Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 94
Le mercredi 8 février 2017
L'honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel - Discours du Trône
- Modernisation du Sénat
- L'étude sur les mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent
- Le Sénat
- La surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes
- La Loi canadienne sur les droits de la personne
LE SÉNAT
Le mercredi 8 février 2017
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Visiteur de marque à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancien collègue, l'honorable Wilfred P. Moore.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite bon retour au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, après l'ajournement de la séance d'aujourd'hui, je vous invite à vous joindre à moi dans les appartements du Président, où une réception sera donnée en l'honneur du sénateur Moore.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
L'honorable Wilfred P. Moore
L'honorable Charlie Watt : Honorables sénateurs...
[Note de la rédaction : Le sénateur Watt s'exprime en inuktitut.]
J'aimerais dire quelques mots au sujet de notre ancien collègue, Willie Moore, qui a pris sa retraite avant que j'aie la chance de lui dire adieu.
Nous nous connaissons depuis 1996, année de sa nomination à la Chambre haute. J'ai énormément de respect pour le travail formidable qu'il a accompli, plus particulièrement en ce qui a trait au Nord et aux communautés autochtones. Étant donné que je suis l'unique sénateur inuk du pays, je me sens parfois un peu seul. Wilfred a été un grand défenseur des Autochtones, et nous lui sommes très reconnaissants de sa contribution éclairée aux travaux du comité.
Willie accorde beaucoup d'attention à tout ce qu'il fait, et cela se voyait également dans sa façon de se préparer aux travaux du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. En tant que nouveau membre du comité, il a su considérer les dossiers sous un nouvel angle constructif. Sa façon de s'intéresser aux problèmes de logement et aux nécessaires améliorations des conditions de vie était admirable.
Willie nous manquera pour son amabilité et ses contributions dans les dossiers touchant les peuples autochtones. Il a démontré de façon admirable qu'il est possible de travailler ensemble à améliorer la vie des communautés sous-représentées.
[Note de la rédaction : Le sénateur Watt s'exprime en inuktitut.]
Merci, Willie, et je vous souhaite la meilleure des chances dans vos prochaines aventures. Nakurmiik.
L'honorable Elizabeth Hubley (leader adjointe des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, je suis très heureuse d'avoir la chance de rendre hommage à mon ami et à notre ancien collègue, l'honorable Willie Moore. À ma grande déception, j'étais à l'extérieur de la ville lors de l'hommage officiel; je suis donc ravie qu'il soit venu nous visiter aujourd'hui.
Ils ont été nombreux avant moi à souligner toutes les réussites de Willie ici, au Sénat, et dans sa chère province, la Nouvelle-Écosse. À titre de danseuse, d'artiste et de violoneuse, j'accorde toutefois une place privilégiée aux arts, et je sais très bien que Willie partage cette passion. Je parlerai donc de certaines de ses contributions dans ce domaine.
Nous savons tous que Willie a été un bénévole dévoué du Collège d'art et de design de la Nouvelle-Écosse, où il a reçu un doctorat honorifique en beaux-arts en 2014.
Pour le même collège, il a également contribué à la création du Community Studio Residency à Lunenburg, lequel met un atelier et un logement à la disposition de nouveaux diplômés dans la ville. Willie a dit plus tard qu'il avait présenté l'idée ainsi au président du collège à l'époque : « Vous devriez ouvrir un centre à Lunenburg. Après tout, vous êtes le Collège d'art et de design de la Nouvelle-Écosse après tout, et non le Collège d'art et de design d'Halifax. » Comme toujours, il avait raison, et le collège offre maintenant son programme de résidence à Sydney, à New Glasgow et à Dartmouth.
Il y a quelques années, il a contribué à l'établissement de l'École des arts de Lunenburg; il agit maintenant à titre de président du conseil d'administration. L'école offre aux enfants et aux élèves de tous âges différents ateliers, notamment sur la poterie, le dessin, l'écriture et la photographie. Willie a récemment révélé au Chronicle Herald de Halifax qu'il a hâte de pouvoir donner plus de son temps là-bas. Le travail auprès des jeunes et des arts le passionne, et cette école offre un excellent point de départ pour les enfants.
Willie Moore a déjà grandement contribué au rayonnement de l'art de la Nouvelle-Écosse et du Canada, et ce n'est qu'un début, selon moi.
Merci beaucoup, Willie. Je vous offre, à vous, à Jane, à Alexandra et à Nicholas, mes meilleurs vœux pour ce nouveau chapitre de votre vie.
L'Institut de recherche sur l'Asie
L'Université de la Colombie-Britannique—Félicitations à l'occasion du vingtième anniversaire
L'honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, je tiens aujourd'hui à souligner le 20e anniversaire de l'Institut de recherche sur l'Asie, sis dans l'édifice C.K. Choi de l'Université de la Colombie-Britannique. Au nom du Sénat, j'offre au personnel de l'institut toutes nos félicitations à l'occasion de ce moment marquant. Puisse l'institut continuer de contribuer à l'éducation, à la recherche, à l'engagement public et à l'élaboration de politiques concernant l'Asie et les relations Canada-Asie.
C'est à l'Institut de recherche sur l'Asie, fondé en 1978, que se concentrent les activités de l'Université de la Colombie-Britannique liées aux affaires publiques et aux politiques de l'Asie. Les recherches et les enjeux qui retiennent l'attention de l'institut touchent de nombreux aspects des politiques de l'Asie-Pacifique, parmi lesquels la gouvernance mondiale et régionale, la culture, la religion et la société, la gestion de l'énergie et des ressources, la sécurité régionale, ainsi que le commerce et les droits de la personne.
(1410)
En 1997, l'institut a emménagé dans l'édifice C.K. Choi, à l'extrémité nord du campus Point Grey de l'Université de la Colombie-Britannique, un geste audacieux rendu possible grâce au leadership du président de l'époque, David Strangway, qui est malheureusement décédé en décembre dernier. L'édifice a été construit au moyen de matériaux recyclés. Les responsables ont eu recours à diverses pratiques exemplaires pour réduire l'incidence environnementale de l'édifice. Ils ont ainsi réussi à réduire la consommation d'eau et d'énergie, et ils utilisent même des toilettes sèches.
L'Institut de recherche sur l'Asie est l'un des groupes experts à l'Université de la Colombie-Britannique ayant une connaissance approfondie de l'Asie. Ces groupes mènent des recherches dans divers domaines, notamment les domaines de la médecine, de la foresterie et des affaires. En fait, l'un des rôles principaux de l'institut est de faciliter, à l'échelle de l'université, l'enseignement et la recherche sur l'Asie, afin que la recherche sur l'Asie ne soit pas perçue comme une activité rare à laquelle s'adonnent quelques spécialistes seulement, mais plutôt comme une compétence essentielle de tout universitaire sérieux, quel que soit son domaine, qui souhaite tenir compte des questions de l'heure dans le cadre de ses travaux. En conséquence, l'Université de la Colombie-Britannique compte probablement un plus grand nombre d'experts sur l'Asie que toute autre université au Canada, et elle se classe sans doute à cet égard dans les premiers rangs des universités du monde occidental. La façon de penser a changé en ce qui concerne la pertinence contemporaine des études asiatiques, et l'institut a également été au premier plan de l'élaboration d'un programme de maîtrise en politiques publiques et affaires internationales axé sur l'Asie. C'est ce programme qui a donné lieu à la création d'une école de politique publique et des affaires internationales.
En soulignant le 20e anniversaire de l'Institut de recherche sur l'Asie, qui est situé dans l'édifice Choi, je ne vise pas uniquement à faire connaître aux sénateurs une excellente institution qui fait partie d'une excellente université sur la côte Ouest du Canada. Il existe de nombreux excellents instituts de recherche universitaires dans ce pays. Ce que je cherche à faire ressortir, c'est que l'Institut de recherche sur l'Asie à l'Université de la Colombie-Britannique propose une nouvelle approche à l'égard des études sur l'Asie, une approche qui est fondée non seulement sur le domaine de spécialisation, mais également sur la pertinence contemporaine de l'Asie dans tous les domaines d'étude.
Si vous êtes un spécialiste en sciences sociales, mais que vous ne savez rien des recherches sur l'Asie ou de ce que font les chercheurs asiatiques, vos connaissances laissent grandement à désirer. Dans la même veine, vous ne pouvez pas être un oncologue de renommée mondiale si vous ne faites pas partie des réseaux asiatiques de recherche sur le cancer, pas plus que vous ne pouvez être un expert en matière de protection de l'environnement sans connaître certaines des pratiques qui ont cours en Asie.
Le déplacement du pouvoir et de l'influence en faveur de l'Asie a d'importantes conséquences sur la gouvernance mondiale, l'économie internationale et la sécurité régionale. Il va sans dire que le Canada est attentif à cette montée de l'Asie, non seulement parce que nous sommes un des pays de la région du Pacifique et qu'une grande partie de notre population est d'origine asiatique, mais surtout parce que ce qui se passe aujourd'hui en Chine, au Japon, en Corée, en Inde et dans le Sud-Est asiatique a des répercussions partout dans le monde...
Son Honneur le Président : Sénateur Woo, votre temps de parole est écoulé. Vous disposez de 10 secondes pour conclure.
Le sénateur Woo : ... grâce au travail de l'Institut de recherche sur l'Asie de l'Université de Colombie-Britannique et de la communauté d'universitaires et de praticiens axés sur l'Asie partout au pays.
Le Yukon
Joseph Whiteside Boyle
L'honorable Daniel Lang : Merci, chers collègues. J'aimerais tout d'abord accueillir chaleureusement le sénateur Moore. J'apprécie vraiment tout le temps et les efforts qu'il a consacrés au Sénat.
Chers collègues, l'année 2017 compte plusieurs anniversaires importants pour les Yukonnais et l'ensemble des Canadiens.
Cette année marque le 150e anniversaire de notre Confédération. On souligne également le 100e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy. Un peu plus près de nous, au Yukon, nous célébrerons le 150e anniversaire de naissance d'un Canadien légendaire et d'un fier Yukonnais, le lieutenant-colonel Joseph Whiteside Boyle, qui est né le 6 novembre 1867 à Toronto. La date de sa naissance en fait un des tout premiers citoyens nés Canadiens, ce qui, en soi, mériterait d'être célébré, mais il y a plus.
Le lieutenant-colonel Boyle a passé son enfance à Woodstock, en Ontario, et est plus tard allé s'installer au Yukon, où il a fait fortune dans l'extraction d'or au Klondike.
Au début de la Grande Guerre, le lieutenant-colonel Joe Boyle a créé et financé sa propre batterie de mitrailleuses, la Batterie de mitrailleuses du Yukon, composée de 35 Yukonnais partis pour un périple de deux ans qui a commencé à Dawson City, au Yukon, et les a menés jusqu'aux champs de bataille en France, où ils ont courageusement participé aux batailles de Courcelette, de la crête de Vimy et de Passchendaele ainsi qu'aux offensives contre les Allemands en mars 1918, à Amiens et au Canal-du-Nord.
Chers collègues, il y a 100 ans, en 1917, le lieutenant-colonel Boyle a lancé une vaste opération pour les Alliés en Europe de l'Est, comprenant le maintien d'un réseau de près de 500 espions travaillant pour les Services secrets britanniques. Il a été actif en Russie, en Ukraine et en Roumanie durant la période chaotique de 1917 et 1918.
L'objectif du lieutenant-colonel Boyle a toujours été de soutenir l'effort des alliés sur le front Est. Ses actes de bravoure lui ont valu le surnom de « sauveur de la Roumanie » et ont été comparés à ceux de Lawrence d'Arabie. Il a été décoré de neuf médailles par la Russie, la Roumanie, la France et la Grande-Bretagne.
Après la fin de la guerre, Boyle était présent à la Conférence de paix de Paris.
Il a contribué à convaincre les alliés, dont le Canada, de fournir de l'aide à la reconstruction à la Roumanie. Cette relation unique entre nos deux pays a commencé par un engagement du Canada à verser une aide de 25 millions de dollars à la Roumanie.
En 1923, le lieutenant-colonel Boyle est mort d'une attaque d'apoplexie. Il a été inhumé à Londres et ses restes ont plus tard été retournés au Canada.
Chers collègues, 2017 est une année importante dans l'histoire de notre pays.
À l'occasion du 150e anniversaire de la Confédération, racontons fièrement des histoires, comme celle du lieutenant-colonel Boyle, qui font la grandeur de notre pays et de nos régions.
Alors que nous célébrons notre anniversaire, pensons aussi à notre reine, qui a fêté lundi son jubilé de saphir, c'est-à-dire ses 65 ans de règne.
Que Dieu protège la reine, et que Dieu bénisse le Canada.
Des voix : Bravo!
Le bilinguisme
L'honorable André Pratte : Honorables sénateurs, selon les projections publiées récemment par Statistique Canada, si rien n'est fait, le taux de bilinguisme diminuera au Canada. En effet, d'ici 2036, le pourcentage de personnes bilingues, à savoir de gens capables de soutenir une conversation en français et en anglais, n'augmentera que très légèrement.
Cette hausse sera entièrement attribuable au Québec, où un nombre croissant de francophones seront capables de converser en anglais. En revanche, à l'extérieur du Québec, le pourcentage de personnes bilingues passera de 10 p. 100 à 9 p. 100. Même si les classes d'immersion sont populaires, les données de Statistique Canada révèlent que, lorsque les élèves terminent leurs études secondaires, les jeunes anglophones perdent rapidement leur connaissance de la langue française parce qu'ils ont très peu d'occasions de parler le français. Il est peu probable que la situation s'améliore.
[Français]
En effet, la proportion de francophones qui vivent à l'extérieur du Québec est en diminution depuis de nombreuses années, et elle continuera de baisser au cours des deux prochaines décennies : de 4 p. 100, elle passera à 3 p. 100 en 2036.
Autrement dit, plus ça va, plus le Canada hors Québec sera anglais et unilingue du point de vue des langues officielles, bien entendu, et plus le Québec sera français et bilingue. Certains diront que c'est normal, mais j'estime que c'est triste et que cela comportera des risques pour l'avenir du pays.
Si on veut que le bilinguisme reste vivant d'un océan à l'autre, il faut que le français conserve une présence forte à l'extérieur du Québec. Pour cela, on peut déjà compter sur des communautés francophones extrêmement dynamiques, mais il en faudra davantage. En particulier, la vitalité de ces communautés dépend d'un accroissement substantiel de l'immigration francophone dans les autres provinces que le Québec. À l'heure actuelle, seulement 3 p. 100 des immigrants qui arrivent au Canada anglais ont le français comme première langue officielle parlée. Pour maintenir la proportion de francophones hors Québec à son niveau actuel, cette proportion d'immigrants qui parlent français devrait être portée à 5 p. 100.
[Traduction]
Honorables sénateurs, comme toutes les autres choses qui rendent le Canada unique, le bilinguisme ne doit pas être tenu pour acquis. Nous devons mettre en œuvre des politiques afin que les communautés francophones à l'extérieur du Québec puissent non seulement survivre, mais aussi prospérer. Plus particulièrement, nous devons veiller à ce que ces communautés accueillent le plus grand nombre possible d'immigrants francophones. Cela avantagerait les communautés francophones du Canada, ainsi que tout le pays. Merci.
(1420)
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Le Sénat
Préavis de motion concernant la période des questions de la séance du 14 février 2017
L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu'autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l'article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 14 février 2017, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu'à la fin de la période des questions, qui sera d'une durée maximale de 40 minutes;
Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;
Que, si la sonnerie d'appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu'elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;
Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu'à 15 h 30, heure de la période des questions.
L'ajournement
Préavis de motion
L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 14 février 2017, à 14 heures.
[Traduction]
L'Union interparlementaire
La cent trente-cinquième assemblée de l'UIP et les réunions connexes, tenues du 23 au 27 octobre 2016—Dépôt du rapport
L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Union interparlementaire (UIP) concernant sa participation à la 135e assemblée de l'UIP et aux réunions connexes, tenues à Genève, en Suisse, du 23 au 27 octobre 2016.
[Français]
PÉRIODE DES QUESTIONS
L'industrie
La société Bombardier—Le soutien du gouvernement
L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Le gouvernement Trudeau a annoncé hier qu'il était disposé à prêter la somme de 372 millions de dollars à la société Bombardier. Quand on y regarde de plus près, on apprend que, de cette somme de 372 millions de dollars, seulement un tiers, soit 125 millions de dollars sur une période de quatre ans, sera prêtée aux fins de la recherche et du développement de l'appareil CSeries au Québec, alors que les deux autres tiers de cette enveloppe serviront à l'élaboration du projet Global 7000, dont les appareils seront assemblés à Toronto.
Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous expliquer quelle était la nécessité de mobiliser trois ministres du Québec pour qu'ils assistent à une conférence de presse tenue à Montréal, alors que la majeure partie de l'aide fédérale sera versée à Toronto?
[Traduction]
L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question sur ce dossier. Par le passé, il a déjà évoqué le dossier de Bombardier. J'espère que le sénateur et tous nos collègues dans cette enceinte accueillent favorablement l'annonce faite hier au sujet de l'investissement considérable qu'effectueront le gouvernement et, partant, la population canadienne dans cette importante initiative. Il s'agit d'une initiative liée à une entreprise implantée au Québec, mais qui est active un peu partout au Canada et ailleurs dans le monde.
Il est important de souligner la santé financière de cette entreprise, plutôt que de souligner le nombre de ministres qui étaient présents lors de l'annonce. Je me réjouis du fait que le président et chef de la direction de Bombardier a accueilli favorablement cette initiative. Il a déclaré qu'elle serait cruciale pour la santé financière durable de cette entreprise de premier plan.
Le commerce international
L'Accord de libre-échange nord-américain
L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour poser au leader du gouvernement une question au sujet de laquelle je lui ai transmis un préavis plus tôt cette semaine.
Il semble évident que la nouvelle administration américaine a l'intention de renégocier l'Accord de libre-échange nord-américain. Le secrétaire au Commerce, Wilbur Ross, a déclaré que les tous les aspects de l'ALENA seraient examinés. On commence à entendre parler des enjeux sur lesquels les États-Unis vont axer les négociations. Nous apprenons que les États-Unis entendent soulever de nombreux griefs touchant surtout des questions allant de la propriété intellectuelle aux télécommunications, en passant par le fromage et les produits laitiers.
Toutefois, jusqu'à maintenant, nous avons peu entendu le gouvernement du Canada parler des revendications des Canadiens. On dirait que nous nous apprêtons à entreprendre les négociations en nous bornant à supplier l'autre partie de maintenir le statu quo.
L'ambassadeur du Canada aux États-Unis a indiqué que des changements allaient être apportés à l'ALENA et que nous en avions besoin. Quels sont les changements dont le Canada a besoin et dont parle l'ambassadeur? Puisque le gouvernement accueille favorablement l'ouverture des négociations, qu'est-ce qu'il compte obtenir pour moderniser l'ALENA?
L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Je tiens à donner l'assurance aux sénateurs et aux autres Canadiens que le gouvernement du Canada est fin prêt pour son dialogue avec le nouveau gouvernement des États-Unis. Comme les sénateurs le savent, des ministres de premier plan ont communiqué personnellement par téléphone avec leurs homologues des États-Unis et ils viennent de commencer leurs visites aux États-Unis, où les consultations appropriées se déroulent concernant les moyens à prendre afin de promouvoir les intérêts communs des pays d'Amérique du Nord ainsi que la prospérité et la sécurité de l'Amérique du Nord.
Il serait prématuré, à l'heure actuelle, que je commence à énumérer au Sénat les demandes que le Canada pourrait formuler. Je me contenterai de reprendre les déclarations des ministres au sujet de la nécessité de tenir compte, dans la prochaine version de l'accord de libre-échange, de l'évolution de la situation au cours des 25 dernières années, en particulier concernant les règles d'origine.
Le sénateur Kenny : Honorables sénateurs, si le leader du gouvernement n'est pas prêt à nous dire ce que le gouvernement cherchera à obtenir, comment pourrons-nous déterminer si la réunion a donné de bons résultats?
Le sénateur Harder : Les résultats obtenus lors des réunions pourront être jugés selon les fruits que donnera la relation au fil du temps, si vous me permettez cette métaphore. Nous ne devrions pas prématurément formuler, ni décrire en termes généraux, les attentes précises du Canada ou des États-Unis. La diplomatie se pratique par le dialogue et vise à établir une bonne relation, à la longue, dans une vaste gamme de dossiers. Or, nous pouvons dire que nous sommes partis du bon pied. Je suis tout à fait convaincu que le premier ministre et son équipe ministérielle sauront établir une relation fructueuse à long terme.
L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les réfugiés syriens
L'honorable David Tkachuk : Sénateur Harder, je vous remercie de votre réponse à ma question du 20 octobre au sujet du nombre de réfugiés de pays autres que la Syrie et l'Irak qui ont été accueillis au pays à la fin de 2015 et au début de 2016.
Toutefois, je n'ai toujours pas reçu de réponse à ma question du 6 octobre au sujet des réfugiés syriens et irakiens qui sont arrivés au pays durant la même période. Vais-je obtenir une réponse à ma question? Quatre mois se sont écoulés depuis que je l'ai posée.
L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vais certainement me renseigner. Je tiens à ce que les sénateurs sachent que je traite avec sérieux les questions et les réponses écrites. Je profite de l'occasion pour rappeler au sénateur que certains projets de loi ont été présentés au Sénat depuis bien plus longtemps.
Le sénateur Tkachuk : Ma question est assez urgente, sénateur Harder. Je crains que la priorité soudainement accordée à la Syrie n'ait fait en sorte que des réfugiés qui fuient la persécution subie dans d'autres pays et qui méritent tout autant notre secours ont soudainement été écartés. Nous entendons dire que les membres de la communauté LGBTQ de l'Iran, à qui le gouvernement Harper avait accordé la priorité en 2010 et qui étaient environ une centaine par année à trouver refuge au Canada, sont maintenant très peu à être admis ou ne sont pas admis du tout.
Pouvez-vous garantir, sénateur Harder, que la priorité soudainement accordée aux réfugiés syriens n'a pas défavorisé d'autres personnes au sort tout aussi misérable, qui fuient elles aussi la persécution subie dans leur pays?
Le sénateur Harder : Je serai heureux de me renseigner et de fournir une réponse complète au sénateur. Je ferai remarquer toutefois que le fait d'établir des priorités implique nécessairement qu'on favorise un groupe en particulier. Le gouvernement a jugé qu'il convenait d'accorder la priorité aux réfugiés syriens.
(1430)
Les affaires autochtones et du Nord
Les enfants donnés en adoption sans l'accord de leur mère
L'honorable Art Eggleton : Ma question s'adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Je voulais poser cette question, hier, à la ministre Bennett, mais le temps nous a manqué.
Je tiens d'abord à vous féliciter d'avoir décidé de rendre justice aux victimes de la rafle des années 1960. Comme la ministre l'a dit la semaine dernière, il s'agit d'un chapitre sombre et douloureux de l'histoire des Autochtones au Canada.
Il ne s'agit toutefois pas du seul chapitre sombre et douloureux de notre histoire, car à peu près à la même époque, des enfants non autochtones étaient aussi donnés en adoption sans l'accord de leur mère. C'est ce qu'on a appelé la « rafle des bébés ». Pendant cette période, des filles-mères non autochtones allaient discrètement se réfugier dans un centre de maternité dirigé de façon stricte par une congrégation religieuse. Elles pouvaient y demeurer pendant leur grossesse, après quoi on les obligeait très souvent à donner leur bébé en adoption. Ces institutions étaient financées par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. On estime que cette politique d'adoption a touché 300 000 filles-mères au Canada de 1940 à 1970. Voici des chiffres éloquents : pendant cette période, 96 p. 100 des enfants nés de filles-mères étaient donnés en adoption. Aujourd'hui, c'est 2 p. 100.
Pour bien des femmes, le traumatisme qu'elles ont vécu continue de les hanter. Les recherches pour savoir ce qui est advenu de leur enfant se heurtent à une certaine résistance. Voici mes questions : premièrement, le gouvernement est-il disposé à se pencher sur ces questions? Deuxièmement, de quel ministre relève ce dossier?
L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. D'entrée de jeu, je tiens à souligner que le gouvernement du Canada estime que la pratique dont vous avez parlé est abominable et qu'il est réjouissant de constater que les politiques publiques proposent désormais des solutions plus humaines dans ces situations. J'imagine que les sénateurs abondent eux aussi dans ce sens.
Je me ferai un plaisir de saisir le ministre concerné de la question. Il s'agit en l'occurrence du ministre Duclos, qui est responsable du portefeuille de la Famille, des Enfants et du Développement social. Je tiens également à souligner, comme vous l'avez fait dans votre question, que ce dossier relève de la compétence du gouvernement fédéral et des provinces. Je suis persuadé qu'il a été abordé lors de rencontres fédérales-provinciales et qu'il continuera de l'être. Quoi qu'il en soit, j'en saisirai le ministre concerné, au nom du sénateur.
Le sénateur Eggleton : Je vous remercie de votre collaboration. Je vous saurais également gré de me faire part de sa réponse. Je suis conscient du fait que, lorsqu'il est question de dossiers qui relèvent de la compétence de deux ordres de gouvernement, il est toujours possible que les autorités se renvoient la balle. J'ose espérer que ce ne sera pas le cas.
Je signale que, en Australie, les États, comme on les désigne là-bas, ont participé, même si c'est le gouvernement national qui a accepté la responsabilité du dossier et qui a fait réaliser une étude. En fait, le premier ministre de l'époque a présenté des excuses et des services ont été offerts aux personnes qui traversaient encore des difficultés à cause de ces expériences malheureuses.
J'espère que le ministre répondra lui aussi favorablement pour permettre à de nombreuses personnes qui se trouvent dans une situation difficile et douloureuse de tourner la page.
Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de sa question complémentaire. Je tiens à assurer à tous les sénateurs que si je mentionne les relations fédérales-provinciales ce n'est pas dans un but dilatoire, mais simplement dans le but de reconnaître les rôles respectifs des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral dans ce dossier et, bien sûr, à l'égard de questions de grande importance pour les enfants, les familles et le développement social. Dans cet esprit, je suis convaincu que le ministre donnera une réponse complète.
L'honorable Terry M. Mercer : J'aurais une question complémentaire à celle que le sénateur Eggleton a adressée au leader du gouvernement au Sénat. Lorsqu'il parlera au ministre, j'ose espérer que le ton de la discussion sera un peu plus positif que l'échange que nous avons eu ici au sujet de l'adoption.
En tant que membre fondateur de l'Adoptive Parents' Association de la Nouvelle-Écosse, je suis très sensible au fait que l'adoption n'est pas traitée comme une chose positive. En effet, ces adoptions étaient atroces et le traitement de ces jeunes femmes était inacceptable. Dieu merci, nous avons évolué. Toutefois, je comprends la joie d'être parent adoptif, puisque j'en suis moi-même un, et je veux m'assurer que, lorsque vous consulterez le ministre, l'adoption comme option de rechange ne sera pas considérée sous un jour défavorable, mais de façon positive et comme une occasion pour les dizaines de milliers de jeunes couples au pays qui sont incapables d'avoir des enfants.
Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de sa question. Mes observations étaient libres de tout jugement. Je voulais simplement reconnaître qu'un progrès social important est fait lorsqu'on a le choix par opposition à lorsque l'État exerce son autorité. Les chiffres mentionnés par le sénateur Eggleton décrivent le changement social important à l'égard de la situation.
Les affaires étrangères
La Birmanie—La persécution des musulmans rohingyas
L'honorable Salma Ataullahjan : Sénateur Harder, j'ai pris la parole la semaine dernière pour vous poser une question au sujet des musulmans rohingyas. Depuis, le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a publié un rapport concernant la campagne de brutalité menée par les autorités du Myanmar contre les Rohingyas. Ce que subissent les enfants rohingyas est particulièrement préoccupant.
Le haut-commissaire Zeid Ra'ad Al Hussein a dit ceci :
La cruauté dévastatrice à laquelle sont assujettis ces enfants rohingyas est insupportable. Quel genre de haine peut pousser un homme à poignarder un bébé qui réclame en pleurant le lait de sa mère et obliger une mère à être témoin de ce meurtre et à se faire violer par les membres des forces de sécurité qui sont censés la protéger?
La situation est plus alarmante que jamais. Quand le gouvernement va-t-il prendre au sérieux cette horrible situation? Que va faire le gouvernement pour contribuer aux efforts visant à mettre fin au nettoyage ethnique des Rohingyas? Quand la ministre Freeland va-t-elle se prononcer à ce sujet?
Il ne reste plus beaucoup de temps pour aider les Rohingyas, surtout dans le cas des enfants.
L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je tiens à remercier l'honorable sénatrice de son intérêt pour cette question et d'autres questions similaires portant sur les droits de la personne et les enfants à l'échelle internationale. Le gouvernement prend cette question au sérieux. Ce n'est pas une chose sur laquelle il se penchera sérieusement plus tard; il le fait déjà.
Cette question a été soulevée régulièrement dans les forums appropriés, bilatéralement et multilatéralement. Pour ce qui est de la ministre Freeland, je vais me renseigner. Toutefois, je tiens à assurer aux sénateurs que la question est hautement prioritaire pour les ministres concernés, dont le ministre de l'Immigration, qui est responsable notamment du dossier des réfugiés. Je serai heureux de vous fournir une réponse plus tard, et j'ai hâte de pouvoir fournir également une réponse à la question posée la semaine dernière.
[Français]
L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté
L'immigration clandestine
L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur un acte illégal qui ne cesse de croître au Canada et qui continuera à prendre de l'ampleur au cours des prochaines années, soit l'arrivée d'immigrants clandestins. Je suis originaire de l'Estrie et, toutes les semaines, je vois des articles dans les journaux semblables à celui-ci : « Les services frontaliers ont sonné l'alarme : 300 immigrants illégaux ont franchi les frontières au Québec ».
Le problème se pose aussi dans l'Ouest canadien. D'ailleurs, j'ai en main un article qui traite de ce problème. Un très grand nombre d'immigrants sont entrés au Canada, et les collectivités sont souvent sans ressource pour les accueillir.
Il y a six ans, le gouvernement a créé un poste de conseiller spécial pour s'occuper de cette question. M. Ward Elcock avait été nommé au poste de conseiller spécial au Conseil privé en matière de passage de clandestins et de migration illégale. M. Elcock a quitté ses fonctions en juin dernier. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire si ce poste a été pourvu depuis? Sinon, le gouvernement libéral a-t-il l'intention de pourvoir ce poste à court terme, étant donné que le problème prend de l'ampleur et que ce poste de conseiller joue un rôle essentiel au sein du gouvernement?
[Traduction]
L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question et je tiens à le féliciter. Je partage son point de vue concernant l'important travail que Ward Alcock a fait dans ce domaine. M. Alcock était un fonctionnaire aux longs états de service. Ce poste a été son dernier, et il s'y est vraiment distingué. Je me renseignerai sur les questions particulières concernant sa succession et les intentions relatives à son poste, et j'informerai le Sénat des résultats.
(1440)
[Français]
Les affaires étrangères
La mission en Ukraine
L'honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur l'opération UNIFIER et sur la contribution du Canada en vue d'appuyer les forces de l'Ukraine en collaboration avec les États-Unis et le Royaume-Uni.
Le déploiement d'environ 200 membres des Forces armées canadiennes doit prendre fin le 31 mars. L'ambassadeur de l'Ukraine au Canada s'est dit préoccupé par le fait que le Canada n'ait pas encore énoncé de réponse officielle au sujet du maintien de sa participation à cette mission. Comme le savent les honorables sénateurs, les combats entre l'armée ukrainienne et les forces prorusses se sont intensifiés dans l'Est de l'Ukraine au cours des derniers jours.
Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire si le gouvernement entend prolonger la participation du Canada à l'opération UNIFIER?
[Traduction]
L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Au cours de ma visite en Ukraine, j'ai eu l'occasion d'assister à des séances d'information données par les commandants canadiens qui s'occupent de ce programme. J'ai pu me rendre compte personnellement, grâce à ces séances ainsi qu'à des discussions avec de hautes personnalités ukrainiennes, de l'importance de la contribution canadienne. Le gouvernement du Canada maintient son engagement à l'égard de ce projet, particulièrement à la lumière des événements des dernières semaines. Quant à la question relative à une annonce précise, je me renseignerai auprès du ministre compétent.
[Français]
L'industrie
La société Bombardier—Le soutien du gouvernement
L'honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, hier, le gouvernement Trudeau a annoncé qu'il serait disposé à prêter 372 millions de dollars à la société Bombardier. Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat pourrait nous expliquer pourquoi les contribuables canadiens devraient soutenir Bombardier et pourquoi les Canadiens de la classe moyenne prendraient un risque que les banques ne sont pas prêtes à assumer?
[Traduction]
L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Je suppose, d'après le ton qu'il a employé, qu'il est opposé à cette initiative.
Le gouvernement est d'avis que le secteur de l'aérospatiale est important pour le Canada. Ce secteur a créé plus de 211 000 emplois dans le pays, dont beaucoup sont des emplois de qualité, et il fait une contribution annuelle de 28 milliards de dollars au PIB. Je rappelle à tous les sénateurs que Bombardier est encore l'entreprise privée qui contribue le plus à la recherche-développement. Ce seul fait permet de croire qu'il est tout à fait indiqué d'investir 372,5 millions de dollars pour permettre à Bombardier de développer ses modèles 7000 et CSeries. Si le sénateur n'est pas de cet avis, je l'invite à en faire état et à proposer un débat.
Le sénateur Housakos : Je voudrais d'abord corriger ce que vous avez dit. Bombardier est une entreprise privée et non une entreprise publique.
Deuxièmement, nous sommes tous en faveur du secteur canadien de l'aérospatiale, mais pouvez-vous nous dire pourquoi le gouvernement croit qu'il est essentiel d'appuyer les membres de familles milliardaires, comme les Beaudoin et les Bombardier, aux dépens des contribuables canadiens de la classe moyenne? Le gouvernement peut-il garantir aux contribuables que ces 373 millions n'iront pas garnir les poches et arrondir les bonis des cadres supérieurs de Bombardier, qui ont déjà mené la société à la ruine et n'ont pas su montrer au secteur privé qu'ils étaient en mesure de décrocher des commandes pouvant justifier un investissement aussi énorme du gouvernement?
Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de sa question. Il exprime clairement son point de vue, que le gouvernement ne partage pas. Tout d'abord, la société Bombardier est cotée en bourse. En ce sens, elle est une société publique. J'insiste sur ce point.
Quant à mener la société à la ruine, je ne souscris pas à cette interprétation de l'innovation et de la créativité des membres de la famille Bombardier. Il n'y a pas de doute que c'est une entreprise gérée par des professionnels qui respectent la discipline du marché. Je me félicite de cette discipline ainsi que de la contribution du gouvernement du Canada à cet important secteur de l'économie canadienne.
Le sénateur Housakos : J'ai une autre question à poser au leader du gouvernement.
Non, nous n'avons pas le même point de vue, parce que nous ne croyons pas à l'aide aux entreprises parasites. Nous croyons que les sociétés du Canada doivent être en mesure de se défendre elles-mêmes, de créer des emplois au mérite et de soutenir la concurrence. Je crois que le gouvernement devrait concentrer ses efforts sur l'établissement d'un climat concurrentiel en baissant l'impôt sur le revenu des sociétés et l'impôt sur le revenu des particuliers, et en donnant à nos sociétés le meilleur environnement possible pour qu'elles se développent et s'épanouissent. Je crois que cela serait plus utile que le régime d'aide aux entreprises parasites que soutient le gouvernement.
Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de la clarté de son exposé. Je dirai simplement que le gouvernement du Canada n'a pas le même point de vue.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je voudrais attirer votre attention sur la présence à la tribune de la sénatrice Patty Ritchie, du Sénat de l'État de New York.
Madame la sénatrice, au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La sécurité publique
Les demandeurs d'asile—La sécurité frontalière
L'honorable Victor Oh : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle concerne le nombre sans précédent de demandeurs d'asile qui franchissent la frontière canado-américaine pour gagner le Manitoba à pied au lieu de passer par les postes frontaliers officiels. D'après l'Agence des services frontaliers du Canada, un grand nombre de demandeurs d'asile sont entrés au Canada près du poste d'Emerson, au Manitoba, dans l'espoir d'obtenir le statut de réfugiés au Canada. Le nombre de ces demandeurs est passé de 68, au cours de l'exercice 2013-2014, à plus de 400 entre avril et décembre 2016.
Selon des défenseurs des droits des réfugiés, des incidents semblables se produisent un peu partout dans le pays, attirant l'attention sur la hausse du nombre de blessures graves causées par le mauvais temps. On s'attend à ce que le nombre des clandestins qui passent la frontière augmente non seulement à cause de l'incertitude créée par les nouvelles politiques du président Trump, mais aussi parce que l'entente sur les pays tiers sûrs incite beaucoup de gens à prendre des risques pour passer au Canada afin d'y présenter leur demande de statut de réfugié. Compte tenu des considérations évidentes relatives à la sécurité nationale et aux conditions humanitaires, il est clair que la situation nécessite une attention immédiate.
Mes questions sont les suivantes : premièrement, quelles mesures précises le gouvernement fédéral a-t-il prises pour assurer l'intégrité de nos frontières et la sécurité de notre population?
Deuxièmement, le gouvernement fédéral a-t-il intention d'intervenir pour éviter des pertes de vie le long de la frontière entre le Canada et les États-Unis et pour veiller à ce que les réfugiés authentiques ne soient pas renvoyés dans leur pays pour y être persécutés?
L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de ses questions. Je peux donner à tous les sénateurs l'assurance que le gouvernement du Canada compte respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention de Genève et de sa mise à jour de 1957. Cela se situe bien sûr dans le contexte de notre entente bilatérale avec les États-Unis concernant les tiers pays sûrs. Comme le ministre compétent l'a dit, la situation évolue, de sorte que les événements particuliers qui se sont produits à Emerson, au Manitoba, ont beaucoup retenu l'attention au Canada.
Les demandeurs d'asile sont traités conformément à nos obligations. Ils n'ont pas nécessairement le droit de rester, mais ils ont certainement droit à l'audition de leur demande afin que les autorités déterminent si leur crainte d'être persécutés est fondée tant dans le contexte de nos obligations internationales que de notre entente bilatérale avec les États-Unis.
De toute évidence, nous suivons de très près la situation. Des groupes d'aide sont présents. J'ai été heureux de constater que le poste frontalier d'Emerson, au Manitoba, a répondu adéquatement à ce problème humanitaire. Bref, le gouvernement du Canada suit très attentivement la situation.
(1450)
[Français]
ORDRE DU JOUR
La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Mitchell, appuyée par l'honorable sénatrice Fraser, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel.
L'honorable Renée Dupuis : Honorables sénateurs, c'est ma première intervention en cette Chambre. J'ai choisi de me concentrer sur le projet de loi C-16 dont nous sommes saisis, et de partager avec vous mes réflexions au sujet de ce projet de loi.
Je prends la parole alors que la Commission canadienne des droits de la personne vient d'annoncer, il y a deux semaines, le 25 janvier dernier, un règlement important conclu avec le ministère fédéral de l'Emploi et du Développement social, à la suite d'une plainte déposée à la Commission canadienne des droits de la personne en 2011. Ce règlement hors cour prévoit que le ministère fédéral de l'Emploi et du Développement social reconnaisse désormais ce qui suit, et je cite :
[...] les données de genre ou de sexe servant à identifier une personne peuvent être recueillies seulement dans un but légitime.
Par exemple, le ministère pourra recueillir ce genre de données à des fins d'évaluation ou de planification de ses programmes. En conséquence, ce ministère ne demandera plus de documents avant de modifier la mention liée au sexe ou au genre dans le registre des numéros d'assurance sociale.
Le projet de loi C-16 vise à modifier deux lois : la Loi canadienne sur les droits de la personne, de telle sorte que toute personne soit protégée clairement, soit contre la discrimination, soit contre le harcèlement fondé sur l'identité de genre ou l'expression de genre, et le Code criminel. D'abord, ce dernier sera modifié de manière à ce que la propagande haineuse soit interdite contre toute personne qui fait partie d'un groupe identifiable composé de personnes trans ou de personnes de genres divers, ensuite, de sorte que soit ajouté dans le Code criminel comme circonstances aggravantes dans la détermination de la peine d'une personne trouvée coupable le fait que cette propagande haineuse s'exerçait à l'égard de personnes trans ou de personnes de genres divers.
Honorables sénateurs, nous savons que l'identité ou l'expression de genre est une composante essentielle de l'être humain, non seulement dans la perception qu'une personne a d'elle-même, à partir de son plus jeune âge, d'ailleurs, mais aussi dans sa relation avec ses proches, avec la société et avec l'État. Le regard, l'attitude, les gestes posés à son égard par son entourage, à commencer par les membres de sa propre famille, sont déterminants dans la construction de sa personnalité. L'acceptation ou le rejet ont, à court et à long terme, des impacts réels et documentés, non seulement sur les personnes visées, mais aussi sur leurs proches.
Les exigences actuelles de l'État fédéral, notamment l'inscription aux services, aux registres et aux programmes publics, que ce soit pour l'Allocation canadienne pour enfants, la liste électorale, un certificat de mariage ou de divorce, le recensement, les prestations d'assurance-emploi ou les prestations parentales de l'assurance-emploi, et la carte de résident permanent, pour ne nommer que ceux-là, constituent des obstacles à l'exercice de leurs droits. Il s'agit de la discrimination vécue au niveau personnel et individuel.
On peut ajouter à cette discrimination sur le plan individuel la discrimination qui est inscrite dans les systèmes, de la loi aux politiques, aux pratiques et aux préjugés, par exemple sous forme d'exigences dans les formulaires publics ou dans les processus d'embauche et de relations de travail. Il s'agit de la discrimination systémique.
Depuis des décennies, le travail soutenu des personnes qui sont directement impliquées, mais aussi d'organismes de services de santé ou de soutien, d'associations professionnelles de travailleurs sociaux ou de psychologues, de chercheurs, a permis de documenter la réalité vécue par les personnes trans ou de genres divers, et de conclure à la nécessité de les protéger de manière spécifique dans nos lois.
Il y a plus de 15 ans, en 1999, le Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne a reçu le mandat de la ministre fédérale de la Justice de réviser la loi et le fonctionnement de la Commission canadienne des droits de la personne. Dans son rapport publié en 2000 sous le titre La promotion de l'égalité : une nouvelle vision, les quatre membres du comité, dont je faisais partie, ont recommandé que l'identité sexuelle — à cette époque, la réalité des personnes trans était plus souvent exprimée en ces termes — soit ajoutée à la Loi fédérale sur les droits de la personne, de telle sorte qu'il soit explicitement interdit de discriminer ou de harceler une personne en fonction de ce qu'elle est.
Il est important de préciser que cette recommandation découlait du constat que nous avons pu faire lors de la consultation d'envergure que nous avons menée de Halifax à Vancouver, et grâce aux nombreux témoignages que nous avons entendus de la part des personnes trans relativement à la violence, à la discrimination et au harcèlement auxquels elles étaient confrontées. Nous avons aussi entendu comment le motif du sexe ou le motif de la déficience ne répondait pas à la réalité des personnes trans, et comment il semblait nécessaire de les protéger de façon explicite dans la loi.
À partir de 2005, la Chambre des communes a été appelée à examiner un certain nombre de projets de loi à ce sujet. La Chambre des communes a d'ailleurs adopté deux lois, une en 2011 et une autre en 2013, avec le concours des députés de tous les partis représentés à la Chambre des communes, deux lois qui — et cela mérite d'être souligné —, n'ont pas trouvé leur chemin jusqu'à un vote au Sénat. La plupart des législations relatives aux droits de la personne au Canada reconnaissent maintenant et protègent le droit des personnes de ne pas être discriminées ou harcelées sur la base de l'identité de genre ou de l'expression de genre. Cette question revient devant nous, au Sénat, alors qu'un ministère fédéral vient de s'engager à ne plus demander de documents à l'appui d'une demande de changement de sexe ou de genre dans le Registre de l'assurance sociale du Canada.
À titre de vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec durant les cinq dernières années, j'ai constaté, en présidant le comité des plaintes en matière de discrimination et de harcèlement, que les personnes trans font face à des obstacles non seulement réels, mais dont les effets se font sentir dans plusieurs aspects de leur vie, dès leur enfance et toute leur vie durant.
Il y a quelques semaines, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec a d'ailleurs voulu reconnaître le travail qu'ont fait deux personnes pour arriver à une meilleure protection des personnes trans, en leur décernant son prix Droits et Libertés 2016. Il s'agit de Mme Annie Pullen Sanfaçon, vice-présidente de l'organisme Enfants transgenres Canada, un organisme de soutien pour les parents et de sensibilisation à la transphobie pour les jeunes trans et leur fratrie, et de sa fille mineure, Olie Pullen.
Le projet de loi C-16 vise non seulement à protéger les personnes sur le plan individuel contre la discrimination et le harcèlement, mais il vise aussi à enrayer cette forme de discrimination sur le plan systémique des opérations des institutions et des entreprises de services publiques et privées qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral.
Pour terminer, le projet de loi C-16 vise non seulement à améliorer la protection d'êtres humains et de leurs proches, mais il vise aussi à favoriser une société fondée sur le plus grand respect des personnes dans un milieu de vie qui favorise l'inclusion plutôt que de conforter l'exclusion d'une partie des membres qui composent cette société. Le projet de loi C-16 vise à faire en sorte que des personnes cessent d'être exposées à des gestes discriminatoires, à du harcèlement ou à de la propagande haineuse à cause de l'expression de genre ou de l'identité de genre. Ce projet de loi vise donc à apporter des modifications à deux lois qui sont bien circonscrites, et il vise à trouver un équilibre entre tous les droits protégés en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne et du Code criminel. Merci.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
(1500)
[Traduction]
Discours du Trône
Motion d'adoption de l'adresse en réponse—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l'honorable sénatrice Cordy,
Que l'Adresse dont le texte suit soit présentée à Son Excellence le Gouverneur général du Canada :
À Son Excellence le très honorable David Johnston, Chancelier et Compagnon principal de l'Ordre du Canada, Chancelier et Commandeur de l'Ordre du mérite militaire, Chancelier et Commandeur de l'Ordre du mérite des corps policiers, Gouverneur général et Commandant en chef du Canada.
QU'IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :
Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d'agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu'elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.
L'honorable Howard Wetston : Honorables sénateurs, l'amabilité du Sénat est légendaire. Je prends la parole aujourd'hui, ému du chaleureux accueil et du soutien que j'ai reçu ces derniers mois, non seulement des sénateurs, mais aussi de l'administration et du personnel du Sénat. Je suis reconnaissant de votre appui et de vos conseils, et je me sens particulièrement privilégié d'avoir été nommé au Sénat en même temps que nous célébrons les 150 ans de notre histoire commune.
C'est avec fierté que j'ai passé la majeure partie de ma carrière dans la fonction publique. Il y a une trentaine d'années, un collègue m'a dit : « Howard, tu fais un très bon fonctionnaire. » Ça m'a pris 30 ans à comprendre que c'était un compliment.
Toute ma carrière, on m'a confié un mandat, le mandat de travailler dans la poursuite de l'intérêt public, que ce soit à titre de juge, de responsable de l'application de la loi ou de président de tribunaux administratifs. J'ai eu la chance de travailler avec des fonctionnaires extrêmement compétents, comme le sénateur Dean, et des ministres de différents gouvernements. J'ai été nommé à des postes tant par des gouvernements libéraux que par des gouvernements conservateurs, tant à l'échelle provinciale qu'à l'échelle fédérale.
Un de mes amis m'a dit une fois qu'il ne savait pas, à cause de mes nominations, si je prenais la peine de voter. Il y a là quelque chose de sensé. J'ai travaillé à Halifax, à Ottawa, à Toronto. Comme juge de la Cour fédérale, j'ai examiné des affaires partout au Canada. Le sénateur Sinclair m'envie peut-être à cause de cela, parce que ma compétence s'étendait à l'échelle nationale, et non provinciale.
Ce fut un honneur pour moi d'être chargé de ces fonctions. Elles m'ont permis de mieux comprendre le Canada et ses régions, d'affronter des problèmes complexes, de modeler la politique publique et de prendre des décisions touchant le bien-être des Canadiens sur les plans sociétal, économique et commercial.
On le sait probablement maintenant, j'ai déjà servi au sein du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire du gouvernement. J'ai maintenant l'honneur de servir au sein du pouvoir législatif.
Je dois dire que la quasi-totalité de mes rôles antérieurs m'ont légalement imposé d'être indépendant. J'ai beaucoup pensé à ce que cela signifie, puisque j'ai été invité à siéger comme sénateur indépendant. Ce qui illustre le mieux la façon dont j'y parviens, c'est une réflexion qu'a faite un jour — comme vous le savez peut-être — la juge Rosalie Abella, de la Cour suprême. On lui avait alors demandé si ses collègues juges jouaient leur rôle en fonction d'une idéologie, qu'elle soit de droite ou de gauche. Elle avait répondu ce qui suit :
Si on assimile le cerveau à un panier, toute affaire que le ou la juge entend prend la forme du panier.
Je crois que c'est mon intention depuis mon arrivée au Sénat en vue d'assumer mon rôle de sénateur indépendant.
Votre Honneur, je voudrais, avec votre permission, aborder aujourd'hui trois questions. Je me rends compte que le temps file. Premièrement, il y a ce que j'appelle le programme urbain : la stabilité de nos institutions nationales revêt une grande importance pour le Canada et constitue une raison sérieuse pour laquelle notre pays compte encore parmi les endroits où les gens croient qu'il fait bon vivre même si, comme d'autres pays industrialisés, le Canada est hautement urbanisé. À l'heure actuelle, un peu plus de 80 p. 100 de la population canadienne vit dans des villes et des agglomérations urbaines. Tandis que les villes connaissent beaucoup des problèmes pressants de la société, comme la cohésion sociale et l'intégration des nouveaux immigrants, elles offrent aussi les meilleures possibilités de favoriser la croissance, les perspectives, les grandes innovations et le développement économique.
Comme je vis à Toronto, je suis conscient de la mesure dans laquelle les Canadiens aiment critiquer cette métropole. Toutefois, comme vous le savez, Toronto est un grand centre financier où l'on trouve des quartiers très divers, une société civile engagée, des établissements culturels très dynamiques et de nombreuses équipes sportives. J'aimerais bien connaître l'appui que tout cela recueille. Comme vous le savez également, la ville est aussi un centre d'innovation et de recherche. Cela n'exclut pas du tout d'autres villes du Canada, mais, comme je vis à Toronto, je dois dire que son activité économique engendre près de 10 p. 100 du PIB canadien.
C'est aussi là que se manifestent les problèmes économiques et sociaux les plus pressants de la société. Le coût élevé du logement crée de sérieuses difficultés. Toronto a le taux canadien le plus élevé de pauvreté chez les enfants et l'intégration de milliers de nouveaux venus au Canada y constitue un grand défi.
Ce sont là des problèmes complexes qui se manifestent dans les grandes villes, à Toronto comme ailleurs, mais il n'incombe pas seulement aux villes de les résoudre. Ils nécessitent la coopération et la souplesse de tous les ordres de gouvernement. À mon avis, un fossé s'est formé entre les structures traditionnelles de gouvernement et la répartition constitutionnelle des pouvoirs et des responsabilités parmi les différents ordres de gouvernement, en ce qui touche aux grandes questions d'intérêt public.
À titre de législateur, je crois qu'il est important de reconnaître l'importance croissante de villes comme Toronto et la nécessité d'une nouvelle approche de gouvernance destinée à résoudre les problèmes complexes de politique publique. Parmi les nouvelles approches de gouvernance, il y a lieu de mentionner les pouvoirs institutionnels à conférer aux villes pour leur permettre de recueillir plus des recettes et de créer les capacités nécessaires afin de régler les grands problèmes qui ont des effets sensibles sur la vie des gens.
Je dois souligner que la reconnaissance de l'importance des villes pour la société ne diminue en rien les contributions à l'identité et à la culture nationales des localités nordiques ou rurales et de celles dont l'économie dépend des ressources. Nous vivons cependant dans une économie mondiale de plus en plus difficile et complexe, qui dépend de la capacité de nos institutions d'innover et de s'adapter à des conditions qui évoluent sans cesse pour assurer la qualité de vie de tous les Canadiens.
Honorables sénateurs, je voudrais aborder maintenant une question concernant les marchés de capitaux. Puisque j'ai récemment acquis une certaine expérience dans ce domaine, j'aimerais porter à votre attention une chose à laquelle j'ai réfléchi. En 2009, le monde a connu un état de choc lorsque la pire crise économique et financière depuis les années 1930 s'est abattue sur l'économie mondiale. Ce fut toute une décennie, mais le système financier mondial a été renforcé par les réformes du G20, dont le Canada est membre et qui s'est efforcé de combler les failles qui ont engendré la crise. D'après le Conseil de stabilité financière, que dirige le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney — que nous connaissons tous —, la récession a supprimé 25 p. 100 du PIB mondial. D'après le calcul que j'ai fait, cela représente un peu moins de 20 000 milliards de dollars. Le PIB mondial se situait aux alentours de 70. Il est maintenant proche de 77. Des dizaines de millions d'emplois ont été perdus, ce qui a réduit la confiance à l'égard du marché libre.
Au Canada, nous nous sommes mieux débrouillés que d'autres. Nos banques étaient mieux capitalisées et étaient régies par une réglementation prudentielle de grande qualité. Cela dit, nous n'avons pas complètement échappé aux effets de la récession. La faible croissance, le chômage élevé et les bas taux d'intérêt ont eu de profondes répercussions sur l'économie réelle.
La crise financière a révélé les lacunes non seulement des banques mondiales, mais aussi des régimes de réglementation. La crise a établi que le risque est aujourd'hui systémique : il est macroprudentiel et non plus microprudentiel, institutionnel, pancanadien ou mondial. Les marchés financiers d'aujourd'hui ont pratiquement estompé toutes les frontières. Ils sont hautement interdépendants et se transfèrent mutuellement les risques. Les progrès technologiques ont fait que les finances sont plus rapides, plus étendues, plus mondialisées et souvent trop grandes pour s'effondrer et trop rapides pour être sauvées.
Les bulles, les paniques et les ruées sont rapidement amplifiées et se répercutent directement sur l'économie réelle. Je ne saurais trop insister sur l'importance de ce phénomène à cause de ses effets sur l'économie réelle.
Les réformes du G20, auxquelles le Canada a largement participé, ont créé un système financier mondial plus résilient et ouvert, mais, honorables collègues, il reste à finir le travail de mise en œuvre de ces réformes concernant les établissements trop importants pour faire faillite, les marchés des instruments dérivés et le système bancaire parallèle. De nouvelles vulnérabilités continuent à se faire jour en raison de l'introduction de nouvelles technologies financières. La technologie de la chaîne de blocs, la négociation algorithmique, les transactions haute fréquence en nanosecondes et picosecondes, les technologies financières : c'est un monde nouveau, et un nouveau monde pour les organismes de réglementation.
La crise financière a révélé les défaillances non seulement des banques mondiales, mais aussi de tous les systèmes de réglementation. Beaucoup de choses sont passées à travers les mailles du filet. Les organismes de réglementation prudentielle et les organismes de réglementation des valeurs mobilières ont dû collaborer comme des autorités de réglementation du marché financier, pas des activités bancaires, pas des pratiques sur le marché, mais du marché financier pour trouver des réponses non seulement aux questions de la réduction des risques, mais aussi à celles de l'optimisation des risques. Les organismes de réglementation prudentielle s'occupent de réduire les risques au minimum. Les organismes de réglementation des valeurs mobilières, eux, optimisent les risques; autrement, les marchés ne fonctionneraient pas.
(1510)
Je me rends compte que mon exposé est un peu détaillé, mais peut-être pourrions-nous en discuter à un moment donné.
Les crises exigent le plus haut degré de protection que nous puissions fournir aux investisseurs. S'il n'est pas possible de résoudre la question de la fragmentation de la surveillance des marchés des capitaux, il faut de la collaboration et des consultations. Donc, les organismes de réglementation doivent continuer à travailler ensemble et, heureusement, si des défis se profilent de toute évidence à l'horizon, les efforts sont couronnés de succès en dépit d'un manque évident d'efficacité.
Je prendrai un instant pour vous remettre en mémoire la crise des papiers commerciaux adossés à des actifs. Certains d'entre vous s'en souviennent peut-être. Elle a eu lieu en 2009. Les papiers commerciaux adossés à des actifs se sont retrouvés dans les portefeuilles des clients de détail comme dans ceux des investisseurs avertis.
Paul Halpern et divers collaborateurs ont écrit récemment un livre intitulé Back from the Brink. Il s'agissait d'un marché de 32 milliards de dollars au Canada en 2008-2009. Sa défaillance aurait de toute évidence pu plonger les marchés canadiens dans le chaos sans l'intervention rapide de quelques puissants détenteurs d'actifs.
Il y a une histoire qui finit bien et une histoire qui finit mal. Collectivement, par l'intermédiaire de l'Accord de Montréal conclu grâce leadership de Purdy Crawford, qui n'est plus parmi nous, un grand Canadien a réussi à empêcher le marché de s'effondrer en élaborant une solution complexe et innovante. Jim Flaherty, un autre grand Canadien qui n'est plus parmi nous, y a contribué.
Dans le monde, d'autres marchés sont tombés en chute libre pendant la crise financière de 2008. Le marché des papiers commerciaux adossés à des actifs non bancaires au Canada a réchappé de peu grâce à la seule volonté des groupes à la table des négociations. Ils se sont rassemblés pour trouver une solution. Il y a eu des controverses, des lacunes, des défaillances, des décotes. Ce n'était pas parfait, mais nous avons trouvé la solution.
Le livre pose la question suivante : les papiers commerciaux adossés à des actifs étaient-ils une solution proprement canadienne à un problème proprement canadien? La réponse est oui. Aucun autre pays n'a apporté une solution collective à une crise de cet ordre. Je pense que c'est tout à l'honneur de nos établissements canadiens, qui ont été en mesure de trouver une solution.
Pourquoi est-ce que j'en parle aujourd'hui? C'est parce que le président Trump veut revenir sur des règlements adoptés après la crise et liés à la loi Dodd-Frank et à la règle Volcker. Cela me préoccupe. La loi Dodd-Frank fait partie intégrante de la réforme mondiale des marchés des capitaux. Les États-Unis sont membre du G20 et ont largement participé à la réforme.
Cela a des implications importantes pour le Canada, parce que nous avons de grandes banques qui ont des activités aux États-Unis. De toute évidence, cette loi fait peser un coût considérable sur le secteur du point de vue des sources de revenus, de l'utilisation des capitaux propres ainsi que de la conformité. J'en conviens, c'est un énorme fardeau, mais la rationalisation du cadre remporte un certain appui. Toutefois, souvenez-vous d'une chose à propos de cette loi Dodd-Frank : elle fait partie d'une vaste réponse internationale. Elle isole l'économie réelle d'événements systémiques. Il faut des outils pour répondre à ces défaillances du marché.
En ce sens, je suis préoccupé, en particulier si on ajoute au tableau les comportements contraires à l'éthique ou répréhensibles. La loi Dodd-Frank et la règle Volcker sont toutes deux des normes inspirées par la crise, rédigées pendant la crise. Elle en vaut la peine, et le Conseil de la stabilité financière examine les réformes pour déterminer l'existence éventuelle de conséquences non désirées.
Bref, assouplir certains aspects de la réglementation n'est peut-être pas prudent en ce moment. Les marchés sont plus résilients aujourd'hui. Ils ne sont peut-être pas plus sûrs, mais ils sont plus résilients. L'idée de revenir sur une grande partie de cette réforme est particulièrement inquiétante à mes yeux et je pense qu'elle pourrait l'être aussi pour d'autres qui ont travaillé dur pour mettre en place les outils nécessaires pour accroître la sécurité des marchés des capitaux.
J'aborderai un dernier point, si vous le permettez, honorables sénateurs, au sujet de la diversité.
Dans mes fonctions précédentes, j'ai eu la chance formidable de me pencher sur une question importante et d'y participer personnellement : le soutien de la diversité de genre au sein des conseils d'administration et à la direction des sociétés publiques. À ce jour, une grande partie de la discussion a été consacrée à une meilleure représentation des genres, mais la conversation sur la représentation ethnique commence à s'imposer. Le dialogue concernant les femmes au sein des conseils d'administration au Canada a connu un infléchissement positif au cours de l'année dernière. Il faut agir davantage. Les gouvernements ontarien et fédéral préconisent un changement dans ce domaine. Si les gouvernements ont, il est vrai, un rôle important à jouer pour accélérer le progrès, gouvernements et entreprises privées doivent collaborer pour montrer la voie. Il est temps de nommer à un conseil d'administration ou à un poste de direction une plus grande partie du nombre record de femmes hautement qualifiées, expérimentées et prêtes à devenir membres d'un conseil d'administration que compte le Canada.
L'analyse de rentabilité de la promotion des femmes est convaincante. Aux États-Unis, la Business Roundtable des cadres d'entreprise a publié récemment un rapport qui établit un lien explicite entre la diversité au sein des conseils d'administration et le rendement de ces conseils dans les domaines clés de la surveillance et de la création de valeur. D'autres études récentes montrent un rendement financier nettement amélioré.
Au Canada, l'égalité de genre au sein des conseils d'administration, en particulier ceux des sociétés publiques de premier rang, commence à avoir le vent dans les voiles. Les principaux émetteurs de la TSX au Canada obtiennent un score compris entre 23 p. 100 et 35 p. 100, et les banques canadiennes sont en tête.
Comme le dit Laura Tyson, de Berkeley :
Les droits des femmes sont des droits de la personne, mais aussi un déterminant clé de la prospérité économique.
J'étendrais également ce raisonnement à la diversité ethnique.
Ignorer la moitié de la population active au Canada ne fait que réduire notre potentiel économique. Le talent ne s'arrête pas au genre. Les personnes de talent doivent avoir la possibilité de réussir, quel que soit leur genre et quelle que soit leur appartenance ethnique.
Honorables collègues, j'ai hâte de travailler avec vous tous. Merci de m'avoir permis de vous faire part de ces réflexions aujourd'hui.
Des voix : Bravo!
L'honorable Donald Neil Plett : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Son Honneur le Président : Sénateur Wetston, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à une question?
Le sénateur Wetston : Oui, merci.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Plett : Merci, sénateur, de me donner la possibilité de vous poser cette question. Vous avez parlé à la fin de votre éloquente intervention de la diversité de genre et de la parité de genre, de la parité ethnique. Dans ce contexte, avez-vous réfléchi aux conséquences du projet de loi C-16 pour ce qui est de la diversité de genre et de l'expression de genre? Si un homme s'identifie comme une femme ou comme non genré, ou si une personne d'une appartenance ethnique s'identifie sans appartenance ethnique, où plaçons-nous ces personnes pour ce qui est de la parité de genre?
Le sénateur Wetston : Je pense, sénateur, personnellement, que c'est une question à laquelle il est très facile de répondre. Si ces personnes ont du talent, si elles ont des compétences, si elles ont des aptitudes et si elles peuvent remplir ces fonctions, elles devraient siéger à ce conseil d'administration.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Plett : Eh bien, sénateur, je suis d'accord avec vous; j'ai toujours été d'accord sur ce point.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Plett : Toutefois, je ne suis pas partisan de quotas de personnes au sein d'un conseil d'administration, quel qu'il soit. Je crois que les personnes les meilleures devraient siéger dans les conseils d'administration, peu importe l'expression qu'elles utilisent. Cependant, monsieur, ce n'est pas ce que vous avez dit. Vous estimez que nous devrions avoir la parité de genre. Cela ne répond pas à la question. S'il y a parité de genre, qu'en est-il d'une personne qui ne s'identifie à aucun genre ou qui s'identifie comme appartenant aux deux genres, ou qui s'identifie un jour comme appartenant à un genre et le lendemain comme appartenant à un autre genre?
Des voix : Oh, oh!
Le sénateur Plett : Chers collègues, vous pouvez applaudir les réponses tant que vous voulez; c'est une question très sérieuse : si nous votons à un moment donné — et nous le ferons — sur le projet de loi C-16 qui, de toute évidence...
Une voix : Oh, oh!
Le sénateur Plett : Sénateur Mercer, si vous avez une question, veuillez attendre que j'aie fini de parler pour vous lever et la poser.
Où se trouvent ces gens dans l'équation? Vous n'avez pas répondu à ma question, monsieur le sénateur.
(1520)
Le sénateur Wetston : Je suppose que la meilleure façon de répondre à la question est de me répéter. Je n'ai jamais utilisé l'expression « parité de genre ». J'ai souligné que je pense qu'il existe un déséquilibre au sein des conseils d'administration et qu'il faut reconnaître l'ethnicité et le genre, en particulier, comme un aspect important non seulement des politiques sociales, mais aussi des politiques commerciales du Canada.
Je n'ai jamais utilisé le mot « quota », parce que nous ne sommes pas encore rendus là, mais j'utiliserai le mot « cibles ». Nous devrions fixer des cibles et nous efforcer de les atteindre parce que, et je crois que vous en conviendrez, monsieur le sénateur, c'est le seul moyen de nous assurer que des personnes qualifiées siègent aux conseils afin non seulement d'améliorer le fonctionnement optimal des conseils, mais aussi d'accroître la prospérité économique du Canada. Nous nous privons de beaucoup d'avantages en ne procédant pas ainsi.
L'honorable Lynn Beyak : Je me demande si le sénateur accepterait de répondre à une autre question. Elle porte sur un autre aspect de son discours.
Le sénateur Wetston : Certainement.
Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice Beyak, mais le temps de parole du sénateur est de nouveau écoulé. Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs, pour lui donner plus de temps?
Des voix : D'accord.
Des voix : Non
Son Honneur le Président : J'ai entendu un « non ». Je suis désolé, sénatrice Beyak.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Modernisation du Sénat
Cinquième rapport du comité spécial—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice McCoy, appuyée par l'honorable sénatrice Ringuette, tendant à l'adoption du cinquième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l'avant (Caucus), présenté au Sénat le 4 octobre 2016.
L'honorable Scott Tannas : Tout d'abord, laissez-moi remercier les honorables sénateurs de m'avoir permis, au cours des derniers jours, de mettre en valeur mes compétences en faisant adroitement bouger les choses à la Chambre.
J'ai un tout dernier amendement à proposer aujourd'hui. Il porte sur le cinquième rapport, soit la recommandation à propos des caucus. Les deux parties de l'amendement sont de nature technique. La première vise simplement à retirer l'échéance, qui est dépassée depuis longtemps, dont il est question dans la recommandation du rapport. Les greffiers au bureau nous ont dit que, si l'échéance demeurait dans le rapport et que celui-ci était adopté, il disparaîtrait immédiatement à cause de la date. Donc, la première partie de la modification concerne simplement le retrait de l'échéance.
La deuxième partie de la modification est conforme aux trois autres, puisqu'au lieu de demander au comité — il s'agit, dans le cas présent, du Comité de la régie interne —, nous demanderions à l'administration de préparer une liste de toutes les modifications du Règlement qui seraient nécessaires afin donner suite au rapport et de la présenter au Comité du Règlement pour qu'il l'examine et que, ultimement, il formule des recommandations au Sénat.
Motion d'amendement
L'honorable Scott Tannas : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :
Que le cinquième rapport du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat ne soit pas maintenant adopté, mais qu'il soit modifié :
a) par substitution, aux mots « Que le Sénat charge le Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement et le Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration de rédiger, d'ici le 30 novembre 2016, des modifications au Règlement du Sénat et au Règlement administratif du Sénat concernant les points suivants : » du troisième paragraphe, de ce qui suit :
« Que le greffier du Sénat et le légiste et conseiller parlementaire soit chargé de rédiger et recommander des ébauches de modifications au Règlement du Sénat et au Règlement administratif du Sénat, respectivement, concernant les points suivants et en fasse rapport au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement et au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, respectivement, et que chaque comité permanent examine et considère les ébauches de modifications et en fassent rapport au Sénat : »;
b) par substitution, au quatrième paragraphe qui commence par les mots « Que le Sénat donne instruction au Comité de la régie interne, des budgets et », de ce qui suit :
« Que le légiste et conseiller parlementaire soit chargé de rédiger et recommander au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration des ébauches de modifications au Règlement administratif du Sénat afin que tous les groupes (caucus) de sénateurs reçoivent du financement pour le maintien d'un secrétariat et la réalisation d'activités de recherche, peu importe si le groupe (caucus) est fondé sur une affiliation politique ou non et que le comité examine et considère ces ébauches et en fasse rapport au Sénat. ».
Son Honneur le Président : Le sénateur Tannas, avec l'appui de l'honorable sénateur Plett, propose la motion d'amendement suivante :
Que le cinquième rapport du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat ne soit pas maintenant adopté, mais qu'il soit modifié...
Puis-je me dispenser de lire l'amendement?
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Nous poursuivons le débat. Le sénateur Tannas a la parole.
Le sénateur Tannas : J'estime avoir exprimé clairement ma position.
L'honorable Pierrette Ringuette : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à quelques questions?
Vous avez commencé par vouloir corriger une échéance. J'ai cru comprendre que, dans la modification que vous proposez, l'échéance du 30 novembre 2016 est retirée, mais aucune nouvelle échéance n'a été fixée. Pour quelle raison?
Le sénateur Tannas : Si le comité avait décidé de fixer des dates limites, c'est notamment parce qu'on se préparait à accueillir de nouveaux sénateurs. Nous jugions important de régler cet enjeu rapidement. Nous avons trouvé une solution temporaire, comme le savent les sénateurs. La situation n'est donc plus aussi urgente. Le Comité du Règlement et le Comité de la régie interne peuvent maintenant traiter ce dossier adéquatement dans un délai raisonnable, sans avoir à respecter une échéance fixe.
C'est mon point de vue. Je sais que le sénateur Eggleton a proposé hier un amendement visant à fixer une nouvelle échéance. Si un sénateur ou une sénatrice souhaite le faire, je n'y trouverai rien à redire.
Selon moi, il n'est plus nécessaire de fixer une échéance, étant donné que le comité a désormais jusqu'à la prorogation de l'été ou de l'automne pour terminer ce travail.
(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, le débat est ajourné.)
(1530)
L'étude sur les mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent
Cinquième rapport du Comité des droits de la personne et demande de réponse du gouvernement—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Trouver refuge au Canada : l'Histoire de la réinstallation des Syriens et qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 6 décembre 2016.
L'honorable Jim Munson propose :
Que le cinquième rapport, Trouver refuge au Canada : L’histoire de la réinstallation des Syriens, du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le mardi 6 décembre 2016, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec la ministre du Revenu national.
— Honorables sénateurs, il y a un peu plus d'un an, nous avons accueilli la première cohorte de nos nouveaux amis, de nos nouveaux voisins qui habitent maintenant dans notre quartier et qui font partie des 25 000 réfugiés syriens réinstallés au Canada.
La promesse faite a pris l'allure d'un projet national, dont la réussite témoigne de la participation de milliers de Canadiens et, bien entendu, de vaillants fonctionnaires, pendant cette période d'intégration rapide à la société canadienne.
En tant que président du Comité des droits de la personne, j'ai le plaisir aujourd'hui de parler du rapport que j'ai sous les yeux et qui s'intitule Trouver refuge au Canada : l'Histoire de la réinstallation des Syriens.
Publié en décembre, ce rapport contient des données objectives, des réflexions et 12 recommandations pour guider nos efforts visant à faciliter l'intégration de ces nouveaux arrivants à la société canadienne. Il repose sur ce que les membres du comité ont appris des représentants du gouvernement, des personnes qui parrainent des réfugiés, des organismes d'aide et des réfugiés eux-mêmes.
Les témoignages de ces gens nous ont aidés à préparer une analyse qui va bien au-delà de l'utilisation des programmes et des sommes déboursées à l'échelon fédéral. En plus de ses 12 recommandations, le rapport tente de définir l'expérience aux dimensions particulières qu'ont vécue les réfugiés syriens. Il met en relief des indicateurs qui devraient nous aider à savoir comment procéder pour venir en aide à ceux qui ont fui la Syrie pour s'établir au Canada. C'est un volet crucial de la démarche d'intégration.
L'anniversaire est passé. Nous entrons maintenant dans une période cruciale, soit le 13e mois. Au bout d'un an, le gouvernement fédéral et les parrains n'ont plus d'obligations financières envers les réfugiés. À cause de cela et d'autres changements, la pression est plus intense que jamais pour que ces néo-Canadiens deviennent autonomes.
L'aide fournie par les provinces et les territoires, l'Allocation canadienne pour enfants et d'autres sources de soutien financier vont naturellement répondre aux besoins, mais, honorables sénateurs, il ne faut pas oublier que, au cours de la prochaine année, il y aura des manques à gagner sur le plan financier.
Nous devrions aussi envisager d'autres options. Au cours de la mission d'information et des audiences, nous avons appris que la plupart des réfugiés syriens sont venus au Canada dans le cadre du programme de réinstallation du gouvernement fédéral, mais qu'un certain nombre d'entre eux étaient arrivés au pays avant la mise en place de ce programme. D'autres encore ont fait le voyage avec l'aide de parrains privés ou après avoir vu leur cas être renvoyé par un bureau des visas ou une autre organisation. Certains ont dû emprunter de l'argent auprès du gouvernement fédéral pour payer leurs frais de transport. Douze mois plus tard, on s'attend maintenant à ce qu'ils remboursent ces prêts avec intérêts.
Un des témoins, Malaz Sebai, membre du conseil de Lifeline Syria, a raconté une blague qui circule dans les milieux de parrainage et qui va comme suit : comment accueillons-nous les réfugiés au Canada? Avec des dettes.
Le comité propose une façon de réduire la pression exercée sur les réfugiés qui ont contracté une dette envers le gouvernement et de créer un mécanisme beaucoup plus juste. Voici ce qu'il dit dans son rapport :
Étant donné les obstacles que doivent surmonter les réfugiés pour bien s'intégrer, le gouvernement du Canada devrait remplacer ces prêts par des subventions et mettre en place un mécanisme d'annulation de la dette pour les personnes qui ne peuvent pas rembourser l'argent prêté. À tout le moins, il devrait cesser d'imposer des intérêts pour ne pas alourdir leur fardeau.
Le gouvernement fédéral doit continuer d'aider et de diriger le programme de réinstallation. Étant donné la nature complexe de la situation, le programme doit également inclure des contributions qui ne viennent pas du secteur public, mais de la base, en remontant. C'est assurément une façon appropriée de fournir un des vecteurs les plus importants de l'intégration sociale : la formation linguistique.
En octobre 2016, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a indiqué que, depuis août, 64 p. 100 des réfugiés syriens admissibles hors Québec s'étaient inscrits à une formation en langue. John McCallum, qui était alors le ministre chargé de ce portefeuille, a également annoncé 18 millions de dollars de plus et 7 000 nouvelles places dans des cours de langue. C'est une bonne nouvelle, mais cela ne suffit pas.
Il reste des réfugiés syriens en attente qui ne parlent toujours ni anglais ni français. Les choses étant ce qu'elles sont, bon nombre d'entre eux ne bénéficieront d'aucune formation, quels que soient les investissements que le gouvernement réalise dans des programmes de langue. Ce qu'il faut, c'est une solution adaptée aux réalités de leur vie ici. Par exemple, dans une famille, un parent — en général la mère — reste à la maison avec les enfants pour que l'autre parent puisse participer à des cours de langue. Ceci défavorise non seulement les femmes, mais aussi les enfants dont elles s'occupent. Des dispositions doivent donc être prises pour qu'on puisse offrir davantage de places en garderie associées à la formation linguistique.
Une autre réalité à laquelle il faut faire face en combinant de vastes programmes et des services individuels est l'impact psychologique de ce que ces personnes ont vécu dans leur ancienne patrie. Elles ont été les témoins et les victimes de situations inimaginables de violence, de haine et de torture. En général, les réactions humaines aux expériences comme celles-là se manifestent avec du retard. Les symptômes de trouble de stress post-traumatique mettent du temps à apparaître.
Nous devons nous y préparer en établissant des services pour des formes précises de maladie mentale et pour leurs causes, et ces services doivent tenir compte de la dimension culturelle. En tant que comité, nous croyons que des fonds devraient être réservés pour engager davantage de psychologues arabophones pouvant établir des liens avec la communauté des réfugiés et écouter leurs récits. Le comité a entendu parler d'un petit garçon qui, des mois après son arrivée ici, cachait ses jouets sous son lit au cas où des soldats viendraient chez lui pour les lui prendre. Cela se passe au Canada, à Ottawa.
Il y a un an, les Canadiens étaient emportés par une vague d'altruisme et de compassion. La vulnérabilité de milliers de réfugiés syriens et notre volonté collective de les aider étaient la préoccupation numéro un. Ce fut un moment extraordinaire, un moment où le gouvernement a travaillé dur. Nous avons tous travaillé ensemble avec succès, à un moment où il semblait que ce que la nature humaine a de mieux brillait d'une lumière éclatante dans tout le pays. Cette lumière brille encore, mais elle manque d'éclat.
Le rapport Trouver refuge au Canada note que, si les réfugiés syriens ont laissé loin derrière eux les affres de la guerre, ils font maintenant face à de nouveaux défis, tout comme les gouvernements et d'autres organismes chargés de garantir l'intégration réussie de ces nouveaux arrivants dans notre pays.
J'en viens à mon propos. Il y a aujourd'hui des groupes et des témoins, pendant nos audiences, qui nous parlent des demandes en attente de milliers de personnes qui étaient prêtes, disposées et aptes. Les gens sont préparés à accepter les réfugiés, leur cœur est à la bonne place, mais il y a des dossiers en attente. On ne peut pas dire « loin des yeux, loin du cœur ». Le comité estime que les fonctionnaires doivent reprendre le travail qu'ils faisaient il y a un an. Des familles et des organisations sont en attente. Les délais sont également longs pour la réunification des familles. Les familles concernées se trouvent en marge du processus et n'arrivent pas à obtenir des rapports clairs ou adéquats au sujet du lieu où se trouvent leurs proches.
(1540)
Des milliers de groupes de parrainage ont recueilli des fonds et des articles ménagers et suivi la formation nécessaire, mais ils n'ont pas encore été jumelés à des familles syriennes. Ils attendent. Il faut éliminer l'arriéré.
À l'avenir, il faut veiller à ce que les familles puissent être réunifiées. Le processus doit être plus transparent et la reddition de comptes, meilleure. C'est ce que nous avons encore entendu au sujet de la réunification familiale. Pour éliminer les arriérés, le gouvernement doit affecter davantage de personnel à la réunification des familles et au jumelage des parrains avec les réfugiés.
À la fin de l'année 2015, nous avons sincèrement et chaleureusement accueilli des réfugiés syriens. Nous ne pouvons les abandonner maintenant.
J'aimerais vous faire part de quelques opinions. La première a été émise par le révérend Brian Cornelius, président du comité des finances de l'Église First United d'Ottawa. Voici ce qu'il a dit à maintes reprises :
Le fait de perdre cette énergie en raison des lents processus serait vraiment malheureux, parce que l'énergie déployée par les groupes de parrainage mobilisés fournit un réseau, et même un sentiment d'appartenance familiale aux nouveaux arrivants.
Louisa Taylor, directrice de Réfugié 613, a dit ceci :
Malheureusement, la bureaucratie qui entoure le parrainage étouffe la bonne volonté des répondants.
La sénatrice Ataullahjan, vice-présidente, et moi avons étroitement collaboré avec le reste des membres du comité, mettant nos cœurs et nos âmes dans ce rapport. Nous espérons qu'il réveillera le Canada et ranimera la compassion des Canadiens et leur désir de tenir les promesses qu'ils ont faites aux milliers d'hommes, de femmes, de jeunes et d'enfants qui sont venus chez nous à la recherche d'une vie meilleure. Nous ne pouvons que gagner au contact de ces nouveaux Canadiens. Leurs expériences, leurs valeurs et leurs rêves leur permettent d'établir des liens avec nous tous.
Nous pouvons nous creuser l'esprit pour trouver les raisons d'événements tels que l'odieux attentat commis contre les fidèles qui priaient dans une mosquée de Québec. Toutefois, les explications commencent et finissent avec l'agresseur et avec quiconque peut haïr des gens et vouloir leur faire du mal à cause de leur foi ou de leur culture. Chacun d'entre nous a droit à la dignité, à la sécurité et à la réalisation de son plein potentiel. Un pays bâti sur ce principe est un endroit où s'épanouissent les meilleurs traits de la nature humaine.
Si nous tournions le dos à ceux qui ont fui la Syrie et ont confié leur destin au Canada, nous laisserions tomber tous ceux qui ont fait du Canada leur patrie, qu'ils vivent ici depuis des générations ou qu'ils viennent tout juste d'arriver.
Honorables sénateurs, faisons ce qu'il faut pour aider les réfugiés syriens et les nouveaux Canadiens à s'établir ici et à prospérer, car, ainsi, notre société n'en deviendra que plus forte.
Je dois dire d'un point de vue personnel — et tant pis si c'est un conflit d'intérêts — que ma famille, comme d'autres, a parrainé une famille de réfugiés syriens et a, en conséquence, vécu une année vraiment exceptionnelle. Je n'ai jamais imaginé que, à près de 71 ans, je me ferai six nouveaux amis et que je patinerai sur le canal avec quatre d'entre eux, puisque je suis le sénateur d'Ottawa/Canal Rideau.
Cette famille est arrivée il y a un an, en janvier, comme le montre cette photo prise à sa descente de l'avion. Quelques jours plus tard, j'avais emmené patiner — ou plutôt essayer de patiner — Feras, Naim, Aboudi, Mohamed et leur mère sur le canal Rideau.
Nous voici un an plus tard chez eux. Nous y étions dimanche après-midi. Je savais que la partie du Super Bowl était prévue pour 18 h 30, mais qu'est-ce que Naim, Feras, Mohamed et Aboudi voulaient faire? Ils voulaient aller patiner sur le canal parce qu'ils souhaitaient montrer au sénateur Jim qu'ils étaient maintenant capables de se tenir sur leurs patins. Savez-vous quels ont été leurs premiers mots en anglais? Je leur ai appris à dire en anglais : « Il lance et compte! ».
Ils peuvent patiner, mais, alors que nous avancions le long du canal, nous avons pu constater ce que les enseignants leur avaient montré comme nouveaux Canadiens et comme voisins d'autres Canadiens. Je ressens une forte émotion lorsque j'y pense. Pendant que nous patinions — et ce sont maintenant de bons patineurs —, je crois que c'est Naim qui a dit et répété : « Travaille fort et apprend davantage. » Où avait-il pris cela? Il avait dû l'apprendre grâce au système d'éducation et à sa famille.
Pouvez-vous imaginer les parents de cette famille il y a quatre ans? Ils vivaient dans un petit village dans la banlieue de Homs. Le père, Hekmat, allait vendre des fruits et des légumes au marché, mais un jour, les bombardements sont vraiment devenus excessifs. La famille a fait ses bagages, les a entassés dans le camion et a franchi la frontière pour aller au Liban. Imaginez ces gens qui ont dû laisser là leur père et leur mère. La mère est d'ailleurs décédée depuis leur départ.
Cette famille est au Canada et fait maintenant partie de notre trame. Il sera merveilleux de voir, dans 10aans, ce que les garçons auront réussi à faire et de quelle façon ils auront contribué à l'édification de notre pays.
Je vous engage à relire le rapport et j’incite le gouvernement à réfléchir à nos 12 recommandations. Accueillons d'autres réfugiés. Ils sont maintenant Canadiens, ils sont nous.
(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, le débat est ajourné.)
Le Sénat
Motion tendant à exhorter le gouvernement à prendre les mesures qui s'imposent pour désamorcer les tensions et rétablir la paix et la stabilité dans la mer de Chine méridionale—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ngo, appuyée par l'honorable sénateur Cowan,
Que le Sénat observe avec inquiétude le comportement de plus en plus hostile de la République populaire de Chine dans la mer de Chine méridionale et exhorte par conséquent le gouvernement du Canada à encourager toutes les parties en cause, et en particulier la République populaire de Chine, à :
a) reconnaître et maintenir la liberté de navigation et de survol garantie par le droit international coutumier et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer;
b) cesser toutes les activités qui pourraient compliquer ou aggraver les différends, notamment la construction d'îles artificielles, l'extension du territoire terrestre en mer et l'accroissement de la militarisation de la région;
c) respecter tous les efforts multilatéraux antérieurs visant à régler les différends et s'engager à mettre en oeuvre un code de conduite contraignant dans la mer de Chine méridionale;
d) s'engager à trouver une solution pacifique et diplomatique aux différends qui est conforme aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et respecter les ententes de règlement conclues par la voie de l'arbitrage international;
e) renforcer les efforts visant à réduire considérablement les impacts environnementaux des différends sur le fragile écosystème de la mer de Chine méridionale;
Que, de plus, le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à appuyer ses partenaires et ses alliés régionaux et à prendre les mesures additionnelles qui s'imposent pour désamorcer les tensions et rétablir la paix et la stabilité dans la région;
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.
L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, cette motion est inscrite au nom du sénateur Meredith. Hier, j'ai échangé quelques courriels avec lui, car il est à l'extérieur de la ville pour les travaux d'un comité, ce qui est une bonne chose. J'aimerais demander l'ajournement du débat à mon nom.
(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, le débat est ajourné.)
La surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Pate, attirant l'attention du Sénat sur la situation actuelle des personnes qui comptent parmi les plus marginalisées, victimisées, criminalisées et internées au Canada, et plus particulièrement sur la surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes.
L'honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, au moment où je prends la parole au sujet de cette interpellation, lancée par la sénatrice Pate, je suis bien consciente que c'est la fin de l'après-midi et que je vous empêche de poursuivre l'important travail que vous faites en comité. Donc, comme le fait toujours le sénateur Baker, je vous promets d'être brève.
Par ailleurs, si je peux dire une chose en 10 minutes plutôt que 15, je vais m'y employer. C'est mon intention.
Je remercie la sénatrice Pate de porter à notre attention la surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes. La sénatrice Pate ne mâche pas ses mots. Elle fait remarquer que, en prison, plus d'une détenue sur trois est autochtone. Elle a conclu que cette surreprésentation est attribuable à une discrimination systémique historique et constitue le résultat direct d'un passé colonial raciste et sexiste.
(1550)
Je ne suis pas une autorité en matière de racines sociales de l'incarcération des Autochtones. Je ne prétends pas connaître l'horreur dont notre collègue a été témoin et, même si ses histoires m'ont profondément touchée, je sais bien que je suis incapable d'imaginer ce que représente le fait d'être séparée de ses enfants. Je ne saurais pas reconnaître les sons et les odeurs d'une cellule d'isolement. Je ne saurais pas dire ce qui arrive quand on est arraché petit à petit à sa culture et à sa langue. C'est néanmoins l'héritage avec lequel nous devons composer.
Ce que je peux faire à court terme, c'est écouter, apprendre et réfléchir à ce que la sénatrice Pate nous a dit. Il est également très opportun que le Comité des droits de la personne, dont je suis membre, ait entrepris une étude historique sur les prisons canadiennes, sous la direction du sénateur Munson et de la sénatrice Ataullahjan. De plus, il y a à la Chambre haute une sagesse dans laquelle je peux puiser, auprès du sénateur Sinclair, de la sénatrice Dyck, de la sénatrice Pate et du sénateur Christmas. Il y a peu de temps, la sénatrice Greene Raine est venue me parler de certaines questions. Je voudrais donc les remercier tous de cette sagesse sur laquelle nous pouvons compter.
Aujourd'hui, au Comité des droits de la personne, nous avons entendu l'enquêteur correctionnel du Canada, qui m'a rappelé une chose qu'avait dite un très célèbre prisonnier, Nelson Mandela :
[...] on ne connaît pas vraiment un pays tant qu'on n'a pas été dans ses prisons. Un pays est jugé par sa façon de traiter non ses citoyens les plus célèbres, mais ses citoyens les plus humbles.
Ainsi, même si je ne suis jamais allée dans une prison — bien que je soupçonne que l'étude du Comité des droits de la personne nous amènera à en visiter quelques-unes —, je peux consulter le rapport final du Comité spécial de la Chambre des communes sur la violence contre les femmes autochtones. J'y apprends que la victimisation et la marginalisation des femmes autochtones est influencée par une vaste gamme de facteurs et d'éléments interdépendants d'une extrême complexité. Ces facteurs comprennent, d'une part, les effets permanents de la colonisation, du racisme et de la pauvreté et, de l'autre, les taux élevés de troubles mentaux et de toxicomanie. Je note que la culture et les langues autochtones ont été étouffées, que les gouvernements autochtones ont été perturbés, que les économies autochtones ont été détruites et que les peuples autochtones ont été obligés à accepter des terres marginales souvent improductives.
Je note aussi que les politiques coloniales ont eu des effets différents sur les hommes et les femmes. L'une des réalités les plus cruelles est en fait qu'elles ont perturbé les structures traditionnelles de gouvernance et les structures familiales qui avaient auparavant maintenu l'équilibre des rôles et des responsabilités dans l'unité familiale, surtout dans le cas des femmes. J'en viens à ma première conclusion, qui est la suivante : la colonisation et ses séquelles ont encore leur importance.
Je passe ensuite au traitement des hommes et des femmes autochtones en prison. Je constate qu'ils sont plus susceptibles d'avoir une classification de sécurité plus élevée que les autres après une évaluation des risques. Cela leur vaut un traitement plus dur et souvent l'isolement. De plus, ils sont moins susceptibles que les autres détenus d'accéder à des occasions d'éducation et de formation culturellement adaptées et ont, par conséquent, moins de chances d'être réintégrés avec succès dans la société.
Je note en outre un autre fait déprimant. Que ce soit dans le système de soins de santé, dans les milieux de travail ou dans les prisons, le cheminement dépend de la couleur de la peau. Quand une injustice est commise, elle l'est doublement ou triplement dans le cas des minorités raciales et visibles. Les torts et les injustices sociales se répercutent d'une manière disproportionnée sur les minorités.
J'ai toujours hésité à employer le mot « minorité » pour parler des Autochtones, parce que je ne crois pas qu'ils constituent une minorité. Ce sont les premiers peuples du Canada, mais, dans ce contexte, ils ont une expérience commune avec d'autres gens de couleur. Cela m'amène à ma deuxième conclusion : la race compte.
Ma réflexion suivante porte sur le pouvoir du langage. J'ai appris quelque chose de la sénatrice Pate au sujet de ce pouvoir et de la façon dont les mots que nous utilisons produisent des images qui deviennent indélébiles. Elle nous exhorte à éviter le mot « délinquant » et à utiliser plutôt « prisonnier » car, explique-t-elle, « délinquant » est une étiquette qui accompagne toujours la personne, tandis que le mot « prisonnier » est limité au lieu d'incarcération. Partout ailleurs, on est simplement une personne.
J'ai appris enfin que les faits et l'émotion doivent s'équilibrer. Nous ne pouvons pas servir les Canadiens sans user à la fois de notre cœur et de notre raison. Nous ne pouvons pas fermer les yeux et les oreilles sur les faits et nous fonder strictement sur l'émotion. Ici, honorables sénateurs, je parle de ce qu'on appelle l'approche sévère de la justice pénale. Nous pouvons bien avoir horreur des actes qu'un individu commet. Nous pouvons objectivement qualifier d'odieux les actes commis par certains hommes et certaines femmes autochtones en prison. Nous pouvons croire que ces actes méritent d'être punis, mais les statistiques de surreprésentation des femmes autochtones en prison devraient suffire pour nous faire comprendre qu'il y a d'autres facteurs à considérer. C'est notre rôle de trouver ces facteurs.
Je veux maintenant passer à une observation concernant les places que la sénatrice Pate et moi occupons. Elle défend les droits des prisonniers et surtout ceux des femmes autochtones en prison, et j'œuvre à améliorer et à mieux comprendre l'intégration et l'inclusion des nouveaux venus. Les immigrants et les Autochtones du Canada ont, je crois, beaucoup en commun, peut-être parce que ce sont les deux seuls segments de notre population qui connaissent une certaine croissance, mais il faut se rendre compte qu'il y a bien peu de possibilités d'établir des liens entre les uns et les autres. Il y a un certain écart affectif entre nous, et je m'interroge sur ce qui nous sépare.
J'avais toujours pensé que le Canada avait différentes histoires. C'est un pays complexe, formé de nombreux éléments constitutifs parfois mobiles. Il me semble que cette histoire nous est racontée de différentes façons. Il y a l'histoire des premiers peuples, l'histoire de la colonisation, l'histoire du bilinguisme, l'histoire de la réunification, l'histoire des immigrants du Canada. Toutes ces histoires n'ont pas de points de convergence, surtout dans les salles de classe du pays.
C'est à l'occasion de mon examen de citoyenneté, que j'ai passé trois ans après mon arrivée dans le pays, que j'ai commencé à prendre connaissance de l'histoire des premiers peuples du Canada. Cette connaissance était, au mieux, très superficielle. Je crois d'ailleurs que c'est encore le cas. Dans le serment que j'ai prêté, il n'a été nulle part question de la présence, de l'histoire et de la place des peuples autochtones. Je suis enchantée du fait que le gouvernement du Canada a promis de modifier ce serment dans l'esprit des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation. Je crois qu'il est important de bien faire comprendre aux nouveaux Canadiens, comme l'a dit avec beaucoup d'éloquence notre ancienne gouverneure générale, Adrienne Clarkson, que lorsqu'on est admis dans la famille canadienne, on devient partie intégrante de la totalité et non de certaines parties de la famille.
Honorables sénateurs, lorsque je prends du recul par rapport à la question à l'étude, je vois une histoire d'exclusion partagée et de différences communes. Je me demande alors : « Comment pouvons-nous miser sur ces expériences pour aller de l'avant et éliminer cet écart affectif? » J'espère trouver des réponses en collaborant étroitement avec la sénatrice Pate et avec d'autres personnes et en m'inspirant d'elle. J'espère avoir été assez concise et avoir quand même ajouté quelque chose à cet important sujet.
(Sur la motion de la sénatrice Boniface, le débat est ajourné.)
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 9 février 2017, à 13 h 30.)