Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 102
Le mardi 7 mars 2017
L'honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Le Code canadien du travail
- Projet de loi de mise en œuvre de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne
- Projet de loi de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Ukraine
- La Loi réglementant certaines drogues et autres substances
- La Loi sur l'hymne national
- Les travaux du Sénat
- Visiteurs à la tribune
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- Le ministère des Affaires étrangères
- La légalisation de la marijuana—Les obligations liées aux traités
- La Birmanie—La persécution des musulmans rohingyas
- Les relations économiques Asie-Pacifique
- L'Entente sur les tiers pays sûrs
- Les femmes, la paix et la sécurité
- L'Accord de libre-échange nord-américain
- Le Conseil de sécurité des Nations Unies
- Le cadre de délivrance des licences pour les services par satellite
- Les travaux du Sénat
- Le ministère des Affaires étrangères
- ORDRE DU JOUR
- La Loi sur l'hymne national
- Le Code criminel
- La Loi sur le Parlement du Canada
- L'étude sur les mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent
- L'étude sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes atlantique et pacifique du Canada
- L'étude sur la conception et l'application du programme de plusieurs milliards de dollars du gouvernement fédéral pour le financement des infrastructures
- L'étude sur les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest
- Le Sénat
- Motion tendant à modifier le Règlement du Sénat afin que les rapports législatifs des comités sénatoriaux respectent une méthodologie transparente, intelligible et non partisane—Motion d'amendement—Suite du débat
- Motion tendant à encourager le gouvernement à évaluer le coût et l'incidence de la mise en place d'un régime national de revenu de base—Motion d'amendement—Suite du débat
- Motion tendant à autoriser le Sénat à presser le gouvernement d'établir une Galerie nationale de portraits—Suite du débat
- La surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes
- Sécurité nationale et défense
LE SÉNAT
Le mardi 7 mars 2017
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
L'honorable Jacques Demers
L'honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour vous parler de la visite que j'ai faite récemment à notre collègue, le sénateur Jacques Demers, que l'on surnomme affectueusement le « Coach ». Nommé au Sénat en août 2009 par l'ancien premier ministre Stephen Harper, Jacques Demers est devenu rapidement l'éminence grise du caucus conservateur du Sénat. Il a remporté à deux reprises le trophée Jack Adams, qui est décerné annuellement à l'entraîneur de l'année de la Ligue nationale de hockey.
[Français]
Ce fut un grand plaisir de lui rendre visite. Notre conversation, agrémentée de plusieurs rires, m'a rappelé les bons moments souvent passés avec lui, ici même au Sénat et sur le terrain de golf Whitlock, à Hudson. Laissez-moi vous rassurer; il n'a pas perdu son sens de l'humour. Depuis son accident vasculaire cérébral, il poursuit avec une extrême diligence sa physiothérapie afin de se remettre de ce défi physique qui est loin d'être facile. Les progrès sont graduels, mais je ne connais aucune autre personne qui a la force et la détermination du Coach. Il y arrivera, car jamais il n'abandonnera la lutte.
[Traduction]
Par ailleurs, il regrette beaucoup de ne pas pouvoir siéger ici, avec ses collègues. Il en a parlé à plusieurs reprises au cours de notre conversation. J'ai lu dans ses yeux l'amour et la passion énormes qu'il voue au Sénat. Je l'ai rassuré en lui disant que nos pensées et nos prières l'accompagnent et que nous lui transmettions nos meilleurs souhaits de rétablissement.
L'organisme Ontario Women in Law Enforcement
Félicitations à l'occasion de son vingtième anniversaire
L'honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, à la veille de la Journée internationale de la femme, j'aimerais profiter de l'occasion pour souligner les nombreuses réalisations et le travail important des policières canadiennes, plus particulièrement les courageuses femmes qui se dévouent tous les jours dans ma province, l'Ontario.
Quelque 14 000 agentes de police aident à protéger notre pays et environ 5 000 d'entre elles se trouvent en Ontario. Elles sont de plus en plus nombreuses.
Ces femmes jouissent de l'appui de l'organisme Ontario Women in Law Enforcement, plus communément appelé OWLE. Cet organisme a été créé par un petit nombre de femmes aux vues similaires dans le but d'encourager, de promouvoir et de faire avancer la cause des femmes dans le milieu de l'application de la loi.
OWLE fête son 20e anniversaire cette semaine : cela signifie 20 ans de communication avec les femmes de toute la province qui en sont membres, 20 ans à se faire leur porte-voix et 20 ans à militer pour un changement social positif. OWLE encourage les femmes de tous les services de police à y adhérer pour qu'ensemble elles se penchent sur les intérêts et les préoccupations qu'elles ont en commun et soulignent leurs réussites.
OWLE donne à ses membres la possibilité de communiquer ensemble et de former un réseau, de faire avancer leur carrière et d'encourager leur avancement au sein de la police. L'organisme a contribué à la création d'organisations sœurs ailleurs au Canada et a apporté une contribution appréciable au développement de l'International Association of Women Police.
Honorables sénateurs, je vous demande de vous joindre à moi pour féliciter l'organisme Ontario Women in Law Enforcement pour ses réalisations. À l'occasion de son 20e anniversaire, nous remercions ses membres d'appuyer l'avancement des femmes dans les milieux policiers. J'en profite d'ailleurs pour les remercier du service qu'elles rendent à notre pays.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du consul général d'Islande à Winnipeg, ville où habite la plus importante communauté islandaise du Canada. Il s'agit de M. Þórður Bjarni Guðjónsson, responsable pour tout l'Ouest du Canada. Il est accompagné de son épouse, Jorunn Kristinsdottir. Ils sont les invités de l'honorable sénatrice Bovey.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le décès de Bernard (Ben) Tierney
L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, dans le monde des médias, on apprend vraiment à connaître les gens avec qui on voyage. Durant ma carrière, je me suis souvent trouvé en déplacement avec une personne qui a beaucoup contribué à me définir comme journaliste.
Il s'agit de Ben Tierney, un journaliste hors norme, comme l'indique le titre de son avis de décès : « Le légendaire journaliste canadien Ben Tierney meurt à Victoria à l'âge de 81 ans. »
C'était il y a quelques semaines seulement,mais il me manque énormément. Toutefois, l'esprit de Ben Tierney ne s'éteindra jamais. Écossais de naissance, Ben semblait être toujours en mouvement. Peter Calamai, son ancien collègue à Southam News, l'appelait le correspondant des correspondants.
Ben est né à Ayr, en Écosse. À 17 ans, cet adolescent hyperactif était déjà sur la route. C'était à la fin des années 1950, et Ben était à la recherche d'une nouvelle aventure, d'une aventure qui lui ferait faire le tour de la Terre. Il a d'abord fait un court séjour aux États- Unis, mais il s'est vite retrouvé au Canada.
Ben adorait écrire, et il ne lui a pas fallu longtemps pour décrocher un poste de correcteur d'épreuves au Calgary Herald. On connaît la suite.
À Southam News, on aurait dit que Ben était en poste partout : à Paris, à Washington, à Hong Kong, à Ottawa et à Vancouver, et à de nombreux endroits entre toutes ces villes.
Un de ces endroits fut Pékin. Nous avons tous les deux couvert le massacre de la place Tiananmen. C'est alors que nous couvrions cette page d'histoire et que nous assistions au massacre des étudiants chinois que nous nous sommes liés d'amitié.
Épuisés à la fin de journées qui ne finissaient jamais vraiment, nous discutions des événements de la journée avec d'autres journalistes. Jamais une bière — ou deux, peut-être — n'avait été aussi bonne. Nous ne vivions que pour couvrir la journée suivante.
C'est curieux mais, lorsqu'on vit un tel événement, on ne le voit pas comme un moment marquant de l'histoire, seulement comme un événement de plus à couvrir dans une carrière journalistique. Il y a eu de nombreux événements, mais la détermination de Ben à dénicher la nouvelle était hors du commun. Gordon Fisher, le patron de Ben à Southam News, a déjà dit ceci de lui : « Il m'a tellement appris au sujet de la valeur de la curiosité, de la quête incessante de la vérité. »
Honorables sénateurs, j'essaie de saisir l'essence d'un homme que j'ai aimé, que ma famille a aimé, et que ses nombreux amis ont aimé. En quoi était-il si spécial? Bien sûr, il était parfois cet Écossais grincheux à l'humour particulier, mais, selon moi, il était intrépide, impartial et juste. Il se souciait de la nouvelle et des personnes concernées qui la défrayaient.
Affecté à Delhi, en Inde, il a écrit des articles sur les conditions de travail horribles des enfants esclaves travaillant dans les fabriques de tapis. Il a décrit ainsi, en 1991, la misère dans laquelle ceux-ci vivaient et travaillaient :
Dans des huttes mal éclairées et mal aérées, où se répandaient les peluches de tapis, ils travaillaient dans des températures frôlant le point de congélation en hiver et dépassant 40 degrés Celsius en été [...] Ils se faisaient battre et on leur donnait seulement un bol de riz salé par jour. La nuit, le propriétaire verrouillait les portes, et ils dormaient sur le plancher sale et dur, près de leur métier à tisser.
C'est du grand Ben Tierney. Voilà le Ben Tierney que j'ai connu : humaniste et correspondant de guerre à l'étranger.
(1410)
Jusqu'au dernier moment, Ben aura gardé son sens de l'humour. Il adorait écrire des nouvelles, et il était justement à préparer un nouveau livre. Il y était question du fantôme de Nixon qui revenait hanter la Maison-Blanche mais dont les plans étaient contrecarrés par l'arrivée de Donald Trump. Ben avait beau être au plus mal, cela ne l'a pas empêché de déclarer que Trump avait tout gâché, jusqu'à son livre, et que la réalité dépassait encore une fois la fiction.
Ben Tierney fut tour à tour un mari, un père et un grand-père. Son amour pour l'aventure ne l'aura jamais empêché d'aimer sa famille et tout ce qu'elle lui aura apporté au fil des ans. Ses aventures n'auraient pas été aussi bien remplies sans ses proches.
Ben, je me permets de conclure sur ce fameux proverbe écossais, qui dit qu'on ne se lasse jamais des bonnes histoires.
Ben Tierney était toujours prêt à raconter une bonne histoire.
Tom Myketyn
L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, le 26 février dernier, un grand rassemblement a eu lieu à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, afin de rendre hommage à M. Tom Myketyn. Tom était d'ailleurs sur place, avec son épouse, Jennifer, et leurs trois enfants, Katelyn, Kevin et Brett, qui ont tous dans la mi- vingtaine. Tom a été entraîneur de hockey mineur durant plus de 30 ans. Il lui arrivait même assez souvent de s'occuper de plus d'une équipe à la fois. Un des entraîneurs les plus accomplis de sa génération, il a remporté nombre de championnats à tous les niveaux et il possédait toutes les qualités que nous voudrions tous inculquer à nos enfants.
Quand il était derrière le banc des joueurs, Tom ne perdait jamais son calme, il était patient avec les joueurs autant qu'avec les arbitres et — ce qui est tout à son honneur — les parents. Il aura été le mentor de milliers de jeunes pendant les années où ils apprennent tout de la vie. Son fils le plus âgé et mon fils à moi sont d'ailleurs du même âge; ils sont allés à l'école ensemble jusqu'à la fin du secondaire et ils sont d'excellents amis encore aujourd'hui. Nos maisons sont situées à quelques rues l'une de l'autre, et nos enfants ont passé une bonne partie de leur temps chez nous ou chez Tom.
Je me souviens de la première fois que j'ai rencontré Tom, parce que je lui ai demandé s'il était parent avec Johnny Myketyn. Pendant la période de l'après-guerre, les matchs de hockey senior et de la Coupe Allan étaient très compétitifs. Johnny Myketyn a été l'un des grands défenseurs de son époque. Il a joué pour les Millionaires de Sydney, puis pour les Miners de Glace Bay, et il était reconnu pour ses mises en échec au centre de la glace. Johnny était le joueur préféré de mon père. Tom a souri et a répondu : « C'est mon oncle Johnny. » Tom et moi sommes amis depuis ce jour-là.
Lors du rassemblement avec Tom et sa famille le 26 février, Lauchlan, mon fils aîné, a été félicité. Tom a été l'entraîneur de Lauchlan pendant neuf années consécutives, de l'âge de 7 ans à l'âge de 16 ans, du niveau atome jusqu'au niveau midget AAA. J'ai toujours dit que, outre ses parents, personne n'a jamais eu autant d'influence sur Lauchlan et personne n'a jamais passé autant de temps de qualité avec lui pendant sa jeunesse que Tom Myketyn. Juste pour cela, Tom mérite une médaille, parce que, comme quiconque vous le dira, le fils ressemble énormément à son père.
Pendant plus d'une décennie, j'ai passé beaucoup de temps avec Tom dans des arénas de hockey. Bien que cette période soit derrière nous, nous nous croisons parfois au centre de conditionnement physique, et nous en profitons pour bavarder et prendre des nouvelles l'un de l'autre. En fait, je l'ai vu au centre de conditionnement physique deux jours de suite au début de janvier. Tom est l'une de ces personnes sur lesquelles le temps ne semble pas avoir d'emprise. Il a toujours une chevelure abondante et est en excellente condition physique, et, bien sûr, il est toujours facile d'approche et plein d'entrain.
La semaine où nous sommes revenus au Parlement après le congé de Noël, j'ai reçu tôt un matin un message texte de mon fils. Il avait passé une grande partie de la nuit en larmes. Il était bouleversé. Je lui ai demandé ce qui n'allait pas, et il m'a envoyé un message que Tom avait affiché sur Facebook à l'intention de l'équipe de hockey de son école secondaire. Je l'ai lu, puis j'ai pleuré. Personne jusqu'à ce moment-là n'était au courant, mais Tom luttait contre un cancer depuis quelques années, et un examen médical venait de révéler que son cancer était réapparu et était plus agressif. On ne lui donnait que quelques mois à vivre. Tom, comme c'est son habitude, a expliqué calmement la situation, puis a précisé qu'il continuerait de travailler comme entraîneur aussi longtemps qu'il le pourrait.
Je sais que ma famille n'a pas été la seule à être attristée de cette nouvelle. Des centaines de familles comme la mienne doivent beaucoup à Tom Myketyn. Ses nombreux amis sont abasourdis, anéantis et atterrés.
Je veux que Tom sache à quel point il est apprécié, respecté et aimé par ses amis. C'est une bonne personne. Il n'y a pas de mots pour exprimer la frustration que nous ressentons en voyant la situation difficile dans laquelle sa famille et lui se trouvent. La vie peut être vraiment injuste.
Au nom des centaines de familles dont il a aidé à élever les enfants et des milliers de jeunes auxquels il a servi de mentor, je tiens dire ceci : « Que Dieu vous bénisse, Tom. » Nous vous remercions du fond du cœur.
L'honorable Chantal Petitclerc, C.C., C.Q.
Félicitations à l'occasion de l'obtention du prix David C. Onley
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour rendre hommage à l'une de nos collègues, l'honorable Chantal Petitclerc, à qui on a remis le prix David C. Onley lors du 33e grand gala annuel de la Saint-Valentin, le 11 février, à Toronto, en Ontario. Ce prix prestigieux est une récompense pour service extraordinaire à l'endroit des Canadiens handicapés.
[Français]
En qualité d'athlète paralympique en fauteuil roulant, la sénatrice Petitclerc a démontré une force et une persévérance exemplaires en participant à 5 Jeux paralympiques et en remportant 21 médailles paralympiques, y compris 14 médailles d'or. Lors de ses dernières compétitions aux Jeux paralympiques de Beijing, en 2008, elle a remporté cinq médailles d'or, établissant deux nouveaux records mondiaux et un nouveau record paralympique. À la suite de cette performance, combinée à ses autres médailles paralympiques, elle est devenue l'athlète féminine en athlétisme la plus décorée de l'histoire.
Elle est une véritable inspiration pour ses compagnons et compagnes d'athlétisme et pour de nombreux jeunes à travers le monde qui espèrent voir leurs rêves se réaliser un jour. En tant que sénatrice, elle continue à défendre la cause des personnes handicapées grâce au travail qu'elle accomplit au sein des comités et dans notre enceinte. Nous n'oublierons jamais le premier discours émouvant et sincère de la sénatrice Petitclerc, qui portait sur le projet de loi C-14.
À titre de coprésidente de la course Déferlante roulante sur la Colline du Parlement, je me joins chaque automne à la sénatrice Petitclerc, au sénateur Munson et à l'ancien sénateur Vim Kochhar pour accroître la sensibilisation à la situation des personnes handicapées. Nous encourageons nos formidables athlètes paralympiques de calibre mondial qui prennent part à la course à relais de 10 kilomètres sur la Colline et qui prouvent encore une fois que le fauteuil roulant n'est pas le symbole d'un handicap, mais plutôt un symbole de liberté.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter notre collègue, la sénatrice Chantal Petitclerc, de cette réalisation importante et de ce grand honneur.
Des voix : Bravo!
AFFAIRES COURANTES
La Loi sur la citoyenneté
Projet de loi modificatif—Présentation du dixième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie
L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :
Le mardi 7 mars 2017
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son
DIXIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du 15 décembre 2016, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.
Votre comité a aussi fait certaines observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
Le président,
KELVIN KENNETH OGILVIE
(Le texte des observations figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1325)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
[Français]
L'étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone
Dépôt du cinquième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles auprès du greffier pendant l'ajournement du Sénat
L'honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'informer le Sénat que, conformément à l'ordre de renvoi adopté le jeudi 10 mars 2016 et à l'ordre adopté par le Sénat le jeudi 16 février 2017, le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a déposé auprès du greffier du Sénat, le mardi 7 mars 2017, son cinquième rapport (intérimaire), intitulé Positionner le secteur de l'électricité canadien : vers un avenir restreint en carbone. Je propose que le rapport soit inscrit à l'ordre du jour de la prochaine séance.
(Sur la motion du sénateur Massicotte, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
(1420)
Règlement, procédure et droits du Parlement
Présentation du quatrième rapport du comité
L'honorable Joan Fraser, présidente du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, présente le rapport suivant :
Le mardi 7 mars 2017
Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a l'honneur de présenter son
QUATRIÈME RAPPORT
Conformément à son ordre de renvoi du 9 février 2017, votre comité a étudié l'utilisation du Feuilleton et Feuilleton des préavis, particulièrement en ce qui concerne les processus applicables aux affaires dites « reportées » et recommande la mesure intérimaire suivante :
Que, pour le reste de la présente session, si aucun sénateur ne souhaite intervenir quand un article inscrit au Feuilleton et Feuilleton des préavis a été appelé, cet article soit reporté d'office à la prochaine séance du Sénat.
Respectueusement soumis,
La présidente,
JOAN FRASER
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion de la sénatrice Fraser, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
[Traduction]
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances
Projet de loi modificatif— Présentation du douzième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles
L'honorable George Baker, vice-président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :
Le mardi 7 mars 2017
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son
DOUZIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-224, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (aide lors de surdose), a, conformément à l'ordre de renvoi du 1er décembre 2016, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les modifications suivantes :
1. Article 2, pages 1 et 2 :
a) À la page 1,
(i) remplacer la ligne 19 par ce qui suit :
« time d'une surdose ne peut être accusé ou déclaré coupable d'une infraction »,
(ii) remplacer la ligne 22 par ce qui suit :
« mandé de l'aide ou est resté sur les lieux. »;
b) à la page 2,
(i) remplacer les lignes 1 à 4 par ce qui suit :
« (3) L'exemption prévue au paragraphe (2) s'applique aussi à toute personne qui se trouve sur les lieux à l'arrivée des professionnels de la santé ou des agents d'application de la loi, y compris la personne victime de la surdose. »,
(ii) ajouter après la ligne 4 ce qui suit :
« (4) La personne qui demande, de toute urgence, l'intervention de professionnels de la santé ou d'agents
d'application de la loi parce qu'elle-même ou une autre personne est victime d'une surdose ou qui se trouve sur les lieux à l'arrivée des secours ne peut être accusée d'une infraction en lien avec la violation de conditions de mise en liberté provisoire, d'une ordonnance de probation, d'une ordonnance de sursis ou des modalités d'une libération conditionnelle relativement à une infraction prévue au paragraphe 4(1) si la preuve à l'appui de cette infraction a été obtenue ou révélée parce que cette personne a demandé du secours ou est restée sur les lieux.
(5) Est réputée n'avoir jamais eu lieu la violation, relativement à une infraction visée au paragraphe 4(1), de conditions de mise en liberté provisoire, d'une ordonnance de probation, d'une ordonnance de sursis ou des modalités d'une libération conditionnelle qui résulte du fait que la personne a demandé, de toute urgence, l'intervention de professionnels de la santé ou d'agents d'application de la loi parce qu'elle-même ou une autre personne était victime d'une surdose ou est restée sur les lieux à l'arrivée des secours. ».
Votre comité a aussi effectué des observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
Le vice-président,
GEORGE BAKER
(Le texte des observations figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1327.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion du sénateur Baker, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
[Français]
Langues officielles
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur les défis liés à l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française de la Colombie-Britannique
L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, nonobstant l'ordre de renvoi du Sénat adopté le jeudi 1er décembre 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des langues officielles concernant son étude sur les défis liés à l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française de la Colombie- Britannique soit reportée du 30 mars 2017 au 31 mai 2017.
[Traduction]
Droits de la personne
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne et à recevoir les documents reçus et les témoignages entendus depuis le début de la première session de la trente-septième législature
L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à étudier et surveiller l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et à examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne;
Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le comité sur ce sujet depuis le début de la première session de la trente-septième législature soient renvoyés au comité;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 mars 2018.
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le jeudi 2 mars 2017, la période des questions aura lieu à 15 h 30 aujourd'hui.
[Français]
Réponses différées à des questions orales
L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes. La réponse à la question posée par l'honorable sénatrice Martin, le 26 octobre 2016, concernant la place accordée aux anciens combattants de la guerre de Corée dans les célébrations du 150e anniversaire du Canada.
[Traduction]
La question posée par l'honorable sénatrice Martin, le 1er décembre 2016, concernant les événements du 150e anniversaire et le rôle des anciens combattants de la guerre de Corée; la question posée par l'honorable sénateur Downe, le 2 décembre 2016, concernant la politique sur l'embauche des anciens combattants libérés pour des raisons médicales; la question posée par l'honorable sénatrice Stewart Olsen, le 15 décembre, concernant les essais effectués sur des animaux; la question posée par l'honorable sénateur Plett, le 16 février 2017, concernant le transport du grain de l'Ouest canadien.
Le patrimoine canadien
La place accordée aux anciens combattants de la guerre de Corée dans les célébrations du cent cinquantième anniversaire du Canada
(Réponse à la question posée le 26 octobre 2016 par l'honorable Yonah Martin)
En 2017, nous célébrons le 150e anniversaire du Canada, mais c'est aussi une occasion de rendre hommage à nos valeureux soldats qui ont combattu pour la liberté dont nous jouissons aujourd'hui. Cette année, nous soulignons le 75e anniversaire du raid sur Dieppe et le 100e anniversaire des batailles de Passchendaele et de la crête de Vimy. Notre gouvernement investit quelque 11 millions de dollars en ressources supplémentaires pour s'assurer que ces activités commémoratives obtiennent la reconnaissance qu'elles méritent tandis que nous rendons hommage aux héros qui ont fait du Canada le pays qu'il est aujourd'hui. Nous sommes déterminés à honorer tous ceux et celles qui ont servi notre pays avec dévouement.
Selon un cycle quinquennal, le gouvernement du Canada souligne des jalons militaires importants. En 2018, à l'occasion du 65e anniversaire de l'armistice de la guerre de Corée, Anciens Combattants Canada rendra hommage à toutes les Canadiennes et tous les Canadiens qui ont servi pendant la guerre de Corée.
Au cours de l'année, les Canadiennes et les Canadiens se réuniront au Monument commémoratif de guerre du Canada, qui porte fièrement les dates de la guerre de Corée et d'autres conflits militaires importants. Pendant les activités solennelles, ils se souviendront des sacrifices et des réalisations énormes de tous les hommes et femmes qui ont défendu — et qui continuent à défendre — les valeurs que nous chérissons tant.
Les événements du cent cinquantième anniversaire—Le rôle des anciens combattants de la guerre de Corée
(Réponse à la question posée le 1er décembre 2016 par l'honorable Yonah Martin)
En 2017, nous célébrons le 150e anniversaire du Canada, mais c'est aussi une occasion de rendre hommage à nos valeureux soldats qui ont combattu pour la liberté dont nous jouissons aujourd'hui. Cette année, nous soulignons le 75e anniversaire du raid sur Dieppe et le 100e anniversaire des batailles de Passchendaele et de la crête de Vimy. Notre gouvernement investit quelque 11 millions de dollars en ressources supplémentaires pour s'assurer que ces activités commémoratives obtiennent la reconnaissance qu'elles méritent tandis que nous rendons hommage aux héros qui ont fait du Canada le pays qu'il est aujourd'hui. Nous sommes déterminés à honorer tous ceux et celles qui ont servi notre pays avec dévouement.
Dans le cadre du programme Le Canada se souvient, Anciens Combattants Canada souligne chaque année les anniversaires des principaux jalons militaires et les activités organisées sont de plus grande envergure selon un cycle de cinq ans. Parmi ces jalons militaires, mentionnons la bataille de la crête de Vimy et celle de Passchendaele au cours de la Première Guerre mondiale, le raid sur Dieppe au cours de la Seconde Guerre mondiale et l'armistice de la guerre de Corée.
En 2017, lorsque les Canadiennes et les Canadiens célébreront le 150e anniversaire de la Confédération, Anciens Combattants Canada soulignera, au Canada et à l'étranger, les anniversaires suivants : le centenaire de la bataille de la Crête de Vimy en avril, le 75e anniversaire du raid sur Dieppe en août et le centenaire de la bataille de Passchendaele en novembre. La participation de délégations officielles du gouvernement du Canada sera un volet important de ces événements au Canada, en France et en Belgique. Ces délégations incluront des vétérans représentant des organismes nationaux de vétérans et de régiments qui ont combattu durant ces différentes batailles. En 2018, à l'occasion du 65e anniversaire de l'armistice de la guerre de Corée, Anciens Combattants Canada rendra hommage à toutes les Canadiennes et tous les Canadiens qui ont servi pendant la guerre de Corée.
Le Bureau du Conseil privé
La politique sur l'embauche des anciens combattants libérés pour des raisons médicales
(Réponse à la question posée le 2 décembre 2016 par l'honorable Percy E. Downe)
Notre gouvernement est déterminé à aider les vétérans et les membres en voie de libération des FAC à réussir la transition de leur carrière militaire à une carrière civile. Une approche pangouvernementale est mise en œuvre pour veiller à ce que les militaires qui font la transition trouvent un emploi valorisant lié au poste d'attache lorsqu'ils en ont besoin.
Le Secrétariat des programmes prioritaires pour les vétérans qu'Anciens Combattants Canada a récemment mis en place travaille en étroite collaboration avec l'équipe de transition des Forces armées canadiennes et d'autres partenaires non gouvernementaux pour élaborer une stratégie liée à la transition de carrière et à l'emploi visant les membres en voie de libération et les vétérans des Forces armées canadiennes. La stratégie visera à habiliter les membres en voie de libération et les vétérans des Forces armées canadiennes à acquérir le savoir et les compétences qui leur permettront d'obtenir un emploi dans le secteur public ou privé ou de devenir des entrepreneurs, et également à sensibiliser les employeurs des secteurs public et privé à la valeur que les vétérans peuvent apporter à leur main d'œuvre.
La stratégie inclut prendre des mesures pour rendre opérationnelle la Loi sur l'embauche des anciens combattants, grâce à des initiatives qui feront en sorte que les membres en voie de libération et les vétérans des Forces armées canadiennes soient bien préparés lorsqu'ils présenteront leur candidature pour des emplois dans la fonction publique, et à d'autres initiatives qui inciteront les ministères et organismes fédéraux à embaucher plus de vétérans.
L'unité d'embauche des vétérans, une nouvelle unité, a été mise sur pied pour aider à rendre opérationnelle la Loi sur l'embauche des anciens combattants au sein d'Anciens Combattants Canada. Son mandat est d'aider les gestionnaires chargés de l'embauche à Anciens Combattants Canada à comprendre les candidats vétérans, d'aider à faire connaître la Loi sur l'embauche des anciens combattants auprès des membres des Forces en voie de libération, de montrer par l'exemple et d'aider les nouveaux embauchés des Forces armées canadiennes à Anciens Combattants Canada.
La santé
Les essais effectués sur des animaux
(Réponse à la question posée le 15 décembre 2016 par l'honorable Carolyn Stewart Olsen)
Notre gouvernement collabore avec ses partenaires mondiaux afin d'éliminer les essais sur les animaux réalisés dans le domaine des cosmétiques et Santé Canada s'engage à utiliser de façon responsable et éthique les animaux en recherche et en enseignement. Le ministère appuie l'élaboration internationale et l'utilisation d'autres options pour remplacer les essais sur les animaux en participant aux travaux de comités scientifiques internationaux et en travaillant avec des organismes de réglementation internationaux afin de valider et de promouvoir ces options.
Le Règlement modifiant le Règlement sur les jouets vise à donner suite à des préoccupations formulées par le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation relativement à un manque de clarté pour un petit ensemble d'exigences figurant déjà dans le Règlement sur les jouets. Ce processus a l'intention de faire des changements administratifs et ne permet pas des modifications substantielles.
Santé Canada n'encourage plus l'industrie à effectuer des essais sur les animaux. Il recommande plutôt d'évaluer l'irritation et la corrosion conformément aux articles 26 et 29 du Règlement sur les jouets au moyen de données de l'expérience humaine ou de données obtenues selon les bonnes pratiques scientifiques telles qu'elles sont définies à l'article 1 du Règlement.
Santé Canada clarifiera cette question lors des prochaines modifications du Règlement sur les jouets.
Les transports
Le transport du grain de l'Ouest canadien
(Réponse à la question posée le 16 février 2017 par l'honorable Donald Neil Plett)
Le gouvernement du Canada reconnaît l'importance d'un système de manutention et de transport du grain fiable et efficace pour la santé de notre économie. Transports Canada travaille avec les intervenants en vue d'atteindre un équilibre qui appuie les clients des compagnies de chemin de fer tout en assurant un investissement continu dans le système.
Le ministre déposera un projet de loi, ce printemps, afin de faire avancer un programme à long terme visant à mettre en place un réseau ferroviaire transparent, équilibré et efficace sur lequel le Canada peut compter pour transporter ses marchandises vers les marchés mondiaux. Le projet de loi prévoit des mesures particulières pour : établir la capacité d'appliquer des sanctions réciproques entre les compagnies de chemin de fer et leurs clients dans les accords sur les niveaux de service conclus entre eux; mieux définir la notion de « service convenable »; améliorer l'accès aux décisions de l'Office des transports du Canada et les délais accordés pour prendre ces décisions; se pencher sur l'avenir du revenu admissible maximal et de l'interconnexion prolongée. Le gouvernement du Canada reconnaît l'importance d'un cadre stratégique transparent et stable pour assurer la prévisibilité pour tous les participants de la chaîne d'approvisionnement.
ORDRE DU JOUR
Le Code canadien du travail
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l'honorable sénateur Harder, C.P., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-4, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, cela fait presque quatre ans jour pour jour que j'ai pris la parole afin de m'opposer au projet de loi C-377. J'ai pensé lire quelques passages de ce discours, car, lorsque je l'ai consulté, j'ai constaté que je ne saurais mieux m'exprimer aujourd'hui.
L'une des raisons, c'est que j'avais à l'époque cité Dorothy Parker. Ceux d'entre vous qui, comme le sénateur Housakos, sont jeunes ne se souviennent probablement pas de Dorothy Parker. Elle était écrivaine et humoriste à part entière. Elle a écrit des critiques de livres pour le New Yorker pendant les années 1920, 1930 et 1940. Elle était un peu comme la Tina Fey de l'époque. Tout le monde était suspendu à ses lèvres. Ses bons mots se distinguaient par leur concision. Un jour, on lui a demandé de faire la critique d'un livre rédigé par Mussolini intitulé La maîtresse du cardinal. Elle a dit ce qui suit :
Ce n'est pas simplement un roman à écarter du revers de la main. C'est un roman à lancer de toutes ses forces.
J'avais pris la liberté de paraphraser Dorothy Parker lors de mon discours sur le projet de loi C-377. J'avais dit ceci :
Ce n'est pas simplement un projet de loi à écarter du revers de la main. C'est un projet de loi à lancer de toutes ses forces.
Je suis donc très heureuse de prendre la parole aujourd'hui pour demander à mes collègues de lancer le projet de loi C-377 de toutes leurs forces, en appuyant le projet de loi C-4.
Dans une autre section de mon discours d'il y a quatre ans, j'avais parlé de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. Dans les trois premières lignes de l'article, on dit ce qui suit :
Il sera loisible à la Reine, de l'avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada [...]
C'est notre raison d'être, honorables sénateurs. Au bout du compte, notre travail ne consiste pas à nous livrer à des joutes politiques ou à insulter les autres partis, mais à faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada.
J'avais ajouté ceci :
Je dirais ceci. Le projet de loi C-377 ne contribuera pas à la paix dans notre pays. [...]
[La tradition] a évolué lentement au cours du dernier millénaire, et nous avons maintenant une société qui est équitable envers tous. C'est une société qui inclut tout le monde. [...] [Le] projet de loi [C-377] enfreint tous ces principes. Il va à l'encontre d'une tradition millénaire et du code canadien de l'équité. Je crois que ce projet de loi devrait être rejeté catégoriquement — j'insiste sur le mot « catégoriquement » —, et je suis persuadée que c'est ce que nous ferons quand le moment viendra.
(1430)
Très chers collègues, le moment est venu.
Je vais maintenant aborder le projet de loi, car l'autre partie du projet de loi C-4 est aussi en cause. Je dois admettre que je suis très déçue du gouvernement actuel. D'une certaine façon, le projet de loi C-4 est un projet de loi omnibus. La seule chose que les projets de loi ont en commun, c'est l'emploi du terme « syndicat », mais les sujets abordés sont complètement différents. Je crois que c'est regrettable, car nombreux sont ceux qui souhaitent ardemment l'abrogation, l'annulation du projet de loi C-377, sans toutefois avoir d'idée précise sur les modifications attribuables à l'adoption du projet de loi C-525.
Je comprends ces personnes, et j'aurais voulu que le projet de loi soit scindé avant qu'il arrive à cette étape, mais cela n'a pas été fait. Maintenant, mon souhait de voir le projet de loi C-377 annulé est tel que je ne proposerai pas que le projet de loi à l'étude soit scindé, surtout que je crois que, à long terme, l'annulation du projet de loi C-525 serait également bénéfique. Donc, scindé ou non, j'appuierai le projet de loi à l'étude. J'encourage les sénateurs à en venir à la même conclusion que moi.
Je vais maintenant aborder la question de l'accréditation. Il s'agit de déterminer si nous devrions encourager un processus en deux étapes pour les milieux de travail assujettis à la législation fédérale qui ne sont pas syndiqués à l'heure actuelle et qui souhaitent le devenir. Ce processus en deux étapes exigerait d'abord que les employés signent une carte, puis qu'ils procèdent à un vote secret. C'est l'exigence d'un vote secret qui, selon moi, nous inquiète tous — le recours au vote secret que nous connaissons et chérissons lors des élections a pour nous une valeur sacrée. Cependant, dans les milieux de travail non syndiqués, lorsque les travailleurs en viennent à la conclusion que l'employeur ne les traite pas de façon équitable, que leurs conditions de travail ne sont pas aussi bonnes qu'elles le devraient et que leurs avantages ne sont pas suffisants, leur solution est de s'unir pour parler d'une seule voix dans la négociation avec leur employeur en vue d'améliorer leur sort.
Dans ce cas, il me semble que leur désir de former une unité de négociation, qui demeure confidentiel, en passant, ne constitue pas un besoin pour une deuxième étape. Le fait de signaler de façon confidentielle leur intention de former une unité de négociation devrait suffire, étant donné que l'information reste confidentielle et qu'elle est renvoyée au conseil d'administration aux fins d'examen.
Je rappelle qu'il ne s'agit de rien d'autre que de former une unité de négociation à ce point. Comme le savent tous ceux qui s'y connaissent en relations de travail, j'ai appris des maîtres. J'ai déjà été ministre du Travail, j'ai donc déjà appris tout cela en Alberta. Ce n'est pas tant la formation d'une unité de négociation qui est importante que le fait de signer une première convention collective. Lorsqu'on vote pour une première convention collective, le fait de voter devient très important.
Lorsqu'on essaie de former une unité de négociation, de collaborer et de s'unir pour exprimer notre besoin d'avoir une plus grande influence, influence qui n'est possible que si l'on s'unit, et que l'on se voit imposer un vote secret, un processus de deux étapes, on a alors affaire à une tactique favorite du mouvement américain qui perdure depuis 50 ans, tactique plus communément appelée « le droit au travail ». C'est en quelque sorte une fausse appellation, parce qu'il s'agit réellement du « droit de bannir les contributions des syndicats » ou, du moins, de rendre si difficile la formation d'une unité de négociation qu'on pourrait tout simplement interdire catégoriquement la syndicalisation.
Le mouvement du droit au travail a fait son entrée en Alberta au milieu des années 1990. Je ne faisais plus partie du gouvernement à ce moment-là, mais l'administration du développement économique et le ministre de l'époque m'ont demandé de présider un comité mixte d'examen qui avait pour objectif d'évaluer les pour et les contre de la loi sur le droit au travail qu'on proposait à l'Alberta.
Je dois dire que j'ai vu témoigner devant le comité des personnages imposants et remarquables. J'y ai vu des représentants de la grande entreprise et des grands syndicats qui ne manquaient pas de fougue. C'étaient des types qui, cigare au bec, ne craignaient pas l'affrontement. Robustes, ils n'étaient pas du genre à avoir peur. Ils avaient déjà vécu de nombreuses négociations. Ils connaissaient à fond leur affaire, tantôt du point de vue du patronat, tantôt de celui des travailleurs.
Nous avons reçu 225 mémoires, et presque tous nous demandaient de rejeter le projet de loi, y compris le droit de demander un scrutin secret en deux temps avant qu'une unité syndicale puisse être accréditée. Nous avons été plus surpris que jamais lorsque l'une des plus grosses unités de négociation patronale, la Construction Labour Relations Association, qui regroupe les grands patrons du monde de la construction, c'est-à- dire les entreprises, nous a dit de ne pas adopter le projet de loi. Pourquoi? Parce qu'elle souhaitait que l'on maintienne la paix, l'ordre et la bonne gouvernance. À son avis, rendre difficile la syndicalisation du personnel chez les mauvais employeurs perturbe les relations de travail dans l'ensemble de la province : « Le fonctionnement de nos entreprises est perturbé, et nous finissons par tous en souffrir », nous a dit cette association.
Le comité a recommandé à l'unanimité au gouvernement de l'époque de rejeter la philosophie du « droit de travailler », qui rendait difficile l'accréditation d'une unité de négociation. Il ne fallait pas perdre de vue que, même une fois formée, une unité de négociation doit démontrer aux travailleurs qu'elle peut leur être utile. L'heure de vérité arrive beaucoup plus tard.
Je termine en rappelant au Sénat une partie d'un témoignage que j'ai lu, cette année, à propos du projet de loi C-4, de la part d'un homme qui était président de la commission. Je pense qu'il présidait une commission des relations de travail. Si ma mémoire des chiffres ne me fait pas trop défaut, sa commission avait reçu 27 plaintes pour pratique déloyale au travail pendant l'année qui a suivi l'entrée en vigueur de la disposition, alors qu'elle n'en avait reçu que 23 au cours des 10 années précédentes. Le nombre de plaintes a donc été multiplié par 10 durant l'année qui a suivi l'entrée en vigueur. C'est une augmentation de 1 000 p. 100. Voilà une preuve qu'il existe une corrélation et que le climat des relations de travail a bel et bien été perturbé.
J'aurais pu vivre avec ce projet de loi et j'aurais pu pencher d'un côté comme de l'autre, selon le choix du Sénat, si le projet de loi C- 525 était traité de façon indépendante. Ce ne sera pas la fin du monde. Il y a des arguments valides qui font valoir les deux côtés de la question. Cependant, je suis profondément convaincue que les dispositions du projet de loi C-377 doivent être annulées. Elles sont injustes, inconstitutionnelles et contraires aux valeurs canadiennes. C'est pour ces raisons que je voterai en faveur du projet de loi C-4.
(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, le débat est ajourné.)
(1440)
Projet de loi de mise en oeuvre de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne
Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Pratte, appuyée par l'honorable sénateur Mitchell, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-30, Loi portant mise en œuvre de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne et ses États membres et comportant d'autres mesures.
Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Pratte, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.)
Projet de loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Ukraine
Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Baker, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Eggleton, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-31, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et l'Ukraine.
L'honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole pour appuyer le projet de loi C-31, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et l'Ukraine.
L'entente signée par le Canada et l'Ukraine en juillet dernier est l'aboutissement des efforts soutenus qui ont été déployés par deux gouvernements canadiens depuis 2010. Ces efforts confirment l'importance multidimensionnelle de l'entente. L'Accord de libre- échange entre le Canada et l'Ukraine est unique de nombreuses façons. Il doit être appuyé pour son importance économique, mais également pour le grand message politique et stratégique qu'il envoie.
Tout d'abord, sur le plan économique, l'accord sera important pour le secteur des affaires du Canada et de l'Ukraine. Pour les entreprises canadiennes, 86 p. 100 des droits de douane sur les exportations canadiennes vers l'Ukraine seront éliminés. L'on s'attend à voir une augmentation des exportations canadiennes dans divers secteurs, y compris dans ceux des produits du porc, de la machinerie et des équipements, des véhicules automobiles et d'autre matériel de transport, et des produits chimiques.
Il n'y aura aucun effet négatif pour les secteurs sensibles du Canada, comme ceux soumis à la gestion de l'offre. Ces marchandises ont été exclues des concessions tarifaires négociées.
Au total, on prévoit que, grâce à cet accord, le produit intérieur brut du Canada augmentera de près de 30 millions de dollars. Parallèlement, le PIB de l'Ukraine devrait augmenter de plus de 18 millions de dollars.
Bien que, pris isolément, ces gains pourraient être qualifiés de modestes, les effets positifs pour l'Ukraine seront néanmoins proportionnellement très importants. Dès l'entrée en vigueur de l'accord, le Canada éliminera immédiatement 99,9 p. 100 des droits de douane qu'il perçoit sur les importations ukrainiennes. Il s'agit d'un changement important qui illustre l'importance politique et stratégique que revêt l'Ukraine pour le Canada, ainsi que la façon dont l'accord représente une autre étape essentielle pour approfondir nos relations bilatérales.
Plus d'un million de Canadiens ont des origines ukrainiennes, et c'est pourquoi l'Ukraine a toujours eu une place de choix dans le cœur des Canadiens. En effet, en 1991, lorsque l'Ukraine s'est séparée de l'Union soviétique, le Canada, sous le gouvernement de Brian Mulroney, a été le premier pays à reconnaître son indépendance. Depuis, les gouvernements canadiens des deux partis ont continué d'entretenir d'étroites relations bilatérales avec l'Ukraine. Ces relations s'avèrent particulièrement importantes aujourd'hui, alors que l'indépendance de l'Ukraine, qui a été si durement gagnée, se trouve menacée. L'intervention militaire russe en Ukraine en 2014 ainsi que l'occupation de la Crimée et les efforts continus de la Russie pour déstabiliser le pays rendent notre soutien de l'Ukraine encore plus important.
[Français]
Confronté à ces défis, en 2014, l'ancien premier ministre Stephen Harper s'est empressé d'inscrire l'assistance canadienne à l'Ukraine en tête de ses priorités. C'est ainsi que, depuis janvier 2014, le Canada a versé une aide financière de quelque 140 millions de dollars à l'Ukraine. Cette aide est grandement nécessaire, parce qu'environ 1,4 million d'Ukrainiens ont été déplacés à l'intérieur du pays et qu'ils sont environ 3 millions maintenant à avoir besoin d'une aide humanitaire soutenue.
Le Canada a également accordé une enveloppe supplémentaire de 88 millions de dollars pour contribuer à l'avancement de la démocratie, des droits de la personne et de la règle de droit en appuyant les institutions nationales de l'Ukraine.
En dernier lieu, afin d'aider l'Ukraine à améliorer ses capacités en matière de défense, l'ancien gouvernement avait aussi fait de l'aide militaire une priorité. Des membres des Forces armées canadiennes ont été déployés en Ukraine dans le cadre de l'opération UNIFIER pour participer à l'entraînement de forces armées ukrainiennes et, ainsi, renforcer leur capacité militaire.
Cet éventail de mesures, qu'il s'agisse du soutien politique, de l'aide au développement ou de l'assistance humanitaire, de l'entraînement militaire et, dorénavant, de l'Accord de libre- échange Canada-Ukraine, fait partie d'un programme plus complet. Or, nous devons faire tous les efforts nécessaires pour poursuivre cette approche multidimensionnelle.
Dans ce contexte, l'Accord de libre-échange Canada-Ukraine permet de renforcer le volet économique du programme de stabilisation plus vaste du Canada.
[Traduction]
Cependant, l'accord est aussi primordial d'un point de vue symbolique. Il prouve l'engagement continu du Canada à l'égard de la nation et de la population ukrainiennes et de leur prospérité collective.
Je suis ravi que l'Accord de libre-échange Canada-Ukraine ait reçu l'appui unanime de la Chambre des communes et je suis persuadé qu'il recevra le même appui au Sénat. La raison de cela est simple : les Canadiens sont unis derrière les mesures prises par le Canada pour soutenir l'Ukraine. À bien des égards, cet appui offre une dimension morale cruciale à l'Accord de libre-échange Canada- Ukraine. Je serai fier d'assister à son adoption au Sénat du Canada et j'encourage tous les sénateurs à l'appuyer.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Une voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Harder, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.)
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Campbell, appuyée par l'honorable sénateur Pratte, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes à d'autres lois.
L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, dans ce qui — je l'espère — sera mon tour du chapeau à moi, je parlerai aujourd'hui du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes à d'autres lois.
Cette mesure législative doit être adoptée de toute urgence, car elle permettra de sauver des vies en s'attaquant à la crise des opioïdes qui continue de secouer le Canada et en réglant la question des centres d'injection supervisée. Nous avons besoin dès maintenant des dispositions qui s'y trouvent pour protéger la population, et surtout les jeunes, contre les décès par surdose et pour prévenir d'autres tragédies.
Depuis trop longtemps, il est question presque tous les jours dans les journaux des tristes décès qui surviennent un peu partout au pays. Or, il s'agit bien souvent de jeunes. L'augmentation fulgurante du nombre de décès par surdose s'explique en bonne partie à la popularité grandissante de deux opioïdes mortels, le fentanyl et le carfentanil.
Je crois sincèrement que nous avons l'obligation, envers le public en général et les parents en particulier, d'adopter le projet de loi C- 37 le plus rapidement possible. Des vies sont en jeu. Sans les changements législatifs contenus dans le projet de loi C-37, chaque jour accroît les dangers qui pèsent inutilement sur les Canadiens, et plus particulièrement sur les jeunes et les personnes marginalisées, qui sont les plus susceptibles de mourir d'une surdose.
Je remercie d'ailleurs le sénateur Campbell d'avoir parrainé le projet de loi. Je le remercie, en outre, de l'excellente allocution qu'il a prononcée la semaine dernière. Je remercie enfin sincèrement le porte-parole du parti conservateur dans ce dossier, le sénateur Dagenais, d'avoir pris la parole aussi rapidement. Son allocution a prouvé que les débats importants peuvent se faire rapidement et que nous sommes tout à fait capables d'agir de manière réfléchie, même dans l'urgence.
Il y a urgence, en effet, et c'est elle qui doit rythmer les délibérations entourant le projet de loi C-37. Comme pour tous les textes législatifs, nous devons bien entendu l'étudier attentivement, mais nous devons aussi faire vite. Voilà pourquoi je conclurai mon allocution aujourd'hui en demandant au Sénat de renvoyer le projet de loi au comité d'ici la fin de la journée jeudi, puisque nous prendrons alors deux semaines de pause. Les sénateurs qui souhaitent prendre part au débat à l'étape de la deuxième lecture peuvent encore le faire, mais je demande à tous ceux qui n'auront pas encore pris la parole jeudi en fin de journée de réserver leur intervention pour l'étape de la troisième lecture, afin que l'on puisse le renvoyer au comité.
J'en profite pour rappeler aux sénateurs que l'étape de la deuxième lecture est celle du débat pendant lequel les sénateurs doivent déterminer s'ils souscrivent au principe qui sous-tend le projet de loi.
(1450)
Honorables sénateurs, étant donné que des vies sont en jeu, je crois que le Sénat est prêt à appuyer le principe du projet de loi. Utilisons la pause de deux semaines pour préparer l'étude de la mesure législative en comité. Les sénateurs qui souhaitent prendre la parole sur certains aspects du projet de loi C-37 auront amplement le temps de le faire à l'étape de la troisième lecture. Je ne répéterai pas les propos du sénateur Campbell, qui, en compagnie du sénateur White, a fait preuve d'un leadership hors pair au Sénat dans la lutte contre les conséquences funestes de la consommation d'opioïdes. Je vais cependant exposer brièvement les propositions contenues dans le projet de loi C-37 et expliquer de quelles façons elles permettront immédiatement de sauver des vies au Canada.
En fait, le projet de loi C-37 permettra aux agents des douanes d'ouvrir le courrier international pesant moins de 30 grammes, ce qu'ils ne peuvent faire en ce moment. Pour évaluer l'importance de ce changement, il suffit de savoir qu'une enveloppe de taille standard, de 30 grammes, peut contenir suffisamment de fentanyl pour causer 15 000 surdoses — une enveloppe aux 15 000 conséquences potentielles. Le projet de loi autoriserait la fouille de ces enveloppes, ce qui n'est pas le cas en ce moment. Le fait d'empêcher un seul de ces paquets d'atteindre les rues peut prévenir de nombreux décès par surdose au Canada.
De plus, le projet de loi C-37 interdira l'importation non enregistrée de presses à comprimés et d'instruments d'encapsulation, lesquels sont susceptibles d'être utilisées pour fabriquer illégalement des stupéfiants.
Je suis sénateur pour Ottawa. Il s'agit de ma communauté, et j'ai l'impression d'avoir une responsabilité particulière envers les gens de cette ville. Ainsi, je m'en voudrais de ne pas mentionner la perte déchirante de Chloe Kotval à Kanata le mois dernier. Âgée de seulement 14 ans, Chloe était une élève de neuvième année. Elle a fait une surdose en consommant des comprimés d'ordonnance contrefaits, auxquels du fentanyl avait été ajouté. Il n'est donc pas surprenant que des centaines de parents se soient rassemblés lors de deux rencontres, qui ont été organisées en février à Kanata, pour apprendre comment administrer la naloxone, un antidote aux opioïdes. Les histoires comme celle de Chloe deviennent beaucoup trop fréquentes, et les parents ont raison d'avoir peur.
Avec ces comprimés qui circulent, si mon fils et ses amis étaient encore à l'école secondaire, je m'inquièterais aussi. Aucune collectivité ou strate démographique n'est à l'abri de ce fléau, et je répète, pour bien le souligner, que les enjeux ne pourraient être plus élevés.
Le projet de loi C-37 contient d'autres mesures importantes pour prévenir les décès ainsi que les méfaits attribuables à la crise des opioïdes. Le projet de loi crée des sanctions administratives pécuniaires pour les plus de 600 distributeurs autorisés qui fabriquent, vendent et distribuent des substances contrôlées afin de réduire les risques de détournement de ces substances.
Le projet de loi C-37 simplifie également la procédure d'approbation régissant la création de nouveaux centres de consommation supervisée en remplaçant les 26 critères actuellement en vigueur par les 5 facteurs établis dans la décision rendue en 2011 par la Cour suprême du Canada au sujet d'Insite. Il a été prouvé que ces centres sauvent des vies et contribuent à améliorer la santé des gens sans nuire aux collectivités environnantes. Cela représente un autre changement d'une importance vitale.
L'an dernier, en Colombie-Britannique seulement, plus de 900 personnes sont décédées d'une surdose de drogue. Il s'agit d'une augmentation de 80 p. 100 par rapport à l'année précédente. Les gens qui ont recours aux centres de consommation supervisée sont parmi les personnes les plus marginalisées et les plus vulnérables de notre société. En aidant à sauver ces personnes d'une mort par surdose, le projet de loi C-37 permet d'adopter une position morale solide et de montrer que, au Canada, toutes les vies sont importantes.
Honorables sénateurs, j'aimerais remercier le sénateur Dagenais d'avoir parlé du projet de loi C-37 si rapidement. Je tiens à souligner encore une fois que nous ne devons pas faire durer le débat à l'étape de la deuxième lecture au-delà de cette semaine. Nous devons renvoyer le projet de loi C-37 au comité au plus tard ce jeudi. Ainsi, nous devons adopter le projet de loi en principe afin de donner au comité les deux prochaines semaines pour se préparer à l'étudier. Les sénateurs et leur personnel peuvent également utiliser ce temps pour rédiger les observations qu'ils voudront formuler à l'étape de la troisième lecture. Ralentir le débat avec des ajournements serait injustifiable aux yeux des Canadiens victimes de cette pandémie. Les surdoses d'opioïdes sont une crise dans laquelle chaque jour compte. Des vies sont en jeu. Le Sénat doit agir. Je vous invite à participer.
Son Honneur le Président : Sénateur Harder, accepteriez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Harder : Oui.
L'honorable Vernon White : Sénateur Harder, pourriez-vous nous dire quelles parties du projet de loi auraient pu être mises en œuvre au moyen d'un règlement plutôt que d'une loi?
Le sénateur Harder : Sénateur, je n'ai pas le projet de loi sous les yeux. Je pense que le projet de loi a pour but de donner l'assurance au ministre que, en fait, les dispositions législatives permettront le traitement des cas et qu'elles feront en sorte que la réduction des méfaits, en particulier dans les centres de consommation, ait lieu plus rapidement qu'avant.
Le sénateur White : Si je vous pose cette question, c'est que, le printemps dernier, nous avons présenté au Sénat un projet de loi que le gouvernement aurait pu faire adopter en 48 heures. En fait, il s'est écoulé six ou sept mois avant que le gouvernement inscrive dans la réglementation exactement les mêmes mesures que nous avons été obligés d'adopter dans un projet de loi. C'est la raison pour laquelle j'ai posé cette question. Je vais donc demander à un employé des services juridiques de se pencher là-dessus.
Ma deuxième question porte sur les centres d'injection supervisée. À l'heure actuelle, ces centres fonctionnent de la façon suivante : une organisation criminelle produit un poison non pharmaceutique qu'elle vend à un trafiquant dans la rue, qui, à son tour, le vend à un toxicomane, qui va ensuite s'injecter le produit dans un centre médical. Ce qui me préoccupe, c'est l'implication du milieu criminel et le fait que les toxicomanes ne consomment pas de produits pharmaceutiques. Ne serait-il pas plus logique que le gouvernement suive le modèle de la méthadone, qui est un opioïde, et qu'il demande aux centres d'injection supervisée de fournir aux patients les produits prescrits par un médecin afin de répondre à leurs besoins et de les garder en vie?
Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de sa question, qui est très importante. La semaine dernière, le sénateur Campbell a posé cette question à la ministre de la Santé lors de son passage au Sénat. Je le répète : elle a confirmé que les professionnels de la santé, les gouvernements provinciaux et les fournisseurs de soins de santé disposent déjà des pouvoirs nécessaires pour fournir des médicaments d'ordonnance dans les centres de consommation. Le projet de loi ne contient aucune disposition qui interdirait une telle pratique. Bien franchement, il est inutile que le projet de loi précise que cette pratique est permise, puisqu'elle existe déjà.
Le sénateur White : Je vous remercie de ce rappel, car alors, pour faire ce que nous voulons faire, c'est-à-dire aider les toxicomanes à ne plus consommer des drogues illicites qui causent des décès, nous possédons déjà les outils nécessaires. À Ottawa, il y a actuellement neuf emplacements qui prescrivent des opioïdes — de la méthadone. Tout ce qu'il leur faudrait vraiment, c'est des médecins qui puissent prescrire les doses nécessaires d'opioïdes, de stupéfiants ou de médicaments pharmaceutiques aux toxicomanes pour les garder en vie.
Ce qui inquiète les habitants d'Ottawa et moi en ce qui a trait à cette façon de procéder, c'est le fait que le projet de loi ne libère pas les toxicomanes de l'emprise de la drogue. Ce qu'il fait, c'est offrir aux toxicomanes un autre endroit où ils peuvent s'injecter les drogues. Je dirais que ce que la population de notre ville souhaite, c'est libérer les toxicomanes de l'emprise de la drogue.
D'après moi — et corrigez-moi si je me trompe —, le gouvernement devrait favoriser l'ouverture d'un centre d'injection supervisée qui fournirait des drogues de qualité pharmaceutique.
Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénateur de sa question et sa passion manifeste pour ce sujet. Comme l'a dit clairement la ministre lorsqu'elle était ici, cette crise nécessite qu'un consortium d'administrations collabore en harmonie.
Le gouvernement agit conformément à ses obligations et aux lois. De toute évidence, ce projet de loi touche directement aux obligations liées aux sites de consommation, et travailler avec d'autres ordres de gouvernement, qui ont une responsabilité dans le domaine que vous avez mentionné, est effectivement une idée qui est la bienvenue. Lorsqu'elle était ici, la ministre a mentionné qu'il n'y a rien qui empêche ces administrations d'agir, dans les limites de leurs compétences, en ce qui concerne la disposition liée aux médicaments pharmaceutiques obtenus au moyen d'une prescription.
Le sénateur White : Pour commencer, comme je ne l'ai pas dit plus tôt, je félicite le gouvernement pour les autres éléments du projet de loi sur lesquels je suis tout à fait d'accord. Je pense sincèrement qu'il sauvera des vies.
Je demande que, contrairement à l'autre endroit, nous tenions un débat complet sur les répercussions des centres d'injection supervisée qui continuent d'utiliser le poison vendu par des organisations criminelles. Je serais donc heureux que le comité soit saisi de ce projet de loi.
Le sénateur Harder : J'aimerais simplement inviter les sénateurs, comme l'a suggéré le sénateur White dans sa question, à tenir ce débat dans le cadre des audiences du comité, et je souhaite, comme l'a mentionné l'honorable sénateur, que ce projet de loi soit renvoyé sans délai au comité.
L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Sénateur Harder, répondriez- vous à une autre question?
Le sénateur Harder : Bien sûr.
La sénatrice Stewart Olsen : Vous avez mentionné, dans votre allocution, que, selon des études, ces centres d'injection ont permis de sauver des vies. Je serais heureuse que vous me transmettiez cette information, car je n'ai rien trouvé de tel durant mes recherches.
(1500)
Dans ce cas, pourquoi le projet de loi du gouvernement ne prévoit-il pas un examen approfondi de l'efficacité de ces centres d'injection avant qu'on procède à l'ouverture d'autres centres?
Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question. Je peux affirmer que cela a déjà été fait. En ce qui a trait aux données, je serais ravi de faire en sorte qu'elles soient fournies au comité sénatorial et à la sénatrice aussitôt que possible.
La sénatrice Stewart Olsen : Je vous en remercie. J'ai hâte d'en prendre connaissance. Je ne suis pas convaincue du mérite de réduire les critères pour les centres d'injection qui s'inspirent du modèle du centre Insite, car je trouve que les critères proposés sont généraux et peuvent être interprétés de plusieurs façons par les différentes administrations. Il n'y a pas suffisamment de balises pour assurer la sécurité dans les collectivités.
Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question et je veux lui assurer que l'objectif du gouvernement est d'accélérer le processus d'approbation des centres de consommation. C'est pourquoi le gouvernement fait passer le nombre de critères de 26 à 5, soit ceux qui sont énoncés dans le jugement de la Cour suprême. Bien entendu, c'est un autre sujet sur lequel le comité devra se pencher pour assurer à tous les sénateurs qu'il s'agit des questions et des mécanismes appropriés pour considérer une demande.
L'honorable Larry W. Campbell : L'honorable sénateur Harder accepterait-t-il de répondre à une question?
Le sénateur Harder : Oui.
Le sénateur Campbell : Sénateur, connaissez-vous le nombre d'articles évalués par les pairs rédigés au sujet d'Insite qui ont été publiés? Savez-vous que, chaque année, on dépense 500 000 $ en travaux de recherche à Insite et que les résultats ont montré une diminution des méfaits, du nombre de décès, des troubles dans la collectivité et du commerce de la drogue?
Le sénateur Harder : Merci à l'honorable sénateur de sa question. J'étais au courant du budget de recherche de 500 000 $, car c'est grâce aux efforts de l'ancien maire de Vancouver que les fonds ont été débloqués pour ces travaux de recherche suivis.
Quant à l'autre partie de votre question, je ne sais pas, mais sans doute que vous, vous le savez.
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : J'ai une question complémentaire. J'ai habité à Vancouver pendant plus de 40 ans. Il se peut fort bien que les recherches aient été faites, et il existe peut-être des données probantes solides, mais, comme simple citoyenne, lorsque je me rends dans Downtown Eastside, lorsque j'entends parler de ce qui s'y passe, lorsque je discute avec les hommes et femmes d'affaires qui sont directement touchés dans le Chinatown historique, je constate qu'il existe des preuves anecdotiques de l'impact négatif sur la ville et la région.
Je partage les inquiétudes de la sénatrice Stewart Olsen au sujet de la simplification du processus, le nombre de critères étant ramené de 26 à seulement 5, et des conséquences pour un quartier qui ne peut être consulté sérieusement et se préparer à accepter un établissement qui aura sur lui un effet prononcé. Que dites-vous de ces préoccupations au sujet de la simplification du processus? Y aura- t-il des consultations exhaustives?
Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question. Je tiens à insister sur le fait que le projet de loi C-37 ne constitue pas une solution magique à la crise des opioïdes. Il fait partie de toute une gamme de solutions proposées par tous les ordres de gouvernement. Il se trouve qu'il est la réponse du gouvernement du Canada dans les domaines qui sont de son ressort.
Je tiens aussi à être ouvert, comme la ministre l'a été dans ses réponses la semaine dernière, en reconnaissant que la coopération de tous les ordres de gouvernement est une nécessité, notamment à l'égard de l'utilisation des lieux désignés de consommation, si nous voulons obtenir les meilleurs résultats.
Je dois dire que l'écrasante majorité des études fait ressortir l'importance de sites de consommation si nous voulons gérer cette épidémie, et il incombe au gouvernement du Canada d'apporter, dans son champ de compétence, des modifications législatives qui permettront un examen plus rapide de la question dans les quartiers qui souhaitent avoir chez eux des sites de consommation. Il va sans dire que, au comité, nous aurons amplement l'occasion de discuter des préoccupations que vous avez soulevées, madame la sénatrice. J'espère que nous pourrons le faire bientôt.
Le sénateur Campbell : Le sénateur Harder accepterait-il de répondre à une autre question?
Le sénateur Harder : Oui.
Le sénateur Campbell : Monsieur le sénateur Harder, savez-vous que, de 2005 à aujourd'hui, de nombreuses collectivités, un peu partout au Canada, ont reconnu qu'un unique centre d'injection n'est pas une panacée, qu'elles ont passé beaucoup de temps et dépensé beaucoup d'argent pour amener le précédent gouvernement conservateur à examiner la question et à autoriser des centres d'injection supervisée, qu'elles ont constamment essuyé des refus, si bien que nous nous retrouvons aujourd'hui avec le chaos dont la leader adjointe de l'opposition vient de parler?
Le sénateur Harder : Monsieur le sénateur, je suis d'accord avec vous et je ferai remarquer que la ministre en poste s'occupe de ce dossier depuis sa nomination. Vous n'ignorez pas que tous les intervenants, y compris tous les ordres de gouvernement, se sont réunis pour une conférence d'urgence dont ont découlé toute une gamme de mesures que divers intervenants se sont engagés à prendre.
La ministre s'est engagée à proposer ce projet de loi comme élément de la réponse du gouvernement du Canada. C'est dans ce contexte que j'exhorte tous les sénateurs à donner le feu vert au projet de loi C-37, afin que les Canadiens puissent constater que le gouvernement du Canada fait sa part.
La sénatrice Stewart Olsen : J'ai une question complémentaire à poser au sénateur. Je comprends ce que vous dites au sénateur Campbell, mais je crois que nous nous causerions un grand tort en n'évacuant pas de ce dossier tout esprit de parti. Le problème épouvantable de la toxicomanie et des maladies liées à l'usage des drogues touche l'ensemble de notre pays, et il me semble que tous, à leur façon, ont fait de leur mieux pour évaluer la situation et intervenir. Je voudrais que cela continue.
Le sénateur Harder : Je n'ai pas voulu manifester d'esprit partisan dans mon allocution ou mes observations. J'estime toutefois que tous les ordres de gouvernement et tous les intervenants touchés, y compris les groupes d'action communautaire, doivent unir leurs efforts pour lutter contre cet énorme problème, que nous avons tous un rôle à jouer et que le projet de loi C-37 fait partie des mesures que doit prendre le gouvernement du Canada. Passons à la prochaine étape.
La sénatrice Martin : Si je puis me permettre, je n'ai pas parlé de « chaos ». Je sais que ce dossier est très complexe et qu'il suscite des réactions chez bien des gens qui sont directement touchés par ce qui se passe. De nombreuses personnes travaillent avec ardeur et dévouement, mais il ne faut pas oublier les citoyens qui subissent les conséquences de cette situation depuis de nombreuses années; le problème est très complexe.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
La Loi sur l'hymne national
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suspension du débat
L'honorable Frances Lankin propose que le projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre), soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je suis ravie de pouvoir parler de ce projet de loi, qui porte sur notre hymne national et reflète l'évolution de l'Ô Canada.
J'ai ainsi l'occasion d'en parler la veille de la Journée internationale de la femme et pendant l'année du 150e anniversaire du Canada. Pour plusieurs raisons, je suis fière de contribuer au débat entourant la modification de notre hymne national, qui se poursuit malheureusement depuis des années.
(1510)
J'aimerais tout d'abord m'attarder sur un texte rédigé par la Bibliothèque du Parlement en 2015, à l'occasion du 35e anniversaire de la désignation de l'Ô Canada comme hymne national officiel. Adopté d'abord dans le Canada français, l'hymne n'est chanté dans sa version anglaise que depuis le début du XXe siècle.
Le texte est intéressant parce qu'il décrit le contexte historique. Si vous n'y voyez pas d'objection, j'aimerais le lire pour qu'il soit consigné au compte-rendu. Il est question du 35e anniversaire de l'Ô Canada. Je cite :
Pendant plus d'une centaine d'années, plusieurs versions de ce chant ont été entonnées, mais il a fallu attendre jusqu'au 1er juillet 1980 pour que la pièce soit officiellement reconnue comme l'hymne national du Canada, avec l'entrée en vigueur de la Loi sur l'hymne national.
La Loi fixe les paroles de l'« Ô Canada » dans les deux langues officielles, ainsi que la mélodie de l'hymne. On a depuis tenté à de nombreuses reprises de modifier les paroles anglaises de l'hymne national, mais sans succès.
Les origines de l'hymne national : un chant patriotique du Canada français
L'« Ô Canada » est composé à l'occasion du Congrès national des Canadiens français, qui a lieu à Québec le 24 juin 1880, le jour de la Saint-Jean-Baptiste. Calixa Lavallée, compositeur de renom, compose la mélodie et sir Adolphe- Basile Routhier, juge et poète, rédige le texte français, que l'on chante encore aujourd'hui sous sa forme originale.
Voilà qui est absolument remarquable. Cela indique que la version française était neutre dès le début et qu'elle le demeure à ce jour. C'est pourquoi tant de nos collègues francophones nous disent : « Faites ce que vous avez à faire. Les paroles de l'hymne ne nous posent aucun problème. Nous les aimons. Nous en sommes contents. »
Bien que l'hymne soit rapidement adopté comme chant patriotique dans le Canada français, ce n'est qu'à partir du début du XXe siècle qu'il gagne en popularité dans le Canada anglais. Plusieurs traductions anglaises sont proposées, mais aucune ne connaît de succès.
Pendant plusieurs années, on entend au cours d'événements publics diverses versions anglaises de l'« Ô Canada ». C'est en 1908 que l'honorable Robert Stanley Weir, juge de la Cour de l'Échiquier du Canada (aujourd'hui la Cour fédérale du Canada), rédige la version anglaise de l'hymne que l'on connaît aujourd'hui.
O Canada! Our home and native land! True patriot love thou dost in us command. We see thee rising fair, dear land, The True North, strong and free; And stand on guard, O Canada, We stand on guard for thee.
Source d'unité en période de crise
Au cours de la Première Guerre mondiale, l'hymne devient populaire d'un océan à l'autre, ainsi que parmi les soldats canadiens déployés à l'étranger. Il devient alors une source d'unité en période de crise.
En 1915, il est entonné au cours d'un service commémoratif en l'honneur des soldats canadiens tenu à la cathédrale St. Paul's, à Londres. À la fin des années 1920, on commence à chanter l'« Ô Canada » quotidiennement dans de nombreuses écoles.
Malgré la vaste popularité de l'hymne, ce n'est qu'au cours des années 1960 que l'on propose de faire de l'« Ô Canada » l'hymne officiel du pays. Le 31 janvier 1966, le premier ministre Lester B. Pearson dépose à la Chambre des communes une motion demandant « [q]ue le gouvernement soit autorisé à prendre les mesures nécessaires pour décréter que ``Ô Canada'' est l'hymne national du Canada, tandis que ``Dieu protège la Reine'' est l'hymne royal au Canada. »
La Chambre des communes adopte la motion et, en 1967, un sous-comité spécial est chargé d'étudier la question. Ce dernier recommande l'adoption de la version originale française et d'une version modifiée du texte de M. Weir.
La Loi sur l'hymne national
En juin 1980, peu de temps après le référendum du Québec, le Parlement adopte rapidement la Loi sur l'hymne national.
Je voudrais simplement souligner à mes collègues à quel moment cela s'est produit. Rappelons-nous que c'est en 1966 que le premier ministre Pearson propose une motion en vue de créer l'hymne national. En 1967, un comité spécial est formé pour en déterminer les paroles — les paroles en français ont toujours été les mêmes — et considérer d'autres modifications aux paroles de Weir.
Ce n'est qu'en 1980 que la Loi sur l'hymne national est adoptée, immédiatement après le référendum au Québec. Une fois de plus, nous cherchions à souligner notre unité en tant que pays — en l'occurrence, notre loyauté les uns envers les autres, en tant que Canadiens français et Canadiens anglais, formant un seul Canada, vaste et grand, comme le disent les paroles anglaises de l'hymne.
Le poème de 1908 de M. Weir est raccourci et légèrement modifié pour la version anglaise de l'hymne, qui commence : « O Canada! Our home and native land! True patriot love in all thy sons command. » (Ô Canada, notre patrie et pays natal. Objet de l'amour patriotique de tous tes fils.) Le texte français de M. Routhier est adopté dans sa version originale de 1880.
Le débat sur le projet de loi est court...
Encore là, cela se produit à la suite du référendum, alors qu'il y a un espoir et un désir de créer un symbole important de notre unité en tant que pays.
Le débat sur le projet de loi est court; on promet que des modifications à la Loi pourront être étudiées après son adoption. Le secrétaire d'État et ministre des Communications de l'époque, Francis Fox, fait la déclaration suivante à la Chambre des communes :
Beaucoup souhaiteraient remplacer les mots « sons » et « native land » de la version anglaise [...] afin de mieux peindre la réalité canadienne. Je crois que tous les députés sont d'accord là-dessus. Je tiens par conséquent à assurer à la Chambre que, pendant la prochaine session du Parlement, le gouvernement sera tout à fait disposé à accepter qu'un bill d'initiative parlementaire ou plusieurs bills [...] soient soumis à l'étude du comité compétent de la Chambre.
C'était en 1980. Depuis, on a essayé de modifier l'hymne national par 12 projets de loi.
En dépit de maintes discussions et de nombreuses tentatives de révision, la Loi n'a jamais été modifiée. Depuis 1980, 12 projets de loi portant modification de l'hymne national ont été présentés, soit neuf projets de loi d'initiative parlementaire et trois projets de loi émanant du gouvernement, mais tous ont été rejetés.
La grande majorité des modifications réclamées visent à rendre le texte anglais de l'hymne neutre sur le plan des genres. Ainsi, dix projets de loi visaient à remplacer l'expression « thy sons » (tes fils) par « of us » (nous) ou « our hearts » (nos cœurs).
En outre, un projet de loi, présenté en 1980, visait à supprimer le mot « native » de la version anglaise de l'hymne, et un autre projet de loi, présenté en 2003, visait à établir une version bilingue de l'hymne national afin de refléter la dualité linguistique du Canada.
Par ailleurs, dans le discours du Trône de 2010, le gouverneur général a annoncé que le « gouvernement demandera [...] au Parlement d'examiner la formulation anglaise neutre de la version originale de l'hymne national. »
Ce que je veux dire, c'est que, lorsque cette mesure législative a été adoptée, à savoir la Loi sur l'hymne national, on attachait beaucoup d'importance aux symboles d'unité du pays. Elle a d'ailleurs été adoptée sans beaucoup de débats, alors qu'elle était envisagée depuis des décennies. Dans les circonstances, on pensait qu'elle serait réexaminée et que le gouvernement serait ouvert à ce que le libellé de l'hymne national soit neutre. Cela était bien compris et plusieurs étaient probablement en faveur d'une telle modification. Il y a eu depuis diverses tentatives en ce sens. Les gouvernements qui se sont succédé ont examiné et proposé des changements visant à adopter un hymne national au libellé neutre.
À ceux qui affirment que l'hymne national ne peut être changé — et ce n'est d'ailleurs pas ce qu'on dit tous ceux qui se sont opposés au projet de loi, mais certains ont invoqué le caractère sacré de l'hymne national comme argument pour ne pas le modifier —, je dirais qu'on a toujours envisagé la possibilité qu'il soit modifié. Depuis son adoption à titre d'hymne national en 1980, on a prévu qu'il y aurait des changements et particulièrement des changements par rapport à un libellé neutre.
Nous sommes donc ici aujourd'hui pour étudier le projet de loi C- 210 à l'étape de la troisième lecture.
(1520)
Honorables sénateurs, à l'autre endroit, la première lecture de ce projet de loi a eu lieu il y a plus de 14 mois, le 27 janvier 2016. La plupart d'entre vous savent que le projet de loi C-210 a été présenté par le regretté Mauril Bélanger. À l'étape de la deuxième lecture, il a dit croire que les « Canadiens sont maintenant prêts pour un hymne national inclusif ». Je suis plutôt d'accord avec lui.
Le projet de loi C-210 propose de modifier l'hymne national afin de remplacer les mots « thy sons » par « of us » dans la version anglaise. Honorables sénateurs, on propose de changer deux mots, de remplacer « thy sons » par « of us ». Selon le parrain du projet de loi et bien d'autres personnes au pays, moi y compris, ce changement est le bienvenu. Il est le bienvenu parce qu'il remplira la promesse faite aux Canadiens, en 1980, de se pencher sur les mots « thy sons » une fois la Loi sur l'hymne national promulguée. Il est le bienvenu parce qu'il rendra l'hymne plus neutre. Il est le bienvenu parce qu'il permettra à tous les Canadiens de se reconnaître dans les paroles de leur hymne national.
Je cite Randy Boissonnault, secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, qui a dit ceci à l'autre endroit :
Ce débat vise à adapter notre hymne national aux réalités du XXIe siècle. [...] [N]ous voulons le rendre neutre et nous assurer qu'il est axé sur l'avenir. Qu'y a-t-il de plus canadien que cela?
Honorables sénateurs, ce projet de loi a été adopté à l'autre endroit, le 10 juin 2016, par un vote de 225 contre 74. La sénatrice Nancy Ruth l'a présenté au Sénat le 21e jour du même mois. Comme elle l'a souligné, c'est le onzième projet de loi proposé à l'autre endroit pour modifier la deuxième ligne de la version anglaise de l'hymne afin de le rendre plus neutre et plus inclusif pour tous les Canadiens.
J'étais curieuse d'en apprendre davantage sur ces 11 tentatives, et je me suis demandé quand elles avaient commencé. La première tentative que j'ai trouvée — mise à part la référence de 1980 sur laquelle je reviendrai, au sujet de formulations non sexistes — est celle du député Crosby. Il a présenté, en 1984, le projet de loi C-247 dans le but de remplacer, dans la version anglaise de l'hymne national, les mots « thy sons » par « of us ». En 1985, il présente le projet de loi C-243, qui vise encore à remplacer « thy sons » par « of us ». Le même changement est proposé par le député Stackhouse en 1985, dans le projet de loi C-251, et par le député Crosby en 1986, dans le projet de loi C-232.
Cette histoire a donc commencé il y a 33 ans. Il ne s'est rien passé pendant quelques années puis, en 1993, le député Nunziata propose le projet de loi C-439. Comme l'idée de remplacer « thy sons » par « of us » n'a pas porté ses fruits, il suggère d'adopter « our hearts ». Ce même changement est proposé en 1994 par le député Robinson dans le projet de loi C-264.
Tout cela a commencé il y a plus de 33 ans! Les six exemples que j'ai mentionnés nous amènent jusqu'à 1994. Il y a ensuite une interruption de quelques années, puis les démarches reprennent ici, au Sénat.
Regardons de plus près ce qui s'est produit au cours des 15 dernières années. En 2002, la sénatrice Vivienne Poy propose le projet de loi S-39, visant à remplacer « thy sons » par « of us ». Elle propose le même changement en 2003, dans le projet de loi S-3. En 2011, la députée Libby Davies propose, à son tour, le même changement dans le projet de loi C-626. En 2014, le projet de loi C- 624, présenté par le député Mauril Bélanger, vise encore une fois à remplacer « thy sons » par « of us ». Enfin, comme on le sait, la mesure dont nous débattons actuellement, le projet de loi C-210 présenté l'an dernier par le regretté Mauril Bélanger, propose aussi de remplacer « thy sons » par « of us ».
Honorables sénateurs, au cours des 15 dernières années, ce même amendement dont nous sommes saisis aujourd'hui nous a été proposé à cinq reprises dans des projets de loi venant de la Chambre des communes ou directement déposés au Sénat. Depuis, 23 orateurs en ont parlé dans le cadre de l'étude d'un projet de loi ou d'un autre, et plusieurs d'entre eux sont intervenus plus d'une fois. J'ai pensé que cela était important parce que nous discutons souvent de la nécessité de veiller à bien étudier les mesures législatives et les changements. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons juger très importantes et qui exigent ce genre d'examen approfondi. Il est évident que notre hymne national en fait partie. Je crois qu'il est important que nous ayons eu la possibilité d'y réfléchir sérieusement.
Toutefois, même si cet amendement a été examiné — il a en fait été étudié deux fois par des comités sénatoriaux qui l'ont renvoyé au Sénat sans modifications —, personne n'a voulu substituer les mots « of us » aux mots « thy sons ». Pourtant, honorables collègues, nous devons encore nous prononcer sur cette modification de la Loi sur l'hymne national.
Je vais encore répéter : 33 ans; la dernière démarche entreprise il y a 15 ans; 5 projets de loi; la même modification; de nombreux orateurs; plusieurs sénateurs qui ont pris la parole plusieurs fois; les mêmes arguments présentés, de très bons arguments pour et contre, des points importants; des études en comité; deux rapports au Sénat. Pourtant, nous devons encore nous prononcer.
Pour certains projets de loi proposant cette modification, le débat a été ajourné 28 fois. Il y a eu des prorogations. De multiples raisons ont empêché la majorité de prendre une décision. Toutes sortes d'opinions, majoritaires et minoritaires, ont été exprimées, mais aucune décision n'a jamais été prise dans un sens ou dans l'autre. Nous avons donc beaucoup débattu cet amendement. C'est important. Nous en sommes maintenant au troisième mois de 2017, qui marque le 150e anniversaire de notre pays, en train d'examiner objectivement si l'égalité entre hommes et femmes est assez importante pour changer deux mots de notre hymne national. Je répète encore que cela en vaut la peine, à mon avis.
Il est également important de noter que les Canadiens appuient le changement proposé. Ce n'était peut-être pas le cas il y a 33 ans. Je laisse aux historiens le soin de décider. Les sondages réalisés en 2016 ont révélé que 62 p. 100 des Canadiens sont en faveur du changement et que 19 p. 100 seulement y sont opposés.
Comme je l'ai déjà dit, les arguments avancés pour et contre l'amendement sont réfléchis. Des sénateurs ont fait valoir que cet amendement créerait une pente glissante. Ils croient qu'il établirait un précédent qui ouvrirait la voie à des débats sur l'expression « our home and native land » qui semble exclure ceux qui ne sont pas nés au Canada, l'expression « God keep our land glorious and free » qui pourrait choquer les athées ou même l'expression « we stand on guard for thee » que certains peuvent juger trop militariste.
Ma réponse aux tenants de ces points de vue est la suivante : peut- être que oui, peut-être bien que non. En fait, nous ne le savons pas. Toutefois, nous ne pouvons pas faire abstraction du changement : changement culturel, évolution de la sensibilité du pays. Nous ne pouvons pas négliger le changement en espérant qu'il disparaîtra. Il ne disparaîtra pas, comme en témoigne le fait que ce projet de loi est encore soumis au Parlement pour la cinquième fois en 15 ans et pour la onzième fois en 33 ans.
Les sénateurs qui sont opposés à la modification disent que, traditionnellement, l'hymne national est entonné pendant que notre drapeau est hissé devant des athlètes nationaux lors de compétitions mondiales ou des Jeux olympiques. D'après eux, la modification de l'hymne national n'est pas nécessaire parce que ces fiers athlètes ont adopté notre hymne dans sa forme actuelle. J'imagine que ces fiers athlètes doivent avoir une incroyable montée d'adrénaline et de forts sentiments patriotiques lorsqu'ils voient monter le drapeau et entendent chanter notre hymne.
Je dois rappeler au Sénat que nous avons parmi nous des athlètes olympiques de sexe féminin qui ont appuyé le changement proposé. De plus, l'athlète paralympique Kristen Kit, qui a comparu devant notre comité, a dit que, à son avis, un hymne national non sexiste signifie qu'elle-même fait partie de l'identité canadienne sur un pied d'égalité, ajoutant qu'elle veut être incluse dans l'hymne quand elle le chantera la prochaine fois qu'elle montera sur le podium. Je lui présente tous mes vœux et j'espère qu'elle montera très bientôt sur ce podium et pourra alors chanter officiellement un hymne qui ne l'exclut pas.
Il y a aussi des sénateurs qui ont parlé en faveur du changement de l'hymne national. En 2003, la sénatrice Spivak a dit, au sujet du changement : « Ce ne sont pas tous les Canadiens qui voient la nécessité d'apporter le changement, mais ceux qui le souhaitent le plus son ceux qui se sentent exclus à cause du libellé actuel. »
Chers collègues, ce sentiment d'exclusion a continué de s'accentuer au fil des ans parce que l'appel au changement n'a été ni entendu ni favorablement accueilli.
(1530)
Certains rejettent les tentatives de modification de l'hymne en disant que ce n'est qu'un désir de rectitude politique. J'ai lu, en particulier, des citations de certains des députés qui ont pris la parole à la Chambre des communes. J'estime que cela n'a rien à voir avec la rectitude politique et que cela déprécie le changement proposé. La modification a à voir avec l'histoire, le respect, l'inclusion. Elle vise à modifier l'un des éléments les plus importants de l'identité nationale pour l'aligner sur la réalité canadienne et sur le fait qu'hommes et femmes contribuent également au pays et que cela devrait se refléter dans nos symboles.
Le sénateur Munson a parlé de sa tante Eileen, qui était dans l'armée et était en poste à Ottawa pendant que le Canada était en guerre contre l'Allemagne. Avec de nombreuses femmes comme elle, elle a servi le Canada en temps de guerre et a contribué à sa croissance. Ce petit changement accordera aux Canadiennes la reconnaissance qu'elles méritent et qu'on leur a trop souvent niée.
Le 3 février 1967, la Commission royale sur la situation de la femme au Canada voyait le jour. Plusieurs d'entre nous ont participé à ce processus qui a abouti à la production du rapport de cette commission dirigée par Florence Bird. Le rapport, publié trois ans plus tard, a mené à l'établissement du fondement juridique et constitutionnel de l'égalité entre hommes et femmes, de la parité salariale, de l'égalité à l'embauche, de la politique nationale sur le congé de maternité, de la décriminalisation de l'avortement et de la création d'une fonction de ministre de la Condition féminine au sein du Cabinet. Même si nous continuons à tenter d'atteindre beaucoup de ces objectifs, le chemin parcouru témoigne de la mentalité postcoloniale du Canada, de notre dévouement à l'idée que nous devons viser l'égalité et considérer les femmes, les homosexuels, les transgenres...
Son Honneur le Président : Excusez-moi, madame la sénatrice. Il est maintenant 15 h 30. Je ne sais pas si la ministre est arrivée, mais, avec votre consentement, nous poursuivrons le débat. Dès son arrivée, nous prolongerons la période prévue afin de disposer quand même de 40 minutes.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
La sénatrice Lankin : Merci beaucoup, Votre Honneur.
Je parlais donc de notre dévouement à l'idée de l'égalité et de l'inclusion. Nous devons considérer les femmes, les homosexuels, les transgenres et les membres des minorités raciales et religieuses comme des personnes particulières qui ont des expériences et des attentes spécifiques.
Nous parlons souvent des expériences que nous avons vécues. Je demande à tous ceux et celles qui évoquent sincèrement la nécessité d'honorer les traditions de penser aussi à honorer l'expérience vécue et l'expérience de l'exclusion, et à travailler avec nous pour y remédier.
L'une des attentes évoquées partout au Canada, c'est que nous nous voyions nous-mêmes dans nos symboles nationaux. Comme je l'ai mentionné, les paroles de l'hymne national ont changé à plusieurs reprises. La dernière fois, c'était en 1968, je crois, avec l'amendement mentionné par la sénatrice Raine, qui a permis d'ajouter les mots « from far and wide ».
Comme la sénatrice Carney l'avait dit lorsque la même question s'était posée ici, il y a près de 15 ans, le changement des paroles de l'hymne national ne crée pas un précédent. Nous n'empiétons sur aucun droit d'auteur. C'est une affaire qui relève du domaine public et qui dépend donc de notre propre volonté.
Comme l'a dit le sénateur Wells, il y a une chose dans notre histoire que nous ne pouvons pas changer : c'est le fondement de ce que nous sommes aujourd'hui. Je conviens que ce point est vraiment très important, mais notre histoire commune constitue l'un des piliers de notre nation. Cette histoire évolue avec le temps, comme évoluent nos symboles et notre reconnaissance de ces changements et du fait que nous pouvons honorer le passé tout en respectant le présent et en envisageant l'avenir. Nous pouvons nous assurer aujourd'hui que l'hymne national est représentatif de notre histoire et qu'il témoigne de notre inclusivité et des réalisations de tous les membres de notre société.
Votre Honneur, je souhaite maintenant souligner et résumer certains, mais pas tous, des arguments qui ont été soulevés par d'autres sénateurs lors du débat à l'étape de la deuxième lecture de ce projet de loi.
Je commencerai par les honorables sénateurs qui ont pris la parole avant moi. Je ne les nommerai pas tous, mais je souhaite faire ressortir certains points en particulier. Je tiens à rendre hommage au regretté Mauril Bélanger pour tout le travail qu'il a fait dans ce dossier et vous lire les propos qu'il a tenus lors du débat à l'étape de la deuxième lecture à la Chambre :
En tant que Canadiens, nous nous interrogeons constamment sur la pertinence de nos hypothèses et de nos symboles. Les érables canadiens ont des racines profondes, mais ils continuent aussi sans cesse de s'étirer vers le ciel. Notre hymne peut lui aussi refléter nos racines et notre croissance.
Il poursuit ainsi :
Le Canada, c'est nous tous, pas seulement certains d'entre nous.
Il a aussi dit ceci :
[...] la version anglaise originale de 1908 disait : « True patriot love thou dost in us command ». [...] En 1913, cette phrase a été changée pour « True patriot love in all thy sons command ».
Enfin, il a dit ce qui suit :
À la veille de célébrer le 150e anniversaire de notre fédération, il est important que l'un de nos symboles nationaux les plus connus et appréciés de la population canadienne reflète les progrès réalisés sous notre union en matière d'égalité entre les hommes et les femmes.
(Le débat est suspendu.)
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénatrice. Après la période des questions, nous reprendrons le débat et vous disposerez du temps de parole qu'il vous reste. La ministre est arrivée.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer à la période des questions, je vous signale la présence à la tribune de Patrick McLean, directeur du Gerald R. Ford Institute for Leadership in Public Policy and Service de l'Albion College, ainsi que des étudiants suivants : Allison Harnish, Rebecca Enerson, Coleman Schindler, Maggie Belcher, Callie Belt, Kristen Jarzembowski et Isabel Allaway. Ils sont les invités de l'honorable sénatrice Cordy.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
PÉRIODE DES QUESTIONS
Conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l'honorable Chrystia Freeland, ministre des Affaires étrangères, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.
Son Honneur le Président : Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue au nom de tous les sénateurs.
[Français]
Le ministère des Affaires étrangères
La légalisation de la marijuana—Les obligations liées aux traités
L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Bienvenue, madame la ministre. La semaine dernière, la ministre de la Santé s'est jointe à nous pendant la période des questions au Sénat et, à cette occasion, la sénatrice Frum lui a demandé de préciser les intentions du gouvernement face à la légalisation de la marijuana, qui irait à l'encontre de trois traités internationaux auxquels adhère le Canada, c'est-à-dire la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, la Convention de 1971 sur les substances psychotropes et la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes de 1988. La ministre a confirmé que, en légalisant la marijuana, le Canada enfreindrait ces traités et qu'elle en a discuté avec vous récemment.
Madame la ministre, le gouvernement a-t-il l'intention de se retirer de ces traités ou de renégocier plutôt la participation soutenue du Canada dans ce domaine sous une forme ou une autre? De plus, quelles seront les répercussions de cette décision sur notre relation avec les États-Unis, notamment quant au traitement des citoyens canadiens à la frontière? Enfin, après la légalisation de la marijuana, comment votre gouvernement veillera-t-il à ce que la circulation transfrontalière, sur laquelle comptent un grand nombre de Canadiens et d'entreprises, puisse fonctionner de façon ininterrompue?
L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre des Affaires étrangères : Je vous remercie de votre question. Tout d'abord, j'aimerais remercier tous les sénateurs de m'avoir invitée. C'est toujours un très grand plaisir d'être en ce qui a trait vous. Je vous dirais même que je prends plus de plaisir à répondre à vos questions qu'à celles de mes collègues de la Chambre des communes. D'ailleurs, c'est la deuxième fois que je participe à la période des questions au Sénat. La première fois, c'était à titre de ministre du Commerce international.
D'entrée de jeu, j'aimerais vous remercier du travail que vous avez fait avec moi et avec nous tous à la Chambre des communes dans le cadre de l'Accord sur la facilitation des échanges, de l'Accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne et du CAFTA. Ce sont des accords internationaux commerciaux très importants. Je sais que le Sénat a travaillé avec diligence sur ces questions, et je vous en remercie.
En ce qui concerne le plan de notre gouvernement de légaliser la marijuana et l'impact de cette décision sur nos traités internationaux, ma collègue, la ministre de la Santé, a raison. Nous en avons discuté, et mon ministère s'est engagé à travailler avec le ministère de la Santé ainsi qu'avec le ministère de la Justice à ce chapitre.
Comme vous le savez, il y a des États aux États-Unis où la marijuana est déjà légalisée. L'Uruguay a légalisé des drogues et il fait partie des pays qui ont des traités internationaux avec le Canada. Il y a également d'autres pays qui examinent la question. Vous avez cependant raison lorsque vous dites qu'il s'agit d'un enjeu très important et très sérieux, et nous en discuterons directement avec nos partenaires, y compris avec les États-Unis.
(1540)
J'aimerais aussi ajouter que le Canada n'est pas le seul pays qui souhaite traiter de ces enjeux de la façon la plus efficace qui soit. L'expérience du Canada est très intéressante pour beaucoup de nos alliés, et c'est l'une des raisons pour lesquelles notre gouvernement est absolument convaincu, comme il l'a annoncé pendant la campagne électorale, que, pour la santé publique, pour la santé de nos enfants, il est préférable de légaliser la marijuana afin de la rendre inaccessible aux enfants. Nous croyons que nous devons le faire lentement et prudemment, au lieu de le faire à toute vitesse.
[Traduction]
La Birmanie—La persécution des musulmans rohingyas
L'honorable Salma Ataullahjan : Bienvenue, madame la ministre. Le mois dernier, le bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a publié un rapport disant que les attaques récentes contre la population des musulmans rohingyas par les autorités du Myanmar sont « généralisées et systématiques, et sont fort probablement indicatrices de la commission de crimes contre l'humanité ».
Depuis que la violence a éclaté de nouveau, au début d'octobre, une offensive militaire visant les musulmans rohingyas a causé le déplacement interne de dizaines de milliers de personnes, tandis que 70 000 autres ont fui le pays en franchissant la frontière bangladaise. On estime que plus de 1 000 personnes ont perdu la vie, y compris des femmes et des enfants.
Madame la ministre, comme vous le savez, Aung San Suu Kyi agit comme chef de facto du nouveau gouvernement birman. Cette lauréate du prix Nobel de la paix et citoyenne canadienne honoraire a fait l'objet de critiques parce qu'elle n'assure pas une protection adéquate au peuple rohingya.
Madame la ministre, qu'avez-vous fait pour vous entretenir directement avec Aung San Suu Kyi au sujet du sort du peuple rohingya? Si vous n'avez pas communiqué avec elle, avez-vous l'intention de le faire?
L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre des Affaires étrangères : Je vous remercie pour la question. Je suis personnellement saisie de cette question et je me préoccupe du sort des musulmans rohingyas. Je crois que l'un des rôles du Canada, à la fois chez nous et sur la scène mondiale, est de se prononcer en tant que pays qui défend férocement les minorités, notamment les minorités religieuses et ethniques, et tout particulièrement aujourd'hui les musulmans. Comme ministre des Affaires étrangères, c'est un rôle que je suis fière d'assumer, à l'extérieur du Canada et dans ma propre circonscription.
En ce qui concerne les Rohingyas, en particulier, compte tenu de mes préoccupations à leur égard et de mon intérêt personnel pour cette question, je me suis adressée au début du mois dernier, soit le 4 février, à la professeure Yanghee Lee, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation de la population rohingya, et nous avons discuté de la question. Je tenais à entendre de la professeure Yanghee Lee elle-même ce qu'elle pensait de la situation et je voulais avoir avec elle une conversation libre et personnelle. C'est l'une des premières mesures que j'ai prises après avoir été nommée.
Comme vous le savez sans doute, tout de suite après que notre nouvelle ambassadrice a été nommée et est entrée en fonctions, celle- ci s'est rendue dans l'État de Rakhine pour manifester son appui et faire ainsi connaître son point de vue au gouvernement du Myanmar.
Le gouvernement offre un soutien aux réfugiés rohingyas au Bangladesh, et ce soutien représente en 2016 seulement 4,3 millions de dollars. Je suis donc heureuse... En fait, « heureuse » n'est pas le bon terme, puisqu'il est question d'une situation tragique, mais je tiens à vous assurer que je partage personnellement vos préoccupations et que le gouvernement partage lui aussi vos préoccupations. Nous accordons une grande importance à ce dossier.
Les relations économiques Asie-Pacifique
L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Madame la ministre, j'ai eu l'honneur d'accueillir conjointement, au nom de l'Association législative Canada-Chine, le nouvel ambassadeur de la Chine au Canada, Son Excellence l'ambassadeur Lu Shaye, lors d'une réception tenue hier soir.
L'ambassadeur a fait l'éloge — et je le cite — du développement dynamique des relations entre le Canada et la Chine et de notre coopération pragmatique grandissante dans divers dossiers. En effet, il a déclaré que c'est un nouvel âge d'or pour les relations entre le Canada et la Chine.
Madame la ministre, la question quant à la façon d'accroître les échanges commerciaux avec l'Asie-Pacifique est encore plus urgente à la suite du retrait des États-Unis du Partenariat transpacifique. Certains pays, dont le Japon, sont allés de l'avant avec la ratification du PTP, même sans les États-Unis, et ils exhortent les autres pays à faire de même.
D'autres pays, dont l'Australie, ont suggéré d'élargir le Partenariat transpacifique afin d'y inclure la Chine. Il y a aussi des discussions sur la possibilité de joindre un autre accord commercial régional dont la Chine fait partie, comme le Partenariat économique intégral régional. Les négociations sont en cours entre la Chine et un certain nombre de pays de l'Asie- Pacifique, mais, à ma connaissance, pas le Canada.
Madame la ministre, pouvez-vous nous informer des plans du Canada relatifs à ses relations économiques avec l'Asie-Pacifique? Nous pourrions conclure un accord bilatéral avec la Chine ou essayer de sauver le Partenariat transpacifique ou tenter de nous joindre au Partenariat économique intégral régional. Quelle option choisira le Canada?
L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre des Affaires étrangères : Je vous remercie de la question. En guise de préambule, je dois dire que, bien que je demeure responsable de la relation économique entre le Canada et les États-Unis, je ne suis plus la ministre du Commerce. Ce poste est maintenant occupé par François-Philippe Champagne, un homme extrêmement compétent dont le bilinguisme est supérieur au mien. J'espère que vous l'inviterez au Sénat.
De plus, M. Champagne maîtrise parfaitement l'italien. Vous pourrez donc lui poser des questions en italien. Je suis sûre qu'il aura de bonnes réponses. Cela dit, j'adore les questions commerciales. Je vais donc vous faire part quelques observations.
En ce qui concerne la relation commerciale entre le Canada et la Chine, je crois qu'il est très important que les Canadiens reconnaissent l'importance du canola. Comme j'ai grandi dans une ferme dans le Nord de l'Alberta — je suis assise à côté de deux sénateurs de l'Alberta et je suis ravie d'être ici —, j'ai passé des heures et des heures à débroussailler les champs de canola de la ferme familiale.
Notre visite en Chine et la visite du premier ministre Li au Canada nous ont permis, entre autres, de régler notre différend concernant le canola. Celui-ci a été réglé à la fin de septembre. Il représentait un grave problème. Aucun canola canadien ne pouvait être expédié en Chine tant que le différend n'avait pas été résolu.
J'ai vérifié avant de venir aujourd'hui et je peux vous annoncer avec fierté que, depuis la fin septembre, 39 cargaisons de canola canadien ont été envoyées en Chine pour une valeur de 840 millions de dollars. Cela représente vraiment beaucoup de canola.
Des voix : Bravo!
Mme Freeland : J'en profite également pour féliciter les agriculteurs canadiens; ils sont de formidables entrepreneurs qui travaillent dur pour produire d'excellents aliments.
Je donne cet exemple, car il me semble que, en se réunissant dans une enceinte aussi vénérable que celle-ci pour discuter de commerce, on a parfois l'impression que le débat tend à se désincarner, qu'il est loin de la réalité des gens.
(1550)
C'est pourquoi, lorsque nous sommes allés en Chine, j'ai amené un pot de canola que mon père fait pousser et je l'ai remis aux Chinois pour leur montrer que, pour nous, le partenariat est réel et concret. Il y a deux semaines, j'ai vu le ministre des Affaires étrangères de la Chine en marge de la Conférence de Munich sur la sécurité, et il m'a dit : « Je suis heureux de vous voir, Dame au canola », c'est donc mon nouveau surnom. Je suis fière d'être la Dame au canola.
Quoi qu'il en soit, comme vous le dites, sénateur, nous explorons des débouchés avec la Chine. À la fin de septembre, nous avons annoncé le lancement de discussions exploratoires visant un accord de libre-échange avec la Chine, et la première série de rencontres en tête à tête dans ce processus a eu lieu en février dernier.
En ce qui a trait au Partenariat transpacifique, ou le PTP, il est important que les gens comprennent que son cadre est très particulier. Il est tel que le partenariat peut entrer en vigueur seulement s'il est ratifié par au moins six pays qui correspondent à au moins 85 p. 100 de l'activité économique visée par les pays participants au PTP. Dans les faits, cela signifie que le Partenariat transpacifique peut entrer en vigueur seulement s'il est ratifié à la fois par les États-Unis et le Japon. Il ne peut donc pas y avoir de PTP si les États-Unis ne le ratifient pas.
La formation d'une autre combinaison de pays intéressés par le PTP est tout à fait possible. La semaine prochaine, le Chili convoque une rencontre des pays participants au Partenariat transpacifique, et le Canada y participera. La Chine a été invitée, tout comme les États-Unis, donc des discussions ont lieu pour former différentes combinaisons.
Par contre, je tiens à mettre les honorables sénateurs en garde que la solution ne se résume pas simplement à retirer les États-Unis du partenariat. Ces accords sont très savamment équilibrés, et chacun fait des concessions selon les concessions obtenues en échange. Si on retire du partenariat les États-Unis et leur énorme marché, il faudra appliquer un nouveau calcul à tout le monde. La reconstitution du PTP serait alors compliquée.
Cela dit, les pourparlers suivent leur cours. Le Canada est d'ailleurs très actif, et je sais que François-Philippe Champagne y participera avec toute l'énergie dont il est capable.
J'ajouterais une dernière chose au sujet de l'Asie-Pacifique. Nous avons participé à la rencontre des ministres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est responsables des dossiers économiques, qui a eu lieu en août, au Laos. J'y étais personnellement, et nous avons alors convenu de lancer une étude exploratoire sur un éventuel accord de libre-échange entre le Canada et les pays membres de l'association. Voilà qui montre encore une fois que nous faisons tout pour resserrer les liens qui nous unissent à ces pays.
En terminant, je peux vous assurer, à vous ainsi qu'à tous vos collègues, monsieur le sénateur, que le gouvernement et moi comprenons parfaitement à quel point la région de l'Asie- Pacifique peut être intéressante pour le Canada, économiquement parlant. Je peux vous garantir que nous explorons soigneusement toutes les possibilités.
L'Entente sur les tiers pays sûrs
L'honorable Pamela Wallin : Avant que les Albertains ici présents ne s'énervent, je rappelle à tous que la Saskatchewan est le plus gros exportateur de canola, mais ce n'est qu'un détail.
Soyez la bienvenue, madame la ministre. Je suis contente que vous veniez nous voir pour nous parler de votre nouveau portefeuille.
J'aimerais parler d'un tout autre sujet, l'Entente sur les tiers pays sûrs qui lie le Canada et les États-Unis et en vertu de laquelle les demandeurs d'asile doivent réclamer la protection du premier pays sûr où ils posent les pieds. Ma question comporte deux volets.
La semaine dernière, l'ex-vice-premier John Manley, qui a mené les négociations avec les États-Unis qui ont abouti à la conclusion de l'entente, en 2004, a déclaré que, si on en suspendait l'application, comme le réclament certains, des milliers de demandeurs d'asile pourraient se masser à nos frontières. Selon ce qu'on nous a dit, le Cabinet a d'ailleurs été saisi de la question aujourd'hui. Pourriez- vous nous assurer que le gouvernement a toujours l'intention de ne rien changer à l'Entente sur les tiers pays sûrs?
Comme vous le savez, la loi sur l'immigration comporte actuellement une faille permettant aux personnes qui entrent illégalement au pays de demander l'asile aussitôt qu'ils arrivent en territoire canadien, ce que ne peuvent pas faire les gens qui obéissent à la loi et essaient d'entrer au pays par les points d'entrée légaux.
Envisage-t-on d'éliminer cette échappatoire pour que tous les demandeurs d'asile soient traités de la même manière dans la loi?
L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre des Affaires étrangères : Merci beaucoup, madame la sénatrice Wallin, pour cette question. Au nom des Albertains, je dois admettre que la Saskatchewan peut revendiquer la paternité du canola. C'est une variété qui a été inventée par des agronomes de la Saskatchewan, mais le canola de l'Alberta est formidable.
Évidemment, je pense que mon collègue, le ministre de l'Immigration, est mieux placé que moi pour vous répondre concernant l'Entente sur les tiers pays sûrs, et je veux profiter de l'occasion pour vous dire qu'il est déjà un excellent ministre. Je ne devrais probablement pas dire cela, mais, lors de l'une des premières réunions du Cabinet, l'un de mes collègues a dit que, dans sa première déclaration, le ministre avait l'air d'avoir déjà occupé ses fonctions pendant 10 ans. Il est tout à fait aux commandes du dossier.
En tant que Canadienne, députée et ministre, je suis vraiment fière, en particulier aujourd'hui, que nous ayons un ministre de l'Immigration qui, en plus d'être très qualifié, est arrivé au Canada en tant que réfugié somalien et qui, soit dit en passant, a prêté serment comme ministre sur le Coran. Je pense que tout cela est représentatif des grandes qualités de notre pays.
Comme le ministre Hussen l'a dit lors de la période des questions, hier, il est favorable à l'Entente sur les tiers pays sûrs. Selon lui, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, qui jouit d'un grand respect à titre d'arbitre indépendant capable de porter de bons jugements, continue de considérer les États-Unis comme un pays sûr pour les demandeurs d'asile. Je crois que c'est un jugement auquel nous devons nous fier.
L'Entente sur les tiers pays sûrs constitue un élément important de nos relations amicales avec les États-Unis et un élément important de la gestion de la très longue frontière que les Canadiens doivent pouvoir traverser et qui nous sépare de ce grand partenaire commercial, avec lequel nos échanges totalisent 2 milliards de dollars par jour. Nous devons agir de manière réfléchie et respecter les accords sur les questions transfrontalières.
Quant à l'échappatoire que vous avez mentionnée, elle existe parce que, aux termes de l'Entente sur les tiers pays sûrs, les Canadiens et les Américains doivent être en mesure de dire qu'ils ont vu une personne traverser la frontière. C'est pourquoi l'échappatoire s'applique spécifiquement aux points d'entrée reconnus et officiels. À l'époque, il s'agissait d'une décision très éclairée.
Puisque nous avons parlé de la Saskatchewan et de l'Alberta, j'aimerais conclure mon intervention en faisant l'éloge du Manitoba. Mes collègues, Jim Carr et Ralph Goodale, se sont rendus à Emerson la fin de semaine dernière. En tant que Canadienne, je crois vraiment que nous devrions tous rendre hommage aux habitants d'Emerson et aux agents de la GRC qui travaillent là- bas pour la générosité, la compassion et le professionnalisme avec lesquels ils se sont comportés. Je suis fière d'être de nationalité canadienne, tout comme ces personnes formidables.
Des voix : Bravo!
Les femmes, la paix et la sécurité
L'honorable Marilou McPhedran : Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre. Sur une note personnelle, je me permets de souligner brièvement les contributions de votre mère à la promotion des droits des femmes au Canada.
Je veux vous poser une question sur le Plan d'action du Canada sur les femmes, la paix et la sécurité qui, comme vous le savez, est devenu caduc. Je tiens, tout particulièrement, à vous demander si des plans sont en cours pour veiller à ce que la société civile au Canada contribue de façon utile et substantielle à l'élaboration du nouveau plan d'action national.
(1600)
Je tiens aussi à faire état de relations de travail durables, dans une vie antérieure, avec des représentants d'Affaires mondiales Canada, et à exprimer ma reconnaissance à cet égard. Je voudrais demander plus particulièrement si, à la faveur d'un nouveau plan d'action national, on envisage, dans l'engagement avec des organisations de la société civile, de rejoindre les membres, notamment les femmes, de diasporas venues des pays les plus touchés. En posant cette question, je voudrais vous faire savoir qu'Anne Burgess, d'Affaires mondiales Canada, s'est rendue à Winnipeg le 12 novembre et a passé toute la journée à la Women's Peace Table organisée par Women for Women, South Sudan, qui a attiré l'une des plus grandes participations de la communauté soudanaise du Sud, ce qui, à dire vrai, n'est pas une mince tâche. Il y a de nombreux clivages dans ce groupe. Envisage-t-on d'autres mesures?
L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre des Affaires étrangères : Quelle belle question. Merci beaucoup. À titre personnel, je vous remercie beaucoup d'avoir salué le travail de ma mère. Je crois que le sénateur Mitchell l'a connue, mais elle a été une vraie pionnière du féminisme dans le Nord de l'Alberta. Pendant les années 1970, ce n'était pas particulièrement facile d'être féministe dans la région de Peace River. Elle l'a été, ce qui fut pour moi une vraie source d'inspiration.
Je suis profondément convaincue que le Canada doit, peut et devrait avoir une politique étrangère féministe. C'est ce que le premier ministre croit aussi. Il se qualifie fièrement de féministe, et nous avons eu des réunions bien structurées où nous avons discuté de la façon de concrétiser cette conviction : nous devons avoir une politique étrangère féministe. Nous célébrons demain la Journée internationale de la femme, et je crois que vous verrez des mesures de cet ordre.
À titre de ministre du Commerce, j'étais très consciente de la dimension féministe de notre action et j'ai fait un effort réel pour organiser des tables rondes avec des femmes partout où je me suis rendue, des femmes qui sont des chefs de file dans les affaires et dans leur milieu, mais surtout dans le monde des affaires, puisque je m'occupais du commerce. Je l'ai fait au Japon, en Corée du Sud, en Chine et aux États-Unis. Notre ambassade aux États-Unis s'occupe très activement de la promotion des femmes en politique. Elle a été l'hôte d'une réception pour féliciter les femmes nouvellement élues au Congrès. Ce fut une activité de communication avec les deux partis très réussie.
Comme chacun sait, nous avons trouvé un espace commun utile, lors de la première visite que nous avons rendue à l'administration Trump, à la Maison-Blanche, c'est-à-dire le Conseil sur l'avancement des femmes d'affaires. C'est donc là un dossier auquel je suis très attachée et je suis déterminée à continuer d'y travailler. Votre idée d'un effort de communication particulier avec les femmes des groupes ethniques me plaît beaucoup.
Je crois quant à moi, en partie à cause de mes propres antécédents, sans doute, qu'un des grands avantages que le Canada possède en matière de politique étrangère est que beaucoup de Canadiens sont de vrais experts de la réalité mondiale. L'un de mes adjoints, mon adjoint de circonscription qui travaille à mon bureau d'Ottawa, parle arabe, hindi et ourdou, en plus du français et de l'anglais. Lorsque j'accueille des délégations de l'étranger, elles s'étonnent que ce jeune homme parle autant de langues. Je réponds simplement : « C'est un Canadien. » Il y a là une vraie ressource que nous devrions exploiter. Nous le faisons naturellement, au gré des rencontres, mais il y aurait un véritable avantage à le faire systématiquement. Il est particulièrement précieux de mettre l'accent sur les femmes de ces communautés. Merci beaucoup pour cette excellente idée.
L'Accord de libre-échange nord-américain
L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Madame la ministre, j'ai une question à vous poser au sujet de l'Accord de libre-échange nord- américain.
L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre des Affaires étrangères : Je connaisbien le sujet.
Le sénateur Enverga : Dans sa conférence de presse avec le premier ministre, le mois dernier, le président Trump a déclaré ceci :
Nous avons avec le Canada des relations commerciales exceptionnelles. Nous apporterons de légers rajustements.
Même si certains, au Canada, ont poussé un soupir de soulagement en entendant ces mots, il reste à voir quels sont les plans de la nouvelle administration américaine pour la renégociation de l'ALENA. Le président Trump a peut-être une interprétation très différente de ce qui constitue un léger rajustement. Nous croyons aussi que ces rajustements pourraient avoir des conséquences pour notre production et qu'ils pourraient rendre les produits plus coûteux. Voici ma question : le gouvernement du Canada a-t-il reçu de l'administration américaine quelque indication que ce soit sur les rajustements qu'elle souhaite apporter?
Deuxièmement, dans vos réunions avec vos nouveaux homologues américains, a-t-on soulevé avec vous ou d'autres ministres des questions précises qui donnent un indice de ce qui sera sur la table, comme notre système de gestion de l'offre?
Mme Freeland : Merci beaucoup de cette question. Comme vous le savez sûrement, monsieur le sénateur, le premier ministre m'a donné instruction, dans ma lettre de mandat, d'assumer la responsabilité des relations canado-américaines, ce qui comprend au premier chef les relations économiques. C'est un dossier auquel je m'intéresse intensément. Je suis très consciente de l'importance du bien-être de tous les Canadiens. Je tiens à donner à tous les sénateurs l'assurance que le gouvernement accorde une attention extrême aux relations canado-américaines.
Nous avons au Canada une très solide approche inspirée d'Équipe Canada. Je tiens à souligner l'appui qui nous vient de Rona Ambrose, chef de l'opposition officielle. Elle s'est rendue à Washington et elle appuie solidement l'approche canadienne en général. La semaine dernière, j'ai rencontré des dirigeants syndicaux et j'ai rencontré à maintes reprises différents groupes du secteur industriel.
Je trouve très réconfortant l'esprit vraiment patriotique avec lequel, me semble-t-il, tous les Canadiens abordent cette question. Nous allons conserver cette approche, parce qu'il s'agit là d'un enjeu fondamental pour notre pays.
Pour ce qui est détails, il faut dire que, sauf erreur, le nouveau secrétaire au Commerce n'a été confirmé dans ses fonctions que la semaine dernière. J'ai appris aujourd'hui que l'audience de confirmation du secrétaire des États-Unis au Commerce est prévue pour la semaine prochaine, selon une dépêche. Évidemment, je ne l'ai pas encore rencontré, puisque sa nomination n'est pas encore confirmée. Je m'entretiendrai avec le secrétaire Ross dans les prochains jours. Cependant, avant que les mesures ne soient pleinement définies, il n'était pas possible d'avoir avec eux des entretiens officiels.
Selon la Trade Promotion Authority, de laquelle dépend la façon dont l'administration américaine peut aborder cette question, il faut donner un avis de 90 jours aux États-Unis avant que puisse débuter quelque négociation que ce soit. Cet avis n'a pas été donné. Nous ne sommes donc pas très près d'entamer des échanges officiels.
Cela dit, la question de nos relations économiques avec les États- Unis a été abordée au cours de ma rencontre avec le secrétaire Tillerson et dans mes rencontres avec des sénateurs et le Président Ryan. Cela a aussi été un sujet de la première importance dans nos rencontres à la Maison-Blanche. Le point sur lequel les Canadiens insistent vraiment dans leurs échanges avec l'administration américaine, c'est que le Canada et les États-Unis ont des relations commerciales équilibrées et mutuellement bénéfiques. Le Canada est le premier marché d'exportation pour la majorité des États américains. Le Canada est l'un des 3 principaux marchés d'exportation pour 48 États américains.
(1610)
Nous sommes un voisin et un ami, mais, pour les États-Unis, nous sommes aussi un client, et 9 millions d'emplois américains dépendent directement du Canada. Les Canadiens sont tous conscients de la réalité, c'est-à-dire que nous pensons beaucoup plus aux Américains que, peut-être, les Américains ne pensent à nous. Nous ne devons ménager aucun effort pour expliquer à nos voisins du Sud, ainsi qu'à la nouvelle administration, la solidité, l'importance et le caractère équilibré de ces relations commerciales. C'est une chose que tout le gouvernement — car je reçois un très solide appui de mes collègues ministres — et moi personnellement faisons avec beaucoup d'énergie. Je sais que le Sénat a également participé à cet effort.
Je voudrais, si je le puis, recruter tous les sénateurs pour participer à cette approche inspirée d'Équipe Canada. Il serait extraordinaire que tous ceux qui sont ici se rendent aux États-Unis pour discuter avec leurs homologues. Ils aiment les sénateurs, c'est vrai. Ils savent que vous êtes importants, sénateur Harder. C'est crucial. Ces communications entre sénateurs revêtent une importance extraordinaire. Le Sénat a un vrai pouvoir aux États-Unis pour faire avancer ce dossier et il est très important d'aider les Américains à comprendre ces relations commerciales à un niveau très précis.
En une semaine, j'ai rencontré le Président Ryan deux fois parce que j'avais des réunions à Washington. Je l'ai rencontré seule, puis avec le premier ministre. Je lui ai signalé que le district qu'il représente au Congrès exporte au Canada des produits d'une valeur de 1 milliard de dollars. Ce chiffre l'a vraiment frappé. Il a été impressionné non seulement par l'importance de ce chiffre, mais aussi par le fait que nous avons pris la peine de calculer la valeur des exportations de son district vers le Canada. C'est un effort auquel tous les législateurs canadiens peuvent prendre part, je l'espère.
Voici un dernier point, à propos de l'ALENA. Il importe de comprendre que les accords commerciaux sont des documents évolutifs. Ils se transforment constamment, et ils doivent le faire parce que l'économie change et évolue sans cesse. Le Canada estime que 11 modifications majeures ont été apportées à l'ALENA depuis son entrée en vigueur. Ce n'est pas une pratique inhabituelle que celle qui consiste à moderniser et à actualiser l'ALENA.
Nos négociateurs commerciaux sont les meilleurs au monde. Nous avons une équipe exceptionnelle, et je crois que nous tous, comme législateurs, nous pouvons participer à l'effort pour expliquer aux Américains, aux décideurs américains, aux hommes et femmes d'affaires et aux syndicats comment les relations économiques sont mutuellement bénéfiques.
[Français]
Le Conseil de sécurité des Nations Unies
L'honorable Dennis Dawson : Tout d'abord, madame la ministre, permettez-moi de vous féliciter de votre nomination.
Je crois voir dans votre lettre de mandat qu'il y manque quelque chose, soit la candidature du Canada au Conseil de sécurité des Nations Unies.
[Traduction]
Puisque vous êtes d'humeur à demander aux sénateurs leur coopération, je vous dirai qu'il y a dans cette salle des gens qui ont 100 ans d'expérience avec les associations parlementaires et d'excellentes relations avec des chefs de gouvernement dans le monde entier : Canada-États-Unis, Union interparlementaire, Assemblée parlementaire de la Francophonie, Canada-Japon, Canada-Chine, Canada-Afrique. Quelqu'un d'autre veut ajouter à la liste? Canada-France.
[Français]
Vous avez dans cette salle des parlementaires qui peuvent vous aider à faire la promotion de cette candidature. Cela n'a pas souvent été fait par le passé, mais il serait intéressant que vous confiiez à l'équipe qui s'occupe de la candidature du Canada au Conseil de sécurité des Nations Unies le mandat de parler aux associations parlementaires qui voyageront au cours des 18 prochains mois. Celles-ci pourraient transmettre un message clair quant à la candidature du Canada. Demandez l'aide des deux côtés de la Chambre pour favoriser notre succès. Puisque vous vous offrez pour les États-Unis, je vous offre les sénateurs pour le monde.
L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre des Affaires étrangères : Je vous remercie. J'ai eu une réunion très productive la semaine dernière avec notre magnifique ambassadeur aux Nations Unies, Marc-André Blanchard. Nous avons parlé d'une autre campagne pour obtenir un siège au Conseil de sécurité. Marc- André fait un excellent travail. Il est très organisé. C'est un homme d'affaires et un homme politique, et il présente un plan très détaillé qui ressemble à une campagne électorale.
L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : C'est très bon.
Mme Freeland : Il est très bon en politique, et c'est nécessaire. Il a un plan très détaillé pour notre campagne. Cela dit, je crois que votre idée est excellente. Je parlerai à M. Blanchard pour lui suggérer cette idée. C'est une campagne qui sera assez longue, donc nous avons le temps de réunir toutes nos forces. Je vous remercie de cette idée.
[Traduction]
Le cadre de délivrance des licences pour les services par satellite
L'honorable Dennis Glen Patterson : Bienvenue, madame la ministre. Je vous ai écrit pour vous exposer un problème concernant une station au sol de satellites de télédétection à Inuvik.
Voici une explication rapide. À cause de notre géographie très particulière, les Territoires du Nord-Ouest sont une excellente destination pour l'infrastructure de télédétection. Nous avons attiré l'intérêt, pour ces installations de calibre mondial, d'entreprises commerciales de premier plan de la Norvège, des États-Unis, de l'Allemagne et de l'Agence spatiale européenne. Cependant, ils sont exaspérés, tout comme les entreprises canadiennes, par le processus de délivrance des licences du Canada.
Votre ministère délivre des licences permettant à ces entreprises de mener des activités au Canada et d'avoir accès à des données satellitaires. Sauf votre respect, le processus est lent, complexe, et la loi est probablement dépassée. Ce sont là des irritations réelles et nous craignons que les investissements étrangers n'aillent vers des pays plus accueillants, dans ce domaine technologique en rapide évolution.
Êtes-vous au courant de cette exaspération de l'industrie et allez- vous vous attaquer au problème?
L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre des Affaires étrangères : Merci de votre question. Je suis tout à fait au courant du problème. Je connais le rôle qu'Affaires mondiales Canada joue dans la délivrance des licences, et je sais que le Sénat s'intéresse à la question.
Il serait, bien entendu, déplacé que je parle de demandes de licence particulières. Je vais donc m'abstenir, mais je dirai que je suis profondément convaincue qu'il faut éliminer les tracasseries administratives inutiles. Elles n'aident personne. À propos des relations canado-américaines, l'un des domaines les plus fructueux de coopération avec les États-Unis est le travail d'un groupe canado- américain qui s'emploie à harmoniser nos règlements pour éliminer la double réglementation. Je me suis beaucoup intéressée à la question. Nous pouvons toujours faire mieux lorsqu'il s'agit d'éliminer les tracasseries administratives chez nous.
Je suis aussi tout à fait d'accord avec vous, sénateur, pour dire qu'il s'agit d'un secteur en rapide évolution où il y a beaucoup d'innovation et où, grâce à nos prouesses technologiques et à notre géographie, le Canada peut jouer un rôle de premier plan. Lorsqu'il s'agit de demandes distinctes de pays étrangers qui veulent être présentes là-bas, il y a évidemment des préoccupations particulières dont il faut tenir compte pour protéger l'intérêt national.
Je suis sûre que tous les sénateurs sont d'accord là-dessus. Je vais conclure en disant que je suis très consciente du problème en général. Je suis aussi au courant des cas précis auxquels vous avez fait allusion. Je sais que bien des parties souhaitent aller de l'avant.
(1620)
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée. Je suis sûr que tous les honorables sénateurs se joignent à moi pour remercier la ministre Freeland d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
Des voix : Bravo!
L’honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre des Affaires étrangères : Je suis désolée de devoir partir. Cette agréable conversation a fait ressortir plein de bonnes idées. Merci.
ORDRE DU JOUR
La Loi sur l'hymne national
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Lankin, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Peticlerc, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre).
Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat sur le projet de loi C-210. Vous pouvez utiliser le reste de votre temps de parole, sénatrice Lankin.
L'honorable Frances Lankin : Merci, Votre Honneur. Vous serez heureux d'apprendre que j'ai judicieusement employé mon temps de parole de manière à sauter bien des passages de mon discours. Chaque fois que je regardais le sénateur Wells, j'avais l'impression qu'il voulait que j'aille droit au but; c'est donc ce que je vais faire.
J'avais l'intention de souligner davantage certains arguments qui ont été présentés, mais ce n'est pas nécessaire. Vous en avez entendu beaucoup. Nombre d'entre vous ont participé à ces discussions. Je dois dire que, dans les deux camps, les intervenants ont présenté des arguments éclairés, convaincants et sincères.
Après avoir examiné les arguments qui ont été présentés au cours des 15 dernières années, je puis vous assurer, honorables sénateurs, qu'il n'y a aucun autre argument à ajouter. Nous avons entendu des arguments convaincants sur le respect des traditions et du patrimoine, sur le sens que revêtaient les mots « thy sons » à l'époque où l'hymne a été composé, et sur l'interprétation courante de l'époque selon laquelle l'usage du masculin incluait également les femmes.
Il y a eu un débat très intéressant sur la grammaire. Je dois rendre hommage au sénateur MacDonald. Ce que vous avez dit est fantastique. Je dois également rendre hommage à la sénatrice Tardif pour la réponse qu'elle vous a faite. C'était un échange bien intéressant. Elle vous a répondu par une question : « N'êtes-vous pas d'accord? » Je précise que vous avez immédiatement répondu que non, vous n'étiez pas d'accord avec elle.
Divers aspects ont été soulevés et on a invoqué des arguments sur l'importance de l'égalité, de l'inclusion, de la neutralité et du respect. Tous ces arguments sont valables pris séparément et ensemble, mais, à un moment donné, il faut prendre une décision. C'est de cela que je veux parler.
Je ne vais pas passer tous les arguments en revue, mais j'aimerais revenir sur un point qu'a fait valoir le sénateur Wells. J'ai beaucoup de respect pour tous les sénateurs qui ont pris part au débat, et en particulier pour le sénateur Wells. J'ai eu l'occasion de parler avec lui de divers sujets. J'ai écouté ce qu'il avait à dire. À l'étape de la deuxième lecture, c'était en décembre je crois, il a affirmé ceci :
Le défi qu'offre le projet de loi n'est ni recherché ni requis pour que notre pays soit plus libre, plus égal et plus équitable. Il est vrai que le changement proposé est minime, mais on ne saurait minimiser un changement qui touche une tradition d'aussi longue date que notre vénéré hymne national.
Ces paroles sont sages. Je dirai toutefois qu'on ne peut sous- estimer l'impact que les symboles nationaux ont sur la jeunesse du Canada, par exemple. Ce n'est peut-être pas, à votre avis, quelque chose de nécessaire pour nous rendre plus libres ou plus égaux. C'est quelque chose qui rendra notre hymne national plus inclusif. Tout aussi modeste qu'il soit, ce changement pourrait avoir une portée immense sur la façon dont la génération suivante considère l'évolution de notre histoire, notre ouverture et sa propre place dans l'histoire.
Cette année marque le 150e anniversaire de notre pays. Je demande aux honorables sénateurs de se faire une idée rapidement quant à la question qui nous est posée; que la réponse soit oui ou non, prenons une décision.
Voici un argument au sujet de l'évolution du langage. Dans le Globe and Mail, Doug Saunders a récemment écrit un article que j'ai trouvé fascinant. Il y disait ce qui suit :
Après le centenaire, nous avons commencé à nous attaquer de front aux fossés, aux divisions et aux iniquités flagrantes, auparavant dissimulés par le vernis du colonialisme.
[...] ce sont les luttes qu'il fallait mener pour devenir un pays digne de ce nom, pour trouver un mode de gouvernance et pour établir une culture commune à tous les Canadiens de la terre de nos aïeux.
Il ajoutait ceci :
Les décisions prises en 1967 n'ont pas redéfini le Canada. Elles reflétaient plutôt, pour la première fois, l'identité canadienne. Ce qui s'est produit en 1967, c'est que le visage officiel de l'identité du Canada a commencé à prendre les traits de son identité réelle. Il faut en tirer une leçon pour 2017 : les Canadiens ont souvent une longueur d'avance face à leurs institutions, et après quelques décennies, il faut un rattrapage soudain, comme le rajustement que nous avons connu en 1967.
En 1967, j'allais à l'école primaire. J'utilisais des mots comme « firemen », « mailman » et « chairman ». Plus tard, je me suis intéressée aux débats concernant le féminisme, l'inclusion et l'évolution du langage et j'ai commencé à utiliser des mots comme « firefighter », « letter-carrier » et « chair ». Croyez-moi, le débat au sujet de « chair » était plutôt enflammé en raison de l'origine latine du mot et de ce qu'il signifiait vraiment. L'argument des gens qui s'opposaient à l'emploi de ce terme était valide, mais aujourd'hui, nous l'utilisons fréquemment.
Mon arrière-petite-fille ne connaît pas les mots « fireman », « mailman » ou « chairman ». Par contre, elle connaît les mots « firefighter », « letter-carrier » et « chair ». Oserais-je le dire — j'espère que ce ne sera pas de sitôt —, mais un jour viendra où nous devrons être prêts à nous à adapter à ce que l'hymne royal dise « Dieu protège le Roi ».
Je voudrais juste répéter quelques nombres autrement. Le chiffre 9 représente le nombre de mois qui se sont écoulés depuis que le projet de loi a été lu pour la première fois au Sénat. Le chiffre 14 équivaut au nombre de mois depuis qu'il a été lu pour la première fois à la Chambre des communes; 62 p. 100, c'est la proportion de Canadiens qui appuient le changement; 19 p. 100, c'est la proportion de ceux qui y sont opposés et aussi la proportion des indécis; 225, c'est le nombre de voix en faveur du projet de loi C-210 à la Chambre des communes; 74, c'est est le nombre de voix contre le projet de loi; 11, c'est le nombre de fois qu'un projet de loi a été déposé pour changer la deuxième ligne de la version anglaise de l'hymne afin d'inclure tous les sexes et tous les Canadiens; 5, c'est le nombre de fois où cette modification-là a été présentée à la Chambre ou au Sénat au cours des 15 dernières années; 23, c'est le nombre des sénateurs qui ont pris la parole dans le cadre du débat sur ces projets de loi; 28, c'est le nombre de fois où le débat a été ajourné pendant l'étude de projets de loi similaires; 2 est le nombre de fois où cette modification de l'hymne national a été examinée par un comité sénatorial qui en a fait rapport au Sénat sans amendements. Enfin, zéro, c'est le nombre de fois où le Sénat s'est prononcé sur cette modification.
Honorables sénateurs, j'espère qu'ensemble, nous parviendrons à changer cette dernière statistique dans un très proche avenir. Ce projet de loi est l'occasion d'apporter un changement réel et important à l'hymne national du Canada... ou de ne pas le faire. Cela dépend évidemment du vote. J'espère que le vote nous permettra de faire un changement qui reflète le travail que nous avons tous accompli en bâtissant et en améliorant notre pays depuis 50 ans. Honorables collègues, les Canadiens méritent d'avoir une décision de la part des sénateurs, que ce soit dans un sens ou dans l'autre.
L'honorable David M. Wells : J'ai une question à poser à la sénatrice Lankin, si elle accepte d'y répondre.
La sénatrice Lankin : Très volontiers.
Le sénateur Wells : Je vous remercie pour votre excellent discours. Vous y avez mentionné qu'il n'y avait eu qu'un court débat au sujet de la Loi sur l'hymne national. Je crois que c'est important parce que vous avez dit que c'était la raison pour laquelle l'hymne n'a pas changé, avec les prorogations, les ajournements et le reste.
J'ai également été heureux d'entendre — vous me l'aviez dit l'autre jour et vous y avez fait allusion dans votre discours — que vous avez approché d'autres sénateurs, aussi bien favorables qu'opposés au changement, pour qu'ils prennent aussi la parole. J'ai hâte de les entendre. Vous avez évidemment lu le discours que j'ai prononcé dans le cadre du débat de deuxième lecture. J'ai aussi pensé à ce que je dirais dans mon discours de troisième lecture. Cela m'a donné à réfléchir. Je ne suis pas encore convaincu, mais il me reste encore une intervention à faire. Je baserai certains de mes arguments sur votre discours parce que je suis d'accord sur certains des points que vous avez exposés.
Vous avez mentionné un sondage selon lequel 62 p. 100 des Canadiens sont favorables, et vous avez parlé d'autres statistiques, qui ont sans doute une certaine valeur. Je représente Terre-Neuve- et-Labrador où plus de 13 000 personnes ont répondu à un sondage. En grande majorité, ils ont demandé de laisser l'hymne national tel quel. Je dois représenter ces gens. En fait, je suis d'accord avec eux. Ce n'est donc pas contre mon gré que je les représente.
(1630)
De toute évidence, vos statistiques sont valides, mais, comme toutes les statistiques, elles comportent certaines vérités et peut-être aussi certaines faussetés. À votre avis, que faudrait-il que je dise à mes gens de Terre-Neuve-et-Labrador dans mon discours de troisième lecture quand je sais que, en grande majorité, ils veulent qu'on laisse tels quels notre hymne national et nos traditions?
La sénatrice Lankin : Je vous remercie de votre question. Je voudrais peut-être apporter une précision au compte rendu en soulignant que, en parlant d'un court débat, je pensais à l'adoption, en 1980, de la Loi sur l'hymne national après le référendum tenu par le Québec. J'ai mentionné ce fait parce que je voulais attirer l'attention sur une chose : même si nous avions eu un débat accéléré, il était prévu de revenir là-dessus et surtout de réexaminer les mots ayant une connotation sexiste. Voilà pourquoi j'ai parlé d'un court débat. Je crois bien avoir dit que, pour le reste, il y a eu de nombreuses occasions de discuter.
Je respecte beaucoup l'argument que vous avez présenté. Je pense qu'il y a différentes façons de décrire des groupes qui ont une identité commune, des façons fondées sur des considérations régionales, des questions de patrimoine, des aspects ethno-raciaux, ou encore sur les valeurs auxquelles les gens sont attachés, leur respect de leur héritage et de leur histoire et leur attitude à l'égard du changement. Il y a beaucoup de créneaux d'opinion. Le sondage que j'ai mentionné faisait état de 62 p. 100 pour l'ensemble du pays et tous les groupes.
Toute question présentée au Sénat qui fait l'objet d'un débat réfléchi, comme c'est le cas de cet amendement depuis bien des années — et ce n'est pas seulement dans le cadre d'un seul projet de loi, sénateur Wells — mérite d'aboutir à un vote. Vous devez présenter votre propre point de vue, je le comprends parfaitement. Vous devez représenter les gens de Terre-Neuve-et-Labrador et la majorité dont vous partagez le point de vue. Vous devez l'exprimer tant dans le cadre du débat que dans votre vote, mais il faut tenir un vote.
Comme vous le savez, j'ai travaillé et pris contact avec les gens afin de définir une approche de ce débat, qui ne porte pas sur un projet de loi du gouvernement. Nous avons affaire à un projet de loi d'initiative parlementaire venant de la Chambre des communes. J'ai donc essayé d'avoir des orateurs pour et contre représentant le caucus libéral indépendant, le caucus conservateur, les sénateurs indépendants et d'autre. J'essayais d'organiser cela afin que le débat se déroule d'une manière rationnelle. Il y aura trois orateurs cette semaine, dont un est opposé au projet de loi. Dans la première semaine qui fera suite à notre retour, je sais que plusieurs autres sénateurs voudront prendre la parole. J'essaie d'obtenir l'engagement de personnes opposées au projet de loi pour qu'elles participent au débat dans cette semaine. Toutefois, quand tous les arguments auront été présentés, une fois que nous aurons procédé à notre second examen objectif, il sera temps de prendre une décision.
Je crois que, en ce qui concerne ce projet de loi et les Canadiens qui veulent défendre énergiquement leur point de vue, d'un côté ou de l'autre, et compte tenu du fait que nous célébrons le 150e anniversaire de notre pays, nous devrions permettre aux gens de connaître les paroles officielles de notre hymne national lorsque nous l'entendrons tous ensemble le jour de la Fête du Canada.
Des voix : Bravo!
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'écoutais attentivement cet échange quand j'ai pensé à quelque chose. Je vais donc poser une question.
Lorsque j'ai été nommée au Sénat, on m'a posé une question. J'aurais dû répondre : « Je ne suis pas tout à fait prête; je ne suis pas sûre », mais j'ai répondu oui. Ce seul mot m'a coûté deux semaines d'efforts pour rattraper ma réponse, parce qu'elle a déclenché toute une série d'événements. Je sais que cela a tourné autour d'un mot. Dans ce cas, il s'agit de deux mots. Comme sénatrice qui a écouté attentivement — je dis cela avec tout le respect que je dois au défunt Mauril Bélanger et à notre collègue qui est maintenant à la retraite, Nancy Ruth —, j'ai encore l'impression que, malgré tout ce que j'ai entendu, malgré mon désir d'écouter et mon désir d'intervenir, nous ne sommes pas encore prêts à nous prononcer.
Après voir écouté les statistiques que vous avez présentées, sénatrice Lankin, même si c'est la 11e fois en 30 ans, j'ai l'impression que certaines choses que j'ai connues et observées n'aboutissent pas toujours à cette question. Nous devons prendre le temps nécessaire. En cette année du 150e anniversaire du Canada, il est d'autant plus important d'examiner cela très soigneusement parce que nous parlons d'une tradition, par opposition au changement d'un ou de deux mots, et de ce que cela signifie pour beaucoup de gens.
Avez-vous tenu compte du fait que ces statistiques reflètent l'importance du débat pour nous tous, et pas nécessairement le besoin de répondre tout de suite à la question simplement parce que c'est le 150e anniversaire du Canada?
La sénatrice Lankin : Je n'ai pas dit que nous devons nous prononcer simplement parce que c'est le 150e anniversaire du Canada. Je crois que c'est témoigner du respect aux Canadiens à cause de cela, mais je pense que nous devrions nous prononcer parce que, dès l'adoption de la Loi sur l'hymne national en 1980, le ministre Francis Fox avait dit qu'il conviendrait d'envisager de modifier l'hymne national pour le rendre neutre. Cette question a été examinée à maintes reprises.
Madame la sénatrice, en toute franchise, si vous examinez les débats, vous constaterez qu'il n'y a pas de nouveaux arguments, mais que les points de vue sont exprimés avec beaucoup d'énergie. Il y en a deux. Je crois que beaucoup d'événements, y compris les ajournements et les prorogations, ont empêché l'adoption de l'amendement. Beaucoup de choses, comme le fait de ne pas être prêts à prendre une décision, ont fait obstacle. Je dirais avec Doug Saunders que les Canadiens ont devancé leurs institutions en ce moment précis. En 1980, nous n'étions peut-être pas prêts; en 1990, nous ne l'étions peut-être pas encore. En 2000, nous avons probablement commencé à penser que l'inclusivité était importante. En 2010, il y avait des arguments de plus en plus convaincants. Et cela se poursuit.
Je ne dirais pas, comme un autre, que « c'est parce que nous sommes en 2015 » ou peu importe quelle année, mais je pense que l'inclusivité fait réellement partie de notre culture aujourd'hui. Ce n'est pas seulement parce que c'est le 150e anniversaire du pays. Je reconnais que certains sont mal à l'aise et que leur embarras ne disparaîtra peut-être jamais. Il y a aussi des gens qui se disent : « Je ne sais pas de quel côté voter. Je suis déchiré entre les deux. » Nous ne pouvons pas maintenir une situation dans laquelle la majorité — quelle qu'elle soit — n'a pas la possibilité de s'exprimer. Je dis donc que, pour toutes sortes de raisons, il est temps de se prononcer.
[Français]
L'honorable Renée Dupuis : Sénatrice Lankin, conviendriez-vous du fait que, au-delà de la position personnelle de chacun d'entre nous, la question qui se présente à nous aujourd'hui doit être examinée dans un contexte où non seulement l'opinion des Canadiens a évolué, mais le cadre juridique dans lequel on doit traiter cette question a radicalement changé?
Lorsqu'on a adopté la Loi canadienne sur les droits de la personne, celle-ci précisait que les Canadiens — et, s'il vous plaît, les Canadiennes — pouvaient exercer leurs droits en toute égalité, et qu'il y avait désormais des recours qui étaient offerts pour faire respecter leurs droits. Dans ce sens, au début des années 1980, on avait déjà commencé les travaux de rapatriement de la Constitution qui allaient mener également à l'adoption d'une Charte des droits et libertés qui reconnaît le droit à l'égalité de tous et de toutes face aux lois qui sont adoptées.
Dans ce contexte, êtes-vous d'accord avec le fait que, au-delà de mon opinion...
(1640)
[Traduction]
L'honorable Claudette Tardif (Son Honneur la Présidente suppléante) : Honorables sénateurs, le temps de parole de la sénatrice Lankin est écoulé.
Sénatrice Lankin, demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?
La sénatrice Lankin : Oui, s'il vous plaît.
Son Honneur la Présidente suppléante : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Une voix : Cinq minutes.
La sénatrice Lankin : Merci beaucoup. Je suis d'accord avec vous. Nous devons examiner cette question dans le contexte de l'environnement juridique du pays. J'ai parlé de la Commission royale sur la situation de la femme et des nombreuses recommandations qui ont permis d'inscrire dans la Charte le droit à l'égalité.
Les paroles de l'hymne national doivent non pas répondre à un impératif juridique, mais plutôt refléter le Canada d'aujourd'hui dans le contexte juridique où nous vivons. Certains des sénateurs qui se sont opposés au projet de loi ont dit que nous n'avons pas à changer les paroles, parce que nous avons déjà la Charte des droits. Je crois que nous devons modifier les paroles parce que notre pays a évolué en acceptant l'inclusivité comme importante priorité de notre discours civil les uns avec les autres et de notre façon de créer un sentiment de communauté entre Canadiens.
L'honorable Anne C. Cools : La sénatrice Lankin accepte-t-elle de répondre à une question ou deux? Merci.
J'ai entendu la sénatrice Lankin dire que les paroles de l'hymne national ont été changées à plusieurs reprises. À ma connaissance, nous n'avons un hymne national que depuis 1980, et les paroles sont restées les mêmes depuis. Ai-je raison ou tort?
La sénatrice Lankin : Vous avez raison.
La sénatrice Cools : Je n'ai donc pas tort : vous avez bien dit que les paroles ont été changées à plusieurs reprises.
La sénatrice Lankin : J'ai parlé de dates telles que 1968 et j'ai mentionné la sénatrice Raine. Vous avez parfaitement raison. J'ai peut-être parlé de « l'hymne national » au lieu de dire l'Ô Canada, mais c'est bien à la chanson Ô Canada que je pensais.
La sénatrice Cools : Vous l'avez dit.
La sénatrice Lankin : Je vous remercie de m'avoir corrigée.
Je répète cependant que, au moment du dépôt et de l'adoption de la Loi sur l'hymne national...
La sénatrice Cools : Je croyais avoir la parole, Votre Honneur.
La sénatrice Lankin : Je répondais à la question.
La sénatrice Cools : Mais j'ai une autre question. Lorsque j'ai pris la parole, j'ai dit que j'avais une question ou deux à poser.
La sénatrice Lankin : C'est très bien.
Son Honneur la Présidente suppléante : Sénatrice Cools, avez-vous fini de poser votre question?
La sénatrice Cools : Je vous remercie. Il est d'usage, lorsqu'une personne a la parole, que personne d'autre ne se lève pour la reprendre, même si elle l'avait auparavant.
On doit une certaine déférence aux créateurs et aux artistes. Les paroles de l'hymne national constituent une création artistique de l'honorable juge Weir. Il a toujours été admis qu'on ne modifie pas à la légère les créations artistiques d'autres personnes, parce que c'est un privilège accordé aux artistes, aux écrivains, aux peintres, et cetera.
Je me demande si la sénatrice Lankin croit au privilège et au respect que nous devons au juge Weir, même s'il est décédé depuis longtemps.
La sénatrice Lankin : C'est son œuvre qui...
La sénatrice Cools : C'est son œuvre qui a été adoptée comme hymne national. C'est une chose que nous devons à cet homme.
La sénatrice Lankin : Merci beaucoup.
Sénatrice Cools, veuillez accepter mes excuses. Je vous ai entendue poser votre première question, puis dire : « Ai-je raison? » J'ai pensé que vous attendiez une réponse. C'est pour cette raison que je me suis levée.
Maintenant, permettez-moi de finir ma réponse à votre première question, après quoi je répondrai à la deuxième.
En ce qui concerne la première question, vous avez raison. Si j'ai parlé de « l'hymne national » au lieu de « la chanson Ô Canada » dans le contexte des changements, je m'en excuse. Il est utile de corriger le compte rendu. Je vous en remercie.
Je veux cependant souligner que, en 1980, lors de l'adoption de la Loi sur l'hymne national, le ministre d'alors avait donné l'assurance que la question serait reprise au cours de la session suivante en vue de modifications destinées à éliminer le caractère sexiste des paroles. Le même engagement a été pris par la suite. Il n'a jamais été question de garder les paroles telles quelles pour toujours. Au Parlement, l'intention a toujours été d'envisager des changements.
Pour ce qui est votre argument concernant le respect des œuvres artistiques, je crois évidemment que c'est un important principe. Je dirais cependant que la chanson Ô Canada, par opposition à l'hymne national, a été modifiée à six reprises depuis qu'elle a été écrite par M. Weir. On n'a jamais considéré que c'était un manque de respect envers l'œuvre originale.
Maintenant que c'est l'hymne national du Canada, la chanson n'est pas protégée par un droit d'auteur. Elle relève du domaine public. Le public a donc la possibilité de remédier à un problème fondamental de l'un de nos symboles nationaux que beaucoup de Canadiens croient devoir modifier. C'est un point de vue que je partage. Je sais que d'autres, comme vous, ont un point de vue différent. Je le respecte. Je crois que nous devrions simplement tenir un vote pour voir quels sont les nombres de chacun des deux côtés...
Son Honneur la Présidente suppléante : Je suis désolée, sénatrice Lankin. Votre temps de parole est écoulé.
Le sénateur Munson a la parole.
L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier la sénatrice Lankin d'avoir répondu à toutes les questions difficiles.
Une voix : Nous en avons encore.
Le sénateur Munson : Je suis certain qu'il vous en reste, mais je ne suis pas obligé de les accepter.
La sénatrice Lankin a mentionné qu'en 1967 elle fréquentait l'école primaire. Pour ma part, je suis allé à l'Expo. J'avais 21 ans et j'étais animé d'une grande fierté nationale. Je repensais au nouveau drapeau canadien adopté deux ans plus tôt. Quelle fierté m'inspirait, à 21 ans, la vue de la feuille d'érable et du nouveau drapeau!
Notre débat se poursuit donc ici. Je respecte le point de vue de mes collègues, le sénateur Michael MacDonald et le sénateur Wells, de grands joueurs de hockey. Je respecte leur point de vue, car il m'apparaît particulièrement important dans le débat actuel.
Si vous n'avez pas entendu le discours de la sénatrice Lankin, voici ce qu'elle a dit, à peu de choses près.
Honorables sénateurs, il s'est écoulé près d'un an depuis la première fois où j'ai pris la parole pour appuyer le projet de loi C- 210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre). Depuis, bon nombre d'entre nous avons entendu différents discours et arguments au sujet de l'importance de cette mesure et des répercussions qu'elle pourrait avoir.
Comme on le sait, le projet de loi C-210 propose de modifier seulement deux mots dans la version anglaise de l'hymne national, c'est-à-dire de remplacer « in all thy sons command » par « in all of us command ». Des deux côtés du débat, les émotions sont vives. Nous attachons tous de l'importance à l'hymne national, symbole de notre pays.
Je suis convaincu que la nouvelle formulation proposée serait plus respectueuse envers tous les Canadiens et Canadiennes dont les gestes ont façonné notre pays; les arguments en faveur de la formulation actuelle ne me feront donc pas changer d'idée. Le changement proposé touche des valeurs qui me sont chères, soit le pouvoir des mots et leur influence sur les croyances et les sentiments, ainsi que la valeur de l'inclusion sociale.
Je vous fais part de la façon dont le regretté Mauril Bélanger a décrit l'objectif du projet de loi lorsqu'il a dit : « Nous soulignons ainsi que, tous autant que nous sommes, sans distinction de sexe ou d'origine, [nous] contribuons à notre remarquable pays. »
Même lorsque, en 1980, l'Ô Canada est devenu officiellement l'hymne national du Canada, les législateurs avaient l'intention de revoir ces paroles de la chanson en anglais. Cette partie de l'hymne national est toujours intacte aujourd'hui malgré les nombreux efforts déployés au fil des ans pour la modifier. En fait, au cours des 35 dernières années, le Parlement a étudié 11 projets de loi qui visaient cet objectif. Comme l'a mentionné la sénatrice Lankin, un de ces projets de loi a été parrainé par notre collègue, Vivienne Poy — elle siégeait de l'autre côté. Nous sommes aujourd'hui saisis d'une autre mesure législative à cet égard, le projet de loi C-210. Voici ce qu'a déclaré notre ancienne collègue, la sénatrice Nancy Ruth :
Les projets de loi ont été soumis par des hommes et des femmes, des parlementaires de différentes régions du pays et d'origines différentes. Ensemble, ils nous montrent tous la voie à suivre et une façon d'inclure tous les Canadiens dans la chanson.
Un des rôles qui nous incombent en tant que parlementaires, c'est de représenter la diversité de la population canadienne — les langues, les expériences et les origines culturelles de tous ceux et celles qui considèrent le Canada comme leur pays.
(1650)
La diversité ne se produit pas d'elle-même. Elle est le fruit de la volonté d'un pays qui souhaite abattre les barrières et bâtir des ponts.
« Of us » ou « thy sons »? Ce choix a suscité des arguments pour et contre l'adoption du projet de loi C-210. Il limite notre réflexion et nous empêche d'explorer pleinement les possibilités.
Honorables sénateurs, nous devons plutôt nous concentrer sur les valeurs qui sous-tendent les arguments en faveur de la tradition ou de l'inclusion, afin de décider lesquels d'entre eux renforceront le pays.
Dans sa dernière intervention sur le projet de loi C-210, la sénatrice Petitclerc a posé précisément les questions auxquelles il faut répondre. Elle a dit ce qui suit :
Veut-on rester dans le passé pour des raisons traditionnelles ou historiques ou par peur du changement? J'estime que l'inclusion est un cadeau que nous pouvons offrir à l'ensemble des Canadiens d'aujourd'hui et de demain. Selon vous, pourquoi un importe-t-il plus que l'autre? Pourquoi le passé serait-il plus important que le présent et le futur?
Certaines personnes soucieuses de protéger la tradition affirment que modifier l'hymne national ne le rendra pas plus inclusif. Les gens entendent déjà ce qu'ils veulent bien entendre dans les paroles du chant.
D'autres pensent différemment. Kristen Kit, une barreuse qui a participé aux Jeux paralympiques et olympiques, a expliqué aux membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie l'expérience des athlètes par rapport à leur hymne national. Comme la plupart d'entre nous, les athlètes reconnaissent que l'hymne national est un symbole de notre identité culturelle. Pour eux, le chant est aussi associé à la réussite, car ils l'entendent lorsqu'ils gagnent une médaille d'or, d'argent ou de bronze. Parce que l'hymne utilise les mots « our sons », Mme Kit, qui est tout aussi canadienne que les athlètes masculins du pays, soutient que la contribution des athlètes féminines au Canada n'est pas pleinement reconnue.
Elle dit que les femmes et les hommes de la communauté sportive célébreraient l'adoption du projet de loi. Comme elle le dit dans ses mots, « pour ma génération, pareil changement montrerait que le Canada progresse, que nous vivons dans le présent et que nous nous tournons vers l'avenir. »
Ramona Lumpkin, rectrice et vice-chancelière de l'Université Mount Saint Vincent, à Halifax, a également dit au comité sénatorial que le projet de loi nous donne l'occasion de moderniser un hymne qui ne correspond plus à la réalité d'aujourd'hui. Elle a dit aux membres du comité qu'il faut traiter la modification comme un « moment propice à l'enseignement » nous donnant l'occasion d'enseigner l'histoire et l'évolution de la langue aux enfants d'âge scolaire et de leur parler de l'importance, pour les filles comme pour les garçons, de se retrouver dans nos chansons, dans nos mots, dans nos poèmes et dans nos productions culturelles. Cela créerait un important point de référence pour comprendre ce que c'est que d'utiliser les « bons mots » pour exprimer les bonnes valeurs.
Choisir de modifier les paroles de l'hymne pour mieux refléter la composition de notre société et faire preuve de respect envers le plus vaste éventail de Canadiens possible, voilà ce dont il est question. Cela ne contredit pas nos traditions nationales. Plutôt, cela respecte entièrement l'histoire du Canada, les croyances et les valeurs inhérentes à une société démocratique axée sur les droits.
La sénatrice Nancy Ruth, marraine du projet de loi, s'est exprimée avec éloquence et passion à son sujet. Elle a dit ceci :
Le principe qui sous-tend ce projet de loi est le respect : le respect à la fois de notre héritage culturel et de son évolution, le respect des services rendus par les Canadiens, hier et aujourd'hui, au pays ou à l'étranger, et le respect des hommes et des femmes de toutes origines, dont les droits sont protégés par la Charte canadienne des droits et libertés.
Honorables sénateurs, le temps est venu pour notre hymne national de mieux refléter de qui et de quoi est fait le Canada. C'est à nous qu'il revient de décider si le projet de loi C-210, loi modifiant la Loi sur l'hymne national, sera adopté et si son objectif sera atteint.
Honorables sénateurs, notre pays est peuplé de personnes capables de s'entendre mutuellement et de se témoigner du respect. En tant que parlementaires, il nous incombe de prendre la décision, d'agir en tenant compte de la volonté du peuple canadien. Celui-ci a participé au processus et nous a parlé d'inclusion, de progrès et de ses espoirs pour l'avenir.
On a proposé ici de ne pas imposer de délai, parce que rien ne presse. Bien sûr, tous les sénateurs devraient être entendus et souhaitent s'exprimer. Le débat dans cette enceinte sur l'aide médicale à mourir a été particulièrement difficile. Nous avons subi des pressions, même au sein de nos caucus, sur la façon dont nous devions voter. La décision a suscité beaucoup d'émotions et a été très difficile à prendre. Nous avons pu constater le caractère de chaque sénateur au cours de ce débat particulier.
Eh bien, nous tenons maintenant un autre débat. Le Canada célèbre cette année son 150e anniversaire, et nous aurons, au cours des prochains mois, l'occasion de régler la question. Je vous invite à vous joindre à tous ceux qui appuieront le projet de loi.
(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S- 206, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants contre la violence éducative ordinaire).
L'honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi S-206, qui vise à abroger l'article 43 du Code criminel.
J'appuie le projet de loi et j'ai accepté, à la suite du départ à la retraite de la sénatrice Hervieux-Payette, de devenir le nouveau parrain du projet de loi, parce que je crois que les enfants ont le droit de ne pas subir de violence et que la loi doit reconnaître ce droit aussi pleinement qu'elle le fait pour toutes les autres personnes dans ce pays. Il ne faut pas oublier que l'article 43 ne s'applique qu'aux situations où un enfant a subi de la violence et, par conséquent, que son application est restreinte.
Chaque génération fait les choses à sa façon au fur et à mesure que la société évolue, car les sociétés changent en fonction du savoir disponible. Sur le site web du ministère de la Justice, on peut lire ceci :
Dans le passé, il était acceptable de frapper les gens pour les forcer à obéir [...] les élèves, les domestiques et les employés pouvaient être fouettés pour les punir ou pour les forcer à accomplir certaines tâches.
Au cours du siècle dernier, la société a connu des changements et la loi a changé aussi. Un employeur n'a plus le droit de frapper un employé — sans exception. Les commissions scolaires interdisent aux enseignants...
— partout au Canada —
... de frapper des élèves [...].
En 1991, le Canada s'est engagé à protéger les enfants contre toute forme de violence et à agir dans l'intérêt des enfants quand il a signé la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Depuis lors, l'ONU a demandé à trois reprises que l'on abroge l'article 43 du Code criminel. Elle a également exprimé de graves inquiétudes par rapport à l'inaction du Canada dans ce dossier,
En 2006, l'étude du secrétaire général des Nations Unies sur la violence contre les enfants a conclu que tous les gouvernements sont responsables de la protection des enfants et tenus de respecter leurs obligations en matière de droits de la personne. Il a demandé aux États de mettre fin à la justification de la violence faite aux enfants, qu'elle soit faite sous couvert de la tradition ou de la discipline.
En 2007, le Sénat a recommandé l'abrogation de l'article 43 dès avril 2009.
En 2015, la Commission de vérité et réconciliation a demandé la même chose.
Il est temps que nous passions à l'action.
La Suède a été le premier pays à interdire la correction physique des enfants il y a 37 ans. La dernière fois que le Sénat a été saisi de ce dossier en 2013, 33 autres pays avaient interdit cette pratique. Aujourd'hui, en 2017, seulement 4 ans plus tard, 52 pays ont interdit l'usage de la force pour corriger les enfants, et 54 pays de plus se sont engagés à faire de même.
Les études, de plus en plus nombreuses, nous disent que 75 p. 100 des cas de mauvais traitements à l'égard d'enfants au Canada résultent de châtiments corporels donnés par les parents. Les gens qui croient avoir le droit de frapper les enfants ont manifestement du mal à se contrôler en le faisant.
Par ailleurs, selon les estimations de la Commission du droit du Canada, les mauvais traitements à l'égard des enfants coûtent chaque année des milliards de dollars à l'économie du Canada.
Les recherches montrent que même les châtiments corporels légers infligés aux enfants sont des prédicteurs d'une détérioration de la santé mentale, d'un affaiblissement des rapports avec les parents, d'une hausse des comportements antisociaux et d'un risque accru de violence à l'âge adulte à l'égard des partenaires intimes et des enfants. L'Agence de la santé publique du Canada, le ministère de la Justice et les gouvernements provinciaux sont tous de cet avis.
(1700)
Dans un sondage réalisé pour Global News réalisé en 2016, plus de 60 p. 100 des Canadiens étaient d'avis que la fessée devrait être illégale. Le Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario est à la tête d'une coalition de plus de 580 porte-parole et organismes nationaux. Cette coalition a publié une déclaration conjointe sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents et a également réclamé l'abrogation de l'article 43.
Les attitudes des Canadiens changent, honorables sénateurs. Selon les conclusions des travaux de recherche, les voix des experts, les défenseurs des droits des enfants ainsi que l'opinion publique, les châtiments corporels donnés aux enfants, avec la protection de l'article 43, ne sont plus appropriés et appartiennent à des temps révolus, où nous n'avions pas conscience des dommages causés.
Pour ceux qui s'inquiètent de la protection des parents, même sans l'article 43, la loi protège suffisamment les parents, tout comme les enseignants et les gardiens, qui doivent avoir recours à la force physique à l'égard d'enfants dans des cas mineurs ou dans des circonstances socialement acceptables ou légalement nécessaires. Elle ne les autorisera cependant pas à frapper des enfants sous prétexte de les corriger, ce qu'elle ne devrait jamais faire.
Honorables sénateurs, vous, moi et tout le monde dans ce pays, à l'exception des enfants, avons le droit de ne pas être agressés. Personne n'a le droit de nous frapper, de nous pousser, de nous tordre les bras, de nous enfermer ou de nous attacher à un siège. Pourtant, nous autorisons des gens à commettre ces actes à l'égard d'enfants. Les dommages aux enfants sont incommensurables. J'ai entendu leurs récits.
Dans un pensionnat indien en Alberta, un enseignant a été accusé d'avoir agressé un élève en le frappant au visage à trois reprises, causant de graves lésions. L'enseignant avait été reconnu coupable de voies de fait en première instance, mais a été acquitté en appel par un tribunal qui a jugé que la force utilisée était raisonnable. Cette affaire a donné le ton pour les traitements qui ont été réservés ensuite à tous les enfants dans les pensionnats.
Au pensionnat indien de Fort Albany, on m'a dit que les enfants surpris en train de parler leur langue ou qui se conduisaient mal d'une manière ou d'une autre étaient attachés à une chaise électrique et recevaient des décharges électriques jusqu'à ce qu'ils se tortillent en criant. J'ai entendu parler d'enfants qui s'étaient échappés d'un pensionnat qui ont été entièrement déshabillés et fouettés dans une salle pleine d'autres élèves, pour leur donner à tous une leçon. Certains se retrouvaient à l'infirmerie de l'école à cause de leurs lésions, sans que personne ne prenne leur défense.
La violence que les enfants autochtones se sont vu infliger de la part de leurs gardiens dans ces pensionnats en est venue à faire partie intégrante de leur vie, au point qu'elle s'est souvent reflétée dans la manière dont ils ont fini par traiter leurs propres enfants. Les pensionnats dans notre pays sont la preuve manifeste que la violence à l'égard de l'enfant engendre la violence parentale. Frapper des enfants pour changer leur comportement ne marche simplement pas.
Il est facile pour nous de convenir que les excès de violence comme ceux dont je vous ai parlé sont inacceptables, mais certains pensent qu'un degré moindre de violence ne poserait peut-être pas de problème. Il est vrai que les agressions que subissent les enfants ne sont pas toutes de l'ampleur dont nous avons entendu parler à Fort Albany. Après tout, une agression n'est que l'utilisation d'une force, aussi petite soit-elle, à l'encontre d'une personne sans son consentement, mais nous ne devons pas oublier que les contacts physiques mineurs ne sont de toute façon pas criminalisés, en vertu du principe dit de minimis. Si une infraction est à ce point mineure, elle ne mérite pas l'attention du droit criminel ni une sanction.
La loi reconnaît également que certains recours à la force sont socialement et légalement acceptables. Pour attirer l'attention de quelqu'un, par exemple, il faut parfois toucher cette personne à l'épaule ou au bras. Un match de boxe ou une mise en échec au hockey ne sont pas des agressions, car il y a consentement. Le contact physique accidentel n'est pas illégal, pas plus que l'usage d'une force raisonnable pour se défendre ou se protéger ou pour défendre ou protéger une autre personne, voire un bien.
L'article 43 prévoit que, si on agresse un enfant à des fins de correction de son comportement, on peut avoir une défense particulière si on fait usage d'une force raisonnable. La société commence à accepter qu'aucun degré de force n'est raisonnable.
Les enfants sont les personnes les plus vulnérables dans notre société. Ils ne votent pas. Ils ne peuvent pas influencer les changements politiques, sociaux, légaux ou économiques. Ils ne sont pas reconnus comme des citoyens ayant des droits humains et civils égaux à ceux des adultes. Ils sont considérés comme incapables au sens juridique.
Nous partageons l'avis selon lequel les enfants doivent être protégés des inconnus. Pourquoi, dès lors, pensons-nous qu'il n'y a pas lieu de les protéger de leurs propres parents, enseignants ou gardiens, ou de parents d'accueil, de travailleurs sociaux ou de gardiens de prison? Le fait est qu'ils doivent être protégés. C'est à nous, grands-pères et grand-mères, tantes et oncles, et gardiens de la sagesse dans la société, qu'il appartient de les protéger en modifiant cette disposition législative.
Il est temps pour nous de reconnaître que les enfants sont totalement tributaires des adultes pour la satisfaction de leurs besoins fondamentaux. Quand leurs droits sont enfreints, leur absence de pouvoir les rend incapables de résister ou d'agir. Leur vulnérabilité leur fait également éprouver de grandes souffrances affectives et mentales, justement parce qu'ils se font agresser quand des corrections leur sont infligées par des adultes dont ils dépendent pour leur protection, pour être aimés et pour leur bien-être affectif.
La Commission de vérité et réconciliation a conclu que l'usage de la force à des fins de correction dans les pensionnats avait eu des conséquences profondes et durables dont les effets se font sentir jusqu'à aujourd'hui dans les familles et communautés autochtones. Ce cycle de la violence a été corrélé à des taux élevés d'enfants dans les services de protection de la jeunesse, à l'incarcération trop fréquente des Autochtones et à des taux élevés de violence dans les communautés, y compris des taux de suicide extraordinairement élevés.
En 2004, la Cour suprême du Canada s'est prononcée sur l'article 43. Malheureusement, son raisonnement doit être discerné en lisant quatre jugements différents auxquels ont participé neuf juges. C'est une autre raison pour laquelle le Parlement doit agir. La question de savoir si les enfants bénéficient d'une protection moindre en matière d'agressions ne devrait pas être abandonnée à l'analyse du grand public et à sa compréhension de quatre motifs séparés de la Cour suprême du Canada. Pour indiquer comment on peut avoir recours à la force pour corriger un enfant, le ministère de la Justice a résumé cette décision de la Cour suprême par les principes suivants :
Un : le recours à la force pour corriger un enfant n'est permis que pour l'aider à apprendre et ne doit jamais être motivé par la colère.
Deux : l'enfant doit avoir entre 2 et 12 ans. En d'autres termes, l'article 43 ne peut être invoqué si l'enfant a moins de 2 ans, car il ne comprend pas, ou s'il a plus de 12 ans, car il y a alors de meilleures façons de le corriger. Cela signifie, par exemple, qu'on ne peut jamais frapper un adolescent.
Trois : la force utilisée doit être raisonnable et son effet doit être « transitoire et insignifiant ». Si vous blessez l'enfant, vous ne pouvez invoquer l'article 43.
Quatre : Même si la force employée est raisonnable, le traitement ne doit pas être humiliant ou inhumain.
Cinq : la personne ne doit pas utiliser un objet, comme une règle ou une ceinture, pour administrer la correction.
Six : la personne ne doit pas frapper ou gifler l'enfant au visage ou à la tête.
Sept : la gravité de la situation ou du comportement de l'enfant n'est pas prise en considération. Cela n'a rien à voir.
Huit : il peut être approprié, dans certaines circonstances, d'utiliser une force raisonnable pour retenir un enfant qui ont entre 2 et 12 ans.
Neuf : frapper un enfant parce qu'on est en colère ou pour se venger face au comportement de l'enfant n'est pas considéré raisonnable et est illégal.
Enfin, les enseignants ne peuvent pas frapper un enfant. Toutefois, ils peuvent user d'une force raisonnable pour sortir un enfant de la classe et le mener là où il doit aller ou être amené.
Tout cela mène à une conclusion très claire : les dispositions législatives sur les coups portés aux enfants sont confuses et elles doivent être réformées.
Ce projet de loi a ses détracteurs, comme en attestent les rejets précédents, même s'il était généralement accepté dans la population et par les professionnels. Certains groupes s'opposent à l'interdiction des châtiments corporels, comme l'organisme Family First en Nouvelle-Zélande, car, selon lui, depuis que des lois semblables interdisant de frapper les enfants sont entrées en vigueur, en 2007, dans ce pays, un nombre accru d'enfants ont reçu des diagnostics de problèmes psychologiques et comportementaux. Les parents respectueux de la loi ont été traités de criminels et la maltraitance n'a pas diminué.
(1710)
Il n'a jamais été prouvé que l'usage des châtiments corporels contre les enfants offre des avantages positifs à long terme. Des recherches plus fiables ont montré que les enfants qui subissent des châtiments corporels ont plus de troubles affectifs et de problèmes de comportement que ceux qui n'en subissent pas.
Contrairement à l'affirmation de Family First, un rapport de 2013 des autorités policières néo-zélandaises a montré que seulement huit poursuites ont été intentées contre des parents dans les six ans qui ont suivi la réforme de la loi.
D'autres groups prétendent que l'article 43 peut être invoqué comme moyen de défense par les parents, les gardiens et les enseignants contre une accusation de voies de fait. Si cela devait se produire, ce serait par pur hasard, compte tenu de l'état vague et confus de la loi sur le châtiment corporel. Dans une décision rendue par la Cour suprême en 2004, trois juges ont statué que l'article 43 devrait être invalidé parce qu'il porte atteinte au droit à l'égalité des enfants et parce que la défense selon laquelle il est « raisonnable dans les circonstances » de frapper une enfant est imprécise selon la Constitution. Ils ont conclu qu'il existe d'autres moyens de défense convenables pour protéger les parents.
Son Honneur la Présidente suppléante : Sénateur Sinclair, je suis désolée, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps?
Le sénateur Sinclair : Puis-je avoir deux minutes de plus?
Son Honneur la Présidente suppléante : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Sinclair : Ce n'est pas seulement la loi qu'il faut modifier pour protéger tous les enfants. Si des parents emploient une force raisonnable pour infliger une correction à leurs enfants afin de les discipliner, il faut aussi que leurs méthodes d'éducation changent.
En 2012, le Dr John Fletcher, le rédacteur en chef du Journal de l'Association médicale canadienne, a décrit l'article 43 comme une excuse anachronique utilisée par les parents qui ne savent pas élever leurs enfants. Il a écrit ceci :
Il faut refaire l'éducation des parents et leur apprendre comment discipliner leurs enfants. La présence d'une disposition précise dans le Code criminel qui sert d'excuse aux parents laisse à croire qu'il est normal et accepté qu'un parent commette des voies de fait lorsqu'il élève des enfants.
Il a ajouté que l'article 43 est « [...] une excuse utilisée à répétition par les parents qui s'accrochent à une méthode inefficace pour punir un enfant. »
Il existe d'autres méthodes pour éduquer et punir les enfants, qui n'impliquent pas la violence physique. Les programmes de formation au rôle de parent réussissent bien à enseigner des techniques d'éducation positive qui améliorent le comportement des enfants. Ces programmes doivent être facilement accessibles aux familles canadiennes.
L'article 43 envoie le message que le Canada approuve les agressions physiques sur les enfants. Les Nations Unies nous ont demandé à trois reprises de corriger la situation. Plus de 60 p. 100 des Canadiens veulent que nous agissions. Surtout, les enfants ont besoin que nous prenions les mesures qui s'imposent.
Voulons-nous vivre dans un pays qui n'interdit pas d'agresser un enfant, mais qui se contente d'en définir les balises? Je ne le crois pas. Il faut se rappeler que nous répétons à tout le monde avec fierté que le Canada est un endroit qui protège les plus vulnérables. Nous devons faire preuve de leadership dans ce dossier. Si nous ne le faisons pas, qui le fera?
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
La Loi sur le Parlement du Canada
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-234, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (artiste officiel du Parlement).
Son Honneur la Présidente suppléante : La sénatrice Bovey a la parole.
L'honorable Patricia Bovey : Votre Honneur, je ne suis pas tout à fait prête à prendre la parole à ce sujet. Je le serai jeudi.
(Sur la motion de la sénatrice Bovey, le débat est ajourné.)
L'étude sur les mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent
Cinquième rapport du Comité des droits de la personne et demande de réponse du gouvernement—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Munson, appuyée par l'honorable sénatrice Cordy,
Que le cinquième rapport, Trouver refuge au Canada : L'histoire de la réinstallation des Syriens, du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le mardi 6 décembre 2016, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec la ministre du Revenu national.
L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, réussir à accueillir plus de 25 000 réfugiés syriens d'ici le mois de décembre 2016 représentait un effort considérable pour lequel le Canada devrait être très fier. Du processus avant l'arrivée jusqu'à la réinstallation, les Canadiens ont témoigné leur générosité dans leur façon d'accueillir les réfugiés syriens dans leur vie, leur collectivité et leur cœur.
À titre de vice-présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, je tenais à prendre quelques minutes pour vous parler du rapport intitulé Trouver refuge au Canada : l'Histoire de la réinstallation des Syriens.
En mai 2016, le comité a entrepris son étude des mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent. Dans le cadre de l'étude, le comité a entendu à deux reprises des témoignages provenant de représentants du gouvernement, dont le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, du bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, de professionnels de la santé et de la santé mentale, du personnel d'une commission scolaire, de réfugiés parrainés par le gouvernement, de réfugiés parrainés par le secteur privé, de parrains du secteur privé et d'organismes de parrainage.
De nombreux organismes fournisseurs de services aux réfugiés ont témoigné à propos de leur expérience sur le terrain en tant que fournisseurs de service de première ligne dans le cadre du processus de réinstallation d'un aussi grand nombre de réfugiés en aussi peu de temps.
En plus des audiences à Ottawa, les membres du comité se sont rendus à Toronto et à Montréal pour tenir d'autres audiences, participer à des réunions d'instruction et visiter les installations.
À Toronto, des audiences publiques et à huis clos ont eu lieu afin de permettre aux réfugiés vulnérables de témoigner devant le comité. Nous avons alors entendu certains témoignages extrêmement difficiles et bouleversants de réfugiées qui ont relaté ce qu'elles ont vécu avant d'arriver au Canada ainsi que les défis qu'elles ont dû relever depuis qu'elles s'y trouvent.
Honorables sénateurs, je peux vous dire que j'ai eu de la difficulté à dormir au cours des semaines qui ont suivi, tant ces histoires déchirantes m'ont perturbé.
À Toronto, les membres du comité sont aussi allés au centre COSTI, un organisme de services aux immigrants, afin de visiter les installations et d'obtenir des renseignements sur les divers services offerts aux réfugiés syriens. Nous avons aussi eu la chance de rencontrer le directeur général de COSTI ainsi que de réfugiés syriens qui se trouvaient sur place.
Les membres du comité se sont ensuite rendus à Montréal pour participer à des réunions d'instruction avec un échantillon représentatif d'intervenants. Ils ont visité les installations de CARI St- Laurent, le Centre d'accueil et de référence sociale et économique pour immigrants, où ils ont été conviés à une réception. Les membres du comité ont pu faire une visite guidée des installations et eu l'occasion de discuter avec une trentaine de réfugiés syriens.
Dans son discours, le sénateur Munson a parlé de l'étude, des conclusions du comité et des 12 recommandations à l'intention du gouvernement. Je joins ma voix à la sienne pour inviter le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires afin d'aider les réfugiés syriens et les nouveaux Canadiens à s'établir et à prospérer pour que la société dans son ensemble puisse aussi devenir encore plus forte.
Honorables sénateurs, dans les témoignages qu'ils ont livrés au comité, la plupart des réfugiés syriens, voire tous, ont exprimé leur profonde reconnaissance d'avoir été accueillis au Canada et ont manifesté un grand désir de participer pleinement à la société canadienne pour y contribuer aussi rapidement que possible.
(1720)
Aujourd'hui, j'évoquerai brièvement une partie des témoignages que le comité a entendus concernant les obstacles à l'intégration réussie des réfugiés syriens ainsi que les recommandations que le comité a faites à cet égard.
La capacité de communiquer dans une des langues officielles du Canada est le premier pas vers un processus d'intégration réussi. Pourtant, nous avons entendu de nombreux témoignages concernant le manque de cours de langue, et plus encore de cours de langue offerts avec des services de garde d'enfants. Dans certains cas, des cours de langue avaient été purement et simplement annulés.
Beaucoup de réfugiés syriens qui ont de jeunes enfants sont arrivés au Canada et l'absence de services de garde d'enfants accompagnant la formation linguistique risque de nuire principalement aux femmes, qui resteront à la maison avec les enfants pendant que leur mari suivra des cours de langue. Pour que les réfugiées syriennes ne soient pas laissées pour compte et aient la capacité de chercher du travail ou de fréquenter une école et de participer pleinement à la vie de leur communauté, il est fondamental d'offrir suffisamment de cours de langue avec services de garde d'enfants.
Le comité recommande donc que le gouvernement augmente le financement de la formation linguistique et intensifie la coopération avec les organismes d'établissement ainsi que les gouvernements provinciaux et territoriaux pour que des cours de langue avec des services de garde d'enfants soient offerts aux réfugiés dès leur arrivée. S'ils n'acquièrent pas les compétences linguistiques nécessaires, les réfugiés syriens ne pourront pas véritablement faire leur vie au Canada.
Les problèmes de santé mentale et le manque de services de santé mentale sont également des obstacles à l'intégration réussie des réfugiés syriens. Le Dr Rashid, directeur médical d'une clinique qui soigne les réfugiés à Toronto, a dit lors de son témoignage qu'il est fréquent que les problèmes de santé mentale n'apparaissent pas immédiatement chez les réfugiés. Immédiatement après la migration, il y a un immense soulagement et l'attention se porte sur l'établissement; des mois peuvent donc s'écouler avant que des problèmes de santé mentale ne se manifestent. Par conséquent, nous constaterons vraisemblablement une augmentation des cas de réfugiés aux prises avec des problèmes de santé mentale dans les 12 à 18 prochains mois.
D'autres témoins ont cité la pénurie de ressources en santé mentale et de psychiatres ainsi que les barrières linguistiques parmi les facteurs qui entravent l'accès des réfugiés aux soins de santé mentale. C'est pourquoi le comité recommande que le gouvernement coordonne son action avec les partenaires provinciaux, territoriaux et municipaux pour que les prestataires de services de santé mentale établissent un plan complet qui comprenne des interventions adaptées aux particularités culturelles ciblant différentes maladies mentales, dont le trouble de stress post- traumatique, pour aider les réfugiés syriens qui ont des problèmes de santé mentale.
Le regroupement familial représente un autre aspect important d'une intégration réussie. De nombreux réfugiés syriens ont des proches qui sont toujours dans une zone de guerre ou dans une situation précaire dans un camp de réfugiés ou en dehors. Pendant qu'ils travaillent dur pour se bâtir une nouvelle vie au Canada, ils sont nombreux à être confrontés émotionnellement et mentalement, en même temps, au fait que des membres de leur famille doivent lutter chaque jour pour survivre. À cet égard, le comité recommande que le gouvernement examine le programme de réinstallation des réfugiés et détermine les changements qui peuvent être apportés afin de faciliter le regroupement en temps opportun des réfugiés déjà au Canada et des membres de leur famille restés à l'étranger et qui peuvent être exposés à des persécutions et à d'autres risques graves pour leur sécurité.
Enfin, je voudrais profiter de cette occasion pour remercier et féliciter les membres du comité et le personnel pour leurs travaux concernant l'étude et le rapport. Je remercie le président et les membres du comité qui ont participé aux audiences, aux missions d'enquête et aux visites sur le terrain à Toronto et à Montréal. Je voudrais remercier le greffier du comité, les analystes du comité et le personnel des sénateurs qui siègent au comité directeur pour leur travail acharné et leur dévouement dans la production de ce rapport.
En outre, je tiens à remercier toutes les personnes qui ont témoigné devant le comité, en particulier les réfugiés syriens qui ont courageusement raconté leur histoire, ont ouvert leur cœur et leur âme et ont fait part de leurs espoirs et de leurs rêves pour leur avenir au Canada.
Comme l'a fait remarquer la directrice de Réfugié 613, Louisa Taylor :
Cet effort d'établissement des refugiés n'est pas une course ou un marathon. C'est un ultra-marathon d'édification de la nation qui durera des années, une génération entière. Je crois qu'il aura des répercussions positives au cours des années à venir si nous investissons dans l'innovation et tirons la leçon de nos erreurs.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)
L'étude sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes atlantique et pacifique du Canada
Sixième rapport du Comité des transports et des communications et demande de réponse du gouvernement—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'étude du sixième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, intitulé Des pipelines pour le pétrole : protéger notre économie, respecter notre environnement, déposé auprès du greffier du Sénat le 7 décembre 2016.
L'honorable Michael L. MacDonald propose :
Que le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, intitulé Des pipelines pour le pétrole : protéger notre économie, respecter notre environnement, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 7 décembre 2016, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Ressources naturelles ayant été désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec les ministres des Transports et des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne.
— Honorables sénateurs, je n'ai pas grand-chose à dire de plus que ce qui a été dit lorsque le Sénat a été saisi de ce rapport. La version intérimaire du rapport a été publiée en décembre. Nous tenions à la rendre publique au cas où le gouvernement aurait voulu en prendre connaissance avant de rendre sa décision concernant les différents pipelines.
Il nous restait encore quelques témoins à interroger, et c'est maintenant fait. Nous en sommes venus à la conclusion qu'il n'y avait rien de spécial à ajouter à la version intérimaire du rapport, qui devient donc la version définitive et qui est présentée telle quelle au Sénat.
(Sur la motion du sénateur Day, au nom du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)
L'étude sur la conception et l'application du programme de plusieurs milliards de dollars du gouvernement fédéral pour le financement des infrastructures
Douzième rapport du Comité des finances nationales et demande de réponse du gouvernement—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l'étude du douzième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des finances nationales, intitulé Mieux planifier, mieux investir : Atteindre le succès en infrastructure, déposé auprès du greffier du Sénat le 28 février 2017.
L'honorable Larry W. Smith propose :
Que le douzième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, intitulé Mieux planifier, mieux investir : Atteindre le succès en infrastructure, déposé auprès du greffier du Sénat le 28 février 2017, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de l'Infrastructure et des Collectivités étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.
— Honorables sénateurs, le mardi 28 février, le Comité sénatorial permanent des finances nationales a publié son premier rapport intérimaire sur les dépenses en infrastructure, dans lequel il a formulé six recommandations principales. Nous allons continuer d'étudier cette question et d'en faire rapport, à mesure que le gouvernement poursuivra la phase 1 et qu'il passera à la phase 2 de son plan visant à investir 186 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années.
[Français]
Nous suggérons fortement que le gouvernement élabore une stratégie nationale à long terme en matière d'infrastructure, une stratégie qui établira des priorités concrètes que les parlementaires pourront mesurer afin d'évaluer le rendement des objectifs.
[Traduction]
La recommandation la plus importante du comité demande au gouvernement d'envisager l'élaboration d'une stratégie d'infrastructure nationale à long terme, qui permettra d'harmoniser les priorités aux échelons fédéral, provincial et municipal afin de créer un plan bien défini qui examinera les besoins futurs du pays en vue d'améliorer la productivité globale et la qualité de vie des Canadiens.
À l'heure actuelle, les 186 milliards de dollars prévus pour les infrastructures sont gérés et dépensés par 31 ministères différents, dont 10 qui n'ont indiqué aucune méthode de reddition de comptes transparente pour justifier leurs dépenses.
[Français]
Plus de 31 organismes différents ont leur propre programme de soutien des infrastructures. Cela crée un dédale bureaucratique qui rend difficile la surveillance rigoureuse des fonds.
[Traduction]
Nous recommandons qu'Infrastructure Canada soit l'unique ministère à gérer le financement pour l'infrastructure. Ce ministère a un très bon bilan en matière de gestion des infrastructures et de reddition de comptes à cet égard. Nous demandons un processus simplifié, mais adéquat, pour la reddition de comptes sur les mesures du rendement.
Nous demandons également que les programmes soient simplifiés de façon à ce que l'accès au financement se fasse par un guichet unique et que les programmes soient plus souples, comme dans le cas des critères de la taxe sur l'essence, avec des rajustements pour l'inflation, pas simplement une indexation de 2 p. 100.
Notre rapport recommande une meilleure coordination et un plus grand respect des priorités des gouvernements fédéral et provinciaux et des municipalités et la mise en œuvre d'une stratégie nationale pour accroître cette coordination.
(1730)
Pour la gouverne de tous, je dirai que lorsque nous avons demandé s'il y avait un plan stratégique, on nous a dit oui. Quand nous avons voulu savoir comment le plan était élaboré, les cadres supérieurs d'Infrastructure Canada ont dit : « Nous écoutons ce que les provinces ont à dire. » Mauvaise réponse. S'ils écoutent ce que les provinces ont à dire, alors ils n'ont pas défini les priorités à l'échelle nationale.
Il est évident que c'est une grande occasion pour le ministère de l'Infrastructure de faire preuve de leadership. Je crois que nos interlocuteurs ont interprété positivement nos commentaires. Nous n'avons pas été condescendants. Nous nous sommes simplement montrés pratiques et désireux de collaborer.
Enfin, notre rapport recommande au gouvernement d'examiner les programmes antérieurs de portes d'entrée et de corridors, qui constituent d'excellents exemples d'infrastructures commerciales tenant compte de toute la gamme des besoins du début jusqu'à la fin. Des experts nous ont dit que l'infrastructure commerciale est celle qui a les plus grands effets sur la productivité du pays, si elle est bien conçue. À l'heure actuelle, on n'a réservé que 10,6 p. 100 des 186 milliards aux routes, aux ponts, aux voies ferrées et aux ports.
Je suis fier de vous signaler que nous avons eu une excellente couverture médiatique de notre rapport partout dans le pays. Ce sujet intéresse énormément tous les Canadiens. Des articles ont paru dans la plupart des grands journaux et en ligne. De plus, nous avons eu des réactions d'experts dans l'étude de l'infrastructure. Par exemple, Ryan Greer, directeur de la Politique des transports et de l'infrastructure à la Chambre de commerce du Canada, a déclaré qu'il était heureux de voir que notre rapport mentionnait les plus importantes recommandations de l'étude réalisée par la Chambre de commerce. Aux États-Unis, la spécialiste de l'infrastructure Anne Jackson, de l'Association américaine des travaux publics, a averti les gens qui suivent ses messages sur Twitter de la conférence de presse qui devait se tenir à l'occasion de la publication de notre rapport, puis les a informés d'autres détails plus tard.
Comme parlementaires, nous voulons ce qu'il y a de mieux pour les Canadiens. Nous avons publié ce rapport au moment où le gouvernement est en train de faire la transition entre les phases 1 et 2 de son plan. Notre rapport est un outil positif pouvant aider le gouvernement à engager ses dépenses d'infrastructure de manière fort efficace.
Nous avons envoyé un lien à tous les sénateurs. Nous espérons que vous avez eu l'occasion de jeter un coup d'œil à la version française ou anglaise. Autre fait intéressant, nous avons développé nos capacités informatiques. Nous avons maintenant 10 000 sources. Nous avons ainsi accès à chaque projet qui a démarré ou qui est en cours dans chaque ville et chaque province. Nous sommes très heureux d'avoir la possibilité de faire un suivi. Les 10 000 éléments d'information dont nous disposons nous permettent de tenir les parlementaires au courant de tout à mesure que nous avançons.
Si vous examinez le rapport, vous verrez, du seul côté fédéral, plus de 22 programmes différents. Nous avons beaucoup trop de programmes. C'est trop complexe. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous voulons essayer de simplifier les choses.
Je suis vraiment heureux du travail que notre comité a accompli. Je tiens donc à remercier les membres du comité. Ils ont tous fait un travail remarquable. C'est le cas de la sénatrice Marshall, du sénateur Neufeld, qui n'est pas présent aujourd'hui, de notre nouveau collègue, le sénateur Woo, de la sénatrice Moncion, du sénateur Forest, de la sénatrice Ataullahjan et du sénateur Pratte. Je veux remercier tous ceux qui ont participé.
Nous allons maintenant aborder la phase 2. Vous avez fait un excellent travail et avez été très amicaux, énergiques et respectueux envers tous ceux qui s'intéressent aux infrastructures.
[Français]
L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Avant de demander l'ajournement du débat à mon nom, j'aimerais poser une question, étant donné qu'il était très difficile de cerner les principes du plan à long terme du gouvernement. Quels étaient les principes du plan stratégique du gouvernement précédent concernant ses projets d'infrastructures?
Le sénateur Smith : Sénatrice, c'est une excellente question. L'un des éléments que nous avons établis comme règle de base, c'est qu'Infrastructure Canada existe formellement depuis 2002 environ. L'infrastructure au Canada était en déclin de 1960 à 2000, et nous avons peu investi pour améliorer nos actifs. La première chose que nous avons dite en comité, c'est qu'il ne s'agissait pas de blâmer les libéraux, le nouveau gouvernement ou le gouvernement conservateur précédent. C'est un problème lié à la bureaucratie et à la façon de travailler, où il s'agit de déterminer comment nous pouvons réellement aider les gens à améliorer leur rendement. C'est la base de notre réflexion. C'est pourquoi, lorsque nous avons une question, il ne s'agit pas de l'aborder en termes de faute et de blâme; il s'agit de chercher la meilleure façon de faire le travail.
Je pense que nous sommes sur la bonne voie, et c'est très complexe. Le prochain défi pour nous sera de voir comment la mise en place de la Banque de l'infrastructure se déroulera au Canada, car elle offre beaucoup de possibilités pour les gros fonds de pension, les caisses de dépôt, et cetera. Cependant, il faudra voir quelle sera la différence entre les projets que choisiront ces derniers et les projets auxquels le gouvernement accordera la priorité.
(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, au nom de la sénatrice Petitclerc, le débat est ajourné.)
[Traduction]
L'étude sur les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest
Cinquième rapport du Comité des peuples autochtones et demande de réponse du gouvernement—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Le logement dans l'Inuit Nunangat : Nous pouvons faire mieux!, déposé auprès du greffier du Sénat le 1er mars 2017.
L'honorable Lillian Eva Dyck propose :
Que le cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé Le logement dans l'Inuit Nunangat : Nous pouvons faire mieux!, déposé auprès du greffier du Sénat le mercredi 1er mars 2017, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social (ministre responsable pour la Société canadienne d'hypothèque et de logement) étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec les ministres des Affaires autochtones et du Nord, des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, et le Président du Conseil du Trésor.
— Honorables sénateurs, c'est un honneur et un privilège de prendre la parole aujourd'hui en tant que présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et de consigner au compte rendu quelques observations sur le rapport intitulé Le logement dans l'Inuit Nunangat : Nous pouvons faire mieux!
J'aimerais d'abord remercier le vice-président, c'est-à-dire le sénateur Dennis Patterson, ainsi que tous les autres membres du comité qui ont entendu ici à Ottawa les témoignages ou qui ont pu nous accompagner lors de notre tournée dans le Nord, une tournée qui s'est avérée mémorable. J'aimerais également remercier notre greffier, Mark Palmer, nos analystes, Brittany Collier et Alexandre Lavoie, ainsi que Tony Spears, le rédacteur de la Direction des communications du Sénat, qui nous a accompagnés lors de notre tournée et a tenu un blogue quotidien. Je crois que c'est en grande partie en raison de ce blogue, qui a été largement lu, que nous fait l'objet d'une attention particulière.
J'aimerais également remercier le sénateur Patterson, qui nous a accueillis lorsque le comité était à Iqaluit. Son épouse et lui nous ont offert dîner et divertissements pour une soirée. Nous leur en sommes très reconnaissants. Je tiens également à remercier le sénateur Watt qui, lorsque nous avons visité Kuujjuaq, s'est assuré que nous rencontrions les bonnes personnes et que tout se déroule bien là-bas.
Le rapport énonce les observations du comité, ses constatations et ses recommandations à la suite de l'étude sur le logement dans le Nord, qui a été réalisée de février à juin 2016. L'étude a examiné les pratiques exemplaires et les difficultés continuelles relatives au logement dans l'Inuit Nunangat, qui signifie « le lieu où vivent les Inuits », en inuktitut.
Ce qui est merveilleux à propos du rapport, c'est que nous l'avons fait traduire en inuktitut, car il concerne réellement les gens qui vivent là-bas et que leur langue première est l'inuktitut. Si vous consultez le site web, vous pourrez voir le rapport en inuktitut, en écriture syllabique. Je crois que c'est l'une des meilleures décisions que nous ayons prises. Nous l'avons fait pour honorer les Inuits et faire en sorte qu'ils puissent accéder au rapport plus facilement. J'estime que c'est une bonne chose.
Le rapport du comité a été éclairé par les témoignages entendus ici à Ottawa et lors de nos visites dans les collectivités. Ici même, à Ottawa, nous avons entendu plus de 50 témoins, notamment des représentants de gouvernements inuits, des sociétés d'habitation du Nord et des jeunes, ainsi que divers universitaires qui ont étudié le logement dans le Nord.
(1740)
En avril 2016, des membres du comité se sont rendus dans des collectivités du Nunavut et du Nunavik pour constater la situation sur place. Nous avons ainsi rendu visite aux collectivités d'Iqaluit, d'Igloolik, de Kuujjuaq, d'Inukjuak et de Sanikiluaq. Nous avions également prévu de visiter Nain et le Nunatsiavut, mais le mauvais temps nous en a malheureusement empêchés. Nous aurions pu en fait nous y rendre par avion, mais nous n'aurions pas pu revenir à temps. Nous avons donc décidé d'annuler cette partie du voyage.
Quand je pense aux types d'aéronefs que nous avons pris et au fait que nous avons pu voler au-dessus de l'Arctique et en particulier du cercle arctique à l'occasion de notre visite d'Igloolik, je dois dire que le voyage a été mémorable. Nous avons pu ainsi constater que le Nord est comme tout le monde l'imagine — totalement plat et blanc, avec de la neige et de la glace partout, sans arbre, glacé et désertique.
À Igloolik, il y avait une station de recherche scientifique qui a été construite dans les années 1950, je crois. Le sénateur Patterson le confirme. Elle ressemble à un ovni, un objet volant non identifié. C'était frappant.
Je tiens également à remercier les membres des diverses communautés qui vivent dans ces petites villes et qui nous ont ouvert leurs portes, nous permettant ainsi de voir comment ils vivent. Nous leur en sommes très reconnaissants.
Nous avons pu nous rendre compte de la crise du logement dans l'Inuit Nunangat. Ce qui m'a frappée, c'est que contrairement à nos maisons, les leurs n'ont pas de sous-sol. Nous sommes habitués à des maisons qui sont munies d'un sous-sol ou qui, s'il n'y a pas de sous-sol, sont bâties sur une dalle sur sol. Là-bas, les habitations sont construites sur pilotis. De cette façon, lorsque le vent souffle, les bancs de neige n'engloutissent pas la maison. Cela m'a beaucoup frappée.
Nous avons constaté que les maisons étaient construites principalement selon les normes des codes du bâtiment en vigueur dans le Sud et que ces normes ne convenaient pas dans le Nord. Nous avons vu plusieurs maisons construites de cette façon. Ces maisons durent moins longtemps en raison du climat. Le bois se détériore parce qu'il se contracte et prend de l'expansion. Les fenêtres n'étaient pas suffisamment étanches. Ce n'était que des fenêtres à double vitrage qui isolaient mal la maison. Par conséquent, il y avait beaucoup de problèmes d'humidité. L'humidité créait du givre et de la glace qui s'accumulait.
L'une des pires choses est que, dans certaines de ces maisons, la porte d'entrée principale, qui était parfois la seule porte, était orientée vers le nord de sorte que le vent froid du nord entrait dans la maison. En raison de l'humidité, il arrivait que les portes soient bloquées par une couche de glace, ce qui posait un problème de sécurité. S'il y avait un incendie et que la porte était bloquée, il serait difficile de sortir rapidement de la maison. Qui plus est, dans un contexte de violence familiale où une personne aurait besoin de sortir de la maison, elle aurait de la difficulté à le faire. Ce sont là quelques-uns des problèmes de sécurité.
En outre, dans un cas, nous avons vu 15 personnes vivant dans une petite maison à trois chambres. Il n'y avait pas de sous-sol, souvenez-vous, et c'était une petite maison. Imaginez vivre ainsi toute l'année, en plein hiver, alors qu'il fait sombre dehors. C'est comme avoir toute votre parenté chez vous à Noël, sauf que Noël dure toute l'année. La maison n'avait pas d'éclairage, était mal chauffée, n'avait qu'une seule salle de bains et était envahie par l'humidité. C'est une situation qui ne devrait pas et qui ne devrait plus exister.
L'humidité produit beaucoup de moisissures, ce qui entraîne des maladies et des troubles respiratoires.
Des cas de tuberculose ont aussi été signalés. Il faut changer les choses.
Comme nous le disons dans le Sud du Canada, il faut accorder la priorité au logement, et c'est certes ce qu'on doit faire dans le Nord.
La grave pénurie de logements est exacerbée par les taux élevés de logements surpeuplés. De nombreux Inuits sont sur le point de devenir des sans-abri dans l'un des climats les plus rudes au monde. Au Nunavik, près de la moitié des familles inuites habitent dans des logements surpeuplés. Comme je l'ai déjà dit, nous avons vu une petite maison où vivaient 15 personnes. À l'arrière de la maison, il y avait une cabane où habitaient un jeune couple et leur bébé. Leur seule source de chauffage était une lampe traditionnelle à l'huile de phoque. Une telle situation ne peut plus durer.
Le Nord est également touché, bien sûr, par des problèmes liés au changement climatique. Dans l'une des communautés — je pense qu'il s'agissait d'Inukjuak —, le pergélisol commençait à fondre. Quand cela se produit, les fondations des maisons commencent à devenir instables. Nous avons vu des fissures dans les plafonds, là où les murs s'étaient déplacés, ainsi que des fissures autour des portes et le long des murs, au niveau du plancher. Les maisons bougent à cause de la fonte du pergélisol.
Maintenant, de concert avec les chercheurs de l'Université Laval, les dirigeants de la communauté tentent de trouver des zones environnantes où ils pourraient déménager les maisons, des endroits où il y a du substrat rocheux plutôt que du pergélisol. Fait intéressant, à Iqaluit, nous avons découvert qu'il n'y avait pas suffisamment de zones de roche dure ou de terrains plats où des logements pouvaient être construits. La communauté commence à manquer de zones pouvant être aménagées. Elle ne peut pas s'étendre trop horizontalement, donc elle devra peut-être s'étendre verticalement. Voilà le genre de choses que nous avons observées.
La crise du logement ne fait que s'aggraver au fil du temps. Nous sommes au courant de cette situation depuis des décennies. Maintenant que la jeune population inuite augmente rapidement, ce problème ne fera que s'aggraver encore davantage. Il y a déjà des besoins pressants à cause du nombre limité de maisons, et la moitié des Inuits sont âgés de 25 ans ou moins. C'est un problème urgent auquel il faut remédier dès maintenant.
Je vais maintenant parler des jeunes Inuits. Nous avons eu la chance d'entendre deux jeunes Inuits de Kuujjuaq qui nous ont très bien expliqué leur situation. Ils ont parlé des problèmes de santé des jeunes. Par exemple, un témoin nous a parlé du besoin d'offrir un refuge aux personnes qui sont victimes de violence à la maison ou qui ne se sentent pas assez en sécurité pour dormir à la maison et qui ont donc besoin d'un endroit où se réfugier. Si toutes les maisons sont surpeuplées, ces personnes n'ont nulle part où aller; il leur faut donc un refuge temporaire.
Nous n'en avons pas beaucoup parlé, mais nous avons aussi noté que le taux de suicide est de sept à huit fois plus élevé dans le Nord que dans le reste du pays. Selon deux témoins, Natan Obed, d'ITK, et la Dre Riva, chercheuse à l'Université Laval, les logements inadéquats des Inuits font partie des facteurs pouvant mener au suicide. Un enfant qui vit dans une maison avec 15 personnes et qui n'a aucun espace pour étudier n'a probablement pas d'endroit à lui pour dormir et doit probablement faire la queue pour aller à la salle de bain. S'il y a de la violence familiale, que peut-il faire?
La situation du logement est très contraignante. Il faut donc y remédier immédiatement. Nous comptons sur les jeunes pour mener le pays vers un avenir meilleur; pour qu'ils y parviennent, il leur faut un logement adéquat.
De plus, deux jeunes témoins, Louisa Yeates et Olivia Ikey, ont parlé de la façon dont elles ont voulu aller faire des études pour échapper au cercle vicieux. Toutefois, en quittant le Nord pour aller au Sud étudier, elles n'étaient plus considérées comme des habitantes du Nord, ce qui complique la recherche d'un logement au retour. Les politiques de logement étaient telles qu'elles étaient essentiellement victimes de discrimination. Elles ont dit que si elles n'étaient pas parties ailleurs pour faire des études, qu'elles étaient restées là et qu'elles avaient eu des bébés, elles auraient eu probablement accès à un logement. N'oublions pas que ces deux dames sont bien jeunes mais, comme elles étaient célibataires, qu'elles avaient fait des études et qu'elles gagnaient un bon salaire, elles ont eu plus de difficulté à trouver une maison.
(1750)
Il ne leur a pas été avantageux de faire des études pour obtenir un emploi et gagner un bon salaire parce qu'elles n'ont pas pu se trouver une maison. Elles nous ont vraiment encouragés à recommander un examen de la politique de logement pour qu'une telle situation ne se reproduise plus. D'ailleurs, je me souviens que, en traversant Iqaluit, nous sommes passés par une route où nous avons vu des maisons. J'ai demandé alors quelles étaient ces maisons. On m'a répondu qu'il s'agissait de maisons pour les fonctionnaires, mais il était évident que personne n'y habitait.
Inukjuak et Igloolik sont de petites localités. À Inukjuak, de 10 à 15 maisons étaient vacantes. Personne n'y habitait, et ce, depuis des années dans certains cas. À Igloolik, on comptait 19 maisons vacantes qui étaient toutes considérées comme des maisons réservées aux fonctionnaires. Elles étaient vacantes. Les témoins nous ont dit qu'elles étaient probablement de meilleure construction que les maisons offertes aux gens de la place.
C'est une grande source de frustration pour les jeunes gens, qui constatent l'injustice dont ils sont victimes et qui n'ont pas le droit d'habiter dans ces maisons. Imaginez que vous êtes très mal logé, que vous n'avez pas de place, mais qu'une maison vacante se trouve tout près et que vous pourriez l'occuper si seulement la politique pouvait être changée. Donc, nous recommandons au gouvernement de changer ces politiques.
Notre rapport contient 13 recommandations qui, selon nous, pourraient être utiles pour commencer à résoudre le problème de logement dans l'Inuit Nunangat. Je viens de vous parler de la dernière recommandation, qui concerne les jeunes.
La première recommandation a trait au financement. Nous pensons qu'une stratégie fédérale de financement devrait être établie et qu'elle devrait prévoir des fonds suffisants, prévisibles et stables pour le logement dans l'Inuit Nunangat. Il n'est pas possible de fonctionner avec une enveloppe qui peut fluctuer d'année en année. On promet de l'argent une année, mais les matériaux de construction arrivent trop tard dans la saison, ce qui fait qu'il faut attendre au printemps, alors qu'un nouveau cycle budgétaire commence et que le financement déjà accordé ne tient plus.
Puis-je avoir cinq minutes de plus?
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
La sénatrice Dyck : La stratégie de financement figurait au sommet de la liste. Nous sommes conscients qu'il faut pouvoir compter sur un financement stable à long terme pour remplacer — il convient de le souligner — la diminution graduelle du financement offert par la SCHL.
La SCHL a versé une grande partie du financement au début, et ces sommes servent à financer le logement social. Sa contribution diminue toutefois rapidement, et elle tombera à zéro dans 20 ans.
Rappelons que le revenu médian des résidants inuits n'est que de 30 000 $ par année, alors que le coût de la vie est élevé. Le fonctionnement et l'entretien d'une maison coûtent cher : on parle d'environ 35 000 $ par année, soit une somme supérieure au revenu médian.
Comme le montrent ces chiffres, peu de résidants ont les moyens d'être propriétaires. Le financement des logements sociaux est donc essentiel à l'heure actuelle. Sans financement consacré au logement social, la situation deviendra intenable.
Voici les messages clés : le financement vient en première place. Ensuite, la crise du logement dans l'Inuit Nunangat pose de graves problèmes de santé publique. En effet, la présence de nombreuses moisissures entraîne des maladies respiratoires; l'incidence de la tuberculose est d'ailleurs à la hausse. De plus, la violence domestique peut sévir dans certains foyers. Par ailleurs, on peut probablement établir des liens avec l'épidémie de suicide que connaît le Nord, sans compter que la crise du logement peut nuire à la réussite scolaire des enfants et des jeunes.
Nous devons agir sans tarder et régler cette question. Sinon, les gens se retrouvent dans un cycle terrible et n'arrivent pas à s'en sortir tant qu'ils n'ont pas de logement décent.
Nous sommes heureux d'annoncer que, pendant l'élaboration de notre rapport, en mai dernier, nous avons écrit aux ministres responsables de la SCHL et d'Affaires autochtones et du Nord pour leur demander de transférer des fonds directement aux organismes qui s'occupent du logement des Inuits plutôt qu'au gouvernement provincial. Le gouvernement a donné suite à notre demande, et nous lui recommandons de continuer dans la même voie. En effet, et c'est un autre thème important, nous avons découvert que personne n'est à l'écoute des Inuits et des autorités en matière de logement. Si on ne les écoute pas, il est impossible de bâtir une maison convenable. Si on ne leur verse pas les fonds directement, on ne favorise pas leur autonomie, on ne leur donne pas la possibilité de bâtir leur propre avenir.
L'honorable Pierrette Ringuette : J'aimerais poser quelques questions à l'honorable sénatrice.
Son Honneur le Président : Il lui reste une minute et demie.
La sénatrice Ringuette : Tout d'abord, je félicite le comité de son rapport. Je vous félicite également du très bon résumé que vous avez fait des conclusions et des recommandations du comité.
Selon le comité, combien d'argent et combien de logements d'une, de deux ou de trois chambres à coucher faudra-t-il prévoir pour les 10 prochaines années?
La sénatrice Dyck : Je vous remercie de votre question, sénatrice Ringuette. Elle nous a aussi été posée par la presse. Nous ne nous sommes pas beaucoup attardés à l'aspect financier, mais on nous a dit qu'il manque environ 4 000 maisons dans au moins deux régions. Étant donné qu'il en coûte environ 500 000 $ par maison, il suffit de faire le calcul pour conclure qu'un montant de 2 milliards sera nécessaire.
Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais le dernier budget prévoyait des augmentations de l'ordre de dizaines et de vingtaines de millions de dollars expressément pour le Nord.
Heureusement, l'Inuit Nunangat compte une population d'environ 45 000 personnes, ce qui n'est pas énorme. Il reste que le prix des maisons de deux ou de trois chambres à coucher se chiffre à peu près à 500 000 $ l'unité.
(Sur la motion du sénateur Patterson, le débat est ajourné.)
[Français]
Le Sénat
Motion tendant à modifier le Règlement du Sénat afin que les rapports législatifs des comités sénatoriaux respectent une méthodologie transparente, intelligible et non partisane—Motion d'amendement—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l'honorable sénateur Harder, C.P.,
Que le Règlement du Sénat soit modifié, afin que les rapports législatifs des comités du Sénat respectent une méthodologie transparente, intelligible et non partisane, par substitution de l'article 12-23(1) par ce qui suit :
« Obligation de faire rapport d'un projet de loi
12-23. (1) Le comité saisi d'un projet de loi doit en faire rapport au Sénat; ce rapport fait état de tout amendement recommandé par le comité et doit inclure en annexe les observations de celui-ci sur les sujets suivants :
a) la conformité, de manière générale, du projet de loi à la Constitution du Canada, notamment :
(i) la Charte canadienne des droits et libertés;
(ii) le partage des compétences législatives entre le Parlement et les législatures provinciales et territoriales;
b) la conformité du projet de loi aux traités et accords internationaux signés ou ratifiés par le Canada;
c) le fait que le projet de loi porte ou non atteinte indûment aux minorités ou aux groupes défavorisés sur le plan économique;
d) le fait que le projet de loi a des impacts sur des provinces ou territoires;
e) le fait que les consultations appropriées ont été tenues;
f) toutes erreurs manifestes de rédaction;
g) les amendements au projet de loi présentés au comité qui n'ont pas été adoptés par celui-ci, de même que le texte de ces amendements;
h) toute autre question qui, de l'avis du comité, doit être portée à l'attention du Sénat. »
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Nancy Ruth, appuyée par l'honorable sénateur Tkachuk,
Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu'elle soit modifiée par :
1. adjonction du nouveau paragraphe suivant après le paragraphe c) proposé :
« d) le fait que le projet de loi a fait l'objet d'une analyse comparative entre les sexes approfondie; »;
2. modification de la désignation des paragraphes d) à h) proposés à e) à i).
L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je tenterai d'être brève, étant donné que nous en sommes au 14e jour et que c'est la deuxième fois que j'ajourne le débat.
Je prends la parole aujourd'hui afin de me prononcer en faveur de l'amendement proposé par la sénatrice Nancy Ruth à la motion que j'ai présentée en mai 2016. La sénatrice Nancy Ruth a proposé d'ajouter un critère dont il faut tenir compte lors de l'étude d'un projet de loi en comité et de la présentation du rapport au Sénat. Ce critère concerne l'analyse comparative approfondie entre les sexes. J'appuie cet amendement, et je remercie la sénatrice de l'avoir proposé.
[Traduction]
En anglais, ce genre d'analyse est communément appelée « gender-based analysis plus » ou « GBA+ ». J'appuie l'amendement. Avant de l'aborder de manière plus approfondie, je veux toutefois expliquer le contexte et la teneur de la motion initiale.
[Français]
La motion initiale, modifiée par la sénatrice Nancy Ruth, propose d'apporter une modification au Règlement du Sénat afin de faciliter les débats à l'étape de la troisième lecture, qu'il s'agisse de projets de loi du gouvernement ou de projets de loi présentés par des membres du Sénat ou de la Chambre des communes. Elle s'inscrit dans une réflexion personnelle, amorcée à la suite du renvoi de la Cour suprême concernant la réforme du Sénat en 2014.
(1800)
Cette motion vise à répondre à la question suivante : quels sont les critères qu'un sénateur désirant porter un regard indépendant et non partisan sur les projets de loi doit prendre en compte afin de justifier sa position à la population canadienne?
Le renvoi de la Cour suprême précise que le Sénat est une Chambre complémentaire et non rivale à la Chambre des communes. Il précise aussi que ce n'est pas le rôle du Sénat que de s'opposer...
[Traduction]
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l'article 3-3(1) du Règlement, je suis obligé de quitter le fauteuil, à moins que nous ne consentions à ne pas tenir compte de l'heure. Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l'heure?
Des voix : D'accord.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Le renvoi précise que ce n'est pas le rôle du Sénat que de s'opposer pour le simple plaisir de s'opposer, mais que son rôle est plutôt de porter un second regard attentif aux lois adoptées à l'autre endroit.
[Traduction]
Je cite le renvoi de la Cour suprême, plus précisément les propos de sir John A. Macdonald :
Un sénat dont les membres sont nommés aurait pour rôle de « modérer et [de] considérer avec calme la législation de l'assemblée et [d'] empêcher la maturité de toute loi intempestive ou pernicieuse passée par cette dernière, sans jamais oser s'opposer aux vœux réfléchis et définis des populations » [...]
[Français]
Il est difficile pour un sénateur qui veut exercer son rôle constitutionnel, tel qu'il est précisé dans le renvoi, d'étudier en profondeur tous les projets de loi qui sont déposés au Sénat. Ce sont les comités qui ont la responsabilité d'étudier en profondeur les projets de loi. Ils en font rapport à l'ensemble des sénateurs en vue d'un débat à l'étape de la troisième lecture.
La règle concernant les rapports des comités est peu contraignante. Elle permet au comité d'annexer des observations au rapport. En pratique, les rapports des comités sont peu bavards quant à la nature des délibérations qui ont eu cours. Le Règlement oblige un comité à joindre des observations seulement lorsque ce dernier apporte des amendements au projet de loi, ou encore, lorsqu'il le rejette.
Généralement, le rapport du comité est très succinct. Lorsqu'un projet de loi est étudié en comité et qu'aucun amendement n'est rapporté au Sénat, le comité peut simplement déposer au Sénat un rapport qui contient la formule suivante :
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi, a, conformément à l'ordre de renvoi, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.
Tout simplement. Cette simple phrase constitue le rapport du comité. Le comité n'est pas obligé de rapporter la nature des discussions, comme les questions qui ont été soulevées par les témoins ni même les amendements qui ont été présentés et rejetés.
Depuis très longtemps, depuis que je suis ici, cette unique phrase constitue le rapport de la grande majorité des projets de loi qui sont étudiés en comité. Pourtant, les rapports des comités pourraient être très utiles aux sénateurs qui n'ont pas pu participer à l'étude d'un projet de loi et leur permettraient de se faire une idée sur les différents éléments qui font qu'un projet de loi est un bon projet de loi.
Or, quels sont ces éléments qui font justement qu'un projet de loi qui vient de la Chambre des communes peut être considéré comme un bon projet de loi? Plus spécifiquement, quel test le Sénat doit-il faire subir aux projets de loi à l'étude pour garantir aux Canadiens et aux Canadiennes que le Sénat a bien joué son rôle de second regard objectif?
Le test du Sénat doit être exempt de partisanerie, on le sait. Le test du Sénat doit être différent de celui de l'opposition officielle à l'autre endroit. Il ne peut être la transposition des questions de l'autre endroit, qui sont souvent plus idéologiques. Le test du Sénat, à mon avis, est un test de qualité qui se fonde sur des critères objectifs. En effet, le rôle des sénateurs est lié au contrôle de la qualité. Les sénateurs doivent exercer ce rôle en mettant de côté leurs préférences personnelles et leurs affinités partisanes.
La motion no 89 que j'ai présentée l'an dernier vise justement à cerner certains des éléments essentiels de ce contrôle de la qualité. Si cette motion était adoptée, elle obligerait les comités à annexer à leur rapport les observations des témoins entendus quant à ces éléments essentiels. Cette motion n'oblige pas les comités à faire eux- mêmes une étude en profondeur sur chacune de ces questions. Ce serait irréaliste, compte tenu du temps dont nous disposons pour l'étude de chacun des projets de loi. Cette motion sert plutôt de guide aux membres du comité afin d'orienter les questions qu'ils poseront aux témoins et dont ils feront rapport au Sénat.
Donc, la motion no 89 vise à modifier le Règlement à l'article 12- 23 afin qu'il soit annexé au rapport des observations sur les éléments suivants :
12-23. (1) Le comité saisi d'un projet de loi doit en faire rapport au Sénat; ce rapport fait état de tout amendement recommandé par le comité et doit inclure en annexe les observations de celui-ci sur les sujets suivants :
a) la conformité, de manière générale, du projet de loi à la Constitution du Canada, notamment :
(i) la Charte canadienne des droits et libertés;
(ii) le partage des compétences législatives entre le Parlement et les législatures provinciales et territoriales;
b) la conformité du projet de loi aux traités et accords internationaux signés ou ratifiés par le Canada;
c) le fait que le projet de loi porte ou non atteinte indûment aux minorités ou aux groupes défavorisés sur le plan économique;
d) le fait que le projet de loi a des impacts sur des provinces ou territoires;
e) le fait que les consultations appropriées ont été tenues;
f) toutes erreurs manifestes de rédaction;
g) les amendements au projet de loi présentés au comité qui n'ont pas été adoptés par celui-ci, de même que le texte de ces amendements;
h) toute autre question qui, de l'avis du comité, doit être portée à l'attention du Sénat.
La sénatrice Nancy Ruth a proposé d'ajouter à cette liste l'élément suivant :
d) le fait que le projet de loi a fait l'objet d'une analyse comparative entre les sexes approfondie;
L'ajout que propose la sénatrice Nancy Ruth ne vise pas à obliger le comité à effectuer une analyse comparative approfondie entre les sexes. Elle vise plutôt à poser la question aux experts afin de déterminer si une telle analyse a été effectuée et, si oui, à savoir quels sont les résultats de cette analyse.
[Traduction]
Je veux maintenant parler un peu de l'analyse comparative entre les sexes, ou ACS+. Permettez-moi de commencer en vous donnant la définition de l'ACS+ en me servant des mots de Condition féminine Canada :
L'ACS+ est une méthode d'analyse qui permet d'examiner une politique, un programme ou une initiative en fonction de ses divers effets sur différents groupes de femmes et d'hommes, ainsi que de filles et de garçons. Elle donne un aperçu en remettant en question les présomptions et en saisissant les réalités des femmes et des hommes touchés par une question particulière. Elle fournit aux analystes, aux chercheurs, aux évaluateurs et aux décideurs les moyens d'améliorer les différentes interventions et de tenir compte des conséquences imprévues.
En 1995, dans le cadre de la ratification du Programme d'action de Beijing des Nations-Unies, le gouvernement fédéral s'est engagé à utiliser l'ACS+ pour faire avancer l'égalité des sexes au Canada.
À la demande du Comité permanent de la condition féminine, le Bureau du vérificateur général a produit un rapport sur les pratiques de l'ACS dans six ministères et trois organismes centraux en 2009. Les principales conclusions du rapport ont relevé :
[...] peu ou pas d'éléments probants démontrant l'existence de cadres d'ACS dans les ministères; pas de preuve que l'ACS fait partie du processus décisionnel ou est documentée pendant ce processus; et absence de documentation démontrant que le Bureau du Conseil privé et le Secrétariat du Conseil du Trésor remplissent leur fonction d'examen critique auprès des ministères.
En réponse au rapport de la vérificatrice générale, le ministère de la Condition féminine, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et le Bureau du Conseil privé ont créé le Plan d'action ministériel pour l'analyse comparative entre les sexes à l'automne 2009. Récemment, le gouvernement a réitéré son engagement à l'égard de l'ACS et il travaille à renforcer sa mise en œuvre dans tous les ministères fédéraux.
[Français]
La revue The Economist faisait récemment état de l'importance pour les gouvernements d'entreprendre des analyses comparatives approfondies entre les genres. Dans cet article paru dans l'édition du 25 février 2017, on explique comment, par exemple, une telle analyse est utile dans la conception des budgets des gouvernements, puisqu'elle permet de s'attaquer efficacement aux causes des inégalités entre les genres. Ainsi, de telles analyses permettraient de mener des actions plus efficaces que les lois actuelles fondées sur les quotas. On y apprend aussi ce qui suit, et je cite :
[Traduction]
Maintenant, la Banque mondiale appuie la budgétisation dans une perspective sexospécifique. Le FMI ne reconnaissait pas autrefois que la promotion de l'égalité des sexes faisait partie de son travail, mais Christine Lagarde, qui en est aujourd'hui la directrice générale, veut que la budgétisation sexospécifique fasse partie des conseils que donne le FMI aux pays membres.
[Français]
Je remercie la sénatrice Nancy Ruth d'avoir proposé cet amendement. Je le répète, il vise à exercer une pression sur les ministères pour qu'ils entreprennent de telles analyses lorsqu'ils proposent de nouvelles lois; il ne vise pas à ce que le comité qui étudie un projet de loi fasse lui-même cette analyse.
Je pense qu'il s'agit d'un ajout important aux éléments de la motion no 89. Ce nouveau critère permet de bonifier ma motion, puisque l'analyse comparative entre les sexes permet d'évaluer les effets éventuels de politiques, de programmes, de services et d'autres initiatives sur les femmes et les hommes de différents horizons.
(1810)
Bien entendu, cette analyse tient compte du genre, mais aussi d'autres facteurs identitaires, tels que l'éducation, la langue et la géographie, pour ne nommer que ceux-là. L'ACS+ ne privilégie pas un genre en particulier, mais vise plutôt, par une série de facteurs, à approfondir l'analyse et à refléter la diversité de la population canadienne. D'ailleurs, le gouvernement de l'Ontario a annoncé, le 12 janvier dernier, la création d'un ministère autonome qui veillera, entre autres, à ce que le genre soit pris en considération dans le cadre de l'élaboration de ses politiques et programmes.
Je crois que ma motion, avec l'amendement proposé par la sénatrice Nancy Ruth, permettra d'accroître la valeur ajoutée des études qui sont menées sur les projets de loi au sein des comités, tout en nous permettant de rendre compte de nos travaux de manière plus transparente et d'exercer pleinement notre devoir constitutionnel de second examen objectif.
Je termine mes propos en soulignant que l'essence de la motion no 89 a été présentée au Comité sur la modernisation du Sénat. À cet effet, on peut lire les commentaires suivants, inscrits à la fin du premier rapport du Comité spécial sur la modernisation du Sénat :
[Traduction]
Le comité encourage les comités du Sénat, en particulier lorsqu'ils produisent des rapports législatifs, à avoir recours à des observations formulées en annexe. Les observations sont utiles pour tous les sénateurs. Elles indiquent, au bénéfice de tous les sénateurs, y compris ceux ne siégeant pas au comité, les éléments importants qui ont été abordés durant les délibérations d'un comité. Les observations incluses en annexe des rapports législatifs des comités n'ont généralement pas pour effet d'alourdir le travail des comités. Ces observations servent l'ensemble des sénateurs afin qu'ils puissent débattre en Chambre des enjeux soulevés par les différents projets de loi qui sont étudiés au Sénat. Elles permettent d'identifier et d'évaluer les éléments pertinents recueillis auprès des témoins durant les travaux effectués par les comités du Sénat. Ces observations peuvent porter sur les effets régionaux, sociaux, économiques ou constitutionnels des projets de loi étudiés. Elles peuvent aussi servir à identifier les individus et les groupes rencontrés par un comité. Ces observations pourraient également faire état des amendements proposés qui n'auraient pas été adoptés par le comité, dans l'optique d'informer les sénateurs des enjeux soulevés par l'étude des projets de loi en comité. Ce genre d'observations peut s'avérer particulièrement utile lorsque le Sénat étudie des projets de loi d'initiative parlementaire émanant de la Chambre des communes ou des projets de loi d'intérêt public émanant du Sénat.
Ainsi, les observations fournies en annexe des rapports législatifs des comités font en sorte de rendre compte des travaux législatifs des comités, de manière transparente et objective, à tous les sénateurs. Surtout, ces observations mettent en valeur les travaux des comités du Sénat.
[Français]
Finalement, je reprendrai les mots de la sénatrice Nancy Ruth, lorsqu'elle a dit ce qui suit :
[Traduction]
Entre-temps, il est inutile d'attendre. Les comités du Sénat ont le pouvoir de veiller à ce que leurs délibérations et leurs rapports suivent cette méthodologie. Nous pouvons et devrions faire notre travail.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Motion tendant à encourager le gouvernement à évaluer le coût et l'incidence de la mise en place d'un régime national de revenu de base—Motion d'amendement—Suite du débat
Consentement ayant été accordé de revenir à l'article no 51, sous la rubrique Autres affaires, Motions :
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Eggleton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Dawson,
Que le Sénat encourage le gouvernement fédéral à parrainer, à l'issue de consultations adéquates et de concert avec un ou plusieurs gouvernements provinciaux ou territoriaux, un projet-pilote et toute étude complémentaire visant à évaluer le coût et l'incidence de la mise en place d'un régime national de revenu de base fondé sur un impôt négatif sur le revenu afin d'aider les Canadiens à sortir de la pauvreté.
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l'honorable sénateur Harder, C.P.,
Que la motion soit modifiée afin qu'elle se lise comme suit :
Que le Sénat encourage le gouvernement fédéral à appuyer, à l'issue de consultations adéquates, les initiatives des gouvernements provinciaux ou territoriaux, y compris des collectivités autochtones, visant à évaluer le coût et l'incidence de la mise en place de mesures, de programmes et de projets- pilotes afin d'aider les Canadiens à sortir de la pauvreté au moyen d'un régime de revenu de base (comme un impôt négatif sur le revenu), et à faire rapport sur leur efficacité.
L'honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, c'est un grand honneur d'avoir l'occasion d'intervenir au sujet de la motion de notre collègue, le sénateur Eggleton, qui, l'an dernier dans cette enceinte, a déposé une motion exhortant le Sénat à encourager le gouvernement fédéral à parrainer une étude visant à évaluer le coût et l'incidence de la mise en place d'un régime national de revenu de base pour aider les Canadiens à se sortir de la pauvreté.
[Français]
Je demande instamment que nous disposions d'un revenu suffisant, et non pas simplement d'un revenu minimal de base.
[Traduction]
Comme la sénatrice Lankin l'a si habilement souligné la semaine dernière, de nombreuses personnes ont attiré notre attention sur la nécessité de remédier à l'inégalité économique.
Honorables sénateurs, la Constitution et la Charte canadienne des droits et libertés ont beau garantir l'égalité des chances, l'égalité d'accès aux ressources et le partage de la prospérité, ce n'est pas une réalité pour beaucoup trop de Canadiens.
En fait, dans la plupart des collectivités, des provinces et des territoires, on constate d'énormes écarts entre les plus privilégiés et les plus défavorisés. Ces écarts ressortent clairement lorsqu'on les examine dans une optique multidimensionnelle qui tient de la race, du sexe et des capacités. Selon Statistique Canada, un Canadien sur sept vit dans la pauvreté. Cinquante et un pour cent des enfants des Premières Nations vivent dans la pauvreté, un taux qui augmente à approximativement 60 p. 100 dans le cas des enfants qui vivent dans des réserves avec leur famille tout aussi pauvre.
En 1966, dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada, le gouvernement fédéral, qui était animé par des intentions progressistes, a mis en place un partage des coûts entre Ottawa et les provinces et des normes nationales en matière de programmes d'aide sociale. Or, en 1995, le Régime d'assistance publique du Canada a été remplacé par le Transfert canadien en matière de santé et le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, et l'éviscération des normes nationales en matière d'aide sociale, de soins de santé et d'éducation qui en a découlé a permis aux provinces et aux territoires de réduire le taux d'aide sociale à des niveaux que de nombreuses personnes qualifient de criminellement bas.
Il n'existe aucun endroit au pays où les personnes peuvent vivre de l'aide sociale à moins de faire une quelconque activité qui, si elle est découverte, pourrait les pénaliser et même les criminaliser, et ce, non parce que l'activité en soi est nécessairement criminelle, mais parce qu'omettre de la déclarer est passible d'une peine d'emprisonnement. Prenons la province de l'Ontario par exemple. Si, en tant que personne seule physiquement apte, je perdais soudainement mon emploi actuel et que j'avais besoin de l'aide sociale, je recevrais 706 $ par mois, soit 330 $ pour les besoins essentiels et seulement 376 $ par mois pour le logement.
[Français]
Je vous invite, tous et toutes, à vous imaginer survivre avec cet unique revenu.
[Traduction]
Par comparaison, l'État dépense au moins 10 000 $ — dans le cas des femmes, le chiffre s'élève à 30 000 $ ou plus — par mois pour emprisonner une personne. C'est beaucoup d'argent. La plupart des femmes sont criminalisées et emprisonnées en raison de leurs réactions à des traumatismes passés et des efforts qu'elles font pour composer avec la pauvreté.
En éliminant pratiquement le concept de bien-être social et en le remplaçant par une aide financière insuffisante — il est impossible de vivre avec les paiements mensuels actuels sans source de revenu supplémentaire, ce qui, fondamentalement, équivaut à une violation des règles en matière d'assistance —, on a, en fait, créé des groupes de pauvres qui peuvent être criminalisés à l'infini.
Honorables sénateurs, les coûts humains, sociaux et financiers ne s'arrêtent pas là. Combien d'entre vous connaissent la réponse à la question suivante : à quel moment un emprunt est-il considéré comme un revenu? La réponse est la suivante : quand on est pauvre et qu'on vit de l'aide sociale.
La professeure Margaret Little, de l'Université Queen's, peut citer de nombreux exemples de personnes, surtout des mères seules, qui ont été criminalisées pour ne pas avoir signalé aux autorités certaines choses comme des dons de nourriture de la part de leurs parents ou de leurs grands-parents. Imaginez perdre votre revenu de base parce que vous n'avez pas signalé aux autorités avoir reçu un sac de nourriture d'une valeur de 59 $. L'ouvrage de Mme Little contient de nombreux autres exemples, et c'est avec plaisir que je le prêterai aux sénateurs qui aimeraient le consulter. Il s'agit de décisions qui ont été véritablement prises à l'encontre de personnes qui tentent de composer avec une situation financière totalement inadéquate. Si l'on perd l'aide sociale, on ne peut plus se nourrir. Si on ne peut plus se nourrir, on ne peut pas nourrir ses enfants non plus. Et si on ne peut pas nourrir ses enfants, on est susceptible de se les faire enlever. Comment diable peut-on juger qu'il s'agit de décisions avantageuses pour qui que ce soit et comment peut-on les justifier?
Cela peut être difficile à concevoir, mais il s'agit de la réalité pour beaucoup trop de personnes. Cela fait partie des raisons qui expliquent que tant de gens peinent à se sortir de la pauvreté et que nous avons condamné beaucoup trop de personnes à la pauvreté intergénérationnelle.
Honorables sénateurs, ajoutez à cela les quelque 4 millions de Canadiens qui sont à la recherche d'un logement abordable décent. J'en profite pour remercier la sénatrice Dyck, le sénateur Patterson et tous les membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones pour le rapport dont nous venons de parler, si justement intitulé Nous pouvons faire mieux! Je crois que le Canada peut certainement faire mieux, et que c'est même son devoir.
Les banques d'alimentation, mises en place il y a plusieurs décennies en tant que solution provisoire — il faut bien souligner qu'il devait s'agir de mesures provisoires —, sont maintenant une nécessité pour la plupart des gens dans le besoin. En 2016 seulement, près d'un million de Canadiens — 863 492 plus exactement — ont indiqué avoir eu recours à une banque d'alimentation. La pauvreté a des effets dévastateurs sur les personnes touchées et elle est extrêmement coûteuse pour la société canadienne.
(1820)
Que gagneraient les Canadiens si on instaurait un revenu de subsistance garanti? Certains pourraient se libérer des mauvais traitements qu'ils subissent quotidiennement ou encore sortir de la rue. D'autres pourraient arrêter de vendre leur corps pour avoir de quoi payer leur loyer ou nourrir leurs enfants. D'autres encore pourraient ne plus avoir à faire franchir illégalement la frontière à des paquets afin de joindre les deux bouts. D'autres enfin pourraient choisir de retourner sur les bancs d'école pour s'aider à sortir de la pauvreté. De leur côté, les autorités pourraient investir dans les besoins de la population et non dans la construction de prisons ou d'établissements du même acabit. Un pays aussi riche que le Canada pourrait renverser la vapeur et faire en sorte que tous ses citoyens — hommes, femmes et enfants — aient un toit sur la tête, qu'ils aient de quoi manger et se vêtir, qu'ils puissent s'instruire et qu'ils puissent enfin compter sur le soutien dont ils ont besoin pour contribuer pleinement et collectivement à la société.
Le sénateur Eggleton a parlé de l'expérience Mincome, qui a eu lieu pendant les années 1970 à Dauphin, au Manitoba, et dans le cadre de laquelle les participants recevaient justement un revenu garanti. Les détracteurs du projet prétendaient qu'il favoriserait la paresse et inciterait les participants à vivre aux crochets de la société. Or, les seuls groupes qui ont « choisi » de toucher un revenu garanti au lieu de travailler sont les femmes ayant des enfants en bas âge et les jeunes encore à l'école, deux groupes qui auraient autrement dû renoncer à ces choix de vie. Dans les deux cas, le versement d'un revenu garanti a eu d'énormes conséquences positives sur la capacité des bénéficiaires de subvenir à leurs besoins futurs et à ceux de leurs proches.
Même si le projet Mincome ne touchait qu'une localité et qu'il a duré seulement quelques années, au cours des années 1970, il a tout de même entraîné une baisse de 8 p. 100 des visites à l'hôpital, en plus de réduire la fréquence des cas de violence familiale et d'hospitalisation dus à des problèmes de santé mentale. À en croire l'ex-sénateur Hugh Segal, il a aussi fait diminuer d'au moins 5 p. 100 les coûts des programmes d'aide à l'enfance et des systèmes carcéral et judiciaire.
Pour citer l'honorable Hugh Segal et le rapport du Comité des affaires sociales intitulé Pauvreté, logement et itinérance : les trois fronts de la lutte contre l'exclusion, un revenu de subsistance garanti bénéficie à la société en :
1) améliorant la santé mentale et physique, tout en réduisant les coûts des soins de santé;
2) faisant diminuer le taux de criminalité, les frais judiciaires, les coûts des services de police et les coûts des services correctionnels, et en renforçant la sécurité publique;
3) réduisant, voire en éliminant, l'itinérance et la pauvreté;
4) améliorant l'efficacité du traitement des demandes et des revendications, permettant ainsi de réduire la bureaucratie et les coûts qui y sont associés;
5) offrant un solide filet de sécurité sociale qui serait renforcé et centralisé, ce qui permettrait aux contribuables d'épargner des millions de dollars chaque mois.
Les pays offrant des solides filets de sécurité sociale et de bonnes mesures d'aide économique produisent des enfants en meilleure santé qui s'épanouissent et qui, lorsqu'ils vieillissent, contribuent à la société, ce qui permet aussi de réduire la marginalisation et la victimisation. Des solides mesures de protection sociale, économique et éducative reposant sur des revenus de subsistance garantis et idéaux pourraient aussi éliminer les tracasseries administratives et réduire la dépendance envers les autres systèmes, comme les systèmes de santé et de justice pénale, ce qui nous permettrait d'économiser des millions de dollars supplémentaires et avantagerait tous les Canadiens.
Honorables sénateurs, si nous voulons rendre justice aux membres de la société qui sont les plus souvent marginalisés, brimés, criminalisés et placés dans des institutions, nous devons mettre fin aux injustices et à la discrimination, ainsi que prendre des initiatives claires et collectives afin de faire triompher la justice et favoriser une véritable réconciliation.
Je félicite le sénateur Eggleton de ses efforts visant à attirer l'attention de la Chambre haute sur ces questions. Je suis heureuse de me joindre à lui, ainsi qu'à nos collègues ici et à l'autre endroit, pour appuyer les mesures prises en vue de régler un problème qui peut et doit être corrigé. Merci.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, au nom du sénateur Woo, le débat est ajourné.)
[Français]
Motion tendant à autoriser le Sénat à presser le gouvernement d'établir une Galerie nationale de portraits—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Eggleton, C.P.,
Que profitant de l'opportunité de célébrer les 150 ans du Canada comme pays uni et de reconnaître la contribution des Premières Nations, l'établissement des premiers colons et l'apport continu des immigrants en provenance de partout au monde, qui ont fait et continuent de faire du Canada une grande nation, le Sénat presse le gouvernement de s'engager à établir une Galerie nationale de portraits dans l'ancienne ambassade américaine, en face du Parlement, comme legs permanent pour marquer cette importante étape dans l'histoire de notre pays et en reconnaissance de la contribution de ces milliers de personnes et talents qui ont contribué à son succès
L'honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour exprimer mon soutien à la motion no 139, qui est parrainée par le sénateur Joyal.
Cette motion vise à presser le gouvernement fédéral d'établir une Galerie nationale de portraits dans l'ancienne ambassade américaine, un bâtiment qui se trouve directement devant la Colline du Parlement.
Comme l'a déjà mentionné le sénateur Joyal, ce projet n'est pas une initiative nouvelle. Les débats sur l'établissement de cette galerie durent depuis plus de 20 ans. Il nous revient donc de reprendre cette idée et de mener ce projet à terme.
Le 150e anniversaire du Canada est l'occasion idéale de rendre hommage aux Canadiens et Canadiennes pour leur contribution à l'édification de notre pays. Le 1er juillet sera le jour où nous nous rappellerons surtout les grands personnages canadiens qui ont joué un rôle important dans notre histoire nationale. Néanmoins, notre regard devrait aussi être dirigé vers ceux et celles qui n'ont jamais été célèbres, mais dont les exploits et les efforts ont aidé à bâtir le Canada d'aujourd'hui. Nous n'aurions jamais pu connaître un tel épanouissement sans ces milliers de personnes qui, depuis des siècles, façonnent notre identité nationale.
[Traduction]
La collection de portraits du gouvernement fédéral, qui compte plus de 4 millions de photos, 20 000 peintures, esquisses et gravures et des milliers de caricatures, dort depuis trop longtemps dans un entrepôt de Gatineau, au Québec. Parmi les trésors qui y sont enfouis se trouvent des portraits de soldats britanniques du XVIIIe siècle, de musiciens du XXe siècle et des quatre chefs indiens qui se sont rendus à la cour de la reine Anne, en 1710, pour ne donner que quelques exemples parmi tous les héros, malfrats et gens du peuple qu'on y trouve.
[Français]
Toute cette splendeur de l'héritage canadien pourrait devenir encore plus visible au public et être exposée dans un seul endroit. La Galerie nationale de portraits serait sans doute le meilleur endroit pour le faire.
Dans les autres pays, les musées de ce genre se situent dans la capitale nationale. Chaque année, notre capitale fédérale accueille un nombre élevé de touristes canadiens et étrangers. À mon avis, le bâtiment de l'ancienne ambassade américaine, qui se trouve en face de la Colline du Parlement, est un lieu parfait pour accueillir le musée. C'est un endroit prestigieux, suffisamment grand et aisément accessible au public. Une fois rénové, cet édifice patrimonial pourra fournir au musée de magnifiques salles d'exposition et lui permettra d'accueillir tous les Canadiens. Ceux qui visitent le Parlement auront sûrement envie de voir les visages de Canadiens de tous horizons.
Comme l'a mentionné la sénatrice Patricia Bovey dans son discours sur le rayonnement des arts dans la société, il est nécessaire que le gouvernement canadien encourage les initiatives culturelles et protège de l'oubli notre patrimoine unique. Un pays qui ne reconnaît pas l'importance des arts dans la formation de son identité nationale est un pays sans âme, et l'identité nationale canadienne se définit grâce à sa diversité culturelle. Or, la meilleure représentation de cette diversité devrait se faire sous forme de portraits.
Nous nous demandons également si la Galerie nationale de portraits sera bien accueillie par le public canadien. En prenant l'exemple des autres pays, nous pouvons constater que ce type de musée a connu de grands succès. Le nombre de ses visiteurs dépasse souvent celui d'autres musées nationaux.
[Traduction]
Dans un article daté de 2008 et intitulé Canada's Homeless Portrait Gallery, ou « la collection de portraits du Canada se cherche un toit », Charlotte Gray, qui a écrit sept biographies et livres d'histoire à succès et qui a remporté le prix Pierre-Berton pour avoir démocratisé l'histoire du Canada, a beaucoup écrit sur le sujet. Voici ce qu'elle pense de la popularité grandissante des musées nationaux du portrait de par le monde :
[...] l'idée même d'un musée du portrait gagne en popularité sur la scène internationale. Ailleurs sur la planète, les musées de ce type attirent des milliers de visiteurs par année. En 2005, le Musée national du portrait de Londres est arrivé au 10e rang des attractions touristiques britanniques les plus populaires : un million et demi de personnes l'ont visité. Le Musée national du portrait de Washington est situé dans le même édifice Greek Revival du milieu du XIXe siècle que le Musée d'art américain Smithsonian; dans les deux ans qui ont suivi la réouverture de l'édifice, en juillet 2006, après une cure de jeunesse de 6 millions de dollars, près de deux millions de personnes en ont franchi les portes. Le Musée national du portrait de l'Australie inaugurera ses nouveaux locaux de Canberra en grande pompe plus tard ce mois-ci. Pourquoi le Canada hésite-t-il ainsi à montrer sa collection?
(1830)
Il semble que le Musée national du portrait soit vivement appuyé, au moins par deux journaux, soit le Toronto Star et l'Ottawa Citizen, qui ont déjà publié des éditoriaux en sa faveur.
Dans son éditorial du 10 août 2016, la chroniqueuse Heather Mallick a écrit ce qui suit :
Le musée serait un cadeau tout indiqué pour la population du Canada, qui célèbre en 2017 le 150e anniversaire du pays. Il est grand temps que nous sortions nos portraits des cartons et que nous les exposions dans la capitale nationale.
[Français]
La Galerie nationale de portraits donnera la possibilité aux Canadiens de découvrir les visages de leurs compatriotes. Elle présentera l'ensemble des activités de toutes les périodes de l'histoire canadienne sous forme d'images.
Les gens aiment regarder les portraits, car ils se reconnaissent dans les visages des autres. Depuis des siècles, les arts visuels ont suscité l'intérêt populaire, que ce soit par la représentation de différents styles de vie, de cultures diversifiées, de traditions ou par l'expression de différentes émotions. Qui n'aime pas s'identifier à de multiples personnalités, qu'elles soient connues ou non? Qui n'aime pas admirer les grands personnages, ou s'imaginer vivre à des époques où les coutumes et le mode de vie contrastent avec tout ce qui est connu aujourd'hui?
Honorables sénateurs, sans hésitation, j'appuie la motion no 139, qui vise à établir la Galerie nationale de portraits. Il est important d'assurer la continuité de notre patrimoine canadien et de le garder à l'abri de l'oubli. Nous sommes tous fiers de notre histoire et de notre diversité. La Galerie nationale de portraits serait donc un des meilleurs moyens de montrer le vrai visage du Canada.
Comme l'a mentionné le sénateur Joyal, cette motion n'est ni une motion du gouvernement ni une motion de l'opposition. C'est une motion du Sénat. Je vous demande donc de l'appuyer, en invitant la ministre du Patrimoine canadien et le gouvernement fédéral à rétablir ce projet, que le Sénat a défendu il y a plus de 20 ans.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
[Traduction]
La surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Pate, attirant l'attention du Sénat sur la situation actuelle des personnes qui comptent parmi les plus marginalisées, victimisées, criminalisées et internées au Canada, et plus particulièrement sur la surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes.
L'honorable Lynn Beyak : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler de l'interpellation no 19 de la sénatrice Kim Pate, qui a fait il y a quelques semaines un exposé documenté et réfléchi.
Je tiens à présenter un aspect légèrement différent de l'histoire des pensionnats indiens. Beaucoup trop d'Autochtones, surtout des femmes, sont incarcérés au Canada et, comme tout le monde dans cette enceinte, je cherche à trouver des solutions à ce problème.
J'examinerai largement aujourd'hui plusieurs questions autochtones d'actualité dont nous sommes saisis. Si j'en parle, c'est surtout à la mémoire des femmes et des hommes bien intentionnés et de leurs descendants — dont certains siègent peut- être dans cette Chambre. Leurs travaux, actes et récits sur les pensionnats indiens sont essentiellement passés sous silence et éclipsés par des rapports négatifs. Certes, les aspects négatifs doivent être relevés, mais malheureusement, ils sont quelquefois amplifiés et considérés comme étant davantage dignes d'attention que les nombreuses bonnes actions qui ont été faites.
C'est grâce à la nature moins partisane du Sénat que nous pouvons étudier ces questions de manière plus objective, c'est-à-dire procéder au second examen objectif que l'on perd parfois de vue au milieu des envolées théâtrales de la scène politique.
Honorables sénateurs, je tiens d'abord à souligner l'excellent travail de la Commission de vérité et réconciliation. Dans les pensionnats indiens, il y a des erreurs, souvent horribles, qui ont été commises et qui ont éclipsé certains aspects plus positifs de ces écoles.
Nombre d'entre vous connaissent Tomson Highway, célèbre conteur cri, grâce à ses œuvres et à sa présence dans les médias internationaux. Or, vous ignorez peut-être que, pendant plusieurs années, il a travaillé avec compassion auprès de détenus autochtones. Il a reçu l'Ordre du Canada, et le magazine Maclean's a salué sa contribution en l'incluant dans sa liste des 100 personnes les plus importantes de l'histoire du Canada. Tomson Highway est un dramaturge, romancier et joueur de piano classique accompli. Voici ce qu'il a dit au sujet des pensionnats indiens :
C'est la même chose avec les pensionnats indiens.
On entend seulement parler des aspects négatifs; personne ne s'intéresse aux côtés positifs, ni à ce qu'il y avait de joyeux dans ce pensionnat. J'y ai passé neuf des années les plus heureuses de ma vie [...]
Pendant le processus, on a peut-être entendu 7 000 témoignages négatifs, mais on n'a pas entendu les 7 000 témoignages qui auraient été positifs. Nombre de personnes qui ont fréquenté ces pensionnats ont eu beaucoup de succès, ils ont aujourd'hui une brillante carrière, et ce sont des gens qui, comme moi, sont très fonctionnels et très heureux. J'ai une carrière internationale florissante, et ce ne serait jamais arrivé sans ce pensionnat.
M. Highway a reçu peu de commentaires négatifs de la part de la communauté autochtone parce qu'il prend aussi avec sérieux les traumatismes que d'autres ont subis dans les pensionnats indiens. Après l'université, il a travaillé de nombreuses années comme travailleur social auprès de familles brisées et de détenus, ce qui l'a amené à aborder leurs difficultés avec l'humour et la spiritualité propres à la culture autochtone.
L'idée de changer le nom de l'édifice Langevin d'Ottawa, ainsi que celui d'autres infrastructures historiques situées à Calgary et ailleurs au pays, s'inspire davantage de la fiction que des faits. Je trouve inquiétant que la demande de changement de nom soit fondée sur des renseignements erronés.
Je crains aussi que cette demande détourne notre attention des enjeux importants sur lesquels travaille la Commission de vérité et réconciliation, et qu'on lui consacre des fonds publics qu'il serait préférable d'utiliser pour répondre à des besoins plus importants chez les Autochtones, notamment à ceux des femmes autochtones emprisonnées.
Honorables sénateurs, pour nous aider à examiner cette question sous un autre angle, j'ai demandé à Robert MacBain, auteur, journaliste et chercheur canadien réputé et conseiller de longue date du Parti libéral, de me faire part de ses observations.
Robert MacBain, un auteur torontois, suit le dossier autochtone depuis plus de 50 ans, que ce soit en tant que journaliste auprès de grands journaux canadiens pendant les années 1960, comme conseiller du ministère des Affaires indiennes au début des années 1970, ou comme auteur d'un livre récent pour lequel il a réalisé plus de 100 heures d'entrevues avec 32 participants ojibwés, mohawks et cris. Au fil des ans, il a également mené beaucoup de recherches et acquis une expérience considérable.
J'ai trouvé le livre de M. MacBain, Their Home and Native Land, bien documenté et instructif. J'ai été particulièrement frappé de voir comment il avait donné aux participants ojibwés, mohawks et cris la possibilité de raconter leur histoire dans leurs propres mots. Il a dédicacé son livre au défunt Brian Tuesday, un homme originaire de Fort Frances dans le nord-ouest ontarien, donc de ma région.
Au début du mois, j'ai demandé à M. MacBain ce qu'il pensait de l'argument selon lequel il faudrait rebaptiser l'édifice Langevin en raison du rôle qu'a joué sir Hector-Louis Langevin dans le système des pensionnats indiens et des répercussions durables de ces pensionnats sur les Autochtones d'aujourd'hui.
Voici, à l'intention de mes collègues sénateurs, quelques observations de M. MacBain. Je le cite :
Certains ont laissé entendre que l'édifice Langevin devrait être renommé parce que sir Hector-Louis Langevin — un nationaliste français qui souhaitait l'unification des colonies britanniques plutôt qu'une annexion aux États-Unis — a été l'un des « architectes » du système des pensionnats indiens.
À vrai dire, les écoles pour les enfants autochtones — les écoles de jour et les pensionnats — étaient en place des décennies avant que Langevin devienne l'un des ministres de premier plan du Cabinet de sir John A. Macdonald.
La Society for the Propagation of the Gospel in New England and Parts Adjacent in America (la New England Company) a fondé une école de jour dans la réserve des Six Nations de la rivière Grand, près de Brantford, en Ontario, en 1828.
Langevin n'avait que 2 ans à l'époque.
À l'époque où Langevin avait 4 ans, les méthodistes tenaient, dans le Sud de l'Ontario, 11 écoles fréquentées par 400 enfants munceys, ojibwés et oneidas, dont 150 savaient lire et écrire.
Le 17 juillet 1849 — alors que Langevin avait 23 ans — l'église méthodiste de Wesleyan au Canada a posé la première pierre de ce qui allait devenir le pensionnat indien de Mount Elgin, à Muncey, en Ontario.
Selon un reportage du Christian Guardian :
La foule d'Indiens christianisés rassemblés pour l'occasion a manifesté un profond intérêt. Cinq ou six cents Peaux-rouges étaient rassemblés.
(1840)
Le gouverneur général James Bruce Elgin, en l'honneur de qui l'école a été nommée, ainsi que les chefs des tribus Muncey, Ojibway et Oneida, ont assisté à la cérémonie.
Pendant les pourparlers que le nouveau Dominion du Canada a entrepris avec les bandes dispersées vivant entre Thunder Bay et les versants est des Rocheuses, un grand nombre d'Autochtones s'étant convertis au christianisme ont réclamé des écoles et des missionnaires. Beaucoup de leurs enfants fréquentaient déjà des pensionnats exploités par l'Église.
Le lieutenant-gouverneur Alexander Morris, qui a négocié quatre des sept traités signés entre 1871 et 1877, a dit ce qui suit :
La demande universelle d'enseignants, et, pour certains Indiens, de missionnaires, est également très encourageante. Le gouvernement peut fournir les enseignants; pour les missionnaires, il leur faudra compter sur l'Église, et je suis convaincu que celle-ci poursuivra et étendra ses activités auprès des Indiens. Le champ est suffisamment grand pour tout le monde, et l'appel à l'aide des Indiens est véhément.
Parmi une liste de points que les chefs ont présentés au lieutenant- gouverneur Morris se trouvait cette demande :
Nous fournir un pasteur et un enseignant de la confession à laquelle nous appartenons.
La Société missionnaire de l'Église exploitait des écoles pour les enfants cris à Le Pas et à Cumberland House, dans le Nord du Manitoba, depuis un assez bon moment avant que l'on négocie un traité pour la région. On achevait la construction d'une grande école à Grand Rapids, et toutes les bandes ont demandé de l'aide pour la préservation des écoles exploitées par l'Église.
Les Ojibways de la surintendance du Manitoba, en 1877, souhaitaient apprendre l'agriculture et la construction, et certains dans la région de Fort Frances réalisaient déjà des progrès en matière d'exploitation agricole. Les Ojibways de Lac Seul avaient bâti deux villages afin de pouvoir bénéficier d'écoles. L'agent des Indiens dans le district du lac Manitoba a dit qu'une bande avait aménagé une bonne école et 19 nouvelles maisons, et qu'elle cultivait 140 acres.
En juin 1899, les Cris de la région d'Athabasca ont dit aux commissaires au traité qu'ils voulaient obtenir les avantages de l'éducation pour leurs enfants, « mais ils stipulèrent que dans les écoles on n'interviendrait pas dans leurs croyances religieuses », qu'elles soient catholiques ou protestantes.
Le rapport des commissaires disait ceci :
[...] tous les Indiens que nous avons rencontrés professaient la religion chrétienne et donnaient des preuves du travail que les missionnaires ont fait parmi eux depuis des années. Quelques- uns d'entre eux ont profité pour leurs enfants des avantages qu'offrent les pensionnats établis dans différentes missions.
Un vaste pensionnat fondé à Fort Albany, mis sous la direction des Sœurs grises à Ottawa, a hébergé 20 élèves cris. Une aide était offerte aux malades à l'hôpital et un certain nombre de personnes âgées qui ne pouvaient pas chasser avec leurs proches recevait de l'aide tous les hivers. La messe y était assidûment suivie le dimanche.
On disait de la mission anglicane à Fort Albany qu'elle était florissante. La grande chapelle était très fréquentée pour les messes du dimanche et les Cris y participaient dans leur propre langue.
Lors d'un rassemblement, l'évêque anglican de Moosonee « [ouvrit] la prière en [c]ri [...] Les Indiens répondirent d'abord en chantant des hymnes [...] ».
La chapelle de Moose Factory, établie par la Church Missionary Society, « se remplissait chaque soir de fidèles », à l'époque de la signature du traité.
Lors de la négociation du traité au nord de la Saskatchewan en août 1906 :
[...] le chef de la bande English River insista pour dire que, dans le cadre de la politique gouvernementale d'éducation des Autochtones, il n'y aurait pas d'ingérence dans le système des écoles religieuses gérées par la mission, mais que de l'aide publique devait être offerte pour renforcer et élargir les bases déjà établies.
Dans le Nord de la Saskatchewan, une mission qui avait été établie à l'Île-à-la-Crosse aux alentours de 1844 — Langevin était alors adolescent — semblait fortement marquée par le passage du temps. Le commissaire au traité a dit de l'école : « [...] à l'intérieur elle est confortable, et les enfants que j'ai eu le plaisir d'y rencontrer ont donné des preuves de bons soins et de la formation attentive que leur donnent les femmes dévouées qui ont quitté les conforts de la civilisation pour venir ici travailler à l'amélioration des naturels du nord. »
Une école de deux étages avait été construite à 48 kilomètres au sud de la mission, et les enfants étaient sur le point de s'y installer au moment de la négociation du traité.
Étant donné le nombre important d'Autochtones de partout au Canada qui s'étaient convertis au christianisme et qui avaient volontairement envoyé leurs enfants dans des pensionnats gérés par l'Église des dizaines d'années avant la Confédération, on ne peut pas dire que sir Hector-Louis Langevin a été l'un des architectes des pensionnats indiens.
Était-il raciste, comme l'affirment les gens qui exigent que l'édifice Langevin soit rebaptisé?
Une déclaration faite par M. Langevin en 1883 devant la Chambre des communes est souvent citée comme la preuve irréfutable que c'était le cas.
Voici ce qu'il a dit :
Le fait est que si nous voulons instruire ces enfants, nous devons les séparer de leurs parents, car en les laissant dans la famille, ils pourront sans doute apprendre à lire et à écrire, mais ils resteront sauvages; tandis qu'en les séparant ils acquerront les habitudes et les goûts — les meilleurs j'espère — des gens civilisés.
C'est à peu près la position défendue en 1847 par Egerton Ryerson, à qui l'Université Ryerson de Toronto doit son nom.
Au moment où il était surintendant des écoles du Haut-Canada, voici ce qu'il écrit dans une lettre :
[...] rien ne peut être fait pour améliorer ou rehausser son caractère ou son état sans l'aide d'un sentiment religieux. Il faut tenir compte de cette information et de toutes les autres pour faire d'un Indien un homme sobre et travailleur.
Ryerson a affirmé que de nombreuses expériences ont démontré que « [...] l'Indien d'Amérique du Nord ne peut être civilisé ou maintenu dans un état de civilisation,notamment en ce qui a trait au travail et à la sobriété, sauf si, en plus de l'instruction et d'une attitude religieuse, il existe des sentiments religieux ».
Comme l'observe judicieusement Robert MacBain :
D'un point de vue actuel, tant Ryerson que Langevin passent pour des racistes. Cependant, ils ne sont absolument pas les exceptions confirmant la règle.
Il précise ceci :
C'était une époque différente, et les gens d'une époque différente, comme Langevin, devraient être jugés selon les valeurs de leur époque.
En ce qui concerne les enfants autochtones séparés de leurs parents lorsqu'ils fréquentaient un pensionnat indien, il faut tenir compte de deux éléments.
Dans un premier temps, moins d'un enfant autochtone d'âge scolaire sur trois a fréquenté un pensionnat indien.
D'après le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation, il y avait 28 429 enfants autochtones d'âge scolaire au cours de l'année scolaire 1944-1945. Seuls 16 438, ou 57 p. 100, d'entre eux ont fréquenté l'école. De ce nombre, 8 865, ou 53,9 p. 100, ont fréquenté un pensionnat indien, et 7 573, ou 46 p. 100, ont fréquenté un externat indien.
On peut lire ce qui suit dans le rapport :
Cela signifiait que 31,1 p. 100 des enfants autochtones d'âge scolaire fréquentaient un pensionnat indien.
Ce signifie également qu'il y en avait 68,9 p. 100 qui ne fréquentaient pas un pensionnat indien.
La plupart des enfants fréquentaient un externat indien ou un pensionnat indien sur leur réserve. Les parents de nombreux enfants autochtones fréquentant des pensionnats indiens dans les réserves étaient des nomades et vivaient dans des tentes et étaient probablement partis à la chasse pendant plusieurs mois à la fois, tout comme l'étaient un grand nombre d'entre eux lorsque les traités numérotés de 1871 à 1921 avaient été négociés.
Deuxièmement, la Fraternité nationale des Indiens, l'organisme prédécesseur de l'Assemblée des Premières Nations, a proposé en 1971 que « les services de pensionnats soient confiés aux groupes indiens jouissant de l'approbation des bandes servies par les résidences respectives ».
Autrement dit, les enfants issus des communautés isolées auraient fréquenté des écoles administrées par des Autochtones, mais auraient continué à vivre à des centaines de kilomètres de leurs parents.
J'aimerais dire une dernière chose.
Son Honneur le Président : Je regrette de vous interrompre, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
La sénatrice Beyak : Si vous le permettez.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
La sénatrice Beyak : Joseph Brant, le chef mohawk qui a donné son nom à la ville de Brantford, en Ontario, portait souvent des habits anglais bien coupés. Il était aussi franc-maçon et aurait reçu son tablier des mains du roi George III lui-même.
Brant possédait une ferme de bonne taille où il produisait diverses cultures et élevait du bétail, des moutons et des porcs. Il y avait bâti une belle maison de deux étages où travaillaient 22 serviteurs et esclaves.
L'une de ces esclaves était Sophia Burthen Pooley. Elle avait été achetée à 7 ans et a voyagé avec la famille de Brant pendant de nombreuses années, pour être finalement revendue à un Anglais pour 100 $.
Or, personne ne propose de renommer la ville de Brantford, le comté de Brant ou l'hôpital Memorial Joseph Brant à Burlington afin d'effacer le nom de Joseph Brant.
De même, personne ne suggère que les Américains changent le nom de leur capitale parce que le premier président américain, George Washington, possédait 319 esclaves à sa mort le 14 décembre 1799.
Encore une fois, autres temps, autres mœurs, honorables sénateurs. Il faut juger les gens selon les valeurs de leur propre époque.
(1850)
J'exhorte chacun d'entre vous à lire l'excellent livre de Robert MacBain. Il parle directement aux gens, et c'est une expérience très enrichissante. Il est très agréable de lire ses propres pensées dans ses propres mots.
Pour ma part, j'ai habité à Dryden, à Fort Francis et à Rainy River. Je traverse Thunder Bay ou Winnipeg lorsque je viens à Ottawa pour exercer mes fonctions de sénatrice. Je vis parmi les Autochtones. Ce sont mes amis et conseillers. Leurs préoccupations sont les mêmes que les nôtres, et ils ont une sagesse et spiritualité immenses.
Tous les dimanches matins, je regarde l'émission Tribal Trails, un apostolat de la Northern Canada Evangelical Mission et des apostolats de Spirit Alive de Thunder Bay. Ces émissions sont toutes animées par des Autochtones chrétiens qui sont, comme moi et comme beaucoup d'autres personnes, touchés par l'esprit de Dieu et l'amour de Jésus. Peu importe que l'on croie que Jésus était le fils de Dieu ou un très bon prédicateur ou que l'on n'ait absolument aucune croyance religieuse, les histoires de ces chrétiens autochtones sont inspirantes et édifiantes et leur vie est remplie d'une joie, d'un amour et d'une paix qui dépassent l'entendement. Ils parlent de pardon. Les personnes qui ont joué jadis un rôle dans les pensionnats indiens, dont certains sont peut-être même vos ancêtres, avaient surtout de bonnes intentions, et nous devrions pardonner à celles pour qui ce n'était pas le cas. Comme pour toute chose dans la vie, le pardon contribuera énormément au processus de réconciliation.
Chaque gouvernement blâme le gouvernement qui l'a précédé pour les nombreux problèmes dont nous discutons aujourd'hui. Cependant, dans le cas des peuples autochtones, les deux partis, c'est-à-dire les conservateurs et les libéraux, représentent les gouvernements d'hier. Ce que nous faisons depuis des décennies ne fonctionne pas. Il est totalement inacceptable qu'un adolescent habitant dans une réserve au Canada n'ait jamais goûté à de l'eau potable, claire et fraîche provenant du robinet de sa cuisine, que les prisons soient remplies de femmes autochtones et qu'il y ait si grand nombre de femmes autochtones disparues ou assassinées.
Après avoir dépensé des milliards de dollars en deniers publics, au fil de plusieurs décennies, nous devons trouver de nouvelles solutions. Le rapport de la Commission de vérité et réconciliation contient d'excellents appels à la l'action, mais je n'y ai trouvé bien franchement aucun éclairage nouveau sur ces problèmes.
Je suis ce dossier depuis 50 ans, moi aussi. Le livre blanc du premier ministre Pierre Elliott Trudeau et du ministre des Affaires indiennes, Jean Chrétien, était révolutionnaire à l'époque, en 1969. Nous ne pouvons pas remonter le temps, et je ne suis pas en train de dire que nous devrions raviver les propositions de l'époque. Mais les Autochtones ordinaires n'ont pas eu connaissance de ce livre blanc, et beaucoup de gens auxquels je parle seraient favorables aujourd'hui à des propositions équivalentes.
Malgré leurs bonnes intentions, les dirigeants autochtones de l'époque ont rejeté de livre blanc en y opposant un livre rouge de leur cru, mais sans avoir beaucoup consulté les membres ordinaires de leurs peuples. Ils ont prétendu avoir largement consulté, mais si cela avait été le cas, pourquoi aussi peu d'Autochtones en ont-ils entendu parler? Les dirigeants autochtones préféraient le statu quo et étaient réticents à adhérer aux propositions uniques du livre blanc de Trudeau.
Les dirigeants de l'époque qualifièrent le livre blanc de tentative d'assimilation forcée, mais je ne crois pas que ce fut l'intention de Trudeau. Je pense qu'il voulait simplement que nous soyons tous unis en tant que Canadiens. Même 48 ans plus tard, j'entends encore ses paroles empreintes de sagesse lorsqu'il nous demandait à qui appartenaient les montagnes, les rivières et les vallées. Il voulait que nous en profitions tous, nous, les Canadiens, avec la liberté que nous confère le pouvoir de prendre nos décisions et d'employer notre argent à notre guise. Acquérir une propriété privée, posséder une maison, choisir l'endroit où l'on veut s'établir, exprimer et goûter sa culture : voilà des valeurs que nous chérissons tous.
Je simplifie le concept qui sous-tendait le livre blanc, mais il s'agissait essentiellement de verser une compensation financière unique pour les traités et les revendications territoriales. Un montant égal aurait été versé à chaque homme, chaque femme et chaque enfant autochtone du Canada, selon la valeur juste qui aurait été calculée à cette époque, en consultation avec toutes les personnes concernées. Les Autochtones se voyaient proposer d'échanger leur carte de statut d'Indien pour la citoyenneté canadienne afin que nous puissions aller de l'avant tous ensemble, en partageant les écoles, les hôpitaux, les ressources naturelles et les services sociaux, tout en permettant à chacun de préserver sa culture dans les moments et les espaces qui lui sont propres, une fois que tous les intéressés auraient pu se faire entendre. Les détails de ce livre blanc peuvent encore être consultés à la Bibliothèque du Parlement ou sur Internet, car c'était une proposition brillante et révolutionnaire.
Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre, sénatrice, mais votre temps de parole est de nouveau écoulé. Souhaitez-vous obtenir cinq minutes de plus?
La sénatrice Beyak : Cinq minutes me suffiraient pour terminer mon intervention.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
La sénatrice Beyak : Nous ne saurons jamais si le livre blanc était une bonne ou une mauvaise idée, ou s'il aurait fonctionné. Or, je le répète, il partait d'une bonne intention.
Aujourd'hui, 48 ans plus tard, nous ne sommes toujours pas parvenus à améliorer la vie des Autochtones. Les mesures prises par les gouvernements de toutes les allégeances ne fonctionnent évidemment pas. J'espère — et je sais que vous nourrissez tous le même espoir — que, dans 48 ans, la situation se sera améliorée.
Depuis quatre ans, j'ai l'honneur et le privilège de siéger au Comité sénatorial des peuples autochtones avec mes distingués collègues. J'ai pu entendre d'innombrables témoignages exceptionnels. Les rapports que nous rédigeons, à l'instar de ceux de tous les autres comités sénatoriaux, acquerront une renommée internationale et seront cités partout dans le monde. Tous les sénateurs devraient être extrêmement fiers de leur travail et des excellentes intentions qui les animent.
Personne n'a la monopole de la bienveillance et de la compassion. La plupart des êtres humains sont bien intentionnés. J'ai entendu de nombreuses recommandations au cours de mes quatre ans au comité, mais deux d'entre elles semblent intimement liées à notre succès futur dans ce dossier. Nous devons procéder à une vérification nationale de toutes les rentrées et les sorties de fonds relatives aux questions autochtones. Même si ce dossier est censé relever de la compétence fédérale, il y a des ententes avec les provinces et les municipalités au sujet de la formulation des traités, des règlements conventionnels, des revendications territoriales, des échanges et des opérations de troc, des affaires et du commerce, des ressources naturelles, des recettes provenant des casinos, de l'éducation, de la santé et du logement. La liste est interminable et les chevauchements, innombrables. Aucun des témoins, des représentants et des fonctionnaires que nous avons questionnés n'est en mesure de nous préciser le montant total requis. Comment pouvons-nous savoir si les fonds fournis sont suffisants quand on ne peut pas déterminer la somme nécessaire?
Ma deuxième observation porte sur le besoin de consulter tous les Autochtones âgés de plus de 12 ans dans le cadre d'un référendum national pour leur demander ce qu'ils souhaitent pour l'avenir. Où veulent-ils vivre et que veulent-ils faire? Comme je l'ai dit plus tôt, toutes les personnes impliquées sont bien intentionnées, mais nous parlons entre nous ainsi qu'avec l'industrie autochtone, et les représentants de l'industrie autochtone parlent aussi entre eux, mais jamais avec leur peuple. Souvent, ces groupes n'arrivent pas à s'entendre, et ce sont les femmes et les enfants qui en souffrent le plus.
De nombreux exemples confirment mes propos, et j'invite tout le monde à lire l'article du Toronto Star intitulé « An Indian Industry has emerged amid the wreckage of many Canadian reserves », qui porte sur l'industrie autochtone qui a vu le jour dans les ruines de plusieurs réserves canadiennes, pour en obtenir une preuve très frappante. Cet article vous fera pleurer et vous mettra en colère.
Qu'avons-nous à perdre à tenter quelque chose de nouveau? Ce que les gouvernements de toutes les allégeances dépensent des milliards de dollars en fonds publics à faire depuis des décennies ne fonctionne pas. Calculons tout l'argent qui a été dépensé, puis allons consulter les personnes qui sont réellement touchées.
Je terminerai, honorables sénateurs, en soulignant que nous aspirons tous aux mêmes choses dans la vie : avoir un partenaire amoureux, quelque chose à faire et des perspectives d'avenir. Nous ne pouvons pas réécrire l'histoire, mais nous devons apprendre des erreurs passées afin d'éviter de les répéter. Nous devons aussi regarder vers l'avenir avec optimisme. Ce n'est pas pour rien que le pare-brise d'un véhicule est plus grand que le rétroviseur : un avenir prometteur vaut mieux qu'un passé tourmenté. Les autochtones du Canada doivent pouvoir compter sur un avenir prospère où ils ne seront pas des victimes, mais des vainqueurs.
L'honorable Murray Sinclair : La sénatrice est-elle disposée à répondre à une question?
La sénatrice Beyak : Absolument, sénateur, mais je ne peux imaginer aucune question que vous pourriez me poser à laquelle j'aurais la réponse.
Le sénateur Sinclair : Madame la sénatrice, merci d'avoir clarifié votre point de vue concernant l'histoire des peuples autochtones et non autochtones de ce pays. Je suis un peu choqué, honorable sénateur, que vous croyiez encore des choses qui ont été prouvées fausses au fil des ans. J'accepte tout de même que vous ayez le droit de penser ainsi.
J'ai remarqué que vous n'avez pas vraiment traité des questions soulevées dans l'interpellation de la sénatrice Pate au sujet de l'incarcération des femmes autochtones. Elle a parlé notamment du lien entre l'incarcération excessive des femmes autochtones au pays et l'histoire d'oppression et de viols qui résulte de l'expérience des pensionnats indiens, son lien avec l'histoire d'abus dans les pensionnats indiens et les agressions sexuelles qu'ont subies près de 50 p. 100 des femmes autochtones qui ont présenté des demandes d'indemnisation dans le cadre du processus d'évaluation indépendant. Pensez-vous que les faits présentés dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation, dont nous a parlé la sénatrice Pate, sont exacts — ou avez-vous autre chose à dire à ce sujet?
Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénatrice Beyak, votre temps de parole est de nouveau écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?
Des voix : Non.
La sénatrice Beyak : Je peux répondre plus tard.
Son Honneur le Président : Le consentement n'est pas accordé?
Des voix : Non.
(Sur la motion de la sénatrice Boniface, le débat est ajourné.)
(1900)
Sécurité nationale et défense
Autorisation au comité d'étudier les questions relatives à la création d'un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants lorsqu'ils quittent les Forces armées canadiennes
L'honorable Gwen Boniface, au nom de la sénatrice Jaffer, conformément au préavis donné le 2 mars 2017, propose :
Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les questions relatives à la création d'un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants lorsqu'ils quittent les Forces armées canadiennes;
Que le comité dépose son rapport au plus tard le 30 juin 2017 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
L'honorable Joan Fraser : La sénatrice Boniface accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Boniface : Oui.
La sénatrice Fraser : Je fais la même chose à tous les sénateurs. Il n'y a là rien de personnel.
Lorsque le Sénat est appelé à approuver un ordre de renvoi comme celui-ci, je crois qu'il est opportun de nous fournir un peu d'information. Ce n'est pas que le sujet n'est pas valable, mais c'est pour savoir de quelle façon les ressources du Sénat seront utilisées, notamment les budgets de déplacements.
Je sais qu'un budget n'a pas encore été approuvé et qu'il vous faut tout d'abord obtenir un ordre de renvoi. Prévoyez-vous, en tant que comité, vous déplacer dans le cadre de cette étude?
La sénatrice Boniface : Non, pas à ma connaissance.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à demain, à 14 heures.)