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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 133

Le jeudi 15 juin 2017
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 15 juin 2017

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les affaires autochtones

L'honorable Lynn Beyak : Honorables sénateurs, je souhaite remercier tous ceux d'entre vous qui étaient présents au Sénat pour écouter mon discours le 7 mars 2017 au sujet des pensionnats indiens, qui ont offert leur appui d'emblée et qui se sont souciés de mon bien-être pendant la période difficile qui a suivi.

Même si vous n'êtes pas d'accord avec moi, vous avez agi de manière aimable et attentionnée, comme c'est toujours le cas au Sénat du Canada sur toutes les questions, selon mon expérience. Je veux d'abord vous exposer brièvement les commentaires positifs que j'ai reçus de partout au pays au cours des deux derniers mois au sujet de la liberté d'expression.

J'ai pu constater que d'innombrables personnes de partout au Canada qui avaient lu mes commentaires me soutenaient. Tout a commencé par un article d'un journaliste respecté et, rapidement, j'ai reçu l'appui de Canadiens autochtones et non autochtones de tous les horizons, y compris des historiens, des intellectuels, des juges, des enseignants, des universitaires, des chefs, des aînés, des chamans, des infirmières, des membres du clergé, des membres des forces de l'ordre, des fonctionnaires et plusieurs autres autres personnes.

Ils ont rédigé des lettres d'appui et des articles de soutien à la liberté d'expression et aux paroles justes que j'avais prononcées dans mon discours, et que j'avais prises directement dans les documents concernant les pensionnats indiens et dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation. Il s'agissait de mettre en relief les aspects positifs, après les aspects négatifs.

Récemment, un collègue du caucus indépendant m'a envoyé un article du Vancouver Sun contenant une entrevue avec le chef Robert Joseph, que j'ai reçu dans mon bureau avec sa fille, Shelley, le mois dernier. Les membres de cette famille sont extraordinaires, et très sages. Nous avons discuté des pensionnats indiens et de la façon d'aller de l'avant, ensemble, sur cette question.

L'article du Vancouver Sun souligne également que les pensionnats indiens ne représentent qu'une petite partie des problèmes vécus par les peuples autochtones au Canada. Il précise que, à mesure que les faits sont révélés, on constate qu'une petite minorité des quelque 900 000 Autochtones chrétiens dont il est question dans l'article considèrent que les pensionnats étaient une mauvaise chose, qu'une autre petite minorité considèrent qu'ils étaient une bonne chose, et que la majorité de ces Autochtones sont d'avis que les pensionnats renfermaient du bon comme du mauvais et que la question est réglée pour eux.

En terminant, j'aimerais lire une phrase tirée de la préface du rapport de 2015 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada :

De nombreux élèves ont de bons souvenirs de leur expérience dans les pensionnats indiens et sont reconnaissants des compétences acquises, des effets bénéfiques que leur ont procurés les activités récréatives et sportives auxquelles ils ont pris part et des amitiés qui se sont nouées.

Le rapport a été signé par le chef Wilton Littlechild, Marie Wilson et Murray Sinclair. Nous devons nous attaquer à la souffrance et à la colère, et aller de l'avant d'une façon qui assure la compassion, le pardon, la bonne foi, l'espoir et l'amour.

Le Mois national de l'histoire autochtone

L'honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, alors que le Canada célèbre le Mois national de l'histoire autochtone ainsi que la contribution des peuples autochtones au Canada, je prends la parole aujourd'hui pour rendre un hommage tout particulier aux femmes autochtones qui ont pris des mesures pour promouvoir l'égalité et pour protéger la culture et les terres autochtones, notamment nos amies et collègues, les sénatrices Lovelace Nicholas et Dyck. Parmi les autres femmes qui méritent d'être soulignées, il y a les regrettées Mary Two-Axe Early et Patricia Monture, ainsi que Jeannette Corbiere Lavell, Sharon McIvor, Susan et Tammy Yantha, Lynn Gehl, Pam Palmater et Beatrice Hunter. Aujourd'hui, j'aimerais surtout parler de Mme Hunter.

Mme Hunter est une Inuite, une fille, une mère, une grand-mère et une défenseure des terres qui a récemment été incarcérée au pénitencier de Sa Majesté à St. John's, à Terre-Neuve, pour avoir fait valoir ses droits fondamentaux comme personne et comme Autochtone. Quel crime a-t-elle commis? Elle a participé à une manifestation pacifique contre le projet de Muskrat Falls, un projet qui a été entamé sans que des consultations adéquates aient été menées auprès de la communauté inuite qui occupe ce territoire. Mme Hunter n'a fait de mal à personne et elle était mue par un sentiment d'amour et de responsabilité envers sa famille, sa communauté et la terre.

Le gouvernement fédéral a réaffirmé l'engagement international du Canada à l'égard de l'adoption absolue de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones reconnaît que ces peuples ont des droits qui constituent des normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être de leurs communautés, et que les gouvernements ont le devoir de les consulter concernant l'utilisation des terres. La Charte canadienne des droits et libertés garantit à Mme Hunter et à chaque personne au Canada la liberté d'expression et de réunion pacifique. La manifestation est un droit civil élémentaire, et non un délit qui justifie l'incarcération.

La semaine dernière, le sénateur Sinclair et moi avons rédigé une lettre ouverte à Dwight Ball, le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, pour exprimer notre grande déception au sujet de l'incarcération de Mme Hunter. Nous avons exprimé notre préoccupation pour son bien-être et celui de sa famille. Comme nombre d'autres femmes incarcérées, Mme Hunter a été chaque jour soumise à des fouilles à nu; cela, après avoir été éloignée de force à mille milles de sa famille et de son réseau de soutien. Son histoire démontre à quel point le système judiciaire canadien continue de laisser tomber les femmes autochtones.

À l'approche des célébrations du 150e anniversaire du Canada, le pays entre dans une nouvelle ère où il reconnaît les torts historiques, s'efforce de les redresser, et fait appel aux processus de réconciliation pour renouveler les relations entre les gouvernements, les Canadiens et les Premières Nations.

(1340)

C'est pourquoi nous encourageons tous les gouvernements à appuyer Mme Hunter et d'autres femmes autochtones dans leurs efforts. Ainsi, nous contribuerons tous à la réparation des torts du passé et du présent et œuvrerons en vue d'une véritable réconciliation.

Merci, meegwetch.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence à la tribune de Kenneth T. Williams, l'auteur de la pièce Café Daughter, une production du CNA qui décrit la jeunesse de la sénatrice Dyck. Il est accompagné de sa mère, Ethel Blind, de même que de Lisa C. Ravensbergen, Tiffany Ayalik et Marian Brant. Ils sont les invités de l'honorable sénatrice Dyck.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

La Ville de Longueuil

La lutte contre la délinquance juvénile

L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, aujourd'hui, je tiens à souligner le travail remarquable qu'a entrepris le Service de police de la Ville de Longueuil dans sa lutte contre le proxénétisme afin de sortir plusieurs jeunes filles de la prostitution juvénile et, souvent, du monde de la drogue. D'ailleurs, ce travail a été rapporté dans La Presse le 12 juin dernier.

Le Service de police de Longueuil a clairement démontré que la délinquance de ces jeunes s'étend à d'autres crimes tout aussi graves les uns que les autres. Les policiers doivent maintenant traiter des cas où des jeunes filles âgées de 12 et 13 ans se prostituent, ce qui les préoccupe beaucoup. Les jeunes filles sont recrutées de plus en plus jeunes, et les dégâts qui en résultent dans leur vie sont irréversibles. Le Service de police de Longueuil a choisi les meilleurs enquêteurs et a affecté une équipe de patrouilleurs qui ont suivi à la trace six jeunes hommes proxénètes, jour et nuit, dans les environs du métro de Longueuil, endroit privilégié pour le recrutement des jeunes filles.

Bon nombre des jeunes filles qui fréquentaient le secteur provenaient de centres jeunesse. Elles devenaient donc des proies faciles à séduire. En quelques mois seulement, 150 infractions et crimes ont été commis par ces jeunes dans ce secteur. On parle de vols, de trafic de drogue, d'agressions sexuelles et de viol collectif. Selon les policiers, ce fléau existe dans ce secteur depuis 20 ans et les moyens pour l'éradiquer sont inefficaces. Voilà pourquoi il est important de mettre en œuvre rapidement l'ensemble du projet de loi C-452 pour contrer ces organisations criminelles.

Les enquêteurs ont conclu qu'il ne suffisait plus d'amener les proxénètes devant les tribunaux pour que le projet réussisse. Il faut aussi accompagner les victimes tout au long des procédures judiciaires pour qu'elles soient mieux disposées à dénoncer leurs proxénètes. Il est rare que les filles portent plainte. Dans la plupart des cas, c'est la police qui le fait en leur nom. Ainsi, elles collaborent davantage avec les enquêteurs afin de dénoncer leurs proxénètes.

Dans le cadre de la loi actuelle, pour convaincre un procureur de porter des accusations contre un proxénète, il est nécessaire de rassembler un nombre élevé de déclarations. Or, le projet de loi C-452 permettrait d'en limiter le nombre et donnerait ainsi aux policiers un outil efficace afin de soutenir leur travail.

Tout comme le projet du centre L'Escale, de Montréal-Nord, où près de 90 p. 100 des jeunes décrocheurs et délinquants sont récupérés grâce à la coopération des écoles, des policiers et des parents, le Service de police de Longueuil a adopté la même approche. En mai dernier, le Service de police de Longueuil a convoqué 15 familles, soit les parents de victimes et de proxénètes, à une rencontre. Durant quatre heures, la police les a bien secoués. Les familles de 15 ados — des garçons et des filles —, présentes à la rencontre, ont été impliquées dans 80 incidents criminels au cours des derniers mois, y compris un viol collectif. La rencontre avec les parents, baptisés « groupe contact » par le service de police, a été adoptée et intégrée dans la stratégie de lutte contre la récidive de ce dernier.

Au printemps 2016, le corps policier avait organisé un premier « groupe contact » avec les parents d'un autre gang. Un an plus tard, sur une quinzaine de jeunes membres criminalisés, un seul a été arrêté par les policiers.

Honorables sénateurs, devant la croissance inquiétante de la prostitution juvénile au Québec et la hausse de la criminalité chez les jeunes âgés de 12 et 13 ans, soit une hausse de plus de 30 p. 100 en 10 ans, il est urgent d'agir.

En conclusion, je tiens à remercier la journaliste de La Presse, Mme Caroline Touzin, pour ses reportages-chocs au sujet du travail du Service de police de Longueuil, lequel est un modèle exemplaire pour le Canada.

[Traduction]

L'honorable Mobina S. B. Jaffer

Remerciements à l'occasion du seizième anniversaire de sa nomination au Sénat

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour célébrer le 16e anniversaire de ma nomination au Sénat.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Jaffer : Quand je pense à mon cheminement, je réalise que je n'aurais jamais été nommée sénatrice sans le soutien de mes merveilleux parents. Mon père était député en Ouganda et ma mère a été la première femme à étudier à l'université en Afrique de l'Est.

Ils m'ont donné des possibilités tout au long de ma vie, même si cela signifiait pour eux de faire des sacrifices. Il n'y a pas de mots pour exprimer ma reconnaissance. Ils me manquent beaucoup.

Cette année marque aussi mon 45e anniversaire de mariage avec mon gentil, attentionné et patient conjoint, Nurella Jeraj.

J'aimerais également dire un grand merci à l'ancien premier ministre Chrétien pour m'avoir nommée sénatrice de la Colombie-Britannique, ainsi qu'à lui et à Mme Chrétien pour l'aide et les nombreuses possibilités qu'ils m'ont offertes au cours des 40 dernières années

En 1990, M. Chrétien a été le premier chef libéral à insister pour que les minorités visibles soient représentées au sein de la direction du Parti libéral. À la suite de cela, mon fils et moi avons été élus vice-présidents.

Au fil des ans, le sénateur Mercer a été un excellent ami et a été d'un grand soutien, surtout pour mon fils.

J'aimerais remercier mes frères et sœurs, Zenobia, Nimet, Aneez, Bergees et Umeshaffi, ainsi que leur conjoint et mes neveux et nièces, qui ont toujours été là pour m'encourager dans toutes les situations.

Honorables sénateurs, le Sénat a vécu de grandes transformations et il continue d'évoluer. Je veux remercier le Président Furey pour tout son travail, ainsi que tous les sénateurs, et plus particulièrement mes collègues libéraux indépendants, de leur soutien.

J'aimerais aussi dire merci au personnel et aux agents de sécurité du Sénat pour le soutien qu'ils m'ont toujours offert.

Aujourd'hui, je suis fière d'être sénatrice, et ce, grâce à l'excellent travail accompli par le sénateur Housakos, la sénatrice Cordy, Jacqui Delaney, Mélisa Leclerc et notre merveilleuse équipe de la Direction des communications. Aujourd'hui, nous pouvons dire avec fierté que nous sommes sénateurs parce que ces personnes ont contribué à changer notre image. Merci beaucoup.

Je veux aussi remercier ma remarquable équipe, formée de Gavin Jeffray, Seema Rampersad, Alex Mendes, Jonathan Côté et Melina Bouchard.

Honorables sénateurs, les gens me demandent souvent pourquoi je lutte si fort. Je le fais pour trois êtres que je chéris : Azool, Shaleena et Farzana. Si je lutte, c'est parce que je veux un monde meilleur pour mes enfants et mes petits-enfants, comme vous tous.

Finalement, tous les jours, lorsque mes petits-enfants, Ayaan et Almeera, m'appellent pour me dire : « Tu me manques, et je t'aime », cela illumine ma journée.

Honorables sénateurs, j'ai hâte de continuer à travailler avec vous tous. Je vous souhaite un bel été, et reposez-vous bien. Je vous remercie.

Le Centre national des Arts

La pièce de théâtre Café Daughter

L'honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, je sais que, en fin de semaine, vous prévoyez tous de lire les 290 pages du projet de loi C-44, mais, si vous êtes à Ottawa, je vous suggère de prendre le temps d'aller au théâtre.

Le Centre national des Arts présente la pièce Café Daughter. Il s'agit d'une histoire qui se déroule au début des années 1900, à l'époque où une loi de la Saskatchewan visant à protéger la vertu des femmes blanches interdisait aux propriétaires de restaurants chinois d'embaucher ces femmes. C'est dans ce contexte qu'Yvette Wong, une jeune fille de 9 ans, travaille dans le café de ses parents, un couple multiethnique : lui est Chinois, elle est Crie. Même si elle est incroyablement intelligente, Yvette se retrouve dans une classe d'élèves en difficultés d'apprentissage en raison de la couleur de sa peau. Sa mère lui confie alors un secret : Yvette ne doit jamais dire à qui que ce soit qu'elle a du sang cri. Eh bien, le personnage d'Yvette Wong s'inspire ni plus ni moins de notre collègue, la sénatrice Lillian Dyck.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Woo : La sénatrice Dyck, de North Battleford, en Saskatchewan, est née d'une mère crie et d'un père chinois. Son père est arrivé au Canada en 1912 et il a dû payer l'infâme taxe d'entrée. Comme le personnage d'Yvette Wong, elle était une enfant extrêmement brillante, qui est devenue professeure de neuropsychologie à l'Université de la Saskatchewan avant d'être nommée au Sénat du Canada.

Cette pièce met en vedette — il s'agit d'une pièce en solo — Tiffany Ayalik, de Yellowknife. Elle a été écrite par le célèbre dramaturge cri Kenneth Williams, qui est présent à la tribune aujourd'hui.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Woo : Il y aura des représentations ce vendredi, à 20 heures, samedi, à 16 heures et dimanche, à 20 heures Même en y allant les trois jours, il vous restera du temps pour étudier le projet de loi C-44.

Des voix : Bravo!

(1350)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Sean Foyn et de son fils, Zachariah Foyn. Ils sont les invités de l'honorable sénatrice Bernard.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous la souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La Loi sur le Parlement

Dépôt de document

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document intitulé Extension de la « Cité parlementaire » délimitée à l'article 79.51 de la Loi sur le Parlement du Canada à l'occasion des célébrations de la fête du Canada, du 30 juin 2017 à 8 heures au 2 juillet 2017 à 23 h 59.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

[Traduction]

La commissaire au lobbying

La Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels—Dépôt des rapports annuels de 2016-2017

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports du Commissariat au lobbying pour l'exercice se terminant le 31 mars 2017, conformément à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[Français]

Le commissaire à l'intégrité du secteur public

Dépôt du rapport annuel de 2016-2017

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Commissariat à l'intégrité du secteur public du Canada pour la période se terminant le 31 mars 2017, conformément à la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles.

[Traduction]

Les pêches et les océans—Dépôt du rapport sur les conclusions découlant d'une enquête sur une divulgation d'actes répréhensibles

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport sur le cas concernant les conclusions du Commissariat à l'intégrité du secteur public dans le cadre d'une enquête sur une divulgation d'actes répréhensibles à l'encontre de Pêches et Océans Canada, conformément à la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles.

[Français]

Le Budget des dépenses de 2017-2018

Le Budget principal des dépenses—Dépôt du seizième rapport du Comité des finances nationales

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le seizième rapport (deuxième intérimaire) du Comité sénatorial permanent des finances nationales, portant sur les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2018.

(Sur la motion du sénateur Mockler, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Langues officielles

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur la perspective des Canadiens au sujet d'une modernisation de la Loi sur les langues officielles—Présentation du cinquième rapport du comité

L'honorable Claudette Tardif, présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 15 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 6 avril 2017 à examiner, pour en faire rapport, la perspective des Canadiens au sujet d'une modernisation de la Loi sur les langues officielles, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2018, et demande qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à :

a) embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin;

b) s'ajourner d'un lieu à l'autre au Canada;

c) voyager à l'intérieur du Canada.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,
CLAUDETTE TARDIF

(Le texte du budget figure à l'annexe A des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 2250.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Tardif, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Agriculture et forêts

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier—Présentation du huitième rapport du comité

L'honorable Ghislain Maltais, président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, présente le rapport suivant :

Le jeudi 15 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a l'honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 9 mars 2017 à examiner, afin d'en faire rapport, l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2018 et demande qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à :

a) embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin;

b) s'ajourner d'un lieu à l'autre au Canada;

c) voyager à l'intérieur du Canada.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
GHISLAIN MALTAIS

(Le texte du budget figure à l'annexe B des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 2259.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Maltais, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Régie interne, budgets et administration

Présentation du quinzième rapport du comité

L'honorable Leo Housakos, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :

Le jeudi 15 juin 2017

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son

QUINZIÈME RAPPORT

Votre comité a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 11 mai 2017, préparé les amendements au Règlement administratif du Sénat afin de reconnaitre les groupes parlementaires des sénateurs et maintenant recommande ce qui suit :

1. Que le Règlement administratif du Sénat soit modifié comme suit :

a) au chapitre 1:03,

(i) par substitution à la définition de « caucus » de ce qui suit :

« « caucus » parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu au sens du Règlement du Sénat. »,

(ii)par substitution à la définition de « agents supérieurs du Sénat » de ce qui suit :

« « agents supérieurs du Sénat » le président, le président intérimaire, le leader du gouvernement, le leader de l'opposition, le leader ou facilitateur d'un parti reconnu ou d'un groupe parlementaire reconnu, ainsi que leurs leader adjoint et whip respectifs. »;

b) au chapitre 5:02,

(i) par adjonction, après l'article 14, de ce qui suit :

« 14.1 Le leader ou facilitateur d'un parti reconnu ou d'un groupe parlementaire reconnu dispose d'un budget de bureau supplémentaire aux fins autorisées par le Comité de la régie interne, selon le montant fixé par règlement financier.

14.2 Le leader ou facilitateur d'un parti reconnu ou d'un groupe parlementaire reconnu a droit à des employés supplémentaires rémunérés sur le budget de bureau supplémentaire prévu à l'article 14.1. »,

(ii) par adjonction, après l'article 24, de ce qui suit :

« 24.1 Il est entendu que les agents supérieurs ont droit à un seul budget de bureau supplémentaire au titre du présent chapitre. »;

c) au chapitre 5:03, par substitution à l'article 3 de ce qui suit :

« 3. L'Administration du Sénat, en consultation avec tous les leaders et facilitateurs, fixe le calendrier des réunions et réserve des salles pour l'usage des comités et sous-comités du Sénat qui se réunissent régulièrement. »;

d) au chapitre 5:04, par suppression de l'article 1.

2. Que le légiste et conseiller parlementaire soit autorisé à apporter, au besoin, les modifications correctionnelles et corrélatives et les corrections aux fautes de frappe.

3. Que les amendements entrent en vigueur sur adoption de ce rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
LEO HOUSAKOS

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Housakos, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Présentation du seizième rapport du comité.

L'honorable Leo Housakos, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :

Le jeudi 15 juin 2017

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son

SEIZIÈME RAPPORT

Votre comité a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 11 mai 2017, préparé les amendements au Règlement administratif du Sénat afin de reconnaitre les groupes parlementaires des sénateurs et maintenant recommande ce qui suit :

1. Que le Règlement administratif du Sénat révisé annexé au douzième rapport de votre comité, présenté au Sénat le mardi 9 mai 2017, soit modifié comme suit :

a) au chapitre 1:03,

(i) par substitution à la définition de « caucus » de ce qui suit :

« « caucus » Parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu au sens du Règlement du Sénat. »,

(ii) par substitution à la définition de « agents supérieurs du Sénat » ou « agents politiques du Sénat » de ce qui suit :

« « agents supérieurs du Sénat » ou « agents politiques du Sénat » Le président, le président intérimaire, le leader du gouvernement, le leader de l'opposition, le leader ou facilitateur d'un parti reconnu ou d'un groupe parlementaire reconnu, ainsi que leurs leader adjoint et whip respectifs. »;

b) au chapitre 5:02,

(i) par adjonction, après l'article 9, de ce qui suit :

« 9.1 Le leader ou facilitateur d'un parti reconnu ou d'un groupe parlementaire reconnu dispose d'un budget de bureau supplémentaire aux fins autorisées par le Comité de la régie interne, selon le montant fixé par règlement financier. »,

(ii) par adjonction, après l'article 24, de ce qui suit :

« 24.1 Il est entendu que les agents supérieurs ont droit à un seul budget de bureau supplémentaire au titre du présent chapitre. »;

c) au chapitre 5:03, par substitution à l'article 3 de ce qui suit :

« 3. Le greffier principal des comités, en consultation avec tous les leaders et facilitateurs, fixe le calendrier des réunions et réserve des salles pour l'usage des comités et sous-comités du Sénat qui se réunissent régulièrement. »;

d) au chapitre 5:04,

(i) par suppression de l'article 1,

(ii) par substitution au paragraphe 4(2) de ce qui suit :

« (2) Le caucus reçoit des services d'interprétation lors de ses réunions. ».

Respectueusement soumis,

Le président,
LEO HOUSAKOS

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Housakos, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi de crédits no 2 pour 2017-2018

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-53, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2018, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Projet de loi de crédits no 3 pour 2017-2018

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-54, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2018, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

(1400)

[Traduction]

L'Association parlementaire canadienne de l'OTAN

La visite conjointe de la sous-commission sur la coopération transatlantique en matière de sécurité, de la sous-commission sur les relations économiques transatlantiques et des dirigeants de la sous-commission sur les relations transatlantiques, du 9 au 11 mai 2017—Dépôt du rapport

L'honorable Vernon White : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation à la visite conjointe de la sous-commission sur la coopération transatlantique en matière de sécurité, de la sous-commission sur les relations économiques transatlantiques et des dirigeants de la sous-commission sur les relations transatlantiques, à Svalbard, en Norvège, du 9 au 11 mai 2017.

La réunion de la Commission de la défense et de la sécurité, tenue du 20 au 23 janvier 2017— Dépôt du rapport

L'honorable Vernon White : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation à la réunion de la Commission de la défense et de la sécurité, tenue à Washington, D.C., du 20 au 23 janvier 2017.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le patrimoine canadien

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes—La taxe sur les services à large bande

L'honorable Larry W. Smith (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, aujourd'hui, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

En décembre 2016, le CRTC, qui régit les télécommunications au Canada, a déclaré qu'Internet à large bande était un service de télécommunication de base. Ainsi, l'organisme national de réglementation dans le domaine a annoncé la mise en œuvre d'une stratégie pour améliorer le service Internet, notamment en termes de vitesse, dans les collectivités rurales et isolées.

Le président du CRTC avait d'ailleurs déclaré ceci :

Notre prospérité et l'avenir de notre économie et de notre société — et, bien sûr, l'avenir de tous les Canadiens — exigent que nous nous fixions des objectifs ambitieux et que nous nous attelions à la tâche de brancher tous les Canadiens pour qu'ils entrent dans la réalité du XXIe siècle.

Pas plus tard qu'aujourd'hui, le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes a recommandé une taxe de 5 p. 100 sur les services à large bande pour contribuer au financement de l'industrie canadienne des médias. Durant la campagne électorale, les libéraux se sont engagés à ne pas imposer une taxe Netflix, en qualifiant cette proposition d'insensée. Les contribuables ont eu de mauvaises nouvelles dans le dernier budget, qui prévoit des hausses de taxe. Pensons à l'indexation automatique des droits d'accise sur les produits alcoolisés, dont le Sénat a discuté au cours des derniers jours. Tout comme le CRTC, je considère essentiel, pour la prospérité et la croissance économique, que les Canadiens de partout au pays soient branchés à Internet.

Ma question est simple. Le leader du gouvernement au Sénat convient-il qu'une taxe Netflix ou toute taxe additionnelle sur les services à large bande n'est pas dans l'intérêt des contribuables canadiens et est contraire à notre objectif de les préparer à l'économie du XXIe siècle?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Je tiens à confirmer que l'actuel gouvernement du Canada n'imposera pas une taxe de 5 p. 100 sur les services à large bande. Cet automne, la ministre du Patrimoine canadien, qui est responsable du dossier, présentera une nouvelle approche pour stimuler la croissance des industries créatives canadiennes, qui est axée sur l'avenir et appuie à la fois les créateurs et le public.

L'innovation, les sciences et le développement économique

Les investissements étrangers—La sécurité nationale

L'honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Plus tôt cette année, le ministre Navdeep Bains a donné son aval au projet d'acquisition par Anbang de la plus grande chaîne de maisons de retraite de la Colombie-Britannique.

Or, le PDG de la société chinoise a été arrêté à Pékin, selon un reportage de Caijing Media diffusé mardi soir et retiré sans surprise quelques heures plus tard. Le ministre Bains se dit troublé par la nouvelle, mais ne voit pas la nécessité de réévaluer les questions de sécurité que soulève l'investissement d'Anbang dans une entreprise canadienne de soins de santé.

Sénateur Harder, le gouvernement du Canada ne peut pas jouer avec le bien-être des aînés et les emplois canadiens en les vendant à des fonctionnaires étrangers corrompus, qui ont des liens directs avec le Parti communiste chinois. Les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement fasse toutes les vérifications qui s'imposent avant de vendre leur avenir à la Chine.

Pouvez-vous nous dire exactement la raison pour laquelle le président d'Anbang a été arrêté et pourquoi le gouvernement du Canada persiste à refuser de mener un examen complet de ces accusations en regard de la sécurité nationale?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Comme l'a bien précisé le ministre compétent, M. Bains, le gouvernement du Canada estime que cette transaction est convenable et relève du pouvoir conféré au ministre. Il maintient sa décision.

Le sénateur Ngo : J'ai une question complémentaire. Le manque de transparence de l'entreprise et ses liens directs avec l'élite communiste chinoise sont problématiques pour Anbang.

En avril 2017, la compagnie d'assurances Fidelity & Guaranty Life, qui est basée dans l'Iowa, est revenue sur une entente qui prévoyait son achat par Anbang, parce que l'entreprise chinoise n'avait pas obtenu l'approbation réglementaire aux États-Unis. Le ministre Bains persiste à dire que l'acquisition a fait l'objet d'un processus d'examen rigoureux et détaillé alors qu'en réalité elle ne répond qu'aux critères les plus bas exigés par la loi en matière de sécurité. Malgré les conséquences évidentes que cette prise de contrôle pourrait représenter pour la sécurité, elle a été approuvée.

L'identité de l'investisseur d'Anbang est nettement douteuse et les conséquences pour la sécurité, manifestes. Pourquoi le ministre ne divulguerait-il pas publiquement les activités financières de l'investisseur s'il est si sûr qu'elles ne présentent aucun risque?

Le sénateur Harder : Je remercie à nouveau l'honorable sénateur de sa question. Il importe que les Canadiens et tous les parlementaires comprennent que le processus suivi est, comme l'a dit le ministre, solide, en ce sens qu'il prévoit de larges consultations pendant de 45 jours. Si des craintes sont soulevées pendant cette période, le processus prévoit un examen plus détaillé.

Pour ce qui est des transactions conclues au titre de la Loi sur Investissement Canada, ni le gouvernement actuel ni les gouvernements précédents n'ont l'habitude de divulguer publiquement des renseignements à ce sujet, parce qu'on révélerait alors des renseignements confidentiels dont la divulgation serait inappropriée.

[Français]

Les langues officielles

La modernisation de la loi

L'honorable Claudette Tardif : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Dans son rapport annuel de 2016-2017, le commissaire aux langues officielles n'a énoncé qu'une seule recommandation, soit que, à l'approche du 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles, le premier ministre, le président du Conseil du Trésor, la ministre du Patrimoine canadien et la ministre de la Justice et procureure générale du Canada évaluent la pertinence de moderniser la Loi sur les langues officielles dans l'optique d'adopter une position claire en 2019. Monsieur le leader, le gouvernement a-t-il l'intention d'adopter et de mettre en place cette recommandation?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Oui.

La sénatrice Tardif : Je pourrais demander à monsieur le leader de nous donner un peu plus de détails quant à sa réponse affirmative. Pourriez-vous nous fournir plus de détails?

De plus, j'aimerais vous demander une mise à jour sur le processus qui est prévu pour la révision du Règlement sur les langues officielles — en ce qui a trait aux communications avec le public et à la prestation des services qu'a annoncée le ministre Brison en novembre dernier.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je remercie la sénatrice de l'intérêt qu'elle manifeste et que partagent beaucoup d'autres sénateurs à l'égard de ce dossier. Je vais laisser les ministres faire leurs annonces à ce sujet. Selon ce que j'ai compris, des annonces sont prévues, et on a pris et défini un engagement en ce sens.

La sécurité publique

L'Agence des services frontaliers du Canada—La détention d'enfants réfugiés

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse également au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, je vous ai posé cette question à maintes reprises; je suis sûre que vous en avez assez de l'entendre. Je crois, monsieur le leader, que le ministre a pris un engagement il y a presque deux ans au sujet de la détention d'enfants migrants, et nous n'avons toujours pas de réponse. Je sais que vous n'aurez pas la réponse aujourd'hui, mais j'ose espérer que nous l'aurons à notre retour.

Comme vous le savez, honorable leader, selon des données de 2011 à 2015, dans l'ensemble du pays, les centres de détention de l'immigration détiennent en moyenne 242 enfants par année, le plus souvent en raison du rejet d'une demande d'asile.

Même si j'ai été ravie d'entendre le ministre Goodale parler de solutions de rechange à la détention des enfants, il reste que deux ans se sont écoulés depuis sa comparution devant le Sénat. Que s'est-il passé depuis ce temps?

(1410)

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question et de l'intérêt qu'elle continue de porter à ce dossier. Il ne s'agit pas du tout d'un irritant et je demanderai avec plaisir au ministre qu'il fasse le point sur la situation. Je sais qu'il s'agit pour lui d'une priorité, alors j'ai bon espoir d'avoir des nouvelles positives à donner à la sénatrice dès que j'aurai une réponse.

La sénatrice Jaffer : J'ai une question complémentaire. Monsieur le leader, j'ai exagéré en disant que le ministre ne fait rien. C'était injuste de ma part. Le sénateur Oh et moi avons rencontré des gens à Toronto et à Montréal. Nous avons aussi assisté à un groupe de discussion du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés sur la détention d'enfants au Canada, et plus particulièrement à Toronto et à Montréal.

Ce qui me choque, c'est que les responsables agissent par amour, avec peut-être un peu d'aide financière du gouvernement fédéral. Je vous prie donc de soumettre la question aux ministres, parce que nous avons besoin d'une stratégie nationale et d'une politique où il est écrit noir sur blanc que le Canada n'enverra jamais d'enfants derrière les barreaux. Montréal s'est dotée d'un excellent programme, et Toronto, mais ce ne sont que deux villes sur toutes celles que compte le Canada. Je réclame donc une stratégie nationale sur la question.

Le sénateur Harder : Je le préciserai en même temps que le reste. Je vous remercie.

La justice

La demande d'extradition visant Joannes Rivoire

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au représentant du gouvernement et porte sur le cas de Joannes Rivoire. Cet ancien missionnaire a été posté dans diverses localités du Nunavut de 1960 à 1964 et de 1975 à 1993. Il est retourné en France, d'où il est originaire, en 1993. En 1998, un mandat d'arrêt a été lancé contre lui à la grandeur du Canada. Trois personnes de Rankin Inlet et de Repulse Bay ont porté plainte contre lui et il doit maintenant répondre à trois chefs d'accusation : un premier pour attentat à la pudeur et les deux autres pour rapports sexuels avec une personne de sexe féminin âgée de moins de 14 ans. Comme le Nunavut n'a pas de procureur général, il doit compter sur le Service des poursuites pénales du Canada pour lancer une procédure d'extradition au nom des victimes.

Le 3 avril 2017, j'ai écrit à la ministre Wilson-Raybould pour exhorter le Canada à demander instamment l'extradition du père Rivoire. Il a exercé une fonction où il avait la confiance des gens et où il en a abusé de la façon la plus scandaleuse. Il devrait être jugé pour ses crimes afin de permettre aux plaignants et à leurs familles de tourner la page. On croit aussi que ce procès amènera d'autres plaignants à se manifester alors que, jusqu'ici, ils ne se sentaient pas à l'aise de le faire.

Je peux vous assurer que le public se préoccupe beaucoup de cette affaire, au Nunavut. La ministre de la Justice indiquera-t-elle au Service d'entraide internationale, dans un esprit de justice et de réconciliation, de commencer la démarche officielle en vue d'obtenir rapidement l'extradition de M. Rivoire au Canada?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur d'avoir porté cette affaire à mon attention et à l'attention du Sénat. Les demandes d'extradition sont transmises d'État à État de manière confidentielle. Je ne peux donc pas confirmer ou nier l'existence d'une demande d'extradition dans cette affaire.

Je peux dire toutefois que le Canada et la France sont liés par un traité d'extradition. De plus, je transmettrai évidemment votre demande à la ministre.

[Français]

La protection des enfants

L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. En 2015, dans le souci de protéger les enfants et afin d'offrir aux parents un outil pour préserver leurs enfants des prédateurs sexuels, le gouvernement conservateur a adopté le projet de loi C-26, visant à établir le Registre national des délinquants sexuels. En décembre 2016, soit un an et demi plus tard, le gouvernement du jour a adopté un décret mettant en vigueur le projet de loi C-26, à l'exception des articles 37 à 42, qui permettaient qu'une partie du registre soit rendue accessible au grand public et, surtout, aux familles qui veulent protéger leurs enfants.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire ce qui justifie la décision du gouvernement de ne pas offrir aux parents et à la population en général un outil de prévention qui aiderait à prévenir les crimes et, surtout, à réduire les agressions contre les enfants? J'ajoute qu'il s'agit là du crime qui connaît la plus forte recrudescence depuis les 10 dernières années.

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Je vais devoir me renseigner et lui répondre plus tard.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Par la même occasion, le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il confirmer certains renseignements auprès du ministre, que j'ai rencontré vendredi dernier à ce même sujet? On sait que le ministre a reçu une lettre de la part de ses cadres supérieurs. Ces derniers recommandaient au gouvernement de ne pas rendre une partie du registre accessoble à la population, sous prétexte que la population se ferait justice elle-même. Au cours des 10 dernières années, la GRC a émis 30 000 signalements aux différentes forces policières du Canada, et il n'y a eu que deux agressions.

Je demande au leader du gouvernement au Sénat de s'assurer auprès du ministre que, lorsque le gouvernement prendra une décision quant au registre, il le fera à la lumière de renseignements pertinents plutôt que sous la pression qu'exercent les fonctionnaires auprès du ministre pour qu'il n'aille pas dans ce sens.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je le signalerai au ministre.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. David Blunt, greffier des Parlements et conseiller législatif au Parlement de la Nouvelle-Galles du Sud.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : la troisième lecture du projet de loi C-16, suivie par les autres articles dans l'ordre où ils figurent au Feuilleton.

La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suspension du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Mitchell, appuyé par l'honorable sénatrice Gagné, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel.

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel. J'avais aussi pris part au débat à l'étape de la deuxième lecture. Je tiens à répéter que je m'oppose absolument à ce projet de loi.

Plusieurs de mes collègues ont prononcé des discours enflammés pendant ce débat. Il m'apparaît important d'intervenir de nouveau à l'approche du vote à l'étape de la troisième lecture.

Je tiens à rappeler aux honorables sénateurs que je ne m'oppose pas au principe de l'égalité des droits pour tous les Canadiens, au contraire. Je crois fermement que toutes les personnes devraient bénéficier d'un traitement égal et non discriminatoire; je crois aussi qu'il faut continuer de combattre les préjugés et l'intolérance qui existent dans notre société.

Cependant, chers collègues, même s'il part d'une bonne intention, le projet de loi ne parviendra pas à atteindre l'objectif énoncé. L'inclusion d'un nouveau groupe dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et dans les dispositions pertinentes du Code criminel relatives aux crimes haineux ne permettra pas d'améliorer la situation des personnes qui sont victimes de discrimination. Je tiens à répéter avec insistance que les lois canadiennes, y compris le Code criminel, ne représentent pas le moyen idéal pour sensibiliser la population au sort des personnes qui ne correspondent pas aux « normes » sociales.

(1420)

Il est important de rappeler aux sénateurs que le projet de loi C-16 ne permettra pas d'établir un droit ou une protection contre les mauvais traitements qui ne figurent pas déjà dans la Charte canadienne des droits et libertés. Le droit essentiel qui assure le traitement égal d'une personne transgenre est celui qui se rapporte à son sexe. On ne peut pas faire de discrimination envers une personne à cause de son sexe. Cette protection est prévue au paragraphe 15(1) de la Charte, qui dit ceci :

La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Honorables sénateurs, j'aimerais maintenant souligner que nombre de personnes au pays ne sont pas à l'aise avec les scénarios potentiels que ce projet de loi peut présenter. Compte tenu de cela, nous sommes ici aux prises avec deux droits concurrents.

D'un côté, nous avons le droit d'un nombre indéfini de personnes qui s'identifient comme transgenres et qui n'ont pas nécessairement de caractéristiques physiques qui permettent de déterminer si elles appartiennent ou non à ce groupe et qui devraient donc être protégées.

De l'autre côté, nous avons le droit d'un nombre indéfini de personnes qui appartiennent à divers groupes n'ayant aucune caractéristique physique commune. Ces personnes ont le droit d'aller aux toilettes ou dans les cabines d'essayage ou les vestiaires sans avoir l'impression que leur sécurité est compromise.

Honorables sénateurs, j'ai toujours été un partisan de l'inclusion dans mon travail au Sénat : l'inclusion des minorités ethniques par notre politique de multiculturalisme et l'inclusion des personnes handicapées, pour n'en donner que quelques exemples. Je considère l'inclusion comme une pierre angulaire de notre société. Je crois fermement que l'inclusion découlant de notre multiculturalisme est typiquement canadienne et que c'est ce qui fait de notre pays un chef de file mondial de la diversité et de la tolérance.

C'est dans l'optique de cette inclusion que je m'oppose encore une fois à ce projet de loi. J'aimerais redire mon inquiétude concernant les droits des gens qui ne sont pas à l'aise de se retrouver dans les mêmes toilettes, les mêmes cabines d'essayage et les mêmes vestiaires qu'une personne de l'autre sexe, indépendamment du genre auquel peut s'identifier cette personne. J'ai le sentiment que ce groupe est plus nombreux que les personnes qui s'identifient comme transgenres.

Honorables sénateurs, ce n'est pas nécessairement la crainte que des criminels ne commettent des crimes sexuels, ce dont d'autres ont parlé au cours du débat, qui me fait hésiter à appuyer le projet de loi. Bien que cela me préoccupe dans une certaine mesure, mon hésitation tient au fait que nous opposons deux groupes distincts, disparates, l'un à l'autre. À cause de cette crainte de clivage, je ne peux pas affirmer avec assurance que la société canadienne est rendue au stade de son évolution vers lequel nous, parlementaires, la guidons.

Honorables sénateurs, le Canada est fier depuis longtemps d'être ouvert et d'accueillir des immigrants des quatre coins du monde, des immigrants dont le bagage culturel et religieux est différent et varié. L'islam est le meilleur exemple pour illustrer mon point de vue. Considérons les pratiques qui sont importantes pour les musulmans. Tous les sénateurs savent que beaucoup de musulmanes portent un voile, souvent le hidjab. Généralement, nous estimons que le voile symbolise la modestie et la pudeur, car les femmes ne doivent pas montrer leurs cheveux aux hommes.

Si, pour des motifs d'ordre religieux ou culturel, une femme ne veut pas montrer ses cheveux à un homme, comment pourrions-nous la contraindre à se trouver dans des locaux à caractère particulièrement privé et intime avec une personne qui, par tous les aspects physiques et biologiques, semble appartenir au sexe opposé? Je vous pose la question, honorables sénateurs : est-il possible que, en adoptant le projet de loi, nous exercions une certaine discrimination contre nos amis musulmans et contre les membres d'autres groupes, étant donné leurs pratiques et leurs principes en matière de modestie?

Je voudrais rappeler que, en adoptant le projet de loi C-16 pour protéger les droits d'un nombre encore inconnu de personnes, nous imposons à une importante majorité des valeurs qui ne font pas partie de notre tissu social. Je ne crois pas que ce serait propice à une meilleure acceptation de la diversité.

La dernière préoccupation que j'aimerais soulever, honorables sénateurs, est la suivante : qu'est-ce qui rend une personne admissible à invoquer ces nouvelles modifications devant un tribunal ou une cour de justice? Le projet de loi est muet sur la question. Je sais que, dans ce débat, certains ont déjà comparé l'identification de genre à l'identité qui repose sur la religion en raison de la nature personnelle de la foi.

Bien que cela puisse être une comparaison valable sur le plan individuel, la religion est fortement réglementée à l'échelle sociale. Il existe des baptistaires, des listes de membres, et cetera, qui ont une incidence marquée sur la pratique religieuse. Inversement, qu'est-ce qui habilitera une personne de porter sa cause devant la Commission canadienne des droits de la personne? Verrons-nous la création d'un registre de l'identité de genre? Voilà autant de questions très sérieuses auxquelles ce projet de loi ne répond pas.

Honorables sénateurs, j'espère avoir fait valoir de bons arguments pour faire avancer la discussion sur ce sujet très important. J'espère que mes collègues ici présents examineront en profondeur les questions que j'ai soulevées lorsqu'ils décideront de la façon de voter sur ce projet de loi.

Merci.

(Le débat est suspendu.)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la présence à la tribune de Mme Gabriela Cuevas Barron, sénatrice au Sénat du Mexique. Elle est accompagnée de M. Fernando Gonzalez Saiffe, conseiller de l'ambassade du Mexique.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des sénateurs : Bravo!

La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Mitchell, appuyé par l'honorable sénatrice Gagné, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'interviens pour participer au débat sur le projet de loi C-16 à l'étape de la troisième lecture.

Après avoir mûrement réfléchi, j'ai décidé d'apporter ma contribution au débat déjà étoffé sur le projet de loi, animée par un sens profond de ma responsabilité comme citoyenne et législatrice.

Si le projet de loi C-16 devenait une loi fédérale et si des affaires pénales ou civiles de discrimination fondée sur l'identité ou l'expression de genre étaient soumises aux cours, commissions ou tribunaux, et vétant donné la permanence et le poids, que le sénateur Baker nous rappelle constamment, que peuvent avoir nos débats collectifs et l'intervention de chacun au Sénat, je tiens à faire connaître mes préoccupations au sujet de l'adoption du projet de loi C-16, mais aussi à affirmer ma confiance envers le judiciaire, les tribunaux et tous ceux qui travaillent fort dans ce domaine et pourraient à l'avenir consulter nos débats pour éclairer leurs arguments et, plus important encore, leurs jugements. Je tiens aussi à expliquer pourquoi je voterai comme j'entends le faire aujourd'hui.

(1430)

Pour commencer, je me dois de saluer les efforts du parrain du projet de loi C-16, le sénateur Grant Mitchell, et du porte-parole, le sénateur Don Plett, et de les remercier des vastes recherches et du travail dévoué qu'ils ont accomplis ces dernières années. La solidité et l'ampleur de leurs connaissances sur la communauté transgenre, la complexité des enjeux à prendre en considération et les larges consultations menées auprès des juristes, des défenseurs des droits et des intervenants, sans oublier leur capacité de faire face aux questions ou aux critiques venant de tous les côtés, y compris des médias. Leur leadership et leur engagement méritent notre reconnaissance. Nous leur devons le débat sérieux et propice à la réflexion que nous avons eu. Au point que je me sens tenue d'y prendre part.

Si j'entends voter contre le projet de loi C-16, c'est parce que je m'inquiète que, dans sa forme actuelle, il soit redondant et ait des conséquences imprévues, comme une limitation de la liberté d'expression. J'éprouve une grande empathie pour la communauté trans et je crois qu'il faut protéger ses droits et sa dignité. C'est pour elle que le projet de loi a été conçu. Mes sentiments à son égard demeureront inchangés, que le projet de loi C-16 soit adopté ou rejeté, et la protection de ses droits est déjà acquise à tous les niveaux.

Ma première préoccupation au sujet de la redondance du projet de loi est partagée par d'autres sénateurs et des témoins qui ont comparu au comité pour l'étude du projet de loi.

Le gouvernement dit proposer le projet de loi C-16 pour codifier l'identité de genre dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel pour veiller à ce que les personnes transgenres aient un accès garanti au système de justice, puissent vivre à l'abri de la discrimination et soient protégées contre la propagande haineuse.

J'ai soutenu que, étant donné notre Constitution, notre Loi sur les droits de la personne et le Code criminel, tous les Canadiens sont déjà traités également en vertu de la loi, peu importe qui ils sont. Par conséquent, le cadre juridique actuel du Canada protège déjà les Canadiens transgenres contre tout acte de discrimination punissable aux termes de la loi.

Au cœur du droit canadien se trouve la Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie de Loi constitutionnelle. La Charte dit que chacun possède certaines libertés fondamentales, certains droits démocratiques, certains droits juridiques et certains droits à l'égalité. En fait, le paragraphe 15(1), dont il a déjà été fait mention, décrit les droits à l'égalité de la manière suivante :

La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Ainsi, tous les Canadiens bénéficient des mêmes droits au regard de la loi.

De même, la Loi canadienne sur les droits de la personne inclut tous les Canadiens dans son mandat, qui stipule ce qui suit :

[...] le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, la déficience ou l'état de personne graciée.

En effet, David Langtry, président par intérim de la Commission canadienne des droits de la personne, a déclaré au comité en 2013 que la commission, le tribunal et les cours considèrent l'identité de genre et l'expression de genre comme étant protégés par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans son témoignage, il a indiqué que même sans le projet de loi C-16, la commission accepte déjà les plaintes relatives à des questions de transsexualité et que la discrimination fondée sur l'identité de genre est déjà interdite par la Loi canadienne sur les droits de la personne.

En fait, le « sexe » est interprété par le Tribunal canadien des droits de la personne et les cours comme incluant les Canadiens transgenres dans les motifs de discrimination interdits.

La jurisprudence montre que les droits des personnes transgenres sont respectés. Par exemple, l'« identité de genre » ne figure pas dans le code du Nouveau-Brunswick, mais la Commission des droits de la personne de la province estime que les personnes transgenres sont protégées du motif de discrimination illicite qu'est le « sexe ».

La même décision a été rendue par le Tribunal des droits de la personne du Nunavut et le Tribunal des droits de la personne du Yukon. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec a été interprétée de la même manière. Un examen de toute la jurisprudence montrerait que la plupart des Canadiens transgenres ont eu gain de cause lorsqu'ils se sont adressés à un tribunal ou à une cour.

Étant donné notre cadre juridique actuel, honorables sénateurs, la discrimination contre les personnes transgenres qui persiste malgré toutes les protections existantes n'est pas un problème que le projet de loi C-16 va résoudre.

On ne peut imposer par voie législative la compréhension, l'amour et le respect. Comme ancienne éducatrice, je crois qu'il faut s'attaquer au problème par l'éducation, des initiatives de sensibilisation, les médias sociaux et d'autres médias afin de changer l'attitude et les idées de ceux qui emploient des personnes transgenres, leur enseignent et ont des contacts avec elles au quotidien.

Le projet de loi C-16 présente une autre difficulté : il ajoute un groupe particulier de personnes dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel, ce qui cadre mal avec la liste existante des grands groupes identifiables. Les motifs de discrimination illicite énumérés dans le Code des droits de la personne, dont j'ai déjà fait lecture, concernent de grands groupes définis en fonction de l'âge, du sexe, de la race et de l'ethnie. Chaque groupe identifiable se compose de divers sous-groupes.

Toutefois, le cadre juridique du Canada ne dresse pas la liste de tous les groupes, comme le projet de loi C-16 le fait, puisqu'il vise à préciser un groupe particulier ou un sous-groupe déjà protégé par la grande catégorie du « sexe ». L'ajout d'un groupe précis par le biais des nouveaux motifs que sont l'« identité de genre » et l'« expression de genre » ne cadre pas avec le reste de la liste. Pour être justes et explicites, nous devrions énumérer toutes les religions, tous les groupes ethniques, etc.

Toutefois, il est entendu que ces sous-groupes font déjà partie de catégories plus vastes. En raison du fait qu'il n'y a pas de définition exacte du terme « identité de genre » dans le projet de loi C-16, les lois existantes devront tenir compte d'un groupe supplémentaire et cela aura comme effet de les rendre ambiguës et de donner un pouvoir discrétionnaire aux personnes qui seront responsables de décider de la signification du terme « identité de genre ». Il pourrait y avoir des conséquences non désirées. Nous tentons d'être plus précis, mais nous créons davantage d'ambiguïté en faisant cela. Nous savons aujourd'hui qu'il s'agit d'un spectre, mais on ne comprend pas parfaitement cette notion pour l'instant.

L'une des conséquences possibles, comme l'ont dit des témoins au comité, est que le projet de loi C-16 dans sa forme actuelle soit une cause de discours forcé. Cela porterait atteinte à un droit fondamental au Canada.

La motion du sénateur Plett visait à ajouter une phrase par souci de précision, et elle se lisait comme suit :

Il est entendu que rien dans la présente loi n'a pour effet d'obliger quiconque à utiliser un mot ou une expression donnés correspondant à l'identité ou à l'expression de genre d'une personne.

Elle a été rejetée. Elle aurait ajouté au projet de loi des dispositions garantissant la protection de la liberté d'expression. Malheureusement, le projet de loi C-16 dans sa forme actuelle, non amendé, n'offre aucune certitude sur ce plan.

Son amendement était clair et simple et indiquait que le projet de loi serait axé entièrement sur la discrimination à l'égard de la communauté transgenre sans mettre en péril la liberté d'expression des Canadiens.

Je tiens à réitérer mon opposition à la discrimination subie par les Canadiens transgenres partout au pays. Dans un pays comme le Canada, nous devrions favoriser l'inclusion et la diversité.

À titre d'ex-enseignante, je le répète, je crois profondément que la sensibilisation est la voie à suivre pour réduire les préjugés contre les Canadiens transgenres. En tant que fière Britanno-Colombienne, je suis heureuse de voir que divers districts scolaires et diverses collectivités de ma province travaillent à faire avancer les questions relatives aux transgenres. Je sais que tout un travail de sensibilisation est fait actuellement partout au pays.

C'est l'orientation que nous devrions privilégier. À l'avenir, je serais heureuse d'examiner tout programme d'éducation ou de sensibilisation que le gouvernement pourrait proposer pour favoriser l'inclusion des Canadiens transgenre et atténuer la discrimination dont ils peuvent être victimes dans la société. Je préconise une société accueillante pour tous. Toutefois, pour les raisons que j'ai énumérées, et uniquement pour celles-là, je ne pourrai appuyer le projet de loi C-16.

(1440)

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, avant de vous faire part de mes réflexions concernant le projet de loi C-16, je tiens à vous rappeler une chose, et je m'adresse surtout à ceux qui siègent au Sénat depuis un certain temps. Il y a 12 ans, presque jour pour jour, nous débattions de la loi sur le mariage civil. Je me souviens très bien de ce débat. J'avais parrainé le projet de loi et le porte-parole était l'ex-sénateur St. Germain, de la Colombie-Britannique. Le débat avait été très long. Ceux qui y étaient à l'époque se rappelleront que nous avions siégé jusqu'au 20 juillet, alors soyez patient, puisque nous pourrions en avoir encore pour un mois.

En fait, le débat sur le projet de loi C-16 a commencé presque au jour anniversaire. Je dis cela parce que je réfléchissais à ce que j'allais vous dire et j'ai pensé que, avant de présenter ma conclusion en ce qui concerne le projet de loi C-16, il y avait une chose que je voulais dire. Je pense que cela a à voir avec les débats que nous tenons en général dans cette enceinte, un lieu où doivent être exprimés des points de vue contradictoires si nous voulons qu'un véritable débat se tienne sur les mérites et sur le fond d'un enjeu.

C'est pourquoi, dans un Parlement de nature démocratique, il y a un gouvernement et une opposition, ou un pour et un contre. Le contre doit exprimer des arguments aussi solides que le pour. Ce que j'aime de la nature démocratique de notre organisation, c'est de savoir, lorsque j'entre dans cette enceinte, que je peux compter sur le fait que des gens soutiendront un débat solide et rigoureux parce que l'opposition est là.

Je tiens à féliciter le sénateur Plett et d'autres sénateurs qui ont participé à ce débat sur une question aussi émotive et aussi personnelle. Lorsque nous commençons à parler de sexe, que l'on soit hétérosexuel, lesbienne, gai ou transgenre, tout le monde a sa propre réaction puisque nous avons tous une vie sexuelle et une certaine expérience de la sexualité. Quand une loi — et je le dis sans jeu de mots — lève le voile sur cet enjeu, on peut constater qu'il existe des frictions. J'estime que c'est tout à fait normal, pourvu que le débat se fasse dans le respect des autres.

C'est pourquoi je veux revenir sur un point soulevé par le sénateur Plett lorsque nous avons entendu des témoins au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, Mme Theryn Meyer et M. Gad Saad. J'ai pu alors poser une question sur un ton qui s'apparentait à une réprimande, mais je tiens à vous assurer, ainsi qu'à Mme Meyer et à M. Saad, que je n'avais nullement l'intention de manquer de respect envers des personnes qui ont des opinions différentes de la mienne. Je tiens à le signaler, afin qu'il soit clair à l'avenir que nous nous sommes bien compris.

Je rappelle aux honorables sénateurs que Mme Meyer a conclu son mémoire sur la phrase qui suit :

Si vous vous souciez vraiment des personnes trans et des non-conformistes sexuels, ainsi que de nos vies et de notre capacité de gagner notre vie, vous voterez contre le projet de loi C-16.

Autrement dit, le témoin me demandait alors de voter contre le projet de loi C-16. Bien entendu, je n'ai pu faire autrement que de me rendre compte que le projet de loi C-16 modifie essentiellement deux lois, ce que nous savions tous déjà. Il modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel. Il y a toutefois une chose qui ne paraît pas dans la mesure : on y indique une modification du Code criminel, mais on ne voit pas le contexte de la modification, soit l'article du code qui est visé. Or, la disposition du Code criminel qui est modifiée, l'article 318, s'intitule « Encouragement au génocide ».

Ma première réaction, lorsque j'ai été confronté à un témoin qui me demandait de voter contre le projet de loi C-16, a été de poser la question suivante : me demandez-vous de voter contre l'encouragement au génocide des personnes transgenres? C'est une décision très lourde de conséquences. On pourrait avoir des opinions différentes fondées sur la protection prévue dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Comme la sénatrice Martin vient de le dire, on pourrait penser que cette question est redondante ou qu'elle a déjà été couverte. Je pense bien que nous pourrions en débattre. Cela semble acceptable, mais lorsqu'on demande à quelqu'un de voter contre le projet de loi C-16, et que la deuxième partie du projet de loi C-16 porte sur une disposition qui s'intitule « Encouragement au génocide », alors il y a lieu de s'arrêter et de se poser des questions d'ordre moral, avant de faire quoi que ce soit, car la chose est très grave.

Dans mes échanges avec les témoins, si jamais j'ai semblé douter de la sincérité ou de la façon dont un témoin essayait de nous aider à réfléchir au projet de loi, je vous prie encore de m'en excuser, sénateur Plett, et je n'ai aucune hésitation à le dire devant tous nos collègues ici présents, même si nous n'étions que 12 ou 13 sénateurs autour de la table à ce moment.

Cela dit, honorables sénateurs, j'aimerais vous faire part cet après-midi de mes réflexions au sujet du projet de loi C-16, qui a d'importantes répercussions sur la société canadienne. Le projet de loi C-16 a une portée qui dépasse largement le très faible pourcentage de Canadiens qui sont transgenres, car c'est un débat qui repose sur les principes mêmes suivant lesquels évolue la société canadienne. Il s'agit d'un débat qui est loin d'être circonscrit aux droits et à la protection des personnes transgenres.

Comme vous le savez tous, le Canada forme une société laïque et pluraliste et il constitue de plus en plus un pays aux perspectives multiples. Nous évoluons, nous multiplions les identités, et nous essayons tous de nous assurer que les droits des uns n'empiètent pas sur ceux d'autrui. Quand nous vivions dans une société simple, fondée sur des valeurs judéo-chrétiennes — une société patriarcale —, notre contexte était très stable. Nous avions alors l'impression que l'ordre mondial se maintiendrait ainsi pendant des siècles.

Eh bien, notre société se définit maintenant par différentes approches, et l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui parle de société démocratique, renvoie à ces éléments qui nous définissent. Quels sont les éléments essentiels à notre société démocratique? La Cour suprême du Canada a défini l'essence même du Canada, et je vais citer un extrait de la décision qu'elle a rendue en 1986 dans l'affaire Oakes. Voici les principes que la Cour suprême associe à la société démocratique visée à l'article 1 :

[...] le respect de la dignité inhérente de l'être humain, la promotion de la justice et de l'égalité sociales, l'acceptation d'une grande diversité de croyances, le respect de chaque culture et de chaque groupe...

— je répète : « de chaque culture et de chaque groupe » —

... et la foi dans les institutions sociales et politiques qui favorisent la participation des particuliers et des groupes dans la société. Les valeurs et les principes sous-jacents d'une société libre et démocratique sont à l'origine des droits et libertés garantis par la Charte.

Voilà ce que je veux dire lorsque j'affirme que le débat ne se limite pas au groupe de Canadiens ciblés ou à un groupe de personnes que nous voulons définir dans le projet de loi. Le projet de loi participe aux valeurs fondamentales qui guident l'évolution du Canada.

(1450)

À mon humble avis, si nous voulons maintenir la cohésion sociale et l'unité de notre pays, nous ne devons pas perdre cela de vue. Quand nous nous penchons sur un enjeu aussi difficile et délicat que celui qui se dégage du statut ou de la condition des personnes transgenres, il ne faut pas perdre cela de vue.

Le deuxième aspect que j'aimerais aborder avec vous, honorables sénateurs, a déjà été énoncé de belle manière par Jena McGill, professeure à l'Université d'Ottawa, dans un article publié l'an dernier dans la publication Alberta Law Review sous le titre « ''Now it's My Rights Versus Yours'' : Equality In Tension with Religious Freedoms », article qui traite de l'équilibre entre le droit à l'égalité et les libertés religieuses. Dois-je renoncer à mes droits pour que les vôtres soient respectés? Cette tension fondamentale est présente dans notre société en vertu de l'article 15 de la Charte — sur l'égalité —, qui garantit à tous les Canadiens le même niveau de dignité et les mêmes possibilités, quels que soient leur genre, leur sexe, leur religion ou leur origine, des différences qui peuvent monter les gens les uns contre les autres.

Il va sans dire que nous avons des croyances religieuses diverses. Chacun d'entre nous possède ses propres croyances. Autrement dit, notre vision du monde est déterminée par un certain nombre de valeurs qui orientent notre manière d'agir, de nous comporter et de mettre l'accent sur certaines façons de faire les choses.

Nous sommes mus par notre interprétation du monde. Comme le sénateur Plett l'a très bien dit, quand un enjeu fondamental est soulevé, devons-nous opposer la liberté de religion ou la liberté d'expression au droit à l'égalité?

Pour dénouer des conflits de ce genre, quels principes s'appliquent?

C'est pourquoi j'estime que ce projet de loi est important, parce qu'il se retrouvera devant les tribunaux. J'en suis absolument persuadé. Au même moment, l'an dernier, alors que nous tenions un débat sur le projet de loi C-14 au sujet de l'aide médicale à mourir, plusieurs d'entre vous se rappelleront — je regarde le sénateur Ogilvie et la sénatrice Seidman, qui faisaient partie du comité mixte spécial — que je vous avais dit que ce projet de loi allait se retrouver devant les tribunaux en un rien de temps. Ce matin, vous avez pu lire dans le journal qu'une affaire a été portée devant un tribunal au Québec. De la même manière, une affaire avait été portée devant un tribunal de la Colombie-Britannique une semaine plus tard. Aussi le gouvernement du Québec ne tardera-t-il pas à porter la question de la « perspective raisonnable d'un décès » devant la Cour d'appel du Québec. Autrement dit, les enjeux sont bien présents. La conciliation de mes droits et de vos droits en est tributaire.

Quelle est l'approche des tribunaux en matière d'équilibre des droits de l'un contre ceux de l'autre? Voilà l'enjeu clé. La Cour suprême du Canada a mis au point un système de questions bien ficelé.

Elle indique d'abord — c'est sa règle d'or — qu'il n'y a pas de hiérarchie des droits. Tous les droits de la Charte, de l'article 2 à l'article 15, y compris les droits linguistiques. Je regarde la sénatrice Tardif, le sénateur Cormier et la sénatrice Gagné, et je précise que je n'oublierai pas les droits linguistiques, les articles 16 et 23. Toutefois, tenon-nous en aux articles 2 à 15. La Cour suprême affirme qu'il n'y a pas de hiérarchie de ces droits. En d'autres termes, la liberté de religion n'a pas préséance sur les droits à l'égalité de l'article 15.

Évidemment, il y a parfois des conflits. Nous en avons fait l'expérience avec la Loi sur le mariage civil. Je me rappelle — en songeant avec émotion à l'ancien sénateur St. Germain — que, il y a de cela 12 ans, le raisonnement était le suivant : « Vous forcerez un commissaire aux mariages à célébrer des mariages en dépit de ses croyances religieuses personnelles et vous empiéterez sur la liberté de religion garantie par l'article 2a) de la Charte. »

Puis-je demander cinq minutes de plus?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Joyal : Merci, chers collègues. Je digresse.

Le premier principe est donc l'absence de hiérarchie des droits.

Le deuxième principe établi par la Cour suprême, c'est le caractère non absolu des droits garantis par la Charte. C'est dire que la liberté d'expression n'est pas plus absolue que la liberté de religion. En fait, on a imposé des limites à la liberté d'expression; elle ne s'applique plus lorsque des membres vulnérables d'une société en font les frais. Dans le cas de la pornographie ou des propos haineux, par exemple, il y a eu limitation.

Il va sans dire que la liberté d'expression joue un rôle essentiel dans la démocratie. Nous pouvons débattre ici parce que nous pouvons nous exprimer. Nous saisissons tous l'importance de cela, mais aucun droit n'est absolu. Il s'agit du deuxième principe que la Cour suprême a très clairement établi. Je ferai mention de certains jugements tout à l'heure.

Le troisième principe est le suivant : quand vient le temps de chercher l'équilibre des droits des uns et des autres, la Cour suprême prend en considération le contexte général de la situation.

J'ai parfois entendu des phrases comme celle-ci : « Vous me forcerez à m'adresser à cette personne au moyen des pronoms neutres iel, ille ou ol. » Si le contexte indique qu'il n'y a pas d'intention de blesser ou de calomnier cette personne, pas d'intention d'attiser la haine à son endroit ou de la forcer à justifier son existence en raison de sa façon d'exprimer son genre, il faut en tenir compte. En effet, la Cour suprême — c'est le quatrième principe — a indiqué que, quand vient le temps de trouver le juste équilibre entre les droits, elle doit déterminer la gravité du préjudice qui a été causé ou la limite des droits en question. Prenons l'exemple du commissaire qui est appelé à célébrer un mariage à l'hôtel de ville ou à la mairie. Le jugement de la Cour suprême à cet égard remonte seulement à 2012. C'est une affaire récente. La Cour suprême a cherché l'équilibre des droits en affirmant que si deux droits entrent en conflit, la cour pèse les préjudices. Est-ce que, dans cet exercice du droit à la liberté, une personne voit ses droits atteints en leur centre tandis que les droits de l'autre sont touchés en périphérie seulement?

Autrement dit, la cour déterminera qui est mieux placé pour conserver son droit. Si le fonctionnaire municipal refuse de procéder au mariage, eh bien, il déclare devant tout le monde que ces personnes ont le droit de se marier, mais qu'elles ne peuvent pas l'exercer.

Par contre, le fonctionnaire municipal qui sera forcé de conclure le mariage n'aura pas à modifier ses opinions quant à ses convictions religieuses, et ce sera une atteinte minimale à sa liberté d'expression. C'est ce que la cour a conclu dans l'affaire de la Saskatchewan que je viens mentionner. En d'autres mots, il y a une incidence centrale et une incidence périphérique.

Je reviens au point qui a été soulevé durant le débat que nous avons eu. Certaines personnes sont, intellectuellement, profondément convaincues que l'homosexualité peut se guérir. Comme vous le savez, avant 1973, selon l'association des psychiatres, être homosexuel signifiait être malade. C'était une maladie mentale. Les médecins et les psychiatres de l'époque s'entendaient tous pour dire qu'elle pouvait être soignée. Ils tentaient de fouiller dans le passé des gens. Peut-être avaient-ils eu de mauvaises relations avec leurs parents. Le père était absent, la mère, dominante. Toutes les interprétations découlaient de ces perceptions.

(1500)

Puis-je terminer mon discours?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Le sénateur Joyal : Puis-je demander une minute de plus?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Une minute.

Le sénateur Joyal : Je me sens comme un danseur en pleine pirouette alors que le rideau tombe. Je vous remercie de votre patience, honorables sénateurs.

Je crois que les scientifiques sont libres de débattre de la question. L'adoption du projet de loi n'empêchera pas les personnes convaincues que l'identité de genre est une construction sociale — qu'il s'agisse de psychologues, de médecins ou de tout autre professionnel — de continuer les recherches, les discussions, les publications, les conférences et autres, à l'instar de ceux qui croient que l'homosexualité peut être guérie. Rien ne l'interdit. Le problème, c'est quand on stigmatise volontairement une personne devant soi afin de l'exposer publiquement ou quand une personne est persécutée sur Internet et qu'elle devient la cible de diffamation. Voilà d'où découle l'équilibre entre mes droits et les vôtres. Je crois que les tribunaux sauront très bien trancher.

Merci.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : C'est une très bonne façon de terminer!

[Traduction]

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-16. Je ne prévoyais pas le faire, mais je ressens l'obligation de parler de cette question. C'est un grand honneur pour moi de prendre la parole après les orateurs précédents. À titre de scientifique, et maintenant de sénatrice, j'ai un point de vue légèrement différent.

Je vais parler aujourd'hui du discours forcé et de la liberté d'expression, un peu comme le sénateur Joyal vient de le faire, et de ce que cela signifie pour l'équilibre entre les droits d'une personne qui se définit comme transgenre et ceux de quelqu'un d'autre qui interagit avec cette personne.

L'expression « discours forcé » est intrigante. Qu'est-ce qu'elle signifie au juste? Je ne pense pas que les gens savent ce qu'elle veut réellement dire. D'une certaine manière, je pense que c'est probablement délibéré. Cette expression a été inventée pour expliquer l'idée d'être obligé de s'adresser à une personne transgenre en utilisant des pronoms comme « iel » ou « ille » ou d'autres pronoms tous plus absurdes les uns que les autres dont personne n'avait jamais entendu parler avant les deux derniers mois.

En fait, cela me rappelle une autre expression qu'on a déjà entendue ici : « enfant à naître ». Qu'est-ce qu'un enfant à naître? Un enfant à naître, c'est un fœtus, mais dire « enfant à naître » plutôt que « fœtus » donne l'impression que l'enfant en question est plus vivant.

Les mots ont un sens et évoquent une certaine ambiguïté. Quand on entend « discours forcé », on se dresse et on crie bien haut que personne ne nous forcera à dire ou à faire quoi que ce soit contre notre gré. Nous nous braquons et nous disons que notre droit individuel de dire ce que nous voulons est bafoué.

Comme d'autres sénateurs l'ont déjà dit, rien dans le projet de loi C-16 ne force qui que ce soit à utiliser un de ces pronoms inhabituels pour s'adresser à une personne transgenre. Quand on parle de « discours forcé », on parle en fait de limiter la liberté d'expression. C'est vraiment un aspect de la liberté d'expression. Nous devrions vraiment garder à l'esprit ce dont le sénateur Joyal vient de parler, soit que la liberté d'expression est une question d'équilibre. Lorsqu'on parle à quelqu'un, on s'exprime à l'intérieur d'un dialogue. Il n'y a pas que les droits de la personne qui parle qui comptent; il y a aussi ceux de la personne à qui on parle et avec qui on a une conversation. C'est un aspect essentiel du projet de loi.

J'ai été vraiment secouée quand j'ai réfléchi à cet aspect du « discours forcé » et à l'amendement. Je n'ai pas appuyé l'amendement. Je m'y suis opposée, mais, en y repensant plus tard, je me suis dit qu'il aurait été dangereux de l'adopter parce que l'existence même du concept de « discours forcé » aurait été en quelque sorte validée. C'est donc une bonne chose selon moi que l'amendement n'ait pas été adopté, parce qu'il aurait validé un concept nébuleux et trompeur.

Le sénateur Joyal a aussi expliqué que l'expression « identité de genre » signifie plus que les trois mots qui la composent. C'est très important. Chaque être humain a un sexe et un genre. Cela fait partie intégrante de qui nous sommes. Pour les personnes transgenres, l'identité de genre est aussi importante qu'elle l'est pour nous tous, mais ces gens sont marginalisés parce qu'ils ne cadrent pas dans la conception illusoire qu'il n'y a que le masculin et le féminin. Par exemple, si on s'adresse à un homme en utilisant le pronom « elle » ou qu'on l'appelle « Nancy », c'est généralement interprété comme une insulte. Si on continue de s'adresser à cet homme en utilisant le pronom « elle » ou le prénom « Nancy », on continue de l'insulter parce que cet homme préférerait sûrement qu'on utilise le pronom approprié.

Si quelqu'un s'adresse à moi, qui suis une femme, en disant « il » — et, comme j'ai les cheveux courts, cela m'est déjà arrivé —, la personne se confond immédiatement en excuses parce qu'elle ne voulait pas m'insulter. Si la personne continue de dire « il », alors je sais qu'elle cherche vraiment à m'insulter. Je répondrais que je suis une femme et que j'aimerais qu'on utilise le bon pronom quand on s'adresse à moi, car sinon, je vais considérer que c'est du harcèlement et je pourrais probablement faire une plainte en vertu des lois sur les droits de la personne. Il ne faut pas oublier que, dans le domaine des droits de la personne, la perception compte pour beaucoup. La perception de la personne qui croit faire l'objet de harcèlement est très importante.

Donc, pour une femme trans, le fait qu'on parle d'elle au masculin est insultant, comme ce l'est pour moi. On sait que c'est insultant juste à voir le langage corporel et la réaction de la personne. Cette personne dirait ensuite : « Arrêtez de parler de moi au masculin. Si vous continuez, ce sera un cas de harcèlement. »

Honorables sénateurs, il est primordial de garder à l'esprit que l'identité de genre est un élément essentiel de notre identité en tant qu'êtres humains, et que la perception est au centre des questions de harcèlement et de discrimination. Je crois que le sénateur Joyal en a parlé quand il a dit qu'il fallait placer les choses dans leur contexte. La perception est un concept central dont il faut tenir compte, parce que la perception du harcèlement est la clé qui permet de comprendre la dynamique entre le harceleur et la victime.

Le concept de perception est également essentiel pour comprendre ce qu'est la liberté d'expression. Comme on l'a déjà dit, la liberté d'expression a ses limites. La liberté d'expression totale n'existe pas. Il faut toujours trouver l'équilibre entre le droit de s'exprimer librement et le droit de la personne à qui on s'adresse de vivre en société sans se faire harceler.

Même ici, au Sénat, notre liberté d'expression n'est pas illimitée. Notre Règlement ne nous permet pas de tenir des propos non parlementaires ou d'utiliser des termes injurieux ou offensants. Il en est ainsi parce que nous devons pouvoir discuter convenablement sans insulter par mégarde un autre sénateur. Nous nous adressons les uns aux autres en disant « honorables sénateurs » ou « chers collègues ». Nous ne nous adressons pas la parole mutuellement en utilisant nos prénoms.

(1510)

Voici un exemple. Récemment, le sénateur Plett a jugé que la sénatrice McPhedran l'avait taxé de sectarisme. Il a soulevé la question de privilège à cet égard, et le Président lui a donné raison. Dans ce cas, la perception du sénateur Plett a été validée. Cela montre toute l'importance du concept de perception. La sénatrice McPhedran a dit qu'elle n'avait pas l'intention d'insulter le sénateur Plett, et le Président a pris en considération les mots utilisés, l'intention et la perception. Voilà en quoi consiste la liberté d'expression, et c'est aussi là-dessus que repose le concept de harcèlement. Si la sénatrice McPhedran avait continué d'employer les mêmes termes, elle aurait pu être déclarée coupable de harcèlement, mais elle ne l'a pas fait.

Quel est le lien avec le projet de loi C-16 et les pronoms? Je l'ai déjà expliqué. Si moi ou n'importe qui d'autre utilisait le pronom « il » en s'adressant à une femme trans, cette dernière pourrait être insultée. Si cette femme trans me disait qu'elle préférait qu'on s'adresse à elle en employant le féminin plutôt que le masculin, mais que je ne l'écoutais pas et que je continuais à parler d'elle au masculin, ce serait un cas de discrimination. Elle pourrait s'adresser au tribunal des droits de la personne, et je serais fort probablement déclarée coupable de harcèlement à son endroit parce que j'ai employé le mauvais pronom en toute connaissance de cause pour la dénigrer, l'humilier ou lui faire sentir qu'elle vaut moins que sa vraie valeur.

Utiliser constamment le mauvais pronom quand on s'adresse à quelqu'un peut servir à dénigrer cette personne. C'est une forme de harcèlement. C'est un peu comme proférer des injures, mais pas exactement. Comme tous les membres des minorités visibles le savent, les injures à saveur raciste, ces mots qu'on n'ose pas répéter ici, servent à dénigrer. À mon avis, utiliser la mauvaise identité sexuelle ou la mauvaise identité de genre quand on s'adresse à quelqu'un va dans le même sens, parce que la race et le sexe sont des éléments fondamentaux de l'identité d'une personne. Nous devons respecter cela. Nous devons respecter les souhaits de ceux qui veulent qu'on s'adresse à eux en utilisant les bons pronoms et la bonne terminologie.

Je suis pour l'adoption du projet de loi C-16 parce qu'il va plus loin que les lois sur les droits de la personne que les provinces ont adoptées. Celles-ci interdisent la discrimination pour ce qui est de l'emploi ou de l'accès aux lieux publics, mais le projet de loi C-16 va modifier le Code criminel. C'est très important, parce que le Code criminel s'applique au pays en entier et protégera les personnes transgenres, qui, on le sait parce que les statistiques le prouvent, sont plus à risque de se faire agresser physiquement.

En renforçant le Code criminel pour faire en sorte qu'agresser physiquement une personne transgenre s'accompagne de conséquences suffisamment lourdes, nous améliorons la sécurité des transgenres. Les lois sur les droits de la personne ne vont pas aussi loin. Elles interdisent le harcèlement, mais le Code criminel interdit qu'on s'en prenne physiquement aux personnes transgenres, et on sait que les taux d'agressions physiques à leur endroit sont élevés. Je suis donc en faveur du projet de loi.

L'honorable Lynn Beyak : J'ai une question, si vous le permettez.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Acceptez-vous de répondre à une question, sénatrice Dyck?

La sénatrice Dyck : Oui.

La sénatrice Beyak : Dans le cadre d'un projet de recherche en 2008, j'ai fait une tournée des universités américaines, et le discours forcé faisait partie des enjeux en raison du premier amendement. L'expression n'est donc pas nouvelle. Je comprends que les mots sont importants, mais un enfant à naître qui est à trois jours de la naissance est un enfant. Un fœtus, c'est trois, quatre ou cinq mois après le début de la grossesse. Les gens utilisent ce terme parce que c'est un fœtus jusqu'au moment de la naissance, évidemment. Toutefois, ici même, au Canada, l'argent des contribuables sert à payer des avortements dans des cas de grossesses rendues à huit ou neuf mois, alors peut-être que nous devrions en débattre. L'avortement à trois mois de grossesse, peut-être. Nous avons besoin d'une loi au Canada.

Je me demandais comment, en tant que femme, vous pouvez appuyer le projet de loi C-16 alors que les féministes se battent depuis tant d'années pour protéger les femmes contre la violence qu'elles subissent aux mains des hommes? Ce projet de loi permettra aux hommes d'entrer dans les vestiaires et les toilettes des femmes partout au pays. Qu'en pensez-vous?

La sénatrice Dyck : Sénatrice Beyak, j'ai expliqué ce que je pensais de l'argument du prédateur des toilettes dans le discours que j'ai prononcé à l'étape de la deuxième lecture. J'ai dit qu'il s'agissait d'une peur exagérée que l'on nous infligeait et qu'il fallait que l'on trouve un équilibre entre les droits de la communauté transgenre et ceux du reste de la population du Canada. Si vous lisiez mon discours à l'étape de la deuxième lecture, vous trouveriez les réponses à toutes les questions que vous posez.

La sénatrice Beyak : Je l'ai lu, mais, selon moi, un acte violent contre une femme dans les toilettes en est un de trop.

L'honorable Dennis Glen Patterson : J'aimerais remercier tous les sénateurs qui se sont prononcés sur ce projet de loi, qui revêt maintenant une importance symbolique. Je remercie plus particulièrement la sénatrice Frum pour les observations qu'elle a faites hier. Je tiens à montrer que je suis du même avis qu'elle et à réitérer ses propos.

Elle a dénoncé de façon éloquente ce qui est depuis le début, selon moi, l'un des graves défauts du projet de loi, soit que la définition des protections pour « l'identité de genre » et « l'expression de genre » est floue, vague et imprécise. Comme l'a dit la sénatrice Frum, le projet de loi finit par protéger la liberté d'une personne — et j'ai trouvé cela particulièrement éloquent qu'elle dise cela en tant que femme — à choisir ses vêtements, son maquillage et sa coiffure. Selon la sénatrice, l'expression, c'est l'apparence, le look, la manière d'être et la contenance. À quel point est-ce précis?

Elle a également fait ressortir tout le paradoxe associé au fait qu'un projet de loi censé faire progresser les droits de la personne en incluant l'expression de genre et l'identité de genre à la liste des motifs de distinction illicite, plutôt que le terme « transgenre », redéfinisse en fait la notion même de femme. Ce n'est plus une question de biologie, mais une question d'apparence externe. Je suis d'accord avec la sénatrice Frum : le projet de loi va entraîner, je le crains, des litiges. Des femmes vont chercher à prouver qu'elles ont droit à des espaces pour femmes et à des activités pour femmes. Le sénateur Joyal estime également que le projet de loi entraînera des litiges.

J'ai été très impressionné d'entendre le point de vue d'une femme sur la volonté que peut avoir une femme d'avoir avec elle une personne qui est née femme dans une installation sportive, un spa, une cellule de prison, un établissement pour personnes âgées ou un refuge pour femmes maltraitées, là où une femme peut souhaiter être à l'abri du regard de l'homme, comme la sénatrice Frum l'a expliqué.

Je tiens à ce qu'une chose soit très claire : comme tous ceux qui se sont exprimés sur ce projet de loi, je crois, j'appuie sans réserve le droit des personnes transgenres à jouir des mêmes protections que tous les autres membres de la société. J'ai rencontré des personnes transgenres pour discuter du projet de loi. Elles m'ont exhorté à l'appuyer, et je me suis engagé à y réfléchir sérieusement.

Ma préoccupation demeure la même : en protégeant ce droit, il nous faut aussi respecter les droits d'autres membres de la société. La définition vague de l'expression de genre suscite chez moi des inquiétudes en ce qui a trait à la protection des droits d'autres personnes.

En me demandant comment j'allais voter, j'ai décidé qu'il me fallait exprimer mes préoccupations au sujet de cette définition vague et des conséquences de cette imprécision. Le projet de loi donnera lieu à des litiges et ceux qui pensent qu'il y a eu atteinte à leurs droits devront prendre la peine de s'adresser aux tribunaux pour obtenir réparation et assumer les coûts de cette démarche.

Cela dit, il s'agit d'un projet de loi ministériel. Je suis convaincu que l'opposition officielle a un rôle important à jouer dans notre Parlement bicaméral, et j'ai été heureux d'entendre le sénateur Harder le réaffirmer hier à l'occasion d'un rappel au Règlement portant sur un autre projet de loi.

(1520)

Je crois aussi que même les sénateurs indépendants — soit dit en passant, je me considère comme un sénateur indépendant qui est heureux de travailler avec d'autres sénateurs indépendants qui ont des idées communes, au sein du caucus conservateur — doivent respecter la volonté des membres élus à l'autre endroit, ce que je fais, sauf dans des circonstances exceptionnelles où sont en cause les droits de la personne, les droits constitutionnels ou des lois qui violent les droits civils ou sont injustes envers des régions ou des minorités. Je crains donc que le projet de loi ne porte atteinte à certains droits tout en faisant la promotion d'autres droits, mais j'ai bon espoir que les tribunaux sauront gérer ce problème.

Je dirai au passage que, franchement, je ne trouve pas convaincants les arguments fondés sur la liberté d'expression.

Votre Honneur, bien qu'il soit mal rédigé, à mon avis, le projet de loi est devenu un symbole de tolérance et de modernité. J'espère donc qu'il apportera une meilleure vie à ceux qui ont été persécutés, mais je doute vraiment que des lois adoptées par le Parlement fédéral puissent faire beaucoup pour modifier le comportement humain.

Malgré toutes les réserves que je viens de faire valoir, je vais appuyer le projet de loi. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Monsieur le sénateur Patterson, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Patterson : Oui.

La sénatrice Dyck : Merci, monsieur le sénateur Patterson. On dit souvent que les lois ne modifient pas le comportement humain. C'est vrai jusqu'à un certain point, mais permettez-moi de vous poser une question au sujet des lois sur la conduite en état d'ébriété. Ont-elles modifié le comportement humain?

Le sénateur Patterson : Je crois avoir dit que ce ne sont pas toutes les lois qui modifient le comportement humain.

Je crois que ce qui s'est passé, en fait, dans le cas des lois sur la conduite en état d'ébriété, qui ont été adoptées il y a des dizaines d'années, c'est qu'il y a probablement eu plus d'impact sur la sensibilisation de l'opinion, et les campagnes comme celles de Mothers Against Drunk Driving ont peut-être compté davantage pour faire diminuer le nombre d'infractions de conduite en état d'ébriété au Canada. À ce propos, je me permets d'ajouter que les heures que nous avons consacrées au débat sur le projet de loi et l'attention que cela a suscité dans les médias ont amélioré la situation des personnes transgenre, je le crois et je l'espère, et ont fait ressortir de façon saisissante les persécutions dont nous avons entendu parler. J'espère que la sensibilisation de l'opinion permettra d'améliorer leur condition, même si je ne crois pas que les simples mots d'une loi puissent avoir beaucoup d'effet.

La sénatrice Dyck : J'ai une question complémentaire. Oui, je crois que la sensibilisation du public est essentielle pour modifier le comportement des gens.

Toutefois, en Saskatchewan, nous venons d'alourdir les peines pour la conduite avec facultés affaiblies, malgré les activités de sensibilisation du public. Même un ministre responsable de la sécurité routière, qui conseillait aux gens de ne pas prendre le volant après avoir consommé de l'alcool, a été reconnu coupable de conduite avec facultés affaiblies. Nous avons donc modifié les lois afin d'alourdir les peines.

Manifestement, les peines sont importantes. Êtes-vous d'accord pour dire que les peines et les activités de sensibilisation sont nécessaires?

Le sénateur Patterson : Je suis d'accord pour dire que les lois peuvent donner des résultats si elles sont bien rédigées, mais je ne crois pas que cette mesure législative soit bien rédigée.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénateur Mitchell, avec l'appui de l'honorable sénatrice Gagné, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vois deux sénateurs se lever. Les whips en sont-ils arrivés à une entente?

Le sénateur Plett : Trente minutes.

Le sénateur Mitchell : Trente minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateurs, le vote aura lieu à 15 h 54.

Convoquez les sénateurs.

(1550)

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

POURLES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Jaffer
Ataullahjan Joyal
Baker Kenny
Bellemare Lang
Bernard Lankin
Boisvenu Maltais
Boniface Manning
Bovey Marshall
Brazeau Marwah
Campbell Massicotte
Carignan McCoy
Cordy Mégie
Cormier Mercer
Dagenais Mitchell
Dawson Mockler
Day Moncion
Dean Oh
Downe Omidvar
Duffy Pate
Dupuis Patterson
Dyck Petitclerc
Eaton Pratte
Eggleton Ringuette
Forest Runciman
Fraser Saint-Germain
Frum Seidman
Gagné Stewart Olsen
Galvez Tannas
Gold Tardif
Greene Wells
Griffin Wetston
Harder White
Hartling Woo—67
Hubley  

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Batters Neufeld
Beyak Ngo
Doyle Plett
Enverga Tkachuk
Housakos Unger—11
Martin

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Cools Smith—3
MacDonald

(1600)

Recours au Règlement

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Je le fais avec beaucoup de réticence, mais je crois que le temps est venu de dire que nous devons tous nous exprimer avec respect à l'égard des autres personnes dans cette enceinte.

Deux musulmanes siègent parmi vous aujourd'hui. Nous avons l'impression qu'on ne nous considère pas comme modestes. Votre Honneur, j'invoque le Règlement en raison de ce qu'a dit le sénateur Enverga :

Considérons les pratiques qui sont importantes pour les musulmans. Tous les sénateurs savent que beaucoup de musulmanes portent un voile, souvent le hidjab. Généralement, nous estimons que le voile symbolise la modestie et la pudeur, car les femmes ne doivent pas montrer leurs cheveux aux hommes. Si, pour des motifs d'ordre religieux ou culturel, une femme ne veut pas montrer ses cheveux à un homme, comment pourrions-nous la contraindre à se trouver dans des locaux à caractère particulièrement privé et intime avec une personne qui, par tous les aspects physiques et biologiques, semble appartenir au sexe opposé?

Je vous pose la question, honorables sénateurs : est-il possible que, en adoptant le projet de loi, nous exercions une certaine discrimination contre nos amis musulmans et contre les membres d'autres groupes, étant donné leurs pratiques et leurs principes en matière de modestie?

Votre Honneur, je ne sais pas comment le dire autrement, mais, compte tenu de ce qui se passe autour de nous et compte tenu de toutes les statistiques sur les crimes, j'invite respectueusement les sénateurs à montrer de la considération aux deux musulmanes qui siègent avec eux. Le sénateur fait référence à une religion — et uniquement cette religion —, alors que nous savons pertinemment que des gens de différentes religions nous ont écrit pour dire qu'ils n'appuient pas le projet de loi. Je ne demande à personne ici d'appuyer ou de ne pas appuyer le projet de loi. Je tiens seulement à ce que les honorables sénateurs sachent que de tels propos nous blessent profondément.

Cela nous heurte. Ne nous faites pas cela. Au Sénat, nous avons une règle, Votre Honneur, au sujet du langage non parlementaire. Voici ce que dit l'article 6-13(1) du Règlement : « Les propos injurieux ou offensants sont non parlementaires et contraires au Règlement. »

Je vous dis en tout respect, chers collègues, que deux femmes siègent parmi nous. Ne nous accusez pas de manquer de modestie. Nous avons les mêmes difficultés à surmonter que tous ceux d'entre vous qui ont la foi. N'empirez pas les choses. J'estime qu'il est non parlementaire de dire que nous manquons de modestie.

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Votre Honneur, chers collègues, je n'avais pas l'intention de vexer qui que ce soit ou de dire quoi que ce soit pouvant être perçu comme négatif au sujet de l'islam ou des musulmanes ici.

J'ai essayé de communiquer mon souci de les protéger. J'ai dit que beaucoup de musulmanes se couvrent la tête en signe de modestie. Je n'ai jamais dit ou insinué que toutes les musulmanes portent le hidjab. J'estime que le droit à la modestie et à l'intimité de toutes les musulmanes, qu'elles choisissent ou non de se couvrir la tête, devrait être respecté et protégé. C'était mon intention.

Si j'ai blessé quelqu'un ici, cela n'a jamais été, de quelque façon que ce soit, intentionnel.

Son Honneur le Président : Je remercie la sénatrice Jaffer d’avoir soulevé ce rappel au Règlement au sujet des propos tenus dans les débats et j’apprécie beaucoup les excuses présentées par le sénateur Enverga. Je rappelle aux sénateurs la teneur de l’article 6-13(1) du Règlement et qu’il n’y a pas que les propos injurieux ou offensants qui sont non parlementaires et contraires au Règlement; les commentaires personnels le sont aussi. Je vous demande, honorables sénateurs, de bien vouloir vous reporter à cette disposition du Règlement en préparant vos interventions et de toujours avoir à l’esprit le décorum du Sénat et le respect qui doit être porté à toutes les personnes qui y siègent.

La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif—Messages des Communes—Adoption de la motion visant à adopter les amendements des Communes et à renoncer à l'amendement du Sénat

Le Sénat passe à l'étude du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence.

Le mardi 13 juin 2017

IL EST ORDONNÉ, — Qu'un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence, la Chambre :

accepte les amendements 1a), 1c), 4 et 5 apportés par le Sénat;

propose que les amendements 1b)(i) et (ii) soient modifiés par remplacement du nombre « 60 » par le nombre « 55 »;

propose que l'amendement 1b)(iii) soit modifié par remplacement du texte de l'alinéa 5(1.04)a) par le texte suivant « faite par une personne qui a la garde du mineur ou qui est habilitée à agir en son nom en vertu d'une ordonnance judiciaire ou d'un accord écrit ou par l'effet de la loi, à moins qu'il en soit ordonné autrement par un tribunal; »;

propose que, à l'amendement 2 :

le passage du paragraphe 10(3) précédant l'alinéa a) soit modifié par remplacement des mots « de révoquer » par le mot « que » et par adjonction, après les mots « sa répudiation », des mots « ne puisse être révoquée »;

l'alinéa 10(3)d) soit modifié par remplacement des mots « qu'elle peut demander que l'affaire soit » par les mots « que, sauf si elle lui demande de trancher l'affaire, celle-ci sera »;

le passage du paragraphe 10(3.1) précédant l'alinéa a) soit modifié par remplacement des mots « réception de l'avis » par les mots « date d'envoi de l'avis, ce délai pouvant toutefois être prorogé par le ministre pour motifs valables »;

l'alinéa 10(3.1)a) soit modifié par remplacement des mots « d'ordre humanitaire » par les mots « liée à sa situation personnelle »; .

l'alinéa 10(3.1)b) soit modifié par remplacement des mots « renvoyée à la Cour » par les mots « tranchée par le ministre »;

le paragraphe 10(4.1) soit modifié par remplacement du texte de ce paragraphe par le texte suivant « (4.1) Le ministre renvoie l'affaire à la Cour au titre du paragraphe 10.1(1) sauf si, selon le cas : a) la personne a présenté des observations écrites en vertu de l'alinéa (3.1)a) et le ministre est convaincu que : (i) soit, selon la prépondérance des probabilités, l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne ou sa réintégration dans celle-ci n'est pas intervenue par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, (ii) soit des considérations liées à sa situation personnelle justifient, vu les autres circonstances de l'affaire, la prise de mesures spéciales; b) la personne a fait une demande en vertu de l'alinéa (3.1)b). »;

le paragraphe 3(4) soit modifié par suppression du passage qui commence avec les mots « (4) La même loi est modifiée par adjonction » et se termine avec les mots « sous le régime de la présente loi ou la Loi sur les Cours fédérales. »;

propose que l'amendement 3a) au paragraphe 10.1(1) soit modifié par remplacement des mots « Lorsqu'une personne présente » par les mots « Sauf si une personne fait »;

propose que, à l'amendement 3b) :

le paragraphe 10.1(4) soit modifié par remplacement du texte de ce paragraphe par le texte suivant « (4) Pour l'application du paragraphe (1), il suffit au ministre — qui demande à la Cour de déclarer que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté d'une personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels concernant des faits visés à l'un des articles 34, 35 et 37 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés — de prouver que celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. »;

le paragraphe 10.1(5) soit supprimé;

propose que l'amendement 6a) soit modifié par remplacement du texte de l'article 19.1 par le texte suivant « 19.1 (1) Toute décision rendue au titre du paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté, dans sa version antérieure à la date d'entrée en vigueur du paragraphe 3(2), mise de côté par la Cour fédérale

et renvoyée à cette date ou par la suite pour un nouvel examen, est jugée en conformité avec la Loi sur la citoyenneté, dans sa version à cette date. (2) Les instances en cours, à la date d'entrée en vigueur du paragraphe 3(2), devant la Cour fédérale à la suite d'une action intentée au titre du paragraphe 10.1(1) de la Loi sur la citoyenneté sont continuées sous le régime de cette loi, dans sa version antérieure à cette date. »;

propose que l'amendement 6b) soit modifié par remplacement du texte de l'article 20.1 par le texte suivant « 20.1 Si, avant la date d'entrée en vigueur du paragraphe 3(2), un avis a été donné à une personne en application du paragraphe 10(3) de la Loi sur la citoyenneté sans que l'affaire ait été tranchée par le ministre avant cette date, la personne peut, dans les trente jours suivant cette date, demander que l'affaire se poursuive comme si l'avis avait été donné en application du paragraphe 10(3) de cette loi, dans sa version à cette date. »;

rejette respectueusement l'amendement 7 parce que celui-ci accorderait le statut de résident permanent aux personnes qui ont acquis ce statut de manière frauduleuse;

propose que l'amendement 8 soit modifié par remplacement des mots qui suivent les mots « Les paragraphes 3(2) » par les mots « et (3) et 4(1) et (3) et l'article 5.1 entrent en vigueur à la date fixée par décret. ».

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose :

Que le Sénat agrée les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements 1b)(i), 1b)(ii), 1b)(iii), 2, 3a), 3b), 6a), 6b) et 8 au projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence;

Que le Sénat n'insiste pas sur son amendement 7, auquel les Communes n'ont pas acquiescé;

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

L'honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, j'interviens pour ce que j'espère être la dernière fois — et je suis sûre que c'est ce que vous espérez vous aussi — afin de parler du projet de loi C-6. Je remercie le sénateur Harder de sa motion, que j'appuie. Vous avez peut-être reçu comme moi des courriels et des appels de citoyens et de personnes espérant devenir des citoyens canadiens.

Des étudiants, des mères, des grands-mères, des gens d'affaires et des aides familiaux sont venus me parler personnellement. Ces gens ont tous des histoires différentes, mais ils veulent tous la même chose : devenir des participants à part entière dans notre pays et devenir Canadiens.

(1610)

Je limiterai mes propos au contenu du message que nous avons reçu. J'estime que c'est un message important. Nous avons proposé trois amendements à la Chambre des communes, qui nous a répondu en en approuvant deux sur trois.

Qu'on me permette de parler brièvement de chacun des trois amendements, qui ont été proposés respectivement par les sénateurs McCoy, Oh et Griffin.

Je commencerai par l'amendement pour lequel je me suis battue le plus énergiquement : le rétablissement d'une procédure équitable pour les personnes menacées de révocation. Lorsque nous avons entrepris de combler la lacune juridique qui permettait que des citoyens perdent leur citoyenneté sans pouvoir se prévaloir de quelque forme de procédure équitable, les sénateurs qui ont travaillé avec moi à cette question, les sénateurs McCoy et Pratte, entre autres, avaient quelques critères non négociables : une audience complète et équitable devant un décideur indépendant, la pleine divulgation des faits, la prise en compte des considérations d'ordre humanitaire et des garanties données dès le départ pour que, lorsqu'une personne reçoit son avis de révocation, le processus soit expliqué simplement.

Mes collègues et moi avons choisi la Cour fédérale comme recours privilégié pour diverses raisons, tout en sachant qu'il ne s'agissait pas de la seule solution acceptable.

J'ai souvent employé, peut-être trop souvent, l'image d'une maison, en disant ceci : peu m'importe la couleur de la maison, bleue, rouge ou verte, pourvu que j'aie une maison.

Le gouvernement nous a donné une maison et, en fait, elle est plus solide que ce que nous avons proposé. Telle est ma conclusion, après avoir consulté le conseiller juridique du Sénat, des juristes indépendants et mes bons amis de la British Columbia Civil Liberties Association.

L'amendement du Sénat, l'amendement McCoy, a rétabli le droit à une audience à la Cour fédérale pour quiconque est menacé de révocation pour des motifs de fraude ou de fausse déclaration. Selon notre modèle, il incombait à chacun d'exercer son droit de s'adresser aux tribunaux. Autrement dit, chacun devait dire au ministre qu'il voulait s'adresser aux tribunaux, et ceux qui ne disaient rien optaient pour la décision ministérielle.

Le gouvernement a inversé la proposition : tous peuvent se présenter devant la Cour fédérale, mais chacun peut s'en abstenir et accepter une décision ministérielle. Quelqu'un peut se soustraire à l'audience de la Cour fédérale si, par exemple, il s'agit nettement d'un cas de fraude. Pourquoi perdre du temps et de l'argent?

Il y a une autre modification importante dans la version du gouvernement que nous avons sous les yeux. L'amendement proposé par le Sénat aurait supprimé la double révocation pour qu'on ne perde pas d'un seul coup la citoyenneté et la résidence permanente. Le gouvernement a rétabli cette double révocation. Si la fraude remonte à la demande de résidence permanente, on perd à la fois la citoyenneté et la résidence permanente et on devient un ressortissant étranger.

Ce choix est acceptable, à mon sens, pour une raison très importante : parce que nous avons un processus qui est solide dès le début, puisque la majorité des affaires sont tranchées par la Cour fédérale, non par un ministre ou son délégué. D'autant plus que la Cour fédérale tient compte des motifs d'ordre humanitaire. Dans l'ensemble, il s'agit d'un modèle renforcé.

Vous aurez remarqué que l'arrêt que la Cour fédérale a rendu dans l'affaire Hassouna, il y a environ trois semaines, a certainement influencé le message dont nous sommes saisis. Dans cette décision, la juge Jocelyne Gagné a statué que l'actuel processus de révocation est fondamentalement imparfait et injuste. Elle a signalé quatre éléments de l'application régulière de la loi qui manquent : une audition orale, la communication des faits retenus contre la personne, l'absence de décideur indépendant et l'occasion d'examiner l'affaire sous l'angle humanitaire. Ces éléments me semblent familiers. J'espère qu'ils vous le sont aussi. Tous se trouvent dans l'amendement proposé par le Sénat, et tous se trouvent aussi dans la motion du gouvernement.

Il faut rendre à César ce qui appartient à César. Je salue le ministre Ahmed Hussen pour son leadership et sa collaboration au renforcement de notre proposition. Ce fut un honneur de travailler avec tant de personnes de talent pour faire adopter la loi proposée. Je suis encore jeune au Sénat, si une aînée peut dire une chose semblable, mais je crois que je me souviendrai — je croise les doigts — de l'adoption de cet amendement comme de l'un des moments dont je suis le plus fière.

Je passe maintenant au deuxième amendement, celui du sénateur Oh. Je le félicite de l'avoir présenté. Le gouvernement a reconnu que c'était une question importante à aborder dans le projet de loi C-6. L'amendement élargit le cercle de l'inclusion en permettant aux mineurs de demander indépendamment la citoyenneté.

Aux termes des règles actuelles, les mineurs qui n'ont pas de tuteur, dont les parents ne sont pas citoyens ou ne veulent pas le devenir sont tenus à l'écart du processus de citoyenneté. Comme le sénateur Oh l'a signalé, la seule exception, c'est la présentation au ministre d'une demande de dérogation pour obtenir la citoyenneté pour des motifs humanitaires, ce qui est une démarche très longue dont l'issue est totalement à la discrétion du ministre.

J'espère que le gouvernement et le sénateur Oh considéreront cette modification comme l'amorce de l'examen plus large qui s'impose en ce qui concerne les droits des enfants et des jeunes dans les domaines de l'immigration et de la citoyenneté.

Enfin, l'amendement portant sur le relèvement de l'âge pour l'exemption des examens de langue et de connaissance. Je n'étais pas d'accord sur le principe de cet amendement, mais je ne vais pas discuter des raisons pour ou contre. Nous avons déjà eu un débat très constructif et important, et je remercie ma collègue, la sénatrice Griffin, d'avoir dirigé ce débat respectueux. Je vais plutôt nous inviter à accepter la décision de l'autre endroit sur cette question. Rappelons-nous que la différence ici est de 5 ans : 55 ans au lieu de 60.

Chers collègues, nous avons joué notre rôle et rempli notre fonction de sénateurs en examinant cette question et en votant pour proposer une autre possibilité à l'autre endroit. Les Communes ont dit 55, nous avons dit 60 et elles ont dit de nouveau 55.

Que sommes-nous censés faire? Quelle ligne de conduite les sénateurs non élus doivent-ils adopter quand les deux Chambres sont en désaccord? Quand je suis perplexe, c'est généralement dans les livres que je cherche des réponses. Je suis justement tombée sur une citation de Shakespeare tirée d'une pièce que vous connaissez sans doute tous :

Deux anciennes Maisons d'égale dignité

Il s'agit, bien entendu, de Roméo et Juliette. Ce n'est pas l'allusion aux deux tourtereaux qui m'intéresse — je ne pense en tout cas à personne en particulier —, c'est l'allusion à l'idée de dignité : « Deux anciennes Maisons d'égale dignité ».

Dans les circonstances, je crois que trois options aussi dignes les unes que les autres s'offrent au Sénat. Il peut accepter la décision des Communes, il peut insister pour que son amendement soit adopté ou il peut proposer autre chose, une espèce de compromis. Je ne crois pas qu'il existe de solution universelle applicable à tous les cas de figure. Au contraire, il est probablement plus sensé que nous prenions une décision différente chaque fois, selon le contexte.

Dans ce cas-ci, je crois qu'il serait plus sage d'accepter la décision des Communes par déférence pour la volonté du gouvernement élu. Nous n'avons affaire ni à une question constitutionnelle, ni à un conflit entre les compétences et les pouvoirs de telle ou telle instance, mais plutôt à la protection des droits des minorités. Le problème, c'est que les deux côtés prétendent être celui qui les défend le mieux.

Il faut dire aussi que le message que nous envoient les élus est très clair : ils ont voté à 214 voix pour et 92 contre.

Je conclurai sur un argument encore plus limpide : qu'un projet de loi d'initiative ministérielle d'une aussi grande importance soit resté au Sénat durant 78 jours, c'est beaucoup trop. Je ne voudrais pas que le compte arrive à 79 ou à 80. Le temps presse.

J'ai entendu deux qualificatifs qui décrivent bien le bicaméralisme : fonctionnel et rigoureux. Les sénateurs sont nommés et notre assemblée est complémentaire à l'autre; nous devons nous montrer rigoureux, soit, mais nous ne devons pas empêcher le système de fonctionner.

Une fois adopté, le projet de loi C-6, tel que modifié par les deux Chambres, facilitera l'obtention de la citoyenneté et rétablira l'égalité à l'égard de la citoyenneté. Il s'agit de modifications importantes, attendues depuis longtemps.

Je vous prie de réfléchir à ce que signifie le projet de loi pour les Canadiens et les personnes qui sont sur le point de devenir des Canadiens, surtout à ce moment très spécial de notre histoire, alors que nous célébrons notre 150e anniversaire. Je vous exhorte à voter en faveur de la motion.

Merci beaucoup.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-6. Je remercie la sénatrice Omidvar, la marraine du projet de loi C-6.

(1620)

Je tiens aussi à remercier le ministre Hussen d'avoir collaboré avec nous au sujet de nos amendements. Honorables sénateurs, ce projet de loi a été débattu pendant longtemps, sous toutes ses coutures. Nous avons fait un travail vraiment minutieux, et deux amendements importants ont été acceptés. Le premier est celui qui prévoit une procédure plus équitable et qui donnerait à une personne dont on menace de révoquer la citoyenneté le droit de plaider sa cause devant la Cour fédérale.

Le deuxième amendement accepté est celui qui concerne la protection des enfants. Je voudrais une fois de plus remercier le sénateur Oh d'avoir proposé l'amendement accordant des droits aux enfants.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je voudrais vous rappeler ce que j'ai dit dans un discours précédent. Je ne me souviens même plus à quelle étape de l'étude du projet de loi nous étions alors rendus, car nous avons fait un grand nombre de discours. Dans l'un d'eux, je parlais des difficultés vécues par les enfants.

Je veux vous raconter l'histoire de Mohamed, un jeune réfugié qui a quitté la Somalie avec sa mère alors qu'il était encore enfant. C'est une longue histoire, mais il a fini par arriver au Canada après de nombreuses années. Sa mère ne pouvait pas demander la citoyenneté parce qu'elle ne parlait pas anglais.

Mohamed n'a ménagé aucun effort pour essayer d'obtenir la citoyenneté. Sa mère était traumatisée et n'appartenait pas à une catégorie de personnes exemptée des exigences linguistiques. Malheureusement, Mohamed devait attendre d'avoir 18 ans avant de pouvoir faire une demande de citoyenneté parce que lui non plus n'était pas admissible à une exemption. Aujourd'hui, grâce au travail acharné que nous avons tous fait, ni Mohamed ni les autres personnes qui sont dans une situation semblable n'auront plus à subir les mêmes difficultés.

Honorables sénateurs, je crois que nous avons fait en sorte qu'un processus plus juste de révocation de la citoyenneté soit mis en place, et nous avons donné des pouvoirs aux enfants.

Il est maintenant temps de passer au vote.

L'honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd'hui du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et d'autres lois en conséquence.

J'aimerais d'abord dire que je suis d'accord avec la décision de nos collègues de la Chambre des communes de rejeter l'amendement qui proposait de faire passer de 54 à 59 ans la limite d'âge maximale qui s'applique aux exigences relatives à la connaissance suffisante de l'une des langues officielles, du Canada, ainsi que des responsabilités et des avantages conférés par la citoyenneté.

Mon raisonnement est simple. Auparavant, il suffisait de montrer sa capacité de compréhension et d'expression à l'oral, mais aujourd'hui, les demandeurs doivent répondre à des critères plus exigeants.

Les exigences plus strictes ont eu une incidence négative sur les résidents permanents qui sont venus au Canada au titre des catégories du regroupement familial, du motif humanitaire ou des réfugiés.

Ce n'est pas un prérequis pour ces personnes de montrer qu'elles savent s'exprimer couramment dans une des langues officielles pour immigrer au Canada.

Nombre de résidents permanents dans cette catégorie sont issus de minorités ethniques et de milieux à faible revenu.

Les femmes sont notamment plus touchées que les autres, car leurs responsabilités liées à la famille et à l'éducation des enfants ont souvent préséance sur les occasions d'améliorer leurs compétences linguistiques.

Permettez-moi de le répéter. Malgré son importance, la capacité de communiquer et de se comprendre n'est pas un indicateur de la mesure dans laquelle un résident permanent contribue au développement socioéconomique et culturel du Canada. Ce n'est pas non plus un indicateur de son sentiment d'identité, d'attachement et d'appartenance au Canada.

Chers collègues, nombre de résidents permanents se sentent chez eux au Canada et souhaitent y rester. Ce projet de loi permettra aux plus de 55 ans d'être naturalisés et de devenir des citoyens canadiens à part entière.

Je crois personnellement que c'est une bonne nouvelle, tout en reconnaissant qu'il reste encore des problèmes à régler pour rendre la citoyenneté plus accessible.

Par exemple, les résidents permanents âgés de 18 à 55 ans qui sont incapables de satisfaire aux exigences de connaissances et de compétences linguistiques continueront d'être privés de leur droit de vote, en particulier les personnes peu instruites qui savent à peine lire et écrire.

Une demande de dispense pour des raisons d'ordre humanitaire n'est pas une option possible pour ces personnes, parce que cette directive ministérielle est seulement accordée dans des cas exceptionnels, bien souvent pour des raisons médicales.

Je vais maintenant parler de deux autres amendements qui ont été adoptés par nos collègues de la Chambre des communes.

Le premier amendement vise à améliorer l'équité procédurale concernant les procédures de révocation de la citoyenneté. Je remercie la sénatrice McCoy, qui a proposé cet amendement, pour son excellent travail. Je ne vais pas m'attarder sur les détails, mais j'aimerais faire une brève observation.

Étant donné que notre Cour fédérale deviendra bientôt la principale instance décisionnelle dans la majorité des cas de révocation liés à la fraude et aux fausses déclarations, il est fondamental d'affecter les ressources nécessaires pour nous assurer que notre système de justice demeure équitable et efficace.

Une première étape en ce sens serait que le gouvernement dote en priorité les postes vacants de juges nommés par le gouvernement fédéral.

Le deuxième amendement adopté par nos collègues de la Chambre des communes assure un accès équitable à la citoyenneté à tous les enfants ayant le statut de résident permanent.

J'ai proposé cet amendement en avril parce que j'étais d'avis que le Canada a la responsabilité et l'obligation de veiller à la protection des droits des enfants et des jeunes, en particulier dans les cas où les personnes les plus vulnérables sont privées de leurs droits et des possibilités qui s'offrent à elles.

Je remercie les groupes de défense, les universitaires, les avocats et les membres de la collectivité qui ont porté cet enjeu à mon attention et qui m'ont soutenu et conseillé au cours des derniers mois.

Je remercie également mes collègues du Sénat et de la Chambre des communes, qui ont reconnu la nécessité de régler urgemment un problème plutôt sérieux de discrimination envers les enfants.

Pour la gouverne de ceux qui ne connaissent pas l'amendement dont il s'agit, je vais en expliquer l'objet.

En vertu de la Loi sur la citoyenneté, il existe deux processus de demande de citoyenneté au Canada.

Le premier processus est accessible aux enfants admissibles qui présentent une demande en même temps qu'un parent ou le tuteur légal possédant le statut de résident permanent et à ceux dont un parent ou le tuteur légal est déjà un citoyen.

Le deuxième processus est accessible aux résidents permanents âgés de plus de 18 ans. En théorie, les enfants qui ne peuvent pas présenter une demande selon le premier processus peuvent réclamer au ministre d'être exempté de l'exigence relative à l'âge pour des raisons d'ordre humanitaire afin de pouvoir présenter une demande de citoyenneté selon le processus normalement réservé aux adultes.

En pratique, il s'agit d'une option inefficace et inadéquate, pour les raisons dont j'ai discuté précédemment.

À l'origine, le projet de loi à l'étude ne renfermait aucune disposition visant à améliorer l'accès à la citoyenneté pour les enfants admissibles, mais incapables de présenter une demande en raison de facteurs qui échappent à leur volonté.

L'amendement vient corriger cette grave omission en supprimant l'exigence selon laquelle il faut être âgé de plus de 18 ans pour présenter une demande de citoyenneté.

(1630)

En changeant le critère de l'âge, on permet aux enfants sans parents ni tuteurs ou dont les parents ne peuvent pas ou ne veulent pas faire une demande, de faire une demande de citoyenneté en leur nom propre.

De la même façon que les enfants qui peuvent désormais soumettre une demande de citoyenneté avec leur famille ou qui ont un tuteur qui est citoyen canadien, ceux qui font une demande de citoyenneté de façon indépendante auront quand même besoin d'un tuteur pour signer leur demande et seront tenus de contresigner la demande après l'âge de 14 ans.

Pour être parfaitement clair, cet amendement ne modifie pas le processus par lequel les enfants entrent au Canada ou obtiennent le statut de résident permanent. Il garantit simplement que les enfants vulnérables qui répondent à tous les critères ont accès à la citoyenneté.

Parmi les bénéficiaires éventuels de ce changement, mentionnons les enfants confiés aux services de protection de l'enfance. Je note que le gouvernement a légèrement modifié cet amendement afin de préciser qui peut faire une demande au nom d'un enfant. Comme l'a expliqué le ministre, on a fait cette modification parce qu'on a estimé que le concept de « tuteur de fait » n'était pas clair.

En conséquence, le texte de l'alinéa 5(1.04) a), qui est le suivant :

faite [...] par un parent, un tuteur légal ou de fait ou une autre personne ayant la garde de l'enfant, que ce soit en vertu d'une ordonnance émanant d'un tribunal compétent, d'une entente écrite ou par l'effet de la loi;

Le texte a été remplacé par le suivant :

faite par une personne qui a la garde du mineur ou qui est habilitée à agir en son nom en vertu d'une ordonnance judiciaire ou d'un accord écrit ou par l'effet de la loi, à moins qu'il en soit ordonné autrement par un tribunal;

Je n'ai pas d'objection à cette modification, qui n'altère pas de façon significative la teneur de l'amendement.

Honorables collègues, l'idée d'avoir fait progresser les droits des enfants vulnérables au Canada me remplit de fierté et de joie. Lorsque ce projet de loi deviendra loi, il améliorera la vie de nombreuses personnes en leur permettant d'obtenir un statut permanent et garanti au Canada.

L'appui de la Chambre des communes à l'égard de cet amendement démontre que le Canada est déterminé à défendre avant tout l'intérêt supérieur de l'enfant. J'espère sincèrement que le Sénat réaffirmera cet engagement aujourd'hui. Je vous encourage vivement à voter pour ce projet de loi. Merci.

[Français]

L'honorable Raymonde Gagné : Honorables sénateurs, je prends acte du message de la Chambre des communes au sujet des amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-6. Ce projet de loi a été enrichi par le débat qui a eu lieu au Sénat, et je félicite la marraine du projet de loi, la sénatrice Omidvar, pour son travail infatigable à cet égard. Félicitations!

La Chambre des communes a choisi de rejeter l'amendement proposé par la sénatrice Griffin quant à l'âge auquel une personne serait exemptée de l'exigence de démontrer une connaissance de l'une des deux langues officielles du Canada. Là où le projet de loi C-6 diminuait l'âge de l'exemption de 65 à 55 ans, l'amendement de la sénatrice Griffin proposait plutôt une réduction à 60 ans.

Les motifs humanitaires qui ont motivé cette réduction à 55 ans sont compréhensibles et peuvent même être qualifiés de nobles. Je les comprends et j'accepte la volonté de l'autre endroit.

Par contre, pour les raisons humanitaires tout aussi importantes qui m'avaient incitée à appuyer l'amendement de la sénatrice Griffin à l'étape de la troisième lecture, j'exhorte le gouvernement à ne pas sous-estimer le rôle que joue la langue dans l'intégration des nouveaux arrivants au Canada.

Ce n'est pas l'intention du projet de loi C-6 qui me préoccupe, mais les conséquences inattendues qui peuvent en résulter. Comme la récompense de la citoyenneté n'est plus liée à l'apprentissage de la langue pour des milliers de nouveaux arrivants, il faut nécessairement redoubler d'ardeur afin de les rejoindre et de les encourager à apprendre une de nos deux langues officielles. Les ressources seront-elles à la hauteur, ou verra-t-on, avec une diminution de la demande, une diminution équivalente des ressources offertes?

Chers collègues, nous devrons jouer un rôle accru en matière de supervision et de suivi auprès du gouvernement afin de nous assurer que ce relâchement législatif ne l'encouragera pas à couper dans la formation linguistique des nouveaux arrivants.

Pensons aux difficultés que peuvent vivre les nouveaux arrivants qui n'ont pas l'occasion d'apprendre l'anglais ou le français. Nombre d'entre eux, dans les grandes villes surtout, peuvent bénéficier de la présence de leur communauté culturelle, des personnes avec lesquelles ils peuvent interagir dans leur langue maternelle. En dehors des centres urbains, par contre, le risque d'isolement est réel. De plus, la recherche d'un emploi, ne serait-ce qu'un emploi à temps partiel, est difficile, sinon quasi impossible.

La situation est encore plus complexe dans le domaine de la santé. Une personne qui ne peut communiquer en français ou en anglais vit une vulnérabilité additionnelle, qui s'ajoute à celle que lui cause son état de santé.

Cet isolement et cette vulnérabilité ont aussi un immense coût social. Il va sans dire que, dans un pays bilingue comme le nôtre, où l'accès à des services de soins de santé en français demeure toujours un enjeu de taille dans plusieurs provinces, il est inconcevable qu'on ne puisse déployer suffisamment de ressources pour assurer l'accès généralisé à des soins dans d'autres langues. Il y a donc lieu de redoubler d'ardeur en investissant en faveur de l'intégration linguistique de tous les nouveaux arrivants dès leur arrivée au pays.

Honorables sénateurs, il faudra surveiller et analyser l'impact de cette modification sur la capacité des nouveaux arrivants âgés de plus de 55 ans d'apprendre l'une de nos deux langues officielles. Si une diminution importante de cette capacité en résulte, c'est aussi bien la dualité linguistique de notre pays que l'intégration réussie des nouveaux arrivants qui en souffriront. L'intégration, ne l'oublions pas, va bien au-delà de l'obtention de la citoyenneté.

J'appuie l'esprit d'ouverture et d'accueil qui sous-tend le projet de loi C-6, et je voterai en faveur du message que nous a transmis l'autre endroit. Je souhaite, par contre, que le gouvernement s'engage, dans la mise en œuvre de la loi, à aller au-delà des symboles et à élaborer un réel programme d'intégration linguistique pour tous et toutes. Voilà ce qui permettra de démontrer que nous tenons, comme Canadiennes et Canadiens, à l'accueil et à l'intégration réussie de nos nouveaux concitoyens. Merci beaucoup.

[Traduction]

L'honorable Dennis Glen Patterson : Je n'ai pas du tout pris la parole sur ce projet de loi. Je sais cependant qu'il est question du message de la Chambre des communes et des amendements rejetés par l'autre endroit. Je tiens à prendre la parole avant que ce projet de loi soit mis aux voix, parce qu'il contient encore une disposition des plus odieuses. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je voterai contre le projet de loi aujourd'hui.

J'ai écouté attentivement la sénatrice Omidvar, et je ne comprends pas du tout pourquoi on propose d'abroger les dispositions de la Loi sur la citoyenneté qui permettent de révoquer les privilèges liés à la citoyenneté canadienne pour les citoyens ayant une double nationalité qui ont été déclarés coupables de terrorisme. À mon sens, ceux qui ont été déclarés coupables d'actes terroristes sont coupables d'avoir porté atteinte à notre démocratie. Ce sont des traîtres qui ne devraient pas jouir des privilèges liés à la citoyenneté. Les anciens combattants du Canada ont lutté et ont péri pour les libertés que ces gens obtiendront si leur citoyenneté est maintenue. Ils se retourneront dans leur tombe si nous adoptons cette disposition.

(1640)

Selon moi, le fait d'accorder la citoyenneté canadienne à ces lâches anarchistes qui ont été reconnus coupables de terrorisme, c'est dévaloriser l'identité canadienne. J'ai demandé aux gens de ma région ce qu'ils en pensaient. Je n'ai trouvé personne qui trouvait cette idée logique, particulièrement parmi les nouveaux Canadiens. Je crois d'ailleurs que les sondages d'opinion vont dans le même sens.

Je n'ai jamais compris le raisonnement de l'homme maintenant premier ministre qui a affirmé, lors d'un débat tenu pendant la dernière campagne électorale, qu'un Canadien est un Canadien, un point c'est tout. J'y vois une tautologie qui tient lieu de logique. Par contraste, une autre de ses affirmations, « Parce qu'on est en 2015 », semble s'appuyer sur une certaine logique et un certain raisonnement; le lien est faible, mais tout de même présent.

Je dois donc dire que, selon moi, la présence de cette disposition dans le projet de loi vise seulement à montrer que le nouveau gouvernement est porteur de changement, puisqu'il défait ce que l'ancien gouvernement avait mis en place. Ce n'est évidemment pas une raison suffisante pour voter en faveur du projet de loi à l'étude. Malgré les amendements réfléchis qui ont été mis en place, l'odieuse disposition qui redonnerait aux terroristes la citoyenneté canadienne m'empêche de voter pour cette mesure.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Harder, avec l'appui de l'honorable sénatrice Bellemare, propose que le Sénat approuve les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs se sont-ils entendus sur la durée de la sonnerie?

Le sénateur Mitchell : Trente minutes.

Le sénateur Plett : Trente minutes.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 17 h 12.

(1710)

La motion, mise aux voix, est adoptée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Ataullahjan Hartling
Baker Jaffer
Bellemare Joyal
Bernard Kenny
Boniface Lankin
Bovey Maltais
Brazeau Marwah
Campbell Massicotte
Cools McCoy
Cordy Mégie
Cormier Mercer
Dawson Mitchell
Day Moncion
Dean Oh
Duffy Omidvar
Dupuis Pate
Dyck Petitclerc
Eggleton Pratte
Forest Ringuette
Fraser Saint-Germain
Gagné Tannas
Galvez Tardif
Gold Wetston
Greene White
Griffin Woo—51
Harder

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Batters McIntyre
Beyak Mockler
Boisvenu Neufeld
Carignan Ngo
Dagenais Ogilvie
Doyle Patterson
Eaton Plett
Enverga Runciman
Frum Seidman
Housakos Smith
Lang Stewart Olsen
MacDonald Tkachuk
Manning Unger
Marshall Wells—29
Martin

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun

(1720)

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser la photographie et l'enregistrement de la cérémonie de la sanction royale

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 14 juin 2017, propose :

Que des photographes et caméramans soient autorisés à avoir accès à la salle du Sénat pour photographier et enregistrer sur vidéo la prochaine cérémonie de la sanction royale, d'une manière qui perturbe le moins possible les travaux.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

L'ajournement

Adoption de la motion

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 14 juin 2017, propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au lundi 19 juin 2017, à 16 heures;

Que les comités sénatoriaux devant se réunir ce jour-là soient autorisés à siéger même si le Sénat siège, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard;

Que l'application de l'article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

Décision de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je suis prêt à me prononcer sur le rappel au Règlement soulevé hier par le sénateur Harder concernant la motion présentée par le sénateur Pratte, qui proposait que le Comité sénatorial permanent des finances nationales divise le projet de loi C-44. Le sénateur Harder craignait principalement que l'adoption de la motion fasse en sorte qu'il y ait deux nouveaux projets de loi émanant du Sénat qui nécessiteraient chacun une recommandation royale au lieu du projet de loi unique qui provenait de la Chambre des communes.

[Français]

Le projet de loi C-44 est une loi d'exécution du budget. Si le Sénat accepte la motion du sénateur Pratte, cela déclencherait un processus dans lequel le Sénat propose à la Chambre des communes qu'il y ait deux projets de loi, alors qu'il n'y en a qu'un seul actuellement. Un des nouveaux projets de loi porterait sur la Banque de l'infrastructure du Canada, dont l'établissement est proposé, tandis que l'autre porterait sur les autres parties du projet de loi C-44. Ce genre de motion, qui autorise un comité à faire quelque chose qu'il ne peut pas faire normalement, est une motion d'instruction qui nécessite un préavis d'un jour.

[Traduction]

Le processus de division des projets de loi est rarement utilisé. Les grandes étapes à suivre dans de tels cas ont été résumées dernièrement dans le cinquième rapport du Comité du Règlement présenté au Sénat le 6 avril 2017 et adopté le 30 mai. Comme le rapport le signale, pour qu'un projet de loi de l'autre endroit soit divisé, la Chambre des communes doit éventuellement donner son approbation. L'adoption par le Sénat du rapport du Comité du Règlement établit clairement que nous pouvons au Sénat, dans certains cas du moins, prendre l'initiative de diviser un projet de loi qui émane de la Chambre des communes.

[Français]

Une recherche dans les Journaux du Sénat a permis de trouver seulement deux précédents où la division d'un projet de loi est allée plus loin que l'adoption d'une motion d'instruction.

[Traduction]

En 1988, le Sénat a proposé de diviser le projet de loi C-103. Le Président a jugé que la motion d'instruction était irrecevable à cause des questions entourant la recommandation royale. Toutefois, la décision du Président a été renversée. Par conséquent, le Sénat a proposé de diviser le projet de loi. La Chambre des communes a fini par rejeter la proposition en faisant valoir qu'elle empiétait sur ses droits et privilèges, et le Sénat n'a pas insisté pour que le projet de loi soit divisé. Le fait que la décision du Président a été renversée n'invalide pas nécessairement l'analyse qu'elle contient. Il est possible que le Sénat ait simplement choisi de ne pas appliquer les résultats dans cette situation.

Plus tard, en 2002, le Sénat a examiné le projet de loi C-10. Le Sénat a alors autorisé le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles à diviser le projet de loi. Dans ce cas, aucun recours au Règlement n'a été soulevé, et la motion d'instruction n'a pas été contestée. Le comité a fait rapport de sa proposition sur la façon de diviser le projet de loi et a retourné une partie du projet de loi — le projet de loi C-10A — au Sénat sans amendement. Le projet de loi C-10A ne semblait pas nécessiter une recommandation royale, donc les questions qui se posent dans le cas présent n'étaient pas au cœur des considérations du Sénat. L'approbation de la Chambre des communes a été demandée concernant la division du projet de loi et le projet de loi C-10A. La Chambre des communes a clairement indiqué qu'elle estimait qu'il ne s'agissait pas d'un précédent valide, mais elle a accepté la division du projet de loi et l'adoption du projet de loi C-10A, qui a reçu la sanction royale. L'autre partie — le projet de loi C-10B — était toujours à l'étude lorsque le Parlement a été prorogé.

La motion du sénateur Pratte est conforme à la façon dont le Sénat a traité la division des projets de loi par le passé, et elle reflète très certainement le résumé fourni par le Comité du Règlement. Il n'est donc pas nécessaire de s'attarder aux préoccupations relatives au processus précis qui doit être suivi.

La véritable question consiste à déterminer, dans le cas du projet de loi C-44, si le Sénat peut proposer que le projet de loi soit divisé. Cette question, à son tour, est directement liée à la nature même du projet de loi C-44. Il s'agit d'un projet de loi du gouvernement qui provient de la Chambre des communes avec une recommandation royale. Si le projet de loi était divisé, cela découlerait d'une proposition provenant du Sénat, non du gouvernement. Il faut se demander s'il serait raisonnable de continuer de considérer les deux projets de loi comme étant des initiatives du gouvernement émanant de la Chambre des communes.

[Français]

Ce qui est encore plus important, cependant, c'est la question de la recommandation royale. Le Règlement définit comme suit la recommandation royale :

Message du Gouverneur général autorisant l'étude d'un projet de loi proposant la dépense de fonds publics. La recommandation royale peut être donnée uniquement par un ministre et seulement à la Chambre des communes. Cette exigence trouve son fondement à l'article 54 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[Traduction]

Sans une recommandation royale, il ne convient pas que le Parlement soit saisi d'un projet de loi comportant des affectations de crédits. Ce fait reflète le principe fondamental selon lequel la Couronne doit approuver les dépenses proposées, qui doivent d'abord être examinées par la Chambre élue. Ce principe est un des fondements du gouvernement responsable et aide à assurer une structure financière cohérente. Cela est établi à l'article 10-7 du Règlement qui prévoit que « Le Sénat ne peut faire l'étude d'un projet de loi comportant des affectations de crédits que si l'objet en a été recommandé par le Gouverneur général. ».

Pendant l'examen du rappel au Règlement, on a expliqué que les dispositions du projet de loi C-44 concernant la Banque de l'infrastructure du Canada autorisent des paiements importants tirés du Trésor. D'autres éléments du projet de loi autorisent aussi des paiements du Trésor. Par conséquent, la division proposée du projet de loi ferait en sorte qu'il y aurait deux projets de loi comportant des crédits à la suite d'une initiative du Sénat. Il est difficile de voir comment cela respecte l'esprit et la lettre du Règlement et des principes parlementaires fondamentaux.

Je tiens à souligner que cela ne signifie pas que le Sénat ne peut pas modifier un projet de loi conformément aux règles et aux pratiques. Le Sénat peut aussi rejeter des articles, et même rejeter un projet de loi en entier. Toutes ces possibilités sont toutefois très différentes d'un processus en vertu duquel le Sénat déclencherait des mesures pour créer deux projets de loi, qui nécessiteraient tous les deux une recommandation royale, alors qu'il n'y avait au départ qu'un projet de loi avec une recommandation.

Même si la motion à l'étude respecte les mécanismes de la division d'un projet de loi, son adoption mènerait à une situation où une initiative du Sénat ferait effectivement en sorte qu'il y aurait deux projets de loi nécessitant chacun une recommandation royale. Pour cette raison, je me dois de déclarer que cette motion est irrecevable.

L'honorable Diane Griffin : Votre Honneur, malgré tout le respect que m'inspire votre décision, je désire, conformément à l'article 2-5(3) du Règlement, en appeler de votre décision.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, une telle motion ne peut pas faire l'objet d'un débat.

Le vote porte sur le maintien de la décision de la présidence.

Que les sénateurs qui sont en faveur du maintien de la décision veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre le maintien de la décision veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente sur la durée de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Une heure.

Le sénateur Mitchell : Une heure.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 18 h 30. Convoquez les sénateurs.

(1830)

La sénatrice Griffin : Votre Honneur, je viens d'apprendre quelque chose qui se passe à la Chambre. Le titre dit que les libéraux sont prêts à proposer des changements au Règlement concernant les projets de loi omnibus et la prorogation.

Une partie de mon inquiétude concernant cet appel est qu'il y a eu des précédents où les projets de loi omnibus ont été utilisés de manière inappropriée, et je ne voulais surtout pas contribuer à ce que cela se produise au Sénat.

Le sénateur Patterson : J'invoque le Règlement.

Son Honneur le Président : Pourquoi invoquez-vous le Règlement, honorable sénateur?

Le sénateur Patterson : Votre Honneur, nous avions un vote prévu pour 18 h 30.

La sénatrice Cools : Nous devons voter.

Son Honneur le Président : Nous avons effectivement un vote qui est prévu. Sénatrice Griffin, avez-vous quelque chose à dire relativement au vote?

La sénatrice Griffin : Oui; je désire retirer mon appel.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Tkachuk : Quelle farce!

La sénatrice Fraser : J'ignorais qu'un vote qui a été prévu pouvait être retiré. Pouvez-vous expliquer cela?

Son Honneur le Président : Il est possible de retirer un vote prévu avec le consentement du Sénat. Je vous pose la question : les honorables sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Il faut avoir le consentement unanime, alors nous procéderons au vote.

Le vote porte sur le maintien de la décision de la présidence. Que les sénateurs qui sont en faveur de la décision veuillent bien se lever.

La décision du Président, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Hartling
Bellemare Jaffer
Boniface Lankin
Bovey Marwah
Campbell McIntyre
Cools Mégie
Cordy Mitchell
Cormier Moncion
Dean Omidvar
Duffy Pate
Dupuis Petitclerc
Eggleton Pratte
Forest Ringuette
Gagné Saint-Germain
Galvez Wetston
Gold Woo—33
Harder  

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Marshall
Ataullahjan Martin
Batters McCoy
Beyak Mercer
Boisvenu Mockler
Carignan Neufeld
Dagenais Ngo
Day Ogilvie
Doyle Oh
Eaton Patterson
Enverga Plett
Fraser Runciman
Frum Seidman
Griffin Smith
Housakos Stewart Olsen
Joyal Tannas
Lang Tkachuk
MacDonald Unger
Maltais Wells—38

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Tardif—1

(1840)

Son Honneur le Président : Par conséquent, la décision est annulée et la motion no 225 sera inscrite au Feuilleton à sa place.

Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l'article 3-3(1) du Règlement, je suis obligé de quitter le fauteuil, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l'heure. Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

La Loi sur l'hymne national

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Motion d'amendement—Report du vote

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Lankin, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre).

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Enverga, appuyée par l'honorable sénateur Ngo :

Que le projet de loi C-210 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'annexe, à la page 2, dans la version anglaise, par substitution des mots « all of us com-mand » par « all of our com-mand ».

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-210. Je commencerai en disant que j'ai beaucoup de respect pour le sénateur Enverga. C'est toujours difficile pour moi de m'opposer à une motion présentée par un collègue de mon caucus.

Honorables sénateurs, l'intégrité artistique et littéraire doit demeurer une priorité dans une société libre et démocratique. Les mots de Shakespeare, d'Hemingway et de Twain n'auraient aucune importance littéraire ou historique si nous avions essayé de les modifier au nom de la modernisation.

La préservation des œuvres littéraires nous permet de nous souvenir d'où nous venons et de nous situer dans l'avenir. Si les mots de ces grands auteurs avaient été modifiés par d'autres personnes que les auteurs eux-mêmes, il n'y aurait aucune raison de les enseigner aux nouvelles générations.

J'ai la même vision du débat sur l'hymne. Le juge Robert Stanley Weir a composé l'hymne national de façon à ce qu'il soit un symbole de la fierté canadienne qui lui survivrait pendant des siècles et des millénaires. Sans le dur labeur du juge Weir, nous n'aurions pas le texte que nous chérissons aujourd'hui.

Depuis le début, je m'oppose à ce projet de loi. Comme je l'ai mentionné lors de mon discours à l'étape de la troisième lecture, les symboles patrimoniaux d'un pays doivent demeurer immuables. On ne peut les modifier ou les ajuster selon l'humeur du moment. Je pense la même chose aujourd'hui.

Cependant, aujourd'hui dans cette enceinte, nous ne débattons pas de l'adoption du projet de loi C-210, mais de l'amendement du sénateur Enverga, qui propose le vers « True patriot love, in all of our command ».

Je m'oppose à ce changement pour les mêmes raisons que je m'oppose au projet de loi comme tel. Comme la sénatrice Fraser l'a dit, nous ne sommes pas des poètes. Cet amendement est superflu et ne fait rien pour soutenir l'intégrité littéraire dans notre société, puisque le texte de l'hymne national qui en résulterait ne serait pas non plus celui de son auteur, le juge Weir.

Le principal argument donné par le sénateur Enverga en appui à son amendement est qu'il faut corriger une erreur de syntaxe dans le projet de loi actuel. Cependant, chers collègues, je dirais que, en fait, ce n'est pas le cas. Bien que je ne sois pas un éminent grammairien, pour moi, il est évident que, syntaxiquement, le mot « us » convient mieux que le mot « our ». Par conséquent, l'amendement n'atteindrait pas l'objectif souhaité.

Je profite de l'occasion pour revenir sur les commentaires faits par mes collègues d'en face mardi soir. Les sénatrices Pate et Lankin ont tenu des propos désolants à propos des « tactiques » employées par le caucus conservateur au sujet du projet de loi C-210. En plus d'accuser le caucus conservateur de vouloir abattre sommairement le projet de loi, les deux sénatrices ont accusé spécifiquement le sénateur Enverga de vouloir le faire.

Même si je n'appuie pas l'amendement du sénateur Enverga, les sénateurs doivent pouvoir faire entendre leur voix. Si nous croyons sincèrement qu'une mesure législative doit être améliorée, nous agissons. C'est la tâche qui nous est attribuée au moment où nous prêtons serment et c'est ce que nous devrions faire tous les jours. Lorsque nous parlons de mots aussi lourds de sens que ceux de l'hymne national, nous devons tout faire pour ne pas nous tromper. Je remercie donc le sénateur Enverga de ses efforts visant à corriger une erreur grammaticale présumée.

Lorsque j'ai présenté mon amendement au Sénat, la sénatrice Lankin a communiqué avec moi pour m'informer que ma proposition n'était pas problématique, selon elle, parce qu'elle préservait les paroles traditionnelles de l'hymne canadien. Toutefois, lorsque nous avons découvert qu'un consentement unanime devait être obtenu à la Chambre des communes pour nommer un nouveau parrain du projet de loi, elle a retiré son appui.

La sénatrice Lankin sait que je n'avais pas l'intention de torpiller le projet de loi, comme elle l'a dit au Sénat. Cependant, des sénateurs d'en face, après m'avoir accusé d'utiliser ces « tactiques » dans mon amendement, réservent le même sort au sénateur Enverga cette semaine.

Mardi soir, au Sénat, la sénatrice Lankin a lu un courriel qu'elle a reçu pour appuyer ses efforts visant à modifier l'hymne national. Elle affirme avoir reçu d'innombrables courriels qui exprimaient un soutien semblable tout au long des délibérations sur ce projet de loi, et je la crois. Nous avons reçu des courriels innombrables du camp adverse.

La sénatrice Lankin ne vous a pas lu un courriel envoyé par Mme Mona Matteo. Mme Matteo m'a transmis son message à l'intention de la sénatrice Lankin. L'objet du courriel était le suivant : « Merci beaucoup, sénateur Plett. Nous vous aimons! » Il y a donc plus d'une personne dans le monde qui m'aime.

Dans son courriel, elle soulève de nombreux points litigieux qui, selon moi, seraient jugés utiles par la majorité des sénateurs aux fins de ce débat. Mme Matteo dit ceci à la sénatrice Lankin :

On ne peut pas se servir des 150 années d'histoire du Canada comme prétexte pour faire du projet de loi C-210 un don patrimonial sans d'abord avoir mené des consultations auprès des Canadiens. Utilisez plutôt votre temps pour parler d'équité salariale ou d'agressions et de harcèlement sexuel en milieu de travail. Cela serait utile. Toutes les femmes au Canada et les Canadiens francophones ont un patrimoine dont ils peuvent être fiers, et la suppression des termes « thy sons » dans l'Ô Canada n'en fait pas partie.

Voilà une citoyenne canadienne qui exprime avec éloquence ses préoccupations, et que le gouvernement ostracise carrément avec l'adoption de ce projet de loi.

Cette femme n'est pas la seule. Au cours de notre examen du projet de loi C-210, mon bureau a reçu de nombreux courriels et appels de Canadiens qui partagent les préoccupations de Mme Matteo. Comme je l'ai dit lors de mon discours à l'étape de la troisième lecture, l'hymne national appartient uniquement aux Canadiens, dont la majorité s'opposent catégoriquement à cette modification.

Pourquoi alors, l'amendement que j'ai proposé n'a-t-il pas été adopté? Pourquoi les députés d'en face se sont-ils opposés à la motion sans avoir posé de questions?

Si mon amendement avait été adopté, personne n'aurait tenu pour acquis que ce projet de loi allait être sabordé, loin de là. Le Groupe des sénateurs indépendants n'a même pas pris la peine de consulter les partis à la Chambre des communes pour savoir s'ils permettraient le changement du parrainage à la Chambre. Ils n'ont pas communiqué avec les députés ni libéraux, ni néo-démocrates, ni même conservateurs. Ils ont plutôt tenu pour acquis que mon amendement n'avait pas été présenté de bonne foi, et ils l'ont rejeté.

J'ai proposé cet amendement en guise de compromis. Je l'ai mis de l'avant pour modifier l'hymne afin qu'il contienne des termes incontestablement non sexistes, tout en conservant l'intégrité littéraire de l'auteur. Cependant, en raison du manque de volonté des députés d'en face de faire des compromis, nous nous retrouvons dans cette fâcheuse situation. En ne permettant pas que l'amendement fasse l'objet d'une discussion approfondie et d'un examen par tous les parlementaires, tant à la Chambre des communes qu'au Sénat, mes collègues de l'autre côté ont, sans équivoque, mis leur propre projet de loi en péril. Le fait de ne pas être flexible quant à la formulation et de s'opposer à la moindre idée d'amendement élimine toute occasion pour le Sénat et pour les Canadiens d'avoir un hymne national amélioré.

(1850)

Par conséquent, nous voilà saisis d'une mesure législative que la famille de l'auteur ne peut pas appuyer, que la plupart des Canadiens ne peuvent pas appuyer, et que je ne puis assurément pas appuyer — tout cela en raison d'une préoccupation hypothétique.

Chers collègues, je vous déconseille de considérer l'amendement du sénateur Enverga comme une simple tactique employée par le caucus conservateur. Tous les sénateurs ont le droit d'améliorer la législation et d'agir selon leurs convictions. La sénatrice Lankin a cette responsabilité, le sénateur Enverga a cette responsabilité, et j'ai cette responsabilité.

Comme je crois que c'est ce qu'il convient de faire, c'est avec regret que je voterai contre la motion d'amendement de mon collègue. Non seulement j'implore les autres sénateurs à faire de même, mais je demande aussi à tous les sénateurs de suivre leurs convictions, et à mon avis, ce qu'il convient de faire est de rejeter ce projet de loi.

L'honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j'interviens pour parler d'un amendement au projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national.

Ce sujet me tient à cœur, comme vous avez pu le constater lors de mes interventions aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture. Si je me fie aux discours passionnés et réfléchis qui ont été prononcés par mes collègues durant ce débat, il s'agit d'un sujet qui revêt une grande importance pour tous les sénateurs qui sont présents aujourd'hui ainsi que pour un grand nombre de sénateurs absents.

Il s'agit également d'un sujet particulièrement important pour de nombreux Canadiens, y compris des Terre-Neuviens et Labradoriens, qui ont communiqué avec moi à ce sujet au cours de la dernière année.

Avant de commencer mon discours à proprement parler sur l'amendement que nous étudions, j'aimerais souligner une fois de plus ce que le sénateur Enverga a rappelé — l'importance de la tradition au maintien d'un sentiment de fierté et d'unité nationale.

Vous vous rappellerez que, dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, j'ai parlé du respect des traditions canadiennes. Fier Canadien, je respecte pleinement nombre des coutumes et des traditions du Canada, car celles-ci représentent un lien profond entre un citoyen et l'histoire de son pays.

Ensemble, le passé, le présent et le futur du Canada forment une histoire, un schéma qui illustre comment le multiculturalisme et la diversité ont énormément contribué à façonner le Canada pour en faire un pays dont nous sommes tous fiers aujourd'hui.

Partout dans le monde, le Canada est reconnu comme un pays où les possibilités de prospérité sont infinies et qui offre à tous ses citoyens, aux nouveaux arrivants comme aux autres, d'innombrables occasions de réaliser leurs aspirations.

Le Canada est un pays où tous ont des possibilités égales de réussir. Ce qu'une personne peut faire n'est ni défini ni limité par ses origines. Au contraire, celles-ci sont une source de fierté et de force dans le contexte de la mosaïque qui définit notre nation.

L'Ô Canada est un élément très important de notre riche histoire et de notre patrimoine. Il ne faut pas le changer par caprice et sans avoir bien pesé le pour et le contre, ce que nous faisons aujourd'hui, chers collègues.

Je pense que la plupart des gens diraient que le Canada est un pays relativement jeune. Nous en sommes tout juste à notre 150e anniversaire cette année, un grand moment à célébrer en pensant que d'innombrables années de croissance et de prospérité nous attendent encore. Or, au cours des 150 années d'existence de notre pays, très peu de symboles ont acquis le degré d'importance et de notoriété de notre hymne national.

Il y a peut-être le drapeau canadien avec sa feuille d'érable qui s'en rapproche. Imaginez que quelqu'un veuille changer ce symbole de fierté canadienne. L'hymne fait partie intégrante du succès et de la bonne réputation du Canada au pays et à l'échelle internationale. Si le Canada est un pays aussi florissant, c'est qu'on y valorise les différences.

Nous pouvons toujours nous rassembler et nous sentir unis par la fierté que nous inspirent notre tradition et notre histoire. Notre hymne national, l'Ô Canada, incarne à merveille cette unité, l'union de toutes les nations et toutes les cultures au Canada. C'est un ciment, une expression orale de notre unité et de notre fierté. Je dirais que les sages paroles de notre très estimée collègue, la sénatrice Fraser, résument cela à la perfection. Dans son allocution du 28 mars, à l'étape de la troisième lecture de ce projet de loi, elle a dit ce qui suit :

Si nous laissons l'idée d'être correctement modernes en tout temps nous obnubiler, nous perdrons une partie de notre patrimoine. Notre patrimoine n'est peut-être pas parfait — ce n'est pas ce que je prétends —, mais il est le nôtre.

Ce sont de sages paroles dont nous devons tenir compte.

Toutefois, honorables sénateurs, je m'éloigne du sujet. Voyons ensemble l'amendement qui est proposé. Comme je l'ai déjà mentionné, je ne souhaite pas que notre hymne national soit modifié de quelque façon que ce soit, mais, s'il doit l'être, autant apporter aussi l'amendement proposé, car, comme tout bon amendement, il améliore le projet de loi.

Premièrement, honorables collègues, si nous devons améliorer notre hymne national, il n'est que logique de l'améliorer sous tous ses aspects. Honorables sénateurs, en remplaçant les mots « all of us » par « all of our », on garderait le même changement symbolique que certains souhaitent tout en l'améliorant de manière à ce qu'il respecte les règles de l'une de nos deux langues officielles. En fait, chers collègues, au risque d'être franc, il serait gênant qu'une erreur superficielle ternisse un symbole de notre fierté nationale.

Avant de présenter un document à son patron, à un professeur ou même à un pair, on vérifie la grammaire et l'usage par professionnalisme et pour éviter les conséquences qu'aurait un manque de rigueur. C'est le second examen objectif qui nous incombe.

Pourquoi, alors, présenterions-nous une mesure législative sur une tradition d'une telle importance pour les Canadiens sans faire preuve de la même courtoisie? Dans une telle perspective, honorables sénateurs, cet amendement constitue certes une amélioration.

La deuxième amélioration apportée par cet amendement n'est pas aussi opaque et flagrante, mais elle n'en est pas moins importante. Il s'agit d'une amélioration symbolique du projet de loi. Comme le sénateur Enverga l'a expliqué dans son intervention au moment de présenter l'amendement, le mot « us » évoque l'exclusion, car il peut facilement être interprété comme étant restreint à un certain groupe de personnes, alors que le mot « our » suggère le contraire, à savoir l'inclusion et le sentiment de proximité à l'égard de notre hymne national. Même si cela peut sembler anodin, je suis d'accord avec le sénateur Enverga : c'est une question sur laquelle nous devons nous pencher. Sans vouloir tomber dans le cliché, j'estime que si nous devons changer un symbole de tradition et de fierté nationale pour le rendre plus inclusif, nous devons y aller à fond et nous assurer que les paroles tiennent pleinement compte de l'intention du projet de loi initial, comme le sénateur Plett avait tenté de le faire au moyen de son amendement, qui a été rejeté.

Bref, chers collègues, l'amendement proposé par le sénateur Enverga en vue de remplacer « all of us » par « all of our » permet de corriger ces deux lacunes du projet de loi.

Pendant que j'ai encore l'occasion de parler non seulement de cet amendement, mais du projet de loi lui-même, je tiens à rappeler les propos de la sénatrice Lankin :

Trente ans, mes amis. Au cours des 15 dernières années, nous avons étudié le même projet de loi proposant exactement les mêmes paroles à cinq reprises, et pas une fois il n'est pas parvenu à l'étape du vote au Sénat.

Eh bien, chers collègues, c'est peut-être le cas. Or, depuis 1980 — c'est-à-dire depuis 37 ans —, un projet de loi concernant l'hymne national a été présenté à 10 reprises à l'autre endroit et à 3 reprises ici, au Sénat. La mesure est dénuée de partisanerie. D'ailleurs, je ne considère pas qu'il s'agit d'une question partisane. Cette mesure législative a été mise de l'avant sous des gouvernements conservateurs et libéraux, qu'ils soient majoritaires ou non.

Honorables sénateurs, l'un de ces projets de loi a fait l'objet d'un vote à la Chambre des communes : il a été rejeté à l'étape de la deuxième lecture, le 22 septembre 2014, pendant la deuxième session de la 42e législature. Ce projet de loi, que M. Mauril Bélanger avait présenté, ressemblait à celui-ci et il a été rejeté par un vote sans équivoque de 144 contre 127. Ce n'est donc pas vrai qu'il n'a pas fait l'objet d'un vote.

Enfin, honorables sénateurs, vous vous souvenez peut-être du discours du Trône qui a été prononcé ici, le 3 mars 2010, à la troisième session de la 40e législature. Cette mesure faisait partie du programme que le gouvernement conservateur avait alors annoncé. Deux jours plus tard, devant le tollé qu'avait suscité un reportage de CBC à ce sujet, le gouvernement conservateur avait discrètement retiré cette idée de son programme.

Honorables sénateurs, cette mesure suscitait du mécontentement et elle en suscite encore. C'est pour cette raison que j'appuie l'amendement et que je rejette, de manière générale, le projet de loi.

L'honorable Frances Lankin : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Wells : Tout à fait, sénatrice Lankin.

La sénatrice Lankin : Je vous remercie beaucoup. Ce ne sera pas long, car je sais que nous voulons passer à autre chose, et je crois comprendre que le vote sur cet amendement sera reporté.

Savez-vous que, lorsqu'un projet de loi d'initiative parlementaire est amendé au Sénat, puis renvoyé à la Chambre, il se retrouve au bas de la liste de priorité? Les députés discutent de ces projets de loi à raison d'une heure par semaine. Si la question n'est pas réglée après cette heure — ce qui est bien susceptible de se produire ne serait-ce qu'à cause du nombre de personnes qui interviennent dans le débat —, il faudra beaucoup de temps avant que la Chambre soit saisie de nouveau de cette question. Le projet de loi retourne au bas de la liste de priorité, du moins si j'ai bien compris.

(1900)

Même si le premier obstacle à franchir serait celui du consentement unanime, il ne s'agirait pas du seul problème. À cause des règles de procédure, je crois que ce projet de loi pourrait ne jamais être mis aux voix au Sénat. Je me demandais si vous en étiez conscient.

C'est ce qui explique une partie de mes réserves, et je me demande bien si le Sénat pourra un jour s'exprimer démocratiquement et soumettre ce projet de loi à un vote.

Le sénateur Wells : Je vous remercie de votre question, sénatrice Lankin. Jusqu'à tout récemment, j'ignorais tout des règles de procédure de l'autre endroit. Pour tout vous dire, j'ignorais même, jusqu'à ce vous me le disiez, que ce projet de loi se retrouverait au bas d'une liste quelconque.

Selon moi, le Sénat ne devrait pas s'inquiéter outre mesure de l'incidence que ses discussions et ses délibérations pourraient avoir sur l'autre endroit. Nos deux assemblées sont complémentaires, mais elles sont aussi distinctes, ce qui veut dire que nous sommes maîtres de nos propres délibérations. Quand j'étudie une mesure législative, je ne m'attarde pas... J'allais dire que je ne m'attarde pas nécessairement à ce que fait l'autre endroit, mais, au fond, c'est faux, je ne m'y attarde pas le moins du monde.

Alors, sénatrice Lankin, que ce projet de loi se retrouve au bas de telle ou telle liste ou qu'il ne soit jamais étudié, faute d'avoir obtenu le consentement unanime des députés — quel que soit le sort qui lui est réservé, en fait, et qu'il soit adopté ou pas —, peu m'importe.

L'honorable Daniel Lang : Chers collègues, j'aimerais aborder quelques points, parce que je n'ai encore jamais parlé de ce projet de loi.

Je tiens à préciser clairement que je partage le point de vue du sénateur Plett sur l'amendement proposé par notre collègue. Je ne crois pas que l'hymne national devrait être modifié. Je voterai donc en conséquence quand viendra le moment de voter sur la motion principale.

Je tiens à répéter que, à ma connaissance, aucun groupe au Sénat n'a pris la décision de retarder l'adoption du projet de loi intentionnellement. Il n'en est rien.

Pour ma part, je crois que les remarques du sénateur Wells étaient tout à fait pertinentes. J'irais jusqu'à dire que la plupart des Canadiens ne savent même pas que nous sommes en train de débattre d'une modification proposée à notre hymne national. À mon avis, si on effectuait un sondage auprès des 35 millions de citoyens canadiens, il se pourrait bien qu'on découvre que 34,5 millions d'entre eux ne sont même pas au courant de ce débat. En effet, quand je retourne chez moi et que je demande à mes concitoyens s'ils savent que le Parlement envisage de modifier l'hymne national, ils n'ont aucune idée de quoi je leur parle.

Je crois vraiment que les Canadiens devraient être plus impliqués dans ce dossier parce qu'il est le reflet de nos croyances. Quand des modifications sont apportées à notre hymne national, cela ne concerne pas uniquement les 105 sénateurs et les 338 députés.

Je veux aussi signaler que cette mesure législative est un projet de loi d'initiative parlementaire, et non d'initiative ministérielle. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous disposons d'une telle marge de manœuvre à l'égard de ce projet de loi. Le gouvernement disposait de tous les pouvoirs nécessaires pour le transformer en projet de loi d'initiative ministérielle, mais il ne l'a pas fait.

Alors, je veux simplement dire que, de mon point de vue de sénateur, il s'agit d'une décision très importante qui devra être prise au nom des Canadiens et que nous ne pouvons pas prendre à la légère. Lorsque nous débattrons de la motion principale, j'aurai d'autres observations à faire.

La sénatrice Lankin : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur? Merci beaucoup.

J'ai reçu un courriel qui m'a été transmis, mais qui ne m'était pas destiné. Il était adressé à l'ancienne sénatrice Vivienne Poy. Le courriel contenait un enregistrement audio de l'Orchestre symphonique de Toronto et d'une chorale qui interprétaient l'hymne national en plusieurs langues pour célébrer le 150e anniversaire de la Confédération.

Je me demandais si vous étiez au courant de la tenue de cet événement public qui a attiré beaucoup de monde et si vous saviez que, à cette occasion, les paroles chantées en anglais étaient « in all of us command ». Je vous en informe, au cas où vous n'auriez pas déjà été au courant.

Un peu partout au pays, le changement commence à se produire. Des gens s'expriment en chantant leur amour du pays et leur amour de son caractère inclusif. Les paroles changent autour de nous, que nous voulions bien le voir ou non, dans cette enceinte.

Le sénateur Lang : Chers collègues, je n'ai pas eu connaissance de ce courriel, mais j'ai lu l'article décrivant ce qui s'est passé lors de cet événement. Néanmoins, je m'en tiens à ce que j'ai dit.

Je devrais peut-être vous poser une question. Croyez-vous que les 35 millions de Canadiens savent que nous sommes en train de changer les paroles de l'hymne national? Pour ma part, j'estime qu'ils ne le savent pas.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable sénateur Enverga, avec l'appui de l'honorable sénateur Ngo, propose en amendement :

Que le projet de loi C-210 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'annexe, à la page 2, dans la version anglaise, par substitution des mots « all of us com-mand » par « all of our com-mand ».

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Le vote est reporté à la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur le Président : Le vote est reporté au lundi 19 juin 2017, à 17 h 30.

Projet de loi relative à la stratégie nationale sur l'élimination sûre et écologique des lampes contenant du mercure

Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Jane Cordy propose que le projet de loi C-238, Loi concernant l'élaboration d'une stratégie nationale sur l'élimination sûre et écologique des lampes contenant du mercure, soit lu pour la troisième fois.

—Honorables sénateurs, je suis heureuse d'intervenir aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-238, Loi concernant l'élaboration d'une stratégie nationale sur l'élimination sûre et écologique des lampes contenant du mercure.

Tout d'abord, j'aimerais remercier les membres du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles de l'examen approfondi qu'ils ont fait du projet de loi et des observations constructives qu'ils ont formulées dans le rapport. J'ai eu le plaisir d'assister à une réunion du comité. J'ai trouvé que les questions et les discussions avaient été très réfléchies et que plusieurs bons points avaient été soulevés.

Je tiens aussi à remercier le député de ma circonscription, M. Darren Fisher, d'avoir présenté ce projet de loi. Cet enjeu lui tient énormément à cœur depuis l'époque où il était conseiller municipal à Dartmouth, dans la municipalité régionale d'Halifax. Lorsqu'il siégeait au conseil municipal, il a fait partie du Comité permanent de l'environnement et du développement durable et il a joué un rôle clé dans l'élaboration de la politique municipale visant à recycler les ampoules contenant du mercure qui étaient utilisées dans des immeubles appartenant à la municipalité.

Je remercie également le porte-parole de l'opposition, le sénateur MacDonald, qui s'est montré très favorable au projet de loi. Comme le sénateur MacDonald vient lui aussi de Dartmouth, nous nous sommes bien entendus tous les trois.

Le projet de loi C-238 a été adopté à l'autre endroit avec l'appui des Partis conservateur, libéral, néo-démocrate et vert, et la ministre de l'Environnement l'appuie sans réserve.

À l'étape de la deuxième lecture au Sénat, on a demandé pourquoi il s'agissait d'un projet de loi d'initiative parlementaire, et non d'initiative ministérielle.

M. Fisher a fourni une réponse au cours de son témoignage devant le comité. Il a dit ceci :

[...] je lui ai dit très clairement que c'était un dossier dont j'allais m'occuper. Elle...

— en parlant de la ministre de l'Environnement —

... a été très encourageante lorsque je lui ai dit que c'était un thème que j'allais aborder dans mon projet de loi d'initiative parlementaire. Elle a dit : « S'il y a quoi que ce soit que je peux faire pour aider, dites-le moi. » Elle a été très encourageante. Elle sait que c'est un sujet qui me passionne depuis 2012 et que c'est quelque chose que je voulais faire.

(1910)

Depuis qu'il a présenté son projet de loi d'initiative parlementaire, M. Fisher a été un défenseur exemplaire de cette cause, et c'est pour moi un honneur de parrainer son projet de loi au Sénat.

Honorables sénateurs, le Conseil canadien des ministres de l'environnement rapporte que les déchets d'ampoules libèrent chaque année 1,150 kilogramme de mercure dans les décharges canadiennes. Il suffit de 0,5 milligramme de mercure pour polluer 180 tonnes d'eau. L'élimination du mercure dans le sol et l'eau est très coûteuse et extrêmement difficile. Le but du projet de loi est d'empêcher que le mercure qui se dégage de ces produits n'entre en contact avec l'environnement.

Le mercure est une substance que l'on trouve naturellement dans la nature. Toutefois, ce sont les déchets domestiques et industriels qui sont principalement responsables des niveaux dangereux de mercure libéré dans les écosystèmes et la chaîne alimentaire. La contamination des sites d'enfouissement et des voies d'eau peut causer de graves problèmes de santé.

Le Conseil du recyclage de l'Ontario estime à environ 85 millions le nombre d'ampoules au mercure vendues chaque année au Canada, ce qui représente 300 kilogrammes de mercure, 20 millions de kilogrammes de verre, 287 kilogrammes de poudre de phosphore et 295 000 kilogrammes de métaux. Actuellement, la majorité de ces produits potentiellement toxiques sont simplement jetés avec les ordures ordinaires.

Le Conseil du recyclage de l'Ontario estime en outre que dans 85 à 90 p. 100 des cas, on se débarrasse des ampoules au mercure de façon dangereuse et non sécuritaire pour l'environnement. Il se pourrait donc que plus de 72 millions d'ampoules polluent actuellement les terres et les cours d'eau. C'est inacceptable.

L'absence de lignes directrices nationales et l'ignorance sont les deux grands facteurs qui expliquent pourquoi seul un très faible pourcentage de ces produits dangereux est recyclé.

Dans son témoignage devant le comité, Jo-Anne St. Godard, directrice générale du Conseil du recyclage de l'Ontario, a dit ceci :`

À l'heure actuelle, il n'existe que peu de règlements et pour ainsi dire aucune ligne directrice, ni information ni ressource en ce qui concerne la collecte en toute sécurité et le recyclage approprié de ces ampoules.

Bien sûr, les étiquettes doivent indiquer la présence du mercure dans une lampe, mais l'absence d'une stratégie de gestion des matériaux visant à détourner ces lampes des sites d'enfouissement fait que ces étiquettes ne sont pas plus utiles qu'un coup d'épée dans l'eau.

Elle a ajouté ceci :

Le Canada occupe une position unique, puisqu'il dispose d'installations de recyclage ultramodernes, dont la majorité de la population utilise les services, des installations qui se conforment à des normes de recyclage élevées et qui peuvent récupérer 98 p. 100 des composantes d'une lampe; ces installations se trouvent en Alberta, en Ontario, au Québec et en Nouvelle-Écosse.

Malheureusement, ces installations ne fonctionnent toujours pas à pleine capacité et elles subissent la concurrence des options d'élimination moins coûteuses, étant donné l'absence généralisée de réglementation. Ces installations pourraient traiter chacune des lampes qui sont aujourd'hui vendues sur le marché et sont prêtes à investir, si le marché exigeait que les lampes ne se retrouvent pas dans des sites d'enfouissement. Mais tout commence par une meilleure sensibilisation [...]

Parmi les rares installations canadiennes ultramodernes qui peuvent récupérer et recycler les composantes des produits contenant du mercure, il y a celles de Dan-X Recycling, situées dans ma ville, Dartmouth. Après avoir été inspirés par un documentaire de la chaîne National Geographic, Dave Hall et Dana Emmerson ont fondé Dan-X Recycling Limited afin de fournir un service de recyclage pour tous les types de lampes, de thermostats et autres dispositifs contenant du mercure. C'est le tout premier centre de recyclage de lampes contenant du mercure de la Nouvelle-Écosse. Ce qui est formidable avec Dan-X, c'est que l'entreprise a trouvé un marché pour presque tous les sous-produits récupérés dans les ampoules. Malheureusement, comme Jo-Anne St. Godard l'a indiqué dans son témoignage, les installations de Dan-X, comme bien d'autres installations de cette nature, sont loin de fonctionner à plein rendement parce qu'il n'y a pas d'infrastructures de collecte sécuritaire qui desservent toute la collectivité, et parce que la population est mal renseignée sur les services de recyclage offerts par Dan-X.

Honorables sénateurs, le Canada est un chef de file à l'échelle mondiale pour ce qui est de réduire l'utilisation du mercure dans les produits de consommation et les produits industriels; il a pris des mesures substantielles en ce sens. Malgré cela, il faudra encore de nombreuses années pour éliminer les produits contenant du mercure. Si on ne fait rien pour améliorer la situation entre-temps, des millions d'ampoules au mercure aboutiront encore dans les dépotoirs au cours des prochaines années.

Le projet de loi C-238 exigerait que le ministre de l'Environnement et du Changement climatique élabore une stratégie nationale d'élimination sûre et écologique des lampes contenant du mercure. Pour réussir, cette stratégie devra être élaborée en coopération avec les groupes autochtones et les administrations provinciales, territoriales et municipales. La gestion des déchets relève de la compétence de plusieurs administrations au Canada. Le gouvernement fédéral est le mieux placé pour rassembler ces divers groupes dans le but de cerner les politiques et les pratiques exemplaires qui répondront le mieux aux besoins des Canadiens d'un océan à l'autre.

Toute stratégie nationale suppose des consultations et la participation de tous les intervenants, qu'ils représentent des zones urbaines, rurales, nordiques ou isolées.

Si le projet de loi C-238 est adopté, les intervenants travailleront de concert, sous la direction du gouvernement fédéral, afin de trouver des pratiques exemplaires qui ont fait leurs preuves. Ces pratiques pourront ensuite être instaurées d'un bout à l'autre du pays. Le parrain du projet de loi à l'autre endroit s'est bien gardé de donner des directives sur le contenu de la stratégie, puisque cette décision doit découler des consultations entre les provinces, les territoires, les groupes autochtones et les municipalités. Je m'efforce de suivre son exemple. En tant qu'ancienne enseignante, j'espère toutefois que l'une des priorités de la stratégie nationale serait de sensibiliser les Canadiens au fait que le mercure est une substance dangereuse et qu'il faut employer une méthode sûre pour éliminer les ampoules au mercure.

Pendant les audiences du comité, nous nous sommes demandé de quelle manière on dispose des ampoules sur la Colline du Parlement. Lorsque je me suis renseignée auprès de l'Administration du Sénat, j'ai appris que Services publics et Approvisionnement Canada était responsable de l'éclairage et du remplacement de l'éclairage intérieur et extérieur des édifices de la Cité parlementaire. Le ministère a mis en place un programme de recyclage et un service qui veille à ce que les ampoules soient recyclées de façon sécuritaire.

En ce moment, le service d'installation du Sénat ne recycle pas les ampoules ou les tubes fluorescents qui ne fonctionnent plus. Toutefois, on m'a dit qu'ils prenaient les mesures nécessaires pour mettre en place, en collaboration avec leurs collègues de Services publics et Approvisionnement Canada, un programme de recyclage. On m'a également dit que les ampoules au mercure ne sont plus utilisées au sein de la Cité parlementaire parce qu'elles ne satisfont pas aux normes environnementales actuelles.

Je remercie encore une fois les membres du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles d'avoir soigneusement examiné le projet de loi et de nous avoir fait part de leurs excellentes observations.

Dans leurs observations, ils écrivent ce qui suit :

Le gouvernement fédéral dispose d'un certain nombre d'outils pour réaliser des objectifs en matière de politiques, notamment les lois, les règlements, les directives et les codes de pratique. La persuasion morale est aussi un outil pratique, et le comité pense que dans ce domaine, le gouvernement fédéral peut et devrait montrer l'exemple. En tant qu'important acheteur de biens et de services, et propriétaire d'un portefeuille immobilier considérable, le gouvernement du Canada peut montrer la voie à suivre en recyclant toutes les lampes contenant du mercure dans ses bureaux fédéraux et ses immeubles, à la fin de leur durée utile. Un examen de l'actuelle Stratégie fédérale de développement durable et de celles l'ayant précédée, ainsi que des politiques et stratégies de développement durable de certains ministères a permis de constater l'absence d'un seul plan ou d'une seule stratégie nationale complète en ce sens. Nous croyons que le gouvernement fédéral pourrait profiter de cette belle occasion pour montrer la voie à suivre dans ce dossier.

Honorables sénateurs, comme je l'ai mentionné, le Canada est un chef de file mondial pour ce qui est d'éliminer le mercure du marché. Le Canada, ainsi que 137 autres pays, a signé la Convention de Minamata sur le mercure en 2013. La Convention de Minamata sur le mercure, signée par le gouvernement conservateur précédent, est un traité international qui vise à protéger la santé humaine et l'environnement contre les effets néfastes du mercure. Le contrôle des émissions et des rejets de mercure sur l'ensemble de son cycle de vie est un élément clé des obligations prévues dans la convention. Le Canada est l'un des 50 pays à avoir ratifié la convention. Le 16 août de cette année, elle entrera en vigueur et deviendra juridiquement contraignante pour toutes les parties, dont le Canada.

Des questions ont été soulevées durant les audiences du comité sur l'efficacité d'un tel projet de loi à empêcher le mercure de se retrouver dans l'environnement. J'aimerais citer la sénatrice Fraser, qui a participé à la discussion.

Elle a dit que de tels projets de loi servent sûrement un peu d'appel à l'action à tous les gens qui n'ont pas encore commencé à s'attaquer au problème.

Honorables sénateurs, j'espère que le projet de loi C-238 jouera ce rôle et lancera la discussion sur les façons d'empêcher le mercure de se retrouver dans l'environnement partout au Canada. J'espère qu'il incitera les intervenants de toutes les provinces et tous les territoires du Canada à procéder à l'élaboration d'une stratégie nationale sur l'élimination sûre et écologique des ampoules contenant du mercure.

(1920)

Honorables sénateurs, ce serait une étape très positive pour tous les Canadiens.

L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je suis ravi de prendre la parole aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-238, Loi concernant l'élaboration d'une stratégie nationale sur l'élimination sûre et écologique des lampes contenant du mercure, qui porte sur une question d'importance pour notre environnement et pour la santé et la sécurité de tous les Canadiens.

Mon soutien à l'égard de ce projet de loi n'a pas diminué depuis que j'en ai parlé à l'étape de la deuxième lecture. En conséquence, je n'ai pas l'intention de répéter chaque argument que j'ai fait valoir pendant mon allocution précédente; je serai bref aujourd'hui.

Comme vous le savez, le projet de loi à l'étude a reçu un appui général à la grandeur du pays et dans l'autre Chambre, de la part des partis conservateur, libéral, néo-démocrate et vert, et je tiens à réitérer que, bien que je m'adresse à vous aujourd'hui à titre de « critique » du projet de loi, je le fais en y étant tout à fait favorable.

Le projet de loi vise à ce que le ministre de l'Environnement, de concert avec les provinces et les territoires, ainsi que d'autres administrations et organismes intéressés, crée une stratégie nationale sur l'élimination sûre et écologique des lampes contenant du mercure. La stratégie permettrait de déterminer des pratiques pour l'élimination sûre et écologique des lampes fluorescentes, d'élaborer des lignes directrices pour les installations qui participent à l'élimination de ces lampes, et de dresser un plan en vue de sensibiliser le public à ce sujet.

Ce projet de loi a été renvoyé au Comité sénatorial de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles — dont j'ai fait partie pendant des années — qui a entendu un certain nombre de témoignages pendant son étude.

Le parrain de ce projet de loi, M. Darren Fisher, de la Chambre des communes, ainsi que d'autres personnes ont fait remarquer que bien peu de mesures étaient prises pour protéger les Canadiens des ampoules jetées dans les sites d'enfouissement qui, dans les faits, contaminent nos terres et nos cours d'eau. M. Fisher nous a aussi informés que le Conseil canadien des ministres de l'Environnement avait signalé que les lampes jetées aux déchets, qu'elles soient cassées ou intactes, sont à l'origine d'environ 1 150 kilogrammes de mercure dans les sites d'enfouissement canadiens chaque année. Il nous a aussi rappelé que le mercure peut être transporté sur de longues distances. C'est donc dire que le mercure déposé dans un site d'enfouissement à Halifax pourrait se redéposer quelque part dans le Grand Nord canadien — il ne respecte pas les limites provinciales. Cela étant dit, il est difficile de croire qu'il n'existe ni règlement ni lignes directrices concernant les ampoules au mercure en fin de vie.

Dans un autre témoignage, M. D'Iorio, d'Environnement et Changement climatique Canada, a souligné qu'on avait fait des progrès dans le dossier et que, à ce jour, le Colombie-Britannique, le Manitoba, le Québec et l'Île-du-Prince-Édouard ont déjà mis en place des programmes obligatoires de collecte et de recyclage des lampes contenant du mercure.

Or, même si certaines administrations ont fait des progrès, Jo-Anne St. Godard, de l'organisme Take Back the Light, a déclaré qu'il n'existe que peu de règlements et pour ainsi dire aucune ligne directrice, ni information ni ressource en ce qui concerne la collecte sécuritaire et le recyclage approprié de ces lampes. Elle appuyait de toute évidence le projet de loi C-238 et elle a déclaré qu'il nous donne l'occasion de régler un important problème de déchets toxiques. Il constitue un exemple important de la façon dont tous les ordres de gouvernement et les intervenants peuvent travailler de concert et prendre des mesures immédiates pour protéger la santé humaine et environnementale.

Le comité a également entendu le témoignage de Mme Marchand, de RecycFluo, qui nous a informés que son organisme a recyclé plus de 30 millions de lampes contenant du mercure depuis 2012. Elle a souligné qu'une stratégie nationale doit tenir compte des efforts qui sont pris actuellement dans l'ensemble du pays afin d'éviter le dédoublement des programmes existants — ce que j'appuie.

Chers collègues, nous devons voir à ce qu'il y ait, partout au pays, des programmes d'élimination permettant d'éviter que ces articles se retrouvent au dépotoir. L'élaboration d'une stratégie nationale donnera la chance au gouvernement de collaborer avec les provinces, les municipalités et les Autochtones afin d'élargir l'accès aux centres d'élimination. Bien que la plupart des centres urbains disposent maintenant d'options pour l'élimination des déchets dangereux ou de programmes de récupération gérés par des commerces, ces services sont loin de s'étendre à l'ensemble du pays et demeurent particulièrement rares en région rurale.

Je crois que les témoignages que le comité a entendus abondent dans le même sens, et, compte tenu des graves conséquences que peut avoir l'élimination non contrôlée du mercure sur l'environnement et la santé, il m'apparaît évident qu'une stratégie nationale pour l'élimination sécuritaire des lampes fluorescentes constitue une étape nécessaire dans la bonne direction. C'est pourquoi le gouvernement doit prendre l'initiative dans ce dossier crucial.

D'ailleurs, même si le comité a fait rapport au Sénat du projet de loi C-238 sans amendement, il a joint en annexe quelques brèves observations, qui disent notamment ceci :

[...] le comité pense que dans ce domaine, le gouvernement fédéral peut et devrait montrer l'exemple. En tant qu'important acheteur de biens et de services, et propriétaire d'un portefeuille immobilier considérable, le gouvernement du Canada peut montrer la voie à suivre en recyclant toutes les lampes contenant du mercure dans ses bureaux fédéraux et ses immeubles, à la fin de leur durée utile.

Le comité conclut en disant ce qui suit :

Nous croyons que le gouvernement fédéral pourrait profiter de cette belle occasion pour montrer la voie à suivre dans ce dossier.

Je suis tout à fait d'accord.

Chers collègues, le mercure ne connaît aucune limite. Les contaminants dans l'air et l'eau touchent chacun de nous. Il est temps d'instaurer une stratégie nationale, et le gouvernement fédéral doit montrer la voie à suivre. J'invite mes collègues à appuyer le projet de loi à l'étape de la troisième lecture.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi reconnaissant Charlottetown comme le berceau de la Confédération

Adoption du dix-huitième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

Le Sénat passe à l'étude du dix-huitième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (Projet de loi S-236, Loi visant à reconnaître Charlottetown comme le berceau de la Confédération, avec des amendements), présenté au Sénat le 13 juin 2017.

L'honorable Bob Runciman propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, le projet de loi S-236 revient au Sénat avec quatre propositions d'amendement du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, dont deux au corps du projet de loi et deux au préambule. À l'article 2, à la page 2, l'amendement remplace un mot à la ligne 4 de la version française. Dans la version originale, le mot « declared » avait été traduit par « désignée ». L'amendement le remplace par « déclarée ». Comme la sénatrice Griffin l'a expliqué, l'intention est la reconnaissance, et non la désignation de Charlottetown en tant que berceau de la Confédération. L'amendement vise à éviter toute ambiguïté concernant l'obligation de Parcs Canada à l'avenir.

Le deuxième amendement consiste à ajouter un article 3 :

Il est entendu que rien dans la présente loi ne constitue une désignation relevant de la compétence du ministre responsable de l'Agence Parcs Canada aux termes de la Loi sur l'Agence Parcs Canada.

Le sénateur McIntyre a proposé d'apporter au préambule deux amendements, qui ont été adoptés par le comité, dans le but de reconnaître l'apport des conférences de Québec et de Londres dans les événements de 1867.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Griffin, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1930)

Projet de loi sur la responsabilité judiciaire par la formation en matière de droit relatif aux agressions sexuelles

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Andreychuk, appuyée par l'honorable sénatrice Seidman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-337, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel (agression sexuelle).

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-337, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel.

Le texte modifie la Loi sur les juges afin que seules soient admissibles à la magistrature les personnes qui ont suivi un cours de perfectionnement complet en matière de droit et de contexte social relatifs aux agressions sexuelles.

Le projet de loi exige que le Conseil canadien de la magistrature produise un rapport sur les colloques de perfectionnement juridique portant sur les questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles.

En outre, il modifie le Code criminel afin que les motifs fournis par un juge à l'appui de toute décision relative à une affaire d'agression sexuelle fassent partie du procès-verbal des débats ou soient données par écrit.

Je souhaite remercier la députée Rona Ambrose d'avoir déposé le projet de loi C-337 à la Chambre des communes. Je la remercie de son travail au nom des Canadiens au fil des ans. J'ai beaucoup de bons souvenirs de mon travail avec elle sur de nombreuses questions féminines.

Honorables sénateurs, j'aimerais aussi remercier la sénatrice Andreychuk, marraine de ce projet de loi.

Honorables sénateurs, j'ai consacré plus de 30 ans à former des juges sur les questions féminines. J'ai formé des juges au National Institute of Justice. J'ai aussi formé des juges au Western Justice Institute, avec le juge Campbell, la sénatrice Andreychuk et d'autres. J'ai formé des juges dans plusieurs pays. Depuis des années, je suis d'avis qu'il faut des mesures législatives afin d'assurer une formation adéquate.

Voici le genre de questions qu'on pose aux femmes lors d'un contre-interrogatoire : « Pourquoi portiez-vous de tels vêtements? Pourquoi circuliez-vous dans un endroit aussi dangereux? Pourquoi avez-vous fait ceci? Pourquoi avez-vous fait cela? »

Nous demandions à un juge de participer à un jeu de rôle. Nous lui demandions de prétendre qu'il était habillé d'une certaine façon et qu'il circulait dans un quartier dangereux. Puis nous lui posions des questions comme : « Pourquoi portiez-vous un complet dispendieux dans un tel quartier? Pourquoi portiez-vous une montre RADO? Pourquoi portiez-vous des chaussures dispendieuses? Pourquoi aviez-vous emporté une mallette aussi dispendieuse? Si vous vous êtes fait voler, c'est que vous l'avez cherché. »

Après ces exercices, de nombreux juges nous ont avoué que, pour la première fois, ils avaient compris ce qu'ils imposaient aux femmes lorsqu'ils leur posaient de telles questions ou lorsqu'ils laissaient, sans broncher, un avocat le faire. Après avoir suivi la formation, les juges réalisaient qu'il était inapproprié de demander aux femmes comment elles étaient habillées et comment elles s'étaient comportées. La question qu'il faut vraiment se poser est : « Pourquoi cet homme a-t-il agressé sexuellement cette femme? »

J'appuie donc le projet de loi de Mme Ambrose. J'appuie son objectif, mais j'ai quelques réserves quant à son contenu et je suis convaincue qu'elles seront abordées au comité.

Avant d'adopter le projet de loi, sénateurs, je crois qu'en qualité de Chambre de second examen objectif, nous devons en examiner tous les aspects. C'est pourquoi j'aimerais aborder certaines des préoccupations que soulève le projet de loi C-337.

Comme vous le savez, la Chambre des communes a choisi de renvoyer rapidement le projet de loi au Comité permanent de la condition féminine. De nombreux spécialistes qui ont témoigné devant le comité ont soulevé des préoccupations quant au projet de loi C-337. La première préoccupation qui a été mentionnée est que tout avocat qui postule à un poste de juge doit suivre une formation avant d'être nommé.

Je cite l'Association canadienne des juges des cours supérieures, qui représente environ 1 000 juges qui siègent aux cours supérieures et aux cours d'appel de chaque province et territoire, ainsi qu'à la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale et la Cour canadienne d'impôt :

Les juges qui sont nommés par une autorité fédérale et qui sont assujettis à la Loi sur les juges siègent à diverses cours, dont certaines n'ont aucune compétence en matière de droit pénal.

La très grande majorité des affaires pénales sont entendues par les cours provinciales, dont les juges ne sont pas assujettis à la Loi sur les juges.

Des programmes didactiques complets sont actuellement offerts aux juges fédéraux nouvellement nommés et un régime d'éducation permanente en matière judiciaire est mis à la disposition de tous les juges, qui peuvent ainsi parfaire leur éducation, notamment au sujet des contextes sociaux, dans les domaines du droit relevant de leur compétence.

Les gens du Barreau du Québec ont soulevé la même question lorsqu'ils ont témoigné devant le comité de la Chambre des communes. Ils ont dit ceci :

Le Barreau du Québec soutient toute mesure visant à parfaire la formation de la magistrature, mais s'inquiète que les modifications proposées n'aient pas les effets escomptés en regard des objectifs poursuivis.

En effet, le champ d'application du projet de loi semble mal adapté au fait que les dossiers d'infractions à des lois fédérales sont généralement réglés par les cours provinciales.

Cela signifie que cette loi ne s'appliquera pas à la plupart des juges nommés à des cours provinciales qui président surtout des causes criminelles.

Au surplus, le projet de loi crée des obligations pour certains membres de la magistrature qui n'auront jamais à traiter de tels dossiers.

[L]e projet de loi vise exclusivement les juges de nomination fédérale — soit ceux siégeant dans les cours supérieures, les cours d'appel, la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale, mais aussi la Cour canadienne de l'impôt et la Cour suprême du Canada.

Or, la pratique nous démontre que la très grande majorité des infractions criminelles est traitée par les cours provinciales.

Selon Statistique Canada, en 2014-2015, 99,6 p. 100 des cas d'infractions à une loi fédérale ont été gérés par des cours provinciales.

Enfin, le Conseil canadien de la magistrature, un organisme fédéral qui a été créé en vertu de la Loi sur les juges et qui a pour mandat de faire la promotion de l'efficacité, de l'uniformité et de la reddition de comptes et d'améliorer la qualité des services judiciaires dans les cours supérieures du Canada, a aussi soulevé des préoccupations. Je cite :

Selon les politiques actuelles du [Conseil canadien de la magistrature], il est obligatoire pour les juges nouvellement nommés d'assister à un colloque conçu pour les nouveaux juges, qui comprend une formation sur les questions d'agression sexuelle dans le cadre du volet du programme portant sur le contexte social. Les politiques du [Conseil canadien de la magistrature] prévoient aussi que les juges devraient consacrer dix jours par année à leur perfectionnement.

Le [Conseil canadien de la magistrature] propose, comme solution de rechange, que les candidats à un poste de juge d'une juridiction supérieure s'engagent, dans le cadre du processus de candidature, à respecter les politiques du [Conseil canadien de la magistrature] en matière de formation des juges et, plus particulièrement, à promettre de participer aux activités courantes de formation sur le contexte social, y compris une formation sur les questions d'agression sexuelle.

Cela dit, cette mesure législative ne s'appliquerait qu'aux nouveaux juges et non aux juges qui sont déjà en fonction.

La deuxième préoccupation qui a été soulevée, c'est que le projet de loi modifie le Code criminel en ajoutant, à l'article 278.91, qu'un juge doit fournir ses motifs dans le compte rendu des délibérations ou par écrit.

Quant au préambule du projet de loi, il affirme que le fait d'exiger des motifs par écrit dans les poursuites pour agression permettrait à l'appareil judiciaire, et je cite :

[...] [de gagner] en transparence et en responsabilité.

De plus, voici ce que stipule la Section nationale de droit pénal de l'Association du Barreau canadien :

Les juges doivent déjà donner des motifs valables, de vive voix ou par écrit, et des ressources sont déjà consacrées à l'application de cette exigence. Par exemple, l'Institut national de la magistrature donne déjà bon nombre de formations sur la rédaction de motifs et sur les motifs exposés oralement.

Le droit actuel oblige en outre les juges de première instance à donner des motifs qui fournissent matière à un examen valable en appel des fondements d'une condamnation ou d'un acquittement.

La Cour suprême a énoncé des exigences détaillées pour la présentation de motifs à l'écrit comme à l'oral, en toute matière.

Dans l'arrêt R. c. Sheppard, le juge Binnie, dans ses motifs faisant l'unanimité, a énuméré 10 grands principes pour les cours de première instance.

Le juge Binnie a écrit ce qui suit :

Prononcer des décisions motivées fait partie intégrante du rôle du juge. Cette fonction est une composante de son obligation de rendre compte de la façon dont il s'acquitte de sa charge. Dans son sens le plus général, c'est en faveur du public qu'est établie l'obligation de motiver une décision.

Cet arrêt de la Cour suprême illustre l'importance des motifs judiciaires pour le processus pénal et fait ressortir les devoirs qui incombent déjà aux juges. La rédaction de motifs demande normalement plus de temps que la préparation de jugements oraux.

Imposer la motivation par écrit de toute décision quant à un type d'affaires en particulier pourrait contribuer à la lenteur des tribunaux à une époque où un ralentissement, s'il enfreint une échéance procédurale, peut se traduire par la suspension de chefs d'accusation.

Ce serait nuire à l'intérêt public que d'entraver inutilement le jugement des causes criminelles.

(1940)

Honorables sénateurs, il me reste un dernier problème à aborder concernant le projet de loi C-337. En modifiant l'alinéa 60(2)b) et le paragraphe 62.1(1) de la Loi sur les juges, il compromettrait l'indépendance de la magistrature.

Selon l'Association canadienne des juges des cours supérieures, le principe même de l'indépendance de la magistrature exige que, dans le cadre de leurs fonctions, les juges puissent exercer leur jugement sans entrave et en toute indépendance et impartialité.

Voici ce que le Barreau du Québec avait à dire :

[L]es obligations imposées au Conseil canadien de la magistrature sont susceptibles de compromettre l'indépendance judiciaire et, ultimement, d'empiéter sur la compétence provinciale relative à l'administration de la justice.

Ensuite, en imposant au Conseil canadien de la magistrature l'obligation de faire rapport des formations suivies par les membres de la magistrature, en spécifiant, notamment, « le nombre d'affaires d'agression sexuelle dont ont été saisis les juges qui n'ont jamais participé à un tel colloque », il est à craindre que le projet de loi ne mette en péril l'indépendance de la magistrature.

L'indépendance de la magistrature est l'une des pierres angulaires du système démocratique canadien : elle est essentielle à la perception d'impartialité qu'a le public à l'égard du processus judiciaire.

C'est pourquoi la Loi constitutionnelle de 1867 garantit l'indépendance et la séparation des pouvoirs judiciaire, exécutif et législatif. Plus particulièrement, l'indépendance judiciaire garantit que les juges peuvent rendre des décisions libres de toute influence et fondées exclusivement sur les faits et le droit.

Or, lorsque le Parlement contraint la magistrature à se soumettre à des obligations dans le cadre de ses fonctions, il risque ainsi de porter atteinte à l'indépendance judiciaire.

L'indépendance institutionnelle signifie que personne ne peut s'ingérer dans la gestion des procès par les tribunaux ni dans l'exercice des fonctions judiciaires par la magistrature.

Le Conseil canadien de la magistrature est du même avis. Voici ce qu'il a ajouté :

Le Conseil est inquiet que [le fait de modifier l'alinéa 60(2) b) de la Loi sur les juges] puisse être interprét[é] comme une exigence relative aux obligations de formation des juges qui serait établie par un autre organe de gouvernement.

Cela serait préoccupant sur le plan de l'indépendance de la magistrature, en particulier en ce qui a trait aux conséquences pour un juge qui ne respecterait pas son obligation de maintenir et de perfectionner ses connaissances et ses capacités, afin de s'assurer d'exercer les fonctions de sa charge.

Le Conseil canadien de la magistrature ajoute ceci :

Le Conseil est inquiet que toute obligation de faire connaître, directement ou indirectement, les noms des juges et les titres des colloques auxquels ils ont assisté pourrait poser un problème.

En particulier, il est proposé à l'alinéa 62.1(1)c) de faire connaître, pour chaque juridiction supérieure du Canada, le nombre de juges qui n'ont jamais participé à un colloque sur le droit relatif aux agressions sexuelles et qui ont été saisis d'une affaire d'agression sexuelle.

La collecte de telles données aurait pour résultat logique d'identifier certains juges, à long terme, dans le but de tirer des conclusions sur la nature des décisions qu'ils rendent dans des affaires d'agression sexuelle.

En d'autres mots, il s'agit d'un outil d'évaluation du rendement des juges qui repose sur l'hypothèse selon laquelle la participation à un cours garantit la compétence.

Le Conseil ne peut appuyer l'obligation proposée de présenter un rapport qui indiquerait quelles juridictions et combien de juges de ces juridictions ont participé à certains programmes de formation et ont été saisis ou non de certains genres d'affaires.

Nous sommes d'avis qu'une telle obligation porterait atteinte à l'indépendance de la magistrature et au maintien du contrôle qu'elle exerce sur les questions de formation et de discipline des juges.

Honorables sénateurs, je répète que je suis tout à fait d'accord avec le but du projet de loi. Je crains cependant que nous nous trouvions à enseigner aux gens les paroles qu'il ne faut pas prononcer, alors qu'il nous faut étudier notre culture et la chosification qu'elle fait des femmes. C'est là que réside le problème.

Il me tarde que le projet de loi soit étudié en comité et que celui-ci discute des manières de le rendre meilleur.

Honorables sénateurs, j'ai décrit les trois principaux problèmes qui se posent dans le projet de loi C-337. En tant que sénateurs, nous ne pouvons pas les prendre à la légère. Nous devons envisager toutes les possibilités pour que ce projet de loi atteigne son objectif principal, soit de former les juges et de protéger l'ensemble des Canadiens.

J'encourage tous les sénateurs à étudier attentivement ce projet de loi.

Merci beaucoup.

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Accepteriez-vous de répondre à une question, madame la sénatrice Jaffer?

La sénatrice Jaffer : Oui.

Le sénateur Day : Merci. Je voudrais que vous nous apportiez une précision concernant une disposition qui m'inquiète. Vous pourriez me dire si d'autres personnes partagent mon inquiétude. D'après ce que vous avez dit et ce que je lis, un avocat inscrit au Barreau serait obligé de suivre un cours sur les agressions sexuelles avant de pouvoir être nommé juge.

C'est parfait pour Montréal, Toronto et Vancouver. Cependant, beaucoup d'avocats pratiquent dans des agglomérations plus petites.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le temps qui était accordé à la sénatrice Jaffer est écoulé.

La sénatrice Jaffer : Puis-je avoir encore cinq minutes?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, accepteriez-vous d'accorder cinq minutes de plus à la sénatrice?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Day : Beaucoup d'avocats qui pratiquent dans de petites agglomérations pourraient devenir de bons juges à ces endroits, mais risquent de ne pas pouvoir suivre la formation parce qu'elle ne serait pas offerte partout. Ce problème a-t-il déjà été soulevé?

Je sais que, une fois un avocat nommé juge, le conseil de la magistrature, le gouvernement, peut lui permettre de suivre des cours. C'est bien. Toutefois, je m'inquiète de l'idée qu'une formation préalable soit nécessaire pour qu'un avocat puisse être nommé juge.

La sénatrice Jaffer : Monsieur le sénateur, je ne saurais vous répondre autrement qu'en vous disant que c'est l'une des caractéristiques du projet de loi qui m'embêtent vraiment. Les nouvelles règles de sélection des sénateurs ne prévoient pas qu'une personne qui pose sa candidature doit l'annoncer au monde entier. Il n'y a pas de cours à suivre pour devenir un sénateur. Nous sommes tous arrivés au Sénat sans faire de bruit. Les sénateurs qui ont été nommés n'auraient pas voulu que le monde entier sache qu'ils avaient posé leur candidature.

Que demandons-nous aux gens qui présentent leur candidature? Nous leur demandons de suivre un cours sur les agressions sexuelles. Il n'y a rien de mal à s'informer sur le sujet, mais si vous dites à tout le monde que vous allez suivre ce cours et que vous présentez ensuite votre candidature à un poste de juge, qu'en est-il de vos perspectives de partenariat? Comment réagit votre patron? Que pensent de vous vos collègues, si vous n'avez pas le poste?

Plusieurs avocats m'ont appelée pour me dire : « Allons, Mobina, soit sérieuse. Tu penses que nous allons suivre ce cours? Mes partenaires et mes amis sauront que j'ai présenté ma candidature. » On n'a rien contre ce cours, c'est une bonne idée. Cependant, on devrait au moins le suivre après avoir été nommé, pas avant.

Le sénateur Day : Merci.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Pourrais-je poser une question complémentaire? Autrefois, lorsqu'un avocat voulait devenir juge, cela se faisait en privé et une fumée blanche sortait pour signaler sa nomination. Aujourd'hui, il faut poser sa candidature et suivre un processus, et tout cela se fait publiquement au sein du système judiciaire.

Ne pensez-vous pas que le cours sur les agressions sexuelles devrait être l'affaire des Barreaux?

Premièrement, les juges pourraient poser leur candidature pour un poste dans un tribunal donné, comme la cour de l'impôt, et se retrouver dans un autre tribunal. Deuxièmement, le projet de loi a été amendé par la Chambre, et des femmes à l'autre endroit ont dit que le contexte social est important. Ne pensez-vous pas que les avocats devraient savoir à qui ils ont affaire?

À propos des agressions sexuelles, ne faut-il pas s'interroger sur les raison du phénomène? Ce n'est pas seulement à cause du Code criminel; le phénomène s'inscrit dans un contexte social, et, à mon avis, n'importe quel avocat devrait avoir une formation en la matière, devrait y être sensibilisé, quels que soient les dossiers dont il est saisi, parce que c'est à des citoyens qu'il a affaire.

Je pense que c'est ce que les Barreaux et le Conseil de la magistrature devraient faire afin de veiller à ce que les questions liées aux agressions sexuelles soient abordées dans les colloques de perfectionnement juridique.

Notre comité pourrait peut-être se pencher là-dessus. Je vous remercie d'avoir soulevé ces questions.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie, madame la sénatrice. Je pense que tous les étudiants en droit devraient recevoir une formation sur le contexte social. Cela ne me pose aucun problème. Je crois qu'un avocat devrait suivre des cours. Je n'y vois aucun inconvénient.

J'ai recommandé beaucoup de candidats à la magistrature, et je peux dire en toute honnêteté qu'il ne s'agit pas d'un processus public. Seuls les membres du Conseil de la magistrature savent qui a présenté sa candidature, et ils ne sont pas autorisés à le dire. Je le répète, ce n'est pas un processus public. Tout se fait dans une grande confidentialité.

Je ne dis pas que nous ne devrions pas donner cette formation. Cependant, si nous voulons réellement attirer des avocats de qualité dans la magistrature, je crois qu'il faudrait leur donner cette formation après leur nomination, pas avant.

(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

(1950)

L'étude sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes atlantique et pacifique du Canada

Sixième rapport du Comité des transports et des communications et demande de réponse du gouvernement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur MacDonald, appuyée par l'honorable sénateur Patterson,

Que le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, intitulé Des pipelines pour le pétrole : protéger notre économie, respecter notre environnement, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 7 décembre 2016, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Ressources naturelles ayant été désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec les ministres des Transports et des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne.

L'honorable Terry M. Mercer : Je souhaite prendre la parole aujourd'hui au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, intitulé Des pipelines pour le pétrole : protéger notre économie, respecter notre environnement. La plupart d'entre vous ont déjà entendu mes observations lorsque nous avons présenté le rapport, mais je vais les passer en revue pour ceux qui ne les auraient pas entendues.

Comme l'indique le rapport, le Canada se classe au troisième rang mondial pour ce qui est des réserves de pétrole, mais, comme les infrastructures énergétiques sont insuffisantes, le pays dépend encore, dans une certaine mesure, des producteurs de pétrole étrangers et doit se contenter de vendre sa production au rabais à ses voisins du Sud.

Le comité a appris que l'exploitation des pipelines a ajouté 11,5 milliards de dollars au produit intérieur brut du Canada en 2015 seulement, en plus de maintenir 34 000 emplois à temps plein et de générer 2,9 milliards de dollars en revenus.

Honorables sénateurs, permettez-moi de le répéter : cette industrie représente une contribution de 11,5 milliards de dollars au produit intérieur brut, crée 34 000 emplois à temps plein et génère 2,9 milliards de dollars en revenus. Il s'agit d'un dossier important.

Le rapport contient sept recommandations à l'intention du gouvernement du Canada, et le comité espère que celles-ci fourniront une certaine orientation au gouvernement dans son examen de l'avenir des ressources énergétiques du pays et des conséquences sur l'environnement de projets énergétiques comme les pipelines.

Je n'entrerai pas dans les détails des risques environnementaux associés à de tels projets énergétiques, mais je dirai que je crois qu'il est possible d'acheminer nos réserves pétrolières vers les côtes tout en respectant l'environnement et en protégeant les zones écosensibles des dangers que les pipelines pourraient représenter pour celles-ci.

Avant de passer à l'examen des recommandations, il convient de noter que le gouvernement du Canada a reçu en mai dernier rapport du comité d'experts sur la modernisation de l'Office national de l'énergie qui contenait 26 recommandations, notamment la restructuration de l'Office national de l'énergie; le renforcement de la consultation avec les intervenants, y compris les peuples autochtones; et, enfin, l'amélioration du mécanisme de gestion des plaintes.

J'attends avec intérêt les prochaines étapes de cet examen, mais j'espère également que le gouvernement tiendra compte de nos recommandations dans ses délibérations sur l'avenir de l'Office national de l'énergie et des projets de pipeline au Canada.

Passons maintenant à l'examen des principales recommandations contenues dans le rapport du comité :

Le Comité recommande que Ressources naturelles Canada modernise l'Office national de l'énergie, notamment :

.en élargissant le mandat de l'Office afin qu'il permette une consultation efficace des parties concernées et une bonne communication avec elles;

.et, enfin,en retirant au gouverneur en conseil le pouvoir de l'approbation définitive automatique [...]

Plutôt que d'être examinées automatiquement, les décisions de l'office pourraient faire l'objet d'un appel devant le gouverneur en conseil.

Pour améliorer les relations avec les populations autochtones et faire participer davantage ces dernières au processus, le Comité recommande également que les contributions que la Couronne aura obtenues des Autochtones en s'acquittant de son obligation de consulter soient intégrées au processus de l'Office et que le gouverneur en conseil use de son pouvoir pour nommer de façon permanente un représentant autochtone à l'Office [...]

Compte tenu des caractéristiques potentielles des pipelines sur les plans économique, environnemental et logistique, le Comité recommande que l'Office national de l'énergie, dans le cadre de ses audiences sur le projet Énergie Est, examine le détroit de Canso, en Nouvelle-Écosse, comme une autre possibilité de terminal.

Je vais en dire plus à ce sujet plus tard.

Le Comité recommande que Pêches et Océans Canada veille à ce que le Plan de protection des océans prévoie le renforcement des capacités de la Garde côtière canadienne, en augmentant notamment ses ressources et ses bases d'opérations aux fins de prévention et d'atténuation des effets des déversements de pétrole.

Si vous lisez le rapport du comité d'experts sur la modernisation de l'Office national de l'énergie, vous remarquerez des similitudes entre notre rapport et le sien.

Honorables sénateurs, j'estime que le comité a fait tout le travail nécessaire pour bien comprendre ce qui se passe et ce que nous pouvons faire pour simplifier les processus, accroître la confiance de la population et faire construire les pipelines de manière économiquement et écologiquement responsable.

La recommandation qui m'intéresse le plus concerne le projet de pipeline Énergie Est. Je sais que mon estimé collègue du Nouveau-Brunswick, le sénateur Mockler, est l'auteur d'une interpellation à ce sujet, attirant l'attention du Sénat sur la question de la sécurité des oléoducs au Canada et sur le projet d'édification nationale que représente la proposition Énergie Est ainsi que ses retombées pour l'économie canadienne. Je sais donc que le sénateur Mockler sera particulièrement intéressé par ce que j'ai à dire sur Énergie Est.

Je précise, honorables sénateurs, que le projet de pipeline Énergie Est est présentement évalué par un nouveau comité d'examen de l'Office national de l'énergie composé de trois personnes et qu'aucune nouvelle audience n'est encore prévue. Le comité a toutefois reçu des commentaires sur de nouveaux critères d'évaluation du projet.

Je trouve notre recommandation sur l'oléoduc Énergie Est particulièrement attrayante et je pense qu'elle devrait l'être pour mes concitoyens néo-écossais.

Elle tient compte, bien sûr, du port libre de glaces du détroit de Canso, situé entre l'île du Cap-Breton et la Nouvelle-Écosse continentale, un port qui pourrait grandement aider la Nouvelle-Écosse à tirer parti des retombées économiques associées au pétrole de l'Ouest canadien.

Le détroit de Canso accueille déjà des pétroliers qui importent au Canada plusieurs milliers de gallons de pétrole brut; ils pourraient tout aussi facilement transporter des milliers de gallons de pétrole canadien vers d'autres pays. Les installations sont déjà en place. Le détroit de Canso offre déjà un port libre de glaces.

Selon le tracé proposé, l'oléoduc Énergie Est ferait 4 500 kilomètres de long et acheminerait environ 1,1 million de barils de pétrole brut chaque jour jusqu'au nouveau terminal portuaire de Saint John, au Nouveau-Brunswick.

Le projet prévoit la conversion de plus de 3 000 kilomètres de gazoduc en un pipeline servant au transport du pétrole, et la construction d'un nouveau tronçon de pipeline d'environ 1 500 kilomètres.

Ne pourrait-on pas envisager de prolonger le tracé prévu, afin que le pipeline traverse la Nouvelle-Écosse jusqu'au détroit de Canso? Ce serait une excellente façon pour le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse de participer à la réussite économique de l'Ouest canadien.

Je tiens aussi à souligner que ce changement rendrait le projet plus sécuritaire. Voici pourquoi. S'il y a plus de pétrole à Saint John, la circulation des pétroliers dans la baie de Fundy augmentera, ce qui posera plus de risques pour l'industrie de la pêche et l'industrie touristique de la région. Pour sa part, le détroit de Canso se trouve plus près des marchés européens. Son utilisation permettrait de stabiliser la circulation des pétroliers dans la baie de Fundy. Si les données probantes appuient le prolongement du pipeline jusqu'au détroit de Canso, on devrait explorer cette possibilité.

Bref, honorables sénateurs, je crois que les recommandations formulées dans notre rapport pourraient s'avérer fructueuses.

Pour conclure, je me permets de citer une observation du comité qu'on peut lire sur le site web du Sénat :

Établir un processus moins politique, plus solide et plus inclusif représente un premier pas essentiel dans l'expansion de l'infrastructure énergétique du Canada. Cela permettrait de maximiser les retombées économiques et de minimiser les risques pour l'environnement, tout en favorisant un consensus plus large auprès du public.

Je pense que vous pouvez tous en convenir

Je remercie tous les honorables sénateurs qui ont participé à l'étude du comité, ainsi que les employés qui ont travaillé à la rédaction de ce rapport. En terminant, on trouve dans le rapport une phrase d'Albert Einstein qui, à mon avis, vaut la peine d'être citée. La voici :

Le monde que nous avons créé est un produit de notre pensée. Il ne peut être modifié sans changer notre façon de penser.

(2000)

Je crois que notre rapport reflète le paysage changeant des projets énergétiques au Canada. Ce n'est qu'en changeant notre façon de percevoir l'industrie et en examinant de façon efficace les vastes répercussions des projets énergétiques que nous mettrons ceux-ci en branle pour acheminer le pétrole aux côtes pour l'exportation à l'étranger, où les pays ont soif du pétrole canadien.

L'honorable Daniel Lang : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Mercer : Oui.

Le sénateur Lang : Honorables sénateurs, je voudrais poser une question sur l'influence étrangère de l'argent investi au Canada dans divers organismes qui expriment une vive opposition aux oléoducs. J'aimerais y revenir un instant, si vous me le permettez.

Comme je viens du Nord et que je représente un territoire, je vois l'oléoduc de l'Alaska qui s'étend depuis presque 50 ans de la mer de Beaufort près du versant nord du Yukon jusqu'à l'une des zones de pêche les plus riches du monde, près du port de Valdez. À l'exception de l'incident Valdez qui s'est produit à la fin des années 1980 ou au début des années 1990, je crois qu'il y a eu peu de problèmes concernant les normes relatives aux oléoducs construits à cette époque. Ces normes sont aujourd'hui beaucoup plus rigoureuses.

Depuis, il y a un discours politique, auquel adhèrent de plus en plus de Canadiens, qui démonise les oléoducs et qui dit que nous ne devrions pas en construire au Canada. Selon moi, ce discours a facilité l'arrivée au Canada d'un financement étranger; nous parlons de millions de dollars investis pour que ces organismes puissent témoigner devant l'Office national de l'énergie et devant d'autres comités.

Avez-vous entendu des témoignages sur ce genre d'activité politique qui influencerait le discours politique canadien? Qu'en pensez-vous?

Le sénateur Mercer : Je remercie le sénateur de sa question. Aucune preuve concrète ne nous a été fournie quant aux entrées d'argent. Bien que nous ayons toujours entendu des ouï-dire, nous n'avons jamais eu de preuve directe.

La concurrence sait à quel point le produit canadien est bon. Elle sait aussi que nous possédons de grandes quantités de ce produit. Elle souhaite vraiment limiter nos affaires avec notre seul client. Nous vendons notre produit à ce client à un taux réduit, même si cela ne fait pas l'affaire des Canadiens. Je crois que nous voudrions le vendre à tout le monde au taux national, y compris à ce client. La seule façon de s'y prendre, c'est d'acheminer le produit vers les côtes Est et Ouest. Bien sûr, la côte Est m'intéresse particulièrement parce que c'est cette région que je représente, mais nous n'avons pas eu de témoignage direct à ce sujet.

Le sénateur Lang : Dans le même ordre d'idées, je sais que vous avez parlé de la côte Est, mais, évidemment, il y a aussi la côte Ouest. Des preuves ont-elles été présentées à votre comité concernant la nécessité de construire des pipelines sur la côte Ouest? Y a-t-il quoi que ce soit dans votre rapport qui parle de la côte Ouest?

Le sénateur Mercer : Oui, il y avait absolument des preuves pour la côte Ouest, et c'est évidemment une question que nous avons appuyée.

Cependant, ce soir je parle en tant que sénateur de la Nouvelle-Écosse. Je ne suis pas entré dans les détails quant à ce que les Néo-Écossais considèrent comme étant un risque pour la baie de Fundy. La construction du pipeline à Saint John présente un avantage pour le Nouveau-Brunswick. Ce sont le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse qui risquent de subir des répercussions négatives parce qu'elles sont de l'autre côté de la baie de Fundy. Ils ont plutôt bien réussi à gérer la situation dans la baie de Fundy, mais ils doivent se souvenir qu'elle abrite la baleine noire et d'autres espèces menacées. Certaines des baleines sont tellement grosses qu'elles n'arrivent pas à se déplacer assez vite pour laisser le champ libre aux pétroliers. Les pétroliers sont si gros qu'ils ne peuvent pas se tasser, eux non plus.

Il y a un certain nombre d'années, l'industrie a décidé de déplacer les routes maritimes un peu plus loin de l'endroit où se trouvaient les baleines, afin d'éviter cette situation. Où les a-t-elle déplacées? Plus près de la Nouvelle-Écosse. Par conséquent, en cas d'accident, le risque pour les côtes de la Nouvelle-Écosse se sont accrus. La province prend tous les risques, mais ne profite pas des mêmes avantages que le Nouveau-Brunswick. La solution proposée profiterait aux deux provinces. Le pipeline passerait par Saint John, y ravitaillerait la raffinerie Irving et continuerait ensuite dans le détroit de Canso. Nous pourrions approvisionner les pays du monde entier à la recherche de pétrole canadien de qualité.

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, je parlerai à titre de sénateur du Nouveau-Brunswick. Le sénateur pourrait-il confirmer si le problème des baleines noires dans la baie de Fundy et l'enjeu de l'industrie de la pêche constituent des cas anecdotiques, ou s'il tient ses renseignements d'un expert?

Le sénateur Mercer : Sénateur Day! Chaque mot qui sort de cette bouche est factuel et fondé sur de solides travaux de recherche. Je m'offusque que vous puissiez penser autrement.

La réponse est oui. En fait, lorsque nous étions à Saint John, nous avons eu la possibilité d'étudier les cartes montrant l'emplacement des anciennes routes maritimes et des nouvelles. Le résultat final est que, depuis les changements, le problème des collisions qui touche la population très fragile des baleines noires est chose du passé. C'est une bonne nouvelle.

Cependant, nous avons aussi constaté que les routes maritimes ont été éloignées du Nouveau-Brunswick et sont désormais plus près des côtes de la Nouvelle-Écosse. Par conséquent, en cas d'accident — pas nécessairement avec une baleine noire —, le pétrole atteindrait les côtes de la Nouvelle-Écosse plus rapidement que celles du Nouveau-Brunswick.

Il faut souligner qu'un tel déversement deviendrait un incident international majeur. Si cette catastrophe se produisait dans la baie de Fundy, elle frapperait durement les côtes tant de la Nouvelle-Écosse que du Nouveau-Brunswick. La baie de Fundy se vide presque parce qu'on y trouve les marées les plus fortes du monde, alors elle enverrait le pétrole le long de la côte états-unienne, et on empoisonnerait les ressources halieutique des États-Unis. Voilà pourquoi vous devez aller à Port Hawkesbury.

Le sénateur Day : Je remercie l'honorable sénateur de cette réponse anecdotique.

Sachez qu'il est très coûteux de présenter une demande à l'Office national de l'énergie et que c'est un processus à long terme. Une étude était en cours et elle a dû être reprise. Vous avez mentionné que l'office a lancé une seconde étude, mais pas entièrement.

Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Si un autre embranchement de cette ligne allait jusqu'au détroit de Canso, une autre étude complète serait-elle nécessaire? Avez-vous pensé à cet aspect de la question?

Le sénateur Mercer : Eh bien, de toute évidence, je ne peux pas vous donner la décision de l'Office national de l'énergie sauf pour souligner qu'il y a désormais un gazoduc qui arrive de la Nouvelle-Écosse, qui passe par le Nouveau-Brunswick et qui se rend dans l'État du Maine. C'est un gazoduc provenant des champs gaziers de l'île de Sable, qui sont sur le point de s'épuiser. Le gazoduc est là. Il a été approuvé. C'est logique parce qu'il traverse le Nouveau-Brunswick et qu'il passe par Saint John de toute façon. Donc, si on pouvait inverser le gazoduc ou l'améliorer pour qu'il transporte du bitume par le détroit de Canso, on obtiendrait cette ligne approuvée.

C'est une bonne affaire. Une bonne partie du travail est déjà fait. Il resterait du travail à faire dans la partie nord, dans une partie du comté de Guysborough et jusqu'au détroit de Canso, qui serait le point d'arrivée du bitume.

L'honorable Michael Duffy : Sénateur Mercer, vous avez soulevé la question des revenus dont on se prive dans votre éloquent discours. Certaines personnes disent que le gouvernement du Canada perd peut-être jusqu'à 5 milliards de dollars — 5 000 millions de dollars — par année parce que nous sommes assujettis au prix du brut du West Texas Intermediate pour la seule raison que les États-Unis sont notre seul client tant et aussi longtemps que notre pétrole reste enclavé. Le montant de 5 000 millions de dollars vous semble-t-il correct?

(2010)

Le sénateur Mercer : Eh bien, je ne suis pas un expert financier, mais nous avons entendu des chiffres renversants parce que c'est le prix du brut West Texas Intermediate qui nous sert de référence, plutôt que les cours mondiaux du pétrole.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Budget des dépenses de 2017-2018

Le Budget supplémentaire des dépenses (A)—Dépôt du dix-septième rapport du Comité des finances nationales

Consentement ayant été accordé de revenir à la présentation ou au dépôt de rapports de comités :

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dix-septième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, portant sur les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2018.

Honorables sénateurs, si vous me le permettez, je voudrais remercier toute l'équipe du Comité sénatorial permanent des finances nationales, les sénateurs, bien sûr, mais aussi l'équipe de soutien du comité. Je voudrais mentionner également mes prédécesseurs à la présidence du comité, le sénateur Day et le sénateur Smith. Enfin, j'aimerais reconnaître le travail de notre greffière, Mme Gaëtane Lemay, ainsi que celui des analystes, Sylvain Fleury et Olivier Leblanc-Laurendeau, qui, avec leur équipe, travaillent constamment pour s'assurer que les dossiers du Comité sénatorial permanent des finances nationales soient menés à bien.

(Sur la motion du sénateur Mockler, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

L'étude sur les questions relatives à l'Examen de la politique de défense entrepris par le gouvernement

Dixième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lang, appuyée par l'honorable sénateur Smith, tendant à l'adoption du dixième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Sous-financement des Forces armées canadiennes : passons de la parole aux actes, déposé auprès du greffier du Sénat le 13 avril 2017.

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du dixième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Je tiens d'abord à féliciter le comité de son travail. Il a mené une étude exhaustive et nous a présenté diverses recommandations à prendre en considération.

J'appuie la majorité des 16 recommandations que le gouvernement devra examiner dans ce rapport, intitulé Sous-financement des Forces armées canadiennes : passons de la parole aux actes ou, du moins, je ne m'y oppose pas.

Je souscris particulièrement à la première recommandation :

Que le gouvernement du Canada investisse les sommes requises dans la défense pour s'assurer que les Forces armées canadiennes reçoivent tous les outils et toute la formation nécessaires pour répondre efficacement aux priorités clés du Canada en matière de défense : la protection de la souveraineté canadienne, y compris dans l'Arctique, la défense de l'Amérique du Nord sous l'égide du NORAD, ainsi que la contribution pleine et entière à l'OTAN, aux Nations Unies et à d'autres opérations.

J'appuie sans réserve cette recommandation.

Par contre, je n'appuie pas la deuxième recommandation, qui se lit comme suit :

Que le gouvernement présente un plan budgétaire au Parlement dans les 180 jours en vue de porter les dépenses en défense à 1,5 p. 100 du PIB d'ici 2023, et à 2 p. 100 du PIB d'ici 2028.

Pendant les cinq années où j'étais ministre de la Défense nationale dans le Cabinet Chrétien, je n'ai jamais considéré que 2 p. 100 du PIB constituait une bonne mesure des capacités et des contributions requises pour atteindre des objectifs comme ceux énoncés dans la première recommandation du rapport. Pourquoi ne pas mesurer les dépenses par habitant, par exemple, ce qui place le Canada au neuvième rang parmi les 28 États membres, ou encore le pourcentage des dépenses du gouvernement fédéral, ce qui place alors le Canada au 6e rang? Dans les deux scénarios, le Canada surpasserait la moyenne de l'OTAN, en excluant les États-Unis, qui, avouons-le, sont vraiment à part et dont les dépenses en matière de défense représentent plus du double des dépenses combinées de tous les autres pays de l'OTAN à cet égard.

En ce qui concerne le ratio de 2 p. 100, nous avons déjà remonté dans le classement en raison du rajustement du calcul des dépenses en défense annoncé par le gouvernement la semaine dernière. Les dépenses du Canada en matière de défense atteignent maintenant 1,19 p. 100 du PIB pour 2016-2017. Ce nouveau ratio nous fait passer du 23e au 16e rang selon les données du plus récent rapport du secrétaire général de l'OTAN, sans que nous ayons dépensé un seul sou.

Honorables sénateurs, permettez-moi de replacer les choses dans leur contexte en citant un passage d'un rapport intitulé NATO Defence Spending : the Irrationality of 2 %. Ce document a été rédigé par Simon Lunn, qui a occupé le poste de secrétaire général de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN de 1997 à 2007, ainsi que par Nicholas Williams, un membre de longue date du personnel international de l'OTAN qui a récemment occupé le poste de chef des opérations pour l'Afghanistan et l'Irak. Ces auteurs écrivent ce qui suit :

Ces 2 p. 100 ne tiennent aucunement compte des aléas économiques. Ils sont vulnérables aux situations changeantes et aux pressions intérieures, à la fois sur le plan des besoins en matière de sécurité et de la base économique. Ils encouragent la comptabilité créative pour satisfaire les cibles. De plus, ils n'offrent aucune orientation quant aux capacités requises pour contrer les menaces et les difficultés auxquelles l'OTAN doit faire face.

Honorables sénateurs, 2 p. 100 du PIB, c'est une mesure des intrants. Ne devrions-nous pas mesurer les résultats? La mesure importante devrait être fondée sur nos capacités et nos contributions, comme le laissent entendre MM. Lunn et Williams dans leur rapport.

Cela dit, les capacités des effectifs des Forces armées canadiennes comptent parmi les meilleures au monde. Comme on l'a mentionné lorsque les résultats de l'examen de la politique de défense ont été présentés la semaine dernière, les militaires sont notre plus grand atout. Ils sont motivés, hautement compétents et dévoués envers les Forces canadiennes et leur rôle au sein de celles-ci. Nos alliés partout dans le monde le reconnaissent. Pensons à ce qu'a dit récemment le secrétaire général de la défense des États-Unis, James Mattis. La distinction avec laquelle les militaires canadiens servent en Afghanistan l'a amené à dire qu'il avait embrassé chacun d'eux à sa sortie de l'avion.

Bien que nous sachions que nos militaires serviront avec la plus haute compétence qui soit, il incombe au gouvernement de leur fournir le bon matériel pour accomplir le travail.

Au sommet de l'OTAN tenu en 2014 au pays de Galles, les membres ont convenu qu'ils devraient s'employer à consacrer au moins 20 p. 100 de leur budget de défense à l'acquisition de nouveau matériel.

(2020)

Dans le plus récent rapport de l'OTAN, le Canada s'est classé au 11e rang à ce chapitre, à 18 p. 100. Dans l'examen de la politique de défense, intitulé Protection, Sécurité, Engagement, qui a été publié la semaine dernière, le gouvernement s'est engagé à faire passer la proportion du budget de la défense consacrée à l'acquisition d'équipement à 19 p. 100 d'ici l'année prochaine, à 22 p. 100 d'ici 2021 et à 32 p. 100 d'ici 2024-2025. Cet engagement reflète un investissement réel dans les Forces armées canadiennes, qui n'est pas lié au PIB, mais se traduit par des dépenses militaires réelles.

Honorables sénateurs, je me rappelle que, à l'époque où j'étais ministre de la Défense, nous venions de commander approximativement 200 véhicules de patrouille blindés Coyote, qui étaient considérés à l'époque comme des véhicules de reconnaissance à la fine pointe de la technologie. Nous avions déployé certains d'entre eux dans les Balkans, dans le cadre de notre mission de soutien de la paix là-bas. À l'époque, le lieutenant-général William Leach, chef d'état-major de l'Armée de terre, a affirmé que les Coyote avaient démontré leur valeur et que nos alliés voulaient nous retenir sur les lieux afin de pouvoir continuer à profiter de leurs capacités, qui s'harmonisaient bien avec les leurs.

Cela m'amène à la question de l'interopérabilité. Ce sont des investissements comme ceux-ci qui nous permettent de collaborer avec nos alliés et de contribuer grandement aux missions multilatérales. Cette interopérabilité renforce encore plus nos capacités. Nous n'avons pas besoin de tout l'équipement dans le monde puisque nous travaillons avec nos alliés. Ce qui compte, c'est de maintenir notre interopérabilité avec eux.

Le Canada n'est pas un traînard en matière d'exercices militaires conjoints. La capacité des Forces armées canadiennes de collaborer avec ses alliés est pratiquement sans égale.

Par exemple, depuis 2014, le Canada a envoyé de l'équipement en Europe de l'Est et déployé des soldats là-bas pour qu'ils s'entraînent avec nos alliés de l'OTAN dans la région. Cette interopérabilité se reflète aussi dans notre mission en Lettonie pour l'OTAN, ce qui m'amène à mon deuxième point : nos contributions.

Le Canada a été chargé de mener l'un des quatre groupes destinés à contrer les visées belliqueuses de la Russie dans la région, le groupement tactique de la présence avancée renforcée de l'OTAN en Lettonie. Au total, 450 militaires canadiens seront postés là-bas et dirigeront les troupes de plusieurs autres pays.

Cette mission fait partie des très nombreux efforts que déploie le Canada pour maintenir le pays et aider ses alliés à résoudre les conflits qui font rage un peu partout sur la planète. La mission en Afghanistan est probablement l'exemple qui nous vient le premier à l'esprit. Plus importante mission de l'histoire de l'OTAN, c'était la première et la seule fois que l'article 5 a été invoqué. Je souligne d'ailleurs que c'est à la demande de nos alliés, les États-Unis d'Amérique, qu'il l'a été, après les attentats de 2001.

Lorsque le Canada a mis fin à sa mission en Afghanistan, en 2014, il y avait envoyé plus de 40 000 hommes et femmes, dont 158 y ont laissé leur vie. Pendant cinq de ces années, les Forces canadiennes étaient surtout présentes dans la région de Kandahar, qui était considérée comme l'une des plus dangereuses du pays.

Avant l'Afghanistan, au début des années 1990, les Forces canadiennes ont envoyé un important contingent de soldats dans les Balkans pour participer à la Force de mise en œuvre et à la Force de stabilisation en Bosnie-Herzégovine, sous le commandement de l'OTAN. Pour tout dire, les Forces canadiennes étaient sur place avant le déploiement de la mission de l'OTAN, puisqu'elles ont aussi participé à la Force de protection de l'ONU de 1992 à 1995. Notre contribution à ce conflit — qui, toutes proportions gardées, dépassait largement notre taille — a prouvé à tous que nous étions prêts à employer tous les moyens à notre disposition pour nous acquitter de notre responsabilité et protéger les personnes innocentes qui vivent dans les régions où sévissent un conflit.

C'est à l'aune de ces contributions aux grands conflits de notre époque — et à bien d'autres choses encore — que nous devrions déterminer si nos dépenses militaires sont adéquates, et non au moyen d'un indicateur financier aussi fallacieux que la proportion du PIB.

Le produit intérieur brut, honorables sénateurs, peut augmenter ou diminuer et il peut demeurer stable. Si le Canada connaît une croissance économique vigoureuse pendant la prochaine décennie, il en coûtera toujours plus cher pour respecter cette cible, puisque le PIB augmentera lui aussi. Si, au contraire, nous avons le malheur de tomber en récession, alors nous pourrons dire au monde que nous consacrons un pourcentage supérieur de notre PIB aux dépenses militaires sans qu'il nous en coûte un sou de plus. En quoi cela devrait-il être révélateur de nos capacités militaires et de notre contribution à l'ordre mondial?

Selon le tableau à la page 20 du rapport du comité, les dépenses militaires du Canada étaient d'environ 1,65 milliard de dollars en 1960, ce qui équivalait à 4,2 p. 100 du PIB. Si l'on tient compte de l'inflation, cette somme de 1,65 milliard de dollars équivaut à 13,89 milliards aujourd'hui. Or, les dépenses de 2016-2017 étaient encore plus élevées que cela; elles ont atteint 18,64 milliards de dollars. Toutefois, en pourcentage du PIB, les dépenses sont passées de 4,2 p. 100 à environ 1 p. 100. Autrement dit, nous dépensons davantage aujourd'hui, en dollars constants, que ce n'était le cas à l'époque où nous atteignions ou dépassions l'objectif de 2 p. 100, mais l'économie canadienne a connu une croissance beaucoup plus rapide que celle des dépenses militaires, au cours de la même période.

Pour que le Canada atteigne l'objectif de 2 p. 100 du PIB, il faudrait que ses dépenses militaires soient plus que deux fois supérieures à celles d'aujourd'hui. Il faudrait alors augmenter substantiellement le fardeau fiscal ou réduire considérablement les sommes consacrées aux autres programmes et services gouvernementaux, y compris le financement des mesures d'aide sociale. Honorables sénateurs, je suis d'avis que ce ne serait ni réaliste ni acceptable.

Les gouvernements du Canada, qu'ils aient été libéraux ou conservateurs, n'ont généralement pas retenu la proposition d'atteindre 2 p. 100 du PIB. Ce n'est même pas une exigence de l'OTAN de toute façon. En fait, dans la déclaration signée par tous les membres à l'occasion du sommet de l'OTAN en 2014, l'objectif de 2 p. 100 n'est jamais qualifié d'obligatoire. On dit plutôt que les pays doivent envisager de l'atteindre.

Au cours de ce sommet, un haut placé du gouvernement du Canada a dit ceci, et c'était le Parti conservateur qui était au pouvoir à l'époque, soit dit en passant :

Nous sommes prêts à envisager une augmentation des dépenses militaire lorsque c'est justifiable pour répondre à des besoins particuliers. Mais l'idée de fixer un objectif n'a aucun sens.

À propos de l'objectif de 2 p. 100, un porte-parole du premier ministre Harper a dit ceci :

[...] c'est un objectif ambitieux qui sera présenté comme tel dans la déclaration à l'issue du sommet.

Plus récemment, David Perry, un analyste de défense de l'Institut canadien des affaires mondiales, a dit reconnaître la valeur de l'argument du gouvernement selon lequel les dépenses ne constituent pas à elles seules une bonne mesure de la contribution d'un pays à l'OTAN.

J'appuie toutes les contributions que nous avons apportées.

Prenons par exemple la Grèce, un pays merveilleux avec un peuple extraordinaire, mais aux prises avec des problèmes économiques majeurs. Pourtant, la Grèce fait partie des cinq pays de l'OTAN — qui compte 28 États membres — à respecter la cible de 2 p. 100. En fait, les dépenses de la Grèce en matière de défense représentent 2,36 p. 100 de son PIB. Je peux affirmer cependant que cela s'explique davantage par l'économie stagnante de la Grèce que par ses capacités militaires. L'économie grecque correspond à un huitième de l'économie canadienne.

Un autre problème avec la cible de 2 p. 100 est lié à ce qui est compris dans le calcul de celle-ci. La France, par exemple, inclut les pensions des militaires, qui représentent 24 p. 100 de son allocation. Par le passé, le Canada n'a pas pris en compte certaines dépenses incluses parmi celles rapportées par les alliés de l'OTAN.

À une récente réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes, M. Christopher Sands, de l'Université Johns Hopkins, a abordé le sujet de la cible de 2 p. 100. Je le cite :

Nos alliés européens ont tendance à inclure toutes sortes de choses pour arriver à obtenir des chiffres se rapprochant du 2 p. 100 — par exemple les prestations aux anciens combattants ou les contributions à la diplomatie...

Le problème, c'est que le Canada est trop honnête!

Honorables sénateurs, nous devrions au moins comparer des pommes avec des pommes, et non avec des oranges. Pour faire de telles comparaisons, l'OTAN doit faire en sorte que tous les pays fassent rapport sur le même ensemble de dépenses avant de publier les données.

Dans sa politique de défense, publiée la semaine dernière, le gouvernement a adopté une formule plus conforme à celle d'autres membres de l'OTAN en tenant compte des dépenses habituellement prises en compte par nos alliés, y compris les pensions militaires. Ainsi, le pourcentage du PIB indiqué pour 2016-2017 a augmenté, passant de 0,9 à 1,19 p. 100, sans que l'on dépense un dollar de plus. C'est encore inférieur au seuil de 2 p. 100, mais cela nous a fait passer instantanément du 23e rang au 16e rang parmi les pays de l'OTAN.

Nos capacités militaires ont-elles changé avec ce nouveau calcul? Notre contribution à l'OTAN a-t-elle augmenté soudainement? Bien sûr que non. C'est pourquoi le seuil de référence de 2 p. 100 est inadéquat, et il demeurera irréaliste s'il nous oblige à doubler nos dépenses en matière de défense.

Il est encore plus important de savoir ce que nous obtenons pour notre argent. Nos capacités et nos contributions sont parmi les meilleures, comme nous l'avons montré à plusieurs reprises, notamment grâce aux soldats motivés, hautement qualifiés et très dévoués qui servent dans les Forces armées canadiennes. Il est vrai que nous pourrions et devrions dépenser davantage pour atteindre les objectifs de la recommandation no 1, mais pas à hauteur de 2 p. 100 du PIB, comme le suggère la recommandation no 2. Il est temps de mesurer les extrants et les résultats, plutôt que de calculer un pourcentage.

(2030)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Eggleton, votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Eggleton : Pourrais-je avoir une minute de plus pour lire l'amendement que je propose?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix : D'accord.

Motion d'amendement

L'honorable Art Eggleton : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que le dixième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense ne soit pas maintenant adopté, mais qu'il soit modifié par suppression de la deuxième recommandation.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(Sur la motion du sénateur Lang, le débat est ajourné.)

Onzième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense et demande de réponse du gouvernement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lang, appuyée par l'honorable sénatrice Martin,

Que l'onzième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Réinvestir dans les Forces armées canadiennes : Un plan pour l'avenir, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 8 mai 2017, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Défense nationale étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, il s'agit du rapport qui fait suite à celui dont je viens de parler. Je serai bref sur celui-ci.

Intitulé Réinvestir dans les Forces armées canadiennes : Un plan pour l'avenir, le document contient des éléments valables.

Je note en particulier que, à la page 2, il est question de soutenir les familles militaires. J'y crois vraiment et j'y ai d'ailleurs accordé une grande priorité lorsque j'étais ministre de la Défense. On peut à ce sujet lire ce qui suit :

Tous les organismes qui s'intéressent aux Forces armées canadiennes s'entendent pour dire que le soutien aux familles militaires doit faire partie intégrante des efforts au niveau du ministère de la Défense nationale, ainsi qu'à travers la totalité du gouvernement. En effet, les familles occupent une place centrale dans les Forces armées canadiennes; il faut les respecter, les écouter et les soutenir.

Je n'en dirai pas plus, mais je pense que l'observation est très valable. La sénatrice Jaffer a d'ailleurs appuyé cette recommandation.

Le document comprend aussi des recommandations qui ne sont tout simplement pas logiques. En fait, elles sont liées à la proposition des 2 p. 100, ce qui laisse entendre que la seule façon de pouvoir se permettre certains achats, c'est de doubler le budget. Dans la recommandation 5, par exemple, on parle de donner la priorité au remplacement de 55 des 95 hélicoptères Griffon par un hélicoptère de transport moyen à lourd et d'ajouter 24 hélicoptères d'attaque. Nous n'avons pas besoin de toutes les pièces d'équipement, de toutes les plateformes et autres engins que possède une puissance militaire comme les États-Unis. En passant, les États-Unis affirment que les alliés de l'OTAN investissent davantage en Europe. Les États-Unis investissent beaucoup dans la défense, mais ils ne sont pas simplement en Europe. Ils sont au Moyen-Orient, en Corée, dans la mer de Chine méridionale — partout en fait — et, puisqu'on parle de l'OTAN, ils ont toujours voulu en être le leader. Ils l'ont été d'ailleurs. Depuis le début, ils dirigent les opérations militaires de l'OTAN. Ils voulaient avoir ce genre de contrôle.

Cependant, nous n'avons pas besoin de toutes les pièces d'équipement dont ils ont besoin. Nous avons besoin de favoriser l'interopérabilité et il nous faut certaines pièces d'équipement. J'ai parlé plus tôt des véhicules Coyote. Dans ce cas-là, on a reçu de l'équipement, qui était ultramoderne à cette époque-là, que d'autres n'avaient pas.

Ils affirment également qu'ils vont s'occuper en priorité d'une part des ravitailleurs en vol, et d'autre part, de l'élargissement de la flotte d'avions de chasse à 120 avions et de la flotte de sous-marins grâce à l'achat de 12 nouveaux sous-marins. Je peux vous dire que la gestion des sous-marins est très difficile et que cela coûterait une fortune de construire 12 nouveaux sous-marins. Ils mentionnent les 18 navires de combat de surface. Ils parlent en long et en large de leurs priorités.

Certaines des mesures proposées seront nécessaires. En effet, il faudra mettre à niveau et remplacer certaines pièces d'équipement, mais le budget ne prévoit pas assez d'argent pour cela. La seule façon d'y arriver serait d'y consacrer 2 p. 100 du PIB, mais cela n'arrivera pas.

Le gouvernement a présenté un plan d'action et je pense que nous devons l'étudier en même temps que le rapport.

Motion d'amendement

L'honorable Art Eggleton : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que le onzième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense ne soit pas maintenant adopté, mais qu'il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense pour examen, particulièrement à la lumière du document intitulé La politique de défense du Canada : Protection, Sécurité, Engagement, déposé au Sénat le 7 juin 2017.

Il s'agit du rapport déposé par le gouvernement la semaine dernière. Je pense que le comité doit maintenant se pencher sur les suggestions du rapport, puis faire d'autres observations sur celui-ci. Je propose cet amendement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(Sur la motion de la sénatrice Boniface, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à autoriser une modification à la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété) par proclamation de Son Excellence le gouverneur général—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Patterson, appuyée par l'honorable sénateur Runciman,

Attendu :

que le Sénat défend les intérêts de groupes souvent sous-représentés au Parlement, tels les Autochtones, les minorités visibles et les femmes;

que le point 3 de l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit qu'une personne doit, pour être nommée au Sénat et y conserver son siège, posséder des terres d'une valeur nette minimale de quatre mille dollars situées dans la province pour laquelle elle est nommée;

qu'il se peut que des circonstances personnelles ou le marché immobilier d'une région donnée empêchent une personne de posséder la propriété requise;

que chacun devrait être admissible à une nomination au Sénat, indépendamment de la valeur nette de ses biens immobiliers;

que la qualification en matière de propriété immobilière n'est pas conforme aux valeurs démocratiques de la société canadienne moderne et qu'elle ne constitue plus une garantie adéquate ou valable de l'aptitude d'une personne à siéger au Sénat;

que chacun des vingt-quatre sénateurs du Québec est nommé pour un collège électoral donné et doit remplir la qualification en matière de propriété immobilière dans ce collège électoral ou y résider;

que les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement ne peuvent être modifiées que par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée;

que la Cour suprême du Canada a déclaré que l'abrogation complète du point 3 de l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant la qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière requiert une résolution de l'Assemblée nationale du Québec conformément à l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982,

Le Sénat a résolu d'autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l'annexe ci-jointe.

ANNEXE

MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA

1. (1) Le point 3 de l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 est abrogé.

(2) L'article 23 de la même loi est modifié par remplacement du point-virgule à la fin du point 5 par un point et par abrogation du point 6.

2. La Déclaration des qualifications exigées figurant à la cinquième annexe de la même loi est remplacée par ce qui suit :

Je, A.B., déclare et atteste que j'ai les qualifications exigées par la loi pour être nommé membre du Sénat du Canada.

3. Titre de la présente modification : « Modification constitutionnelle de (année de proclamation) (qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière) »

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, encore une fois, comme le temps file, je voudrais vous rappeler que la motion a été présentée par le sénateur Patterson et qu'elle est connexe à la modification constitutionnelle proposée dans le projet de loi S-221. J'ai parlé du projet de loi plus tôt, mais je dois poursuivre mes recherches sur la motion connexe. J'aimerais ajourner le débat pour le reste du temps de parole dont je dispose.

(Sur la motion du sénateur Ringuette, le débat est ajourné.)

Motion tendant à exhorter le gouvernement à prendre les mesures qui s'imposent pour désamorcer les tensions et rétablir la paix et la stabilité dans la mer de Chine méridionale—Rejet de la motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ngo, appuyée par l'honorable sénateur Cowan,

Que le Sénat observe avec inquiétude le comportement de plus en plus hostile de la République populaire de Chine dans la mer de Chine méridionale et exhorte par conséquent le gouvernement du Canada à encourager toutes les parties en cause, et en particulier la République populaire de Chine, à :

a) reconnaître et maintenir la liberté de navigation et de survol garantie par le droit international coutumier et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer;

b) cesser toutes les activités qui pourraient compliquer ou aggraver les différends, notamment la construction d'îles artificielles, l'extension du territoire terrestre en mer et l'accroissement de la militarisation de la région;

c) respecter tous les efforts multilatéraux antérieurs visant à régler les différends et s'engager à mettre en œuvre un code de conduite contraignant dans la mer de Chine méridionale;

d) s'engager à trouver une solution pacifique et diplomatique aux différends qui est conforme aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et respecter les ententes de règlement conclues par la voie de l'arbitrage international;

e) renforcer les efforts visant à réduire considérablement les impacts environnementaux des différends sur le fragile écosystème de la mer de Chine méridionale;

Que, de plus, le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à appuyer ses partenaires et ses alliés régionaux et à prendre les mesures additionnelles qui s'imposent pour désamorcer les tensions et rétablir la paix et la stabilité dans la région;

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

Et sur la motion de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénatrice Lankin, C.P.,

Que l'affaire en discussion soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Le vote sur l'amendement!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

La sénatrice Martin : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénatrice Ringuette, avec l'appui de l'honorable sénatrice Lankin, propose que la question dont nous débattons soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : non

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

(2040)

Vous ne voulez pas renvoyer la motion au comité?

La sénatrice Ringuette : La mer de Chine méridionale, oui. La motion a été mise aux voix.

La sénatrice Martin : Êtes-vous d'accord? Vous avez dit « oui ». Nous dirons « non ».

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateurs, la réponse n'est pas claire. Souhaitez-vous adopter la motion? Êtes-vous d'accord avec la sénatrice Ringuette?

La sénatrice Martin : Non.

Le sénateur Plett : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous n'appuyez pas la motion. Souhaitez-vous que le débat soit ajourné?

La sénatrice Martin : Non. Je propose que la motion fasse l'objet d'un vote oral.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je recommence.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : Non.

Le sénateur Plett : La motion d'amendement est rejetée.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous allons reprendre le débat sur la motion principale.

Le sénateur Plett : Non. Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Le sénateur Day : Je propose l'ajournement du débat, Votre Honneur.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2017

Motion tendant à donner instruction au Comité des finances nationales de diviser le projet de loi en deux—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Pratte, appuyée par l'honorable sénatrice Gagné,

Que ce soit une instruction au Comité sénatorial permanent des finances nationales de diviser le projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures, en deux projets de loi, afin qu'il puisse traiter séparément des dispositions concernant la Banque de l'infrastructure du Canada contenues à la section 18 de la partie 4 dans un projet de loi et des autres dispositions du projet de loi C-44 dans l'autre projet de loi.

L'honorable André Pratte : Par respect pour le Président et le Sénat, j'ai voté pour maintenir la décision de la présidence. La motion a survécu, alors par respect pour moi et mes convictions, je prends maintenant la parole pour appuyer ma propre motion.

Je suppose que cette décision me vaudra des applaudissements de la part des gens qui m'ont hué et des huées de la part des gens qui m'ont applaudi. Tant pis.

Le sénateur Neufeld : Eh bien, vous allez devoir vous y faire.

Le sénateur Pratte : C'est déjà le cas.

La motion à l'étude vise à donner instruction au Comité des finances nationales de retirer les dispositions du projet de loi C-44 contenues à la section 18 de la partie 4, « Loi sur le Banque de l'infrastructure du Canada », et d'en faire un projet de loi distinct. Il en résulterait deux projets de loi. L'un comprendrait les 12 pages qui visent à créer la Banque de l'infrastructure du Canada, tandis que l'autre renfermerait le reste du projet de loi C-44, qui porte exécution du budget de 2017, soit 278 des 290 pages du projet de loi C-44.

Pourquoi devrions-nous scinder le projet de loi d'exécution du budget? Parce que, à mon humble avis, nous avons besoin de plus de temps pour étudier les dispositions qui donneront naissance à la Banque de l'infrastructure du Canada.

Je suis d'accord avec le gouvernement pour dire que la Banque de l'infrastructure s'inscrit dans le cadre de sa politique budgétaire. Là n'est pas la question. La Banque de l'infrastructure est une institution tout simplement trop importante sur les plans financier, économique, stratégique et politique pour que les dispositions législatives visant à l'établir soient enfouies dans un projet de loi omnibus. Les éditorialistes du Globe and Mail, du National Post et du Toronto Star en sont tous arrivés aux mêmes conclusions.

Qui plus est, à ma connaissance, presque toutes les sociétés d'État de nature financière ou commerciale ont été créées au moyen d'un projet de loi distinct. Ce fut le cas pour l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, Exportation et développement Canada, la Corporation commerciale canadienne, la Société canadienne d'hypothèques et de logement et la Banque de développement du Canada.

[Français]

La Banque de l'infrastructure sera une institution d'au moins 35 milliards de dollars — c'est un minimum qui peut augmenter —, et c'est indiqué dans la loi. Par ses décisions, elle aura un impact considérable sur la façon dont les infrastructures stratégiques seront financées et classées en ordre de priorité au Canada. Selon ses promoteurs — et ils sont nombreux —, elle permettra de mobiliser d'imposants capitaux privés et ainsi de réaliser des projets qui, autrement, ne verraient jamais le jour.

J'ai tendance à les croire. Les gens qui l'affirment, comme Michael Sabia, président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, ont fait leurs preuves. C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis favorable à la Banque de l'infrastructure du Canada. Cependant, notre admiration pour ces personnes ne nous dispense pas d'examiner soigneusement le projet de loi qui donne naissance à la banque.

Grâce à la bonne volonté du gouvernement et aux efforts de notre collègue, le sénateur Woo, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a pu tenir cinq séances portant en tout ou en partie sur la Banque de l'infrastructure du Canada. De plus, une séance d'information technique a été organisée pour le Sénat le 1er juin dernier. Ces rencontres ont été instructives pour les sénateurs qui ont pu y participer, mais elles ont aussi soulevé de nombreuses questions et inquiétudes.

La population canadienne elle-même commence à peine à être sensibilisée à ce qui est en jeu. Or, n'est-ce pas l'une des raisons d'être du débat parlementaire que de faire en sorte d'informer les Canadiens des tenants et aboutissants des projets de loi? Cela exige quand même un certain temps; deux ou trois semaines pour étudier un enjeu aussi important que le choix, la propriété et le financement des grandes infrastructures du pays, c'est nettement insuffisant.

Par exemple, combien de Canadiens savent que, avec la Banque de l'infrastructure, ils ne paieront plus les infrastructures stratégiques au moyen de leurs taxes, mais par des tarifs et des péages? Sont-ils d'accord? Certains voudraient-ils s'exprimer à ce sujet? Je constate que, plus nous parlons de cette question, depuis quelques semaines, plus nombreux sont les Canadiens qui s'y intéressent et qui veulent en savoir davantage à ce sujet.

[Traduction]

Une des questions en suspens concernant la Banque de l'infrastructure du Canada a trait à son financement. Le projet de loi C-44 parle d'une somme d'au moins 35 milliards de dollars tirée du Trésor. Toutefois, le gouvernement dit que l'incidence sur les finances fédérales ne dépassera pas 15 milliards de dollars. Les 20 milliards restants — capital, prêts ou garanties d'emprunt —, ne seront pas considérés comme des dépenses fédérales puisqu'ils seront garantis par des actifs. Quelle somme provenant des fonds publics sera exposée à des risques : 15 milliards ou 35 milliards de dollars?

Les ministres Morneau et Sohi ont multiplié les déclarations rassurantes à ce sujet. Toutefois, comme la sénatrice Marshall l'a expliqué cette semaine pendant son discours, les 20 milliards de dollars sont aussi exposés à des risques, contrairement à ce que prétend le gouvernement. Voici ce qu'a dit l'ancien vérificateur général de Terre-Neuve à ce sujet :

Les 20 milliards de dollars n'auront aucune incidence sur les résultats financiers du gouvernement, du moins pas pour le moment, au départ. Cette somme aura toutefois une incidence sur les résultats financiers du gouvernement si elle est radiée ou amortie.

D'après une note d'information adressée au ministre des Finances en octobre 2016, dont La Presse Canadienne a obtenu copie récemment, les risques associés à certains projets pourraient être plus importants que le gouvernement ne l'a déclaré publiquement.

Des observateurs aguerris se questionnent. Voici ce qu'a écrit l'un des journalistes de la section Report on Business, Barrie McKenna, il y a quelques jours :

On ne sait pas vraiment qui, de la banque ou des investisseurs, devra assumer des pertes si les revenus sont inférieurs aux projections.

Pour sa part, l'ancien directeur parlementaire du budget, Kevin Page, a écrit récemment ce qui suit :

[...] les Canadiens devront assumer plus de risques à l'égard des revenus que leurs partenaires-investisseurs du secteur privé, et ils devront également payer davantage pour utiliser l'infrastructure financée par l'intermédiaire de la Banque de l'infrastructure du Canada.

Devant de tels commentaires, le gouvernement répond généralement que le risque associé à la banque sera certainement inférieur au risque actuel puisque, quand on emploie les méthodes de financement traditionnelles pour financer les infrastructures, le risque est de 100 p. 100.

Cette réponse ne me satisfait pas. Faut-il comprendre que, comme le risque associé à la méthode traditionnelle est supposément de 100 p. 100, tout pourcentage moins élevé — par exemple 90 p. 100 ou 80 p. 100 — serait automatiquement considéré acceptable pour la Banque de l'infrastructure? En tant que législateurs, nous devons connaître les risques que courent les fonds publics avant de donner notre approbation.

Beaucoup ont exprimé des réserves au sujet du modèle de gouvernance choisi par le gouvernement, y compris des groupes et des personnes qui sont en faveur de la Banque de l'infrastructure. Le président du conseil, les administrateurs du conseil et le premier dirigeant de la banque sont tous nommés « à titre amovible », ce qui veut dire qu'ils peuvent être congédiés n'importe quand, sans motif, ce qui fait craindre à certains qu'ils ne seront pas suffisamment à l'abri des influences politiques. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose? N'y aurait-il pas meilleure façon de faire?

(2050)

Nous avons entendu bien des opinions sur le sujet, notamment la sage opinion du sénateur Massicotte, qu'il a exprimée au Sénat mardi dernier.

Cependant, les solutions de rechange au modèle proposé par le gouvernement n'ont pas fait l'objet d'une réflexion et d'un examen minutieux. Dans une lettre à l'attention du sénateur Woo, cette semaine, le ministre a clarifié la façon dont le système fonctionnera. De plus, aujourd'hui, le ministre a comparu devant le Comité des finances nationales. Il a expliqué pendant une heure et demie exactement comment le système fonctionnera, et je dois dire que les choses commencent à être plus claires.

J'ai demandé au ministre s'il inclurait une partie de cela dans le projet de loi pour nous assurer qu'il ne s'agit pas simplement de l'intention du gouvernement, mais que c'est inscrit dans la loi afin que les choses ne changent pas s'il y a un changement de gouvernement. Malheureusement, il a répondu poliment que non. Néanmoins, les choses se précisent puisque nous avons plus de temps pour étudier la question.

Beaucoup de gros projets d'infrastructure se heurtent à des difficultés, comme des dépassements de coûts, des conflits d'intérêts ou encore pire. Ces problèmes sont souvent mis en lumière par les recherches des dénonciateurs ou des journalistes, mais il est difficile de faire des recherches sans avoir accès à l'information concernant ces projets.

L'article 28 de la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada proposée exempte de la Loi sur l'accès à l'information tous les renseignements recueillis par la banque au sujet de ses partenaires privés. Il se peut que les partenaires privés de la banque s'en servent pour bloquer toute demande d'accès à l'information qui concerne les projets dans lesquels ils sont impliqués.

Lorsque j'ai posé des questions aux fonctionnaires à ce sujet, ils ont dit que c'est le prix à payer pour attirer des investisseurs privés. Encore une fois, je ne trouve pas cette réponse satisfaisante, et j'aimerais examiner cette question plus en profondeur pour voir si nous pourrons renforcer le projet de loi à cet égard.

[Français]

Le dernier témoin qu'a entendu le Comité des banques et du commerce, le professeur de droit constitutionnel Patrick Taillon, de l'Université Laval, est venu expliquer une subtilité du projet de loi C-44 que personne n'avait vue jusque-là, et peut-être même pas ses auteurs. En vertu du paragraphe 5(4) de la future loi sur la Banque de l'infrastructure, celle-ci n'est pas mandataire de Sa Majesté, sauf en quelques circonstances, notamment lorsqu'elle :

d) mène toute activité utile à la réalisation de sa mission que le gouverneur en conseil peut préciser par décret.

Cela signifie que, en adoptant un simple décret, le gouvernement fédéral pourrait décider que dans tel projet d'infrastructure, la banque est mandataire de la Couronne, ce qui aurait pour effet, notamment, de lui accorder tous les privilèges et immunités de la Couronne. Cela veut dire, par exemple, selon le professeur Taillon, et je cite :

[Qu'elle] pourra ainsi se soustraire à l'application de lois provinciales et de règlements municipaux, ce qui peut avoir des conséquences importantes en termes de processus d'évaluation environnementale [...]

Interrogé à ce sujet, le ministre des Finances, Bill Morneau, a affirmé ce qui suit :

Toutes les lois provinciales et territoriales pertinentes s'appliqueront à tous les projets dans lesquels la banque investira.

Les fonctionnaires du ministère de la Justice ont répété la même chose, mais ont rejeté tout éventuel amendement qui rendrait la chose absolument claire.

Je ne sais pas si le professeur Taillon a raison ou non. Je sais cependant que le gouvernement du Québec a pris les choses suffisamment au sérieux pour demander que le projet de loi soit amendé.

Je sais aussi que les recherches de mon équipe indiquent qu'un article de cette nature, qui donne une telle marge de manœuvre au gouvernement pour décréter, à sa guise, qu'une société d'État est agente de la Couronne, n'existe dans aucune autre loi fédérale.

Il me semble que, compte tenu du rôle fondamental que joue le Sénat dans la protection des intérêts des régions du pays, nous avons le devoir d'approfondir cette question avant d'adopter cette partie du projet de loi C-44.

[Traduction]

Comme je l'ai dit, même des gens d'organisations en faveur de la Banque de l'infrastructure s'interrogent sur son modèle de gouvernance, son mandat et son fonctionnement.

M. Ryan Greer, de la Chambre de commerce du Canada, a dit ceci :

[...] la loi [...] est une toile vierge.

Comme d'autres, il est enclin à donner une chance à la Banque de l'infrastructure, afin de la voir en action, avant de se prononcer. Cependant, en tant que sénateurs, n'avons-nous pas le devoir de nous demander si le cadre entourant la toile vierge de la banque est suffisamment solide? Les intervenants sont peut-être prêts à donner une chance à la Banque de l'infrastructure, mais devrions-nous, en tant que sénateurs, nous contenter de courir la chance que sa loi fondamentale soit correcte?

Il y a deux semaines, le ministre des Finances a fait cette déclaration devant le Comité des finances nationales :

Nous savons que nous devons prendre les mesures qui s'imposent pour y arriver [...]

Nous sommes ouverts à vos points de vue. En fait, ils nous aideront à prendre des décisions importantes [...]

Si le ministre est véritablement ouvert à nos points de vue sur la Banque de l'infrastructure, ne devrait-il pas nous donner le temps afin que nous puissions bien étudier cette partie du projet de loi? Le ministre devrait être particulièrement ouvert à cette possibilité étant donné qu'il ne sert à rien d'examiner à toute vitesse cette partie du projet de loi C-44. Comme il l'a dit au Comité des banques, « par définition, l'infrastructure, c'est du long terme. On parle de projets s'étirant sur 20, 30, 40 et 50 ans. »

Quelques semaines de plus pour étudier le projet de loi ne vont pas faire le succès ou causer la perte de ces projets. De toute façon, on ne connaît aucun des projets dans lesquels la banque va éventuellement investir, sauf un, soit le projet de train léger à Montréal. Ce projet est déjà retardé de quelques mois parce que l'Assemblée nationale du Québec veut examiner la loi qui lui donnera le feu vert.

Chers collègues, à mon avis, la division du projet de loi C-44 n'est pas une manœuvre politique. Ce n'est pas une attaque contre le gouvernement ou une façon de saboter la Banque de l'infrastructure. Ce n'est qu'un moyen de nous donner le temps de bien comprendre toutes les répercussions de la mise en place de cette nouvelle institution et de les faire comprendre aussi aux Canadiens. Le fait de diviser le projet de loi nous donne aussi le temps de l'amender, au besoin, particulièrement en ce qui a trait à la gouvernance, aux limites de compétences et à l'accès à l'information.

Honorables sénateurs, le fait de prendre plus de temps pour examiner la partie du projet de loi C-44 qui met sur pied la Banque de l'infrastructure du Canada est le meilleur moyen de s'assurer que l'institution reposera sur des assises solides en matière de finances, de gouvernance et de démocratie. C'est la meilleure façon de veiller à ce que le Sénat et le gouvernement atteignent l'objectif qu'ils partagent, soit de bien faire les choses.

L'honorable Art Eggleton : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur?

Le sénateur Pratte : Bien sûr.

Le sénateur Eggleton : Dans votre intervention, vous avez mentionné que, selon vous, il faudrait encore deux ou trois semaines pour étudier le projet de loi aussi minutieusement que vous avez proposé qu'on le fasse et qu'il serait préférable de mener cette étude, selon vos dires, à l'aide d'un projet de loi divisé. Que l'examen soit mené sur un projet de loi divisé ou sur le projet de loi actuel, parlez-moi des deux ou trois semaines nécessaires.

Quand commence-t-on à calculer ces deux ou trois semaines et quand finissent-elles? Je ne crois pas que le public trouverait cela très drôle si nous acceptions votre proposition de projet de loi divisé et que nous ajournions pendant trois mois pour les vacances.

Donc, croyez-vous que cette étude sera menée maintenant, c'est-à-dire jusqu'en juillet, et savez-vous si le comité reviendra et tiendra des audiences au cours de cette période?

Le sénateur Pratte : À vrai dire, ce n'est pas moi qui suis responsable du calendrier parlementaire. Cela m'est égal que nous siégions pendant l'été ou à l'automne. J'estime, pour ma part, que ce n'est pas un mois ou deux qui feront la différence. Les projets d'infrastructure ne seront pas réalisés en un an ou en un mois. Même si nous suivons le calendrier habituel et que nous entamons l'étude du projet de loi à l'automne, nous aurons terminé en quelques semaines.

Au cours des trois ou quatre dernières semaines, depuis que nous avons commencé à discuter sérieusement de la Banque de l'infrastructure, je constate que nous avons réalisé de grands progrès. Nous avons une bien meilleure idée de la façon dont la banque fonctionnera. Nous avons aussi une bonne idée des changements à apporter au texte législatif, et je crois que, si nous étudions attentivement le dossier pendant trois ou quatre semaines, nous serons en mesure de régler la question rapidement, et ce, même si nous entamons le débat à l'automne seulement.

[Français]

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Pratte, mais votre temps de parole est écoulé. Or, je crois que la sénatrice Moncion voudrait vous poser une question.

Désirez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Pratte : Oui.

L'honorable Lucie Moncion : Vous avez participé à plusieurs rencontres avec le ministre Morneau, et vous avez énuméré, dans votre document, les questions auxquelles nous n'avions pas reçu de réponse.

Si vous aviez une liste des questions qui permettraient de compléter cette étude, croyez-vous que, au cours des prochaines semaines, nous pourrions en recevoir les réponses?

Lors de la séance du Comité des finances, cet après-midi, le ministre Morneau nous a bien indiqué qu'il pouvait rester avec nous aussi longtemps que le besoin s'en faisait sentir afin qu'il puisse répondre à l'ensemble de nos questions. Je crois qu'il y a plusieurs semaines qu'on le questionne au sujet de la Banque de l'infrastructure, et, comme vous le dites, il a tout de même clarifié plusieurs points.

Ce qu'il serait important de savoir, c'est quelles sont les questions qui sont restées sans réponse. Si nous pouvions dresser cette liste, cela pourrait faire avancer le dossier un peu plus rapidement, au lieu de le reporter à l'automne, et nous pourrions peut-être atteindre les objectifs fixés par le gouvernement.

(2100)

Le sénateur Pratte : À mon humble avis, il serait utile d'avoir des questions et des clarifications. Il s'agit aussi de voir si on peut répondre aux inquiétudes exprimées et, possiblement, proposer certaines modifications au projet de loi qui pourraient être liées à ces inquiétudes.

La sénatrice Moncion : Avez-vous des idées précises sur les parties de la loi qui vous dérangent?

Le sénateur Pratte : J'ai tenté de les expliquer dans mon discours en ce qui a trait à trois aspects, qu'il s'agisse des relations entre le conseil d'administration et le gouvernement, de la protection des compétences provinciales et de l'accès à l'information. Ces questions peuvent toutes trois faire l'objet de modifications ou de clarifications dans la loi qui permettraient de calmer les inquiétudes exprimées.

[Traduction]

L'honorable Nicole Eaton : Sénateur Pratte, pour examiner convenablement le dossier de la Banque de l'infrastructure, ne pourrions-nous pas mener une véritable étude sénatoriale et faire témoigner des gens de divers secteurs financiers? Cela nous donnerait une meilleure vue d'ensemble que ce que peut nous offrir le ministre des Finances.

Le sénateur Pratte : Nous pourrions effectivement mener une étude plus vaste sur la Banque de l'infrastructure, mais nous débattons actuellement d'un projet de loi, un projet de loi possiblement distinct, et je crois que nous devons régler la question de ce projet de loi. Voilà ma préoccupation.

J'appuie l'idée d'une Banque de l'infrastructure. Je souhaite qu'elle aille de l'avant, mais qu'elle ait un fondement solide sur les plans financier, démocratique et politique. J'aimerais que nous terminions le plus rapidement possible l'examen du projet de loi, mais nous devons avoir une assez bonne idée de la façon dont la banque fonctionnera. Voilà mon objectif.

[Français]

L'honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, le sénateur Pratte nous propose une motion visant à diviser le projet de loi C-44 en deux parties, soit une partie qui serait constituée exclusivement de la section 18 de la partie 4, qui porte sur la création d'une Banque de l'infrastructure du Canada, et l'autre partie qui regrouperait tout le reste du projet de loi.

Je crois que la motion du sénateur Pratte est pertinente, car cette partie de la loi, la Banque de l'infrastructure du Canada, est une mesure d'envergure qui implique des fonds publics considérables. On parle ici de 35 milliards de dollars et d'une structure de gouvernance imposante qui s'appuie sur des prémisses qui restent à valider.

Plusieurs témoins et experts ont soulevé un nombre de préoccupations sérieuses qui n'ont pas réellement trouvé réponse. Prenons l'exemple de l'article qui prévoit que certains projets de la banque pourront se voir attribuer le statut de mandataire de la Couronne. Il est expressément prévu dans le projet de loi que, dans certains cas, les projets entrepris ou financés par la banque pourront avoir le statut de mandataire de la Couronne, soit la capacité de se soustraire à toute loi provinciale ou à tout règlement municipal. C'est un pouvoir extraordinaire qui mérite d'être approfondi. Le gouvernement, par la voix de deux de ses sous-ministres, nous affirme qu'il n'a pas l'intention de conférer ce statut à quelque projet que ce soit, mais alors, pourquoi l'inclure dans le projet de loi? Nous devons absolument approfondir cet enjeu. C'est notre responsabilité.

Qui sera choisi pour diriger cet organisme? Quel sera le processus de sélection de ses dirigeants? Comment les projets seront-ils sélectionnés? Y aura-t-il des quotas à respecter pour les proportions investies dans les régions et les provinces? Quels liens organiques uniront la banque au gouvernement? Quelle sera l'imputabilité des dirigeants de la banque? Quel rôle le ministre jouera-t-il dans la sélection des projets? Pourquoi le gouvernement abdique-t-il à la faveur de la banque sa responsabilité de désigner tout mandataire de la Couronne?

Voilà bien des questions, et il y en a bien d'autres encore. Le gouvernement a choisi d'inclure cette disposition dans un projet de loi omnibus, alors qu'il s'était engagé à ne pas présenter de projet de loi omnibus. Plusieurs disent qu'un projet de loi omnibus est un fourre-tout pour un gouvernement. Ainsi, on nous demande d'approuver une dépense de 35 milliards de dollars dans un fourre-tout. Est-ce sérieux? Si cette nouvelle institution est aussi importante pour le gouvernement, pourquoi n'a-t-il pas présenté un projet de loi distinct afin qu'il reçoive toute la considération voulue? Non, il a préféré l'inclure dans un projet de loi mammouth qui offre moins de possibilités aux parlementaires de l'étudier adéquatement. En outre, pour couronner le tout, le projet de loi C-44 a été adopté sous l'impulsion d'un rouleau compresseur à l'autre endroit, puisque le gouvernement a décidé d'imposer le bâillon pour le faire adopter.

Honorables sénateurs, vous savez qu'un des rôles fondamentaux du Sénat est de procéder à un second examen attentif des projets de loi, mais, également, et c'est l'un de ses fondements, de faire obstacle à l'arrogance et à la tyrannie que manifeste parfois un gouvernement majoritaire qui fait fi des oppositions à l'autre endroit. Je crois que, avec le projet de loi C-44, particulièrement sa portion sur la Banque de l'infrastructure, nous nous trouvons dans cette situation.

Alors, bien évidemment — et en faisant le contraire, à mon sens, nous manquerions à nos responsabilités —, nous devons scinder le projet de loi C-44 afin d'étudier la section 18 de façon autonome, mais, surtout, afin de prendre le temps qu'il faut pour en faire une étude sérieuse, rigoureuse et digne d'un Sénat efficace et responsable. Trop de questions restent sans réponse malgré l'étude préalable que nous en avons faite.

Il n'y a pas urgence en la demeure. Je ne dis pas que je suis contre la création de la Banque de l'infrastructure du Canada, mais je suis préoccupé par plusieurs aspects de sa mise en œuvre, comme plusieurs d'entre nous dans cette Chambre. Il est primordial que nous prenions le temps nécessaire pour passer méticuleusement en revue l'ensemble de nos préoccupations et formuler les amendements appropriés qui permettront de colmater les brèches de ce projet de loi. Cela peut se faire en quelques jours, comme le gouvernement nous invite à le faire.

Par ailleurs, d'autres personnes sont inquiètes de cette Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada, et je veux me faire le porte-parole de nos producteurs agricoles, par la voix de l'Union des producteurs agricoles, qui nous a envoyé une lettre aujourd'hui. Je vais en faire la lecture, de façon à m'assurer que la position de l'Union des producteurs agricoles soit inscrite au compte rendu des débats :

Mesdames les Sénatrices et Députées, Messieurs les Sénateurs et Députés,

L'Union des producteurs agricoles est une association accréditée au sens de la Loi sur les producteurs agricoles. Il lui incombe donc la responsabilité de promouvoir, de représenter, de défendre et de développer les intérêts économiques, sociaux et moraux de tous les producteurs agricoles du Québec.

Afin d'accomplir notre mission, nous suivons de près les travaux du Parlement du Canada, du Sénat et de leurs comités. Nous sommes interpellés par le projet de loi C-44 comprenant notamment la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada. L'Union partage les préoccupations de l'Assemblée nationale du Québec qui se sont traduites récemment par l'adoption unanime de la motion suivante :

Que l'Assemblée nationale affirme l'application de toutes les lois du Québec aux éventuels projets soutenus par la Banque de l'infrastructure du Canada et que pour refléter clairement cet état de droit, qu'elle exige des amendements au projet de loi C-44 présentement étudié à la Chambre des communes, afin de démontrer que la Banque de l'infrastructure du Canada est soumise aux lois du Québec.

D'abord, un mot sur les projets de loi omnibus. Nous déplorons le recours à ce processus législatif. Il est de nature à contourner les débats démocratiques si importants et il détourne l'attention non seulement des élus, mais également de la société civile des dispositions ayant un impact direct sur celle-ci ainsi que sur les individus. Le projet de loi C-44 est un bon exemple de cette mauvaise pratique macédoine législative. La Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada mérite une analyse approfondie, et les préoccupations qu'elle soulève chez les élus provinciaux ainsi que chez les Producteurs agricoles du Québec méritent d'être correctement considérées.

(2110)

En conséquence, nous vous invitons à scinder le projet de loi C-44 et à procéder à l'étude de la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada afin de pouvoir accorder à cette dernière toute l'attention nécessaire, notamment quant à ses impacts sur le monde agricole. Le territoire agricole du Québec représente 4 p. 100 de la superficie totale de la province. Or, les projets d'infrastructure empiètent généralement sur ce territoire agricole protégé par la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles.

À titre d'exemple, les projets de transport, tels les réseaux électriques métropolitains, les infrastructures électriques, gazières, éoliennes et les projets touchant les télécommunications, l'aviation et les activités portuaires nous donnent annuellement des exemples d'empiétement sur la zone agricole. La non-application des lois provinciales à ces projets, telles la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et la Loi sur la qualité de l'environnement génèrent régulièrement des litiges importants. Il en découle des tensions importantes entre le monde rural, d'une part, et les promoteurs et partisans de ces projets, d'autre part.

De façon plus spécifique, mais non limitative, l'utilisation concomitante des pouvoirs accordés en vertu des articles 4d) et des alinéas c), f), g), i), k) et l) de l'article 18 de la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada nous pose problème.

Nous faisons donc appel à votre vigilance dans l'analyse de l'impact de ces dispositions sur le monde agricole. Les terres arables de notre province sont une ressource non renouvelable qui, année après année, souffre des exceptions à son régime de protection, exceptions qui, souvent, ne tiennent pas compte des principes de développement durable.

Nous vous demandons donc de poser tout geste nécessaire afin de scinder le projet de loi C-44, de procéder à l'étude de la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada de façon autonome et de vous assurer que, dans tous les dossiers dans lesquels s'impliquerait la Banque de l'infrastructure du Canada, les lois du Québec, notamment la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, trouveront application.

Vous remerciant de l'attention que vous porterez à la présente, nous vous prions d'accepter, Mesdames les Sénatrices et Députées, Messieurs les Sénateurs et Députés, nos respectueux hommages.

La lettre est signée par le président général, M. Marcel Groleau. C'est donc un appel clair de nos concitoyens, des représentants des producteurs agricoles, qui souhaitent s'assurer que la Banque de l'infrastructure du Canada puisse agir dans le respect des lois provinciales, particulièrement des lois sur la protection du territoire agricole.

Je suis convaincu qu'une multitude d'autres organismes aimeraient se faire entendre, et il serait possible de le faire si le projet de loi C-44 était scindé et que le Comité sénatorial permanent des finances nationales tenait des audiences distinctes pour étudier les impacts du projet de loi.

Par conséquent, je vous invite, chers collègues, à voter en faveur de la motion du sénateur Pratte, visant à diviser le projet de loi C-44. C'est notre devoir de le faire, c'est ce que nous devons faire. Merci.

[Traduction]

L'honorable Joan Fraser : Je vais tenter d'être brève. Je tiens à mentionner, avant que nous ajournions, que mon opinion sur la question est tout à l'inverse de celle du sénateur Pratte. Je dis cela avec le plus grand respect pour lui et pour le travail qu'il accomplit au Sénat et ne manquera pas de continuer d'accomplir.

Hier soir, j'ai expliqué en détail pourquoi j'étais contre le recours au Règlement soulevé par le sénateur Harder et, ce soir, j'ai voté contre le maintien de la décision du Président. Je pense que c'est la première fois que cela m'arrive depuis que je suis ici et le choix n'a pas été facile. Je l'ai fait parce que je pensais qu'il était important de protéger le droit du Sénat de diviser des projets de loi lorsqu'il le juge nécessaire. Pour certains d'entre nous, ce choix a un prix. Nous avons renversé la décision du Président et je pense que c'était la bonne...

Son Honneur le Président : Sénatrice Fraser, nous débattons...

La sénatrice Fraser : J'y arrive, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : Nous avons déjà débattu la question et abordé les résultats dont vous parlez. À présent, nous parlons de la motion du sénateur Pratte.

La sénatrice Fraser : Si vous me laissez terminer ma phrase, j'allais justement en venir à la motion, Votre Honneur.

Nous avons fait cela. Nous avons terminé ce débat. À présent, nous parlons de la décision qu'il nous faut prendre, à savoir si nous devrions ou non diviser le projet de loi. J'en suis venue à la conclusion que non.

Nous avons déjà divisé des projets de loi, mais, selon moi, nous ne devrions envisager cette option qu'en dernière extrémité. Les interventions du sénateur Pratte, aussi éloquentes et bien documentées soient-elles, n'ont pas réussi à me convaincre, pas davantage d'ailleurs que l'allocution de ce soir du sénateur Carignan. Ils n'ont pas réussi à me persuader que c'était la voie à suivre dans ce cas-ci.

Nous avons fait l'étude préalable du projet de loi. Comme le sénateur Pratte nous l'a rappelé, nous avons déjà entendu l'avis d'un grand nombre de spécialistes. J'ai assisté à la réunion du Comité des finances de cet après-midi, où comparaissait le ministre. Il a d'ailleurs été présent pendant une heure et demie, comme d'autres l'ont signalé avant moi, ce qui est beaucoup plus long que d'habitude de la part d'un ministre. Il a beaucoup été question de la Banque de l'infrastructure. Ses réponses n'ont pas convaincu tout le monde sur place, mais c'est ce qu'il était prêt à dire et c'est sans doute ce qu'il nous répétera si on l'interroge de nouveau. Comme nous l'a rappelé la sénatrice Moncion, il a pris la peine de préciser qu'il répondrait à nos autres questions si nous les lui posions.

Selon moi, les motifs qui justifient habituellement qu'on veuille scinder un projet de loi ne s'appliquent pas dans ce cas-ci. Je ne vois aucun impératif moral à le scinder. Je ne vois aucun motif tactique pour le Sénat d'en retarder l'adoption dans le but de marquer ultérieurement quelques points sur l'échiquier politique.

Au contraire, j'ai le sentiment, à entendre bon nombre de nos collègues dire qu'ils appuient ce projet de loi, qu'ils aimeraient simplement en savoir plus à son sujet et peut-être l'amender. Or, c'est tout à fait possible sans le scinder. Le Comité des finances peut tout à fait étudier en profondeur cet élément du projet de loi sans l'extraire du texte.

Je serais prête à appuyer une motion autorisant le Comité des finances à siéger plus tard la semaine prochaine et la suivante. Vous me direz que c'est bien facile à dire, puisque je n'en fais pas partie, mais je serais aussi disposée à faire ma part et à prendre la place de quiconque souhaiterait se faire remplacer pendant les séances prolongées. Jamais je n'oserais surcharger mes collègues de tâches que je ne suis pas moi-même prête à faire, mais je demeure convaincue qu'il est parfaitement possible de faire notre travail rigoureusement et consciencieusement sans pour autant scinder le projet de loi. Nous pourrions même l'amender sans nous rendre jusqu'à le scinder. Pour ce qui est de savoir si les Communes approuveront ou non les amendements que nous pourrions proposer, cela reste à voir, mais la question demeure entière, que nous scindions le projet de loi ou pas. Il ne s'agit pas en soi d'un argument justifiant qu'on le scinde.

Bref, chers collègues, malgré tout le respect que j'ai pour le sénateur Pratte — il semble en douter, mais je suis tout à fait sincère —, je ne peux malheureusement pas appuyer sa motion.

(Sur la motion du sénateur Woo, le débat est ajourné.)

(2120)

La sécurité des oléoducs

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Mockler, attirant l'attention du Sénat sur la question de la sécurité des oléoducs au Canada et sur le projet d'édification nationale que représente la proposition Énergie Est ainsi que ses retombées pour l'économie canadienne.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je prends la parole brièvement au sujet de l'interpellation de mon collègue, le sénateur Mockler, qui attire l'attention du Sénat sur la question de la sécurité des oléoducs au Canada et sur le projet d'édification nationale que représente la proposition Énergie Est ainsi que ses retombées pour l'économie canadienne.

Plus tôt aujourd'hui, j'ai parlé du rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications sur les pipelines et je vous renvoie donc à mes propos. Lorsque vous obtiendrez les bleus, vous pourrez les lire et les relire. Je suis même prêt à vous les dédicacer.

Je demanderais toutefois aux honorables sénateurs de prendre note de certains processus en cours. Premièrement, le gouvernement du Canada a reçu en mai un rapport du Comité d'experts sur la modernisation de l'Office national de l'énergie qui contient 26 recommandations, dont la restructuration de l'Office national de l'énergie et l'amélioration des consultations auprès des intervenants, y compris les peuples autochtones.

Deuxièmement, le projet d'oléoduc Énergie Est fait actuellement l'objet d'un examen par un nouveau comité d'examen à trois membres de l'Office national de l'énergie, qui reçoit des observations sur les nouveaux critères d'évaluation.

Dans cette optique, j'ai hâte de voir les résultats des consultations une fois qu'elles seront terminées. Ils devraient garantir des pratiques de sécurité appropriées et une bonne gérance de l'environnement pour les grands projets énergétiques.

Entre-temps, il est nécessaire d'établir un dialogue au Sénat et dans toutes les collectivités du Canada sur les répercussions environnementales et économiques de grands projets énergétiques comme Énergie Est.

Posez-vous les questions suivantes, chers collègues : quelles protections sont en place ou seront mises en place pour assurer la sécurité des collectivités contre les accidents et les dégâts environnementaux possibles? La sécurité de la faune, des forêts, des cours d'eau et des terres arables du Canada est-elle prise en compte dans la planification de ces projets? Consultons-nous tous les intervenants nécessaires? Nous penchons-nous sur l'impact économique que cela peut avoir sur les collectivités qui pourraient grandement profiter de projets comme Énergie Est? Avons-nous une façon innovatrice de voir les choses et d'aller de l'avant avec de tels projets de manière viable du point de vue environnemental et économique?

Il est important que nous nous posions ces questions et que nous ayons ce genre de discussion autant à l'Office national de l'énergie que là où se prépare le projet d'oléoduc Énergie Est et ici au Sénat, afin qu'un processus d'approbation efficace qui profite à toutes les personnes concernées soit mis en place.

Honorables sénateurs, je m'en voudrais de ne pas répéter qu'il pourrait y avoir un changement ou un ajout en ce qui concerne l'installation du terminal d'Énergie Est dans le détroit de Canso. Cela pourrait être une excellente occasion pour le Nouveau-Brunswick de participer à un projet pouvant créer des débouchés importants dans la province voisine, la Nouvelle-Écosse, et bien sûr, en Alberta.

Pour ma part, j'ai hâte que cela fasse partie des discussions portant sur le projet Énergie Est. Je remercie le sénateur Mockler d'avoir soulevé ces questions. J'ai hâte aux discussions et aux décisions futures en ce qui a trait à cet important projet.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

[Français]

Agriculture et forêts

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole

L'honorable Ghislain Maltais, conformément au préavis donné le 14 juin 2017, propose :

Que, nonobstant l'ordre de renvoi du Sénat adopté le jeudi 6 octobre 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts concernant son étude sur l'acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole soit reportée du 30 juin 2017 au 21 décembre 2017.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au lundi 19 juin 2017, à 16 heures.)

 
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