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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 169

Le vendredi 8 décembre 2017
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le vendredi 8 décembre 2017

La séance est ouverte à 9 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Bibliothèque du Parlement

L’exposition à l’occasion du cent cinquantième anniversaire

L’honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, au cours des derniers mois, les Canadiens et les Canadiennes d’un bout à l’autre du pays ont eu la possibilité de prendre part à d’innombrables activités dans le cadre des célébrations du 150e anniversaire du Canada.

L’une de ces activités, qui mérite d’être mentionnée, est l’exposition qui a lieu en ce moment à la Bibliothèque du Parlement, et qui s’intitule Textes fondateurs : les mots qui ont façonné le Canada. En fait, Bibliothèque et Archives Canada a décidé de prêter à la Bibliothèque du Parlement des documents inestimables afin d’en faire profiter les Canadiens et les Canadiennes. Ainsi, depuis le 9 mars 2017, les visiteurs peuvent découvrir six documents marquants de l’évolution constitutionnelle, qui ont sculpté le Canada d’aujourd’hui. Cela étant dit, il est important de mentionner que chacun de ces documents raconte une histoire bien particulière que j’aimerais partager avec vous.

L’un des documents exposés et qui est sans conteste l’un des plus importants de notre histoire est l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (1867). Il faut savoir que la copie qui est exposée est la copie personnelle de sir John A. Macdonald, ce qui est assez impressionnant.

On retrouve également exposées les premières pages des copies anglaise et française du premier discours du Trône du Canada, qui a été prononcé le 7 novembre 1867 à deux reprises, en anglais et en français, par le premier gouverneur général du pays, sir Charles Stanley Monck. Ce qui est fascinant, c’est qu’on y fait référence au « mouvement d’expansion vers l’Ouest ».

Un autre document fort pertinent qui a eu des répercussions considérables sur notre histoire est la Proclamation des Territoires du Nord-Ouest de 1869. Ce document représente le transfert de la Terre de Rupert au Canada par la Compagnie de la Baie d’Hudson pour la somme de 1,5 million de dollars. Il est considéré comme l’un des éléments qui ont « envenimé les relations avec les Métis » et qui sont à l’origine de la Résistance de la rivière Rouge de 1869-1870, dont l’acteur principal était Louis Riel.

L’exposition fait également référence au Statut de Westminster où est exposée une photo du document, l’original étant conservé à Londres. Ce document revêt une importance capitale puisque ce n’est qu’en 1931 que le Canada a acquis son indépendance en matière de politique étrangère, bien qu’il ait obtenu son indépendance législative en 1867.

Les deux derniers documents ont pris naissance dans la foulée de la protection des droits de la personne et des libertés fondamentales. Il y a la Déclaration canadienne des droits de 1960, la toute première loi fédérale à protéger les droits et libertés de la personne au Canada. Cette déclaration impressionne autant par son contenu, qui était assez innovateur et révolutionnaire pour l’époque, que par sa présentation quant à la calligraphie et à l’enluminure.

Le dernier document que les visiteurs pourront admirer est la proclamation de la Loi constitutionnelle de 1982. Par contre, ces derniers devront appuyer sur un bouton pour le voir, puisque le document est maintenu dans le noir complet. La raison de cette mesure est que la reine, lors de la signature, a utilisé « sa plume dont l’encre n’est pas de qualité indélébile », de sorte que l’exposition à la lumière du document risque de faire disparaître sa signature à un moment donné.

Honorables sénateurs, si vous n’avez pas déjà admiré ces trésors inestimables qui ont façonné notre pays, je vous suggère fortement de vous y rendre, car l’exposition prendra fin ce mois-ci, et ces documents retrouveront leur place dans les chambres fortes de Bibliothèque et Archives Canada. Qui sait s’ils seront à nouveau exposés.

[Traduction]

Les amis canadiens d’un Iran démocratique

L’honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, plus tôt cette semaine, j’ai eu l’honneur de prendre la parole lors d’un événement multipartite organisé par Les amis canadiens d’un Iran démocratique avec d’autres distingués invités, dont l’honorable Irwin Cotler, Judy Sgro, Tony Clement, Peter Kent, l’ancien sénateur David Smith et notre collègue, le sénateur David Tkachuk.

Plus de 200 Canadiens d’origine iranienne de partout au Canada se sont réunis à Ottawa pour exprimer leurs opinions sur la proposition du gouvernement libéral de renouer le dialogue avec l’Iran.

Les représentants de cette communauté ont savoir connaître deux choses très clairement. Premièrement, ils croient que les relations diplomatiques avec l’Iran doivent être liées à l’amélioration de la situation des droits de la personne. Deuxièmement, ils croient fermement que le corps des Gardiens de la révolution islamique doit être inscrit sur la liste des entités terroristes, conformément au Code criminel du Canada.

Honorables sénateurs, ces deux points correspondent exactement aux objectifs du projet de loi S-219, et cette participation pancanadienne extraordinaire témoigne de l’enthousiasme de la population à l'égard de ce projet de loi.

Je salue tous ceux qui ont participé à l’événement, car je sais que, même au Canada, cela prend énormément de courage de la part des militants pour dénoncer le cruel et criminel régime iranien. Même à l’intérieur de nos propres frontières, les agents du régime iranien emploient des techniques malicieuses et menaçantes pour faire taire les opposants de la diaspora.

Les Canadiens d’origine iranienne sont espionnés et ciblés. C’est une situation qui a été encore pire quand l’ambassade d’Iran au Canada était fonctionnelle.

L’opposition à la normalisation des relations diplomatiques avec l’Iran n’aurait pas pu être exprimée plus clairement par les participants à l’événement des amis canadiens d’un Iran démocratique.

J’espère que, pendant l’intersession parlementaire, vous profiterez tous de l’occasion de parler aux Canadiens d’origine iranienne dans vos collectivités pour mieux comprendre leur point de vue au sujet de la proposition de renouer le dialogue avec l’Iran. En tant que sénateurs, nous sommes ici pour défendre les droits des personnes opprimées et vulnérables, plutôt que ceux des puissants.

Je remercie l’ancien député fédéral David Kilgour de son engagement à l’égard de la défense des droits de la personne et, notamment, d’avoir organisé cet événement.

Je souligne également la contribution de Shahram Goledani, d’Ottawa; de M. Fereidoun Shirazi, de Montréal; de Mme Zahra Fallah, de Toronto; et, enfin, de Mme Sepideh Tehrani, de Vancouver. Je salue enfin les délégations qui sont venues de loin pour participer à cet événement à Ottawa. Voilà les véritables héros! J’applaudis le courage et la détermination qui les animent dans la lutte pour la justice et la paix en Iran.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le conseiller sénatorial en éthique

Dépôt du certificat de nomination et des notes biographiques

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le certificat de nomination et les notes biographiques de Pierre Legault, candidat proposé au poste de conseiller sénatorial en éthique.

(0910)

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin de recevoir M. Pierre Legault, candidat au poste de conseiller sénatorial en éthique, et prévoyant que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard 90 minutes après le début de ses travaux

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, à 19 heures le lundi 11 décembre 2017, le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir M. Pierre Legault relativement à sa nomination au poste de conseiller sénatorial en éthique;

Que le comité plénier fasse rapport au Sénat au plus tard 90 minutes après le début de ses travaux.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Préavis de motion tendant à approuver sa nomination

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 20.1 de la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, le Sénat approuve la nomination de Pierre Legault à titre de conseiller sénatorial en éthique.

[Français]

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5g) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd’hui, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 11 décembre 2017, à 18 h 30;

Que l’application de l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le revenu national

L’Agence du revenu du Canada—Le recouvrement des recettes fiscales non perçues à cause de l’évitement fiscal

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Bonjour Votre Honneur. Quel plaisir d’avoir tant de spectateurs aujourd’hui, comme on le dit dans le domaine du sport. L’atmosphère de Noël est de plus en plus palpable.

Sénateur Harder, j’aimerais vous poser une question à laquelle j’ai longuement réfléchi.

Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. À la période des questions du 8 novembre dernier, le sénateur Harder a déclaré ce qui suit :

[…] près de 1 milliard de fonds supplémentaires ont été affectés à l’Agence du revenu du Canada pour accroître sa capacité de recouvrement. Je crois d’ailleurs comprendre que ses mesures de lutte contre l’évasion et l’évitement fiscaux lui ont permis de récupérer 25 milliards de dollars.

Cette déclaration fait écho aux affirmations faites au cours des dernières semaines à l’autre endroit par la ministre du Revenu national. Cependant, le sénateur Harder est peut-être au courant d’un article publié lundi dans La Presse qui révèle que l’Agence du revenu du Canada a confirmé que cette somme de 25 milliards de dollars avait été uniquement identifiée, mais pas encore été recouvrée.

Nous sommes tous de bonne humeur aujourd’hui, et ma question est simple. Le leader du gouvernement souhaite-t-il profiter de l’occasion pour corriger les faits et nous dire quelle somme le gouvernement a réellement recouvrée? Si non, pourrait-il faire des recherches et nous donner ultérieurement la réponse?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question empreinte de l’esprit de Noël. Je tiens à lui assurer que, pour répondre à sa question au nom du gouvernement, je veillerai à obtenir les renseignements les plus récents à ce sujet.

Le sénateur Smith : L’Agence du revenu du Canada a aussi déclaré à La Presse que seul un petit pourcentage du montant de 25 milliards de dollars cité par la ministre et le leader du gouvernement est lié directement aux paradis fiscaux et à l’évasion fiscale. Sénateur Harder, pourriez-vous vous renseigner afin de nous donner des détails sur ce petit pourcentage qui touche à l’évitement fiscal? La somme a-t-elle été recouvrée ou a-t-elle simplement été identifiée?

Le sénateur Harder : Je serai ravi de faire cela.

Le sénateur Smith : Joyeux Noël.

[Français]

Le patrimoine canadien

La politique culturelle—L’exonération fiscale

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Avant-hier, M. le leader a répondu à l’une de mes questions sur la politique culturelle de la ministre Joly en disant ce qui suit, et je cite :

La ministre a dit clairement que l’annonce qu’elle a faite au sujet de Netflix ne dégage aucunement la compagnie de ses obligations envers les régimes fiscaux du Canada.

Or, au contraire, la ministre Joly a admis que Netflix ne serait pas soumise à l’obligation d’imposer la TPS sur les services rendus aux consommateurs canadiens, et l’attachée de presse du ministre des Finances, Mme Chloé Luciani-Girouard, l’a confirmé dans une déclaration, et je cite :

Notre gouvernement n’entend pas ajouter au fardeau fiscal des Canadiens. [...] Notre gouvernement ne prévoit pas de changement dans ce domaine, et nous ne prévoyons pas modifier notre propre approche.

Sénateur Harder, vous êtes le représentant du gouvernement en cette Chambre. Est-ce l’information que vous nous avez donnée qui est exacte ou est-ce celle qui a été transmise par l’attachée de presse du ministre des Finances, ainsi que par la ministre Joly?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de la question. Je pense bien que la ministre et l’attachée de presse nous donnent toutes les deux de l’information exacte sur la décision du gouvernement concernant la TVH. Permettez-moi de le répéter, au cas où ce ne serait pas assez clair : les autres obligations de n’importe quelle société restent les mêmes, y compris dans le cas de Netflix.

Les finances

Le crédit d’impôt pour personnes handicapées

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : J’ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat, moi aussi, et elle concerne le crédit d’impôt pour personnes handicapées. Nous savons que d’autres questions ont été soulevées récemment dans les actualités.

En octobre, j’ai posé une question au leader concernant des Canadiens atteints de diabète de type 1 qui se sont vu refuser le crédit d’impôt pour personnes handicapées, même s’ils avaient un certificat de leur médecin attestant leur admissibilité à ce crédit. Cette semaine, Diabète Canada et la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile Canada ont affirmé avoir obtenu des courriels internes de l’Agence du revenu du Canada au moyen d’une demande d’accès à l’information. Selon ces organismes, les courriels en question révèlent une décision communiquée le 2 mai 2017 dans une note de service interne selon laquelle on devait commencer à refuser systématiquement le crédit d’impôt pour personnes handicapées aux patients atteints de diabète de type 1 qui demandent ce crédit.

Compte tenu de cette révélation, monsieur le leader, pourriez-vous vous renseigner, puis nous indiquer, lorsque vous aurez la réponse, si la ministre du Revenu national a approuvé cette note de service?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je serai heureux de me renseigner. J’en profite toutefois pour souligner que le nombre de personnes qui bénéficient du crédit d’impôt pour personnes handicapées n’a jamais été aussi élevé. Je souligne également, comme je l’ai fait l’autre jour, que la ministre a rétabli le comité consultatif qui veille à ce que l’ARC reçoive des conseils à jour de la part des intervenants du domaine, de manière à pouvoir tenir compte de l’évolution des technologies dans la gestion de ce programme.

La sénatrice Martin : Donc, monsieur le leader, en réponse à votre première observation selon laquelle le nombre de personnes qui présentent ce genre de demande en est à un sommet, je ne voudrais en aucune façon diminuer l’importance des personnes atteintes de diabète de type 1 et du fait que cette maladie touche effectivement de plus en plus de gens. Je comprends ce que vous dites, mais nous nous intéressons aux difficultés avec lesquelles sont aux prises ces familles et au fait que, en plus, elles se voient refuser un crédit d’impôt.

En complément de ma question, j’ajouterais que Diabète Canada et la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile Canada ont indiqué que les Canadiens atteints de diabète de type 1 se sont également fait dire par l’Agence du revenu du Canada qu’ils vont devoir fermer leur régime enregistré d’épargne-invalidité et que le gouvernement allait récupérer jusqu’aux trois quarts de la valeur de ces comptes.

(0920)

Le régime enregistré d’épargne-invalidité permet aux familles de réaliser des épargnes pour s’assurer de la stabilité financière à long terme de personnes handicapées.

Ces renseignements sont fort préoccupants. Monsieur le leader, le gouvernement fera-t-il ce qui s’impose en revenant sur sa décision et en redonnant aux Canadiens atteints de diabète de type 1 accès au crédit d’impôt pour personnes handicapées et au régime enregistré d’épargne-invalidité?

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Je partage son inquiétude. La plupart des sénateurs ont des proches avec lesquels ils entretiennent des liens étroits qui vivent avec le diabète juvénile ou le diabète de type 2.

En ce qui concerne l’élimination du programme et la hausse de sa contribution monétaire, si je peux m’exprimer ainsi, aux Canadiens, ils tiennent compte des groupes d’âge et de la nature de la maladie. Permettez-moi de prendre la question en délibéré et de demander une réponse plus détaillée à la ministre.

Je tiens à rassurer les sénateurs : aucun changement n’a été apporté au programme existant, et c’est en raison de la technologie que le ministère se réunit avec des intervenants. L’avantage du comité consultatif est qu’il veillera à ce que cela se fasse de manière telle que la gestion du programme soit pertinente et à jour pour tous les intervenants concernés, et que les personnes qui ont besoin du crédit d’impôt pour personnes handicapées puissent en profiter.

La sénatrice Martin : En écoutant les nouvelles ce matin, je pouvais vraiment sympathiser avec les parents qui doivent s’occuper d’un enfant handicapé 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sans aucun répit. Nous savons tous qu’il s’agit d’une situation difficile, car nous avons des parents, des amis et des voisins qui vivent avec cette réalité tous les jours. J’estime tout simplement qu’il y a beaucoup de tracasseries administratives à l’Agence du revenu du Canada et dans d’autres ministères.

L’enjeu est simplement de réduire les formalités administratives pour les familles et les parents qui doivent faire face à cette maladie tous les jours. Pouvez-vous aussi confirmer qu’on tente concrètement, qu’on s’efforce vraiment, de réduire les formalités administratives pour de telles familles?

Le sénateur Harder : Bien sûr que je le ferai. Je le répète, l’un des avantages du comité consultatif, c’est qu’il veille à ce qu’on obtienne l’avis récent des intervenants sur la façon de moderniser la gestion du crédit d’impôt, mais aussi sur la façon dont on peut informer les bénéficiaires éventuels à son sujet sans utiliser un jargon difficile à suivre.

[Français]

Les transports

La Stratégie nationale de construction navale

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur le chantier naval Davie.

Monsieur le leader, au cas où vous ne le sauriez pas, cette semaine encore, 281 travailleurs devront retourner chez eux et dire à leurs enfants, à la veille de Noël, qu’ils ont perdu leur emploi et qu’il n’y a pas de travail pour eux chez Davie, faute de contrats.

Hier, le maire de Lévis, M. Gilles Lehouillier, lançait un appel aux élus pour briser le nœud dans la bureaucratie qui empêche le chantier naval Davie d’obtenir des contrats. Alors que, au même moment, les chantiers navals d’Irving et de Seaspan débordent de travail et n’arrivent pas à livrer dans les délais, il y a un chantier naval à Lévis qui est en demande de travail, qui a du personnel qualifié et toute la compétence et l’expertise nécessaires.

Est-ce que le gouvernement pourrait enfin répondre à la demande des travailleurs, s’impliquer dans le dossier et régler le problème d’emploi au chantier naval Davie?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. La semaine dernière, lorsque le sénateur Maltais a posé une question au sujet du chantier Davie, il m’a fourni une monographie décrivant l’historique du chantier naval. Chose certaine, ce document m’a mieux fait comprendre jusqu’où ce chantier naval remonte dans l’histoire du Canada et ses contributions à la marine canadienne et au secteur de la construction navale dans son ensemble, ce que j’ai bien apprécié.

En ce qui concerne les annonces récentes, le gouvernement du Canada s’inquiète toujours, bien entendu, de toute mise à pied dans l’industrie canadienne et il a adopté des mesures afin que les travailleurs soient bien au fait des prestations qui leur sont offertes dans les circonstances.

En ce qui a trait à la question de l’honorable sénateur sur la politique du gouvernement, je vous rappelle que, en matière de construction navale, le gouvernement du Canada vise à garantir l’exploitation appropriée de la capacité canadienne grâce à un processus concurrentiel, et que ce processus est véritablement au cœur de cette politique.

Pour ce qui est des perspectives immédiates du chantier Davie, je vais me renseigner.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il n’est pas encore 9 h 30, mais le témoin qui sera reçu en comité plénier est arrivé. Au lieu de passer à l’article suivant du Feuilleton, nous allons plutôt, si le Sénat y consent, nous former en comité plénier. Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La commissaire au lobbying

Réception de Nancy Bélanger en comité plénier

L’ordre du jour appelle :

Le Sénat en comité plénier afin de recevoir Nancy Bélanger relativement à sa nomination au poste de commissaire au lobbying.

(Le Sénat s’ajourne à loisir et se forme en comité plénier sous la présidence de l’honorable Nicole Eaton.)


La présidente : Honorables sénateurs, l’article 12-32(3) du Règlement prévoit les règles de procédure aux comités pléniers. En particulier, en vertu des alinéas a) et b), « le sénateur qui désire prendre la parole s’adresse au président » et « un sénateur n’est ni obligé à se lever quand il prend la parole, ni contraint à rester à la place qui lui est attribuée ».

Je désire rappeler aux honorables sénateurs que le comité plénier se réunit conformément à l’ordre du Sénat adopté le 5 décembre, qui se lit comme suit :

Que, à 9 h 30 le vendredi 8 décembre 2017, le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir Mme Nancy Bélanger relativement à sa nomination au poste de commissaire au lobbying;

Que le comité plénier fasse rapport au Sénat au plus tard 90 minutes après le début de ses travaux.

 J’invite maintenant le témoin à entrer.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, Nancy Bélanger prend place dans la salle du Sénat.)

La présidente : Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour entendre Mme Nancy Bélanger concernant sa nomination au poste de commissaire au lobbying.

Madame Bélanger, je vous remercie d’être ici avec nous, et je vous invite à faire vos remarques introductives, qui seront suivies des questions des sénateurs.

Nancy Bélanger, candidate proposée au poste de commissaire au lobbying : Madame la présidente, honorables sénateurs, c’est un véritable honneur pour moi d’être ici aujourd’hui comme candidate au poste de commissaire au lobbying.

Je suis heureuse d’avoir cette occasion de discuter de ma candidature à ce poste. La fonction de commissaire au lobbying est une fonction importante. Le mandat du commissaire est défini par une loi, la Loi sur le lobbying. Son objectif final est d’inspirer la confiance des Canadiens en l’intégrité des décisions prises par les titulaires d’une charge publique. À cette fin, on reconnaît à la fois la légitimité du lobbyisme et la nécessité d’en assurer la transparence.

D’abord, j’aimerais me présenter rapidement et vous expliquer en quoi mon parcours professionnel m’a préparée à occuper cette fonction.

[Français]

Je suis née et j’ai grandi au Nouveau-Brunswick, dans un foyer où l’amour, l’humour et l’encouragement régnaient. J’ai poursuivi en grande partie mes études à l’Université d’Ottawa. Je voulais étudier dans les deux langues officielles et faire carrière en droit public. J’ai donc obtenu un baccalauréat en sciences sociales, avec concentration en sciences politiques et en criminologie, ainsi qu’un baccalauréat et une maîtrise en droit. Je suis membre en bonne et due forme du Barreau du Haut-Canada depuis 1995.

C’est aussi ici, à Ottawa, que j’ai fait la connaissance de mon conjoint. Nous avons de jeunes adolescents exceptionnels qui assurent mon équilibre.

(0930)

[Traduction]

J’ai eu le privilège de travailler dans la fonction publique pendant plus de 20 ans et j’ai rencontré un nombre incalculable de professionnels hautement qualifiés et dévoués avec qui j’ai eu le plaisir de travailler.

Comme vous le constaterez dans mon curriculum vitae, j’ai commencé ma carrière en tant qu’avocate au ministère de la Justice. Je suis passée à la Cour fédérale, puis à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, et, au cours des 10 dernières années, j’ai travaillé auprès de deux mandataires du Parlement, soit la commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique et la commissaire à l’information.

J’ai eu des responsabilités croissantes au fil des postes que j’ai occupés dans ces organismes. Très tôt, je suis devenue gestionnaire, ma première véritable passion. Je donne l’exemple et je crois fermement que la communication est primordiale. Je motive et mobilise mes employés afin qu’ils se sentent appréciés et appuyés dans leur travail quotidien tout en réalisant leurs aspirations professionnelles. Par ailleurs, je suis très reconnaissante du dévouement et de l’appui que mes collègues et mes employés m’ont montré au fil des ans.

Comme j’ai travaillé presque exclusivement dans des institutions indépendantes du gouvernement, je comprends totalement le besoin d’assumer mes fonctions en respectant les normes d’intégrité et d’impartialité les plus élevées. Je comprends également l’importance du rôle des mandataires du Parlement vis-à-vis du Parlement et de la population canadienne.

Le Commissariat au lobbying appuie l’intégrité de la prise de décisions des fonctionnaires en s’assurant que ceux qui font des démarches auprès d’eux se comportent de manière éthique et transparente.

[Français]

Ce mandat se décline en trois volets. En premier lieu, il y a la gestion d’un registre qui contient et diffuse les renseignements divulgués par les lobbyistes. À cet égard, le registre est un outil essentiel pour assurer la transparence des activités de lobbying. Il devra donc demeurer à l’affût de la technologie, et être efficace et facile d’accès.

Deuxièmement, il y a l’élaboration et la mise en œuvre des programmes de sensibilisation du public aux exigences de la loi. Je me réjouis de cette responsabilité. À maintes reprises, j’ai eu l’occasion de faire des présentations à de nombreux intervenants. Les activités de sensibilisation jouent un rôle de premier plan afin que tous les intervenants, leurs clients et les titulaires de charge publique, en l’instance des lobbyistes, comprennent leurs obligations et les exigences de la loi.

En dernier lieu, la conformité à la loi et au Code de déontologie des lobbyistes est assurée par l’entremise d’examens et d’enquêtes menées avec rigueur. À titre de juriste, je possède une expérience considérable en matière d’interprétation des lois et des codes. Les processus d’enquête qui sont assujettis aux règles de justice naturelle et d’équité procédurale me sont également très familiers. J’estime qu’il est toujours de mise d’examiner et de réévaluer les pratiques afin d’assurer une compréhension et une mise en œuvre optimales de la loi.

[Traduction]

En fin de compte, mon expérience de travail auprès des mandataires du Parlement dans les secteurs de la transparence, des conflits d’intérêts et de l’éthique m’a permis d’acquérir des connaissances et une expertise qui me seront utiles dans le cadre de mon mandat.

Je salue le travail remarquable accompli par la commissaire Shepherd durant son mandat et celui des professionnels dévoués qui travaillent à son commissariat. Si j’avais le privilège d’être la prochaine commissaire au lobbying du Canada, je poursuivrais son bon travail avec le soutien de son équipe.

Je chercherais à rehausser l’image du commissariat en maximisant les initiatives de sensibilisation et de communication auprès des principaux intéressés, y compris la population canadienne. Non seulement les lobbyistes et futurs lobbyistes devraient-ils naturellement comprendre leurs obligations, mais les Canadiens devraient connaître le rôle que joue le commissariat dans l’intégrité des décisions prises par les titulaires de charge publique.

[Français]

Je crois avoir l’expérience ainsi que les capacités nécessaires pour prendre en charge les responsabilités importantes qui incombent au poste de commissaire au lobbying. Je suis prête à relever ce défi.

[Traduction]

Si le Parlement me faisait l’honneur de faire de moi la prochaine commissaire au lobbying, je continuerais d’adhérer aux normes les plus élevées d’intégrité et de professionnalisme et j’exécuterais de mon mieux le mandat du commissariat. Je m’engagerais fermement à fournir le service que méritent les parlementaires et les Canadiens.

Je vous remercie, madame la présidente et honorables sénateurs, de prendre ma candidature en considération.

[Français]

Je vous remercie. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

La présidente : Merci, madame Bélanger. Nous passerons maintenant aux questions.

[Traduction]

Le sénateur Smith : Je vais me lever, car je ne vois pas Mme Bélanger d’ici. Vous avez une voix magnifique et c’est fort intéressant de vous écouter.

Mme Bélanger : Merci.

Le sénateur Smith : Mes questions concernent le processus entourant votre candidature au poste de commissaire au lobbying.

Il a fallu attendre longtemps pour en arriver à ce que vous comparaissiez ici aujourd’hui. Comme vous le savez, le mandat de la commissaire au lobbying, Mme Karen Shepherd, que vous avez mentionnée, a été prolongé trois fois, le temps que le gouvernement trouve quelqu’un pour la remplacer.

Pouvez-vous décrire brièvement le processus qui vous a amenée à comparaître devant nous ce matin?

Je voudrais obtenir une petite précision. D’après ce que j’ai lu dans les journaux, vous avez posé votre candidature au poste de commissaire à l’information et avez ensuite été convoquée à une entrevue, mais vous n’aviez pas posé votre candidature au poste de commissaire au lobbying.

Pourriez-vous nous parler de votre motivation et de ce qui a fait que vous êtes aujourd’hui en lice pour le poste de commissaire au lobbying?

Mme Bélanger : Je vous remercie de votre question. En fait, c’est Boyden, un cabinet de recrutement, qui a pris contact avec moi en juillet dernier et m’a demandé si j’envisagerais de poser ma candidature pour les deux postes, soit commissaire au lobbying et commissaire à l’information.

Ce cabinet m’a fait savoir qu’il s’était informé à mon sujet, que j’avais une bonne réputation et que je devrais envisager sérieusement de poser ma candidature aux deux postes.

J’ai posé ma candidature uniquement au poste de commissaire à l’information, le 12 juillet, deux jours avant la date limite, au moyen du processus de demande en ligne du Bureau du Conseil privé.

Je tiens à préciser que la seule raison pour laquelle j’ai postulé uniquement au poste de commissaire à l’information, c’est que c’est l’endroit où je travaille actuellement. J’y suis depuis des années. Je me suis dit que c’était en quelque sorte dans l’ordre des choses de demeurer au sein de la même organisation.

De plus, je n’accorde pas une très grande importance aux titres et j’ai cru que, si je postulais à deux postes, on aurait l’impression que je tenais à obtenir un poste de mandataire à n’importe quel prix, et non que je possédais les compétences nécessaires pour chacun des postes. C’est pourquoi j’ai posé ma candidature à un poste seulement.

J’ai les dates devant moi, parce que veux m’assurer d’être exacte. Le 10 août dernier, on m’a convoquée à une entrevue fixée au 16 août, c’est-à-dire la semaine suivante, pour le poste de commissaire à l’information. J’ai passé l’entrevue, et, à la fin de celle-ci, on m’a demandé si j’accepterais que ma candidature au poste de commissaire au lobbying soit envisagée. J’ai dit que j’étais d’accord, parce que je croyais en effet posséder les compétences nécessaires pour occuper ce poste, même si, je le rappelle, je ne voulais pas me présenter aux deux postes. On m’a dit qu’ils posaient la même question à tous les candidats.

Le lendemain, 17 août, j’ai reçu un appel. On m’invitait à envoyer des références et à participer à une entrevue, le 28 août, pour le poste de commissaire au lobbying. J’ai accepté l’invitation, et j’ai donc participé à une entrevue le 28 août. Le 5 septembre, j’ai subi des tests psychométriques.

L’étape suivante a eu lieu le 14 novembre, quand le chef de cabinet du président du Conseil du Trésor, M. Brison, m’a téléphoné pour me demander si le poste de commissaire au lobbying m’intéressait toujours. J’ai répondu par l'affirmative. Cette conversation a duré 20 secondes.

Peu après, le 22 novembre, le Bureau du Conseil privé m’a téléphoné pour m’informer que mon nom serait proposé dans des lettres de consultation et que les choses pourraient s’accélérer par la suite. Voilà comment les étapes se sont enchaînées.

Ce qui s’est produit par la suite relève du domaine public.

Le sénateur Smith : Puis-je poser une autre question qui s’inscrit dans la même veine?

Comment vos études, votre expérience professionnelle et tout ce que vous avez appris vous serviront-ils dans votre nouvel emploi? Initialement, quelles seront vos grandes priorités?

(0940)

Mme Bélanger : J’ai surtout travaillé au sein d’organismes autonomes. Je crois que mon expérience a influencé ma façon de voir et d’analyser les choses, de même que ma conduite.

De plus, je suis devenue gestionnaire tôt dans ma carrière et je sais pertinemment qu’on n’accomplit rien en étant isolé. Il faut pouvoir compter les uns sur les autres et collaborer. Je vous assure que je me suis toujours entourée de personnes qui ont les mêmes valeurs que moi en matière d’intégrité et d’impartialité. Je suis persuadée que ce sera un élément important de ma contribution.

J’ai aussi acquis de l’expérience dans les domaines de la transparence, des conflits d’intérêts et de l’éthique. Ce n’est donc pas sans aucune notion des règles qui s’appliquent que j’entame mon mandat.

Pour ce qui est de mes priorités, je répondrai que je vais arriver de l’extérieur et que je ne voudrai pas déstabiliser complètement les employés en bousculant tout à mon arrivée. Ce n’est pas du tout mon intention. Cela dit, je suis d’avis que, parmi les trois principaux volets de mon mandat, le registre va particulièrement bien. La commissaire Shepherd a fait un travail formidable pour le rendre accessible et en faire un outil pratique pour les utilisateurs. Je vais sans doute axer mes efforts sur la sensibilisation et m’assurer que les lobbyistes comprennent les règles, qui ne sont pas toujours faciles à saisir. Je veux que les Canadiens sachent que le lobbying est une activité légitime tant qu’elle se déroule en toute transparence. Je vais probablement mettre l’accent sur la sensibilisation peu après le début de mon mandat.

Il va sans dire qu’on devra m’informer des dossiers chauds. L’examen législatif quinquennal est sur le point de commencer. Il y a aussi les enquêtes et les litiges en cours, qui sont des dossiers que je devrai aussi maîtriser.

[Français]

Le sénateur Dawson : Je suis un ancien de l’Université d’Ottawa et, à ce titre, je vous souhaite la bienvenue. Je suis aussi un ancien lobbyiste. J’ai auparavant été député, je suis devenu lobbyiste, puis sénateur. Comme la majorité de mes collègues dans cette enceinte, j’ai subi du lobbying et j’en ai fait.

Je n’ai pas vu dans votre curriculum vitæ que vous aviez occupé des fonctions en tant que lobbyiste. Avez-vous subi du lobbying? Je comprends que vous avez été sollicitée pour être responsable du service de lobbying. Toutefois, je me demande si vous avez, comme nous, subi une campagne de lobbying où on vous présente différentes opinions, accompagnées d’envois de masse et de beaucoup de pression. Avez-vous eu cette expérience?

Mme Bélanger : Pas du tout. J’ai toujours travaillé dans des agences indépendantes et je n’ai pas vécu de situation de lobbying où les gens doivent s’inscrire. J’ai toujours été au service du gouvernement et je n’ai jamais été lobbyiste. Je sais que l’une de mes priorités devra viser à accroître ma crédibilité auprès des lobbyistes. Je puis vous dire que j’ai développé, au fil des ans, des relations avec plusieurs intervenants qui n’étaient pas nécessairement des lobbyistes. Je crois avoir la personnalité et l’ouverture d’esprit nécessaires pour apprendre, comprendre et écouter ce que les lobbyistes ont à dire, pour ensuite voir s’il y a des améliorations à apporter et déterminer ce qu’on peut faire. Or, la révision aux cinq ans est prévue à cette fin.

Cependant, pour répondre à votre question, non, je n’ai jamais été lobbyiste.

Le sénateur Dawson : Je sais que vous avez de l’expérience dans le domaine de l’éthique. C’est un dossier que vous avez suivi de près. Toutefois, il arrive que la législation sur le lobbying et la législation concernant l’éthique entrent en conflit. Il n’y a pas toujours concordance dans leur application ni dans la façon dont les deux institutions traitent le lobbyiste ou la personne qui subit le lobbying. Pour le bien de l’opinion publique, j’aimerais que nous mentionnions le fait qu’il y a souvent conflit entre les deux lois.

Vous avez de l’expérience dans le domaine de l’éthique. Toutefois, vous ne connaissez pas les gens de cette industrie ni n’avez subi les pressions du lobbying. De quelle façon allez-vous vous assurer de connaître cette industrie? Vous savez qu’il existe une association.

J’ai été lobbyiste et j’ai subi du lobbying avant que le registre existe. Dieu sait que le registre a apporté une amélioration extraordinaire. Ce registre a été mis sur pied en collaboration avec l’industrie. Les lobbyistes, à l’époque, avaient rencontré le gouvernement pour dénoncer les « pommes pourries » dans le domaine, pour ainsi dire, et dans le but de trouver une façon de contrôler ce qui se dit et ce qui se fait.

Allez-vous travailler avec l’industrie? Allez-vous rencontrer les gens de l’IRGC? Avez-vous déjà eu l’occasion de travailler avec ces personnes? Le succès du registre canadien ne se compare pas à celui du Québec — et j’en parle en connaissance de cause, car j’y étais inscrit. Le registre québécois a été mis sur pied sans aucune collaboration avec l’industrie, et il n’est presque pas applicable. Or, le registre d’Ottawa s’ajuste tous les cinq ans en collaboration avec l’industrie.

Est-ce que le mandat qui vous a été donné inclut le devoir de travailler avec l’industrie?

Mme Bélanger : Je suis tout à fait d’accord avec vos propos. Je ne suis pas sûre que les lois soient en conflit. Toutefois, l’interprétation de ces lois ne penche pas toujours du côté de l’éthique en ce qui a trait aux lobbyistes.

Je m’engage à cet égard, et je l’ai dit à maintes reprises, je crois qu’il y a une occasion et une ouverture en vue d'accroître les relations avec les lobbyistes et les titulaires de charge publique afin que tout le monde soit sur la même longueur d'onde et comprenne les règles de la même façon. Chaque cas est unique et dépend de la personne qui fait le lobbying, auprès de qui et pour quelle raison. Cependant, je suis ouverte à la collaboration. C’est mon style, c’est ma façon de travailler. Je les écouterai, je travaillerai avec eux, j’irai les rencontrer et j’assisterai à leurs réunions et conférences. C’est la seule façon dont je pourrai assurer ma crédibilité.

J’espère également travailler avec les bureaux d’éthique pour que, ensemble, nous puissions prévoir de la formation. C’est une chose pour le commissaire au lobbying ou à l’éthique de suivre une formation. Il faudrait mettre sur pied un programme de sensibilisation en commun pour que tout le monde comprenne la même chose.

Le sénateur Dawson : En tant que législateurs, il nous incombe de nous assurer que nos lois sont bien écrites. Toutefois, c’est l’application de ces lois qui, parfois, laisse un peu à désirer.

Merci et bonne chance.

[Traduction]

La sénatrice Omidvar : Merci beaucoup d’être des nôtres, madame Bélanger. Je sais que vous n’êtes pas encore entrée en fonction, mais je suis sûre que vous avez déjà une idée de vos priorités, de ce que vous aimeriez changer et de ce que vous comptez examiner.

Ma question porte plus particulièrement sur le Code de déontologie des lobbyistes, dont la dernière révision remonte à 2014, si je ne m’abuse. C’était il y a seulement quelques années, mais le contexte a quand même beaucoup évolué depuis. La technologie et l’espace numériques sont plus présents. De plus en plus d’anciens parlementaires, ministres et employés deviennent lobbyistes. Je me pose donc la question suivante : avez-vous déjà songé au code de déontologie et aux changements que vous aimeriez y apporter? De quelle manière pensez-vous procéder pour ce faire?

Mme Bélanger : Je pense que le Code de déontologie des lobbyistes a été revu en 2015; vous avez raison. Il est appliqué depuis deux ans. Pour ce qui est de savoir si ce sera ma grande priorité à mon arrivée en fonction, je n’en suis pas sûre. En me préparant aux entrevues et à ma comparution ici et à l’autre endroit, j’ai examiné le code, et j’y ai certainement vu des améliorations possibles; cependant, je crois qu’il serait irresponsable de ma part d’en parler pour le moment.

Je crois qu’il faut d’abord que je travaille avec les employés de mon bureau, car ils ont certainement reçu des commentaires de la part de lobbyistes. J’envisage même de tenir une sorte de consultation, et peut-être d’entreprendre une refonte du code d'ici deux ans. Un document d’orientation à propos du code a laissé beaucoup de place à l’interprétation. Il y a peut-être lieu maintenant d’effectuer un examen global pour déterminer les améliorations possibles.

(0950)

Étant donné qu’il est en application depuis deux ans, j’ignore s’il est trop tôt pour le changer. Je serais certainement à l’écoute et je réfléchirais à la pertinence d’effectuer des modifications à court terme.

La sénatrice Martin : Je vous souhaite la bienvenue au Sénat. Il est très précieux pour nous d’avoir l’occasion de vous poser d’autres questions. Je voudrais obtenir des précisions sur certaines réponses que vous avez déjà données.

En répondant à la question du sénateur Dawson, vous avez parlé de la possibilité pour les commissaires à l’éthique et au lobbying de collaborer. J’essaie de l’imaginer. De grandes responsabilités entrent en jeu. Comment une telle coordination pourrait-elle avoir lieu? Pourriez-vous nous en dire plus sur les formes que cette coopération pourrait prendre?

Mme Bélanger : Oui, bien sûr. D’abord, peu importe ce que nous ferions ensemble, l’impartialité de la personne qui prend la décision ne devrait en aucun cas être compromise. Je ferai en sorte que ce soit bien clair.

Cela dit, je n’ai pas encore réfléchi aux détails d’une telle collaboration. Je n’ai pas consulté les collègues avec qui je travaillerais. Je pense néanmoins qu’il y aurait lieu d’offrir des programmes de sensibilisation et de la formation. Après tout, il y a des rencontres entre les représentants de la magistrature et du barreau. Ce pourrait être des entretiens entre les commissaires et les lobbyistes, et les commissaires et les titulaires de charge publique. Je réfléchis à des initiatives conjointes qui viseraient à clarifier les règles et à mettre dans la balance les avis des commissaires au lobbying et à l’éthique. Je pense surtout à un programme de sensibilisation.

La sénatrice Martin : Vous avez dit que les règles régissant le lobbyisme ne sont pas faciles à comprendre. Il incombe aux lobbyistes d’être transparents et de divulguer leurs activités, mais d’autres parties sont en cause. Quelles sont leurs responsabilités? J’ai pris connaissance de certaines enquêtes et affaires dont s’occupe le commissariat. Les règles sont complexes, et il est important que les gens les comprennent afin qu’ils puissent suivre toutes les règles. Quelles améliorations apporteriez-vous à cette fin? En effet, tant que les gens ne comprendront pas clairement ce qu’ils doivent faire, il y aura toujours des ambiguïtés et des conflits potentiels. Avez-vous analysé ces lacunes et problèmes afin de pouvoir les corriger lorsque vous entrerez en fonction? Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?

Mme Bélanger : Bien sûr. J’ai dit que les règles sont complexes parce qu’elles sont très détaillées. Il y a beaucoup de choses auxquelles les lobbyistes doivent penser, et elles ne leur viennent pas toujours à l’esprit.

Il y a aussi des règles relatives aux cadeaux, par exemple, et d’autres qui définissent ce qui constitue un conflit d’intérêts. Il faut toujours s’assurer que le lobbyiste ne place pas un titulaire de charge publique dans une situation où ce dernier estime avoir une obligation envers le lobbyiste. Chaque cas doit être analysé individuellement.

Je ne sais pas si ce sont les règles qui comportent des lacunes, ou si ce qui fait défaut, c’est plutôt la façon dont les gens comprennent les règles. Comme je l’ai déjà dit, je crois que je devrai travailler avec les employés qui sont en poste. Je suis certaine que les lobbyistes leur ont déjà fait part de leurs préoccupations et des difficultés qu’ils éprouvent. L’examen quinquennal permettra de passer en revue les règles et d’écouter les lobbyistes afin de voir si de nouvelles règles ou des améliorations s’imposent. Cela me donnera une idée des lacunes ou des problèmes de compréhension qui existent.

Comme je n’ai pas encore occupé ce poste, je n’ose pas trop m’avancer, car il se pourrait que j’imagine des problèmes là où il n’y en a pas, ou que je ne sois pas consciente d’une multitude de problèmes parce que je n’ai pas tout vu. Il m’apparaît toutefois évident que la consultation, l’écoute et la sensibilisation seront des éléments clés.

La sénatrice Martin : J’aurais une dernière question. Vous avez parlé de votre expérience en gestion et de l’importance du travail d’équipe. Quelle est la taille du commissariat?

Mme Bélanger : C’est un petit organisme, qui compte 28 employés. J’ai très hâte de les rencontrer, ce qui suppose, bien sûr, que je sois nommée commissaire au lobbying.

[Français]

Le sénateur Joyal : Je vous souhaite la bienvenue, madame Bélanger. Si je comprends bien la nature de votre candidature, le but du Parlement, lorsqu’il a légiféré pour créer le registre et le poste de commissaire, était de rendre transparents ceux et celles qui ont accès au pouvoir, c’est-à-dire les personnes qui sont privilégiées, d’une certaine façon, car elles peuvent embaucher des représentants et des personnes qui, quotidiennement, n’ont qu’un seul objectif, celui de convaincre les représentants du pouvoir, quels qu’ils soient, que leurs intérêts seraient bien servis si on acceptait leurs vues et leurs demandes. C'est, fondamentalement, l’objectif du lobbying.

Les citoyens, en majorité, n’ont pas les moyens d’engager des lobbyistes pour faire valoir leur point de vue sur des redressements fiscaux ou encore pour faire reconnaître leurs besoins dans des contextes particuliers. Pour la grande majorité des citoyens, le lobbying est une activité de privilégiés. Or, dans le contexte actuel, où le cynisme à l’égard du pouvoir et des gouvernements explique en partie la montée du populisme, des gens qui se sentent marginalisés dans l’exercice du pouvoir, votre fonction prend une importance particulière. Vous êtes notre agente, et non celle du gouvernement. Vous êtes l’agente du Parlement, et le Parlement est composé de deux Chambres, comme vous le savez. Vous êtes l’agente de cette Chambre aujourd’hui. C’est ce que vous voulez servir. C’est l’objectif que vous vous proposez d’atteindre.

Comment percevez-vous votre rôle et quels types d’initiatives comptez-vous prendre pour faire face à ce contexte très particulier qui est fort différent du contexte d’il y a quelques années, au moment où la loi a été adoptée, pour combattre ce cynisme dans la population à l’égard de ceux qui sont privilégiés en ce qui a trait à l’accès au pouvoir et à son exercice?

Mme Bélanger : C’est une excellente question, et je ne suis pas certaine d’y avoir réfléchi assez pour y répondre. Il est certain que la Loi sur le lobbying existe pour légiférer et rendre transparent le lobbying qui est fait par des lobbyistes payés. Effectivement, il peut s’agir de gens privilégiés. Selon ma perspective, le lobbying est une activité que tous les Canadiens devraient reconnaître comme une activité qui se fait pour leur bien. Plusieurs organismes à but non lucratif sont des lobbyistes. Ils sont là pour mettre en lumière les intérêts qui, selon eux, serviraient le mieux leur organisme, mais aussi les Canadiens. Tous les lobbyistes ne visent pas uniquement leurs intérêts personnels. Très souvent, ils sont présents pour représenter les intérêts d’une partie de la population canadienne.

Mon rôle à titre de commissaire au lobbying, si je devais le devenir, serait d’essayer de faire comprendre aux Canadiens qu’il y a du bon dans le lobbying. Souvent, oui, il y a du cynisme, c’est négatif. Cependant, plus vous avez d’information, plus vous avez de détails, plus on vous informe de ce qui se passe et des différents intérêts, plus les décisions que vous prendrez seront éclairées, pour le bien des lobbyistes et des Canadiens en général.

C’est ce que je pourrais vous dire en réponse à votre question. Par contre, je vais y réfléchir, car vous amenez une nouvelle perspective à laquelle je n’avais pas songé auparavant. Alors, je m’excuse dans le cas où je répondrais mal à votre question.

(1000)

Le sénateur Joyal : Dans ce contexte, devriez-vous porter une attention aux mécanismes prévus par la loi et à la définition des obligations des lobbyistes, afin de présenter aux Canadiens l’image de la transparence et de l’équité qui est si fondamentale? L'article 15 de la Charte énonce que nous sommes tous égaux devant la loi. Cela sous-entend que nous devrions être égaux devant le gouvernement dans la définition et l’élaboration des programmes et dans le choix des décisions que le gouvernement prend quant à son budget.

Dans le cadre de votre mandat, accepteriez-vous de revoir la façon dont les obligations des lobbyistes sont définies et la manière dont les sanctions prévues par la loi sont conformes ou adaptées au contexte contemporain?

Mme Bélanger : Tout à fait. Je pense qu’il s’agit d’un moment opportun pour le faire, puisque la révision aux cinq ans doit débuter d’un moment à l’autre. Oui, absolument, on pourrait examiner les obligations qui incombent aux lobbyistes.

Les sanctions actuelles sont de nature criminelle ou alors représentent une attaque à la réputation par la présentation de rapports au Parlement. Il n’y a vraiment rien entre les deux. Donc, il faudra examiner les sanctions possibles. C’est une excellente idée que je vais examiner dans le contexte.

Le sénateur Joyal : Dans les objectifs de la loi, devrait-on redéfinir plus précisément les objectifs liés à l’équité que le système devrait normalement refléter, eu égard à l’accès des citoyens?

Par conséquent, devrions-nous, dans notre définition de l’accessibilité au pouvoir, demeurer conscients du fait que nous devrions apporter une attention égale à la capacité des personnes qui n’ont pas les moyens d’avoir accès au gouvernement par l’intermédiaire des représentants payés et à la capacité de l’ensemble des Canadiens de mieux participer à l’expression de leurs besoins et de leurs requêtes à l’égard du gouvernement?

Mme Bélanger : Oui, mais je ne suis pas certaine que ce soit le rôle du commissaire au lobbying. Pour ce qui est de l’accessibilité aux titulaires de charge publique, je pourrais voir s’il y a une disposition de la loi qui permettrait d’aborder cette situation, mais je ne sais pas si cela fera partie de mon mandat. Je réfléchirai à votre question.

Le sénateur Joyal : Merci.

La sénatrice Saint-Germain : Bienvenue, madame la commissaire désignée. Pour moi, il est toujours particulièrement agréable d’entendre une compatriote qui parle aussi bien le français que l’anglais. Je vous félicite.

Mme Bélanger : Merci.

La sénatrice Saint-Germain : Vous avez affirmé que le lobbying est, à juste titre, une activité légitime. Vous avez ajouté, et permettez-moi de vous citer en anglais pour reprendre vos mots textuellement :

[Traduction]

There’s nothing wrong with it as long as it’s transparent.

[Français]

Je suis une ancienne titulaire de charge publique, l’équivalent de la charge publique désignée au sein du gouvernement du Québec, et j’ai reçu des lobbyistes. J’avais pour seule responsabilité de m’assurer qu’ils étaient bien inscrits au registre du Québec. J’aurais pu, comme titulaire, avec un lobbyiste qui, lui, agit dans le respect de la loi, faire en sorte que l’activité devienne illégitime par mon comportement de titulaire de charge désignée. J’aurais pu aussi donner un traitement préférentiel à ce lobbyiste. Enfin, j’aurais pu demander une faveur en échange d’une meilleure position qui lui permettrait d’obtenir un contrat public.

Croyez-vous que la loi et son règlement d’application sont suffisamment exigeants? Ne devrait-on pas exiger davantage que la seule divulgation d’un rendez-vous avec un lobbyiste de la part d’un titulaire de charge publique désigné au sein du gouvernement fédéral?

Mme Bélanger : C’est une excellente question. Effectivement, pour l’instant, les exigences liées au registre sont l’engagement à faire du lobbying. Ensuite, c’est l’inscription du fait qu’il y a eu une intervention verbale ou une rencontre. Il y a tout de même, dans le registre, des détails sur le sujet. Le code de conduite agit à titre de complément au registre. Le registre n’est pas seul, et il est évident que le registre en soi n’est pas suffisant.

Le code impose aux lobbyistes des exigences permettant d’assurer que leurs comportements ne mettraient pas les titulaires de charge publique dans une situation où ils pourraient se sentir redevables. Toutefois, le comportement des titulaires de charge publique ne s’inscrit pas dans le mandat du commissaire au lobbying. Il relève plutôt du conseiller à l’éthique du Sénat et du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique.

À titre de commissaire au lobbying, il faut de toute évidence être vigilant en ce qui a trait au comportement des lobbyistes afin de nous assurer qu’ils ne nous mettent pas dans une situation qui nous porterait à agir de façon illégitime. Par contre, le comportement des titulaires de charge publique ne relève pas du mandat du commissaire au lobbying.

Il y a eu des pourparlers, et des gens ont suggéré que les bureaux devraient être amalgamés. Je ne suis pas prête à prendre position à ce sujet. Il y a certainement du travail à faire pour veiller à ce que les deux parties comprennent les situations où il serait possible de mettre le titulaire de charge publique dans une position particulière. Enfin, la vérification du comportement du titulaire n’est pas du ressort du commissaire au lobbying.

La sénatrice Saint-Germain : Merci. Je me permets tout de même de faire le commentaire que, au moment de la révision de la loi, il pourrait être envisagé de créer un lien plus solide avec le code d’éthique quant aux enjeux et aux activités des lobbyistes et aux responsabilités, et ce, même en fonction de la loi régissant les titulaires de charge publique désignés.

Ma deuxième question concerne les lobbyistes eux-mêmes. Votre institution agira à titre de « chien de garde ». Souvent, si elle n’est pas appuyée par une loi et une réglementation suffisamment robustes, on dit de cette position qu'il s'agit d'un « tigre de papier ». Je suis une ancienne « chienne de garde », parce que j’étais protectrice du citoyen au Québec.

Croyez-vous que, au moment de la révision de la loi, les sanctions devraient être révisées? Le sénateur Dawson, avec son expérience de lobbyiste, faisait ressortir le fait que les grandes entreprises se permettent et ont les moyens d’avoir des lobbyistes professionnels chevronnés qui exercent une activité légale. Par contre, il y a aussi des sanctions qui doivent être imposées en conséquence d’une action illégitime ou d'une dérogation à la loi de la part des lobbyistes. Est-ce que les sanctions vous paraissent suffisamment sévères?

Mme Bélanger : J’ai eu l’occasion d’examiner le rapport qui avait été préparé par le comité de l’autre endroit sur la révision de la loi effectuée en 2012, ainsi que les recommandations de la commissaire actuelle. À la lecture de la loi, il me semble clair que les sanctions ne sont pas assez robustes pour assurer la conformité avec la loi et le code. Actuellement, si on croit qu’il y a eu une infraction à la loi, la décision d'intenter une poursuite au criminel revient à la GRC. Il pourrait aussi y avoir un rapport qui explique les faits. Ce serait du « public shaming », car, autrement, il n’y aurait pas vraiment de conséquences.

La commissaire Shepherd a parfois imposé de la formation assortie d’un suivi plus rigoureux pour un lobbyiste mais, effectivement, il n’y a aucune conséquence. Je crois donc, en effet, qu’il faudra se pencher sur la question des sanctions et étudier la possibilité d’une gamme de sanctions progressives. La commissaire Shepherd avait quant à elle recommandé des sanctions administratives pécuniaires. L’Association du Barreau canadien, pour sa part, avait même suggéré qu’on devrait lui accorder le pouvoir d’interdire à une personne l’exercice du lobbying.

Donc, oui, effectivement, je pense qu’il faudra réexaminer le pouvoir de sanction.

(1010)

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Madame Bélanger, merci d’être ici. Je vous en suis reconnaissant.

Mme Bélanger : Merci à vous.

Le sénateur Mercer : La commissaire au lobbying et, partant, le commissariat doivent bien comprendre en quoi les lobbyistes peuvent être utiles pour les parlementaires. Je regrette de décevoir le sénateur Dawson, mais ils sont bel et bien utiles pour nous : nous faisons notamment appel à eux pour obtenir de l’information ou des contacts; bref, ils nous aident à faire notre travail.

En tant que commissaire au lobbying, il importe que vous rencontriez individuellement les parlementaires des deux Chambres pour leur demander la nature de la relation qu’ils entretiennent avec les lobbyistes afin que, si jamais quelqu’un fait l’objet d’une plainte, peu importe de la part de qui, vous connaissiez bien le contexte dans lequel nous œuvrons.

Je suis sénateur depuis 2003, mais j’ai fait de la politique — à Ottawa et ailleurs — à peu près toute ma vie d’adulte. Des lobbyistes sont venus me voir pour me parler de leurs dossiers et j’ai moi-même fait du lobbying. Chaque fois que quelqu’un vient me voir, j’ai en tête un objectif différent. Il m’arrive par exemple de vouloir rencontrer le client du lobbyiste, soit parce qu’il s’intéresse à un projet de loi à l’étude, soit parce qu’il a de l’information que j’aurais du mal à obtenir autrement. Il m’arrive aussi de vouloir étendre mon réseau de contacts pour une mesure législative à venir. C’est une relation utile dans tous ces cas.

Il importe que vous ayez un plan. Je ne m’attends pas à vous voir arriver dans mon bureau dès la semaine prochaine, mais j’aimerais savoir que vous profiterez de la prochaine année pour faire le tour des députés et des sénateurs afin de connaître leur point de vue et de comprendre notre contexte.

Hélas, il est arrivé trop souvent, surtout dernièrement, que les mandataires du Parlement qui comparaissent devant le Sénat n’aient pas la moindre idée de notre travail ou de nos façons de faire. Or, s’il y a une chose que les mandataires du Parlement doivent savoir, c’est bien cela.

En passant, vous devriez expliquer clairement que ce que nous faisons ici au Sénat diffère à bien des égards de ce que font les députés à la Chambre des communes. Ce n’est pas comparable.

Je vous inviterais à faire cela.

Mme Bélanger : J’apprécie votre commentaire et je m’engage à vous rencontrer. Ce serait un plaisir d’entendre votre point de vue. J’apprécie beaucoup le point que vous avez soulevé. Je viendrai au Sénat et je vous rencontrerai, absolument. Merci.

Le sénateur Mercer : Merci.

Le sénateur Wetston : Il me semble que nos chemins se sont déjà croisés.

Mme Bélanger : Oui, nos chemins se sont déjà croisés.

Le sénateur Wetston : Félicitations pour votre nomination.

Mme Bélanger : Merci beaucoup.

Le sénateur Wetston : Comment pouvons-nous veiller à ce que les hauts fonctionnaires soient conscients de l’importance de la défense d’intérêts et du lobbying de qualité dans le processus d’élaboration de bonnes politiques gouvernementales? Ils semblent être méfiants. Cela annule les bienfaits de la défense d’intérêts et du lobbying, qui aident à l’élaboration de projets de loi, de politiques et de règlements. Qu’en pensez-vous, madame Bélanger?

Mme Bélanger : Si je comprends bien votre question, vous pensez que les hauts fonctionnaires ont peur de rencontrer les lobbyistes?

Le sénateur Wetston : Oui, tout le processus les rend méfiants, notamment le fait de divulguer des renseignements et de participer à ce genre de rencontres... Je l’ai moi-même vécu. Honnêtement, j’ai subi davantage de pressions dans mon rôle précédent que dans le rôle que j’occupe maintenant. Peut-être que quelque chose ne va pas chez moi ou peut-être qu’ils ne croient pas que cela vaille le coup. Je peux le comprendre.

Quoi qu’il en soit, j’ai personnellement été témoin de cette méfiance. Je me demande si, dans le cadre de votre travail de commissaire au lobbying — que j’appuie complètement, comme votre nomination —, vous allez vous pencher là-dessus.

Mme Bélanger : Absolument. Je n’étais pas au courant de la méfiance qui existait. C’est probablement parce que, chaque fois que nous entendons parler de lobbying, c’est d'un point de vue négatif. Je comprendrais si les titulaires d’une charge publique demandaient : « Allez-vous vous inscrire et, si oui, vais-je avoir des problèmes? »

Il faut faire de la sensibilisation et promouvoir le bon travail qui est accompli. En ce qui concerne les avantages d’accueillir des lobbyistes, il faut connaître et comprendre le point de vue.

Actuellement, conformément à la Loi sur le lobbying, la commissaire est censée approcher les titulaires d’une charge publique afin de vérifier les renseignements provenant de lobbyistes. Tout récemment, en octobre, la commissaire Shepherd a lancé un processus automatisé dans le cadre duquel un courriel peut être envoyé afin de demander au destinataire de vérifier l’exactitude des renseignements. Le processus a commencé en octobre, donc je ne sais pas si ce courriel a profité à quiconque.

Je comprends toutefois ce que vous dites et je vais m’assurer d’en tenir compte quand je mettrai au point un programme de sensibilisation sous une forme ou une autre. Merci beaucoup.

Le sénateur Wetston : Merci.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Bonjour. C’est toujours un plaisir de vous rencontrer. En tant que Néo-Brunswickoise, je suis très fière de votre présence ici aujourd’hui comme candidate pour le poste.

Ma question n’est pas une question piège; c’est une vraie question. Le rôle et le mandat du commissaire au lobbying, tout comme le rôle et le mandat du commissaire à l’éthique, relèvent d’une question d’intégrité et de transparence pour l’ensemble des joueurs et des activités concernés. Par ailleurs, vous avez de l’expérience à titre de commissaire à l’information.

Dans le cadre du processus quinquennal de révision de la législation, supposons que certaines conclusions se dégagent selon lesquelles on aurait un système plus efficace — en passant, je trouve le registre excellent, je le consulte régulièrement — si on fusionnait le bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique et celui du commissaire au lobbying en un seul bureau. Auriez-vous de la difficulté à envisager cette convergence, dans la mesure où vous seriez titulaire de l’un de ces deux postes?

Mme Bélanger : Je ferai ce qu’on me demande de faire. Je suis ici, aujourd’hui, à titre d’agente du Parlement pour le poste de commissaire au lobbying. Si le Parlement décide de fusionner les deux postes en question en un seul, c’est une chose que j’accepterai. Je peux vous promettre que si je fais des recommandations, dans un sens ou dans l’autre, ce ne sera pas en fonction de mon intérêt personnel. Je le ferai pour le bien commun, et je m’appliquerai à faire de mon mieux pour offrir mes conseils.

Je suis au courant du fait que la commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique pense que les deux bureaux devraient être fusionnés. La commissaire Shepherd, pour sa part, a dit qu’elle ne croyait pas que ce soit une bonne idée. Quant à moi, je n’ai pas formé d’opinion à ce sujet dans la mesure où je n’occupais pas cette fonction.

Cependant, si le Parlement désire que j’étudie la question, je suis prête à faire des consultations, à parler aux gens et à vous donner les meilleurs conseils que je puisse vous donner avec objectivité. Je peux vous faire cette promesse. Donc, non, je n’aurais aucune difficulté à ce que les deux bureaux fusionnent. Quel conseil vais-je donner? Je vais donner un conseil honnête, si on me le demande.

(1020)

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je sais que vous vous joindrez à moi afin de remercier Mme Bélanger.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que je déclare au Sénat que le témoin a été entendu?

Des voix : D’accord.


Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

Rapport du comité plénier

L’honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a été autorisé par le Sénat à entendre Mme Nancy Bélanger relativement à sa nomination au poste de commissaire au lobbying, signale qu’il a entendu ledit témoin.

La Loi sur la statistique

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Jane Cordy propose que le projet de loi C-36, Loi modifiant la Loi sur la statistique, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-36, Loi modifiant la Loi sur la statistique.

J’aimerais remercier les membres du Comité des affaires sociales de l’attention qu’ils ont portée aux éléments du projet de loi et des excellentes questions qu’ils ont posées aux nombreux témoins entendus. J’aimerais également remercier la sénatrice Frum, la porte-parole pour ce projet de loi. Ni elle ni moi n’étions spécialistes dans ce domaine, et nous avons toutes les deux dû faire beaucoup de lecture et d’écoute. Je suis très reconnaissante du travail qu’elle a fait.

Le projet de loi propose de renforcer l’indépendance de Statistique Canada et de protéger l’intégrité professionnelle de cet organisme très important.

Honorables sénateurs, nous convenons tous que des renseignements fiables et de grande qualité sont essentiels. Ils permettent au gouvernement de prendre des décisions éclairées et fondées sur des données probantes relativement à des questions de grande importance pour les Canadiens.

De tels renseignements aident en outre les Canadiens à exiger des comptes du gouvernement relativement à ses décisions.

Les statistiques sont un bien public. Elles sont produites par le gouvernement, pour les Canadiens et en leur nom. Voilà pourquoi les statistiques produites par le gouvernement doivent être de la plus grande qualité possible et adaptées aux besoins de ceux qui en dépendent. Cela comprend tous les ordres de gouvernement, les entreprises, les chercheurs, les organismes sans but lucratif, les citoyens canadiens et nous, les parlementaires.

Ses statistiques doivent aussi être impartiales.

Il y a, en effet, un large consensus à l’échelle internationale selon lequel les bureaux de statistiques doivent fonctionner de manière véritablement indépendante par rapport aux directives et à la supervision gouvernementales journalières. Ce projet de loi contribuera à harmoniser la loi régissant Statistique Canada avec les normes internationales énoncées dans les Principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations Unies et les recommandations de l’OCDE sur les bonnes pratiques statistiques.

It était intéressant d’entendre des témoins nous dire en quelle estime Statistique Canada est tenue dans le monde.

Honorables sénateurs, ce projet de loi établit un juste équilibre entre la nécessité de renforcer l’indépendance opérationnelle de Statistique Canada et la nécessité pour le gouvernement d’être responsable des statistiques qu’il produit.

Le projet de loi attribue visiblement au statisticien en chef les rôles et responsabilités liés au fonctionnement et aux procédures de l’agence, ce qui inclut toutes les décisions relatives à des questions de statistique, comme la manière dont elles sont collectées, compilées, analysées, partagées, diffusées et présentées.

De plus, parce que les statistiques sont un bien commun, le projet de loi prévoit des règles et des mécanismes transparents pour le cas où l’intervention du gouvernement peut s’avérer nécessaire. À mon avis, c’est essentiel. Il doit y avoir des mécanismes qui permettent au gouvernement de donner des directives quand il juge nécessaire de le faire dans l’intérêt national. C’est l’essence de la démocratie.

C’est pourquoi je pense que ce projet de loi établit un juste équilibre entre une grande indépendance d’un côté et la transparence et la responsabilisation de l’autre.

Le projet de loi prévoit aussi la création du nouveau Conseil consultatif canadien de la statistique, qui fonctionnera de manière transparente et publiera un rapport annuel sur l’état de notre système statistique national.

Le conseil agira comme complément à l’important ensemble de comités consultatifs déjà en place à Statistique Canada, qui comptent presque 200 membres dans tous les territoires et les provinces et représentent l’ensemble de la société canadienne.

Il s’agira d’un groupe stratégique hautement ciblé qui donnera une vue d’ensemble éclairée de l’état du système au statisticien en chef et au ministre et, au moyen de son rapport annuel, à tous les Canadiens.

En plus de tous ces éléments, le projet de loi propose que le statisticien en chef soit nommé pour un mandat renouvelable d’une durée maximale de cinq ans.

Cela fait en sorte que, selon son mérite, un statisticien en chef pourra être en poste pendant 10 ans. En même temps, il sera possible d’amener un vent nouveau dans le système de façon périodique.

Afin de renforcer davantage l’indépendance et l’intégrité professionnelle de l’agence, le projet de loi propose de nommer le statisticien en chef à titre inamovible, plutôt que selon le bon vouloir du ministre, comme c’était le cas auparavant.

Cela signifie qu’il ne peut être démis que pour un motif valable par le gouverneur en conseil.

Ensemble, ces éléments du projet de loi protègent l’intégrité professionnelle de l’agence nationale de la statistique.

Le projet de loi fait en sorte que les décisions pouvant avoir une incidence sur la qualité des statistiques nationales soient prises de façon transparente et responsable.

Le projet de loi contient d’autres modifications.

Il modifie la Loi sur la statistique de façon à retirer la peine d’emprisonnement pour les personnes qui omettent de répondre aux demandes obligatoires de renseignements. Les amendes demeureront en place.

Il permet le transfert des dossiers du recensement à Bibliothèque et Archives Canada 92 ans après la tenue du recensement.

Cette mesure s’appliquera à tous les recensements de la population menés à partir de 2021.

Pour les recensements de 2006, 2011 et 2016, et pour l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011, le gouvernement continuera de suivre les règles en place au moment de la tenue des enquêtes. Ces dossiers ne seront rendus publics que dans les cas où un consentement a été obtenu.

Honorables sénateurs, des préoccupations ont été soulevées au comité quant aux lacunes dans les données qui seront attribuables au fait que des répondants n’auront pas consenti à ce que leur dossier soit rendu public dans 92 ans. Honorables sénateurs, voilà des données historiques précieuses qui pourraient échapper aux prochains chercheurs et généalogistes.

(1030)

Les points soulevés au comité — et que reprend une observation jointe au rapport du comité sur le projet de loi C-36 — portent sur la crainte que l’on a que le nouveau paragraphe 18.1(2) ne corresponde pas à la pratique actuellement en vigueur à Statistique Canada, qui permet aux répondants d’accorder leur consentement après coup et dont le comité souhaite le maintien.

On a dit aux membres du comité que les répondants qui, dans un premier temps, refusent d’accorder leur consentement peuvent à tout moment changer d’avis et informer Statistique Canada qu’ils consentent désormais à ce que l’information soit révélée 92 ans plus tard. Or, le paragraphe 18.1(2) semble contredire cette affirmation.

Toutefois, honorables sénateurs, la Loi sur la statistique actuelle prévoit déjà un mécanisme autorisant la publication de ces données et ce mécanisme demeurera inscrit dans la loi après la mise en œuvre du projet de loi C-36 dans sa forme actuelle.

Le paragraphe 17(2) de la loi actuelle autorise le statisticien en chef à révéler des renseignements relatifs à une personne lorsque celle-ci donne, par écrit, son consentement. Le nouveau paragraphe 18.1(2) que le projet de loi C-36 propose d’ajouter à la loi n’y change rien. Si certains pensent que les deux paragraphes n’ont rien à voir l’un avec l’autre, ils ont tort. Ils se complètent.

Le projet de loi C-36 modifie la Loi sur la statistique en supprimant l’obligation d’obtenir le consentement pour le transfert des données du recensement à Bibliothèque et Archives Canada 92 ans après le recensement. Cette mesure est conforme à l’engagement qu’a pris le gouvernement en matière de données ouvertes et accessibles.

Comme je l’ai dit plus tôt, le comité s’est inquiété des données perdues en 2006, 2011 et 2016, alors que les Canadiens n’avaient pas consenti à ce que les informations les concernant soient révélées. Elles ne seraient pas révélées si l’on avait coché la case « non » ou si aucune case n’avait été cochée, cette dernière éventualité étant considérée comme un « non ».

Certains ont également dit espérer que les Canadiens qui n’ont pas donné leur consentement changent d’avis puisqu’ils en ont la possibilité et permettent la communication de leurs renseignements personnels au terme d’une période de 92 ans.

Comme je l’ai dit précédemment, le comité a fait deux observations concernant les données perdues en 2006, 2011 et 2016, alors que les gens devaient expressément accepter que leurs renseignements soient divulgués. Permettez-moi de faire lecture de ces observations qui illustrent les préoccupations exprimées par le comité et les mesures prises pour y remédier.

Voici la première observation sur les données :

De plus, compte tenu de la modification législative proposée, qui enlève l’exigence de consentement pour la publication des dossiers de recensement à Bibliothèque et Archives Canada après 92 ans, le comité demande au Statisticien en chef du Canada d’explorer toutes les options pour encourager les Canadiens à donner leur consentement pour les recensements de 2006, 2011 et 2016 et les enquêtes nationales auprès des ménages.

Statistique Canada devrait, avant le prochain recensement, souligner aux Canadiens la valeur historique des dossiers de recensement pour les futures générations.

Voici la deuxième observation sur les données :

En dernier lieu, le comité aimerait suggérer que le nouveau paragraphe 18.1(2) proposé ne semble pas refléter la pratique actuelle de Statistique Canada, consistant à autoriser les répondants à donner leur consentement après le fait, une pratique dont le comité aimerait voir la continuation.

Honorables sénateurs, je rassure mes collègues en leur disant que la loi actuelle permet déjà la collecte de données pour les années 2006, 2011 et 2016. Je précise également que le projet de loi C-36 autorise automatiquement la communication des données au terme d’une période de 92 ans.

Le paragraphe 17(2) de la loi actuelle autorise le statisticien en chef à communiquer de l’information concernant une personne si celle-ci a donné son consentement écrit à cet effet. Hier, un représentant du ministère a déclaré au comité que cette pratique a toujours cours, ce que le ministre et le statisticien en chef ont confirmé. L’ajout du paragraphe 18.1(2) n’y change rien.

Des responsables du ministère ont affirmé que, bien que nous puissions examiner ces dispositions séparément — c’est-à-dire le paragraphe 17(2) de la loi actuelle et le paragraphe 18.1(2) du projet de loi C-36 —, comme je l’ai dit plus tôt, elles devraient plutôt être lues de manière complémentaire.

Honorables collègues, les Canadiens peuvent donner leur consentement après coup.

Je crois comprendre que le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique pourrait proposer d’autres modifications à la loi en 2018, dans le cadre de ses efforts incessants en vue d’améliorer la qualité des données accessibles à la population canadienne. La modernisation de la loi figure bel et bien dans la lettre de mandat du ministre.

Enfin, honorables sénateurs, le projet de loi mettra à jour une partie du libellé de la loi afin qu’il reflète les progrès technologiques survenus dans les méthodes de collecte de données.

Honorables sénateurs, il est essentiel de pouvoir disposer de renseignements fiables, impartiaux et de grande qualité pour pouvoir prendre des décisions judicieuses. Ces renseignements sont essentiels pour aider les chercheurs à faire des découvertes scientifiques et pour éclairer les débats sur les politiques importantes. Ils sont cruciaux, car ils aident les entreprises à mettre au point des produits ou à déterminer les meilleurs endroits où s’établir. Ces renseignements sont aussi importants pour les Canadiens qui décident où ils souhaitent vivre, travailler, apprendre et jouer. De plus, ils sont essentiels à la gouvernance démocratique moderne.

Ces renseignements aident les gouvernements à prendre des décisions éclairées au sujet des programmes et des services qui comptent pour les Canadiens, et ils permettent aux Canadiens d’obliger les gouvernements à rendre des comptes.

Les modifications proposées dans le projet de loi C-36 visent à renforcer l’indépendance de Statistique Canada et à protéger son intégrité professionnelle. Elles permettront aussi d’accroître la transparence et la reddition de comptes pour ce qui est des décisions prises au sujet des statistiques, qui constituent un bien public important.

Honorables sénateurs, j’ai bon espoir que vous constaterez les changements positifs qu’apportera ce projet de loi afin d’appuyer l’agence statistique du Canada et que vous contribuerez à protéger son intégrité professionnelle en adoptant cette mesure législative.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi de crédits no 4 pour 2017-2018

Troisième lecture

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-67, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2018, soit lu pour la troisième fois.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Boniface, appuyée par l’honorable sénatrice Omidvar, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-46, qui vise à modifier les dispositions de Code criminel relatives à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue ou l’alcool.

J’appuie l’important objectif de ce projet de loi, soit de diminuer la prévalence de la conduite avec facultés affaiblies, ce que beaucoup de mes collègues, notamment la sénatrice Boniface, qui a parrainé le projet de loi, préconisent éloquemment depuis longtemps. Je ne répéterai pas les questions soulevées par mes collègues; je désire plutôt soulever des préoccupations au sujet des dispositions du projet de loi qui portent sur les sanctions.

Le projet de loi C-46 crée de nouvelles peines minimales obligatoires, et il en renforce et augmente d’autres à différents degrés. Toutes les données empiriques disponibles nous indiquent qu’il s’agit d’un pas dans la mauvaise direction.

À l'autre endroit, de nombreux témoins, notamment des représentants du Centre canadien de la statistique juridique et de l’Association des courtiers d’assurances du Canada ainsi que Barry Watson, de la faculté des sciences de la santé de la Queensland University of Technology, ont témoigné qu’il n’y a pas de preuves qui indiquent que les peines sévères ont un effet dissuasif à l’égard de la conduite avec facultés affaiblies.

De plus, comme l’indiquait le directeur général des Services correctionnels de la Nouvelle-Écosse pour justifier son choix de délaisser le modèle punitif au cours des dernières années :

Quiconque a déjà suivi un cours de psychologie élémentaire à l’université sait que les punitions ne sont pas efficaces pour changer les comportements.

(1040)

Les peines minimales obligatoires ne préviendront pas la conduite avec facultés affaiblies et ne sauveront aucune vie. Il ne fait aucun doute que nous devons nous attaquer aux causes profondes de la conduite avec facultés affaiblies, soit les problèmes d’inégalité, d’éducation du public et d’accès aux services de santé, en particulier l’accès aux traitements contre les dépendances, que ce soit l’alcoolisme ou la toxicomanie.

J’exhorte le Sénat à prendre bonne note de la principale erreur commise, selon les experts des États de Washington et du Colorado, lorsqu’un cadre réglementaire y a été établi relativement au cannabis. Cette erreur consiste à ne pas avoir mis en œuvre assez rapidement un système d’éducation du public.

Le manque d’éducation a eu notamment comme conséquence une hausse du taux de conduite avec facultés affaiblies. Comme le démontrent les études et comme l’ont dit de nombreux témoins ayant comparu devant le comité de l’autre endroit, l’éducation du public est un facteur déterminant dans la réduction de la conduite avec facultés affaiblies qui a été observée au Canada et ailleurs. Le gouvernement a prévu une somme maximale de 161 millions de dollars pour accompagner l’entrée en vigueur des dispositions contenues dans le projet de loi C-46. Cet argent doit être affecté à l’application de la loi, à la recherche et à la sensibilisation du public à propos de la conduite avec facultés affaiblies.

Le gouvernement n’a pas encore indiqué en détail comment l’argent serait utilisé, si ce n’est pour dire que la plus grande partie de l’enveloppe serait consacrée aux mesures d’application de la loi. Il y a donc lieu de se demander s’il ne risque pas d’y avoir un manque de ressources pour les efforts d’éducation et de prévention. Voici ce qu’a dit l’Association canadienne des automobilistes dans son témoignage :

Tout comme d’autres organismes sans but lucratif du pays, nous nous retrouvons avec le fardeau de créer et de mener nous-mêmes des campagnes d’éducation publique. Nous allons continuer à faire notre part, mais nous avons besoin d’aide.

Pour lutter efficacement contre le problème de la conduite avec facultés affaiblies, il faut également s’intéresser aux dépendances et aux maladies mentales qui en sont fréquemment les causes sous-jacentes et qui découlent de traumatismes passés. Les personnes qui cherchent l’oubli dans la drogue ou l’alcool font souvent partie des plus marginalisées de la société en raison de leur race, de leur sexe, de leur revenu et d’autres facteurs de discrimination affectant leur vécu.

En en faisant des criminels et en les envoyant dans des établissements, on ne fait que leur rendre la vie plus difficile et compliquer leur cheminement vers des services de traitement. L’injustice est particulièrement odieuse dans le cas des personnes qui n’ont pas les ressources nécessaires pour se faire traiter. Ces dernières n’obtiennent ni traitement ni aide pour leurs problèmes de toxicomanie tant que la police ou le système de justice pénale n’intervient pas.

Nous sommes nombreux à craindre que les peines plus sévères ne servent qu’à empirer le sort des personnes déjà aux prises avec des problèmes de toxicomanie et de santé mentale et à limiter leurs possibilités de traitement.

Bien que le projet de loi C-46 reconnaisse l’importance d’une approche des problèmes liés à la conduite avec capacités affaiblies axée sur les soins de santé — ce qui, je le sais, est le point de vue de notre collègue qui parraine ce projet de loi ici —, les dispositions actuelles touchant les peines risquent de perpétuer des éléments systémiques d’inégalité et d’injustice dans le système de droit criminel. Ainsi, le nouvel article 320.23 du Code criminel proposé dans le projet de loi crée une exception à la peine minimale obligatoire qui s’applique à la conduite avec capacités affaiblies. Si la perpétration de l’infraction n’a entraîné ni de lésions corporelles ni la mort, on autorise le tribunal à reporter la détermination de la peine pendant qu’une personne participe à un programme de traitement puis, au moment de la détermination de la peine, à ne pas lui infliger la peine obligatoire. On peut penser que c’est une bonne chose.

Le premier problème lié à cette mesure est que cette possibilité importante d’obtenir une ordonnance de traitement et d’éviter la peine minimale obligatoire ne s’étend pas à tous. De façon générale, les peines minimales obligatoires empiètent sur le droit de la personne à une peine qui tient compte de sa situation propre. C’est également le cas ici.

La logique des peines minimales obligatoires prévues dans le projet de loi C-46 en particulier pose toutefois problème d’une autre façon. L’exception accordée dans les cas d’ordonnance de traitement ne s’applique que lorsque l’infraction n’a entraîné ni de lésions corporelles ni la mort. Ainsi, cette exception crée deux issues très différentes pour deux personnes qui causent les mêmes dangers en conduisant alors que leurs capacités sont affaiblies. Que ces personnes aient ou non besoin d’être réhabilitées ou soient ou non susceptibles de l’être, une seule d’entre elles aura la possibilité de bénéficier d’une ordonnance de traitement et d’une évaluation reposant sur sa situation à elle pour déterminer si une peine minimale obligatoire est juste dans son cas.

De plus, le recours à une ordonnance de traitement et, de ce fait, la possibilité d’une exception à une peine minimale obligatoire dépendent du consentement du procureur de la Couronne. Outre le fait qu’elle pourrait limiter davantage le recours à des ordonnances de traitement, cette disposition est décourageante, puisqu’elle perpétue une importante préoccupation liée aux peines minimales obligatoires. Le pouvoir discrétionnaire en matière de détermination de la peine pourrait être transféré des juges, dont les motifs doivent être consignés, aux procureurs, qui peuvent agir sans avoir à tenir compte de ce mécanisme de reddition de comptes.

Le recours aux ordonnances de traitement dépend également de la disponibilité des programmes et des services de traitement. Dans la plupart des provinces et territoires, les services de ce genre sont déjà insuffisants.

On constate un problème supplémentaire et plus fondamental encore, c’est-à-dire la discrimination systémique dans le système de justice pénale. Dans le cadre du débat sur le projet de loi, plusieurs de nos honorables collègues, dont le sénateur Pratte et la sénatrice Saint-Germain, ont parlé de l’importance de prévenir le profilage racial lors des tests aléatoires de dépistage de l’alcool. Je suis d’accord avec la sénatrice Saint-Germain, qui demande que l’on envisage la possibilité d’effectuer les tests de dépistage obligatoire seulement à des barrages routiers organisés et annoncés, comme cela se fait actuellement en Irlande, ou seulement après un accident de la route ayant causé des blessures ou la mort. En agissant autrement, on risque d’accepter trop rapidement un régime susceptible de porter atteinte aux droits constitutionnels, alors qu’il pourrait y avoir d’autres solutions plus appropriées.

Les dispositions relatives au dépistage de l’alcool ne sont pas les seules parties du projet de loi C-46 qui, bien qu’elles semblent neutres à première vue, pourraient perpétuer la discrimination. Depuis longtemps, les peines minimales obligatoires sont considérées comme posant problème à cet égard. Les peines minimales obligatoires vont également à l’encontre des principes de la justice réparatrice et contreviennent à l’alinéa 718(2)e) du Code criminel du Canada, qui prévoit que toutes les sanctions substitutives doivent être examinées, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones, avant d’ordonner l’emprisonnement. Ce principe tient compte du défaut du système de justice pénale de reconnaître le droit autochtone et de tenir compte des antécédents sociaux des Autochtones et des iniquités importantes dont ils sont victimes, tout particulièrement des séquelles permanentes causées par le racisme et la colonisation, qui ont donné lieu à une alarmante surreprésentation des peuples autochtones dans les systèmes carcéral et pénal.

On ne peut pas nier le rôle que ces peines minimales obligatoires ont joué dans la surreprésentation des détenus racialisés, particulièrement les Autochtones, dans les prisons au Canada. L’appel à l’action no 32 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada insiste sur le fait qu’il faut permettre aux juges de déroger à l’imposition des peines minimales obligatoires et il indique qu’il s’agit d’une étape essentielle en vue de corriger un héritage de colonialisme et de discrimination dans le système de justice pénale.

Les accusations de conduite avec capacités affaiblies sont les accusations criminelles les plus susceptibles d’être contestées devant les tribunaux canadiens. Cette situation s’explique notamment parce que, dans ce domaine du droit, il y a plus de personnes qu’à l’habitude qui ont les moyens d’engager un avocat et de plaider pleinement leur cause. Les personnes bien nanties seront bien placées pour recourir à l’exception prévue dans le projet de loi C-46 sur les peines minimales obligatoires, qui repose sur l’obtention d’une ordonnance de traitement. Or, pour les plus marginalisés de la société, le recours à l’exception relative aux ordonnances de traitement est considérablement restreint, faute de connaissance de cette disposition et de représentation devant les tribunaux, et ces problèmes sont en outre accentués par un manque de ressources en matière de traitement. Voilà d’autres problèmes liés à la discrimination systémique. Je vous exhorte tous à ne pas oublier que, dans le cadre de nos responsabilités visant à garantir que les mesures législatives n’ont pas des répercussions disproportionnées sur les personnes qui sont déjà les plus marginalisées, nous devons veiller à ce que tout le monde soit au courant de l’existence de l’exception relative aux ordonnances de traitement et de celle des autres exceptions aux dispositions sur les peines minimales obligatoires prévues dans le projet de loi C-46 — et puisse ensuite y recourir.

De façon plus générale, je vous invite aussi, que ce soit dans nos délibérations sur le projet de loi C-46 au comité ou dans cette enceinte, à veiller à ce qu’il existe des solutions de rechange aux mesures pénales pour les personnes aux prises avec des dépendances et des troubles mentaux. Je pense particulièrement aux membres de la société qui ont subi des traumatismes ou des mauvais traitements aggravés par des interventions de soutien inadéquates, voire inexistantes, et aux personnes qui s’anesthésient pour tenter de composer avec une victimisation passée, la pauvreté, le racisme, le sexisme ou la violence.

J’ai parlé plus tôt de certains des effets dévastateurs de la criminalisation sur les personnes qui ont besoin d’une intervention positive. Elles ont besoin d’une qui ont et non de reproches et de punitions supplémentaires. Ne pas mettre en œuvre pleinement des réponses proactives à la toxicomanie comporte aussi des coûts pour le système de justice pénale. L’Association du Barreau canadien et le Barreau du Québec conviennent que l’approche prévue par le projet de loi risque d’imposer un autre fardeau considérable à un système qui est déjà aux prises avec des délais.

Comme nous l’avons appris dans le rapport du Comité des affaires juridiques sur les délais dans le système judiciaire, les peines minimales obligatoires font peser un fardeau sur le système de justice pénale et le système correctionnel, et ce, de nombreuses manières. Elles font augmenter le nombre d’affaires qui débouchent sur un procès lorsqu’il s’agit de Canadiens ayant les moyens de se payer un avocat, alors que ceux qui n’ont pas les moyens se sentent contraints de plaider coupables, ce qui entraîne l’emprisonnement de beaucoup trop de gens, surtout chez les pauvres, les personnes racialisées, les personnes atteintes de troubles mentaux et les toxicomanes. Comme le Comité des droits de la personne l’a entendu dans le cadre de son étude sur les droits de la personne dans les prisons, cela fait qu’on ne tient pas vraiment compte de leurs problèmes et qu’on les aide encore moins.

(1050)

Le Comité des affaires juridiques considère que l’une des principales raisons de remédier aux délais judiciaires est la surreprésentation des personnes atteintes de troubles mentaux, y compris celles aux prises avec l’alcoolisme ou une toxicomanie, dans les systèmes judiciaire et carcéral du Canada. L’étude que nous faisons du projet de loi C-46 nous donne l’occasion d’agir pour remédier à cette injustice, et je demande aux honorables sénateurs de ne pas laisser passer cette occasion. Nous devons veiller à ce que tous puissent bénéficier d’ordonnances de traitement et du pouvoir judiciaire discrétionnaire pour la détermination des peines. Plus fondamentalement, nous devons soutenir cette approche en investissant dans l’éducation populaire et une plus grande accessibilité aux services et aux programmes communautaires de traitement des troubles mentaux et des toxicomanies. J’ajoute que nous pourrions aussi étayer ces mesures avec un revenu raisonnable garanti ainsi que du soutien au logement et à l’éducation qui, ensemble, sont bien plus susceptibles d’empêcher que les personnes deviennent plus vulnérables, au départ.

Nous savons tous que la criminalisation est le type d’intervention le moins efficace, et même qu’elle peut se révéler très destructrice dans les cas où le vrai problème est un traumatisme passé, un trouble mental ou une toxicomanie. Nous devons faire en sorte que ce que vivent les personnes marginalisées dans le système de justice criminelle reflète cette réalité. J’ai hâte de travailler avec vous tous dans ce dossier et je recommande vivement le renvoi du projet de loi C-46 au comité pour qu’il en fasse un examen plus approfondi. Meegwetch, merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la modernisation des transports

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Mitchell, appuyée par l’honorable sénatrice Gagné, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet du projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

En fait, il serait plus juste de dire qu’il s’agit d’une loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada, à la Loi sur la commercialisation du CN, à la Loi sur la sécurité ferroviaire, à la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports, à la Loi sur l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, à la Loi sur le cabotage, à la Loi maritime du Canada — et ce n’est pas fini, honorables sénateurs. À cette liste s’ajoutent encore la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, la Loi sur la concurrence, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada, la Loi d’exécution du budget de 2009 et la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain. On parle donc de 13 lois distinctes et de 67 pages, ce qui fait de la mesure à l’étude un projet de loi omnibus comme nous n’en avions pas vu depuis un certain temps.

Regardons tout d’abord le déroulement des travaux, puisque le gouvernement semble avoir une idée un peu floue de l’échéancier, des dates et de ce qui s’est passé dans ce dossier. Ce projet de loi a été présenté à l’autre endroit le 16 mai 2017, il y a environ sept mois. Le Sénat l’a reçu le 2 novembre. Penchons-nous sur quelques autres chiffres.

L’autre endroit a adopté cette mesure en six jours de séance répartis sur quatre mois, ce qui exclut la relâche estivale. Le comité a consacré 5 jours, soit plus de 40 heures, à l’étude de cette mesure. Il a entendu quelque 83 témoins. Au Sénat, c’est aujourd’hui le sixième jour de séance où nous débattons de cette mesure. J’ai eu, pour ma part, 17 rencontres avec des intervenants jusqu’ici. Je ne voudrais pas faire la leçon à mes collègues du Sénat ou de l’autre endroit à propos du déroulement du processus législatif, mais il m’apparaît important de noter que, comme le montre le résumé des différentes étapes, ce processus fonctionne bel et bien comme il se doit.

En tant que sénateurs, nous avons la responsabilité de lire les projets de loi, de les étudier, de remettre en question leur contenu et de proposer, au besoin, des amendements pour les améliorer. La pression indue qui est exercée à l’égard de ce projet de loi et d’autres dont le Sénat est saisi est injustifiée, inutile et, à vrai dire, irrespectueuse.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mercer : La simple vérité, c’est que ce projet de loi est très volumineux et qu’il vise à modifier 13 lois fédérales. Que serait-il arrivé si chacun des volets de ce projet de loi avait fait l’objet d’un projet de loi distinct? Il y a lieu de se demander si nous aurions déjà terminé l’étude de certaines dispositions du projet de loi. Par exemple, nous aurions probablement réussi à traiter rapidement les modifications à la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain.

Honorables sénateurs, penchons-nous brièvement sur certaines parties du projet de loi dont nous sommes saisis à l’étape de la deuxième lecture. Le projet de loi contient de nombreuses propositions, mais je vais me concentrer aujourd’hui sur les dispositions qui visent à mettre en place un régime de droits des passagers aériens, à modifier les règles concernant l’interconnexion et à exiger l’installation d’enregistreurs audio-vidéo dans les locomotives.

Le projet de loi C-49 ajoutera de nouvelles dispositions à la Loi sur les transports au Canada afin que l’Office des transports du Canada prenne des règlements pour établir un régime des droits des passagers aériens.

À quoi ressemblera cette réglementation? Nous ne le saurons pas avant 2018. Le ministre des Transports a dit que les nouvelles règles protégeraient notamment les Canadiens contre les vols retardés, les annulations de vol et les refus d’embarquement. Or, en réalité, le projet de loi ne fait rien pour protéger les droits des passagers, car il faudra attendre de voir ce qui sera réellement prévu dans la réglementation. En fait, cette mesure de protection des passagers aériens est totalement vide de contenu.

Cette nouvelle réglementation sera-t-elle suffisante? Va-t-elle éviter aux passagers une situation comme celle qui s’est produite lorsque des avions d’Air Transat ont été retenus sur le tarmac de l’aéroport d’Ottawa? Le transporteur aérien s’est finalement vu imposer une amende, il y a quelques jours. J’espère sincèrement que c’est ce qui arrivera; sinon, à quoi aurait servi cet exercice?

Il y a lieu de poser la question suivante : pourquoi procéder au moyen d’un projet de loi plutôt qu’au moyen d’un règlement? Ce n’est pas comme s’ils ignoraient qu’on souhaitait un tel changement, car on le réclame depuis des années. Il doit bien y avoir quelqu’un qui y a prêté attention.

Honorables sénateurs, je vais tenter d’expliquer en termes simples ce qu’on entend par « interconnexion », pour ceux d’entre vous qui l’ignorent. C'est une question complexe. Il s’agit d’une opération où une société ferroviaire transporte les wagons d’un expéditeur pour les transférer à une autre société ferroviaire qui se chargera de faire parvenir le chargement à destination. Ce genre d’opération est nécessaire pour les clients qui sont desservis par une seule compagnie de chemin de fer. Elle leur donne accès à d’autres transporteurs ferroviaires et leur permet de faire jouer la concurrence.

Le projet de loi remplace le régime temporaire d’allongement de la distance d’interconnexion par l’interconnexion de longue distance. Dans l’ancienne loi, le gouvernement précédent avait fixé la distance à un certain nombre de kilomètres. L’actuel gouvernement prolonge considérablement cette distance.

Bien que, de l’extérieur, l’idée puisse sembler bonne, le changement inquiète certains intervenants parce qu’il risque de trop élargir l’accès au marché canadien pour les sociétés ferroviaires américaines, ce qui menacerait la souveraineté du Canada ainsi que les emplois et les investissements au pays.

On s’est aussi demandé pourquoi on propose une telle chose en pleines négociations sur l’ALENA. Cela me dépasse qu’on cède l’accès aux sociétés ferroviaires américaines sans aucune garantie de réciprocité — ou si peu — pour les transporteurs ferroviaires canadiens alors même que l’on renégocie l’ALENA. C’est insensé. N’importe quel novice en affaires vous dira qu’il ne faut pas céder ainsi sur un point dès le début des pourparlers.

L’installation d’enregistreurs audio-vidéo de locomotive est peut-être l’élément le plus troublant du projet de loi. Ceux qui sont pour cette disposition font valoir qu’il s’agit d’assurer la sécurité et de prévenir les accidents. Ceux qui sont contre soulignent pour leur part le risque sérieux d’atteinte au droit à la vie privée et le fait que cet équipement pourrait être utilisé à des fins disciplinaires.

Serait-il possible d’apaiser les craintes en matière de protection des renseignements personnels d’une manière qui satisfasse les deux camps? Nous verrons bien.

La protection des renseignements personnels est une préoccupation valide, surtout quand on considère quelles règles s’appliqueront. J’en ai parlé l’autre jour dans une question à la sénatrice Lankin. Lorsqu’un train canadien entre aux États-Unis, son équipage doit être remplacé par un équipage américain après une certaine distance. Il y a donc maintenant du personnel américains dans le train canadien. En ce qui a trait aux enregistrements audio et vidéo, quelles règles sur la protection des renseignements personnels devons-nous suivre, celles des États-Unis ou du Canada? Qui sont les personnes dont les droits sont concernés? Il s’agit de questions très importantes.

(1100)

Enfin, honorables sénateurs, je parlerai de la question du grain. Si le gouvernement est — ou était — très préoccupé par le transport du grain, pourquoi n’a-t-il pas prolongé la mesure législative précédente, comme il l’avait déjà fait pour assurer l’acheminement du produit vers les marchés? Il a plutôt choisi de présenter un projet de loi omnibus où les dispositions sur le transport du grain sont noyées dans une mer de modifications.

Il faut faire en sorte que le grain puisse être acheminé vers les marchés, et je suis heureux d’appuyer les dispositions à ce sujet dans le projet de loi. Toutefois, l’étude de l’ensemble de la mesure législative, en raison de son ampleur titanesque, prendra du temps.

Selon de nouvelles données, les récoltes de cette année sont abondantes. C’est une excellente nouvelle pour les agriculteurs de l’Ouest, et tous les Canadiens, qui connaissent une autre bonne année malgré les caprices de dame Nature au début de la saison. Nous devons donc aider les agriculteurs à acheminer leurs récoltes vers les marchés, mais il ne faut pas pour autant négliger les autres aspects du projet de loi, qui pourraient nuire à d’autres intervenants.

Imaginons qu’un projet de loi distinct regroupant les dispositions sur le transport du grain est présenté à la Chambre des communes aujourd’hui ou lundi, et qu’il est adopté rapidement et renvoyé au Sénat. Je vous garantis que je l’appuierais afin qu’il soit rapidement adopté ici.

Honorables sénateurs, toutes ces questions et d’autres encore doivent être posées, et c’est ce que nous ferons. Nous allons jouer notre rôle. Le processus législatif sera préservé, malgré tous les efforts de certains pour précipiter l’adoption du projet de loi par le Sénat. Il est plus important qu’un examen soit minutieux que rapide, et je pense que nous sommes tous du même avis. Je me permets de rappeler à ceux qui voudraient accélérer le processus que nous sommes ici tenus d’accomplir notre devoir pour l’ensemble des Canadiens.

Je félicite d’ailleurs le gouvernement du très important travail qu’il a accompli jusqu’à présent dans ces dossiers. J’ai hâte d’entendre le ministère et les fonctionnaires.

J’ai aussi hâte d’entendre ce que les sociétés ferroviaires, les transporteurs aériens, les quelques syndicats et les autres intervenants auront à dire au comité. Je vous remercie, honorables sénateurs.

L’honorable André Pratte : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Mercer : Oui.

Le sénateur Pratte : En ce qui concerne les enregistreurs audio-vidéo de locomotive, le projet de loi comporte vraiment trois aspects. Premièrement, ce à quoi l’Office des transports du Canada a accès après un accident. Deuxièmement, ce à quoi les sociétés ferroviaires ont accès après qu’un incident a été signalé à l’office. Troisièmement, la question des enregistrements. Y a-t-il des aspects qui vous plaisent davantage — par exemple, ce qui arrive après un accident — et d’autres dont vous êtes moins satisfait? Rejetteriez-vous tout l’aspect qui concerne les enregistreurs audio-vidéo de locomotive?

Le sénateur Mercer : Pour répondre à la dernière partie de la question, je ne rejetterais pas tout des enregistreurs audio-vidéo. Je crois qu’on pourrait trouver un compromis. Si l’Office des transports du Canada était le seul à avoir accès à ces enregistrements après un accident, le seul à pouvoir les conserver et à en disposer, il pourrait les consulter afin de voir ce qui aurait pu être changé pour éviter le problème, et s’en servir pour mieux gérer le processus.

Ma principale objection, c’est que les sociétés ferroviaires ne devraient pas avoir accès à ces renseignements afin de s’en servir à des fins disciplinaires. Les équipes d’employés qui sont à bord des trains travaillent parfois jusqu’à 13 heures de suite. Beaucoup de choses peuvent se produire en 13 heures. Il serait très préoccupant, à mes yeux, que les sociétés ferroviaires puissent avoir accès à ces renseignements et s’en servir à des fins disciplinaires. Ces données ne devraient servir qu’à améliorer la sécurité ferroviaire. Les patrons des sociétés ferroviaires ne devraient pas s’en servir pour sanctionner les employés.

Le sénateur Pratte : Que penseriez-vous de l’idée d’inclure dans la loi — si cela ne figure pas déjà dans celle-ci — une disposition qui interdirait aux compagnies de se servir de ces enregistrements à des fins disciplinaires?

Le sénateur Mercer : Je préférerais qu’il y ait tout simplement une disposition qui interdise aux compagnies d’avoir accès aux enregistrements. Seul le Bureau de la sécurité des transports devrait y avoir accès. Si, un jour, après avoir examiné ces enregistrements, le bureau estime avoir un problème avec telle ou telle compagnie de chemin de fer, il pourrait alors signaler le problème à corriger à la compagnie. Les représentants de la compagnie lui demanderaient ensuite comment il est au courant de ce problème, et le bureau pourrait lui dire qu’il s’en est rendu compte après avoir visionné les enregistrements de plusieurs trains, sans permettre aux représentants d’avoir accès aux employés concernés. Cela pourrait permettre de protéger le droit à la vie privée des employés. Nous devrions peut-être inviter de nouveau le commissaire à la protection de la vie privée et lui faire part de cette suggestion. Ma principale préoccupation est la protection de la vie privée des personnes concernées, mais ces enregistrements sont importants et pourraient être utiles pour des raisons de sécurité.

L’honorable Donald Neil Plett : Le sénateur Mercer accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Mercer : Oui.

Le sénateur Plett : Merci, sénateur Mercer. Comme c’est souvent le cas, je suis tout à fait d’accord avec vous. Je vous remercie de votre discours. J’ai quelques questions à vous poser.

Cependant, j’ai d’abord une observation à faire. Nous avons tous subi des pressions — je suis sûr que vous ne faites pas exception à la règle — de la part du gouvernement, tant au Sénat qu’à la Chambre des communes. Puisque le sort des producteurs de grains de l’Ouest me tient beaucoup à cœur, je suis certes en faveur de l’élargissement de la portée de la mesure législative ou de la présentation d’un projet de loi distinct. Toutefois, le gouvernement tente maintenant de nous intimider et de nous faire croire que les producteurs de grains de l’Ouest souffriront si nous n’adoptons pas les 13 projets de loi qui forment le projet de loi C-49.

J’ai reçu un appel du ministre l’autre jour. Il a été très gentil et il m’a laissé entendre qu’il pourrait se libérer lundi si nous acceptions de nous réunir ce jour-là. Ainsi, lundi soir ou mardi, nous pourrions avoir adopté 13 projets de loi. Il ne voyait aucune raison pour nous de vouloir les étudier, puisque les députés l’ont déjà fait et que nous devrions évidemment leur faire confiance.

Ma question sera brève — et oui, Votre Honneur, nous accorderons cinq minutes de plus à l’honorable sénateur s’il le demande.

Sénateur Mercer, dans la mesure où cette mesure législative équivaut en fait à 13 projets de loi, ne serait-il pas logique que nous ayons au moins 13 heures pour en discuter, à raison d’une heure par projet de loi, peut-être deux, en plus des 13 à 26 heures de séance au comité, où nous pourrions l’amender afin de le rendre acceptable, après quoi il serait renvoyé ici? Croyez-vous que ce serait raisonnable comme laps de temps?

Son Honneur le Président : Sénateur Mercer, votre temps de parole est écoulé. Souhaitez-vous avoir cinq minutes de plus?

Le sénateur Mercer : S’il vous plaît.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Mercer : Sénateur Plett, vous avez commencé par dire que vous êtes d’accord avec moi. Que faisiez-vous à l’époque où vous étiez assis là et que nous posions les mêmes questions au sujet des nombreux projets de loi omnibus dont nous étions saisis? Le chemin de Damas est plutôt court, on dirait.

Je crois néanmoins que vous avez raison : nous devrions faire notre travail et prendre le temps d’étudier les projets de loi. Celui-ci est assez compliqué et il renferme bon nombre de dispositions compliquées. Je n’ai pas passé en revue chacune des 13 lois qu’il modifie, mais je crois que le Sénat le devrait. Je ne sais pas si elles ont toutes besoin d’une heure complète de séance au comité, mais peut-être que oui. Quand on commence — et vous êtes ici depuis assez longtemps pour en savoir quelque chose, sénateur Plett —, il arrive souvent qu’une question en amène une autre, puis une autre. Il faut donc que le comité organise des audiences en bonne et due forme et qu’il entende des témoins. Gardons à l’esprit qu’il se peut que nous devions modifier le projet de loi si c’est ce qu’il faut faire pour qu’il serve au mieux les intérêts du secteur canadien des transports.

[Français]

L’honorable Pierrette Ringuette : Est-ce que le sénateur Mercer accepterait de répondre à d’autres questions?

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Oui.

La sénatrice Ringuette : Sénateur, je veux parler des appareils d’enregistrement pour les locomotives dont il est question dans le projet de loi. Il y a deux semaines, le ministre nous a tous transmis une copie de la lettre qui a été envoyée aux compagnies de chemin de fer et aux associations des chemins de fer afin de préciser cette question.

(1110)

Cela répond-il à vos préoccupations en ce qui a trait à l’utilisation d’enregistreurs vidéo?

Le sénateur Mercer : Non, et je vais vous dire pourquoi. C’était bien de recevoir une lettre du ministre. C’était une jolie lettre. Je suis sûr que tout le monde a aimé cela. Je suis sûr que les sociétés de chemin de fer ont aussi aimé en recevoir une copie. Toutefois, cela n’a pas le poids d’un projet de loi. Si vous souhaitez le garantir, mettez-le dans le projet de loi.

Vous auriez dû y penser plus tôt, monsieur le ministre. Vous auriez dû y penser avant. Vous auriez dû vous soucier de la protection des travailleurs. Vous auriez dû penser à leur vie privée. Vous auriez dû penser au fait que des trains franchissent régulièrement la frontière américaine.

Vous auriez dû penser à tout cela. Personne n’y a pensé et je ne crois pas qu’il faille aller de l’avant sans que les travailleurs canadiens soient mieux protégés.

Son Honneur le Président : Sénatrice Ringuette, le temps de parole du sénateur Mercer est presque écoulé. Un autre sénateur voulait poser une question. Je reviendrai à vous si nous avons le temps.

L’honorable Michael Duffy : Je vais donner suite aux commentaires du sénateur Plett et au discours du sénateur Mercer.

Sénateur Mercer, je reçois des courriels et des appels, comme tout le monde, j'en suis sûr, surtout de l’Ouest du Canada sur la question des grains. Que devrions-nous dire à ces gens qui se demandent quand quelque chose sera fait?

Le message qu’ils nous envoient est le suivant : « Avez-vous tellement hâte de partir pour les vacances de Noël que cela ne vous dérange pas de ne pas aider les agriculteurs de l’Ouest? » Comment pensez-vous que nous devrions répondre à ce genre de courriels?

Le sénateur Mercer : Donnez-leur l’adresse de courriel du ministre Garneau et invitez-les à lui demander pourquoi il a mis cette importante mesure au sujet du transport des grains dans un projet de loi omnibus plutôt que dans un projet de loi distinct susceptible de régler ces questions. Les agriculteurs ont anticipé le problème. Les sociétés de chemin de fer ont anticipé le problème. Devinez qui n’a pas anticipé le problème? Le gouvernement du Canada.

Le sénateur Plett : Bonne réponse.

Son Honneur le Président : Sénateur Mercer, votre temps de parole est encore écoulé. Je sais que la sénatrice Ringuette voulait poser une autre question. Demandez-vous plus de temps?

Le sénateur Mercer : Oui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Vous pouvez poser une seule question, sénatrice Ringuette.

La sénatrice Ringuette : Je ne poserai qu’une seule question. J’ai donc intérêt à ce qu’elle soit bonne.

Ma question fait suite à celle que je vous ai posée précédemment, sénateur Mercer. Je me rappelle distinctement que, dans la lettre, le ministre a dit qu’il consulterait l’industrie et les groupes d’employés sur les enregistrements vidéo lorsqu’il élaborerait le règlement.

Ce qui m’inquiète — et j’aimerais savoir ce que vous en pensez —, c’est que cette lettre a été envoyée aux compagnies de chemin de fer et à chacun de nous, mais pas aux principaux intéressés. En outre, aucune copie n’a été envoyée à Unifor ni aux Teamsters.

Comment interprétez-vous une telle lettre?

Le sénateur Mercer : J’ai eu un si grand nombre de visites d’Unifor et des Teamsters que j’ai demandé à un membre de mon équipe de vérifier si le lobbyiste des Teamsters faisait maintenant partie du personnel tellement il est ici souvent.

Je crois que dire aux gens qu’on va les consulter et les consulter sont deux choses différentes. Le ministre a dit qu’il les consulterait. Il semble qu’il a peut-être consulté les compagnies pour le projet de loi, mais, d’après mes discussions avec Unifor et les Teamsters, j’ai cru comprendre qu’eux n’avaient pas été consultés, ou bien peu. Le ministre ne devrait pas dire qu’il va consulter s’il n’a pas l’intention de le faire, ni rejeter nos préoccupations du revers de la main en disant qu’il a écrit une lettre aux compagnies, alors que les principaux intéressés n’y ont pas accès.

Si on veut empêcher qu’ils y aient accès, qu’on l’inscrive dans le projet de loi. Protégeons les intérêts des travailleurs. Protégeons la vie privée des Canadiens et, surtout, protégeons les intérêts canadiens.

Le sénateur Plett : Absolument.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Mitchell, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.)

[Français]

Le Sénat

La Loi sur l’abrogation des lois—Motion tendant à faire opposition à l’abrogation de la loi et de dispositions d’autres lois—Ajournement du débat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 7 décembre 2017, propose :

Que, conformément à l’article 3 de la Loi sur l’abrogation des lois, L.C. 2008, ch. 20, le Sénat adopte une résolution faisant opposition à l’abrogation de la loi et des dispositions des autres lois ci-après, qui ne sont pas entrées en vigueur depuis leur adoption :

1.Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R., ch. 33 (2e suppl.) :

-Parties II et III;

2.Loi sur les contraventions, L.C. 1992, ch. 47 :

-alinéa 8(1)d), articles 9, 10 et 12 à 16, paragraphes 17(1) à (3), articles 18 et 19, paragraphe 21(1) et articles 22, 23, 25, 26, 28 à 38, 40, 41, 44 à 47, 50 à 53, 56, 57, 60 à 62, 84 (en ce qui concerne les articles suivants dans l’annexe : articles 1, 2.1, 2.2, 3, 4, 5, 7, 7.1, 9 à 12, 14 et 16) et 85;

3.Loi de mise en œuvre de l’Accord sur le commerce intérieur, L.C. 1996, ch. 17 :

-articles 17 et 18;

4.Loi de mise en œuvre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, L.C. 1998, ch. 32;

5.Loi sur le précontrôle,L.C. 1999,ch. 20 :

-article 37;

6.Loi sur l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, L.C. 1999, ch. 34 :

-articles 155, 157, 158 et 160, paragraphes 161(1) et (4) et article 168;

7.Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations, L.C. 2000, ch. 12 :

-articles 89 et 90, paragraphes 107(1) et (3) et article 109;

8.Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 :

-article 45;

9.Loi sur le Yukon, L.C. 2002, ch. 7 :

-articles 70 à 75 et 77, paragraphe 117(2) et articles 167, 168, 210, 211, 221, 227, 233 et 283;

10.Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et d’autres lois en conséquence, L.C. 2003, ch. 26 :

-articles 4 et 5, paragraphe 13(3), article 21, paragraphes 26(1) à (3) et articles 30, 32, 34, 36 (en ce qui concerne l’article 81 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes), 42 et 43;

11.Loi sur la procréation assistée, L.C. 2004, ch. 2 :

-articles 12 et 45 à 58;

12.Loi modificative et rectificative (2003), L.C. 2004, ch. 16 :

-articles 10 à 17 et 25 à 27;

13.Loi d’exécution du budget de 2005, L.C. 2005, ch. 30 :

-partie 18 à l’exception de l’article 125;

14.Loi modifiant certaines lois relatives aux institutions financières, L.C. 2005,ch. 54 :

-paragraphes 1(1) et 27(2), articles 29 et 102, paragraphes 140(1) et 166(2), articles 168 et 213, paragraphes 214(1) et 239(2), article 241, paragraphe 322(2), article 324, paragraphes 368(1) et 392(2) et article 394;

15.Loi modifiant la législation régissant les institutions financières et comportant des mesures connexes et corrélatives, L.C. 2007, ch. 6 :

-article 28, paragraphe 30(1), paragraphe 30(3) en ce qui concerne l’alinéa 439(3)a) de la Loi sur les banques, paragraphe 88(1), paragraphe 88(3) en ce qui concerne l’alinéa 558(3)a) de la Loi sur les banques, paragraphe 164(1), paragraphe 164(3) en ce qui concerne l’alinéa 385.04(3)a) de la Loi sur les associations coopératives de crédit, article 362 en ce qui concerne les paragraphes 425(1) et (2), les alinéas 425(3)a) et c) et le paragraphe 425(4) de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt.

— Honorables sénateurs, il s’agit d’une motion qu’il m’a pris un certain temps à lire hier, avec toutes ses parenthèses, apostrophes, et cetera.

La motion que vous avez devant vous, et que j’ai lue, est liée au programme issu du projet de loi S-207, intitulé Loi prévoyant l’abrogation des lois non mises en vigueur dans les dix ans suivant leur sanction. Si la motion dont nous sommes saisis est adoptée, elle aura pour effet de différer l’abrogation de lois ou de dispositions de lois qui ne sont pas en vigueur depuis 10 ans. Les lois ou dispositions de lois qu’on nous demande de conserver ont été recommandées par les ministres concernés, parce qu’ils ou elles croient qu’il est utile de conserver ces dispositions pour le moment dans nos lois, même si elles ne sont pas en vigueur, afin de ne pas créer de vide juridique.

Avant d’aller plus loin, permettez-moi de faire un petit rappel historique. Plusieurs personnes ici reçoivent cette motion pour la première fois, et les sénateurs d’expérience me corrigeront si j’oublie un élément.

La Loi sur l’abrogation des lois a été déposée au Sénat par le sénateur Tommy Banks. Selon lui, une loi ou une disposition de loi qui n’était pas en vigueur devait être abrogée après 10 ans ou plus d’existence. C’est pourquoi il a présenté dans cette Chambre un projet de loi visant à faire le ménage dans les lois.

[Traduction]

Le projet de loi S-207, qui a mis en œuvre la Loi sur l’abrogation des lois, a été adopté à l’unanimité par les deux Chambres du Parlement et a reçu la sanction royale le 18 juillet 2008. La loi est entrée en vigueur deux ans plus tard.

La Loi sur l’abrogation des lois est une mesure d’ordre administratif concernant les lois fédérales qui vise l’abrogation des dispositions non mises en vigueur. Elle demande au gouvernement de vérifier si les lois non mises en vigueur dans les 10 ans suivant leur sanction sont toujours requises, et fait en sorte que le recueil des lois canadiennes soit tenu à jour.

[Français]

Afin de bien comprendre la loi, permettez-moi d’en lire le sommaire, qui est très instructif.

[Traduction]

Le texte prévoit que les lois et dispositions législatives devant entrer en vigueur à une date fixée par proclamation ou par décret qui ne sont pas encore en vigueur le 31 décembre de la neuvième année suivant la date de la sanction doivent être répertoriées dans un rapport annuel déposé devant chaque Chambre du Parlement.

Elles seront abrogées si elles n’ont pas été mises en vigueur au 31 décembre suivant, à moins que l’une ou l’autre Chambre n’adopte cette année-là une résolution écartant leur abrogation.

Le texte s’applique à toutes les lois — qu’elles aient été présentées dans l’une ou l’autre Chambre sous forme de projet de loi du gouvernement ou de projet de loi d’intérêt public ou privé émanant d’un sénateur ou d’un député — dont le libellé prévoit l’entrée en vigueur à une date fixée par le gouverneur en conseil. Il ne s’applique pas aux lois et dispositions législatives devant entrer en vigueur à la date de la sanction ou à la date qui y est précisée.

Il comporte une disposition transitoire concernant les dispositions législatives qui ont été modifiées au cours de la période de neuf ans précédant l’entrée en vigueur du texte.

(1120)

[Français]

Bref, cette loi concerne uniquement les lois ou dispositions de lois devant entrer en vigueur à une date non précisée et déterminée par proclamation ou par décret. Elle prévoit l’abrogation automatique de toute loi ou disposition de loi qui n’est pas entrée en vigueur après 10 ans. Alors, voyons comment fonctionne la Loi sur l’abrogation des lois.

Celle-ci exige que, au début de chaque année civile, le ou la ministre de la Justice dépose devant les deux Chambres un rapport dressant une liste de toutes les lois et dispositions législatives qui ne sont pas en vigueur au moins neuf ans avant le 31 décembre précédent. Toute loi ou disposition législative figurant dans le rapport annuel sera abrogée automatiquement le 31 décembre suivant, à moins qu’elle soit entrée en vigueur, ait été amendée ou ait été épargnée par cette motion.

En effet, à la suite du dépôt du rapport, les ministres concernés sont consultés afin de vérifier qu’aucun problème ou vide juridique ne soit créé par le processus édicté par la loi. En cas de doute, le ministre demande alors de différer l’abrogation. Les demandes ministérielles sont alors regroupées dans une motion, soit la motion dont vous êtes saisis.

En somme, le rapport préparé par le ministère de la Justice et déposé au Sénat le 2 février dernier, qui est le septième rapport, présente la liste des lois ou dispositions des lois qui seront abrogées automatiquement au 31 décembre, parce qu’elles ne sont jamais entrées en vigueur depuis 10 ans ou plus, le 31 décembre prochain.

Le rapport de 2017 contient 17 éléments. Il reprend les dispositions législatives non abrogées en 2016, soit une quinzaine, et ajoute deux éléments, soit des dispositions de deux lois qui ne sont pas encore en vigueur. J’en reparlerai plus tard. À titre de renseignement, le rapport de 2016 contenait 19 éléments, dont 4 ont été abrogés automatiquement, ainsi qu’une partie d’un autre élément.

Maintenant, la motion dont vous êtes saisis contient 15 éléments sur les 17 éléments énoncés dans le rapport. Elle propose donc de différer l’abrogation de 15 éléments — je me répète, mais il est important de comprendre ce que l’on fait — sur les 17 éléments contenus dans le rapport.

Donc, cette année, 2 dispositions sur les 17 contenues dans le rapport seront abrogées automatiquement. Il s’agit de l’élément 12 du rapport concernant l’article 78 de la Loi de 2002 sur la sécurité publique dont on avait différé l’abrogation l’année dernière, ainsi que l’élément 14. Ce dernier a trait au paragraphe 7(1) de la Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et d’autres lois en conséquence de 2005. Ce paragraphe sera abrogé, donc il ne figure pas dans la motion. C’est pour cette raison que je vous en parle.

Pourquoi reporte-t-on autant d’abrogations? En fait, certaines de ces dispositions seront touchées par des législations en cours. D’autres ne sont pas en vigueur, parce que les réglementations associées ne sont pas toutes en vigueur en raison d’un très long processus réglementaire, comme dans le cas, dont je vous parlerai plus tard, de la Loi de mise en œuvre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

Cette année, neuf ministres ont recommandé le report de l’abrogation des dispositions dont ils sont responsables. Ce sont les ministres des Finances, des Affaires étrangères, de la Santé, des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, de la Justice, de la Défense nationale, des Services publics et de l’Approvisionnement, des Transports ainsi que le président du Conseil du Trésor. L’année dernière, j’ai expliqué toutes les raisons invoquées par les différents ministres, mais j’ai manqué de temps et j’ai parlé très vite. Je ne ferai pas la même chose cette année. Je vais plutôt vous exposer trois éléments dont on va reporter l’abrogation pour que vous puissiez comprendre. Ce sont des éléments choisis et significatifs.

Parlons des raisons invoquées pour retarder l’abrogation de la Loi de mise en œuvre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. L’abrogation de cette loi a été retardée depuis quelques années. Le ministre des Affaires étrangères est d’avis que l’on pourra faire entrer en vigueur cette loi dès que le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires sera en vigueur. Toutefois, ce traité doit être ratifié par 44 États avant d’entrer en vigueur, et 8 d’entre eux ne l’ont pas encore fait. La loi mettra le traité en œuvre à la date de son entrée en vigueur. Bien que la loi ne soit pas en vigueur, le gouvernement met en œuvre certaines parties de la loi qui décrivent les responsabilités ministérielles d’Affaires mondiales Canada, de Ressources naturelles Canada, de Santé Canada et d’Environnement et Changement climatique Canada afin de respecter les exigences politiques, technologiques et administratives du traité.

Si les ratifications restantes nécessaires à l’entrée en vigueur du traité sont déposées à l’ONU au cours des années à venir, le Canada doit disposer du cadre législatif requis pour mettre pleinement en oeuvre le traité. Donc, le report de l’abrogation permet aux ministères concernés de poursuivre leurs travaux et est donc recommandé.

Voici maintenant les raisons données par le ministre des Finances concernant le report de l’abrogation des articles 14 et 15 de la motion dont vous êtes saisis. L’article 15 est nouveau sur la liste.

[Traduction]

Le ministre des Finances recommande le report de plusieurs dispositions de la Loi modifiant certaines lois relatives aux institutions financières. Ces dispositions concernent les formulaires que les actionnaires des institutions financières peuvent utiliser pour voter par procuration et exemptent certaines communications destinées aux actionnaires du cadre régissant les communications relatives aux procurations en vertu de la Loi sur les banques, de la Loi sur les associations coopératives de crédit, de la Loi sur les sociétés d’assurance et de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt. En outre, ces dispositions modifient la Loi sur l’association personnalisée le Bouclier vert du Canada afin de mettre à jour les renvois à la Loi sur les sociétés d’assurance, puisque les numéros des articles ont changé avec le temps.

Le report de l’abrogation de ces dispositions est recommandé puisque le projet de loi C-25, dont le Sénat est saisi, propose la mise à jour des dispositions sur la gouvernance des personnes morales en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, y compris celles qui concernent les formulaires de procuration. De plus, le ministère des Finances mène actuellement des consultations auprès du public sur les questions relatives au vote des actionnaires. Cette démarche entraînera probablement des modifications à des règlements qui ne sont pas encore entrés en vigueur.

Le report de l’abrogation des dispositions susmentionnées est recommandé afin que le ministère des Finances puisse évaluer si des modifications s’imposent pour garantir la solidité du cadre législatif, notamment au plan administratif.

[Français]

Maintenant, abordons le nouvel élément qui apparaît dans le rapport et dans cette liste.

[Traduction]

Le ministre des Finances recommande le report de plusieurs dispositions de la Loi modifiant la législation régissant les institutions financières et comportant des mesures connexes et corrélatives. Cette loi modifie la Loi sur les banques, la Loi sur les associations coopératives de crédit et la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt.

C’est la première année que la Loi sur l’abrogation des lois s’applique à ces dispositions. L’une des dispositions de la Loi sur les banques a trait au régime de sûretés particulières, un cadre législatif qui permet aux banques d’offrir des prêts aux emprunteurs qui s’occupent de la production de ressources primaires ou de fabrication moyennant garantie portant sur leurs produits. Les amendements transféreraient certains éléments du régime, qui ne relèveraient plus de la loi, mais d’un règlement, de façon à faciliter leur mise à jour par rapport à l’évolution des opérations.

(1130)

Les autres dispositions qui ne sont pas encore en vigueur modifient les articles correspondants de la Loi sur les banques, de la Loi sur les associations coopératives de crédit et de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt afin d’obliger les institutions financières à tenter de communiquer par courriel avec les détenteurs de soldes non réclamés.

Le public canadien est consulté par l’entremise du document de consultation sur le cadre fédéral régissant le secteur financier. Il est recommandé de reporter l’abrogation de ces dispositions afin que l’incidence des éventuels changements législatifs sur elles, l’incidence qu’aurait leur mise en œuvre ainsi que les résultats des consultations en cours puissent être pris en compte.

[Français]

Chers collègues, avant de terminer, j’aimerais insister sur la nature temporaire des reports d’abrogation. La Loi sur l’abrogation des lois prévoit que les reports d’abrogation ne sont valides que pour une seule année. Toute loi ou disposition dont l’abrogation est reportée cette année se retrouvera de nouveau dans le prochain rapport annuel et peut-être dans la motion; nous verrons.

Il est important d’adopter une résolution avant le 31 décembre 2017.

Son Honneur le Président : Sénatrice Bellemare, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Bellemare : Une minute, s’il vous plaît, à moins qu’il n’y ait des questions.

Son Honneur le Président : Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Bellemare : Autrement dit, la loi complète et les dispositions législatives visées par la motion seront automatiquement abrogées le 31 décembre 2017 par application de la Loi sur l’abrogation des lois si nous n’adoptons pas la motion.

Si la résolution n’est pas adoptée avant cette date, cela pourrait entraîner des incohérences dans la législation fédérale. L’abrogation de certaines dispositions pourrait même créer des tensions entre le gouvernement fédéral et les provinces et les territoires et influer sur les relations internationales du Canada.

De plus, si la résolution n’est pas adoptée à temps, les ministères fédéraux devront déposer de nouveaux projets de loi afin de remédier aux failles dans le corpus législatif qui résulteront de l’abrogation des dispositions en cause. Ces projets de loi devront passer par toutes les étapes du processus législatif, de la formulation des orientations jusqu’à la sanction royale. Cela s’avérerait très coûteux.

En conclusion, je vous demande d’appuyer cette motion et de voter en faveur de la résolution prévoyant que la loi complète et les dispositions législatives énumérées hier dans le préavis de motion ne soient pas automatiquement abrogées le 31 décembre 2017 par l’application de la Loi sur l’abrogation des lois.

Merci beaucoup. S’il y a des questions, je peux y répondre.

L’honorable Joan Fraser : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Bellemare : Certainement; je vais essayer d’y répondre.

La sénatrice Fraser : Je vous remercie d’avoir expliqué, surtout pour nos collègues qui ont moins d’expérience que vous et moi, comment ce projet de loi fonctionne et pourquoi il a été adopté au Sénat et à la Chambre des communes.

Je vous remercie aussi de l’explication que vous avez donnée relativement à certains éléments de la motion. C’est très utile. Cependant, comme vous le savez, je suis fermement d’avis que chaque élément de la motion devrait être expliqué au Sénat avant qu'un vote soit tenu à ce sujet.

Vous avez raison de dire qu’il faut du temps pour le faire. Il y a chaque année ce problème de temps, mais il y a tout de même des membres de l’équipe du gouvernement qui ont une période de temps pour nous expliquer ces propositions. Il y a même un membre de votre équipe qui dispose d’une période de temps illimité, s’il le faut.

Seriez-vous prête à remettre à vos collègues la responsabilité de nous expliquer les éléments que vous n’avez pas déjà expliqués aujourd’hui?

La sénatrice Bellemare : Il est certain que ces éléments que je n’ai pas expliqués ont tous été expliqués l’année dernière. C’est à peu près la même chose; aujourd’hui, j’ai expliqué le nouvel élément. On peut revoir ces explications. J’ai tout cela dans mon cartable; si la Chambre le souhaite, nous allons le faire. Voilà ce que j’ai à répondre à ce sujet.

La sénatrice Fraser : Je vous remercie. Je ne sais pas si quelqu’un voudrait prendre la relève tout de suite ou si je devrais moi-même proposer l’ajournement du débat afin de vous donner un peu de temps.

La sénatrice Bellemare : Honorables sénateurs, j’ai tous les textes explicatifs devant moi. Si vous le permettez, on pourrait lire toutes les raisons explicatives, car je les ai toutes ici. Nous allons le faire. Il serait bon de le faire, à moins que vous en décidiez autrement.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Pardonnez-moi, sénatrice Bellemare, mais votre temps de parole sera écoulé dans précisément 10 secondes. Si vous avez vraiment l’intention de lire toutes les notes, vous aurez besoin d’au moins une demi-heure de plus, ce qui veut dire que vous aurez besoin du consentement du Sénat.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : J’entends un « non ». Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

[Français]

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné plus tôt aujourd’hui, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 11 décembre 2017, à 18 h 30;

Que l’application de l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Frum, appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-239, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (élimination du financement étranger).

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables collègues, les élections sont au cœur de la démocratie, mais comme nous, membres de la Chambre haute, le savons mieux que quiconque, elles ne constituent pas la totalité du régime démocratique canadien. La légitimité de nos collègues de l’autre endroit repose néanmoins sur un processus électoral réputé juste et libre auquel seuls les Canadiens — et personne d’autre — peuvent prendre part. Voilà pourquoi je tiens à féliciter la sénatrice Frum de son projet de loi, le projet de loi S-239, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (élimination du financement étranger).

[Français]

Tout d’abord, soyons honnêtes et reconnaissons que notre version de la démocratie est imparfaite — comme le sont toutes les versions de la démocratie — et que, bien que nous devions tenter d’améliorer la façon dont nous donnons la parole aux Canadiennes et aux Canadiens en élaborant les lois qui les touchent, il n’y a pas de solution magique pour combler les nombreuses imperfections de notre système électoral.

(1140)

[Traduction]

Ces lacunes comprennent la représentation inéquitable entre les régions et les populations; l’influence indue des gros capitaux dans les élections; l’absence d’équité dans les campagnes d’investiture et à la direction des partis; le double risque que représentent, d’une part, le système actuel où « le vainqueur rafle tout » et, d’autre part, la possibilité de donner la parole à des extrémistes au moyen d’une représentation proportionnelle.

Notre système électoral présente aussi des lacunes. En effet, des Canadiens sont privés de leur droit de vote parce qu’ils vivent à l’étranger depuis plus de cinq ans, alors que d’autres Canadiens qui devraient avoir le droit de voter font face à des obstacles qui les empêchent de l’exercer, comme les exigences très strictes en matière d’inscription. Chose peut-être plus importante encore, il faut relever le défi qui se pose depuis longtemps d’accroître le taux de participation des électeurs admissibles, en particulier les jeunes, aux élections, peu importe l’ordre de gouvernement.

Dans le contexte des nombreuses lacunes que présente notre démocratie, je pense que la question du financement étranger dans les élections canadiennes représente un problème moins grave. C’est le genre de problème qui attise les passions, car les Canadiens n’osent pas imaginer que des intérêts étrangers pourraient exercer une influence sur les élections au pays. Toutefois, je pense que nous devrions être plus outrés par le fait qu’environ 30 p. 100 des électeurs admissibles n’exercent pas leur droit de vote ou ne peuvent pas le faire et que les votes de certaines personnes comptent parfois moins que celui d’autres personnes simplement en raison de l’endroit où elles habitent.

Dans les situations qui mettent en cause « nous », les Canadiens, et « eux », les étrangers, on a tendance à créer des dualités simplistes entre le bien et le mal, alors que, en fait, il y aurait lieu de nuancer beaucoup plus la façon d’aborder les enjeux. Quand il est question de l’influence d’intérêts étrangers sur l’opinion politique des électeurs, où doit-on tracer la ligne? Lisez-vous le Wall Street Journal, le Nikkei Keizei Shimbun, le Guardian ou Le Figaro? Quelles idées subversives vous ont été transmises par ces publications, qui sont largement diffusées dans notre pays?

Rien de ce que je viens de dire ne doit vous donner l’impression que je suis en faveur du financement étranger dans nos élections. Il va sans dire que je ne suis pas sans être conscient du problème, surtout dans le contexte de la scandaleuse influence russe dans les dernières élections présidentielles américaines. Même dans ce cas, les 100 000 $ versés par des agents russes pour placer les fameuses « fausses nouvelles » sur Facebook sont bien peu, comparativement au montant de plus de 1 milliard de dollars que les comités d’action politique ont consacré — légalement — à la campagne.

Chers collègues, les faussetés répandues par les citoyens font-elles moins de tort que celles qui proviennent d’étrangers? Pourriez-vous imaginer une situation où des ressortissants étrangers communiqueraient des renseignements vrais pour contrer des mensonges que font circuler des sources au pays? Dans notre empressement à défendre notre droit de prendre nos décisions nous-mêmes, veillons à ne pas tomber dans un esprit de clocher et laisser la nationalité ou le lieu de résidence l’emporter sur la raison.

Je félicite la sénatrice Frum de tenter d’éliminer l’échappatoire — qu’elle qualifie de « colossale » — à l’article 358 de la Loi électorale du Canada. Pour résumer, cette échappatoire est liée à la définition très imprécise de la publicité électorale, qui permet en réalité à des tiers dans une campagne électorale d’utiliser des fonds étrangers pour des activités électorales. Elle tient également du fait qu’il est difficile de séparer les fonds étrangers du budget général de l’organisme qui reçoit ces fonds avant les six mois qui précèdent les élections.

J’imagine que la sénatrice Frum avait trois possibilités pour éliminer l’échappatoire. La première consiste à élargir la définition de tiers et la période d’application des règles liées au financement étranger. Autrement dit, se doter d’un plus grand filet pour attraper les éventuels contrevenants et le déployer sur une plus longue période.

La deuxième option était d’élargir la définition des fins auxquelles il est interdit d’utiliser des fonds versés à un tiers. Autrement dit, elle consistait à rendre la définition de « publicité électorale » moins permissive. Enfin, sa dernière option était d’interdire tout financement étranger à des tiers tout en élargissant la définition de financement étranger.

Elle a choisi la troisième option, qui consiste essentiellement à fermer complètement le robinet. Je la cite :

Le projet de loi […] modifie l’article 331 de la Loi électorale du Canada afin de préciser qu’il est interdit aux étrangers de contribuer à toute activité liée à une élection.

Cette déclaration a un caractère rassurant dans sa finalité, et je dois admettre qu’elle a trouvé un écho chez moi lorsque je l’ai entendue au Sénat, il y a quelques semaines. Il existe toutefois un danger : la réduction de problèmes complexes à des solutions simples peut susciter un faux sentiment de sécurité et donner lieu à des conséquences imprévues. Cela revient à réparer le robinet qui fuit dans la cuisine en fermant la conduite maîtresse de la maison. Comment peut-on alors prendre une douche ou tirer la chasse d’eau? D’ailleurs, avez-vous remarqué qu’il y a de l’eau qui dégoutte du plafond chaque fois qu’il pleut?

De toute évidence, le faux sentiment de sécurité dont je parle, c’est l’idée que le projet de loi mettra fin à l’influence étrangère dans les campagnes électorales au Canada ou même aux formes les plus insidieuses d’influence étrangère. La sénatrice Omidvar a déjà souligné que, aux termes du projet de loi S-239, les entités étrangères peuvent légalement faire des dons à des tiers durant les campagnes électorales, du moment qu’elles se constituent en société au Canada.

[Français]

En fait, les intérêts étrangers ont déjà des participations significatives dans certains de nos grands journaux et comptent sans doute parmi les plus importants façonneurs d’opinion lors d’une élection. Le projet de loi S-239 ne fait rien pour changer cette réalité. De plus, nous n’avons pas encore parlé des médias sociaux, un vaste monde bruyant et non réglementé, aux origines souvent inconnues, qui propage de l’information pouvant être destinée, ou non, à influencer le cours d’une élection canadienne.

[Traduction]

Selon votre point de vue, ces exemples s’apparentent à l’eau qui dégoutte du plafond dans la maison — c’est-à-dire qu’il y a toujours des influences étrangères négatives au Canada — ou au fait de ne pas pouvoir tirer la chasse d’eau parce que la conduite maîtresse a été bloquée — c’est-à-dire qu’on a mis fin aux influences étrangères positives.

Par ailleurs, les conséquences imprévues du projet de loi S­239 concernent potentiellement des centaines d’organismes de défense de l’intérêt public et d’organismes de bienfaisance; on pourrait considérer qu’ils contreviennent à la loi parce qu’ils ont accepté des dons de sources étrangères à un moment ou à un autre, encore plus si les dons ont eu lieu au cours des six mois précédant les élections.

Paradoxalement, cette échappatoire — en fait, c’est une fosse aux ours — risque de donner lieu à un méfait pour des motifs politiques par des partisans qui cherchent à nuire à la défense légitime de l’intérêt public au moyen du faux prétexte d’une influence étrangère. Je vous laisse imaginer les nombreuses possibilités de conséquences imprévues et non souhaitées qui pourraient se concrétiser.

Ce n’est pas seulement que ce projet de loi cause des problèmes à certains organismes dont le travail se rapporte à l’intérêt public. C’est aussi qu’il peut enfreindre vos droits. En effet, les droits fondamentaux peuvent être bafoués lorsque les interdictions visant la liberté d’expression sont excessives et qu’on restreint les discours susceptibles de correspondre à un programme politique pendant une campagne électorale et de faire intervenir du financement étranger.

Nous l’avons vu à l’échelle provinciale. En Ontario, la Fédération canadienne des contribuables a fait l’objet d’un examen par Élections Ontario, en 2016, parce que son site web contenait des sujets tels que les coûts d’électricité, qui, quelle surprise, étaient un sujet brûlant de la campagne électorale.

Dans ma province, la Colombie­Britannique, les efforts du gouvernement visant à imposer des limites à la libre expression politique durant une période préélectorale de 60 jours ont abouti devant la Cour suprême de la Colombie­Britannique. À la suite d’une plainte présentée par la Fédération des enseignantes et des enseignants de la Colombie­Britannique, le tribunal a jugé que les limites enfreignaient la liberté d’expression protégée par la Charte. Lorsqu’un autre gouvernement de la province a essayé de reprendre l’idée de mettre en œuvre une période imposant des limites à la liberté d’expression en 2012, mais cette fois au moyen d’une période préélectorale plus courte de 40 jours, le tribunal a aussi jugé qu’il s’agissait d’une violation des droits.

Comme l’a déclaré le juge Lowry :

Les […] modifications […] ne répondent pas aux critères de constitutionnalité en grande partie pour la même raison que les modifications de 2008 ont été jugées inconstitutionnelles. Le projet de loi vise essentiellement à limiter l’expression de toutes les idées politiques, peu importe qu’elles visent à influencer l’issue du processus électoral ou non. Toutes les personnes et toutes les organisations sont visées, même si leur publicité électorale est volontaire. En outre, il n’y a aucune preuve claire et convaincante permettant de conclure que les restrictions relatives à la publicité électorale et, par conséquent, à la liberté d’expression politique pendant la période électorale sont également nécessaires pendant la période préélectorale, afin de protéger l’intégrité du processus électoral.

(1150)

Chers collègues, une autre conséquence imprévue me préoccupe également. J’appuie sans réserve une intégration plus étroite de l’économie canadienne avec celle de régions du monde qui sont en plein essor, ainsi que l’internationalisation du marché du travail canadien. Cela signifie d’encourager nos jeunes à passer du temps à l’étranger afin qu’ils puissent élargir leurs horizons et, en quelque sorte, parfaire leur éducation. À leur retour au Canada, ces jeunes feront profiter l’industrie canadienne de leurs connaissances et lui permettront d’accroître sa capacité concurrentielle dans les marchés étrangers. Certains de ces jeunes choisiront peut-être de vivre à l’étranger pendant des périodes prolongées, mais ils demeureront des Canadiens. Il nous faut donc tenir compte de ces ressources canadiennes à l’étranger. En fait, d’après la Fondation Asie Pacifique du Canada, il y a environ 2,8 millions de Canadiens qui vivent à l’étranger. C’est plus que la population de certaines provinces et certains territoires. Comme je l’ai mentionné plus tôt, nombre de nos concitoyens à l’étranger ne sont pas autorisés à voter, simplement parce qu’ils vivent à l’étranger depuis plus de cinq ans. Cela peut décourager les gens de conserver leurs liens avec le Canada et de s’informer de ce qui se passe sur le plan politique au Canada.

Je crains que le projet de loi S-239 ne décourage davantage les Canadiens à l’étranger de s’intéresser à la vie politique au Canada, y compris aux élections. La sénatrice Omidvar a déjà présenté un cas hypothétique de Canadiens à l’étranger faisant un don à un tiers pendant une campagne électorale. Ces Canadiens virent des fonds, mais ces fonds sont inscrits comme provenant d’un pays étranger. Ce don sera-t-il autorisé? Prenons aussi l’exemple d’un groupe de patriotes canadiens vivant dans Silicon Valley. Ceux-ci créent une organisation qui est établie en Californie et qui milite en faveur de meilleures installations de précontrôle afin de faciliter les déplacements entre le Canada et les États-Unis. Le projet de loi S-239 empêchera-t-il ces Canadiens de faire un don à une organisation canadienne, qu’elle soit enregistrée ou pas?

Il est bien possible qu’on puisse trouver des solutions applicables à ces situations ambiguës, mais il reste que les diverses ambiguïtés s’ajouteraient à des conséquences imprévues qui sont troublantes et qui reposent sur un fondement beaucoup moins solide qu’il n’y paraît. Ce projet de loi constituerait une base fragile et, comme dans tous les cas où l’on veut ériger du solide, par exemple faire un gâteau à étages ou construire une maison, il vaudrait mieux tout reprendre de zéro, même si le projet de loi est bien intentionné.

Chers collègues, le projet de loi S-239 n’est pas une bonne solution. Cependant, la sénatrice Frum mérite des félicitations pour avoir attiré notre attention sur ce qui constitue un problème réel dans notre système électoral. Je lui suis reconnaissant de m’avoir donné l’occasion d’approfondir ma réflexion sur cette question. J’espère qu’elle continuera de nous suggérer des moyens de corriger les lacunes de notre système électoral, y compris, entre autres, le problème du financement étranger des campagnes électorales.

L’honorable Linda Frum : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Woo : Je ferai de mon mieux.

La sénatrice Frum : Franchement, j’aurais beaucoup de questions à vous poser, mais je vois l’heure passer et je sais qu’il est presque temps de lever la séance, alors je me contenterai d’une seule question.

Si je comprends bien votre prémisse, vous dites qu’un des problèmes du projet de loi S-239 est qu’il repose sur une approche manichéenne où l’ingérence étrangère dans les élections au Canada est nécessairement mauvaise, par opposition à ce qui est bien. Ai-je bien compris votre point de vue, et êtes-vous en train d’affirmer qu’il y aurait des cas où l’ingérence et l’influence étrangères dans les élections canadiennes seraient une bonne chose?

Le sénateur Woo : Je vous remercie de votre question, sénatrice Frum. L’ingérence étrangère dans les élections n’est jamais souhaitable et devrait être empêchée. Toutefois, les idées et les influences qui viennent de l’extérieur du Canada et qui peuvent façonner nos réflexions à l’égard de la politique, de la vie en société et des politiques publiques devraient être les bienvenues. Nous devrions trouver des moyens de mettre un frein à l’ingérence électorale sans nous couper des idées et des bonnes influences qui peuvent enrichir nos réflexions et nous aider à améliorer le sort des Canadiens.

La sénatrice Frum : Vous comprenez bien que le projet de loi dont nous sommes saisis concerne le financement étranger de tiers enregistrés. Il n’a rien à voir avec la possibilité que les Canadiens puissent lire des journaux étrangers ou consulter Facebook. Il concerne l’argent provenant de l’étranger et remis à un tiers enregistré dans le but d’influencer des élections. C’est très clair en ce qui concerne les interdictions imposées au financement étranger prévues dans le projet de loi S-239. C’est de cela qu’il s’agit. Il n’y a donc pas lieu de parler de l’influence qu’exerce le Wall Street Journal.

Je vous pose donc la question suivante : appuyez-vous l’idée que des tiers soient financés de l’étranger pour influencer les élections?

Le sénateur Woo : Je vous remercie de votre question complémentaire. Le problème que présente le projet de loi dans sa forme actuelle — même s’il vise des tiers enregistrés pendant une campagne électorale — est qu’il ne prévoit aucune période pour la durée de l’interdiction et qu’il pourrait par inadvertance cibler de très nombreuses organisations qui reçoivent de l’argent de l’étranger pour financer leurs œuvres de charité, leurs causes ou leurs bonnes œuvres en faveur du Canada. Ces organisations pourraient se faire accuser d’être un tiers s’ingérant dans une élection.

La sénatrice Frum : Je tiens à préciser que, selon le projet de loi, le financement ne peut servir à des fins électorales. Cela n’a rien à voir avec des fins charitables. Le projet de loi mentionne spécifiquement que l’argent ne peut servir à une fin relative à une élection.

Le sénateur Woo : Merci, sénatrice Frum. Je peux très bien imaginer une situation dans laquelle une organisation — pour reprendre l’exemple donné par la sénatrice Omidvar — qui plaide en faveur de la réinstallation de réfugiés au Canada, peut-être même en très grand nombre, et qui, à toutes fins utiles, est une simple organisation humanitaire qui s’intéresse au bien-être des réfugiés, serait réputée prendre une position prônée par un parti politique. Dans cette optique, on estimerait qu’elle contrevient à la loi. C’est ce qu’on appelle une conséquence inattendue de la loi, et c’est ce qui m’inquiète.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Sénateur, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Woo : Oui, bien sûr.

La sénatrice Martin : Je vous remercie. Vous avez déclaré que ce projet de loi n’éliminerait pas complètement l’échappatoire et qu’une entité étrangère pourrait tout de même faire un don à un tiers en se constituant en personne morale au Canada. Par contre, le projet de loi crée ainsi un processus transparent qui nous permet de savoir qui est l’entité étrangère qui a fait un don ou une contribution. La transparence n’est-elle pas un principe dont nous devrions nous réjouir? Pourquoi ne voudrions-nous pas davantage de transparence en vue d’assurer l’intégrité du système électoral?

Le sénateur Woo : Merci, sénatrice Martin. La transparence est un principe fantastique, mais je crois que la prémisse du présent débat suppose notamment que l’influence étrangère est foncièrement négative. Voici la première question qu’on m’a posée : acceptez-vous qu’il y ait de l’ingérence étrangère? J’ai répondu non et je présume que la sénatrice Frum est également de cet avis. S’il existe un moyen détourné qui permet à une entité étrangère, que nous jugeons déjà indésirable, d’accéder à la maison en y achetant une pièce afin de propager les mêmes opinions que celles qui sont propagées à l’extérieur de la maison, il s’agit d’une fuite. Il reste encore à voir si nous voulons d’une telle influence ici. Malgré tout le respect que je vous dois, je crois que votre question rate la cible. Si vous estimez qu’il n’est pas souhaitable de subir de l’ingérence étrangère provenant d’une source donnée à l’extérieur du pays, il n’est pas plus souhaitable de la subir de l’intérieur de la maison.

La sénatrice Martin : Je parlais surtout de la transparence. Lorsqu’on sait qui donne de l’argent et que tout le monde comprend d’où il vient, on peut alors prendre des décisions plus judicieuses et mieux comprendre ce qui se passe avec ce tiers. Ma question portait simplement sur la transparence. Si ce projet de loi accroît la transparence, ne serait-ce pas une bonne chose pour notre système électoral?

(1200)

Le sénateur Woo : Merci, sénatrice Martin.

Oui, ce serait une bonne chose, mais, bien entendu, il serait possible de régler le problème de transparence en permettant à l’entité étrangère de faire un don à un tiers et en exigeant que ce don soit déclaré.

Il y a plusieurs façons d’obtenir la transparence et, comme je l’ai dit dans mon discours, la sénatrice Frum a choisi, comme solution pour régler le problème, de fermer les principales entrées et, en gros, de ne permettre aucun financement étranger.

Je ne crois pas que ce soit la seule solution. C’en est sûrement une, mais elle ne remédie pas à votre préoccupation, qui concerne la nature de l’influence d’entités étrangères.

La sénatrice Frum : Sénateur Woo, connaissez-vous un pays souverain dans le monde qui permet cela? Comme vous l’avez dit, nous pourrions peut-être choisir de permettre à des donateurs étrangers de faire des dons à des tierces parties nationales enregistrées.

Connaissez-vous un pays dans le monde qui permet, dans ses lois, le versement de fonds étrangers à des fins liées à des élections?

Le sénateur Woo : Je tiens à être clair. Je vais répondre à votre première question. Je suis contre l’ingérence étrangère dans les élections canadiennes. Je dis simplement que, si votre intention est qu’on sache clairement d’où proviennent les fonds pour la propagation d’un point de vue particulier, il est possible d’atteindre cet objectif en assurant la transparence à l’interne ou à l’externe.

Je vais le redire clairement : je ne cautionne d’aucune façon l’ingérence étrangère dans les élections canadiennes.

(Sur la motion du sénateur Gold, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat

Motion tendant à modifier le Règlement du Sénat afin que les rapports législatifs des comités sénatoriaux respectent une méthodologie transparente, intelligible et non partisane—Motion d’amendement—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Harder, C.P.,

Que le Règlement du Sénat soit modifié, afin que les rapports législatifs des comités du Sénat respectent une méthodologie transparente, intelligible et non partisane, par substitution de l’article 12-23(1) par ce qui suit : 

« Obligation de faire rapport d’un projet de loi

12-23. (1) Le comité saisi d’un projet de loi doit en faire rapport au Sénat; ce rapport fait état de tout amendement recommandé par le comité et doit inclure en annexe les observations de celui-ci sur les sujets suivants :

a) la conformité, de manière générale, du projet de loi à la Constitution du Canada, notamment :

(i) la Charte canadienne des droits et libertés;

(ii) le partage des compétences législatives entre le Parlement et les législatures provinciales et territoriales;

b) la conformité du projet de loi aux traités et accords internationaux signés ou ratifiés par le Canada;

c) le fait que le projet de loi porte ou non atteinte indûment aux minorités ou aux groupes défavorisés sur le plan économique;

d) le fait que le projet de loi a des impacts sur des provinces ou territoires;

e) le fait que les consultations appropriées ont été tenues;

f) toutes erreurs manifestes de rédaction;

g) les amendements au projet de loi présentés au comité qui n’ont pas été adoptés par celui-ci, de même que le texte de ces amendements;

h) toute autre question qui, de l’avis du comité, doit être portée à l’attention du Sénat. »

L’honorable Raymonde Gagné : Honorables sénateurs, je propose que le débat soit ajourné au nom de la sénatrice Omidvar jusqu’à la prochaine séance du Sénat.

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Motion tendant à presser le gouvernement d’établir une Galerie nationale de portraits—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l’honorable sénateur Eggleton, C.P.,

Que profitant de l’opportunité de célébrer les 150 ans du Canada comme pays uni et de reconnaître la contribution des Premières Nations, l’établissement des premiers colons et l’apport continu des immigrants en provenance de partout au monde, qui ont fait et continuent de faire du Canada une grande nation, le Sénat presse le gouvernement de s’engager à établir une Galerie nationale de portraits dans l’ancienne ambassade américaine, en face du Parlement, comme legs permanent pour marquer cette importante étape dans l’histoire de notre pays et en reconnaissance de la contribution de ces milliers de personnes et talents qui ont contribué à son succès.

(Sur la motion du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)

Peuples autochtones

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat), conformément au préavis donné le 7 décembre 2017, propose :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le mardi 2 février 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones relativement à son étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis et d’autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada soit reportée du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2018.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 12 h 7, le Sénat s’ajourne jusqu’au lundi 11 décembre 2017, à 18 h 30.)

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