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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 85

Le jeudi 8 décembre 2016
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 8 décembre 2016

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La sclérose latérale amyotrophique

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, aujourd'hui, j'aimerais parler d'un sujet qui me touche personnellement. Plus tôt cette année, nous avons perdu notre distingué collègue, Mauril Bélanger. Je me souviens de la journée où Mauril est entré dans mon bureau — il y a un an exactement — pour m'apprendre la nouvelle. Nous avons beaucoup pleuré. Il m'a dit qu'il souffrait de SLA, une maladie neurodégénérative qui provoque la mort des cellules nerveuses qui contrôlent les muscles. Je me souviens de ce moment, dans mon bureau. Nous avons pleuré, encore et encore.

Mauril n'était pas seul dans sa lutte contre cette terrifiante maladie. En ce moment même, quelque 3 000 Canadiens souffrent de SLA, et 1 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Malheureusement, cette maladie est toujours mortelle, et 1 000 Canadiens environ en meurent chaque année.

Comme la SLA provoque une perte progressive des mouvements, de la parole et des fonctions respiratoires, un coût financier énorme est associé à cette maladie. Les personnes et les familles aux prises avec la SLA doivent faire des choix difficiles en matière de logement — rénover ou déménager — tout en sachant pertinemment que la plupart des gens succombent à la maladie en seulement deux à cinq ans.

Il y a toutefois de l'espoir, honorables sénateurs. Je suis persuadé que vous vous souvenez du « défi du seau d'eau glacée » des dernières années. Il a fortement sensibilisé la population et permis de recueillir près de 20 millions de dollars pour la cause. Même si la Fondation Neuro Canada a fourni un montant équivalent aux dons avec l'aide du ministère fédéral de la Santé, le financement du gouvernement canadien à l'égard de la recherche sur la SLA demeure limité, soit seulement de 1,5 à 2 millions de dollars par année.

Inspirés par la force et la détermination de Mauril, des parlementaires ont décidé de créer le caucus de la SLA plus tôt cette année. Nous souhaitons continuer de susciter un intérêt et reprendre le défi de la Société canadienne de la SLA afin que cette maladie puisse être traitée d'ici 2024, un objectif qui ne pourra être atteint qu'en investissant davantage dans la recherche.

À cette fin, le caucus de la SLA a envoyé une lettre au ministre des Finances pour demander au gouvernement d'accorder 25 millions de dollars sur 5 ans au programme de recherche de SLA Canada et de faire un investissement ponctuel de 10 millions de dollars pour permettre à 3 000 Canadiens atteints de SLA de fournir des échantillons de leur ADN au projet MinE. Cette initiative permettra de dresser le profil génétique complet de 15 000 personnes atteintes de SLA et de 7 500 sujets témoins dans le monde entier.

Honorables sénateurs, en terminant, je me souviendrai toujours du moment où Mauril, en tant que Président honoraire de la Chambre des communes, a marché dans le Hall d'honneur sous les applaudissements de ses collègues. Ce jour-là, nous avons souligné son courage et sa persévérance. Il est maintenant temps de lui rendre hommage.

Honorables sénateurs, je vous prie de vous joindre à moi pour demander au gouvernement d'appuyer la recherche en signant la lettre du caucus de la SLA à l'intention du ministre des Finances. J'ai cette lettre ici. Nous vous saurions gré de bien vouloir la signer. Ce serait une chose merveilleuse à faire, qui correspond tout à fait à l'esprit de Noël.

[Français]

M. Robert Lafrenière

L'honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, la lutte à la corruption doit faire partie des priorités de ceux et celles qui nous gouvernent aujourd'hui et qui ont le devoir d'administrer sainement les fonds publics. Même si les résultats ne sont pas toujours évidents, la persévérance des principaux acteurs de cette lutte est une grande qualité qui mérite d'être soulignée dans cette Chambre. J'aimerais donc prendre quelques minutes du temps qui m'est accordé pour vous parler de Robert Lafrenière, le commissaire de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), qui a été créée au Québec il y a déjà 6 ans.

Je voudrais tout d'abord vous dire que je connais personnellement M. Robert Lafrenière depuis plus de 40 ans. Nous avons étudié ensemble à l'École nationale de police et nous avons fait nos premiers pas à la Sûreté du Québec en même temps. Bien que Robert ait pris des chemins différents au fil des années, notre engagement policier nous a permis de nous accomplir en servant au sein de ce grand corps policier.

Après avoir dirigé de main de maître les grandes escouades de la Sûreté du Québec, M. Robert Lafrenière a pris sa retraite des forces policières pour assumer le rôle de sous-ministre de la Sécurité publique du Québec. Dans le cadre de ce poste, il a joué un rôle de premier plan auprès de plusieurs ministres en ce qui a trait à la coordination des efforts des différents services de police dans la lutte au crime organisé.

Lorsque le premier ministre du Québec de l'époque, M. Jean Charest, a décidé de créer une équipe pour lutter contre la corruption, c'est à Robert Lafrenière qu'il a confié cette tâche. Le défi à relever était de taille, compte tenu des révélations et des allégations qui circulaient à l'époque dans les médias. Or, comme dans le cas de la lutte contre la mafia ou les gangs de motards, il faut du temps, beaucoup de temps, pour accumuler des preuves et porter des accusations.

Depuis la création de l'UPAC, plusieurs opérations ont été menées. Cependant, une belle grande commission d'enquête, des perquisitions, des arrestations et des mises en accusation ne se traduisent pas toujours par des condamnations. Loin de là! Dans le domaine de la justice, le but ultime est toujours de faire condamner les criminels à col blanc qui abusent de leur pouvoir. C'est d'ailleurs au nombre des condamnations que la population juge l'efficacité du travail accompli.

Combien de fois le commissaire de l'UPAC a-t-il dû répondre aux questions des journalistes, qui l'accusaient de ne prendre que les petits criminels alors que les têtes d'affiche échappaient à ses hommes... du moins en apparence?

La semaine dernière, Robert Lafrenière a cependant eu toutes les raisons de se réjouir lorsque l'ex-maire de Laval, Gilles Vaillancourt, a accepté de plaider coupable. Les preuves de corruption de haut niveau accumulées par l'UPAC ont eu raison de cet homme qui a régné sur la deuxième plus grande ville du Québec pendant presque un quart de siècle. Vaillancourt a plaidé coupable et a accepté de remettre 9 millions de dollars qu'il avait empochés de façon frauduleuse. Depuis jeudi dernier, l'ex-maire est en prison; le but est atteint. Qui aurait cru cela possible il y a quelques années?

Aujourd'hui, je tiens donc à souligner la grande détermination de Robert Lafrenière et, bien entendu, celle de son équipe. Ils méritent tous notre admiration. Cependant, la lutte de l'UPAC est loin d'être terminée.

Comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule lorsqu'il s'agit de corruption, vendredi dernier, la Cour d'appel a envoyé en prison M. Jocelyn Dupuis, un des leaders de la FTQ-Construction au Québec qui, pendant des années, a fraudé son organisation et ses membres en vivant comme un pacha grâce aux cotisations des travailleurs.

Son Honneur le Président : Sénateur Dagenais, je suis désolé, mais votre temps de parole est écoulé.

[Traduction]

La Journée internationale des droits de l'homme

L'honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour souligner la Journée internationale des droits de l'homme, qui sera célébrée le samedi 10 décembre. Cette année marque le 68e anniversaire de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme par l'Assemblée générale des Nations Unies. J'invite tous les Canadiens à participer aux activités visant à souligner les progrès réalisés dans la promotion des droits de la personne au cours des 68 dernières années et à contribuer au travail de longue haleine qu'il reste encore à accomplir à cet égard.

(1340)

[Français]

Le thème de cette journée internationale, cette année, est « Défendez les droits de quelqu'un aujourd'hui ». Ce message nous rappelle à juste titre que les droits de la personne ne sont pas des concepts abstraits. En effet, ces droits ont des impacts quotidiens sur nos vies et sur la vie des gens qui nous entourent. Trop souvent, nous tenons pour acquis la dignité humaine, la primauté du droit, un système judiciaire indépendant, une démocratie multipartite, la responsabilité du gouvernement et la transparence. En tant que sénateurs, nous devons prendre une position ferme et défendre haut et fort ces droits de la personne dans notre pays et partout ailleurs.

Aujourd'hui, je pense à la situation dégradante des droits de la personne dans quelques pays du monde, y compris le Vietnam. Malgré les petits progrès réalisés dans le domaine des droits des genres au cours des dernières années, le bilan des droits en matière de liberté d'expression et de religion demeure sombre dans ce pays.

[Traduction]

Pour souligner cet événement annuel, mon bureau publiera demain un rapport annuel sur la situation des droits de la personne au Vietnam. Ce rapport examine le système judiciaire du Vietnam et montre comment l'État prive certains citoyens vietnamiens de leurs libertés politiques et bafoue leurs droits fondamentaux.

Le rapport fait également état des plus récentes violations des libertés d'expression, d'assemblée et de religion au Vietnam, et fournit certains renseignements sur plusieurs prisonniers de conscience vietnamiens ciblés par l'État pour avoir critiqué pacifiquement, mais ouvertement, le gouvernement.

Honorables sénateurs, engageons-nous de nouveau aujourd'hui et chaque jour par la suite à garantir le respect des libertés fondamentales et des droits de la personne pour tous, tant à l'échelle nationale qu'internationale.

[Français]

Honorables sénateurs, engageons-nous de nouveau, aujourd'hui et tous les jours, à garantir les libertés fondamentales et à protéger les droits de la personne de tous et de toutes.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'Anne, de Mark, de Chloe et de Noah Laalo, une famille d'Ottawa qui envoie aux enfants et aux jeunes d'Attawapiskat divers articles, dont de l'équipement sportif, des fournitures scolaires, des jeux de société et des articles d'hygiène personnelle. La famille Laalo est l'invitée du sénateur Sinclair.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

L'incendie des édifices du Parlement

Le centième anniversaire

L'honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, l'année 2016 correspond au 100e anniversaire d'un événement important de l'histoire moderne du Canada, un événement qui a marqué la formation du Canada et sa démocratie, mais que nous ne pouvons pas célébrer joyeusement.

Il s'agit de l'incendie tragique qui a eu lieu le 3 février 1916 sur la Colline du Parlement canadien. En une seule nuit, les bâtiments de la Chambre des communes et du Sénat se sont transformés en ruines fumantes. Seule la Bibliothèque du Parlement a été épargnée. Malgré le courage des employés du Parlement et des pompiers qui ont mis en danger leur propre vie pour sauver le patrimoine culturel du Canada, des centaines d'ouvrages irremplaçables et de documents officiels inestimables n'ont pu échapper aux flammes.

Tout au long de l'incendie, on entendait l'horloge de la Tour Victoria sonner fort pour alerter la ville d'un incendie que personne n'aurait pu prévoir. Ce jour-là, les travaux des parlementaires se déroulaient comme à l'ordinaire et rien ne laissait présager que, le lendemain, le Parlement serait réduit en poussière.

Il y avait plusieurs thèses sur l'origine de ce drame, différentes théories du complot et d'autres spéculations, mais la théorie banale semble être la plus probable : l'incendie aurait été provoqué par un cigare mal éteint dans la salle de lecture du Parlement. Même un siècle plus tard, nous songeons à cet événement avec un sentiment de chagrin, car ce manque d'attention a coûté la vie à sept personnes et a réduit en cendres un de nos plus importants emblèmes nationaux.

Néanmoins, nous devons reconnaître les efforts que la nation canadienne a déployés à la suite de cet incident afin de reconstruire les édifices du Parlement. Il ne faut pas oublier que leur reconstruction a commencé pendant une période tumultueuse, durant la Première Guerre mondiale, alors que tous les pays subissaient des conditions socioéconomiques graves, et le nôtre ne faisait pas exception.

Pendant une dizaine d'années, le Parlement a été soigneusement rebâti, brique par brique, pour finalement renaître de ses cendres tel un phénix, en 1920, afin de continuer à servir les Canadiens et les Canadiennes. Le Parlement du Canada, même s'il demeure toujours fidèle au style de son patrimoine historique, en constitue une version plus moderne. Ses murs sont plus solides qu'avant et sa nouvelle tour est un symbole de paix et de sérénité.

La volonté de la nation canadienne était de reconstruire cet édifice où nous nous trouvons maintenant, où nous examinons attentivement des projets de loi et où nous tenons des débats vivants qui contribuent à changer le cours de l'histoire. Dans chacun de leurs détails, ces nouveaux édifices ont été construits afin de nous rappeler les raisons pour lesquelles nous sommes ici. Dans ce lieu symbolique de la démocratie, chaque jour, nous travaillons avec acharnement dans le but d'incarner ses principes, de représenter adéquatement les Canadiens et les Canadiennes et de protéger leurs droits et leurs intérêts.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

Énergie, environnement et ressources naturelles

Budget—L'étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone—Présentation du quatrième rapport du comité

L'honorable Richard Neufeld, président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 8 décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a l'honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité a été autorisé par le Sénat le jeudi 10 mars 2016 à étudier, afin d'en faire rapport, les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone qu'il faut effectuer pour atteindre les objectifs du gouvernement du Canada en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le budget initial présenté par le comité au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a été imprimé dans les Journaux du Sénat le 16 juin 2016. Le 20 juin 2016, le Sénat a approuvé un déblocage partiel de fonds de 119 143 $ au comité et le 1er novembre 2016, le Sénat a approuvé un déblocage additionnel de 30 792 $ au comité.

Conformément au Chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget supplémentaire présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

RICHARD NEUFELD

(Le texte du budget figure à l'annexe A des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1101.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Neufeld, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Finances nationales

Budget et autorisation d'embaucher du personnel—L'étude sur la conception et l'application du programme de plusieurs milliards de dollars du gouvernement fédéral pour le financement des infrastructures—Présentation du dixième rapport du comité

L'honorable Larry W. Smith, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :

Le jeudi 8 décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mardi 23 février 2016 à étudier le programme de plusieurs milliards de dollars du gouvernement fédéral pour le financement des infrastructures, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2017, et demande qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

LARRY SMITH

(Le texte du budget figure à l'annexe B des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1109.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Smith, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Présentation du neuvième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable Bob Runciman, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 8 décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

NEUVIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-230, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec les capacités affaiblies par les drogues), a, conformément à l'ordre de renvoi du 26 octobre 2016, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,

BOB RUNCIMAN

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Runciman, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Présentation du dixième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable Bob Runciman, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 8 décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-215, Loi modifiant le Code criminel (peine pour les infractions violentes contre les femmes autochtones), a, conformément à l'ordre de renvoi du 19 octobre 2016, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,

BOB RUNCIMAN

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Dyck, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1350)

Le Régime de pensions du Canada
La Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada
La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Présentation du huitième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le jeudi 8 décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-26, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu, a, conformément à l'ordre de renvoi du 5 décembre 2016, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Votre comité a aussi fait certaines observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

KELVIN KENNETH OGILVIE

(Le texte des observations figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1094.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Dean, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Le Sénat

Préavis de motion concernant la période des questions de la séance du 14 décembre 2016

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu'autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l'article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mercredi 14 décembre 2016, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu'à la fin de la période des questions, qui sera d'une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d'appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu'elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu'à 15 h 30, heure de la période des questions.

Finances nationales

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, si le projet de loi C-29, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d'autres mesures, est lu une deuxième fois et renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales, le comité soit autorisé à se réunir aux fins de son étude du projet de loi même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard.

[Traduction]

Projet de loi sur la modernisation de l'obligation de présentation et de déclaration relative à des moyens de transport

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Bob Runciman dépose le projet de loi S-233, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (obligation de présentation et de déclaration).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Runciman, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final concernant son étude sur les rapports du directeur général des élections sur la quarante-deuxième élection générale

L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mardi 1er novembre 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles concernant son étude sur les rapports du directeur général des élections sur la 42e élection générale du 19 octobre 2015 et les questions connexes relatives à la façon dont Élections Canada a dirigé l'élection soit reportée du 31 décembre 2016 au 31 mars 2017.

Sécurité nationale et défense

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final concernant son étude sur les questions relatives à l'Examen de la politique de défense entrepris par le gouvernement

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le jeudi 21 avril 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense concernant son étude sur les questions relatives à l'Examen de la politique de défense entrepris actuellement par le gouvernement soit reportée du 16 décembre 2016 au 30 juin 2017.

Peuples autochtones

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final concernant son étude sur les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mercredi 19 octobre 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des Peuples autochtones concernant son étude sur les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest soit reportée du 31 décembre 2016 au 31 mars 2017.

[Français]

Les universités régionales

Préavis d'interpellation

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J'attirerai l'attention du Sénat sur les universités régionales et leur importance pour le Canada.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La justice

Les modifications à la Loi sur les juges

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, la ministre de la Justice du Québec, Mme Stéphanie Vallée, annonçait hier des mesures d'urgence pour surmonter la crise des retards qui afflige le système de justice québécois. La ministre demande deux juges supplémentaires à la Cour d'appel et cinq juges supplémentaires à la Cour supérieure. Les postes de juges relèvent de la compétence fédérale.

La ministre de la Justice fédérale a-t-elle l'intention de faire modifier la Loi sur les juges pour répondre aux demandes du Québec? Va-t-elle libérer les fonds nécessaires pour ce faire? Le cas échéant, quand le fera-t-elle?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Lorsqu'elle a comparu devant le Sénat plus tôt cette semaine, la ministre a dit que la question des délais du système de justice est une grande priorité pour tous les gouvernements. Elle a travaillé avec diligence avec ses homologues provinciaux. J'accueille très favorablement l'annonce faite au Québec, et je suis sûr que c'est aussi le cas de l'honorable sénateur.

Pour ce qui est de la question du sénateur qui porte plus précisément sur la façon dont le gouvernement du Canada compte répondre à la demande, je prends note de la question afin de pouvoir donner une réponse détaillée. Je tiens à dire que la ministre a vraiment à cœur de collaborer avec les provinces et d'apporter sa contribution afin de résoudre ce problème important que le gouvernement considère comme une priorité.

Sécurité nationale et défense

Le septième rapport du comité

L'honorable Don Meredith : Merci, Votre Honneur.

Sénateur Lang, vous avez présenté un rapport au Sénat la semaine dernière. Pour reprendre les propos du sénateur Baker, c'est un excellent rapport qui, encore une fois, présente l'avis du comité sur nos engagements et les déploiements.

(1400)

Au chapitre de l'engagement, pourriez-vous nous expliquer en quoi cette recommandation est importante pour les membres des Forces armées canadiennes qui seront déployés, à la lumière des observations de la sénatrice Jaffer et de la situation qu'ont vécue les militaires déployés au Soudan du Sud, où ils ont dû, encore une fois, être témoins de situations difficiles sans pouvoir intervenir? Pourriez-vous nous dire quelques mots sur l'importance de cette recommandation?

L'honorable Daniel Lang : Je remercie le sénateur de sa question, une question particulièrement cruciale alors que le Canada envisage de déployer en Afrique des militaires qui se rendront sur place pour mener à bien les tâches militaires qu'on leur aura confiées.

D'entrée de jeu, chers collègues, je tiens à souligner que plusieurs des témoins que nous avons entendus pendant les audiences ont parlé des risques et des préoccupations associés à un éventuel déploiement en Afrique, particulièrement dans la région du Mali, où plus de 106 représentants des Nations Unies ont perdu la vie depuis 2013.

Signalons qu'hier, au Mali, une attaque menée contre une prison a permis à 97 djihadistes islamistes de s'évader. Cela montre qu'il y a beaucoup de facteurs à examiner si on envisage de déployer des militaires dans cette région.

Quand nous avons parlé du Mali, afin que les Canadiens sachent...

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente intérimaire : Pardonnez-moi, sénateur Lang. Comme vous le savez, le débat sur le rapport en question est inscrit au Feuilleton et aura lieu plus tard cette semaine. Comme nous consacrerons un débat approfondi à ce sujet, vous préférerez peut-être aborder un autre enjeu pendant la période des questions.

Le sénateur Meredith : J'invoque le Règlement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée, sénateur Meredith, mais il n'y a pas de recours au Règlement pendant la période des questions. Si vous souhaitez poser une autre question au sénateur Lang portant sur un autre sujet, faites-le. Sinon, le débat aura lieu la semaine prochaine.

Les institutions démocratiques

Le sondage sur la réforme électorale

L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, l'approche adoptée par le gouvernement pour consulter les Canadiens au sujet de la réforme électorale tourne au ridicule. Le consensus parmi les médias nationaux est que le sondage électronique MaDémocratie.ca, qui vise à déterminer comment les Canadiens se sentent à l'égard de la démocratie, est à peu près aussi sérieux qu'un jeu-questionnaire du magazine People visant à déterminer si vous êtes davantage une « Samantha » ou une « Miranda ».

Aujourd'hui, le National Post a réalisé son propre sondage auprès des Canadiens. On leur a demandé de dire s'ils croyaient que de voter lors d'élections fédérales était bon ou pas et s'ils devraient avoir le droit de voter sous l'eau même s'ils ne peuvent pas respirer sous l'eau.

Je dirais que ces questions ne sont pas plus absurdes que celles qui se trouvent dans le sondage électronique du gouvernement. La principale différence est que le sondage du National Post n'oblige pas les répondants à divulguer leurs revenus, leur niveau d'éducation ou leur code postal et que personne n'a affirmé que les questions avaient été revues par un groupe d'universitaires. Or la ministre des Institutions démocratiques affirme que toutes les questions qui se trouvent dans le sondage du gouvernement, y compris celles qui ont retenu l'attention du commissaire à la protection de la vie privée, ont été revues par un groupe consultatif d'universitaires.

Le leader peut-il dire au Sénat quels universitaires ont été consultés par le gouvernement pour concevoir ce site web? Est-ce vrai que chaque question a été revue par ce groupe?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question et de l'intérêt qu'elle continuer de porter au processus démocratique.

Je lui promets de me renseigner, car je ne connais pas tous les détails du sujet qu'elle aborde dans sa question. Je lui répondrai le plus rapidement possible, et sans recourir à un sondage.

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, ma question aussi s'adresse au sénateur Harder.

Je vous ai déjà posé une question au sujet de MaDémocratie.ca, hier. Lundi, nous avons reçu un courriel de la ministre des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, qui nous demandent de faire connaître cette nouvelle initiative du gouvernement. Elle demandait à chacun de nous de tout faire pour inciter les Canadiens à participer à la conversation qui s'entame et y suggérait deux ou trois choses que nous pouvions faire sans attendre, comme remplir nous-même le sondage, faire parvenir le communiqué de presse de la ministre aux médias et penser à enregistrer une brève vidéo.

Sénateur Harder, avez-vous fait tout ce que vous pouviez pour faire connaître cette initiative? Si oui, lesquelles, parmi ces suggestions, avez-vous mises en œuvre?

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénateur de sa question et de ses encouragements.

Je trouverais plutôt étrange que les membres d'une assemblée non élue souhaitent répondre à cette demande. Personnellement, je n'y ai pas donné suite. Je m'en remets plutôt à la Chambre des élus et à l'étude qu'elle mène en ce moment. De son côté, le Sénat aura amplement le temps de s'intéresser à la question lorsqu'il en sera saisi — si jamais il l'est.

Le sénateur Tkachuk : De toute évidence, la ministre estime que, même s'ils ne sont pas élus, les sénateurs devraient s'intéresser aux institutions démocratiques du pays.

Sénateur Harder, la ministre des Institutions démocratiques a créé un compte Twitter qu'elle a appelé « La démocratie Cdn » — pour « la démocratie canadienne », on l'aura deviné. Voici le gazouillis qui a été mis en ligne sur ce compte le 5 décembre :

Quelles sont vos valeurs démocratiques par rapport à celles des autres Canadiens? Découvrez-le sur MaDémocratie.ca.

Hier, j'ai cité les paroles de la ministre qui disait que le sondage mené par le gouvernement est une conversation avec les répondants au sujet de valeurs. Elle a dit à ce moment-là que :

[...] 8 000 utilisateurs uniques avaient déjà pris le temps de nous faire part des valeurs qui leur tiennent le plus à cœur [...]

Elle a également dit ceci :

[...] pour favoriser une conversation inclusive et accessible avec la population au sujet de la réforme électorale, la meilleure méthode est d'adopter une approche fondée sur les valeurs.

Bon sang. Je n'arrive pas à le croire.

Sénateur Harder, êtes-vous d'accord avec la ministre et le gouvernement pour dire que, avec cet outil, le gouvernement est en mesure de favoriser une conversation avec les Canadiens sur leurs valeurs et de comparer les valeurs de tous les Canadiens?

Le sénateur Harder : Je remercie une fois de plus l'honorable sénateur de sa question à ce sujet. J'estime que l'objectif de la ministre responsable du dossier est d'obtenir une mobilisation pancanadienne, particulièrement grâce aux médias sociaux, que l'honorable sénateur et moi maîtrisons probablement moins bien que les jeunes Canadiens — c'est certainement mon cas —, mais il s'agit d'un ajout judicieux aux méthodes traditionnelles de consultation. J'estime qu'il faut s'en réjouir.

[Français]

La justice

Les droits des victimes d'actes criminels

L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Ma question s'adresse également au leader du gouvernement au Sénat.

Récemment, un juge de la Cour du Banc de la reine d'Edmonton a tenu secrète l'identité d'un homme de 53 ans reconnu coupable de leurre d'enfant sur une fillette de 11 ans. Le juge a dit qu'il désirait taire le nom de l'individu par crainte de représailles de la part de la population. Ni le procureur de la Couronne ni l'avocat de la défense n'ont demandé que son nom soit tenu secret. Cette décision a été prise par le juge uniquement.

Pour vous donner un autre exemple, en juillet dernier, un juge de la Cour provinciale à Calgary a empêché un procureur de lire au tribunal la déclaration de la victime, une adolescente de 13 ans qui avait été violée par deux hommes, et ce, même si la victime avait demandé expressément que sa déclaration soit lue par le procureur de la Couronne. À titre de leader du gouvernement, vous savez bien que le Code criminel autorise et encourage maintenant les victimes à faire de telles déclarations.

Je ne vous demande pas de commenter ces deux cas qui sont, à mon avis, irrespectueux ou honteux envers les victimes d'actes criminels au Canada. Est-ce que le leader du gouvernement libéral réitérera publiquement, avec assurance et fermeté, son appui à la Charte canadienne des droits des victimes d'actes criminels et au traitement respectueux et compatissant que méritent les victimes au Canada, surtout en cette semaine où on dénonce la violence faite aux femmes sous toutes ses formes?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question et de son travail dans ce domaine depuis de nombreuses années. Je suis heureux qu'il ne m'invite pas à commenter les cas particuliers qu'il a mentionnés. Il s'agit, de toute évidence, de cas qui ont un fort intérêt public.

(1410)

La ministre de la Justice a parlé de la question générale, au Sénat et à l'extérieur du Sénat, c'est-à-dire de l'importance de respecter les droits des victimes, de se conformer à la Charte et d'assurer la modernité et l'efficacité du Code criminel dans l'exercice de la justice. Comme la ministre l'a indiqué au début de la semaine, au cours des prochains mois, elle participera activement à un tel exercice avec ses homologues provinciaux.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : La Charte des droits des victimes d'actes criminels a été adoptée il y a un an. On sait que, dans beaucoup de provinces, l'information ne s'est pas rendue au juge en chef, lequel doit s'assurer que les directives sont transmises aux avocats de la Couronne et veiller à ce que les droits des victimes soient respectés, notamment en ce qui concerne les déclarations qui sont prononcées à la suite d'un jugement.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je serais heureux de vérifier si les directives ont été fournies et d'en rendre compte à l'honorable sénateur et à tous les autres sénateurs.

Le commerce international

Les relations canado-américaines

L'honorable Don Meredith : La question que j'aimerais poser au représentant du gouvernement au Sénat porte sur les relations canado-américaines. Le président élu Trump sera investi en janvier et le vice-président Biden se trouve actuellement au Canada pour rencontrer le premier ministre.

Ma question concerne l'ALENA et l'accord sur le bois d'œuvre. Je comprends qu'il existe des problèmes quant à la stratégie à adopter pour forger à l'avenir de bonnes relations avec les États-Unis sous ce nouveau président. Le représentant pourrait-il nous informer des discussions de haut niveau qui pourraient se tenir au cours des deux prochains jours?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question, bien qu'il ait promis plus tôt pendant la période des questions qu'il allait me laisser tranquille.

Permettez-moi simplement de dire que, pour le Canada et les États-Unis, la visite du vice-président qui aura lieu ce soir et demain représente une occasion idéale de faire le point. En tant que gouvernement, nous discutons de nombreuses questions avec les Américains et ces discussions font évidemment partie d'un dialogue de haut niveau continu sur les intérêts communs du Canada et des États-Unis, et cela, peu importe qui est le président.

Je ne doute pas que le gouvernement du Canada se prépare — comme de nombreux autres gouvernements dans le monde — en vue de l'entrée en fonction de la nouvelle administration, le 20 janvier à midi. Je présume que le gouvernement du Canada et celui des États-Unis établiront, au moment opportun, un programme précis et un horaire de rencontres, entre les plus hautes instances et les ministres, sur un large éventail de questions, dont celles soulevées par l'honorable sénateur.


ORDRE DU JOUR

La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Harder, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Black, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu.

L'honorable Nancy Greene Raine : Je vous remercie, honorables sénateurs, de me donner l'occasion de vous parler du projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu. Mes commentaires seront brefs.

Vendredi dernier, j'ai eu la chance d'interroger des fonctionnaires du ministère des Finances sur le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis. Je ne suis pas un membre permanent du Comité des finances, mais j'ai un intérêt marqué pour ses délibérations et je suis toujours heureuse de remplacer des collègues lorsque je le puis.

Ce jour-là, dans le cadre de l'étude préalable du projet de loi C-29, Loi no 2 d'exécution du budget de 2016, j'ai discuté avec un fonctionnaire et le sénateur Mitchell des conséquences imprévues.

Ma première question au fonctionnaire portait sur le traitement des regroupements de médecins, lequel, comme un grand nombre d'entre nous le savent, constitue un enjeu très important. Comme je l'ai soulevé à ce moment, toute imposition supplémentaire sera sans doute tirée du revenu des médecins, ce qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur le nombre de médecins au Canada.

Quand l'éminent économiste Jack Mintz, de l'Université de Calgary, a comparu devant le comité pendant l'étude du projet de loi C-2, il a parlé de ce phénomène du point de vue de l'exode fiscal et a mis en évidence un enjeu bien réel en ce qui concerne le nouveau taux d'imposition de 33 p. 100 que créerait le projet de loi C-2. Il a ainsi fait part de son inquiétude dans le contexte du résultat des élections aux États-Unis :

Le taux maximal au Canada est maintenant de 53 p. 100 en moyenne, le quatrième plus élevé parmi les pays de l'OCDE. Ceci aura des conséquences importantes sur la capacité d'attirer des talents au Canada et de les garder, car l'économie des États-Unis pourrait reprendre par suite de ces réductions d'impôt.

M. Mintz a ajouté une perspective historique remontant à 1986, lorsque le gouvernement des États-Unis a entrepris la réforme fiscale du président Reagan. Il a rappelé que ces réformes ont entraîné d'importantes réductions du taux d'imposition des revenus des sociétés et des particuliers aux États-Unis :

[...] la réaction a été si considérable au Canada que nous devions faire quelque chose pour pallier les pressions concurrentielles que la réforme fiscale exercerait sur le pays. Nous avions déjà planifié et même mis en œuvre une partie de la réforme de la fiscalité des entreprises qui correspondait à la réforme des États-Unis. Cela nous a poussés à nous assurer de réaliser le reste de cette réforme après 1986, mais nous nous sommes alors engagés dans une réforme de la fiscalité des particuliers qui n'était pas prévue au Canada lorsque les États-Unis ont entrepris une forte réduction de leurs taux d'imposition des particuliers comparativement à ce qu'ils étaient auparavant.

M. Mintz a ajouté plus tard ceci dans une lettre d'opinion publiée dans le National Post :

La récente vague de politiques visant à faire payer les riches paraîtra aussi de plus en plus décalée avec celle des États-Unis tandis que Trump s'emploie à mettre la réforme fiscale au premier plan de ses priorités [...]

Pour ceux qui ont regardé l'émission 60 Minutes cette semaine, c'est exactement ce que le Président de la Chambre aux États-Unis, Paul Ryan, a confirmé dimanche soir. Donc, lorsque j'ai demandé au fonctionnaire du ministère des Finances si son ministère avait pris soin d'évaluer les conséquences imprévues du projet de loi C-2, j'ai été assez décontenancée par sa réponse. Je vais vous en faire part ici aujourd'hui, car j'estime qu'elle est liée au présent débat :

Il est difficile de décrire avec précision ce qui se fait avant la présentation du projet de loi, quand il est rendu public. Je ne veux pas enfreindre de règles sur les secrets du Cabinet en divulguant la teneur de l'avis que nous avons donné au ministre ou quoi que ce soit du genre.

Il est difficile, honorables sénateurs, de discerner, à partir de cette réponse, comme législateur évaluant ce projet de loi, s'ils ont bien fait leurs devoirs. Est-ce que les fonctionnaires du ministère des Finances ont fait les calculs nécessaires pour déterminer les conséquences imprévues que pourrait avoir la mise en œuvre de cette mesure fiscale?

Je me rappelle qu'on m'a dit que c'était une question que les sénateurs Mitchell et Bellemare avaient posée au sénateur Smith lorsqu'il a présenté un amendement. Puis, nous avons fini par le comprendre, à la lumière de la décision du Président, que le terme « conséquences imprévues » n'est pas vide de sens.

Ce que j'essaie de dire, honorables sénateurs, c'est que l'on nous demande d'adopter une mesure fiscale prévue dans le projet de loi C-2 sans savoir si les conséquences imprévues ont été suffisamment prises en considération. Lorsqu'il a été interrogé à ce sujet, le gouvernement s'est replié dans ce que j'estime une position inacceptable, invoquant que cela relevait des secrets du Cabinet.

Je n'ai entendu personne ici mettre en doute le fait que le mandat du gouvernement Trudeau était de présenter des mesures législatives réduisant l'impôt des Canadiens à revenu moyen qui en ont besoin, et que cet allégement fiscal serait payé par les riches.

J'ai entendu mes collègues affirmer que le projet de loi dont nous sommes saisis ne permet pas d'atteindre cet objectif. Je tiens seulement à dire que le gouvernement n'a pas exercé toute la diligence voulue lorsqu'il a fait évaluer le projet de loi par le Parlement ou que, s'il l'a fait, il n'a pas été ouvert et transparent au sujet des conclusions établies.

Honorables sénateurs, je vous rappelle que le chapitre deux du programme électoral libéral favorisant la croissance de la classe moyenne s'intitule « Gouvernement juste et ouvert ». Voici ce qu'on peut y lire :

Le temps est venu d'élire un gouvernement plus transparent qui se consacre pleinement à celles et ceux qu'il représente. Le gouvernement et l'information à sa disposition doivent être accessibles par défaut. Les données financées par les Canadiennes et les Canadiens leur appartiennent. Nous rétablirons la confiance en nos institutions démocratiques, d'abord en faisant confiance à nos concitoyennes et concitoyens.

Sénateur Day, avec tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que le projet de loi C-2 permettra au gouvernement Trudeau d'accomplir ce qu'il avait promis. Les libéraux n'ont pas respecté l'engagement qu'ils avaient pris envers les Canadiens durant la campagne électorale.

(1420)

Comme nous l'avons appris, le projet de loi n'est pas sans effet sur les recettes. Ses coûts n'ont pas été complètement calculés. Nous ignorons s'il entraînera des coûts de 1,3, de 1,5 ou de 1,7 milliard de dollars. Et 1 milliard de dollars, c'est 1 000 millions. Comme la sénatrice Marshall l'a signalé au cours du débat, le projet de loi pourrait coûter encore plus cher.

Aujourd'hui, ma modeste contribution consiste à dire que, après des semaines d'audiences, nous ne comprenons toujours pas mieux les conséquences non voulues du projet de loi ni l'impact qu'il aura sur certains des Canadiens les plus brillants, productifs et innovateurs. Honorables sénateurs, cela n'est pas digne d'un gouvernement ouvert et transparent. Aussi, je vais voter contre le projet de loi C-2. Merci.

L'honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat sur le projet de loi C-2, qui m'inquiète. J'ai écouté attentivement les propos de mes collègues sénateurs et plus particulièrement les exhortations adressées aux nouveaux sénateurs, dont je suis, qui sont invités à étudier les documents, à réfléchir en leur âme et conscience et à affirmer leur indépendance.

Sénateur Tkachuk, vous nous avez exhortés hier à réfléchir à ce que nos petits-enfants penseraient du projet de loi. J'ai eu beaucoup de mal à dormir la nuit dernière, parce que je pensais à mes petits-enfants qui n'ont pas encore été conçus. Soit dit en passant, si l'un ou l'autre de mes petits-enfants s'intéressait à la politique budgétaire, je serais un très heureux grand-père.

Si mes petits-enfants me posaient des questions sur le projet de loi C-2, je leur donnerais une simple leçon d'arithmétique. Je leur expliquerais la loi des pourcentages. Modifier le pourcentage d'un chiffre élevé donne un résultat plus considérable que si on applique le même pourcentage à un chiffre plus petit. Vous le savez tous pour l'avoir appris au primaire, mais personne ne l'a encore rappelé au Sénat. Dix pour cent de 1 000, cela donne 100, mais 10 p. 100 de 100, c'est 10. Le même pourcentage appliqué à des chiffres différents ne donne pas les mêmes résultats.

En matière fiscale, et si on prend l'exemple particulier du projet de loi C-2, cela veut dire qu'une réduction de 1,5 point de pourcentage du taux de la tranche de revenu de 45 000 $ à 90 000 $ se traduira par des économies plus importantes pour le contribuable qui touche 90 000 $ que pour celui qui gagne 45 000 $.

Qui plus est, comme les taux marginaux d'imposition s'accumulent au fur et à mesure qu'on passe d'une tranche à l'autre, le contribuable qui gagne entre 90 000 $ et 200 000 $ aura des avantages encore plus importants, en chiffres absolus, c'est-à-dire en dollars, grâce à la réduction du taux de la tranche de 45 000 $ à 90 000 $, même en l'absence de toute autre réduction d'impôt dans la tranche d'imposition où il se situe.

C'est pourquoi l'argument qui a été répété sans cesse — soit que les contribuables qui gagnent plus de 90 000 $ profitent davantage de l'allégement fiscal consenti à la classe moyenne que les membres de la classe visée — ne résume pas tout.

En réalité, honorables sénateurs, tout allégement fiscal consenti aux contribuables de la classe moyenne qui se situent dans la tranche d'imposition de 45 000 $ à 90 000 $ rapportera des économies plus importantes à ceux qui gagnent plus de 90 000 $. C'est de l'arithmétique, et non un stratagème diabolique visant à flouer ceux qui touchent des revenus plus faibles.

Les fiscalistes, dont je ne suis pas, comprennent fort bien ce point, et c'est pourquoi il y a d'autres moyens de décrire la charge fiscale des différents groupes de contribuables, par exemple les notions de taux moyen d'imposition ou de taux marginal d'imposition, qui augmentent tous deux lorsqu'on passe d'une tranche d'imposition à l'autre.

D'après mes propres calculs, fort simples, le taux d'impôt moyen payé par les contribuables qui se situent au bas de la tranche dite de la classe moyenne, aux termes du projet de loi C-2, serait de 16 p. 100. Par contre, le taux moyen du contribuable qui gagne 200 000 $ serait de 33 p. 100, soit deux fois plus que celui des contribuables qui font partie de ce qu'on appelle la classe moyenne.

Honorables sénateurs, le Canada a déjà un régime fiscal progressif, car il impose davantage, en termes absolus et relatifs, les contribuables qui ont les gains les plus élevés. Par exemple, le montant des impôts, en chiffres absolus, payés par le contribuable qui touche 45 282 $ est d'environ 7 041 $, alors que celui qui gagne 90 500 $, au haut de la tranche, est de 20 236 $, soit trois fois plus.

L'inverse est vrai également. La réduction du taux d'imposition se traduit par des économies en dollars plus importantes pour les contribuables qui ont un revenu plus élevé. Ce qui marche dans un sens marche aussi dans l'autre.

Par conséquent, il ne faut pas concevoir le projet de loi C-2 comme une mesure qui instaure pour la première fois la progressivité dans le régime fiscal, mais plutôt comme un effort modeste qui accentue la progressivité existante sans pourtant, espère-t-on, freiner la croissance économique ni la création d'emplois.

J'accepte que certains collègues, dont la sénatrice Lankin, soient d'avis que le régime fiscal existant n'est pas assez progressif et que le projet de loi C-2 ne va pas assez loin.

Il semblerait que beaucoup de sénateurs conservateurs se fassent maintenant les champions d'une fiscalité plus progressive, ce dont je me félicite. En réalité, l'amendement fort bien intentionné du sénateur Smith aurait accentué la progressivité du régime. Cependant, cet amendement a été jugé irrecevable par le Président, de sorte qu'il n'est plus une option envisageable pour le Sénat.

Je signale néanmoins qu'une partie de l’amendement proposé, les alinéas (i) et (ii) du paragraphe 1a), pourrait être retenue par le Sénat, étant donné qu'elle n'a pas pour effet d'augmenter les impôts. Cependant, elle ne constitue pas une solution au problème soulevé. En fait, en réduisant davantage le taux d'imposition pour les revenus situés entre 45 000 $ et 53 000 $, la première partie de l'amendement proposé accentuerait l'écart entre les avantages obtenus par les contribuables à revenus plus élevés et ceux acquis au groupe ciblé, les contribuables à revenu moyen.

Je répète qu'il n'y a pas de mauvaise intention dans tout cela; ce n'est qu'un résultat purement arithmétique. Nous pouvons ne pas aimer ce résultat, mais j'ai le regret de vous dire que, peu importe le temps que nous consacrons à notre second examen objectif, nous ne parviendrons jamais à changer les lois de l'arithmétique.

Je suis néanmoins heureux du débat sur le projet de loi C-2 et des interventions des sénateurs qui s'y opposent, parce qu'ils attirent ainsi l'attention sur l'enjeu très important des écarts de revenus et de la répartition inégale des richesses au Canada. J'espère que, peut-être à l'initiative du Comité sénatorial permanent des finances nationales, dont j'espère pouvoir faire partie, le Sénat étudiera en détail les causes et les conséquences des inégalités au Canada ainsi que les solutions possibles, parmi lesquelles pourrait se trouver une fiscalité plus progressive qui n'étouffe pas l'esprit d'initiative et la croissance économique.

Cependant, nous ne pouvons pas faire cette étude aujourd'hui. En ce qui a trait au projet de loi C-2, je peux donner l'assurance à mes collègues que j'ai lu les documents, considéré les arguments, examiné ma conscience et remis en question mon indépendance. J'ai même consulté mes petits-enfants imaginaires. Je n'ai aucune réticence à appuyer le projet de loi, et j'espère que vous ferez de même.

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Carignan, avec l'appui de l'honorable sénatrice Frum, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

Projet de loi no 2 d'exécution du budget de 2016

Deuxième lecture

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-29, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d'autres mesures, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole à titre de représentant du gouvernement et parrain du projet de loi C-29, qui porte exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016. Comme vous le savez, les mesures contenues dans ce budget comprennent l'allégement fiscal pour la classe moyenne, la nouvelle Allocation canadienne pour enfants, la bonification du Régime de pensions du Canada, l'augmentation du Supplément de revenu garanti pour les personnes âgées, le prolongement de la période d'admissibilité aux prestations d'assurance-emploi dans les régions touchées par des changements de prix des matières premières ainsi que l'amélioration des services fournis aux anciens combattants.

(1430)

Le gouvernement a reçu le mandat démocratique de mettre en œuvre ces politiques. Il est donc nécessaire que le Sénat adopte ce projet de loi d'exécution du budget pour permettre au gouvernement d'honorer ses engagements envers les Canadiens.

[Français]

Pour mettre en contexte mes observations et ce projet de loi d'exécution du budget, je précise que l'objectif global de la politique du gouvernement est de favoriser la croissance économique de façon à renforcer la classe moyenne et à apporter des retombées pour les familles canadiennes, les travailleurs et les membres les plus vulnérables de la société. Le projet de loi d'exécution du budget que nous étudions aujourd'hui contient des éléments essentiels à l'atteinte de cet objectif.

[Traduction]

Par exemple, le projet de loi C-29 prévoit, à partir de 2020, l'indexation à l'inflation de l'Allocation canadienne pour enfants afin que cet avantage non imposable continue d'aider les familles canadiennes dans les années et les décennies à venir en progressant avec le coût de la vie.

Grâce à cette allocation, neuf familles canadiennes sur dix reçoivent déjà des versements mensuels plus élevés qu'ils ne l'étaient dans le régime précédent, l'augmentation moyenne pour 2016-2017 s'élevant à près de 2 300 $. Les parents dont les enfants ont moins de 18 ans reçoivent chaque année un montant pouvant atteindre 6 400 $ par enfant de moins de 6 ans et 5 400 $ par enfant de 6 à 17 ans. Ces montants aideront les parents à assumer les coûts élevés qu'ils ont à affronter pour élever des enfants, qu'ils servent à se procurer des fournitures scolaires, à payer les factures d'épicerie ou à acheter des manteaux chauds pour l'hiver.

Honorables sénateurs, je suis heureux de dire que la nouvelle Allocation canadienne pour enfants sortira des centaines de milliers d'enfants de la pauvreté en 2017 par rapport à 2014. Je suis sûr, surtout dans cette période de l'année, que plusieurs d'entre nous réfléchiront à l'importance d'aider les enfants canadiens à vivre une enfance heureuse pour avoir de meilleures chances de réussir dans la vie. Je crois personnellement que le fait de s'occuper de mesures législatives traitant de questions comme la pauvreté chez les enfants réaffirme l'objet et le but du travail que nous faisons ici, au Parlement.

Avec cette deuxième loi d'exécution du budget, le gouvernement donne également suite à la promesse faite dans le budget de 2016 d'aider les couples âgés qui doivent assumer des coûts plus élevés et affronter un plus grand risque de pauvreté s'ils doivent vivre séparément.

Dans le budget de 2016, le gouvernement a ramené à 65 ans l'âge d'admissibilité à la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti et à 60 ans l'âge d'admissibilité aux allocations pour la période de 2023 à 2029.

Ce budget a également proposé d'accroître d'un montant pouvant atteindre 947 $ par année la prestation complémentaire au Supplément de revenu garanti pour les aînés vivant seuls et qui sont les plus vulnérables, à compter de juillet 2016. Cette mesure soutiendra les aînés qui dépendent presque exclusivement des prestations de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti. Elle prévoit en outre une augmentation de 10 p. 100 des prestations maximales du Supplément de revenu garanti qui sont offertes aux aînés vivant seuls et dont le revenu est le plus faible.

Le projet de loi C-29 modifie la Loi sur la sécurité de la vieillesse afin de la rendre plus souple. Lorsqu'un couple reçoit le SRG et l'allocation au conjoint et que les deux membres du couple doivent vivre séparément pour des raisons indépendantes de leur volonté, chacun recevra des prestations fondées sur son propre revenu.

En accordant cet avantage aux couples recevant le SRG et l'allocation au conjoint, le gouvernement augmente l'équité envers les aînés et les aide à vivre une retraite digne. Les prestations bonifiées du RPC prévues dans le projet de loi C-26 constituent évidemment un important élément dans la poursuite de cet objectif à l'avenir.

[Français]

Le projet de loi C-29 renforce l'intégrité du régime fiscal en éliminant les échappatoires couramment utilisées pour éviter de payer de l'impôt, de façon à ce que tous paient leur juste part d'impôt pour financer les investissements et les services publics. Le projet de loi réitère la volonté du gouvernement de sévir davantage contre l'évasion et l'évitement fiscaux au moyen de dispositions telles que les normes de déclaration pays par pays et la norme commune de déclaration. Ces politiques ont été élaborées par les pays du G20, l'OCDE et, ici en cette Chambre, par le sénateur Downe.

Par souci de transparence, je vous présenterai brièvement les mesures techniques précises contenues dans le projet de loi C-29. Pour une analyse approfondie de ces mesures, je vous invite à consulter le résumé législatif qui a été distribué hier à tous les sénateurs et à leur personnel.

La partie 1 du projet de loi C-29 apporte diverses modifications de forme à la Loi de l'impôt sur le revenu. Au nombre des modifications, citons notamment l'indexation de l'Allocation canadienne pour enfants, des modifications de forme au traitement fiscal de la substitution de fonds mutuels et des intérêts accumulés sur les ventes de créances, ainsi que la clarification du traitement fiscal des droits d'émissions. Le projet de loi C-29 veille également à empêcher la multiplication de l'accès à la déduction accordée aux petites entreprises par le biais de structures de planification fiscale particulières. En outre, la partie 1 prévoit la mise en œuvre des normes de déclaration pays par pays par les grandes sociétés multinationales dans le cadre du projet de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices de l'OCDE, et, comme je l'ai mentionné, la mise en œuvre de la norme commune de déclaration des pays du G20 à compter du 1er juillet 2017.

[Traduction]

La partie 2 du projet de loi C-29 apporte d'autres modifications techniques relatives aux cotisations de l'Agence du revenu du Canada. La partie 3 prévoit des modifications connexes précisant que l'ARC et les tribunaux peuvent augmenter ou rajuster un montant compris dans une cotisation qui fait l'objet d'une opposition ou d'un appel à un moment donné, pourvu que le montant total fixé par la cotisation n'augmente pas.

La partie 4 du projet de loi C-29 prévoit des modifications techniques à la Loi sur l'assurance-emploi pour préciser le concept de l'emploi convenable dans la loi plutôt que dans le règlement, ce qui correspondrait plus directement à la jurisprudence existante. La partie 4 contient également les changements de la Loi sur la sécurité de la vieillesse que je viens de mentionner. De plus, elle modernise la gouvernance de la Loi sur la Monnaie royale canadienne.

La partie 4 comprend en outre le Régime de protection des consommateurs en matière financière, qui régit le secteur bancaire. Je sais que cette question a suscité des préoccupations au Sénat et dans le public. Je vais donner plus de détails sur cette partie du projet de loi afin d'expliquer son objet et les raisons pour lesquelles elle est avantageuse pour les Canadiens. Je commencerai par les éléments fondamentaux de la politique, après quoi je donnerai quelques exemples pratiques.

Honorables sénateurs, la section 5 de la partie 4 met en œuvre le Régime de protection des consommateurs en matière financière. Cela ne devrait pas être surprenant puisque le gouvernement avait annoncé, dans le budget 2016, qu'il avait l'intention de moderniser et de bonifier ce régime dans la Loi sur les banques.

Le projet de loi C-29 propose de regrouper les dispositions de protection des consommateurs de la Loi sur les banques dans une nouvelle partie de la loi afin de préciser la portée du régime et d'en faciliter l'interprétation en éliminant les différences qui existent dans le traitement de produits et de services similaires. Dans le secteur bancaire sous réglementation fédérale, de nouveaux principes conviviaux sont proposés pour faciliter l'interprétation des dispositions particulières de la nouvelle partie et assurer de meilleurs services bancaires aux consommateurs et au public.

Pour bonifier les dispositions existantes et renforcer la protection des consommateurs, on propose les améliorations ciblées suivantes.

En ce qui concerne l'accès aux services bancaires de base, le projet de loi C-29 prévoit des modifications permettant notamment d'utiliser une plus large gamme de documents d'identification pour ouvrir un compte ou encaisser des chèques du gouvernement du Canada.

Le projet de loi C-29 prévoit aussi des modifications destinées à combattre les pratiques commerciales déloyales, notamment en interdisant de soumettre une personne à des pressions indues et en ajoutant des délais de résolution relativement à une vaste gamme de produits et de services.

De plus, le régime modifie les dispositions relatives à la communication de renseignements dans le secteur bancaire. Il prévoit, par exemple, une utilisation accrue d'encadrés informatifs pour les produits et les services bancaires.

Il modifie également le traitement des réclamations, notamment en imposant aux banques et aux organismes externes de traitement des plaintes de présenter des rapports sur le nombre et la nature des réclamations reçues.

Le projet de loi renforce aussi la responsabilité grâce à des modifications exigeant des banques qu'elles présentent des rapports sur les mesures prises afin de remédier aux problèmes que doivent affronter les Canadiens vulnérables. Les conseils d'administration des banques seront maintenant directement responsables de la conformité de leur institution à toutes les dispositions importantes de protection des consommateurs.

De plus, le Régime de protection des consommateurs affirme la prépondérance fédérale dans le secteur bancaire, qui fait partie des domaines dans lesquels le Canada a un pouvoir législatif exclusif en vertu du paragraphe 91(15) de la Loi constitutionnelle de 1867.

(1440)

La disposition de prépondérance du projet de loi C-29 a pour objet d'appuyer l'exercice du pouvoir législatif fédéral en ce qui concerne la constitution des banques en société et les services bancaires prévus dans la nouvelle partie 12.2 de la loi.

En vertu de la disposition de prépondérance, la nouvelle partie vise, sauf disposition contraire, à avoir prépondérance sur les dispositions des lois et règlements provinciaux relatives à la protection des consommateurs et aux pratiques commerciales les touchant. Cette disposition est rédigée d'une manière très restrictive afin de s'appliquer uniquement à la nouvelle partie de la loi.

Dans l'ensemble, la nouvelle partie a pour objet d'assurer le fonctionnement efficace du système bancaire national et de veiller à ce que les consommateurs disposent de protections cohérentes et uniformes pour l'ensemble des produits et services bancaires, quel que soit l'endroit où ils sont offerts.

On peut se demander pourquoi c'est une bonne idée. Les modifications proposées affirment que la Loi sur les banques établit un régime exclusif de protection des consommateurs afin d'assurer aux Canadiens les mêmes droits et protections partout dans le pays et de favoriser la mobilité financière dans notre économie nationale intégrée. Cela est rationnel et explique les raisons pour lesquelles il est avantageux que le secteur bancaire constitue un domaine de compétence fédérale exclusive.

À défaut d'un régime fédéral complet et exclusif de protection des consommateurs, ceux-ci seraient assujettis à un ensemble hétéroclite de règles pouvant semer la confusion. Le projet de loi C-29 apporte la clarté et la simplicité que les Canadiens méritent dans leur utilisation quotidienne des produits et services bancaires et leur assure de meilleurs résultats.

Voici quelques exemples concrets. Une personne qui réside dans une province mais utilise un guichet automatique bancaire dans une autre province pourrait être assujettie à trois ensembles différents de règles. Comment cette personne pourrait-elle savoir à qui s'adresser s'il a un sujet de plainte? On pourrait dire la même chose de tout Canadien qui se déplace au Canada ou qui fait des transactions bancaires en ligne. Quelles règles s'appliquent? Le projet de loi dit clairement qu'un seul ensemble de règles s'applique partout dans le système bancaire canadien.

Voici un autre exemple. Les gens utilisent de plus en plus les cartes prépayées émises par les banques. Si différents régimes provinciaux s'appliquent au calcul et à la divulgation des coûts, comment un consommateur peut-il comparer les coûts relatifs pour choisir la meilleure affaire? Le gouvernement est d'avis — et l'autre endroit est d'accord — que les Canadiens ont besoin d'un seul ensemble de renseignements pour prendre des décisions éclairées au sujet des services bancaires. Tout autre régime nuirait aux consommateurs canadiens, ce que personne ne souhaite.

De multiples ensembles de règles provinciales et fédérales s'appliquant à des produits et des services bancaires impliqueraient en outre l'établissement de contrats juridiques plus longs et plus complexes entre les consommateurs et les banques. Ce projet de loi s'attaque aux clauses en petits caractères, peut-être aux dépens des avocats, mais cela aide les Canadiens à comprendre ce qu'on leur demande de signer à la banque.

[Français]

Honorables sénateurs, les règles qui se chevauchent et les régimes qui s'appliquent simultanément ne sont pas dans l'intérêt des consommateurs dans le secteur bancaire. Les consommateurs sont mieux protégés lorsque les règles et les droits sont clairs. Le projet de loi C-29 éviterait d'imposer aux consommateurs le fardeau de comprendre les multiples règles s'appliquant aux mêmes produits et services bancaires.

Comme je l'ai dit, la Constitution canadienne confère au Parlement une compétence législative exclusive sur les institutions bancaires et le droit bancaire. La mesure législative proposée affirme le pouvoir constitutionnel du Parlement sur le secteur bancaire.

[Traduction]

Un régime fédéral exclusif de protection des consommateurs permet de tenir les banques responsables et appuie un système national de soutien des consommateurs dans tout le pays.

L'exercice de la compétence fédérale permet aussi de tenir le gouvernement du Canada responsable de l'amélioration de la protection des consommateurs à mesure que leurs besoins évoluent.

Même en faisant abstraction de l'exercice légitime de la compétence fédérale en matière bancaire, nous devons garder à l'esprit la nécessité d'assurer à tous les Canadiens les meilleurs résultats possibles.

On a affirmé différentes choses au sujet des effets du projet de loi. On a dit par exemple qu'il abaisserait les normes de protection des consommateurs, notamment par rapport à ce qui existe au Québec. Bien au contraire, le projet de loi C-29 vise avant tout à relever les normes à l'échelle nationale et à permettre aux consommateurs de profiter de ces normes supérieures.

Certains soutiennent que le projet de loi permettra aux banques de déguiser leurs frais. En réalité, il interdit aux banques d'imposer des frais à moins qu'ils ne soient explicitement prévus dans une entente. D'autres prétendent que les banques pourront faire de la publicité trompeuse. En fait, le projet de loi exige que la publicité des banques soit claire et simple et interdit la publicité trompeuse.

On a affirmé que les banques n'ont pas à se conformer aux recommandations des organismes externes de traitement des réclamations. Pourtant, les banques suivent ces recommandations. Le fait est que des centaines de plaintes ont été examinées depuis la création de ces organismes et que cela a permis de confirmer que les recommandations ont été suivies dans tous les cas. Cela permet aux Canadiens d'avoir des résultats rapidement, sans frais et sans recours à des avocats. Je tiens à souligner ce point.

En pratique, la réclamation médiane qui va jusqu'à la dernière étape du processus parce qu'elle n'a pas été réglée par la banque porte sur un montant de moins de 1 000 $. Les organismes externes traitent ces plaintes en 60 jours ou moins, sans frais pour les consommateurs. Comparez cela au recours aux tribunaux sur les plans du coût, des délais et de tous les obstacles qui entravent l'accès à la justice.

Il est important de garder à l'esprit le fait qu'il demeure possible de recourir aux tribunaux pour rupture de contrat en vertu de la common law ou du droit civil. Les recours collectifs sont également possibles. Toutefois, nous avons affaire ici à un régime complet destiné à régler rapidement les problèmes à la satisfaction du client ou du consommateur. Le gouvernement veut que les banques s'occupent des réclamations des clients d'une manière rapide, ouverte et proactive.

Est-ce que ce nouveau régime peut, une fois mis en œuvre, être amélioré et renforcé pour tous les Canadiens? C'est une question qu'il faut envisager. Les Canadiens profiteraient d'une réflexion approfondie d'un comité du Sénat à ce sujet. Le gouvernement se féliciterait certainement d'une telle étude pour les besoins de l'avenir.

Le gouvernement croit profondément au fédéralisme coopératif, comme en témoignent les deux réunions des premiers ministres tenues pendant la première année de son mandat ainsi que l'invitation que le premier ministre a adressée à ses homologues provinciaux et territoriaux pour qu'ils assistent à la conférence des Nations Unies sur le changement climatique qui se tiendra à Paris. Une troisième rencontre des premiers ministres, prévue pour aujourd'hui et demain, permettra de discuter d'un plan national sur le changement climatique. De plus, les premiers ministres provinciaux sont invités à discuter des soins de santé à un dîner de travail organisé par le premier ministre demain soir.

Le gouvernement souhaite collaborer davantage — pas moins — avec les provinces et les territoires. Par contre, le gouvernement précédent n'avait tenu que deux réunions des premiers ministres en près de 10 ans. Par conséquent, oui, le présent gouvernement est déterminé à coopérer avec l'ensemble des provinces et des territoires, mais le fédéralisme implique aussi qu'il y a des cas où le Parlement du Canada cherchera, dans l'intérêt national, à occuper pleinement son champ de compétence exclusif. Nous avons ici un cas de ce genre.

Le gouvernement et l'autre endroit sont d'avis que le Parlement du Canada doit occuper pleinement son champ de compétence exclusif dans le domaine bancaire à cause de la complexité croissante de l'environnement financier mondial. Ils veulent ainsi établir des normes nationales claires, complètes et exclusives s'appliquant au secteur bancaire. Il arrive parfois, dans notre fédération, que le gouvernement ait à prendre des décisions difficiles qui peuvent ne pas être bien accueillies dans toutes les régions, mais qui, à son avis, servent l'intérêt national. Les Canadiens élisent leur gouvernement fédéral et leurs représentants élus pour faire des choix difficiles. Encore une fois, nous avons affaire à un cas de ce genre.

Honorables sénateurs, même si, comme vous le savez, nous ne devons jamais négliger les intérêts locaux, nous ne pouvons pas non plus faire abstraction de notre responsabilité de situer ces intérêts dans le contexte du bien national.

Bref, l'objectif de cette politique est de permettre au Parlement du Canada d'affirmer sa compétence exclusive dans le domaine bancaire et d'appuyer un système bancaire national au profit de tous les Canadiens. Autrement, nous aurions de multiples ensembles de règles que les consommateurs trouveraient déroutantes, complexes et opaques. Autrement, au lieu de compter sur une surveillance fédérale et efficace, les consommateurs auraient à recourir à des avocats pour obtenir des conseils complexes sur les règles susceptibles de s'appliquer et défendre leurs intérêts en s'adressant aux tribunaux.

À part les avantages du projet de loi C-29 et les motifs des mesures budgétaires qu'il vise à mettre en œuvre, j'aimerais prendre quelques instants pour parler du rôle du Sénat dans l'examen de projets de loi comme celui dont nous sommes saisis.

Le projet de loi C-29 est un exemple classique de question de confiance à l'autre endroit. C'est essentiellement un projet de loi budgétaire qui a pour objet de mettre en œuvre le programme budgétaire explicitement annoncé par un gouvernement majoritaire récemment élu.

Malgré cela, comme vous le savez tous, on a récemment parlé d'un amendement du Sénat.

(1450)

Toutefois, en amendant le projet de loi C-29 ou en faisant de l'obstruction pour empêcher son adoption, le Sénat irait à l'encontre de ses usages historiques et, dans ce cas particulier, irait au-delà de son rôle dans notre démocratie parlementaire.

Honorables sénateurs, j'admets sans réserve que, dans l'ensemble, les pouvoirs formels du Sénat sont équivalents à ceux de l'autre endroit, à deux exceptions près. Conformément à l'article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867, il appartient à l'autre endroit de prendre l'initiative des projets de loi de finances et des mesures fiscales. De plus, en vertu du paragraphe 47(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, la Constitution peut être modifiée sans le consentement du Sénat. Au-delà de ces deux restrictions, les pouvoirs formels du Sénat, en tant qu'institution non élue, sont virtuellement sans précédent parmi les démocraties du monde.

Toutefois, dans ce cas particulier, la question centrale qui se pose n'est pas de savoir si nous avons le pouvoir constitutionnel d'amender le projet de loi C-29. Nous savons tous que nous pouvons le faire, comme nous avons le pouvoir collectif de rejeter n'importe quelle mesure législative démocratiquement adoptée qui nous est transmise. En le faisant, cependant, nous pouvons rompre l'équilibre délicat que les Pères de la Confédération ont établi entre le pouvoir et la légitimité.

La question essentielle est plus complexe : devrions-nous exercer ce formidable pouvoir dans le cas présent? Honorables sénateurs, je soutiens que nous ne devrions pas le faire.

Dans l'exercice de ses pouvoirs, le Sénat doit agir conformément au rôle qui lui est attribué, à titre d'institution nommée, dans la structure constitutionnelle du Canada. Dans notre Constitution, le Sénat est envisagé comme institution complémentaire de la Chambre élue du Parlement, une institution que la population n'a pas chargée de rivaliser avec l'autre endroit, qui est le seul à pouvoir accorder ou retirer sa confiance au gouvernement.

Si les pouvoirs officiels du Sénat sont plus vastes que ceux de n'importe quelle autre Chambre non élue dans le monde, l'exercice de tels pouvoirs exige prudence, retenue et sagesse. Comme l'a déclaré la Cour suprême en 2014 :

[...] la décision de confier à l'exécutif la tâche de nommer les sénateurs visait aussi à garantir que le Sénat deviendrait un organisme législatif complémentaire, plutôt qu'un éternel rival de la Chambre des communes dans le processus législatif. Les sénateurs nommés n'auraient pas le mandat de représenter la population : ils ne devraient pas répondre aux attentes découlant d'une élection populaire et ne jouiraient pas de la légitimité qu'elle confère. Ainsi, ils s'en tiendraient à leur rôle de membres d'un organisme dont la fonction principale est de revoir les lois, et non d'être l'égal de la Chambre des communes.

En fait, dans notre système parlementaire bicaméral de gouvernement responsable, les questions de confiance sont réglées à l'autre endroit. Comme le note mon ami, mentor, enseignant et professeur émérite Ned Franks dans sa collection d'essais compilée par l'honorable sénateur Joyal :

La principale fonction des Communes consiste à faire et à défaire les gouvernements, c'est-à-dire, en soutenant le gouvernement qui a leur confiance [...] La notion de « confiance » [...] est la clé de voûte de la démocratie parlementaire de type Westminster [...]

La professeure Janet Ajzenstat, qui a écrit sur les origines du Sénat — ses écrits font également partie de la compilation d'essais du sénateur Joyal —, fait l'observation suivante :

Pourquoi des libéraux comme Brown, traditionnellement plus enclins à s'identifier à l'élément populaire, ont-ils préconisé la nomination des sénateurs? Christopher Moore affirme que Brown, quant à lui, favorisait la nomination des sénateurs parce qu'il croyait que leur légitimité s'en trouverait amoindrie, qu'ils prendraient donc moins d'initiatives sur le plan politique et qu'ils auraient moins tendance à nuire au gouvernement responsable, principe pour lequel les libéraux avaient milité avec succès pendant tant d'années.

Dans son ouvrage intitulé The Canadian Senate in Bicameral Perspective, le professeur David Smith dit ceci au sujet du Sénat :

[...] les sénateurs se perçoivent comme des parlementaires et comme faisant partie intégrante du processus législatif. Ils sont aussi conscients que, malgré le veto absolu que leur confère la Constitution, la Chambre des communes est la Chambre qui se prononce sur la confiance. Les membres de la Chambre basse sont élus par la population, à qui ils doivent rendre des comptes.

J'ajouterais que George Brown a très bien résumé la situation lorsqu'il a dit ce qui suit à l'Assemblée législative canadienne le 8 février 1865 :

Ce que l'on craignait le plus, c'était de voir les conseillers législatifs se faire élire sous des bannières partisanes; l'esprit de parti aurait dominé les délibérations de la chambre, et les conseillers auraient de même réclamé le contrôle des mesures financières tout aussi bien que les députés de la Chambre basse.

Par conséquent, les architectes de la Confédération n'ont jamais voulu que le Sénat soit l'éternel rival de la Chambre basse ou son égal. C'est particulièrement vrai dans le cas des projets de loi budgétaires visant à mettre en œuvre des politiques qui ont été explicitement définies, puis adoptées par la Chambre élue. Le projet de loi C-29, dont nous sommes saisis, est un cadre de mise en œuvre des politiques budgétaires qui ont été adoptées par la Chambre élue lors d'un vote de confiance. Le Sénat doit faire preuve d'une grande retenue à l'égard de questions semblables.

Dans le cas du projet de loi C-29, comme vous le savez, certains de nos collègues se sont dits favorables à l'idée de proposer un amendement à l'égard d'une politique qui a été annoncée explicitement dans le premier budget du gouvernement démocratiquement élu.

Soyons clairs : toutes les mesures contenues dans le projet de loi C-29 ont été annoncées dans le budget de 2016 du gouvernement. Fait très important, à la page 258 du budget déposé le 22 mars 2016 à l'autre endroit par le ministre des Finances, le gouvernement a clairement annoncé son intention d'affirmer le pouvoir fédéral sur les banques. Permettez-moi de citer le budget :

Les consommateurs de produits et de services financiers canadiens méritent une protection qui soit à la hauteur de leurs besoins. De plus, le cadre de protection des consommateurs de produits et de services financiers doit pouvoir fournir de la clarté afin d'orienter l'exploitation des banques sous réglementation fédérale.

Des modifications à la Loi sur les banques seront proposées afin de moderniser le cadre de protection des consommateurs de produits et de services financiers en précisant et en renforçant la protection des consommateurs au moyen d'un nouveau chapitre dans la Loi. Les modifications réaffirmeront l'intention du gouvernement d'avoir un système de règles exclusives pour assurer un système bancaire national efficient dans l'ensemble du pays.

Cela est tiré du texte du budget.

Donner suite à un tel engagement dans un projet de loi d'exécution du budget s'inscrit tout à fait dans les pratiques parlementaires. Il serait faux de prétendre que le fait d'éclaircir et de moderniser le cadre de protection des consommateurs canadiens de produits et de services financiers ne constitue pas une mesure budgétaire. Ce l'est.

Dans l'ouvrage intitulé La procédure du Sénat en pratique — un livre de chevet pour nous tous, j'en suis sûr —, on décrit l'étendue des questions de finances habituellement traitées dans un projet de loi d'exécution du budget. Je cite :

Après une préparation et des consultations prébudgétaires exhaustives, le ministre des Finances prononce l'exposé budgétaire à la Chambre des communes [...] il présente la situation financière du gouvernement de même que la conjoncture économique du pays. Il annonce aussi les priorités et initiatives stratégiques des années à venir.

Une fois qu'une motion portant adoption de la politique budgétaire du gouvernement a été adoptée en principe par la Chambre des communes, l'exposé budgétaire est habituellement suivi d'un ou de plusieurs projets de loi d'exécution du budget. Ceux-ci établissent ou modifient les structures, programmes, services et autres mesures annoncés dans le budget.

Il importe de faire la distinction entre un projet de loi d'exécution du budget et un projet de loi de crédits. Cette distinction est expliquée dans La procédure du Sénat en pratique, que je cite encore une fois :

Il y a lieu de distinguer entre un projet de loi d'exécution du budget et un projet de loi de crédits. Le premier met en œuvre des mesures contenues dans le budget, tandis que le second traite des dépenses législatives et non législatives requises pour le bon fonctionnement du gouvernement, affectant des fonds aux structures, programmes et services existants.

[Français]

De plus, un article publié en 2011 dans le périodique Canadian Parliamentary Review nous apprend qu'il est parfaitement normal qu'une loi portant exécution du budget contienne diverses mesures socioéconomiques, et pas seulement des mesures fiscales. Sous la plume de Michael Lukyniuk, ancien greffier de l'autre endroit, cet article qui porte sur les projets à teneur budgétaire énonce ce qui suit, et je cite :

[Traduction]

Le projet de loi d'exécution du budget contient les principales mesures annoncées dans le budget. Celles-ci comprennent des modifications à des lois fiscales et à d'autres lois d'ordre socioéconomique. De nouvelles lois peuvent aussi y être incluses à l'occasion.

Honorables sénateurs, il n'y pas de controverse. Il ne peut y avoir aucun doute qu'un projet de loi d'exécution du budget peut prévoir diverses politiques liées au fonctionnement du secteur financier et la façon dont il interagit avec les Canadiens, en particulier lorsque ces politiques ont été énoncées dans le budget même.

De plus, il ne s'agit pas d'un cas où une politique qui ne faisait pas partie du budget du gouvernement, ou qui n'a aucun rapport avec des questions financières, a été incorporée en douce dans le projet de loi d'exécution du budget par une voie détournée ou un projet de loi omnibus.

À mon avis, à moins d'un abus de procédure évident au moyen de la manipulation, par le gouvernement, de questions de confiance à la Chambre des communes, il n'est pas approprié pour le Sénat de rejeter un projet de loi qui a fait l'objet d'un vote de confiance à la Chambre des communes ou d'insister pour l'amender.

C'est probablement la raison pour laquelle je n'arrive pas à trouver un exemple où un projet de loi d'exécution du budget a été amendé par le Sénat, puis renvoyé à la Chambre des communes.

À ce que je sache, le seul précédent de rejet, par le Sénat, d'un projet de loi d'exécution du budget date d'il y a plus de 20 ans, soit le célèbre rejet d'un tel projet de loi par une égalité des voix, en 1993. Il s'agit là d'un précédent qu'il serait difficile d'invoquer pour justifier l'obstruction du projet de loi C-29 par le Sénat.

Bref, ce n'est pas le rôle du Sénat de rejeter un projet de loi d'exécution du budget ou d'y apporter des amendements de fond.

(1500)

Les dispositions du projet de loi C-29 qui ont fait récemment l'objet de controverses sont les mesures mettant en œuvre le budget que le gouvernement a déposé le 22 mars 2016. Les Canadiens se sont exprimés et ils ont donné au gouvernement le droit et le privilège de présenter son budget à l'autre endroit, la Chambre habilitée à voter ou à refuser la confiance. Comme elle a accordé sa confiance, le Sénat doit respecter ce choix et celui des Canadiens.

Cela dit, le Sénat et ses membres ont d'autres moyens de faire entendre leur voix et d'influencer la politique à cet égard. Ainsi, le comité chargé d'étudier le projet de loi C-29 peut ajouter à son rapport des observations énergiques.

Soucieux de trouver une solution au problème de la section 5 de la Loi d'exécution du budget, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a publié lundi une étude préalable du projet de loi C-29 et proposé ceci :

Compte tenu des divergences d'opinions entre les témoins au sujet du régime de protection des consommateurs en matière financière proposé à la section 5, le comité est d'avis que [...] le régime proposé devrait faire l'objet d'un examen exhaustif dans le cadre de l'examen de la Loi en 2019.

Il y a une autre possibilité, soit que le Sénat approfondisse l'étude de la question et fasse peut-être des recommandations dans un rapport portant expressément sur cette question. À cet égard, hier, la sénatrice Ringuette a donné préavis qu'elle proposerait une motion autorisant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce à :

a) Étudier les opérations de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) ainsi que l'Ombudsman des services bancaires et d'investissement (OSBI) [...];

b) Étudier le respect et l'interaction de ces organismes envers les juridictions provinciales;

c) Étudier et déterminer les pratiques exemplaires d'organismes similaires ailleurs dans le monde;

d) fournir des recommandations pour s'assurer que l'ACFC, l'OSBI [...] puissent mieux protéger les consommateurs et respecter les compétences provinciales.

Il semble que ce soit là une approche élégante et raisonnable, une approche que le gouvernement peut accueillir volontiers. Dans le même esprit, le gouvernement est disposé à envisager la possibilité de reporter l'entrée en vigueur de la section 5 jusqu'à ce que le Comité sénatorial des banques et du commerce présente ses recommandations, au plus tard le 31 mai 2017, ce qui cadrerait avec la motion de la sénatrice Ringuette.

Après l'étude de la question de politique en cause et en tenant compte du rapport, le gouvernement étudiera les recommandations du Sénat pour apporter d'autres modifications à la Loi sur les banques dans le cadre de l'examen de cette loi, en 2019. En outre, il serait possible de tenir compte de certaines recommandations dans le règlement d'application au sujet duquel le gouvernement mènera des consultations en 2017.

Honorables sénateurs, voilà, en somme, toutes les options à prendre en considération dans l'étude du projet de loi C-29, et j'exhorte tous les sénateurs à aborder avec un esprit ouvert les diverses solutions tout en restant fidèles au rôle du Sénat à l'égard d'un projet de loi d'exécution du budget comme celui-ci.

Honorables sénateurs, j'ai bon espoir que vous appuierez le projet de loi C-29, tant à cause de ses qualités que parce que vous tiendrez compte du rôle complémentaire que le Sénat doit jouer comme Chambre de réflexion. Et comme si cela ne suffisait pas, c'est Noël.

Des voix : Bravo!

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Sénateur Harder, peut-être pourriez-vous apporter une précision. Vous avez fait valoir votre thèse, expliquant pourquoi nous ne devrions pas nous immiscer dans le projet de loi d'exécution du budget parce que ce n'est pas là notre rôle. Il y a cependant des cas où il faut faire quelque chose. Il suffit de considérer ce qu'ont fait l'opposition et le gouvernement. Nous sommes en présence de nouveaux facteurs.

Vous envisagez la possibilité de retarder la mise en vigueur de la partie du projet de loi C-29 qui porte sur les banques. Je ne sais pas trop si vous dites que nous ne devrions pas intervenir dans le projet de loi budgétaire ou le projet de loi d'exécution du budget, car vous dites aussi que nous pourrions le faire et que vous accepteriez. Je ne comprends pas très bien ce que vous avez dit à la fin. Je voudrais que ce soit très clair. Et il se peut que ce soit Noël.

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question, car elle me donne l'occasion de dire les choses avec la plus grande clarté à tous les sénateurs.

Ce que je dis, c'est que le gouvernement est disposé à s'engager à reporter l'entrée en vigueur de la section 5, si le projet de loi est adopté par le Sénat, jusqu'à ce que le Comité des banques produise ses recommandations, à supposer que le Sénat décide de réaliser l'étude qui lui est proposée dans au moins une motion visant la section 5, au plus tard le 31 mai, date indiquée dans la motion. De plus, le gouvernement tiendrait compte de ces recommandations dans l'examen du règlement qu'il doit élaborer en 2017 pour application immédiate. Si une mesure législative était recommandée, le gouvernement pourrait la prendre en considération au cours de l'examen de la Loi sur les banques qui doit avoir lieu en 2019, ce qui est également la recommandation du Comité sénatorial des banques.

Nous cherchons donc à prendre en compte les recommandations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce au terme de l'étude proposée par la sénatrice Ringuette, et à respecter le rôle du gouvernement à l'égard d'une mesure budgétaire qui engage la confiance pour favoriser son adoption par le Sénat.

La sénatrice Andreychuk : Ce n'est toujours pas clair. Prenez-vous cet engagement? Au départ, votre rôle était présenté comme celui de représentant, et c'est maintenant celui de leader. Quelle assurance avons-vous que cet engagement sera honoré? Est-ce l'engagement d'un ministre? Celui du gouvernement? Comment cela se concrétisera-t-il au Sénat? Ce qui me préoccupe sans doute, ce sont les modalités.

Le sénateur Harder : Je dirai que je m'exprime au nom du gouvernement. Si, dans sa sagesse, le Sénat souhaitait qu'un ministre ou une personne plus haut placée confirme cet engagement, je suis sûr que nous pourrions prendre les dispositions voulues au moment qui conviendra pendant l'étude au Sénat.

La sénatrice Andreychuk : Je voulais simplement avoir l'assurance que vous preniez cet engagement au nom du gouvernement.

Le sénateur Harder : Tout à fait.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, il me semble qu'un des problèmes liés à cette section est la question de sa constitutionnalité. En effet, il s'agit, selon plusieurs, d'un empiètement du gouvernement fédéral dans un champ de compétence provincial. Ce que vous suggérez, c'est de retarder cet empiètement de quelques mois, mais cela ne réglera pas le problème, y compris les contestations au titre de la constitutionnalité qui seront soulevées, ce qui créera une incertitude quant au régime pendant au moins 10 ans.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Le gouvernement du Canada estime agir de façon tout à fait correcte et constitutionnelle, dans un champ de compétence exclusive, et il affirme cette compétence dans le projet de loi que la Chambre des communes a adopté et que nous sommes en train d'étudier.

C'est là une question qui a fait l'objet d'importants litiges au cours des dernières années, et je présume que, peu importe les solutions proposées, les litiges continueront. Mon offre concerne uniquement le travail que le Sénat pourrait faire s'il décidait d'étudier les questions de politique qui concernent la protection du consommateur dans le secteur bancaire.

[Français]

Le sénateur Carignan : Le sénateur Harder est-il conscient du fait que le rôle fondamental des sénateurs en matière de contrôle de la constitutionnalité, lequel a été défini lors de la Confédération en 1867, concerne justement le partage des compétences? Il s'agit de notre rôle fondamental à titre de représentants de nos régions respectives de nous assurer qu'une loi fédérale n'empiète pas dans les domaines de compétence provinciale.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Le gouvernement est assurément convaincu d'agir en parfaite conformité avec ses obligations et droits constitutionnels, et je l'ai affirmé dans mon intervention au sujet du secteur bancaire.

Il est tout aussi sûr que les tribunaux, en tout cas la Cour suprême du Canada, peuvent être saisis d'affaires diverses à ce propos. Au bout du compte, c'est la Cour suprême du Canada qui est l'arbitre. Je reconnais que les sénateurs ont à l'occasion exprimé, tout à fait légitimement, leur point de vue sur la constitutionnalité de projets de loi qui leur ont été soumis, et je trouve normal qu'ils fassent la même chose au sujet du projet de loi à l'étude. J'affirme simplement que le gouvernement du Canada est fermement convaincu d'agir conformément à ses compétences et obligations constitutionnelles.

(1510)

[Français]

Le sénateur Carignan : Dans un esprit de collaboration entre les provinces et le gouvernement fédéral, le sénateur Harder peut-il nous dire quelles provinces le gouvernement a consultées avant de présenter ce projet de loi qui empiète sur un champ de compétence dévolu aux provinces?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je rappelle à tous les honorables sénateurs que, sauf erreur, le premier budget qui a proposé d'agir dans ce domaine a été celui de 2013. Il en a été question de nouveau en 2014 et en 2015. Le gouvernement actuel a pris un engagement semblable et il a agi en conséquence.

Lorsqu'ils agissent dans ce domaine législatif, il n'est pas rare que les gouvernements mènent des consultations dans des domaines de compétence exclusive — comme le secteur bancaire —, mais il est aussi évident que le gouvernement a consulté des groupes intéressés et d'autres groupes en élaborant le cadre de son action. C'est à la faveur du processus de réglementation que d'autres consultations auront lieu avec d'autres ordres de gouvernement et d'autres groupes.

L'honorable Art Eggleton : Si le Sénat souhaite accepter ce que vous avez proposé pour cette section, doit-il le faire en proposant un amendement, en formulant des observations ou autrement?

Le sénateur Harder : Je ne veux pas présumer de ce que le Sénat souhaitera faire, mais je puis formuler une proposition, si cela semble convenir.

Je proposerais que cela se fasse au moyen d'une observation, afin que nous puissions avancer le plus rapidement possible. Si les sénateurs désirent une lettre de confirmation, je suis sûr que c'est possible d'en obtenir une. Il reste que, par mes propos d'aujourd'hui, je prends cet engagement.

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je m'y perds un peu. Hier, la sénatrice Ringuette a proposé une motion à ce sujet, sauf erreur. Collabore-t-elle avec le gouvernement au sujet du projet de loi? Elle est membre du Comité des banques. Nous n'avons reçu d'indication ni d'elle ni de quiconque. Normalement, si un ministre veut que le Comité des banques étudie quelque chose, il rencontre les membres du comité et il y a des échanges, mais nous ne sommes pas aux ordres du gouvernement. Nous sommes aux ordres du Sénat, mais on dirait qu'on nous demande de travailler sous les ordres du gouvernement.

Le sénateur Harder : Que les choses soient très claires. La sénatrice Ringuette peut exprimer elle-même son point de vue, évidemment, et elle ne s'en prive pas, d'habitude. Je n'ai pas été prévenu et je n'étais pas au courant de la motion de la sénatrice Ringuette avant qu'elle ne la présente. Je cherchais à me servir du document du Comité des banques que j'avais sous les yeux et que j'ai cité, et aussi du préavis de motion d'hier, pour trouver un moyen d'avancer dans l'étude du projet de loi tout en respectant les préoccupations du Sénat, car cette mesure est importante pour les Canadiens et relève d'un domaine de compétence fédérale exclusive.

Le sénateur Tkachuk : Je veux que ce soit clair. C'est pure coïncidence? Vous voulez nous faire croire que cela s'est produit sans la moindre discussion entre elle et vous? Il s'est trouvé que la motion a été déposée hier et, soudain, fortuitement, vous allez vous servir de cette motion?

Creusons un peu la question. Le Sénat nous a déjà demandé de déposer un rapport au plus tard le 30 mai. Une initiative parlementaire, le projet de loi du sénateur Plett, nous a été renvoyée. Un autre projet de loi nous a été renvoyé. Je ne me souviens même pas de son titre, mais nous allons voir en février. C'est un projet de loi sur les tarifs. Nous avons deux semaines de relâche en mars et deux autres en avril. Je ne vois pas comment nous y arriverons pendant le temps qu'il nous reste.

Le sénateur Harder : Bien sûr, je ne peux rien dire du programme de travail du comité. Le sénateur semble incrédule, mais c'est la vérité et je le prie de me croire : je cherche, à partir de ce que j'ai sous les yeux, c'est-à-dire le rapport du Comité des banques et la motion d'hier, un moyen de progresser pour que nous puissions adopter le projet de loi tout en permettant au Sénat d'étudier cette question et de formuler des recommandations.

L'honorable Dennis Glen Patterson : Ma question s'adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Je dois dire que j'ai apprécié son sermon concernant le rôle du Sénat dans l'étude des projets de loi de finances, de même que le cours de arithmétique que nous a servi un peu plus tôt un de nos nouveaux collègues.

Comme la sénatrice Andreychuk l'a mentionné, je crois qu'il n'est arrivé que deux fois en 150 ans qu'un projet de loi d'exécution du budget soit rejeté. Je voudrais donc demander ceci au représentant du gouvernement : n'y a-t-il pas au Sénat une longue tradition voulant que l'opposition loyale de Sa Majesté examine attentivement chaque projet de loi, y compris évidemment les projets de loi de finances, et s'intéresse à sa constitutionnalité et sa compatibilité avec la Charte? Après cet examen attentif, le gouvernement vote en faveur du projet de loi, et il arrive assez souvent que l'opposition se prononce contre. Ensuite, les whips veillent à ce que rien de fâcheux ne se produise et à ce que le projet de loi soit adopté avec ou sans dissidence.

Par conséquent, je ne sais pas si le gouvernement Trudeau croit vraiment qu'il y a encore une place pour une opposition officielle loyale dans un Sénat de plus en plus indépendant. Je voudrais donc demander respectueusement au représentant du gouvernement s'il ne s'est pas montré un peu alarmiste en demandant au Sénat de ne pas envisager de rejeter ou d'amender ce projet de loi.

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je n'avais pas du tout l'intention d'être alarmiste. Je voulais simplement essayer de trouver un moyen d'avancer qui respecte notre rôle, ainsi que les observations et les vues légitimes de tous les sénateurs. C'est dans ce contexte que j'ai formulé mes commentaires.

L'honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, j'ai quelques observations à formuler au sujet de notre travail en comité sur le projet de loi C-29, dont nous faisons une étude préliminaire. Le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes le 25 octobre 2016. Il s'agit de la Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget. Le projet de loi contient des modifications fondamentales, dont certaines prêtent certainement à controverse parmi les gens d'affaires, les professionnels de la santé et les fiscalistes. Nous avons entendu des témoins qui ont confirmé ces préoccupations.

On s'inquiète également de la protection des clients des banques, qui risque d'être affaiblie dans la législation fédérale par rapport à la protection qu'assurent certaines lois provinciales.

[Français]

Le projet de loi C-29 est divisé en quatre parties. La première partie contient des modifications au sujet des règles anti-évitement de la Loi de l'impôt sur le revenu. La deuxième partie et la troisième partie contiennent des modifications à la Loi sur la taxe d'accise (mesures relatives à la taxe sur les produits et services et à la taxe de vente harmonisée). La quatrième partie contient des modifications à d'autres mesures contenues dans les lois suivantes : la Loi sur l'assurance-emploi, la Loi sur la sécurité de la vieillesse, ainsi que la Loi sur les banques.

[Traduction]

Le projet de loi C-29 est divisé en quatre parties. La partie 1 modifie les règles anti-évitement de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les parties 2 et 3 contiennent des modifications de la taxe sur les produits et services et de la taxe de vente harmonisée ainsi que des mesures relatives à l'accise. La partie 4 met en œuvre différentes autres mesures modifiant la Loi sur l'assurance-emploi, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et la Loi sur les banques. Nous avons fait venir des fonctionnaires fédéraux pour passer en revue chacune de ces parties, ce qui s'est révélé un exercice très intéressant.

(1520)

Le comité étudie en ce moment le projet de loi C-29 en vertu de la motion en autorisant l'étude préliminaire. Nous nous sommes réunis quatre fois jusqu'à maintenant. Nous avons entendu des fonctionnaires, le ministre des Finances et huit témoins de l'extérieur. Je peux répéter une partie de ce que nous avons entendu, mais je vais faire un rapport plus détaillé lorsque le comité aura terminé son étude.

Dans la partie 1, le projet de loi propose des modifications à la déduction accordée aux petites entreprises et aux mécanismes de prêts adossés, la suppression de la déduction au titre d'immobilisations et son remplacement par une nouvelle catégorie de biens amortissables. La partie 1 propose aussi la mise en œuvre de la norme commune de déclaration recommandée par l'OCDE et toute une série de modifications de forme à la Loi de l'impôt sur le revenu.

M. Kim Moody, fiscaliste du Canadian Tax Advisory, a témoigné hier soir. Il a déclaré qu'il y a du bon à limiter certaines des questions techniques liées à la déduction accordée aux petites entreprises; toutefois, les mesures proposées dans le projet de loi C-29 ratissent beaucoup plus large. Il a dit ceci :

Les propositions ont une très grande portée et s'appliquent à un grand nombre de situations courantes auxquelles [...] elles ne devraient pas s'appliquer et [...] auront probablement une foule de conséquences imprévues.

M. Moody a aussi déclaré que le système actuel est complexe :

Toutefois, les modifications rendent ces règles horriblement complexes.

En raison de la portée et de la profondeur accrues résultant des modifications proposées, un grand nombre de petites entreprises pourraient ne plus avoir droit à la déduction qui leur est destinée. Selon M. Moody, cette nouvelle mesure législative est sans doute dans les cinq plus complexes. Les propriétaires moyens de petite entreprise n'auront pas la capacité des grandes sociétés pour gérer ce niveau de complexité.

En terminant, M. Moody a dit ce qui suit :

[...] les propositions relatives à la déduction accordée aux petites entreprises sont tout simplement impossibles à appliquer. Vous pouvez me croire.

Des membres du milieu médical ont comparu devant nous hier soir. Ils avaient des arguments très convaincants. Nous en discuterons plus tard.

Jusqu'ici, nous n'en savons pas encore assez. Des préoccupations très sérieuses, comme les répercussions sur les professions médicales et sur les petites entreprises, ont été portées à notre attention.

Nous avons également parlé, comme on l'a mentionné plus tôt, des incidences des mesures liées aux banques relevant de la compétence fédérale plutôt que provinciale.

J'ai hâte de faire part à mes honorables collègues du Sénat des conclusions du Comité sénatorial permanent des finances nationales au cours des prochains jours.

Encore une fois, ce n'est qu'un bref résumé de ce que nous faisons parce que nous sommes encore en plein milieu de ce travail. Je pense qu'il serait un peu prématuré d'entrer tout de suite dans le vif du sujet.

L'honorable André Pratte : Honorables sénateurs, comme je n'ai pas beaucoup de temps, je parlerai seulement du régime de protection des consommateurs proposé dans le projet de loi sous forme de modifications à la Loi sur les banques.

Je souscris complètement à l'objectif des modifications, qui est de créer un régime national de protection des consommateurs visant les banques. Il y a de nouvelles protections, mais le régime reprend pour l'essentiel des éléments éparpillés dans la loi et les regroupe sous forme d'un ensemble cohérent. C'est une bonne initiative. Cela simplifie les choses pour les banques et les consommateurs ainsi que pour les gens qui doivent interpréter la loi. Je souscris donc à cet objectif.

Bien sûr, dans les régions du pays où la protection des consommateurs est plutôt faible, le nouveau régime la renforcera en ce qui concerne les banques. C'est également une très bonne chose.

Le régime encourage le recours aux ombudsmans employés par les banques ou aux organisations nationales d'ombudsmans approuvées par les gouvernements et financées par les banques, qui peuvent formuler des recommandations. Le régime fonctionne ordinairement assez bien, mais la protection est faible. Toutefois, si on vit dans une province où la protection est élémentaire ou inexistante, le régime vaut certainement mieux que rien ou mieux que ce qui existe actuellement.

Cela dit, où est le problème? Le problème réside dans le paragraphe 627.03(2), qui constitue la disposition de prépondérance. Je vais vous le lire :

[...] la présente partie vise à avoir prépondérance sur les dispositions des lois et règlements provinciaux relatives à la protection des consommateurs et aux pratiques commerciales visant ceux-ci.

Je vais le lire en français.

[Français]

Sauf disposition contraire prévue sous son régime, la présente partie vise à avoir prépondérance sur les dispositions des lois et règlements provinciaux relatives à la protection des consommateurs et aux pratiques commerciales visant ceux-ci.

[Traduction]

Cela signifie que, dans un domaine particulier de la protection des consommateurs visant les banques, par exemple le domaine du crédit, s'il existe un régime provincial offrant une meilleure protection, les consommateurs ne pourront pas s'en prévaloir. Ils seront limités au régime fédéral qui, dans certains cas, est beaucoup plus faible.

[Français]

Ceux qui seront perdants, tout particulièrement, sont les consommateurs du Québec. La Loi sur la protection des consommateurs prévoit un régime beaucoup plus complet et un recours aux tribunaux pour un consommateur qui se croit lésé, notamment par une institution financière et, évidemment, par les banques. Il ne s'agit pas de tribunaux coûteux. C'est, généralement, la Cour des petites créances qui entend ces causes, et ce, sans frais et sans recours à un avocat.

J'aimerais citer le président de la Chambre des notaires du Québec, qui n'est pas un organisme reconnu comme étant très militant de gauche. Le président, Me Gérard Guay, a dit ce qui suit :

Le consommateur fait face à une panoplie d'instruments de crédit sophistiqués pour ne pas dire complexes. Lorsqu'une banque lui accorde un prêt, il est essentiel que celui-ci puisse disposer de tous les renseignements nécessaires pour prendre une décision éclairée. Il doit aussi disposer de recours légaux impartiaux et exécutoires lorsqu'il considère avoir été lésé. Le projet C-29 remet pourtant en question ces acquis pour les Québécois.

[Traduction]

Marc Lacoursière, professeur de droit à l'Université Laval, qui se spécialise dans le droit des banques et des consommateurs, a dit que le projet de loi C-29 :

[...] représente un recul au chapitre des droits des consommateurs canadiens. En général, les lois provinciales assurent aux consommateurs une meilleure protection.

[Français]

Le professeur Lacoursière également écrit ce qui suit, et je cite :

Le projet fédéral comporte plusieurs carences par rapport au droit provincial. Au Québec, la Loi sur la protection du consommateur protège le consommateur de produits et de services bancaires à plusieurs égards [...]

Le professeur renvoie à des exemples trop nombreux pour les citer ici.

Est-ce que les tribunaux décideront que les dispositions québécoises non couvertes par le droit fédéral s'appliquent [...]? Une incertitude demeure. En cas de non-application de ces mesures québécoises, il faut malheureusement en déduire que l'équité dans les rapports entre le consommateur et l'entreprise (la banque) se trouve ébranlée par ce projet fédéral [...]

[Traduction]

Cette question ne touche pas seulement le Québec. Elle intéresse aussi tous les consommateurs canadiens. C'est dans leur intérêt qu'il y a un régime de protection des consommateurs visant les banques, et ce régime devrait être plus fort que celui que propose le projet de loi. Il est également dans leur intérêt de bénéficier du régime de protection plus solide de leur province, le cas échéant.

Lorsque j'ai rencontré le ministre des Finances, il a dit que si quelqu'un vit à Chicoutimi, au Québec, puis déménage à Fort McMurray, il devrait bénéficier du même régime de protection. J'ai répondu que, si la personne vit à Chicoutimi, au Québec, où le régime est plus solide, pourquoi faut-il l'en priver? Pourquoi n'aurait-il pas le même régime à Fort McMurray? Où est la logique là-dedans? Nous devrions faire en sorte que le régime appliqué à Fort McMurray soit aussi solide qu'il l'est actuellement à Chicoutimi, et non affaiblir le régime appliqué à Chicoutimi pour qu'il soit équivalent à celui de Fort McMurray. Cela me semble logique.

Nous parlons de la complexité du régime actuel. Il y a tant de systèmes différents relevant du fédéral et des provinces. Apparemment, nous recherchons l'uniformité. C'est très bien, mais, honorables sénateurs, nous vivons dans une fédération. Bien entendu, si cela n'avait pas été le cas, ce serait beaucoup moins compliqué, mais il y a des raisons pour lesquelles nous vivons dans une fédération. Cela rend les choses un peu plus compliquées, mais cela fait aussi la beauté du Canada.

On nous dit maintenant qu'Ottawa a une compétence exclusive en matière bancaire. C'est exact. Par conséquent, Ottawa soutient qu'il devrait également avoir la compétence exclusive en matière de protection des consommateurs. C'est ce qu'on appelle la doctrine de l'exclusivité des compétences. Dans l'arrêt Marcotte, il y a deux ans, la Cour suprême a dit ce qui suit :

Une application élargie de cette doctrine est à contre-courant de la conception moderne du fédéralisme coopératif qui préconise l'application, dans la mesure du possible, des lois adoptées par les deux ordres de gouvernement.

(1530)

La protection des consommateurs dans le secteur bancaire est maintenant considérée comme un champ de compétence partagé, comme l'a dit la Cour suprême.

[Français]

Comme l'indique l'arrêt Marcotte, et je cite :

Les produits bancaires liés à la consommation relèvent du fédéral et sont assujettis à la Loi sur les banques [...]. La protection du consommateur est un domaine de compétence provinciale [...].

Le gouvernement actuel dit qu'il croit au fédéralisme coopératif. En annonçant la mise en place du cadre de protection des consommateurs en matière financière, le gouvernement a déclaré ce qui suit, et je cite :

Le gouvernement collaborera avec les provinces, les territoires et les intervenants afin d'appuyer la mise en œuvre du cadre de protection des consommateurs dans le domaine bancaire.

[Traduction]

Il y a quelques minutes, le sénateur Harder a dit que le gouvernement croit profondément au fédéralisme coopératif. Eh bien, le fait de dire à ses homologues provinciaux que leurs lois et règlements sont nuls et non avenus n'est certainement pas une bonne façon de vanter le fédéralisme coopératif.

Que faut-il donc que le Sénat fasse? Compte tenu des incidences du projet de loi sur la protection des consommateurs et les droits provinciaux, que pouvons-nous faire? Cette partie du projet de loi C-29 fait appel à deux rôles fondamentaux du Sénat du Canada : protéger les intérêts des régions et procéder à un second examen objectif.

[Français]

Le besoin de protéger les intérêts des régions et des provinces a été l'une des raisons de la création du Sénat en 1867. C'est l'une des raisons fondamentales pour lesquelles nous sommes ici. Chacun représente sa région, tout en cherchant à concilier les intérêts régionaux avec l'intérêt national. C'est ce qui fait que le Canada est une fédération. Il ne s'agit pas de la domination du gouvernement fédéral sur les provinces, mais bien de la conciliation des intérêts régionaux dans la recherche du bien commun.

Or, nous sommes ici devant une tentative évidente du gouvernement fédéral d'expulser les provinces d'un champ de compétence qui leur appartient pour le bien des consommateurs canadiens. Il ne s'agit pas d'une bataille de pouvoirs. Certaines provinces se sont dotées d'un régime solide de protection des consommateurs, conformément au désir de leur population. D'autres provinces pourraient vouloir le faire à l'avenir. Afin de créer l'uniformité d'un océan à l'autre, le gouvernement du Canada ne devrait pas priver les consommateurs de ces provinces de cette protection, surtout pas devant des acteurs aussi puissants que les banques. Il existe une solution de rechange qui permet d'atteindre les deux objectifs.

[Traduction]

Le gouvernement fédéral peut très bien mettre en place un régime de protection des consommateurs visant les banques, comme il le fait dans le projet de loi, tout en maintenant la possibilité de recourir au régime provincial s'il est plus fort. Cela a été fait dans d'autres domaines, et peut facilement être réalisé dans le secteur bancaire sans empiéter sur la compétence exclusive du gouvernement fédéral.

Notre autre mission fondamentale consiste, bien entendu, à procéder à un second examen objectif. En réalité, même en faisant une étude préliminaire du C-29, projet de loi particulièrement complexe, nous ne disposons que de très peu de temps pour examiner cette partie précise du projet de loi. Le Comité des banques l'a brièvement passée en revue, mais n'a entendu qu'un seul groupe de consommateurs. Aucun constitutionnaliste, aucun groupe de consommateurs du Québec et aucun représentant des gouvernements provinciaux n'a comparu.

Des questions complexes sont soulevées. De quelle façon les tribunaux vont-ils interpréter les nouvelles dispositions? Quelles seront les incidences sur les consommateurs des différentes provinces? Quelles seront les incidences sur le droit civil du Québec? Nous ne le savons pas, et nous n'aurons pas le temps de réunir les renseignements nécessaires parce que nous ne pourrons pas entendre suffisamment de témoins avant l'interruption des Fêtes. Tout le monde en est conscient.

Dans le temps qui reste, nous ne pourrons pas procéder à un second examen objectif. Pourtant, il n'y a absolument rien qui presse, à part les délais artificiels décidés par le gouvernement. Si le projet de loi n'est pas adopté avant Noël, le gouvernement ne risque pas de manquer de fonds. Aucune mesure fiscale ne sera touchée. Le régime a été annoncé dans le budget, mais ne constitue pas une mesure budgétaire. Il peut attendre un mois ou deux. Entre-temps, nous avons la possibilité d'améliorer cette partie du projet de loi.

Le gouvernement devrait exclure du projet de loi la section 5 de la partie 4, pour se donner le temps de la retravailler.

Maintenant, une nouvelle proposition vient soudain d'être présentée, nous demandant de voter sur le principe de la disposition de prépondérance. Nous prononcer sur cette partie du projet de loi reviendrait à nous prononcer sur le principe de prépondérance. Il s'agirait donc de voter pour exclure les provinces d'un champ de compétence qui leur appartient. De plus, il faudrait voter sur le principe consistant à priver les consommateurs de la possibilité de se prévaloir d'un régime provincial plus fort de protection de leurs droits, si un tel régime existe.

Je suis très opposé à cela, parce qu'il y a une solution plus facile et plus efficace qui protège aussi bien les consommateurs que les droits provinciaux. Il s'agit simplement d'exclure cette partie du projet de loi C-29 et de donner au gouvernement et au Sénat le temps de mieux l'étudier, d'améliorer la partie fédérale parce que la plupart des gens conviennent qu'elle est encore trop faible et de la rendre conforme aux droits provinciaux. Nous aurions ainsi un régime de protection qui serait plus fort d'un océan à l'autre et qui respecterait la compétence provinciale en matière de protection des consommateurs.

[Français]

Donnons au gouvernement le temps d'améliorer cette partie du projet de loi C-29. C'est de cette façon que le Sénat peut pleinement jouer son rôle fondamental de protections des intérêts des régions et de second examen objectif.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Carignan : Je trouve vos arguments intéressants. Cependant, j'ai plusieurs inquiétudes en ce qui concerne le projet de loi, y compris deux inquiétudes que je vous présenterai et pour lesquelles j'aimerais entendre vos commentaires.

Une personne qui fera affaire avec une caisse populaire aura droit à un régime qui ne sera pas le même que la personne qui fera affaire avec une banque. Cela existe au Québec, mais il y a aussi des caisses populaires dans plusieurs provinces. Pouvez-vous me parler de la difficulté qui est liée au fait d'avoir un double régime, selon qu'on fasse affaire avec une caisse populaire ou avec une banque?

J'ai ici une décision datée du 31 octobre 2016, où un consommateur poursuivait une entreprise de télécommunication en action collective. L'entreprise de télécommunication prétendait qu'elle ne pouvait pas être poursuivie selon les règles de recours collectif du Québec sous prétexte qu'elle avait un régime complet, soit le CRTC, qui régissait ses activités en fonction des règles fédérales. Heureusement, cet argument a été rejeté.

Je m'inquiète d'un éventuel dérapage, d'une dérive. Si on le fait pour les banques, ensuite, ce sera au tour des entreprises de télécommunication où, encore une fois, des droits seront retirés aux consommateurs, notamment dans le domaine des télécommunications. On sait que les problèmes sont nombreux dans ce secteur, en particulier en ce qui concerne les cellulaires.

(1540)

Le sénateur Pratte : Ce sont deux questions assez complexes. La première traite surtout du droit de mobilité du consommateur des banques, mais, ce qui est étrange, c'est que nous allons créer une situation très bizarre où un consommateur qui est client d'une caisse populaire, que ce soit en Ontario, au Nouveau-Brunswick, dans l'Ouest ou au Québec, aura plus de droits face à son institution financière, qui est contrôlée par des lois provinciales, que le client d'une banque. Il arrive même fréquemment que les gens soient consommateurs des deux types d'institutions, ce qui mettrait les institutions financières régies par les lois provinciales dans une situation de concurrence illégale. Ce sont parfois des secteurs financiers extrêmement dynamiques. Alors, cela pourrait créer une situation très problématique.

Votre deuxième question contient deux sous-questions. Tout d'abord, selon que l'on s'adresse au gouvernement fédéral ou aux experts dans le domaine des droits des consommateurs, les avis sont très divergents quant à l'impact du projet de loi sur les recours collectifs. Plusieurs experts dans le domaine des droits des consommateurs nous disent que le nouveau régime rendra les recours collectifs beaucoup plus difficiles. Le gouvernement fédéral prétend le contraire, mais cela reste à prouver. C'est l'une des raisons pour lesquelles le projet de loi mérite d'être étudié en profondeur.

Il y a certainement, dans la disposition de prépondérance, une valeur de test. Ainsi, si jamais la Cour suprême confirmait que, lorsque le gouvernement fédéral affirme explicitement sa prépondérance dans une loi, cela fonctionne, elle pourrait donc déterminer que, si le gouvernement l'affirme, c'est donc vrai. Il est évident que la tentation serait très grande pour le gouvernement fédéral de procéder de la même façon dans d'autres secteurs où il a compétence.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Avez-vous une question, sénateur Lang?

L'honorable Daniel Lang : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Pratte : Bien sûr.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur la prémisse du leader du gouvernement selon laquelle tout amendement serait perçu comme un vote de censure à l'égard du projet de loi en ce qui concerne les mesures prises par cette Chambre. Vous avez signalé que des amendements devraient être apportés et que cet article devrait être exclu afin que le Sénat soit en mesure d'examiner à fond cet aspect de la question.

Avez-vous quelque chose à ajouter quant à la question de savoir si un amendement à cet article du projet de loi serait perçu comme un vote de censure, ou simplement comme un amendement apporté dans le cadre de travaux ordinaires portant sur n'importe quelle mesure législative?

[Français]

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Pratte, mais votre temps de parole est écoulé. Désirez-vous cinq minutes de plus?

[Traduction]

Le sénateur Pratte : J'aimerais que l'on m'accorde une minute pour répondre à cette question.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Plett : Seulement cette réponse.

Le sénateur Pratte : Allons donc. Je m'amuse tellement.

Le sénateur Plett : Ce n'est pas mon cas.

Le sénateur Pratte : Je ne peux pas citer d'autorités, mais, entre nous, je serais franchement très surpris que la question de l'établissement d'un cadre pour les banques, dans le but de protéger les consommateurs, soit perçue comme une question de confiance par la Chambre basse.

[Français]

L'honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, j'aimerais profiter de cette première intervention, une semaine après mon assermentation, pour vous remercier personnellement, vous, mes collègues, sénateurs et sénatrices des deux côtés de la Chambre, ainsi que le personnel du Sénat, pour le grand professionnalisme et l'entraide que vous m'avez apportés.

J'ai prêté serment tout en étant consciente que ma responsabilité première serait de préserver les droits de nos concitoyens et de nos concitoyennes et, encore davantage, de les promouvoir. C'est pourquoi j'aimerais faire des commentaires sur le projet de loi C-29, très spécifiquement sur la disposition 627.03 de la section 5 de la partie 4, car je suis interpellée par des questions auxquelles, après des séances de travail, je n'ai pas reçu de réponses qui me rassurent sur le fait que les droits des concitoyens du Québec — mais aussi ceux des autres provinces qui, évidemment, sont des clients de banques — seront pleinement respectés.

Dans mes fonctions antérieures de protectrice du citoyen du Québec, donc d'ombudsman parlementaire, j'ai contribué à la formation de mes pairs ainsi qu'à la formation de ceux qu'on appelle les « ombudsmans organisationnels », donc des ombudsmans d'entreprises qui ont un autre statut que les ombudsmans indépendants.

Lors des formations que j'ai données, que ce soit à Osgoode Hall, à Toronto, ou encore à l'Université de Sherbrooke, au Québec, ces ombudsmans m'ont dit ce qu'ils ne pourront dire publiquement, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas indépendants et qu'ils sont liés par les orientations de leur compagnie. Selon eux, les rapports annuels que l'on peut consulter au sujet des banques traitent certaines plaintes, mais ne traitent pas ce qu'ils considèrent comme étant une insatisfaction ou une mesure d'amélioration qui n'a pas fait l'objet d'une enquête, ce qui permet très souvent d'affirmer que toutes les plaintes ont reçu un suivi de recommandation adéquat.

Dans ce contexte, et tout en étant pleinement consciente de nos obligations et des limites de notre compétence en matière budgétaire, je partage l'avis — et je suis d'ailleurs confortée en cela par la proposition du gouvernement qui nous a été transmise par le leader du gouvernement, l'honorable sénateur Harder — que nous pouvons bénéficier d'un temps additionnel de réflexion afin de trouver une solution qui soit d'intérêt, bien sûr, pour le Québec. En effet, je serais éminemment déçue que les citoyens du Québec perdent des droits dans un contexte comme celui-ci, étant donné que je connais cette relation qui est souvent celle de David contre Goliath dans le contexte bancaire en particulier. Je pense donc qu'un temps de réflexion additionnel pourrait être profitable pour tous en ce qui concerne cette disposition très spécifique qui n'est pas, à mon avis, une mesure budgétaire.

Je souligne d'ailleurs que l'ombudsman d'une banque, donc une compagnie à charte fédérale, est le même pour tous les Canadiens, qu'ils soient Québécois, Terre-Neuviens ou Britanno-Colombiens. Il n'y a qu'un ombudsman, et il est généralement à Toronto. Tout le monde bénéficie donc du même traitement, partout au Canada.

Nous devrions pouvoir faire en sorte que toute les considérations constitutionnelles, les considérations législatives, les considérations de l'administration publique, voire parfois certaines considérations bureaucratiques soient examinées et traitées avec la plus grande ouverture d'esprit. Notre but devrait être de nous assurer que tous les clients des banques, partout au Canada, aient accès à un régime de protection juste et équitable, et de faire en sorte que la loi soit ainsi améliorée.

Je pense que, en matière législative comme en d'autres matières, il ne faut pas viser le plus bas commun dénominateur; il faut plutôt viser la meilleure pratique et faire en sorte que tous puissent en bénéficier. C'est pourquoi je souscris à tout amendement qui, sans mettre en péril l'adoption du projet de loi d'exécution du budget, nous permettra à nous, sénateurs et sénatrices, de collaborer avec la Chambre des communes et avec le gouvernement pour faire en sorte que cette loi soit améliorée et pour nous assurer que nous avons vraiment fait un travail qui, fondamentalement, aura accru le respect et la promotion des droits de nos concitoyens.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

(1550)

La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l'honorable sénatrice Gagné, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence.

L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd'hui du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté. C'est un plaisir pour moi de m'adresser ainsi à vous, ne serait-ce que pour saluer et accueillir officiellement nos nouveaux collègues, c'est-à-dire ceux qui font partie du plus récent groupe de sénateurs indépendants qui ont été nommés.

Je suis impatiente d'apprendre à vous connaître tous et toutes et de travailler avec vous. C'est indéniable : quand le premier ministre Trudeau vous a choisis, il a bien tenu la promesse qu'il avait faite d'envoyer au Sénat des Canadiens de renom et de caractère.

Comme je sais qu'on vous a demandé de vous acquitter de vos fonctions de manière non partisane, il me semble tout à fait à propos que nous étudiions le projet de loi C-6 si tôt après votre entrée en fonction, car s'il y a un projet de loi qui répond à des impératifs partisans, c'est bien celui-là. Je vous presse donc, lorsque vous vous forgerez une opinion à son sujet, d'étudier les mesures douteuses qu'il renferme avec toute l'indépendance d'esprit dont vous êtes capables.

Le projet de loi C-6 annulera — ou abolira, c'est selon — les réformes du système d'immigration mises en œuvre grâce au projet de loi C-24 du précédent gouvernement conservateur. Les modifications proposées dans le C-6 ne reposent sur aucune justification étoffée ou réfléchie autre que « faisons le contraire de ce que les autres avant nous ont fait ». Elles n'ont aucun fondement en soi, ne reposent sur aucune politique factuelle et ne contribuent en rien à rendre le Canada plus sûr ou plus équitable ni à créer les conditions idéales pour que les gens qui immigrent au Canada puissent s'y intégrer sans heurts. Non, elles semblent plutôt n'exister qu'à des fins purement politiques, ce qui veut dire qu'elles ont grand besoin d'un second examen objectif.

Tandis que nous étudions le projet de loi C-6, rappelons-nous que notre principale responsabilité consiste à protéger les intérêts du Canada et de ses citoyens, peu importe depuis combien de temps ils vivent ici. La mesure la plus connue et la moins populaire contenue dans le projet de loi C-6 est celle qui supprimera les motifs de révocation de la citoyenneté canadienne liés à la sécurité nationale. Cette mesure repose sur la notion qu'« un Canadien est un Canadien ».

Le souci du gouvernement Trudeau de veiller à ce que les terroristes se sentent toujours égaux aux autres et les bienvenus dans leur terre d'adoption ne cadre pas avec les politiques d'au moins 22 pays de l'Europe de l'Ouest, y compris le Royaume-Uni, la Suisse et l'Allemagne, ainsi que d'autres pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Dans ces pays, des terroristes condamnés qui ont la double nationalité peuvent voir leur citoyenneté révoquée pour des motifs liés à la sécurité nationale.

Nous avons entendu dire au Sénat et à la Chambre des communes que le principe de la citoyenneté à deux vitesses est foncièrement injuste, et qu'un système de justice pénale qui traite les citoyens à double nationalité différemment des citoyens nés au Canada constitue une parodie de la justice naturelle.

Il s'agit là d'un mauvais argument. En effet, selon la loi canadienne, si l'on découvre qu'une personne a obtenu sa citoyenneté frauduleusement, elle est privée de sa citoyenneté. Cela a toujours été le cas. C'est sur cette base que les criminels de guerre nazis ont été dénaturalisés et expulsés du pays.

Le projet de loi C-24 n'imposait pas un système de justice pénale à deux vitesses. Tous les crimes commis au Canada, qu'il s'agisse d'une infraction mineure comme la traversée illégale de la rue ou d'une infraction grave comme un meurtre, sont punis exactement de la même manière, que le délinquant soit né au Canada ou naturalisé.

Ce que le projet de loi C-24 a fait, toutefois, c'est d'étendre la loi préexistante contre l'obtention frauduleuse de la citoyenneté au-delà des anciens criminels nazis pour qu'elle s'applique aux personnes qui, à notre époque, ont fait la guerre aux civils, la même atrocité pour laquelle les nazis ont été traqués après 1945.

Un citoyen naturalisé promet formellement fidélité et loyauté à son nouveau pays. Un djihadiste qui fait la guerre au Canada viole cette promesse éminemment sacrée. Ce sont ce mensonge et cette trahison que la perte de citoyenneté punit dans le monde occidental.

Une analogie très simple peut contribuer à clarifier le principe juridique. Quand un arnaqueur convainc ses victimes de lui donner leur argent ou d'autres biens de valeur, nous ne nous contentons pas de l'envoyer en prison. Nous ne lui disons pas qu'il lui suffit de purger sa peine de 5 ou 10 ans d'emprisonnement pour ensuite profiter des fruits de ses mensonges et de son escroquerie. Non, nous le punissons pour son crime et nous lui enlevons les biens qu'il a acquis frauduleusement.

Si la loi traite ainsi l'acquisition malhonnête d'argent ou de biens de valeur, avec combien plus de fermeté devrions-nous exiger restitution d'un criminel qui a eu recours à la ruse pour obtenir le bien le plus précieux qui soit — la citoyenneté canadienne?

La personne qui vient chez nous, qui prête serment de fidélité au pays et qui trahit ensuite son serment pour nous faire la guerre, non pas la guerre reconnue des militaires, mais une guerre de terreur clandestine, est en marge du droit commun de toute l'humanité. C'est cette personne qui a brisé le lien qui l'unissait au Canada, et non l'inverse.

Nous avons entendu dire ici qu'il est injuste de traiter les djihadistes nés à l'étranger différemment de ceux qui sont nés ici. Les personnes qui avancent cet argument semblent dire que nous ne voulons pas de terroristes de première classe et de terroristes de seconde classe. Au Canada, tous les terroristes sont de première classe.

À mon avis, nous devons envisager la question autrement. Selon un principe fondamental du droit de la citoyenneté, aucun criminel, aussi odieux soit-il, ne peut être déclaré apatride. Nous ne pouvons pas nous débarrasser d'un terroriste canadien de naissance; c'est inéluctable. En revanche, un terroriste naturalisé possède une première et une deuxième citoyenneté. En le dénaturalisant, nous ne le rendons pas apatride. Comme la plupart des Canadiens, il ne possède plus qu'une seule citoyenneté, celle qu'il avait à sa naissance, quand il se fait retirer la deuxième citoyenneté qu'il avait demandée et qu'il perd en faisant la guerre contre son pays d'adoption, un geste d'une extrême gravité.

Le projet de loi C-24 était une réaction pondérée et responsable à la situation mondiale dans laquelle nous vivons depuis le 11 septembre. Les menaces terroristes qui pèsent sur le Canada sont réelles. Comme j'habite à Toronto et à Ottawa, je ne peux pas oublier le complot terroriste inspiré par Al-Qaïda et fomenté par le groupe des 18 de Toronto. Heureusement, le complot a été déjoué par des agents d'application de la loi.

En 2006, 11 terroristes en puissance ont été inculpés pour avoir préparé un assaut, par camion piégé, contre CBC/Radio-Canada, le SCRS et l'endroit précis où nous sommes rassemblés aujourd'hui, le Parlement, symbole suprême de notre liberté chérie.

Bien qu'il se soit personnellement fixé comme priorité de rétablir la citoyenneté du chef du groupe des 18 de Toronto — Zakaria Amara, originaire de Jordanie —, le premier ministre Trudeau est à mille lieues de ce que souhaitent les Canadiens ordinaires. Selon un sondage d'Angus Reid mené en 2016, seulement 21 p. 100 des Canadiens sont d'accord avec le gouvernement Trudeau pour dire que le rétablissement de la citoyenneté des terroristes reconnus coupables est une bonne chose. Les Canadiens n'appuient pas cette mesure et j'espère que mes collègues ne l'appuieront pas non plus.

Avec son slogan « Un Canadien est un Canadien », le premier ministre joue honteusement sur la peur et l'insécurité des 20 p. 100 des citoyens canadiens qui sont nés à l'étranger. Pourtant, ces derniers comprennent mieux que les Canadiens de souche pourquoi le Canada doit être chéri et défendu. C'est le terroriste qui a brisé le vœu qu'il a fait et qui part en guerre contre le pays auquel il a voulu se joindre. C'est lui qui, de par son action même, déclare : « Vous êtes peut-être Canadiens, mais pas moi. »

Une autre mesure irréfléchie que contient le projet de loi C-6 est le changement de la condition qu'on impose aux nouveaux citoyens d'avoir, avant qu'on ne leur accorde la citoyenneté, une certaine connaissance du Canada et une connaissance fonctionnelle de l'une des deux langues officielles. Auparavant, les requérants âgés de 14 à 65 ans devaient prouver qu'ils étaient capables de s'exprimer et d'avoir certaines connaissances de l'histoire et de la culture du nouveau pays qu'ils voulaient faire leur. Le gouvernement libéral a réduit cette exigence, de sorte qu'elle ne s'applique désormais qu'aux seuls requérants âgés de 18 à 54 ans.

La norme établie précédemment par le gouvernement conservateur s'appuyait sur une raison précise et logique. Elle visait à ce que les personnes en âge de travailler soient capables de le faire et à encourager l'intégration sociale et culturelle afin que le principe selon lequel un Canadien est un Canadien devienne une réalité et pas seulement un slogan électoral.

La nouvelle norme laisse entendre que nous sommes prêts à accueillir des quinquagénaires au Canada même s'ils n'ont pas les compétences linguistiques nécessaires pour subvenir à leurs besoins, et que le Canada acceptera d'accorder la citoyenneté à des personnes âgées de 17 ou 18 ans qui ne comprennent pas nos institutions et qui ne peuvent pas démontrer qu'elles adhèrent à des valeurs qui nous sont chères comme la démocratie, la tolérance et le respect mutuel.

Cela laisse surtout entendre que le gouvernement considère le fait que ces gens disposent des outils essentiels à leur réussite comme une simple formalité dont on peut se passer aisément. Après tout, si on n'exige pas d'un nouvel arrivant de 55 ans qu'il démontre ses compétences en anglais ou en français, pourquoi l'exigerait-on d'une personne âgée de 54 ans? L'ancien critère, lié à l'âge de la retraite, était logique. La nouvelle norme est arbitraire, voire farfelue, et je soupçonne qu'elle s'appuie moins sur la volonté de défendre les intérêts supérieurs du Canada et des Canadiens que sur les résultats de consultations organisées dans les circonscriptions où les appuis envers les députés libéraux sont fragiles.

À l'autre endroit, voici ce que le ministre de l'Immigration a admis à propos du projet de loi C-6 :

[...] je dois dire qu'il existe beaucoup de preuves indiquant que les compétences en anglais ou en français sont un critère déterminant pour la réussite économique au Canada [...].

Vous savez quoi? Il a raison. Contrairement à nombre de sociétés européennes, le Canada n'a pas subi les effets désolants de la marginalisation économique ou sociale des immigrants. Nous n'avons pas vu, au Canada, les fortes réactions xénophobes qui se sont produites ailleurs.

(1600)

Ce succès du Canada n'est pas le fruit du hasard. Il ne faudrait pas croire, convaincus de notre supériorité, que les Canadiens sont à l'abri des bouleversements politiques qui ont ébranlé presque toutes les autres démocraties avancées.

Nous devons notre succès aux décisions éclairées prises, par le passé, par des gouvernements éclairés. Nous mettrons ce succès en danger si des gouvernements malavisés prennent des décisions malavisées qui, pour de brefs gains politiques, mettraient en péril l'économie et la sécurité du pays.

J'espère que les sénateurs indépendants sauront passer aux politiciens de l'autre endroit le message que voici : « Nous comprenons pourquoi vous agissez ainsi. Nous savons ce qui vous motive. Vous voulez influencer les prochains sondages et la prochaine élection partielle dans une région secondaire. Pour notre part, nous devons voir plus loin et penser à ce qui servira les intérêts de l'ensemble du Canada plutôt que ceux d'un parti ou d'un chef de parti en particulier. »

Je me réjouis de savoir que ce projet de loi sera soumis à une étude approfondie pendant les audiences du comité. J'espère que mes collègues examineront attentivement les dispositions du projet de loi C-6 avec moi, et qu'ils tiendront compte des effets négatifs que pourrait avoir cette mesure.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Lang, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat

Retrait de la motion concernant la période des questions de la séance du 13 décembre 2016

À l'appel des affaires du gouvernement, motions, article no 56, par l'honorable Diane Bellemare :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu'autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l'article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 13 décembre 2016, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu'à la fin de la période des questions, qui sera d'une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d'appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu'elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu'à 15 h 30, heure de la période des questions.

(La motion est retirée.)

L'ajournement

Adoption de la motion

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 7 décembre 2016, propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au lundi 12 décembre 2016, à 18 heures;

Que les comités sénatoriaux devant se réunir le lundi 12 décembre 2016 soient autorisés à siéger même si le Sénat siège, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard;

Que l'application de l'article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Projet de loi sur le Mois du patrimoine juif canadien

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Linda Frum propose que le projet de loi S-232, Loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c'est un honneur de prendre la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi S-232, Loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien.

Pour commencer, je tiens à remercier le député libéral Michael Levitt, qui a proposé ce projet de loi avec l'appui du député conservateur Peter Kent et du député néo-démocrate Randall Garrison.

En tant que membre très fière de la communauté juive du Canada, je suis ravie d'avoir le privilège de présenter un projet de loi qui désignera officiellement le mois de mai comme moment de l'année où l'on célèbre la culture juive canadienne et où l'on souligne les contributions considérables à la société canadienne des Canadiens de confession juive depuis le début des colonies.

L'histoire du peuple juif au Canada a été dans l'ensemble une histoire d'acceptation, de tolérance et d'ouverture mutuelle. Bien qu'il y ait eu des embûches, le Canada a été un pays où les juifs ont pu jouir de la liberté de religion, d'une sécurité solide et de la prospérité.

En 1768, les premiers pionniers juifs à s'établir dans le Bas-Canada ont construit une synagogue à Montréal. La communauté juive a été la première communauté non chrétienne et non autochtone à s'enraciner sur le territoire qu'il allait un jour devenir le Canada.

En 1832, la Chambre d'assemblée du Bas-Canada — le Québec — vote pour l'émancipation politique des juifs, une première dans l'Empire britannique.

Toutefois, ce n'est pas avant la fin du XIXe siècle que les juifs ont vraiment commencé à venir au Canada en grand nombre. La plupart étaient des réfugiés pauvres qui fuyaient les pogroms et l'antisémitisme aux conséquences mortelles de la Russie et d'autres régions de l'Europe de l'Est.

Ils se sont installés partout au Canada, tant à Victoria, en Colombie-Britannique, qu'à Sydney, en Nouvelle-Écosse. Ils espéraient bâtir une vie meilleure pour leur famille et eux-mêmes. Ils étaient fermement résolus à contribuer, sans réserve, à la société qui les avait accueillis.

En Europe, les juifs n'avaient plus le droit de posséder de terres agricoles. Ainsi, peu d'entre eux avaient l'expérience ou les compétences nécessaires pour devenir agriculteurs. La plupart des immigrants juifs sont plutôt devenus des commerçants, des gens de métier ou des ouvriers.

C'est l'histoire de ma propre famille. Mon arrière-grand-père maternel est arrivé de la Pologne avec sa famille au tournant du XXe siècle. Ils se sont installés à Niagara Falls, en Ontario, attirés par la possibilité de vendre des vêtements et des fournitures aux hommes qui creusaient le canal Welland. Après un certain temps, la famille a ouvert un petit magasin de vêtements, qui est finalement devenu un grand magasin. Il était le fleuron du boulevard en plein cœur de Niagara Falls.

Mon grand-père maternel, qui est arrivé au Canada en 1911 à l'âge de 7 ans, jouissait seulement d'une éducation rudimentaire. Pourtant, il a réussi à établir une entreprise très respectée et est devenu un leader dans sa communauté.

Cependant, son vœu le plus cher, typique des immigrants juifs de son époque, était que ses enfants deviennent des membres instruits et consciencieux de la société canadienne et qu'ils fassent profiter le pays qui les avait accueillis si chaleureusement du meilleur de leurs connaissances et de leurs talents. Ses enfants ont exaucé son vœu, de même que des dizaines de milliers d'autres enfants d'immigrants.

Depuis plus de deux siècles, les Canadiens d'origine juive ont une profonde incidence dans les milieux commerciaux, militaires et universitaires et dans le domaine de la médecine, du droit, du journalisme, de la politique et des arts. On peut même dire qu'ils ont une incidence sur les sports, quoiqu'il faille reconnaître que c'est surtout du côté de la gestion.

Bien que je sois tentée d'essayer d'énumérer le nom des plus grands Canadiens d'origine juive, ils sont en réalité trop nombreux pour que je puisse tous les nommer. C'est précisément pour cette raison qu'il devrait y avoir un mois du patrimoine juif. Il nous permettrait de rendre hommage convenablement aux nombreuses réussites, réalisations et découvertes des Canadiens d'origine juive en organisant des événements, des expositions, des concerts, des séances de lecture, des festivals et d'autres activités.

Le Canada compte aujourd'hui la quatrième communauté juive en importance au monde. Beaucoup de ses membres sont des descendants des 35 000 survivants de l'Holocauste que le Canada a acceptés après la Seconde Guerre mondiale.

J'espère que le Mois du patrimoine juif canadien donnera l'occasion à tous les Canadiens, juifs et non-juifs, de mieux comprendre la culture et l'histoire des Canadiens de confession juive, ainsi que le rôle essentiel joué par la communauté juive pour faire en sorte que le Canada soit l'un des meilleurs pays du monde où vivre.

Je vous remercie, honorables sénateurs. J'espère que vous jugerez bon d'appuyer cette belle initiative.

(Sur la motion du sénateur Wetston, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-206, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants contre la violence éducative ordinaire).

L'honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, je signale que cet article en est au 15e jour. Je m'étais engagé à parler du projet de loi et à prendre la relève quant au parrainage. J'ai terminé ma recherche, mais je n'ai pas tout à fait terminé de rédiger mes notes.

Avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 4.15(3) du Règlement, je demande que le compte des jours en ce qui a trait à cet article reprenne à zéro.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Sinclair, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Pierrette Ringuette : Votre Honneur et honorables collègues, je ne sais pas s'il s'agit d'un rappel au Règlement. Je crois toutefois que c'est un précédent.

(1610)

Je voudrais souligner que, lundi dernier, l'article no 5 sous la rubrique « Rapports de comités », qui portait sur le budget du Sénat pour l'exercice en cours et sur l'amendement que j'ai proposé, a été rayé du Feuilleton parce qu'il en était au 15e jour. Nous nous trouvons donc dans une situation où le Sénat n'est saisi d'aucun rapport du Comité de la régie interne sur le budget du Sénat pour l'exercice en cours ni de l'amendement que j'ai présenté.

J'ignore s'il s'agit d'un rappel au Règlement, mais je pense que l'article doit être réinscrit au Feuilleton dans la même forme qu'il était lundi soir. Le Sénat doit débattre de son propre budget de fonctionnement et le mettre aux voix.

Demander le consentement est peut-être une option. Je présumais que le président du Comité de la régie interne allait relever la situation, mais il ne semble pas l'avoir fait. Lundi soir dernier, nous n'avions pas de rapport et ne pouvions donc voter sur notre propre budget de fonctionnement.

Une des façons de procéder — et je vous demande votre avis, Votre Honneur — pourrait être de demander le consentement unanime pour présenter de nouveau le rapport du Comité de la régie interne au sujet de notre budget avec l'amendement tel que figurant au Feuilleton de lundi soir.

Son Honneur le Président : Merci, sénatrice Ringuette. L'affaire a été correctement rayée par le Sénat conformément au Règlement. Si vous voulez demander le consentement pour que l'article soit de nouveau inscrit au Feuilleton, vous pouvez le faire, mais il doit y avoir consentement unanime du Sénat. Demandez-vous le consentement?

La sénatrice Ringuette : Oui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : J'ai entendu un « non ». Le consentement n'est pas accordé. Désolé.

La sénatrice Ringuette : Alors, honorables collègues, nous n'avons aucun budget de fonctionnement. Nous n'avons pas voté sur notre budget.

Son Honneur le Président : Sénatrice Ringuette, il n'y a pas matière à débat. Cet article a été rayé du Feuilleton, ce qui est malheureux, bien sûr, à votre avis. Vous avez demandé le consentement pour qu'il soit réinscrit au Feuilleton. Le consentement n'a toutefois pas été accordé, car j'ai entendu un « non ». Je vous recommande donc de réétudier la question et, si vous souhaitez l'aborder de nouveau lundi soir, nous pourrons le faire à ce moment-là.

Modernisation du Sénat

Neuvième rapport du comité spécial—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du neuvième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l'avant (période des questions), présenté au Sénat le 25 octobre 2016.

L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, ce rapport en est à sa 14e journée. Je serai prête à en discuter la semaine prochaine. Je demande donc le consentement d'utiliser le reste du temps de parole qui m'est alloué à ce moment-là pour le faire.

(Sur la motion de la sénatrice Frum, le débat est ajourné.)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune des invités de l'honorable sénatrice Pate, dont sa fille, Mme Madison Pate, Mme Jennifer Vincent, Mme Cathy Robinson, représentante de l'Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry, Mme Jessica Hawkins, représentante du cours sur le droit carcéral donné par la sénatrice Pate à l'Université d'Ottawa, ainsi que des représentants de la Commission canadienne des droits de la personne.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Kim Pate, ayant donné préavis le 5 décembre 2016 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la situation actuelle des personnes qui comptent parmi les plus marginalisées, victimisées, criminalisées et internées au Canada, et plus particulièrement sur la surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes.

— Merci beaucoup, honorables sénateurs.

Honorables sénateurs, puisqu'il s'agit de mon premier discours à la Chambre haute du Parlement...

Des voix : Bravo!

La sénatrice Pate : Merci beaucoup. Je tiens à commencer en soulignant que nous avons le privilège de nous trouver et de nous réunir sur les terres traditionnelles non cédées des peuples algonquins.

Aujourd'hui, je suis aussi honorée que touchée de prendre la parole au Sénat pour attirer l'attention sur la situation actuelle des personnes qui comptent parmi les plus marginalisées, victimisées, criminalisées et internées au Canada, et pour encourager la Chambre à se concentrer plus particulièrement sur la surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes.

Honorables sénateurs, je profite de l'occasion pour parler d'avance de la Journée internationale des droits de l'homme, qui sera célébrée le 10 décembre pour souligner l'anniversaire de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Le thème de la Journée des droits de l'homme de cette année est « Défendez les droits de quelqu'un aujourd'hui ». C'est une façon de souligner la proposition fondamentale de la déclaration selon laquelle chacun d'entre nous — partout et à tout moment — a le droit de jouir de la gamme complète des droits de l'homme et d'affirmer qu'il revient à tout le monde d'intervenir pour défendre les droits fondamentaux des personnes à risque de discrimination et de violence. En agissant ainsi, on réaffirme notre humanité.

(1620)

À mes yeux, mon admission au Sénat, qui n'a pas son pareil comme tribune où se faire entendre, m'offre des possibilités prodigieuses de faire valoir les causes qui me tiennent à cœur. C'est donc exactement ce que j'ai l'intention de faire, parce que je suis fermement convaincue qu'il est de notre responsabilité de travailler avec — et pour — ceux dont la voix est trop souvent négligée, voire ignorée, ou qu'on essaie de faire taire, ce qui est encore pire.

Honorables sénateurs, la surreprésentation des Autochtones — et plus particulièrement des femmes autochtones — dans le milieu carcéral s'explique par la discrimination systémique et historique découlant de notre passé colonialiste, raciste et sexiste.

Chaque fois, au cours des 35 dernières années, que j'ai eu l'occasion et le privilège de franchir les portes de diverses prisons pour jeunes, pour hommes ou pour femmes ± chaque fois que j'ai pu y entrer mais, surtout, en ressortir ±, les effets toxiques de la colonisation sur les peuples autochtones m'ont sauté au visage.

Je tiens à profiter de l'occasion pour féliciter tous les dirigeants autochtones pour l'excellent travail qu'ils accomplissent au nom des Autochtones, et plus particulièrement celui de nos collègues actuels et anciens. Merci.

Honorables sénateurs, vous êtes très nombreux à avoir pris sur vous de dénoncer les effets dévastateurs des services discriminatoires de protection et d'aide à l'enfance, le manque de débouchés économiques, pédagogiques et professionnels et les nombreux autres problèmes graves causés par la discrimination dans divers domaines — comme la police, les poursuites criminelles, l'immigration, les tribunaux et les services correctionnels — que subissent beaucoup de gens, mais plus particulièrement les hommes, les femmes et les enfants inuits, métis et des Premières Nations. Je considère comme un privilège de pouvoir me joindre à vous et à cette institution pour continuer cet important travail.

Honorables sénateurs, les faits qui suivent ne seront sans doute pas agréables à entendre. Ils ne font l'affaire de personne, mais ils décrivent notre réalité, et ils doivent être connus de tous. Cette conversation doit avoir lieu, et je ne puis imaginer de meilleur endroit pour ce faire que le Sénat du Canada.

Au cours des 35 dernières années, j'ai souvent été mue par la colère ou le désespoir dans ma lutte contre la souffrance que je n'accepterai jamais et dont j'ai été directement témoin, autour de moi. Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de vous présenter quelques exemples.

Je commence par le cas de « D », une femme autochtone qui a été enlevée de force à sa famille dès la naissance. J'ai passé des heures devant sa cellule d'isolement sur une période d'une vingtaine d'années, agenouillée pour pouvoir lui parler à travers la fente qui sert à remettre les repas à la détenue. Je la suppliais de cesser de se faire des entailles un peu partout sur le corps, de tenter de s'arracher les yeux ou de se frapper la tête dans le mur de béton. « D » a demandé à ma mère si elle pouvait lui écrire et l'appeler « maman » après que ma mère eut généreusement fait don de son temps et se fut rendue à la prison pour femmes de Kingston, juste avant qu'elle ferme, alors qu'il ne restait personne pour fournir des services aux femmes. Nous étions à peu près à cette période de l'année. Ma mère, qui était coiffeuse, était venue avec moi coiffer les femmes pour que les rares qui, parmi elles, pouvaient recevoir des visiteurs et les autres qui pouvaient les aider à les accueillir se sentent mieux dans leur peau pendant les fêtes, malgré leur vie de prisonnière. « D » n'avait aucune famille et, à part ses avocats, les bénévoles de la Société Elizabeth Fry et d'anciennes prisonnières, elle n'avait personne sur qui compter.

Nous avons pu convaincre une cinéaste de tourner un documentaire sur « D », Sentence vie, ou Sentenced to Life, et l'œuvre a fait suffisamment de vagues pour que le service correctionnel la transfère dans un hôpital psychiatrique, car c'est dans un tel établissement qu'elle aurait toujours dû être.

Le résultat? Après avoir passé plus de 25 ans en prison — la plupart du temps en isolement —, elle a entrepris sa réinsertion sociale graduelle à partir de l'hôpital. Après être finalement sortie du foyer de transition géré par la Société Elizabeth Fry où elle résidait, elle vit maintenant dans la collectivité. La dernière fois que je lui ai rendu visite, le propriétaire du dépanneur du quartier où elle habite a dit qu'il pensait qu'elle blaguait lorsqu'elle a tenté de le convaincre qu'elle avait déjà été considérée comme une criminelle dangereuse.

Puis, il y a « L », une autre Autochtone, une autre membre de la génération volée, qui, en fait, a été déclarée « délinquante dangereuse » en raison de ce qu'elle avait dit et de ce que la Cour d'appel de l'Alberta avait dit qu'elle avait écrit, mais pas de ce qu'elle avait fait. Je l'ai rencontrée pour la première fois lorsqu'elle était âgée de 12 ans. Elle aura bientôt 44 ans. Elle avait été violée, puis forcée à se prostituer. Les services de protection de l'enfance ont été avisés lorsqu'elle a tenté d'oublier la réalité en consommant de l'alcool. Lorsqu'elle a résisté à l'intervention de l'État, la police a été appelée sur les lieux. Elle a été accusée d'avoir agressé des intervenants des services à l'enfance et des policiers parce qu'elle a résisté aux personnes qui l'ont fouillée à nu. Ce qui est merveilleux, c'est qu'elle a été punie pour avoir répliqué et résisté à la violence dont elle faisait l'objet dans la rue, dans la collectivité et de la part de l'État. Par exemple, lorsqu'elle a identifié — correctement, en fin de compte — un des psychologues de la prison comme étant un prédateur sexuel, on lui a interdit de poursuivre le programme de traitement et on l'a placée en isolement pour avoir prétendument proféré des menaces à l'endroit de cet homme en faisant de telles allégations. Au bout de six ans et demi, les autorités ont finalement annulé la peine qui lui avait été imposée et sa désignation en tant que délinquante dangereuse. Elle a passé tout ce temps, sauf six mois, en isolement. Il y a eu 17 ans, le 1er juillet dernier, qu'elle est sortie de prison.

Après 10 ans d'incarcération, 20 séances de traitement aux électrochocs et d'innombrables tentatives de suicide et séances d'automutilation, elle travaille maintenant bénévolement au sein de sa collectivité, y compris à titre de mentor auprès des jeunes. Militante et conseillère de confiance, elle a épargné à beaucoup d'autres les horreurs qu'elle a elle-même subies.

Hier soir, tandis que je rentrais à pied chez moi, elle m'a téléphoné, comme elle le fait presque tous les jours depuis 25 ans. Elle m'a demandé comment se passent les choses au Sénat et a proposé que je vous invite tous à m'accompagner lors de ma prochaine visite à la prison. Je lui ai répondu que je serais ravie de le faire. Elle m'a aussi priée de demander votre appui pour la libération de notre amie « S ».

« S », elle aussi une Autochtone, est la détenue qui a été le plus longtemps incarcérée. Bien que nous ayons le même âge, nous n'avons pas connu les mêmes chances et, par conséquent, nos situations respectives ne sont pas du tout les mêmes. Après avoir vécu 10 ans dans un pensionnat indien, où elle a été maltraitée physiquement, sexuellement et psychologiquement, elle a été une proie facile pour plus d'un homme violent. Emprisonnée d'abord pour avoir été la complice d'un trafiquant de drogues dont elle était la partenaire et subissait les mauvais traitements, elle a été condamnée pour de multiples délits commis en prison et a passé la plus grande partie des trente dernières années dans divers établissements carcéraux, souvent en isolement, une torture dont elle garde des séquelles psychologiques débilitantes. Je pourrais parler longuement des injustices qu'elle a endurées et la réalité choquante des inégalités qu'elle a subies.

Et puis il y a les enfants. Pour les détenues, le fait d'être séparées de leurs enfants constitue l'élément le plus difficile de l'incarcération. Un souvenir qui m'émeut tout particulièrement encore aujourd'hui est celui d'une visite à une détenue autochtone en compagnie de deux fillettes, l'une sa fille et l'autre, sa nièce. Il s'agissait de leur première visite à cette femme — et la seule, malheureusement —, dont elles avaient été séparées en très bas âge. Il s'agissait aussi de leur premier déplacement en avion et ce fut un bonheur pour moi de les observer durant le décollage et après avoir traversé la couverture nuageuse, alors qu'elles s'extasiaient et conversaient en chuchotant. À un moment donné, l'aînée s'est tournée vers moi et a demandé à voix basse : « Kim, tante Kim, sommes-nous au paradis? »

La gravité de la situation est mise en évidence par les expériences et l'expertise de femmes et d'enfants comme celles-ci, d'un grand nombre de militants locaux, régionaux, nationaux et internationaux qui luttent contre la violence, la pauvreté et le racisme et pour les droits des femmes et de la personne, ainsi que d'universitaires et d'alliés.

Plusieurs personnes ont déjà attiré l'attention sur la nécessité d'une collaboration afin de régler le problème des violations des droits de la personne qui sont commises en notre nom collectif et au sein de notre société. Par exemple, à l'instar d'autres commissions d'enquête provinciales et fédérales, la Commission de vérité et réconciliation a demandé dans ses appels à l'action, plus particulièrement l'appel à l'action no 30, que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux s'engagent à éliminer, au cours de la prochaine décennie, la surreprésentation des Autochtones en détention et à publier des rapports annuels détaillés sur l'évaluation des progrès en ce sens.

Le premier ministre a aussi donné à la première ministre autochtone de la Justice le mandat de réduire le taux d'incarcération des Autochtones et lui a demandé de travailler avec les provinces et les territoires pour remédier aux lacunes dans la prestation des services aux Autochtones et aux personnes souffrant de problèmes mentaux.

La tâche sera lourde, mais elle n'est pas impossible.

(1630)

D'ailleurs, même si je me trouvais à la prison pour femmes de Joliette lorsque la ministre de la Justice a comparu devant le Sénat, le 6 décembre dernier, j'ai été ravie d'apprendre qu'elle a reconnu la nécessité de faire mieux et d'unir nos efforts afin de réparer les torts du passé et du présent.

Selon le plus récent rapport du vérificateur général, les femmes autochtones comptent pour 36 p. 100 — plus du tiers — des femmes détenues dans les prisons fédérales du Canada. Une foule d'autres rapports du Bureau de l'enquêteur correctionnel et de la Commission canadienne des droits de la personne ainsi qu'un nombre grandissant de décisions des tribunaux confirment également un fait troublant, soit que les femmes autochtones, en particulier celles qui sont atteintes de troubles mentaux invalidants, forment le groupe de la population carcérale qui connaît la plus forte croissance au pays, en dépit du fait qu'elles ne représentent que 2 à 3 p. 100 de la population canadienne.

D'ailleurs, dans son rapport de 2013 intitulé Une question de spiritualité, l'enquêteur correctionnel a révélé que le nombre de femmes autochtones incarcérées dans les prisons fédérales a fait un bond énorme, 85,7 p. 100, par rapport à la décennie précédente. C'est une augmentation de près de 86 p. 100.

Fait tout aussi troublant, dans 91 p. 100 des cas, les femmes autochtones qui purgent une peine d'au moins deux ans ont déjà été victimes d'agressions physique ou sexuelle. De plus, la plupart d'entre elles vivent dans la pauvreté et doivent faire face à des perspectives d'éducation et d'emploi limitées, et la majorité d'entre elles sont des mères.

Honorables sénateurs, ce ne sont généralement pas les personnes qui présentent le plus grand danger pour la population qui purgent de longues peines de prison, mais plutôt celles qui sont les plus vulnérables, les plus marginalisées et les plus maltraitées de notre société.

Le directeur parlementaire du budget a estimé que, en tenant compte de toutes les dépenses, la détention d'une femme dans un pénitencier fédéral coûtait 348 000 $ par année en 2010. Dans la plupart des cas, ces détenues sont pauvres et elles sont le seul soutien de leurs enfants.

Quand elles sont incarcérées, leurs enfants sont souvent placés en famille d'accueil. Nous pouvons, et nous devons, mieux tenir compte des coûts humains, sociaux et financiers qu'il y a à utiliser de façon malavisée les systèmes de justice criminelle et pénale pour régler des problèmes fondés, en fait, sur des inégalités et des injustices sociales et économiques, notamment la pauvreté, l'itinérance, la colonisation, ainsi que la violence faite aux femmes et aux personnes atteintes de problèmes de santé mentale.

En 2010, le directeur parlementaire du budget de l'époque, Kevin Page, a calculé que l'interférence correctionnelle — pour reprendre le terme de Louise Arbour — et la mauvaise gestion associées à la peine d'une seule Autochtone coûtait 7 millions de dollars. Sept millions de dollars pour la peine d'une Autochtone.

Imaginons les retombées que ces 7 millions de dollars pourraient avoir s'ils avaient été investis dans des mesures de soutien communautaires et des services comme la garde d'enfants, le logement, les soins de santé mentale, les services sociaux, le revenu de subsistance garanti et d'autres mesures économiques et éducatives.

Les prisons ne sont pas des refuges de remplacement pour les femmes battues, ni des centres de traitement, ni des centres de santé mentale, et nous ne pouvons pas accepter qu'elles continuent d'être utilisées de cette façon. Les prisons ne sont vraiment pas une bonne façon de régler le problème du manque de logements et du manque de services sociaux adéquats.

En raison de leurs coûts humains, sociaux et économiques, les prisons sont la façon la moins efficace et la plus coûteuse de régler les problèmes causés par des inégalités et des injustices fondamentales.

Honorables sénateurs, nous devons nous poser des questions très difficiles, mais il faut avant tout établir un dialogue honnête.

Je me réjouis à l'idée de renforcer nos connaissances dans ce domaine et d'établir des partenariats avec vous dans le but de mieux cerner les nombreuses facettes de ce grave problème et de commencer à les régler. J'invite tous les sénateurs à travailler de concert et à se poser une question essentielle : qu'allons-nous faire maintenant?

Nous avons la responsabilité d'examiner les liens entre les décisions économiques, sociales, juridiques et politiques qui continuent de contribuer à une surreprésentation des femmes autochtones dans les prisons canadiennes.

Honorables sénateurs, je ne crois nullement que nous puissions accomplir quoi que ce soit en agissant seuls. Voilà pourquoi je prends la parole aujourd'hui pour vous demander, chers nouveaux collègues, de vous joindre à moi dans cet effort concerté en vue de contenir la vague d'emprisonnement de certaines des personnes les plus désavantagées du Canada.

Je conclus aujourd'hui par une citation dont une femme m'a fait part il y a plus de 25 ans. Cette femme, alors dans une cellule d'isolement, m'a profondément touchée lorsqu'elle m'a implorée de tenir compte des paroles de Lilla Watson, une Autochtone d'Australie, qui a dit ceci :

Si vous êtes venus pour m'aider, vous nous faites perdre notre temps. Mais si vous êtes ici parce que votre émancipation est liée à la mienne, alors travaillons ensemble.

Honorables sénateurs, je demande que nous travaillions ensemble pour mettre en lumière des vérités sur lesquelles on ferme les yeux depuis trop longtemps. Je demande que nous travaillions ensemble pour remédier à cette situation désespérée. Je demande que nous travaillions ensemble pour donner une voix à ceux et celles que l'on réduit au silence depuis trop longtemps. Je vous remercie de votre patience.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au lundi 12 décembre 2016, à 18 heures.)

 
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