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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 109

Le mercredi 5 avril 2017
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le mercredi 5 avril 2017

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de l'honorable Bill Rompkey, C.P.

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, c'est avec une profonde tristesse que j'interviens aujourd'hui pour rendre hommage à l'un de nos anciens collègues, l'honorable Bill Rompkey, décédé le 21 mars à l'âge de 80 ans.

Le sénateur Rompkey a consacré près de la moitié de sa vie, soit plus de 38 ans, à représenter les gens de Terre-Neuve-et-Labrador au Parlement du Canada. D'abord élu à l'autre endroit en 1972 à titre de député de la circonscription de Grand Falls—White Bay—Labrador, il s'est ensuite vu confier sept autres mandats consécutifs avant d'être nommé au Sénat en 1995. Au cours de sa carrière politique sur la Colline du Parlement, il a occupé divers postes, notamment ministre du Revenu national, whip du gouvernement au Sénat et leader adjoint du gouvernement au Sénat.

Grandement respecté par des politiciens de toutes les allégeances, le sénateur Rompkey s'est non seulement employé à faire entendre la voix des gens qu'il représentait mais, à l'instar de nombreux fonctionnaires, il était aussi déterminé à ne ménager aucun effort pour les Canadiens.

Les membres de notre caucus se rappellent certainement l'autre fonction qu'occupait le sénateur Rompkey, à titre de membre clé des sénateurs chantants. Il a perdu sa place de pianiste au sein du groupe lorsque Tommy Banks a été nommé au Sénat, mais il n'a jamais perdu son rôle de compositeur. Le sénateur Rompkey était reconnu pour sa capacité de prendre une chanson bien connue et d'en retravailler les paroles pour les adapter à une circonstance particulière. Il faisait ensuite appel aux sénateurs chantants pour la présenter lors de cette occasion spéciale.

Cela dit, il n'a jamais raté une occasion de nous rappeler qu'il n'était pas né au Canada. Il avait 13 ans lorsque Terre-Neuve-et-Labrador est entrée dans la Confédération et ce n'est que lorsqu'il a joint les rangs de la Réserve de la Marine royale canadienne, à l'âge de 18 ans, qu'il a finalement rencontré d'autres Canadiens et qu'il a découvert que, malgré leur drôle d'accent, ils partageaient la même nationalité.

Ardent défenseur de son premier pays d'origine, Terre-Neuve-et-Labrador, le sénateur Rompkey manifestait le même enthousiasme envers son nouveau pays d'accueil, le Canada, et il a même profité de son premier discours au Sénat pour parler en détail de son amour pour ce pays. Il a terminé ce discours en disant ce qui suit :

[...] que nous vivions dans de petites ou de grandes collectivités, sur les côtes de l'Atlantique, du Pacifique ou de l'océan Arctique, partout au Canada, que nous parlions français, anglais ou inuktitut, que nous ayons un travail manuel ou intellectuel, que nous aimions le hockey ou le base-ball, que nous soyons jeunes ou vieux, nous vivons dans le meilleur pays du monde, et celui-ci est en train de se redéfinir et de se renouveler.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du très honorable Ken Macintosh, député et Président du Parlement écossais. Il est accompagné de Clare Adamson et d'Edward Mountain, députés du Parlement écossais.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Voie maritime du Saint-Laurent

L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, le 20 mars dernier a eu lieu l'ouverture de la Voie maritime du Saint-Laurent pour sa 59e saison, et les navires de charge commerciaux naviguent maintenant sur le fleuve Saint-Laurent pour faire l'aller-retour entre les ports intérieurs les plus achalandés du continent.

Sur leur chemin, ces navires géants traversent les Mille-Îles, un environnement magnifique et fragile. Les avantages environnementaux du transport maritime peuvent être considérables, à l'instar des risques. Les plaisanciers de la région savent très bien que les hauts-fonds foisonnent et que certaines zones du chenal maritime sont d'une étroitesse incroyable. Cette combinaison soulève des questions et des préoccupations légitimes quant à ce qui se produirait si un accident grave survenait.

Ces préoccupations sont axées sur la capacité de la Garde côtière canadienne d'intervenir efficacement et en temps opportun en cas de déversement de produits pétroliers ou d'autres substances dangereuses.

Malheureusement, le poste de la Garde côtière du fleuve Saint-Laurent situé à Prescott, en Ontario, juste à l'est des Mille-Îles, semble avoir perdu une grande partie de sa capacité d'intervenir en cas de déversement en raison de la réduction de son effectif, lequel est passé de 120 à environ 40 employés. Beaucoup des employés congédiés étaient des travailleurs de métier bien placés pour intervenir en cas de déversement. Il s'agissait de mécaniciens, d'opérateurs de machinerie lourde et de conducteurs. Ils étaient formés pour sauver des vies, s'occuper de matières dangereuses, travailler sur l'eau, utiliser les radios d'urgence et déployer des estacades flottantes. Ces postes ont disparu depuis longtemps.

Le Simcoe, un navire qui était anciennement amarré au poste et qui était idéal pour nettoyer des déversements, n'est plus en service et les deux hélicoptères qui se trouvaient auparavant sur les lieux ont également disparu.

Un changement apporté à la structure de commandement de la Garde côtière a redistribué les pouvoirs décisionnels entre deux ministères différents et plusieurs bureaux régionaux. La Garde côtière a maintenant de multiples voies hiérarchiques. De plus, il y a désormais un manque de communication entre les décideurs en poste dans les bureaux régionaux et les travailleurs de première ligne, ainsi qu'un grave manque de ressources là où elles sont le plus nécessaires.

Selon le groupe environnemental Save The River, au cours des neuf dernières années, on a enregistré plus de 40 incidents maritimes, déversements, échouements et bris mécaniques le long du fleuve entre Montréal et le lac Ontario.

Je crois qu'il est important de signaler qu'il n'est pas inhabituel que les cargos qui sillonnent les Grands Lacs aient plus de 50 ans. Même lorsqu'ils ne transportent pas de matières dangereuses, les conséquences d'un déversement pourraient être désastreuses. Ces cargos géants transportent jusqu'à 400 000 litres de carburant diesel dans leurs réservoirs.

On ne saurait trop insister sur les répercussions environnementales et économiques d'un déversement majeur dans la région. Il est temps pour le gouvernement de répondre à cette préoccupation très réelle.

[Français]

Bombardier Inc.

La rémunération des cadres supérieurs

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénatrices et sénateurs, c'est en tant que sénatrice du Québec que je prends la parole aujourd'hui pour joindre ma voix à celle des Québécoises et des Québécois qui se sont indignés à l'annonce d'une augmentation de près de 50 p. 100 des salaires des hauts dirigeants de Bombardier.

Chers collègues, on ne peut être surpris de l'émotion populaire lorsqu'un tel fleuron de l'industrie québécoise octroie une hausse de rémunération d'environ 32,6 millions de dollars à six de ses cadres supérieurs, malgré le fait que la société éprouve des difficultés financières, qu'elle ait supprimé 14 500 emplois au Québec et dans le monde, et qu'elle ait reçu des enveloppes de 1,3 milliard de dollars de la part du gouvernement du Québec et de 2 milliards de dollars de la Caisse de dépôt et placement, et un prêt de 372,5 millions de dollars du gouvernement fédéral.

Le jeudi 30 mars, le premier ministre du Québec a reconnu que le message envoyé par Bombardier pouvait choquer, tandis que le directeur général de l'Institut sur la gouvernance, Michel Nadeau, a qualifié la décision de Bombardier d' « indéfendable ».

Le dimanche 2 avril, plusieurs centaines de Québécois ont manifesté devant le siège social de Bombardier, à Montréal, dans un rassemblement qui comptait des personnages publics de tous les partis et qui couvrait tout le spectre de la province, d'Éric Duhaime, de la radio FM93, à Manon Massé, de Québec solidaire.

(1410)

Par ailleurs, un sondage Léger-TVA Nouvelles-Le Journal de Montréal, publié le samedi 1er avril, a révélé un rare consensus parmi la population québécoise, alors que 93 p. 100 des personnes sondées se sont dites en désaccord avec la décision du conseil d'administration de Bombardier.

Toutes ces réactions ont incité l'entreprise à reporter à 2020 plutôt qu'à 2019 la moitié de la hausse de la rémunération composée d'options d'achat.

Toutefois, Alain Bellemare, PDG de Bombardier, a affirmé ceci, et je cite :

Quand on parle de compensation, il faut qu'elle soit compétitive, pas à l'échelle locale, mais à l'échelle mondiale.

J'ajouterais que, le cas échéant, c'est tout le Québec qui pourrait y perdre en termes d'emplois et de revenus.

Cela dit, il n'en demeure pas moins que les hauts dirigeants des grandes entreprises sont grassement payés. Le journaliste économique Gérald Fillion a précisé qu'au Canada, la rémunération moyenne des 100 PDG les mieux payés est de 193 fois le salaire moyen, ce qui signifie que l'écart entre la rémunération des hauts dirigeants et celle de la classe moyenne ne cesse d'augmenter.

Honorables sénateurs, nous devons être à l'écoute de ce qu'expriment les citoyens. Il est essentiel, si on veut conserver des grandes entreprises au Canada, que celles-ci rémunèrent de manière compétitive leurs hauts dirigeants, mais cette rémunération doit être socialement acceptable.

Le Sénat est bien placé pour se pencher sur la question de la rémunération des cadres supérieurs des entreprises cotées en bourse. C'est pourquoi j'aurai l'occasion de présenter sous peu une motion qui, je l'espère, nous permettra d'amorcer un débat serein et constructif sur cette question.

[Traduction]

Le concours Kraft Hockeyville 2017

Félicitations à la ville d'O'Leary, à l'Île-du-Prince-Édouard

L'honorable Michael Duffy : Honorables sénateurs, la fin de semaine dernière, la ville d'O'Leary, le fleuron du comté de Prince, à l'Île-du-Prince-Édouard, a remporté le premier prix du concours Kraft Hockeyville.

À O'Leary, le centre sportif communautaire est le cœur de la collectivité, mais, après 26 ans, il a besoin d'une nouvelle toiture, d'une nouvelle entrée moderne et accessible et d'une salle de repas.

Grâce au premier prix de 100 000 $ de Kraft Hockeyville, le centre pourra maintenant effectuer ces rénovations et bien d'autres. O'Leary a l'honneur d'être la première collectivité de l'Île-du-Prince-Édouard à remporter ce prix. L'incroyable solidarité de gens de la région est caractéristique des collectivités de toute l'Île-du-Prince-Édouard. La passion d'O'Leary pour le hockey est aussi documentée dans l'excellent livre de Wayne Wright, HockeyTown PEI.

Nous levons notre chapeau à Della Sweet, d'O'Leary, qui a été l'instigatrice de ce projet. Elle a été appuyée par de nombreux habitants locaux, y compris Jo-Anne Wallace et la gérante de l'aréna, Sandi Smallman. Dans le bulletin de participation officiel de la collectivité, Della Sweet a écrit ce qui suit :

La passion pour le hockey dans notre communauté n'est pas seulement un moment, un seul événement, un championnat ou même d'être l'hôte d'un camp de la LNH [...]

[...] Notre passion provient de la façon dont le hockey nous a formés, nos connexions, nos relations, nos actions, un désir de faire mieux, d'être de meilleures personnes, d'avoir du plaisir, de jouer ensemble et d'être présent l'un pour l'autre.

Qu'est-ce qui pourrait être plus canadien que cela?

Mon amie, la sénatrice Pamela Wallin, me rappelle que la seconde place du concours Kraft Hockeyville a été remportée par une autre merveilleuse petite ville, soit : la collectivité d'Ituna, en Saskatchewan. Comme O'Leary, Ituna recevra 100 000 $ pour améliorer l'aréna local.

Soit dit en passant, un lien existe entre le Sénat et la ville d'O'Leary. C'est, en effet, la ville d'origine du père de la sénatrice Pate.

Au nom de tous les sénateurs, je félicite Della Sweet, ainsi que les gens d'O'Leary, d'Ituna et de toutes les petites villes au Canada, pour le service communautaire exceptionnel qu'ils apportent dans leur collectivité.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune des membres de plusieurs familles qui vivent au quotidien avec une personne autiste et qui sont les invités de l'honorable sénateur Munson.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, lorsque nous prenons la parole en cette enceinte, nous préparons des notes et des discours, mais il arrive que nous parlions simplement du fond du cœur.

Les trois derniers jours ont été forts en émotions dans le contexte de la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme. Nous avons entendu les bons commentaires du sénateur Housakos et de la sénatrice Bernard, qui ont ajouté leur voix à celle des membres du groupe de sénateurs qui demandent la mise en place d'une stratégie nationale en matière d'autisme qui, j'en suis certain, verra le jour.

Le gouvernement actuel, contrairement à celui qui le précédait, est sur la bonne voie en ce qui a trait à la recherche, à la science et aux chaires de recherche sur l'autisme. Il est prêt à consacrer des efforts à l'intégration des jeunes adultes autistes au sein du marché du travail.

Je suis heureux qu'aujourd'hui, dix ans après le dépôt du rapport Payer maintenant ou payer plus tard, une délégation écossaise soit présente avec nous parce que, trois rangées derrière eux, se trouve Molly MacDonald, une jeune autiste. Elle est venue nous rejoindre après s'être rendue sur la Colline avec Suzanne Jacobsen en compagnie de 500 personnes, dont des représentants de tous les partis, qui étaient là spécialement pour prendre part à la discussion au sujet des personnes qui, comme elle, sont atteintes d'autisme.

Je veux également souligner les efforts déployés par Wyatt Tuft, un jeune de 11 ans de la région qui travaille sensibiliser les autres à sa réalité, pour que son école aborde le sujet de l'autisme lors de la journée mondiale. Un jeune garçon est venu lui dire qu'il s'était teint les cheveux en bleu en signe d'empathie et pour montrer ce que cela signifie de participer pleinement à la société.

Permettez-moi de vous raconter un peu de mon propre vécu. Quand j'ai entrepris cette démarche, il y a 10 ou 11 ans, j'ignorais que moi aussi, j'apprendrais que des membres de ma famille souffrent d'autisme en me rendant dans une école, à l'invitation de mon petit-cousin. J'ai rencontré de nouveau mes deux cousins au troisième degré, Tristin Mercer et Kirin Mercer. Vous vous imaginez? Le petit Tristin, âgé de sept ans, ne cessait de me regarder et de me demander : « Es-tu mon cousin? Es-tu vraiment mon cousin? » Je lui répondais : « Je suis ton cousin, et je suis aussi ton défenseur et ton ami. » Je sais que nous avons beaucoup d'amis au Sénat alors que nous travaillons dans le but d'établir une stratégie nationale.

La seule chose que je veux dire maintenant qui est écrite sur une feuille de papier — et j'ai environ 18 feuilles ici —, c'est que, grâce à cette semaine et à ce sommet tout cela est devenu un mouvement et nous travaillons ensemble et nous y arriverons. Tous les Canadiens atteints d'autisme méritent l'inclusion, la compréhension et l'accueil d'autrui, le respect, la dignité, la pleine citoyenneté, l'égalité des chances, l'autonomie personnelle et le droit de prendre leurs propres décisions.

Au bout du compte, honorables sénateurs, il s'agit de donner aux personnes qui sont touchées par l'autisme les mêmes droits que vous et moi, et il s'agit des droits de la personne.

Merci, honorables sénateurs.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Nuralla Jeraj, l'époux de l'honorable sénatrice Jaffer, ainsi que de sa sœur, Zenobia Jaffer, et de son beau-frère, Karim Hudda.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le commerce entre le Canada et les États-Unis

L'honorable Pamela Wallin : D'abord, permettez-moi de féliciter la ville d'O'Leary et de dire bravo à la ville d'Ituna. Nous nous reprendrons l'an prochain.

Votre Honneur, Brad Wall, premier ministre de la Saskatchewan, est à Washington cette semaine pour défendre la cause du libre-échange.

Comme beaucoup de Canadiens, il s'inquiète des éventuelles mesures protectionnistes américaines, qu'il s'agisse d'une taxe à la frontière ou de l'étiquetage du pays d'origine. La Saskatchewan a misé gros dans la relation commerciale bilatérale.

Plus de 40 p. 100 des exportations du Canada, soit 13 milliards de dollars par année, sont acheminées aux États-Unis. Cela représente plus de 1 000 $ par résidant de la Saskatchewan. Ces exportations génèrent des milliers d'emplois dans tous les grands secteurs de l'économie. Pensons au pétrole et au gaz, à la potasse, à l'uranium, au blé, au canola et aux légumineuses. Comme l'a dit le premier ministre Wall :

Environ 60 % des exportations mondiales de lentilles et de pois proviennent de la Saskatchewan. Nous ne pouvons tout simplement pas manger tout cela.

C'est pour cette raison que le libre-échange est important. Les marchés de l'Asie croissent plus rapidement, certes, mais les États-Unis sont, et demeureront, le plus important client du Canada pour de nombreuses années à venir. Voilà pourquoi il faut chercher avant tout à établir de bonnes relations canado-américaines.

Bien entendu, il y a une multitude d'industries et de régions qui sont menacées par le protectionnisme des États-Unis, mais nous devons reconnaître le rôle essentiel que joue l'exportation des ressources et des produits agricoles de la Saskatchewan qui génèrent de la richesse, des emplois et des recettes fiscales pour tout le Canada.

Les commentaires de l'historien Bartlett Brebner, même s'ils datent de plusieurs dizaines d'années, conservent toute leur pertinence :

Les Américains, avec bienveillance, ignorent tout du Canada, alors que les Canadiens, avec malveillance, connaissent tout des États-Unis.

(1420)

Je constate avec intérêt que le premier ministre a demandé à l'ancien premier ministre Brian Mulroney, père de l'ALE et de l'ALENA, de conseiller son Cabinet et de faire jouer ses contacts auprès du gouvernement Trump pour bien faire valoir les intérêts du Canada.

Comme l'a déjà dit un grand esprit politique canadien, les États-Unis sont notre meilleur ami, que cela nous plaise ou non, et le Canada est leur meilleur ami, qu'ils le sachent ou pas. Dans un cas comme dans l'autre, nous devons continuer de renforcer les liens qui nous unissent.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Projet de loi sur la modernisation de l'obligation de présentation et de déclaration relative à des moyens de transport

Projet de loi modificatif—Présentation du huitième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le huitième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, qui porte sur le projet de loi S-233, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (obligation de présentation et de déclaration).

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1491.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Sénat

Préavis de motion concernant la période des questions de la séance du 11 avril 2017

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu'autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l'article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 11 avril 2017, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu'à la fin de la période des questions, qui sera d'une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 aujourd'hui, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d'appel pour un vote retentit à 15 h 30 aujourd'hui, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu'elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 aujourd'hui, la séance soit suspendue jusqu'à 15 h 30, heure de la période des questions.

Langues officielles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à examiner la perspective des Canadiens au sujet de la modernisation de la Loi sur les langues officielles

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, la perspective des Canadiens au sujet d'une modernisation de la Loi sur les langues officielles. Étant donné que cette loi aura 50 ans en 2019 et qu'elle affecte différents segments de la population canadienne, que le comité soit autorisé à :

a) Examiner, pour en faire rapport, la perspective de la jeunesse canadienne au sujet de la promotion des deux langues officielles, la relation identitaire qui en découle avec ces langues et leurs cultures respectives, les motivations à apprendre l'autre langue officielle, les perspectives d'emploi et d'avenir pour les jeunes bilingues et les mesures à prendre pour renforcer l'appui du gouvernement fédéral à la dualité linguistique;

b) Identifier les préoccupations des communautés de langue officielle en situation minoritaire — et de leurs organismes sectoriels (p. ex. santé, éducation, culture, immigration, etc.) — à l'égard de l'application de la Loi sur les langues officielles et des mesures à prendre pour favoriser leur épanouissement et appuyer leur développement;

c) Examiner, pour en faire rapport, la perspective d'acteurs qui ont vécu l'évolution de la Loi sur les langues officielles depuis son adoption, il y a 50 ans, avec un accent particulier sur ses réussites, ses faiblesses, de même que les mesures à prendre pour l'améliorer;

d) Identifier les enjeux propres à l'administration de la justice dans les deux langues officielles, les possibles lacunes de la Loi sur les langues officielles à cet égard, et les mesures à prendre pour assurer le respect du français et de l'anglais à titre de langues officielles du Canada;

e) Identifier les enjeux propres aux pouvoirs et aux obligations des institutions fédérales à l'égard de l'application de la Loi sur les langues officielles — en particulier le rôle des ministères responsables (p. ex. Patrimoine canadien, Secrétariat du Conseil du Trésor, ministère de la Justice, Commission de la fonction publique du Canada) et du Commissariat aux langues officielles — et les mesures à prendre pour assurer l'égalité des deux langues officielles dans les institutions visées par la Loi;

Que le comité présente des rapports provisoires sur les thèmes mentionnés ci-dessus, qu'il présente son rapport final au Sénat au plus tard le 30 juin 2019, et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer à la période des questions, je vous signale la présence à la tribune de Me Regina Evangelista, avocate au Bureau du Sénat des Philippines, et du troisième secrétaire et vice-consul de l'ambassade des Philippines, M. Anthony S. Aguirre. Ils sont les invités de l'honorable sénateur Enverga.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Sénat

L'avancement des travaux législatifs

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, j'aimerais, avec ma question, revenir sur ce qui s'est passé hier. Son Honneur a décidé, à juste titre d'ailleurs, de ne pas permettre aux sénateurs de poser de questions complémentaires, et je voulais revenir là-dessus. Ma question s'adresse donc au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le rapport intitulé Second examen objectif, que vous avez produit. Je n'ai pas souvent l'occasion de m'asseoir pour lire une bonne œuvre de fiction.

Ce rapport est truffé de fausses allégations sur la manière dont le Parti conservateur du Canada a utilisé le Sénat et les raisons qui l'ont poussé à agir de la sorte. Il induit également le lecteur en erreur en l'amenant à croire que l'étude de certains projets de lois est indûment retardée, notamment le projet de loi C-16. La progression du projet de loi C-16 au Sénat a déjà été clairement établie. Cette mesure n'a pas figuré pas parmi les priorités du gouvernement avant la pause de Noël et vous-même, monsieur le leader, n'en avez parlé que deux jours avant moi.

Dans ce rapport, monsieur le leader, vous affirmez que le projet de loi C-16 est bloqué dans les limbes du Sénat. Pouvez-vous indiquer au Sénat si cette affirmation est véridique ou si ce n'est pas plutôt que, après avoir été renvoyé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, il y a plus d'un mois, le projet de loi C-16 a été relégué au second plan, conformément à votre demande, monsieur le leader, afin que le comité étudie auparavant le projet de loi C-37?

(1430)

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie mon collègue de sa question.

En ce qui concerne le document que j'ai déposé, je voudrais que nous tous, en tant que collègues, réfléchissions aux moyens d'améliorer le Sénat et d'y adopter une approche plus collaborative et plus propice au dialogue lors des débats. C'est dans cet esprit que je me suis adressé au sénateur McInnis, au Comité sur la modernisation du Sénat et à tous les autres sénateurs, de manière à ce que nous puissions débattre de ces questions et progresser ensemble.

Pour ce qui est du cas précis du projet de loi C-16, le Sénat s'est penché sur cette question au cours de la présente législature et des législatures précédentes, mais il ne l'a pas encore résolue. À mon avis, il est urgent que nous le fassions.

Le sénateur Plett : Répondez à la question, je vous prie.

L'innovation

Bombardier Inc.—La rémunération des cadres supérieurs

L'honorable Leo Housakos : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Les gens de ma province, le Québec, de même que les gens des autres provinces et territoires du pays, ont été troublés par les révélations récentes concernant la hausse de 50 p. 100 de la rémunération des dirigeants de Bombardier, par rapport à l'année dernière, alors que cette société reçoit des centaines de millions de dollars fournis par les contribuables et qu'elle supprime des milliers d'emplois.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il se renseigner et nous dire quelles sont les éventuelles conditions du prêt accordé par le gouvernement fédéral à Bombardier? En outre, le leader du gouvernement est-il prêt à appuyer ma motion visant à confier au Comité sénatorial permanent des transports et des communications le mandat d'examiner d'urgence la question, au nom des contribuables?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de poser cette question. Manifestement, c'en est une qui a beaucoup fait jaser sur la place publique, comme le sénateur l'a lui-même laissé entendre dans sa question, et la sénatrice Bellemare en a aussi parlé dans des déclarations.

Je vais dire deux choses. Premièrement, nous devrions tous être fiers de Bombardier, qui est un joueur international dans un secteur très compétitif. Il convient également de souligner que le gouvernement a soutenu ce secteur au fil du temps, considérant que c'était un investissement stratégique pour les Canadiens.

Les questions que vous avez soulevées sont importantes et l'entreprise a elle-même réglé les problèmes qui ont fait couler beaucoup d'encre en décidant récemment de ne pas faire les versements prévus. Cependant, vous soulevez une question très importante qui mérite d'être débattue.

Quant à savoir s'il y a lieu de l'appuyer, nous devrions d'abord en délibérer.

Le Sénat

L'avancement des travaux législatifs

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Ma question s'adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat et elle se rapporte à certaines préoccupations dont celui-ci a abondamment parlé.

Sénateur, vous avez parlé publiquement de vos préoccupations en ce qui concerne le rythme auquel se déroule l'étude que nous faisons de certaines mesures législatives d'initiative ministérielles, en l'occurrence du projet de loi C-6 concernant la citoyenneté. Dans le rapport que vous avez distribué à tous les honorables sénateurs la semaine dernière, vous dites que « le projet de loi C-6 erre dans les limbes du Sénat depuis juin dernier ». Je signale que nous n'avons pas commencé l'étude de ce projet de loi avant la fin de septembre, lorsque nous sommes rentrés après la pause estivale, et nous avons depuis progressé, lentement, mais avec constance.

J'aimerais attirer votre attention sur une autre mesure législative, le projet de loi C-7, qui porte sur la syndicalisation des membres de la GRC. Je crois que vous conviendrez que le Sénat a étudié cette mesure législative rapidement et raisonnablement. Dans cette enceinte, le projet de loi C-7 a seulement été débattu pendant quatre jours, alors qu'il languit à l'autre endroit depuis juin dernier, alors que nous avons envoyé un message à l'autre endroit contenant nos propositions d'amendement au projet de loi C-7. Cela fait maintenant plus de neuf mois que nous attendons la réponse du gouvernement.

Une voix : Il est dans les limbes.

Le sénateur Day : J'ai peut-être manqué quelque chose, monsieur le leader, mais vous n'avez pas commenté publiquement ce projet de loi, comme vous l'avez fait pour le projet de loi C-6. Pouvez-vous nous dire si vous avez fait part au Cabinet de nos inquiétudes — je suppose que vous les partagez — en ce qui a trait à la lenteur avec laquelle l'autre endroit traite notre message et les amendements proposés au projet de loi C-7?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Il s'agit d'une bonne question puisque les deux Chambres doivent évidemment faire leur part. J'ai déjà dit ici, et je le répète, que je suis tout autant le représentant du Sénat au gouvernement que le représentant du gouvernement au Sénat. Je tiens à vous assurer que, pas plus tard que ce matin, j'ai demandé quand le projet de loi C-7 serait renvoyé ici.

Le sénateur Day : Avez-vous obtenu une réponse?

[Français]

Le commerce international

Le bois d'oeuvre

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne le dossier du bois d'œuvre. Nous savons que le gouvernement fédéral a constitué un comité avec les provinces. Nous savons également que, dans 19 jours, la surtaxe imposée sur le bois d'œuvre aux frontières s'appliquera. Les négociations avancent à pas feutrés, et certaines compagnies forestières du Québec, de l'Ontario et des Maritimes ont déjà fait des prévisions qui s'élèvent à plus de 40 millions de dollars.

Près de 100 000 personnes travaillent dans ces usines, y compris dans la province de Son Honneur le Président. Elles gagnent leur vie à la sueur de leur front et ont toutes des responsabilités familiales à assumer. Les réponses tardives ne les rassurent en rien.

Par exemple, dans un moulin à scie, il y a des classificateurs qui classifient le bois par catégorie, un peu comme au Sénat, sauf que ces gens ne gagnent pas le même salaire que les sénateurs. La date du 24 avril les inquiète beaucoup, et ils implorent le gouvernement fédéral de leur venir en aide en donnant des garanties de prêt à leurs entreprises. On ne parle pas ici de subventions. Croyez-vous que cette mesure permettrait de ralentir la fermeture des moulins à scie?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de ses questions, de l'intérêt qu'il porte à ce sujet et des conseils qu'il nous donne par rapport aux enjeux dont nous avons parlé récemment.

Le bois d'œuvre est certainement un enjeu très important pour le gouvernement et les législateurs. Le gouvernement prend toutes les mesures nécessaires dans l'intérêt du Canada, dans le contexte de la nouvelle administration et de l'expiration de l'accord sur le bois d'œuvre.

Vous avez fait allusion au comité qui a été mis sur pied. C'est très important. On a dit que le gouvernement fait des campagnes de sensibilisation, mène des consultations et s'informe auprès de gens tels que des anciens premiers ministres et des ambassadeurs. Dans cette affaire — le dossier canado-américain —, les partis importent peu, ni d'ailleurs les anciennes ou l'actuelle administration. Nous sommes tous du côté du Canada.

Le bois d'œuvre est un élément complexe de nos relations. L'entente dans ce dossier vient à échéance, il y a une nouvelle administration et le Sénat ne connaît pas encore tous les interlocuteurs clés dans ce dossier.

Le gouvernement est très bien informé de la question de l'indemnisation dont vous avez parlé. Je ne suis pas en mesure de vous dire les mesures que le gouvernement prendra à ce sujet, mais je peux vous assurer et, par votre entremise, assurer tous les travailleurs du secteur qu'il s'agit d'un dossier prioritaire.

[Français]

Son Honneur le Président : Sénateur Maltais, les questions complémentaires ne seront pas permises, sauf pour le leader de l'opposition.

[Traduction]

Le Bureau du Conseil privé

Les déplacements du premier ministre—Le technicien de tournée

L'honorable David Tkachuk : Sénateur Harder, je vous ai posé la semaine dernière des questions sur les dépenses des divers bureaucrates qui ont accompagné le premier ministre, qui est millionnaire, à l'occasion de son voyage sur l'île privée de l'Aga Khan, qui est lui-même milliardaire.

(1440)

L'une de ces questions concernait les indemnités journalières facturées par le technicien de tournée. Mes questions sont restées sans réponse de votre part. En fait, CBC a fait un meilleur travail que vous pour obtenir des réponses du cabinet du premier ministre.

La société a appris que les indemnités journalières du technicien de tournée ont été versées directement au propriétaire milliardaire de l'île privée, plus exactement pour la somme de 1 604 $ en dépenses.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Tkachuk : Pouvez-vous me dire pourquoi une personne qui fait un séjour sur une île privée devrait rembourser un propriétaire milliardaire qui est aussi un ami du premier ministre, pour des choses comme les repas qui ont été fournis gratuitement au premier ministre millionnaire et à ses amis? La somme était-elle fondée sur une facture de l'Aga Khan?

Des voix : Bravo!

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. En ce qui concerne les vacances de Noël du premier ministre, les questions sont posées par les mandataires du Parlement appropriés, et le premier ministre a indiqué être prêt à répondre à ces questions.

Pour ce qui est de la question précise posée par l'honorable sénateur, je vais m'informer.

Le sénateur Tkachuk : J'ai une question complémentaire.

Son Honneur le Président : Désolé, il n'y a pas de questions complémentaires, sauf pour le leader de l'opposition.

Le sénateur Tkachuk : Depuis quand en est-il ainsi?

Son Honneur le Président : Il s'agit d'une entente entre les leaders.

La sécurité publique

La GRC—La rémunération des agents

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, monsieur le leader du gouvernement, la semaine dernière, à la suite d'une rencontre avec le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada et le sous-commissaire des Ressources humaines, le Comité de la sécurité nationale et de la défense a reçu une enquête de la GRC qui compare le salaire de base de 82 services de police dans l'ensemble du pays. L'enquête montre que le salaire des agents de première classe se classe au 72e rang sur un total de 82 pour les principaux services de police. Cela signifie qu'un agent de première classe de la GRC gagne près de 20 000 $ de moins par année qu'un agent de première classe qui travaille dans l'un des cinq principaux services de police du pays.

Cette situation est particulièrement grave, étant donné que, contrairement aux membres des autres services de police au Canada, les membres de la GRC sont obligés d'accepter des affectations ailleurs au pays. Ce déracinement peut être extrêmement difficile pour le conjoint, qui doit se trouver un nouvel emploi, ainsi que pour les enfants, qui doivent changer d'école. Parfois, le membre de la GRC est détaché à un endroit où le coût de la vie est beaucoup plus élevé, mais il ne bénéficie pas d'un ajustement qui permettrait de compenser la situation.

La faible rémunération offerte par la GRC nuit directement à sa capacité de recruter des membres réguliers et de les garder en poste, car ils quittent massivement la GRC pour se joindre à des services de police qui leur offrent une rémunération plus élevée. La convention collective est échue depuis plus de trois ans, et la GRC devra maintenant consentir à ses membres une augmentation de salaire de 25 p. 100 simplement pour rattraper les autres grands corps policiers qui attirent régulièrement des agents de la GRC expérimentés et dûment formés.

Lorsque j'ai interrogé le commissaire sur l'état d'avancement des négociations contractuelles, il a répondu que le gouvernement lui avait dit de « se tenir prêt ». Sénateur Harder, pendant combien de temps le gouvernement demandera-t-il à la GRC de se tenir prête? Et quand accordera-t-il aux membres réguliers l'augmentation de salaire qu'ils méritent tant?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. La question qu'il soulève a déjà été soulevée par d'autres sénateurs par le passé, que ce soit en privé ou pendant la période des questions. C'est une question importante.

La GRC est une organisation nationale importante. L'érosion de la compétitivité sur le plan salarial dont vous parlez s'est échelonnée sur plusieurs années. Le gouvernement est bien au fait de la situation et, même si je ne peux pas faire d'annonce en son nom, sachez qu'il entend apporter les mesures nécessaires afin d'enrayer l'érosion à l'avenir. C'est très important.

Les ressources naturelles

Le Nunavut—La taxe sur le carbone

L'honorable Dennis Glen Patterson : J'ai une question à poser au sénateur Harder.

Je reviens tout juste du Symposium minier du Nunavut. Agnico Eagle, une grande société canadienne d'exploitation aurifère dont le siège social se trouve à Toronto, y a annoncé une excellente nouvelle, soit un investissement important de 1,5 milliard de dollars dans l'exploitation aurifère au Nunavut. La société fera donc passer son personnel dans le Nord de 1 100 à 2 000 employés, dans cette région aux prises avec le taux de chômage le plus élevé du Canada.

Devant les participants du symposium, le président d'Agnico Eagle a affirmé que la société souhaite réduire l'utilisation de combustibles fossiles et comprend l'importance de l'imposition d'un prix sur le carbone au Canada afin de favoriser l'adoption de sources d'énergie de remplacement comme le gaz naturel et l'électricité propre générée par l'énergie solaire, éolienne et hydroélectrique. Il a toutefois précisé sa pensée : « Si on choisit de pénaliser les utilisateurs de combustibles fossiles alors qu'il n'y a aucune solution de rechange, ce n'est pas une politique, mais une taxe. » Selon lui, la tarification du carbone, dans sa forme actuelle, coûterait 20 millions de dollars par année à la société d'ici 2023. Ces coûts compromettraient la viabilité de cette mine en région éloignée, qui doit composer avec l'absence d'infrastructure et des frais d'exploitation élevés.

Je sais que le Nunavut, en adoptant la stratégie pancanadienne sur les changements climatiques, a accepté la tarification du carbone qui, autrement, aurait été imposée. Des engagements avaient toutefois été pris : l'établissement d'un système de tarification du carbone sans incidence sur les recettes devait prendre en compte les besoins propres au Nunavut et aux territoires.

Je m'adresse au représentant du gouvernement au Sénat. La mise en œuvre de la tarification du carbone est prévue en 2018. Des lois territoriales s'imposeront. Il y aura à l'automne prochain des élections territoriales au Nunavut. Comment les discussions entre le Canada et le Nunavut se passent-elles à propos de l'adaptation aux besoins uniques du Nunavut? Envisage-t-on de retarder l'imposition de la tarification du carbone si les choses progressent lentement, ce qui serait le cas dans les discussions entre les représentants? Aussi, envisage-t-on d'exempter les industries qui produisent des émissions élevées, mais qui créent de l'emploi, comme le secteur minier, dans les cas où aucune forme d'énergie de remplacement n'est accessible?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Comme il l'a dit lui-même dans sa question, le gouvernement du Nunavut est signataire de l'entente. Le gouvernement du Canada et le gouvernement du Nunavut doivent donc s'entendre sur les circonstances propres au Nord.

Je ne connais pas le projet précis dont vous parlez, mais je me ferai un plaisir d'informer le Sénat et l'honorable sénateur de l'état des négociations et de leur dire si cette société fait l'objet d'un examen. Je les informerai aussi, le cas échéant, des modalités de cet examen.

Les pêches et les océans

Les quotas de pêche

L'honorable Fabian Manning : Depuis plus de 500 ans, la pêche est le gagne-pain des hommes et des femmes de ma province, Terre-Neuve-et-Labrador. Encore aujourd'hui, 25 ans après le moratoire sur la pêche à la morue de 1992, les répercussions de celui-ci se font toujours sentir dans l'ensemble de la province.

Les récentes annonces du ministère des Pêches et des Océans ont créé une onde de choc dans toute la province.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le 31 mars, le ministère a annoncé une réduction de 63 p. 100 du quota de crevettes nordiques de cette année dans la zone 6, qui englobe les stocks au large de la côte Nord-Est de Terre-Neuve et de la côte Sud du Labrador. Beaucoup de gens affirment que cette annonce est catastrophique. Le président du Syndicat des pêcheurs, de l'alimentation et des travailleurs assimilés, Keith Sullivan, a d'ailleurs déclaré ceci : « Cette réduction sonne le glas de la pêche côtière à la crevette. »

Lundi dernier, le ministère a aussi annoncé que le quota de crabe des neiges serait cette année d'un peu moins de 35 000 tonnes. Il s'agit d'une réduction de 22 p. 100 par rapport à celui de l'an dernier.

Je crois comprendre que le premier ministre Dwight Ball et le ministre provincial Steve Crocker ont eu un entretien téléphonique avec le ministre Dominic LeBlanc lundi soir. Le premier ministre Ball lui a signifié qu'il souhaitait vivement le rencontrer.

Monsieur le leader du gouvernement, pourriez-vous nous dire à quel moment le ministre LeBlanc s'entretiendra avec le premier ministre Ball et le ministre Crocker de cette importante question? Le leader du gouvernement pourrait-il s'informer, puis nous donner la liste des facteurs dont Pêches et Océans Canada a tenu compte pour déterminer le total autorisé des prises de crabe des neiges à Terre-Neuve-et-Labrador? Plus précisément, ont-ils tenu compte des répercussions sur l'ensemble de l'écosystème marin lorsqu'ils ont pris cette importante décision?

(1450)

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Il est très pertinent de faire référence à la pêche à la morue dans ce cas-ci, car, malheureusement, les décisions prises par le passé n'ont pas toujours été fondées sur des connaissances scientifiques à proprement parler. Le gouvernement en a tenu compte dans sa décision annoncée récemment. Comme le sénateur l'a indiqué, les stocks de crabe des neiges connaissent une diminution marquée. Si je ne m'abuse, les pêches seraient à leur plus bas niveau depuis 20 ans. Le plan de gestion de Terre-Neuve-et-Labrador autorise une capture de 35 419 tonnes. Comme le sénateur l'a souligné, cela représente une diminution du quota de pêche de 23 p. 100 par rapport à 2016, ce qui est considérable. J'insiste, cependant, sur le fait que la décision est fondée sur des données scientifiques et a été prise en consultation avec l'industrie et d'autres intervenants, en vue de préserver et de protéger cette précieuse ressource pour l'avenir. La quantité de jeunes crabes qui ont atteint la taille légale est à un creux historique et leur nombre continuera probablement de diminuer au cours des prochaines années. Il a été question des données d'évaluation des stocks lors des réunions du comité consultatif du crabe commun tenues du 6 au 14 mars. Les mesures qui ont été annoncées découlent des recommandations qui ont été faites aux instances dirigeantes.

Je serai heureux d'attirer l'attention du ministre sur la rencontre en personne qu'a mentionnée l'honorable sénateur. Je ne pourrai pas répondre à sa demande immédiatement, mais je lui assure que j'en ferai part au ministre LeBlanc, qui est un ministre des Pêches et des Océans des plus attentifs.

Le commerce international

La Chine—Les négociations sur le libre-échange—Les droits de la personne

L'honorable Thanh Hai Ngo : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

La semaine dernière, j'ai posé une question sur l'inclusion de préoccupations concernant les droits de la personne et la sécurité dans les négociations commerciales entre le Canada et la Chine. L'ambassadeur chinois a rejeté ces préoccupations du revers de la main en les associant à du protectionnisme. Aujourd'hui, j'aimerais vous poser une question complémentaire sur le même sujet.

Dans une entrevue qu'il a accordée à La Presse Canadienne le 29 mars dernier, l'ambassadeur du Canada en Chine, John McCallum, a déclaré qu'il tenait à resserrer les liens économiques entre le Canada et la Chine, mais pas au détriment des droits de la personne. En fait, il a dit qu'un éventuel accord de libre-échange avec la Chine serait progressiste et qu'il comprendrait des normes en matière de droits de la personne et de travail. Cette déclaration porte à confusion, monsieur le leader, car, lundi dernier, le Globe and Mail a rapporté les commentaires formulés par M. McCallum au cours d'une autre entrevue. Il a déclaré qu'il était d'accord avec son homologue chinois pour ne pas inclure les droits de la personne dans un éventuel accord. Il a dit ce qui suit :

[...] pour moi, ce n'est pas clair si, en tant que tels, les droits de la personne doivent faire partie d'un accord de libre-échange.

M. McCallum s'est contredit tout de suite après en déclarant ceci :

Les droits de la personne sont un élément fondamental de la politique étrangère du Canada [...] Et je ne crois pas que nous allons les sacrifier pour des raisons économiques.

La semaine dernière, je vous ai posé une question sur le même sujet. Vous avez déclaré que les commentaires d'un ambassadeur reflètent le point de vue du gouvernement qu'il représente. Il n'est pas de bon augure d'entreprendre des négociations sur un accord commercial aussi ambitieux en faisant des déclarations contradictoires.

Voici ma question : laquelle des déclarations de l'ambassadeur les Canadiens devraient-ils croire et laquelle reflète la position du gouvernement?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Tout d'abord, je tiens à vous remercier, honorable sénateur, de votre intérêt soutenu à l'égard de ces questions. Le gouvernement du Canada cherche à établir un vaste dialogue avec la Chine. Ce dialogue comprend évidemment un volet économique qui permettra de prendre appui sur la croissance qui, au cours des dernières années, s'est manifestée dans les liens économiques et commerciaux entre les deux pays, ainsi que sur le plan des investissements. Les Canadiens bénéficient considérablement de ces relations, et une excellente occasion s'offre au Canada d'accroître sa présence sur les marchés chinois et asiatiques. Dans ce contexte, les gouvernements du Canada et de la Chine ont signalé leur intention d'entamer des discussions à tout le moins préliminaires sur la façon de resserrer leurs liens économiques. Parallèlement, l'ambassadeur a déclaré très clairement que le gouvernement du Canada souhaite établir des relations avec la Chine qui ne se limitent pas au dossier économique, mais qui comprennent aussi les liens entre les peuples, des enjeux touchant l'éducation, la politique sur la sécurité, des questions militaires et d'autres éléments précis. Évidemment, ces relations comprennent aussi les droits de la personne. D'ailleurs, les enjeux touchant les droits de la personne figurent et continueront de figurer parmi les priorités absolues du gouvernement du Canada, ce qui est évident dans le travail de notre ambassadeur.

[Français]

L'agriculture et l'agroalimentaire

L'Agence canadienne d'inspection des aliments—L'importation des aliments

L'honorable Claude Carignan : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier et aujourd'hui, des experts internationaux se sont réunis à Québec pour discuter des moyens de détecter et de contrôler un fléau qui mine la confiance des consommateurs.

Dans un article paru aujourd'hui dans le journal La Presse, on nous révèle que 20 p. 100 des aliments importés sont non conformes. On peut notamment y lire ce qui suit :

Pour l'exercice 2015-2016, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) a testé 3601 aliments importés à l'un des points d'entrée au Québec : 20 % n'étaient pas conformes [...] Les produits alimentaires qui sont le plus souvent non conformes à la réglementation sont la viande, les produits laitiers (principalement le lait) et les végétaux, précise l'ACIA.

On apprend également, dans cet article, que les amendes sont très rares au Canada. Que compte faire le gouvernement pour contrer ce phénomène et protéger la santé des Canadiens et des Canadiennes dans le cadre de l'importation de produits?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Vous m'avez presque manqué, alors je suis heureux que vous preniez le temps de soulever cette importante question.

Tout d'abord, je tiens à assurer aux sénateurs et à tous les Canadiens que la protection et la solidité de notre système de contrôle de la salubrité des aliments nous tiennent à cœur. Les efforts déployés, en particulier par l'Agence canadienne d'inspection des aliments, sont essentiels pour préserver non seulement l'intégrité de la chaîne d'approvisionnement alimentaire, mais aussi la confiance des Canadiens à l'égard des produits d'importation et d'exportation.

L'agence s'emploie constamment à améliorer ses méthodes de détection des risques. En ce qui concerne plus précisément votre question au sujet des problèmes soulevés lors de la conférence tenue à Québec, je serai ravi de m'informer et de vous communiquer la réponse.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le temps réservé à la période des questions est écoulé. Avant de passer à l'ordre du jour, je vous signale la présence à la tribune de Roz Roach, fondatrice de l'organisme Dr. Roz's Healing Place, qui offre un refuge aux familles victimes de violence familiale, ainsi que du centre Changa House, qui vient en aide aux enfants et aux jeunes qui sont pris dans le cycle de la violence. Elle est l'invitée de l'honorable sénatrice McPhedran.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

Les anciens combattants—Les postes de haute direction

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 19 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.

L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté—Les réfugiés syriens

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 35 inscrite au Feuilleton par le sénateur Carignan.

Parcs Canada—Système Phénix

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 39 inscrite au Feuilleton par la sénatrice Griffin.

La sécurité publique et la protection civile—Les marchandises en transit

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 41 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.

L'infrastructure et les collectivités—Le pont international Gordie-Howe

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 43 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.


ORDRE DU JOUR

Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l'honorable sénateur Harder, C.P., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-4, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi de l'impôt sur le revenu.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Tannas, appuyée par l'honorable sénatrice Unger,

Que le projet de loi C-4 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié :

a) par suppression de l'article 1, à la page 1;

b) par suppression de l'article 2, aux pages 1 et 2;

c) par suppression de l'article 3, à la page 2;

d) à l'article 4, à la page 2, par substitution, aux lignes 26 à 30, de ce qui suit :

« 4 L'article 39 du Code canadien du travail est remplacé par ce qui suit :

39 (1) S'il est convaincu, sur le fondement des résultats d'un scrutin de représentation secret, que la majorité des »;

e) par suppression de l'article 5, à la page 3;

f) par suppression de l'article 6, à la page 4;

g) par suppression de l'article 7, aux pages 4 et 5;

h) à la page 5, par adjonction, après l'intertitre « Loi sur les relations de travail dans la fonction publique » suivant l'article 7, de ce qui suit :

« 7.1 L'alinéa 39d) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est remplacé par ce qui suit :

d) l'autorité dévolue à tout regroupement d'organisations syndicales ayant valeur d'autorité suffisante au sens de l'alinéa 64(1.1)c); »;

i) par suppression de l'article 8, aux pages 5 et 6;

j) par suppression des articles 9 à 11, à la page 6;

k) à la page 6, par adjonction, après la ligne 30, de ce qui suit :

« 11.1 Le paragraphe 100(1) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

100 (1) À la demande de l'employeur ou de toute organisation syndicale faisant ou ayant fait partie d'un regroupement accrédité comme agent négociateur, la Commission révoque l'accréditation de celui-ci si elle arrive à la conclusion qu'il ne remplit plus les conditions d'accréditation fixées par l'alinéa 64(1.1)c) »;

l) par suppression des articles 14 et 15, à la page 7;

m) par suppression de l'article 16, aux pages 7 et 8.

L'honorable Frances Lankin : Je suis ravie d'avoir l'occasion de prendre la parole dans le cadre du débat sur l'amendement proposé hier par le sénateur Tannas.

J'ai eu l'occasion de poser une question au sénateur Tannas, et j'aimerais développer un peu cette question aujourd'hui. Toutefois, auparavant, j'aimerais parler du contenu du projet de loi et du principe présenté.

(1500)

Le sénateur Tannas en a parlé hier avec conviction. Il croit en l'importance du scrutin secret lors de campagnes d'accréditation. Il nous a fait part de l'expérience de certains de ses collègues et a expliqué les raisons pour lesquelles il juge que cela est important. Il a également dit que c'était un choix démocratique. Je ne suis pas du tout contre cela. Je tiens à présenter une vision opposée, également fondée sur une histoire personnelle.

Certains de mes collègues savent sans doute que j'ai déjà été négociatrice et organisatrice syndical et que je connais plutôt bien l'accréditation syndicale. Les campagnes d'accréditation sont souvent différentes selon le secteur dans lequel on se trouve.

Honorables sénateurs, je crois qu'il faut admettre qu'on ne peut pas généraliser dans ce domaine. Certaines situations sont marquantes pour les gens qui les vivent. Ce sont des expériences de vie légitimes, peu importe le côté du débat où l'on se trouve et l'enjeu qui nous touche particulièrement.

J'ai déjà été témoin de circonstances dans le cadre desquelles des employés d'une entreprise ont subi de l'intimidation et une pression extrêmes lors d'une campagne d'accréditation une fois que le scrutin secret avait été annoncé. On a utilisé la peur et l'intimidation relativement aux emplois et aux moyens de subsistance des gens. Leur effet a d'ailleurs été très marqué dans les résultats du scrutin. On doit comprendre que les expériences des gens sont liées à des constances précises et qu'il y a déjà eu des abus, disons-le, des deux côtés.

Il ne faudrait sans doute pas perdre de vue que, depuis des années, les entreprises, les syndicats et le gouvernement tentent de s'entendre et d'équilibrer ces mesures et procédures. Ce secteur figure, selon moi, parmi ceux où les négociations tripartites sont les mieux implantées.

Pour tout dire, les relations patronales-syndicales ont toujours accordé une grande place à la négociation. Chaque partie doit comprendre les intérêts de l'autre et voir les points communs permettant de s'entendre. C'est ce qui ressort bien souvent du processus de négociation collective, ou alors des processus d'arbitrage ou de négociation à la satisfaction des parties visant à régler certains aspects des conditions de travail, comme la santé et la sécurité.

De tout temps, on a cherché à trouver l'équilibre, les mécanismes susceptibles de fonctionner en toutes circonstances — et la marche à suivre quand ce n'est pas le cas. C'est d'ailleurs ce à quoi servent les commissions des normes du travail, qu'elles soient provinciales ou fédérales, soit à trancher lorsque, exceptionnellement, les choses ne se passent pas comme on le voudrait.

L'accréditation syndicale au moyen du système de cartes est elle aussi soumise à un tel mécanisme. Si un employeur ou un travailleur prouve à telle ou telle commission qu'il y a eu intimidation ou que le processus a été compromis, la commission peut ordonner la tenue d'un vote. Cela s'est vu. Le processus est donc balisé, et ces balises contribuent à ce que les ententes conclues entre les parties patronales et syndicales soient équilibrées. Je crois que les sénateurs devraient en tenir compte dans leur réflexion.

Ce ne sera sans doute pas suffisant pour convaincre qui que ce soit de la marche à suivre. Les mots « scrutin secret » dégagent une incroyable aura démocratique, parce que c'est ce mode de scrutin que nous utilisons pour nos élections. Nous pouvons donc facilement nous y identifier. Cela ne va toutefois pas de soi lorsque les parties en cause misent dès le départ sur l'affrontement parce qu'elles n'ont pas encore tissé des liens, n'ont pas encore commencé à négocier, donc qu'elles n'ont pas encore pu prendre conscience de ce que l'autre apporte au milieu de travail, la manière dont elle contribue à la productivité et au développement de l'organisation, bref, de son importance pour les bénéfices de la société, le gagne-pain des employés qui y travaillent et le bien-être de tous.

Pour ce qui est de votre motion, j'estime qu'elle ne présente qu'un aspect de la situation. Il existe un autre aspect tout à fait différent. Les partis ont discuté de ces deux aspects et en sont arrivés à un équilibre. Avec tout le respect que je vous dois, dans le monde des négociations patronales-syndicales, ce n'est pas la majorité qui propose des changements extrêmes, comme le vote au scrutin secret.

Je reviens sur l'argument que vous avez avancé au sujet des compétences provinciales. J'ai bien aimé l'historique que vous avez présenté, mais, à l'instar de ce qui s'est passé ici, on a adopté, d'un côté comme de l'autre, une approche partisane et idéologique à l'égard de ces questions. Nous en sommes conscients. Nous pouvons l'admettre en toute franchise. Cette approche n'était fondée ni sur la recherche d'un équilibre ni sur les souhaits des parties à ces accords et à cette structure législative.

Cependant, j'aimerais également me pencher sur la question que j'ai soulevée hier au sujet du rôle du Sénat dans l'examen de la mesure législative qui nous a été renvoyée par la Chambre des communes. Hier, j'ai fait mention de la convention de Salisbury et du fait que, comme nous le disons souvent dans cette enceinte, nous discutons d'une situation à l'égard de laquelle un engagement a été pris dans un manifeste politique ou dans le programme électoral d'un parti politique. Si le parti en question forme ensuite le gouvernement, lorsque la Chambre des communes renvoie un projet de loi au Sénat, il y a tout lieu de s'attendre à ce que ce dernier ne bloque pas cette mesure et n'apporte pas d'amendements substantiels au principe qui la sous-tend.

Aujourd'hui, le Comité sur la modernisation a tenu une séance intéressante et je tiens à signaler que nous y avons entendu des témoignages forts intéressants par vidéoconférence. Nous avons entendu le très honorable lord Wakeham et lord Norton de Louth, de la Chambre des lords, ainsi que Meg Russell, directrice de l'unité constitutionnelle du Département de sciences politiques du University College de Londres. Ces témoins ont parlé de la relation qui existe entre la Chambre des communes et la Chambre des lords, et ils ont souligné que le modèle né au Parlement de Westminster a été exporté dans de nombreux pays où il a ensuite été modifié.

Ils ont parlé de la convention de Salisbury et ont dit que la façon dont je l'avais décrite, en parlant de manifeste électoral, est la façon dont tout avait commencé. C'était après la guerre, alors que la Chambre des lords était composée d'une majorité de conservateurs et qu'un gouvernement de gauche avait été élu. Il leur a fallu trouver un moyen de fonctionner efficacement et d'éviter que toutes les initiatives provenant d'un gouvernement qui avait été élu ne soit rejetées.

Il y a un grand respect vis-à-vis du fait qu'une Chambre a été élue et qu'un mandat a été confié aux élus. Voilà l'origine de cette convention.

Aujourd'hui, toutefois, ils ont parlé de son évolution. En fait, à présent, ils estiment qu'il ne revient pas à la Chambre haute de stopper un projet de loi sur la base du principe si ce projet de loi faisait partie du programme électoral et, ce qui est encore plus pertinent ici, a obtenu un appui majoritaire des élus à la Chambre des communes, faisant en sorte qu'il y a un mandat de la Chambre des communes.

Ils disent ensuite que le travail du Sénat — la Chambre des lords dans leur cas — consiste à étudier le projet de loi et à l'améliorer, mais tout en respectant le principe qui le sous-tend.

Dans le cas qui nous occupe, à savoir l'adoption du principe d'un projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, dans la partie dont vous parlez, soit le projet de loi C-525, le principe consiste à abroger la disposition prévoyant un scrutin secret. En réalité, comme je l'ai dit hier, votre amendement enlève toute substance à cette disposition.

On a entendu aujourd'hui une citation intéressante du très honorable lord Wakeham. Il a dit que nous apportons des amendements non pas pour détruire ce qu'ils — la Chambre des communes qui a adopté et transmis le projet de loi — veulent faire, mais pour l'améliorer.

Il revient donc aux sénateurs de décider si nous devons souscrire à cette norme; selon ce que j'ai lu et selon ce que des sénateurs de toutes allégeances ont dit, c'est ce que nous avons toujours fait. Selon cette norme, il ne s'agit pas d'un bon amendement. Il dénature ce que la Chambre des communes nous a renvoyé. Il contrevient au principe du projet de loi qui a été adopté, un projet de loi modificatif; or, il annulerait les modifications adoptées. Il faut dire aussi que c'était une promesse électorale, un élément central du manifeste libéral.

(1510)

Si nous comprenons bien le rôle du Sénat, les cas où nous devons intervenir, les conditions à respecter ainsi que le travail que nous devons faire pour améliorer un projet de loi, pour nous assurer qu'il est constitutionnel et qu'il n'est pas discriminatoire envers diverses parties, diverses régions ou diverses minorités du pays, si nous tenons bien compte des questions dont nous parlons souvent et qui sont propres à notre perspective ainsi que de la décision de la Cour suprême, nous devons conclure que cette proposition d'amendement tombe hors du champ de nos responsabilités.

Que nous souscrivions ou non au fondement philosophique de l'amendement que vous nous proposez, comme ce sera souvent le cas lorsque des projets de loi nous seront soumis, nous sommes conscients que le projet de loi nous arrive de la Chambre des communes, une assemblée élue. Il a été adopté par une vaste majorité de députés avant de nous être transmis. Il donne suite à une promesse électorale, et votre amendement, n'aurait probablement pas dû nous être proposé. Il ne devrait pas être appuyé par le Sénat.

J'espère que nous continuerons de discuter de la nature de notre travail. Je remarque que l'arrivée de sénateurs indépendants a introduit, dans une certaine mesure, une plus forte dose de partisanerie dans nos débats lorsque nous devons nous prononcer sur des enjeux où les positions divergent.

Je suis désolée, je n'ai pas entendu ce que vous avez dit, sénateur Plett.

Je ne suis pas en train de critiquer. Je suis sincère et je pense qu'il est évident que des sénateurs se prononcent parfois sur un projet de loi selon leur position idéologique, et non selon leur responsabilité de sénateur. Un jour ou l'autre, il nous faudra discuter de ce problème. Certains croient peut-être que le débat sur ce projet de loi n'est pas le bon moment, mais je ne suis pas de cet avis. Je vous dirais que je suis contre votre amendement même si je comprends vos convictions et les motifs qui vous amènent à le présenter. Je suis contre et j'exhorte les sénateurs à bien réfléchir à leur rôle et à rejeter cet amendement.

L'honorable Scott Tannas : Accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Lankin : Absolument.

Le sénateur Tannas : En fait, j'ai plusieurs questions. Je suppose que je pourrais les poser en rafale.

Premièrement, pouvez-vous dire pourquoi vous estimez que le système de cartes n'est pas en soit intimidant? Prenons l'exemple de collègues qui vous rendraient visite la fin de semaine pour vous annoncer qu'ils veulent se syndiquer et vous demander de signer la carte, ou celui d'un pilote pour WestJet, qui n'est pas très en faveur de la syndicalisation, contrairement à son copilote. Il descend à l'hôtel où quelqu'un l'accueille à bras ouverts, en lui disant : « Nous voulons former un syndicat. Allez, signe. » Il ne fait pas de doute pour moi que ce sont des cas d'intimidation, mais les sénateurs d'en face n'en parlent jamais. Nous entendons seulement que, avant un vote, l'employeur a la possibilité de s'exprimer et que l'intimidation gâche tout.

Deuxièmement, pourriez-vous faire des commentaires sur le projet de loi C-7? Nous y avons inclus, dans notre grande sagesse, un vote par scrutin secret pour la GRC. Le gouvernement, à l'autre endroit, se penche là-dessus depuis des mois. De quoi aurons-nous l'air si, après des mois, nous suivons la convention de Salisbury et que le projet de loi permet finalement un scrutin secret pour la GRC?

Enfin, si j'ai bien retenu mes leçons d'histoire, nous devons prendre en considération la volonté manifeste du peuple. Or, il est ressorti nettement au comité que la volonté manifeste des syndiqués est de maintenir le scrutin secret.

Son Honneur le Président : Sénatrice Lankin, avant que vous commenciez, je vous informe que vous n'aurez pas le temps de répondre à la question. Allez-vous demander cinq minutes de plus pour répondre à la question?

La sénatrice Lankin : Oui, merci.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord

La sénatrice Lankin : Je vais tenter de répondre aux questions du sénateur. Il y en avait trois, en tout.

La première concerne la vérification des cartes. Je crois que l'argument que vous cherchez à faire valoir est qu'un employeur ou des collègues peuvent tenter de convaincre un employé de prendre une décision ou une autre. Je pose la question suivante au sénateur : qui exerce ce pouvoir, et ce pouvoir est-il coercitif? Je ne crois pas que l'on peut comparer l'influence de l'employeur et celle des collègues, puisque c'est l'employeur qui est responsable du gagne-pain des employés.

Dans certains secteurs, lors de situations de grève, il arrive souvent que des employés franchissent la ligne de piquetage. Les gens suivent leurs convictions. J'estime que l'employeur est beaucoup plus apte à exercer des pressions que les employés. Il y a sans doute des secteurs où le contraire se produit et où les menaces viennent plutôt des collègues, mais c'est très rare dans le milieu syndical.

Je pense que le sénateur soulève un excellent point à propos du projet de loi C-7. J'admettrai que, puisque le projet de loi a été présenté lors de mes premiers jours comme sénatrice, je n'avais pas compris que le Sénat cherchait à instaurer un scrutin secret. J'ai appuyé le projet de loi parce que je soutiens le droit à la syndicalisation. Quand j'ai pris conscience de la situation — je reconnais que c'était mon erreur —, j'ai questionné un certain nombre de sénateurs à ce sujet, mais pas tout le monde n'avait compris que c'est ce qui s'était passé. Je pense que, dans un sens, tout cela est passé entre les mailles du filet. Ce n'est pas là une accusation, mais un aveu de mon inattention et de mon manque de compréhension à l'égard de ce projet de loi.

J'ose espérer que, si le projet de loi C-7 tarde à ce point, c'est parce que le gouvernement n'a pas l'intention d'accepter l'amendement en question. Selon moi, c'est le gouvernement qui aurait l'air stupide si, après avoir présenté un projet de loi visant à abolir le vote secret, il acceptait la version du projet de loi amendée par le Sénat.

En ce qui concerne la volonté manifeste du peuple, il est souvent question des courriels que reçoivent les sénateurs siégeant au comité. Je vous signale qu'on m'envoie beaucoup de courriels en faveur du système de cartes — peut-être en raison de mes antécédents professionnels. J'ai reçu récemment des appels de dirigeants syndicaux et des gens des deux camps.

D'autres personnes ont communiqué avec moi. Vous mentionnez le cas de WestJet. Il se trouve que la question du vote secret chez WestJet n'a rien à voir avec l'intimidation. Les gens de WestJet s'inquiètent plutôt du fait qu'une organisation rivale s'apprête à utiliser le système de cartes et de la possibilité que ce soit elle, et non l'Association des pilotes de WestJet, qui obtienne les droits de négociation pour leurs pilotes. Je leur ai dit que j'appuie le projet de loi C-4 et que je m'oppose respectueusement à l'amendement que vous proposez.

Je reviens aux circonstances dans chaque cas et aux motifs qui poussent les gens à choisir une position plutôt qu'une autre. Ces circonstances sont bien réelles et il faut en tenir compte. En toute déférence, je rappelle que la tâche des sénateurs ne consiste pas à modifier un projet de loi qui reflète la volonté de la majorité élue, si ce n'est pour l'améliorer dans les limites de nos responsabilités ou y apporter des amendements qui appartiennent aux catégories dont nous avons souvent discuté. Il n'est pas de notre ressort d'amender un projet de loi au point de le vider de sa substance ou d'en contredire le principe et, partant, de l'annuler. Or, c'est ce que fait votre amendement, selon moi.

Le sénateur Tannas : J'aimerais avoir des précisions au sujet du projet de loi C-7. Si, en raison de ce que vous avez expliqué au sujet de la convention de Salisbury, le Sénat hésitait à se prononcer, mais était favorable à l'adoption d'un mode de scrutin secret pour les membres GRC, serait-il alors préférable qu'il attende que le projet de loi lui soit renvoyé avant de se prononcer?

La sénatrice Lankin : Non.

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Lankin : Oui.

Le sénateur Ogilvie : Sénatrice Lankin, dans votre réponse au sénateur Tannas, vous avez fait allusion au pouvoir que l'employeur exerce sur l'employé. Or, j'ai passé une grande partie de ma carrière dans le milieu universitaire, qui est fortement syndicalisé au Canada. En effet, dans ce milieu, il semble que c'est plutôt le syndicat qui a tous les pouvoirs, notamment pour l'attribution des postes permanents et des promotions, et que l'employeur n'en a aucun. D'ailleurs, tout au long de ma carrière, j'ai vu à quel point l'intimidation est répandue au sein des syndicats universitaires, et cela montre l'importance d'adopter un mode de scrutin secret à l'égard des décisions syndicales importantes.

Je dirais, sénatrice Lankin, que, dans bien des situations, le problème n'est pas seulement le pouvoir que l'employeur exerce sur les employés, mais aussi celui que les dirigeants syndicaux exercent sur les syndiqués.

Son Honneur le Président : Encore une fois, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps?

La sénatrice Lankin : Une minute seulement.

Son Honneur le Président : Une minute pour répondre à la question.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(1520)

La sénatrice Lankin : Je souris en disant que j'ai entendu la question puisqu'il s'agit, bien sûr, d'une déclaration. Ce que j'essayais de dire, c'est que, selon les circonstances et les secteurs, la situation n'est pas la même. Je n'ai jamais rien vu de semblable dans le secteur public proprement dit, mais je l'ai vu dans le secteur de l'éducation. Je ne l'ai pas vu dans le secteur de l'automobile, mais je l'ai vu chez les débardeurs.

Je le répète, le pouvoir économique diffère de celui que confère le pouvoir de l'isolement ou le fait de ne pas inclure les gens. Cependant, au bout du compte, un équilibre s'est établi au fil des ans, équilibre forgé par le patronat, les syndicats et le gouvernement. Outre le fait de ne pas appuyer cette mesure conformément aux principes de Salisbury, de solides des arguments devraient nous inciter à respecter cet équilibre.

(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, le débat est ajourné.)

La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l'honorable sénatrice Gagné, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence, tel que modifié.

L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence.

Le projet de loi dont nous sommes saisis apporte un certain nombre de changements à la Loi sur la citoyenneté, changements qui portent sur la résidence et les exigences linguistiques. Je me concentrerai aujourd'hui sur les articles 3, 5 et 26 ou, dirais-je plutôt, sur les dispositions relatives à la révocation de la citoyenneté de terroristes canadiens.

À l'instar d'autres mesures législatives émanant du gouvernement, le projet de loi C-6 concerne principalement l'abrogation de lois existantes.

Il abroge et remplace en grande partie l'ancien projet de loi C-24 adopté en 2014, connu sous le titre abrégé de Loi renforçant la citoyenneté canadienne.

Il m'apparaît essentiel d'établir cette distinction puisque, dans les faits, le projet de loi C-6 dévalorise la citoyenneté canadienne en retirant au gouvernement le pouvoir d'expulser de façon permanente les terroristes qui vivent parmi nous.

Le gouvernement soutient que tous les citoyens canadiens, qu'ils aient obtenu leur citoyenneté à la naissance ou plus tard, sont égaux devant la loi et qu'ils devraient être traités de la même façon par le système de justice canadien. Lorsqu'il défend la mesure à l'étude, le gouvernement aime répéter qu'« un Canadien est un Canadien ».

Si ce slogan doit servir d'argument, nous devons nous demander ce qu'est un Canadien et que signifie la citoyenneté canadienne. De quels droits bénéficient les Canadiens et, plus important encore, quels devoirs sont rattachés au serment de citoyenneté?

La citoyenneté ne se borne pas à un document qu'on remplit pour obtenir un passeport et une carte d'assurance-maladie. C'est un lien indéfectible entre une personne et le Canada, une entente par laquelle elle déclare faire maintenant partie de notre collectivité et partager notre identité.

Il n'est pas nécessaire d'être citoyen canadien pour visiter le Canada, ni pour vivre et travailler ici en permanence. Nous avons toutes sortes de visas pour les situations de ce genre. Pour sa part, la citoyenneté s'accompagne non seulement de privilèges, mais aussi de devoirs.

La citoyenneté est l'un des idéaux les plus anciens et les plus sacrés de l'Occident. Elle a d'abord pris forme dans les anciennes cités grecques. On y considérait que les citoyens avaient divers droits et pouvaient notamment prendre la parole et voter dans le cadre de leur assemblée politique, se présenter aux élections, servir de jurés et bénéficier de la pleine protection de la loi.

En contrepartie, la citoyenneté comportait des devoirs : le citoyen devait respecter la loi et s'y conformer, servir dans l'armée ou autrement en cas de guerre et ne jamais poser de gestes qui nuiraient aux intérêts communs des citoyens.

Dans la conception britannique de la citoyenneté, dont découlent nos principes juridiques, ce lien entre les droits et les responsabilités ou, plutôt, entre les responsabilités et les protections est maintenu.

Dans le débat de la Chambre des lords britannique portant sur l'Immigration, Asylum and Nationality Act de 2002, Earl Russell en a donné la description suivante :

[...] la responsabilité qui fermait la boucle du gouvernement était l'allégeance du peuple envers son souverain, laquelle découlait de la citoyenneté. En retour de cette allégeance, le peuple avait le droit d'être protégé par son souverain. Ce lien entre allégeance et protection était absolument fondamental à la pensée politique.

Le projet de loi C-24 reconnaissait le lien essentiel entre les droits et les devoirs en habilitant le gouvernement à révoquer la citoyenneté des Canadiens détenant une double citoyenneté reconnus coupables de terrorisme, de trahison, d'espionnage ou d'avoir pris les armes contre notre pays. De plus, il interdisait à tout résident permanent du Canada reconnu coupable de tels actes de présenter une demande de citoyenneté canadienne.

Les détracteurs du projet de loi C-24 ont présenté ces dispositions comme faisant preuve d'étroitesse d'esprit ou comme la preuve que le gouvernement avait l'intention de créer deux catégories de citoyens.

En fait, nous avons appris ici que ces dispositions sont en vigueur dans 22 pays européens. En effet, la Grande-Bretagne, la Belgique, le Danemark, la France, l'Allemagne, la Grèce, l'Espagne, la Suisse et les Pays-Bas ont tous des dispositions juridiques les habilitant à retirer la citoyenneté des terroristes.

Le Royaume-Uni a même été plus loin que ces pays et le projet de loi C-24 en étendant ses pouvoirs pour permettre au gouvernement de révoquer la citoyenneté d'une personne, même si cela rend cette dernière apatride.

Une personne anonyme du Soudan qui a vu sa citoyenneté révoquée a contesté cette loi à la Cour européenne des droits de l'homme. Le jugement, rendu le mois dernier, est une décision unanime confirmant que retirer aux terroristes leur citoyenneté est effectivement légal. La décision dit ceci :

[Ayant pris] note des constats sans équivoque de la SIAC sur l'ampleur des activités [...] en rapport avec le terrorisme, la Cour considère que la décision d'exclure le requérant du Royaume-Uni n'était pas disproportionnée au but légitime consistant à protéger la population de la menace de terrorisme.

Rien que cette semaine, le ministère de l'Intérieur de la Grande-Bretagne a exercé ce pouvoir en confisquant le passeport de Sufiyan Mustafa. Il est le fils d'Abu Hamza, un terroriste condamné et une personne tristement célèbre pour ses discours haineux, qui a passé plusieurs années à se battre aux côtés des djihadistes en Syrie.

La préoccupation concernant le fait de rendre une personne apatride a souvent été soulevée dans le débat public, ici et ailleurs. Or, quand on en parle, on en parle comme d'une question de droit international plutôt que d'une question de souveraineté canadienne.

Selon Craig Forcese, un professeur de droit de l'Université d'Ottawa, « le droit international en dit très peu sur la révocation; la décision appartient plutôt aux États. »

Honorables sénateurs, je suis d'accord avec lui, car je crois que la citoyenneté du Canada est une question de souveraineté canadienne. Ce sont le Parlement et les représentants des Canadiens qui doivent trancher.

Le concept de révocation de la citoyenneté ne nous est pas étranger. Le gouvernement qui a établi la Loi sur la citoyenneté canadienne de 1947 a prévu un processus de révocation de la citoyenneté. Jusqu'en 1977, la citoyenneté pouvait être révoquée pour fraude, pour trahison et pour avoir aidé un ennemi en temps de guerre.

Un autre point qui revient souvent dans le débat public concernant le projet de loi C-6 et le projet de loi C-24 porte sur la distinction entre la citoyenneté par la naissance et la citoyenneté par naturalisation. C'est une distinction qui n'avait, jusque-là, jamais posé problème. Les personnes qui sont nées ici grandissent au sein de notre système de normes. Ils adoptent l'identité canadienne grâce à la socialisation. Les personnes qui reçoivent leur citoyenneté par naturalisation la reçoivent en vertu d'un contrat qui affirme qu'elles reconnaissent à la fois les obligations et les devoirs liés à ce que l'on considère de façon légitime un privilège offert par notre pays à d'autres..

La diversité est notre plus grande force et les Canadiens devraient en être fiers. Nos portes sont ouvertes à tous ceux qui souhaitent se joindre à notre population et nous aider à faire du Canada un pays encore meilleur. Les terroristes et ceux qui se battent contre nous ne font pas — je le répète, ils ne font pas — partie de cette catégorie de gens.

(1530)

Même s'il ne l'exprime pas, le gouvernement comprend la différence. L'idée que le Canada a le droit de décider qui peut ou ne peut pas être accepté à titre de citoyen en fonction de sa conduite n'est pas contestée par le projet de loi C-6.

Avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-24, des gouvernements précédents avaient révoqué la citoyenneté de criminels de guerre nazis. Comme d'autres sénateurs l'ont souligné, le cas le plus connu est celui de Helmut Oberlander. Le Canada essaie de révoquer la citoyenneté de cet homme depuis 1994. M. Oberlander était membre d'un escadron de la mort nazi et son nom se trouve sur la liste des criminels de guerre les plus recherchés du Centre Simon-Wiesenthal. Les types de personnes dont nous envisageons de révoquer la citoyenneté au moyen du projet de loi C-24 ne sont pas très différents des criminels de guerre d'autrefois.

Lorsque nous avons étudié le projet de loi C-6 au Comité des affaires sociales, j'ai été consternée d'entendre le ministre admettre que le ministère s'efforçait de rétablir la citoyenneté d'un terroriste notoire. Le ministre n'a pas nommé le terroriste, mais les médias ont révélé qu'il s'agit de Zakaria Amara, qui est actuellement en prison pour avoir dirigé le groupe des 18 de Toronto. M. Amara voulait assassiner le plus de Canadiens possible. Comme M. Zehaf-Bibeau en 2014, il planifiait prendre d'assaut la Colline du Parlement et massacrer des parlementaires comme vous et moi. Ses complices voulaient mener de nombreuses attaques à la bombe et à l'arme à feu à Toronto afin de s'en prendre directement à notre démocratie et aux gens qui habitent ici. Ce terroriste a été inspiré par le groupe Al-Qaïda qui a assassiné des milliers d'Américains en 2001 et qui continue d'assassiner des milliers des personnes en Irak et en Syrie sous des noms différents dans l'espoir d'établir une théocratie cruelle.

Tôt ou tard, M. Amara sortira de prison et les Canadiens devront ensuite espérer qu'il ne retombera pas dans l'extrémisme qui a mené à son incarcération. Nous ne savons vraiment pas quel type de ressentiment ou d'opinions extrémistes l'anime, mais les possibilités sont troublantes.

Le citoyen britannique Jamal al-Harith a été capturé par l'armée américaine lorsqu'il luttait aux côtés des talibans en Afrique. Après deux ans à Guantanamo, il a été libéré et est retourné au Royaume-Uni. Il a obtenu une indemnisation pour son emprisonnement : on lui a versé 1 million de livres sterling — près de 2 millions de dollars canadiens. Où se trouve-t-il en ce moment? Jamal al-Harith a été tué le mois dernier alors qu'il combattait aux côtés de terroristes du groupe État islamique en Irak.

Commettre ces crimes terribles, participer à la planification de telles atrocités ou lutter contre notre pays constitue autant d'actes de trahison et une violation du contrat entre les citoyens canadiens et notre collectivité.

Comme dans tout contrat, si l'entente de citoyenneté est trahie, elle devrait devenir nulle. Le gouvernement en a fait une promesse électorale : les électeurs canadiens devraient donc le tenir responsable des conséquences.

Je ne peux pas appuyer le projet de loi et j'exhorte les autres sénateurs à bien soupeser leur décision avant de le faire.

Des voix : Bravo!

L'honorable Diane Griffin : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-6. Je souhaite proposer un amendement au projet de loi, mais je vous en expliquerai d'abord les motifs.

L'âge pour démontrer une connaissance suffisante de la langue, établi à 55 ans, est trop bas. Il devrait être plus élevé, notamment parce qu'un résident permanent de 49 ou 50 ans, après la période d'attente de cinq ans, pourrait devenir citoyen canadien à 55 ans sans avoir aucune connaissance du français ou de l'anglais.

Un amendement qui fixerait l'âge à 60 ans revêt une importance particulière pour les gens du Canada atlantique, du Québec et des régions rurales au pays.

Je souligne que j'appuie les dispenses pour des raisons d'ordre humanitaire. Cette disposition est prévue au paragraphe 5(3) de la Loi sur la citoyenneté. Je m'oppose respectueusement aux dispenses automatiques sur le seul motif que le demandeur est âgé de 55 ans.

Je propose la limite de 60 ans en m'appuyant sur des recommandations fondées sur des données probantes, qui proviennent d'études effectuées sous les gouvernements de Brian Mulroney et de Jean Chrétien. Selon la Bibliothèque du Parlement, le choix de prévoir une exemption à compter de 55 ans est récent et ne découle pas de décisions prises par des politiciens ou des hauts fonctionnaires.

De plus, l'analyste de la Bibliothèque du Parlement ne trouve aucun document indiquant que l'âge de 55 ans a été fixé sur la base d'instructions ministérielles. L'âge de 55 ans semble plutôt avoir été choisi au niveau de la gestion intermédiaire au moyen d'un instrument de délégation.

La dispense des exigences de compétences linguistiques et de connaissances en raison de l'âge n'avait jamais été définie légalement avant que les modifications du gouvernement conservateur à la Loi sur la citoyenneté ne fixent officiellement l'âge à 65 ans.

Avant cela, tous les résidents permanents qui aspiraient à la citoyenneté canadienne devaient répondre à des exigences de compétences linguistiques et de connaissances, et ceux qui ne pouvaient pas satisfaire à ces exigences devaient demander une exemption.

Au début des années 1980, pour être dispensé de ces exigences, il était nécessaire d'avoir 65 ans ou plus. En 1994, l'âge requis est passé à 60 ans. À un certain moment entre 1994 et 2014, l'âge a de nouveau diminué et est passé à 55 ans. Aucune de ces modifications n'a cependant été faite au niveau politique.

Des études du temps de Mulroney et de Chrétien recommandaient de fixer le seuil à 60 ans pour les exemptions. En 1994, le comité de la Chambre des communes du gouvernement Chrétien s'est d'ailleurs opposé à ce que l'on dispense de façon routinière les demandeurs aînés des exigences linguistiques.

Pour paraphraser le rapport, le Comité de l'immigration jugeait que l'on devait encourager les Canadiens à acquérir une certaine connaissance d'au moins une des langues officielles. Le comité voyait la citoyenneté comme une relation à deux sens, et soutenait que les immigrants aînés devaient être encouragés à faire le plus qu'ils pouvaient de leur côté. Le comité a mis en garde contre le fait de dispenser couramment les gens des exigences linguistiques en affirmant qu'il s'agissait d'une forme de générosité mal placée qui risquait d'isoler ces gens et de nuire à leur participation dans la société canadienne dans son ensemble.

La convention Salisbury-Addison indique que le Sénat ne doit généralement pas faire obstacle aux principales promesses électorales. En effet, le Sénat doit s'en remettre à la sagesse de l'électorat en ce qui concerne les promesses électorales majeures. Cela dit, l'abaissement à 55 ans de l'âge d'exemption n'est pas une promesse électorale. Ce qui s'en rapproche le plus est la phrase suivante, tirée d'un document d'information intitulé « Un nouveau plan pour l'immigration qui créera des débouchés économiques au Canada » :

Nous annulerons les dispositions injustes du projet de loi C-24 qui crée des citoyens de seconde classe et les éléments qui rendent les démarches pour obtenir la citoyenneté canadienne plus difficiles pour les immigrants qui travaillent fort.

Avec bien de l'imagination, le gouvernement pourrait prétendre que cette promesse implique la suppression de la limite d'âge dans la loi et le rétablissement du système traditionnel de dispenses. Il est évident que cette promesse n'englobe pas l'inclusion dans la loi de l'âge limite de 55 ans.

Il est paradoxal que les décideurs intermédiaires aient réduit progressivement la limite d'âge tandis que l'espérance de vie des Canada s'accroît. Les personnes de 55 ans sont encore jeunes. N'est-il pas un peu ironique que le Sénat discute de cette question alors que l'âge moyen des sénateurs est de 65 ans?

Voici une déclaration que l'ancien ministre John McCallum a faite devant le Comité de l'immigration de la Chambre des communes au sujet des exigences linguistiques :

(1540)

Nous n'avons pas mené de consultations portant précisément sur les répercussions économiques du retour à la tranche d'âge de 55 à 64 ans, mais on me dit que le gouvernement précédent a procédé de la même façon avant de changer la règle. Nous revenons donc au statu quo ante, et nos prédécesseurs n'ont pas mené de consultations avant d'y renoncer.

La déclaration du ministre est erronée. Comme on l'a mentionné plus tôt, un retour au statu quo ante suppose de ne pas introduire de dispositions relatives à l'âge de 55 ans dans la loi. Il n'y avait ni orientation politique ni avis de la haute direction appuyant l'abaissement de l'âge à 55 ans. J'insiste sur le fait qu'un âge plus bas va à l'encontre des recommandations fondées sur des faits provenant des ères Mulroney et Chrétien.

L'un des principaux éléments de la citoyenneté est la participation au processus démocratique, et, en raison de la faible population du Canada atlantique, les élections et l'engagement civique sont des éléments essentiels permettant de bien s'intégrer à la collectivité.

Par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard, la taille moyenne des circonscriptions provinciales est d'environ 4 000 personnes. Dans le cas de la circonscription où j'habite, Vernon River—Stratford, aux dernières élections, après un recomptage, les deux meilleurs candidats étaient à égalité, alors le directeur du scrutin, aux termes de la loi, a tiré à pile ou face pour choisir le vainqueur.

Les élections dans plusieurs autres circonscriptions ont été remportées par moins de 100 votes, ce qui souligne l'argument selon lequel chaque vote compte, et les nouveaux citoyens ont assurément le droit de voter, qu'ils puissent comprendre les candidats ou non. Dans l'Est du Canada, il est difficile pour une personne de participer pleinement à la société et au processus démocratique sans avoir de connaissance pratique soit du français, soit de l'anglais.

Je remarque qu'un bon nombre de témoins au comité qui ont parlé au sujet du projet de loi C-6 ont mis l'accent sur les dispositions en matière de sécurité nationale de la mesure législative. En ce qui concerne les exigences relatives à l'âge, un examen superficiel semble montrer qu'aucun témoin ne venait du Canada atlantique et que la grande majorité venait de l'Ontario.

À la lumière de cette situation, je présente un amendement dans le but de souligner l'importance de faire appel à plus d'intervenants, et pas seulement à ceux qui proviennent des grands centres urbains, lorsqu'on a affaire à des modifications proposées aux lois en matière de citoyenneté canadienne.

De plus, je tiens à préciser que la présentation de cet amendement honore la vision du premier ministre, soit que les sénateurs examinent et remanient les mesures législatives tout en représentant les intérêts des régions, des provinces et des minorités.

Motion d'amendement

L'honorable Diane Griffin : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi C-6, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 1, à la page 2,

a) par substitution, à la ligne 4 de ce qui suit :

« d) si elle a moins de 60 ans à la date de sa demande, a »;

b) par substitution, à la ligne 7, de ce qui suit :

« e) si elle a moins de 60 ans à la date de sa demande, a ».

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : L'honorable sénatrice Griffin, avec l'appui de l'honorable sénateur Dean, propose en amendement que le projet de loi C-6... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Puis-je poser une question?

Son Honneur le Président : Répondriez-vous à une question, sénatrice Griffin?

La sénatrice Griffin : Oui.

La sénatrice Jaffer : Sénatrice Griffin, merci beaucoup d'avoir présenté cet amendement. Je vous ai écoutée attentivement. Je m'excuse d'avance parce que je n'ai eu que quelques secondes pour lire l'amendement et il se peut que des détails m'aient échappé. Je vous ai entendu parler d'exemptions pour des motifs d'ordre humanitaire. Où se trouvent ces exemptions et qu'entendez-vous par « humanitaire »?

La sénatrice Griffin : Oui, dans la loi actuelle, il y a une disposition relative aux motifs d'ordre humanitaire et j'indiquais mon appui à cet égard. Je ne proposais pas de changer cette disposition; je voulais seulement réitérer le point de vue de l'ancien gouvernement selon lequel il ne faut pas admettre d'exemptions pour des motifs d'ordre humanitaire simplement parce qu'une personne a 55 ans. Il ne s'agit pas vraiment d'une raison d'ordre humanitaire. Cela dit, la loi actuelle prévoit des mesures pour de vrais motifs de ce genre. Je ne propose donc pas de modifier cette composante parce qu'elle me convient.

La sénatrice Jaffer : J'aimerais beaucoup savoir comment vous définiriez le mot « humanitaire ». J'aurais une autre question ensuite, mais elle dépendra de votre réponse.

La sénatrice Griffin : Je regrette, mais ma définition de ce mot n'a pas d'importance. Il est déjà défini dans la loi et ce n'est pas une décision qui nous revient à nous, sénateurs. Cette décision est prise par des fonctionnaires du gouvernement ou une personne qui agit à la demande du ministre.

C'est donc ce qui est déjà prévu dans la loi et je ne propose pas de toucher à cet élément.

La sénatrice Jaffer : Merci. Je comprends très bien. Je ne sais pas si vous étiez aux audiences du comité — je regrette, je ne me souviens pas —, mais le témoignage de Mme Go m'a particulièrement frappée. Elle a expliqué au comité pourquoi cet âge était si important : c'est parce que les personnes qui viennent au Canada de façon indépendante ou pour travailler ici doivent toutes réussir l'examen d'anglais ou de français.

Si je comprends bien, ce sont les réfugiés et les personnes plus âgées qui viennent rejoindre leur famille qui ont des problèmes avec la langue. Le comité a entendu de nombreux témoignages au sujet de grands-mères qui ne connaissaient pas l'anglais et n'ont pu obtenir leur citoyenneté.

Ne pensez-vous pas que 55 ans est un âge qui englobe les personnes qui ne parlent pas anglais parce qu'elles sont arrivées au Canada à un âge plus avancé?

La sénatrice Griffin : Vous soulevez plusieurs points.

Un des éléments qui me préoccupent le plus en ce qui concerne la question de l'âge, même si je ne m'y suis pas vraiment arrêtée dans mon discours, est le fait que, bien souvent, ce sont les femmes qui n'ont pas de très bonnes chances. Les enfants vont apprendre la langue à l'école. Je ne m'en fais pas pour eux. Les personnes qui vont travailler vont apprendre la langue.

Ce sont ceux qui restent à la maison pour prendre soin de la famille qui sont désavantagés. Je crois que nous faisons fausse route en supprimant l'exigence de parler l'une des deux langues officielles pour toutes les personnes de 55 ans ou plus, alors qu'elles peuvent être arrivées au pays à l'âge de 49 ans et avoir eu l'occasion d'apprendre le français ou l'anglais. Comme je l'ai dit, la moyenne d'âge ici est de 65 ans et certains d'entre nous suivent des cours de langue, alors nous conviendrons qu'il est possible pour une personne de 65 ans d'apprendre une nouvelle langue.

Mon opinion à ce sujet est qu'il faut adopter des mesures incitatives ciblant ces personnes et que ces mesures peuvent prendre diverses formes. D'abord, il faut de meilleurs programmes de formation linguistique et il faut les offrir au sein des communautés concernées; c'est ce qui a été fait. Il faudrait probablement aussi plus de financement pour ces programmes, mais je n'aborderai pas la question du financement.

Une autre mesure incitative consisterait à exiger de ces personnes qu'elles se rendent aussi loin que possible dans leur parcours d'apprentissage linguistique. En tant que femme, je veux que nous évitions de marginaliser les femmes, et c'est exactement ce que nous ferions en exemptant des personnes à un trop jeune âge.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : J'ai une question à poser à la sénatrice.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice Martin, mais le temps de parole de la sénatrice Griffin est écoulé. Souhaitez-vous demander plus de temps pour répondre à d'autres questions?

La sénatrice Griffin : Oui, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Martin : Sénatrice, je crois que vous soulevez des points très importants, surtout en ce qui concerne la marginalisation des femmes, puisqu'on peut présumer que ce sont elles qui restent à la maison.

Je me demandais si vous aviez consulté des recherches ou des statistiques concernant les aînés en établissement de soins. Ma mère est dans un établissement de soins et, pendant que j'écoutais votre discours, je me suis fait la réflexion qu'avec l'âge, les gens perdent leurs aptitudes linguistiques. Par exemple, ma mère est arrivée ici quand elle avait 33 ans et elle a appris anglais — je me souviens qu'elle allait à l'école. Elle est maintenant atteinte de démence, mais elle peut toujours parler l'anglais. La grande majorité des travailleurs à sa résidence ne parle pas le coréen, qui est sa langue maternelle. Alors, qu'elle puisse parler anglais a été un grand avantage. J'ai vu de nombreux autres résidents d'origines ethniques diverses qui ne parlaient pas anglais.

(1550)

Avez-vous trouvé des études ou des statistiques sur ce qui arrive à ces personnes lorsqu'elles atteignent l'âge où elles sont placées dans des résidences et où la langue devient un facteur accru de leur bien-être?

La sénatrice Griffin : C'est une question valable. J'avoue que je n'ai pas fait de recherches dans ce sens. Je pensais davantage à la population mobile qu'aux aînés ou aux personnes prises en charge. Alors, c'est un excellent point. Merci de l'avoir soulevé.

Je n'ai donc pas de réponse pour vous, à part de dire que je ne me suis pas renseignée à ce sujet.

Son Honneur le Président : Sénatrice Omidvar, avez-vous une question ou vous joignez-vous au débat?

L'honorable Ratna Omidvar : J'ai une question.

Sénatrice Griffin, conviendriez-vous qu'une chose peut représenter un incitatif pour une personne, mais une barrière pour une autre?

La sénatrice Griffin : Cela peut s'appliquer à presque tout dans la vie, mais il y a toujours dans la loi actuelle l'article qui permet d'invoquer des considérations d'ordre humanitaire. Néanmoins, je pense que nous avons besoin de plusieurs incitatifs. Comme pour toute autre question, le gouvernement dispose de certains instruments économiques. Il dispose aussi d'instruments de réglementation. Il devrait se servir de ces deux instruments pour mettre en œuvre une bonne politique publique.

Dans certains cas, un instrument peut être un facteur dissuasif, mais un autre peut s'avérer un facteur incitatif. Différentes personnes réagissent différemment.

L'honorable Jane Cordy : J'écoutais la sénatrice Martin. Au Comité sénatorial spécial sur le vieillissement, on disait que les gens qui apprennent une langue seconde reviennent souvent à leur langue maternelle en vieillissant. Cela n'a rien à voir avec la langue apprise, qu'il s'agisse de l'anglais ou du français. C'est simplement un phénomène naturel; en vieillissant, certaines personnes reviennent à leur langue maternelle.

Vous avez parlé des femmes qui craignent d'être confinées dans des ghettos et vous avez bien expliqué pourquoi elles ne vont pas sur le marché du travail ou à l'école, comme le font les enfants.

Or, j'ai peur que, en refusant la citoyenneté à ces femmes, on les confine dans des ghettos. Dans la région d'Halifax, il y a des réfugiés de la Syrie. Les parents suivent des cours, mais c'est difficile, car ils sont âgés. Je peux toutefois vous dire que leurs enfants — l'un a reçu une formation d'enseignant en Syrie — suivent des cours de langue nuit et jour pour s'améliorer. Le fils qui vient juste d'arriver et qui a une formation d'avocat veut trouver un emploi immédiatement et suivre des cours de langue.

À Halifax, nous avons la chance d'avoir un maire, Mike Savage, qui est d'un grand soutien. La ville offre des cours de langue et des services de garderie. Elle offre également aux réfugiés des laissez-passer d'autobus, qui leur permettent d'aller suivre ces cours sans avoir à payer pour les déplacements. Malgré toutes ces dispositions, les personnes âgées qui suivent ces cours peuvent dire quelques mots en anglais, mais certainement pas s'exprimer couramment.

Je ne sais pas si vous serez de mon avis mais, en rehaussant l'âge limite, je crains qu'on ne rende encore plus difficile l'apprentissage de la langue. Je ne parle pas des enfants dont certains parlent couramment les deux langues après seulement un an de séjour et qui font tout ce qu'il faut pour devenir des résidents productifs de Nouvelle-Écosse. Ne convenez-vous pas que les parents — dont les enfants pourraient devenir des citoyens canadiens — qui n'obtiendront pas la citoyenneté canadienne se sentiront confinés dans des ghettos si nous rehaussons l'âge limite à plus de 55 ans?

Son Honneur le Président : Sénatrice Griffin, votre temps de parole est encore écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

La sénatrice Griffin : Oui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

La sénatrice Griffin : La sénatrice soulève de très bons points. C'est formidable d'entendre qu'Halifax est si progressiste. Je n'en attendais pas moins de cette ville. Ma mère est de la Nouvelle-Écosse.

Dans un cas comme celui-là, où une personne a prouvé qu'elle a suivi les cours et qu'elle a travaillé très fort pour les réussir, le projet de loi contient une disposition qui accorde une exemption à ces personnes. Ces dernières ont prouvé qu'elles ont fait tout leur possible.

L'honorable Art Eggleton : Vous parlez de la disposition liée au pouvoir discrétionnaire du ministre, mais à quand remonte la dernière fois que cela a été utilisé? Quand a-t-on utilisé un motif d'ordre humanitaire dans un cas comme celui-ci — un cas linguistique?

La sénatrice Griffin : Je vais vous fournir une réponse plus tard, comme dirait le sénateur Harder.

Des voix : Bravo!

[Français]

L'honorable Chantal Petitclerc : J'ai une question à poser à la sénatrice, si elle est disposée à y répondre.

[Traduction]

Pour être honnête, c'est un des éléments qui me préoccupent. En tant que Québécoise, la langue est très importante pour moi. De nombreux témoins qui ont comparu devant le comité ont souligné le fait qu'être âgé de 55 ans ne signifie pas la même chose pour tout le monde sur le plan socioéconomique. Ces témoins m'ont vraiment convaincue que le fait d'avoir 55 ans est une réalité qui peut être très différente d'une personne à l'autre.

Vous avez mentionné le Sénat à quelques reprises et le fait que nous avons tous ici 65 ans — pas moi —, mais cela me fait penser que beaucoup de mes collègues m'ont dit, au cours de la dernière année, qu'ils avaient l'intention de s'exprimer dans les deux langues officielles, mais ils n'y arrivent pas. Cela montre bien à quel point il est difficile d'apprendre une langue. À mon avis, c'est encore plus difficile pour le groupe des personnes âgées de 55 ans dont il est question. Elles sont vulnérables et proviennent de contextes socioéconomiques différents des nôtres.

Ma question, et ma préoccupation, qui rejoint aussi les commentaires de la sénatrice Jaffer, est la suivante : pourquoi choisirions-nous de rendre les choses plus difficiles à un groupe qui est déjà très vulnérable? Je tends à penser aussi que le ghetto dont vous parlez sera constitué des personnes qui n'arriveront pas à apprendre la langue, et elles en seront pénalisées.

Je ne sais pas si vous pouvez nous en dire plus sur cette idée.

La sénatrice Griffin : Je vois que nous allons bientôt tous manquer de temps.

La réponse est que je propose d'abaisser l'âge. À l'heure actuelle, il est de 65 ans. Je propose de l'abaisser à 60 ans, contrairement au projet de loi C-6, qui propose de l'abaisser encore plus. Je dis que 60 ans est le bon âge pour cela. C'est quand même inférieur à 65 ans.

La sénatrice Omidvar : Je voudrais participer au débat.

Son Honneur le Président : Il est près de 16 heures. Plutôt que d'interrompre le débat, si la sénatrice Griffin veut bien, je vais donner la parole à la sénatrice Seidman pour qu'elle puisse poser une question.

L'honorable Judith Seidman : À vrai dire, vous avez raison. Nous avons eu tout un débat à ce sujet au comité. Quant à moi, je suis tout à fait en faveur de ce que vous proposez. En fait, ma question est la suivante : selon Statistique Canada, comme les adultes de 55 à 64 ans représentent actuellement 36 p. 100 de la population active, ce qui est beaucoup, pourquoi fixer la limite à 60 ans? Pourquoi ne pensez-vous pas que la tranche d'âge devrait être de 55 à 64 ans plutôt que de 55 à 60 ans?

(1600)

La sénatrice Griffin : Les personnes qui viennent au pays peuvent garder le statut d'immigrant reçu ou de résident permanent pendant quelques années avant de demander la citoyenneté ou d'y être admissible. Que se passe-t-il lorsqu'on passe du statut de résident permanent à celui de citoyen? Après la cérémonie de citoyenneté, on obtient le droit de vote, ce qui n'est pas rien.

Nous avons beaucoup de chance au Canada. C'est un pays qui sait faire preuve de compassion. Je continue de croire ce que j'ai dit concernant les personnes qui ne ménagent aucun effort pour apprendre la langue. Je suis d'accord avec vous au sujet du vieillissement de la main-d'œuvre. Les travailleurs acquièrent continuellement de nouvelles compétences, ou bien ils quittent le marché du travail. On constate que, malgré la fourchette d'âge actuelle de la main-d'œuvre, beaucoup de gens demeurent sur le marché du travail et s'adaptent assez bien à son évolution, y compris lorsqu'il s'agit d'apprendre à utiliser toutes sortes de petits ou gros gadgets qui encombrent la surface de leur bureau et qui font de très jolis arrêts de porte.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l'ordre adopté le 4 février 2016, la séance est levée.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 6 avril 2017, à 13 h 30.)

 
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