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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 121

Le mardi 16 mai 2017
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le mardi 16 mai 2017

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Murad Al-Katib

Félicitations pour l'obtention du prix Oslo Business for Peace pour 2017

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour rendre hommage au premier lauréat canadien du prix Oslo Business for Peace, M. Murad Al-Katib. Ce prix est décerné tous les ans à des chefs d'entreprise du monde entier qui s'engagent à mettre en œuvre des pratiques commerciales éthiques et responsables.

Les lauréats sont choisis par un éminent comité, qui se compose de lauréats des prix Nobel de la paix et d'économie. Au nombre des anciens lauréats de ce prix prestigieux, mentionnons sir Richard Branson, fondateur du groupe Virgin, et Selima Ahmah, fondatrice de la Chambre de commerce et d'industrie des femmes du Bangladesh.

Cette année, le comité a décidé de rendre hommage à l'entrepreneur Murad Al-Katib, premier Canadien à recevoir ce prix parmi des centaines de candidats.

M. Al-Katib a grandi à Davidson, en Saskatchewan, et est le fils d'immigrants turcs. M. Al-Katib dit que ses parents ont été pour lui une source d'inspiration et qu'ils lui ont enseigné la valeur du service communautaire. Son père était le médecin de la localité, tandis que sa mère en a été la mairesse.

C'est en raison de sa passion pour le service communautaire, de ses connaissances de l'industrie agroalimentaire de la Saskatchewan et de son expérience dans la promotion commerciale que M. Al-Katib a fondé SaskCan Pulse Trading en 2001.

Aujourd'hui, l'entreprise de M. Al-Katib, connue sous le nom d'AGT Food and Ingredients Inc., est un chef de file mondial dans l'exportation de légumineuses de la Saskatchewan. Les légumineuses sont une source durable d'aliments à teneur élevée en protéines et en fibres, mais à faible teneur en gras. AGT envoie dans plus de 120 pays des pois chiches, des pois, des haricots et des lentilles de la Saskatchewan.

En vedette dans le numéro de ce mois-ci de BusinessView Saskatoon, M. Al-Katib décrit comme suit la philosophie qui sous-tend son plan d'affaires :

Je veux être un champion de l'entrepreneuriat empreint de compassion, un monde où les entrepreneurs consacrent leur énergie à aider la société à régler certains de ses problèmes.

Dans son rôle de président et directeur général d'AGT, M. Al-Katib incarne toutes les caractéristiques de l'entrepreneuriat social. AGT prépare des paniers de nourriture dans des contenants inviolables et les livre aux réfugiés grâce à un partenariat avec le Programme alimentaire mondial des Nations Unies et le Comité international de la Croix-Rouge.

Ce programme de livraison d'aliments créé par AGT a amélioré l'efficacité de la livraison de l'aide alimentaire pour les organisations partenaires d'autres régions du monde et en a également considérablement réduit les coûts. AGT estime que 4 millions de familles de réfugiés syriens ont été nourries grâce à ce programme.

Les réalisations remarquables de M. Al-Katib ainsi que son dévouement envers la communauté internationale devraient nous servir d'inspiration.

Aujourd'hui, je vous demande de vous joindre à moi pour féliciter M. Al-Katib, dont les réalisations sont un exemple du soutien créatif que peut offrir le milieu des affaires canadien aux réfugiés.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du Dr Zulfiqar Bhutta. Il est l'invité de l'honorable sénatrice Ataullahjan.

Au nom de tous les honorables sénateurs, nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Dr Zulfiqar Bhutta

L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage au Dr Zulfiqar Bhutta, premier titulaire de la chaire Robert Harding sur la santé mondiale des enfants à l'hôpital pour enfants malades de Toronto, codirecteur du centre

SickKids pour la santé des enfants dans le monde et directeur fondateur du Centre d'excellence en matière de santé des femmes et des enfants de l'Université Aga Khan.

Le Dr Bhutta est un éminent professeur du gouvernement du Pakistan. Il est également coprésident des initiatives « Compte à rebours 2015 » et « Compte à rebours 2030 », coprésident du comité de surveillance de la santé maternelle et infantile du Bureau régional de la Méditerranée orientale de l'Organisation mondiale de la Santé, et président de la coalition de centres pour la santé des enfants dans le monde.

Il est professeur auxiliaire à l'Université Johns Hopkins, à l'Université Tufts, à l'Université de Boston et à l'école d'hygiène et de médecine tropicale de Londres. De plus, le Dr Bhutta est le président actuel de l'Association internationale de pédiatrie, qui joue un rôle déterminant d'appui aux professionnels de la santé dans le domaine des interventions intégrées pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l'enfant à l'échelle internationale.

Le Dr Bhutta dirige des groupes de recherche situés à Toronto, à Karachi et à Nairobi, et son travail avec des travailleurs en santé communautaire et des services de liaison influence des programmes d'intervention intégrée auprès des mères et des nouveau-nés pour les populations marginalisées partout dans le monde. En plus de siéger à des conseils d'administration et à des comités pour le Partenariat mondial pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l'enfant, l'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination, l'Organisation mondiale de la Santé et les Nations Unies, le Dr Bhutta fait partie de plusieurs comités consultatifs de rédaction internationaux. Je n'ai pas le temps de tous les énumérer.

J'ai rencontré le Dr Bhutta pour la première fois à Genève en 2013, dans le cadre de mon travail relatif au rapport intitulé La résolution de l'Union interparlementaire sur la santé des femmes et des enfants : cadre initial pour la reddition de comptes. C'est à ce moment que j'ai réalisé la raison pour laquelle les gens prononcent souvent son nom à voix basse. C'est par respect pour le travail hautement reconnu qu'il a accompli dans son domaine tout au long de sa carrière. J'aimerais remercier personnellement le Dr Bhutta de son travail infatigable et de son dévouement à l'égard d'une cause qui me passionne profondément, soit la santé des femmes et des enfants partout dans le monde.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue au Dr Bhutta au Sénat du Canada.

La Journée nationale du violon traditionnel

L'honorable Elizabeth Hubley (leader adjointe des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, je suis extrêmement heureuse de prendre la parole aujourd'hui pour souligner la Journée nationale du violon traditionnel, qui a lieu le troisième samedi de mai. J'ai été incroyablement fière que mon projet de loi visant à instituer cette journée spéciale ait reçu la sanction royale il y a deux ans. Depuis, la journée a fait des petits. Samedi, partout au pays, violoneux et amateurs de musique se rassembleront pour partager leur enthousiasme à l'égard du violon traditionnel.

(1410)

Dans ma province, l'Île-du-Prince-Édouard, les violoneux du comté de Prince donneront un concert en soirée. À Ottawa, l'hôtel de ville sera le théâtre d'une mégaséance d'improvisation de violoneux. Des violons se feront entendre au Yukon, sur la côte Est et dans l'Ouest. Je vous invite à vous informer sur les activités prévues dans votre province ou votre territoire.

Ici, sur la Colline du Parlement, les festivités se succéderont toute la semaine. Si vous avez le temps de sortir demain à midi, vous pourrez entendre la carillonneuse du Dominion, Mme Andrea McCrady, jouer différents airs, dont Fiddle Bill, au carillon de la Tour de la Paix.

J'espère aussi que vous et votre personnel viendrez faire un tour à la réception donnée en l'honneur de la Journée nationale du violon traditionnel demain après-midi dans la cour de l'édifice de l'Est. Un excellent groupe de violoneux et de gigueurs s'y produira, dont Kelli Trottier, qui jouera sa nouvelle pièce intitulée « Canada 150 ». Vous pourrez voir d'excellentes prestations, taper du pied et y aller de quelques pas de danse si le cœur vous en dit.

Le violon est étroitement lié à notre histoire et il ne fait aucun doute que les Canadiens d'un océan à l'autre adorent sa musique. On joue du violon presque partout, des sous-sols d'église jusque dans les salles de la Légion, des centres d'hébergement aux brasseries locales et même ici, sur la Colline du Parlement.

Lorsque j'ai entrepris de créer la Journée nationale du violon traditionnel, j'espérais que cette journée donnerait aux violoneux l'occasion de s'impliquer dans leur collectivité, de lui offrir un divertissement et d'afficher leurs talents. Je pense que c'est le cas et j'espère que les festivités continueront de prendre de l'ampleur au cours des prochaines années.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Brian Stewart et de Mme Sandra Stewart, les parents du regretté cinéaste Rob Stewart. Ils ont été invités par l'honorable sénateur MacDonald.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Les Impatients

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui afin de souligner le travail exceptionnel de l'organisme québécois Les Impatients, qui célèbre aujourd'hui même ses 25 années d'existence. Les Impatients ont pour mission de venir en aide, au moyen de l'expression artistique, aux personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale.

En 1992, on a tenu pour la première fois, à l'hôpital Louis-H. Lafontaine, aujourd'hui connu sous le nom d'Institut universitaire en santé mentale de Montréal, un événement ponctuel d'une durée de 10 jours. Durant cette période, les patients avaient été conviés à des ateliers de création. À la fin des 10 jours, quelle ne fut pas la surprise de l'établissement de constater que les patients attendaient à la porte du local pour continuer leurs activités de création. C'est ainsi qu'est née l'idée d'offrir en continu ce service aux personnes atteintes de troubles de santé mentale.

Pourquoi Les Impatients, me demanderez-vous? Tous ces patients, impatients de créer, faisaient penser aux fleurs qui poussent à l'ombre et qui sont impatientes de fleurir.

Aujourd'hui, des ateliers de création sont offerts gratuitement et des échanges ont lieu avec la communauté grâce à des expositions qui mettent en vedette les réalisations des participants. Ces ateliers sont offerts à Montréal, mais également à Drummondville, à Saint-Lambert, à Joliette et à Sorel-Tracy, et accueillent plus de 600 visiteurs par semaine.

En plus de la création d'œuvres d'arts visuels, les participants peuvent exprimer leur créativité sous des formes diverses : la danse, la musicothérapie et la bande dessinée. Ces initiatives brisent l'isolement et permettent la liberté de création sans imposer aucune directive artistique ni aucune analyse thérapeutique des œuvres. Les artistes sont donc libres de créer sans être jugés. Ils savent que leurs œuvres pourraient être exposées et partagées, et ils en sont très fiers.

Selon une étude de l'Université de Montréal, la santé de 87 p. 100 des participants aux ateliers s'est améliorée, et les chercheurs ont constaté une diminution de 66 p. 100 des hospitalisations. Le projet connaît un tel succès que, aujourd'hui, six hôpitaux et deux galeries d'art sont partenaires de l'organisme, et onze lieux de création sont offerts à Montréal et en région.

Par ailleurs, une autre grande réussite dont j'aimerais vous faire part est la banque d'œuvres d'art de l'organisme. Les Impatients ont conservé l'ensemble des œuvres produites par les participants et comptent aujourd'hui une collection de plus de 15 000 œuvres. Ce travail colossal a permis d'établir la première collection du genre au Canada. Il s'agit là d'une grande richesse pour notre patrimoine.

Je salue donc le travail exceptionnel de cet organisme, tant l'équipe et le conseil d'administration que les bénévoles, ainsi que les participants et tous ceux qui contribuent à rendre cette initiative bien vivante dans nos communautés. Je remercie particulièrement la fondatrice, Mme Lorraine Palardy, qui a compris l'impatience de plusieurs personnes atteintes de problèmes de santé mentale.

Merci de votre attention.

[Traduction]

Le Centre mondial du pluralisme

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, Son Altesse l'Aga Khan et le très honorable David Johnston ont procédé aujourd'hui à l'inauguration officielle du siège social international du Centre mondial du pluralisme, situé au 330, promenade Sussex, à Ottawa. J'ai eu l'honneur d'assister à l'événement.

Depuis plus de quatre décennies, l'Aga Khan investit dans la société et la culture du Canada. Pensons au Musée de l'Aga Khan de Toronto, au jardin de l'Aga Khan à Edmonton, à la Délégation de l'imamat ismaélien à Ottawa et aux centres ismaéliens de Vancouver et de Toronto, des endroits devenus symboles d'engagement et d'édification.

Le Centre mondial du pluralisme, qui représente un partenariat unique entre l'imamat ismaélien et le Canada, est né d'un engagement commun envers le pluralisme, qui doit jouer un rôle profondément important dans un monde interrelié. Cet engagement tenait à cœur aux premiers ministres Chrétien, Martin, Harper et Trudeau, qui ont tous pris part à la création de l'institution.

Honorables sénateurs, à une époque où la politique est de plus en plus source de division, le Centre mondial du pluralisme nous rappelle que la diversité est non pas une faiblesse, mais bien une grande force positive, et que la tolérance, la justice, le pluralisme et le respect mutuel sont des valeurs intrinsèques à l'identité canadienne.

Voici ce qu'en dit l'Aga Khan :

Le pluralisme est [...] une série délibérée de choix qu'une société doit faire si elle veut éviter des conflits coûteux et canaliser la puissance de sa diversité pour régler les problèmes humains.

Nous espérons profondément que le Centre mondial du pluralisme deviendra une force vitale pour la recherche, l'apprentissage et le dialogue, dans notre monde; qu'il fera appel aux Canadiens et Canadiennes de tous les horizons; et qu'il tendra la main à un large éventail de partenaires.

Honorables sénateurs, je vous encourage non seulement à visiter le Centre mondial du pluralisme, qui est en soi un parfait exemple de restauration, mais aussi à découvrir comment cette institution peut être une force pour la promotion de la stabilité et de l'harmonie dans le monde.

Enfin, je tiens à féliciter Son Altesse l'Aga Khan, président du conseil d'administration du centre, des investissements considérables qu'il a effectués dans diverses régions canadiennes et de ses efforts pour bâtir un monde meilleur.

Murad Al-Katib

Félicitations pour l'obtention du prix Oslo Business for Peace pour 2017

L'honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, j'aimerais également joindre ma voix à ceux qui vantent les mérites de Murad Al-Katib, un entrepreneur prospère de Regina, qui se trouve aujourd'hui en Norvège pour recevoir le prestigieux prix Oslo Business for Peace pour 2017.

M. Al-Katib est le fondateur d'AGT Food and Ingredients, une entreprise de transformation de légumineuses qui vaut aujourd'hui des milliards de dollars et qui est l'un des plus grands fournisseurs mondiaux de légumineuses, d'aliments de base et d'ingrédients alimentaires. L'entreprise achète des lentilles, des petits pois, des haricots et des pois chiches à des agriculteurs du Canada, des États-Unis, de la Turquie, de l'Australie, de la Chine et de l'Afrique du Sud afin de les transformer dans plus de 40 usines réparties dans diverses régions du monde.

Même si Murad est à la tête d'une entreprise mondiale qui l'oblige à voyager partout dans le monde, Regina demeure sa ville et celle de sa famille et de son entreprise. Nombre d'entre nous se retrouvent régulièrement assis à côté de lui en avion; c'est alors l'occasion de prendre de ses nouvelles et d'être conforté par l'optimisme contagieux avec lequel il voit le monde.

Ce prix lui est remis en reconnaissance de son travail en agriculture durable pour nourrir des millions de familles de réfugiés pendant la crise en Syrie. Parmi les autres lauréats du prix Oslo Business for Peace, on compte, entre autres, Elon Musk, le fondateur de Tesla. Je dois dire que M. Musk a trouvé quelqu'un qui soit digne de partager les honneurs avec lui.

Les membres de la famille de Murad, des immigrants turcs, se sont établis en Saskatchewan. Ils lui ont enseigné, par leurs actions dans la collectivité, l'importance de redonner à la société et d'y participer. Ces valeurs l'ont inspiré à devenir entrepreneur, et plus particulièrement entrepreneur agricole dans une région rurale de la Saskatchewan. Après ses études universitaires, Murad savait que sa province comptait beaucoup pour lui, qu'il l'avait à cœur, et il voulait créer des débouchés pour ses compatriotes. Il en a fait sa mission.

Veuillez vous joindre à moi pour féliciter M. Al-Katib pour ce prix bien mérité. Il fait vraiment la fierté du Canada et de la Saskatchewan.


(1420)

[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le vérificateur général

Dépôt des rapports du printemps 2017

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports du printemps 2017 du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada, conformément à la Loi sur le vérificateur général.

Le commissaire aux langues officielles

Dépôt du certificat de nomination et des notes biographiques

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le certificat de nomination et les notes biographiques de Madeleine Meilleur, candidate proposée au poste de commissaire aux langues officielles.

[Traduction]

Régie interne, budgets et administration

Présentation du treizième rapport du comité

L'honorable Leo Housakos, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :

Le mardi 16 mai 2017

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son

TREIZIÈME RAPPORT

Votre comité, qui est autorisé par le Règlement du Sénat à étudier des questions financières et administratives se rapportant à la régie interne du Sénat, demande respectueusement qu'il soit autorisé à embaucher un consultant en relations avec les médias.

Le budget que votre comité a approuvé est annexé au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
LEO HOUSAKOS

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 2095)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Housakos, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Le Budget des dépenses de 2017-2018

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (A)

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2018;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à siéger même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Projet de loi sur la responsabilité judiciaire par la formation en matière de droit relatif aux agressions sexuelles

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-337, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel (agression sexuelle), accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Traduction]

L'Association interparlementaire Canada-Royaume-Uni
L'Association parlementaire Canada-Europe

La visite bilatérale, du 13 au 17 mars 2017—Dépôt du rapport

L'honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association interparlementaire Canada-Royaume-Uni et de l'Association parlementaire Canada-Europe concernant sa visite bilatérale à Londres, en Angleterre, ainsi qu'à Édimbourg, en Écosse, au Royaume-Uni, du 13 au 17 mars 2017.

Pêches et océans

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir le mardi 16 mai 2017, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Le sénateur Manning a la parole.

Le sénateur Manning : Honorables sénateurs, nous avons invité des témoins de l'extérieur de la ville à comparaître devant le comité ce soir pour parler du projet de loi S-203.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'Association parlementaire du Commonwealth

Le colloque de Westminster sur les usages et la procédure parlementaires, tenu du 21 au 25 novembre 2016—Dépôt du rapport

Consentement ayant été accordé de revenir au dépôt de rapports de délégations interparlementaires :

L'honorable Elizabeth Hubley (leader adjointe des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth concernant sa participation au 65e colloque de Westminster sur les usages et la procédure parlementaires, tenu à Londres, en Angleterre, au Royaume-Uni, du 21 au 25 novembre 2016.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le jeudi 11 mai 2017, la période des questions aura lieu à 15 h 30.


ORDRE DU JOUR

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Amendement

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'annoncer que j'ai reçu de la Chambre des communes le message suivant :

Il est ordonné,— Qu'un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que la Chambre :

accepte l'amendement 1a) apporté par le Sénat au projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes à d'autres lois;

propose que l'amendement 1b) soit modifié en supprimant l'article 56.2; en modifiant la numérotation pour que le paragraphe 56.3(1) devienne l'article 56.2; en remplaçant les mots « est tenue d'offrir » par les mots « peut offrir » et en supprimant le paragraphe 56.3(2).

ATTESTÉ

Le Greffier par intérim de la Chambre des communes,
MARC BOSC

Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le message?

(Sur la motion du sénateur Harder, l'étude du message est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

(1430)

Projet de loi sur le Mois du patrimoine juif canadien

Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Linda Frum propose que le projet de loi S-232, Loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que j'interviens en cette enceinte afin d'appuyer le projet de loi S-232, Loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien, à l'étape de la troisième lecture. Cette mesure bénéficie de l'appui de tous les partis, tant à la Chambre des communes qu'au Sénat. Je tiens d'ailleurs à souligner l'excellent travail de Michael Levitt, député de York-Centre, à qui on doit ce projet de loi. Je tiens aussi à remercier les sénateurs Wetston, Fraser, Gold et Jaffer pour les discours qu'ils ont prononcés à l'étape de la deuxième lecture.

Pendant l'audience du Comité des droits de la personne, les sénateurs ont demandé à des personnalités éminentes de la communauté juive quel effet aurait la création d'un mois du patrimoine juif au Canada. Je citerai quelques extraits des témoignages à l'intention des sénateurs qui n'ont pas pu assister à cette rencontre.

Voici ce qu'a dit Shimon Fogel, président-directeur général du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, au sujet de la création d'un mois du patrimoine juif canadien :

Les mois du patrimoine, de par leur nature même, sont un moyen de réduire, de façon proactive, l'ignorance qui est la source réelle de l'intolérance, une intolérance que nous souhaitons tous voir s'amenuiser et disparaître. En ce sens, ils jouent, selon moi, un rôle important, car ils donnent aux Canadiens l'occasion de découvrir les valeurs de communautés spécifiques [...] Ils désamorcent les soupçons et l'hostilité qui surgissent lorsqu'on connaît mal les religions différentes de la nôtre.

Dans la question qu'elle a posée à Michael Mostyn, chef de la direction de B'nai Brith, la sénatrice Bernard a fait remarquer que, bien que les mois culturels comme le Mois de l'histoire des Noirs, qui a été créé en 1995, visent à réduire les préjudices et à accroître la compréhension mutuelle, on ne sait pas s'ils atteignent toujours cet objectif.

M. Mostyn convient que, pour que le Mois du patrimoine juif canadien soit un succès, il ne peut pas s'agir d'une célébration insulaire, c'est-à-dire d'une célébration de la communauté juive uniquement destinée à la communauté juive. Il a dit ceci :

[...] il est inutile qu'une communauté organise une célébration pour elle-même.

Il a ajouté ceci :

Nous faisons tous partie du Canada. Essentiellement, tout jour du patrimoine doit avoir pour but de communiquer l'apport d'une communauté particulière aux autres communautés afin qu'elles puissent comprendre leurs contributions.

[...] si les communautés commencent à faire preuve de plus de créativité et à sortir davantage des sentiers battus, nous trouverons des moyens [...] de le faire.

Personnellement, j'espère que la création du Mois du patrimoine juif canadien donnera à tous les Canadiens l'occasion d'en apprendre davantage sur la culture et l'histoire des Canadiens d'origine juive et de reconnaître le rôle intégral qu'a joué la communauté juive dans l'histoire du Canada. J'espère aussi qu'ils reconnaîtront que la compréhension mutuelle et la compassion nécessitent des efforts soutenus et perpétuels.

Il est fort à propos que le projet de loi ait atteint l'étape de la troisième lecture au Sénat en mai. En 2006, le président George W. Bush et le Congrès américain ont adopté une résolution proclamant que le mois de mai servirait à marquer les contributions de la communauté juive américaine.

En Ontario, le Mois du patrimoine juif a été établi en 2012 et il est également célébré pendant le mois de mai. C'est aussi pendant le mois de mai qu'Israël célèbre Yom Ha'atzmaut, le Jour de l'indépendance d'Israël, l'un de ses jours fériés les plus fêtés.

Avec un peu de chance, grâce à l'adoption du projet de loi S-232, le Canada aura son propre Mois national du patrimoine juif à partir de mai 2018.

Je suis fière que le Mois du patrimoine juif canadien ait reçu jusqu'à maintenant un appui unanime et je compte sur votre appui soutenu au cours de la dernière étape du débat au Sénat.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui et d'exprimer l'appui du gouvernement pour le projet de loi S-232, Loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien.

Je tiens à remercier la sénatrice Frum d'avoir présenté la mesure législative et les autres sénateurs d'avoir parlé avec tant d'éloquence pour l'appuyer. Le projet de loi, comme la sénatrice Frum vient de le mentionner, fait du mois de mai un mois destiné à mettre en valeur et célébrer le patrimoine juif canadien.

Le projet de loi jouit d'un fort appui, puisque les parlementaires des deux Chambres ont montré leur volonté d'unir leurs efforts au-delà de la partisanerie et des croyances religieuses pour célébrer, reconnaître et respecter la communauté juive du Canada.

Il est approprié de souligner l'apport de la communauté juive du Canada à notre passé, à notre présent et à notre avenir parce que, sans cet apport, le Canada d'aujourd'hui serait méconnaissable.

Si vous retirez l'apport de la communauté juive du Canada au tissu social, culturel et économique du pays, le résultat sera triste et déplorable.

En tant que parlementaires, on nous demande parfois de reconnaître un groupe au cours d'une journée, d'une semaine ou d'un mois particulier. Ce faisant, nous demandons aux Canadiens de prendre du recul et d'admettre que le tout que nous appelons le Canada est constitué de nombreuses parties différentes, mais essentielles. La population juive du Canada est la quatrième en importance au monde, et c'est une partie qui est grandement essentielle au tout.

[Français]

De St. John's à Victoria, et du nord au sud du pays, pendant le Mois du patrimoine juif canadien, nous pouvons trouver des événements — des expositions d'art, des festivals de musique et de films, des foires de livres et des fêtes gastronomiques — qui relient les gens les uns aux autres.

Grâce à ces célébrations, nous conscientiserons les gens et ferons tomber les barrières de l'ignorance, qui nous empêchent de nous rapprocher les uns des autres comme nous le devrions.

Le Mois du patrimoine juif établira clairement une chose : mieux comprendre la culture juive, c'est mieux comprendre la culture canadienne. En instaurant le Mois du patrimoine juif canadien, nous pourrons mettre en lumière la culture et la foi juives grâce à des activités et des célébrations aussi uniques que les lieux où elles auront lieu. Nous apprendrons à nous connaître les uns les autres tout en nous amusant et en faisant ressortir la nature pluraliste de la société canadienne.

Lorsque nous célébrerons le Mois du patrimoine juif canadien, nous rendrons aussi hommage à la bravoure d'un peuple qui a dû affronter la haine et la persécution tout au long de son histoire, mais qui en est toujours sorti grandi.

Lorsque les Canadiens entendront ces histoires, ils se reconnaîtront sans doute dans nombre d'entre elles. Dans le cadre de mon travail pour l'Ukrainian Jewish Encounter, j'ai reconnu l'histoire de mes parents, même s'ils ne sont ni ukrainiens ni juifs. Ils sont mennonites, et ils ont fui leur domicile, dans le Sud de l'Ukraine, dans l'espoir de vivre pleinement et en toute liberté au Canada, tout comme leurs voisins juifs et ukrainiens.

Le Mois du patrimoine juif canadien sera aussi l'occasion de se laisser inspirer par une religion et une culture profondément empreintes de justice sociale et de respect des droits de la personne. La protection des minorités et des personnes discriminées — de « l'autre », quoi — fait partie intégrante de la culture et de la foi juives.

La rapidité avec laquelle la communauté juive du Canada s'est mobilisée, encore récemment, pour aider les réfugiés syriens à venir au pays et pour les parrainer une fois ici constitue un bel exemple de ces principes de compassion et d'inclusion.

Honorables sénateurs, le Canada chérit la diversité de ses communautés religieuses. Grâce au Mois du patrimoine juif canadien, nous nous attaquerons à l'hostilité, à l'ignorance et à l'intolérance et célébrerons tous les groupes religieux ou non pratiquants. Nous ferons valoir la vigueur du pluralisme en montrant tout ce que les juifs ont pu donner au Canada. Par le fait même, nous dirons à tous les Canadiens, quelle que soit leur religion et qu'ils soient ici depuis longtemps ou depuis peu, que tout le monde est le bienvenu au Canada et peut célébrer, honorer et respecter la diversité. J'invite tous les sénateurs à voter pour ce projet de loi.

(Sur la motion de la sénatrice Hubley, au nom de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

(1440)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Pierrette Ringuette propose que le projet de loi S-237, Loi modifiant le Code criminel (taux d'intérêt criminel), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, aujourd'hui, nous procédons à la deuxième lecture du projet de loi S-237 qui vise à modifier l'article 347 du Code criminel. Je désire vous rappeler que c'est effectivement la troisième fois que je présente ce projet de loi. Dans le passé récent du Sénat, les leaders conservateurs du gouvernement ont utilisé les règles du Sénat afin de ne pas procéder à son adoption.

L'article 347 du Code criminel fixe le taux d'intérêt criminel annuel à 60 p. 100 pour toute transaction. Mon projet de loi S-237 fait baisser ce taux à 20 p. 100 au-delà du taux de la Banque du Canada, qui est à 0,5 p. 100 à l'heure actuelle. Le nouveau taux d'intérêt criminel de 20 p. 100, en plus du taux de 0,5 p. 100 de la Banque du Canada, s'appliquerait au capital prêté destiné à des fins personnelles, familiales ou ménagères, ainsi qu'aux organisations à but non lucratif.

[Traduction]

En outre, le projet de loi prévoit la souplesse nécessaire dans le cas des prêts destinés à des fins professionnelles ou commerciales. Permettez-moi d'en dire un peu plus sur le traitement de ces prêts dans le projet de loi.

Au cours de la rédaction du projet de loi et du débat auquel il a donné lieu, pendant la dernière législature, il m'a semblé clair que, dans le cas des prêts de moins d'un million de dollars aux petites entreprises, le système actuel fonctionne assez bien. Il n'est pas nécessaire de modifier le taux de 60 p. 100. Les entreprises ont ainsi une certaine latitude pour négocier des prêts à court terme et jouissent d'une protection adéquate.

Des discussions ont eu lieu dans le but de réduire le taux maximal applicable aux prêts destinés aux petites entreprises, et je suis prête à débattre de cette question lors de l'étude du projet de loi par le comité.

Dans le cas des prêts de plus d'un million de dollars, qui sont accordés aux grandes entreprises, nos recherches et nos discussions avec les principaux intéressés nous ont amenés à conclure que les entreprises de taille relativement importante sont capables de négocier le financement qui répond à leurs besoins et que l'élimination du maximum de 60 p. 100 leur accorderait plus de latitude pour l'obtention de prêts nécessitant un taux d'intérêt élevé, comme les prêts-relais.

Jennifer Babe, de la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada, qui a témoigné devant le Comité des banques le 6 mai 2015, a déclaré que « le plafond d'un million de dollars [était] certainement utile pour les entreprises ».

Voici un bref historique des taux d'intérêt maximaux au Canada, jusqu'à l'adoption de l'article 347 sur les « taux d'intérêt criminels ». Tout commence en 1906, avec la Loi des prêteurs d'argent, qui fixait la limite à 12 p. 100 sur les prêts de 500 $ ou moins.

En 1939, 33 ans plus tard, la loi a été remplacée par la Loi sur les petits prêts, qui concernait les prêts de 500 $ ou plus. Ce montant a par la suite été augmenté à 1 500 $, et le taux d'intérêt ne pouvait pas dépasser 1 p. 100 par mois. Le prêteur qui voulait appliquer un taux d'intérêt plus élevé devait demander un permis au gouvernement fédéral pour chaque prêt.

En 1981, l'article 347 a été ajouté au Code criminel, et le taux est passé à 60 p. 100. Cette disposition n'a pas changé depuis 36 ans, et il y a longtemps qu'elle aurait dû être révisée.

Les documents relatifs aux discussions sur la fixation de ce taux ne sont pas disponibles, mais nous pouvons présumer qu'il y avait des raisons d'agir de la sorte à l'époque. Par exemple, pendant les années 1980, le taux de la Banque du Canada était fixé à 21 p. 100. Le taux d'intérêt criminel était trois fois plus élevé. Aujourd'hui, le taux de la Banque du Canada — et il s'agit du taux du financement à un jour — est de 0,5 p. 100. Ainsi, le taux d'intérêt criminel serait de 1,5 p. 100 si nous conservions la même proportion que celle qui s'appliquait en 1981.

Je ne suis pas en train de proposer un taux de 1,5 p. 100. Même mon esprit sceptique peut admettre qu'il n'est pas possible d'accorder des prêts à ce taux. J'en serais bien heureuse, mais ce serait mission impossible.

Je propose un taux raisonnable de 20 p. 100 au-dessus du taux d'escompte, c'est-à-dire qu'aujourd'hui il se situerait à 20,5 p. 100. Ce serait le taux d'intérêt criminel selon le Code criminel du Canada.

Si un lien avec le taux d'escompte est établi, le taux d'intérêt criminel s'adapterait aux politiques économiques et monétaires qui changent au fil du temps.

Parmi les critiques exprimées au sujet du projet de loi, on a avancé que le Code criminel n'est pas l'endroit pour trouver une solution aux taux d'intérêt abusifs. Je répondrai d'abord que c'est exactement où cette question est inscrite dans la loi. Je ne souhaite pas remanier le système de droit canadien, mais seulement établir des limites plus raisonnables.

Ensuite, au sujet de la criminalisation des prêts, je citerai de nouveau les observations de Jennifer Babe, de la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada. Elle a relevé que la Couronne a recours à l'article 346 pour lutter contre l'extorsion et a affirmé ce qui suit : « L'article 347 du Code criminel permet d'engager une poursuite civile quand des contractants déclarent que certaines clauses de leurs contrats sont illicites et par conséquent ne peuvent pas être appliquées. »

Toutes les affaires liées à l'article 347 soumises à la Cour suprême portaient sur des questions de droit contractuel. Aucune des trois décisions liées à l'article 347 qu'elle a rendues au cours des 10 dernières années ne concernait un crime; il s'agissait uniquement de questions de respect de contrats.

Les modifications que le projet de loi S-237 apporte à l'article 347 ne visent pas à criminaliser les prêts, mais à ramener sous contrôle les taux d'intérêt exorbitants.

J'aimerais prendre quelques minutes pour parler des prêts sur salaire. En 2006, une exception a été créée pour un instrument financier particulier, les prêts d'au plus 1 500 $ effectués pour une durée maximale de 62 jours. Il s'agissait du seul instrument financier ou produit, devrais-je dire, à être exempté des dispositions du Code criminel pour les provinces qui souhaitaient être autorisées à réglementer les prêts sur salaire. Les intérêts sur tous les autres types de prêts étaient donc limités à 60 p. 100 en vertu du Code criminel.

Le projet de loi ne modifiera ni les instruments financiers particuliers ni les règlements provinciaux associés. Cela me pose quelques problèmes, mais il s'agit d'une question différente dont nous devrons débattre à un autre moment.

Pourquoi faut-il limiter les taux d'intérêt? Ce que nous devons d'abord nous demander, c'est si le gouvernement fédéral a l'autorité et la responsabilité de réglementer les taux d'intérêt. Manifestement, c'est l'avis des gouvernements depuis plus d'un siècle, étant donné l'inclusion historique des taux d'intérêt criminels dans les lois canadiennes, comme nous l'avons mentionné plus tôt.

Lorsqu'on tient aussi compte des mesures prises en 2006 relativement aux prêts sur salaire, il est clair que le gouvernement fédéral et le Parlement sont autorisés à légiférer sur les taux d'intérêt en général, étant donné que les prêts sur salaire nécessitaient et ont reçu une exemption particulière du Code criminel, mais tous les autres taux d'intérêt relèvent toujours du Code criminel fédéral.

(1450)

Jetons maintenant un coup d'œil à la Constitution, sous la rubrique « Autorité législative du Parlement du Canada ». Les pouvoirs législatifs du gouvernement fédéral et du Parlement sont énumérés à l'article 91 de la Loi constitutionnelle. On y trouve notamment « l'intérêt de l'argent », au paragraphe 19; « les banques », au paragraphe 15; et, enfin, « le cours monétaire et le monnayage », au paragraphe 14.

Dans la documentation de Visa, la société émettrice de cartes de crédit, il est question de monnaie numérique pour désigner les cartes de crédit. C'est d'ailleurs ce terme qu'emploient couramment les représentants de la société pour parler des cartes de crédit. Voici ce qu'a déclaré Tim Wilson, dans une lettre d'opinion publiée dans le Globe and Mail le 1er mars 2010, alors qu'il était chef de la direction de Visa Canada :

La carte de crédit — cette monnaie numérique — améliore nos vies, non seulement en facilitant les transactions, mais en nous ouvrant de nouvelles possibilités économiques.

Il y a lieu de se demander qui profite de ces nouvelles possibilités.

Les cartes de crédit sont de plus en plus utilisées. En effet, elles sont en train de devenir une monnaie numérique. Or, l'endettement lié aux cartes de crédit augmente au fur et à mesure que croit la dépendance de l'économie à ce mode de paiement. Cette tendance a tout lieu de nous inquiéter.

En 2016, 89 p. 100 des Canadiens adultes avaient au moins une carte de crédit, la moyenne étant de 2,2 cartes par personne.

Le nombre total de cartes de crédit a diminué, mais les dépenses et le volume des transactions ne cessent d'augmenter.

Selon l'Association des banquiers canadiens, en 2015, la valeur nette en dollars des transactions de Visa et MasterCard avait atteint 421 milliards de dollars, pour une seule année civile. Cela représente une augmentation de 5,5 p. 100 par rapport à l'année précédente, et une augmentation de 36 p. 100 sur 5 ans.

Plus de 3,9 milliards de transactions ont été traitées, ce qui représente une augmentation de 6,5 p. 100 par rapport à l'année précédente, et de 45 p. 100 sur 5 ans.

Toutefois, il ne s'agit pas seulement des cartes de crédit. Le projet de loi S-237 vise tous les prêts consentis à des particuliers, à des ménages et à des organismes sans but lucratif.

Au cours des années, nous avons tous entendu parler de nombre de cas de taux d'intérêt excessivement élevés; les prêts à tempérament et les produits de type ligne de crédit assortis de taux très élevés se sont multipliés. Ces produits financiers ne relèvent pas de la réglementation provinciale. Ils sont du ressort du Parlement du Canada et sont visés par le Code criminel.

Nous avons l'exemple d'un agriculteur à la retraite au Manitoba qui a emprunté 100 $ pendant 13 jours. Il a dû rembourser 133,18 $. Cela représente un taux d'intérêt de 925 p. 100. Dans cette province, la limite pour un prêt sur salaire aurait été de 17 $. Un recours collectif a été intenté contre la société en question au Manitoba et en Ontario, où elle est installée. Il a fallu 4 ans pour régler le dossier.

L'an dernier, le Toronto Star a publié un article sur une société qui proposait aux bonnes d'enfants et autres aides à domicile des prêts dont le taux d'intérêt effectif s'élevait à plus de 200 p. 100.

Un autre exemple qui a récemment attiré l'attention de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada est celui des prêts garantis proposés par les entreprises de redressement de crédit. Ces dernières appellent les gens à la maison et leur disent qu'elles peuvent leur venir en aide s'ils ont des dettes de carte de crédit. Je le sais, j'ai moi-même reçu un appel de ce genre. On présente les prêts en disant aux gens qu'on va les aider à rétablir leur crédit. Or, selon un rapport diffusé lors d'un bulletin de nouvelles de la chaîne Global, les frais et les taux d'intérêt exigés s'élèveraient à 50 p. 100. Dans ce cas-ci, on reste sous la limite actuelle de 60 p. 100.

Même si ce taux de 50 p. 100 a de quoi soulever l'indignation, nous ne pouvons rien faire parce que le Code criminel prévoit qu'un taux reste légal jusqu'à 60 p. 100. À 60 p. 100, là, cela devient un taux criminel. Il est donc permis d'exiger un taux de 59,999 p. 100.

Est-il logique qu'une personne qui essaie de rétablir son crédit doive payer un taux d'intérêt de 50 p. 100?

En abaissant le taux criminel, nous pouvons envoyer un message fort : profiter des personnes financièrement les plus vulnérables de la société ne sera pas toléré.

Les taux d'intérêt annualisés facturés par les compagnies de téléphone et de câble dépassent souvent les 42 p. 100. Ainsi, j'ai constaté que Bell facture 3 p. 100 par mois, soit 42,5 p. 100 par an, et Rogers, 2 p. 100 par mois, soit 26, 8 p. 100 par an.

D'aucuns s'inquiéteront peut-être de la santé des institutions financières. Voyons donc quels ont été les profits des banques ce dernier trimestre.

Les profits de la RBC par trimestre, et non pas par an, sont de 3 milliards de dollars, soit une augmentation de 24 p. 100 par rapport à l'année précédente; ceux de la Banque Scotia sont de 2 milliards, soit une augmentation de 10 p. 100; ceux de la BMO, de 1,5 milliard, soit une augmentation de 39 p. 100; ceux de la CIBC, de 1,4 milliard, soit une augmentation de 43 p. 100; ceux de la Banque Nationale, de 500 millions, soit une augmentation de 90 p. 100 per cent, mais qui comprend la radiation de parts de l'année précédente.

Je n'entrevois donc pas le démantèlement de notre système financier si nous limitons les taux d'intérêt à un montant raisonnable.

Comme je l'ai dit, le taux de la Banque du Canada a chuté de façon spectaculaire au fil des ans, mais les taux d'intérêt appliqués sur les cartes de crédit, les factures de services publics et autres prêts sont restés stables et ont même augmenté.

Pendant que les institutions financières canadiennes augmentent considérablement leurs profits d'une année à l'autre, la dette des Canadiens atteint un niveau record. Le ratio d'endettement des ménages est de 169,4 $, soit une augmentation de 23 p. 100 depuis 10 ans.

Les dettes autres que l'hypothèque des ménages canadiens s'élèvent à 21 912 $, soit une augmentation de 2,18 p. 100 par rapport à l'année précédente.

Le solde des cartes de crédit par emprunteur s'élève à 4 094 $, soit une augmentation de 2,3 p. 100 par rapport à l'année précédente. Le taux de délinquance a aussi augmenté; les défauts de paiement supérieurs à 90 jours ont également augmenté pour passer à 4,2 p. 100, soit une augmentation de 3,2 p. 100 par rapport à l'année précédente.

L'endettement des consommateurs, de même que les prix record des maisons, est tellement élevé au Canada que la société Moody a abaissé la semaine dernière la cote de crédit des six grandes banques du Canada.

L'idée de fixer des limites raisonnables aux taux d'intérêt n'est pas neuve. Nos voisins capitalistes du Sud les ont limités dans 18 États. Dans nombre de ces derniers, les taux variables suivent ceux des bons du Trésor de la Réserve fédérale, dont les maximums sont généralement de l'ordre de 15 à 20 p. 100 ou un peu plus. Certains vont plus loin. Par exemple, le Minnesota compte l'une des lois sur l'usure les plus rigoureuses des États-Unis, avec un plafond de 8 p. 100. Plus de 15 États ont un taux d'intérêt inférieur à ce qui est prévu dans mon projet de loi.

(1500)

Je suis certaine que chacun de vous a entendu de membres de sa famille ou de résidants de sa circonscription des histoires de Canadiens ordinaires qui sont aux prises avec une dette.

Je crois que le problème, c'est le cycle d'endettement. Les taux d'intérêt les plus élevés sont réservés aux personnes les moins en mesure de les payer. Ces personnes ne font donc que s'endetter davantage et sont de moins en moins en mesure de rembourser leur dette. Les gens ont parfois des dépenses imprévues ou se retrouvent dans des situations où ils doivent, par nécessité, emprunter de l'argent.

Il ne s'agit pas uniquement de personnes qui vivent au-dessus de leurs moyens, mais également de personnes éprouvant de véritables difficultés. Nous laissons des entreprises imposer des intérêts supplémentaires à ces personnes.

Un récent sondage mené par le cabinet comptable MNP a révélé que plus de la moitié des Canadiens n'ont que 200 $ dans leurs poches après avoir payé leurs factures et leurs dettes. Dans le cas de 10 p. 100 des Canadiens, ce n'est que 100 $ qu'il leur reste après avoir payé leurs factures et leurs dettes. C'est une marge de manœuvre plutôt faible. Il n'est pas question ici de personnes qui ne seront pas en mesure de se procurer une télévision plus grande, comme le diraient certains. Il est question de personnes qui n'auront pas les moyens de faire des achats nécessaires. Par exemple, vous avez un problème avec la transmission de votre voiture, et vous devez faire un emprunt. La toiture de votre maison coule, et vous faites un emprunt. Vous avez un enfant malade, et vous faites un emprunt pour acheter des médicaments. Des situations comme celles-là peuvent nous arriver à tous. Les gens s'endettent davantage, et le cycle d'endettement commence.

[Français]

Malheureusement, trop d'entreprises dirigent leurs activités uniquement en fonction d'une clientèle qui se retrouve dans une telle situation financière. Certains d'entre vous se demandent pourquoi on devrait s'attarder à ces personnes qui sont très endettées. Je vous réponds qu'il est évident que l'endettement a un effet négatif sur notre économie, qui influe sur notre stabilité financière commune. Nous avons pu constater cet effet la semaine dernière, lorsque Moody's a réduit la cote de nos banques canadiennes.

De plus, lorsqu'une personne n'est pas en mesure de régler ses dépenses liées aux biens essentiels, comme la nourriture, le logement, et cetera, ce sont tous les contribuables qui paient, par le truchement de différents programmes sociaux.

[Traduction]

Malheureusement, de nombreuses entreprises ont pour objectif précis de cibler les personnes dans de telles situations. Au bout du compte, nous sommes tous vulnérables aux conséquences des taux d'intérêt élevés.

Il est temps de mettre un plafond à l'intérêt qu'imposent les entreprises, afin qu'il soit à un niveau plus raisonnable. Je me réjouis à la perspective d'un débat animé et j'espère que le projet de loi sera renvoyé au comité compétent.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je demande le consentement de revenir au projet de loi S-232. Malheureusement, j'étais sortie, alors j'aimerais y revenir.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il s'agit d'une situation plutôt inhabituelle. Comme vous le savez, nous avons ajourné le débat jusqu'à la prochaine séance. Cependant, si vous le souhaitez, nous pouvons annuler la motion d'ajournement et permettre à la sénatrice Jaffer de prendre la parole.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Projet de loi sur le Mois du patrimoine juif canadien

Troisième lecture

Consentement ayant été accordé de revenir aux autres affaires, projets de loi d'intérêt public du Sénat, troisième lecture, article no 3 :

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Frum, appuyée par l'honorable sénatrice Seidman, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-232, Loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui concernant le projet de loi sur le patrimoine juif. Je souhaite remercier la sénatrice Frum d'avoir présenté ce projet de loi au Sénat, et le sénateur Wetston de me donner l'occasion d'être porte-parole à son sujet.

Comme je l'ai dit à l'étape de la deuxième lecture, lorsque nous avons célébré le Mois du patrimoine asiatique, nous avons souligné les différents aspects des divers pays asiatiques qui sont représentés au Canada. Il faut faire la même chose avec les autres communautés. D'après moi, en apprenant à connaître les autres et en découvrant leurs valeurs et leur culture, nous rendons notre pays plus fort. Voilà pourquoi je suis en faveur de ce projet de loi.

Honorables sénateurs, je reviens tout juste du Centre mondial du pluralisme. J'ai vraiment adoré cette expérience. Ce fut une merveilleuse occasion de voir Son Altesse l'Aga Khan et de l'entendre dire que la différence est notre force.

Je vais répéter ce qu'il a dit aujourd'hui :

La diversité n'est pas une raison de dresser de murs, mais plutôt d'ouvrir des fenêtres. Ce n'est pas un fardeau, mais une bénédiction.

Cela résume bien ce je que pense de ce projet de loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien. Je crois que si nous apprenons à nous connaître, nous deviendrons plus fortes.

Honorables sénateurs, un des plus beaux aspects de la venue des réfugiés syriens au Canada est de voir différents groupes collaborer pour les soutenir. Dans ma ville, Vancouver, les communautés chrétienne, musulmane et juive ont établi des liens avec les familles parrainées. Je tiens notamment à souligner le travail du rabbin Dan Moskovitz, du temple Sholom, qui a pris l'initiative de faire venir de nombreuses familles syriennes à notre ville. Le travail accompli pour faire venir ces familles syriennes au Canada me fait vraiment croire qu'il y a beaucoup de travail que l'on peut faire comme politiciens et comme Canadiens pour rassembler nos communautés.

Honorables sénateurs, je crois que ce projet de loi valorisera la communauté juive et accroîtra le respect envers celle-ci; je crois donc qu'il s'agit d'un projet de loi très important.

Quand j'étais jeune, mon père parlait avec nostalgie du bon voisinage entre les communautés juive et musulmane. Il me disait : « Nous étions frères et sœurs, et maintenant, regarde ce qui arrive. »

En 2002, M. Chrétien m'a nommée envoyée du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité. À ce titre, j'ai eu l'occasion de me rendre à plusieurs reprises en Palestine et en Israël. Le gouvernement canadien y a organisé des tables rondes avec des Palestiniennes et des Israëliennes, rassemblant ces femmes pour nouer un dialogue. M. Chrétien me disait souvent qu'il était fermement convaincu que ce serait les femmes juives et musulmanes de ce pays qui ramèneraient la paix, à l'aide des femmes juives et musulmanes d'Israël, au Moyen-Orient. C'est ce que je crois également.

Après la défaite électorale des libéraux, les gouvernements israélien et palestinien m'ont souvent invitée à y retourner. J'ai tenu de nombreuses tables rondes au centre Golda Meir, à Haïfa. Cette expérience m'a appris que le respect mutuel et notre façon de travailler ensemble importent beaucoup plus que nos différences. Il faut, d'abord et avant tout, amorcer le dialogue. La dernière fois, j'ai parlé de la magnifique histoire culturelle des juifs d'autrefois. Aujourd'hui, j'explique comment la sénatrice Frum et moi travaillerons ensemble, en tant que Canadiennes, afin que des gens du monde entier puissent avoir une vie meilleure. Voilà pourquoi je crois en la valeur du projet de loi à l'étude.

Sénateurs, je vous demande d'appuyer ce projet de loi. Je vous demande de l'appuyer parce que je crois qu'il est grand temps que la richesse culturelle de la communauté juive du Canada soit connue de tous les Canadiens.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1510)

Projet de loi interdisant l'importation de nageoires de requin

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suspension du débat

L'honorable Michael L. MacDonald propose que le projet de loi S-238, Loi modifiant la Loi sur les pêches et la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (importation de nageoires de requin), soit lu pour la deuxième fois.

—Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord vous faire part d'un chiffre troublant : 73 millions. Environ 73 millions de requins sont tués chaque année pour répondre à la demande mondiale croissante de soupe d'ailerons de requin. Une catastrophe écologique bat son plein. On parle de 200 000 requins par jour, de plus de 8 000 chaque heure et de près de 140 chaque minute.

La plupart de ces requins se font trancher les nageoires en mer à l'aide d'une lame dentelée chaude, habituellement lorsqu'ils sont en vie. Puis, ils sont rejetés à la mer, où ils se noient, meurent au bout de leur sang ou sont dévorés par des charognards. L'enlèvement des nageoires de requin est une pratique cruelle, qui engendre un terrible gaspillage. Quatre-vingt-dix-huit pour cent de l'animal est jeté et gaspillé, mais, chose plus importante encore, nous sommes témoins de la destruction mondiale des requins, sans doute l'une des espèces les plus importantes au monde.

Les pêcheurs utilisent des méthodes de ce genre simplement pour des raisons économiques. Compte tenu de la demande et du prix de détail élevés de la soupe d'ailerons de requin, les nageoires ont une valeur beaucoup plus grande que les autres parties de l'animal. En jetant la carcasse, les pêcheurs peuvent économiser de l'espace précieux à bord de leurs bateaux afin d'y entreposer une quantité énorme de nageoires.

Même si le fait de remplir complètement un bateau de pêche de nageoires de requin représente une simple question économique pour les adeptes de la pratique — bref, il s'agit de l'offre et de la demande —, pour les populations de requins et l'humanité, il s'agit d'une pratique qui conduira tout droit à l'extinction de l'espèce.

Chers collègues, je prends aujourd'hui la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-238, Loi interdisant l'importation de nageoires de requin, que j'ai présenté en avril. Il s'agit du premier projet de loi d'intérêt public que je présente depuis que je siège au Sénat.

Le projet de loi S-238 vise à empêcher les nageoires de requin de franchir nos frontières. Il prévoit évidemment certaines exceptions, par exemple si les nageoires sont destinées à la recherche scientifique ou à une activité favorable à la survie de l'espèce. Le ministre doit alors donner son aval.

Au Canada, l'enlèvement des nageoires de requin est interdit depuis 1994 parce que les permis de pêche délivrés par le ministère des Pêches et des Océans sont assortis de conditions l'interdisant. Cependant, l'importation des nageoires est toujours permise. Seulement en 2015, le Canada a importé plus de 144 000 kilos de nageoires de requin, une augmentation de 36 p. 100 depuis 2012. Le projet de loi S-238 mettrait fin à cette aberration en interdisant l'importation au Canada de nageoires de requin séparées de la carcasse de l'animal. C'est ce que les Canadiens veulent et c'est ce à quoi ils s'attendent.

En inscrivant dans la loi qu'il est interdit de prélever les nageoires des requins, le projet de loi S-238 officialisera cette interdiction. Comme je viens de le dire, pour l'heure, cette pratique n'est interdite que par les conditions associées à l'exploitation du permis de pêche.

Avant d'aller plus loin, je dois remercier tout particulièrement Sandra, Brian et Alexandra Stewart, les proches du regretté cinéaste canadien Rob Stewart, dont le documentaire-choc Les Seigneurs de la mer, qui a reçu de nombreux prix, a énormément contribué à faire connaître les terribles conséquences que l'enlèvement des nageoires peut avoir sur les différentes espèces de requins. Sa passion et son dévouement pour la conservation des requins sont une véritable source d'inspiration, sans parler du fait qu'ils auront permis de sensibiliser le public à cette cause.

Rob est mort dans des circonstances tragiques plus tôt cette année. Il était en train de filmer la suite des Seigneurs de la mer. Il a consacré sa vie à sensibiliser le public, non seulement aux conséquences écologiques de cette terrible pratique, mais aussi à la véritable nature des requins ainsi qu'à leur rôle dans l'écosystème océanique. Je tiens à ce que sa famille sache que son travail a réussi à attirer l'attention du public sur ce massacre aussi futile qu'inacceptable et que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que le travail d'une vie ne demeure pas sans suite.

La famille Stewart a écrit une lettre à tous les sénateurs dans laquelle elle dit ceci :

Nous sommes très fiers de ce que Rob a accompli pendant sa vie et nous sommes déterminés à protéger tout comme lui les requins et les océans et à perpétuer son œuvre.

La lettre se poursuit ainsi :

Rob, qui était exaspéré par les fausses idées voulant que les requins soient dangereux et qui se désolait qu'on ne fasse pratiquement rien pour les protéger, a parcouru 15 pays pendant quatre ans, souvent à ses risques et périls, et il a accumulé plus de 400 heures d'images pour créer le film Les Seigneurs de la mer et faire la lumière sur l'industrie des nageoires de requin.

Les Stewart terminent leur lettre ainsi :

La seule façon de s'assurer que le Canada n'encourage pas l'enlèvement des nageoires de requin, c'est d'en interdire l'importation. Nous vous demandons donc, bien humblement, d'appuyer le projet de loi S-238, du sénateur MacDonald. Le Canada doit déployer davantage d'efforts pour protéger ces espèces animales aussi magnifiques qu'essentielles.

Tout à l'heure, j'ai fait parvenir à chacun d'entre vous, en leur nom, une copie numérique de cette lettre.

Je tiens à remercier Sandra, sa mère, Brian, son père — qui sont présents parmi nous —, ainsi qu'Alexandra, sa sœur, de tout ce que Rob et vous avez fait pour protéger les requins partout dans le monde. C'est un grand honneur d'avoir votre appui. Nous, sénateurs, partageons votre peine. Tous les gens éclairés qui militent pour la préservation de la faune sont très tristes et saluent Rob Stewart pour son abnégation, sa patience, son intelligence et son professionnalisme.

J'invite tous les sénateurs qui n'ont pas encore vu le film à communiquer avec mon bureau. Nous en avons plusieurs exemplaires et nous vous en prêterons un avec plaisir.

Ce n'est pas la première fois qu'un projet de loi traitant de ce sujet est déposé au Parlement. Le député de Port Moody—Coquitlam et porte-parole du NPD pour les pêches et les océans, Fin Donnelly, avait présenté un projet de loi semblable à l'autre endroit, il y a plusieurs années, qui a été défait par cinq voix. J'ai été personnellement très déçu qu'il ne soit pas adopté. Je crois que le gouvernement conservateur aurait dû l'adopter. S'il avait été déposé au Sénat, j'aurais certainement voté en faveur de ce projet de loi.

Le projet de loi S-238 reprend les principales dispositions de la mesure précédente.

M. Donnelly s'est joint à moi à la conférence de presse au cours de laquelle j'ai annoncé mon intention de déposer le projet de loi S-238. J'ai été très heureux de travailler avec lui sur cette question. Je tiens à le remercier pour son appui et ses conseils.

Honorables sénateurs, ce n'est ni une question politique ni une question partisane. Le fait qu'un sénateur conservateur du Cap-Breton travaille de concert avec un député néo-démocrate de la Colombie-Britannique le prouve bien. Le problème, c'est simplement que le commerce mondial des ailerons de requin ne saurait être durable. Il est incroyablement cruel et écologiquement irresponsable. Il est en train de détruire complètement une espèce essentielle à l'écosystème marin. Il n'est pas exagéré de dire que nous risquons l'extinction de l'espèce parce que c'est la seule issue possible si nous ne faisons pas collectivement quelque chose pour arrêter le carnage.

Comme société, nous avons tendance à considérer le poisson comme une denrée. C'est tout à fait compréhensible, car, de bien des façons, le poisson a toujours constitué une denrée dans le monde dont j'ai hérité. J'ai grandi dans l'une des plus anciennes collectivités de pêcheurs du Nouveau-Monde, Louisbourg, au Cap-Breton. Pendant toute ma vie, j'ai vu prendre, débarquer et conditionner du poisson. Adolescent, je suis allé à la pêche dans les Grands Bancs de Terre-Neuve à bord d'un chalutier, tout comme l'avaient fait mes frères et beaucoup de mes parents et ancêtres. Le poisson était abondant et servait essentiellement à l'alimentation. On l'utilisait aussi comme appât, selon l'espèce. La morue, l'aiglefin, le flétan, la limande, la plie grise, le saumon, la sériole, le hareng, le maquereau, la goberge et beaucoup d'autres espèces ont donné pendant plus de quatre siècles de l'emploi et de la nourriture aux gens de ma ville natale.

Il y avait aussi beaucoup de requins au large du Cap-Breton. Nous avions des requins bleus, des requins-taupes, des requins-marteaux, des renards de mer et des makos. À l'occasion, nous avions dans nos prises des requins-pèlerins et même des grands requins blancs dont nous ne savions que faire. Toutefois, ces espèces sont de plus en plus rares aujourd'hui. Il n'est donc pas surprenant que le nombre de phoques du Groenland et de phoques gris ait tellement augmenté sur la côte Est du Canada, où leurs prédateurs naturels sont en train de disparaître de l'Atlantique-Nord.

Lorsque nous pensons au poisson, nous voyons surtout les espèces qui se reproduisent annuellement. Des millions d'œufs sont pondus par toutes les espèces communes, ce qui donne des rejetons fragiles dont 95 p. 100 n'atteignent jamais la maturité. Toutefois, tant que nous réglementerons adéquatement la taille des prises, nous pourrons gérer et maintenir nos pêches.

La situation n'est cependant pas la même dans le cas des requins. Oui, le requin vit dans l'océan. Animal à sang-froid, il respire par ses branchies comme les poissons, mais c'est là que s'arrête la similarité. Les requins parcourent nos océans depuis au moins 420 millions d'années, à l'époque où la terre ne comptait que deux continents. Les requins sont apparus 150 millions d'années avant les dinosaures. Ils comptent donc parmi les vertébrés les plus anciens de la terre. Et, en tant que superprédateurs, ils jouent un rôle vraiment critique dans le maintien de la santé de nos océans, qui abritent 80 p. 100 de toute la vie sur terre

(1520)

La plupart des requins sont vivipares, par opposition à ovipares, et donnent naissance à de petites portées. Ils sont très lents à atteindre la maturité sexuelle : cela leur prend de 10 à 25 ans. Par conséquent, leurs taux de reproduction sont extrêmement bas. Ils constituent une espèce qui aurait énormément de difficultés à se rétablir si les nombres enregistraient une trop forte baisse. Pourtant, on ne s'en est jamais inquiété, car, à l'exception de l'épaulard, les grands requins n'ont pas d'ennemis naturels. Aujourd'hui, c'est l'homme qui est en train de les anéantir.

Nous savons aussi que beaucoup de requins, et particulièrement les grands prédateurs, ont un très gros cerveau par rapport à leur masse totale, puisque sa taille est comparable à celle de nombreux mammifères. Nous savons maintenant que ces magnifiques animaux incompris sont, par leur niveau d'intelligence, beaucoup plus proches des cétacés que des poissons. Ils sont complexes, sophistiqués et hautement évolués. En fait, ils sont tellement complexes et évolués qu'ils n'ont pas d'os, leur squelette étant entièrement constitué de cartilage. Ils forment donc une espèce unique dans nos océans.

C'est un animal incroyable qui, malheureusement, a été diabolisé dans notre société, étant considéré comme un mangeur d'hommes et comme une menace constante pour la sécurité des humains. En réalité, chers collègues, le requin, s'il n'est pas provoqué, n'est pas vraiment dangereux. D'après l'International Shark Attack File, nous sommes 75 fois plus susceptibles d'être tués par la foudre que par un requin.

Il est donc important de comprendre la vraie nature des requins et le rôle critique qu'ils jouent dans nos océans. Nous ne devons pas permettre que le souvenir de films tels que Jaws, même s'ils sont très divertissants, change complètement la perception qu'a la société de ces belles et importantes créatures.

Je crois que nous pouvons tous convenir que le braconnage des éléphants, simplement pour le prestige que certains irresponsables associent à l'ivoire de leurs défenses, est déplorable. Il en est de même du massacre des rhinocéros pour leur corne. C'est à juste titre que les Canadiens sont indignés en pensant à ces tueries. Le carnage causé par le prélèvement des ailerons de requins reste cependant au fond de l'océan, hors de vue, et ne touche pas la conscience sociale des gens mêmes si on laisse des dizaines de millions de requins mourir chaque année pour le simple prestige associé à un bol de soupe d'ailerons de requin.

À travers l'histoire, lorsqu'il était beaucoup plus difficile de prendre des requins, cette soupe rarissime était réservée aux riches de la classe supérieure dans certaines cultures asiatiques. C'était une petite industrie et, d'habitude, le reste du requin servait à l'alimentation des gens, ce qui n'est pas courant dans beaucoup de régions du monde. Le requin ne fait certainement pas partie des aliments couramment consommés au Canada.

Aujourd'hui, comme symbole de statut social, la soupe d'ailerons de requin est souvent servie à des mariages et à des banquets organisés par une classe moyenne de plus en plus aisée et nombreuse. Comme une assiette de soupe d'ailerons de requin coûte plus de 100 dollars américains, les requins sont maintenant chassés en masse uniquement pour leurs ailerons.

Ce qui est curieux, collègues, c'est que les ailerons de requin ne contribuent presque pas à la saveur de la soupe. Ils ne font que modifier légèrement la texture du liquide, tout en donnant aux gens une fausse impression de prestige et de privilège.

De plus, l'idée erronée que les produits du requin contiennent des éléments nutritifs et ont même des propriétés médicinales est démentie par la science moderne. En fait, il est établi que le requin contient des concentrations élevées de méthylmercure, une neurotoxine dont la consommation est dangereuse pour les humains. Cela n'a pas empêché la consommation de soupe d'ailerons de requin d'atteindre des niveaux inégalés dans le monde entier.

Bien qu'il y ait des règlements en vigueur dans certains pays, comme le Canada, pour empêcher la pratique de l'enlèvement des nageoires de requin dans leurs eaux, l'industrie demeure sous-réglementée, ou alors les règlements, lorsqu'ils existent, sont incohérents et peu fiables.

Dans un rapport publié par WildAid et Oceana, intitulé The End of the Line : Global Threats to Sharks, on peut lire ce qui suit :

Il existe un problème majeur lié à la gestion de la pêche au requin : des plans exhaustifs de gestion de la pêche au requin sont créés principalement dans les pays développés, alors que plus des deux tiers des débarquements [...] ont lieu dans des pays en développement, où la gestion est souvent affaiblie par l'insuffisance du financement prévu pour la recherche et l'application des règlements. Outre les activités de pêche sans restriction par les flottilles nationales, une mauvaise application des règlements signifie que l'on trouve fréquemment des navires industriels d'autres pays qui pêchent illégalement dans les eaux de pays en développement, prenant des requins et réduisant encore les stocks de poissons.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, en 2015 seulement, le Canada a importé plus de 144 000 kilogrammes de nageoires de requin, dont la majorité provenait de Hong Kong et de la Chine continentale — qui sont de loin les plus grands intervenants sur le marché mondial et qui représentent le centre névralgique des importations et des exportations. Les nageoires de cette provenance ont probablement été obtenues de pêcheurs qui pratiquent l'enlèvement de nageoires de requins.

Bien que le Canada soit un intervenant de petite envergure dans le marché des nageoires de requins si on le compare à Hong Kong et à la Chine continentale, selon un rapport publié en 2015 par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, intitulé State of the Global Market for Shark Products, le Canada est le plus grand importateur de nageoires de requins à l'extérieur de l'Asie de l'Est. Le rapport est fondé sur des statistiques de 2000 à 2011.

Je dois de nouveau souligner que, malgré leur durée de vie dans nos océans, les requins sont très vulnérables à l'exploitation humaine. Comme on peut le lire dans le rapport intitulé The End of the Line :

Les requins seront vraisemblablement parmi les premiers organismes marins à disparaître en raison des activités humaines. Comme ils sont de grands prédateurs, ils sont peu nombreux naturellement, et sont en outre très vulnérables. Certains ont une période de gestation plus longue que celle d'un éléphant, ne donnent naissance qu'à quelques petits et n'arrivent à maturité qu'après 25 ans. Certaines populations sont décimées à la suite d'une pêche intense, et il peut falloir des décennies avec que les stocks se rétablissent — ils peuvent aussi ne jamais se rétablir.

Les statistiques sur le déclin des populations de requins sont effarantes. L'enlèvement des nageoires de requin a complètement décimé ces populations à l'échelle mondiale. Certaines espèces ont décliné de plus de 80 p. 100 au cours des 50 dernières années. Par exemple, on estime que 89 p. 100 des requins-marteaux, 80 p. 100 des renards marins, 79 p. 100 des grands requins blancs et 65 p. 100 des requins-tigres dans l'Atlantique Nord-Ouest ont disparu. C'est également le cas de 87 p. 100 des requins bleus dans l'océan Pacifique tropical, ainsi que de 90 p. 100 des requins soyeux et de 99 p. 100 des requins à longues nageoires dans le golfe du Mexique.

Faut-il donc s'étonner que 74 espèces de requins figurent désormais sur la liste des espèces menacées de l'Union internationale pour la conservation de la nature, que 67 autres sont considérées comme presque menacées ou que les 14 espèces de requins les plus prisées pour le commerce des ailerons de requin se trouvent sur cette liste d'espèces menacées?

Pourtant, il y a seulement huit espèces de requins qui sont actuellement protégées à l'échelle internationale, aux termes de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction, la CITES.

D'après la section canadienne de la Humane Society International :

Même pour ces [huit] espèces, on applique très peu, voire pas du tout, les restrictions pertinentes en matière d'importation au Canada. Les ailerons de requin ne sont pas étiquetés en fonction de l'espèce ou du pays d'origine et de nombreuses espèces [vulnérables] de requins continuent d'être tuées pour leurs nageoires [...] À moins d'interdire l'importation d'ailerons de requin au Canada, il sera tout simplement impossible de garantir que des ailerons provenant d'espèces de requins menacées n'entreront pas au pays.

Je crois sincèrement que le Canada est capable d'en faire plus, et que les Canadiens s'attendent à ce les gens qui nous gouvernent fassent un meilleur travail pour protéger et préserver la faune.

Il incombe maintenant aux Canadiens d'évaluer honnêtement la façon dont notre pays a géré la faune au fil des siècles. Celle-ci laisse beaucoup à désirer. L'extinction est en fait un phénomène naturel. Plus de 99 p. 100 du plus des 5 milliards d'espèces qui ont existé sur la planète ont maintenant disparues. Cependant, il n'y a rien de naturel à l'extinction causée par l'homme. Il s'agit là d'un phénomène moderne.

Nous savons tous en quoi consiste l'extinction, l'exemple le plus courant étant celui du dronte de Maurice. L'extinction du dronte est l'une des premières attribuables à l'homme. Oiseau coureur incapable de voler qui ne craignait pas les humains, le dronte vivait uniquement à l'île Maurice, à l'est de Madagascar. Il a disparu vers le milieu du XVIIe siècle, en l'espace d'un peu plus d'une cinquantaine d'années, victime de massacres à grande échelle, de l'introduction de prédateurs et de la destruction de son habitat. Nous aurions dû tirer une leçon de cette expérience. Nous sommes censés être l'espèce intelligente. Qu'avons-nous donc appris?

Si l'on en juge d'après l'histoire écologique de l'Amérique du Nord, nous n'avons pas appris grand-chose. L'Atlantique-Nord abritait le pingouin ordinaire et le grand pingouin, qui est le plus remarquable des oiseaux coureurs de l'hémisphère Nord. Jusqu'à l'extinction finale de l'espèce au milieu du XIXe siècle, le grand pingouin vivait partout à travers l'Atlantique, de l'Europe septentrionale à l'Islande, au Canada et à la côte Est des États-Unis. Il avait la taille d'un pingouin moyen et il vivait surtout au grand large, sauf lorsqu'il courait à terre pour se reproduire. Avant le XVIe siècle, l'espèce était tellement abondante qu'on trouvait des colonies comptant des centaines de milliers de spécimens tout le long du littoral des îles où ils avaient l'habitude de se reproduire au cours de la saison des amours longue d'un mois.

Hors de l'eau, l'incapacité de voler de ce superbe volatile noir et blanc l'a rendu vulnérable aux humains désireux de l'exploiter pour sa chair, ses plumes et ses œufs. Dès le XVIe siècle, des efforts infructueux ont été déployés pour limiter la chasse au grand pingouin, mais, à mesure que leur nombre diminuait, ces oiseaux étaient encore plus appréciés par les collectionneurs, ce qui a hâté leur déclin. En 1844, les derniers oiseaux de la dernière colonie, qui nichaient dans une île au large de l'Islande, ont été tués et leurs œufs écrasés. Une magnifique espèce qui a déjà compté des millions de spécimens a ainsi été complètement détruite en l'espace de deux siècles. Les gens ont regardé, indifférents, pendant que cela se produisait.

Cependant, ce crime contre la faune pâlit en comparaison avec ce que nous avons fait en Amérique du Nord au pigeon sauvage, également connu sous le nom de tourte voyageuse. Pendant que les derniers grands pingouins étaient tués dans les années 1840, la tourte voyageuse était encore considérée comme l'espèce vertébrée la plus abondante du monde entier, puisqu'on avait estimé son effectif à quelque 5 milliards d'individus. En 1866, un vol de tourtes observé dans le sud de l'Ontario a été décrit comme ayant un mille de largeur sur 300 milles de longueur. Il avait mis 14 heures et demie à passer et comptait plus de 3,5 milliards d'oiseaux. Ce vol avait bloqué les rayons du soleil pendant toute une journée. Pouvez-vous imaginer un pareil spectacle en Amérique du Nord? Pourtant, les tourtes voyageuses ont été cruellement massacrées sans rime ni raison. La dernière est morte au zoo de Cincinnati en 1914.

(1530)

Comme dans le cas du grand pingouin, on s'est soudain rendu compte du risque d'extinction imminente de l'espèce et, pendant des décennies, des efforts sérieux ont été déployés pour la préserver. Cependant, c'était toujours trop peu et trop tard, parce que leur nombre avait tellement baissé qu'un rétablissement était devenu impossible.

Malheureusement, la destruction ne s'est pas arrêtée là. Le courlis esquimau constituait l'une des huit espèces de courlis et était de loin l'oiseau de rivage le plus abondant de la région du Pacifique-Nord. Réputés pour leur grand nombre, leur extraordinaire itinéraire de migration et leur présence partout sauf en Colombie-Britannique, les oiseaux de cette espèce particulièrement robuste faisaient leur nid et élevaient leurs petits à l'extrémité septentrionale de l'Alaska et des Territoires du Nord-Ouest, le long de l'océan Arctique. Ils avaient l'un des itinéraires de migration les plus longs de tous les oiseaux : ils partaient de l'Est, traversaient le passage du Nord-Ouest vers l'Ungava, pour faire leur chemin jusqu'à Terre-Neuve, puis longeaient le littoral des Amériques jusqu'à l'Uruguay, le Paraguay, le Sud de l'Argentine et le Sud du Chili. Vers la fin de l'hiver, ils revenaient à leur point de départ à travers les grandes plaines et le centre de l'Amérique du Nord pour retrouver leurs aires de nidification dans le Grand Nord.

Des millions de courlis étaient massacrés chaque année dans les dernières décennies du XIXe siècle, de sorte qu'au début du XXe, ils avaient presque complètement disparu. Les efforts de conservation déployés n'ont eu aucun effet. Les derniers spécimens ont probablement été observés pendant les années 1960. Le courlis esquimau n'existe sans doute plus aujourd'hui.

Je mets en évidence le sort du grand pingouin, de la tourte voyageuse et du courlis esquimau pour un certain nombre de raisons. Il s'agit d'espèces nord-américaines, sauf dans le cas du grand pingouin qui est transatlantique. Ils étaient extrêmement prolifiques et avaient atteint de tels nombres que leur survie semblait inévitable. Leur déclin a suscité des inquiétudes des décennies avant leur disparition, mais cela n'a pas empêché ces espèces de s'éteindre. Le même sort attend les requins d'aujourd'hui partout dans le monde. Nous devons nous en occuper tout de suite avant qu'il ne soit trop tard.

Ce projet de loi, chers collègues, recueille de plus en plus d'appuis. Depuis la présentation du projet de loi S-238 en cette enceinte, un nombre incroyable de personnes et d'organisations m'ont dit l'appuyer, dont Oceana Canada, la SPCA...

Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénateur Macdonald. Il est maintenant 15 h 30 et c'est l'heure de la période des questions. Après, nous vous redonnerons la parole pour le temps qu'il vous reste.

(Le débat est suspendu.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l'honorable François-Philippe Champagne, ministre du Commerce international, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue au ministre que nous accueillons aujourd'hui, l'honorable François-Philippe Champagne. Au nom de tous les sénateurs, monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue.

[Français]

Le ministère du Commerce international

L'Accord de libre-échange nord-américain

L'honorable Larry W. Smith (leader de l'opposition) : Bonjour, monsieur le ministre. C'est un plaisir de vous recevoir aujourd'hui.

[Traduction]

À vrai dire, j'ai deux questions. J'ai de la chance de pouvoir les poser.

Je vous remercie, Votre Honneur, de votre indulgence.

La question que je vous adresse concerne la renégociation de l'ALENA, l'Accord de libre-échange nord-américain.

Il y a quelques mois, lorsque le premier ministre est allé rencontrer le président Trump à Washington, le président a dit que l'ALENA serait légèrement modifié. En fin de semaine, cependant, il a dit, dans une interview accordée au magazine The Economist, que la renégociation de l'ALENA serait « massive ».

Dans votre lettre de mandat du premier ministre, il est dit que vous devrez soutenir les efforts dirigés par la ministre des Affaires étrangères afin d'approfondir les échanges et le commerce entre le Canada et les États-Unis.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous décrire votre participation aux pourparlers sur l'ALENA et nous dire comment vous décririez les modifications envisagées à l'ALENA — une légère modification, un changement massif ou quelque chose entre les deux?

L'honorable François-Philippe Champagne, C.P., député, ministre du Commerce international : Votre Honneur, permettez-moi d'abord de dire que c'est un réel honneur pour moi de venir en cette enceinte. J'étais venu ici enfant et, maintenant, me retrouver ici comme ministre pour répondre à des questions est un réel honneur pour moi. Honorables sénateurs, je vous remercie de m'accueillir.

En ce qui concerne notre relation avec les États-Unis, je pense que nous devons être fermes,intelligents, et proactifs.

Lorsque je dis « fermes », je pense à la position que la ministre des Affaires étrangères a énoncée très clairement lorsqu'il s'agit, par exemple, des questions touchant le bois d'œuvre ou les produits laitiers.

Quand je dis « proactifs », cela signifie que l'effort doit être déployé à l'échelle du gouvernement. C'est ce qu'a fait non seulement le premier ministre, mais aussi les ministres de la Couronne, ainsi que les premiers ministres et sept sénateurs qui sont intervenus pour plaider la cause du Canada, et montrer que nous ne nous contentons pas de vendre des produits l'un à l'autre, mais que nous les fabriquons ensemble.

Par « intelligents », je pense à la relation qu'a nouée le premier ministre avec le président Trump et qui a déjà porté ses fruits, comme on a pu le constater lors de leur échange téléphonique.

Je dirais que ma participation à l'ALENA consiste évidemment à appuyer la ministre des Affaires étrangères. Il s'agit d'une affaire pangouvernementale et je suis heureux d'annoncer que je rencontrerai très probablement le représentant américain au Commerce. Nous venons d'apprendre qu'il va se rendre au Vietnam. Nous aurons donc la chance de nous rencontrer vendredi au sommet de l'APEC. Je pense qu'il arrive vendredi et nos collaborateurs respectifs ont annoncé que nous allons probablement nous rencontrer là-bas pour la première fois.

La compétitivité des entreprises exportatrices

L'honorable Larry W. Smith (leader de l'opposition) : Je vais maintenant passer à la question des impôts et de leurs conséquences sur la compétitivité, mais si vous voulez me dire ensuite s'il s'agit d'une légère modification ou d'un changement massif, j'aimerais aussi avoir une réponse à ce sujet.

La question que je vous adresse aujourd'hui concerne la compétitivité de nos entreprises exportatrices par rapport à celles des États-Unis, un pays qui est non seulement notre plus proche voisin, mais également notre plus grand concurrent. Votre gouvernement annule les avantages fiscaux dont bénéficiaient les entreprises canadiennes. Les cotisations à l'assurance-emploi augmenteront l'an prochain. L'augmentation des cotisations au Régime de pensions du Canada entrera en vigueur en 2019 et la taxe sur le carbone du premier ministre fera augmenter le coût de l'énergie que doivent assumer les entreprises canadiennes.

Les États-Unis s'orientent dans la direction opposée. Vous n'êtes sans doute pas sans savoir que l'administration Trump a présenté le mois dernier un plan fiscal proposant de faire passer le taux d'imposition des sociétés de 35 à 15 p. 100.

Monsieur le ministre, êtes-vous le moindrement préoccupé par le fait que l'alourdissement du fardeau fiscal envisagé par votre gouvernement nuira à la compétitivité de nos entreprises dans le marché mondial, en particulier lorsqu'il s'agira de concurrencer les compagnies américaines, dont l'environnement fiscal s'annonce favorable?

L'honorable François-Philippe Champagne, C.P., député, ministre du Commerce international : Merci de la question, honorable sénateur.

Tout d'abord, je répondrai que le moment n'a jamais été aussi propice à la diversification, comme le sénateur m'a peut-être entendu l'affirmer en public ou dans les médias. Non seulement nous nous tournons vers le sud, mais je suis également heureux d'informer le Sénat que nous devenons un pont entre le Pacifique et l'Atlantique. J'assisterai, bien entendu, au sommet de l'APEC, mais, comme les honorables sénateurs le savent, nous avons quelques projets en cours, notamment avec l'Inde. Le sénateur n'ignore pas que nous sommes en train de négocier avec l'Inde un accord sur la protection des investissements étrangers. Nous tenons également des entretiens exploratoires avec la Chine.

Je suis heureux de pouvoir souligner que, grâce au Sénat, l'Accord économique et commercial global, l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe, entrera très bientôt en vigueur. Il s'agit de l'accord commercial le plus progressiste jamais négocié par le Canada ou l'Europe. Il donne accès à 510 millions de personnes et à des marchés publics d'environ 3,3 billions de dollars.

En fait, lorsque je voyage à l'étranger, je souligne que le Canada jouit d'un accès préférentiel à environ 1,1 milliard de consommateurs dans les plus importants marchés qui existent en 2017, soit celui de l'Atlantique, évidemment, grâce à l'accord conclu avec nos amis les Européens, mais aussi avec l'ALENA, auquel participent le Mexique et les États-Unis.

Pour répondre à la question précédente de l'honorable sénateur à savoir s'il s'agit d'une légère modification, je suis ravi de dire que, si nous réfléchissons à l'histoire de notre relation, nous devons nous rappeler que l'ALENA est un accord qui a été négocié il y a une vingtaine d'années et qui a été modifié environ 11 fois. Chaque fois que j'en ai la chance, je rappelle à nos voisins américains que la valeur quotidienne de nos échanges commerciaux se chiffre à environ 2,4 milliards de dollars, qu'environ 400 000 personnes traversent la frontière canado-américaine tous les jours, et que le Canada est le plus grand fournisseur des États-Unis en énergie, que ce soit sous forme de pétrole, de gaz ou d'électricité. Je rappelle à nos voisins de New York que la plus grande partie de l'électricité qu'ils consomment provient de ma propre province, le Québec, et que notre relation s'appuie non seulement sur le commerce, mais aussi sur un partenariat de longue date entre nos deux peuples.

Je crois que vous constaterez que le gouvernement s'emploie constamment à rappeler à nos voisins américains que nous avons une relation absolument exceptionnelle, que nous devons travailler ensemble et que, même s'il y aura toujours des problèmes à résoudre ici et là, si nous réfléchissons aux liens profonds qui unissent nos deux pays, nous constatons que notre relation a contribué à créer, des deux côtés de la frontière, des millions d'emplois bien rémunérés pour la classe moyenne.

Les accords commerciaux—Le plan stratégique

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre. Je m'excuse pour ma voix. J'espère que vous pouvez m'entendre.

J'aimerais revenir à vos observations au sujet de l'Accord économique et commercial global. Nous l'avons adopté, et je crois que nous avons fait du bon travail pour cerner les problèmes potentiels, y compris ceux qui sont apparus après que la Chambre ait terminé ses travaux, et qui sont attribuables non seulement au gouvernement Trump, mais aussi à d'autres circonstances. J'espère que vous prendrez connaissance de nos observations et soulignerez que la mise en œuvre de l'accord a tout autant d'importance, et que l'appui de la population et des parlementaires a aussi son importance. Voilà un point digne de mention.

(1540)

Il semble que, soudainement, notre attention se tourne de nouveau vers la région de l'Asie-Pacifique, peut-être à cause de Trump. Je vous ai entendu dire, hier, que vous adopterez une approche graduelle à l'égard de l'Asie-Pacifique. Je trouve préoccupant que nous axions nos efforts sur l'Asie-Pacifique. Nous voyons maintenant la Chine d'un autre œil. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet. Envisagerons-nous de conclure un partenariat transpacifique sans les États-Unis, alors que les États-Unis étaient à l'origine du PTP? Devrions-nous envisager le scénario d'un PTP sans les États-Unis? Ce scénario serait-il porteur pour le Canada? Devrions-nous examiner l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est d'un autre œil? Devrions-nous nous tourner vers le sud, vers les pays du Mercosur et l'Alliance du Pacifique? Autrement dit, le Canada compte-t-il poursuivre plusieurs angles, et avez-vous une stratégie? Je conviens qu'on peut procéder graduellement mais, si on ne dispose d'aucun plan stratégique pour arriver à la destination visée, les étapes graduelles perdent vite leur efficacité. Je souhaite donc que nous disposions d'un plan stratégique, peut-être semblable à ceux que nous insérons dans nos bilans commerciaux. Si vous avez un plan, il vous permettra d'obtenir l'adhésion des intéressés, et nous pourrons vous aider à défendre les intérêts du Canada.

L'honorable François-Philippe Champagne, C.P., député, ministre du Commerce international : Monsieur le Président pourriez-vous me rappeler de combien de temps je dispose pour répondre? Oui, nous avons bel et bien un plan. Bien qu'il soit plutôt exhaustif, je tenterai de le décrire brièvement.

Je tiens tout d'abord, madame la présidente, à vous remercier, au nom de tous les Canadiens, d'avoir fait en sorte que le Sénat examine et approuve rapidement le projet de loi C-30. Les pêcheurs de la côte Est vous en remercieront, tout comme les exportateurs de partout au pays et des intervenants du secteur agroalimentaire. C'est fantastique.

Comme le savent très bien les sénateurs, honorable sénatrice, 9 000 lignes tarifaires seront exemptées de droits de douane lorsque les dispositions provisoires seront appliquées. C'est une bonne nouvelle pour les consommateurs canadiens, qui profiteront d'un plus grand choix et de meilleurs prix. C'est une bonne nouvelle pour ceux qui exportent les produits de nos petites et moyennes entreprises, et c'est aussi une bonne nouvelle sur le plan des emplois pour la classe moyenne. Manifestement, ouvrir un marché aussi grand pour les Canadiens est une excellente chose. Je tiens à vous remercier, madame la présidente, ainsi que les membres du comité et les témoins, qui ont enrichi le débat.

En ce qui concerne l'Asie-Pacifique, nous avons dressé un programme ambitieux. Je crois que le commentaire auquel vous avez fait référence était peut-être la réponse à une question précise, mais je vais vous donner un aperçu de la situation.

Lorsque j'ai assumé le poste de ministre du Commerce international, la première réunion internationale a eu lieu au Chili, où nous avons rencontré des représentants des pays de l'Asie-Pacifique. Nous avons cerné trois éléments importants lors de cette réunion des pays de l'Asie-Pacifique : l'objectif, les mesures et l'ambition. La première chose que nous avons accomplie avec nos collègues ministres, c'est de nous engager de nouveau à favoriser un commerce libre, ouvert et équitable dans la région de l'Asie-Pacifique.

Nous avons pris diverses mesures. Vous avez peut-être constaté que nous avons confié aux fonctionnaires la tâche de présenter une série d'options. J'ai également fait preuve de leadership en offrant d'accueillir au Canada les représentants des divers pays. Cette rencontre a eu lieu il y a quelques semaines à Toronto.

Nous avons aussi convenu à l'unanimité qu'un accord conclu avec la région de l'Asie-Pacifique doit être suffisamment ambitieux, que ce soit de par son caractère progressiste ou global. Je crois que nous avons réussi à faire en sorte qu'il le soit. Nous allons maintenant nous rendre au Vietnam et examinerons la série d'options qui nous est présentée.

Nous avons entamé des discussions exploratoires avec nos homologues chinois pour déterminer si un accord servirait l'intérêt supérieur des Canadiens. Nous avons lancé une consultation publique, et je serais heureux d'entendre les commentaires des honorables sénateurs et d'intervenants canadiens, qui nous ont fait part des perspectives et des difficultés qu'ils perçoivent. Nous tirons également des leçons d'autres pays qui ont conclu un accord avec la Chine.

En ce qui a trait à l'Inde, comme vous le savez bien, je suis en pourparlers avec les dirigeants de ce pays pour promouvoir un accord sur la protection des investissements étrangers. J'ai dit aux dirigeants de l'Inde que cela augmenterait de toute évidence l'envergure et l'importance des investissements dans leur pays. Je crois que le message porte. J'invite les sénateurs à contribuer à en faire valoir le bien-fondé. Je crois avoir dit aux dirigeants que le commerce bilatéral entre le Canada et l'Inde a une valeur annuelle de quelque 8 milliards de dollars. Il y a lieu d'être un peu plus ambitieux, compte tenu qu'environ 1,5 million de Canadiens sont d'origine indienne. Si nous arrivons à rendre les possibilités commerciales concrètes aux yeux des gens, nous pourrons faire beaucoup de choses.

Vous avez mentionné le sud. Votre Honneur, j'ai presque terminé. Comme vous le savez, nous avons lancé un processus de consultation publique sur le Mercosur afin de déterminer si nous pouvons tenter de conclure un accord de libre-échange avec l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay. Il s'agit d'un marché très intéressant pour nous, car une classe moyenne importante s'y développe. Madame la présidente, nous allons continuer d'examiner toutes les possibilités. Le Canada représente environ 0,5 p. 100 de la population mondiale et environ 2,5 p. 100 du commerce mondial. Je dis constamment que le commerce est dans l'ADN des Canadiens.

[Français]

La diversification des marchés

L'honorable Paul J. Massicotte : Merci, monsieur le ministre, d'être parmi nous aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.

L'adoption au Sénat la semaine dernière du projet de loi C-30 portant sur l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne est une heureuse nouvelle, comme vous l'avez mentionné. Il est particulièrement prisé en ces temps d'incertitude pour le libre-échange. Comme on le sait, la nouvelle politique protectionniste des États-Unis a pour effet de remettre en question l'Accord de libre-échange nord-américain et les relations commerciales de ce pays avec le nôtre. De plus, le retrait des États-Unis du Partenariat transpacifique compromet énormément l'avenir de cet accord. Est-il besoin de rappeler à quel point notre économie est dépendante de celle des États-Unis, notre premier partenaire commercial, alors que la valeur de nos exportations vers les États-Unis représente 32 p. 100 de notre PIB? C'est énorme.

Dans ce contexte, il est évident que le Canada doit diversifier ses partenaires commerciaux. Nous sommes maintenant en position de tirer profit du succès du traité de libre-échange conclu avec l'Union européenne. Il y a un élan favorable dont il faut profiter. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser passer les occasions que représente un marché de 460 millions de consommateurs constitué des 10 autres pays qui sont parties au Partenariat transpacifique, sans les États-Unis.

Monsieur le ministre, pour être plus précis, vous partez au Vietnam dans quelques jours et vous allez justement rencontrer les ministres du Commerce international des pays membres de cet accord. Je me demande quels sont les objectifs précis que s'est fixés le Canada afin de répondre aux défis qu'entraîne la mise en péril du Partenariat transpacifique. Comptez-vous tenter de sauver l'accord en amorçant une discussion multilatérale avec les autres pays membres, ou envisagez-vous plutôt de négocier des traités bilatéraux avec eux, notamment avec le Japon qui, vous le savez sans doute, est l'un des pays qui pourraient offrir le plus de possibilités au Canada?

L'honorable François-Philippe Champagne, C.P., député, ministre du Commerce international : Merci, honorable sénateur. Vous l'avez dit, le mot clé, pour les Canadiens et les Canadiennes, est la diversification de nos marchés. On le voit, par exemple, dans le domaine du bois d'œuvre. J'ai récemment mené une mission commerciale en Chine pour discuter de la diversification des marchés de certains produits. Dans le dossier du bois d'œuvre, il s'agit d'un enjeu qui nous touche particulièrement aujourd'hui, partout au pays. J'aurai également l'occasion de soulever la question du bois d'œuvre, car, après le Vietnam, je me rendrai au Japon, en Corée et à Singapour, pour ensuite aller rejoindre le premier ministre en Italie. Si je m'arrête au Japon, c'est aussi pour parler de la diversification des marchés, car le Japon, après les États-Unis et la Chine, est le troisième marché d'exportation principal pour l'industrie du bois d'œuvre.

Je suis d'accord avec l'honorable sénateur lorsqu'il parle du potentiel de l'AECG. L'accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe, pour moi, a le potentiel de changer la donne. C'est pour cela que nous avons élaboré un plan qui nous permettra d'inclure les gens qui ont été moins représentés dans le commerce. Je pense, par exemple, aux femmes dans le domaine de l'entrepreneuriat et aux jeunes. Nous avons aussi organisé des tables rondes avec des représentants des Premières Nations. Ce qui a motivé ces activités, c'est que le premier ministre m'a demandé une chose très simple : « Make trade real for people ».

Dans ce contexte-là, nous mènerons une campagne nationale justement pour expliquer les avantages de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe. Je suis persuadé qu'il s'agit d'un levier exceptionnel pour nos petites et moyennes entreprises, qu'elles soient situées dans l'Est du Canada, dans la province de Québec, en Ontario ou en Colombie-Britannique.

Notre objectif est de nous doter d'un accord solide du côté de l'Atlantique. J'expliquais, dans une réponse précédente, que nous cherchions aussi à avoir une mission et une position de libre-échange sur les marchés de l'Amérique du Sud. Certainement, comme l'honorable sénateur le disait, nous continuons à déployer des efforts du côté de l'Asie-Pacifique.

J'ai mentionné plus tôt la Chine et l'Inde, mais nous avons aussi des pourparlers avec le Japon pour relancer potentiellement un accord bilatéral avec ce pays. Je suis heureux de rappeler à cette Chambre à quel point notre relation avec le Japon est importante. J'étais justement en compagnie de l'ambassadeur japonais vendredi soir pour discuter des enjeux entre le Canada et le Japon. Ce que j'aimerais dire en cette Chambre aux Canadiens et aux Canadiennes, c'est que nous avons un plan complet, un plan progressiste pour le commerce qui inclut l'Asie-Pacifique, l'Europe, l'Amérique du Sud et l'Amérique du Nord.

(1550)

L'innovation et la modernisation

L'honorable Raymonde Saint-Germain : Je joins ma voix à celle de mes collègues qui ont souligné votre disponibilité à l'égard du Sénat et des sénateurs. Je l'ai constatée notamment au sein du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, où votre apport a été très constructif.

J'aimerais aborder les enjeux contemporains en matière de commerce international, qui nous amènent à examiner des façons de faire et des risques qui sont différents de l'exportation traditionnelle des produits et services que l'on connaît.

Dans votre lettre de mandat, le premier ministre vous demande notamment d'assurer l'harmonisation entre les stratégies d'exportation et d'innovation du Canada. Au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, nous avons entendu plusieurs témoins et nous examinons tous les enjeux liés à l'intelligence artificielle et aux véhicules autonomes, et les questions qui peuvent en découler. Précisément, il y a des enjeux en ce qui concerne le travail à faire en amont. On ne voit plus les marchés dans les mêmes termes. Au Canada, que ce soit au Québec, en Ontario ou en Alberta, il y a énormément de travail qui est fait en matière de développement de logiciels, d'expertises et de façons de faire. Ma question est la suivante : où en est le ministère dans sa collaboration avec le ministre responsable, de l'Innovation? Quels sont les enjeux en matière de protection de la propriété intellectuelle et commerciale? Vos programmes d'innovation et d'exportation seront-ils modernisés et actualisés en conséquence?

L'honorable François-Philippe Champagne, C.P., député, ministre du Commerce international : Merci, madame la sénatrice, de cette importante question. Effectivement, l'une des parties importantes de mon mandat est de favoriser l'investissement direct étranger. C'est l'une des grandes missions qui m'ont été confiées dans la lettre de mandat que m'a donnée le premier ministre. Souvent, on m'appelle le chef du marketing du Canada. C'est un travail qui me passionne énormément, et je crois qu'il y a pour nous une occasion à saisir aujourd'hui. Le Canada se distingue dans le monde, et la sénatrice a fait allusion à quelque chose qui est fort intéressant, parce que, traditionnellement, on a pensé à des produits et services et que, maintenant, on se dirige plutôt vers des solutions.

Laissez-moi vous raconter une anecdote qui va dans le sens de la question de la sénatrice. Quand je suis allé en Chine dans le cadre du dossier du bois d'œuvre canadien, la réaction de mes homologues chinois a été la suivante : « Nous sommes passés de la vente de bois d'œuvre à des solutions environnementales pour le milieu de la construction. » Lorsque je suis parti, j'avais potentiellement du bois d'oeuvre dans ma valise. En arrivant là-bas, on a élargi le discours en parlant de solutions. Nos homologues chinois nous ont dit qu'ils comptaient sur une solution environnementale, parce qu'ils ne peuvent plus construire de la même façon et qu'ils doivent favoriser un environnement de construction plus vert. Cela démontre à quel point on doit ajuster la façon de faire traditionnelle. Dans l'exemple de la Chine, nous avons entamé la discussion avec le bois d'œuvre et nous l'avons conclue avec une solution environnementale qui servait l'intérêt des consommateurs chinois et qui nous permettait d'unir nos efforts pour trouver une solution globale à l'échelle de la planète.

Je suis très au courant de ce phénomène parce que, de plus en plus, on passe des produits aux services et à la solution. Il y a toutes sortes de questions qui y sont liées qu'il faut protéger. C'est pourquoi certains accords commerciaux, notamment en ce qui concerne le commerce en ligne, devront être mis à jour. D'ailleurs, l'Organisation mondiale du commerce se penche sur la modernisation de certains de nos accords pour qu'ils reflètent la réalité d'aujourd'hui. Le commerce se fait différemment, et nous devons moderniser certains de nos accords.

Je suis heureux de constater que le Canada joue un rôle clé dans ce débat. En ce qui a trait au commerce progressiste, nous veillerons toujours à ce que le Canada soit au centre des discussions pour faire évoluer de façon progressiste ces accords qui tiennent compte des réalités du commerce d'aujourd'hui.

[Traduction]

La nouvelle route de la soie de la Chine—Le Partenariat transpacifique

L'honorable Pamela Wallin : Merci, monsieur le ministre, d'être parmi nous. Nous allons poursuivre sur le même sujet, mais en élargissant peut-être un peu la perspective pour connaître davantage votre point de vue sur notre situation actuelle.

La semaine dernière, à Pékin, le président de la Chine était l'hôte du forum sur les infrastructures qui se déroulait sous le thème « Une ceinture, une route ». Il s'agit d'un projet de plusieurs billions de dollars qui, selon moi, semble être destiné à modifier la donne commerciale dans le monde par la création d'un réseau de ports, de routes et de chemins de fer reliant l'Asie à l'Europe et traversant peut-être des pays comme le Pakistan. Ce serait, dit-on, un changement décisif.

Quelles sont donc les incidences de la nouvelle route de la soie pour nous? Allez-vous adopter une nouvelle orientation dans vos discussions avec la Chine?

Je voudrais revenir au point soulevé tout à l'heure, soit les conséquences du projet de la Chine pour le Partenariat transpacifique. Compte tenu du retrait des États-Unis, pensez-vous que la Chine voudra prendre la relève et relancer ce partenariat? Serait-ce une idée contre-productive ou prometteuse?

L'honorable François-Philippe Champagne, C.P., député, ministre du Commerce international : Merci, madame la sénatrice. Manifestement, les projets sont nombreux dans la région Asie-Pacifique, et il est normal que ce soit le cas, Votre Honneur.

Je suis heureux, madame la sénatrice, que ma secrétaire parlementaire ait pu assister à la réunion qui vient d'avoir lieu en Chine. Évidemment, nous voulons voir ce qui se passe dans ces discussions. Les projets sont nombreux dans la région Asie-Pacifique. Nous suivons l'avancement de tous les projets parce que nous avons l'obligation envers les travailleurs et les familles du Canada de nous positionner pour profiter de ces marchés très importants et en pleine croissance.

Je me dis parfois, madame la sénatrice, que ceux qui ont eu l'idée de conclure l'Accord économique et commercial global, il y a une dizaine d'années, étaient visionnaires. Imaginez-vous que des gens y ont pensé il y a plus de 10 ans, et j'ai souvent dit que cet accord arrivait à point nommé. Personne n'aurait pu prévoir que nous serions inclus dans l'espace économique où nous nous trouvons aujourd'hui et que cette diversification des marchés aurait une telle importance.

Nous donnons effectivement suite aux initiatives dans la région de l'Asie-Pacifique. Il y a également le Partenariat économique intégral régional. Je suis heureux de vous dire que, en ce qui concerne l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, comme le savent les honorables sénateurs, nous avons demandé qu'une étude de faisabilité soit entreprise. J'incite mes homologues à avancer dans ce sens. Nous continuerons d'examiner toutes les possibilités qui touchent la région de l'Asie-Pacifique.

J'en arrive à la question de la sénatrice sur la réunion qui aura lieu au Vietnam prochainement. Je tiens à dire que nous avons demandé à nos représentants à Toronto d'examiner une série d'options. Les sénateurs comprendront que ce ne sont pas forcément tous les pays qui souscrivent aux différentes solutions. Nous avons demandé à nos représentants de les étudier et de les présenter à la réunion. Ce sera ensuite au tour de toutes les délégations d'en prendre connaissance et de les étudier.

L'important, c'est l'objectif que nous nous étions donné au Chili, c'est-à-dire que nous poursuivions la discussion dans cette partie du monde sur un commerce ouvert, fondé sur des principes et progressiste. Il s'agit d'un bloc commercial tellement important qu'il faut que nous veillions à ce que le Canada soit présent pour toute discussion. Je le répète, c'est pour cette raison que ma secrétaire parlementaire était en Chine et que je serai au Vietnam, au Japon, en Corée et à Singapour dans les prochains jours. Nous voulons être sûrs d'examiner toutes les options.

[Français]

Investir au Canada

L'honorable Claude Carignan : Ma question s'adresse au ministre. Je suis ravi de voir des gens de la circonscription de Champlain dans cette Chambre. Je tiens à vous féliciter de votre nomination à titre de ministre.

En avril dernier, votre gouvernement a déposé un projet de loi omnibus portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars dernier, soit le projet de loi C-44. Je rappelle que le Parti libéral s'était pourtant engagé, lors des dernières élections, à ne pas déposer de projet de loi omnibus.

Ma question concerne la section 20 de la partie 4 de ce projet de loi, qui vise à créer l'organisme Investir au Canada. Quel budget le gouvernement entend-il attribuer à cet organisme? Pourquoi le budget n'est-il pas assujetti aux règles du Conseil du Trésor, particulièrement en ce qui concerne les frais liés aux déplacements, à l'accueil et aux événements? Il me semble que cela ouvre la porte à une mauvaise gestion des deniers publics. J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet, monsieur le ministre.

(1600)

L'honorable François-Philippe Champagne, C.P., député, ministre du Commerce international : Merci, sénateur. Je suis également ravi de vous voir. Je sais que vous avez de la famille dans mon comté de Saint-Maurice—Champlain. Vous vous souvenez sûrement d'une autre personne de Shawinigan qui a eu un passé politique important sur la Colline. C'est avec grand plaisir que je me trouve dans la même Chambre que vous aujourd'hui.

Pour répondre à votre question sur l'agence Investir au Canada, son objectif est d'attirer les investissements étrangers au Canada et d'offrir un service de conciergerie. La compétition est féroce pour attirer les investissements étrangers. Nous voulons nous assurer de bien coordonner les actions de tous les acteurs dans le domaine, que ce soit à l'échelle provinciale, municipale ou fédérale, et d'offrir un service après-vente pour que nos investisseurs obtiennent les services dont ils ont besoin. Cet outil nous sera fort utile pour coordonner toutes nos actions.

Nous avons plus de 1 000 délégués commerciaux à travers le monde qui s'affairent à attirer ces investissements chez nous. À l'heure actuelle, nous tentons de recruter le PDG de cet organisme. Nous voulons tenir compte de la flexibilité que nécessite un tel organisme afin d'attirer les meilleurs candidats à ce poste. C'est un poste essentiel, même critique, pour l'avenir économique de notre pays.

Nous voulons nous assurer que cette agence fonctionne bien et qu'elle figure parmi les meilleures au monde. Nous prenons tous les moyens pour recruter les meilleurs talents afin d'avoir en place une structure permettant d'attirer des investissements. Nous travaillerons de concert avec cette agence pour attirer le plus grand nombre d'investissements au pays.

[Traduction]

Les répercussions nationales des investissements à l'étranger

L'honorable Daniel Lang : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue. J'ai une question qui touche le Canada d'un peu plus près, et nous pourrions peut-être avoir une brève discussion sur la façon dont le gouvernement fédéral établit ses priorités et comment dépenser l'argent des contribuables canadiens.

Dans le budget précédent, le gouvernement a clairement indiqué qu'il reportait à 20 ans une somme de 8,4 milliards de dollars qui était affectée aux forces armées. Cette somme comprenait l'argent réservé aux véhicules blindés légers, au parc de véhicules blindés légers III, comme vous le savez sans doute, et à d'autres pièces d'équipement dont les forces armées ont grandement besoin.

En réponse à cette décision, David Perry, de l'Association de la défense du Canada, a dit qu'il était abasourdi de voir que le budget retirait de l'argent des forces armées et prétendait le leur redonner dans plusieurs décennies.

De plus, lors des audiences du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, nous avons appris que les Forces armées canadiennes sont à court d'environ 2 milliards de dollars par année. Quand je dis « 2 milliards de dollars par année », je parle de l'argent qui est requis quotidiennement pour simplement appuyer les opérations, les formations et les pièces d'équipement actuelles.

Chers collègues, je soulève ce point parce que j'ai lu dans un communiqué de presse que le gouvernement du Canada prévoit acheter pour 256 millions de dollars d'actions dans une banque chinoise. Ma question est la suivante : comment le gouvernement peut-il justifier de dépenser 256 millions de dollars pour acheter des actions dans une banque chinoise plutôt que de se concentrer sur la véritable priorité, c'est-à-dire d'investir dans les forces armées de sorte qu'elles puissent accomplir ses activités quotidiennes? Comment pouvez-vous dire au public canadien que vous dépensez une telle somme à l'étranger au lieu de remplir vos obligations quotidiennes à l'égard des forces armées?

L'honorable François-Philippe Champagne, C.P., député, ministre du Commerce international : J'aimerais remercier l'honorable sénateur de me donner l'occasion de parler des hommes et des femmes remarquables qui servent dans nos forces armées. Comme l'honorable sénateur le voulait, parlons de ce qui se passe plus près de chez nous. Ma circonscription et ma région ont été touchées par les inondations. J'ai donc eu l'occasion de côtoyer nos militaires pendant trois jours lorsqu'ils y ont été déployés. Aucun des militaires qui étaient là ou avec lesquels j'ai eu l'occasion de passer du temps n'a fait le même genre d'observations que le sénateur.

J'aimerais souligner que c'est moi qui ai fait l'annonce des véhicules blindés légers III à Valcartier au moment de leur mise en service. J'étais avec nos militaires le jour où ils ont eu leur premier véhicule à Valcartier, au Québec, lorsque j'ai fait l'annonce au nom du ministre de la Défense. Je suis bien au fait des besoins de nos forces armées, des problèmes liés au système d'approvisionnement militaire et de l'examen de la politique de défense entrepris par le ministre de la Défense.

En ce qui concerne notre participation à des organisations multilatérales, il s'agit de faire en sorte que le Canada soit présent là où cela compte. Le Canada est de retour sur la scène internationale et cela profite aux Canadiens. Peu importe l'endroit dans le monde, nous allons jouer un rôle lorsqu'il convient de le faire dans l'intérêt des Canadiens.

Les accords commerciaux—La mise en oeuvre

L'honorable Art Eggleton : Toutes mes félicitations pour votre nomination, monsieur le ministre. C'est une fonction que j'ai eu le plaisir d'occuper en 1996-1997, quoique ce ne fut pas toujours un plaisir quand il s'agissait de traiter de sujets comme celui du bois d'œuvre à l'époque.

Une des choses que j'ai apprises est que les accords commerciaux sont d'excellents instruments. Vous en avez un très bel exemple avec l'accord Canada-Union européenne, mais ces accords ne se mettent pas en œuvre tout seuls. Ils ne peuvent être mis en œuvre, créer des emplois et favoriser l'expansion économique que si les entreprises participent en vendant leurs produits ou services à l'étranger. Les entreprises canadiennes ont parfois besoin de beaucoup d'encouragement pour aller à l'étranger. Il est nettement plus facile d'aller simplement au sud. Qui plus est, au fil des ans, pour tous les ministres, la diversification des échanges a toujours représenté un autre défi.

Du côté des gens d'affaires européens, un grand nombre d'entre eux n'ont pas peur de foncer. Il y a donc un risque que beaucoup plus de produits et services soient exportés vers le Canada que dans le sens contraire. La balance commerciale serait alors touchée.

Il vous faut des mesures pour convaincre les gens de participer à la mise en œuvre de l'accord commercial afin de créer des emplois et de stimuler la croissance. Vous devez offrir les services de soutien nécessaires. Que comptez-vous faire différemment pour favoriser la diversification dont vous parliez plus tôt?

L'honorable François-Philippe Champagne, C.P., député, ministre du Commerce international : J'ai le plus grand respect pour mes prédécesseurs. Je serai évidemment à l'écoute de tout conseil donné par l'honorable sénateur. Il sera probablement d'accord avec moi : c'est l'un des postes les plus stimulants au sein d'un gouvernement.

L'honorable sénateur a parlé de la diversification, et nous savons tous qu'elle représente un défi aujourd'hui, mais aussi depuis des dizaines d'années au Canada. Comme je l'ai dit au début, je crois que le défi que je dois relever est de rendre les possibilités commerciales concrètes aux yeux des gens.

À titre d'avocat, je sais que les accords commerciaux sont bons parce qu'ils réduisent les obstacles et les tarifs. Par exemple, nous avons annoncé que l'Accord économique et commercial global éliminera 9 000 lignes tarifaires et devrait ouvrir des débouchés. J'utiliserai l'exemple du homard aujourd'hui. Les pêcheurs canadiens qui exportent leur homard vers l'Union européenne font face aujourd'hui à un droit de douane de 25 p. 100 à son arrivée de l'autre côté de l'Atlantique. Le jour de l'entrée en vigueur provisoire, les tarifs seront complètement annulés. Voilà un exemple d'un secteur où nous devons travailler avec les gens de partout au pays afin d'introduire un programme de mise en œuvre et de promotion. Je dirais à notre ancien collègue que la première occasion à ne pas rater est une collaboration avec les PME. Cette tâche ne revient pas qu'au ministre. Tout le Canada doit y participer. Il existe une PME dans chacune de nos régions, de nos circonscriptions, qui pourrait profiter de l'accord commercial négocié avec l'Europe.

De toute évidence, il faut veiller à accorder une attention particulière aux femmes entrepreneures et à leur donner des débouchés. La même chose vaut pour les Autochtones et les jeunes. J'ai tenu des tables rondes dans diverses villes pour m'assurer que les gens constatent l'avantage, mais, surtout, en profitent. Voir l'avantage, c'est une chose, mais en profiter est probablement une chose sur laquelle nous allons insister.

(1610)

Comme je l'ai dit, il ne s'agit pas la responsabilité d'un seul ministre, mais j'essaierai de mobiliser le plus de Canadiens possible. J'espère que le Sénat, par l'entremise du Comité du commerce, tâchera lui aussi de susciter l'intérêt des gens. Après tout, il y a une PME, une entrepreneure, un jeune et sans doute un Autochtone de votre circonscription ou de votre région qui pourrait tirer profit de cet accord commercial. Je dirais même que cet accord bénéficiera à plusieurs milliers de Canadiens. Nous devons simplement nous assurer qu'ils peuvent profiter de l'occasion qui se présente à eux.

Permettez-moi de vous donner un exemple pour illustrer cela. Lors de mon récent voyage en Chine, j'ai eu le privilège de rencontrer Jack Ma. Nous avons discuté des plateformes de commerce électronique. Cela a été une discussion fascinante, car ces plateformes suppriment de nombreuses barrières. Si vous êtes un petit producteur de miel de Shawinigan qui souhaite vendre ses produits en Chine tout en restant local, ces plateformes de commerce électronique offrent un moyen d'accéder à une partie de ce marché.

J'ai récemment rencontré le PDG d'eBay et nous examinons diverses plateformes du genre afin de faciliter le plus possible le commerce. Comme l'honorable sénateur l'a fait remarquer, il existe d'énormes possibilités. Comme je l'ai mentionné plus tôt, le Canada bénéficiera d'un accès préférentiel à plus de 1,1 milliard de consommateurs. Il s'agit là d'une chose qui se fait remarquer partout dans le monde. Notre programme commercial progressif, qui est respectueux de l'environnement, des droits des travailleurs et de la diversité culturelle, est applaudi dans le monde entier.

L'Accord économique et commercial global est devenu la norme de référence. C'est l'accord qui prépare le terrain partout dans le monde.

Investir au Canada

L'honorable Pierrette Ringuette : Ma question sera brève et j'irai droit au but. Tout d'abord, nous disposons d'un bon projet de plateforme électronique pour tout le Canada atlantique, et je serais heureuse de vous rencontrer pour en discuter, comme je l'avais fait avec votre prédécesseure.

[Français]

Nous vivons une situation précaire dans la région de l'Atlantique à cause du vieillissement de notre population et de l'exode de nos jeunes vers les grands centres où ils se trouvent du travail. Vous comprendrez donc que je me réjouis beaucoup de la création possible du projet corporatif Investir au Canada. C'est une excellente idée.

Monsieur le ministre, je ne suis pas en train de demander une faveur en particulier pour l'Atlantique, puisqu'il s'agit d'une agence clé qui attirera des investissements et qui créera de l'emploi en Atlantique également. J'aimerais plutôt savoir si le conseil d'administration de cette agence tiendra compte de l'équité en matière de représentation régionale. Pourrons-nous compter au moins deux représentants de l'Atlantique au sein de ce conseil d'administration?

L'honorable François-Philippe Champagne, C.P., député, ministre du Commerce international : Monsieur le Président, je vais essayer d'être aussi bref que l'honorable sénatrice. Il s'agit de l'agence Investir au Canada. La sénatrice saura reconnaître en ce gouvernement un gouvernement qui met l'accent sur la diversité.

L'agence Investir au Canada nous permettra d'attirer un volume important d'investissements au Canada. Nous avons tenu des consultations avec des gens de différentes municipalités et de différentes provinces. Je crois que c'est en collaborant de cette façon que nous allons attirer le plus grand volume d'investissements possible. Les avantages de ces investissements seront répercutés d'une province ou d'une ville à l'autre.

Ainsi, ce que je peux dire à cette honorable Chambre, c'est que, évidemment, aux yeux de notre gouvernement, la diversité est l'une des forces de notre pays, tout comme l'inclusion.

[Traduction]

À l'heure où il y a beaucoup d'instabilité et d'incertitude dans le monde, le Canada est un symbole de stabilité et de prévisibilité et il se démarque par ses systèmes fondés sur des règles. L'idée que le pays possède une société inclusive à laquelle la diversité tient à cœur fait du chemin, et pas seulement au Canada. Je vous laisse sur cette réflexion : partout où je vais dans le monde, c'est ce qui distingue le Canada, aujourd'hui. Le Canada du XXIe siècle est un pays respecté pour les valeurs qu'il défend, non seulement en politique étrangère, mais aussi par sa politique commerciale. Il faut profiter de cette occasion, et nous serons ambitieux dans nos entreprises, nous mettrons de l'avant des relations commerciales progressistes et nous en ferons profiter les travailleurs canadiens d'un océan à l'autre.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée. Je suis certain que tous les sénateurs se joindront à moi pour remercier le ministre Champagne d'être venu au Sénat aujourd'hui.

Merci, monsieur le ministre.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi interdisant l'importation de nageoires de requin

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur MacDonald, appuyée par l'honorable sénateur Tkachuk, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-238, Loi modifiant la Loi sur les pêches et la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (importation de nageoires de requin).

L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, le projet de loi S-238 reçoit de plus en plus d'appui. Depuis que je l'ai présenté au Sénat, un très grand nombre de personnes et d'organismes ont exprimé leur appui à l'égard de la mesure législative. Des organismes comme Oceana Canada, la Humane Society International et WildAid — pour ne nommer que ceux-là — ont tous exprimé leur appui. Je n'ai pas encore entendu une seule personne ni un seul organisme s'opposer au projet de loi S-238.

De plus, à la fin d'avril, le conseil municipal de la ville de Toronto a adopté une motion présentée par les conseillers Kristyn Wong-Tam et Glenn De Baeremaeker visant à appuyer le projet de loi S-238. Je suis très heureux d'avoir l'appui de la plus grande ville du Canada et j'invite les autres municipalités à se joindre à nous.

Ce n'est pas tout, chers collègues. Une pétition a été lancée sur le site Change.org. Elle demande au Parlement d'appuyer le projet de loi S-238 et d'interdire l'importation de nageoires de requin au Canada. En peu de temps, près de 15 000 personnes ont signé la pétition et ce nombre augmente rapidement.

Aux fins du compte rendu, voici un extrait de la pétition :

Nous soussignés, résidants du Canada, attirons l'attention de la Chambre des communes sur ce qui suit :

ATTENDU QUE, chaque année, jusqu'à 73 millions de requins sont abattus principalement pour leurs nageoires, ce qui met en danger la survie des requins océaniques; que les nageoires sont principalement utilisées dans la production de soupe d'ailerons, un mets désormais interdit dans les banquets d'État en Chine en raison du désastre écologique qu'entraîne ce commerce destructeur; que l'enlèvement des nageoires de requin est une pratique inhumaine représentant un réel gaspillage consistant à couper en mer les nageoires d'un requin vivant et à y jeter le reste du requin qui se noie ou meurt au bout de son sang; que des États comme l'État de la Californie et l'État de Washington ont proposé l'interdiction du commerce et de la consommation des nageoires de requin.

PAR CONSÉQUENT, nous demandons au Parlement d'appuyer le projet de loi S-238, Loi interdisant l'importation de nageoires de requin, afin que le Canada prenne sa place de leader parmi les pays déterminés à sauver les requins de la planète et à protéger les océans et les écosystèmes pour les générations à venir.

La pétition reconnaît également le travail important accompli par Rob Stewart pour attirer l'attention sur la dévastation causée par l'industrie des nageoires de requin. La pétition se termine par la phrase suivante : « Aidez-nous à poursuivre son œuvre. » Assurément. Je le répète, c'est un honneur d'avoir l'appui de la famille Stewart.

Honorables sénateurs, c'est maintenant à nous de porter le flambeau. Nous avons la responsabilité d'agir et je crois que les Canadiens s'attendent à ce que nous le fassions. Un sondage réalisé en 2013 par Environics Research Group a révélé que 81 p. 100 des Canadiens appuient l'interdiction de l'importation de nageoires de requin au Canada. C'était il y a quatre ans. Je pense que ce pourcentage serait encore plus élevé aujourd'hui. Il semble clair que la majorité des Canadiens trouvent que l'enlèvement des nageoires de requin est une pratique cruelle représentant un gaspillage inacceptable.

En interdisant l'importation des nageoires de requin, le projet de loi assurerait au Canada un rôle international de premier plan puisqu'il n'appuierait pas cette pratique destructive.

Il faut dire cependant que des tendances prometteuses visant à mettre fin à la vente et au commerce des nageoires se sont manifestées dans de nombreuses administrations ces dernières années. Les États de la Californie, de Hawaï, de l'Oregon et de Washington ont déjà adopté des lois à cet effet. Plusieurs autres États des États-Unis examinent des projets de loi. Une mesure proposant l'interdiction de la vente et du commerce des nageoires à l'échelle fédérale est également soumise au Congrès américain.

Bien que le Canada ne soit pas le premier pays à interdire l'importation des nageoires de requin, il serait parmi les premiers à le faire.

Je voudrais également faire remarquer, chers collègues, que même si l'Asie de l'Est est le centre névralgique du commerce des nageoires de requin, d'importants progrès ont été enregistrés récemment au chapitre de la sensibilisation aux effets écologiques de la soupe aux ailerons de requin. En fait, beaucoup de collectivités et d'organisations asiatiques se sont énergiquement élevées contre cette pratique dans les dernières années. Par exemple, le gouvernement chinois a interdit de servir cette soupe aux dîners officiels et, plus tôt cette année, Air China a annoncé qu'elle ne transporterait plus de cargaisons de nageoires. C'est la première compagnie aérienne de la Chine continentale qui prend cette initiative. Elle se joint ainsi à au moins 35 autres transporteurs aériens et à 17 sociétés mondiales de transport maritime par conteneurs qui ont pris la même décision.

Toutefois, malgré les promesses de plusieurs administrations et organisations du monde, l'enlèvement des nageoires de requin continue à faire disparaître des dizaines de millions de squales chaque année.

Comme Canadiens, nous devons faire notre part. Nous sommes les plus importants importateurs de nageoires de requins à l'extérieur de l'Asie de l'Est. Le projet de loi S-238 nous offre l'occasion de transmettre un message énergique à la communauté mondiale disant que la situation actuelle du commerce des nageoires de requin est inacceptable.

(1620)

Une interdiction totale des importations est nécessaire, car, à défaut d'une réglementation et d'une surveillance cohérentes partout dans le monde, il serait quasiment impossible de déterminer si les ailerons importés au Canada viennent de requins pêchés entiers et non d'une amputation suivie par le rejet en mer du reste de l'animal. Autrement dit, il est impossible de déterminer si les ailerons admis au Canada découlent d'un prélèvement sur un requin vivant.

De plus, il n'y a aucun moyen fiable d'identifier l'espèce d'origine des ailerons importés pour s'assurer qu'ils ne viennent pas d'espèces vulnérables ou protégées.

Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que nos services frontaliers contrôlent les ailerons importés pour s'assurer qu'ils n'ont pas été prélevés sur un requin vivant. Cela ne serait vraiment pas réaliste. C'est pour cette raison que je propose d'interdire toutes les importations d'ailerons de requin. Le projet de loi constitue le seul moyen de montrer que le Canada n'appuie pas l'enlèvement des nageoires de requin.

Je crois qu'il est irresponsable et inacceptable que le Canada interdise la pratique de l'enlèvement des nageoires tout en autorisant l'importation d'ailerons probablement prélevés sur des requins vivants.

Je crois aussi qu'il est bon pour le Sénat de prendre l'initiative de légiférer à ce sujet. Je suis sûr, honorables collègues, que vous examinerez très soigneusement cette question ainsi que l'aspect éthique de la position que prendrait le Canada en adoptant le projet de loi.

Je note, pour les fins du compte rendu, que, d'après les estimations scientifiques, plus de 2 500 requins ont probablement été tués pour être dépouillés de leurs ailerons depuis que j'ai commencé mon discours.

Honorons donc la mémoire de Rob Stewart en prenant la bonne décision : mettons fin à l'importation au Canada des ailerons de requin.

J'exhorte les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi S-238. Je vous remercie de votre temps et de votre attention.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

L'étude sur les questions relatives à l'Examen de la politique de défense entrepris par le gouvernement

Dixième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lang, appuyée par l'honorable sénateur Smith, tendant à l'adoption du dixième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Sous-financement des Forces armées canadiennes : passons de la parole aux actes, déposé auprès du greffier du Sénat le 13 avril 2017.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je crois que le sénateur Eggleton avait demandé l'ajournement à son nom. Ainsi, lorsque j'aurai terminé, je demanderai que le débat soit ajourné au nom du sénateur Eggleton.

Son Honneur le Président : Consentez-vous, honorables sénateurs, à ce que le débat soit ajourné au nom du sénateur Eggleton, après le discours de la sénatrice Jaffer?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du dixième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Sous-financement des Forces armées canadiennes : Passons de la parole aux actes.

Avant de commencer, j'aimerais remercier le président du comité, le sénateur Lang, pour son travail de direction dans le cadre de cette étude. Je souhaiterais aussi remercier les autres membres du comité, qui nous ont fourni leurs conseils et leurs commentaires lors de la rédaction du rapport.

Je souligne également le travail de Marcus Pistor, de Holly Porteous et de Katherine Simonds, de la Bibliothèque du Parlement, qui ont contribué aux efforts en nous fournissant l'information et les résultats de recherche nécessaires à la rédaction du rapport.

J'aimerais finalement remercier Adam Thompson, le greffier du comité, de nous avoir aidés et d'avoir travaillé très fort pour que le rapport soit publié à temps.

Le document Sous-financement des Forces armées canadiennes : Passons de la parole aux actes est la première partie d'un rapport en deux parties rédigé dans le cadre de l'étude du comité sur l'examen de la politique de défense. Il traite du contexte plus large des Forces armées canadiennes, en ciblant les principaux défis et priorités.

Pour relever ces défis, entre autres, notre rapport formule 16 recommandations, que le comité a adoptées après de longues discussions.

Comme vous le savez, sénateurs, c'est la nature de nos comités. Les recommandations qui découlent de chaque rapport sont le résultat de compromis entre les membres du comité.

Je crois que le sénateur Lang a fait un examen approfondi des recommandations du report, la semaine dernière. Je ne répéterai donc pas ce qu'il a dit. C'est pourquoi je vais plutôt parler des défis qu'affrontent les Forces armées canadiennes d'après le rapport.

Le plus grand de ces défis, c'est le sous-financement. La quasi-totalité des témoins ont convenu que le Canada tire de l'arrière au chapitre des dépenses affectées au soutien de nos troupes au cours des dernières décennies.

Comme ce sous-financement se poursuit, nos forces se désagrègent. Notre aviation n'a pas assez de pilotes et de techniciens pour fonctionner efficacement. Nos équipes de recherches et de sauvetage ne disposent pas de l'équipement nécessaire pour mener des opérations dans l'Arctique, où les températures tombent à -55 degrés Celsius. De plus, ces équipes attendent encore les nouveaux avions qu'on leur avait promis dans le cadre d'un programme d'approvisionnement il y a 14 ans.

Notre marine rétrécit à vue d'œil, perdant de ses capacités parce que nous ne prenons pas les mesures nécessaires. Par conséquent, le Canada n'est même plus en mesure de ravitailler ses navires en mer et doit dépendre pour cela d'autres pays, même dans ses propres eaux.

Enfin, nos forces de réserve se débattent dans presque tous les domaines, y compris le recrutement, l'équipement et l'entraînement. En fait, nos réservistes n'arrivent même pas à obtenir des évaluations médicales adéquates.

Notre comité aborde le sujet d'une façon plus détaillée dans la partie B du rapport intitulé Réinvestir dans les Forces armées canadiennes : Un plan pour l'avenir. Je ne m'attarderai pas là-dessus. Toutefois, je tiens à souligner que, tant que le sous-financement continuera, nous verrons de plus en plus de lacunes comme celles que j'ai mentionnées. Il y a lieu de noter que ce déclin n'est pas attribuable à un seul gouvernement. Il s'agit d'un processus qui s'est étendu sur plusieurs gouvernements successifs. Depuis 1990, les dépenses affectées à la défense n'ont pas cessé de baisser.

En 1990, nous avions consacré exactement 2 p. 100 de notre PIB à la défense. Ce pourcentage a régulièrement baissé avec les gouvernements successifs pour tomber, à un moment donné, à 0,88 p. 100. Je répète encore que ce n'est pas la faute d'un gouvernement ou d'un parti. C'est un problème qui s'aggrave depuis des décennies parce qu'on ne lui accorde pas suffisamment d'attention.

Indépendamment de la personne ou du gouvernement à blâmer, nous ne pouvons pas, honorables sénateurs, laisser continuer ce sous-financement des Forces armées canadiennes. Si les niveaux actuels de financement sont maintenus, la situation de notre appareil militaire continuera à se détériorer. D'après un rapport du directeur parlementaire du budget, si rien ne change, la structure des forces du ministère de la Défense nationale deviendra insoutenable dans les 10 prochaines années.

Honorables sénateurs, je voudrais vous parler de mon expérience personnelle pour mettre en évidence les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas laisser la situation se détériorer.

À titre d'envoyée du Canada au Soudan, j'ai travaillé avec l'équipe de l'Aviation royale canadienne déployée au Darfour. J'ai observé nos soldats pendant qu'ils fournissaient de l'aide et de l'équipement pour protéger la population locale. J'ai personnellement vu les effets de leur travail. Tous les jours, j'ai été témoin de leur dévouement et de leur courage pendant qu'ils protégeaient les gens contre la guerre civile et la menace de génocide. Les réfugiés à qui j'ai parlé au Darfour savaient qu'ils bénéficiaient d'une plus grande sécurité à cause de la présence de l'Aviation royale canadienne et des Canadiens venus les protéger.

Honorables sénateurs, je crois que nous devons fournir aux Forces armées canadiennes le financement et les outils dont elles ont besoin pour faire leur travail, qui consiste d'abord à veiller à notre sécurité et ensuite à mener les opérations qui leur sont confiées dans le monde. Des gens comme ceux que j'ai rencontrés au Darfour comptent sur nous partout dans le monde.

Cela dit, nous ne pouvons pas assumer ces tâches tout seuls. Presque tous les témoins qui ont comparu devant le comité ont dit que les Forces armées canadiennes doivent être capables de collaborer avec nos alliés pour avoir un maximum d'efficacité.

Chaque témoin qui a abordé le sujet a déclaré que l'interopérabilité des forces est nécessaire si nous voulons les utiliser à leur plein potentiel. Lorsque nous coopérons avec nos alliés, l'opération dans son ensemble est plus grande que la somme de ses éléments. J'ai pu le constater lors de mon séjour au Darfour. Nous n'étions pas seuls. Nous faisons partie des missions de l'Union africaine et des Nations Unies au Darfour. La coopération avec nos alliés a permis aux Forces armées canadiennes de concentrer leurs efforts sur ce qu'elles savent faire le mieux, c'est-à-dire les opérations aériennes.

(1630)

En collaborant avec nos alliés, nous avons été capables de travailler efficacement et de sauver beaucoup plus de vies que si nous avions travaillé seuls. De plus, puisque chaque pays et ses militaires pouvaient miser sur leurs points forts, l'ensemble des gens étaient plus en sécurité.

Malheureusement, maintenant, nous ne pouvons plus accomplir cela. Au cours de notre examen, de nombreux témoins ont déclaré que nous ne respectons pas nos engagements envers nos alliés, notamment envers l'OTAN et le NORAD.

Ainsi, pour affirmer ses engagements, le Canada devra apporter des changements importants simplement pour devenir interopérable avec ses alliés. Ce genre d'interopérabilité ne sera pas facile à atteindre. L'interopérabilité implique de disposer des équipements dont on a besoin pour jouer notre rôle dans les missions les plus ambitieuses. Ce sera exigeant et requerra des ressources considérables pour le Canada. Néanmoins, c'est également vital. Nos alliés à l'OTAN, aux Nations Unies et au NORAD comptent sur nous pour jouer notre rôle dans les missions les plus ambitieuses. Si nous les laissons tomber, nous serons beaucoup moins efficaces pour aider les autres et nous mettrons nos soldats en péril.

Cela dit, les défis des Forces armées canadiennes ne se limitent pas aux engagements à l'étranger. Au cours de notre étude, nous avons appris que la tâche de protéger le Canada a presque entièrement changé. Il existe nombre de nouveaux domaines que nous devons surveiller. L'Arctique, la défense antimissile balistique et le cyberespace ne sont que quelques exemples qui figurent dans notre rapport. Cependant, parmi ceux-ci, nos satellites et la cyberdéfense représentent nos plus grandes sources de vulnérabilité pour l'avenir.

Nous ne vivons plus dans un monde où il suffit de protéger le Canada contre les attaques armées. Quelques-unes des attaques les plus dévastatrices n'impliqueront même pas d'armes. À titre d'exemple, presque tous les aspects de notre vie dépendent des satellites. Les satellites que le Canada a envoyés dans l'espace sont nécessaires au bon fonctionnement des télécommunications, d'Internet, des systèmes de positionnement global, et des transactions bancaires, des systèmes de prévisions météorologiques, et de ceux de surveillance aérienne.

Nos cyberstructures sont tout aussi vulnérables, car elles sont présentes dans la quasi-totalité de nos sphères d'activité. Ce sont elles qui gèrent le réseau électrique de même que les systèmes de télécommunication, de défense et de renseignement du pays. En cas d'attaque, les dégâts pour le Canada seraient incalculables.

La semaine dernière, le monde entier a été frappé par une cyberattaque. Des hôpitaux ont été paralysés, des usines ont cessé leur production et plus de 200 000 personnes habitant dans 150 pays ont été touchées. Même la Saskatchewan a connu son lot de problèmes.

Le chaos qui suivrait la perte de nos satellites serait comparable à ce que nous avons vécu la semaine dernière. Par exemple, en 2011, un seul satellite Anik F2 est tombé en panne au-dessus du Nunavut parce qu'un logiciel a cessé de fonctionner. Parce qu'un seul satellite était hors d'usage, les télécommunications ont cessé dans l'ensemble du Nunavut et des milliers de personnes en ont subi les contrecoups. Des vols ont été annulés, les communications ont été interrompues et un grand nombre de gens sont restés coincés pendant tout le temps — une journée — qu'il a fallu pour que la situation revienne à la normale. Nous ne pouvons pas laisser une telle catastrophe se reproduire.

Sachant l'ampleur des dommages qui peuvent survenir lorsque les cybersystèmes et les systèmes spatiaux nous lâchent, le comité a été abasourdi d'apprendre que les satellites du Canada ne sont pas encore considérés comme des infrastructures essentielles. S'ils recevaient la désignation « infrastructures essentielles », les cybersystèmes et les systèmes spatiaux seraient visés par la Stratégie nationale sur les infrastructures essentielles et le Plan d'action sur les infrastructures essentielles.

Ils seraient aussi protégés par diverses approches fondées sur les risques qui sont fréquemment mises à jour. Dans la mesure où notre sécurité et notre bien-être économique dépendent de ces systèmes, je crois qu'ils sont trop importants pour qu'on ne les protège pas.

Avec tous les changements qui se produisent de nos jours, que ce soit ici ou ailleurs sur la planète, le processus décisionnel doit absolument avoir la capacité voulue pour s'adapter aux difficultés au fur et à mesure qu'elles surviennent. Il y a tellement de choses qui changent dans le milieu de la défense canadien que nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de laisser la politique de défense sans appuis. Pour que le processus décisionnel soit adaptable à souhaits, le comité est d'avis que l'examen dont la politique de défense fait actuellement l'objet devrait s'étendre aussi à la politique étrangère du pays. Toutes les stratégies et dépenses seraient alors remises en contexte, et il serait possible à la fois de les ajuster de façon à ce qu'elles servent nos intérêts et de doter les Forces armées canadiennes des outils dont elles ont besoin pour faire leur travail.

Cela dit, il ne suffit pas de tenir une telle étude une seule fois. Les conclusions qui sont pertinentes aujourd'hui pour nos militaires ne le seront peut-être plus dans cinq ans, surtout compte tenu des avancées technologiques. C'est pourquoi le comité a convenu qu'il faut organiser plus d'études de ce genre à l'avenir afin de tenir à jour nos politiques.

Honorables sénateurs, le rapport intitulé Sous-financement des Forces armées canadiennes : Passons de la parole aux actes porte sur plusieurs domaines afin de montrer à quel point la sécurité nationale et la défense ont changé au Canada. Nos forces armées font l'objet d'un sous-financement grave. Nous devons respecter les engagements que nous avons pris envers nos alliés, et la défense du Canada suppose qu'il faut protéger plus de domaines que jamais.

Si nous ne parvenons pas à nous adapter à ces nouvelles réalités, nos forces armées ne seront pas en mesure d'accomplir toutes les tâches que les Canadiens attendent d'elles. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'appuyer l'adoption de ce rapport. Nous devons agir maintenant. Nous avons le devoir envers les Forces armées canadiennes de leur accorder les ressources dont elles ont besoin pour connaître du succès. Nous avons le devoir envers les Canadiens, compte tenu de la confiance qu'ils accordent aux Forces armées canadiennes, de veiller à ce que celles-ci puissent les protéger et à ce qu'elles ne les abandonnent pas en raison d'un financement insuffisant.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que le débat soit ajourné au nom du sénateur Eggleton?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Eggleton, le débat est ajourné.)

Le travail législatif du Sénat

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Bellemare, attirant l'attention du Sénat sur le travail législatif qu'a accompli le Sénat de la 24e à la 41e législature et concernant des éléments d'évaluation.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, cet article en est à son 14e jour, et la sénatrice Andreychuk m'a demandé si, avec le consentement du Sénat, elle pourrait ajourner le débat pour le reste du temps de parole dont elle dispose.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

[Français]

Les travaux du Sénat

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 16-1(8) du Règlement, j'informe le Sénat qu'un message de la Couronne concernant la sanction royale est attendu plus tard aujourd'hui.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l'article 16-1(8) du Règlement prévoit que, après une telle annonce du leader ou du leader adjoint du gouvernement, toute motion visant à lever la séance est irrecevable, et sont en outre suspendues les dispositions du Règlement régissant l'heure fixée pour la clôture ou la suspension de la séance ainsi que toute décision antérieure relative à la levée de la séance jusqu'à ce que le leader ou le leader adjoint du gouvernement ait indiqué que le message prévu n'est plus attendu. Si le Sénat termine ses travaux avant la réception du message, la séance est suspendue jusqu'à la convocation du Président, la sonnerie se faisant entendre pendant cinq minutes avant la reprise des travaux.

Ces dispositions régissent donc les travaux aujourd'hui.

La proposition intitulée « Second examen objectif »

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Pamela Wallin, conformément au préavis donné le 3 mai 2017 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la proposition du sénateur Harder, intitulée « Second examen objectif », qui passe en revue le rendement du Sénat depuis la nomination des sénateurs indépendants et qui recommande la création d'un nouveau comité des travaux du Sénat.

— Honorables sénateurs, comme l'a dit George Bernard Shaw, « Le progrès est impossible sans changement et ceux qui ne peuvent changer d'avis ne peuvent rien changer. » Ou, comme l'ont récemment écrit nos anciens collègues, les sénateurs Hugh Segal et Michael Kirby : « La Chambre haute passe à un nouvel acte, et il est naturel que de nombreux acteurs aient du mal à apprendre leur nouveau rôle. »

(1640)

Le Sénat se transforme. Il y a encore des changements à venir étant donné que les sénateurs indépendants formeront bientôt le plus grand groupe. Nous devons trouver de nouvelles façons de gérer les affaires du Sénat afin de permettre les débats approfondis et la prise de décisions. Toutefois, il y a deux choses qui ne changeront pas. D'abord notre rôle en qualité de Chambre de second examen, puis notre responsabilité d'étudier, de débattre, de modifier, d'adopter ou de rejeter le programme législatif du gouvernement élu.

Je propose donc de tenir un débat sur la réforme proposée par le représentant du gouvernement, car il faut que nous délibérions, que nous débattions et que nous prenions des décisions quant à tout cela plus tôt que tard.

Dans sa proposition intitulée « Second examen objectif », le sénateur Harder soulève des préoccupations concernant le lent progrès de projets de loi importants du gouvernement et le sens de l'expression « second examen objectif » dans le nouveau Sénat. Doit-elle avoir le même sens qu'il y a 150 ans, au moment de la création du Sénat?

Je répondrais par l'affirmative. Sans m'étaler trop longuement sur l'histoire du Canada, j'aimerais souligner que les Pères de la Confédération — malheureusement, aucune femme ne faisait partie de ce groupe — ont étudié de façon exhaustive le rôle de la Chambre haute. Comme l'ont dit les historiens, 6 des 14 jours de la Conférence de Québec ont été consacrés à la discussion sur le rôle de la Chambre haute au sein de la Confédération. Au cours des décennies précédentes, les dirigeants politiques des colonies s'étaient battus pour établir un gouvernement responsable et garantir les droits et les pouvoirs de la Chambre des communes. Ils ont également reconnu la valeur du « second examen », de l'occasion d'étudier et de revoir les lois adoptées par la Chambre. C'est pour cela que le Sénat a été créé comme contrepoids à la Chambre élue. Comme l'a dit George Brown pendant les débats sur la Confédération :

On a voulu faire de la Chambre haute un corps parfaitement indépendant, un corps qui serait dans la meilleure position possible pour étudier sans passion les mesures de l'autre Chambre, et défendre les intérêts publics contre toute tentative de législation hâtive ou entachée d'esprit de parti.

Je veux simplement ajouter une chose. J'ai lu, pas plus tard que ce matin, un autre article du sénateur Segal, où il fait remarquer que plus de 92 p. 100 des Canadiens n'ont jamais été membres d'un parti — ce qui a suscité mon étonnement — et que le Sénat devrait les représenter aussi.

Un corps parfaitement indépendant — un concept à la mode ces jours-ci, n'est-ce pas? D'emblée, les Pères de la Confédération ont préféré un Sénat nommé, de sorte qu'il n'aurait pas la légitimité démocratique nécessaire pour bloquer le programme du gouvernement élu. Ce principe était aussi reconnu par notre ancêtre de Westminster, la Chambre des lords, qui, par convention, accepte d'adopter rapidement les projets de loi du gouvernement.

Nous avons hérité de ces droits et responsabilités. Cependant, en l'absence d'un caucus gouvernemental pour parrainer et gérer le programme législatif au Sénat, il faut concevoir une nouvelle approche, une façon de tenir un débat qui assurera un « second examen objectif » adéquat et rapide des projets de loi.

Le projet de loi C-14, le projet de loi du gouvernement sur le droit de mourir adopté l'an dernier constitue un précédent important et utile à cet égard. Planifier les travaux entourant ce projet de loi, débattre de celui-ci et y apporter des amendements ont permis — et ce, malgré la pression imposée par les délais fixés par la Cour suprême — de constater la valeur d'un débat ciblé au Sénat. Le Sénat a approuvé sept amendements au projet de loi du gouvernement, dont certains ont été adoptés par la Chambre élue. Les sénateurs Segal et Kirby ont écrit ceci à propos du projet de loi C-14 :

Encore une fois, le Sénat a joué son rôle traditionnel de contrepoids, tentant d'améliorer un projet de loi précipité et controversé avant d'accepter finalement sa situation de Chambre complémentaire de réflexion qui ne doit pas rivaliser avec la Chambre des communes.

Le sénateur Harder a proposé plusieurs possibilités pour la gestion du calendrier du Sénat, y compris la « fixation de délais », cet instrument brutal et un peu douteux qui sert actuellement à limiter le débat et à imposer la tenue d'un vote.

Dans certaines administrations étrangères, la Chambre haute est assujettie à des « limites de temps » au terme desquelles un projet de loi du gouvernement est « réputé adopté » s'il n'a pas fait l'objet d'un vote après un délai prescrit.

Même si le Sénat du Canada, contrairement à la Chambre des lords, dispose encore d'un droit théoriquement absolu de veto sur les projets de loi, nous voudrons sans doute, dans nos délibérations sur le nouveau Règlement d'un Sénat indépendant, envisager d'inscrire dans les lois un « veto suspensif » permettant de reporter, mais non de rejeter des projets de loi d'initiative ministérielle. Avec des garanties appropriées, cela permettrait un débat suffisant « de second examen objectif » tout en obligeant le Sénat à se prononcer sur les mesures législatives dans un laps de temps raisonnable.

Il y a ensuite la « gestion du temps » que le représentant du gouvernement propose dans son projet de « comité des travaux du Sénat ». La proposition a des avantages, mais il faudra avancer prudemment pour s'assurer du respect des droits et prérogatives de chaque sénateur ainsi que du droit des nouveaux groupes du Sénat à une représentation proportionnelle au sein de tous les comités. Nous ne voulons pas d'un comité qui ne serait qu'une nouvelle version des « voies habituelles ».

Je crois qu'en faisant une meilleure planification et un meilleur ordonnancement et en concentrant les débats législatifs sur plusieurs journées consécutives, comme nous l'avions fait dans le cas du projet de loi C-14, nous pourrions assurer un « second examen objectif » plus efficace et une étude plus rapide des projets de loi. Au lieu d'un débat décousu parsemé de discours ponctuels étalés sur plusieurs mois — ce qui a constitué la norme ces derniers temps —, nous pourrions avoir un débat et un échange d'idées mieux ciblés et plus pertinents. Occupons-nous ici des projets de loi important aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture, la deuxième lecture ayant pour but de définir les questions à étudier au comité et la troisième étant destinée à s'assurer que nous n'avons rien manqué, même au comité.

Ce n'est pas seulement la gestion du calendrier législatif qui nécessiterait d'urgence un examen et une réforme. Nous aurons besoin en même temps d'avancer rapidement pour changer les règles organisationnelles et procédurales qui ont toujours favorisé l'esprit partisan et fait du Sénat une sorte d'écho de la Chambre.

Comme la Cour suprême nous l'a rappelé dans le renvoi de 2014 concernant le Sénat, c'est une altération de l'intention originale :

Les rédacteurs ont cherché à soustraire le Sénat au processus électoral [...] afin d'écarter les sénateurs d'une arène politique partisane toujours soumise aux impératifs des objectifs politiques à court terme.

Cela implique de régler les problèmes de proportionnalité au sein des comités, qui restent contrôlés par des représentants partisans des anciens gouvernements.

Même si le Sénat fait une transition difficile, c'est une période stimulante qui nous donne la possibilité de réformer notre institution et de rétablir son rôle initial, qui consiste à faire un second examen objectif en débattant, en discutant et en prenant des décisions sur les mesures législatives, afin de compléter le travail de nos collègues de la Chambre.

Même si le groupe de modernisation du Sénat souhaite peut-être adopter la proposition du représentant du gouvernement, nous voudrons probablement en discuter ici même, en comité plénier. Nous voudrons peut-être aussi envisager de créer un comité de planification distinct chargé de gérer notre emploi du temps et nos principaux travaux.

C'est précisément la raison pour laquelle j'ai proposé cette interpellation tandis que nous nous prononçons sur la procédure future. Nous devrions envisager de créer quelques nouveaux comités en vue de la prochaine session du Parlement. J'espère que nos collègues voudront participer à cette discussion destinée à repenser notre procédure et notre mode de fonctionnement et, ce faisant, à ramener Sénat à sa mission originale.

Je vais conclure en vous présentant quelques citations pouvant guider notre réflexion. Comme l'a dit une fois Andy Warhol : « On dit toujours que le temps change les choses, mais en fait, c'est vous qui devez changer les choses vous-même. » Je crois que c'est la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Je vous rappellerai également ces paroles de l'ancien président Barack Obama : « Nous sommes nous-mêmes ceux que nous attendons. Nous personnifions le changement que nous recherchons. »

(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, le débat est ajourné.)

Régie interne, budgets et administration

Douzième rapport du comité—Ajournement du débat

Consentement ayant été accordé de revenir aux autres affaires, rapports de comités, autres, article no 35 :

Le Sénat passe à l'étude du douzième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, intitulé Règlement administratif du Sénat révisé, présenté au Sénat le 9 mai 2017.

L'honorable Leo Housakos propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, ce rapport concerne la Politique sur la gestion de bureau des sénateurs, une version simplifiée de nos dispositions administratives qui regroupe ces dernières sous une politique-parapluie. Honorables collègues, vous vous souvenez sans doute que ce projet a commencé il y a un peu plus de deux ans, sous la direction de l'ancien Président du Sénat, qui était alors président du Comité de la régie interne, le regretté Pierre Claude Nolin. Cette mesure consolidera 9 politiques et lignes directrices en vigueur, de même que les dispositions provenant de 22 autres politiques. Avec environ 40 pages pour chacune des versions anglaise et française, la nouvelle politique consolidée représente une réduction importante du volume des documents administratifs en vigueur.

(1650)

La politique globale regroupe toutes les règles en une seule politique centralisée. Cette initiative s'inscrit dans les efforts que déploie le Sénat pour optimiser l'efficience, la transparence et la responsabilité.

Un certain nombre de changements proposés ont également été apportés au Règlement administratif du Sénat pour qu'il corresponde aux changements apportés à la politique sur la gestion des bureaux des sénateurs, mais aussi pour moderniser et simplifier le langage. En harmonisant le Règlement administratif du Sénat régissant la gestion des bureaux des sénateurs, le comité a voulu clarifier certains concepts et combler les lacunes des politiques.

Le comité recommande que la politique consolidée soit publiée intégralement sur le site web du Sénat, conformément à son engagement à l'égard de la transparence et de la reddition de comptes envers les Canadiens.

Chers collègues, de très nombreuses heures ont été consacrées à cet examen global. Outre la préparation et l'examen détaillés des documents auxquels ont procédé les sénateurs et leurs employés, le groupe de travail consultatif sur l'examen des politiques et des règlements s'est réuni à plusieurs reprises et pendant de longues heures tout au long de l'été et de l'automne 2016. Des membres du Comité de la régie interne ont aussi passé du temps à examiner les changements proposés et à communiquer leurs points de vue à leur sujet.

Je tiens à remercier tous les sénateurs de leur contribution, en particulier le sénateur Plett et la sénatrice Jaffer, qui ont présidé le Groupe de travail consultatif et l'ont guidé dans cet examen détaillé, ainsi que tous les sénateurs représentant les caucus, qui ont travaillé d'arrache-pied et pendant d'innombrables heures à ce projet.

Je tiens également à remercier le personnel qui a secondé les sénateurs, notamment Gérald Lafrenière, Steve Blake et Jules Pleau pour les avis qu'ils ont donnés tout au long du processus.

Honorables sénateurs, la nouvelle Politique sur la gestion de bureau des sénateurs entrerait en vigueur le 1er novembre 2017. Cela laissera le temps d'apporter les modifications requises aux processus système ainsi que de préparer et d'assurer des formations complètes pour les sénateurs, leur personnel et l'Administration du Sénat. Il s'agit de l'achèvement de la première phase d'un processus en deux parties.

La première partie comporte l'examen des politiques administratives qui régissent le fonctionnement des bureaux des sénateurs, ainsi que l'examen du Règlement administratif du Sénat. La deuxième partie portera sur l'examen des politiques applicables à l'Administration du Sénat.

L'honorable Pierrette Ringuette : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à quelques questions?

Le sénateur Housakos : Tout à fait.

La sénatrice Ringuette : J'avais entendu dans les couloirs que ce processus était en cours. En ce qui concerne les politiques et les règles, je peux comprendre que vous parlez de consolidation pour assurer une gestion plus adéquate. Pouvez-vous nous donner certains exemples de ces modifications des règles et de la façon dont elles sont maintenant intégrées aux politiques, comme vous l'avez indiqué?

Deuxièmement, vous vous souviendrez que, il y a plus d'un an, le Sénat a été aux prises avec un problème important relativement à la possibilité que les sénateurs indépendants perdent leur bureau, et l'affectation des bureaux des sénateurs relevait de la compétence du whip de l'opposition. Cela a-t-il changé?

Il s'agit de mes deux principales questions. Je pourrais aussi en avoir quelques autres.

Le sénateur Housakos : D'innombrables modifications des règles ont été intégrées aux politiques et il nous faudrait des jours pour toutes les passer en revue. Un examen exhaustif a été effectué par le groupe de travail qui s'est rencontré de nombreuses heures au cours de l'été et de l'automne pour faire ces propositions. Les membres du Comité de la régie interne ont consacré beaucoup de temps à examiner chacun des éléments.

Le registre des présences est un exemple précis d'une politique. Comme le savent de nombreux collègues, pendant très longtemps, il y a eu une politique en vigueur au Sénat selon laquelle les présences étaient consignées sur papier seulement. Pour consulter le registre des présences, les médias ou les membres du public devaient présenter, des jours à l'avance, une demande au directeur des communications, dans l'édifice Chambers. Voilà comment on procédait il y a longtemps.

Le registre des présences est maintenant rendu public. Comme nous l'avons dit, l'information sera diffusée par l'intermédiaire de notre mécanisme de communication publique. Les registres des présences seront aussi rendus publics de cette façon. L'information sera diffusée de façon efficace, effective et transparente.

C'est la même chose qui s'appliquera à de nombreuses autres règles. De plus, pour la première fois — c'est un moment historique — les politiques et le Règlement administratif du Sénat seront affichés sur un site web, de sorte que tous les membres du public, tous les sénateurs et tous les membres du personnel puissent les consulter. S'ils ont des questions, ils pourront s'adresser à l'administration.

Les recommandations présentées prévoient un autre changement d'approche. On fournira régulièrement de la formation aux membres du personnel. Cela a également été inclus. Nous comptons mettre davantage l'accent là-dessus.

Il y avait une autre question...

La sénatrice Ringuette : Il y a une autre question concernant l'attribution des bureaux.

Le sénateur Housakos : À ma connaissance, il n'y a pas de changements en ce qui concerne l'attribution des bureaux. Ce sont toujours les whips qui s'occupent de ce dossier. L'attribution est fondée sur l'ancienneté, si ma mémoire est fidèle. Je ne crois pas toutefois qu'il y ait eu de changements quant au processus d'attribution des bureaux.

La sénatrice Ringuette : Je reviens sur cette question particulière parce qu'elle a été soulevée à maintes reprises. Le sénateur ne croit-il pas qu'il est assez curieux, sur le plan de la gestion, que le groupe indépendant et les sénateurs indépendants qui ne font pas partie d'un groupe doivent s'en remettre au whip de l'opposition officielle pour l'attribution des bureaux?

Je sais que le sénateur Plett et la sénatrice Jaffer ont mené une étude exhaustive. Je crois toutefois que, comme il s'agit d'une question épineuse, aucun caucus partisan ou non partisan ne devrait en avoir la responsabilité. Cette responsabilité devrait plutôt incomber au Président du Sénat ou au greffier du Sénat, donc à une entité indépendante. On éviterait ainsi que la situation qui est survenue il y a un an puisse se reproduire.

Cette question s'inscrit apparemment dans les efforts de modernisation des politiques et des règles du Sénat. J'aimerais savoir où en est la question de l'attribution des bureaux de sénateurs. Elle ne semble pas avoir été traitée ou modernisée conformément à ce qui avait été discuté ici il y a un an. Ce dossier devrait être confié à une personne indépendante pour préserver l'équité du processus et éviter qu'un sénateur soit expulsé de son bureau parce que la responsabilité d'attribuer les locaux incombe au whip d'un caucus en particulier.

Le sénateur Housakos : Honorables sénateurs, comme vous le savez, à titre de président du Comité de la régie interne, je recherche le consensus et j'évite d'aiguiller un enjeu dans une direction plutôt qu'une autre.

Je suis certain que le groupe de travail formé par le Comité de la régie interne pour voir à ce dossier a passé d'innombrables heures à éplucher, une ligne à la fois, toutes les règles portant sur les bureaux des sénateurs. Je suis certain qu'il s'est aussi penché sur cette question.

Je tiens aussi à rappeler que ce comité représentait tous les caucus et tous les sénateurs. Je sais notamment que la sénatrice McCoy a grandement contribué aux travaux. Je suis sûr qu'elle a traité cette question et beaucoup d'autres.

Encore une fois, je tiens à préciser que nous avons tenté de simplifier le Règlement et la documentation tout en améliorant la reddition de comptes et la transparence. Nous avons mené une vaste consultation auprès des sénateurs des diverses régions du pays, des deux côtés du Sénat et de tous les caucus.

Nous avons voulu rendre le Règlement suffisamment souple afin non seulement que les sénateurs puissent faire leur travail, mais aussi que nos travaux soient menés avec suffisamment de transparence pour que la population puisse voir ce que nous faisons et comment nous procédons. D'autre part, nous voulions que le Règlement soit assez rigoureux au chapitre de l'obligation de rendre des comptes tout en protégeant les intérêts des sénateurs.

(1700)

Je tiens aussi à souligner qu'il n'y a là rien de définitif. Cette assemblée évolue au même titre que le Règlement administratif du Sénat. Si l'un de mes collègues s'offusque de l'une ou l'autre de ces modifications ou de n'importe quelle recommandation de ce rapport final, je l'invite à en faire part au Comité de la régie interne, qui sera ravi de se pencher sur le problème de manière transparente.

(Sur la motion du sénateur Pratte, le débat est ajourné.)

[Français]

La sanction royale

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 16 mai 2017

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable David Johnston, gouverneur général du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l'annexe de la présente lettre le 16 mai 2017, à 16 h 2.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du gouverneur général,
Stephen Wallace

L'honorable
        Le Président du Sénat
                Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le mardi 16 mai 2017 :

Loi instituant la Journée nationale des produits du phoque (projet de loi S-208, chapitre 5, 2017)

Loi portant mise en œuvre de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne et ses États membres et comportant d'autres mesures (projet de loi C-30, chapitre 6, 2017)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à demain, à 14 heures.)

 
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