Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 192
Le jeudi 29 mars 2018
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi sur le Mois du patrimoine juif canadien
- Projet de loi de crédits no 5 pour 2017-2018
- Projet de loi de crédits no 1 pour 2018-2019
- Projet de loi sur la modernisation des transports
- La sanction royale
- Projet de loi sur la modernisation des transports
- Le Sénat
- L’ajournement
- Les travaux du Sénat
- Énergie, environnement et ressources naturelles
- Sécurité nationale et défense
- Agriculture et forêts
- Les travailleurs saisonniers au Nouveau-Brunswick
LE SÉNAT
Le jeudi 29 mars 2018
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La Colombie-Britannique
Le Parlement jeunesse francophone
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, du 18 au 21 janvier 2018 s’est tenue la 20e édition du Parlement jeunesse francophone de la Colombie-Britannique. Cette initiative a permis de regrouper 115 jeunes d’expression française, âgés de 14 à 25 ans, venus des quatre coins de la province. Des élèves du Grand Vancouver, de l’île de Vancouver, de la vallée du Fraser, de la vallée de l’Okanagan et de la région de Prince George se sont déplacés à Victoria afin de découvrir l’ampleur de leur francophonie.
Quatre projets de loi rédigés par des jeunes ont été débattus à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique dans le cadre du Parlement jeunesse francophone dont les thèmes étaient les suivants : les jeunes et l’alcool; l’équité des genres en Colombie-Britannique; la réforme du rôle parental; et, enfin, l’immigration dans la province.
Non seulement les élèves ont-ils découvert le système législatif grâce à des simulations du système parlementaire, mais l’initiative prévoyait également des conférences et des activités sociales. Le Parlement jeunesse francophone de la Colombie-Britannique s’est déroulé dans un environnement de convivialité, d’humour et de plaisir. Yann Lacoste, président du Conseil jeunesse francophone de la Colombie-Britannique, a affirmé ce qui suit, et je cite :
Ma première participation à un parlement fut vraiment le moment où j’ai pris conscience de l’ampleur que pouvait avoir la francophonie. C’est une chance rare de s’exprimer en français de la manière que l’on veut, tout en étant entouré de jeunes qui vivent la même réalité que soi. Non seulement cet évènement développe une jeunesse éveillée et outillée, cela se passe dans une atmosphère familiale et positive qui encourage la sécurité linguistique.
Honorables sénateurs, la francophonie dans ma province, la Colombie-Britannique, est vibrante. J’aimerais remercier M. Rémi Marien, directeur général du Conseil jeunesse francophone de la Colombie-Britannique, pour cette initiative enrichissante.
Grâce à la jeunesse qui désire poursuivre des études en français et en immersion française, la culture franco-colombienne ne cesse de grandir. Je suis donc impatiente d’assister à la prochaine édition du Parlement jeunesse francophone et d’être témoin de la fébrilité des jeunes, ainsi que de l’intérêt qu’ils portent aux questions politiques et sociales.
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. David Ettedgui, président de l’Association de droit Lord Reading, M. Larry Markowitz, ex-président, et Mme Inna Nekhim, vice-présidente. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Gold.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L’Association de droit Lord Reading
L’honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, il y a 70 ans, le Barreau du Québec a décidé de tenir son congrès annuel au Mont Tremblant Lodge. La plupart des avocats s’en réjouissaient, parce que c’était un endroit vraiment charmant pour se réunir. Toutefois, une politique de l’hôtel posait problème, du moins pour les membres juifs du Barreau. Comme c’était courant à l’époque, l’hôtel était strictement interdit aux juifs et aux chiens. En réponse à ceux qui souhaitaient que le congrès se tienne ailleurs, le propriétaire des lieux disait vouloir se montrer accommodant. Comme c’était la basse saison, il ne fallait pas s’en faire. Il n’y aurait pas beaucoup de gentils invités à l’hôtel pour s’offusquer de la présence de juifs.
Indignés par cette règle discriminatoire, plusieurs membres juifs du Barreau réclamèrent un boycottage du congrès et fondèrent une association ayant le mandat de faire pression pour que les juifs soient équitablement représentés au sein du Barreau et dans la magistrature. Les invités dont Son Honneur vient de nous signaler la présence à la tribune sont l’ex-président, le président actuel et la présidente à venir de l’association qui s’est donné le nom d’Association de droit Lord Reading, en l’honneur de Rufus Daniel Isaacs, premier marquis de Reading et premier juif à occuper le poste de lord juge en chef d’Angleterre.
[Français]
L’Association de droit Lord Reading est rapidement devenue importante dans le milieu juridique montréalais. Elle a établi des liens avec les facultés de droit de l’Université McGill et de l’Université de Montréal et a joué un rôle de premier plan quant à l’augmentation du nombre de juifs, tant du côté de la magistrature que du Barreau, et ce, à l’échelle locale et provinciale.
Depuis sa création, l’association offre des programmes de première qualité pour appuyer le désir de formation juridique continue de ses membres. Ces programmes comprennent une série de conférences annuelles, dont l’une porte le nom de mon défunt père, qui a vu défiler une longue liste d’acteurs notables du milieu juridique.
[Traduction]
Au fil du temps, comme l’antisémitisme et les restrictions imposées aux juifs ont commencé à diminuer, l’association s’est tournée vers la lutte pour les droits de la communauté juive en général et d’autres groupes minoritaires au Québec. Elle s’est engagée dans la défense de nombreuses questions de premier plan et est intervenue pour appuyer les droits des minorités confrontées à des mesures législatives discriminatoires et peu judicieuses comme la loi 60, communément appelée « Charte des valeurs québécoises ».
En faisant valoir les intérêts de ses membres et les droits des minorités, l’Association de droit Lord Reading respecte les plus hauts idéaux de la tradition juive, comme un célèbre sage l’a demandé il y a plus de 20 siècles :
Si je ne suis pas pour moi, qui le sera? Si je suis seulement pour moi, qui suis-je? Et si pas maintenant, quand?
Honorable sénateurs, alors que nous approchons de la Pâque juive et de Pâques, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter l’Association de droit Lord Reading du leadership efficace et constructif qu’elle manifeste depuis 70 ans. Puisse-t-elle continuer d'aller de succès en succès.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Wayne Marklund, de Wendy Burghardt, de Ralph Burghardt et d’Andrew Smith. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Martin.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le décès de Jordan Marklund
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour vous raconter une histoire incroyable. Cette histoire est gravée à tout jamais dans le cœur de Wayne Marklund, le père de Jordan Marklund, de Wendy Burghardt, sa mère, et de Ralph, l’époux de celle-ci, ainsi que dans celui de ses nombreux amis, notamment Tess Morgan, Kate Lawson et Tristan Douglas. Elle est en train de s’écrire dans le monde entier grâce à de purs étrangers, comme Andrew Smith et d’autres globe-trotteurs, inspirés par la mort, la perte et la vie de Jordan, dont le souvenir continuera de les accompagner à tout jamais.
C’est l’histoire de Jordan Marklund, fils unique de Wayne et Wendy, né le 1er avril 1984 et mort subitement le 30 janvier 2016. Pour honorer sa mémoire, ses amis ont planté ont planté des arbres, un sur l’île de Vancouver, où il a grandi et a fait ses études, et un autre dans le parc Christie Pits de Toronto, en Ontario, où il vivait et où il travaillait pour pouvoir faire ce qu’il aimait par-dessus tout : voyager de par le monde, sur cette planète qu’il adorait.
On peut lire, sur l’arbre, une citation d’Oscar Wilde qui dit ceci :
Il faut beaucoup de courage pour voir le monde sans son lustre et l’aimer quand même.
Les amis et la famille de Jordan se rassemblent chaque année autour de ces arbres pour les décorer et célébrer la mémoire de Jordan.
Le soir où Jordan est décédé, son père, Wayne, qui se trouvait sur la côte Ouest, à trois heures de décalage horaire de son fils, a eu l’envie de lui envoyer un message texte, mais il a décidé d’attendre jusqu’au lendemain matin. Le lendemain matin, la GRC sonnait à la porte de Wayne. « N’attendez jamais pour téléphoner ou texter à ceux que vous aimez », a écrit Wayne le jour de l’anniversaire du décès de Jordan.
(1340)
Moins d’une semaine après le décès de Jordan, Wayne s’est rendu à Toronto pour y rencontrer Wendy et s’atteler à la pénible tâche de sortir les effets de Jordan de son appartement. Parmi les possessions de Jordan, il y avait trois sacs à dos. Il utilisait l’un d’entre eux pour ses voyages, le plus récent s'étant déroulé au Vietnam.
Wayne se trouvait sur le trottoir, tenant ce sac à dos de Jordan, lorsqu’un étranger du nom d’Andrew Smith est passé par là en ce jour fatidique du 6 février 2016. Il n’avait jamais emprunté cette rue auparavant. C’est à ce moment qu’il a rencontré Wayne. Voici ce qu’Andrew a écrit plus tard, en créant une page Facebook intitulée « Jordan Marklund’s Backpack » :
Aujourd’hui, je suis passé devant une pile d’effets personnels sur le trottoir. Un gentil monsieur du nom de Wayne m’a offert le sac à dos d’un simple voyageur.
Il appartenait à un jeune homme, Jordan Marklund. Il était un fils aimé, l’ami de plusieurs, et un grand voyageur devant l’éternel. J’ai accepté d’emporter ce sac à dos avec moi lors de mon prochain voyage au Vietnam, un pays que Jordan venait de visiter et qu’il adorait.
Je prévois emporter ce sac à dos avec moi, et il me sera sans aucun doute fort utile. J’emporterai aussi l’esprit et la joie de Jordan, afin qu’il continue d’être un citoyen du monde.
J’espère qu’à mon retour nous pourrons, nous tous, passer ce sac à dos de main en main afin qu’il aide d’autres voyageurs et que l’esprit de Jordan continue de parcourir ce monde qu’il aimait. Ce serait faire honneur à sa mémoire.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Nancy Wert, de Jim Wert, d’Arva Machin et de Randy Machin. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Black (Ontario).
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Les clubs 4-H du Canada
L’honorable Robert Black : Merci, Votre Honneur, et merci aussi aux honorables sénateurs de me permettre de prendre la parole pour la première fois au Sénat.
Quand je repense au parcours qui m’a mené jusqu’à cet auguste édifice et à cette tout aussi auguste assemblée, un certain nombre de gens me viennent à l’esprit, dont les amis qui sont aujourd’hui à la tribune, mais aussi un certain nombre de choses.
Si je suis ici aujourd’hui, c’est en bonne partie grâce à mon implication dans le mouvement 4-H du Canada. Les clubs 4-H figurent parmi les principaux organismes jeunesse du pays et ils s’emploient à montrer aux jeunes à agir de manière responsable, à se montrer sensibles aux autres et à tout faire pour avoir une influence positive sur le monde qui les entoure.
Depuis qu’ils ont vu le jour à Roland, au Manitoba, en 1913, les clubs 4-H du Canada n’ont pas cessé de croître et de se développer. Le premier club se voulait, d’abord et avant tout, un moyen d’aider les agriculteurs, d’améliorer la productivité des fermes et d’enrichir la vie rurale. Il comptait 14 membres, et c’est grâce à ces 14 jeunes pleins d’enthousiasme qu’il y a aujourd’hui un programme 4-H au Canada.
Les clubs 4-H font maintenant partie des plus vieux organismes jeunesse encore en activité au pays. De plus, même s’ils sont encore au cœur de bien des régions rurales et agricoles du Canada, ils sont désormais présents un peu partout. Les 7 700 bénévoles qui composent les 2 000 clubs ou presque qui existent d’un océan à l’autre offrent du mentorat, des expériences d’apprentissage pratique et des occasions de se démarquer à plus de 25 000 jeunes.
Fondamentalement, le mouvement 4-H aide les jeunes à acquérir des connaissances de base et le sens des responsabilités, et il enseigne comment devenir un bon citoyen. Dans le cadre de programmes liés à l’agriculture durable et à la sécurité alimentaire, aux sciences et à la technologie, à l’environnement et à un mode de vie sain, ainsi qu’à l’engagement communautaire et aux communications, les jeunes qui font partie du mouvement 4-H ont l’occasion de réfléchir à certains des problèmes les plus importants auxquels la planète se heurte à l’heure actuelle.
Les jeunes qui font partie du mouvement et les anciens membres jouent déjà un rôle de leader, favorisant l’engagement civique dans des collectivités partout au pays. Ils sont des leaders dans le domaine des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques. Ils élaborent les prochaines solutions novatrices. Ils sont aussi des leaders dans le domaine de l’agroalimentaire, où ils créent des possibilités de croissance. Les clubs 4-H au Canada favorisent l’épanouissement des leaders et des membres. Le mouvement est toujours aussi dynamique et aide à former des leaders actuels et futurs qui ont confiance en eux-mêmes, qui ont de la compassion et qui vont contribuer à la société partout au Canada.
Ce n’est pas la dernière fois que vous m’entendrez parler du mouvement 4-H, qui, selon moi, constitue le meilleur programme jeunesse d’apprentissage de la responsabilité au Canada, voire dans le monde entier. Je suis extrêmement fier d’être un ancien du mouvement 4-H, ainsi que d’avoir été un membre du personnel de la section provinciale et de la section nationale du mouvement, président du Conseil des 4-H du Canada et membre honorifique à vie du mouvement 4-H du Canada.
C’est grâce à mes parents, Bert et Marg Black, ainsi qu’à mon très bon ami, Gerald Townsend, que je suis devenu membre des 4-H et que j’ai joué un rôle au sein du mouvement pendant 44 ans.
C’est grâce à eux et grâce aux 4-H que je possède la confiance, le courage et la capacité nécessaires pour m’adresser à vous cet après-midi et pour assumer à vos côtés le rôle de sénateur.
Pour moi, la devise des 4-H reflète ce que c’est que d’être Canadien. C’est pourquoi, aujourd’hui et tous les jours :
Je promets d’employer:
Ma tête pour des idées hardies
Mon cœur pour être plus humain,
Mes mains pour être plus habile,
Ma santé pour vivre en harmonie,
Pour mon cercle, ma communauté et mon pays.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Sizani Ngubane et de Mme Emily Shrope. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice McPhedran.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
La Commission de la condition de la femme des Nations Unies
L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous parler de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies, dont les membres, y compris le Canada, ont négocié jusqu’à 6 heures du matin, vendredi dernier, afin d’adopter le texte des conclusions concertées vendredi après-midi.
[Traduction]
Cette étape revêt une grande importance, puisque le thème retenu par la commission cette année, pour sa 62e session, était l’autonomisation des femmes en milieu rural, éloigné et isolé.
Il y a six ans, le langage régressif employé par certains États membres s’opposant aux droits des femmes a empêché les États membres des Nations Unies de s’entendre sur un document final. Or, cette année, les négociations ont été fructueuses et ont mené à un document final qui témoigne des disparités entre les milieux urbain et rural et des désavantages bien ancrés qui sont le lot des femmes en milieu rural partout dans le monde.
Selon le dernier recensement, au Canada, environ 2,8 millions de femmes habitent dans des régions rurales et 176 000 autres habitent dans des régions éloignées. Par conséquent, un nombre considérable des recommandations issues de la 62e session de la Commission de la condition de la femme sont pertinentes dans le contexte canadien. En voici un exemple :
[…] éliminer les lois et les normes discriminatoires afin de donner aux femmes le même accès aux ressources économiques et productives, y compris les terres et les ressources naturelles, les biens et le droit d’hériter.
Cela s’applique tout particulièrement aux peuples autochtones qui vivent dans les régions rurales du pays. La mise en place d’infrastructures est le sujet d’un autre appel à l’action figurant dans les recommandations, l’eau potable y étant mentionnée explicitement.
Je félicite évidemment Mme Philpott, dont le ministère s’est engagé à éliminer plus de 1 000 avis d’ébullition de l’eau au Canada. Toutefois, 78 avis permanents d’ébullition de l’eau sont toujours en vigueur au pays. Je soutiens l’appel à l’action et je souligne que, comme le gouvernement s’est engagé à éliminer les avis toujours en vigueur d’ici 2021, des communautés autochtones situées en milieu rural seront privées d’eau potable pendant encore au moins trois ans.
Alors que je prends la parole au sujet de la 62e session de la Commission de la condition de la femme, je tiens à féliciter Mme Sizani Ngubane, une Sud-Africaine qui est avec nous aujourd’hui. Il y a deux semaines, pendant cette session, les Nations Unies lui ont décerné le prix annuel « Femme de distinction » pour son travail au nom des femmes qui résident en milieu rural en Afrique du Sud et dans d’autres régions de l’Afrique.
Mme Ngubane est fondatrice et directrice du Rural Women’s Movement d’Afrique du Sud, un organisme qui aide les femmes de ce pays à revendiquer leurs droits territoriaux. Le Rural Women’s Movement collabore aussi avec les femmes afin que, peu importe leur race, leur culture ou leur religion, elles puissent comprendre leurs droits en Afrique du Sud, les revendiquer et, surtout, les faire respecter.
Encore une fois, je tiens à féliciter Mme Ngubane de son dévouement et de son travail en vue de faire progresser les droits des femmes en Afrique du Sud.
J’invite les sénateurs à remercier les diplomates canadiens et les représentants de la société civile canadienne, qui ont travaillé très fort à la 62e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies afin de formuler des conclusions progressistes, qui ont été approuvées. Il s’agit de l’appel à l’action convenu par les États membres de l’ONU et qui découle directement de la plus importante conférence annuelle de femmes au monde.
Merci, meegwetch.
(1350)
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Bruce Eves, Lily Eng, Peter Dudar, Robert Kananaj, Roberta Kananaj et Lauren Gratton. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Bovey.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Le directeur parlementaire du budget
Rapport d’étape sur la phase 1 du nouveau plan en matière d’infrastructure—Dépôt du rapport
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget, intitulé Rapport d’étape sur la phase 1 du nouveau plan en matière d’infrastructure, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).
Le vérificateur général
Perspectives sur l’action contre les changements climatiques au Canada : rapport collaboratif de vérificateurs généraux—Dépôt du rapport
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du vérificateur général du Canada intitulé Perspectives sur l’action contre les changements climatiques au Canada : rapport collaboratif de vérificateurs généraux, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R. 1985, ch. A-17, par. 7(5).
[Traduction]
La justice
L’Énoncé concernant la Charte en ce qui a trait au projet de loi C-71—Dépôt de document
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un énoncé concernant la Charte préparé par la ministre de la Justice concernant le projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu.
[Français]
Finances nationales
Budget et autorisation d’engager du personnel et de voyager—L’étude sur les prévisions budgétaires fédérales en général—Présentation du vingt-septième rapport du comité
L’honorable Percy Mockler, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :
Le jeudi 29 mars 2018
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l’honneur de présenter son
VINGT-SEPTIÈME RAPPORT
Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mercredi 27 janvier 2016, à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général, notamment les comptes publics, les rapports du vérificateur général et les finances publiques, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2019, et demande qu’il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à :
a)embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin;
b)s’ajourner d’un lieu à l’autre au Canada;
c)voyager à l’intérieur du Canada.
Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant, sont annexés au présent rapport.
Respectueusement soumis,
Le président,
PERCY MOCKLER
(Le texte du budget figure à l’annexe A des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3152.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
Le sénateur Mockler : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5f) du Règlement, je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Des voix : Non.
(Sur la motion du sénateur Mockler, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
[Traduction]
Pêches et océans
Budget—L’étude sur les activités de recherche et de sauvetage maritimes—Présentation du dixième rapport du comité
L’honorable Fabian Manning, président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, présente le rapport suivant :
Le jeudi 29 mars 2018
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a l’honneur de présenter son
DIXIÈME RAPPORT
Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 14 avril 2016 à étudier les activités de recherche et sauvetage maritimes, y compris les défis et les possibilités qui existent, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2019.
Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant, sont annexés au présent rapport.
Respectueusement soumis,
Le président,
FABIAN MANNING
(Le texte du budget figure à l’annexe B des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3160.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
Le sénateur Manning : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5f) du Règlement, je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Des voix : Non.
(Sur la motion du sénateur Manning, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
[Français]
Langues officielles
Budget—L’étude sur la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles—Présentation du huitième rapport du comité
L’honorable René Cormier, président du Comité sénatorial permanent des langues officielles, présente le rapport suivant :
Le jeudi 29 mars 2018
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a l’honneur de présenter son
HUITIÈME RAPPORT
Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 6 avril 2017 à examiner, pour en faire rapport, la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2019.
Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant, sont annexés au présent rapport.
Respectueusement soumis,
Le président,
RENÉ CORMIER
(Le texte du budget figure à l’annexe C des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3170.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
Le sénateur Cormier : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5f) du Règlement, je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Des voix : Non.
(Sur la motion du sénateur Cormier, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
Droits de la personne
Budget—L’étude sur les questions concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel—Présentation du neuvième rapport du comité
L’honorable Patrick Brazeau, présente le rapport suivant :
Le jeudi 29 mars 2018
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a l’honneur de présenter son
NEUVIÈME RAPPORT
Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 15 décembre 2016 à étudier les questions concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2019.
Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant, sont annexés au présent rapport.
Respectueusement soumis,
La présidente,
WANDA ELAINE THOMAS BERNARD
(Le texte du budget figure à l’annexe D des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3179.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
Le sénateur Brazeau : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5f) du Règlement, je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Des voix : Non.
(Sur la motion du sénateur Brazeau, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN
La session du printemps 2017, tenue du 26 au 29 mai 2017—Dépôt du rapport
L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant sa participation à la session du printemps 2017, tenue à Tbilissi, en Géorgie, du 26 au 29 mai 2017.
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
L’infrastructure et les collectivités
Les projets d’infrastructure
L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’ai une question importante à poser au leader du gouvernement au Sénat et j’espère qu’il y répondra très sérieusement.
Pendant plusieurs mois, le directeur parlementaire du budget a émis des avertissements concernant le plan d’infrastructure du gouvernement. Plus tôt aujourd’hui, le directeur parlementaire du budget a publié un rapport d’étape dans lequel il conclut que, dans le budget de 14,4 milliards de dollars prévu pour la première phase du plan, les ministères fédéraux ont seulement déclaré 7,2 milliards de dollars en projets approuvés lancés pendant l’exercice en cours ou en 2016-2017. La moitié de la phase 1 du financement n’a pas encore été attribuée à des projets.
(1400)
Les Canadiens se sont fait dire pendant la campagne électorale que de supposés modestes déficits étaient nécessaires à court terme pour investir dans des projets d’infrastructure et stimuler l’économie. Le déficit est de 18 milliards de dollars, les fonds pour l’infrastructure n’ont pas encore été affectés comme cela avait été promis, leur impact sur le PIB est faible et le directeur parlementaire du budget s’est fait dire que le nouveau plan d’infrastructure n’existe pas. Ce n’est sûrement pas quelqu’un de notre côté qui a dit ça.
Comment peut-on s’attendre à ce que les Canadiens ne doutent pas de la gestion économique du gouvernement? Pourriez-vous m’aider à comprendre cela, s’il vous plaît?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Cela me fera plaisir de l’aider. Le gouvernement du Canada, comme il le sait, a créé un programme d’infrastructure qui est administré en collaboration avec nos partenaires provinciaux. Le gouvernement du Canada a signé des ententes avec toutes les provinces sur la mise en œuvre du programme d’infrastructure. Grâce aux ententes bilatérales, des projets ont été annoncés et ont commencé à voir le jour. Je pourrais donner une liste des annonces qui ont été faites s’il le souhaite, pour que tous les sénateurs puissent les connaître.
Toutefois, je tiens à souligner également, comme je l’ai fait à plusieurs reprises, que le gouvernement du Canada, en ce qui concerne le financement de ces projets, fournit des fonds seulement lorsque les objectifs fixés entre les partenaires sont atteints afin d’assurer l’efficacité de l’utilisation des fonds publics.
Le programme d’infrastructure veille à ce que des millions de dollars soient investis dans des projets en cours partout au pays. Ces projets profitent énormément aux Canadiens.
Le sénateur Smith : Je comprends qu’il y ait un processus de sélection pour les projets et que le financement final ne soit pas débloqué tant que le programme n’est pas complété, mais on dirait que quelque chose ne tourne pas rond, car compte du délai raisonnable qui a été donné pour la préparation, la mise en œuvre et l’exécution, ces projets devraient déjà être terminés. Pourriez-vous vérifier? Si vous avez la liste que vous avez mentionnée, nous serions très heureux de l’avoir aussi.
Ce qui est important, c’est de joindre les actes à la parole, ce qui semble faire quelque peu défaut dans le cas présent.
En juillet dernier, le ministre Sohi a fait part de son intention de conclure « au plus tard le 18 mars » les négociations entourant les accords relatifs à la phase 2 du plan d’infrastructure avec les provinces et les territoires. Toutefois, le Globe and Mail signale que l’on n’a toujours pas conclu d’accord avec huit provinces et un territoire. De plus, le ministre Sohi refuse de donner une nouvelle date limite pour la conclusion de tous les accords bilatéraux.
Il est évident que ce programme ne s’exécute pas comme prévu. Je le répète, il y a un problème de transparence et d’exécution. De plus, il est crucial de garantir que les Canadiens sachent exactement ce que fait le gouvernement parce que nous sommes tous concernés.
Selon le leader du gouvernement, en ne fixant pas de nouvelle date limite pour conclure les accords liés à la phase 2 du plan d’infrastructure, le gouvernement ne fait-il pas exprès pour provoquer des retards?
Le sénateur Harder : Laissez-moi répondre d’abord à la première partie de la question et fournir une liste complète des projets. Permettez-moi de vous donner un exemple.
Depuis novembre 2015, en Ontario, le gouvernement du Canada a annoncé 2 058 projets d’une valeur de plus de 5,8 milliards de dollars en financement fédéral, ce qui signifie que le financement provenant de partenaires ou de fonds accumulés représente 13,7 milliards de dollars. Il y a notamment 1,899 milliard pour le projet de service régional express GO dans la région élargie du Golden Horseshoe; 1,15 milliard pour l’Étape 2 du train léger, ou TLR, à Ottawa; 385 milliards pour le réaménagement des terrains portuaires à Toronto; 333 millions pour le projet de TLR Finch West; des fonds pour des travaux préliminaires entourant des projets de transport en commun d’envergure; 45 millions pour l’Étape 2 du TLR à Ottawa; 36 millions pour le prolongement de la ligne de métro Yonge North; 35 millions pour le projet SmartTrack dans Eglington West; 730 projets d’approvisionnement en eau annoncés en Ontario en mai dernier; des projets d’amélioration du traitement des eaux usées dans de nombreuses villes de l’Ontario, notamment Barrie, Guelph et Brampton; des autobus à Stratford; et, enfin, des réseaux à large bande.
Ce que je veux dire, c’est que beaucoup de choses sont en chantier, tant en Ontario que dans l’ensemble du pays. Je me ferai un plaisir de fournir une liste plus complète en ce qui concerne le programme en cours. Le ministre discute en profondeur de la phase 2 avec ses partenaires. Les progrès accomplis pendant la phase 1 font que les projets de la phase 2 peuvent être plus précis et mieux définis. Les discussions sont en cours.
Le sénateur Smith : Je vous remercie de votre réponse, qui m’amène à une conclusion simple : serait-il possible que les difficultés surviennent lorsque les projets sont remis aux provinces ou aux municipalités, après que le gouvernement fédéral les ait lancés? Les communications avec les provinces, les municipalités ou tout autre partenaire posent-elles problème? Y a-t-il un problème empêchant les provinces, les municipalités ou les autres partenaires d’obtenir leur part des fonds pour que le programme annoncé puisse avancer?
Les retards qu’accusent les travaux du pont Champlain en sont l’exemple parfait. On prévoyait que le nouveau pont serait terminé en novembre 2018.
Le fonctionnement des choses pose-t-il problème? Si nous pouvions cerner le problème, nous pourrions faciliter les rapports entre le ministère et les provinces. Les provinces et les municipalités pourraient ainsi mener à bien ce projet. Beaucoup d’argent est en jeu. Le gouvernement investit des fonds. Où sont-ils? Le projet avance-t-il?
Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de s’intéresser à cette question. On me dit que les rapports entre tous les partenaires sont bien établis et très respectueux. Comme je l’ai déjà dit, je pourrais vous rapporter les paroles de certains maires ou dirigeants provinciaux. La situation actuelle découle de projets d’infrastructures très complexes et très vastes qui ont été remis à plus tard pendant beaucoup trop longtemps.
En ce qui a trait au pont Champlain, je peux vous dire que, à ma connaissance, le gouvernement a toujours l’intention de respecter l’échéance de décembre.
[Français]
Le cabinet du premier ministre
Le voyage du premier ministre en Inde
L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le sénateur, dans l’allocution que vous avez prononcée mardi dernier au sujet de la motion no 309, vous avez souligné ce qui suit, et je cite :
[...] aucun des témoins proposés dans cette motion n’aurait la liberté de divulguer de l’information de nature classifiée au sujet ou provenant d’un gouvernement étranger, de ses opérations frontalières, de son administration aéroportuaire ou de son service de contrôle des passeports.
Nous savons tous maintenant que Daniel Jean a donné aux journalistes des renseignements sur la visite du premier ministre en Inde. Dois-je comprendre que vous croyez que M. Jean a divulgué aux journalistes des renseignements confidentiels?
[Traduction]
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je ne peux pas me prononcer sur ce qu’insinue la question de l’honorable sénateur. Je ne faisais que réfléchir à ce qu'il est pertinent d’étudier en comité parlementaire et à l’importance que des questions telles que le renseignement de sécurité soient traitées par l’organisme parlementaire pertinent, qui est, évidemment, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement établi depuis peu.
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénateur Harder, pourquoi ne pas organiser pour les parlementaires le même point de presse sur les agissements du gouvernement indien que celui que M. Jean a donné aux journalistes?
[Traduction]
Le sénateur Harder : Je le répète, je parlais d’une motion qui prévoyait l’étude de la question par un comité inapproprié. Le gouvernement est d’avis que ce n’est pas le bon endroit pour en discuter. Nous avons établi le comité des parlementaires, et les sénateurs ont participé à son établissement. Ce comité compte des sénateurs distingués. S’ils souhaitent discuter de la question, comme le suggère notre motion, c’est le bon endroit pour le faire.
L’emploi, le développement de la main-d’œuvre et le travail
L’attestation exigée pour les emplois d’été
L’honorable Pamela Wallin : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement et elle porte sur l’attestation requise pour l’initiative Emplois d’été Canada dont nous avons discuté plus tôt cette semaine, à moins que ce ne soit la semaine dernière. Je vous ai ensuite prié de demander à la ministre du Travail, Patty Hajdu, de repenser le libellé de l’attestation requise pour l’initiative Emplois d’été Canada et la case que les demandeurs doivent cocher pour indiquer qu’ils renoncent à leur liberté de croyance et d’opinion en vertu de la Charte.
(1410)
Selon les médias, il semblerait que le gouvernement s’est rendu compte qu’il avait fait un mauvais calcul et qu’il songe à modifier le libellé des demandes pour l’année prochaine. Selon eux, la ministre aurait dit que ce n’était pas tout à fait conforme à la Charte. Je pense qu’elle faisait allusion à la situation des jeunes des communautés LGBTQ. C’est pour cela, évidemment, que notre pays a une loi sur les droits de la personne, pour empêcher cela, et la Charte sert assurément à protéger la liberté de parole, de croyance et d’opinion.
Je répète que je vous ai prié de demander à la ministre pourquoi elle n’examine pas la possibilité de modifier l’attestation pour cette année, afin que les jeunes puissent acquérir une expérience grâce à un emploi d’été et que les camps puissent démarrer leurs activités. Cette année seulement, plus de 1 500 organismes ont vu leur demande refusée.
J’ai été heureuse de constater que vous avez déposé l’énoncé concernant la Charte pour le projet de loi C-71 et je vous demande d’en faire autant pour cette initiative.
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie encore l’honorable sénatrice de sa question et je tiens à lui assurer que je me ferai un plaisir de porter ses opinions à l’attention de la ministre concernée.
Ce que je peux répondre à l’honorable sénatrice et à tous nos collègues, c’est que cette initiative est maintenant fermée. Le nombre de demandes est identique à celui des années précédentes et l’évaluation pour déterminer si l’initiative Emplois d’été pourra se dérouler cet été comme prévu est en cours.
Si les exigences pour l’attestation étaient modifiées, cela remettrait évidemment en question le maintien des demandes et, en fait, de l’initiative Emplois d’été Canada. Je sais que la ministre a déclaré publiquement qu’elle reste consciente des problèmes et qu’elle examine comment faire en sorte que les objectifs fixés se poursuivent au-delà de cette année, dans le cadre des futures initiatives.
L’environnement et le changement climatique
Les émissions de gaz à effet de serre
L’honorable Rosa Galvez : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Harder.
Au début du mois, la ministre Catherine McKenna a réaffirmé l’engagement du gouvernement d’atteindre les cibles de l’Accord de Paris pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 722 mégatonnes en 2015 à 517 mégatonnes en 2030. Elle a dit que le Canada a suffisamment de temps pour effectuer la transition nécessaire pour atteindre ces cibles afin de limiter les effets des changements climatiques et réduire les occurrences de phénomènes météorologiques extrêmes.
Cette semaine, la commissaire à l’environnement et au développement durable a publié un rapport sur les changements climatiques intitulé Perspectives sur l’action contre les changements climatiques au Canada — Rapport collaboratif des vérificateurs généraux, qui fournit une évaluation indépendante de l’état des mesures prises au Canada pour lutter contre les changements climatiques.
Les principales constatations du rapport sont que les gouvernements provinciaux et territoriaux n’ont pas complètement évalué les risques liés aux changements climatiques et qu’ils n’ont pas défini de plans d’adaptation. On constate aussi que les gouvernements n’ont pas coordonné efficacement entre eux leur action contre les changements climatiques. De plus, certains gouvernements ne rendent pas compte régulièrement et en temps opportun des progrès réalisés.
Même si le gouvernement fédéral a élaboré une multitude de stratégies et de plans pour réduire les émissions de gaz à effet de serre partout au Canada, je crains que la mise en œuvre de ces stratégies, qui sont nécessaires pour atteindre les cibles, ne laisse à désirer.
Monsieur le sénateur, comment les Canadiens peuvent-ils être certains que le gouvernement prend des mesures concrètes pour atteindre les cibles de réduction des émissions pour 2030, alors que les cibles établies pour 2020 ne seront pas atteintes? De plus, comment pouvez-vous concilier l’affirmation de la ministre et le plus récent rapport de la commissaire à l’environnement et au développement durable, qui montre que les provinces ne prennent pas les mesures concrètes nécessaires pour atteindre les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénatrice de sa question et de l’attention soutenue qu’elle accorde à ces questions importantes.
Le gouvernement et, assurément, la ministre considèrent les rapports de la commissaire comme des outils qui contribuent à la transparence, car ils attirent l’attention sur des questions dont il faut s’occuper davantage. C’est dans cette optique que le gouvernement accueille favorablement le rapport. Je tiens cependant à ce que les conclusions de la commissaire soient claires pour tous les sénateurs.
Primo, la commissaire a indiqué que la plupart des vérifications dont il est question dans le rapport, y compris la vérification menée à l’échelle fédérale, ont eu lieu avant la mise en place du cadre pancanadien.
Secundo, la commissaire a affirmé que le cadre pancanadien constitue un pas dans la bonne direction, en soulignant qu’il réunissait des joueurs clés qui traceront la voie à suivre pour la mise en œuvre du plan.
Le gouvernement a travaillé activement à établir le cadre pancanadien et nous commençons à voir des résultats. Ainsi, le Canada est en voie d’atteindre les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Accord de Paris.
Comme l’indique le troisième rapport biennal du Canada aux Nations Unies publié en décembre 2017, le scénario projette que les émissions du Canada en 2030 seront inférieures par 232 mégatonnes à celles indiquées dans le rapport biennal publié au début de 2016. Ce déclin des émissions est directement attribuable au plan et aux mesures adoptés par le gouvernement pour lutter contre les changements climatiques. Il s’agit de la plus grande amélioration des perspectives du Canada en matière d’émissions depuis que le pays présente ces rapports. Les diminutions sont généralisées dans tous les secteurs économiques et illustrent la portée et l’ampleur du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques.
La santé
Taïwan—La participation à l’assemblée de l’Organisation mondiale de la Santé
L’honorable Thanh Hai Ngo : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
L’année dernière, Taïwan n’a pas pu participer à l’assemblée de l'Organisation mondiale de la Santé parce que la Chine l’empêche constamment de prendre part à toute tribune internationale.
Cette année, le Canada va-t-il agir conformément à sa politique en appuyant publiquement la participation de Taïwan à la prochaine assemblée de l'Organisation mondiale de la Santé, à la fin de mai 2018?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénateur de sa question. Comme l’indique le préambule de sa question, il connaît la position que le Canada défend depuis longtemps à cet égard. Je vais m’informer pour savoir si la position a changé pour une raison ou une autre. Je fournirai la réponse le plus tôt possible; je n’ai simplement pas cette information sous la main.
Le sénateur Ngo : Merci, sénateur Harder. Serait-il possible d’obtenir une réponse écrite du gouvernement avant la tenue de l’assemblée, en mai 2018?
Le sénateur Harder : Je ferai tout ce que je peux pour cela.
Le Bureau du Conseil privé
La nomination du directeur général des élections
L’honorable Paul E. McIntyre : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Le 31 janvier, j’ai demandé au leader du gouvernement quand le poste de directeur général des élections serait pourvu. Près de deux mois se sont écoulés depuis, et le poste de directeur général des élections n’est toujours pas pourvu de façon permanente.
Le gouvernement savait depuis juin 2016, soit depuis près de deux ans, que le directeur général des élections précédent, Marc Mayrand, allait prendre sa retraite.
Pourquoi le gouvernement actuel tarde-t-il autant? Pourquoi est-il incapable de pourvoir ce poste très important de mandataire du Parlement?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénateur de sa question. Il doit savoir que je ne peux pas lui donner la réponse aujourd’hui, mais je vais faire tous les efforts possibles pour me renseigner sur l’échéance prévue pour cette nomination.
Le Parlement du Canada
La constitution du comité mixte sur la sécurité
L’honorable A. Raynell Andreychuk : Je reviens sur ce qu’a dit le sénateur Carignan. Nous avons constitué un comité mixte des deux Chambres sur les dossiers de la défense et de la sécurité, et ainsi de suite.
Vous dites qu’il s’agirait peut-être de la plateforme appropriée où discuter du fait que des renseignements ont été fournis aux journalistes, mais pas aux parlementaires.
Le problème, c’est que ce comité relève essentiellement du premier ministre. Comment le parlementaire moyen serait-il informé des travaux de ses membres?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Du fait du débat que nous avons tenu sur le projet de loi C-22, qui a constitué le comité, la sénatrice sait que le comité dispose d’outils pour transmettre des renseignements sur des questions données et pour produire des rapports annuels. Je fais simplement remarquer que ce serait le processus approprié à suivre.
Je souligne également que le comité détermine lui-même son plan de travail. C’est pour cette raison que la motion que nous avons adoptée a été rédigée avec énormément de soin, de façon à ne pas donner d’ordre au comité. Nous n’avons pas le pouvoir d’adresser des instructions au comité; ses membres sont maîtres de leur programme.
Enfin, je félicite les trois sénateurs qui représentent le Sénat à ce comité. Je souligne qu’ils n’ont voté sur aucun point de débat à propos de la motion. Ces sénateurs sont des personnes très intègres, et je suis sûr qu’ils prendront les bonnes décisions sur la façon d’étudier cette question, s'ils choisissent de le faire.
La sénatrice Andreychuk : J’ai une question complémentaire. Personne ne parle du comité ni de son mandat. Nous en sommes tous conscients, je crois.
(1420)
L’enjeu en cause, pour moi, est le droit de savoir ou, à tout le moins, l’égalité entre le droit de savoir des parlementaires et celui de la presse. Le comité peut traiter ses affaires à son gré, conformément à son mandat, et faire rapport au premier ministre. Il peut faire toutes sortes de choses, mais rien ne garantit que j’aurai, ni que les autres parlementaires auront, le droit de savoir.
Dans ce contexte, comment pouvons-nous avoir la certitude que ce processus nous permettra de nous acquitter des responsabilités que nous avons, en tant que parlementaires, envers les gens de nos régions, si ce processus n’est pas sous notre contrôle, ni sous le vôtre, ni sous celui du premier ministre? Je doute que cela respecte les principes de la primauté du droit, de la démocratie, de la transparence et de la reddition de comptes.
Le sénateur Harder : Je ne suis pas de cet avis puisque, grâce à l’adoption du projet de loi C-22 et à l’établissement du comité, le Canada dispose maintenant d’un mécanisme approprié de surveillance parlementaire en matière de renseignement et de sécurité, tout comme les autres membres du Groupe des cinq, des pays aux vues similaires aux nôtres. Il est, évidemment, du ressort du comité de déterminer son programme et à qui il rendra des comptes. J’ai tout à fait confiance que, si les membres du comité décident d’examiner cet enjeu, ils communiqueront les renseignements qui sont dans l’intérêt public et ne mettent pas en péril la sécurité et les activités de renseignement du Canada dans ce domaine.
Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton
L’emploi, le développement de la main-d’œuvre et le travail— Les politiques en matière d’usage de drogues et de dépistage des drogues en milieu de travail
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 75, en date du 7 février 2018, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Smith, concernant l’usage de drogues et de dépistage des drogues en milieu de travail (réponse d’Emploi et Développement social Canada).
Les transports—Les politiques en matière d’usage de drogues et de dépistage des drogues en milieu de travail
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 75, en date du 7 février 2018, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Smith, concernant l’usage de drogues et de dépistage des drogues en milieu de travail (réponse de Transports Canada).
[Français]
ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur le Mois du patrimoine juif canadien
Message des Communes
Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-232, Loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien, accompagné d’un message informant le Sénat qu’elle a adopté ce projet de loi sans amendement.
Projet de loi de crédits no 5 pour 2017-2018
Troisième lecture
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-72, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2018, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, comme j’ai tout dit hier, je propose que nous passions à l’étape suivante, soit celle de nous prononcer sur la question.
[Traduction]
L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Je crois que les honorables sénateurs doivent savoir sur quoi nous votons. Nous en avons parlé hier à l’étape de la deuxième lecture. Or, juste avant de voter à l’étape de la troisième lecture d’un projet de loi revêtant une importance cruciale pour le Parlement et les Canadiens, nous devons approuver des dépenses pour la fin de l’exercice se terminant à la fin de cette semaine. Le gouvernement souhaite boucler son cycle budgétaire, et il a besoin d’argent pour couvrir les dernières dépenses. Il réclame 4 030 000 000 $. Par conséquent, si vous votez en faveur du projet de loi, vous autoriserez l’octroi de 4 milliards de dollars.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
[Français]
Projet de loi de crédits no 1 pour 2018-2019
Troisième lecture
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-73, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2019, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je n’ai rien à ajouter à mes propos d’hier lors desquels j’ai expliqué la nature des dépenses que nous voterons pour le premier trimestre de la prochaine année.
[Traduction]
L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, je soulève le même point que pour l’autre projet de loi. La présente mesure législative se rapporte au premier trimestre de l’exercice, qui commence le 1er avril et se termine le 30 juin. À la fin de juin, on nous demandera d’approuver la totalité des crédits. Entre-temps, on nous demande de donner au gouvernement les fonds nécessaires pour qu’il puisse accomplir son travail. Dans le projet de loi C-73, on nous demande d’autoriser l’octroi de 30 907 000 000 $. Lorsque vous rentrerez chez vous ce soir, vous pourrez donc dire que vous avez autorisé une dépense de 30 milliards de dollars.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Le sénateur Day : Il y a un autre point que je voulais soulever à ce sujet; le sénateur Mockler en a parlé hier. Il est important pour nous de savoir que nous sommes en période de transition en ce qui concerne les documents budgétaires et les crédits votés, parce qu’il y a des crédits prévus dans des lois qui ne sont pas pris en compte dans le chiffre que je viens de citer.
Nous avons recours à un nouveau processus budgétaire. L’idée est que le Budget principal des dépenses reflète ce qu’il y a dans le budget, ce qui est vraiment la chose à faire. Cependant, pendant la période de transition et jusqu’à ce que nous ayons réglé la question, les 30 milliards de dollars qu’on nous demande d’approuver pour le premier trimestre de cette année sont calculés en fonction du budget et des dépenses de l’année dernière, et c’est un peu bizarre. On s’attendrait à ce que le gouvernement ait examiné les dépenses de l’année dernière et décidé quels programmes il gardera. A-t-il trop dépensé dans un secteur particulier? A-t-il besoin du même montant? D’après le sénateur Mockler, le président du Comité des finances nationales, ces discussions n’ont pas encore eu lieu, selon ce que je crois comprendre.
On nous demande de voter sur des dépenses de 30 milliards de dollars calculées en fonction de ce qui s’est déjà passé l’année dernière et de ce que le budget était l’année dernière : c’est une manière de faire un peu dangereuse et qui manque de transparence. Je sais que le Comité des finances nationales gardera un œil là-dessus puisque ses membres ont soulevé la question hier. Merci, honorables sénateurs.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
Projet de loi sur la modernisation des transports
Projet de loi modificatif—Adoption du dixième rapport du Comité des transports et des communications
Le Sénat passe à l’étude du dixième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications (Projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 28 mars 2018.
L’honorable David Tkachuk propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, je suis ravi de présenter le projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.
Il s’agit d’un projet de loi compliqué et, à certains égards, controversé. Il en est ainsi parce que c’est ce que le gouvernement a décidé de faire. Comme vous le savez tous, le Sénat a été saisi du projet de loi le 2 novembre, et ce n’est que le 8 décembre qu’il a été renvoyé au comité. On nous a alors accusés de retarder l’adoption du projet de loi.
Évidemment, les céréaliculteurs de l’Ouest souhaitaient que le projet de loi soit adopté rapidement, avant l’hiver, pour avoir l’assurance que leurs grains soient transportés. Nous partagions leurs inquiétudes — comme je viens moi-même de l’Ouest, cette question me tenait à cœur —, mais nous devions aussi tenir compte du fait qu’il s’agit d’un projet de loi omnibus, aux multiples facettes, ainsi que de différentes préoccupations soulevées par toute une gamme d’intervenants.
(1430)
Ces parties intéressées devaient être entendues. Le gouvernement avait en main une solution pour les agriculteurs et, dans bien des cas, il a choisi de ne pas s’en servir.
Nous avons entendu 76 témoins et tenu 12 séances, pour un total de 23 heures d’audiences. La complexité du projet de loi et la gravité des préoccupations exprimées par les témoins se reflètent dans le fait que, à l’étape de l’étude article par article du projet de loi, quelque 26 amendements ont été proposés par des sénateurs de tous les caucus et groupes au Sénat et 18 d’entre eux ont été adoptés.
Ces amendements touchent divers aspects du projet de loi.
D’abord, les dispositions relatives au transport aérien. Le comité a adopté un certain nombre d’amendements relatifs aux dispositions sur les coentreprises entre les transporteurs aériens. Par exemple, le ministre des Transports serait tenu de publier un sommaire de toute entente de coentreprise proposée entre transporteurs aériens et d’accorder 20 jours au public afin de lui permettre de formuler des observations. Le ministre serait également tenu d’examiner tous les deux ans toute entente autorisée afin de déterminer si elle soulève des préoccupations à l’égard de l’intérêt public et de la concurrence.
En ce qui a trait aux droits des passagers, le comité a amendé le projet de loi pour permettre aux tiers de déposer leurs plaintes relatives au transport aérien auprès de l’Office des transports du Canada. Le projet de loi, dans sa forme initiale, les aurait empêchés de déposer des plaintes liées à la déclaration des droits des passagers des lignes aériennes.
Le comité a également amendé la liste des sujets que l’Office des transports du Canada doit inclure dans le règlement créant la déclaration des droits des passagers des lignes aériennes. Nous y avons ajouté l’obligation, pour le transporteur, de rendre facilement accessibles aux passagers en langage simple, clair et concis les conditions de transport d’une dépouille et d’autres restes humains. Nous avons modifié la durée du retard acceptable sur l’aire de trafic. Elle était de trois heures et nous la portons à 90 minutes. Enfin, nous avons ajouté l’obligation, pour l’Office des transports du Canada, de prendre, après consultation du ministre des Transports, des règlements relatifs aux vols à l’intérieur du Canada pour régir l’obligation, pour le transporteur, de fournir des services dans les deux langues officielles.
Le comité a adopté un amendement exigeant qu’un comité du Sénat ou de la Chambre des communes, ou un comité mixte, examine la déclaration des droits des passagers des lignes aériennes après trois ans, puis tous les cinq ans par la suite.
Le comité a amendé le projet de loi C-49 afin de donner à l’Office des transports du Canada le pouvoir d’enquêter, de sa propre initiative, sans qu’une plainte ait été déposée, pour décider si une compagnie ne s’acquitte pas de ses obligations en matière de niveau de service.
Le comité a amendé le projet de loi de façon à ce que les mécanismes d’interconnexion de longue distance puissent être utilisés par les expéditeurs qui n’ont pas accès à un service d’interconnexion ou aux services de plus d’un fournisseur, parce que le service d’interconnexion ou des autres fournisseurs ne va pas dans la direction la plus judicieuse du transport vers sa destination.
Le comité a également modifié les dispositions concernant l’interconnexion de longue distance afin que les expéditeurs captifs des Maritimes aient accès à ce mécanisme.
Selon la version du projet de loi C-49 que le comité avait reçue, tout chargement tarifé, notamment la potasse, en provenance de l’Ouest canadien et acheminé à un port de l’Atlantique, disons Saint John ou Halifax, devient captif du CN à son arrivée à destination. Les Maritimes ne sont desservies que par le CN. C’est donc dire que, même s’il est possible d’acheminer le chargement par le CP dans l’Ouest, il n’y a pas de concurrence pour la dernière portion du trajet de Montréal vers le port de destination. La situation s’applique également aux expéditeurs qui veulent acheminer des marchandises par rail depuis un port de l’Atlantique jusque dans l’Ouest canadien; on parle de métaux, de concentrés ou d’autres marchandises provenant des usines de l’Atlantique, notamment des papeteries.
C’est exactement le genre de problèmes que vient régler l’interconnexion de longue de distance. Le transport routier n’est pas possible dans bien des cas. Faire le transbordement au port de Montréal n’est souvent pas possible non plus et, de toute façon, viendrait nuire à l’activité économique dans le Canada atlantique.
Si nous faisons une exception pour les expéditeurs captifs du Nord du Québec et du Nord de la Colombie-Britannique afin de leur permettre d’avoir recours à l’interconnexion de longue distance, il ne serait que juste de permettre aux expéditeurs captifs du Canada atlantique de bénéficier de la même exception.
Donc, lorsque le CP envoie un convoi de potasse à Montréal, lorsqu’il y arrive, il n’y a plus de voie du CP, seulement des voies du CN. Avec cet amendement au projet de loi, ce convoi pourra obtenir le même prix de substitution de la société ferroviaire détenant le monopole, quelle que soit la direction empruntée.
En ce qui concerne l’arbitrage final, le comité a amendé le projet de loi de telle sorte que, à la demande de l’expéditeur, l’Office des transports du Canada fournisse à l’arbitre les frais variables liés au transport des marchandises.
Le comité a également adopté un amendement selon lequel le soya serait ajouté à la liste des plantes visées par le régime du revenu admissible maximum.
La question des enregistreurs audio-vidéo à bord des locomotives dans le projet de loi a suscité une certaine controverse. Le comité a amendé la disposition à ce sujet afin de permettre au gouverneur en conseil de prendre un règlement sur la destruction des données de ces enregistreurs. Le comité a également adopté un amendement visant à supprimer l’article qui aurait permis aux sociétés ferroviaires d’accéder à des données audio-vidéo choisies au hasard.
Mesdames et messieurs les sénateurs, ce sont là les amendements. Vous avez évidemment le rapport complet devant vous si vous souhaitez obtenir plus de détails.
Je m’en voudrais toutefois de ne pas mentionner l’importante observation jointe à ce rapport. Je crois qu’il vaut la peine que je la lise :
Des représentants de l’Institut national canadien pour les aveugles et du Conseil des Canadiens avec déficiences ont parlé au comité des obstacles auxquels sont confrontées les personnes avec déficiences qui souhaitent prendre l’avion. Par exemple, le transport de son animal d’assistance et de son appareil d’aide à la mobilité ainsi que de longs retards sur le tarmac peuvent causer des difficultés particulières à une personne avec déficiences.
Le comité recommanderait donc à l’Office des transports du Canada d’inclure des intervenants qui représentent les personnes avec déficiences dans ses consultations publiques sur l’élaboration de la réglementation visant la mise en œuvre d’une déclaration des droits des passagers aériens.
Je peux dire, sans risque de me tromper, que les sénateurs ont été profondément émus par les témoignages et les photos présentés par les témoins de même que par les situations auxquelles les personnes handicapées sont confrontées, par exemple une personne aveugle qui voyage avec un chien-guide.
En dernier lieu, je remercie les membres du comité; ils ont collaboré et ont fait preuve de diligence pour que les audiences sur ce projet de loi soient complètes et efficientes. Je remercie tout particulièrement les vice-présidents, Patricia Bovey et Dennis Dawson, de leur appui et de leur capacité de collaboration avec les autres, y compris moi.
Il va sans dire que je remercie également le sénateur Mitchell, parrain du projet de loi, et le sénateur MacDonald, qui a assisté à toutes les réunions au nom de notre parti. Le sénateur Mitchell a, bien sûr, dû faire valoir la position du gouvernement en toutes circonstances, tâche dont il s’est acquitté avec compétence et rigueur.
Enfin, ce sont les employés qui se sont chargés du gros du travail. Je remercie les employés de la Bibliothèque, notamment Jed Chong et Zackery Shaver, de leur expertise. On pouvait toujours compter sur eux pour répondre aux questions des membres du comité et pour nous fournir une quantité substantielle de renseignements sur les sujets abordés dans le projet de loi.
Je souligne que 26 amendements très complexes ont été proposés à l’égard de cette mesure législative et qu’il n’y avait que deux conseillers parlementaires pour les traiter, soit Indrani Laroche et Michel Bédard, qui se sont brillamment tirés d’affaire en dépit d’une énorme pression. Au nom du comité, je les remercie de leur excellent travail. J’ai appris qu’ils ont bénéficié de l’aide précieuse des réviseurs de textes législatifs Caroline Martin et Shaun Bugyra, que je remercie également.
Je tiens finalement à remercier notre greffier, Victor Senna. Il participait pour la première fois à une audience portant sur des amendements, et il a eu droit à un véritable déluge de 26 amendements. Comme la rigueur et le souci du détail sont les mots d’ordre de Victor, la situation suscitait évidemment beaucoup d’angoisse. On peut donc dire qu’il a subi son baptême du feu mardi, et il s’en est plutôt bien tiré. Il a apporté au comité un soutien précieux, tout comme Shaila Anwar l’a fait pendant l’étude article par article. Nous leur sommes très reconnaissants de l’excellent travail qu’ils ont accompli dans ce dossier fort complexe.
Merci à tous les deux.
Honorables sénateurs, le ministre et le parrain du projet de loi ont dit clairement, à plusieurs reprises, qu’il serait bon que le Sénat adopte cette mesure le plus tôt possible. C’est ce que j’espère moi aussi. Merci beaucoup.
(1440)
L’honorable Grant Mitchell : Chers collègues, je tiens à remercier le président du Comité des transports, le sénateur Tkachuk, ainsi que tous les sénateurs qui en font partie et le personnel qui a soutenu son travail, parce que je crois qu’il a réussi à faire diligence et à mener une étude aussi rigoureuse qu’approfondie du projet de loi C-49. J’estime d’ailleurs que les travaux du comité étaient complets, qu’ils étaient tout à fait légitimes et qu’ils se sont déroulés de manière responsable.
Même si j’ai fait connaître mon opposition à bon nombre des amendements présentés au comité cette semaine, je considère que ces amendements proposés et adoptés — adoptés pour la plupart — sont le résultat d’un travail législatif consciencieux, constituent d’importantes contributions au débat sur ce projet de loi et montrent une réelle volonté de tenir compte des demandes du public.
Le projet de loi prévoit une série de mesures qui amélioreront la sécurité des transports ainsi que les services offerts par les compagnies aériennes et ferroviaires du pays, en plus de rendre ces sociétés plus concurrentielles — ce qui est vrai aussi pour la marine marchande — et de stimuler les investissements dans les compagnies aériennes, les chemins de fer et les ports.
On voit, à lire ce texte législatif, qu’il tente réellement de trouver l’équilibre entre des intérêts commerciaux substantiels et manifestement divergents, de tenir compte du fait que la concurrence est essentielle dans divers marchés complexes des transports, de faire en sorte que les expéditeurs, qui sont parfois vulnérables, soient traités équitablement et de voir à la sécurité des transports tout en améliorant la qualité du service à la clientèle offert par les entreprises.
Selon moi, ce projet de loi est un exemple de bonne politique publique. Pendant les deux années qu’auront duré les consultations, 200 intervenants ont été sollicités par le ministre et ses collaborateurs, sans parler de ce qui a été fait au ministère, au comité des Communes et à celui du Sénat. Le projet de loi se fonde également sur les travaux menés par David Emerson il y a quelques années.
Il s’agit d’une bonne politique publique qui est bien équilibrée. Dans un certain sens, le projet de loi sert même à prouver que l’élaboration de bonnes politiques publiques n’est pas seulement une science, c’est aussi un art. À mon avis, le ministère et le ministre ont trouvé le juste équilibre. Voilà pourquoi j’appuierai le projet de loi et pourquoi je suis dans l’obligation de m’opposer au rapport du comité.
J’aimerais aborder plusieurs des amendements qui ont une importance particulière quant à leur effet sur le fond du projet de loi et ont grandement contribué à ma décision de m’opposer au rapport. Ils portent tous sur les dispositions de la mesure législative liées au transport ferroviaire — plus précisément, l’interconnexion de longue distance et les politiques en matière de revenu admissible maximal, de même que l’installation d’enregistreurs audio-vidéo dans les locomotives.
Un des grands objectifs des politiques canadiennes des dernières années en matière de transport ferroviaire était de passer du modèle service public nationalisé réglementé par le gouvernement, que nous avons eu pendant des décennies, au modèle commercial axé sur le marché que nous avons, ou presque, aujourd’hui. Ce changement, on le voit très clairement dans le fait que, il y a quelques décennies, le gouvernement était propriétaire du Canadien National alors que, aujourd’hui, le Canada compte deux compagnies de chemin de fer privées de catégorie I florissantes.
Comme nous le savons tous, ces deux compagnies sont essentielles à la prospérité du pays, parce que notre économie repose en très grande partie sur des industries qui dépendent des chemins de fer pour le transport de leurs produits vers les marchés. Autre élément tout aussi essentiel : ce service ferroviaire doit répondre aux besoins à un prix concurrentiel.
La présence de deux compagnies ferroviaires sur le marché assure une saine concurrence, ce qui a des répercussions positives sur les prix et la qualité du service.
Par contre, comme le Canada est un très grand pays et que la construction et l’entretien de l’infrastructure ferroviaire exigent d’énormes capitaux, certaines régions du pays ne sont pas desservies par les deux transporteurs. Certains expéditeurs n’ont donc pas le choix. Puisqu'ils n'ont qu’une seule compagnie ferroviaire non soumise à la concurrence comme possibilité, ils risquent de se voir imposer des prix non concurrentiels et d’obtenir un service de moins bonne qualité.
Évidemment, il serait possible de simplement réglementer le prix du transport ferroviaire lorsqu’il n’y a aucune concurrence. Cependant, c’est plus compliqué que cela.
Les compagnies de chemin de fer doivent engager beaucoup de dépenses en capital puisqu’elles doivent entretenir et construire leur infrastructure, qui compte actuellement 45 000 kilomètres de chemin de fer au Canada et 17 000 kilomètres de chemin de fer appartenant au Canada, mais se trouvant aux États-Unis. Une réglementation à outrance de leur structure des prix ferait en sorte qu’elles auraient de la difficulté à maintenir leurs dépenses en capital et leur service de qualité.
C’est le défi du projet de loi C-49, ou du moins l’un d’eux — trouver l’équilibre entre des prix justes et une qualité de service pour les expéditeurs captifs tout en reconnaissant les réalités concernant les revenus des compagnies de chemin de fer dans un pays vaste comme le Canada.
En fait, de trois façons considérables, le projet de loi C-49 rétablit grandement l’équilibre en faveur des expéditeurs.
Premièrement, il instaure un certain nombre de mesures qui permettront davantage aux expéditeurs d’exiger un service de qualité. Ces mesures comprennent des sanctions réciproques, une définition détaillée de ce que représente un service adéquat et de meilleures options de règlement des différends.
Deuxièmement, il présente une nouvelle politique, l’interconnexion de longue distance, qui prévoit que l’Office des transports du Canada doit préciser le prix de l’acheminement des produits des expéditeurs captifs sur une distance d’un maximum de 1 200 kilomètres. Cela signifie aussi qu’un expéditeur mécontent du service reçu d’une compagnie de chemin de fer de sa région peut obtenir un prix d’interconnexion de longue distance précis pour le transport jusqu’à un point de service de l’autre compagnie de chemin de fer. Ainsi, les compagnies de chemin de fer sont plus attentives aux besoins des clients.
Troisièmement, il préserve le revenu admissible maximal. Cette mesure limite les profits que les compagnies de chemin de fer peuvent faire sur le transport de certains produits agricoles de l’Ouest canadien. En fait, dans son examen des politiques de transport du Canada, David Emerson a recommandé de supprimer totalement le revenu admissible maximal. Le projet de loi C-49 le conserve et le modernise — ce qui a ravi les agriculteurs et les expéditeurs.
Toutes ces mesures, même si elles sont utiles pour les expéditeurs, donneront lieu à une perte de revenus ou à une perte possible de revenus pour les sociétés ferroviaires, ou encore elles exigeront des normes de service plus élevées, ce qui fera augmenter les coûts que doivent assumer les sociétés ferroviaires. Selon les résultats de consultations auprès des intervenants, le projet de loi C-49 exigera de grands efforts en vue de l’atteinte d’un équilibre délicat entre les expéditeurs et les sociétés ferroviaires.
Des amendements qui modifient radicalement l’application des politiques peuvent nuire à cet équilibre. À mon avis, trois des amendements du comité vont y nuire tout particulièrement.
Premièrement, en ce qui concerne l’ajout des fèves de soya à la liste des cultures visées au titre du revenu admissible maximal, l’argument invoqué à la défense de cet amendement, c’est que la production de soya a connu une forte croissance — si vous me pardonnez le jeu de mots — au cours des 20 dernières années et devrait donc être admissible au revenu admissible maximal. Cependant, le revenu admissible maximal est une mesure qui vise à remédier à la faiblesse du marché. Si la production de soya a augmenté de façon si significative et profitable sans disposition relative au revenu admissible maximal, il faut se demander pourquoi cette mesure de protection serait nécessaire maintenant.
Deuxièmement, pour ce qui est d’étendre l’interconnexion de longue distance aux expéditeurs non captifs, l’amendement prévoit que les expéditeurs qui ont déjà accès à l’interconnexion régulière devraient avoir également accès à l’interconnexion de longue distance. Ces expéditeurs ne sont pas captifs, toutefois, et obtiennent déjà un tarif réglementé jusqu’au point d’échange le plus près. Après cela, ils peuvent choisir entre divers tarifs concurrentiels. Même si le point d’échange est parfois dans la direction contraire de la destination finale, les expéditeurs sont toujours en mesure d’obtenir des tarifs raisonnables — ils peuvent en fait négocier des tarifs raisonnables —, puisqu’ils ont accès à plus d’une compagnie de chemin de fer.
Troisièmement, en ce qui concerne les corridors exclus qui rendent accessible l’interconnexion de longue distance pour les expéditions vers les Maritimes, l’amendement aura un certain nombre de conséquences imprévues. Il va accroître la congestion dans le corridor de Montréal, qui est déjà très occupé. De plus, compte tenu de la situation économique de la dernière société ferroviaire dans les Maritimes, les pressions découlant des tarifs pour l’interconnexion de longue distance imposés par l’organisme gouvernemental pourraient devenir un grave problème pour la viabilité du réseau ferroviaire dans la région.
Je ne peux pas appuyer ces amendements parce qu’ils nuisent tous grandement à l’équilibre atteint dans le projet de loi.
Le seul autre amendement dont je voudrais parler est celui apporté aux dispositions du projet de loi sur les enregistreurs audio-vidéo dans les locomotives. Aux termes du projet de loi, trois entités peuvent se servir des renseignements provenant de ces enregistrements audio-vidéo: le ministre, le Bureau de la sécurité des transports — c’est-à-dire l’État — et les compagnies de chemin de fer. Les trois entités pourront utiliser l’information recueillie pour enquêter sur les accidents et les incidents à signaler après coup, c’est-à-dire après qu’ils se seront produits.
En outre, le projet de loi prévoit que les compagnies utilisent des données recueillies de façon aléatoire pour effectuer une analyse proactive qui permettra d’anticiper les problèmes qui pourraient se manifester et de les corriger avant qu’ils provoquent des accidents. Or, les amendements proposés hier au comité empêcheraient les compagnies de se servir de données recueillies de façon aléatoire pour mener des analyses proactives. Il faut souligner que les représentants du Bureau de la sécurité des transports ont ouvertement dit au comité qu’ils souhaitaient que les compagnies de chemin de fer aient le droit de le faire, et les dispositions sur les enregistreurs audio-vidéo contenues dans le projet de loi figuraient au sommet de leur liste de demandes.
(1450)
La question que soulèvent ces dispositions est celle de la protection de la vie privée des travailleurs. C’est, évidemment, une question importante. Je crois que la protection de la vie privée est une question sérieuse, mais qu’il est également très important, pour la sécurité ferroviaire, que les compagnies de chemin de fer aient accès à des données recueillies de façon aléatoire avec des enregistreurs audio-vidéo, dans une optique de prévention et d’amélioration. Il s’agit de trouver le juste équilibre, en l’occurrence celui entre la protection de la vie privée et la sécurité publique. Je crois que le projet de loi C-49 tient compte comme il se doit des deux objectifs. Il permet aux compagnies de chemin de fer de repérer des problèmes de sécurité auxquels il est possible de remédier, en particulier ceux qui sont liés au risque d’erreur humaine, tout en prescrivant de solides mesures de protection de la vie privée des travailleurs et tout en prévoyant des peines très sévères ayant un effet dissuasif sur les compagnies qui voudraient abuser de leur accès à ces données et en faire un autre usage.
Par conséquent, bien que je respecte grandement le travail du comité, je reste inquiet du nombre d’amendements adoptés mardi et je m’oppose à l’adoption du rapport du comité.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat
L’honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose que le projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’aimerais dire quelques mots au sujet du projet de loi C-49, Loi sur la modernisation des transports. En ma qualité de porte-parole de l’opposition relativement au projet de loi et de membre du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, j’ai eu l’occasion d’entendre beaucoup de points de vue sur de nombreux volets du projet de loi, qui couvrent toute une gamme de questions. Comme beaucoup d’entre vous, de nombreuses personnes sur qui le projet de loi aura une incidence ont communiqué avec moi. Certaines sont venues me voir à mon bureau, tandis que d’autres ont témoigné devant le comité.
Il s’agit d’un projet de loi omnibus. C’est ce que c’est. Même si le gouvernement évite de le désigner comme tel, cela n’enlève rien au fait qu’il contient 98 articles et qu’il modifie, à des degrés divers, 13 lois.
En quoi cela cadre-t-il avec la promesse faite par les libéraux pendant la campagne électorale de ne pas recourir aux projets de loi omnibus? Cela me dépasse. Je ne suis pas contre les projets de loi omnibus dans certaines circonstances, surtout lorsqu’ils se rapportent à des domaines liés les uns aux autres. Cependant, le projet de loi C-49 apporte des changements — dont beaucoup sont considérables — aux industries aériennes, ferroviaires et maritimes. Ainsi, les droits des passagers aériens n’ont certainement rien à voir avec l’interconnexion de longue distance. Le gouvernement libéral a reproché à l’administration précédente son usage des projets de loi omnibus et a annoncé qu’il agirait différemment — une autre promesse qu’il n’a pas pu tenir, je suppose, et qui s’ajoute à la longue liste des promesses non tenues.
Comme je l’ai mentionné à l’étape de la deuxième lecture, lorsque notre porte-parole à la Chambre des communes a présenté au Comité des transports de cet endroit une motion demandant au ministre des Transports et à la leader du gouvernement à la Chambre de scinder le projet de loi en quatre parties portant respectivement sur le transport ferroviaire, la sécurité ferroviaire, le transport aérien et le transport maritime — de façon à faciliter un examen rigoureux —, tous les députés ministériels ont voté contre, sans aucun commentaire ni justification. C’est regrettable : scinder le projet de loi aurait, en fait, accéléré l’adoption de nombre de ses éléments importants, sur lesquels comptaient les agriculteurs.
Tout ce que le gouvernement avait à faire, c’était de proroger le projet de loi C-30, la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grains qu’avait adoptée la précédente administration conservatrice. L’actuel gouvernement l’avait déjà prorogé d’un an et les agriculteurs demandaient sa prorogation d’une autre année. Le ministre et le gouvernement ont refusé, et nous sommes maintenant forcés d’adopter un projet de loi très complexe qui utilise les inquiétudes légitimes des agriculteurs comme levier. Tout cela était inutile et aurait pu être évité.
Le projet de loi C-49 est censé être la réponse législative du gouvernement à l’examen de 2015 de la Loi sur les transports au Canada mené par l’honorable David Emerson. Après que le comité a passé le projet de loi au peigne fin, il est toutefois devenu évident que, à bien des égards, il s’agissait davantage d’un exercice de relations publiques.
Selon le parrain du projet de loi au Sénat, il s’agit d’une mesure législative historique qui crée de meilleurs débouchés et améliore l’efficacité pour les entreprises et l’industrie. Pourtant, nous nous retrouvons avec un projet de loi qui a incontestablement été fortement modifié, de la première à la dernière ligne, et qui le sera encore.
Honorables sénateurs, le Comité des transports et des communications, présidé par le sénateur Tkachuk, a effectué un examen exhaustif du projet de loi. Si vous avez suivi les travaux, vous savez que le comité a entendu et compris de nombreux témoins provenant de toutes les industries. Au total, je crois que 13 réunions ont eu lieu. Ce que nous avons entendu brosse certainement un tableau différent de ce que le gouvernement voudrait nous faire croire. Les témoins ont signalé beaucoup de lacunes et de problèmes réels.
Je sais que certaines personnes souhaitent passer à l’étape de la troisième lecture le plus rapidement possible. Je ne parlerai donc pas de tous les éléments du projet de loi, mais je tiens à souligner certains points qui peuvent, à mon avis, entraîner de graves conséquences et qui me préoccupent tout particulièrement.
Bien que je sois le porte-parole de l’opposition, d’après ce que j’ai entendu au comité, je pense qu’il y avait 12 porte-parole assis autour de la table et je m’attends à ce qu’un bon nombre d’entre eux prennent la parole au Sénat. Je sais qu’ils peuvent parler de manière très compétente des différentes dispositions du projet de loi.
La partie du projet de loi dont on a probablement le plus parlé porte sur l’établissement d’un régime de droits des passagers aériens. Le projet de loi C-49 obligerait l’Office des transports du Canada à créer une charte relative aux droits des passagers aériens.
À l’instar de nombreux sénateurs, je prends régulièrement l’avion et je n’ai que des éloges à faire à tous les employés qui travaillent pour les compagnies aériennes qui desservent les aéroports. Bien entendu, il arrive parfois que les vols ne se déroulent pas comme on le souhaiterait, et la patience est une vertu dans ces cas-là. Toutefois, on a tous vécu ou constaté une situation à l’aéroport où on se demande s’il y a vraiment quelqu’un qui est en charge. Je suis ravi de voir que le gouvernement prend certaines mesures, même si elles sont timides, en vue d’instaurer un régime de droits des passagers aériens.
Toutefois, la mesure législative ne précise pas la nature du régime d’indemnisation; il se contente de dire qu’un régime sera mis en place. Il semble que le gouvernement est déterminé à repousser à plus tard une question sérieuse et légitime qui concerne tous les Canadiens. On n’a pas vraiment pris de mesure — on a promis d’en prendre une.
Selon le projet de loi, après une simple consultation avec le ministre des Transports, l’Office des transports du Canada pourra adopter des règlements relativement aux obligations des transporteurs aériens envers les passagers. Cependant, par souci de clarté, les dispositions proposées au paragraphe 86.11(2) précisent que l’Office des transports du Canada doit se conformer aux directives du ministre lui demandant de régir par un règlement les obligations des transporteurs aériens envers les passagers. Ainsi, l’Office des transports du Canada pourrait, à titre provisoire, avoir la responsabilité de déterminer les indemnités qu’un transporteur devrait payer à un passager en cas de manquement à ses obligations, à moins que le ministre estime que l’indemnité jugée acceptable par l’office est insuffisante, auquel cas le ministre pourra imposer l’indemnité qu’il juge nécessaire.
En ce qui a trait à l’adoption de ces règlements, il est à noter que, aux termes du projet de loi, l’office ne pourra consulter que le ministre des Transports, et non les groupes de défense des consommateurs, les compagnies aériennes, les aéroports et les autres intervenants du secteur.
Je ne comprends pas pourquoi il faudrait consulter seulement le ministre. Si le gouvernement ne veut pas s’en mêler et qu’il cherche à refiler le problème à l’Office des transports du Canada, le projet de loi en limite malheureusement l’indépendance. Si le gouvernement ne veut pas que le ministre permette à l’office de définir lui-même les conditions du régime d’indemnisation des passagers, il aurait dû le préciser explicitement dans le projet de loi et laisser les députés et les intervenants décider par eux-mêmes s’il s’agit d’une bonne proposition.
Les dispositions du projet de loi C-49 modifient aussi les restrictions concernant la participation étrangère au capital des transporteurs aériens du Canada. Elles en font passer la limite de 25 à 49 p. 100. Le projet de loi apporte aussi d’importantes modifications aux demandes de coentreprise entre deux ou plusieurs transporteurs aériens, puisqu’il confie au ministre des Transports le rôle d’approuver les coentreprises si les parties s’engagent dans le processus de préautorisation facultative.
Pourquoi le gouvernement impose-t-il un politicien au secteur privé et pourquoi lui accorde-t-il le pouvoir de prendre la décision finale? Je sais que je ne suis pas le seul à m’inquiéter de la politisation du processus. Plusieurs témoins ont exprimé la même inquiétude au comité. Comme un représentant d’Air Transat l’a dit, au lieu d’essayer de trouver l’équilibre entre la politique en matière de concurrence et les intérêts des consommateurs, comme le fait la loi actuelle dans le cas des fusions entre transporteurs aériens, le projet de loi C-49 va dans l’autre extrême en court-circuitant selon nous le processus essentiel de surveillance et d’application de la loi pour donner toute la place à une solution purement politique.
(1500)
Honorables sénateurs, je crois fermement qu’une plus grande intervention de l’État n’est pas une bonne chose pour les affaires, et les dispositions ne m’enchantent pas. Cela dit, je félicite le sénateur Boisvenu d’avoir présenté des amendements aux articles portant sur les ententes de coentreprise, qui, à tout le moins, précisent ce qui est dans l’intérêt du public, prévoient des consultations publiques et exigent un examen tous les deux ans.
Pour ce qui est du secteur ferroviaire, chers collègues, le projet de loi comporte des éléments positifs. Les dispositions concernant l’interconnexion, qui font suite aux améliorations apportées par le gouvernement conservateur précédent dans la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain, offriraient aux agriculteurs un environnement plus concurrentiel sur le plan des coûts. Pour ceux qui ne connaissent pas très bien les ententes d’interconnexion, il s’agit d’un accord commercial entre des compagnies de chemin de fer, dans le cadre duquel un transporteur local livre la marchandise d’un expéditeur de grain à un deuxième transporteur qui effectuera la majeure partie du trajet, jusqu’au point de destination. Au Canada, l’interconnexion du trafic ferroviaire est réglementée afin d’assurer aux expéditeurs captifs, soit les clients qui n’ont qu’un choix de compagnie de chemin de fer, d’avoir accès à l’ensemble du réseau ferroviaire à un prix juste et compétitif. C’est là un des éléments positifs du projet de loi. Je pense que nous voulons tous aider les expéditeurs captifs et les agriculteurs à atteindre les marchés par des moyens équitables et raisonnables.
L’article n’était pas parfait, honorables sénateurs. En comité, le sénateur Plett a fait remarquer que le libellé actuel permet à un expéditeur d’avoir accès à la ligne ferroviaire concurrente la plus proche, mais que cela ne l’aidera en rien si l’interconnexion la plus proche va dans la direction opposée à la destination finale du chargement ou si le chargement dépasse la capacité du deuxième transporteur à l’interconnexion. Il a été proposé et accepté en comité d’ajouter « dans la direction la plus judicieuse de l’origine à la destination » au libellé. Selon moi, la solution était pleine de bon sens, mais le gouvernement s’est quand même opposé à son inclusion.
La sénatrice Griffin a également proposé un amendement très opportun et très important concernant l’interconnexion de longue distance. La nécessité d’un tel amendement en dit long sur la manière dont les Maritimes ont été mises de côté pendant plusieurs décennies, en ce qui concerne la politique et les services de transport ferroviaire. Dans la version initiale du projet de loi, l’interconnexion de longue distance n’était pas une possibilité pour les expéditeurs de l’Ouest canadien désireux d’acheminer des marchandises vers les ports des Maritimes, car le lieu de correspondance le plus proche de Saint John ou d’Halifax est à Montréal, en plein cœur de la zone d’exclusion de l’interconnexion de longue distance entre Québec et Windsor, malgré le fait que le seul transporteur ferroviaire entre Québec et les Maritimes est le Canadien National. Comme me l’a dit un représentant de Canpotex, sans un accès à des services ferroviaires concurrentiels et compte tenu des disparités évidentes entre les régions, les ports des Maritimes sont bien moins attrayants.
La solution proposée par l’amendement de la sénatrice Griffin est d’exempter les cargaisons à destination du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse de la zone d’exclusion du corridor Québec-Windsor, à l’instar de ce que le projet de loi prévoit déjà pour les cargaisons provenant du Nord du Québec.
Je crois que cet amendement aura un effet positif et qu’il rendra les ports des Maritimes plus attrayants pour les expéditeurs en leur offrant des choix ferroviaires plus concurrentiels. Cependant, je ne peux m’empêcher de signaler qu’aucune province n’a été autant marginalisée et mise de côté que la Nouvelle-Écosse lorsqu’il s’agit de services fiables de transport ferroviaire des marchandises et des passagers. Entre le milieu des années 1980 et le début des années 1990, VIA Rail et le CN, une société d’État et une ancienne société d’État dont les sièges sont situés à Montréal, ont tous les deux abandonné les services ferroviaires à l’est de Truro, ce qui représente les trois quarts des chemins de fer de la province desservant les deux tiers de la province.
Il s’agissait de la fermeture d’un bien public, l’ancien chemin de fer intercolonial, payé par les contribuables de la Nouvelle-Écosse et du Canada, achevé dans les années 1890 comme condition pour que les provinces des Maritimes entrent dans la Confédération. On n’aurait jamais dû permettre cet abandon. Le service passagers sur la ligne reliant le Cap-Breton à Halifax était assuré par un train automoteur. Les Cap-Bretonnais ont été informés par VIA Rail dans les années 1980 qu’ils devaient se servir du service, sinon ils allaient le perdre, et le nombre d’usagers a augmenté. Cependant, la société a tout de même arrêté le service, en disant qu’elle perdait de l’argent.
Or, à ma connaissance, VIA Rail n’a pas généré grand profit depuis l’arrêt du service. On racontait une blague au Cap-Breton à l’époque où le service a été éliminé. « Quelle est la différence entre le Cap-Breton et Berlin-Est? Eh bien, on peut encore prendre le train pour quitter Berlin-Est. » C’est une blague qui en dit long.
Comme la Loi sur la modernisation des transports traite surtout des chemins de fer, j’aimerais dire quelques mots ici au sujet du transport ferroviaire. J’ai toujours été attiré par les trains. Le train demeure un mode de transport civilisé pour voyager et il offre de loin le meilleur et le plus sûr moyen de déplacer des conteneurs ou des cargaisons lourdes ou dangereuses dans notre pays et sur le continent. Dans ma petite ville natale, le chemin de fer faisait partie du décor. La ligne Sydney-Louisbourg a été en service de 1895 à 1968. Son histoire est remarquable. On disait de l’abréviation du nom de ce service, S&L, qu’elle voulait dire « slow and lazy », ou lent et peu actif. Je dirais que, si le service était lent, il n’était certainement pas peu actif. Durant l’âge d’or de l’expansion industrielle, soit de la fin des années 1800 jusqu’à la Grande Dépression, ce chemin de fer a été l’un des plus achalandés du continent. Même s’il fonctionnait toute l’année, c’était durant les mois d’hiver, de la fin de novembre jusqu’à la fin d’avril, qu’il devenait indispensable. Avant l’arrivée des brise-glace, il desservait toute la partie industrielle de Cap-Breton, transportant l’acier des aciéries de Sydney, livrant le charbon de Glace Bay pour l’exportation et l’avitaillement, et prenant le minerai de fer en provenance de Wabana, à Terre-Neuve. Tous ces produits étaient acheminés par le train S&L de Louisbourg ou jusqu’à Louisbourg, le seul port en eau profonde non gelé de l’île.
En 1913, le Bureau fédéral de la statistique a publié un tableau des 25 principaux réseaux de chemins de fer en Amérique du Nord, les classant non pas selon leurs dimensions, mais selon le volume de marchandises transportées. Tous les grands chemins de fer au Canada et aux États-Unis y figuraient : le Grand Trunk, le Pennsylvania, le CP, le Reading, etc. C’était, pour la plupart, de gigantesques réseaux de chemins de fer, habituellement longs de centaines, voire de milliers de milles. Le S&L arrivait 18e sur 25. La note en bas de page révélait que son réseau de 41 milles, qui s’étendait de Sydney jusqu’à Glace Bay puis vers le sud jusqu’à Louisbourg, acheminait plus de marchandise au mille que tout autre service ferroviaire en Amérique du Nord. C’est absolument remarquable.
Le temps que j’atteigne l’âge adulte, les temps avaient changé. À un moment donné, le train a commencé à ne passer que les mardis et les vendredis alors que s’amorçait le déclin industriel au Cap-Breton, mais il se distinguait encore par une particularité bien à lui. C’était le dernier train à vapeur commercial entièrement opérationnel en Amérique du Nord.
Je suis conscient aujourd’hui que j’ai vécu ce que peu de personnes de mon âge ou plus jeunes ont eu la chance de vivre en Amérique du Nord. Mon oncle, Clarence Shaw, qui vivait à Glace Bay, a été pendant longtemps conducteur de locomotive à la Sydney-Louisbourg Railway. Lorsque j’étais petit garçon, à l’école primaire, je savais que, lorsque le train de mon oncle partait en direction de Louisbourg, je pouvais, à l’heure du dîner, monter dans la locomotive avant que le train ne quitte la ville, demeurer à bord jusqu’aux limites de la ville et actionner le sifflet à vapeur aux deux passages à niveau. Je l’ai fait souvent.
Je garde de vifs souvenirs de ces locomotives à vapeur : la chaleur, le sifflement de la vapeur, les chauffeurs qui alimentent la chaudière avec des pelletées de charbon, l’odeur du charbon et de la poussière de charbon. Cependant, je me souviens surtout de deux choses. Premièrement, je me souviens de l’euphorie que je ressentais en actionnant ce gros sifflet à vapeur. Cela me donnait un sentiment de puissance. Pour paraphraser Homer Simpson, je me sentais tout-puissant, comme Dieu doit se sentir lorsqu’il fait retentir un sifflet à vapeur. Deuxièmement, je me souviens de mon oncle Clarence. Il était le patron, toujours aux commandes. Lorsqu’il était question de sécurité, il ne prenait aucun risque et ne faisait rien à moitié, et, en cela, il n’était pas différent des autres conducteurs. Dans tout le continent, les conducteurs de locomotive expérimentés qui doivent veiller au transport de quantités énormes de marchandises n’ont pas leur égal dans tout le secteur des transports au chapitre de la prudence et de la circonspection.
Cela m’amène à l’aspect du projet de loi qui me préoccupe particulièrement. Comme nous le savons, le projet de loi C-49 imposerait l’utilisation d’enregistreurs audio-vidéo de locomotive, ou EAVL, dans les locomotives du pays. Chers collègues, nous savons tous que la sécurité est au cœur de nos préoccupations lorsqu’il est question du transport ferroviaire. Cependant, je crois au principe voulant que l’on respecte de façon raisonnable la vie privée d’une personne lorsqu’elle travaille dans un espace restreint, en l’occurrence dans une cabine de locomotive de 10 pieds sur 10. Nous ne devons pas oublier que la cabine d’une locomotive sert non seulement de lieu de travail, mais aussi de vestiaire.
Selon moi, les travailleurs du secteur ferroviaire devraient être soumis aux mêmes conditions que les travailleurs des industries aérienne et maritime. Il n’y a pas de caméras vidéo à l’intérieur du poste de pilotage d’un avion ou de la timonerie d’un navire. Comme tous les gens raisonnables, je ne souhaite pas que la sécurité soit compromise de quelque façon que ce soit, mais il faut garder à l’esprit que les locomotives sont déjà dotées de la technologie des boîtes noires employées dans les avions. Quant aux enregistrements audio, qui sont utilisés depuis longtemps dans l’industrie aérienne, rien ne s’oppose à leur utilisation dans les locomotives.
Il existe une nette différence entre un lieu de travail et un lieu public comme une banque ou un centre commercial. Les caméras serviront à assurer la sécurité de ces travailleurs, et non seulement à les surveiller. Nous n’avons pas de caméras dans nos bureaux, n’est-ce pas? Elles sont installées dans les couloirs, et le personnel de sécurité a accès à leurs images. Je crois que nous serions outrés à l’idée qu’on installe des caméras dans nos bureaux personnels.
(1510)
Cela ne veut pas dire qu’il ne devrait pas y avoir de dispositifs de sécurité dans les locomotives, au contraire. J’ai parlé longuement avec des représentants des syndicats des employés de chemin de fer; ils n’ont rien contre l’idée d’utiliser des enregistrements audio et des boîtes noires, ce qui correspond essentiellement aux normes dans les aéronefs. Ce qu’ils contestent, c’est le caractère intrusif d’une surveillance constante de chacun de leurs gestes.
Si les boîtes noires et l’enregistrement des communications suffisent pour consigner l’activité des cockpits et des timoneries, alors ils conviennent certainement aux cabines des locomotives. La sécurité est évidemment capitale dans l’industrie du transport aérien.
Selon moi, les amendements proposés par la sénatrice Gagné en comité répondent à certaines des préoccupations qui ont été soulevées. Ces inquiétudes portent sur la possibilité que les sociétés ferroviaires accèdent aux vidéos et aux données en vue d’imposer des mesures disciplinaires aux employés. Selon les discussions que j’ai eues avec les syndicats, ils pensent que seul le Bureau de la sécurité des transports devrait avoir accès à ces données.
Je crois que les amendements de la sénatrice Gagné règlent en partie ce problème, et je la félicite de son travail pour empêcher les sociétés ferroviaires de consulter les données sans justification et restreindre leur accès aux fins d’enquêtes sur un incident.
Cela dit, les travailleurs sont également inquiets du fait que cette vidéo privée soit accessible aux autorités américaines lorsqu’une locomotive sort du Canada. Le commissaire à la protection de la vie privée partage cette préoccupation, comme nous l’avons entendu en comité, et je suis d’accord avec lui.
Il y a ici un enjeu important de protection des renseignements personnels, et j’invite tous les sénateurs à étudier avec toute l’attention qu’elle requiert cette proposition visant à rendre les enregistreurs audio-vidéo de locomotive obligatoires. Il y a une intrusion dans les milieux de travail du secteur ferroviaire qui n’est pas jugée nécessaire dans les secteurs de l’aviation et du transport maritime, mais elle sera imposée de façon subjective à tous ces cols bleus. Pourquoi cible-t-on ce milieu de travail du secteur des transports et ses employés?
Chers collègues, la sécurité ferroviaire n’importe à personne davantage qu’aux travailleurs. Je suis d’accord avec les travailleurs quant au fait que, selon les normes relatives à l’écoute au travail, l’utilisation de la surveillance par vidéo n’est pas raisonnable.
L’argument que font les fonctionnaires et le gouvernement est que l’installation de caméras vidéo dans les locomotives représente un grand pas en avant pour la sécurité ferroviaire. Toutefois, lorsqu’on leur demande de donner des exemples concrets, ils ne font que donner des réponses vagues et générales.
Les différents scénarios sont simples et clairs. L’ingénieur est attentif ou il ne l’est pas. Les boîtes noires permettent de nous indiquer si les systèmes d’un train fonctionnent correctement et si, à tout moment, des mesures ont été prises par l’ingénieur pour gérer le mouvement du train.
Dans son mémoire au Comité sénatorial des transports, le ministre a donné l’exemple du récent déraillement près de Seattle qui a fait des victimes et des morts. Il a dit que les enregistrements vidéo avaient été très utiles pour comprendre ce qui s’était passé. Toutefois, en réalité, ils n’ont fait que confirmer ce que nous savions déjà. Les données tirées de la boîte noire du train nous ont permis de savoir que le train allait à une vitesse plus rapide que la vitesse maximale autorisée, que tous les systèmes fonctionnaient correctement et qu’il n’y avait eu aucune tentative pour freiner ou ralentir le train.
Il est évident qu’il y a eu négligence dans la cabine, mais il n’est pas nécessaire d’avoir une caméra pour déterminer cela. En outre, il reste la possibilité que le conducteur tombe endormi, mais comment la traite-t-on dans une loi?
J’ai examiné les statistiques du Bureau de la sécurité des transports sur les accidents et les incidents ferroviaires des 10 dernières années. Il existe dix catégories de mesures concernant les décès relatifs à des cas à déclaration obligatoire, mais il existe peu d’activité mesurable pour huit des dix catégories. Lorsque des problèmes surviennent, ils concernent habituellement des accidents aux passages à niveau ou des intrusions sur les voies ferrées.
Les accidents aux passages à niveau se produisent habituellement lorsqu’un véhicule entre en collision avec un train. Nous savons une chose : le train a toujours priorité et n’est jamais au mauvais endroit au mauvais moment. Les vieilles infrastructures désuètes et les actions des autres à l’extérieur du train sont les circonstances atténuantes habituelles. Un accident relatif à une intrusion sur la voie ferrée se produit lorsqu’une personne se trouve au mauvais endroit au mauvais moment, que ce soit parce qu’elle perd conscience sur la voie, parce qu’elle tente de se suicider, parce qu’elle grimpe illégalement à bord d’un train en marche ou parce qu’elle n’a pas respecté l’interdiction de passage. Encore une fois, ce sont des circonstances atténuantes qui se produisent à l’extérieur de la cabine de la locomotive.
Si le gouvernement fédéral souhaite améliorer la sécurité du transport des marchandises au Canada, il doit consulter les provinces et prendre des mesures pour retirer les marchandises lourdes de nos routes et favoriser plutôt leur transport par rail, car il s’agit du moyen le meilleur et le plus sûr de les transporter.
Selon les données de la Police provinciale de l’Ontario, parmi les accidents routiers mortels, un sur cinq en Ontario implique un camion de transport. Ces données montrent que les collisions avec un camion entraînent souvent des conséquences catastrophiques pour les autres usagers de la route impliqués, voire la mort.
Des 1 342 collisions mortelles de véhicules automobiles survenues entre 2012 et 2016 sur les routes patrouillées par la Police provinciale de l’Ontario, 266 impliquaient des camions de transport.
Selon les données de l’OPP, parmi les 330 personnes décédées au cours de cette même période de cinq ans, 44 conduisaient un camion de transport, alors que 286 se trouvaient dans une automobile ou un autre véhicule plus petit.
Si on extrapole les données de l’Ontario pour avoir une idée de la situation dans l’ensemble du pays, il n’est pas difficile de voir où se situe le vrai problème.
En matière d’accidents et de décès liés au transport de marchandises, ce sont les poids lourds sur les routes et les autoroutes canadiennes qui sont les principaux responsables, et de loin. Les trains ne tuent pas les gens; ils sauvent des vies.
Le gouvernement prétend que l’ajout de caméras dans la cabine des locomotives est essentiel à la sécurité des passagers et que la sécurité doit avoir préséance sur la protection de la vie privée, que la sécurité doit passer avant tout.
Évidemment, la sécurité passe avant tout, mais pourquoi le gouvernement n’applique-t-il pas cette « mesure de protection » au poste de pilotage des avions? Moins de 4 millions de passagers ont été transportés par VIA Rail l’année dernière, 90 p. 100 d’entre eux dans le corridor Québec-Windsor. Plus de 140 millions de passagers ont transité par les aéroports canadiens pendant la même période. Si la sécurité passe avant tout, pourquoi les dispositions ne ciblent-elles pas aussi les avions? S’il faut des caméras pour assurer la sécurité, pourquoi les 140 millions de passagers des lignes aériennes ne méritent-ils pas qu’on les protège également?
Cette intrusion dans la vie privée n’apportera pas plus de sécurité. Tout ce qu’elle garantira, c’est que le gouvernement, un bureaucrate, un agent des transports ou un membre d’un conseil d’administration aura toujours quelqu’un sur qui jeter le blâme. Il y aura toujours un bouc émissaire. N’ayons pas peur de le dire : c’est un stratagème de col blanc à l’encontre des cols bleus. L’idée n’est pas d’améliorer la sécurité, mais bien d’améliorer les apparences. On ne favorise pas la sécurité, seulement l’apparence de sécurité.
Le sénateur Mitchell a dit au comité qu’il y avait maintenant des caméras dans les trains aux États-Unis et que cela justifiait amplement qu’il y en ait aussi au Canada. Honorables sénateurs, croyez-vous vraiment qu’il faille imiter la violation des droits fondamentaux de protection de la vie privée qui sévit aux États-Unis? Je ne crois pas; une erreur n’en répare pas une autre.
Pourquoi ne nous inspirerions pas plutôt de l’engagement des États-Unis d’accroître la sécurité au moyen de la technologie? Aux États-Unis, toutes les sociétés ferroviaires sont tenues par la loi d’installer dans tous les trains un système de commande intégrale, une technologie automatique à sécurité positive. Le CN et le CP, qui sont très présents aux États-Unis, ont installé ce système dans leurs trains.
Pourquoi le gouvernement n’exige-t-il pas l’installation de cette technologie au Canada? Mardi dernier, le ministre a dit au comité que les coûts suscitaient des préoccupations. Si c’est le facteur déterminant, il semble que le coût pour les sociétés ferroviaires soit l’élément primordial et non la sécurité.
Nous savons tous ce qui s’est produit au Canada en 2013. Un terrible accident est survenu à Lac-Mégantic : 47 personnes ont perdu la vie, des centaines de famille ont été touchées, des milliers de personnes affectées et le centre-ville d’une collectivité a été réduit en cendres. Bref, une ville entière a été complètement traumatisée par cette catastrophe. L’accident fatidique survenu cette nuit-là aurait eu lieu même s’il y avait eu une caméra dans le train. Toutefois, un système de commande intégrale aurait permis de stopper le train. Si ce système est déjà utilisé aux États-Unis et que les sociétés ferroviaires en assument les coûts, pourquoi le Canada semble-t-il accepter que les activités ferroviaires se fassent au rabais et au détriment de la protection de la vie privée?
Je rappelle aux honorable sénateurs que la minorité la plus vulnérable et la plus exposée au monde est la personne, à titre individuel, particulièrement lorsqu’elle est confrontée au pouvoir et à l’indifférence de l’État.
La seule façon d’assurer une protection élémentaire de la vie privée au travail consiste à maintenir cette protection. Le Canada ne devrait pas s’engager sur cette pente glissante qui constitue ni plus ni moins une intrusion de l’État dans la vie privée en milieu de travail, ce que les Canadiens ne devraient ni tolérer ni accepter.
Maintenant, j’aimerais également dire quelques mots au sujet du ministre Garneau. Selon moi, il est un homme responsable qui souhaite prendre les bonnes décisions. J’ai voyagé avec lui à San Francisco l’automne dernier. C’est un parfait gentleman qui est ingénieur de formation et qui a été le premier astronaute du Canada. Il représente fort bien le Canada.
Il ne voit aucun inconvénient à installer des caméras dans les cabines des locomotives. Mais après tout, en tant qu’ancien astronaute, pourquoi est-ce que cela le dérangerait?
(1520)
Pendant des années, il a interagi avec le centre de contrôle de mission par radio, dans la mesure du possible, mais aussi par caméra en direct autant que possible, car les astronautes travaillent et interagissent constamment avec le centre de contrôle de mission. Cela fait partie de leur travail et de leur culture.
Nous sommes tous des produits de notre environnement, et le ministre de fait pas exception à la règle. Le ministre Garneau est la quintessence du bon employé loyal à son entreprise. Je ne dis pas cela de façon péjorative. Le monde a besoin de bons employés loyaux. C’est grâce à eux que les affaires tournent rondement. C’est là une de ses forces. Dans ce cas-ci, toutefois, l’entreprise — le gouvernement, les bureaucrates et les sociétés ferroviaires — a convaincu le ministre Garneau qu’il serait bon d’installer des caméras dans les locomotives. De plus, comme il est un bon employé loyal à son entreprise, il est déterminé à concrétiser cette mesure. Il semblerait que, parfois, on manque de recul quand on est un bon employé loyal.
Comme je l’ai indiqué, les enregistreurs vidéo dans les cabines des locomotives constituent selon moi une ligne à ne pas franchir. Peu m’importe les mérites éventuels de ce projet de loi, il faut supprimer cette disposition, ou du moins l’amender afin de n’autoriser que les enregistrements audio de type boîte noire. Sinon, je ne pourrai appuyer ce projet de loi.
Cela dit, honorables sénateurs, j’aimerais vous proposer un amendement.
Ma motion d’amendement, que je dépose à l’instant, vise à interdire l’enregistrement vidéo de l’intérieur de la cabine d’une locomotive. Il n’a aucune incidence sur l’enregistrement de voix ou de données au moyen d’une boîte noire. Les caméras pointant vers l’avant du train seraient toujours permises.
Rejet de la motion d’amendement
L’honorable Michael L. MacDonald : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que le projet de loi C-49 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 61, à la page 43, par adjonction, après la ligne 32, de ce qui suit :
« (1.1) Les appareils d’enregistrement réglementaires visés à l’alinéa (1)a) qui sont utilisés pour enregistrer l’intérieur du matériel ferroviaire ne peuvent d’aucune façon produire d’enregistrement visuel. ».
L’honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je vais prendre quelques instants pour parler de l’amendement du sénateur MacDonald. Il a prononcé une excellente allocution. J’ai été particulièrement impressionné en comparant ce qu’il a dit sur mon observation au sujet des États-Unis et son observation au sujet d’Homer Simpson. Je vais devoir redoubler d’ardeur.
Je suis toujours impressionné par le sénateur MacDonald. Lorsqu’il se met à parler, il ne lui faut que quelques minutes pour revenir à son sujet préféré, le Cap-Breton. Son allocution était excellente.
J’aimerais faire quelques remarques au sujet de l’amendement. Il vise à ce qu’il y ait seulement des enregistreurs audio dans les locomotives, et non des enregistreurs audio-vidéo. Il n’y aurait donc pas d’enregistreurs vidéo.
Je tiens à mentionner, pour ceux qui ne le savent pas, que cette question a fait l’objet de discussions et a été étudiée au comité. Le comité a en fait approuvé les enregistreurs audio-vidéo, mais il a établi des restrictions avec l’amendement de la sénatrice Gagné.
Comme je l’ai dit plus tôt, je crois comprendre que le problème a trait à la question de l’intrusion dans la vie privée. Ce qui importe, c’est d’équilibrer les droits. C’est ce que font continuellement les sociétés évoluées. Comment fait-on pour établir un équilibre entre le droit à la vie privée et le droit du public à la sécurité? Je crois fermement que le projet de loi comprend des mesures rigoureuses pour que les données recueillies grâce aux enregistrements audio et vidéo soient utilisées d’une façon très restreinte.
Des mesures sont prévues pour restreindre la façon dont les données seront recueillies et sauvegardées, et des amendes très lourdes — 250 000 $ s’il s’agit d’une entreprise, 50 000 $ s’il s’agit d’un particulier — sont prévues pour quiconque utilise l’information d’une façon quelconque pour cibler un employé en particulier ou pour prendre des mesures disciplinaires à l’égard d’un employé en particulier. Je suis convaincu que l’information ne sera pas utilisée à mauvais escient.
Je vais terminer en revenant sur le témoignage de la présidente du Bureau de la sécurité des transports, qui a parlé de l’accident ferroviaire survenu près de Burlington dans lequel trois employés ont perdu la vie dans un déraillement qui aurait pu entraîner des explosions et avoir des conséquences encore plus graves. Après avoir étudié cet accident pendant cinq ans, le bureau ne saura jamais ce qui s’est vraiment passé, parce que le train n’était pas muni d’enregistreur audio ni d’enregistreur vidéo.
Le projet de loi offre un très bon équilibre à cet égard. Je demanderais donc à mes collègues de voter contre cet amendement. C’est certainement ce que je vais faire.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? Quinze minutes ou maintenant?
Une voix : Quinze minutes.
Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 15 h 40. Convoquez les sénateurs.
(1540)
La motion d’amendement de l’honorable sénateur MacDonald, mise aux voix, est rejetée :
POUR
Les honorables sénateurs
Andreychuk | Martin |
Beyak | Mockler |
Boisvenu | Moncion |
Campbell | Munson |
Dagenais | Ngo |
Downe | Patterson |
Griffin | Poirier |
Housakos | Raine |
Lankin | Richards |
Lovelace Nicholas | Smith |
MacDonald | Tkachuk |
Maltais | Wells |
Manning | Wetston—27 |
Marshall |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Batters | Marwah |
Bellemare | McCallum |
Black (Ontario) | McPhedran |
Boniface | Mégie |
Bovey | Mitchell |
Boyer | Oh |
Brazeau | Omidvar |
Carignan | Petitclerc |
Coyle | Plett |
Day | Pratte |
Deacon | Ringuette |
Dean | Saint-Germain |
Dupuis | Seidman |
Eaton | Sinclair |
Gagné | Stewart Olsen |
Gold | Wallin |
Harder | Woo—34 |
ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Cormier | White—2 |
Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat sur la motion principale.
L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.
Je représente le Nunavut, un territoire qui compte 25 localités accessibles uniquement par avion. Les résidents du Nunavut s’intéressent tout particulièrement à ce projet de loi, surtout parce qu’il propose l’adoption de la déclaration des droits des passagers. Comme notre région ne compte absolument aucune route, je pense que nous sommes des experts du transport aérien.
Le 31 octobre 2017, à l’autre endroit, la secrétaire parlementaire du ministre Garneau, Karen McCrimmon, a décrit la déclaration des droits des passagers de l’air comme un outil :
[…] visant à renforcer les droits des passagers aériens qui s’appliqueraient uniformément à tous les transporteurs. Ce processus de réglementation permettra […] [aux] intervenants de l’industrie […] d’élaborer des règlements de calibre mondial: voilà ce que veulent les Canadiens et ce à quoi ils ont droit.
Cependant, chers collègues, je pense que, sur un point, le projet de loi aura plutôt pour effet de restreindre l’harmonisation des règlements avec les normes internationales actuelles, comme celles en vigueur en Europe. La Convention de Montréal est un traité international qui régit les droits des passagers de vols internationaux. Le Canada est signataire de cette convention, qui a reçu force de loi au pays en vertu de la Loi sur le transport aérien.
Les circonstances dans lesquelles un transporteur est tenu d’indemniser les passagers pour des retards relevant de son contrôle sont clairement décrites dans la convention, qui fixe aussi la responsabilité maximale à 8 800 dollars canadiens par passage. L’article 19 de la convention — qui est au cœur de mon discours d’aujourd’hui et l’objet d’une modification que je proposerai — oblige le transporteur à verser des indemnités pour les retards et les annulations causés par des ennuis mécaniques, sauf s’il peut prouver qu’il a « pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il [lui] était impossible de les prendre ».
Dans le régime européen, seules des « circonstances extraordinaires » peuvent exonérer le transporteur de sa responsabilité. Quelle est donc la définition de « circonstances extraordinaires »?
Selon la décision rendue par la Cour européenne de justice en 2004 dans l’affaire Friederike Wallentin-Hermann c. Alitalia :
[...] les circonstances entourant [un problème technique] ne sauraient être qualifiées d’«extraordinaires» [...] que si elles se rapportent à un événement qui [...] n’est pas inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappe à la maîtrise effective de celui-ci du fait de sa nature ou de son origine [...]
[L]es transporteurs aériens sont, de manière ordinaire, confrontés, dans l’exercice de leur activité, à divers problèmes techniques que fait inéluctablement apparaître le fonctionnement de ces appareils [...] Résoudre un problème technique provenant d’un défaut d’entretien d’un appareil doit donc être considéré comme inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien.
(1550)
La juge Duval, de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, a également cité la Convention de Montréal dans la décision rendue le 6 février 2009 dans l’affaire Gabor Lukacs c. United Airlines Inc. et Skywest Airlines Inc., où elle accorde un dédommagement pour préjudice lié à des problèmes mécaniques.
Le professeur Lukacs a depuis fondé le groupe national de défense des droits des passagers aériens. J’invite les sénateurs désireux d’obtenir davantage d’information à visiter le site web de cet organisme à airpassengerrights.ca.
Honorables collègues, si le Canada souhaite vraiment mettre en œuvre un régime axé sur une réglementation de calibre mondial, nous devons veiller à ce qu’une indemnisation équitable soit versée dans un délai raisonnable aux passagers dont le vol est retardé ou annulé ou qui ne peuvent monter à bord à cause de problèmes mécaniques.
Comme Mme McCrimmon l’a elle-même déclaré dans son intervention, le 31 octobre 2017 :
Les Canadiens savent que les transporteurs aériens ne sont pas maîtres de certaines circonstances, comme les conditions météorologiques, les cas d’urgence, les atteintes à la sûreté, voire les urgences médicales. Lorsque de telles circonstances se produisent, les voyageurs canadiens ont tout de même droit à un certain niveau de protection. Dans d’autres circonstances où le transporteur prend des décisions commerciales qui ont une incidence sur les passagers, les Canadiens s’attendent à recevoir une indemnisation juste pour tout inconvénient qui leur est causé.
Pourtant, honorables sénateurs, le projet de loi C-49, dans sa forme actuelle, exclut le droit à une indemnisation pour des problèmes mécaniques que le transporteur aérien aurait pu prévoir ou rectifier au cours de travaux d’entretien de routine de sa flotte. Cela nous amène à poser la question suivante. Pourquoi le gouvernement prend-il cette position? Pourquoi le gouvernement s’éloigne-t-il d’une norme qui est appliquée en Europe avec succès?
Dans une entrevue avec David Common, de CBC, le ministre Garneau a répondu à cette question en disant ceci :
Nous considérons que la responsabilité incombe aux transporteurs mais, évidemment, pour des raisons de sécurité, nous ne voulons pas que leurs appareils décollent s’il y a un problème.
M. Common a clairement indiqué que, en Europe, il n’y a pas de choix à faire entre l’indemnisation et la sécurité; les passagers obtiennent les deux.
Il a ensuite tenté de poser la même question au ministre, mais en la formulant autrement :
[…] si vous et moi prenons un avion pour aller n’importe où en Europe, en cas de retard, de retard important causé par une défaillance mécanique lors du retour, nous serons indemnisés. Pourquoi, à titre de passagers aériens, devrions-nous être traités différemment selon l’origine de notre vol?
Le ministre Garneau a répondu ceci :
Certes, je crois qu’il faut indemniser les passagers pour certaines choses, mais en même temps, il faut s’assurer que les compagnies aériennes demeurent concurrentielles afin qu’elles puissent maintenir les prix aussi bas que possible.
Honorables sénateurs, avec tout le respect que je dois au ministre, je rejette ces deux arguments.
Tout d’abord, je trouve qu’il est franchement absurde de prétendre qu’un pilote risquerait sa vie et celle de tous les passagers à bord de l’appareil dans le but d’éviter à la compagnie de devoir payer des indemnités en raison d’une défaillance mécanique. En fait, je dirais que, en amendant le projet de loi pour y inclure une indemnisation équitable en cas de défaillance mécanique attribuable au transporteur aérien, cela inciterait davantage les compagnies aériennes à entretenir adéquatement leur flotte.
Aucune donnée en provenance de l’Europe n’indique que cette obligation financière a eu des répercussions sur la sécurité des vols ni qu’une compagnie aérienne a déjà autorisé l’utilisation d’un appareil dangereux pour transporter des passagers afin d’éviter de payer des indemnités. Les compagnies ne feraient pas une telle chose. Les pilotes ne décolleraient pas en pareil cas.
Chers collègues, je tiens à attirer votre attention sur un article publié dans le Financial Post, le 13 décembre 2017, intitulé « Cabin pressure : Are airline contractors cutting corners on safety to earn business? »
Dans cet article, le journaliste Tom Blackwell relate le témoignage d’Alan Eugeni, un ancien commandant de bord d’Air Georgian, « […] un fournisseur de services sous contrat qui transporte 1,5 million de passagers par année en Amérique du Nord sous la bannière Air Canada Express ». M. Eugeni a eu à vivre plusieurs atterrissages d’urgence causés par des pannes mécaniques. D’autres personnes, anciens pilotes et anciens agents de bord d’Air Georgian, affirment que « les réparations pour remédier aux défectuosités sont souvent retardées aussi longtemps que c’est légalement possible […] ».
Certains transporteurs peuvent occasionnellement délaisser les normes les plus strictes.
Je crois que, en exigeant l’indemnisation de chaque passager lorsque se produisent des retards et des annulations causés par des défectuosités, nous ferions en sorte qu’il soit moins coûteux, pour les lignes aériennes, d’assurer adéquatement la maintenance de leur flotte plutôt que de risquer de devoir payer de grosses sommes en raison des ennuis mécaniques qu’elles sont capables d’éviter.
J’ai eu la chance de discuter de l’amendement que je propose avec le sénateur Mitchell. Il m’a dit la même chose qu’il vous dira, à savoir que le Canada possède déjà des normes élevées de sécurité aérienne, et j’en conviens. Je tiens à dire que je fais entièrement confiance aux pilotes et aux lignes aériennes qui naviguent dans l’un des environnements les plus difficiles au Canada : le Nord.
Les lignes aériennes canadiennes fonctionnent de manière sécuritaire et entretiennent bien leurs appareils, alors pourquoi faudrait-il les obliger à indemniser les passagers pour les retards causés par les ennuis mécaniques si elles ont déjà un très grand souci de la sécurité?
J’espère que de telles indemnisations n’auront pas à être faites très souvent, et, si cette disposition est ajoutée au projet de loi au moyen de mon amendement, honorables sénateurs, je pense que ce sera un incitatif additionnel pour que les transporteurs aériens conservent des normes de maintenance très élevées.
Deuxièmement, je ne suis pas d’accord pour dire, comme le ministre Garneau, que l’industrie aérienne serait moins concurrentielle si on oblige les transporteurs à indemniser les passagers en cas d’ennui mécanique. Comment une entreprise pourrait-elle être moins concurrentielle si les normes et les attentes sont les mêmes dans son cas que pour n’importe quelle autre entreprise offrant ses services sur le même territoire?
L’ajout des problèmes mécaniques aux facteurs donnant droit à une indemnité aux voyageurs quand ces problèmes sont imputables aux transporteurs — et j’insiste là-dessus — vise seulement à soumettre les transporteurs en partance du Canada aux mêmes exigences que celles qui s’appliquent déjà aux transporteurs en partance de l’Europe. Quel que soit leur lieu d’origine, tous les passagers aériens qui se trouvent en sol canadien devraient jouir des mêmes droits et être protégés par les mêmes normes.
Chers collègues, dans le Nord, les vols annulés en raison de problèmes mécaniques ne sont pas rares. Outre le prix du billet d’avion, qui coûte déjà cher, les passagers doivent souvent dépenser d’autre argent pour se loger et se rendre jusqu’à un hôtel, qui sont peu nombreux et qui coûtent eux aussi très cher, sans être indemnisés et sans avoir le moindre recours.
Je terminerai en rappelant que, lorsque les passagers aériens achètent un billet d’avion, ils passent un contrat avec la compagnie aérienne. Si le service prévu ne leur est pas fourni pour des raisons imputables au transporteur, les passagers devraient être indemnisés en conséquence. Selon moi, les problèmes mécaniques devraient faire partie des facteurs donnant droit à une indemnité, et c’est pourquoi je tenais à proposer cet amendement.
Rien ne justifie que les règles régissant les indemnités au Canada ne soient pas les mêmes que celles qui sont en place et qui fonctionnent bien en Europe. Rien ne justifie non plus que le Canada n’honore pas les dispositions de la Convention de Montréal sur les indemnités en cas de bris mécanique, convention qu’il a signée et qu’il a mise en vigueur lorsqu’il a adopté la Loi sur le transport aérien.
Cet amendement est important pour les passagers aériens du Nunavut — où les hôtels et les restaurants sont rares et coûtent très cher —, mais il est aussi avantageux pour le Canada, comme le montre l’expérience des passagers aériens d’Europe cloués au sol parce que leur vol a été retardé en raison de problèmes mécaniques.
Honorables sénateurs, j’ai donc préparé — et je vous dis cela en toute humilité, parce que, si je fais déjà partie de quatre comités, je ne siège pas à celui des transports —, avec l’aimable assistance de la légiste, un amendement prévoyant que les transporteurs aériens devront aussi indemniser les passagers en cas de retards excessifs attribuables à un bris mécanique.
Rejet de la motion d'amendement
L’honorable Dennis Glen Patterson : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que le projet de loi C-49 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 19, à la page 15,
a)par substitution, aux lignes 5 à 11, de ce qui suit :
« tion ou le refus d’embarquement lui est attribuable, notamment en cas de défaillance mécanique attribuable au transporteur, »;
b)par substitution, à la ligne 15, de ce qui suit :
« fus d’embarquement est attribuable — et il incombe au transporteur de le démontrer — à une situation ».
Je vous remercie.
(1600)
Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Patterson, avec l’appui de l’honorable sénatrice Stewart Olsen, propose que le projet de loi C-49 ne soit pas maintenant pour la troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 19... Puis-je me dispenser de lire l’amendement?
Une voix : Suffit.
Son Honneur le Président : Souhaitez-vous en débattre?
L’honorable Carolyn Stewart Olsen : Quand vous parlez de retard, de quelle durée parle-t-on? Quels critères devraient être réunis pour que l’on parle de retard? Pour certains, un retard de 15 minutes, c’est la fin du monde. Comment encadrez-vous la chose?
Le sénateur Patterson : Merci de votre question.
Oui, le retard est défini dans le projet de loi et a fait l’objet d’un amendement en comité. Il est désormais de 90 minutes.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci.
L’honorable Grant Mitchell : Merci. Je vais voter contre cet amendement, comme peuvent bien l’imaginer les honorables sénateurs. Les arguments étaient bons et je suis content de la discussion que j’ai eue avec le sénateur Patterson à ce sujet. Le débat était empreint de respect et je lui en sais gré.
Ce qui me gêne dans cet amendement, c’est qu’il laisse entendre que les compagnies aériennes sont négligentes ou responsables des pannes mécaniques causant un retard.
En un sens, l’industrie aérienne du Canada observe les normes les plus élevées de maintenance et de service, et c’est tout à son honneur. S’il y a un problème, il n’est pas attribuable à leur négligence par rapport au régime de maintenance et de service.
Si c’était le cas, le problème serait beaucoup plus grave que des retards sur le tarmac. Comme les normes sont très élevées et que l’on accorde la priorité absolue à la maintenance, il me semble que dans la vraie vie, s’il y a une panne mécanique et qu’on reste un coincé sur le tarmac, il faudrait faire preuve d’un peu d’indulgence envers ces compagnies. Pour cette raison, j’exhorte mes collègues à voter contre cet amendement, qui ne cadre tout simplement pas avec le fonctionnement d’une compagnie aérienne.
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
L’honorable sénateur Patterson, avec l’appui de l’honorable sénateur Stewart Olsen, propose que le projet de loi C-49 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié… Puis-je me dispenser de lire la motion?
Des voix : Suffit!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : Non.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, afin de tenir le vote maintenant, il faut le consentement unanime. Pouvons-nous nous entendre pour que la sonnerie retentisse pendant 15 minutes?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Le vote par appel nominal aura lieu à 16 h 20.
Convoquez les sénateurs.
(1620)
La motion d’amendement de l’honorable sénateur Patterson, mise aux voix, est rejetée :
POUR
Les honorables sénateurs
Andreychuk | Mockler |
Batters | Ngo |
Beyak | Oh |
Boisvenu | Patterson |
Dagenais | Plett |
Eaton | Poirier |
Housakos | Raine |
MacDonald | Stewart Olsen |
Maltais | Tkachuk |
Marshall | White—21 |
McIntyre |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Bellemare | McCallum |
Boniface | Mégie |
Bovey | Mitchell |
Boyer | Moncion |
Brazeau | Munson |
Campbell | Omidvar |
Cormier | Petitclerc |
Coyle | Pratte |
Day | Richards |
Deacon | Ringuette |
Dupuis | Saint-Germain |
Gagné | Wallin |
Gold | Wells |
Harder | Wetston |
Marwah | Woo—30 |
ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Martin | Seidman |
McPhedran | Smith—4 |
Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat sur la motion principale. Le sénateur Pratte a la parole.
L’honorable André Pratte : Je vous remercie, Votre Honneur.
Ce projet de loi englobe beaucoup de sujets, qui se rapportent tous, d’une façon ou d’une autre, au transport des marchandises et des personnes. La variété des questions qu’il aborde fait que nous avons tous au moins une raison personnelle de nous y intéresser, que ce soit parce que notre province est directement concernée, parce que nous connaissons particulièrement bien un aspect du projet de loi ou alors que nous avons de l’expérience dans ce domaine.
Chacun de nous a eu quelque chose à dire à propos d’au moins une section du projet de loi C-49, et, comme le Sénat est l’un des gardiens des droits fondamentaux, le droit des cheminots à la protection de leurs renseignements personnels nous interpelle évidemment.
L’étude du projet de loi C-49 a mal commencé, pour ainsi dire, dès le moment où le ministre des Transports nous a pressés, l’automne dernier, de l’adopter de plus rapidement possible et nous a fait comprendre très tôt que nous ne pouvions pas y apporter quelque amendement que ce soit. Il a dit que le Sénat pouvait faire ce qu’il avait à faire, mais il était bien clair que, à ses yeux, ce n’était pas très important. Son attitude a donné le ton à tout ce qui a suivi.
Même si je ne siège pas au Comité sénatorial permanent des transports, je m’intéresse tout particulièrement à certaines questions abordées dans le projet de loi et j’ai collaboré avec d’autres sénateurs à la rédaction de certains des amendements dont le comité a été saisi.
J’ai de très bons rapports personnels avec le ministre, que je connais depuis assez longtemps. Cependant, j’ai le regret de dire que les rapports que mon bureau et moi avons eus avec le bureau du ministre et le ministère n’ont pas été faciles. Les réponses sont souvent difficiles à obtenir, et, lorsqu’on réussit à en obtenir une, elle n’est pas aussi transparente et pertinente que possible.
C’est donc une bonne chose que l’équipe du sénateur Mitchell ait été aussi efficace et que le sénateur et moi ayons beaucoup de plaisir ensemble, même quand nous ne sommes pas d’accord.
Malheureusement, le ministre lui-même n’a jamais manifesté la moindre volonté d’engager un dialogue sérieux avec le Sénat. Quelques jours avant l’étude article par article au comité, il a fait circuler un document où il avait expliqué en détail pourquoi il rejetterait absolument toute proposition d’amendement. Au lieu de convaincre les sénateurs de renoncer à leurs amendements ou d’en rejeter une partie, le document a plutôt eu l’effet contraire. Il a nourri notre volonté de changement.
Tout au long de notre étude du projet de loi, je me suis demandé si nous nous étions tatillons, si nous outrepassions le rôle du Sénat, qui consiste à étudier les questions de principe, et non les détails administratifs d’une politique.
Le Sénat n’est pas une Chambre élue pour gouverner. Les sénateurs sont nommés pour exercer un second examen qui se veut objectif et non improvisé. Lorsque je vois le nombre d’amendements adoptés au comité et la teneur de certains d’entre eux, je me demande si nous n’avons pas exagéré.
Ne vous méprenez pas : le projet de loi présente bien de nombreuses lacunes, mais pouvons-nous dire qu’il y a 17 ou 18 défauts suffisamment graves pour que le Sénat ait été forcé d’intervenir? Je n’en suis pas convaincu. Lorsque le Sénat fait des propositions d’amendement, je crois qu’il doit déterminer quelles sont ses priorités et y consacrer tous ses efforts. En multipliant les amendements, nous risquons d’affaiblir notre influence.
Je dis cela avec une certaine hésitation. Je suis conscient qu’il y a de nombreux sénateurs et Canadiens, de diverses régions, collectivités, associations de professionnels et autres, qui défendent ardemment chacun des amendements. J’aurais bien du mal à choisir les amendements qui devraient être abandonnés.
(1630)
En général, nous faisons cet exercice collectivement. Or, pour une raison inconnue, nous n’y sommes pas parvenus cette fois-ci. Est-ce parce que le projet de loi comporte de graves lacunes? Est-ce parce que le ministre n’a pas réussi à apaiser les nombreuses craintes avant que la situation n’atteigne le point de non-retour? Est-ce parce qu’on nous a demandé de ne pas adopter un trop grand nombre d’amendements, ce qui a déclenché chez nous une réaction instinctive pour montrer notre pouvoir législatif?
Peu importe la raison, nous devons féliciter les membres du Comité sénatorial permanent des transports et des communications pour l’excellent travail qu’ils ont fait en étudiant ce projet de loi extrêmement complexe dans un délai raisonnable.
[Français]
Cela dit, je suis inquiet. Je crains que, placé devant un projet de loi ainsi défiguré, le ministre des Transports ne voie là la confirmation de ce qu’il semble penser du Sénat : que c’est une institution inutile, encombrante et hors de contrôle, et qu’il rejette l’ensemble de nos amendements. Ce serait dommage pour le Sénat, en tant qu’institution qui est en période de renouvellement, mais, surtout, ce serait dommage pour les Canadiens, que nous avons voulu servir en adoptant ces amendements.
Je pense, par exemple, aux employés de chemin de fer dont nous avons voulu protéger la vie privée en limitant de manière très raisonnable l’accès des compagnies de chemin de fer aux enregistrements vidéo et sonores des locomotives. L’amendement proposé par la sénatrice Gagné ferait en sorte que les compagnies puissent visionner tout enregistrement réalisé à bord d’une locomotive impliquée dans un accident un ou incident rapporté au Bureau de la sécurité des transports. Il y a environ 1 300 accidents et incidents rapportés au BST par année. Cela signifie que les compagnies, essentiellement le CN et le CP, auraient sous la main quelque 1 300 enregistrements à leur disposition pour améliorer la sécurité sur leurs chemins de fer chaque année. C’est déjà un nombre considérable.
L’amendement de la sénatrice Gagné, s’il était accepté par le gouvernement, éviterait la mise en place d’un système d’échantillonnage aléatoire des enregistrements, qui permettrait aux compagnies de chemin de fer de visionner un nombre d’enregistrements encore plus grand, des enregistrements prélevés alors qu’il ne s’est absolument rien passé sur les rails. Nous pensons que l’échantillonnage aléatoire constitue une violation injustifiée de la vie privée.
La sanction royale
Son Honneur le Président informe le Sénat qu’il a reçu la communication suivante :
RIDEAU HALL
le 29 mars 2018
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Julie Payette, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 29 mars 2018 à 15 h 57.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.
La secrétaire de la gouverneure générale,
Assunta Di Lorenzo
L’honorable
Le Président du Sénat
Ottawa
Projets de loi ayant reçu la sanction royale le jeudi 29 mars 2018 :
Loi portant mise en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de la nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois (projet de loi C-70, chapitre 4, 2018)
Loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien (projet de loi S-232, chapitre 5, 2018)
Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2018 (projet de loi C-72, chapitre 6, 2018)
Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2019 (projet de loi C-73, chapitre 7, 2018)
Projet de loi sur la modernisation des transports
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Mitchell, appuyée par l’honorable sénatrice Gagné, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, tel que modifié.
L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, j’invite le gouvernement à examiner chaque amendement proposé par le Sénat en fonction de son bien-fondé, dans l’intérêt des Canadiens, au-delà de toute autre considération. Je l’invite aussi à tirer des enseignements de ce qui s’est passé dans le cheminement du projet de loi C-49 et à en tenir compte dans la suite de ses relations avec le Sénat.
[Traduction]
Certains membres du gouvernement pourraient conclure, à la suite de l’étude du projet de loi C-49, que le soi-disant « nouveau Sénat », en adoptant une longue liste d’amendements à un projet de loi d’initiative ministérielle, a démontré qu’il est hors de contrôle. Ce serait une conclusion hâtive et malavisée. Le projet de loi C-49 est une mesure législative particulière qui a été envoyée au Sénat dans des circonstances singulières. Le ministre responsable a adopté une certaine approche, dans ce cas précis, de la relation entre le gouvernement et la Chambre rouge. Somme toute, le projet de loi C-49 n’est tout simplement pas représentatif de la progression des projets de loi d’initiative ministérielle au Sénat depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement.
Cela dit, nous, sénateurs, devrions prendre le temps de réfléchir à ce qui s’est passé dans le cas du projet de loi C-49 pendant nos discussions sur le rôle législatif du Sénat. Lorsque la poussière sera retombée, nous devrions nous poser toutes les questions qui s’imposent. Pourquoi le projet de loi C-49 était-il à ce point exceptionnel que nous avons dû proposer et adopter autant d’amendements? Était-ce le projet de loi lui-même? Si oui, le Sénat a tout simplement fait son travail en corrigeant un projet de loi particulièrement mal ficelé. Autrement, le Sénat s’est-il laissé emporter par un zèle législatif? Si c’est le cas, quelles sont les causes de ce débordement? Quelles leçons pouvons-nous tirer du processus dans l’objectif de mieux servir les Canadiens?
Je n’ai pas les réponses à ces questions, mais je sais que nous devrions trouver un endroit et un moment pour en discuter. Il est essentiel que nous le fassions, pour le bien de la modernisation du Sénat et pour le bien du Sénat lui-même.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Mitchell, avec l’appui de l’honorable sénatrice Gagné, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Des voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
[Français]
Le Sénat
Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance du 17 avril 2018
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 28 mars 2018, propose :
Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 17 avril 2018, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;
Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;
Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;
Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 28 mars 2018, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 17 avril 2018, à 14 heures.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(1640)
Les travaux du Sénat
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Avec le consentement du Sénat, je propose que nous passions directement au Feuilleton des préavis.
[Traduction]
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Énergie, environnement et ressources naturelles
Autorisation au comité de déposer son rapport sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat
L’honorable Michael L. MacDonald, conformément au préavis donné le 27 mars 2018, propose :
Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, au plus tard le 6 avril 2018, son rapport provisoire sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.
— Je propose l’adoption de la motion inscrite au nom de la sénatrice Galvez.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Français]
Sécurité nationale et défense
Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les questions relatives à la création d’un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants lorsqu’ils quittent les Forces armées canadiennes
L’honorable Jean-Guy Dagenais, conformément au préavis donné le 27 mars 2018, propose :
Que, nonobstant les ordres du Sénat adoptés le mardi 7 mars 2017, le mardi 20 juin 2017, et le jeudi 26 octobre 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense concernant son étude sur les questions relatives à la création d’un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants lorsqu’ils quittent les Forces armées canadiennes soit reportée du 31 mars 2018 au 30 juin 2018.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Agriculture et forêts
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
L’honorable Ghislain Maltais, conformément au préavis donné le 28 mars 2018, propose :
Que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à se réunir le mardi 17 avril 2018, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
Les travailleurs saisonniers au Nouveau-Brunswick
Les défis continus—Interpellation—Ajournement du débat
L’honorable Rose-May Poirier, ayant donné préavis le 27 mars 2018 :
Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur les défis continus auxquels font face les travailleurs saisonniers au Nouveau-Brunswick.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de mon interpellation visant à attirer l’attention du Sénat sur les défis auxquels font face les travailleurs saisonniers au Nouveau-Brunswick. J’espère pouvoir entendre ce qu’ont à dire sur ce sujet mes collègues de l’Atlantique et mes collègues d’autres régions du pays qui éprouvent les mêmes problèmes à cause de l’économie saisonnière. Tout d’abord, permettez-moi, honorables sénateurs, de vous expliquer ce qui m’a poussée à attirer l’attention du Sénat sur les défis que doivent relever les travailleurs saisonniers.
Depuis le milieu des années 1990, les travailleurs saisonniers, particulièrement ceux des secteurs de la pêche, de l’agriculture et du tourisme, doivent faire face à un défi qui affecte considérablement leur vie, celui du trou noir. Pendant des périodes de six ou sept semaines, parfois plus, ces travailleurs doivent nourrir leur famille, la garder au chaud et habiller leurs enfants sans aucun revenu.
Prenez le cas d’une femme à Tracadie, dans le Nord du Nouveau-Brunswick. Après avoir occupé pendant 45 ans des emplois saisonniers, Mme Breau ne sait pas quoi faire maintenant. Elle affirme ce qui suit :
J’ai travaillé toute ma vie et je n’ai jamais vécu une telle situation. Je suis dans le trou noir et je ne sais pas vers qui me tourner.
Malheureusement, cette situation n’est pas exceptionnelle chez les travailleurs saisonniers. Ils sont aux prises avec ce problème depuis quelques années. Certaines années sont meilleures que d’autres, mais il y a toujours la menace du trou noir, de l’inconnu et de la difficulté à répondre aux besoins fondamentaux de leur famille. Ils ont demandé à tous les gouvernements jusqu’à ce jour de les aider à régler ce problème afin de pouvoir jouir du même niveau de vie que tous les Canadiens. Encore la semaine dernière, le gouvernement Trudeau dépoussiérait un vieux projet pilote qui n’avait pas fonctionné; il a changé son apparence et tenté de le faire passer pour la solution au trou noir, mais les gens en ont assez. Comme le dit Mme Breau :
C’est toujours la même chanson, mais elle commence à être usée.
La chanson est toujours pareille : un projet pilote, une initiative à court terme, qui tourne autour de la formation pour que ces travailleurs puissent prolonger leurs prestations pendant la période du trou noir. Par contre, une fois le projet pilote terminé, le trou noir est toujours là.
La situation actuelle, honorables sénateurs, diffère de celle que nous avons connue par le passé. Les circonstances entourant le trou noir dépendent toujours du taux de chômage. La durée des prestations est liée au taux de chômage : plus le taux de chômage est élevé, plus le nombre de semaines pendant lesquelles un travailleur a droit à des prestations d’assurance-emploi est élevé.
Ce qui arrive, c’est que le taux de chômage diminue rapidement. Ainsi, le nombre d’heures nécessaires pour être admissible aux prestations augmente et le nombre de semaines de prestations diminue. Par exemple, la crise actuelle s’explique par la baisse marquée du taux de chômage, qui est passé de 14,2 p.100 en janvier 2017 à 11,5 p.100 au mois d’août 2017 dans la région économique et de 8,9 p.100 à 6,5 p.100 dans la province. La différence n’est que d’environ trois points de pourcentage. Toutefois, en ce qui concerne les prestations, cela veut dire que le nombre d’heures requises est maintenant de 490 pour être admissible à 23 semaines de prestations. À l’automne 2016, il fallait 420 heures pour être admissible à 30 semaines de prestations. La différence de sept semaines, c’est le trou noir.
Ainsi, honorables sénateurs, nous sommes maintenant face à une situation différente en ce qui a trait au taux de chômage au Nouveau-Brunswick. Le fait est que la population est vieillissante et que beaucoup de jeunes quittent la province, ce qui crée un taux de chômage artificiel. La contraction de la main-d’œuvre évolue à un rythme plus rapide que l’embauche. La conséquence inattendue de ce phénomène est que les travailleurs saisonniers sont coincés au beau milieu de tout cela. C’est ce dont nous sommes témoins avec le trou noir.
Selon l’Enquête sur la population active de juillet 2017 produite par Statistique Canada, le taux de chômage au Nouveau-Brunswick a atteint les 6,5 p.100. En principe, un taux de chômage si bas est une bonne chose. Toutefois, quand on décortique un peu plus attentivement les chiffres, on constate que ce n’est pas dû au fait que plus de gens ont un emploi, mais plutôt au fait que plus de gens — 6 100 personnes, approximativement — ont quitté le marché du travail. Je vais citer Andrew Fields, analyste de la Division de la statistique du travail de Statistique Canada :
Ce n’est pas que plus de gens ont un emploi […]. C’est que moins de gens participent au marché du travail et moins de gens cherchent du travail […]. C’est prévisible, car la population du Nouveau-Brunswick est l’une des plus âgées. Des gens prennent leur retraite et quittent le marché du travail; c’est sûr que cela va avoir un impact.
Comme vous pouvez le constater, honorables sénateurs, cette province est actuellement aux prises avec un grand défi sur le plan démographique : une population vieillissante attribuable aux baby-boomers.
(1650)
Selon les résultats du dernier recensement, la population du Nouveau-Brunswick est passée de 751 171 à 747 101 habitants de 2011 à 2016, ce qui représente une croissance négative de 0,5 p. 100. Pendant la même période, la population canadienne, elle, a augmenté de 5 p. 100.
En ce qui concerne le vieillissement, on a souligné à maintes reprises que la population du Nouveau-Brunswick compte parmi les plus âgées au pays. En fait, selon le dernier recensement, les personnes de 65 ans et plus représentent 19,9 p. 100 de sa population, tandis que la même tranche d’âge ne représente que 16,9 p. 100 de la population canadienne. La moyenne d’âge, elle, est de 41,0 ans au Canada et de 43,6 ans au Nouveau-Brunswick.
C’est donc clair : les données démographiques du Nouveau-Brunswick, de l’ensemble du Canada atlantique, en fait, constituent une exception dans le contexte des données démographiques du Canada. Si nous examinons de plus près les divers comtés qui reposent traditionnellement sur une économie saisonnière, on constate des exceptions à cette exception.
Commençons par le comté de Restigouche. Il a perdu 5 p. 100 de sa population entre 2011 et 2016. Près de 25 p. 100 des habitants sont âgés de plus de 65 ans, et la moyenne d’âge y est de 47,4 ans.
Passons au comté de Gloucester. Il a perdu près de 2 p. 100 de sa population, et 23,9 p. 100 des habitants ont plus de 65 ans. Quant à la moyenne d’âge, elle est pratiquement identique à celle de Restigouche, soit de 47 ans.
Le comté de Northumberland, pour sa part, a subi une baisse de 2,7 p. 100 de sa population, et 22 p. 100 des habitants ont plus de 65 ans. La moyenne d’âge y est de 45,7 ans.
Quant au comté de Kent, d’où je viens, on y a perdu 1,2 p. 100 de la population; 23,5 p. 100 des gens ont plus de 65 ans, et la moyenne d’âge y est de 46,6 ans.
Comparons maintenant ces chiffres à ceux du comté de Westmorland, qui comprend la ville de Moncton, une des villes canadiennes qui connaît la croissance la plus rapide. La population y a augmenté de 3,8 p. 100. Les 65 ans et plus comptent pour 18,2 p. 100 de la population, et la moyenne d’âge y est de 42,4 ans.
Il est clair que la situation est particulière dans la province, surtout dans les comtés qui s’étendent de Restigouche à Kent. Passons maintenant à la population active.
Au Canada, 34 p. 100 des personnes âgées de 15 ans et plus travaillent une partie de l’année ou à temps partiel, et 33,6 p. 100 travaillent à temps plein toute l’année.
Les pourcentages sont beaucoup plus élevés chez les 25-64 ans : 46,6 p. 100 travaillent à temps plein toute l’année et 35,3 p. 100 travaillent une partie de l’année ou à temps partiel.
La situation est semblable au Nouveau-Brunswick : 32,4 p. 100 travaillent à temps partiel ou une partie de l’année et le même pourcentage travaille à temps plein toute l’année. Même chose chez les 25-64 ans : 46,1 p. 100 travaillent à temps plein toute l’année, 34,6 p. 100 travaillent à temps partiel ou une partie de l’année.
Ces statistiques ne s’éloignent pas des moyennes canadiennes. Toutefois, on obtient un portrait différent lorsque l’on ventile les données par comté, comme je viens de le faire pour la population.
Par exemple, dans le comté de Restigouche, 32,1 p. 100 des personnes âgées de 15 ans et plus travaillent à temps partiel ou une partie de l’année, tandis que 26,3 p. 100 travaillent à temps plein. Chez les 25-64 ans, 36,9 p. 100 travaillent à temps partiel ou une partie de l’année et 38,5 p. 100 travaillent toute l’année.
Dans Gloucester, seulement 21 p. 100 de la population travaillent à temps plein toute l’année et 38,3 p. 100 travaillent à temps partiel ou une partie de l’année. Chez les 25-64 ans, 45,7 p. 100 travaillent à temps partiel ou une partie de l’année, et seulement 30,9 p. 100 travaillent toute l’année.
Vers le sud-est, dans les comtés de Northumberland et de Kent, les chiffres sont à peu près les mêmes. Environ 36 p. 100 de la population totale travaillent à temps partiel ou une partie de l’année et à peu près 25,5 p. 100 travaillent à temps plein toute l’année. Chez les 25-64 ans, 42 p. 100 travaillent à temps partiel ou une partie de l’année et 37 p. 100 travaillent à temps plein toute l’année.
Honorables sénateurs, comme je l’ai illustré, le long de la côte, depuis la baie des Chaleurs jusqu’aux abords du détroit de Northumberland, une région connue pour son industrie de la pêche dynamique et sa grande ruralité, la population est beaucoup plus âgée et dépend d’une économie saisonnière. En raison de tous ces facteurs, les habitants se heurtent à des difficultés particulières.
Le vieillissement de la population active s’accentue plus rapidement dans ces régions que dans le reste de la province et du pays. Par conséquent, les industries et les entreprises sont plus hésitantes à s’établir là-bas.
Non seulement la population active vieillit, mais elle rapetisse d’année en année. Soit les plus âgés prennent leur retraite, soit les jeunes partent vers des régions urbaines de la province, telles que Moncton, voire quittent carrément la province. Le visage de la population active change de saison en saison.
L’économie saisonnière est vitale pour les collectivités rurales du Nouveau-Brunswick, qui sont maintenant aux prises avec des difficultés plus importantes que jamais. Jusqu’à présent, le gouvernement actuel, surtout, mais aussi ses prédécesseurs ont parlé de projets pilotes : des projets pilotes pour l’immigration, des projets pilotes pour les aînés et, maintenant, des projets pilotes afin d’apporter une aide au cours du trou noir, c’est-à-dire la période entre la fin des prestations et la reprise du travail saisonnier.
Ces trois questions concernent le Nouveau-Brunswick entier, mais elles sont encore plus cruciales pour ces régions précises. Si nous ne trouvons pas de solution, je n’ose même pas penser à ce qu’il adviendra des collectivités rurales. Quand le Nouveau-Brunswick sera-t-il traité comme une province et quand cessera-t-on d’y appliquer des solutions de fortune? Il faut une solution à long terme.
Cela dit, honorables sénateurs, je crois que nous avons l’occasion de réorienter, enfin, le dialogue au sujet des travailleurs saisonniers et de trouver un moyen de les aider à long terme. Il est temps de nous débarrasser des préjugés associés aux travailleurs saisonniers en changeant la façon dont nous les percevons. Après tout, ce sont des Canadiens qui ont du cœur à l’ouvrage et qui travaillent dans une économie saisonnière. Trop souvent, ils font l’objet de préjugés; on leur associe le stéréotype de gens qui ne veulent pas travailler, ce qui est totalement faux.
Le terme « travailleurs saisonniers » doit être remplacé, car il donne l’impression qu’il existe deux catégories de travailleurs, alors que la principale différence tient à la nature de l’économie de leur région.
Certains Canadiens se passionnent pour le monde juridique, d’autres aspirent à devenir médecins ou à travailler à temps plein dans un café du coin. Les travailleurs de ma région, particulièrement le long de la côte du Nouveau-Brunswick, du comté de Restigouche à celui de Westmorland, ont les mêmes aspirations. Ils ont aussi le même objectif que tout le monde : ils veulent avoir de quoi nourrir leur famille. Malheureusement, les travailleurs de la côte atlantique du Canada sont coincés dans un contexte difficile où se combinent économie saisonnière et vieillissement de la population.
Comment faudrait-il aborder la situation des travailleurs de l’économie saisonnière? Jusqu’à maintenant, on a généralement mis l’accent sur les travailleurs eux-mêmes. Comme nous sommes en 2018 et qu’il faut composer avec tous les facteurs socioéconomiques que j’ai mentionnés, il faudrait plutôt miser sur une solution qui tient compte du contexte particulier de la région, où de nombreux emplois sont saisonniers, notamment du côté des pêches, de l’agriculture et du tourisme.
Si l’on adopte une approche adaptée aux particularités de la région, de même qu’un plan à long terme visant à résoudre les problèmes particuliers, les travailleurs n’auront plus à vivre les mêmes craintes chaque année et, avec un peu de chance, ce coup de pouce libérera la région de sa dépendance envers l’assurance-emploi.
Le projet pilote en cours et ceux qui ont précédé ne faisaient rien pour régler les problèmes particuliers de la région et plaçaient tout le fardeau sur les épaules des travailleurs. Il est temps de régler cette question une fois pour toutes, de reconnaître le caractère unique des régions touchées et de trouver des solutions adaptées à leur contexte.
En conclusion, honorables sénateurs, la prochaine fois que vous mangerez un homard, rappelez-vous qu’il n’est pas apparu dans votre assiette par magie. Derrière chaque homard, il y a un pêcheur qui était sur l’eau à 4 heures du matin pour vérifier ses cages, puis qui a vendu ce homard une fois rentré au port. À l’usine de conditionnement, le homard a été manipulé et emballé par un autre travailleur de l’économie saisonnière, qui s’est levé aussi tôt que le pêcheur ce matin-là et, finalement, il a abouti dans votre assiette.
Derrière chaque homard se trouve l’histoire d’un travailleur saisonnier qui met du pain sur la table de sa famille en mettant un homard dans votre assiette. Tout ce que les travailleurs saisonniers demandent, c’est de pouvoir continuer de subvenir aux besoins de leur famille. Tant que le gouvernement ne reconnaîtra pas la réalité de l’économie saisonnière dans le contexte du vieillissement de la population et qu’il ne délaissera pas les projets pilotes pour adopter une solution à long terme, les travailleurs saisonniers continueront d’avoir l’impression d’être poussés à leurs limites et d’avoir du mal à joindre les deux bouts.
Il est temps que le gouvernement se rende compte que ce ne sont pas les travailleurs qui sont saisonniers; c’est plutôt l’économie locale.
Des voix : Bravo!
(1700)
[Français]
L’honorable Pierrette Ringuette : J’aimerais remercier la sénatrice Poirier de nous avoir cité ces faits, qui sont tout à fait exacts.
J’aimerais également dire à mes honorables collègues que ce n’est pas le travailleur qui est saisonnier, mais bien le travail. Combien de fois devra-t-on le répéter? Vous avez devant vous, à l’ordre du jour, la motion no 189, que j’ai déposée il y a un an. Je veux que le Sénat, après 150 ans d’existence, ait un comité des ressources humaines qui puisse développer une expertise et une crédibilité afin de s’attaquer à des enjeux comme ceux qu’a soulevés la sénatrice Poirier.
Afin de poursuivre le débat sur les propos justes et importants de la sénatrice Poirier, je propose l’ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.
(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, le débat est ajourné.)
(À 17 h 2, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 17 avril 2018, à 14 heures.)