateurs, le deuxième jalon que je voudrais porter à votre attention est son entrée sur la scène politique fédérale parce qu'il voulait s'occuper de sa collectivité bien-aimée, Hamilton-Ouest, et contribuer à l'édification de son pays. Il a été élu à quatre reprises pour représenter ses concitoyens au Parlement canadien. En 1979, il a été nommé ministre du Travail.
Lincoln Alexander a été le premier député fédéral noir du Canada et le premier Noir à être nommé ministre. Il s'est acquitté de ses fonctions avec passion et un sens clair des responsabilités car il était conscient de la nécessité de combattre les préjugés et de servir de modèle de comportement pour toutes les minorités raciales et pour quiconque estimait avoir droit à une participation pleine et égale au développement de notre pays.
Ses victoires électorales témoignent de la confiance qu'il a su inspirer à ses concitoyens. Malgré de lourdes responsabilités, cet homme — que ses proches appelaient affectueusement Linc — était aimé et admiré de tous.
Le troisième jalon a été posé lorsque Lincoln Alexander a été appelé à continuer à servir le Canada à titre de 24e lieutenant-gouverneur de l'Ontario. Une fois de plus, ce fut une nomination historique puisqu'il a été le premier Canadien noir à occuper ce prestigieux poste.
Il a rempli ses fonctions avec distinction pendant six ans. Au cours de cette période, il a réussi à rallier les jeunes de l'Ontario et à leur inculquer les notions d'engagement social et d'excellence.
Honorables sénateurs, Lincoln Alexander n'a jamais rechigné à l'ouvrage. Durant son mandat, il a visité plus de 672 collectivités, dont 230 écoles, a assisté à 4 000 cérémonies et a reçu quelque 75 000 personnes. Cela donne une idée de l'ampleur des fonctions qu'il a assumées.
Pour beaucoup de gens, dont le révérend Francis Chisholm, qui a participé à sa cérémonie d'installation, c'était un homme qui jugeait important de parler à ses congénères avec franchise et simplicité.
C'est la « touche Lincoln » qui lui a acquis sa réputation de personnalité facile d'approche et a fait de lui un homme influent partout où il est allé.
Il a posé son quatrième jalon en se distinguant à titre de champion de l'éducation parmi les jeunes, et surtout ceux qui en avaient été privés ou croyaient en avoir été privés parce qu'ils étaient différents ou à cause de la couleur de leur peau.
Le titre de ses mémoires, Go to School. You're a Little Black Boy — Va à l'école, tu es un petit garçon noir —, qui rappelait le conseil que lui donnait incessamment sa mère, en dit long sur sa philosophie de l'éducation pour tous, sans exception.
Ayant été l'un des premiers diplômés canadiens noirs de la faculté de droit d'Osgoode Hall, il avait compris à quel point l'éducation est importante et nécessaire. Il n'est donc pas surprenant, honorables sénateurs, que ce partisan passionné du droit à l'éducation soit devenu chancelier de l'Université de Guelph et qu'il ait conservé ce poste plus longtemps que n'importe qui d'autre dans l'histoire de cet établissement.
(1500)
Le cinquième et dernier jalon dont je voudrais vous parler est la présidence de la Fondation canadienne des relations raciales. C'est dans ces fonctions que l'honorable Lincoln Alexander a poursuivi son idéal de justice et a combattu le racisme sous toutes ses formes dans notre société. La sauvegarde d'une organisation dont le premier objectif était d'éliminer le racisme et de favoriser des relations raciales harmonieuses dans un pays de plus en plus multiculturel et de plus en plus fier de sa diversité constituait une étape naturelle de la carrière et de la vocation de cet homme exceptionnel.
L'honorable Lincoln MacCauley Alexander savait mieux que personne que le racisme ne pouvait pas disparaître du jour au lendemain. Tout le long de son illustre carrière, il a su montrer le courage et la générosité nécessaires pour le dénoncer et y substituer un dialogue fructueux pouvant susciter l'espoir. Ce fut la mission de sa vie, qui se perpétuera grâce à l'impression qu'il a laissée dans nos mémoires collectives.
Bref, voilà quel genre d'homme était Lincoln Alexander. Il a ouvert la voie à tant d'autres, y compris votre serviteur, qui est le quatrième Afro-Canadien à faire partie du Sénat. Source d'admiration pour tous les Canadiens, cet homme nous rappelle que, dans ce pays, rien n'est impossible pour ceux qui croient à un idéal de liberté et de justice. C'est un homme dont nous voulons préserver l'exemple pour les générations futures en désignant le 21 janvier comme Journée Lincoln Alexander dans tout le Canada.
Je vous remercie, honorables sénateurs. Que sa mémoire reste longtemps vivante parmi nous.
(Sur la motion du sénateur Eggleton, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur la Journée nationale du violon traditionnel
Deuxième lecture
L'honorable Elizabeth Hubley propose que le projet de loi S-218, Loi instituant la Journée nationale du violon traditionnel, soit lu pour la deuxième fois.
— Bon après-midi, honorables sénateurs. Je prends la parole aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture de mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi S-218, Loi instituant la Journée nationale du violon traditionnel.
J'ai reçu beaucoup de commentaires positifs depuis que j'ai présenté ce projet de loi. L'intérêt et le soutien manifestés m'encouragent beaucoup. Par ailleurs, certains de mes collègues m'ont demandé ce qui justifiait l'institution, au Canada, d'une journée spéciale consacrée au violon traditionnel.
J'espère que ce que je dirai aujourd'hui répondra à la question et convaincra tous les sénateurs d'appuyer le projet de loi.
Honorables sénateurs, permettez-moi de vous expliquer pourquoi j'ai décidé de présenter ce projet de loi à ce moment-ci. Premièrement, 2014 marque le 25e anniversaire de la Canadian Grand Masters Fiddling Association. Cette association est composée de personnes de tous les coins du pays qui s'emploient à garder vivante la pratique du violon traditionnel chez nous. Une journée nationale du violon traditionnel les y aiderait.
Deuxièmement, 2014 est une année marquante au Canada, puisque nous célébrons le 150e anniversaire de la Conférence de Charlottetown. Honorables sénateurs, n'est-ce pas le moment idéal pour reconnaître une forme de musique qui nous unit tous et qui a grandement contribué à disposer les Pères fondateurs à mettre de côté leurs divergences mineures pour s'entendre et former un pays?
Troisièmement, la Journée mondiale du violon traditionnel a été célébrée pour la toute première fois l'an dernier, après une longue campagne de la part d'un certain nombre de violoneux de réputation mondiale, dans le but de favoriser la reconnaissance de ce genre de musique et d'en souligner la beauté et l'histoire dans le monde entier. Une journée nationale du violon traditionnel nous ferait aller encore plus loin en reconnaissant à la fois l'importance historique du violon traditionnel et les musiciens passionnés qui en jouent avec enthousiasme.
Je sais qu'il n'est pas dans la nature des Canadiens d'être agressifs ou trop entreprenants. À cet égard, il semble que la production de sirop d'érable, le hockey sur glace et la gestion prudente de l'économie soient des exceptions notables. Je voudrais ajouter à cette liste la reconnaissance du violon en tant qu'art qui revêt une importance nationale et qui, à mon avis, reflète le caractère unique de la culture et de la personnalité du Canada et des Canadiens.
Permettez-moi d'expliquer cet élan de fierté inhabituel.
Selon moi, les symboles d'une nation donnent un éclairage intéressant sur sa psyché collective. Par exemple, le fait que les États-Unis et la Russie aient tous deux choisi des animaux agressifs et prédateurs comme expression de leurs ambitions nationales n'est pas une coïncidence. L'aigle et l'ours sont des animaux féroces et territoriaux. Par contraste, nous, Canadiens, avons choisi le castor discret et industrieux — travailleur, acharné, déterminé à construire l'infrastructure adéquate, très sociable et parfaitement adapté à notre environnement souvent inhospitalier.
De la même façon, l'art du violon traditionnel, sous toutes ses formes et styles, est très révélateur de la nation canadienne.
Le violon a été apporté au Canada par les jésuites, au XVIIe siècle. Cet instrument à la fois humble et complexe a servi de catalyseur au développement culturel d'un bout à l'autre du pays. Depuis les premiers jours de la Nouvelle-France, à l'époque où il servait de divertissement aux membres de l'Ordre de Bon Temps, le violon joue un rôle de premier plan dans l'identité musicale du Canada. En fait, il n'est pas exagéré de dire que le violon est le fondement musical de notre culture en tant que nation et confédération de régions.
Les premiers colons français et les célèbres coureurs des bois ont apporté des violons lorsqu'ils sont allés dans le Nord et dans l'Ouest. Ils ont fait connaître cet instrument aux peuples autochtones. Les Acadiens qui, à l'origine, s'étaient installés dans les Maritimes, avaient leur propre style particulier, qui s'inspirait des influences européennes du Sud de la France. Ils ont eux aussi fait connaître leur style aux nations autochtones de l'Est, notamment les Mi'kmaq et les Malécites.
Plus tard, les colons celtes du XVIIIe et du XIXe siècles nous ont fait connaître leur façon unique de jouer du violon. Ensuite, au début du XXe siècle, ce fut au tour des immigrants d'Ukraine et d'autres pays de l'Europe de l'Est de nous faire découvrir une autre sorte de musique. Tous ces styles de violon reflètent la diversité régionale de notre grand pays. À l'image de chacune des cultures qui ont façonné notre pays, les divers styles de violon traditionnel reflètent les particularités des peuples dont nous sommes issus, et du peuple que nous sommes devenus.
(1510)
Malgré les différences régionales, nous avons tous un patrimoine commun qui nous unit et nous permet de rendre hommage à notre histoire, à nos ancêtres et à nos racines culturelles. Le violon traditionnel transcende les barrières linguistiques et culturelles. Voici comment la violoniste traditionnelle de renommée internationale Natalie MacMaster a exprimé son appui à ce projet de loi :
Lorsque je suis en tournée au Canada, je suis toujours étonnée de voir à quel point le violon traditionnel rassemble les gens d'un bout à l'autre du pays. Il fait partie d'une multitude de traditions particulières, et de toutes les cultures.
Honorables sénateurs, au Canada, l'arbre généalogique du violon traditionnel comprend de nombreuses branches, mais il y a cinq ou six styles qui se distinguent, que ce soit par le maniement de l'archet, le doigté, les fioritures, ou les airs distinctifs.
Le style le plus ancien est le style canadien-français, qu'on retrouve surtout au Québec et en Acadie, ainsi qu'au Labrador et sur la côte Ouest de Terre-Neuve. C'est le style de violon traditionnel qui a été apporté au Nouveau Monde durant les années 1600, et qui a été transmis de génération en génération par des gens comme Albert Allard, Omer Dumas, Tommy Duchesne et Théodore Duguay. Les violonistes qui pratiquent aujourd'hui ce style, comme Albert et Hélène Arsenault, de l'Île-du-Prince-Édouard, et le groupe Leahy, de la vallée de l'Outaouais, intègrent à leur musique les influences française et écossaise présentes dans leur communauté d'origine.
Une sous-catégorie du style canadien-français, le style métis, se trouve principalement dans le nord-ouest des Prairies, et dans le Nord de l'Ontario et du Québec. Les adeptes les plus notables de ce style sont Andy DeJarlis, Reg Bouvette et Mel Bedard.
J'ai trouvé encourageant d'apprendre, en écoutant une récente déclaration de notre honorable collègue, la sénatrice Jaffer, que les écoles Frontier du Manitoba avaient décidé d'ajouter le violon à leur programme d'études. Des professeurs de violon parcourent la province afin d'enseigner leur art à plus de 2 000 étudiants. Dans sa déclaration, la sénatrice Jaffer nous a expliqué comment ce programme a donné aux étudiants d'origine autochtone et métisse une occasion unique de célébrer leur communauté, leur culture et leur patrimoine. C'est une importante initiative. Le conseil scolaire mérite des félicitations pour son leadership et sa clairvoyance.
Dans le domaine du violon traditionnel, le style écossais est l'un des plus dominants. Il se subdivise lui-même en deux sous-styles, celui du Cap-Breton et celui des Mi'kmaq. Le style écossais constitue une forme de violon traditionnel qu'on trouve surtout au Cap-Breton, à l'Île-du-Prince-Édouard, dans certaines parties de Terre-Neuve ainsi que dans quelques localités de l'Ontario et de l'Ouest. Le style du Cap-Breton est le plus important du genre écossais au Canada. Les joueurs les plus connus d'hier et d'aujourd'hui sont Winston « Scotty » Fitzgerald, Winnie Chafe, Buddy MacMaster et sa nièce Natalie, Richard Wood, les membres de la famille Chaisson, de l'Île-du-Prince-Édouard et, bien sûr, Ashley MacIsaac.
Le style mi'kmaq, et plus particulièrement celui dont le défunt Lee Cremo s'était fait le promoteur, a sensiblement influencé le violon traditionnel au Cap-Breton et dans le reste de la Nouvelle-Écosse.
Il y a aussi le style de Terre-Neuve aux profondes racines irlandaises, qui a également subi l'influence des Acadiens de la côte Ouest de la province. À Terre-Neuve-et-Labrador, plusieurs des violoneux bien connus du siècle dernier, y compris Teddy Blanchard, Rufus Guinchard et Émile Benoît, avaient de fortes racines acadiennes qui se manifestaient dans leur jeu. Les interprètes modernes tels que Kelly Russell ont repris le flambeau et transcrit de nombreuses mélodies créées par ces légendes du violon.
Le style anglo-canadien est l'un des plus populaires des provinces de l'Ouest. Il s'agit d'un intéressant mélange des airs écossais, irlandais, anglais, allemands, ukrainiens et américains de type swing popularisés par l'avènement de la radio pendant les premières années du XXe siècle. On lui donne souvent le nom de style « de l'Est » ou « des Maritimes », mais ces désignations géographiques reflètent surtout l'origine de son principal interprète, Don Messer, musicien bien connu des Martimes. Les autres interprètes célèbres de ce style sont King Ganam, animateur bien connu de l'émission Country Hoedown, Al Cherney, qui a été pendant des années le violoneux attitré du Tommy Hunter Show, Ivan Hicks, du Nouveau-Brunswick, ainsi que les sensationnels Calgary Fiddlers de l'Alberta.
Honorables sénateurs, aujourd'hui, les interprètes modernes du violon traditionnel ont le plus souvent fait des études poussées en musique, ce qui leur donne accès à une variété encore plus étendue de styles. Plusieurs d'entre eux essaient même de combiner des styles aussi différents que le klezmer et le celtique. De même, le violon traditionnel est de plus en plus souvent adopté comme instrument régulier dans tous les genres de musique, qu'il s'agisse de folklore, de new age, de country, de bluegrass ou de jazz. Nous assistons par conséquent à une résurgence du violon traditionnel dans beaucoup de studios d'enregistrement, festivals et salles de spectacles partout dans le pays.
Le Festival of Small Halls de l'Île-du-Prince-Édouard a promis d'inclure du violon traditionnel dans chacun des 40 spectacles qui auront lieu en juin de cette année.
Je veux bien admettre que je défends aussi un intérêt personnel en présentant ce projet de loi. Le violon traditionnel a, dès mon enfance, joué un rôle important dans ma vie. Comme danseuse à claquettes, j'étais souvent accompagnée de violoneux, de sorte que j'étais naturellement attirée aussi bien par l'instrument que par la musique. Ainsi, il n'est peut-être pas surprenant que, à l'âge adulte, je me sois inscrite à la section de Prince County de la Fiddlers Society de l'Île-du-Prince-Édouard. J'ai alors commencé à jouer de l'instrument avec lequel j'avais grandi. J'ai eu le privilège d'apprendre très jeune que le violon est non seulement un puissant instrument de musique, mais aussi un puissant instrument social capable d'unir les familles et les communautés.
Honorables sénateurs, je dirais en fait que le violon traditionnel représente la préservation et la continuité de la communauté, dont il constitue une importante composante. Je crois vraiment qu'on peut et qu'on devrait se servir de la musique et de la danse folkloriques pour resserrer les liens entre les membres de la communauté locale.
Je n'ai pas à rappeler aux honorables sénateurs que nous vivons dans un monde qui évolue rapidement. La technologie modifie notre environnement à un rythme effréné, le plus souvent pour le mieux, mais les forces d'uniformisation engendrées par les médias sociaux et par notre accès facile aux influences concurrentes d'autres cultures peuvent entraîner une perte d'identité tant individuelle que communautaire. Notre culture et nos traditions uniques, si éloquemment exprimées par les inflexions de notre accent, le caractère particulier de notre vocabulaire et la nature distinctive de notre musique risquent de se perdre et seraient alors difficiles à retrouver.
Partout au pays, le violon traditionnel fait partie intégrante de notre identité et de nos racines. On peut l'entendre presque partout, que ce soit dans le sous-sol d'une église, dans un local de la Légion canadienne, dans une maison de retraite ou dans le pub du coin. Les violoneux et ceux qui les accompagnent sont bien connus pour leur empressement à partager de façon désintéressée leur talent avec d'autres.
Honorables sénateurs, je songe à une Journée nationale du violon traditionnel au cours de laquelle les violoneux s'acquitteront de leur dette envers leur communauté en divertissant les gens, en les rendant heureux, en relevant leur moral et en célébrant la nature unificatrice de notre pays grâce à la magie de la musique et à l'universalité de ce bel instrument. J'envisage la Journée nationale du violon traditionnel comme une occasion de célébrer non seulement l'instrument, mais aussi sa musique ainsi que les hommes et les femmes qui l'ont créée, le divertissement, le resserrement des liens familiaux et communautaires et la célébration de notre culture unique qui s'exprime aussi mélodieusement dans le son du violon traditionnel.
Honorables sénateurs, j'ai parlé plus tôt de la place précieuse et tant vantée qu'occupe le violon dans les traditions culturelles de toutes les régions et tous les coins du pays. J'ai mentionné l'important rôle qu'il joue dans l'expression de notre individualité. Je suis persuadée que le violon traditionnel constitue la métaphore parfaite pour le Canada.
Comme le Canada, il a de profondes racines classiques, tout en étant assez fort et assez sûr pour accepter de nombreuses différences et nuances régionales qui donnent lieu à une magnifique unité harmonique.
Comme le Canada, c'est une étude en contrastes. Il est à la fois modeste et extrêmement complexe, accessible et difficile à maîtriser, comme peuvent en témoigner tous les interprètes.
Comme le Canada, il englobe et accepte de nombreux styles et traditions en permettant à chacun de s'épanouir tout en créant des sons complètement différents.
Honorables collègues, je vous demande de songer à votre propre expérience. Songez à toutes les occasions où des communautés se sont réunies pour célébrer une victoire sportive, pour accueillir des soldats revenant de la guerre, pour marquer la naissance de notre pays, pour honorer les réalisations de nos ancêtres ou pour marquer une réunion familiale. À chacune de ces fêtes importantes, nous demandons aux violoneux de nous aider à célébrer.
(1520)
Aujourd'hui, je vous invite à vous joindre à moi pour célébrer cet instrument humble, fier, simple, complexe, répandu dans le monde et pourtant proprement local, et célébrer les talentueux violoneux qui font naître de leurs mains la magie de la musique. Merci beaucoup.
L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour appuyer le projet de loi S-218, Loi sur la Journée nationale du violon traditionnel. Étant donné que la capacité d'attention est aujourd'hui bien moindre qu'à l'époque où le Sénat a été créé, je vais tenter d'être brève.
Si je puis me permettre de le dire, le violon traditionnel fait partie de l'histoire de notre pays depuis sa naissance. Les Français, les Écossais, les Irlandais, les Allemands, les Danois, les membres des Premières Nations et les Ukrainiens, pour ne donner que quelques exemples, ont tous enrichi le patrimoine du violon traditionnel au Canada. Dans ma propre région du Nouveau-Brunswick, des gens de tous les âges se réunissent dans des manifestations pour écouter et jouer des airs parfois séculaires, parfois composés depuis peu. Lorsque sortent les violons, on commence à taper du pied.
Honorables sénateurs, le violon traditionnel est un instrument humble qui a touché la vie des Canadiens pendant des centaines d'années. Le violon se prête bien aux traditions folkloriques de l'Europe, et il a été l'instrument de prédilection pour les premiers colons canadiens, au XVIIe siècle.
[Français]
Les Jésuites de Québec ont été les premiers à faire mention de joueurs de violon au Canada.
[Traduction]
Un document de 1645 rapporte qu'on a utilisé deux violons à l'occasion d'un mariage au Québec. On ne sait pas grand-chose d'autre de ce mariage, mais je parie que ce fut la toute première fête de cuisine.
Comme la majeure partie de la musique folklorique, la musique du violon traditionnel relève d'une tradition orale transmise d'une génération à l'autre et s'apprend par oreille au lieu d'être transcrite. Chaque culture a son style particulier, comme l'a si bien dit la sénatrice Hubley. Il est amusant d'essayer de deviner de quelle région du Canada tel air peut venir. Les styles se marient et s'influencent réciproquement, et ils ont fini par créer un son distinctement canadien.
Dans les Maritimes, le jeu du violon traditionnel est influencé par de forts groupes anglo-celtiques de colons écossais et irlandais. Le Cap-Breton, notamment, est connu pour sa sonorité distincte. Sa tradition de violon remonte aux immigrants écossais qui fuyaient après avoir été évincés de leurs foyers, au XIXe siècle. Les violoneux du Cap-Breton ont évité les influences classiques que les artistes européens ont accueillies, préférant adopter un style énergique et audacieux qui les a distingués des autres. Si vous aviez un jour entendu les violoneux du groupe Cape Breton Symphony votre cœur serait conquis par le violon traditionnel. Scotty Fitzgerald était un violoneux bien connu et même renommé du Cap-Breton. Ses premiers enregistrements ont contribué à faire de certains airs des classiques du violon traditionnel.
Les Écossais et les Irlandais n'ont toutefois pas été les seuls à apporter avec eux une tradition du vieux continent.
[Français]
Les Acadiens ont aussi apporté un large éventail d'instruments à cordes lorsqu'ils se sont établis au Canada atlantique.
[Traduction]
Nombre de ces instruments les ont suivis lors de leur expulsion vers la Louisiane, et c'est ainsi qu'on a eu le style cajun. Des collectivités des Premières Nations ont également adopté le violon traditionnel. Les violoneux autochtones ont bâti leur musique sur des fondements européens, intégrant à leur jeu des chants traditionnels. Dans les Maritimes, des violoneux mi'kmaq jouaient avec les enfants à mettre des mots dans leur langue sur leurs airs de violon. Lorsque les pratiques autochtones anciennes ont été découragées ou interdites, de nombreuses collectivités se sont tournées vers le violon traditionnel comme principal moyen d'expression musicale.
Les styles des Acadiens et des Premières Nations, dans les Maritimes, se sont fusionnés avec la tradition anglo-celtique et ils sont toujours vivants dans nombre de collectivités rurales au Nouveau-Brunswick et dans l'Île-du-Prince-Édouard. Au Nouveau-Brunswick, la tradition du violon traditionnel s'est incarnée dans des artistes comme Ivan Hicks et, oserai-je dire, Don Messer, qui était originaire du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Munson : Ils viennent tous du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Mercer : Et il vivait à Halifax.
La sénatrice Stewart Olsen : Fort bien. J'aurai essayé. Le Don Messer's Jubilee était une émission nationale bien connue. Selon certains, sa popularité la plaçait au deuxième rang, juste derrière Hockey Night in Canada. L'annulation de cette émission, en 1969, a donné lieu à des protestations sur la Colline du Parlement et à plusieurs questions chargées à la Chambre des communes. Aujourd'hui, un violon rouge de quatre mètres, symbole de son art, rappelle le souvenir de Messer dans le village de Harvey Station.
Honorables sénateurs, le violon traditionnel n'est pas limité aux Maritimes. Il est présent dans le Canada tout entier. Les violoneux canadiens ont hérité de traditions des premiers colons et ils les ont interprétées selon des variantes proprement canadiennes d'un bout à l'autre du territoire. Les anglophones aussi bien que les francophones sont attachés au violon traditionnel parce que c'est un petit instrument facile à garder et à transporter dans des régions difficiles. Les violons étaient si précieux pour les habitants de la ville de Québec que plusieurs d'entre eux ont été cachés pendant le siège de 1759. On en a découvert une dizaine dans l'hôpital de la ville en 1860.
Les Métis du Manitoba ont aussi créé une tradition distincte. Ils ont adapté des styles appris auprès de coureurs des bois canadiens-français et écossais qui transportaient leur violon avec eux dans l'arrière-pays. L'immigration s'intensifiant au Canada au XIXe et au XXe siècles, les diverses traditions dans le jeu du violon traditionnel se sont multipliées. Les colons ukrainiens, notamment, ont joué un grand rôle dans l'Ouest. Fuyant l'oppression de la Russie tsariste pour s'installer dans les Prairies, ils ont intégré le violon traditionnel à leur propre musique folklorique. Et les Ukrainiens ne sont pas les seuls Européens qui aient contribué à la tradition canadienne du violon. Des colons hongrois et roumains ont aussi apporté leur façon de jouer en Saskatchewan et dans bien d'autres régions de l'Ouest. Les immigrants allemands et polonais ont laissé leur marque dans les styles de l'Ontario et des Prairies, et il est possible que plusieurs airs populaires soient d'origine allemande, dont la « Jessica Waltz » de la vallée outaouaise.
J'ai commencé à m'intéresser au violon traditionnel après avoir entendu le groupe Cape Breton Symphony. J'ai adoré le son. Il se peut que mes racines aient parlé, mais j'ai été fascinée. J'ai été touchée par le poignant violon bluegrass entendu dans l'inoubliable documentaire américain de la PBS, The Civil War. Pour moi, c'est un excellent exemple qui montre pourquoi nous devrions songer à établir une Journée nationale du violon traditionnel. Cette musique emblématique est partout présente en Amérique du Nord; nous la célébrons tous, et elle trouve en nous une résonance.
Les styles de violon traditionnel sont nombreux, et il est amusant de chercher à discerner les styles et les traditions. La tradition canadienne compte beaucoup de grands artistes. J'en ai nommé quelques-uns, et j'espère qu'on me pardonnera si je ne puis nommer tout le monde. Il y a beaucoup de nouveaux artistes également qui font leur marque dans l'évolution du style et attirent l'attention sur cette musique, y intéressant des jeunes. Des personnalités emblématiques comme Ashley MacIsaac et Natalie MacMaster sont proprement géniales. Le style incandescent de MacIsaac et le brio de ses compositions sont incroyables.
Honorables sénateurs, la musique du violon traditionnel ne s'est pas développée dans un espace culturel isolé. Elle a été et demeure associée à de nombreuses traditions folkloriques canadiennes et européennes qui se sont transmises au fil du temps. Des musiciens ont dansé, chanté, joué assis ou debout et ils ont accompagné divers instruments venus du monde entier. Le violon traditionnel a réuni les Canadiens, dans les cuisines, les granges, les nations, les légions. Partout où l'on va, il y a quelque part une fête avec du violon traditionnel. L'influence de cet instrument se fait sentir dans les humbles maisons des agriculteurs du Nouveau-Brunswick et dans les salons des violonistes classiques. Il est temps de consacrer une journée à cette tradition nationale; ce sera une bénédiction pour le Sénat, une occasion de célébrer d'une façon authentiquement canadienne. Songez un instant au plaisir que nous pourrions avoir : on pourrait faire une fête du violon traditionnel à toutes les Journées nationales du violon traditionnel et en accorder tout le crédit au Sénat, ainsi qu'à la sénatrice Hubley, qui a eu cette idée.
Chers collègues, j'espère que vous vous joindrez tous à moi pour appuyer le projet de loi S-218 et profiter de l'occasion pour organiser une fête du violon dans vos régions respectives. Merci.
(1530)
Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénatrice Hubley, avec l'appui de l'honorable sénatrice Stewart Olsen, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Hubley, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)
Agriculture et forêts
Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer— L'étude sur l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de graines—Adoption du troisième rapport du Comité
Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts (budget—étude sur la santé des abeilles—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), déposé au Sénat le 8 avril 2014.
L'honorable Terry M. Mercer : Je propose l'adoption de ce rapport, qui est inscrit au nom du sénateur Mockler.
Je ne crois pas qu'un débat soit nécessaire. Le rapport a été soumis au Comité de la régie interne, qui l'a accueilli favorablement, et nous en avons déjà parlé ici. À moins qu'il y ait des questions?
Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénateur Mercer, avec l'appui de l'honorable sénateur Mitchell, propose que le rapport soit adopté maintenant.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Peuples autochtones
Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur les problèmes, et les solutions possibles, liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations—Adoption du quatrième rapport du comité
Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones (budget—étude sur les problèmes, et les solutions possibles, liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 10 avril 2014.
L'honorable Dennis Glen Patterson propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, le budget en question permettra au comité de poursuivre son étude sur les problèmes, et les solutions possibles, liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations. Nous examinons le logement et d'autres infrastructures dans les réserves. Le budget permettra au comité de se rendre en région afin de pouvoir établir les faits et obtenir de l'information de première main sur cette question.
Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénateur Patterson, avec l'appui de l'honorable sénateur Ogilvie, propose que le rapport soit adopté maintenant.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Le Sénat
Motion tendant à décerner la citoyenneté canadienne d'honneur à Mme Asia Bibi—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P.,
Que le Sénat du Canada rappelle au gouvernement du Pakistan l'urgence de libérer sans délai Madame Asia Bibi, femme chrétienne détenue arbitrairement pour ses croyances religieuses;
Que le Sénat du Canada déclare son intention de voir la citoyenneté canadienne d'honneur décernée à Madame Asia Bibi et son intention de voir le Canada lui accorder asile avec sa famille à sa libération si elle en fait la demande;
Qu'un message soit envoyé à la Chambre des communes pour lui demander de faire front commun avec le Sénat aux fins de ce qui précède.
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Votre Honneur, je ne suis pas prête à prendre la parole aujourd'hui, alors je propose de reprendre le compte des jours à zéro concernant cette motion.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
[Français]
Banques et commerce
Motion tendant à autoriser le comité à étudier les échanges commerciaux entre les États-Unis et le Canada ainsi que le respect des lois et des principes de tous les accords commerciaux—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénatrice Tardif,
Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, les échanges commerciaux entre les États-Unis et le Canada ainsi que le respect des lois et des principes de tous les accords commerciaux applicables, en accordant une attention particulière aux importations de volaille de réforme et de poulet, notamment :
a) l'application de droits et de quotas aux produits dont la classification comprend les mélanges, préparations et kits alimentaires ainsi que la possibilité que ces produits échappent aux lois et aux principes des accords commerciaux applicables, en particulier aux quotas d'importation;
b) la réglementation applicable aux droits et quotas d'importation établis par le ministère des Finances;
c) l'interprétation et l'application des règles et règlements de l'Agence des services frontaliers du Canada;
d) la surveillance des produits qui constituent des mélanges, des préparations et des kits alimentaires;
e) la réciprocité de la réglementation américaine en ce qui a trait aux importations canadiennes similaires;
Que le comité formule des recommandations sur la prise de mesures réglementaires et législatives afin d'assurer l'équité du système pour les Canadiens;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 27 juin 2014, et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant les 180 jours suivant le dépôt de son rapport final.
L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, cette motion demande beaucoup de réflexion. Le dossier du recyclage des poules pondeuses et la question de l'importation touchent énormément de dossiers commerciaux. D'un commun accord, la sénatrice et moi avons décidé d'attendre de rencontrer les producteurs de poulet du Canada, le 27 mai prochain, avant que je ne réponde à cette motion. Par conséquent, je demande que le débat soit ajourné à mon nom.
(Sur la motion du sénateur Maltais, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Le Sénat
Son rôle de représentation des régions de la fédération canadienne—Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Nolin, attirant l'attention du Sénat sur son rôle de représentation des régions de la Fédération canadienne.
L'honorable John D. Wallace : Honorables sénateurs, comme nous en sommes tous bien conscients, le Sénat du Canada a fait l'objet récemment d'un débat public orageux. Les citoyens ont soulevé des questions sérieuses concernant les rôles et les responsabilités des sénateurs et concernant la réforme du Sénat. On s'est même demandé si le Sénat devrait continuer d'exister au sein du système parlementaire canadien. Ce sont bel et bien des questions sérieuses.
La série d'interpellations lancées dans cette enceinte par le sénateur Nolin nous donne l'occasion, à chacun, de soumettre à la discussion et au débat nos points de vue et nos recommandations personnels sur ces questions d'une importance vitale. Chers collègues, je crois que nous ne devons pas laisser passer une telle occasion.
En réponse aux interpellations du sénateur Nolin, je voudrais commencer par formuler mes observations personnelles sur la question de la partisanerie politique et de son rôle dans notre système parlementaire canadien, en particulier en ce qui concerne les rôles et les responsabilités constitutionnels du Sénat et de chacun d'entre nous, en tant que membres de cette institution.
La politique a toujours été considérée par les partis politiques fédéraux comme un « sport d'équipe » qui, de par sa nature même, exige des joueurs une adhésion à une approche collective permettant d'atteindre les buts et les objectifs relatifs aux politiques que leur parti défend publiquement.
Si cette approche collective ne peut être maintenue, cela nuira sérieusement à la capacité des partis politiques, non seulement de présenter publiquement leur programme d'action aux citoyens canadiens pour qu'ils en tiennent compte dans leur choix de vote, mais aussi de mettre en œuvre ce programme si jamais ils devaient former le gouvernement.
Par conséquent, beaucoup de personnes sont certes d'avis que la partisanerie politique a toujours été acceptée comme un élément nécessaire et essentiel de notre système politique démocratique.
Il y a sans doute beaucoup de vrai dans cette affirmation, surtout en ce qui concerne le rôle et les fonctions des élus à la Chambres des communes. Bien entendu, la plupart des sénateurs sont également membres de partis politiques et, à ce titre, il est tout à fait raisonnable de supposer que les sénateurs participeraient activement, eux aussi, à la promotion des intérêts de leur parti respectif, particulièrement lorsqu'il s'agit d'élire ou de réélire les candidats de leur parti. En ce sens, les activités politiques des sénateurs ne diffèrent guère de celles des députés.
Reste à savoir, toutefois, s'il est approprié et attendu que les sénateurs, dans le cadre de leurs obligations constitutionnelles, fassent preuve d'autant de partisanerie politique que les élus de l'autre endroit, où l'on s'y adonne systématiquement.
(1540)
À cet égard, honorables sénateurs, je crois qu'il est important que nous comprenions la façon dont les Pères de la Confédération envisageaient l'influence que la politique partisane exercerait sur le rôle et les responsabilités constitutionnels des sénateurs.
À cet égard, le chef libéral, George Brown, déclarait ce qui suit en 1865 :
On a voulu faire de la Chambre haute un corps parfaitement indépendant, un corps qui serait dans la meilleure position possible pour étudier sans passion les mesures de l'autre Chambre, et défendre les intérêts publics contre toute tentative de législation hâtive ou entachée d'esprit de parti.
De même, sir John A. Macdonald prononçait les paroles suivantes :
Nul ministère ne peut se flatter de faire à l'avenir ce que ses prédécesseurs ont fait ci-devant en Canada, dans le but de faire adopter une mesure ou de renforcer le parti, car il lui sera impossible de remplir la Chambre haute de ses partisans et amis politiques dans l'intention de la dominer.
Dans notre système parlementaire, la question de la politique partisane est étroitement liée à celle de l'indépendance institutionnelle du Sénat, telle qu'elle a été prévue par les Pères de la Confédération.
Pour que la Chambre haute dispose des pouvoirs requis pour exercer les fonctions constitutionnelles visées, les Pères de la Confédération ont été forcés d'accorder au Sénat une grande indépendance par rapport aux mesures prises par la Chambre.
À l'époque, leurs conclusions ont été clairement énoncées par sir John A. Macdonald :
Où serait l'utilité de la Chambre haute, si elle ne devait pas exercer, en temps opportun, le droit qu'elle a de rejeter ou d'amender les projets de loi émanant de la Chambre basse ou d'en retarder l'adoption? On ne saurait en faire un simple bureau d'enregistrement des décrets de la Chambre basse. Il faut que ce soit une Chambre indépendante, douée d’une action propre, et ce n’est qu’à ce titre qu’elle pourra modérer et considérer avec calme les lois de l’assemblée et empêcher que voie le jour toute loi intempestive ou pernicieuse adoptée par cette dernière.
Également, dans une décision sur la Chambre haute qu'elle a rendue en 1980, la Cour suprême du Canada a réitéré la responsabilité du Sénat d'agir de manière indépendante :
En créant le Sénat de la manière prévue à l'Acte, il est évident qu'on voulait en faire un organisme tout à fait indépendant qui pourrait revoir avec impartialité les mesures adoptées par la Chambre des communes.
Il ne fait aucun doute que le Sénat n'a pas été créé dans le but d'être la copie conforme de la Chambre des communes ou d'approuver d'office tout ce qu'elle propose. Bien au contraire. Il était évidemment prévu que la partisanerie politique dans un Sénat qui fonctionne bien devrait être modérée de sorte que les sénateurs ne doutent jamais qu'ils s'acquittent de leurs devoirs constitutionnels de la manière et dans la mesure prévues par les Pères de la Confédération.
À ce sujet, je vais également vous citer un passage du bref d'assignation de Sa Majesté qu'on nous lit à tous lors de notre nomination au Sénat :
[...] dans le dessein d'obtenir votre avis et votre aide dans toutes les affaires importantes et ardues [...]
ET Nous vous ordonnons de passer outre à toute difficulté ou excuse et de vous trouver en personne, aux fins susmentionnées [...] sans y manquer de quelque façon que ce soit.
Depuis la Confédération, notre Constitution exige que le Sénat s'acquitte des responsabilités et des rôles fondamentaux suivants : surveiller les mesures prises par la Chambre des communes et le Cabinet, représenter et protéger les intérêts des régions partout au pays et, ce faisant, mener ses affaires d'une façon qui va de pair avec les fonctions de la Chambre.
En ce qui concerne le rôle du Sénat en tant qu'organisme indépendant, sir John A. Macdonald a ajouté ceci :
[...] sans jamais oser s'opposer aux vœux réfléchis et définis des populations.
Voici comment sir John A. Macdonald a décrit le rôle du Sénat en tant que contrepoids adéquat au sein de notre système parlementaire canadien :
[...] considérer avec calme les lois de l'assemblée et empêcher que voie le jour toute loi intempestive ou pernicieuse adoptée par cette dernière [...]
Dans le même ordre d'idées, voici une citation de l'ancien ministre de l'Intérieur, sir Clifford Sifton, tirée du texte The New Era in Canada, publié en 1917 :
[...] le Sénat joue un rôle de contrepoids moins face à la Chambre des communes que face au Cabinet, et il est certain que son influence à cet égard est salutaire.
En plus de faire contrepoids aux mesures de la Chambre des communes, le Sénat a la responsabilité constitutionnelle d'assurer la représentation et la protection des intérêts régionaux. Une fois de plus, sir John A. Macdonald l'a clairement indiqué :
[...] À la Chambre haute sera confié le soin de protéger les intérêts de section; il en résulte que les trois grandes divisions...
— c'est-à-dire l'Ontario, le Québec et les Maritimes —
... seront également représentées pour défendre leurs propres intérêts contre toutes combinaisons de majorités dans l'Assemblée.
De toute évidence, cette protection des intérêts régionaux offerte par le Sénat est considérée comme étant essentielle et nécessaire pour faire contrepoids à la représentation dominante de la population de l'Ontario et du Québec à la Chambre.
Pendant la période qui a mené à l'adoption de la Constitution canadienne en 1867, les Pères de la Confédération ont cherché à trouver un juste milieu acceptable pour parvenir à concilier les intérêts divergents, et parfois même opposés, des différentes régions dans le but de créer ce nouveau pays, le Canada.
Pour trouver ce juste milieu acceptable, ils ont naturellement dû consentir à des compromis politiques. Parmi ceux-ci, l'un des plus importants — la représentation des intérêts régionaux par le Sénat — continue à ce jour d'être un élément sous-jacent fondamental de la Constitution du Canada.
Comme l'a fait remarquer à juste titre le sénateur Nolin dans son allocution du 30 janvier 2014 :
Il n'est pas excessif de dire que le sort de la Confédération s'est joué sur la question de la représentation régionale à la Chambre haute.
En tant que sénateur qui représente l'une des régions les moins populeuses du pays, soit le Nouveau-Brunswick — l'une des quatre premières provinces à avoir adhéré à la Confédération — la protection des intérêts régionaux m'apparaît tout aussi — voire plus — préoccupante aujourd'hui qu'elle ne l'était en 1867.
Je dis cela tout en étant conscient du fait que l'ajout et la répartition, dernièrement, de 30 nouveaux sièges à l'autre endroit, selon le principe de la représentation fondée sur la population, a eu pour résultat de réduire le pourcentage de sièges détenus par les provinces maritimes de 9 p. 100. La courbe des tendances démographiques montre que la tendance à la baisse de la représentation fondée sur la population dans les Maritimes se poursuivra au cours des années à venir.
Je suis convaincu que, en ce qui a trait à la représentation régionale, les préoccupations exprimées par les Pères de la Confédération, auxquelles ils ont donné suite, étaient justifiées.
Comme chacun d'entre nous le sait bien, la représentation des intérêts régionaux par les sénateurs prend différentes formes, selon les circonstances entourant les questions à l'étude.
La représentation régionale exige souvent que les sénateurs répondent directement aux nombreuses demandes que leur envoient les citoyens de leur région. Ils doivent aussi épauler les députés quand vient le temps de répondre aux besoins de leurs concitoyens.
De plus, les sénateurs prennent souvent les devants à l'égard de dossiers et de projets dans leur région. Dans les circonscriptions qui ne sont pas représentées par un ministériel, il n'est pas rare que l'on s'adresse au sénateur ministériel qui représente la région pour obtenir de l'aide. En outre, en présentant des motions et des interpellations au Sénat, les sénateurs peuvent attirer l'attention sur des questions importantes, qui touchent particulièrement leur région, et qui débouchent sur des débats de fond ainsi que sur des pistes de solutions.
Les sénateurs qui ont un profil national sont souvent appelés à utiliser leurs capacités et leurs expériences personnelles pour répondre aux besoins et aux demandes de certaines régions; en disant cela, je songe certainement au sénateur Dallaire, au sénateur Segal, à la sénatrice Greene Raine, au sénateur Demers et au sénateur Joyal.
Les questions de portée internationale doivent souvent être gérées par des sénateurs dotés d'une solide expérience en matière de diplomatie internationale. Nous reconnaissons tous l'excellente contribution de la sénatrice Andreychuk au nom de notre pays en ce qui concerne la situation préoccupante en Ukraine.
Honorables sénateurs, une approche uniformisée ne représente pas le meilleur moyen d'assurer une protection et une représentation efficaces des intérêts régionaux, nationaux et internationaux de notre pays. Je suis certain que les Pères de la Confédération avaient reconnu ce fait. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les députés, les fonctionnaires et les sénateurs doivent unir leurs compétences, leur expérience et leurs efforts pour que les diverses régions de notre pays retirent les plus grands avantages possibles.
(1550)
Comme le prouve le travail de qualité que réalisent les comités sénatoriaux, le Sénat continue de représenter les intérêts régionaux de notre pays. Outre les rapports résultant de l'étude approfondie des mesures législatives proposées, les comités sénatoriaux entreprennent des études spéciales au terme desquelles ils publient des rapports très pertinents au sujet d'enjeux nationaux ou régionaux.
Voici quelques exemples de rapports publiés récemment portant sur des études spéciales : La réforme de l'éducation chez les Premières Nations : De la crise à l'espoir; Le secteur forestier canadien : Un avenir fondé sur l'innovation; Transporter l'énergie en toute sécurité : Une étude sur la sécurité du transport des hydrocarbures par pipelines, navires pétroliers et wagons-citernes au Canada.
Les rapports et les études des comités sénatoriaux influencent grandement l'élaboration des politiques et des mesures législatives du gouvernement.
Personnellement, je sais pertinemment qu'il est très important pour beaucoup de Canadiens que les études réalisées par les comités leur donnent un accès direct au gouvernement et leur permettent de présenter leurs points de vue et leurs recommandations au sujet de questions qui les préoccupent. À cet égard, il est très important de souligner que, de 2009 à 2012, par exemple, les comités sénatoriaux ont mené 95 études spéciales portant sur une grande variété de sujets régionaux et nationaux, ont participé à plus de 1 600 réunions et audiences de comité, et ont entendu plus de 4 600 témoins.
Il ne faut pas sous-estimer le travail, l'influence et la qualité des études et des rapports des comités sénatoriaux.
Pour que le Sénat puisse s'acquitter convenablement de ses responsabilités constitutionnelles, les sénateurs doivent non seulement être bien au courant des dossiers propres à leurs régions respectives, mais aussi de l'éventail plus large des intérêts de la société canadienne.
Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Wallace, je présume qu'il vous faudra plus de temps. Honorables sénateurs, consentez-vous à accorder plus de temps au sénateur Wallace?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Wallace : À cet égard, les renseignements qui suivent et qui portent sur les sénateurs actuels sont très pertinents. Premièrement, 39 p. 100 des sénateurs sont des femmes, comparativement à 25 p. 100 des députés à l'autre endroit. Deuxièmement, cinq sénateurs sont d'origine inuite ou métisse ou issus d'une Première Nation. Troisièmement, 11 sénateurs sont nés à l'extérieur du Canada, soit à la Barbade, en Ouganda, en Grèce, aux Pays-Bas, en Corée du Sud, au Pakistan, en Jamaïque, en Inde, aux Philippines, au Vietnam et à Singapour. Quatrièmement, environ 30 p. 100 des sénateurs sont francophones, 60 p. 100 sont anglophones et plusieurs parlent couramment les deux langues. Cinquièmement, les sénateurs ont occupé des postes antérieurs dans divers secteurs, notamment l'éducation, la santé, les sciences, les forces armées, les forces de l'ordre, la défense des victimes, le journalisme, la gestion, la magistrature, le droit, la comptabilité et les affaires.
Le Sénat du Canada regroupe donc un large éventail de compétences et d'expériences pratiques.
Honorables sénateurs, certaines personnes disent que des sénateurs non élus n'ont pas la légitimité voulue pour s'acquitter des rôles et des responsabilités confiés au Sénat en vertu de notre système parlementaire canadien. Je ne suis pas du tout d'accord avec ce point de vue. La légitimité du Sénat en tant qu'institution parlementaire et notre légitimité en tant que membres de cette institution sont clairement et fermement inscrites dans la Constitution. Je précise qu'à cet égard il n'y a pas d'autorité plus élevée.
La raison d'être et le rôle du Sénat et de ses membres ont été soigneusement et méticuleusement étudiés et définis par les Pères de la Confédération, et je suis d'avis que leurs conclusions sont aussi pertinentes et valables aujourd'hui qu'elles l'étaient en 1867.
Les sénateurs nommés et non élus n'ont pas moins de légitimité que les ambassadeurs canadiens non élus; les juges; les membres de conseils, de commissions et de tribunaux fédéraux; les employés de l'administration fédérale, y compris les sous-ministres; et, enfin, les employés de l'exécutif fédéral.
Toutefois, chers collègues, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas lieu d'apporter des changements ou des améliorations à notre institution sénatoriale. Au contraire, cela s'impose et nous en sommes tous conscients. Par exemple, les règles et politiques actuelles qui régissent et définissent les activités autorisées des sénateurs — ainsi que les frais de déplacement et de logement liés à ces activités — doivent être révisées afin d'éliminer toutes les incohérences et ambiguïtés qui existent, y compris celles qui ont été mentionnées dans les rapports de vérification des firmes comptables Deloitte, Ernst & Young et, tout récemment, KPMG.
En outre, je pense qu'il serait fort souhaitable que les Canadiens puissent participer au processus de nomination. Permettre aux gens de proposer des personnes pour occuper les fonctions de sénateur ne nécessiterait pas de modification constitutionnelle. Il va de soi que les Canadiens sont directement touchés par le rendement des personnes qui sont appelées à représenter les intérêts des diverses régions du pays.
Honorables sénateurs, les gens qui occupent les sièges de cette Chambre vont continuer à se succéder au fil du temps. Toutefois, une constante demeure, à savoir l'institution elle-même. Le Sénat du Canada a été créé par les Pères de la Confédération à titre d'institution parlementaire essentielle et nécessaire de notre pays. Je pense que c'est aussi vrai aujourd'hui que cela l'était à l'époque.
Le premier ministre sir John A. Macdonald avait raison.
L'honorable Art Eggleton : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Wallace : Oui.
Le sénateur Eggleton : Vous avez prononcé un excellent discours et vous avez traité de plusieurs aspects. Il y a un point sur lequel je veux vous poser une question. Vous avez cité George Brown, sir John A. Macdonald et d'autres. Vous avez dit que ces gens voulaient un Sénat plus indépendant et moins partisan afin qu'ils puissent surveiller le pouvoir exécutif, assurer un second examen objectif et ainsi de suite. Toutefois, vous avez aussi dit que nous fonctionnons en vertu d'un système de partis. Or, de par sa nature même, un tel système supprime une partie de cette indépendance et favorise la partisanerie.
Comment pourrions-nous mieux concilier la réalité de la politique partisane et les attentes des Pères de la Confédération en ce qui a trait au Sénat?
Le sénateur Wallace : D'un point de vue institutionnel, je pense que nous pouvons apporter des changements internes qui permettraient aux sénateurs d'exprimer plus facilement leurs préoccupations face à des mesures législatives, par exemple lorsque ces préoccupations vont à l'encontre de la position du parti sur certains points.
Nous avons tous bien réfléchi à cette question. Ce qui me frappe, c'est que si nous étudions une mesure législative et que nous voyons quelque chose qui pourrait être amélioré, si nous nous opposons à la volonté des élus de l'autre endroit, nous allons à l'encontre de la volonté de sir John A. Macdonald lui-même. Encore une fois, c'est une question d'équilibre. Il n'y a pas de solution parfaite.
Lorsque nous ressentons le besoin d'agir de la sorte, le processus doit être moins lourd. Il doit exiger moins de temps, comme par exemple lorsqu'un projet de loi est modifié et renvoyé à la Chambre. Tout cela pourrait se faire beaucoup plus rapidement que c'est le cas maintenant. Comme nous le savons, dans bien des cas, le fait de s'opposer au cheminement d'un projet de loi qui nous arrive de l'autre endroit peut, compte tenu du temps requis lorsqu'une mesure législative est renvoyée et doit être étudiée de nouveau, entraîner la mort de ce projet de loi. Tout cela crée des pressions. Encore une fois, je pense qu'il est possible de modifier le processus interne et, ainsi, de réduire ces pressions.
(1600)
Au bout du compte, il n'y a pas de solution parfaite pour toutes les circonstances. Chacun d'entre nous doit prendre ses propres décisions. Chacun d'entre nous doit se souvenir de ses responsabilités, qui consistent à défendre les intérêts des Canadiens. Nous savons que, parfois, il est très difficile de concilier cette responsabilité et le fait d'être membre d'un parti.
Son Honneur le Président intérimaire : La période de temps accordée au sénateur Wallace est écoulée. Évidemment, nous pouvons donner notre consentement unanime afin que le sénateur Wallace ait plus de temps. Toutefois, il doit en faire la demande.
Le sénateur Wallace : Oui. Puis-je avoir encore cinq minutes?
Des voix : D'accord.
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Je veux juste revenir sur la question du sénateur Eggleton, parce que je pense que c'est un point à propos de... Je crois que la sénatrice LeBreton aimerait parler.
L'honorable Marjory LeBreton : Non. Je disais simplement qu'il existe une règle. Nous avons une règle, ou du moins nous suivons une règle selon laquelle lorsqu'une personne prend la parole durant 15 minutes, celle-ci dispose de cinq minutes de plus lorsque ses 15 minutes sont écoulées. C'est une sorte de règle permanente. Avec tout le respect que je dois à mon collègue, si vous prolongez cette période de temps, nous violons la règle. À partir de maintenant, tout le monde va s'attendre à obtenir le même traitement.
Son Honneur le Président intérimaire : C'est précisément la raison pour laquelle j'ai demandé le consentement unanime. Étant donné que je n'ai entendu aucun non, j'ai dit qu'il y avait consentement unanime. C'est pour cette raison que le sénateur Cowan a parfaitement le droit de poser sa question.
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud : Sur ce point, Votre Honneur, je me rappelle que, lors de votre intervention, plus de cinq minutes avaient été accordées. Je crois donc qu'on peut le faire pour tous les autres membres de cette Chambre.
Son Honneur le Président intérimaire : Chaque cas est un cas d'espèce. Il revient à la Chambre présente à ce moment-là de décider si elle accepte ou non d'accorder plus de temps à un sénateur afin qu'il poursuive son intervention. C'est pour cette raison que j'ai demandé le consentement unanime; je l'ai obtenu et j'ai donc autorisé la question du sénateur Cowan.
[Traduction]
L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Je veux clarifier les choses et préciser que notre Règlement ne dit pas qu'une prolongation de temps ne doit pas excéder cinq minutes. Il s'agit plutôt d'une pratique que nous avons adoptée d'un commun accord il y a quelques années. Je crois que, dans l'ensemble, il est dans notre intérêt de continuer à suivre cette pratique. Cela dit, ce n'est pas une règle et il peut arriver que le Sénat juge qu'une autre prolongation doit être accordée.
Du point de vue des sénateurs, il y sûrement peu de sujets aussi importants et à propos que la nature de l'institution au sein de laquelle nous servons. Une question a été posée par le leader de l'opposition au Sénat. Je ne pense pas que ce soit contraire à nos habitudes, à nos traditions et à nos coutumes d'écouter cette question et la réponse qui suivra.
Son Honneur le Président intérimaire : Le sénateur Cowan a la parole.
Le sénateur Cowan : Merci, Votre Honneur.
Je veux revenir sur la question du sénateur Eggleton en formulant une remarque et en posant une question. Sénateur Wallace, vous avez expliqué ce qui se passe lorsque nous proposons des améliorations et que l'adoption d'un projet de loi — d'initiative ministérielle ou autre — risque d'être retardée indûment. Je me suis interrogé sur cette question alors que nous réfléchissons à notre rôle, et j'ai relu, comme vous j'en suis sûr, la décision de la Cour suprême du Canada. La cour a dit qu'effectivement notre rôle consiste principalement à mener un examen législatif, un second examen objectif. Elle a dit que nous étions une institution complémentaire, et non pas rivale. C'est une phrase que je n'avais pas entendue auparavant, mais la cour l'a utilisée à plusieurs reprises. J'accepte votre plaidoyer portant que les sénateurs nommés sont tout aussi légitimes qu'un membre élu de la Chambre des communes. Nos fonctions sont différentes.
J'ai toujours pensé que notre rôle consiste à porter un second regard objectif et à fournir des conseils; d'ordinaire, nous le faisons sans insister. Un projet de loi nous est renvoyé, nous l'examinons et nous donnons notre avis sous forme d'amendements que nous soumettons à la Chambre des communes. On s'attend à ce que celle-ci tienne compte de nos conseils; elle pourrait nous dire : « C'est bien, mais nous adoptons le projet de loi à nouveau et nous vous le renvoyons ». Selon moi, le Sénat répondrait normalement : « D'accord. Notre travail consiste à examiner attentivement les projets de loi et à fournir des conseils. C'est ce que nous avons fait. Vous, les représentants élus du peuple, avez choisi de les rejeter, en tout ou en partie, et nous allons accepter qu'il en soit ainsi ».
À mon avis, le système fonctionne la plupart du temps, en raison de cette déférence naturelle de la Chambre nommée pour la Chambre élue. Êtes-vous d'accord?
Le sénateur Wallace : Vous venez de décrire la façon dont les choses se passent en temps normal. Je ne peux qu'être de votre avis. En réfléchissant à la question, je me suis moi-même demandé si le rôle du Sénat ne revient pas à examiner les aspects techniques des projets de loi d'abord présentés à la Chambre. Le rôle du Sénat consiste-t-il à garantir qu'ils sont exempts de toute lacune, sans remettre en question les politiques qui les sous-tendent? Étant donné votre position, vous seriez sans doute en désaccord avec cette proposition.
Sir John A. Macdonald a déclaré que le Sénat n'allait jamais être opposé à la volonté du peuple. Selon moi, il est clair qu'il parlait de la volonté du peuple telle qu'exprimée par les députés élus. Si les élus décident qu'une politique quelconque est appropriée et que le projet de loi ne comporte aucune lacune sur le plan technique ou légal, est-ce notre rôle de nous y opposer? Encore une fois, comme vous êtes du côté de l'opposition, je ne vous demanderai pas de réponse; je peux tout de même la deviner. Comme je suis du côté du gouvernement, j'ai réfléchi à cette question.
Le sénateur Cowan : Notre rôle consiste à étudier les textes de loi, et sans nous limiter aux aspects techniques. Nous avons le droit parfaitement légitime, la responsabilité, me semble-t-il, de nous prononcer aussi bien sur la politique que sur les aspects techniques. Je conçois le rôle du Sénat comme la Cour suprême l'a fait : il est complémentaire de celui de la Chambre élue. Le Sénat donne son avis. Selon moi, ce que sir John A. Macdonald entrevoyait, c'était que, au bout du compte, le Sénat ne se dresserait pas contre la Chambre des communes parce qu'il n'en est pas le rival, mais lui est complémentaire. J'estime que son rôle est d'étudier attentivement non seulement les aspects des textes législatifs, mais aussi la politique qu'ils traduisent.
Nous exprimons un avis. Peut-être au moyen d'une observation. Ou encore d'un amendement. En des circonstances exceptionnelles, cet avis peut s'exprimer par le rejet du projet de loi. La Chambre des communes est de nouveau saisie du projet de loi. Nous pouvons espérer qu'elle tiendra compte de notre avis et fera ce qu'elle a à faire. Au bout du compte, dans les circonstances courantes, nous nous inclinerons devant la Chambre élective. Le système a fonctionné, selon moi. Comme vous le savez, si les deux Chambres ont des pouvoirs à peu près égaux, ce système ne peut fonctionner, en théorie. Dans la pratique, cependant, il fonctionne, selon moi, grâce à la déférence naturelle et légitime, envers la Chambre élective, de la Chambre complémentaire dont les membres sont nommés.
Le sénateur Wallace : Je ne suis pas forcément en désaccord sur ce point, mais il reste à savoir ce que sir John A. Macdonald voulait dire lorsqu'il a avancé que le Sénat ne s'opposerait pas à la volonté du peuple, à la volonté de la Chambre. Si l'objection que nous avons se résume clairement au fait qu'il s'agit d'une politique que vous pouvez désapprouver, il n'en demeure pas moins que c'est la politique que les représentants élus ont jugée opportune. La politique n'est pas imparfaite; il s'agit d'une simple divergence d'opinions.
(1610)
Je vous dis simplement que je me suis moi-même demandé si c'est une raison valable de dire : « Non, nous allons imposer notre volonté ici au Sénat sur cette question de politique, et nous croyons avoir une meilleure solution que celle de la Chambre des communes. »
Je le répète, je ne cherche pas à obtenir une réponse. Je vous dis simplement que c'est la réflexion que je me suis faite.
Le sénateur Cowan : Diriez-vous pareillement que notre rôle se limite aux aspects techniques de n'importe quel projet de loi qui nous vient des Communes? Ou voulez-vous simplement parler des projets de loi d'initiative ministérielle? Nous recevons des projets de loi adoptés aux Communes qui ne sont pas proposés par le gouvernement. Estimeriez-vous que notre rôle se limite aux aspects techniques de ces projets de loi?
Le sénateur Wallace : Non, je ne le crois pas. Tout ce que je dis, c'est que je me suis demandé ce que sir John A. Macdonald voulait dire lorsqu'il a fait cette déclaration. Je ne suis pas en désaccord : notre travail, notre rôle est d'étudier les mesures législatives au complet.
L'honorable Don Meredith : Sénateur Wallace, merci de votre intervention. Vous avez parlé des juges et des directeurs généraux qui, à leurs postes, doivent aussi rendre des comptes. Nous parlons ici du fait de ne pas être élu et de n'avoir pas de comptes à rendre.
Êtes-vous d'avis que nous n'avons pas de comptes à rendre? Je défends la position contraire.
Le sénateur Wallace : Merci, sénateur. Non, je n'ai pas parlé des comptes à rendre, mais de la légitimité. Je suis assurément convaincu que notre institution et le travail que chacun de nous accomplit sont vraiment légitimes et qu'ils représentent une certaine valeur pour le Canada.
En ce qui a trait à la responsabilité, je ne considère pas — et je crois que les autres sénateurs pensent comme moi — que je n'ai pas de comptes à rendre. Nous avons des comptes à rendre les uns aux autres et à nous-mêmes, nous avons la responsabilité de respecter les règles — que nous pouvons parfois néanmoins améliorer — et nous devons rendre des comptes aux populations et aux régions que nous représentons.
L'honorable Grant Mitchell : Je tiens d'abord à dire que j'ai trouvé votre discours excellent et que j'ai été impressionné par plusieurs éléments qui le composaient. J'aimerais revenir sur une affirmation qui m'a particulièrement marqué, selon laquelle le fait d'être nommée à son poste ne rend pas une personne moins légitime. La fonction publique compte 250 000 membres qui ont été nommés et qui accomplissent un travail tout à fait légitime.
À mon avis, notre légitimité se distingue cependant par le fait que, contrairement à la plupart des fonctionnaires — je ne critique pas, je constate —, nous accomplissons notre travail sous l'œil du public, ce qui accroît encore davantage notre pertinence. J'aurais beaucoup aimé que votre discours d'aujourd'hui soit télévisé parce que, s'il y a quelque chose qui aurait contribué à rendre le Sénat plus légitime aux yeux de la population, c'est que les gens voient le discours et le débat dans lequel il s'inscrivait, surtout dans les circonstances actuelles. Je crois que cela aurait également renforcé la notion de responsabilité, parce que même si les Canadiens ont une vague idée de ce que nous faisons, ils ne comprennent pas bien le travail que nous accomplissons dans cette Chambre importante.
Accepteriez-vous de nous dire ce que vous pensez de l'idée de téléviser les délibérations du Sénat et de la façon dont cela pourrait contribuer à rendre la Chambre haute plus responsable et légitime aux yeux du public canadien?
Le sénateur Wallace : Beaucoup de sénateurs sont très favorables à cette idée et je crois qu'il y aura du nouveau dans un avenir très rapproché.
Comme nous le savons tous, un certain nombre de facteurs doivent être considérés dans ce dossier, alors je ne répondrai pas directement à votre question, mais je vous dirai quand même que tout ce qui pourrait aider les Canadiens à mieux comprendre notre travail de sénateurs et les raisons pour lesquelles ce travail doit être fait constituerait une amélioration. Il ne s'agit pas de justifier notre existence, mais de diffuser l'information. Le public ne peut pas comprendre la raison d'être du Sénat et notre travail de sénateurs s'il se fie uniquement à ce que lui en disent de nos jours la télévision, la radio et les journaux.
Cette option existe. Nous verrons ce qu'il en adviendra, et j'encourage les gens à continuer d'en discuter.
Le sénateur Mitchell : Merci. J'apprécie votre réponse. Je ne veux pas vous mettre dans l'eau chaude. C'est une question difficile qui comporte, bien entendu, de nombreuses facettes.
Je pense que la télédiffusion de nos débats ferait davantage qu'accroître notre légitimité et notre capacité à rendre des comptes à la population. Les gens s'intéressaient davantage à ce que nous faisons. Nous avons pu le constater en particulier la première fois qu'une retransmission audio à l'extérieur de la Colline du Parlement a eu lieu. Les gens ont suivi le débat sur la suspension des sénateurs avec grand intérêt. La retransmission des images améliorerait encore cette façon de communiquer.
Je pense également que le fait d'asseoir la légitimité de cette institution sur une base plus solide, ce qui aura des implications sur la légitimité des travaux parlementaires en général et, par conséquent, sur la démocratie, est un objectif qui mérite d'être poursuivi même s'il n'y avait pas d'avantages connexes — mais il y en aurait —, comme une participation accrue de la population aux débats et à la vie démocratique.
Ma deuxième question fait suite au point soulevé par le sénateur Cowan. J'ai beaucoup aimé votre réponse, lorsque vous avez dit qu'il ne devrait pas y avoir de contradiction entre notre façon d'honorer la vision qu'avait sir John A. Macdonald de notre relation avec la Chambre élue et l'autorité particulière que détiennent les députés en leur qualité d'élus.
Si je me fie à mon expérience au Sénat, je pense que nous traitons les projets de loi d'initiative parlementaire différemment des projets de loi d'initiative ministérielle. Le Sénat a rejeté six projets de loi d'initiative ministérielle depuis 1945. Je n'ai pas de statistiques exactes en ce qui concerne les projets de loi d'initiative parlementaire que nous avons rejetés depuis que je siège ici, mais nous en avons probablement explicitement rejeté le même nombre, sans parler de ceux que nous laissons mourir au Feuilleton. Nous ne laissons presque jamais des initiatives ministérielles mourir au Feuilleton. Ai-je raison? Êtes-vous d'accord ou non avec moi pour dire que nous traitons probablement les projets de loi d'initiative parlementaire différemment de ceux d'initiative ministérielle et que nous respectons moins le soutien démocratique dont ils bénéficient? Je ne vous demande pas de me dire si vous pensez que cela devrait être le cas, mais si vous le souhaitez, ce serait formidable.
Le sénateur Wallace : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je dirais simplement que nous examinons le bien-fondé de tous les projets de loi, comme c'est le cas de toutes les questions qui nous sont soumises, et je pense que c'est ce que nous faisons tous. Au bout du compte, quand on fait le bilan pour voir les résultats obtenus, on peut en tirer des conclusions. Je ne suis pas prêt à le faire. Je pense que les projets de loi d'initiative ministérielle et ceux d'initiative parlementaire doivent être pris de façon indépendante et des arguments convaincants doivent être présentés pour les appuyer. Ce soutien peut venir du Sénat, mais une grande partie provient de l'extérieur, comme vous le savez puisque vous avez déjà présenté des projets de loi d'initiative parlementaire.
Son Honneur le Président intérimaire : Je pense que le sénateur Eggleton a une autre question à poser.
L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : J'invoque le Règlement.
Son Honneur le Président intérimaire : J'espère que le recours au Règlement ne porte pas sur le temps alloué au débat. J'ai demandé le consentement unanime, et je l'ai obtenu. Il n'y a pas de limite.
Le sénateur Ogilvie : Vous n'avez pas demandé le consentement unanime pour un débat sans limite.
Son Honneur le Président intérimaire : Il n'y a pas de limite. J'ai demandé s'il y en avait une. Rien ne m'a été mentionné. J'ai donc cédé la parole. Chers collègues, le Sénat est une Chambre du Parlement du Canada, et le Parlement est un endroit où nous parlons. C'est ce que nous faisons maintenant. Il n'y a pas de limite à ce débat. J'ai donné la parole au sénateur Eggleton. Il veut poser une question, et tout autre sénateur qui veut poser une question est libre de le faire. Si vous n'êtes pas d'accord avec la demande de consentement unanime, vous n'avez qu'à dire « non ».
Le sénateur Ogilvie : Vous avez fourni d'autres précisions sur la question du temps. Je vous en remercie.
Le sénateur Eggleton : Cette question pourrait susciter des réactions. Le 29 janvier, le chef du Parti libéral du Canada a décidé que les 32 sénateurs libéraux seraient indépendants du caucus des députés libéraux. Nous nous désignons encore comme des libéraux parce que nous sommes membres du Parti libéral et que nous partageons des valeurs communes. Nous trouvons donc cette appellation logique.
Compte tenu de la nature du Sénat — nous avons d'ailleurs parlé tout à l'heure de l'organisation des partis et de la façon dont ils sont actuellement structurés —, cela nous semblait être la chose à faire. Voici ce que nous sommes : des sénateurs libéraux indépendants, comme certains pourraient nous appeler. Les députés libéraux ne nous transmettent aucune directive et ne nous dictent aucune position sur quoi que ce soit.
(1620)
Serait-il logique que les sénateurs de l'autre côté fassent de même? Les sénateurs conservateurs devraient-ils, par exemple, former un caucus indépendant par rapport aux députés conservateurs?
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : J'invoque le Règlement. Selon le Règlement du Sénat, il ne faut pas aborder de nouvelles questions dans les longs débats comme celui-ci. Le débat doit plutôt porter sur la question soulevée par l'intervenant. Est-ce exact?
Son Honneur le Président intérimaire : Tout à fait. Nous sommes en plein débat. Le sujet a été défini par le discours du sénateur Wallace, et le débat doit concerner ce discours et porter sur la question qui y a été soulevée. Or, j'écoute attentivement les questions posées, et elles se rapportent toutes à la question soulevée par le sénateur Wallace.
Le sénateur Wallace : Je vous remercie, sénateur. Je dirai tout simplement que nous avons tous, chaque jour, des décisions à prendre personnellement sur les questions soulevées au Sénat. Sénateur, vous avez parlé de ce que vos collègues et vous avez jugé convenable, il y a quelques mois, pour vous. Je me contenterai de dire que nous prendrons nos propres décisions. Aujourd'hui, nous faisons encore partie d'une équipe, ce que j'approuve complètement.
Son Honneur le Président intérimaire : Nous reprenons le débat.
Vous avez une question, sénatrice Ringuette?
L'honorable Pierrette Ringuette : Sénateur Wallace, je tiens à vous remercier de votre magnifique discours. Comme Néo-Brunswickoise, je suis fière que vous siégiez en cette enceinte.
Vous avez parlé de l'équilibre délicat que nous devons prendre en considération dans le processus législatif et du fait que les Pères de la Confédération voulaient que nous respections la volonté du peuple, mais aussi que nous tenions compte du point de vue des minorités, qu'il s'agisse de minorités régionales, comme nous les Néo-Brunswickois par rapport à la majorité à la Chambre des communes, ou de minorités linguistiques et ainsi de suite. Notre mandat de protection des minorités est très important. Je pense que, jusqu'à maintenant, le Sénat s'en est très bien tiré, mais cela nous amène à parler de la question de l'équilibre entre ces responsabilités et la volonté de la majorité et du fait aussi qu'au Sénat, nous fonctionnons de la même manière qu'à l'autre endroit, où il y a un gouvernement et une opposition. Je trouve que cela nuit à notre but.
Pour en revenir à une réflexion sérieuse et adulte, en ce qui a trait à notre responsabilité constitutionnelle et aux gens de notre région que nous devons représenter, pouvez-vous nous proposer un meilleur moyen de parvenir à cet équilibre, sur le plan fonctionnel et législatif, dans le cadre de nos responsabilités constitutionnelles?
Le sénateur Wallace : Merci, sénatrice Ringuette. C'est vraiment lié aux circonstances et il revient à chacun de nous de prendre des décisions, de tenir compte de l'ensemble de ces questions et de prendre la meilleure décision possible. À ce stade-ci, je n'ai rien à suggérer d'autre que de juger de chaque cas selon ses mérites et de prendre ces décisions.
Je dirai néanmoins ceci : au Sénat et ailleurs, il y a des gens beaucoup plus astucieux que moi dans toutes sortes de domaines. J'encourage tous mes collègues à participer aux discussions et à s'intéresser en particulier à la question que vous avez soulevée, sénatrice. Qui sait? Il y a peut-être des aspects que nous pourrions régler entre nous, sans recourir à des modifications constitutionnelles, afin d'améliorer le fonctionnement du Sénat.
Je crois que votre question est fort à propos. J'attendrai cependant d'avoir entendu tout le monde avant de vous donner ma réponse.
L'honorable Jane Cordy : Je vous félicite, sénateur Wallace. Vous avez prononcé un excellent discours. Je crois en outre que nous devrions avoir plus souvent des discussions de ce genre. Je suis sûre que beaucoup d'entre nous reliront votre discours s'ils doivent parler en public du rôle du Sénat. Venant moi-même des Maritimes, je trouve que vous avez très clairement dépeint l'aspect historique que vous nous avez présenté aujourd'hui avec tant d'à propos afin d'expliquer pourquoi les Pères de la Confédération ont consacré tant de temps à l'institution du Sénat et ont décidé d'en baser la représentation non sur la population, mais sur la région. C'est parce que nous, citoyens des Maritimes, aurions autrement été écrasés sous le nombre des habitants du reste du Canada.
Vous avez beaucoup parlé des intérêts régionaux, dont la défense constitue en fin de compte l'un des plus importants rôles que nous jouons au Sénat à titre de représentants de nos provinces et de nos régions. Vous n'avez peut-être pas d'idée bien arrêtée à ce sujet — je l'accepte volontiers —, mais je me demande si vous avez pensé à l'opportunité de tenir davantage de réunions régionales officielles ou informelles afin de discuter des questions qui touchent nos régions, indépendamment de nos allégeances politiques. Vous n'avez peut-être pas conclu votre réflexion.
Le sénateur Wallace : Merci, sénatrice. Nous avons tous constaté, je crois, qu'à notre retour chez nous, nous devons répondre à de nombreuses demandes provenant des habitants de nos régions. Nous y donnons suite, et je continuerai à le faire. Pour ce qui est d'aller au-delà ou d'entreprendre quelque chose de plus officiel, je n'ai vraiment rien à ajouter pour le moment. La sénatrice Ringuette a une interpellation à ce sujet, dans le cadre de laquelle vous pourrez soulever la question si vous le souhaitez.
J'ajouterai, pendant que j'y suis, que cette discussion est plus qu'intéressante : elle est d'une importance critique. Je demande cependant que nous nous en tenions à cela. J'ai dit tout ce que j'avais à dire pour le moment, et je pense que vous avez une bonne idée de ma position sur le sujet. Je vais vous renvoyer la balle en invitant chacun d'entre vous à prendre la parole pour exprimer sa pensée. Je pourrais même vous poser une question, mais vous feriez bien de ne jamais demander cinq minutes de plus.
Son Honneur le Président intérimaire : Nous poursuivons le débat.
La sénatrice Fraser : Je voudrais répéter que l'habitude que nous avons prise relativement aux cinq minutes est bonne. Il n'en est pas moins vrai que j'ai trouvé extrêmement intéressant le recours à une plus longue prolongation.
Je voudrais, comme les autres, féliciter le sénateur Wallace pour son discours très réfléchi qui suscite la réflexion.
(1630)
La représentation régionale est au cœur de la série d'interpellations lancées par le sénateur Nolin. Ce que bien des gens de la population en général ne comprennent pas vraiment, c'est que les fédérations du monde entier ont établi une deuxième Chambre pour qu'elle défende davantage les intérêts des petites régions que ceux des régions plus peuplées. C'est l'un des principaux rôles que doit jouer une deuxième Chambre dans la plupart des fédérations, et c'est certainement le cas de celle-ci.
Il serait trop facile pour le Centre du Canada d'imposer sa volonté au reste du pays, mais, tout bien intentionné qu'il soit, il ne tiendrait pas compte des conséquences de certaines politiques ou lois pour les habitants de ces petites régions. C'est pourquoi il faut que la deuxième Chambre exerce une forme différente de représentation.
Je sais que, dans l'Ouest, nombreux sont ceux qui sont frustrés, à juste titre, de ne pas avoir obtenu une majorité à la Chambre basse, et de ne pas avoir non plus ce qui leur est dû à la Chambre haute. Comme l'a dit le sénateur Wallace, il est certain que la redistribution des sièges à la Chambre basse règle cette difficulté particulière, tout en renforçant la nécessité d'une deuxième Chambre qui donne plus de poids aux représentants des régions moins peuplées.
Nous savons tous que la voix de ces représentants se fait entendre; elle retentit dans notre caucus respectif, et dans cette enceinte. Elle a une incidence. Elle aiguise toujours davantage la conscience de ceux d'entre nous qui viennent des régions à plus forte population.
L'autre point que le sénateur Wallace a soulevé — et c'est un point crucial qui touche au cœur même de ce que nous jugeons être nos responsabilités ici — est la question de savoir ce qu'il convient de faire lorsque la Chambre des communes a adopté un projet de loi et que nous sommes d'avis que celui-ci est, disons, « imparfait ».
Mon opinion personnelle à ce sujet se fonde presque exclusivement sur ce que l'on appelle — et je crois l'avoir mentionné auparavant — la convention de Salisbury, à savoir que nous n'allons pas nous opposer à une politique avec laquelle le gouvernement en place a fait campagne et obtenu le mandat de gouverner. Nous pouvons déceler des lacunes techniques dans la mesure législative qui nous est envoyée et renvoyer celle-ci en toute légitimité aux fins de modifications par la Chambre des communes, mais nous ne nous opposerons pas à une volonté clairement exprimée par la population dans le cadre d'élections, lorsque les gens savaient sur quoi ils votaient.
Cela dit, il arrive parfois que des mesures nous sont envoyées par le gouvernement sans jamais avoir été mentionnées dans les campagnes électorales. À cet égard, l'exemple le plus mémorable, du moins dans l'histoire récente, est l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Non seulement cette initiative n'avait pas été mentionnée au cours de la campagne du gouvernement Mulroney, mais les remarques antérieures formulées par le premier ministre Mulroney ont pu laisser croire à un grand nombre de Canadiens — et j'en étais — qu'il n'était pas en faveur d'une entente commerciale bilatérale avec les États-Unis. Il a changé d'idée, ce qui était son droit, mais il n'avait pas obtenu de la population le mandat d'effectuer un changement aussi important.
À l'époque, la majorité libérale au Sénat avait dit : « C'est trop gros et trop important. Nous n'allons pas vous donner notre accord avant que vous obteniez un mandat de la population. Si vous obtenez ce mandat, il n'y aura pas de problème. » M. Mulroney s'est adressé aux Canadiens. Il a obtenu son mandat et le Sénat a immédiatement adopté le projet de loi de mise en œuvre de l'accord de libre-échange.
Cette campagne a eu une importance historique au Canada. À mon avis, nous — je n'étais pas ici à l'époque, mais je parle du Sénat — avons fait ce qui s'imposait en disant : « Cette initiative est trop importante. Vous devez vous adresser à la population. Les gens doivent être mis au courant. Ils doivent donner leur approbation. » Comme nous le savons, ce dossier était une grande source de discorde au pays. Au bout du compte, les gens ont tranché : « Nous réélisons le gouvernement conservateur », et le Sénat a dit : « Soit. »
Dans d'autres cas, je pense qu'il nous incombe d'examiner non seulement les aspects techniques des projets de loi qui nous arrivent de la Chambre des communes, mais aussi les politiques et les principes qui les sous-tendent.
Je vais donner un autre exemple. Il s'agit d'un projet de loi adopté par la Chambre des communes sous un gouvernement libéral. C'était un projet de loi d'initiative parlementaire. Cette mesure, communément appelée le projet de loi « Son of Sam », visait à empêcher les prisonniers de publier leurs mémoires et d'en tirer profit. Comme on l'a mentionné, même Nelson Mandela aurait été visé par cette mesure, et non pas seulement les tueurs en série. Des témoins avaient aussi fait valoir au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles que le projet de loi était probablement contraire à la Charte des droits et libertés.
Le Sénat a torpillé le projet de loi, ce qui, selon moi, était la chose à faire. Des variantes de cette mesure législative auraient peut-être été acceptables, mais, dans sa forme originale, le projet de loi ne l'était pas.
Nous nous sommes donc acquittés de notre responsabilité dans ces deux cas. À mon avis, le Sénat a fait ce qu'il devait faire.
En fait, le projet de loi « Son of Sam » avait suscité beaucoup de réserves chez les députés, mais cette mesure jouissait d'un tel appui du public qu'ils ont voté en faveur et nous ont laissé nous débrouiller avec ce dossier. Je ne sais pas combien de sénateurs conservateurs reçoivent ces temps-ci la visite de députés venus leur dire discrètement qu'ils comptaient sur le Sénat pour bloquer telle ou telle mesure. Ce qui est sûr, c'est qu'à l'époque où nous formions le gouvernement, j'ai entendu de tels propos de la part d'un certain nombre de députés, parce que ceux-ci font l'objet de pressions politiques que nous ne subissons pas.
Voilà l'une des raisons pour lesquelles les Pères de la Confédération ont prévu le Sénat tel qu'il est : pour que nous puissions faire un examen objectif des mesures qui pourraient, dans l'empressement des émotions publiques du jour, récolter un appui public important, mais qui ne sont pas dans l'intérêt du Canada.
Je m'en remets donc à la convention de Salisbury, et la représentation des régions est une composante absolument essentielle de ce que nous faisons.
Cela dit, chers collègues, je propose que le débat soit ajourné au nom du sénateur Dawson.
(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Dawson, le débat est ajourné.)
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 30 avril 2014, à 13 h 30.)