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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 54

Le mardi 21 juin 2016
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le mardi 21 juin 2016

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le Sénat

Hommages aux pages à l'occasion de leur départ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre un instant pour saluer les pages qui nous quittent.

Jill Giswold s'apprête à amorcer la dernière année d'un baccalauréat spécialisé bidisciplinaire en science économique et science politique à la Faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa. Après avoir obtenu son diplôme, elle prévoit faire une maîtrise en économie de l'environnement. Elle est reconnaissante d'avoir eu la chance de servir au Sénat et de représenter sa province, le Nouveau-Brunswick.

En tant que page originaire de Winnipeg, au Manitoba, Austin Amy a été fier de représenter sa province et a beaucoup apprécié son expérience au Sénat au cours des deux dernières années. L'an prochain, dans le cadre d'un programme d'échange d'un an, il étudiera les relations internationales à Sciences Po de Paris, en France. Après avoir obtenu un baccalauréat spécialisé en études internationales et en langues modernes, il espère s'inscrire au double programme de doctorat en droit et de maîtrise en administration des affaires de l'Université de Toronto.

Chloe Hutchison est de l'Ontario. Après avoir obtenu un baccalauréat en communication avec mineure en français langue seconde avancé de l'Université d'Ottawa, elle entamera à l'automne un programme d'études supérieures en relations publiques. Elle a appris énormément de son expérience au Sénat et est très honorée d'avoir eu la chance d'être page du Sénat en 2015-2016.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les soins prodigués aux anciens combattants

Petter Blindheim—Ancien combattant de la Marine royale norvégienne

L'honorable Carolyn Stewart Olsen : J'interviens aujourd'hui pour parler d'une question qui me tient à cœur. Au cours des dernières semaines, les médias ont publié un très grand nombre d'articles et de reportages sur le fait que de valeureux anciens combattants canadiens de la Seconde Guerre mondiale se sont vu refuser des soins dans des établissements pour anciens combattants situés dans le Canada atlantique.

Petter Blindheim, qui est âgé de 94 ans, est un marin décoré de la Marine royale norvégienne qui s'est installé en Nouvelle-Écosse après la guerre. Il a été félicité pour sa bravoure pendant son service. Il s'est précipité sur le point de son navire avant que celui-ci ne coule pour désactiver les grenades sous-marines afin que ses coéquipiers ne soient pas tués.

Il n'avait jamais vraiment réfléchi à ce qui adviendrait de lui une fois qu'il serait plus âgé. Il avait supposé que le gouvernement canadien s'occuperait de lui lorsqu'il aurait besoin d'aide.

Le système de soutien des anciens combattants et ceux de nos alliés prévoient le versement de prestations aux anciens combattants qui ont servi du côté des Alliés, et ce, peu importe où ils habitent.

Malheureusement, des fonctionnaires du ministère des Anciens Combattants ont laissé tomber M. Blindheim lorsque leur interprétation de certaines règles obscures l'ont privé d'un lit à l'Édifice commémoratif des anciens combattants Camp Hill, à Halifax.

Dans un autre cas, Frank Rusling, un ancien membre de la Marine royale britannique qui a travaillé pendant 30 ans comme agent du service de police du Canadien Pacifique, s'est heurté à un refus semblable.

Donald Osborne, un ancien combattant canadien des batailles en France et en Italie qui ont subi une blessure à la tête en raison de tirs ennemis, a lui aussi eu du mal à obtenir le soutien dont il a besoin.

Les réponses du ministère des Anciens Combattants ont été contradictoires. Les fonctionnaires du ministère ont d'abord affirmé que M. Blindheim est Norvégien et que, comme la Norvège s'était rendue, il ne pouvait pas obtenir de soins dans un hôpital pour anciens combattants du Canada. Appelés à fournir des explications, les fonctionnaires ont ensuite déclaré que la décision incombait aux provinces. Lorsque le premier ministre de la Nouvelle-Écosse a signalé que des places réservées aux anciens combattants étaient libres à Camp Hill, le ministère des Anciens Combattants a alors prétexté qu'il n'est pas toujours possible pour les anciens combattants d'obtenir des soins dans l'hôpital de leur choix.

Chers collègues, les anciens combattants se heurtent malheureusement à ce genre de problème depuis des années.

Ce ne sont pas seulement les anciens combattants qui ont servi dans la Seconde Guerre mondiale qui sont touchés. Au fil du temps, le ministère des Anciens Combattants s'est déchargé de ses responsabilités sur les systèmes de santé provinciaux en fermant des hôpitaux pour anciens combattants ou en en transférant la responsabilité de ces hôpitaux, ainsi qu'en appliquant des normes de plus en plus restrictives pour déterminer quels anciens combattants sont ou non admissibles à des soins.

Les anciens combattants, non seulement ceux qui ont servi à la Seconde guerre mondiale, mais tous ceux qui ont servi, méritent les normes les plus élevées en matière de service et de confort au moment où ils en ont besoin.

Il est temps qu'Anciens Combattants Canada s'organise et assume la responsabilité pour les gens qu'il a le mandat d'appuyer. Les anciens combattants méritent une norme universelle. Ils méritent aussi que soit honorée la promesse faite par le Canada après les horreurs de la Première Guerre mondiale de veiller à ce qu'aucun ancien combattant ne soit laissé pour compte.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'un groupe de 12 jeunes dirigeants autochtones visitant le Sénat à l'occasion de la Journée nationale des Autochtones. Ils sont les invités de la sénatrice Dyck et du sénateur Patterson.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée nationale des Autochtones

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, nous célébrons aujourd'hui la Journée nationale des Autochtones. Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a invité 12 jeunes Autochtones extraordinaires à comparaître à titre de témoins à notre séance, ce matin. J'ai l'honneur de présenter la première moitié des jeunes témoins, et le vice-président du comité, le sénateur Patterson, fera les honneurs pour la deuxième moitié des participants dans sa déclaration.

Chers collègues, la Colline du Parlement se trouve en territoire non cédé du peuple Algonquin, alors il était approprié que notre premier témoin soit Caitlin Tolley, une Algonquine de Kitigan Zibi. Elle a parlé de l'importance, pour les jeunes Autochtones, de récupérer leurs langues, leurs traditions et leur culture. Elle nous a fait part de deux expressions algonquines. La première est celle-ci : écoute plus et parle moins. La deuxième est la suivante : apprend aujourd'hui et dirige demain.

Tenille McDougall vient de Fort McLeod et est membre de la Première Nation de Tsuu T'ina. Son histoire en est une d'autodécouverte. Ce n'est qu'une fois devenue mère qu'elle est retournée vivre dans sa collectivité et a commencé à comprendre qui elle est. Elle offre un appui vital à sa communauté en fournissant de l'information pour les nouvelles mamans et les nouveaux parents afin d'accroître les connaissances parentales et de diminuer l'isolement que ressentent de nombreux parents autochtones.

Willie Sellars est membre de la bande indienne de Williams Lake, en Colombie-Britannique. Il exerce son second mandat à titre de conseiller, et agit comme coordonnateur de projets spéciaux au sein du service de développement économique et des ressources naturelles de la bande. Il est l'auteur primé du livre pour enfants Dipnetting with Dad. Il nous a dit que c'est grâce à la tradition orale de ses aînés qu'il a cet attachement envers sa culture et son identité.

Kluane Adamek est de Whitehorse, au Yukon. Elle est membre de la nation de Kluane. Elle nous a parlé du suicide de son jeune cousin. Malgré des moments de noirceur et de désespoir, elle a envoyé un message sur Facebook aux jeunes de l'ensemble du Yukon, ce qui a donné lieu au rassemblement des leaders émergents des Premières Nations du Yukon visant à trouver des moyens de prévenir le suicide. Elle nous a dit que, lorsque les jeunes sont fiers de leur identité autochtone, cela se traduit par des collectivités plus fortes et plus saines.

Justin « Jah'Kota » Holness est en partie jamaïcain et en partie nakota de la nation d'Ocean Man, en Saskatchewan. L'élément central de son témoignage à notre comité était la nécessité que les jeunes Autochtones soient fiers de leur identité et de leur culture, et qu'ils soient en mesure d'exprimer cette fierté. Justin a aussi écrit une page d'histoire en devenant le premier témoin à chanter du rap devant notre comité quand il a interprété la chanson qu'il a composée sur les suicides tragiques dans les collectivités autochtones.

(1410)

Katelyn LaCroix, qui vient de Penetanguishene, en Ontario, représente les étudiants de niveau postsecondaire au Conseil provincial de la nation métisse de l'Ontario. Katelyn, qui a découvert tardivement son identité autochtone, est une ardente défenseure de l'instauration de programmes de santé mentale pour les étudiants autochtones qui entament leur nouvelle vie au collège ou à l'université et qui doivent par ailleurs pouvoir rester en contact avec leur culture et leur histoire.

Honorables sénateurs, les jeunes chefs de file autochtones que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a entendus ce matin prennent part à l'élaboration de solutions et à la consolidation des communautés autochtones. Nous devons tenir compte de ce qu'ils ont à dire. Ils sont notre avenir.

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole à l'occasion de la Journée nationale des Autochtones pour faire miens les propos que la sénatrice Dyck a exprimés tout à l'heure et pour rendre hommage à six autres jeunes Autochtones exceptionnels qui ont comparu aujourd'hui devant le comité.

Jenna Burke, qui vient de Charlottetown, à l'Île-du-Prince- Édouard, adore s'occuper des enfants et des jeunes. Elle entend continuer à travailler auprès des jeunes et à défendre les droits des membres non inscrits des Premières Nations. Je cite d'ailleurs ses propres paroles : « Il revient à notre communauté de déterminer qui en fait partie [...] nous ne fonctionnons pas par système de carte de membre ni par degré de sang indien. »

Mitch Case, de Sault Ste. Marie, est président du Conseil des jeunes de la nation métisse de l'Ontario et représentant des jeunes au Conseil provisoire de la nation métisse de l'Ontario. Ce qu'a vécu son peuple continue d'imprégner sa vision du monde. En effet, comme il le dit lui-même, il est « constamment à la recherche d'histoires racontées par les aînés, [qu'il] conserve pour en faire une anthologie à l'intention des prochaines générations ». Ces histoires d'injustice poussent M. Case à continuer de défendre vigoureusement les droits des Métis.

Kelly Duquette, d'Atikokan, en Ontario, est une artiste qui a mis au point une méthode de superposition en plusieurs étapes qui allie complexité et symbolisme pour créer de splendides œuvres d'art incorporant des motifs comportant des garnitures de perles très élaborées évoquant résolument ses racines autochtones. Elle étudie actuellement en droit et espère pouvoir utiliser ses compétences en droit et son art pour continuer à défendre les intérêts de la communauté métisse.

Shelby Angalik vient d'obtenir son diplôme d'études secondaires à Arviat, à Nunavut, et elle espère que sa réussite et ses réalisations contribueront à effacer les préjugés envers les Autochtones. Elle a créé le programme d'alphabétisation Imagination Destination et est très active dans sa localité.

Maatalli Okalik, de Pangnirtung, au Nunavut, attribue sa réussite à une mère forte qui lui a procuré un refuge où apprendre et poser des questions capitales sur ce que signifie être Inuk. Dans le cadre de son mandat comme présidente du Conseil national des jeunes Inuits, elle s'emploie à renforcer les liens des jeunes Inuits avec leur langue et leur culture en faisant de la sensibilisation et la promotion de l'autonomie, espérant ainsi prévenir efficacement le suicide. Elle travaille également à promouvoir la réconciliation entre les Inuits et le Canada.

La dernière personne, mais non la moindre, Alethea Arnaquq- Baril est une cinéaste reconnue d'Iqaluit, au Nunavut, qui se passionne pour les arts et croit que l'art peut être un moteur important d'une économie viable et un moyen de promouvoir les intérêts des Inuits du Nunavut.

Les sénateurs se rappellent peut-être mon allocution à l'étape de la troisième lecture du projet de loi sur la Journée nationale des produits du phoque durant laquelle j'ai cité abondamment le film d'Alethea, Angry Inuk. Ce film a remporté le prix du public au prestigieux festival HotDocs de cette année. C'est le plus grand festival du documentaire en Amérique du Nord. Une projection privée de ce film est prévue ce soir à la salle 256-S à 19 heures et c'est avec plaisir que j'invite tous les sénateurs à venir voir ce film percutant et fascinant.

Je remercie tous ces jeunes porte-parole de leurs déclarations inspirantes devant le comité aujourd'hui.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de jeunes bénévoles et lauréats de prix de la communauté musulmane bangladaise du Canada. Ils sont les invités de l'honorable sénatrice Jaffer.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les jeunes musulmans du Canada

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Le samedi 11 juin dernier, j'ai eu le plaisir d'assister au 21e Iftar Mahfil annuel, qui marque la fin du jeûne du ramadan, de la communauté musulmane bangladaise du Canada, à Ottawa.

Cette événement, qui rassemble des centaines de Canadiens de la communauté musulmane bangladaise d'Ottawa, est organisé et dirigé, du début à la fin, par des bénévoles de la communauté bangladaise du Canada.

Aujourd'hui, nous avons à la tribune des étudiants de la communauté musulmane bangladaise du Canada. Je leur ai demandé de venir visiter notre lieu de travail, le Parlement du Canada.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour souligner le travail acharné de ces jeunes hommes et femmes et pour féliciter ceux qui excellent dans leur travail. Bien que je ne puisse nommer tous les étudiants qui sont ici aujourd'hui, je veux qu'ils sachent tous que nous reconnaissons leurs efforts et leur travail acharné.

Sept étudiants ont remporté des prix pour leurs compétences exceptionnelles dans la rédaction d'un essai sur ce que signifie être un musulman au Canada, dans le cadre des concours de rédaction annuels pour les jeunes de la communauté musulmane bangladaise du Canada, et un étudiant a remporté la bourse de l'étudiant de l'année de la communauté musulmane bangladaise du Canada.

Voici les noms de ces étudiants : Sameer Ashraf, Tanvir Ahmed, Ahnaf Sabeer Khan, Tabassum Howlader, Nahiyan Ishtiaque, Jibran Hossain et Abrar Kazi.

Honorables sénateurs, je prends un moment pour parler d'Abrar Kazi.

Abrar Kazi est le lauréat de 2016 de la bourse de l'étudiant de l'année. Son parcours académique est ponctué de nombreux prix. Abrar a obtenu 142 points sur 150 au concours de mathématiques Gauss de l'Université de Waterloo, ce qui l'a placé en tête des élèves de son école. De plus, il a décroché la quatrième place sur 208 au concours Horizons mathématiques de l'Université d'Ottawa.

Je souligne qu'Abrar a fait ses études secondaires en trois ans plutôt que quatre, comme c'est la norme à Ottawa, et qu'il a terminé sa 12e année avec une moyenne de 97 p. 100.

Enfin, Abrar a accepté une bourse de 16 000 $ de l'Université Carleton où il envisage d'entreprendre, à l'automne, des études de premier cycle en mathématiques et en informatique.

Votre Honneur, ces étudiants m'ont priée de vous transmettre leurs remerciements, à vous ainsi qu'à l'huissier du bâton noir. Ils m'ont notamment demandé de vous assurer qu'ils se souviendront toujours de l'accueil que vous et lui — de même que l'ensemble des sénateurs — leur avez réservé aujourd'hui et de la courtoisie qui leur a été témoignée.

Honorables sénateurs, dans un monde où abondent les stéréotypes négatifs à l'égard des musulmans, particulièrement les jeunes, je vous demande de vous joindre à moi aujourd'hui pour saluer ces étudiants Canadiens laborieux. Ces jeunes remarquablement talentueux deviendront les chefs de file de l'avenir et ils continueront de bâtir ce magnifique pays qui est le nôtre, le Canada.

Au nom de tous ici présents, j'affirme que le Parlement représente l'ensemble des Canadiens, et j'invite ces jeunes à revenir nous voir n'importe quand. Le Parlement du Canada appartient à l'ensemble des Canadiens.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je voudrais attirer votre attention sur la présence à la tribune de l'équipe de baseball Les Aigles de Trois-Rivières, accompagnée de son propriétaire, Marc-André Bergeron, ancien joueur des Canadiens de Montréal. Ils sont les invités de l'honorable sénateur Maltais.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

La Journée mondiale des réfugiés

L'honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, la Journée mondiale des réfugiés a été soulignée officiellement hier, mais je vous prierais de me permettre d'en parler encore aujourd'hui, parce que, après tout, cet enjeu concerne environ 60 millions de personnes, ce qui représente à peu près 1,7 fois la population du Canada.

Je vais tâcher d'ajouter quelque chose de nouveau à ce qui a déjà été dit par les sénateurs Jaffer, Ngo et Meredith.

Il y avait des gens qui se réfugiaient au Canada avant même que le terme « réfugiés » soit intégré à notre lexique juridique et politique. Les premières personnes déplacées venaient des États-Unis. Il s'agissait des esclaves affranchis du Sud qui ont trouvé refuge au Canada, bien que dans des conditions difficiles, en empruntant le chemin de fer clandestin.

Ils ont été suivi par d'autres comme des Polonais et des Ukrainiens fuyant les pogroms de l'Union soviétique; et des Irlandais fuyant la grande famine, la faim et la maladie. Puis, après la Seconde Guerre mondiale, nous avons fini par ouvrir nos portes aux Juifs après avoir initialement adopté une politique de tolérance zéro à leur égard. Après eux, il y a eu des Hongrois et des Tchèques, des Chiliens après la chute du régime Allende, et des Ismaéliens de l'Ouganda voulant échapper à la folie d'Idi Amin. De plus, bien que nous ne songions pas souvent aux 40 000 conscrits réfractaires qui sont venus au Canada pour éviter d'avoir à aller en guerre au Vietnam, je pense qu'ils étaient eux aussi des réfugiés, un autre type de réfugiés.

(1420)

L'histoire de notre pays a pris un virage important durant les années 1980 lorsque le Canada a accueilli près de 60 000 réfugiés de la mer venus du Vietnam, suivis par des réfugiés venus de l'Iran, de la Somalie, du Sri Lanka, de la Serbie, du Kosovo, de l'Afghanistan et, maintenant, bien entendu, de l'Irak et de la Syrie.

Je pense donc qu'on peut aisément affirmer que chaque fois qu'une guerre civile, que l'oppression, qu'un conflit ou que l'insécurité obligent une population à quitter son pays, tôt au tard, nous en ressentirons les conséquences au Canada lorsque nous en accueillerons les membres à titre de réfugiés.

J'ai un attachement personnel à la question, car j'ai moi aussi été déplacée dans ma vie, mais je ne suis pas la seule au Sénat qui puisse dire une telle chose. La sénatrice Jaffer a pris part à l'exode des ismaéliens, dans les années 1970. Le sénateur Ngo, pour sa part, a sans aucun doute un lien personnel très étroit avec les réfugiés de la mer venus du Laos, du Vietnam et du Cambodge, tout comme la sénatrice Frum avec les réfugiés juifs qui ont fui l'Europe. En outre, nous savons aujourd'hui que la sénatrice Martin se sent très proche des rares transfuges nord-coréens qui ont eu la chance de trouver refuge au Canada.

Je n'ai aucun doute que beaucoup d'autres sénateurs comptent des réfugiés parmi leurs ancêtres; je pense que ce serait un projet de recherche fantastique, éventuellement pour la Bibliothèque du Parlement, que de sonder nos liens historiques avec les vagues passées de réfugiés.

Bien que nous nous plaisions à croire que nous sommes en grande partie, mais pas entièrement, un pays d'immigrants, peut-être en viendrions-nous à la conclusion que nous sommes en grande partie un pays de réfugiés.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la présidente nationale du Conseil canadien des aveugles, Louise Gillis, ainsi que de la directrice générale des relations stratégiques et de la mobilisation de l'Institut national canadien pour les aveugles, Diane Bergeron. Elles sont les invitées de l'honorable sénateur Enverga.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée nationale des Autochtones

L'honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, comme d'autres l'ont déjà fait remarquer, nous soulignons aujourd'hui le 20e anniversaire de la Journée nationale des Autochtones. Tout comme mes collègues, je tiens à souligner que de jeunes leaders autochtones ont jusqu'à maintenant passé la journée avec les membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Je tiens à parler de cette journée et de son importance. La Journée nationale des Autochtones vise à reconnaître l'existence et le dynamisme des cultures, des langues et des identités autochtones, et je suis convaincu qu'elle a aussi un peu pour objectif de faire amende honorable auprès des peuples autochtones, car depuis longtemps, on refuse de reconnaître qu'ils ont joué un rôle important dans la création de notre pays.

Puisque le Canada se prépare à célébrer le 150e anniversaire de la Confédération, en 2017, nous devons nous demander s'il y a lieu que les Autochtones participent aux activités organisées pour l'occasion. Il est fort possible que bon nombre d'entre eux disent qu'ils ne sont pas encore prêts, car le Canada a encore du travail à faire.

En effet, immédiatement après la Confédération, le Canada a entrepris l'assimilation forcée des peuples autochtones. Dans le cadre des travaux de la Commission de vérité et réconciliation, la juge en chef du Canada et d'autres intervenants ont déclaré que cette politique d'assimilation constituait un génocide culturel.

En 1883, dans le cadre des débats parlementaires, le premier premier ministre du Canada a déclaré ceci à l'autre endroit :

Lorsque l'école est sur la réserve, l'enfant vit avec ses parents, qui sont sauvages; il est entouré de sauvages, et bien qu'il puisse apprendre à lire et écrire, ses habitudes, son éducation domestique et ses façons de penser, restent celles des sauvages. En un mot, c'est un sauvage capable de lire et d'écrire. On a fortement insisté auprès de moi, comme chef du département de l'Intérieur, pour soustraire autant que possible les enfants sauvages à l'influence de leurs parents. Or, le seul moyen d'y réussir serai[t] de placer ces enfants dans des écoles industrielles centrales, où ils adopteraient les habitudes et les façons de penser des blancs.

Les pensionnats indiens venaient de voir le jour. Les enfants étaient retirés de leur milieu, les parents qui refusaient de coopérer étaient punis, les promesses qu'on avait faites aux Autochtones de bâtir des écoles dans les réserves ont été reléguées aux oubliettes, les lois fédérales ont retiré aux Autochtones le droit de manifester, de voter et de s'adresser aux tribunaux. Or, je rappelle que ces lois, elles ont toutes été adoptées par la Chambre des communes et approuvées par le Sénat.

Dans les écoles publiques, les enfants se faisaient en outre inculquer l'infériorité des Autochtones et la supériorité des civilisations européennes. Le mythe voulant qu'on doive sauver les Indiens de l'extinction a longtemps eu la cote dans la société canadienne, mais les choses ont beaucoup changé. La Commission de vérité et réconciliation a ouvert les yeux des Canadiens, elle a rétabli les faits historiques et elle nous a fait comprendre qu'il fallait faire quelque chose pour réparer les torts causés. Il reste toutefois beaucoup de chemin à parcourir.

Les journées comme celle que nous soulignons aujourd'hui servent à célébrer notre grande nation et son peuple. La contribution des Anglais et des Français à la naissance du Canada est reconnue. Il faut toutefois aussi reconnaître officiellement le rôle des Autochtones. Un jour, nous devrons avoir le courage de franchir la prochaine étape et de faire de la Journée nationale des Autochtones un jour férié, comme nous l'avons fait pour les autres peuples fondateurs du pays. Mais ce débat sera pour une autre fois.

Entre-temps, je vous demande de vous joindre à moi pour rendre hommage aux peuples autochtones du Canada, en ce 20e anniversaire de la Journée nationale des Autochtones.


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et comportant d'autres mesures

Présentation du quatrième rapport du Comité des transports et des communications

L'honorable Michael L. MacDonald, vice-président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, présente le rapport suivant :

Le mardi 21 juin 2016

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a l'honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et comportant d'autres mesures, a, conformément à l'ordre de renvoi du 15 juin 2016, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le vice-président,

MICHAEL L. MACDONALD

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

Le sénateur MacDonald : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5b) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois aujourd'hui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur MacDonald, le projet de loi est inscrit à l'ordre du jour de la présente séance.)

L'étude sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada

Dépôt du quatrième rapport du Comité des pêches et des océans

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, intitulé Volume un — Industrie aquacole et gouvernance au Canada; Volume deux — Industrie aquacole et gouvernance en Norvège et en Écosse; Volume trois — Un océan de possibilités : L'aquaculture au Canada.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Manning, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1430)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5a) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd'hui, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir le mercredi 22 juin 2016, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Affaires sociales, sciences et technologie

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier le recours aux directives anticipées ainsi que les lignes directrices, les lois et les règlements provinciaux et territoriaux concernant le droit de refuser un traitement

L'honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner le recours aux directives anticipées ainsi que les lignes directrices, les lois et les règlements provinciaux et territoriaux concernant le droit de refuser un traitement et le rôle des mandataires, et à faire rapport sur le sujet;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 30 juin 2017 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

Peuples autochtones

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5a) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd'hui, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à se réunir le mercredi 22 juin 2016, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le vendredi 17 juin 2016, la période des questions aura lieu à 15 h 30.

[Français]

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse à la question orale posée par l'honorable Jean-Guy Dagenais le 14 avril 2016 concernant la politique du gouvernement en matière de prévention du suicide.

J'ai aussi l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse à la question orale posée par l'honorable Claude Carignan le 21 avril 2016 concernant les initiatives antitabac (tabac et marijuana).

La santé

La politique en matière de prévention du suicide

(Réponse à la question posée le 14 avril 2016 par l'honorable Jean- Guy Dagenais)

L'Agence de la santé publique du Canada est l'organisation fédérale responsable de l'élaboration du Cadre fédéral de prévention du suicide. Lorsque la loi a été adoptée en décembre 2012, l'Agence a entrepris des consultations avec des représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux et une consultation publique en ligne. Elle a aussi demandé aux principaux intervenants du secteur de la prévention du suicide de formuler des commentaires. Le Cadre, auquel on met présentement la dernière main, est fondé sur les travaux de promotion de la santé mentale et de prévention du suicide déjà entrepris par les ministères fédéraux. Conformément à la Loi, un rapport sur les progrès réalisés sera présenté d'ici décembre 2016

Les initiatives antitabac

(Réponse à la question posée le 21 avril 2016 par l'honorable Claude Carignan)

Depuis 2011, la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme a contribué au succès du Canada en matière de contrôle du tabagisme. Mais bien que le tabagisme soit à un creux historique, plus de 4 millions de Canadiens continuent de fumer. Le gouvernement est engagé à protéger les Canadiens, en particulier les jeunes, des dangers du tabagisme. Cela comprend l'introduction de la banalisation des emballages des produits du tabac. Le design et l'apparence des emballages, et des produits du tabac, sont parmi les quelques canaux de promotion encore disponibles. De nombreuses études dans plusieurs pays ont démontré que la banalisation des emballages réduit l'attrait des produits du tabac, en particulier auprès des jeunes. Le gouvernement examine de nouvelles initiatives anti-tabac et en aura plus à dire au cours des prochains mois.

Le gouvernement s'est engagé à légaliser, à strictement réglementer, et à restreindre l'accès à la marijuana pour aider à garder la marijuana hors de la portée des jeunes, et pour empêcher les criminels de profiter du commerce illicite de la drogue. Un Groupe de travail sera formé prochainement pour étudier les nombreuses facettes de la légalisation de la marijuana. Une fois qu'il aura complété ses travaux, le Groupe de travail présentera ses conclusions au gouvernement afin d'aider à le guider dans l'élaboration d'un projet de loi au printemps 2017. Une part importante du processus de légalisation de la marijuana vise à s'assurer que les Canadiens ont l'information dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées. Nous sommes engagés à faire cela, et à apprendre d'autres juridictions qui sont passées par ce genre de changement.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de Loi sur le droit d'auteur

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Harder, C.P., appuyé par l'honorable sénatrice Bellemare, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur (accès des personnes ayant des déficiences perceptuelles aux œuvres ou autres objets du droit d'auteur protégés).

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur (accès des personnes ayant des déficiences perceptuelles aux œuvres ou autres objets du droit d'auteur protégés).

Je tiens à féliciter le gouvernement précédent pour tous les efforts qu'il a déployés dans la négociation du Traité de Marrakech et pour avoir, durant son mandat, mené les travaux législatifs qui permettent au gouvernement actuel de présenter un projet de loi très semblable à celui qui avait été présenté à l'autre endroit pendant la dernière législature.

Honorables sénateurs, étant donné que l'autre endroit a accordé très peu d'attention à ce projet de loi, j'ai exprimé les inquiétudes qui me sont venues à l'esprit à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi. Ces inquiétudes ont mis mal à l'aise certains intervenants, dont le gouvernement. Depuis, on s'est efforcé d'expliquer le contexte entourant ces inquiétudes.

C'était en fait le rôle que je devais jouer à titre de porte-parole de l'opposition. Faute d'un examen convenable du projet de loi à l'autre endroit, nous devions nous assurer que le Sénat accomplisse son devoir législatif et reçoive des réponses aux questions qui avaient été soulevées.

Honorables sénateurs, je commencerai par vous rappeler les préoccupations que nous avons entendues. Comme le parrain du projet de loi l'a signalé hier, cette mesure législative ratifiera le Traité de Marrakech, qui vise à faciliter l'accès aux documents imprimés en permettant à un organisme sans but lucratif de reproduire des documents sans devoir obtenir l'autorisation du titulaire du droit d'auteur.

Le projet de loi C-11 limite les exceptions prévues si l'œuvre est déjà accessible sur le marché. Certains ont critiqué cette restriction. Le ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique a toutefois fort bien expliqué au Comité sénatorial des banques et du commerce qu'elle est en fait souhaitable du point de vue du secteur sans but lucratif. En effet, elle aidera les organismes et les bénéficiaires à rendre les œuvres accessibles en recourant aux moyens habituels et leur évitera de devoir créer une copie sur un support différent, ce qui leur occasionnerait des frais. Elle pourrait même inciter les éditeurs à offrir dans le commerce un plus grand nombre de leurs produits sur différents supports.

Honorables sénateurs, si les éditeurs et les titulaires du droit d'auteur ne jugent pas viable, sur le plan commercial, la production d'œuvres sur différents supports accessibles aux personnes atteintes d'une déficience de lecture des imprimés, la restriction ne s'appliquera pas, et un organisme sans but lucratif pourra produire une copie sur un support différent sans que le titulaire du droit d'auteur s'en mêle. Cela dit, si l'accessibilité sur le marché crée un différend, les options offertes au titulaire du droit d'auteur sont limitées.

Du point de vue de l'utilisateur, il vaut la peine de souligner que c'est au titulaire du droit d'auteur qu'il incombe de défendre sa cause. Si la preuve est faite qu'un produit est bel et bien accessible sur le marché, le seul recours possible est l'injonction. Je ne vois pas pourquoi un éditeur qui a dépensé pour créer un produit convenant aux personnes atteintes d'une déficience de lecture des imprimés ne serait pas protégé contre quiconque copierait son travail. S'il n'existe pas de tel produit sur le marché, la question ne se pose pas, et un organisme sans but lucratif a le droit de rendre une œuvre accessible à une personne atteinte d'une déficience de lecture des imprimés dans un pays signataire du Traité de Marrakech.

Honorables sénateurs, la terminologie utilisée pour traiter de la disponibilité commerciale dans un autre pays est une source de préoccupation, surtout l'utilisation du mot « raisonnable ». Selon l'exception, un produit ne peut être reproduit :

[...] s'il est possible de se procurer l'œuvre [...] dans le pays de destination, à un prix et dans un délai raisonnables, et de le trouver moyennant des efforts raisonnables.

Un témoin représentant l'Association canadienne des bibliothèques s'est dit inquiet du manque de précision de ce terme et de la possibilité d'ambiguïté. Un fonctionnaire du ministère s'est dit satisfait de l'absence d'une définition du terme parce que la décision reviendrait ainsi à un tribunal compétent. Je suis plutôt d'accord. Nos tribunaux sont très compétents lorsque vient le temps de déterminer ce qui est raisonnable et ce qui ne l'est pas.

Honorables sénateurs, la deuxième préoccupation soulevée avait trait aux redevances imposées aux organismes sans but lucratif, établies dans la réglementation par le ministre. Le ministre Bains a fait valoir que cet article était en place pour permettre la souplesse nécessaire en vue de s'adapter aux besoins futurs. Il a par la suite rappelé au comité que les processus de réglementation requièrent des consultations publiques et qu'un ministre devrait tenir compte de l'incidence de la réglementation sur les organisations sans but lucratif et, de façon plus importante à mon avis, sur les utilisateurs finaux.

Le ministre a assuré au comité que le gouvernement n'avait aucunement l'intention d'imposer des redevances, et un de ses fonctionnaires a expliqué que l'article était une modification corrélative qui émanait d'une autre modification apportée à la Loi sur le droit d'auteur avant la conclusion du Traité de Marrakech.

Ma décision s'est également fondée sur le fait que le gouvernement du Canada assume une grande partie des coûts engagés par les organisations sans but lucratif pour convertir le matériel en format accessible. L'Institut national canadien pour les aveugles, ou INCA, est un exemple d'organisation sans but lucratif qui reproduit des œuvres dans des formats accessibles. Elle se fie sur les fonds publics qu'elle reçoit pour faire son travail.

Honorables sénateurs, d'autres préoccupations ont été soulevées pendant l'étude en comité, notamment le fait que les éditeurs doivent être protégés et puissent réaliser un profit sur leur investissement et leur travail. Cela a certainement été pris en considération par les fonctionnaires du ministère lors de l'élaboration du projet de loi, et ce serait un autre aspect à l'utilité discutable, compte tenu des limites de disponibilité commerciale.

(1440)

Honorables sénateurs, les membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce — rappelons qu'ils ont encore l'esprit bien aiguisé et qu'il n'y a pas grand-chose qui leur échappe — n'étaient pas tout à fait satisfaits en raison de la vitesse à laquelle le projet de loi a été adopté à l'autre endroit, et ils n'étaient guère à l'aise par rapport à la rapidité avec laquelle on s'attendait à ce qu'il soit adopté au Sénat. Cependant, au terme des délibérations, nous avons décidé d'appuyer les utilisateurs visés, soit les personnes ayant une déficience perceptuelle ou qui ont d'autres difficultés de lecture des textes imprimés sur un support conventionnel ainsi que les organismes sans but lucratif qui offre les services de reproduction et de distribution.

Honorables sénateurs, Diane Bergeron, de l'Institut national canadien pour les aveugles, qui est elle-même aveugle, a fait un témoignage passionné. Elle a fait part au comité du taux de chômage stupéfiant — 70 p. 100 — chez les personnes aveugles, en partie attribuable aux lacunes sur le plan des possibilités d'éducation et de formation, qui sont souvent associées aux imprimés. Sur un plan plus personnel, elle a aussi raconté qu'elle se servait de livres dont les pages contenaient, d'un côté, du texte en braille, et, de l'autre, des images afin d'enseigner à sa fille voyante comment lire et apprécier la littérature. De plus, elle a expliqué brièvement quels effets positifs peut avoir la coopération internationale lorsqu'il s'agit de produire et de diffuser du contenu offert en formats accessibles comme le braille, le format DAISY ou les livres audio.

Comme Mme Bergeron l'a signalé au comité, je devrais rappeler aux honorables sénateurs que les livres audio destinés aux personnes ayant une déficience visuelle ne sont pas identiques à ceux qui sont offerts au grand public. Ils nécessitent un équipement conçu spécialement pour permettre aux personnes ayant une déficience visuelle d'utiliser ce genre de contenu audio.

Mme Bergeron a aussi souligné que, lorsque son organisme reçoit une demande du Canada ou d'un autre pays signataire du Traité de Marrakech, il fait preuve de diligence raisonnable et s'assure qu'aucune version commerciale du produit demandé n'est disponible dans le pays de destination. Après avoir créé le format de rechange, ce qui peut prendre six mois, l'INCA s'assure, encore une fois, qu'aucune version commerciale du produit n'est disponible.

Honorables sénateurs, les utilisateurs soutiennent de tout cœur le projet de loi à l'étude. Comme la Loi sur le droit d'auteur sera réexaminée en 2017, le comité a décidé que son président devrait écrire au ministre pour l'informer des préoccupations du comité, et inviter la communauté d'utilisateurs à rester à l'affût des conséquences imprévues ou des difficultés qui pourraient découler des modifications apportées par le projet de loi C-11 et à informer le comité de toute difficulté en matière de coût et d'accès.

Honorables sénateurs, à titre de porte-parole pour le projet de loi C-11, je félicite le sénateur Harder d'avoir présenté cette mesure au Sénat. Je tiens aussi à remercier tous ceux qui ont communiqué avec les sénateurs pour leur faire connaître leurs préoccupations. Enfin, je rappelle que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce gardera l'œil sur les conséquences du projet de loi et verra à ce que le gouvernement actuel et les gouvernements futurs respectent l'objectif législatif et l'esprit du Traité de Marrakech.

Honorables sénateurs, les personnes qui ont des problèmes de vision ou des déficiences perceptuelles ont le droit de pouvoir lire ou écouter les livres et les articles auxquels tout le monde a accès. Je recommande donc vivement aux sénateurs de voter en faveur du projet de loi à l'étude. Merci.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, avant toute chose, je remercie le sénateur Enverga d'avoir si bien résumé les enjeux mentionnés pendant les audiences sur le projet de loi C-11.

Le droit d'auteur, comme le savent les honorables sénateurs, est le droit exclusif de l'auteur ou du titulaire du droit d'auteur de produire et de reproduire une œuvre sur quelque support que ce soit.

Ce dont il est question, c'est du support pouvant servir aux personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle. La question est la suivante : peut-on faire exception au droit exclusif du titulaire du droit d'auteur pour reproduire des œuvres sur ce support particulier et de cette façon particulière, afin que les œuvres soient lisibles en braille ou au moyen d'autres technologies nouvelles?

Nous avons fait des amendements dans cette enceinte. Nous avons étudié ces amendements il y a quelques années dans le cadre des travaux sur la Loi sur la modernisation du droit d'auteur. Nous avons ajouté une exception, y compris l'exception visant les étudiants, afin qu'ils puissent reproduire les œuvres au moyen d'une photocopieuse et les ramener à leur bureau ou à leur Chambre pour étudier. Cela a été jugé comme une utilisation équitable du droit d'auteur, et des redevances n'avaient pas à être versées.

La question des redevances est le problème, comme l'a mentionné le sénateur Enverga, et je vais y revenir dans un instant. Le titulaire du droit d'auteur peut habituellement exiger des redevances pour la reproduction d'une œuvre, à moins qu'il y ait une exception. Le Canada est signataire du Traité de Marrakech, ainsi que 16 ou 17 autres pays, si je ne m'abuse. On essaie d'obtenir 20 signataires; le traité serait ensuite officiel. Le Canada l'a signé.

Peu de grands pays l'ont accepté. Je dis bien « grands pays ». Les États-Unis ne l'ont pas encore ratifié, mais ils l'avaient accepté au début.

En acceptant le traité — qui a été élaboré par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle à Genève —, nous faisons preuve de leadership. On espère pouvoir faire adopter ce traité en tant que loi. Quoi qu'il en soit, nous demandons au Parlement d'adopter le projet de loi C-11, qui vise à modifier la Loi sur le droit d'auteur. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous avons déjà prévu une exception pour les personnes ayant une déficience perceptuelle et les personnes ayant une déficience visuelle. Nous disposons déjà d'une telle exception, mais elle ne cadrait pas avec les exigences du Traité de Marrakech élaboré par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Le gouvernement a donc présenté ce projet de loi, qui reprend essentiellement les termes utilisés dans le traité. Voilà ce dont il est question, honorables sénateurs.

L'honorable sénateur a parlé de deux préoccupations exprimées par l'une de nos témoins, Victoria Owen, qui est bibliothécaire à l'Université de Toronto. Elle a dit que les bibliothécaires craignaient que le ministère adopte à l'avenir des règlements exigeant le versement de redevances.

Une telle mesure serait inquiétante parce qu'elle pourrait être très coûteuse. Quant à l'identification des personnes physiques ou morales devant payer des redevances, les tribunaux sont saisis de nombreuses affaires portant sur des redevances qui auraient dû être versées et ne l'ont pas été. Cette préoccupation est donc bien réelle. Le ministre nous assure qu'il n'a pas l'intention d'imposer des redevances, mais cette possibilité existe. C'est l'un des sujets d'inquiétude.

Diane Bergeron, la personne malvoyante qui a comparu devant nous, a parlé de la façon dont elle a appris à lire à son enfant. Elle lisait le côté gauche en braille afin que sa fille, personne voyante, puisse lire les mêmes mots sur le côté droit du livre. C'est le genre de livre qui serait admissible en vertu de cette mesure législative.

(1450)

Honorables sénateurs, je tiens simplement à ajouter que, si nous tardons à adopter ce projet de loi afin de tenter de corriger les problèmes soulevés par le bibliothécaire en chef de l'Université de Toronto, nous allons rater l'occasion de faire preuve de leadership relativement au Traité de Marrakech. Comme nous l'a dit Diane Bergeron : « Je vous prie d'adopter le projet de loi, malgré ses défauts. » L'examen après cinq ans que nous avons fait inscrire il y a quatre ans dans la Loi sur la modernisation du droit d'auteur aura lieu l'an prochain. Si nous adoptons ce projet de loi maintenant, nous pourrons examiner son fonctionnement dans un an environ. Si l'examen révèle que cette mesure législative doit être améliorée, nous serons alors en mesure de faire ce qui s'impose.

Honorables sénateurs, je recommande que nous adoptions ce projet de loi.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et d'autres lois et comportant d'autres mesures

Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Campbell, appuyée par l'honorable sénateur Pratte, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-7, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et d'autres lois et comportant d'autres mesures, tel que modifié.

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, comme je traverse actuellement un épisode de la maladie de Ménière, je vous prie à l'avance d'excuser la qualité de mon intervention.

Certaines des interventions présentées hier étaient très complètes et utiles. J'aimerais aujourd'hui dire quelques mots sur la situation actuelle et sur ce qui nous y a menés.

Pour autant que je sache, les enjeux liés au moral des troupes au sein de la GRC remontent à plus de 40 ans. Il n'est pas nouveau que des agents, hommes et femmes indistinctement, soient victimes de harcèlement et d'intimidation. D'autre part, la pénurie de personnel, la question des renforts, les piètres salaires et le pouvoir absolu du commissaire, ainsi que l'impossibilité pour les simples agents d'exprimer leur point de vue en ce qui concerne la gestion de la GRC, sont d'autres problèmes qui existent depuis longtemps.

En 1977, la Commission royale d'enquête McDonald a été mise sur pied. La plupart d'entre nous se rappellent que, à cette période, la GRC avait pour ainsi dire perdu tout contrôle de la situation. Nous nous souvenons tous des incendies de granges et du fait que la GRC devait être sérieusement rappelée à l'ordre.

Trente ans plus tard, les rapports Brown et McAusland ont été publiés. Pour reprendre les paroles de M. David Brown, dont le rapport a été intitulé Rétablir la confiance, je précise qu'il avait été chargé de cette tâche parce que la direction de la GRC laissait gravement à désirer. Voilà une dure critique.

Le rapport Brown comportait 46 recommandations dont trois étaient très importantes : l'attribution d'un statut d'employeur distinct, la mise sur pied d'un conseil de gestion dirigé par des civils et la création d'une commission indépendante d'examen des plaintes. Je signale que ni l'une ni l'autre des deux premières recommandations n'a été mise en œuvre. Pour ce qui est de la troisième, qui portait sur une commission indépendante d'examen des plaintes, il a fallu attendre jusqu'à la présentation du projet de loi C-42, en 2013, pour qu'on y donne suite. Je précise toutefois que le commissaire n'est pas tenu de prendre les recommandations au sérieux et de les respecter.

En 2015, après que plusieurs décisions judiciaires eurent été rendues, la Cour supérieure s'est prononcée sur la négociation collective. En 1999, la Cour suprême a statué que les membres de la GRC ne pouvaient pas se syndiquer. La Cour estimait que, compte tenu de certains enjeux de sécurité, les agents de la GRC devaient former un groupe distinct des autres. Toutefois, en 2009, la Cour suprême de l'Ontario a statué que les membres de la GRC avaient le droit de former un syndicat.

En 2012, la décision rendue en 2009 a été invalidée par la Cour d'appel de l'Ontario et, en 2015, la Cour suprême a affirmé le droit des membres de la GRC à la négociation collective dans une décision à six contre un. Voici ce que les juges ont déclaré :

La liberté d'association [...] protège l'existence d'un processus véritable de négociation collective qui offre aux employés une liberté de choix et une indépendance suffisantes pour leur permettre de décider de leurs intérêts collectifs et de les défendre.

Ils ont également affirmé ceci :

[...] le régime actuel [...] prive les membres de la GRC de cette liberté de choix et leur impose un programme qui ne leur permet pas de définir et de faire valoir leurs préoccupations professionnelles à l'abri de l'influence de la direction.

Ils ont ensuite ajouté ce qui suit :

Bien que son mandat diffère de celui des autres forces policières, rien ne prouve que le fait d'accorder à la GRC un régime de relations de travail semblable à celui dont bénéficient d'autres forces policières aurait pour effet d'empêcher cet organisme de s'acquitter de son mandat.

En outre, les juges ont aussi déclaré ceci :

Aucun modèle particulier n'est requis; seulement un régime qui n'entrave pas substantiellement la tenue d'une véritable négociation collective et qui respecte donc [la liberté d'association].

J'estime donc que c'est seulement en adoptant le projet de loi modifié que nous pourrons mettre en œuvre une mesure législative conforme à la décision de la Cour suprême, qui a réclamé l'établissement d'un régime de « véritable négociation collective ».

Je suis convaincu que tous les sénateurs savent que, en mai de cette année, le Programme des représentants des relations fonctionnelles a officiellement été aboli par le commissaire Paulson, étant donné qu'il avait été déclaré inconstitutionnel par la Cour suprême. Il a été remplacé par le Programme de services en milieu de travail pour les membres qui, soit dit en passant, ne respecte pas non plus la décision de la Cour suprême, car il est lui aussi géré par l'employeur.

J'aimerais décrire brièvement certains problèmes propres au projet de loi C-7, qui ont amené le comité à proposer des amendements. Puisque la partie du projet de loi qui porte sur l'accréditation syndicale a été abordée de façon très approfondie par le sénateur Carignan, je vais passer directement aux neuf exclusions, qui empêchent la GRC de négocier autre chose que les salaires et les avantages sociaux et qui privent les membres de cette organisation de leur droit à une « véritable négociation collective », comme le préconise la Cour suprême.

Les exclusions signifient que le syndicat ne peut pas négocier à l'égard de tout problème lié à la pension; aux techniques de contrôle d'application de la loi, c'est-à-dire la façon dont ils se rendent au travail chaque jour et ce qu'ils font; aux transferts d'un poste à un autre et aux nominations. Ces gens peuvent être transférés n'importe où au Canada, n'importe où en Amérique du Nord et n'importe où dans le monde. Le commissaire s'est vanté de la distance à laquelle ils peuvent être envoyés.

La liste d'exclusions continue : les évaluations — il s'agit des évaluations annuelles; les stages; le licenciement ou la rétrogradation — on ne peut laisser le syndicat parler de cela; la conduite, y compris le harcèlement; les compétences de base pour l'exercice des fonctions à titre de membre de la GRC ou de réserviste; l'uniforme, la tenue vestimentaire, l'équipement et les médailles.

Cette liste, soit dit en passant, a été rédigée par des officiers supérieurs de la GRC. Le commissaire nous a dit qu'il avait demandé à ses subalternes de se charger de la rédaction de cette partie. Si cette liste d'exclusions est conservée, les dés seront encore pipés et la direction pourra continuer de faire ce qu'elle faisait. Le fait d'abolir ces exclusions permettrait plutôt au syndicat de rééquilibrer la GRC.

(1500)

Pendant l'étude du projet de loi, les honorables sénateurs ne doivent pas oublier que la GRC est le seul service policier du Canada auquel la loi accorde des exclusions comme celles-ci avant même que ses membres puissent se syndiquer. Les dés sont pipés.

L'une des principales questions qui ont été soulevées au comité est que le gouvernement considère la GRC comme un simple ministère et la traite comme telle. Le gouvernement se trouvait devant une alternative : il pouvait soit considérer la GRC comme un ministère et prévoir un syndicat comme dans tous les autres ministères fédéraux, soit reprendre le modèle de fonctionnement des autres services policiers.

Eh bien, il a décidé d'imposer à la GRC le modèle de la fonction publique sans tenir compte du fait que les membres de la GRC sont des policiers et des agents de la paix, et non des fonctionnaires comme les autres.

Selon les témoignages que le comité a entendus, la Cour suprême a conclu que les policiers sont très différents des fonctionnaires. Edward Aust a cité l'arrêt unanime de la Cour suprême R. c. Campbell, qui dit que les policiers sont des titulaires de charge publique, ce qui permet d'établir une nette distinction entre les agents de la GRC et les fonctionnaires. D'après la Cour suprême, ils ne sont pas des fonctionnaires et ne devraient pas être considérés comme tels pour ce qui est des négociations collectives.

Je crois qu'il n'y a pas un seul sénateur qui n'a pas reçu de courriel d'un membre de la GRC décrivant en détail les plaintes de harcèlement ou d'intimidation, les recours collectifs et les punitions inhabituelles ou injustes qui sont monnaie courante à la GRC.

Si le projet de loi C-7 est adopté tel qu'il a été modifié, les membres de la GRC pourront se syndiquer et s'attaquer aux problèmes de la force, mais cela ne se limite pas au harcèlement, à la dénonciation, à la protection, aux piètres conditions de travail et à la juste représentation. Toutes ces questions seront étudiées. Cela améliorerait aussi le moral et la cohésion de la force de même que la perception que les citoyens ont de la GRC.

Ces changements ne se feront pas du jour au lendemain, mais le fait de donner aux membres la possibilité de discuter avec la direction et d'avoir leur mot à dire à propos des questions qui ont une incidence sur leur vie et leur travail ne peut être que salutaire.

Des dizaines d'agents de la GRC ont parlé des problèmes de la GRC au comité. Ils ont dit qu'ils estimaient avoir besoin d'un syndicat en bonne et due forme pour s'y attaquer.

Un des plus graves est la difficulté d'obtenir rapidement des renforts. Dans une ville comme Toronto ou Calgary, il y a toujours des renforts à proximité en cas de besoin. Ils arrivent en quelques minutes, voire quelques secondes, si un policier est en danger. Or, dans la GRC un détachement peut devoir attendre des heures que les renforts arrivent.

Les membres réguliers veulent que nous les aidions à corriger ce problème. D'autres problèmes concernent des choses simples, comme l'équipement. Je pense aux plaintes reçues à mon bureau au sujet des carabines. Pendant des années, la GRC n'a pas fourni de carabines. Les carabines sont des armes d'épaule plus efficaces que les armes de poing pour maîtriser quelqu'un à distance. Elles sont sans contredit nécessaires. Les choses auraient pu tourner différemment à Mayerthorpe et à Moncton si les agents en avaient eu ces armes. Ces besoins sont une question de vie ou de mort pour la GRC.

Pour savoir s'il manque d'effectifs, on calcule souvent le nombre de policiers par habitants dans un lieu donné. La Division E de la GRC, par exemple, dont le territoire couvre la quasi-totalité de la Colombie-Britannique, compte 1 policier pour 723 citoyens. Autrement dit, chaque policier ou policière protège 723 de ses concitoyens. À Victoria, en revanche, on compte 1 policier pour 425 citoyens. Nous sommes pourtant dans la même province. Les policiers de Victoria ont 40 p. 100 moins de citoyens sur qui veiller. Et à Vancouver? Là-bas, on compte 1 policier pour 499 citoyens; les policiers vancouvérois doivent donc s'occuper de 30 p. 100 mois de citoyens que leurs collègues de la police montée du reste de la province.

Ce ratio n'est pas le seul moyen permettant d'évaluer la charge de travail des policiers, mais de tels écarts sont tout de même révélateurs du manque d'effectifs.

Le comité a entendu le témoignage de nombreux membres de la GRC qui ne font pas confiance aux gilets pare-balles dont ils sont équipés, qui datent pour plupart d'il y a 25 ans et qui ne sont pas de la plus grande efficacité.

Son Honneur le Président : Pardonnez-moi, sénateur Kenny, mais votre temps de parole est écoulé. Souhaitez-vous demander cinq minutes de plus?

Le sénateur Kenny : S'il vous plaît, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous avez cinq minutes de plus, sénateur Kenny.

Le sénateur Kenny : Je vais accélérer la cadence.

De nombreux membres de la GRC souhaiteraient également que leur uniforme soit plus foncé. Ils voudraient que tous les morceaux soient assortis et aient la même apparence. Ils craignent que, en cas de fusillade, le tireur ne vise les parties plus pâles qui ne sont pas recouvertes par le gilet pare-balles. Je ne peux pas concevoir qu'on envoie nos policiers affronter le danger sans les équiper de gilets pare-balles efficaces.

Bon nombre d'agents sont aussi surmenés, ce qui leur cause du stress. Cette situation découle du manque de financement par le gouvernement. Présentement, il manque de policiers dans les rues et les tâches administratives sont beaucoup trop lourdes. Il s'agit en fait d'un effet indésirable de la Charte des droits et libertés. Depuis son entrée en vigueur, en 1982, la quantité de formulaires à remplir a carrément explosé, puisque les policiers doivent fournir toutes sortes de données aux tribunaux.

Eh bien, l'Université de Fraser Valley a réalisé une étude qui couvrait une période de 30 ans et qui a montré que le temps consacré aux formalités administratives avait explosé. Les chiffres suivants portent sur la période entre 1983 et 2003, mais l'étude est toujours en cours : les cas d'entrée par effraction, qu'on traitait en une heure avant la Charte, entraînent maintenant de 5 à 10 heures de travail administratif. On se demande pourquoi on ne voit pas d'agents de police dans la rue. Ils sont tous en train de rédiger les documents pour des appels interjetés devant les tribunaux. Avant, il fallait une heure pour traiter les cas de conduite avec facultés affaiblies; aujourd'hui, il en faut cinq. Les cas de violence familiale prenaient une heure à traiter; aujourd'hui, il faut de 10 à 12 heures de travail administratif pour les traiter.

En 2007, David Brown — le responsable de l'étude — a fait état d'un manque d'effectifs de l'ordre de 25 à 30 p. 100 dans tous les détachements qu'il a visités au cours de son étude de trois ans.

Au Sénat, un groupe de sénateurs a préparé le rapport intitulé Vers une revitalisation de la tunique rouge et a conclu qu'il manquait 5 000 membres au sein de la GRC. Il en manque beaucoup. Il manque presque un tiers de l'effectif normal.

(1510)

J'ai beaucoup à dire sur la protection des dénonciateurs et sur la gestion des promotions. On a pu constater, au premier rang des problèmes à résoudre concernant les promotions — car nous les avons incluses dans l'une des exceptions —, que la proportion des concours de la GRC qui étaient annoncés équivalait à seulement 70 p. 100, selon le rapport intitulé Égalité entre les sexes et respect publié en 2012 par la GRC. Qu'en était-il des 30 autres concours sur 100? Personne n'a été mis au courant de ces concours. Personne n'a pu poser sa candidature pour obtenir ces postes. Tout à coup, on annonce la promotion de monsieur ou madame Untel comme inspecteur. Les autres se disent : « Pourquoi pas moi? »

Donc, une grande organisation accorde des promotions à certaines personnes et ne prévient même pas les autres employés admissibles qu'ils pourraient participer à un concours. Un syndicat ne fera qu'une bouchée de ces pratiques, je vous le garantis, et ce sera tant mieux.

Si je puis me permettre, Votre Honneur, je voudrais terminer en disant qu'il ne fait aucun doute dans mon esprit que nous réservons un traitement injuste aux membres de la GRC depuis des années. Ce projet de loi, tel que modifié, est l'occasion de commencer à remédier à cette situation en ce qui a trait à leur rémunération, leur sécurité et leurs conditions de travail, qui sont importantes pour leur moral et pour l'efficacité d'une institution qui nous est très chère, à tous.

Il est évident qu'il faut absolument éliminer les neuf exceptions si nous voulons que les membres de la GRC aient une chance réelle de résoudre ces problèmes cruciaux. Si le Sénat n'appuie pas la version modifiée du projet de loi, je crains que la situation au sein de la GRC ne change pas.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2016

Troisième lecture—Débat

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-15, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d'autres mesures, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je vous demande aujourd'hui votre appui pour l'adoption du projet de loi C-15, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Comme vous le savez, le projet de loi met en œuvre les dispositions relatives aux mesures budgétaires du gouvernement visant à renforcer la classe moyenne et à stimuler la croissance économique. Le projet de loi C-15 concrétise bon nombre des engagements clés qu'a pris le gouvernement envers les Canadiens. La population s'attend à ce que ces éléments du budget soient mis en œuvre rapidement, et elle le mérite.

Pour le faire, nous devons adopter le projet de loi C-15. Il reflète la volonté démocratique des Canadiens et leur désir d'une croissance économique inclusive. Le projet de loi C-15 aura une incidence immédiate sur la vie des gens. À un moment où de nombreux Canadiens ont du mal à joindre les deux bouts, cette mesure législative est une initiative essentielle pour assurer la croissance de la classe moyenne et revitaliser l'économie du pays. Elle améliorera l'équité et la prospérité au pays.

L'une des pierres angulaires du projet de loi, par exemple, est la nouvelle Allocation canadienne pour enfants, qui vise à aider les familles à faire face à ce qu'il en coûte pour élever leurs enfants. Cette allocation est plus simple et plus généreuse que les prestations fédérales actuelles, et elle est non imposable. Elle permettra à neuf familles canadiennes sur dix de toucher des prestations mensuelles plus élevées et elle sortira des centaines de milliers d'enfants de la pauvreté.

L'allocation sera plus avantageuse pour les familles, qui auront les moyens d'envoyer leurs enfants à un camp cet été ou de les inscrire au hockey ou à des cours de musique cet automne, et de subvenir à leurs besoins quotidiens.

Il nous incombe de nous assurer d'adopter le plus rapidement possible le projet de loi afin de veiller à ce que les familles canadiennes qui travaillent si fort reçoivent le soutien qu'elles méritent.

En plus d'aider les jeunes familles, le gouvernement est déterminé à offrir une aide aux Canadiens vulnérables d'un certain âge en bonifiant le train de programmes destinés aux retraités.

Il convient de mentionner que, hier, en compagnie de ses homologues provinciaux, le ministre des Finances est arrivé à une entente historique sur l'amélioration du Régime de pensions du Canada qui permettra aux retraités d'aujourd'hui de jouir de la même sécurité financière que les retraités des précédentes générations.

Dans le projet de loi C-15, le gouvernement cherche à aider les aînés vulnérables en augmentant le Supplément de revenu garanti, également appelé SRG, de 10 p. 100. Cela représente une augmentation d'environ 947 $ par année, ce qui améliorera considérablement la qualité de vie des aînés vivant seuls, majoritairement des femmes. Cependant, les Canadiens ne pourront bénéficier d'aucun de ces avantages, dont l'Allocation canadienne pour enfants, si nous n'adoptons pas le projet de loi.

Tout le monde sait que ce fut une année précaire pour l'économie canadienne, surtout dans les régions du pays tributaires de ressources. Pour aider ces régions et donc l'ensemble du pays à surmonter ces difficultés, le projet de loi C-15 propose des modifications importantes qui amélioreront le régime d'assurance- emploi. Les changements apportés aux règles d'admissibilité faciliteront l'accès aux prestations des travailleurs et de ceux qui réintègrent le marché du travail.

Afin d'alléger leur fardeau, le gouvernement prolongera les prestations d'assurance-emploi dans les régions affectées par l'effondrement du prix du pétrole et d'autres marchandises. Cette mesure viendra en aide aux habitants de certaines régions de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Nord de l'Ontario et de Terre- Neuve-et-Labrador.

Le délai de carence qui précède le versement des prestations, lui, passera de deux semaines à une, ce qui devrait alléger quelque peu le fardeau que portent tant de Canadiens en cette période difficile. Je vous demande une fois de plus d'adopter le projet de loi pour que toutes ces prestations puissent être versées rapidement aux Canadiens.

Le budget rétablit l'accès à des services essentiels pour les anciens combattants et il assure une sécurité financière à long terme à ceux d'entre eux qui sont blessés. En outre, les anciens combattants canadiens pourront jouir de services locaux et communautaires et de la disponibilité accrue des gestionnaires de cas.

Le budget investit également en vue d'assurer une application efficace des règles fiscales, ce qui consistera notamment à lutter contre l'évasion fiscale, à éliminer les avantages fiscaux indus et à améliorer l'intégrité de notre système fiscal.

En outre, le projet de loi C-15 veille sur la stabilité du secteur financier du Canada, de renommée mondiale, en renforçant les règles concernant les institutions financières. Pour y arriver, il faut établir un équilibre entre, d'une part, la nécessité de maintenir la stabilité et la compétitivité et, d'autre part, les besoins des consommateurs et des entreprises.

Honorables sénateurs, ces politiques, qui ont été étudiées en profondeur dans cette enceinte et en comité, seront indispensables pour la réussite à long terme du Canada. Par ailleurs, les politiques budgétaires contribueront à la croissance de la classe moyenne et à la revitalisation de l'économie, ce qui fera du Canada un pays plus juste et plus prospère. Voilà le plan que les Canadiens ont choisi pour leur avenir.

Je suis d'avis que nous devons agir rapidement pour adopter le projet de loi C-15, afin que les avantages dont j'ai parlé profitent le plus tôt possible aux bénéficiaires visés. Faisons ce qui s'impose et adoptons ce projet de loi.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je veux remercier le sénateur Smith et les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales de leur travail. Le comité a formulé une série d'excellentes observations qui expliquent clairement ses réserves à propos du projet de loi.

Je tiens à attirer votre attention sur un sujet en particulier, mais je vais d'abord signaler que trois comités distincts, outre celui des finances, se sont penchés sur divers éléments du projet de loi C-15, Loi no 1 d'exécution du budget de 2016, notamment le Comité de la sécurité nationale et de la défense, qui a étudié la section 2 de la partie 4. Ces éléments se trouvent tous dans la partie 4. Il y a la taxe d'accise, l'impôt sur le revenu, puis la partie 4.

En conséquence, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se sont eux aussi penché sur diverses parties du projet de loi.

(1520)

Il y a donc trois comités en cause : le Comité de la défense, le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, et le Comité des banques. Vous pourrez consulter les trois rapports correspondants, qui figurent à l'ordre du jour.

Quelques questions ont été soulevées. Il y en avait une que je voulais porter à votre attention, à savoir le fait de rétablir à 65 ans, plutôt que 67, l'âge de l'admissibilité à la pension de vieillesse. Je crois que cette mesure envoie un mauvais message. J'ai été très déçu de la voir intégrée dans le projet de loi. Il y a à peu près un an, l'âge de l'admissibilité avait été porté à 67 ans, mais la mesure ne devait entrer pleinement en vigueur que dans sept ou huit ans. Nous aurions donc eu tout le temps de réexaminer cette mesure, qui n'a pas d'effet immédiat.

Les gens vivent plus longtemps, et les finances du gouvernement sont limitées. Beaucoup de gens ne prennent pas leur retraite à 65 ans, mais continuent de travailler. En conséquence, je pense que modifier la loi pour porter l'âge de la retraite à 67 ans était une bonne mesure. Je regrette que cela ait été changé.

Plusieurs crédits d'impôt non remboursables sont éliminés. Ils concernaient entre autres les leçons de musique, les activités sportives et l'équipement de sport. Ils sont coûteux à administrer et ne font que compliquer l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu. Je suis donc très heureux qu'on les supprime. C'est ce que fait le projet de loi. C'est une bonne décision.

La section 8 de la partie 4 du projet de loi modifie la Loi sur la gestion des finances publiques. La partie IV de la Loi sur la gestion des finances publiques confère au gouvernement le pouvoir de contracter des emprunts sur les marchés financiers et autorise le ministre des Finances, avec l'approbation du gouverneur en conseil, à émettre des titres et à entreprendre des activités connexes.

Avant 2007, le ministre des Finances devait obtenir l'autorisation du Parlement pour augmenter les emprunts. Des modifications apportées cette année-là à la Loi sur la gestion des finances publiques ont éliminé cette obligation.

La section 8 de la mesure législative modifie la Loi sur la gestion des finances publiques de manière à rétablir l'obligation, pour le ministre des Finances, de demander l'autorisation du Parlement pour contracter des emprunts. Cette question est dans l'air depuis que nous l'avons laissée passer entre les mailles du filet dans un énorme projet de loi omnibus. Nous l'avons laissée passer jusqu'à ce qu'il soit trop tard et que le pouvoir d'emprunter sans demander l'autorisation du Parlement soit inséré dans la loi. Je me réjouis que l'obligation d'obtenir l'autorisation du Parlement ait été rétablie.

Nous examinons en ce moment les dépenses du gouvernement et les emprunts nécessaires pour les effectuer. Cela fait partie de nos principales fonctions. J'ai été très heureux de constater le rétablissement de cette obligation.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-15 est essentiellement un projet de loi d'exécution du budget. C'est le premier. Il y en aura probablement un autre. Il va de pair avec les crédits suivant le processus budgétaire dont nous avons parlé. Nous en reparlerons peut-être aujourd'hui, à l'étape de la troisième lecture. La mesure législative dont nous sommes saisis porte sur la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur les douanes ainsi que diverses autres mesures législatives et les modifications qui s'y rapportent. Elle est essentielle à l'existence du gouvernement. Elle suit le budget qui a été présenté, à l'égard duquel elle revêt une importance fondamentale.

Le rejet de cette mesure législative à l'autre endroit pourrait déclencher des élections. D'ordinaire, les votes sur les mesures législatives concernant les finances sont des votes de confiance. Les projets de loi relatifs aux finances sont manifestement des questions de confiance, mais nous pouvons formuler toutes les observations que nous voulons. Je félicite le Comité des finances de le faire. Les observations exprimées sont fort utiles et seront transmises au ministre pour qu'il connaisse nos préoccupations. Il ne s'agit pas d'amendements, parce que la confiance de l'autre endroit envers le gouvernement serait compromise s'ils étaient acceptés. Nous savons que ce ne sera pas le cas.

Cela dit, honorables sénateurs, nous avons fait certaines observations, y compris au Comité des finances et pendant le débat. Je crois que c'est très sain. Cela fait partie de notre rôle. Il serait inapproprié de notre part de proposer des amendements à ce projet de loi, et je recommande que nous adoptions le projet de loi tel qu'il nous est présenté.

Merci, honorables sénateurs.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est presque 15 h 30, au lieu de devoir interrompre le prochain intervenant, je suggère que nous passions à la période des questions. Le ministre est à l'extérieur. Il lui faudra quelques minutes pour entrer et s'asseoir. Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l'honorable Lawrence MacAulay, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le ministre de l'Agriculture est avec nous aujourd'hui afin de participer à nos délibérations en répondant à des questions concernant ses responsabilités ministérielles.

Bienvenue, monsieur le ministre MacAulay.

[Français]

Le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire

Les obstacles au commerce intérieur

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Bienvenue, monsieur le ministre. Ma question porte sur un rapport que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a rendu public récemment et qui s'intitule Des murs à démolir : Démantèlement des barrières au commerce intérieur au Canada. Je suis heureux de vous dire que ce rapport a reçu beaucoup d'attention.

Bien qu'il porte sur le commerce intérieur en général, ce rapport fait ressortir, de différentes façons, le fait que les barrières nuisent en particulier au secteur agricole canadien. À titre d'exemple, les normes fédérales et provinciales concernant le yogourt, le sirop d'érable, les aliments biologiques et la taille des contenants de crème à café et de lait varient. Il y a des différences entre les règlements fédéraux et provinciaux en ce qui concerne la viande, ce qui signifie que la viande traitée dans les abattoirs qui sont régis par une province ne peut pas être vendue à l'extérieur des frontières provinciales, contrairement à la viande qui est traitée dans les abattoirs sous réglementation fédérale. De même, le fromage non pasteurisé qui est produit au Québec ne peut être vendu à l'extérieur de la province de Québec. Ce ne sont là que quelques exemples soulevés dans l'excellent rapport qu'a préparé le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles mesures vous avez prises ou celles que vous entendez prendre pour supprimer les barrières commerciales qui relèvent de votre compétence?

[Traduction]

L'honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Je vous remercie de m'avoir invité au Sénat. N'importe quel député de la Chambre des communes aspire toujours à venir dans cette enceinte.

Le sénateur Carignan : Inscrivez-vous sur la liste.

M. MacAulay : Je suppose que je ne suis ici qu'à titre temporaire. C'est certainement un honneur. Je suis heureux de pouvoir répondre à vos questions et à vos préoccupations. C'est très important.

Le commerce intérieur est une question importante depuis de nombreuses années, en tout cas depuis mon arrivée à la Chambre des communes. Vous avez mentionné l'exemple des établissements de transformation de la viande.

(1530)

J'ai sillonné le pays et rencontré, dans plusieurs provinces, de petits groupes de producteurs de bœuf et des propriétaires d'abattoirs. Dans ce secteur de l'économie, un produit qui vient du Québec, juste de l'autre côté du pont, ne peut pas être transporté en Ontario.

Je comprends vos préoccupations. Une certification de l'ACIA pourrait rectifier la situation. Nous travaillons à temps plein sur ce dossier. Je suis conscient que le commerce intérieur est d'une importance prioritaire non seulement pour moi, mais pour le gouvernement.

Le Canada est un pays commerçant, comme on le sait, mais il faut aussi favoriser le commerce à l'intérieur du pays. C'est pourquoi nous travaillons avec nos homologues provinciaux et territoriaux afin de nous attaquer aux grands problèmes liés au commerce intérieur.

Honorables sénateurs, il s'agit d'un problème qui dure depuis déjà longtemps. Une réglementation plus efficace des marchés internes favorisera la compétitivité et l'innovation du secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire, en plus de réduire les coûts et d'accroître la productivité. La réduction des obstacles au commerce intérieur vient compléter le travail que fait le Canada pour promouvoir le commerce international. Comme je l'ai déjà dit, nous mettons beaucoup l'accent sur le commerce international, mais le commerce intérieur traîne de la patte.

Je serai heureux d'entendre les commentaires des honorables sénateurs. Nous voulons éliminer les obstacles, de sorte qu'un produit provenant du Québec puisse traverser la frontière jusqu'en Ontario, ou qu'un produit du Nouveau-Brunswick puisse être envoyé à l'Île-du-Prince-Édouard. C'est l'objectif que nous poursuivons. Ce problème n'a rien de nouveau, mais il est temps de le régler. Je vous remercie de votre question.

L'Accord économique et commercial global

L'honorable Terry M. Mercer : Bon après-midi, monsieur le ministre. Votre présence au Sénat est la bienvenue. Il est dommage que ce ne soit que pour un bref instant. J'aurais souhaité que vous restiez beaucoup plus longtemps.

Comme vous le savez, je suis vice-président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. En ce moment, nous étudions l'accès aux marchés internationaux pour le secteur agricole et agroalimentaire du Canada. Nous présenterons bientôt un rapport sur le sujet. Le Canada est le premier exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires par habitant, un secteur qui rapporte des milliards de dollars à l'économie.

On parle beaucoup dernièrement des accords commerciaux majeurs qui pourraient avoir une incidence sur la capacité du Canada d'exporter ses produits, notamment le Partenariat transpacifique et l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne. Je crois que vous conviendrez que les gens s'inquiètent de l'incidence éventuelle de ces accords sur notre capacité concurrentielle dans le monde. À quel point êtes-vous convaincu que ces accords permettront effectivement au Canada d'accroître ses parts de marché?

L'honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Merci beaucoup, sénateur Mercer, de votre question.

Nous avons l'intention de ratifier l'Accord économique et commercial global. Il s'agit d'un accord historique qui nous donne accès à un marché de 500 millions de personnes dont le PIB s'élève à 20 billions de dollars. La ministre du Commerce international travaille extrêmement dur pour faire en sorte que ces accords soient ratifiés.

L'Accord économique et commercial global sera bénéfique pour le secteur agricole et agroalimentaire du Canada, car il ouvre des marchés de taille pour nos produits. Nous sommes également pleinement conscients de la nécessité d'offrir un soutien à la transition à notre industrie laitière. C'est pourquoi, au début mai, la ministre du Commerce international et moi avons voyagé partout au pays pour rencontrer les intervenants de l'industrie laitière et des autres secteurs agricoles touchés par l'Accord économique et commercial global.

Nous avons rencontré les producteurs laitiers et les transformateurs et, au cours des prochaines semaines, nous mettrons à profit ces discussions très productives pour préparer un train de mesures de transition approprié et trouver une solution viable à long terme aux difficultés auxquelles l'industrie laitière du Canada doit faire face. En outre, nous continuons nos consultations ouvertes partout au pays concernant le Partenariat transpacifique.

Je pense qu'il est important que les honorables sénateurs sachent que j'ai été producteur laitier et producteur de pommes de terre de semence à l'Île-du-Prince-Édouard. C'est assez intéressant : j'ai parfois l'impression d'être assis du mauvais côté de la table.

Le sénateur Plett : Voulez-vous venir de ce côté-ci?

M. MacAulay : Ce que je veux dire, c'est que, comme j'ai déjà été assis du côté des agriculteurs plutôt que de celui du gouvernement, j'ai pu, au fil des ans, me forger différentes opinions quant à la façon dont le gouvernement traite les agriculteurs. Maintenant que je fais partie du gouvernement, la situation est assez intéressante, mais je pense que vous conviendrez que, comme j'ai de l'expérience dans le secteur agricole, je sais ce que peuvent vivre les agriculteurs. Il faut donc faire affaire avec le gouvernement et veiller à ce que le train de mesures approprié soit élaboré. C'est très intéressant, et je pense qu'il est important que vous sachiez de quel côté mon cœur balance. Je vous remercie.

[Français]

Les obstacles au commerce intérieur—Le lait diafiltré

L'honorable Ghislain Maltais : Bienvenue, monsieur le ministre. Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, dont je suis président, a parcouru le Canada. Nous avons entendu plus de 200 témoins, producteurs, transformateurs, importateurs et exportateurs.

Il est évident que les traités de libre-échange Canada-Europe et Canada-Asie, avec le Partenariat transpacifique, donnent lieu à une ouverture de marché exceptionnelle pour le Canada, et surtout pour les producteurs agricoles, dans une perspective de 5, 10 et 15 ans.

Vous avez parlé, dans votre politique, d'un comité qui se penchera sur les nouvelles technologies agricoles. Vous devriez peut-être demander à votre comité de consulter l'ancien président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, le sénateur Mockler, qui, l'an dernier, a produit un excellent rapport sur les nouvelles technologies agricoles. Cela éviterait les dédoublements.

Vous avez soulevé un point, en réponse à la question du leader de l'opposition, le sénateur Carignan, concernant les barrières tarifaires entre les provinces. J'ai bien écouté votre réponse. Dans le cadre de la prochaine réunion du Conseil de la fédération, vous pourriez demander au premier ministre du Canada de mettre ce point à l'ordre du jour pour que la question de l'élimination des barrières soit examinée. On parle de traités de libre-échange avec d'autres pays; or, il est vraiment extraordinaire que nos provinces ne puissent commercer entre elles. C'est là un aspect important que les agriculteurs canadiens ont souligné.

Monsieur le ministre, il reste un problème majeur, celui du lait diafiltré, qui fait perdre aux producteurs canadiens des centaines de millions de dollars. Vous savez comme moi que ce produit entre au Canada de façon illégale. Nous ne devrions pas attendre plus longtemps pour mettre fin à cette pratique. Pour ce faire, il faut seulement de la volonté de votre part et de votre gouvernement.

[Traduction]

L'honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Merci beaucoup de cette question. Je suis très reconnaissant à l'honorable sénateur de son intervention. Je tiens à lui assurer que, s'il existe des études ou des renseignements pertinents, je tiens certainement à les consulter. Plus que quiconque, je tiens à mettre la main sur des renseignements que le président du comité ou toute autre personne aurait en sa possession et qui seraient susceptibles d'aider le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

Je pense qu'il serait tout à fait regrettable de tenir de nouveau des audiences si nous possédons déjà les renseignements nécessaires. Il est inutile de faire cela. Je saurais gré au sénateur de m'informer ou de veiller à ce que je reçoive le rapport de l'ancien président du comité puisqu'il est inutile de faire les mêmes choses deux fois. Les dédoublements inutiles sont fréquents. Si vous avez un rapport et avez transcrit des interventions, je souhaiterais vivement en prendre connaissance.

Vous avez également parlé de commerce interprovincial. J'ai quelque peu répondu à cette question plus tôt, et j'espère que nous pourrons améliorer la situation parce qu'elle est difficile dans bon nombre de secteurs agricoles.

Le problème du lait diafiltré — et je suis au courant de la situation — me préoccupe beaucoup et je peux vous assurer que le gouvernement s'en préoccupe lui aussi grandement. C'est un problème qui dure depuis six ou sept ans et qui ne s'améliore pas.

(1540)

C'est pourquoi nous avons mené des consultations auprès des producteurs laitiers et des transformateurs de produits laitiers d'un bout à l'autre du pays. J'espère et je crois que nous serons en mesure d'élaborer une politique qui assurera la durabilité et la viabilité à long terme de l'industrie laitière. Il faut que cela se produise. Je vous remercie, Votre Honneur.

La Chine—La réglementation du canola

L'honorable Victor Oh : Monsieur le ministre, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Le canola est le principal produit agricole que le Canada exporte en Chine. La valeur des exportations de ce produit se chiffre à environ 2 milliards de dollars par année. Il n'est donc pas surprenant que de vives inquiétudes aient été soulevées plus tôt cette année quand la Chine a informé l'Agence canadienne d'inspection des aliments qu'elle modifiera sa réglementation concernant les impuretés dans le canola, à savoir les matières étrangères dans le grain devant être retirées avant le classement.

Cette modification de la réglementation est attribuable aux préoccupations des Chinois au sujet de la jambe noire, une maladie touchant les récoltes de canola que les Chinois craignent voir se propager à leurs récoltes par l'intermédiaire d'importations de canola.

À titre de coprésident de l'Association législative Canada-Chine, je sais que, durant notre visite annuelle en Chine en mars dernier, des préoccupations ont été soulevées à propos de cette modification. Les Chinois ont annoncé que la mise en œuvre de la nouvelle réglementation serait retardée du 1er avril au 1er septembre 2016. Il reste un peu plus de deux mois pour régler cette affaire.

Monsieur le ministre, quelles seront les répercussions possibles de cette nouvelle réglementation sur les échanges de canola entre le Canada et la Chine? Lors de votre voyage en Chine plus tôt ce mois- ci, des progrès ont-ils réalisés dans l'atteinte d'une solution durable et fondée sur des données scientifiques? Sommes-nous sur le point de trouver une solution à ce problème?

L'honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Merci beaucoup. Je veux remercier mon bon ami, le sénateur Oh, de sa question. Elle est importante.

D'abord, je tiens à dire que le sénateur Oh est un atout majeur dans n'importe quel dossier qui concerne la Chine. J'ai eu l'immense privilège de me rendre en Chine avec ce grand sénateur canadien et je l'ai vu à l'œuvre lorsqu'il n'était pas quelque part en train de conclure une entente. C'était intéressant.

Je peux vous assurer que nos fonctionnaires collaborent avec les fonctionnaires chinois afin que nous puissions présenter une bonne entente en septembre.

Le canola est très important. Il convient de souligner que c'est un produit génétiquement modifié produit au Canada par les scientifiques d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, ce dont notre pays peut s'enorgueillir. Nous en vendons pour 2 milliards de dollars au grand pays qu'est la Chine. Nous avons bien certains problèmes en ce qui concerne la réglementation, mais je peux vous dire, honorables sénateurs, que le sénateur Oh, mon honorable collègue, peut grandement nous aider. De plus, lorsque j'étais en Chine, j'ai eu le privilège de rencontrer le ministre responsable de l'AQSIQ, qui est l'équivalent de l'ACIA ici, au pays. Ce fut une excellente rencontre. J'ai aussi rencontré le ministre Han. Nous avons eu un entretien très intéressant avec lui; il a souligné à quel point ces échanges commerciaux sont importants pour la Chine. Qui plus est, je crois que nous avons établi de bons rapports. Selon moi, il est essentiel de discuter avec le ministre responsable des pays avec lesquels nous voulons conclure un accord. C'est très important. J'espère avoir établi de bons rapports avec le ministre Han.

L'ambassadeur de la Chine au Canada, M. Luo, appuie sans réserve les échanges commerciaux entre le Canada et la Chine. Quand nous avons des problèmes, si j'appelle l'ambassadeur, qu'il soit à Vancouver ou ailleurs, il me répond toujours, et je crois qu'il a des liens directs avec Beijing. C'est très utile.

Je n'ai pas besoin de vous rappeler les difficultés que nous avons éprouvées, mais je peux vous assurer que, avec l'aide de mes collaborateurs et de l'ambassadeur Luo, nous avons réussi à corriger certains problèmes qui auraient pu coûter cher aux agriculteurs.

Je remercie donc l'ambassadeur Luo, et j'en profite pour vous remercier aussi, sénateur, de toute l'aide que vous nous avez fournie et que vous nous fournirez encore, j'en suis sûr. Nous en avons besoin.

[Français]

L'Agence canadienne d'inspection des aliments

L'honorable Claudette Tardif : Monsieur le ministre, lors d'une récente mission d'étude du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts en Alberta, certains témoins ont soulevé des préoccupations quant à la perte de compétences et au manque de ressources à l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Selon eux, ce manque de ressources entraîne des retards et des coûts supplémentaires dans le secteur canadien de la viande et en ce qui a trait à d'autres produits agricoles.

Les problèmes liés à l'importation de lait diafiltré — mon collègue, le sénateur Maltais, en a fait mention — et de volaille de réforme sont parfois attribués au manque de ressources de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Monsieur le ministre, de quelle façon comptez-vous remédier à ces problèmes?

[Traduction]

L'honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Je remercie la sénatrice de sa question. Les organismes et agences doivent être financés adéquatement, c'est un fait indéniable. Dans le dernier budget, nous avons affecté 38,5 millions de dollars à l'embauche de nouveaux inspecteurs.

C'est extrêmement important d'avoir des inspecteurs compétents, et pas juste ici : ailleurs dans le monde aussi. Nos produits sont d'excellente qualité et ils répondent aux meilleures normes de salubrité; c'est à nous, maintenant, de faire le nécessaire pour que nos marchés se taillent une place sur la scène internationale.

Agriculture Canada compte 35 agents commerciaux et ambassades de par le monde, et c'est très important que nous soyons présents sur place, que ce soit ici même ou ailleurs sur la planète. Nous devons tout faire pour que nos produits se vendent, à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières. Je reprends d'ailleurs à mon compte l'exemple du canola qu'a donné le sénateur Oh : cette céréale a permis au Canada de réaliser une percée scientifique marquante. Quand je suis entré en fonction, j'ai regardé ce qui se passe un peu partout dans le monde, on m'a bien expliqué ce qui arrive à la classe moyenne, surtout parmi la communauté asiatique, et j'ai constaté que nous avions beaucoup de pain sur la planche. Je suis toutefois convaincu que le secteur agricole en sortira gagnant, pourvu que nous réussissions à relever ce défi. Si ce n'est pas nous, ce sera quelqu'un d'autre, alors aussi bien nous y mettre. À ce propos, sénatrice, avec votre aide et celle de tous les sénateurs qui voudront bien mettre la main à la pâte pour que nous entretenions de bons rapports avec les autres pays — même s'ils sont déjà raisonnablement bons, je dois le dire — et à condition que l'ACIA soit financée adéquatement, je crois que les agriculteurs canadiens peuvent avoir confiance en l'avenir.

J'ai abordé la question du lait diafiltré. À vrai dire, j'en rêve la nuit. Nous traitons la question; nous recueillons des renseignements et, comme je l'ai fait valoir, nous avons rencontré les intervenants du secteur de la transformation et les producteurs laitiers.

De nombreuses suggestions quant à la façon de rectifier la situation ont été proposées, mais nous voulons établir une solution durable à long terme afin de renforcer encore plus l'industrie laitière du Canada et de la pérenniser.

Les travailleurs étrangers temporaires

L'honorable Don Meredith : Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre. J'ai eu la chance de visiter votre belle province, et j'espère un jour pouvoir jouer une partie de golf au club Elimra avec vous.

Monsieur le ministre, l'agriculture fait partie intégrante de l'économie canadienne : elle représente près de 9 p. 100 du PIB et fournit près de 3 millions d'emplois dans l'ensemble du pays. Or, les emplois du secteur agricole sont également essentiels pour l'économie de nombreux pays en développement, notamment le Mexique et des pays des Caraïbes.

Monsieur le ministre, vous avez eu vent dernièrement des défis auxquels sont confrontés les agriculteurs canadiens et aussi les travailleurs étrangers qu'ils embauchent.

(1550)

Donc, monsieur le ministre, j'aimerais aujourd'hui vous poser la question suivante : quelles sont les mesures prises par votre ministère pour protéger ces travailleurs étrangers temporaires et veiller à ce qu'ils soient traités de façon juste lorsqu'ils viennent au pays pour travailler dans nos fermes et apporter une contribution à l'économie canadienne, d'une part, et pour faire en sorte qu'ils puissent subvenir aux besoins des membres de leur famille dans leur pays, d'autre part?

L'honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Merci beaucoup. Je remercie le sénateur de sa question. Je pense qu'on peut dire que nous sommes presque allés à la pêche au thon ensemble. Ce n'est finalement pas arrivé, mais c'est un sport et une industrie très intéressants à l'Île-du-Prince-Édouard.

L'agriculture est aussi très importante lorsqu'il est question des pays du tiers-monde, et plus particulièrement du Mexique. J'ai réussi à établir de bonnes relations avec le secrétaire de l'Agriculture du Mexique. En fait, je viens tout juste de m'entretenir avec lui, hier je crois, et nous avons discuté en long et en large de ce sujet. En soi, c'est un bon marché du point de vue agricole, mais vous avez aussi mentionné les travailleurs étrangers temporaires.

Toute personne qui embauche un travailleur étranger temporaire doit respecter la loi, et si elle ne s'y conforme pas, elle sera traitée en conséquence par le système judiciaire. Cela ne fait aucun doute. C'est ainsi que les choses doivent se passer, et si elles ne se déroulent pas comme prévu, il faut agir.

Si vous me le permettez, j'aimerais parler davantage d'un autre aspect. Je viens de l'Île-du-Prince-Édouard, où il y a une industrie de transformation du poisson. Nous savons donc à quel point le Programme des travailleurs étrangers temporaires est important pour les industries de notre province. Puisque je suis le ministre de l'Agriculture, je comprends l'importance de la situation dans certaines régions de l'Ouest canadien, où il n'y a pas suffisamment de travailleurs étrangers temporaires pour travailler dans les usines de transformation de la viande, entre autres.

Je peux donc vous dire, monsieur le sénateur, que je fais tout mon possible auprès du ministre responsable pour que nous ayons les travailleurs temporaires dont nous avons besoin. Il serait dommage que nous ayons les produits et les installations, mais que nous n'ayons pas les travailleurs, d'autant plus qu'il y en a de disponibles. C'est difficile à accepter.

Je pense que nous réglerons ce dossier. Il y a eu des problèmes avec le Programme des travailleurs étrangers temporaires, mais ces problèmes seront corrigés et cela ne fera qu'aider le secteur agricole dans tout le pays.

[Français]

La fraude alimentaire

L'honorable Jean-Guy Dagenais : Merci, monsieur le ministre. Je commençais à avoir peur qu'il ne reste plus de questions à vous poser, car elles ont toutes été très bonnes.

Dans tous les domaines, il y a toujours quelque producteur malhonnête qui essaie de profiter de la situation. C'est le cas du secteur de l'alimentation. Avec tous les accords internationaux qu'il a conclus, le Canada expose sa population à des risques de contamination accrus. Le ministre peut-il nous dire combien d'enquêtes sont en cours pour examiner des cas de fraude alimentaire liés à d'autres pays, et quelles mesures sont prévues pour traiter avec ces nouveaux pays qui tenteront de commercer avec le Canada?

[Traduction]

L'honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Merci beaucoup. Je ne connais certainement pas le chiffre. Je remercie le sénateur de poser cette question, mais je n'ai pas la réponse. S'il y a une réponse à cette question — ce qui est probablement le cas —, je veillerai à ce qu'elle vous soit transmise.

Tout aliment qui entre au pays est réglementé. Tout aliment dont la consommation est autorisée au pays est approuvé par l'ACIA. Il en va de même pour tous les aliments, peu importe leur pays d'origine. Nous devons nous assurer qu'ils sont propres à la consommation humaine. C'est, en gros, de cette façon que les choses se passent.

Les entreprises agricoles de propriété étrangère

L'honorable Joseph A. Day : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Nous sommes heureux de vous voir.

Le 17 juin, le Globe and Mail nous apprenait qu'une société d'État agricole saoudienne avait pris le contrôle du manutentionnaire de grains G3 Canada Limited, réduisant de beaucoup les intérêts canadiens dans ce secteur particulier et appuyant du coup les efforts du Royaume de l'Arabie saoudite pour s'approprier des ressources vivrières.

Le Canada est l'un des principaux pays exportateurs de blé, et tout cela s'est produit à peine un an après la dissolution de la Commission canadienne du blé par l'ancien gouvernement.

Le ministre pourrait-il nous dire quelles seront les conséquences sur le Canada et la sécurité alimentaire des Canadiens si les principales entreprises agricoles sont contrôlées par des intérêts étrangers? Le gouvernement se préoccupe-t-il de cette question? Dans l'affirmative, quelles mesures pouvons-nous prendre pour protéger les entreprises canadiennes?

L'honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Nous nous soucions toujours, bien sûr, de ce que fait G3 et de la dissolution de la Commission canadienne du blé, mais le secteur appartient désormais à des intérêts privés. C'est ainsi actuellement.

Les sociétés privées sont assujetties aux lois canadiennes, comme toutes les autres sociétés qui exercent des activités au Canada. Elles doivent respecter les lois canadiennes. Elles sont régies par tous les règlements qui sont en vigueur au Canada. S'il y a un problème, le Canada traite ces entreprises comme tout autre pays le ferait. Elles doivent observer la loi.

L'aide à la propriété des exploitations agricoles

L'honorable Pierrette Ringuette : Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous sommes très heureux de votre présence parmi nous. La question du sénateur Day me permet de faire la transition vers le sujet qui me préoccupe.

Dans les provinces de l'Atlantique et, je le suppose, dans l'ensemble du Canada, les exploitations agricoles ont une énorme valeur. Les frais de démarrage que doivent assumer les jeunes agriculteurs sont pratiquement insoutenables. Pour que la transition se fasse au Canada et qu'il y ait suffisamment d'agriculteurs canadiens pour satisfaire à la demande à l'échelle du pays, il faut qu'ils puissent participer aux accords commerciaux et aux accords d'exportation que le gouvernement conclut pour eux.

Le ministère que vous dirigez ou le gouvernement du Canada ont- ils mis en œuvre un programme, une initiative ou un plan stratégique sur le transfert des exploitations agricoles canadiennes afin que leur rachat par des intérêts étrangers ne finisse pas par faire partie de la politique du Canada?

L'honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Merci. J'apprécie l'amitié de mon honorable collègue et je la remercie pour sa question.

Je ne connais pas un seul programme de notre ministère qui puisse aider les gens à acheter une ferme sans emprunter de l'argent, mais des mesures ont été prises pour que la taxe soit moins élevée lorsque la vente se fait dans la famille et pour que la vente d'une propriété agricole rapporte davantage d'argent à l'agriculteur qui la vend. C'est assez important dans le cas des fermes familiales.

Cependant, en général, je ne connais aucun programme destiné à aider un agriculteur à acheter une ferme. Il est possible d'obtenir un prêt de la part de Financement agricole Canada ou d'une autre société de financement du genre, mais il faut payer de l'intérêt.

Selon moi, il n'y a pas moyen de faire l'achat d'une ferme pour un prix moins élevé que la valeur marchande. Pour l'agriculteur, son exploitation agricole constitue son fonds de retraite et son investissement. Je sais ce que vous avez en tête, mais mon ministère n'offre aucun programme pouvant aider une personne à se procurer une ferme à un prix plus avantageux que la valeur marchande.

La réglementation de l'industrie porcine

L'honorable Donald Neil Plett : Merci. Bienvenue, monsieur le ministre. Si vous avez tout à coup envie de venir vous asseoir de ce côté du Sénat, nous pourrions peut-être vous trouver une place.

Monsieur le ministre, merci d'être présent au Sénat. J'ai une question à vous poser concernant l'industrie porcine. Évidemment, dans ma province, le Manitoba, nous expédions beaucoup de porcs aux États-Unis, et les camions qui les transportent viennent souvent de la Saskatchewan, voire d'aussi loin que l'Alberta. Ils passent par le Manitoba et traversent la frontière entre le Manitoba et les États- Unis.

Monsieur le ministre, lorsque ces camions prennent leur chargement de porcs canadiens au Manitoba, au Canada, on leur ajoute de la paille, de l'eau et de la moulée canadiennes. On traverse la frontière par voie terrestre. Seulement les roues des camions entrent en contact avec le sol américain, monsieur le ministre. Le fumier dans les camions est d'origine canadienne.

(1600)

Puis, les camions traversent à nouveau la frontière. Je sais que c'est un sujet un peu « merdique ».

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Plett : Quoi qu'il en soit, les conducteurs ne peuvent traverser la frontière à moins d'avoir nettoyé leur camion aux États- Unis. Je répète que seules les roues ont touché le sol américain.

La plupart des stations de lavage aux États-Unis — j'ai bien dit la plupart — utilisent de l'eau recyclée. Autrement dit, l'eau retourne dans le réservoir après avoir été utilisée pour nettoyer un camion, et lorsqu'elle est utilisée à nouveau, elle recouvre l'intérieur du prochain camion de tous les microbes qu'elle contient. Pour ne pas risquer de ramener la maladie au Canada, certains ont commencé à prendre un détour de plusieurs centaines de kilomètres pour faire laver leur camion.

Il y a quelques années, j'ai joué un rôle clé dans l'élaboration d'un programme qui nous permettait, à la frontière... J'ai une question.

Son Honneur le Président : Sénateur Plett, de nombreux sénateurs aimeraient encore poser une question. Si vous en avez une, auriez- vous l'obligeance d'y arriver?

Le sénateur Plett : Afin que le ministre comprenne bien la question, je précise que nous avions commencé à sceller les camions à la frontière, afin qu'ils puissent s'arrêter à la première station de lavage au Manitoba dès leur retour au Canada. On compte éliminer ce programme, monsieur le ministre.

Quelles mesures votre ministère est-il disposé à prendre pour veiller à ce que nous ne ramenions au Canada aucune maladie des États-Unis? On fait obstacle à une solution très simple qui avait été proposée en réponse à un problème plutôt complexe.

L'honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Merci beaucoup. Je connais bien le sénateur Plett. Je ne veux pas lui donner trop de fil à retordre.

Une voix : Oh, allez-y.

M. MacAulay : Je suis certes au courant de la situation. Je crois que le sénateur sait qu'il s'agit d'un virus, la diarrhée épidémique porcine, qui sévit aux États-Unis. Nous sommes prêts à aider les Américains afin de protéger la santé des animaux au Canada.

En 2014, des mesures d'urgence ont été mises en place à la frontière. L'honorable sénateur sait sans doute que ces mesures ont été prolongées pour une courte période sous l'ancien gouvernement et l'ancien ministère. J'ai fait de même, sachant que la situation pourrait être corrigée.

Lorsqu'une épidémie frappe les États-Unis et que l'Agence canadienne d'inspection des aliments recommande, en appliquant des règles fondées sur des données scientifiques, que les camions soient nettoyés au sud de la frontière — je suis parfaitement conscient que vous n'êtes pas d'accord, mais c'est ma réponse —, si je devais passer outre — si je le pouvais et le voulais — et qu'un incident arrivait, vous pouvez imaginer les conséquences. Je suis certain que le sénateur le comprend. Nous faisons appel à des spécialistes pour que des règlements adéquats soient appliqués.

Nous essayons de convaincre les autres pays de faire comme nous, c'est-à-dire utiliser des règlements fondés sur la science. Voilà la situation dans laquelle je me trouve. Merci, sénateur.

La réglementation en matière de volaille

L'honorable Percy Mockler : Monsieur le ministre, le Nouveau- Brunswick est la province voisine de l'Île-du-Prince-Édouard.

Les volailles de réforme sont de vieilles poules pondeuses. Elles sont exemptées des contrôles d'importation. De vastes quantités de poulets importés sont indûment désignées volailles de réforme et entrent au Canada illégalement.

Le Canada perd approximativement 4 500 nouveaux emplois qui pourraient être créés et également 140 millions de dollars de ventes chaque année.

Étant donné l'importation illégale de poulets au Canada, le gouvernement mettra-t-il en œuvre le test d'ADN qui a été élaboré par l'Université Trent pour faire la distinction entre les poulets et les volailles de réforme?

L'honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Je remercie mon voisin et ami sénateur de sa question. Si je ne m'abuse, le Sénat a entrepris une étude sur l'accès aux marchés, et j'ai hâte de prendre connaissance du rapport qui en découlera.

Je souligne au Sénat que divers ministères collaborent actuellement pour régler le problème. Je pense que vous êtes bien conscient qu'il ne s'agit pas d'un problème nouveau puisque cette situation dure depuis de nombreuses années. Comme le gouvernement reconnaît l'importance des contrôles à l'importation dans le secteur soumis à la gestion de l'offre, il tient des consultations permanentes pour donner suite aux préoccupations des acteurs de l'industrie et des intervenants.

Nous nous attaquerons au problème dès que nous disposerons de toute l'information voulue. À titre de ministre, j'ai entre autres hérité de ce dossier. Nous évaluons actuellement la situation, et je comprends parfaitement l'importance que revêt cette question pour le secteur agricole et pour la balance commerciale du Canada. Je vous remercie de votre question.

La sécurité alimentaire

L'honorable Pana Merchant : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre. Dans un monde en croissance, comment pouvons-nous assurer la sécurité alimentaire mondiale pour l'avenir tout en veillant à la durabilité de l'environnement? Nous voulons des aliments sains produits de façon efficiente.

Ma question porte sur l'interprétation possiblement erronée du terme OGM. Comme les gens entretiennent énormément d'idées confuses au sujet des OGM, ils refusent les aliments qui en contiennent. Cette réaction crée des pressions sur les politiciens et risque de déboucher sur de mauvaises politiques publiques.

Je me demande, monsieur le ministre — compte tenu du fait que vous venez des provinces de l'Atlantique, que vous avez de l'expérience en ce qui concerne les produits du phoque et que vous êtes au courant de la façon dont le gouvernement a appuyé sa position au moyen de la commercialisation —, si le Canada et d'autres pays producteurs ont prévu des budgets dans les années à venir afin de tenir compte des craintes liées aux OGM, particulièrement en Europe.

En outre, ceux qui appuient les modifications génétiques affirment qu'une réduction de la production afin de tenir compte des craintes en Europe donnera lieu à une baisse des rendements, et qu'une famine en Afrique et en Asie en découlera. Ceux qui appuient les produits biologiques affirment que l'utilisation de produits génétiquement modifiés, comme l'omniprésent maïs Roundup Ready, le soja et tous les grains, donne lieu en très peu de temps à une diminution de la productivité des terres.

Monsieur le ministre, y a-t-il des études qui pourraient servir aux membres du Comité de l'agriculture et à d'autres et qui confirment que le fait de nourrir un monde qui meurt de faim constitue le plus grand avantage sur le plan social de la modification génétique, ou alors l'affirmation de ceux qui appuient la production biologique selon laquelle la modification génétique donne lieu à une diminution progressive de la productivité est-elle vraie?

L'honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Je vous remercie de votre question, sénateur. Le gouvernement est déterminé à garantir la salubrité de l'alimentation humaine et animale et à protéger l'environnement au Canada, tout en favorisant l'innovation et l'agriculture durable, dont vous avez parlé dans votre question.

En ce qui concerne les modifications génétiques, il ne fait aucun doute que le gouvernement est résolu à prendre des décisions fondées sur la science, et il continuera de procéder ainsi.

Il existe un processus clair et rigoureux à suivre pour évaluer la sécurité des produits génétiquement modifiés. La question des animaux génétiquement modifiés est une question importante à laquelle se heurte le pays, et nous en avons tous entendu parler. J'ai demandé au Comité de l'agriculture d'examiner les questions relatives aux animaux génétiquement modifiés, y compris les mesures à prendre en ce concerne ces produits.

Pour ce qui est de la question du sénateur Oh, il ne fait aucun doute que la plupart des sénateurs sont au courant du fait que le canola et le maïs sont des produits génétiquement modifiés.

Quelqu'un répondra à la demande d'aliments à l'échelle de la planète, en particulier dans les pays du tiers monde, et j'aimerais que ce soient les agriculteurs canadiens qui le fassent. Nous avons des scientifiques qui peuvent mettre au point des produits comme le canola et différents types de maïs, et je tiens à vous assurer qu'ils ont suffisamment d'argent pour créer les produits qui nous aideront à nourrir le monde.

Ici même, en cette enceinte, nous disposons d'une énorme quantité de connaissances et de renseignements, et j'aimerais que nous en profitions, quelle que soit la question dont il s'agit. Dans tous les dossiers, il importe que nous travaillions ensemble. Tout ce que je veux, c'est que les agriculteurs aient plus d'argent dans leurs poches. Si nous pouvons faire en sorte qu'il en soit ainsi, nous aurons une industrie plus viable.

(1610)

Je sais que le secteur agricole canadien est relativement prospère en ce moment, mais il est évident que le Canada doit soutenir la concurrence mondiale. Le Canada est l'un des nombreux pays qui cherchent à être à la fine pointe de la production alimentaire, notamment pour approvisionner le marché asiatique.

Comme l'a indiqué le sénateur Oh, en Chine, la croissance annuelle de la classe moyenne est équivalente à la population totale du Canada. En fait, le marché chinois est totalement ouvert aux produits canadiens. Il va sans dire que nous ne souhaitons pas prendre des règlements qui permettraient à un autre pays de créer ces différents produits pour approvisionner le marché mondial. Non, je tiens à ce que les agriculteurs canadiens obtiennent une part de ce marché. Il est possible d'y arriver avec l'aide de gens comme vous. Nous avons besoin de toute l'aide que vous avez à offrir et nous vous la demandons. Je vous remercie.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée. Je suis certain que vous vous joindrez à moi pour remercier le ministre MacAulay d'avoir été parmi nous aujourd'hui.

Je vous remercie monsieur le ministre.

Des voix : Bravo!


[Français]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2016

Troisième lecture—Ajournement du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Harder, C.P., appuyé par l'honorable sénatrice Bellemare, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-15, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d'autres mesures.

L'honorable Michel Rivard : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour attirer votre attention sur l'un des engagements du dernier budget que nous aurons à ratifier, à modifier ou à rejeter dans quelques minutes. Mon intervention porte spécifiquement sur l'annulation d'une mesure, pourtant nécessaire, qu'avait adoptée le précédent gouvernement et qui portait sur l'âge d'admissibilité à la retraite, qui passait de 65 ans à 67 ans, et ce, de façon progressive.

À la fin de cette intervention, une question subsistera, une question qui mériterait d'être approfondie, non pas par opportunisme politique, mais afin que le Canada puisse se doter d'une approche novatrice, responsable et en phase avec notre situation actuelle et future en matière de retraite.

Mais qu'en est-il de la retraite? C'est un concept relativement récent dans l'histoire de l'humanité, et un concept très variable d'une nation à l'autre. Autrefois, on ne prenait pas sa retraite; on travaillait tant qu'on en était capable, puis on passait les rennes à la génération suivante. Quoi qu'il en soit, au cours du siècle dernier, l'industrialisation, l'urbanisation, l'explosion démographique et une meilleure espérance de vie ont amené la création du concept de retraite, cette notion de vacances infinies après une vie au travail, une promesse d'atterrissage en douceur après une vie de labeur bien remplie.

Nos sociétés, autrefois principalement rurales et dans lesquelles on travaillait tous les jours, sont devenues, en majorité, fortement industrialisées, urbanisées, et même, si je puis me permettre le terme, « technologisées ». Elles ont ainsi adopté le concept de retraite, soit le fait de retirer des citoyens de la vie active, du marché du travail, pour leur permettre de consacrer leurs dernières années de vie à leurs loisirs et à leur santé.

Prendre sa retraite signifiait autrefois qu'on n'était plus apte à continuer de travailler pour cause de vieillissement, de maladie ou de perte de capacité. La retraite est devenue un concept de société, permettant politiquement de faire de la place aux nouvelles générations qui entrent sur le marché du travail, ce qui aura été salutaire avec l'arrivée des baby-boomers.

L'âge de la retraite de nos jours varie, selon les pays, de 60 à 65 ans. Dans plusieurs pays, la tendance est maintenant de hausser ce seuil pour suivre l'amélioration de l'espérance de vie et en atténuer les impacts. Les modèles diffèrent, mais ils reposent tous sur un principe de contributeur-bénéficiaire, avec un nombre minimum d'années de contribution, le tout permettant de financer le programme. La retraite est donc le moment, pour la majorité, de passer du statut de contributeur au bien collectif au statut de bénéficiaire du bien collectif, et de profiter de ses économies, sous toutes leurs formes, souvent durement accumulées.

Ce phénomène aura ainsi poussé l'Amérique du Nord d'abord à imposer la retraite à 65 ans, mais aussi à flirter avec l'idée de la retraite à 60 ans, et même amener des entreprises financières à programmer le tout pour 55 ans — « Liberté 55 » —, comme si travailler était désormais une condition défavorable dont il fallait se défaire le plus rapidement possible, une tare, un boulet au pied.

Je suis inquiet — oui, inquiet —, parce que le contexte actuel est loin d'être celui qu'il était il y a 40 ans, alors que l'imposante cohorte des baby-boomers arrivait sur le marché du travail. Cette génération a forcé toutes les structures sur son passage : les institutions médicales et scolaires, le marché du travail et, maintenant et pour les 30 prochaines années, la retraite.

On se souvient du nombre d'investissements qui ont été nécessaires pour y arriver, des déficits engendrés année après année, portés au compte des générations futures. En même temps, elles étaient nombreuses, et cette croissance démographique aurait pu avoir un effet d'entraînement positif et important. Cependant, la dénatalité des générations qui ont suivi a stoppé la croissance. Nous sommes aujourd'hui devant une pyramide démographique inversée, qui compte moins de contributeurs que de bénéficiaires. Le départ massif à la retraite des baby-boomers et de la génération X engendrera inévitablement une situation problématique.

Je suis inquiet car, qui plus est, l'espérance de vie ne cesse d'augmenter. Depuis 1970, elle s'est accrue de 10 ans, ce qui suppose que les citoyens seront à la retraite plus longtemps. Je suis inquiet, car une espérance de vie plus longue ne rime pas nécessairement avec une meilleure santé. On prévoit plutôt des soins de santé sur un plus grand nombre d'années, et donc une pression supplémentaire sur un système déjà en déficit, qui n'a pas encore pris le virage des soins massifs en gérontologie.

Je suis inquiet, car nous n'avons pas, à l'heure actuelle, la capacité d'accueil et le personnel nécessaire pour cette clientèle en ce qui concerne l'hébergement et les soins.

Je suis inquiet, car l'âge de l'entrée sur le marché du travail continue de s'accroître : de plus en plus d'étudiants suivent des formations postsecondaires, professionnelles et universitaires, et auront donc moins d'années pour cotiser. Je suis inquiet, car les rendements financiers des dernières décennies ont été anémiques, avec les aléas du rendement des marchés boursiers, ainsi que des taux octroyés par les institutions financières au cours des dernières décennies. Je crois que les épargnants n'ont pas eu droit aux rendements historiques qui auraient assuré une croissance de leurs placements. En fait, ces rendements arrivent à peine à compenser la croissance de l'indice des prix à la consommation, ce qui n'est pas un signe d'enrichissement, mais d'appauvrissement.

Je suis inquiet, car la grande majorité de la deuxième vague des baby-boomers et de la génération X, selon les analystes, n'a pas à ce jour réussi à accumuler des sommes suffisantes pour espérer maintenir, une fois à la retraite, un niveau de vie similaire à celui de leur vie active. Je suis inquiet, car de plus en plus de couples vivent séparés et doivent composer avec une réalité financière plus précaire.

Globalement, loin de moi l'idée de dépeindre l'avenir en noir, mais je suis réellement inquiet. Je ne suis pas convaincu que la décision de ramener l'âge de la retraite de 67 à 65 ans dans le cadre du dernier budget était basée sur une étude sérieuse, et que cette décision tenait compte des impacts de tous les facteurs que je viens d'énumérer, et d'autres que j'aurais omis.

C'est un cocktail impressionnant de faits qui devrait exiger de la rigueur. Ici, on devait mettre de côté l'opportunisme politique. Il en va du bien-être des Canadiens et des Canadiennes, non seulement de ces futurs retraités, mais aussi des générations qui suivront et pour lesquelles ce fardeau pourrait s'avérer extrêmement lourd.

(1620)

L'espace fiscal du Canada étant déjà fort limité, il faudrait tenter de ne pas amoindrir le pouvoir d'achat déjà très affecté des contribuables. De plus, nous ne sommes pas à l'abri des soubresauts économiques, des guerres ou des catastrophes naturelles qui deviendraient des facteurs aggravants très importants. Je ne pense pas que les principes de la gestion de ces risques aient été appliqués dans l'équation.

Avons-nous analysé les éléments devant guider la décision? Avons-nous analysé, selon des scénarios de projection sur 10, 15 ou 20 ans, le nombre d'années de cotisation qui sont nécessaires afin de profiter d'une retraite agréable, et tout cela avec une espérance de vie accrue? Avons-nous vraiment les moyens de ramener de 67 ans à 65 ans l'âge de la retraite? Ne devrions-nous pas plutôt la remettre à 70 ans?

Pour être en mesure de prendre sa retraite, il y a des conditions favorables qui semblent faire l'unanimité. Les experts s'entendent pour dire qu'on doit pouvoir compter sur 70 p. 100 des revenus bruts que nous avions lorsque nous étions sur le marché du travail, et ce, pour la durée estimée du temps que nous vivrons. Pour ce faire, il faut avoir contribué ou économisé un montant suffisant dans le fonds de retraite de notre employeur, dans des programmes gouvernementaux ou dans d'autres placements et actifs personnels, pour le nombre d'années que nous pensons devoir en retirer, ou il faut pouvoir compter sur des activités qui génèrent des revenus complémentaires.

La voie logique était tracée, soit celle de faire passer graduellement l'âge de la retraite de 65 à 67 ans, ou à plus tard, si nécessaire. Cette approche tenait compte de plusieurs facteurs, y compris celui de garder sur le marché du travail des compétences dans un contexte de plein emploi, et même de déficit de main- d'œuvre.

Au début de mon intervention, j'ai annoncé qu'il y avait une question à laquelle chacun d'entre nous devrait réfléchir en toute conscience : avons-nous, au Canada, les moyens de faire face à la pression des besoins des Canadiens, non seulement dans une perspective de rentes aux retraités, mais aussi en ce qui concerne la pression exercée par l'ensemble des services spécialisés de soins de santé et d'hébergement à fournir, sans en demander plus à une génération qui a déjà largement contribué au bien-être collectif, et sans handicaper les générations futures avec des programmes qui augmenteront la dette? Je vous laisse réfléchir à la question, mais, dans mon cas, mon opinion est déjà bien arrêtée.

La récente annonce du gouvernement de revenir sur la décision courageuse de faire passer de 65 à 67 ans l'âge de la retraite me laisse sans mot. Le manque d'analyse et de rigueur derrière cette annonce laisse présager un avenir sombre pour une génération déjà largement touchée et étouffée par une fiscalité importante. Oui, la première vague des baby-boomers a su tirer son épingle du jeu, mais il n'en sera pas de même pour celle qui suit.

Soyons donc un pays qui a le courage de ses ambitions et le respect de ses contribuables. Mettons-nous à la tâche aujourd'hui afin de mettre en place des mesures équitables et raisonnables, des mesures qui respecteront l'effort consenti par cette génération, des mesures qui ne seront pas portées au crédit des générations futures. Réévaluons cette décision en faisant des recherches plus poussées et en élaborant des scénarios d'impact sur les finances publiques.

Pour terminer, j'oserai proposer des pistes de solution, et je laisserai aux décideurs politiques le soin d'en débattre. Je propose de préparer les Canadiens à changer, dans leur esprit, l'image du concept traditionnel de la retraite, de s'adapter aux enjeux actuels et futurs du Canada. On ne prend plus sa retraite, on travaille à son rythme tant que la santé le permet et qu'on a les moyens d'arrêter de travailler. D'ailleurs, beaucoup de baby-boomers de la première vague qui entament leur retraite retournent sur le marché du travail, que ce soit pour se désennuyer ou pour ramener à la maison des revenus supplémentaires qui aideront à boucler les fins de mois.

Je propose d'assainir et d'équilibrer les programmes de retraite actuels en fonction de la réalité et des enjeux futurs, afin d'étaler les versements sur une plus longue durée. Je propose de réviser les règles régissant l'utilisation des fonds de retraite et des programmes d'épargne-retraite afin d'appuyer le report de l'âge d'admissibilité à la retraite.

Je propose de faire croître les contributions de la population active aux régimes publics de pension.

Je propose d'augmenter le nombre d'années de cotisasion avant de pouvoir toucher des rentes de retraite.

Je propose de travailler en parallèle à corriger le problème démographique, en adoptant des politiques d'immigration et de soutien à la natalité.

En outre, je propose de faire en sorte de protéger les plus démunis par des mesures fiscales variées afin de leur permettre d'avoir des revenus adéquats durant la transition à l'âge de 65 ans à 67 ans. Pourquoi pénaliser toute une société, alors qu'il serait si facile de pallier ces iniquités?

Son Honneur la Présidente intérimaire : J'ai le regret d'informer le sénateur que son temps de parole est écoulé. Les honorables sénateurs s'entendent-ils pour accorder deux minutes de plus au sénateur Rivard?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Rivard : Ce ne sont là que des pistes à explorer; il y en a certainement d'autres. Cependant, il m'apparaît nécessaire de lancer le débat sur une cause qui touche tout le monde et qui ne devrait, en aucun temps, être l'objet d'une décision purement politique.

Madame la Présidente, je sauterai la dernière page de mon discours, car j'aimerais ajouter quelque chose. J'ai eu le plaisir, pendant cinq ans, d'être membre du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je peux vous dire que les présidents qui se sont succédé au sein de ce comité, les sénateurs Day et Smith, ont su poser les bonnes questions aux représentants des organismes gouvernementaux et autres sous-ministres afin de clarifier certaines décisions.

J'invite mes collègues à prendre connaissance d'un communiqué de presse qui a été diffusé à 13 heures, cet après-midi, par le comité et qui reprend tout ce que j'ai dit dans mon discours.

Merci de votre attention.

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Le sénateur Rivard accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Rivard : Oui.

Le sénateur Carignan : J'aimerais profiter de l'occasion de votre dernier discours en cette Chambre pour vous remercier du travail remarquable et assidu que vous avez fait au sein des comités sénatoriaux, particulièrement au Comité des finances, et pour la contribution exceptionnelle que vous avez apportée à cette Chambre. Vous avez demandé à ne pas recevoir d'hommages, et cela témoigne du caractère très humble de votre personnalité. J'aimerais tout de même prendre le moment qui m'est accordé pour vous remercier de votre travail au Sénat du Canada.

Nous nous ennuierons de vous, sénateur Rivard. Ma question est la suivante : allez-vous également vous ennuyer de nous?

Le sénateur Rivard : Combien de temps ai-je pour répondre? Il est sûr que je pars le cœur gros. Les huit dernières années ont été de belles années. Or, mon état de santé me permet de retourner au monde des affaires. Je me trouve trop jeune pour arrêter. L'adoption du projet de loi sur la réforme du Sénat m'aurait permis de faire un mandat de 10 ans, ce qui aurait été préférable, à mon sens, au statu quo qui nous oblige à quitter à l'âge de 75 ans un travail qu'on aime. Mais ainsi va la vie, et je vous remercie de votre collaboration.

Je n'ai qu'un regret, que j'aimerais partager avec les sénateurs unilingues, qu'ils soient anglophones ou francophones. J'aurais aimé être meilleur en anglais afin de pouvoir discuter avec tous les sénateurs dans leur langue, sans avoir toujours recours à la traduction simultanée.

(1630)

Je sais que plusieurs sénateurs anglophones suivent des cours de français — je n'en nommerai pas, mais j'en vois plusieurs ici. À mon arrivée, ils ne disaient pas un seul mot de français, mais, aujourd'hui, ils peuvent s'exprimer en français. Le sénateur Mitchell, par exemple, il y a sept ans, pouvait à peine parler français. Aujourd'hui, il fait des discours en français.

Pour ma part, j'aurais pu suivre plus de cours d'anglais, alors qu'on nous les offrait. J'ai été un peu paresseux, je me suis fié à l'interprétation simultanée, et c'est mon seul regret.

Sachez tous que vous resterez dans mon cœur.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat) : Le sénateur Rivard accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Rivard : Oui.

La sénatrice Fraser : Veuillez accepter l'assurance de ce côté-ci de la Chambre que nous partageons entièrement les sentiments du sénateur Carignan. Vous avez été un vrai gentilhomme et un bon ami. Nous avons tous été très heureux de travailler avec vous. J'espère que vous penserez à nous de temps à autre.

Le sénateur Rivard : C'est promis.

L'honorable Ghislain Maltais : Je sais que, dans quelques jours, nous partirons en vacances, pour nous revoir seulement en septembre. D'autres partiront pour prendre des vacances prolongées, comme le sénateur Rivard.

Permets-moi, Michel, de t'appeler par ton prénom, puisque nous sommes des amis de longue date. Nous avons œuvré pendant près de 15 ans ensemble en politique. Le sénateur Rivard est un politicien très engagé. Il a été maire de Beauport, ma ville d'adoption, président de la Communauté urbaine de Québec, député à l'Assemblée nationale et sénateur à Ottawa. C'est là un parcours politique très rare. Il a fait ses classes.

Je retiendrai de Michel son amitié et sa grande honnêteté. Jamais, au cours de ma vie, je n'ai rencontré quelqu'un d'aussi honnête dans ses actions, ses pensées et son travail. Michel ne faisait rien à la légère. Vous n'avez qu'à lire les discours qu'il a prononcés ici. Ils étaient pensés, structurés et bien organisés.

Michel, au cours des prochaines années, je sais que tu ne prendras pas ta retraite. Michel Rivard ne peut rester assis sur sa chaise. Il retourne dans le monde des affaires, dans une entreprise qu'il a fondée il y a une quarantaine d'années.

La seule chose que je puisse te souhaiter, Michel, au nom de tous mes collègues, c'est que tu gardes ta vigueur, ton instinct de combattant et, surtout, mon amitié et notre amitié pour le Sénat. Michel, je te souhaite bonne route, et une très longue route. Au plaisir!

[Traduction]

L'honorable Percy E. Downe : Merci, Votre Honneur. Je tiens à prendre la parole sur la question dont nous sommes saisis afin d'indiquer qu'il y a de nombreux éléments du budget que j'appuie. Je suis particulièrement ravi que le sénateur Harder en ait parlé dans ses observations, mais je souhaite en dire un peu plus à ce sujet.

Le gouvernement a décidé d'accorder 444,4 millions de dollars de plus à l'Agence du revenu du Canada afin de l'aider à lutter contre l'évasion fiscale à l'étranger, un problème auquel je m'intéresse depuis de nombreuses années, comme le savent bon nombre de sénateurs qui ont dû écouter mes longs discours. Je suis ravi que le gouvernement ait mis sur pied un comité de cinq spécialistes chargés de conseiller le ministère, car je crois que ce dernier aura grandement besoin de conseils.

De plus, le gouvernement embauche des milliers de personnes. Normalement, lorsqu'on apprend que le gouvernement embauche des milliers de personnes, on pense à ce que cela va coûter. Or, dans le cas de l'Agence du revenu du Canada, chaque vérificateur embauché rapporte de 7 à 10 fois la valeur de son salaire et de ses avantages sociaux grâces aux recettes supplémentaires qu'il génère en percevant les sommes dues au gouvernement du Canada et aux Canadiens.

Grâce à ce financement supplémentaire de 444.4 millions de dollars et à ces embauches, le gouvernement s'est fixé comme objectif de recouvrer, au cours des cinq prochaines années, 2,6 milliards de dollars en recettes non perçues à cause de l'évasion fiscale à l'étranger. C'est un montant considérable, mais je crois que le ministère n'aura aucune difficulté à recouvrer cette somme, et probablement plus encore.

Je dis cela parce que, en 2005, le gouvernement de l'époque a fait un investissement ponctuel de 30 millions de dollars afin de créer au sein de l'Agence du revenu du Canada une équipe chargée de lutter énergiquement contre l'évasion fiscale à l'étranger, une cette initiative qui a permis de recouvrer 4 milliards de dollars sur sept ans. C'est un montant considérable.

J'ai commencé à m'intéresser à la question en 2006, quand j'ai lu dans un journal qu'au Liechtenstein, un employé de banque avait volé les renseignements personnels de tous les titulaires de compte de cette banque, renseignements ensuite achetés par le gouvernement allemand, qui les a transmis aux gouvernements du monde entier.

Ainsi, en mars 2007, le gouvernement du Canada a reçu des données à propos des 106 Canadiens qui détenaient un compte dans la banque en question. Comme on le sait, détenir un compte bancaire à l'étranger n'a rien d'illégal, mais il est illégal de ne pas déclarer les revenus que produit ce compte.

Le gouvernement du Canada a découvert que ces 106 Canadiens détenaient plus de 100 millions de dollars dans la banque en question. En avril 2012, l'Agence du revenu du Canada a déterminé qu'ils devaient au Canada 16,5 millions de dollars d'impôt sur ces 100 millions de dollars, ce qui a de quoi désoler tous ceux qui suivent les activités de l'ARC.

Un an plus tard, un autre employé a volé les données de la banque où il travaillait, en Suisse cette fois-ci; 1 785 Canadiens y détenaient un compte.

Cela vous donne une idée de l'ampleur du problème auquel s'attaquait l'ARC. Elle a malheureusement obtenu des résultats déplorables, car elle manquait de ressources. L'ARC perdait des employés, qui optaient pour des postes beaucoup mieux rémunérés dans des cabinets de comptables ou d'avocats. Le gouvernement n'arrivait pas à conserver ses employés chevronnés. Ceux-ci, au sommet de leur carrière, étaient particulièrement bien placés pour contribuer aux travaux du gouvernement, mais ils étaient aussi très attrayants pour les entreprises privées.

D'autres pays ont vécu une expérience différente de celle du Canada. L'Australie, qui avait aussi reçu des renseignements bancaires du Liechtenstein en 2006, est passée immédiatement à l'action : elle a formé des comités interministériels et fixé des cibles. Alors qu'elle espérait récupérer 603 millions de dollars, elle a réussi à en récupérer 985 millions. Elle a porté des accusations contre de nombreuses personnes. Certains contrevenants se sont vu imposer des amendes, d'autres, une peine de prison.

Le gouvernement australien a constaté que, après avoir vu toute la publicité, les poursuites criminelles et les verdicts de culpabilité, les gens trouvaient beaucoup moins d'attraits à l'évasion fiscale à l'étranger. L'évasion fiscale perdait rapidement de son charme quand on voyait des voisins être reconnus coupables, que leur nom et leur photo étaient publiés dans les journaux.

En plus de récupérer d'énormes sommes, l'Australie a aussi empêché que d'autres sommes importantes quittent le pays. Comparons leur méthode à ce qui s'est produit au Canada lorsque celui-ci a appris que 106 Canadiens avaient un compte au Liechtenstein. Il a fallu des années avant que le gouvernement canadien détermine que ces personnes devaient 16,5 millions de dollars d'impôts, et aucune d'entre elles n'a été poursuivie en justice ou reconnue coupable. L'écart entre la façon de traiter l'évasion fiscale à l'étranger et au Canada est au cœur des problèmes de l'Agence du revenu du Canada.

Si vous vivez au Canada et tentez de contourner l'impôt ici au pays, vous courez de grands risques de vous faire prendre et d'être poursuivi en justice et reconnu coupable. D'ailleurs, tout le monde peut consulter le site de l'Agence du revenu du Canada et voir le nom des Canadiens qui ont été reconnus coupables. Par contre, le site web ne mentionne aucune personne qui aurait été reconnue coupable d'évasion fiscale à l'étranger. Cette différence s'explique par le manque de financement, selon moi. C'est pourquoi je me réjouis que le budget du gouvernement prévoie des sommes considérables pour la lutte contre l'évasion fiscale à l'étranger.

(1640)

Le gouvernement s'était également engagé à calculer le manque à gagner fiscal, c'est-à-dire la différence entre ce qui est dû aux Canadiens et ce que nous percevons. Bien des pays, dont les États- Unis, le Royaume-Uni et la Turquie, font une estimation du manque à gagner fiscal. Même l'État de la Californie le fait.

Pourtant, le gouvernement du Canada n'agit pas. L'Agence du revenu du Canada n'a pas voulu coopérer, c'est le moins que l'on puisse dire. Il y a quatre ans, j'ai demandé au directeur parlementaire du budget de faire une estimation du manque à gagner fiscal. Il a donc pris contact avec l'agence du revenu, qui a refusé de coopérer. Elle refuse de fournir les données. Je dois souligner qu'il ne s'agit pas de données sur des renseignements personnels, mais de données brutes qui pourraient servir à estimer ce manque à gagner.

L'agence a systématiquement refusé de coopérer avec le directeur parlementaire du budget. Sous l'égide du nouveau gouvernement, elle procède maintenant à une analyse du manque à gagner fiscal par rapport à la TPS. Je crois savoir qu'elle publiera cette analyse dans quelques jours.

Par ailleurs, l'agence répugne toujours à établir un manque à gagner fiscal sur les comptes ouverts à l'étranger, mais nous lui laisserons du temps pour le faire. La ministre a fait toutes ses annonces le 11 avril. Un an après, je demanderai au gouvernement une mise à jour de ce qui a été réalisé en regard des promesses faites.

C'est un excellent début et c'est la raison pour laquelle je voterai en faveur du budget, qui comprend bien d'autres choses. Merci beaucoup, chers collègues.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Downe : Oui.

La sénatrice Andreychuk : Depuis longtemps, vous suivez le dossier de très près. Pour sa défense, l'Agence du revenu du Canada fait valoir que les contestations devant les tribunaux coûtent très cher et prennent beaucoup de temps. Elle préfère des règlements négociés. Que pensez-vous des règlements qui ont été négociés à propos de certains comptes à l'étranger? Nous ne savons pas exactement de quel type de comptes il s'agit et s'ils ont été ouverts à l'étranger de façon légitime ou non.

Que pensez-vous de l'idée de recourir à des règlements négociés plutôt que de s'adresser aux tribunaux pour tout recouvrer?

Le sénateur Downe : Je suis tout à fait pour, s'il y a effectivement moyen d'en arriver à un règlement. Comme je l'ai mentionné, au Liechtenstein, on a trouvé un manque à gagner de 16,5 millions de dollars. On a eu du mal à percevoir cette somme, car, pour ouvrir un compte au Liechtenstein, par exemple, il vous faut au moins un demi-million de dollars. Dans ces comptes, la plus grosse somme était de 1,2 million de dollars.

Les gens qui font cela ont des ressources. La plupart des gens que l'ARC poursuit pour évasion fiscale au Canada n'ont pas les moyens de retenir les services d'avocats ou de comptables pour s'opposer à elle, ce qui n'est pas le cas de la majorité de ceux dont l'argent est à l'étranger. Le problème n'est pas que l'ARC ne veut pas intenter de poursuites ou accepter des règlements. Le problème, c'est qu'elle n'a pas les ressources, le personnel, l'argent ou le temps pour le faire. Cela crée deux justices : une pour le Canada et une pour l'étranger. Les gens qui en ont les moyens s'en tirent sans payer. L'exemple par excellence de ceci, c'est le Liechtenstein, où le gouvernement a déterminé à combien s'élevait la somme qui était due, sans porter d'accusations ni condamner qui que ce soit. Les responsables s'en sont tirés.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi de crédits no 2 pour 2016-2017

Troisième lecture

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-19, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2017, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends de nouveau brièvement la parole pour commenter le projet de loi C-19, un projet de loi de crédits qui autorise le gouvernement à retirer des fonds prévus dans le Budget principal des dépenses.

J'aimerais remercier le sénateur Smith et le sénateur Day ainsi que les autres sénateurs qui ont fait des commentaires très utiles à ce sujet hier. J'apprécie certainement votre connaissance approfondie du processus d'octroi des crédits et l'intérêt que vous y portez.

Je tiens aussi à exprimer de nouveau ma gratitude pour les rapports rigoureux que le Comité sénatorial permanent des finances nationales a produits et que le Sénat a adoptés la semaine dernière.

Comme je l'ai dit hier, les budgets des dépenses font partie d'un cadre budgétaire plus vaste et permettent au gouvernement, au terme du processus parlementaire d'approbation, d'affecter les ressources nécessaires aux programmes et aux services de soutien. Comme les honorables sénateurs le savent très bien, ce projet de loi et les autres projets de loi de crédits sont nécessaires aux activités quotidiennes de l'appareil gouvernemental et à la bonne marche des programmes et des services essentiels.

Je vous remercie et je vous demande instamment d'appuyer le projet de loi.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous poursuivons le débat. Le sénateur Day a la parole.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, nous avons déjà discuté de ce projet de loi dans le cadre du cycle budgétaire. J'attire votre attention sur les annexes qui accompagnent le document standard. La première page de ce document précise la somme affectée aux activités de l'appareil gouvernemental, soit 63 milliards de dollars. Dans les annexes, nous pouvons voir les sommes que les ministères et les agences recevront, qu'ils ont demandées et qui ont été approuvées dans le budget des dépenses.

Il faut que les honorables sénateurs sachent qu'il y a deux annexes. L'annexe 2 porte sur une somme relativement modeste, 4 milliards de dollars, par rapport au total de 63 milliards de dollars. Ces 4 milliards de dollars sont affectés à certaines agences sur deux ans. Ces agences ont deux ans pour dépenser les crédits. Pour la majorité des autres ministères et agences, cette période est d'un an. S'ils n'ont pas dépensé leurs crédits à la fin de l'exercice, ces crédits deviennent périmés. Il existe des règles permettant de reporter des crédits au prochain exercice s'ils ne servent pas à couvrir des coûts d'immobilisations ou des coûts de fonctionnement.

Les organismes concernés sont les suivants : l'Agence des services frontaliers du Canada, l'Agence du revenu du Canada et l'Agence Parcs Canada. Dans la mesure où bon nombre des projets de ces trois agences durent plus d'un an, c'était logique de répartir leurs crédits sur deux ans.

Tout le reste est expliqué ici. J'invite les sénateurs qui voudraient plus de détails à consulter le rapport que nous avons adopté plus tôt. Il s'agit, honorables sénateurs, des crédits, des subsides de cette année, et ils s'élèvent à 63 milliards de dollars. Ce n'est pas le genre de mesure que le Sénat peut amender. Nous avons eu la chance de les étudier afin d'avoir un portrait exact de la situation; à nous maintenant de surveiller les dépenses qui seront effectuées tout au long de l'année.

Je vous recommande de l'appuyer.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi de crédits no 3 pour 2016-2017

Troisième lecture

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-20, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2017, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, vous comprendrez sans doute que je parlerai encore plus brièvement du projet de loi C-20 que je n'ai parlé du projet de loi C-19 parce que ce n'est pas la première fois cette semaine que je prends la parole à son sujet.

Je me contenterai simplement, une fois de plus, de remercier de leur excellent travail les honorables sénateurs qui nous ont fait profiter de leur expertise sur les budgets des dépenses et les projets de loi de crédits, que ce soit hier ou la semaine dernière, de même que les membres du Comité des finances nationales.

Je rappelle que d'importants investissements découleront de ce budget des dépenses, notamment dans le domaine des transports en commun, du logement abordable, de la gestion et de l'assainissement des sites fédéraux contaminés et de la réinstallation de nouveaux réfugiés syriens parrainés par le gouvernement, pour donner seulement quelques exemples.

Comme je le disais hier, les projets de loi C-20 et C-19 doivent absolument être adoptés pour que les programmes gouvernementaux et les initiatives ministérielles soient mis en œuvre et qu'ils puissent être gérés de manière prudente au jour le jour.

Je vous recommande d'adopter le projet de loi.

(1650)

L'honorable Joseph A. Day : Je remercie le sénateur Harder de nous avoir présenté cet aperçu.

Honorables sénateurs, c'est le deuxième projet de loi de crédits qui vous est soumis. Il s'agit du Budget supplémentaire des dépenses (A), qui correspond largement à ce qui était inscrit dans le budget. Ce sont des dépenses qui n'étaient pas encore prêtes à être budgétées lorsque le Budget principal des dépenses a été présenté au Parlement.

Nous examinons le Budget supplémentaire des dépenses (A) et produisons un rapport qui est déposé au Sénat, débattu et adopté. Toutes ces étapes ont eu lieu. Nous avons sous les yeux le projet de loi qui fait suite à ce travail.

Le projet de loi demande au Parlement les crédits du Budget supplémentaire des dépenses (A). Ces crédits totalisent 7,01 milliards de dollars, qui viennent s'ajouter aux 63 milliards de dollars déjà prévus dans le Budget principal des dépenses. Comme d'habitude, le projet de loi contient deux annexes distinctes. Il fait partie des documents fondamentaux qui découlent du budget élaboré par le gouvernement.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Martin : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à prolonger la séance de mercredi

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 20 juin 2016, propose :

Que l'application de l'ordre du 4 février 2016 concernant l'heure de levée de la séance soit suspendue le mercredi 22 juin 2016;

Que l'application de l'article 3-3(1) du Règlement soit aussi suspendue le mercredi 22 juin 2016.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

La Loi sur les langues officielles

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Chaput, appuyée par l'honorable sénateur Moore, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-209, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (communications et services destinés au public).

L'honorable Raymonde Gagné : Honorables sénateurs, puisque l'ajournement du débat est au nom du sénateur MacDonald, je demande qu'il demeure à son nom une fois que j'aurai terminé mon discours.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi S-209, présenté par l'honorable Maria Chaput, qui a longtemps représenté le Manitoba au Sénat et qui est aujourd'hui à la retraite.

Il s'agit d'une entrée en matière pour moi, car c'est la première fois que je parle au sujet d'un projet de loi à la Chambre haute. C'est le sujet tout désigné pour me permettre de me présenter, car ce projet de loi est intimement lié à mon parcours et à mon identité.

Mon histoire remonte à Saint-Pierre-Jolys et à Saint-Joseph, au Manitoba, où mes ancêtres, les familles Gagné-Hirbour, Joubert, Delorme et Fontaine, se sont installés au XIXe siècle. Je suis une descendante de ces familles de valeureux défricheurs de terres, d'une communauté qui a labouré la terre et fait fleurir le Manitoba, en français, au prix d'énormes efforts, d'un engagement constant et de luttes acharnées. C'est un engagement dont j'ai hérité tout naturellement et qui a été le fil conducteur de mon parcours personnel et professionnel. C'est ce bagage historique, familial et personnel que j'ai amené avec moi au Sénat.

Ce qui fait la richesse de la Chambre haute, c'est la diversité de ses voix, et cette diversité enrichit nos études et nos recommandations, car elle permet de refléter la diversité du pays et d'y apporter des perspectives qui ne se feraient peut-être pas entendre au Parlement. Si nous ne représentons pas d'électeurs provenant d'une circonscription bien définie, nous représentons tous, par nos propres expériences et notre vécu, une partie d'un Canada diversifié et complexe.

Le principe d'un Canada uni dans sa diversité est à la base de la Loi sur les langues officielles. Le fait qu'une telle loi existe est la preuve que le Canada, comme pays, assume cette diversité. Or, pour démontrer qu'il y tient réellement, le Canada doit aussi étudier cette loi, la réviser et l'améliorer, et ce, en toute sincérité, sans peur et sans complexes. La législation d'un pays aussi beau, complexe et dynamique ne peut demeurer statique. Notre pays est en constante évolution, nous le voyons tout autour de nous. J'ai moi-même été témoin de cette francophonie nouvelle et inclusive, à l'Université de Saint-Boniface et au sein de la communauté francophone du Manitoba. Comme le propose le projet de loi S-209, il faut reconnaître cette évolution et saisir chaque nouvelle opportunité.

Trop souvent, nous avons peur de parler de la langue. Dans sa grande œuvre autobiographique intitulée La Détresse et l'enchantement, Gabrielle Roy relate l'histoire de son directeur d'école, un immigrant écossais fort sympathique à la cause des francophones, qui dit ceci, et je cite :

[Traduction]

Les langues nous permettent de communiquer, mais elles constituent probablement la principale source de malentendus dans le monde, après les religions.

[Français]

Au Canada, la langue a effectivement été un dossier chaud. L'histoire du Manitoba en est un des exemples les plus éloquents. L'histoire du français au Manitoba est marquée par les revendications et les luttes. Or, les luttes que le peuple francophone du Manitoba a menées n'ont jamais eu pour visées la conquête ou la subjugation. Elles ont été des luttes qui visaient à défendre les droits et la langue de ce peuple, et à assurer au Canada sa diversité, celle qui fait sa richesse.

(1700)

L'héritage jadis si controversé de Louis Riel, père du Manitoba, est un autre exemple. Louis Riel, d'abord perçu comme un rebelle et accusé de haute trahison, a pu, grâce à la perspective acquise par l'histoire, retrouver l'héritage qui lui revenait à juste titre : celui d'un défenseur des droits de son peuple et, surtout, celui d'un rassembleur, car, pour Riel, la Confédération canadienne ne pouvait qu'exister que si elle rassemblait et respectait les différentes voix et identités qui la constituaient.

C'est cet héritage que les francophones du Manitoba ont porté dans leurs luttes pour défendre et rétablir leurs droits. Ces luttes visaient à défendre la langue française, mais aussi cette idée d'un Canada qui unit et rassemble ses citoyens dans le plein respect de leurs différences et de leurs droits.

Notons que la Loi de 1870 sur le Manitoba, qui a créé la province du Manitoba, reconnaissait l'existence de deux peuples fondateurs de la province et de deux langues. J'aimerais ajouter que nous pouvons dire aujourd'hui qu'elle aurait dû reconnaître la présence et le rôle des Premières Nations sur cette même terre, mais ce sujet fera surface dans le cadre d'autres débats.

Or, l'idéologie à la base de la Loi de 1870 sur le Manitoba n'a pas survécu longtemps. Cette vision qui reconnaissait l'existence et l'égalité au sein du pays entre les deux langues officielles a été rapidement remplacée au Manitoba par une autre, celle-ci unidimensionnelle, selon laquelle une seule nation, une seule langue et une seule culture étaient reconnues officiellement.

En effet, le modèle dualiste a été répudié au Manitoba dès 1890, avec l'abolition des écoles confessionnelles subventionnées par l'État et la création d'un réseau scolaire dans lequel l'anglais était la seule langue d'enseignement permise.

Il y a eu ensuite l'adoption d'une loi provinciale inconstitutionnelle, The Official Languages Act, qui a mené à l'abolition du statut officiel du français au sein des institutions législatives et judiciaires, malgré les garanties octroyées par l'article 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba. En 1896, après un redoux et un certain compromis entre les premiers ministres Laurier et Greenway, l'enseignement bilingue a été autorisé pendant quelques années, avant que ne s'ensuive l'abolition définitive des écoles françaises en 1916.

C'est donc contre ce triste héritage qu'ont lutté les francophones du Manitoba, recueillant leurs premières victoires dans la deuxième moitié du XXe siècle. Avec l'affaire Forest en 1979, la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnelle la loi de 1890 qui abolissait le statut officiel du français au sein des institutions législatives et judiciaires. C'était une victoire éclatante pour la population francophone du Manitoba, qui voyait sa langue retrouver sa légitimité officielle. Plus tard, dans les années 1980, l'affaire Bilodeau a éventuellement mené à la reconnaissance par la Cour suprême du Canada que toutes les lois unilingues anglaises du Manitoba étaient invalides. La cour a aussi précisé que la Loi de 1870 sur le Manitoba incluait une manifestation spécifique du droit général des Franco-Manitobains de s'exprimer dans leur propre langue.

Ces victoires juridiques ramènent les francophones du Manitoba à la case de départ, en 1870. Il y a eu un siècle de luttes, non pas pour dominer ou conquérir, mais bien pour rétablir l'équilibre et l'esprit à la base de la fondation de la province.

La langue, ou la dualité linguistique du Canada, ne sont pas des valeurs que nous pouvons tenir pour acquises. Nous sommes fiers de notre dualité linguistique, et avec raison, mais il faut reconnaître que son maintien exige un dialogue continu et des efforts soutenus.

C'est cette conversation qu'a déclenchée le projet de loi S-209. C'est un projet de loi qui reconnaît l'évolution des communautés francophones et qui reflète très fidèlement ce que nous pouvons voir et entendre au sein de la communauté francophone du Manitoba.

Les débats entourant ce projet de loi et l'étude de sa version précédente, le projet de loi S-205, par le Comité sénatorial permanent des langues officielles ont aussi coïncidé avec la tenue des états généraux de la francophonie manitobaine en 2015, qui a été un grand travail de réflexion entrepris par la communauté francophone pour définir l'état des lieux et déterminer la voie de l'avenir.

Ce qui m'a marquée, c'est le grand niveau de concordance et de cohérence entre les objectifs du projet de loi S-209 et ceux que s'est donnés la communauté francophone du Manitoba.

Le projet de loi S-209 vise à élargir les définitions utilisées par la Loi sur les langues officielles pour calculer la demande de service dans la langue officielle minoritaire. Là où la Loi sur les langues officielles utilise un critère limitatif appelé la « première langue officielle parlée », le projet de loi S-209 propose un critère plus inclusif : celui de tenir compte de tous ceux qui communiquent en français.

Il s'agit d'un amendement nécessaire, car les communautés francophones ont évolué. Ce n'est pas par hasard que le rapport final des états généraux de la francophonie manitobaine est intitulé Des voix qui rassemblent. Le rapport reconnaît l'existence d'une francophonie plurielle, d'une identité éclatée ou à géométrie variable. Le gouvernement fédéral, garant de la dualité linguistique au pays, ne devrait-il pas emboîter le pas?

Le deuxième élément important que propose le projet de loi, c'est d'évaluer la demande de services dans la langue officielle minoritaire en considérant aussi la vitalité institutionnelle des communautés desservies. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral utilise des seuils statistiques arbitraires. On coupe les services en français, par exemple, là où le pourcentage des personnes ayant le français comme première langue officielle parlée passe en dessous du seuil de 5 p. 100 de la population générale. On ne tient pas compte de la présence d'une école francophone, par exemple, dans le calcul. La communauté se donne donc des outils pour survivre et s'épanouir, efforts que le gouvernement fédéral, avec la législation actuelle, ignore.

Dans son dernier rapport annuel, le commissaire aux langues officielles explique cette situation avec grande éloquence, et je cite :

Les méthodes actuellement utilisées pour déterminer si des services doivent être offerts, notamment le seuil de reconnaissance de 5 p. 100 de la population appliqué aux minorités, ne font qu'aggraver l'insécurité au sein de ces communautés. Le droit de la minorité de recevoir des services dépend ainsi de la croissance de la majorité. C'est pourquoi j'ai appuyé le projet de loi déposé par la sénatrice Maria Chaput, qui propose le recours à des indices de la vitalité des communautés, notamment les écoles et les centres communautaires, afin de déterminer quels bureaux fourniront des services dans les deux langues officielles.

Ce que je veux surtout souligner à l'étape de la deuxième lecture, c'est que l'esprit de ce projet de loi représente exactement ce que les communautés francophones en milieu minoritaire souhaitent et exigent. Au Manitoba, la stratégie que la communauté s'est donnée est d'agrandir l'espace francophone : de reconnaître la diversité de la francophonie, d'inclure sans discrimination tous ceux qui souhaitent participer au fait français, et de multiplier les occasions d'utiliser le français au quotidien.

Donc, la Loi sur les langues officielles ne devrait-elle pas nous diriger vers ces mêmes objectifs? Son préambule, après tout, indique que le gouvernement fédéral :

[...] s'est engagé à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones, au titre de leur appartenance aux deux collectivités de langue officielle, et à appuyer leur développement et à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

N'est-il pas contre-intuitif que son application aujourd'hui ait un effet contraire et vise à limiter plutôt qu'à favoriser l'épanouissement de la dualité linguistique?

Honorables sénateurs, il est grand temps de mettre à jour, dans un esprit d'ouverture et de collaboration, certaines dispositions limitatives de la Loi sur les langues officielles. C'est ce que le projet de loi S-209 propose de faire. Avec l'adoption de ce projet de loi, la Loi sur les langues officielles pourra non seulement mieux servir les communautés de langue officielle en situation minoritaire, mais elle sera aussi mieux outillée pour ne plus voir son régime d'application sombrer dans la désuétude.

(1710)

Puisque le projet de loi S-209 est en tous points similaire à son prédécesseur, le projet de loi S-205, ses principaux éléments ont été étudiés de manière assez exhaustive par le Comité sénatorial permanent des langues officielles lors de la dernière législature, sans que le comité ait pu toutefois le référer au Sénat pour la troisième lecture. J'ai confiance que cette étude se poursuivra sous peu, et que le projet de loi sera adopté par le Sénat et transmis à l'autre endroit dans le cadre de la présente session.

Je note avec un certain optimisme les commentaires encourageants de l'honorable Scott Brison, président du Conseil du Trésor, qui a exprimé en comité qu'il était ouvert à réviser, au minimum, le règlement d'application de la Loi sur les langues officielles pour arriver, si possible, aux fins visées par le projet de loi S-209. La révision du règlement est essentielle.

Son Honneur le Président : Je m'excuse, madame la sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé. Désirez-vous encore cinq minutes de plus?

La sénatrice Gagné : S'il vous plaît. Je vous remercie, monsieur le Président.

D'ailleurs, la Société franco-manitobaine conteste la constitutionnalité de certains éléments de ce règlement devant la Cour fédérale, car ils sont contraires à l'article 20 de la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi qu'à plusieurs articles de la Loi sur les langues officielles.

Je crois, cependant, que la révision du règlement d'application doit s'inscrire dans le contexte de la modernisation de la loi elle- même. Il est temps que la loi exprime clairement l'adhésion du Canada à cet esprit d'inclusivité linguistique. Il reviendra ensuite au gouvernement d'adopter un règlement d'application qui en découle.

Je crois que nous avons donc une occasion d'étudier et d'approuver un projet de loi qui est né au Sénat et qui a su, après des années de travail et de sensibilisation, recueillir des appuis partout au Canada et au sein des deux Chambres de notre Parlement.

À nous, honorables sénateurs, de profiter de cette occasion et de réitérer, à l'aube du 150e anniversaire de la Confédération, notre engagement à l'épanouissement de la dualité linguistique au Canada. Merci.

L'honorable Claudette Tardif : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Gagné : Avec plaisir.

La sénatrice Tardif : Je tiens tout d'abord à vous féliciter, sénatrice Gagné, pour votre excellent discours.

Croyez-vous que le règlement actuel pénalise la communauté francophone, qui ne grandit pas à la même vitesse que la population générale?

La sénatrice Gagné : Je vous remercie de votre question. C'est un fait clair, net et précis que, lorsque l'on calcule la demande par rapport à certains services, les personnes qui n'ont pas le français comme langue maternelle déclarée sont exclues. Ainsi, la réalité des communautés francophones en situation minoritaire n'est pas reflétée dans les résultats. La proportion diminue à cause de la croissance de la population en général au Canada.

L'honorable Serge Joyal : L'honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Gagné : Bien sûr.

Le sénateur Joyal : J'ai écouté attentivement vos propos, sénatrice Gagné, et j'observais le sénateur Sinclair, assis derrière vous, alors que vous relatiez l'évolution historique de la reconnaissance des droits des Franco-Manitobains. Il n'y a pas de doute que l'on déplore que, durant près de 100 ans, comme vous l'avez souligné — de 1870 à 1970-1980 —, les politiques linguistiques adoptées par le gouvernement du Manitoba ont eu pour effet de réduire la base des francophones au Manitoba, qui auraient normalement joui de l'exercice de leurs droits linguistiques de la même manière dont tout autre citoyen du Canada pouvait le faire, puisque les politiques gouvernementales du Manitoba visaient à réduire l'usage de la langue française.

J'observais le sénateur Sinclair, disais-je, et je n'ai pas pu m'empêcher de faire un parallèle avec les communautés autochtones du Canada, alors que, pendant 150 ans, on a limité l'usage des langues autochtones. Aujourd'hui, grâce au rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, on comprend qu'il s'agissait d'une discrimination systémique, c'est-à-dire une discrimination qui était intégrée dans les institutions. Aujourd'hui, des démarches sont entreprises afin de corriger cette discrimination systémique.

Ne croyez-vous pas qu'il y aurait lieu de plaider cet argument dans le cadre du procès qui se déroule en ce moment devant la Cour fédérale? La situation concernant les Franco-Manitobains n'a-t-elle pas produit des résultats comparables à ceux qu'on déplore à l'égard des communautés autochtones au pays?

Son Honneur le Président : Je m'excuse, sénatrice Gagné, mais désirez-vous plus de temps pour répondre à la question?

La sénatrice Gagné : S'il vous plaît. Je vous remercie de votre question, sénateur Joyal. Les communautés francophones en situation minoritaire portent ces questions devant les cours depuis plusieurs années. Nous avons connu certains succès, plus particulièrement en ce qui a trait à l'interprétation de l'article 23 de la Charte. Je tiens à souligner qu'il s'agissait de mesures réparatrices essentielles qui nous ont permis de reprendre le terrain perdu en ce qui a trait à la vitalité et au dynamisme des communautés francophones en situation minoritaire.

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, au nom du sénateur MacDonald, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi sur la gestion interne des sociétés publiques canadiennes

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Day, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-216, Loi prévoyant des moyens pour rationaliser la gestion interne des sociétés publiques canadiennes.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, cet article en est à son 15e jour. J'aimerais donc ajourner le débat pour le reste du temps de parole dont je dispose.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi renforçant la sécurité des Canadiens et promouvant la chasse et le tir sportif

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

Consentement ayant été accordé de revenir à l'article no 20, sous la rubrique Autres affaires, Projets de loi d'intérêt public du Sénat, Deuxième lecture :

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Jaffer, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-223, Loi modifiant la Loi sur les armes à feu, le Code criminel et d'autres lois en conséquence.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat) : Je n'ai pas terminé de préparer mes notes, chers collègues. Je voudrais donc ajourner le débat pour le reste du temps de parole dont je dispose.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

La Loi sur l'hymne national

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Nancy Ruth propose que le projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre), soit lu pour la deuxième fois.

(1720)

— Honorables sénateurs, nous étudions ce projet de loi plus de 35 ans après l'adoption, en un seul jour, de la Loi sur l'hymne national par la Chambre des communes et le Sénat.

Le 27 juin 1980, on a fait une promesse aux Canadiens. C'est une promesse qu'aucun gouvernement n'a tenue par la suite, mais que le projet de loi C-210 respecte, une promesse que nous, au Sénat, pouvons concrétiser pour la fête du Canada et le 150e anniversaire du pays.

La version anglaise de notre hymne national actuel est entrée en vigueur le 1er juillet 1980. La deuxième ligne est la suivante : « True patriot love in all thy sons command. »

Quelques mois plus tard, le Parlement a déposé la Charte des droits et libertés. Sans surprise, compte tenu de l'époque, les députés et les sénateurs — dont le sénateur Joyal — se sont opposés à l'utilisation des mots « thy sons ».

On a alors fait la promesse de se pencher sur la question plus tard. Eh bien, le temps est venu de le faire.

D'ailleurs, le projet de loi C-210 est le 11e projet de loi d'initiative parlementaire proposé à l'autre endroit pour modifier la deuxième ligne de la version anglaise de l'hymne afin que les mots englobent tous les Canadiens, quel que soit leur sexe, leur origine et leur race. Le Sénat lui-même a présenté deux projets de loi d'intérêt public du même ordre, dont celui de la sénatrice Vivienne Poy, comme certains d'entre vous s'en souviendront.

Nous avons devant nous une solution simple consistant en deux petits mots. Le projet de loi C-210 remplace « thy sons » par « of us »; la deuxième ligne de la version anglaise de l'Ô Canada serait donc la suivante : « True patriot love in all of us command. »

Les Canadiens suivent attentivement la question; ils sont prêts pour ce changement. En effet, plus ils connaissent l'histoire de notre hymne national, plus ils appuient la modification visant à le rendre plus inclusif.

Voici les faits :

À l'origine, Ô Canada était un chant en français. Calixa Lavallée a mis en musique un poème composé en français par le juge Adolphe- Basile Routhier. Ce chant a été interprété pour la première fois à Québec, en 1880, à l'occasion de la Saint-Jean-Baptiste. Dès le départ, ses paroles incluaient les femmes. Des traductions anglaises du chant ont circulé, mais elles n'ont jamais été très prisées par la population.

En 1908, le juge Robert Stanley Weir, de Montréal, a rédigé un poème sur la musique de Lavallée. Très différent de l'hymne national en anglais que nous chantons aujourd'hui, la deuxième ligne du poème, « thou dost in us command », incluait implicitement les femmes, comme la version française.

Des preuves documentaires laissent entendre que, peu avant la fin de l'année 1913, le juge Weir a modifié cette ligne, substituant « in all thy sons command » à « thou dost in us command ».

On a beaucoup parlé des liens entre ce changement et la contribution militaire du Canada à la Première Guerre mondiale ou à d'autres événements marquants de l'époque. Toutefois, il faut absolument savoir qu'il s'agit purement et simplement d'une hypothèse. Nous ignorons les raisons de ce changement.

Les archives publiques révèlent seulement que le changement a été apporté; elles n'en donnent pas les raisons. En 1913, de nombreux chants étaient en circulation, dont celui du juge Weir.

En 1927, lors du 60e anniversaire du Canada, notre jubilé de diamant, le gouvernement fédéral a publié un ordre des travaux qui comprenait les paroles de l'Ô Canada. Il s'agissait des paroles originales en français et de celles, en anglais, du poème du juge Weir. Toutefois, ce n'était pas les paroles de la version de 1908 ni celles de la version de 1913. Trois autres lignes avaient été changées.

Quatre décennies plus tard, soit en 1967, un comité mixte du Parlement a étudié les hymnes nationaux officiels, puis, en 1980, la Loi sur l'hymne officiel a été promulguée.

En résumé, seulement quatre des neuf lignes de la version anglaise de l'Ô Canada adoptée en 1980 contiennent les paroles originales. Les cinq autres lignes ont été modifiées, dont une à deux reprises.

Ces faits historiques nous aident à préciser deux choses importantes. Premièrement, il est plus que temps de rendre la version anglaise de l'hymne national plus inclusive, d'autant plus que la version française, elle, l'a toujours été. C'est une mesure qui s'impose compte tenu des valeurs qui font partie de notre Charte des droits et libertés, de nos codes sur les droits de la personne et de nos engagements internationaux.

Deuxièmement, la version anglaise de notre hymne national n'est liée à aucun événement précis de notre histoire. Elle est le produit d'une jeune nation, qui a tracé son chemin au fil du temps.

À mesure que les Canadiens ont pris connaissance des faits qui sous-tendent la chanson que nous chantons à l'heure actuelle, ils ont été de plus en plus nombreux à réclamer des paroles plus inclusives. Les résultats des sondages le montrent. Pas plus tard que le mois dernier, un nouveau sondage mené à l'échelle nationale a révélé qu'une majorité nette de Canadiens, soit 62 p. 100, appuie ce changement; seulement 19 p. 100 de la population s'y oppose, tandis que 19 p. 100 est indécise. Fait révélateur, 54 p. 100 des répondants ne savaient toujours pas que la version anglaise de l'hymne national a été modifiée à quelques reprises depuis qu'il a été instauré pour la première fois. Compte tenu des changements antérieurs, rien ne justifie qu'on ne le modifie pas aujourd'hui.

Le principe qui sous-tend ce projet de loi est le respect : le respect à la fois de notre héritage culturel et de son évolution, le respect des services rendus par les Canadiens, hier et aujourd'hui, au pays ou à l'étranger, et le respect des hommes et des femmes de toutes origines, dont les droits sont protégés par la Charte canadienne des droits et libertés.

Nous nous efforçons de créer une société ouverte, diversifiée et inclusive. En modifiant simplement deux mots, le projet de loi C-210 affirme clairement l'importance de ces valeurs. En effet, il est essentiel que notre hymne national tienne compte de ces valeurs, car fondamentalement, il énonce clairement ce que nous sommes, les valeurs que nous défendons et ce que nous voulons être.

L'honorable George Baker : L'honorable sénatrice répondrait-elle à une question?

La sénatrice Nancy Ruth : D'accord.

Le sénateur Baker : Sénatrice, peut-être que peu de gens sont conscients des faits que vous venez d'énoncer clairement. Si j'ai bien compris, les paroles originales étaient « thou dost in us command » et, au début de la Première Guerre mondiale, elles ont été changées à « sons command ».

Conviendriez-vous également avec moi pour dire, comme vous l'avez indiqué, que le Parlement a pris un seul jour pour apporter ce menu changement et qu'il n'y a pas grand-chose à débattre? Affirmez-vous que, puisque le changement proposé va de soi, nous devrions nous aussi consacrer une seule journée à la chose au Sénat et adopter la mesure immédiatement parce qu'elle devrait être adoptée?

La sénatrice Nancy Ruth : Sénateur Baker, je conviens certainement avec tout ce que vous avez dit, mais les sénateurs Andreychuk et Tkachuk ont poussé la recherche. Comme j'ai consulté Google à l'instant, ils pensent avoir déniché la première édition, une nouvelle analyse de la première édition du poème du juge Weir. Je viens d'écrire à mes recherchistes pour leur demander ce qu'il en est.

Vous avez sûrement raison, mais je ne puis en attester. Cela dit, il serait merveilleux de pouvoir adopter la mesure en une journée.

Le sénateur Baker : Sénatrice Nancy Ruth, lorsqu'un sénateur souhaite atermoyer, la pratique veut qu'il demande l'ajournement du débat. Laissez-vous entendre qu'on ne procède pas ainsi dans ce cas-ci et qu'on adopte cette mesure en une seule séance parce qu'elle est si simple et qu'elle n'a pas besoin d'être débattue davantage?

(1730)

La sénatrice Nancy Ruth : J'aimerais beaucoup, mais je répugnerais à m'écarter de la tradition et des coutumes du Sénat. Chaque sénateur a le droit de dire ce qu'il pense.

Le sénateur Baker : Voulez-vous donc dire, sénatrice, que ceux qui ne sont pas d'accord devraient se manifester et donner leurs raisons?

La sénatrice Nancy Ruth : Évidemment! Pourquoi pas?

Son Honneur le Président : Voulez-vous poser une question, sénateur Wells?

L'honorable David M. Wells : Je vous remercie de vos propos, sénatrice Nancy Ruth. J'ai une question à vous poser. Je crois que vous avez raison à propos du commentaire du sénateur Baker, selon lequel l'ajournement est une tactique dilatoire pour ne pas laisser intervenir quelqu'un d'autre, alors que nous sommes payés pour intervenir.

À certains égards, je pense que c'est pousser à l'extrême la rectitude politique. Je pense à d'autres versets de l'hymne, notamment au tout début, où l'on peut lire « Terre de nos aïeux ». Si l'on s'en tient aux lois sur la citoyenneté, le Canada n'est pas la terre de tous ses citoyens. Et ce n'est évidemment pas la terre de leurs aïeux puisque, pour beaucoup d'immigrants, la « terre des aïeux » est ailleurs.

Que diriez-vous de changer seulement certaines parties de l'hymne, comme le stipule le projet de loi, par rapport à corriger tout le texte, voire même à édulcorer la chanson que nous connaissons depuis notre naissance?

La sénatrice Nancy Ruth : Premièrement, laissez-moi vous dire que, lorsque je suis née, on chantait The Maple Leaf Forever et God Save the King.

Plusieurs personnes aimeraient que différentes modifications soient apportées à l'hymne national. Je sais que Carolyn Bennett possède une version bilingue qu'elle présentera peut-être un jour au Parlement afin que nous ayons le même hymne national dans les deux langues. Je n'y vois pas d'inconvénient, mais la mesure législative dont nous débattons porte sur deux mots qui se trouvaient dans le texte original et qui correspondent à l'intention première. C'est ce que nous croyons.

Le sénateur Wells : Vous avez parlé d'un sondage qui a révélé que 62 p. 100 des Canadiens sont favorables à ce changement. J'ai récemment vu les résultats d'un sondage réalisé à Terre-Neuve-et- Labrador — bien sûr, c'est la province que je représente —, et la majorité des personnes sondées s'opposent à une modification des paroles de l'hymne national. Étiez-vous au courant de ce sondage, ou connaissez-vous seulement celui dont les résultats sont favorables au changement?

La sénatrice Nancy Ruth : Je n'étais pas au courant du sondage dont vous parlez. Je serais heureuse de vous transmettre les résultats pour votre région du sondage Mainstreet effectué en mai.

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat. Le sénateur Munson a la parole.

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je suis tout aussi fier aujourd'hui d'appuyer le projet de loi S-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre), que je le suis quand je me lève chaque fois que j'entends l'hymne national du Canada.

Comme nous le savons tous, le parrain de ce projet de loi d'initiative parlementaire est l'honorable Mauril Bélanger, notre collègue de la Chambre des communes, qui est également un de mes grands amis et l'ami de nombreux sénateurs.

Ce projet de loi a suscité beaucoup d'émotion à la Chambre des communes. Nous en voilà maintenant saisis, nous qui formons la Chambre de second examen objectif. Mon Dieu que j'aimerais qu'il soit adopté avant que nous ajournions! Je constate cependant que certains s'y opposent et, dans notre démocratie, toutes les voix doivent être entendues.

Comme l'a indiqué la sénatrice Nancy Ruth, le projet de loi C-210 vise seulement à changer deux petits mots dans la version anglaise de notre hymne national; ainsi, on remplacerait « in all thy sons command » par « in all of us command ».

Ce projet de loi vise à moderniser notre hymne national afin qu'il rende mieux compte du progrès réalisé au Canada lorsqu'il s'agit de promouvoir l'égalité des sexes pour l'ensemble de la population canadienne.

Tout au long de l'histoire de notre pays, que ce soit sur le champ de bataille ou ailleurs, les Canadiens ont constamment établi et remis en question des lois, des coutumes et des traditions au nom des droits de la personne. La Charte canadienne des droits et libertés est elle-même issue de ce progrès social.

Comme il a également été souligné, les paroles de la version anglaise de l'Ô Canada composée par Robert Stanley Weir en 1908 ne contenaient aucune allusion à la religion, et le vers sur lequel nous nous penchons aujourd'hui comprenait les paroles « thou dost in us command ». Comme vous pouvez le constater, notre hymne a déjà subi quelques modifications au fil des années.

Honorables sénateurs, il est temps de poursuivre le progrès. Ce projet de loi nous donne une excellente occasion de le faire.

Le projet de loi C-210 jouit dorénavant d'un appui suffisamment important de la part des parlementaires pour qu'il se retrouve ici. La population canadienne a exprimé son appui. Vous avez entendu les résultats du sondage mené par Mainstreet en mai : 62 p. 100 des Canadiens sont favorables à ce changement, et 19 p. 100 s'y opposent.

Les symboles de notre pays ont changé. Je me suis souvenu d'une discussion que j'ai eue avec mon père, il y a de nombreuses années. Lorsque je lui ai parlé de la fête du Canada, mon père m'a fixé du regard et m'a dit : « C'est la fête du Dominion. » J'étais terrifié. Il y a aussi la notion du territoire qui s'étend « d'un océan à l'autre ». J'ai compris son point de vue parce qu'il a grandi à une autre époque, celle du Dominion du Canada, qui s'étendait « d'un océan à l'autre ». Or, les choses ont changé, et on parle maintenant de la fête du Canada. Cela ne fait plus sourciller personne et ne nous rend pas moins fiers de ce pays qu'on appelle le Canada.

J'essaie de penser à des questions semblables. En fait de symbole, nous avons un drapeau hissé au haut de la tour de la Paix dont nous sommes très fiers. Les générations ont vieilli. Comment décriraient- elles l'apparence du drapeau avant 1965, sa signification? Nous étions fiers d'être Canadiens, mais le drapeau reflétait toujours notre passé colonial. J'estime que notre drapeau représente qui nous sommes en tant que Canadiens.

Je tiens à citer l'observation sarcastique formulée par Andrew Coyne la semaine dernière. Il a dit ce qui suit :

Tandis que vous vaquez à vos occupations, songez aux citoyens du pays à l'esprit le plus littéral, dont nous célébrons aujourd'hui le triomphe : l'hymne national est réécrit. Quel monde étrange et épeurant ils habitent.

Au risque de sembler avoir l'esprit trop littéral, je répète qu'on ne propose de modifier que deux mots. Le projet de loi C-210 est simple. Il n'a rien à voir avec une réécriture de l'hymne national. La modification, si elle est mise en œuvre, laisserait intacts les principaux thèmes de l'hymne, y compris ses mentions du courage et de la loyauté des gens qui se sont battus pour défendre les libertés et les privilèges que nous chérissons tous et dont nous profitons tous.

« Thy sons » omet le rôle des femmes dans les événements qui ont façonné le Canada. Cette partie des paroles anglaises existantes empêche également des membres de notre population de pleinement s'identifier aux sentiments que l'hymne est conçu pour insuffler dans le cœur humain.

Tout à l'heure, je songeais au fait que j'ai cinq oncles du côté de la famille de ma mère. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ils ont tous été soldats. Ils sont rentrés au pays. Ma tante Eileen était dans l'armée et elle était basée ici, à Ottawa. Elle vit dans une maison pour aînés à Sackville, au Nouveau-Brunswick. Ma tante chérie a livré la guerre à l'Allemagne, comme le reste du pays. Qu'en est-il de la reconnaissance de son rôle et des valeurs qu'elle a défendues?

Quand avez-vous pensé aux raisons pour lesquelles il faudrait utiliser un langage neutre pour la dernière fois? À en juger par certains commentaires que j'ai entendus — notamment, comme nous venons de l'entendre, que le projet de loi vise la rectitude politique —, je crois qu'il est temps de nous rafraîchir la mémoire à l'aide de quelques références instructives comme celle-ci :

L'utilisation d'un langage neutre peut sembler inutile pour certains auteurs, mais la constante utilisation des pronoms masculins donne l'impression que les femmes ne font pas partie du groupe auquel l'auteur fait référence.

Il y a aussi celle-là :

Les auteurs prudents évitent d'utiliser un langage qui universaliserait un élément de l'humanité en excluant les autres.

Ces extraits sont tirés du document The Law Student's Guide to Good Writing, préparé par le professeur Marc Grinker, du Chicago Kent College of Law, en 1994.

Bien que ces citations s'adressent à l'auteur, je ne critique aucunement le travail du parolier de l'Ô Canada. On ne parle pas de l'intention des mots, mais bien de leur effet. Le projet de loi C- 210 nous permet d'améliorer l'effet de notre hymne national et d'accroître son incidence aujourd'hui et pour l'avenir.

Honorables sénateurs, ce projet de loi vise le respect des droits et du rôle des femmes dans la société. Il vise à veiller à ce que notre hymne national soit le reflet de l'évolution de notre société et à ce qu'il continue de l'être.

À mon avis, c'est une intention admirable et nécessaire. Il y a un monde de différence entre utiliser un langage neutre parce qu'on subit des pressions pour le faire et l'utiliser parce qu'il s'agit de la bonne chose à faire.

(1740)

Le fait de remplacer des mots tendancieux pour certains par d'autres mots qui englobent et reconnaissent également tous les Canadiens aura des répercussions qui l'emporteront nettement sur tout prétexte invoqué pour ne pas apporter ce changement.

Le langage et les mots sont puissants. Nous avons la chance de le constater chaque fois que nous assistons ou prenons part à des discussions et à des débats entre sénateurs. Je vous exhorte, honorables sénateurs, d'accorder au projet de loi le respect que vous portez au langage et aux mots, et de consentir à remplacer deux mots de l'hymne national. Vous enverrez ainsi un message formidable et inspirant aux femmes et aux hommes du pays.

Honorables sénateurs, bien que Mauril Bélanger ne soit plus en mesure de parler, il utilise toujours le langage et les mots pour nous toucher et exprimer ses principes et sa vision. Je suis fier de citer ses paroles :

En tant que Canadiens, nous nous interrogeons constamment sur la pertinence de nos hypothèses et de nos symboles. Les érables canadiens ont des racines profondes, mais ils continuent aussi sans cesse continuer de s'étirer vers le ciel. Notre hymne peut lui aussi refléter nos racines et notre croissance.

C'était le discours de l'honorable Mauril Bélanger, à l'étape de la deuxième lecture, le 6 mai 2016.

Merci, honorables sénateurs.

L'honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-210. Comme le sénateur Munson l'a si bien dit, le langage et les mots sont une expression de notre identité. Ils sont aussi intensément politiques, ce dont les Canadiens sont tout à fait conscients.

Au cours de notre histoire, nous avons débattu avec véhémence au sujet des droits et des responsabilités liés au maintien, à la renaissance et au choix d'une langue ainsi qu'à l'adaptation du langage. À certaines périodes de notre histoire, nous avons choisi, honteusement, de corrompre une langue pour en imposer une autre. En somme, la langue reflète notre identité et, comme on le sait, l'identité est en constante évolution.

Le projet de loi C-210 propose de moderniser le libellé de la version anglaise de notre cher hymne national, auquel nous nous étions habitués. À l'instar du sénateur Munson, je suis souvent émue lorsque j'entends l'hymne national.

Le changement proposé arrive à point nommé et il est courageux et important parce que les paroles sont chargées de sens. Elles expriment l'attitude et les comportements auxquels nous aspirons et que nous mettons en pratique. Les paroles ont en elles-mêmes le pouvoir d'inclure ou d'exclure. Aujourd'hui, il nous faut des paroles symboliques qui expriment à la fois une véritable inclusion dans la société.

Ce n'est pas la première fois que nous sommes appelés à trouver de nouveaux mots pour décrire une nouvelle réalité. Nous avons modifié de nombreux vocables pour mieux refléter l'identité et la mentalité canadiennes. Je rappelle aux sénateurs qu'il y a de nombreuses années, il y avait un ministère des Affaires indiennes. Aujourd'hui, il s'agit du ministère des Affaires autochtones.

À une certaine époque, par exemple, les gens utilisaient le terme « débile mental » alors qu'aujourd'hui, on préfère le terme « personne ayant une déficience intellectuelle ». En outre, bon nombre de personnes de nos jours utilisent de façon péjorative la désignation « dame ». Personnellement, je grimace quand on me désigne comme une « dame » et je rage quand on me met dans la catégorie des « filles ». Vous êtes donc tous avertis. Je préfère nettement qu'on me désigne comme étant une femme.

La modification apportée à la version anglaise de l'hymne national permet de faire d'une pierre deux coups puisque nous passons de « sons » à « us » plutôt qu'à « sons and daughters »; le pronom « us » permet une désignation neutre. Cette modification révèle que nous sommes ouverts et disposés à regarder notre réalité bien en face et à reconnaître qu'elle a changé.

Le Canada est et sera toujours en évolution. C'est ce qui fait sa force. Notre pays est l'un des plus diversifiés au monde : sa population est composée de gens des Premières Nations, d'anglophones, de francophones et d'immigrants. La réussite du Canada repose sur la compréhension de l'évolution constante de notre identité et sur notre capacité de traduire cette réalité dans nos institutions.

Lorsque nous examinons qui nous sommes et qui nous étions, nous voyons des hommes et des femmes. Nous n'envoyons pas que des hommes en guerre maintenant; nous y envoyons également des femmes. Il n'y a pas que des hommes qui siègent à la Cour suprême du Canada; il y a aussi des femmes. Les hommes et les femmes travaillent, et, heureusement, ce sont des hommes et des femmes qui siègent dans cette enceinte.

J'aimerais aussi souligner que la représentation des sexes n'est pas simplement binaire. L'identité et l'expression de genre ont de multiples visages. C'est une dure réalité, mais ceux qui s'identifient différemment de la majorité font l'objet de discrimination, de harcèlement et de violence, pas seulement dans des régions éloignées du monde, mais ici même également.

L'inclusion signifie accroître la visibilité de la diversité. Un langage inclusif constitue un important pas dans cette direction.

J'appuie sans réserve le projet de loi et je félicite la sénatrice Nancy Ruth de le défendre depuis si longtemps. Le temps est venu de régler ce dossier.

Merci.

Des voix : Bravo!

L'honorable Elaine McCoy : Je veux me faire l'écho des propos de la sénatrice Omidvar en félicitant la sénatrice Nancy Ruth de défendre le projet de loi depuis si longtemps.

Je dois dire, tout d'abord, qu'il pourrait y avoir des points de vue différents sur le plan générationnel. J'ai présenté la carte avec le libellé proposé à une jeune femme que je connais et qui est dans la mi-trentaine. Elle a examiné le libellé et a déclaré : « Eh bien, qu'est- ce qui a changé? » J'ai dit que la troisième ou la deuxième ligne avait été modifiée. Elle a répondu : « Comment? J'ai toujours chanté l'Ô Canada de cette façon. »

Le conseil des anciens que nous sommes ne doit pas insister pour faire comme on a toujours fait.

Je viens de commencer mes recherches. C'est incroyable, n'est-ce pas? Dans trois jours, il y aura 236 ans que nous chantons cet hymne. Nous devons bien sûr reconnaître que ce sont les francophones de notre pays qui ont été les premiers à le chanter. Il a été chanté en français, à la Saint-Jean-Baptiste, comme l'a précisé la sénatrice Nancy Ruth. Je viens tout juste de commencer à me pencher sur la question. La sénatrice Ringuette m'a aidée à comprendre les paroles du poème en français, étant donné que je ne parle pas cette langue. L'auteur dit que le Canada est la terre de nos ancêtres et que c'est un pays glorieux, car son bras sait porter l'épée et la croix. Que son histoire est jalonnée de brillants exploits. Et que son courage et sa foi protégeront nos foyers et nos droits.

C'est essentiellement dans cet esprit que l'hymne a été chanté pour la première fois. Je crois que c'est cet esprit qui nous remplit encore d'enthousiasme et de fierté quand nous chantons notre hymne national. Toutefois, honorables sénateurs, comme je viens de le dire, je viens de commencer mes recherches. L'hymne national a une longue histoire. Il existe de nombreuses versions de ce projet de loi, et il faut tenir compte d'une grande variété d'opinions. Je demande donc l'ajournement du débat à mon nom pour le reste du temps dont je dispose.

(Sur la motion de la sénatrice McCoy, le débat est ajourné.)

[Français]

Agriculture et forêts

Budget—L'étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux—Adoption du quatrième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts (Budget—déblocage additionnel de fonds (les priorités du secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux)), présenté au Sénat le 20 juin 2016.

L'honorable Ghislain Maltais propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, j'aimerais apporter quelques précisions au sujet de cette demande de déblocage additionnel de fonds dans le cadre de la visite qu'organise le comité sénatorial, du 7 au 9 novembre 2016, à Beijing et à Shanghai, en Chine.

Pourquoi aller en Chine? Il y a de bonnes raisons.

Nous avons sillonné le Canada, de l'Atlantique au Pacifique, et nous avons rencontré plus de 200 agriculteurs, producteurs et transformateurs. Tous en sont arrivés à la même conclusion : que le marché chinois, malgré le Partenariat transpacifique et l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe, demeure le marché d'avenir le plus important pour les producteurs canadiens. Nous avons également consulté plusieurs fonctionnaires du ministère qui, eux, croient énormément en cette mission.

(1750)

Pour quelle raison? C'est d'abord pour les contacts économiques. À Beijing, nous rencontrerons des représentants du gouvernement chinois dans le domaine de l'agriculture. À Shanghai, nous assisterons à la plus grande exposition du secteur agroalimentaire en Asie.

Les témoins ont mentionné à plusieurs reprises que la visite d'un comité sénatorial en Chine serait considérée comme très prestigieuse et pourrait offrir un soutien moral aux entreprises et aux fonctionnaires du Canada. De plus, ils ont souligné qu'une telle visite pourrait leur donner accès à des représentants du pays, ce qu'ils n'ont pas en général.

L'objectif de ce voyage est de rencontrer des hommes d'affaires canadiens qui sont en Chine et des représentants du gouvernement chinois. Lors de cette exposition, plus de 50 entreprises canadiennes seront représentées à Shanghai. Des contacts seront établis entre le comité sénatorial, le consulat du Canada et l'ambassade canadienne afin que nous puissions entendre l'opinion de ces gens. Il ne s'agit pas d'une mission à court terme. La perspective est plutôt de quatre, cinq et même huit ans.

L'agriculture a changé et elle devra changer encore. La Chine offre un potentiel extraordinaire pour un pays comme le Canada, qui produit beaucoup et qui pourrait produire encore davantage s'il avait accès à de bons marchés. C'est ce sur quoi nous allons travailler.

Vous trouverez sans doute que le montant de près de 270 000 $ est important. Toutefois, sachez qu'il s'agit là d'un investissement à long terme pour le Canada. Les retombées ne seront peut-être pas pour demain, mais elles viendront dans l'avenir pour les agriculteurs et les Canadiens et Canadiennes.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Pêches et océans

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur les activités de recherche et de sauvetage maritimes—Adoption du troisième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans (Budget—étude sur la recherche et le sauvetage maritimes, y compris les défis et les possibilités qui existent—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 20 juin 2016.

L'honorable Fabian Manning propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a entrepris le 10 mai dernier une étude sur la recherche et le sauvetage maritimes. Le budget proposé pour l'exercice 2016-2017, dont vous êtes saisis, a été approuvé par le Comité de la régie interne jeudi dernier. Il prévoit des déplacements à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle- Écosse. Le comité a l'intention d'effectuer une mission d'information dans ces trois provinces et de procéder à des audiences publiques à Halifax.

Comme certains d'entre vous le savent peut-être, la recherche et le sauvetage maritimes consistent à rechercher des personnes, des navires et d'autres embarcations qui sont ou qu'on croit être exposés à un danger imminent et à leur porter secours. Dirigé par la Garde côtière canadienne, le programme est coordonné conjointement avec le ministère de la Défense nationale.

Le comité a déjà entendu plusieurs représentants de la Garde côtière canadienne, du ministère de la Défense nationale et de la Garde côtière auxiliaire canadienne. Notre étude a suscité un grand intérêt partout au pays, et nous espérons commencer à nous déplacer à l'automne.

La recherche et le sauvetage en mer ont soulevé de nombreuses préoccupations au fil des ans, notamment en raison de la flotte vieillissante de la Garde côtière canadienne, du manque de ressources humaines, des longs délais d'intervention et du manque de capacité dans le Nord du Canada, pour ne nommer que ceux-là. Selon le comité, ces préoccupations continuent de nuire à la prestation des services de recherche et de sauvetage en mer dans diverses régions du pays; ils devraient faire l'objet d'un examen minutieux et devront être abordées de façon adéquate en temps opportun.

Honorables sénateurs, les membres du comité s'inquiètent de la capacité actuelle des activités de recherche et sauvetage en mer, qui sont gérées et exécutées par la Garde côtière canadienne. Nous croyons qu'il est essentiel que les opérations de recherche et sauvetage soient réalisées de manière opportune et adéquate afin de répondre aux besoins de tous les Canadiens sur les trois côtes, les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent.

Je tiens à souligner que le comité est tout à fait conscient des frais de déplacement. Nous prévoyons le déplacement de tous nos membres dans le budget, mais en moyenne la moitié des membres effectuent ces déplacements.

De plus, le comité a approuvé un plan de communications qui vise à présenter le travail que nous réalisons pendant ces déplacements. Le plan a pour objectif de renforcer notre relation avec les médias et, peut-être plus important encore, de sensibiliser davantage la population à l'égard du rôle central que jouent le personnel de la Garde côtière canadienne et de la Défense et les bénévoles dans les missions de recherche et sauvetage et, comme toujours, de faire état de l'excellent travail du Sénat du Canada.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable George Baker : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Manning : Oui.

Le sénateur Baker : La côte de Terre-Neuve-et-Labrador est la plus grande de la côte Est. Je ne crois pas que le sénateur en ait fait mention.

C'est peut-être l'étude la plus importante que le comité ait entreprise. Il s'agit de recherche et sauvetage. Ce sont des vies humaines qui sont en jeu, en particulier dans les océans, vu l'exploitation pétrolière et la pêche.

Le comité examinera-t-il l'idée envisagée par le ministère de la Défense nationale de faire appel à l'entreprise privée dans le domaine de la recherche et du sauvetage, comme il l'a annoncé récemment?

Le sénateur Manning : Je n'ai pas parlé des côtes de Terre-Neuve- et-Labrador parce que je ne voudrais pas, en tant que président du comité, faire passer les intérêts de ma province avant ceux des autres provinces ou territoires du Canada. Alors, j'ai hâte d'étudier, en toute neutralité, comme à mon habitude, tous les volets de la recherche et du sauvetage au Canada. Je serai heureux d'entendre le point de vue des Canadiens, y compris celui des gens de Terre- Neuve-et-Labrador, où nous espérons nous rendre en novembre, dans le cadre d'une mission d'information et d'audiences publiques.

Les discussions dans ce dossier visent entre autres à dresser un portrait à jour des moyens actuels de recherche et sauvetage au Canada. Comme vous l'avez indiqué en parlant de Terre-Neuve-et- Labrador, le Canada s'étend sur un vaste territoire, et il va sans dire qu'y fournir des services de recherche et sauvetage n'est pas une sinécure pour les gens qui s'y emploient.

Je ne voudrais aucunement présumer des résultats de notre étude, mais, à la lumière de nos discussions préliminaires actuelles, je constate que de nombreuses suggestions nous sont adressées sur les façons d'améliorer la recherche et le sauvetage et sur les moyens que le gouvernement devrait employer pour fournir les services de recherche et sauvetage. Je vois aussi que l'on discute de la possibilité d'entendre le point de vue de personnes qui ont des projets ou des suggestions à présenter sur la possibilité de faire appel au secteur privé.

Comme vous et d'autres sénateurs le savez peut-être, plusieurs pays dans le monde ont recours au secteur privé pour fournir une partie des services de recherche et sauvetage et même, dans certains cas, la totalité de ces services. Dans le cas de l'exploitation pétrolière et gazière à Terre-Neuve-et-Labrador, par exemple, le secteur privé fournit des services de recherche et sauvetage 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par année.

Je suis certain que ces entreprises auraient des choses intéressantes à nous apprendre. Sans vouloir préjuger des conclusions de notre travail, nous serons ouverts aux suggestions venant de toutes parts. Essentiellement, il s'agit de rédiger un rapport contenant des propositions d'améliorations qui permettront aux marins et aux autres personnes qui en auraient besoin de bénéficier de services de recherche et sauvetage rapides et efficients.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l'article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu'à 20 heures.

Vous plaît-il de faire abstraction de l'heure, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Avez-vous une question à poser, sénateur Patterson?

L'honorable Dennis Glen Patterson : Merci, Votre Honneur.

Effectivement, j'accueille avec enthousiasme le rapport de l'importante étude du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans sur la recherche et le sauvetage. C'est une question vitale pour les habitants des localités éloignées du Canada et des localités éloignées du Nord, qui sont malheureusement desservies depuis des bases situées loin, au sud. Cela met en péril la vie de nos citoyens qui vivent dans une région où le climat est régulièrement très rigoureux. C'est une source de frustration continue depuis de nombreuses années.

(1800)

J'ai été ravi, monsieur le Président, que vous ayez mentionné trois côtes dans votre étude. Avec tout le respect que je dois au sénateur Baker, je viens de la région qui compte le plus long littoral au Canada. Il ne s'agit pas du plus long littoral de la région des Maritimes. Je parle du plus long littoral au Canada.

Ma question est simple. Le mandat comprend-il le Nord du Canada et sera-t-il possible pour le comité de se rendre dans le Nord du Canada ou d'entendre des témoins qui viennent du Nord du Canada et qui s'intéressent tout particulièrement à la question des opérations de recherche et sauvetage?

Le sénateur Manning : J'ai en effet mentionné trois côtes. J'ai besoin d'être informé parce que je parle continuellement de trois côtes. C'est ainsi que j'en parle dans la plupart de mes interventions parce que je veux m'assurer de tenir compte de l'ensemble du Canada, dont le Nord. Il me faut peut-être me rendre sur les trois côtes. Je n'en suis pas tout à fait sûr, mais je vais tenir compte de vos conseils à cet égard.

Le sénateur Watt siège au comité et a à plusieurs occasions fait part de certaines préoccupations. Il a notamment mentionné qu'il fallait tout d'abord que le Nord ait l'occasion d'être entendu dans le cadre de l'étude faite par le comité. Il a été question de nos plans pour ce qui est de se rendre dans le Nord, lorsque le temps nous le permettra, pas nécessairement pour visiter les installations de recherche et sauvetage, parce qu'il n'y en a pas, mais pour discuter avec les habitants de la région et obtenir une rétroaction de leur part.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, étant donné la taille du Canada, il n'est pas nécessairement possible d'avoir du personnel et du matériel pour des opérations de recherche et de sauvetage dans chaque coin du pays. Il faut toutefois tenir compte de l'étendue géographique du Nord, du temps qu'il faut pour s'y rendre, du fait que les collectivités y sont disséminées. Je suis convaincu que nous recueillerons des renseignements très importants auprès des habitants du Nord dans le cadre de notre étude. J'ai, tout comme les autres membres du comité, très hâte de connaître leur opinion à cet égard.

Soyez assurés que le sénateur Watt fait très régulièrement part au comité des préoccupations qu'éprouvent les habitants du Nord. Son travail est exemplaire à cet égard.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'étude sur les obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne

Adoption du quatrième rapport du Comité des droits de la personne et demande de réponse du gouvernement

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Les nombreux oubliés : droits de la personne et transfuges nord-coréens, déposé au Sénat le 20 juin 2016.

L'honorable Jim Munson propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, le rapport du Comité sénatorial des droits de la personne, intitulé Les nombreux oubliés : droits de la personne et transfuges nord-coréens, a été rendu public hier, qui était la Journée mondiale des réfugiés. Ce rapport a reçu beaucoup d'attention de la part des médias, dont le Globe and Mail et la Presse Canadienne.

Pour nous, il était important de parler des nombreux oubliés de la Corée du Nord, des transfuges en quelque sorte ignorés par le reste du monde. Il me semble que, sur la scène internationale, nous mettons l'accent sur les dangers liés à une guerre nucléaire ou à des troubles dans cette région. Au sein du Comité des droits de la personne, nous estimions qu'il était important de décrire le sort des personnes qui ont quitté la Corée du Nord en passant par la Chine. Après avoir emprunté une voie tortueuse, croyant pouvoir enfin être libres, elles ont été renvoyées dans leur pays. Comme ces gens sont des transfuges plutôt que des réfugiés, ils ne peuvent pas revendiquer le statut de réfugié au Canada. Nous estimions qu'il était extrêmement important d'attirer l'attention sur cette question, étant donné que, en ce moment, les regards sont surtout tournés vers la Syrie et d'autres pays.

Notre rapport contenait un certain nombre de recommandations, mais la principale invitait le ministre à exercer son pouvoir discrétionnaire pour permettre l'entrée au Canada de transfuges nord-coréens provenant d'autres parties du monde.

Avec le dépôt de ce rapport, le Comité des droits de la personne — et le Sénat aussi, je l'espère — demande au gouvernement de répondre à ses recommandations. Nous demandons au ministre d'y donner suite. Nous ne voulons pas juste attirer l'attention du gouvernement sur cette question, nous voulons le pousser à agir.

Par conséquent, je propose :

Que le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le lundi 20 juin 2016, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Affaires étrangères étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'étude sur des questions liées aux relations étrangères et au commerce international en général

Adoption du cinquième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international

Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Perspectives sur la situation au Venezuela, déposé au Sénat le 8 juin 2016.

L'honorable A. Raynell Andreychuk propose que le rapport soit adopté.

— Comme le savent tous ceux, et ils sont plusieurs, qui suivent les actualités internationales et plus particulièrement sud-américaines, on sent que d'importants changements économiques et politiques sont dans l'air.

Grâce aux connaissances sur les événements qui marquent cette région du globe que lui ont permis d'acquérir les nombreuses études qu'il a réalisées jusqu'ici, notamment sur les accords de libre- échange entre le Canada et le Chili, le Pérou et la Colombie, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a pu prendre la mesure de ces changements, qui ont été précipités par la chute mondiale du cours des matières premières, l'arrivée de nouveaux visages au pouvoir et l'émergence de mouvements au sein de l'opposition.

Par conséquent, le comité surveille de près l'actualité dans la région, y compris au Brésil, à la lumière du rapport de 2012 sur les relations entre le Canada et le Brésil. Il étudie aussi activement la transformation politique et économique de l'Argentine afin d'évaluer l'incidence pour la région et les intérêts canadiens là-bas.

Le Venezuela est un pays dont la crise croissante et l'engagement envers les principes démocratiques a capté l'attention du comité depuis un certain temps. En particulier, nous sommes préoccupés par l'agitation sociale croissante et les manifestations contre le gouvernement dirigées par des étudiants et des personnalités connues de l'opposition concernant les difficultés économiques, les pénuries d'aliments, les taux de criminalité élevés et la corruption au sein du gouvernement, des difficultés qui sont devenues systémiques au Venezuela depuis plusieurs années.

Vous vous rappellerez que des manifestations à la mi-février 2014 ont été particulièrement violentes et ont eu de lourdes conséquences pour ce qui est de la situation des droits de la personne au Venezuela. Notamment, la réaction violente du gouvernement à la protestation a causé la mort de plus de 40 personnes. Depuis ces événements, les divisions sociopolitiques profondes du Venezuela sont devenues encore plus fermes, particulièrement à la suite des élections parlementaires de décembre 2015, dont le résultat a été la prise de contrôle du Parlement par l'opposition.

Au cours des dernières années, le comité a eu la chance d'entendre de première main des témoignages des bouleversements politiques, économiques et sociaux qui secouent le Venezuela. En mai 2014, le comité a entendu le témoignage de María Corina Machado, qui était alors députée de l'opposition à l'Assemblée nationale du Venezuela. Vous vous souviendrez qu'elle a été privée de son siège au Parlement à la suite de son discours à l'intention du Conseil permanent de l'Organisation des États américains sur la réaction du gouvernement vénézuélien aux manifestations de février 2014.

Plus récemment, en mai 2016, plusieurs députés de l'Assemblée nationale représentant certains des partis politiques qui, aux élections de décembre 2015, ont pris le contrôle du Parlement au détriment des partis appuyant le gouvernement ont comparu devant le comité sénatorial.

(1810)

Le comité a également entendu des témoignages de représentants d'Affaires mondiales Canada sur les relations bilatérales du Canada avec le Venezuela. À partir de ces témoignages, le comité a déposé un rapport sur la situation politique et l'aggravation de la crise économique du pays. J'aimerais vous communiquer quelques points dont fait état le rapport à propos du Venezuela.

Le rapport fait ressortir en particulier les inquiétudes que suscite la situation de la démocratie dans la conjoncture. L'Assemblée nationale qui vient d'être élue essaie d'ailleurs de mettre en place une vaste gamme de réformes politiques et économiques qui s'imposent.

Elle a par exemple adopté une loi d'amnistie et de réconciliation visant à amnistier 77 politiciens, étudiants et militaires, dont beaucoup avaient été emprisonnés à la suite des violentes manifestations antigouvernementales de février 2014. Malheureusement, ces tentatives de réforme sont régulièrement contrecarrées, de façon directe ou indirecte, par le président Nicolas Maduro, qui exerce encore une certaine influence politique, notamment sur le système judiciaire contrôlé par le gouvernement. Ainsi, peu après son adoption, la loi d'amnistie a été invalidée par la Cour suprême qui, depuis décembre 2015, a aussi rendu d'autres verdicts sur des lois qu'elle jugeait contraires à la Constitution.

Le rapport met par ailleurs en lumière l'agitation politique qui continue de freiner les efforts déployés pour régler les problèmes découlant d'une économie de plus en plus fragile. En fait, un dialogue et des compromis s'imposent, notamment pour surmonter l'impact économique de la chute du cours mondial du pétrole et la perte pour le Venezuela de son statut de principal fournisseur de pétrole de la région.

Sans résolution en vue, a-t-on dit au comité, les pénuries d'aliments, d'eau, d'énergie et de médicaments de base s'aggraveront, au détriment de la santé et du bien-être des Vénézuéliens. En fait, je dois vous dire que, depuis la semaine dernière, les émeutes se multiplient. Les gens descendent dans la rue parce qu'ils ne supportent pas qu'un pays aussi riche en ressources ne soit plus en mesure de répondre aux besoins fondamentaux de ses habitants. La situation est en ce moment très précaire, ce qui, à notre avis, n'a pas lieu d'être. On a affaire à un problème de gouvernance qui n'a rien à voir avec un manque de ressources ou d'autres enjeux internationaux.

En effet, l'économie du Venezuela a récemment été décrite par l'Economist Intelligence Unit comme étant au bord de la défaillance, de la crise et de l'effondrement. À cet égard, ce pays est affligé de plusieurs maux : un taux d'inflation de plus de 100 p. 100, une contraction du PIB, un climat qui décourage les investissements d'entreprises, un resserrement monétaire et une forte dévaluation de la monnaie sans compter de graves pénuries de produits de première nécessité, comme la nourriture, les médicaments et l'eau. Le PIB devrait encore reculer de 12,7 p. 100 en 2016.

Le taux d'inflation en 2015 a été, en moyenne, de 121,7 p. 100, et, selon les estimations, il atteindra 640,5 p. 100 d'ici la fin de l'année.

Le gouvernement Maduro n'a cessé d'attribuer les difficultés économiques du pays aux groupes de droite du Venezuela et aux gouvernements étrangers, qualifiant leurs agissements de « guerre économique ».

Les fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada ont mentionné que les représentants canadiens profitent des diverses tribunes pour attirer l'attention sur les atteintes aux droits de la personne dans le pays, comme ils l'ont fait à la réunion de l'Organisation des États Américains, et sur les efforts déployés pour rendre visite aux prisonniers politiques comme Lopoldo López, un leader de l'opposition en vue qui a été mis en détention après les manifestations de février 2014 et a été condamné en septembre 2015 à une peine de 13 ans d'emprisonnement, qu'il purge en ce moment.

En effet, l'inquiétude quant à la situation des droits de la personne au Venezuela chez les observateurs vénézuéliens et étrangers ne date pas d'hier. Cette préoccupation générale et constante a toujours tourné autour de la répression par le gouvernement de la dissidence politique, de l'érosion de la primauté du droit, des attaques et des menaces contre les défenseurs des droits de la personne ainsi que de la critique du gouvernement par les journalistes.

Par conséquent, le rapport de notre comité souligne l'importance de la primauté du droit dans les sociétés démocratiques et le tort aux principes démocratiques que fait un pays lorsqu'il emprisonne ses adversaires politiques.

Pour éviter une détérioration du statu quo, le comité encourage toutes les branches des systèmes politique et judiciaire vénézuéliens à entamer un dialogue et à faire un compromis pour le bien de toute la population de ce pays.

Je signale que les parlementaires vénézuéliens s'exposent à des risques considérables en comparaissant devant le comité. Pendant notre rencontre, ils ont confirmé ne pas savoir ce qui adviendra de leurs droits fondamentaux à leur retour au Venezuela, après avoir témoigné publiquement devant le comité.

Le comité remercie le président du Comité permanent des affaires étrangères de l'Assemblée nationale du Venezuela, Luis Florido, ses collègues, Williams Dávila et Luis Emilio Rondón Hernández, ainsi que le président du Comité permanent sur les opérations gouvernementales et les comptes publics, Freddy Guevara, de nous avoir fait part de leurs observations et d'avoir eu le courage de comparaître devant le comité.

En terminant, j'invite tous les sénateurs qui ne l'ont pas encore fait à consulter le rapport pour être au fait des événements qui se produisent au Venezuela et qui évoluent de jour en jour. Ces choses se passent dans notre hémisphère, et nous devons agir.

Ce qui se produit actuellement a poussé l'opposition à demander au président Maduro d'organiser sous peu un référendum, mais le président et les tribunaux ont encore une fois bloqué ces efforts.

Le comité continuera de suivre la situation de près et à tenir le Sénat au courant des difficultés que vivent les Vénézuéliens.

Nous sommes convaincus que le Sénat acceptera le rapport et continuera à suivre de près la grave crise qui se déroule au Venezuela et les souffrances que subissent actuellement les Vénézuéliens.

Je vous remercie, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'étude sur les questions relatives aux barrières au commerce intérieur

Adoption du cinquième rapport du Comité des banques et du commerce

Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé Des murs à démolir : Démantèlement des barrières au commerce intérieur au Canada, déposé au Sénat le 13 juin 2016.

L'honorable David Tkachuk propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, l'article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 dit ceci :

Tous articles du crû, de la provenance ou manufacture d'aucune des provinces seront, à dater de l'union, admis en franchise dans chacune des autres provinces.

L'an prochain, nous célébrerons le 150e anniversaire de la création de notre pays, mais la promesse contenue dans l'article 121 n'a pas été tenue. Il existe beaucoup trop de différences inutiles sur le plan des règlements et des lois entre les provinces canadiennes, ce qui nuit à la libre circulation des personnes, des biens, des services et des investissements entre les provinces et les territoires.

Selon certaines estimations, cette situation coûte à l'économie canadienne jusqu'à 150 milliards de dollars annuellement. Il est temps, honorables sénateurs, que le Canada démolisse ces murs. Il est temps de rendre les échanges commerciaux aussi faciles entre nous qu'avec les autres pays.

C'est la raison pour laquelle l'une des premières initiatives qu'a entreprises le Comité des banques, au cours de la présente législature, a été l'étude des barrières au commerce intérieur au Canada dans le but de déterminer quelles mesures les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent prendre en priorité pour détruire les murs qu'érigent les barrières au commerce intérieur.

Le comité a tenu 11 réunions et il a effectué une mission d'information à Vancouver et à Calgary, durant laquelle 10 groupes et particuliers lui ont fourni des renseignements. À Ottawa, il a entendu 42 témoins. Notre rapport, assorti de sept recommandations, a été déposé au Sénat le 13 juin dernier.

Pour leurs efforts et leur précieuse contribution au contenu du rapport, je tiens à remercier les membres du comité, j'ai nommé le sénateur Day, vice-président, sa prédécesseure, l'ancienne sénatrice Hervieux-Payette, et les sénateurs Black, Massicotte, Tannas, Ringuette, Enverga, Campbell, Smith, Wallin et Greene. Nous sommes très encouragés par l'accueil qu'a reçu le rapport de la part des gens d'affaires et des spécialistes canadiens.

(1820)

L'Independent Petroleum Marketers Association nous a écrit pour se dire encouragée par un passage du rapport énonçant les problèmes économiques directement causés par l’absence d’harmonisation entre les régimes provinciaux de tarification du carbone.

Le professeur Trevor Tombe a quant à lui déclaré ceci dans le magazine Maclean's :

Dans l'ensemble, le rapport sénatorial est solide. On y reconnaît l'importance des échanges commerciaux entre les provinces et les conséquences économiques qui surviendraient si on les empêchait. Il décrit sommairement les caractéristiques d'un bon accord et les mesures que le gouvernement fédéral doit prendre pour le réaliser. Le rapport sera un point de référence utile pour évaluer les futurs accords que concluront les provinces. Nous devrions tous surveiller le dossier de près.

Je remercie les analystes de la Bibliothèque du Parlement, Brett Stuckey, Dylan Gowans et June Dewetering. Je remercie la greffière, Lynn Gordon, et les services de communication du Sénat, notamment Marcy Galipeau, ainsi que tous ceux qui ont contribué à la réussite du rapport.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Sénat

Motion tendant à exhorter le gouvernement à prendre les mesures qui s'imposent pour désamorcer les tensions et rétablir la paix et la stabilité dans la mer de Chine méridionale—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ngo, appuyée par l'honorable sénateur Cowan,

Que le Sénat observe avec inquiétude le comportement de plus en plus hostile de la République populaire de Chine dans la mer de Chine méridionale et exhorte par conséquent le gouvernement du Canada à encourager toutes les parties en cause, et en particulier la République populaire de Chine, à :

a) reconnaître et maintenir la liberté de navigation et de survol garantie par le droit international coutumier et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer;

b) cesser toutes les activités qui pourraient compliquer ou aggraver les différends, notamment la construction d'îles artificielles, l'extension du territoire terrestre en mer et l'accroissement de la militarisation de la région;

c) respecter tous les efforts multilatéraux antérieurs visant à régler les différends et s'engager à mettre en œuvre un code de conduite contraignant dans la mer de Chine méridionale;

d) s'engager à trouver une solution pacifique et diplomatique aux différends qui est conforme aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et respecter les ententes de règlement conclues par la voie de l'arbitrage international;

e) renforcer les efforts visant à réduire considérablement les impacts environnementaux des différends sur le fragile écosystème de la mer de Chine méridionale;

Que, de plus, le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à appuyer ses partenaires et ses alliés régionaux et à prendre les mesures additionnelles qui s'imposent pour désamorcer les tensions et rétablir la paix et la stabilité dans la région;

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, la présente motion est inscrite au nom de la sénatrice Cools, et je demande que le débat sur cette question reste ajourné à son nom après mon intervention d'aujourd'hui.

Son Honneur le Président : D'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur MacDonald : Je suis ravi d'intervenir aujourd'hui au sujet de la motion fort opportune du sénateur Ngo concernant le comportement hostile de la Chine dans la mer de Chine méridionale. Pour les raisons que j'expliquerai, ce litige a une incidence considérable sur la sécurité et la stabilité dans la région et il est dans l'intérêt collectif de la communauté internationale de le régler.

Étant donné que les tensions continuent d'augmenter et que tous les jours, on nous signale que les activités militaires s'intensifient, il est essentiel que le Sénat donne suite à cette motion dans les plus brefs délais.

Tout d'abord, je tiens à souligner le travail accompli par le sénateur Ngo dans ce dossier. Avant de proposer cette motion, le sénateur Ngo a présenté la question dans le cadre d'une interpellation ici, au Sénat. Par contre, puisque la situation ne cesse de s'envenimer, le sénateur Ngo a pris l'initiative de proposer une mesure plus énergique, en l'occurrence la motion dont nous sommes saisis.

J'invite tous ceux qui n'ont pas entendu son discours sur la motion, ou encore l'interpellation liée à ce dossier, à les lire, car ils donnent un excellent aperçu de la situation et du contexte historique qui a donné lieu à l'escalade des tensions dans cette région.

La motion de sénateur Ngo enverrait un message clair au gouvernement de notre pays : ce qui se passe actuellement en mer de Chine méridionale est inacceptable et le Canada doit faire plus pour favoriser un règlement pacifique.

Premièrement, la motion invite le gouvernement à encourager toutes les parties en cause, et en particulier la Chine, à reconnaître les droits garantis par le droit international et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

Deuxièmement, elle encourage les parties à cesser toutes les activités qui pourraient compliquer ou aggraver les différends, notamment la construction d'îles artificielles et l'accroissement de la militarisation de la région.

Troisièmement, elle les invite à respecter tous les efforts multilatéraux visant à régler les différends et à s'engager à mettre en œuvre un code de conduite contraignant dans la région.

Quatrièmement, elle incite les parties à s'engager à trouver une solution pacifique et diplomatique aux différends et à respecter les ententes de règlement conclues par la voie de l'arbitrage international.

Enfin, cinquièmement, elle les encourage à renforcer les efforts visant à réduire les impacts environnementaux des différends sur l'écosystème de la région.

La sénatrice Martin a parlé de la motion en termes très éloquents et elle a aussi fait entendre la voix de la raison dans le cadre des discussions. Je ne répéterai pas les nombreux faits que mes collègues ont déjà énoncés, mais je pense qu'il est tout de même important que je fasse une mise en contexte pour les sénateurs.

Les revendications territoriales dans la mer de Chine méridionale n'ont certainement rien de nouveau. Ces îles et ces eaux ont fait l'objet de revendications concurrentes, et, hélas, de plusieurs conflits armés tout au long de l'histoire moderne.

Outre la Chine, d'autres pays côtiers de la région, y compris Brunéi, la Malaisie, les Philippines, Taïwan et le Vietnam, font valoir des revendications qui se chevauchent à divers degrés, et les revendications les plus litigieuses concernent notamment l'archipel des Spratly et l'archipel des Paracel.

Honorables collègues, il est important de saisir toute l'ampleur de cet enjeu. Chaque année, environ 30 p. 100 des échanges commerciaux qui se font par voie maritime dans le monde passent par la mer de Chine méridionale, et la valeur de ces échanges est évaluée à 5,3 billions de dollars américains.

De plus, la mer de Chine méridionale renferme d'abondantes ressources halieutiques d'une grande valeur ainsi que d'importants gisements d'hydrocarbures dont l'ampleur se chiffre à 11 milliards de barils de pétrole et à 190 billions de pieds cubes de gaz naturel.

Il ne fait aucun doute que la mer de Chine méridionale a une valeur stratégique et économique substantielle. Les tensions, qui continuent de s'intensifier, menacent de plus en plus la sécurité dans la région, et il faut comprendre que tout conflit qui pourrait survenir dans cette région aurait certainement des répercussions à l'échelle mondiale.

Compte tenu des investissements économiques du Canada dans la région, sans oublier nos démarches concernant le Partenariat transpacifique, les enjeux sont importants pour le Canada.

Les revendications de la Chine à l'égard de la mer de Chine méridionale se fondent sur ce qu'on appelle le « tracé en neuf traits », qui délimite un territoire recouvrant près de 85 p. 100 de la mer. La Chine a fait valoir auprès des Nations Unies qu'elle exerce une « souveraineté incontestable sur les îles situées dans la mer de Chine méridionale et leurs eaux adjacentes, ainsi que des droits souverains et une juridiction sur ces eaux, les fonds marins et leur sous-sol. »

Bien que des pays voisins revendiquent certaines des mêmes zones, leurs revendications sont beaucoup plus modestes.

Comme de nombreux médias l'ont signalé, la Chine a entrepris de construire plusieurs îles artificielles dans la région dans le but de renforcer sa revendication historique. Des images captées par satellite à intervalles réguliers montrent clairement que des récifs sous-marins ont été transformés en îles dotées de ports et de pistes d'atterrissage. Pour créer des îles artificielles, la Chine utilise des barges qui draguent des sédiments des fonds marins et les déposent sur un récif existant. Il s'agit, de toute évidence, d'un processus extrêmement nocif pour l'écosystème fragile de la région.

Selon d'autres nouvelles inquiétantes, l'armée chinoise occupe ces îles artificielles et y déploie des avions de chasse, des drones de surveillance et des missiles antinavires et antiaériens. Des pays voisins ont donc été forcés de réagir, c'est-à-dire d'investir davantage dans leur défense et de renforcer leur présence militaire dans la région.

La militarisation accrue de cette région instable et contestée est inacceptable; c'est un fait que la communauté internationale doit reconnaître. La Chine doit cesser d'agir de façon hostile et agressive et négocier une solution diplomatique fondée sur la primauté du droit.

Les Philippines — qui revendiquent les îles Spratly, comme la Chine, de même qu'une partie de la zone contestée — ont adopté une approche fondée sur les principes et sur la primauté du droit. En 2013, elles ont introduit une procédure arbitrale contre la Chine auprès de la Cour permanente d'arbitrage de La Haye, en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Établie en 1982, cette convention compte actuellement 167 États signataires. Principal traité international en ce qui concerne les droits et responsabilités des signataires à l'égard des océans, elle prévoit un processus d'arbitrage exécutoire en cas de différends. À la suite de la demande d'arbitrage soumise par les Philippines, la cour a déterminé qu'il y avait motif à examen. Elle doit maintenant annoncer sa décision exécutoire dans les prochains jours.

Quelle que soit la décision de la cour, il sera essentiel que les Philippines et la Chine la respectent et collaborent à résoudre les points litigieux. Leur exemple encouragera les autres États de la région à résoudre les situations où un territoire revendiqué en chevauche un autre.

(1830)

Cela dit, la Chine n'a pas participé au processus d'arbitrage et a déclaré publiquement qu'elle ne reconnaîtra pas les décisions de la cour. Je n'ai pas à vous rappeler que cette décision sera conforme au droit international et à la Convention sur le droit de la mer. La cour doit procurer une solution arbitrale conforme à cette convention, qui a été signée et ratifiée par la Chine.

En ne participant pas à l'arbitrage et en refusant de reconnaître toutes les décisions, la Chine agira comme une hors-la-loi internationale qui conteste la primauté du droit.

On a dit que, même si le processus d'arbitrage obligatoire est juridiquement contraignant, il a besoin d'un mécanisme d'exécution. Il sera donc essentiel que, peu importe la décision, la communauté internationale exerce des pressions collectives sur les pays concernés afin qu'ils se plient à la décision de la cour et qu'ils règlent les différends de manière pacifique et diplomatique. Le droit international doit l'emporter sur tout.

Je suis certain que le refus par la Chine de respecter une décision sur une question d'une telle ampleur créera un précédent très dangereux.

Si les revendications historiques de la Chine sur la majorité de la mer de Chine méridionale sont réellement légitimes — et ce n'est pas à moi d'en décider —, elles devraient être jugées légitimes en vertu de la loi, et toute revendication contestée devrait être réglée à l'aide des mécanismes juridiques appropriés, conformément aux lois et aux conventions pertinentes.

Comme je l'ai dit, ce n'est certainement pas à moi, ni au Canada d'ailleurs, de déterminer la légitimité des revendications de la Chine. C'est à un tribunal international de prendre cette décision.

Pourtant, je crois fermement que la construction et la militarisation d'îles artificielles à l'intérieur des zones frontalières contestées est un affront aux principes du droit et aux traités ratifiés qui ont permis de maintenir la paix et la sécurité en mer. De tels gestes par n'importe lequel des pays à l'intérieur des zones frontalières contestées ne feront que miner la sécurité et les relations dans la région, nuire aux intérêts internationaux et attiser les tensions dans une partie du monde qui a des antécédents de conflits.

Malheureusement, le comportement agressif de la Chine dans la mer de Chine méridionale est loin d'être le seul exemple illustrant l'évolution inquiétante de la diplomatie chinoise. À plusieurs occasions, la Chine a présenté ce comportement troublant ici même, au Canada.

Il y a quelques mois, je faisais partie d'un groupe de parlementaires canadiens qui ont assisté à une réception organisée par Taïwan au Château Laurier. L'ambassadeur de la Chine nous a fustigés dans la presse, affirmant que nous n'avions pas d'affaire à socialiser avec les Taïwanais.

Quelle audace de nous dire avec qui nous pouvons prendre un repas dans notre propre pays!

Il y a quelques semaines, dans la capitale, le ministre des Affaires étrangères de la Chine a réprimandé un reporter pour lui avoir posé une question sur les droits de la personne. M. Dion, ministre canadien des Affaires étrangères, était assis à côté des fonctionnaires chinois qui cherchaient à nous intimider. Est-il intervenu pour se porter à la défense de la liberté d'expression et de la presse au Canada? Bien sûr que non. Il est resté coi. Chers collègues, c'est du vieil adage juridique qui tacet consentire videtur que nous vient l'expression « qui ne dit mot consent ». M. Dion est devenu complice lorsqu'il a gardé le silence et, en tant que Canadien, j'estime que son comportement était honteux et humiliant.

Le lendemain, le même ministre chinois a piqué une crise, exigeant une rencontre avec le premier ministre malgré le fait qu'aucune rencontre n'était prévue ni nécessairement indiquée. Le premier ministre a tout de suite plié devant sa volonté en accordant une audience à ce grossier personnage. Apparemment, le nouvel « âge d'or » des relations entre la Chine et le Canada consiste pour le premier ministre à faire les quatre volontés de la Chine.

Par ailleurs, comme l'a récemment rapporté le Globe and Mail, le gouvernement de la Chine a publié un guide sur le transport maritime dans le passage du Nord-Ouest pour aider les navires de marchandises chinois appelés à traverser un jour ce périlleux passage. À mon avis, qu'un navire chinois, quel qu'il soit, traverse le passage du Nord-Ouest constituerait une contestation de la revendication du Canada sur le passage ainsi qu'une atteinte à la souveraineté du Canada en général.

Quand le premier ministre du Canada proclame son admiration pour la dictature chinoise, on l'entend à Beijing. Il est de plus en plus évident que, devant les gestes posés par la Chine au mépris du droit international, le gouvernement hésite et refuse tout simplement de sortir de la neutralité. Je pense que la plupart des Canadiens sont moins naïfs que le gouvernement face au comportement dictatorial de la Chine continentale. Pour ma part, j'estime qu'il est temps que le Canada adopte une position plus ferme lorsqu'un État étranger refuse carrément de reconnaître la prépondérance d'une convention internationale dans une affaire comme celle-là.

La primauté du droit est un principe fondamental de notre grand pays et de toute autre société libre et démocratique, et nous devons l'affirmer et la défendre.

Il devrait être clair pour toutes les parties que la militarisation d'îles artificielles à l'intérieur de frontières contestées dans la mer de Chine méridionale au détriment de la sécurité régionale n'est pas une option et qu'elle est inacceptable. Brunéi, la Chine, la Malaisie, les Philippines, Taïwan et le Vietnam doivent s'engager à désamorcer la situation dans la région et à trouver un règlement pacifique et permanent.

La déclaration de 2002 de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est a permis la mise en place des moyens nécessaires à la tenue de négociations multilatérales en vue de l'adoption d'un code de conduite dans la mer de Chine méridionale. Même si les États membres n'ont pas réussi à s'entendre sur les modalités de ce code, la motion dont nous sommes saisis fournit au Canada l'occasion de réaffirmer la nécessité de telles négociations.

Chers collègues, j'ai eu la possibilité d'assister, au nom du Canada, aux travaux concernant ce dossier, dont plusieurs ont eu lieu en Asie. Au cours d'une récente visite à Taipei, j'ai pris la parole à une réunion de la World League for Freedom and Democracy; j'ai signalé que le Canada était bien placé pour énoncer et défendre les principes qui nous sont chers.

En conclusion, chers collègues, je soutiens que cette motion reflète les principes et valeurs de la société canadienne et que, en tant que parlementaires, nous devons promouvoir et respecter ces valeurs. La motion du sénateur Ngo offre au Sénat l'occasion de jouer un rôle de premier plan en vue de promouvoir un règlement pacifique et raisonné à une situation qui se détériore dans la mer de Chine méridionale.

Une fois de plus, je félicite le sénateur Ngo d'avoir présenté la motion et j'encourage mes honorables collègues à l'appuyer.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, le débat est ajourné.)

Transports et communications

Retrait de la motion autorisant le comité à siéger en même temps que le Sénat

À l'appel de la motion no 102, de l'honorable Michael L. MacDonald :

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à se réunir le lundi 20 juin 2016, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, conformément à l'article 5-10(2) du Règlement, je demande le retrait de la motion no 102.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est retirée.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de déposer son rapport sur les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale au Canada et les rôles que jouent le gouvernement du Canada et le Parlement pour y remédier auprès du greffier pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Bob Runciman, conformément au préavis donné le 15 juin 2016, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport provisoire sur les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale au Canada durant la période allant du 1er au 15 août 2016, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Peuples autochtones

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Lillian Eva Dyck, conformément au préavis donné plus tôt aujourd'hui, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à se réunir le mercredi 22 juin 2016, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Bob Runciman, conformément au préavis donné plus tôt aujourd'hui, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionelles soit autorisé à se réunir le mercredi 22 juin 2016, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à demain, à 14 heures.)

 
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