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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 256

Le mardi 4 décembre 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 4 décembre 2018

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de Kim Renders

L’honorable Mary Coyle : Chers collègues, les drapeaux du Canada ont été mis en berne le 17 juillet au Centre national des Arts à Ottawa et le 19 juillet à l’Université Queen’s pour honorer le décès d’une artiste canadienne légendaire, une brillante pionnière du théâtre canadien, une professeure bien-aimée, une adversaire infatigable et créative du patriarcat : Kim Renders.

Kim a été une amie à l’école secondaire et je me souviens de son talent tout à fait hors du commun. Elle était aimée et admirée par ses camarades de classe et moi. Sa performance dans la pièce Chamber Music — elle incarnait Jeanne d’Arc —, primée lors du Festival national d’art dramatique, laissait présager tout le talent de cette femme exceptionnellement inventive. Éternelle pionnière, Kim a fait partie, en 1979, des membres fondateurs du Nightwood Theatre, la plus ancienne troupe de théâtre professionnelle féministe au Canada. Scénariste, metteuse en scène, actrice, musicienne et conceptrice, Kim a travaillé à Toronto au Factory Theatre, au Tarragon Theatre, à la Canadian Stage Company, au Volcano Theatre, au Theatre Direct et au Nightwood Theatre.

Kim a porté à la fois le chapeau d’actrice et de metteuse en scène dans des théâtres partout à travers le pays, dont le Belfry Theatre à Victoria, le Royal Manitoba Theatre Centre, le Grand Theatre de London, le Grand Theatre de Kingston, l’Université de Guelph, l’Université de Waterloo, l’Université Queen’s et le LSPU Hall de St. John’s, à Terre-Neuve.

Son spectacle solo Motherhood, Madness and the Shape of the Universe, sur la maternité, la folie et la forme de l’univers, a été présenté un peu partout au Canada et en Grande-Bretagne, avant d’être adapté pour la radio de CBC. Kim Renders a été nommée membre honoraire de l’Association canadienne de la recherche théâtrale, et, en 1995, elle a reçu le prix Maggie Bassett, décerné par Theatre Ontario, pour son service distingué.

« Allez à cet endroit qui vous terrifie. Tenez-vous debout et respirez. Puis, faites tomber cette terreur, morceau par morceau. » Voilà ce que Kim Renders invitait ses chers étudiants à faire, leur lançant le défi, lorsqu’elle enseignait à l’Université Queen’s et à celles de Guelph et de Waterloo. Kim n’a jamais cessé d’abattre des obstacles, internes ou sociaux, que ce soit auprès des détenus dans un établissement correctionnel fédéral, ou d’artistes locaux et de groupes communautaires réunis par la compagnie de théâtre féministe et gaie Chipped Off Performance Collective, de Kingston.

Kim se décrivait elle-même comme une optimiste qu’on avait qualifiée par erreur de pessimiste. Elle était une militante passionnée. Sa détermination à améliorer le sort des autres était communicative. Tove Jansson a dit ceci :

Le théâtre est le type de maison le plus important au monde, parce que c’est là où on montre aux gens ce qu’ils pourraient être s’ils le souhaitent, et ce qu’ils aimeraient être s’ils osaient essayer, et ce qu’ils sont vraiment.

Kim comprenait le pouvoir du théâtre. Sa chère famille, ses amis stupéfaits, ses étudiants adorés et le milieu théâtral tout entier se souviendront de cette femme unique qui était une véritable force de la nature. Comme le dit la notice nécrologique, « On se souviendra de Kim Renders pour son art, sa fougue et pour l’influence qu’elle a eue sur tous ceux qui ont eu la chance de la connaître ». Je me réjouis d’avoir eu la chance d’être de ce nombre.

Des voix : Bravo!

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de sœur Rachelle Watier, s.c.o., accompagnée de Robert et de Daniel Niesing, ainsi que d’Anne Sirois-Niesing. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Forest-Niesing.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Le Jour commémoratif de la famine et du génocide ukrainiens (« l’Holodomor »)

L’honorable Donald Neil Plett : Chers collègues, vendredi dernier, j’ai eu le privilège de participer à un événement visant à souligner le 85e anniversaire du génocide ukrainien, l’Holodomor.

Organisée par l’école secondaire Sisler de Winnipeg, cette activité commémorative a débuté en 2009 sous la direction d’une enseignante, Orysya Petryshyn. Depuis, elle se tient tous les ans.

Comme vous le savez, l’Holodomor fut une horrible tragédie. Il s’agit du génocide par la famine du peuple ukrainien ordonné par Joseph Staline, perpétré en 1932 et 1933. De nombreux membres de ma famille comptent parmi les millions de personnes qui ont péri lors de ce génocide.

Chers collègues, aujourd’hui, j’aimerais lire un poème sur l’Holodomor qui a été écrit en 2009 par Mila Panaskevich. Celle-ci l’a récité lors de l’activité commémorative de l’Holodomor tenue vendredi dernier à l’école secondaire Sisler. Mila a dédié ce poème à sa grand-mère, Hanna Panasyuk, une survivante de l’Holodomor. Le poème s’intitule La vérité inexprimée.

Les épreuves de leur passé tragique n’ont jamais été racontées.

Sous le joug d’un seul homme, Joseph Staline, tous craignaient de dire la vérité.

En Ukraine, des millions d’innocents ont été emprisonnés;

Sur ordre de Staline, toute une nation devait être annihilée.

En 1932, une seule décision de cet homme provoqua souffrances et famine;

Incapables de s’enfuir, les victimes firent preuve d’un courage et d’une bravoure qui les rendirent dignes.

(1410)

Parmi eux se trouvait ma future grand-mère, une fillette à l’esprit libre.

Une jeune de dix ans qui se demandait : qui, dans ce monde, fait des choses aussi horribles?

Pas la seule à trouver incompréhensible qu’il en soit ainsi,

Que toutes ces vies innocentes soient emportées et que ce soit fini.

C’est tout un peuple que le parti soviétique voulait éliminer,

La culture, les croyances, les idées, l’âme même de la nation ukrainienne qu’il voulait effacer.

Certains ont survécu à la tragédie qui s’est terminée en 1933,

Mais, sous le régime soviétique, ils devaient taire leur histoire.

Au cours des dernières années, le monde a appris,

Que l’Holodomor, plus qu’un énorme massacre, fut un véritable génocide.

Beaucoup d’anciens survivants sont maintenant disparus et leur histoire aussi,

Mais nous pouvons commémorer les personnes qui ont vécu ces événements terribles.

Nous nous souviendrons de tous les enfants, nous chérirons tous les travailleurs dévoués.

Nous garderons le souvenir de tous les innocents allés trop tôt à leur tombe.

Ces leçons nous aideront à prévenir des tragédies semblables dans le monde,

Car nous avons tous besoin de paix pour nous soutenir et nous protéger.

Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune nord de Susan Hardie, de Laurie Paquet et de Marc-Antoine Fleury. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice McPhedran.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les droits des personnes handicapées

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables collègues, en 1992, l’ONU a proclamé la Journée internationale des personnes handicapées. Cette journée visait à :

[...] promouvoir les droits et le bien-être des personnes handicapées dans toutes les sphères de la société et du développement et à accroître la sensibilisation à leur situation particulière dans tous les aspects de la vie politique, sociale, économique et culturelle.

Je salue les leaders locaux, nationaux et internationaux en matière de droits des personnes handicapées, en commençant par nos collègues, la sénatrice Chantal Petitclerc et le sénateur Jim Munson. Je vous demanderais de vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à d’autres leaders : Bonnie Brayton, du Réseau d’action des femmes handicapées du Canada; Roberto Lattanzio, du ARCH Disability Law Centre; Jewelles Smith, du Conseil des Canadiens avec déficiences; et, enfin, Christine Switzer et Susan Hardie, du Canadian Centre on Disability Studies, à Winnipeg, qui s’appelle maintenant, depuis aujourd’hui, Eviance, un nom qui est le même dans toutes les langues.

Hier, dans le cadre d’une importante conférence organisée conjointement par Eviance et le ARCH Disability Law Centre, la ministre Qualtrough annonçait l’adhésion du Canada au Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, ce que les défenseurs des droits des personnes handicapées demandaient depuis des années.

[Français]

Nous accueillons également Marc-Antoine Fleury, avec son bras JACO, créé pour lui par l’entreprise Kinova, et Laurie Paquet, de Kinova, qui sont aussi les créateurs du bras spatial Canadarm.

Le thème de cette année met l’accent sur l’inclusion et l’égalité des individus qui vivent avec un handicap. Les femmes qui vivent avec un handicap sont les plus désavantagées en temps de guerre et de conflits, car elles font face à une triple discrimination en raison de leur intersectionnalité. Les femmes et les enfants handicapés sont parmi les plus grandes victimes des conflits.

[Traduction]

Personne ne sait mieux que les gens qui sont aux premières lignes des régions en conflit à quel point un handicap augmente le facteur de risque de manière exponentielle, ce qui culmine trop souvent par la mort. La fin de semaine dernière, je me suis rendue à New York pour prendre part à une réunion du conseil d’administration du Global Network of Women Peacebuilders avec les autres membres du conseil, en provenance du Soudan du Sud, du Népal, de la Jordanie et des Philippines.

Nous avons reçu des rapports sur le programme Young Women for Peace and Leadership lancé par le Global Network of Women Peacebuilders, programme qui encourage l’enseignement de connaissances dans le but de favoriser la paix à divers endroits en République démocratique du Congo, dans des camps de réfugiés rohingyas au Bangladesh et dans des camps de réfugiés sud-soudanais en Ouganda.

Ariane Moza est la dirigeante de Young Women for Peace and Leadership dans le Sud-Kivu, en République démocratique du Congo. Elle a un handicap visible et travaille en vue d’éliminer les nombreux obstacles exacerbés par le conflit dans la région.

Chers collègues, tous les exemples que j’ai fournis reposent sur un courage visionnaire et la volonté de permettre aux personnes handicapées de profiter de leurs droits.

Merci, meegwetch.

Le décès de Brendan O’Grady

L’honorable Michael Duffy : Honorables sénateurs, j’aimerais saluer la mémoire d’un éminent habitant de l’Île-du-Prince-Édouard, Brendan O’Grady, qui s’est éteint la semaine dernière à l’âge de 93 ans.

M. O’Grady est né à New York, où ses parents s’étaient installés en quittant leur Irlande natale. Toute sa vie, il a accordé énormément d’importance à l’éducation. Après avoir obtenu un baccalauréat en littérature anglaise à l’Université Notre Dame, il a fait une maîtrise à l’Université Columbia et un doctorat à l’Université d’Ottawa.

En 1948, Brendan O’Grady a accepté un poste d’enseignant à l’Université St. Dunstan’s, qui porte aujourd’hui le nom d’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, où il a réussi à gagner le respect et l’affection des étudiants. Parmi ses projets universitaires, c’est sans doute la rédaction d’Exiles and Islanders qui l’a tenu le plus longtemps occupé. Publié en 2004, cet ouvrage constitue le portrait par excellence des colons irlandais venus s’installer sur l’île.

Oeuvre d’un véritable passionné, Exiles and Islanders était aussi la somme d’un travail colossal de recherche et de rédaction, pour lequel M. O’Grady a d’ailleurs pu compter sur l’aide de son épouse, Leah. En fait, il s’agit d’un moyen, pour les gens des générations futures, de se rappeler le chemin parcouru par ceux qui les ont précédés. Après tout, comment un peuple peut-il savoir où il va s’il ignore d’où il vient?

En 1990, l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard a remis un grade honoris causa à M. O’Grady pour l’ensemble de sa carrière universitaire. De mon côté, en 2012, j’ai eu l’honneur de lui remettre la Médaille du jubilé de diamant de la reine en l’honneur de sa longue carrière de pédagogue et d’érudit.

Exiles and Islanders est, en quelque sorte, son legs à l’île qu’il a adoptée et qui l’a adopté en retour.

Toute la province est immensément redevable à Brendan O’Grady pour ses recherches innovatrices et pour la générosité avec laquelle il a enseigné, à plusieurs générations d’habitants, l’histoire de l’Île-du-Prince-Édouard.

Aujourd’hui, nous le remercions pour la vie remarquable qu’il a vécue et nous offrons nos plus sincères condoléances à sa famille.

Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’aînés et de chefs des Premières Nations de la côté nord-ouest du Pacifique. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Harder.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le décès de George H. W. Bush

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j’espère que la citation suivante ne comptera pas dans le temps de parole dont je dispose. Elle se lit comme suit :

Je salue tous les Canadiens parce que nous resterons toujours amis. Toujours. Rien ne pourra jamais nous séparer.

Ce sont les paroles que l’ancien président des États-Unis, George H. W. Bush, a prononcées lors d’une conférence sur l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis tenue en 1999 à l’Université McGill, appelée « 10 ans de libre-change ».

[Français]

Je n’ai aucun doute que vous avez été attristés, comme moi, par la nouvelle, la fin de semaine dernière, du décès d’un des amis du Canada, l’ancien président des États-Unis, George H.W. Bush.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je vous remercie de me laisser raconter une vraie histoire de pêche qu’un groupe de sénateurs a vécue avec le président Bush sur la magnifique rivière Restigouche en 2002. À titre de ministre des Relations intergouvernementales et internationales, de ministre responsable de la Francophonie et de ministre responsable du Secrétariat de l’Immigration et du Rapatriement, le premier ministre Lord m’a convoqué dans son bureau, puis il a dit ceci :

Pouvez-vous mettre sur pied une équipe afin d’organiser une expédition de pêche sur la rivière Restigouche au Pavillon Larry’s Gulch, le pavillon du gouvernement?

Honorables sénateurs, croyez-le ou non, le groupe était composé du président George H. W. Bush, du premier ministre Mulroney et du premier ministre Lord. Cette expédition de pêche de trois jours au saumon de l’Atlantique sur la magnifique rivière Restigouche comprenait aussi une table ronde avec des représentants d’entreprises d’Amérique du Nord, venus des quatre coins du Canada et des États-Unis pour participer aux discussions.

Honorables sénateurs, je me souviens de ces soirées et des séances qui se prolongeaient tard le soir, où les deux dirigeants les plus influents du G7 nous parlaient de l’ordre mondial, réfléchissant aux économies mondiales, aux différents types de gouvernements, aux libertés, au rôle du Canada et des États-Unis relativement aux problèmes de sécurité mondiale, à la santé mondiale et à l’écart entre les riches et les pauvres. Nous sentions qu’ils étaient toujours préoccupés par l’environnement, les changements climatiques, les nouvelles technologies et les perturbations sociales dans les pays.

(1420)

Après cette merveilleuse soirée autour de la table, quelqu’un a dit — et je pourrais le nommer, mais je ne le ferai pas — que cela aurait pu s’appeler le Forum économique mondial sur la rivière Restigouche au Nouveau-Brunswick plutôt qu’à Davos, en Suisse.

Le président Bush adorait discuter avec les gars et leur raconter des histoires. Il disait aussi des choses comme : « Bonne pêche. Nous attraperons le roi des poissons, le saumon de l’Atlantique. » Les gars trouvaient cela bien drôle et riaient. Les gens du coin, les cuisiniers et les femmes de chambre avaient tous l’impression que le président Bush était l’un des leurs. Il était un pêcheur passionné. Pendant ses temps libres au sommet de la Restigouche, il maniait sa canne à pêche de main de maître. Tout le monde rigolait et prenait des photos.

Honorables sénateurs, le président Bush était une personne authentique, un mari, un père, un grand-père ainsi qu’un dirigeant d’exception. M. Mulroney a, sans aucun doute, perdu un grand ami. Pour le Canada, il représentait l’amitié et la loyauté. Il était un homme de principe déterminé à rendre le monde meilleur.

À la famille Bush, au nom de tous les honorables sénateurs, veuillez accepter nos plus sincères condoléances. Nous partageons votre douleur.

À notre ami, George H.W. Bush, « Prez » — il aimait bien lorsque nous l’appelions « Prez » —, reposez en paix.


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi no 2 d’exécution du budget de 2018

Dépôt du vingt-sixième rapport du Comité des banques et du commerce sur la teneur du projet de loi

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le vingt-sixième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui porte sur la teneur du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

(Conformément à l’ordre adopté le 7 novembre 2018, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Dépôt du quatorzième rapport du Comité des transports et des communications sur la teneur du projet de loi

L’honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui porte sur la teneur du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

(Conformément à l’ordre adopté le 7 novembre 2018, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur les douanes

Projet de loi modificatif—Présentation du vingtième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

L’honorable Gwen Boniface, présidente du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, présente le rapport suivant :

Le mardi 4 décembre 2018

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a l’honneur de présenter son

VINGTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi sur les douanes, a, conformément à l’ordre de renvoi du 23 octobre 2018, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec la modification suivante :

1.Article 2, page 3 : Remplacer les lignes 23 et 24 par ce qui suit :

« recueillis au titre des articles 92 et 93 sont conservés par l’Agence pour une période maximale de quinze ans à compter de la date à laquelle ils sont ».

Votre comité a aussi fait certaines observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

GWEN BONIFACE

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 4143.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

La sénatrice Boniface : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5f) du Règlement, je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion de la sénatrice Boniface, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

ParlAmericas

La Rencontre du Réseau parlementaire pour l’égalité des genres de ParlAmericas, tenue du 22 au 24 mai 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne concernant sa participation à la 10e Rencontre du Réseau parlementaire pour l’égalité des genres de ParlAmericas, tenue à Port d’Espagne, à Trinité-et-Tobago, du 22 au 24 mai 2018.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le jeudi 29 novembre 2018, la période des questions aura lieu à 15 h 30.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les douanes

Projet de loi modificatif—Adoption du vingtième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

Le Sénat passe à l’étude du vingtième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (Projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi sur les douanes, avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 4 décembre 2018.

L’honorable Gwen Boniface propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, l’amendement adopté visait à indiquer clairement que la durée maximale de conservation est de 15 ans. C’est une des recommandations que le commissaire à la protection de la vie privée a faites lors de sa comparution au comité. L’amendement a été adopté à l’unanimité par le comité.

(1430)

Son Honneur le Président : Quelqu’un d’autre veut prendre la parole à l’étape du rapport?

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Nous venons de recevoir le rapport. Quelqu’un n’a-t-il pas suggéré qu’on nous explique un amendement? C’est tout? C’est l’explication?

La sénatrice Boniface : Oui, c’est en fait un amendement très simple, parce qu’il porte sur un libellé qui disait jusqu’à 15 ans. L’intention de la loi était de fixer la période à un maximum de 15 ans. L’amendement reflète le libellé exact qui a été donné par le commissaire à la protection de la vie privée. Nous avons reçu des fonctionnaires. Ils ont dit que le changement n’avait aucune incidence sur l’accord ou le projet de loi et qu’il ajoute à la clarté.

Le sénateur Day : Je vous remercie beaucoup et, comme je viens de recevoir ce rapport, je vois que vous aviez plusieurs observations à faire outre cet amendement, mais vous aimeriez que nous adoptions le rapport, puis que nous passions maintenant à l’étape de la troisième lecture. Ai-je bien compris?

La sénatrice Boniface : C’est ce que je souhaite.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois maintenant.

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Coyle, avec l’appui de l’honorable sénatrice Moncion, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois. Pardon, sénateur Day, souhaitez-vous intervenir dans le débat?

Le sénateur Day : J’aimerais que l’on explique pourquoi nous procédons si précipitamment dans ce dossier. Nous n’avons même pas eu l’occasion d’étudier les observations.

Son Honneur le Président : Sénatrice Coyle, évidemment, le consentement doit être accordé pour que nous procédions. Voulez-vous répondre au sénateur Day ou souhaitez-vous que je demande si le consentement est accordé?

La sénatrice Coyle : Je serai heureuse de répondre au sénateur Day avant mon intervention. Le sénateur demande pourquoi nous proposons de lire le projet de loi pour la troisième fois aujourd’hui.

Nous sommes prêts à passer à la troisième lecture aujourd’hui. Le porte-parole pour le projet de loi est préparé et je le suis également. Le rapport, qui vient d’être déposé, a été adopté, et nous ne voyons pas de raison qui nous empêcherait d’aller de l’avant aujourd’hui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Le consentement n’est pas accordé.

Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Coyle, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur les nouvelles questions liées à son mandat

Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motions :

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre de renvoi du Sénat adopté le jeudi 7 décembre 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles concernant son étude sur de nouvelles questions concernant son mandat soit reportée du 31 décembre 2018 au 30 septembre 2019.

[Traduction]

Projet de loi sur le moratoire relatif aux pétroliers

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole afin d’appuyer le projet de loi C-48, qui porte sur le moratoire relatif aux pétroliers. Ce projet de loi inscrirait dans la loi le moratoire de longue date qui vise le transport d’hydrocarbures bruts en vrac au large de la côte nord de la Colombie-Britannique.

Je tiens d’abord à remercier notre collègue et amie, la sénatrice Jaffer, de parrainer ce projet de loi. Je la remercie aussi de l’excellent discours qu’elle a fait en juin, à l’étape de la deuxième lecture.

Je suis ravi de vous revoir au Sénat, sénatrice Jaffer.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Harder : J’aimerais également souligner la présence à la tribune, comme Son Honneur l’a fait, de dirigeants des collectivités côtières canadiennes. Je parlerai dans quelques instants de leur participation dans ce dossier et de leurs points de vue sur cette question.

Je vais rapidement expliquer le contexte de ce projet de loi du gouvernement avant de vous présenter une lettre d’appui des dirigeants des Premières Nations du Nord-Ouest du Pacifique. C’est un honneur pour nous d’accueillir certains d’entre eux aujourd’hui.

J’aimerais également décrire l’extraordinaire écosystème encore intact que le projet de loi C-48 cherche à protéger, ainsi que les répercussions qu’un déversement de pétrole majeur aurait dans une région éloignée où de telles catastrophes sont plus difficiles à prévenir et à contenir.

D’abord, je dirai que le projet de loi C-48 vise à officialiser une importante politique de gestion des risques qui protège la côte nord de la Colombie-Britannique depuis longtemps et qui s’appuie sur des particularités écologiques et géographiques pertinentes. De plus, le projet de loi C-48 assure un équilibre entre les mesures rigoureuses de protection environnementale et les possibilités de développement économique, comme celles que la sénatrice Cordy a présentées dans son discours hier.

Le moratoire relatif au transport de pétrole brut le long de la côte nord de la Colombie-Britannique est en vigueur depuis 1985, avec la zone d’exclusion volontaire des pétroliers. Cette zone est pleinement respectée depuis sa création, qui a suivi la fin des travaux de l’oléoduc Trans-Alaska au début des années 1970. Le statut de la zone d’exclusion a été confirmé en 1988 par une entente conclue entre la Garde côtière des États-Unis et celle du Canada. À l’époque, Brian Mulroney était premier ministre et Ronald Reagan était président.

En 1989, le déversement de pétrole de l’Exxon Valdez, en Alaska, a fait ressortir l’importance du moratoire en rappelant au monde qu’il peut toujours y avoir des accidents. Ce déversement de pétrole brut a pollué 2 100 kilomètres de côtes et 28 000 kilomètres carrés d’océan.

Depuis des décennies, la zone d’exclusion volontaire s’étend jusqu’à environ 100 kilomètres à l’ouest des îles Haida Gwaii et couvre un territoire qui va de l’Alaska à la côte sud-ouest de l’île de Vancouver. La partie extracôtière de la zone d’exclusion a été déterminée en fonction d’une étude canadienne calculant la pire dérive possible pour un pétrolier désemparé par rapport au temps nécessaire pour que des remorqueurs suffisamment puissants puissent répondre à l’appel à l’aide et prévenir un déversement sur la côte.

La zone d’exclusion volontaire fait en sorte que, depuis de nombreuses années, les pétroliers desservant l’oléoduc Trans-Alaska entre Valdez, en Alaska, et Puget Sound, dans l’État de Washington, doivent passer à l’ouest de cette zone. Voilà le statu quo qui existe depuis l’imposition de ce moratoire qui, comme je l’ai dit, a été mis en place en 1985, et qui repose sur des faits.

Le projet de loi C-48 complémente la zone d’exclusion en interdisant officiellement aux pétroliers de s’arrêter, de charger ou de décharger du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants de la pointe nord de l’île de Vancouver jusqu’à l’Alaska. Le projet de loi prévoit des sanctions pouvant atteindre 5 millions de dollars.

Je souhaite mettre l’accent sur le fait que le moratoire ne s’appliquera pas aux pétroliers qui transportent moins de 12 500 tonnes métriques d’hydrocarbures persistants, ce qui garantira l’approvisionnement de la population et des entreprises. Si je ne me trompe pas, le sénateur Black, de l’Alberta, a indiqué pendant le débat que le projet de loi C-48 prévoit une limite arbitraire de la quantité d’hydrocarbures transportés par les bateaux de croisière et les cargos. Je tiens cependant à préciser que les bateaux de croisière et les cargos transportent nettement moins d’hydrocarbures que la limite en question. Par exemple, un bateau de croisière relativement gros transporte entre 3 200 et 6 400 tonnes métriques de mazout, et le porte-conteneurs Panamax moyen circulant dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique transporte entre 4 800 et 6 400 tonnes métriques d’hydrocarbures, ce qui correspond à environ la moitié de la limite prévue dans le projet de loi C-48.

En guise de comparaison, les plus gros pétroliers qui se rendent dans les ports canadiens ont la capacité de transporter 20 fois plus de pétrole brut ou d’hydrocarbures persistants que la limite imposée par le moratoire aux cargos sur la côte nord de la Colombie-Britannique. Encore une fois, à titre de comparaison, environ 37 000 tonnes métriques de pétrole ont été déversées dans l’océan lors du désastre de l’Exxon Valdez. C’est à peu près trois fois la limite permise!

(1440)

Honorables sénateurs, les faits confirment ce que nous savons : les pétroliers peuvent transporter des quantités énormes de pétrole, qui dépassent de beaucoup la limite établie dans le projet de loi C-48 et posent ainsi un risque de déversements pétroliers catastrophiques encore plus important s’ils ont le droit de circuler dans la région touchée.

Un risque se calcule sur la base de la probabilité qu’un événement se produise multipliée par l’ampleur des conséquences. Plus il y a de pétrole en circulation, plus le risque est grand. Compte tenu de l’importance écologique de la région, l’objectif du gouvernement est de réduire le risque, sous réserve des provisions raisonnables dont j’ai parlé qui sont destinées aux collectivités côtières.

Les honorables sénateurs aimeraient peut-être savoir comment le projet de loi C-48 est arrivé au Sénat. Pendant la campagne électorale de 2015, le premier ministre s’est engagé auprès des Canadiens, et surtout auprès des habitants de la côte nord de la Colombie-Britannique, à donner force de loi au moratoire sur le transport de pétrole brut s’il était élu. La lettre de mandat du ministre des Transports témoigne de cet engagement.

Le projet de loi C-48 a été adopté à la Chambre des communes en mai dernier par un vote de 204 voix contre 85. Le projet de loi a été appuyé à l’autre endroit par le caucus majoritaire du gouvernement, le Nouveau Parti démocratique, le Parti vert et le Groupe parlementaire québécois — qui, ensemble, ont remporté 67,4 p. 100 du vote populaire aux dernières élections.

Compte tenu de cette expression de l’appui du public et de la volonté démocratique, j’espère que les sénateurs renverront le projet de loi C-48 au comité sous peu et qu’ils tiendront compte, comme il se doit, du fait que ce projet de loi met en œuvre une promesse électorale majeure envers les Canadiens.

J’ai été étonné par les arguments présentés au Sénat dans le cadre du débat à l’étape de la deuxième lecture et qui remettent en question l’importance écologique des écosystèmes côtiers du Nord de la Colombie-Britannique. De même, certains sénateurs minimisent l’importance du risque d’un déversement de pétrole attribuable à l’erreur humaine ou à une défectuosité mécanique, comme si cette possibilité était inexistante. Pas plus tard que la semaine dernière, le sénateur Wells a indiqué son opposition ne serait-ce qu’à l’égard de la zone d’exclusion volontaire des pétroliers, qui est en place depuis 1985. Étant donné les arguments régressifs présentés au Sénat, j’estime que c’est une raison de plus d’aller de l’avant.

De plus, notre débat ne reflète pas le solide appui des Autochtones de la côte nord de la Colombie-Britannique à l’égard du projet de loi C-48, eux qui connaissent le mieux la valeur naturelle inhérente de la région et qui sont appelés à vivre étroitement avec la décision du Sénat dans ce dossier.

Cela dit, j’aimerais citer, afin qu’elle figure dans le hansard du Sénat, une lettre d’appui et de justification à l’égard du projet de loi C-48 provenant des chefs et dirigeants de la côte nord de la Colombie-Britannique — je crois comprendre que les sénateurs l’ont reçue :

Monsieur, Madame, [...]

La présente s’adresse aux honorables sénateurs et porte sur un dossier qui revêt une grande importance pour chacun de nous.

Nous sommes les chefs héréditaires de l’Alliance des tribus des Lax Kw’alaams, les chefs et dirigeants politiques de la nation haïda, des Metlakatlas, des Gitga’ats, des Gitxaalas, de la nation heiltsuk, des Kitasoo-Xai’Xais, de la nation nuxalk et des Wuikinuxv. Nous sommes 10 000 et nous vous demandons de nous appuyer, comme le font les Canadiens qui, comme nous, vivent dans les communautés qui se soucient du sort des terres et des écosystèmes marins de la côte du Nord de la Colombie-Britannique et qui en prennent soin.

Nous vous prions instamment de saisir l’occasion de réfréner l’industrialisation sauvage qui détruit la planète et d’adopter la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers, afin que nous fassions tous ce qui est dans l’intérêt de la Terre et des générations futures.

Les gens de notre époque sont témoins des conséquences et des problèmes que l’humain a causés à la planète. Nous ne pouvons qu’imaginer les épreuves que devront endurer les prochaines générations si nous ne faisons pas tout ce que nous pouvons.

Nos nations ont collaboré avec le gouvernement de la Colombie-Britannique pour établir des aires naturelles et réduire l’exploitation forestière à des niveaux plus durables afin de maintenir l’équilibre naturel. Nous collaborons présentement avec le gouvernement du Canada pour que les pêches en mer soient durables et que la conservation dans la zones de protection marine soit assurée. À Prince Rupert, en juin 2018, nous avons conclu avec le premier ministre un accord historique, l’Accord-cadre de réconciliation pour la gestion et la protection des océans.

Les Canadiens ont déjà célébré l’annonce du moratoire relatif aux pétroliers, qui protégerait le joyau qu’est la côte Nord de la Colombie-Britannique. Nous trouvons dans cette région la forêt humide du Grand Ours e les îles mystiques Haida Gwaii, qu’on appelle aussi les Galápagos du Nord. Parmi les espèces qui dépendent de l’équilibre naturel il y a l’ours esprit, l’ours noir, le grizzli, la loutre, la martre et le loup. La vie marine est elle aussi riche, avec les baleines à bosse et les épaulards résidents du Nord, le flétan du Pacifique, le poisson-chandelle, le hareng, de nombreuses espèces de crustacés et toutes les espèces de saumon. Sa diversité est aussi rare que celles d’autres biorégions dans le monde.

Ce ne sont pas simplement les êtres vivants avec lesquels nous cohabitons; il s’agit de notre identité et notre culture.

Nous comprenons que le coût des services fournis aux citoyens, y compris notre propre population, impose des pressions aux gouvernements. Nous savons aussi qu’il faut s’attaquer aux problèmes des changements climatiques dans nos villages, mais aussi à l’échelle internationale, pour que l’économie ne dépende plus des combustibles fossiles. Nous nous efforçons de favoriser le développement d’économies durables et compatibles avec les systèmes naturels qui ont longtemps veillé sur nous.

Nous savons que le Sénat a entendu les témoignages de personnes qui prétendaient parler d’une seule voix pour le Nord-Ouest, mais dont l’objectif était de compromettre l’imposition du moratoire. L’argent des grandes entreprises a déjà déchiré des familles et terni des réputations au sein de notre communauté. Nous souhaitons avoir l’occasion de nous entretenir avec vous, honorables sénateurs, afin de vous dire que la volonté de notre peuple n’est pas exprimée par ceux qui ne sont motivés que par l’appât du gain.

Nous espérons que l’interdiction des pétroliers sera couronnée de succès et qu’elle libérera enfin notre peuple des sentiments de crainte et d’insécurité qui le tourmentent. Nous espérons que notre peuple reprendra confiance en cette terre qui leur fournit des ressources, à eux ainsi qu’aux habitants de régions beaucoup plus éloignées, comme elle l’a toujours fait.

Nous ne devons pas confondre nos propres intérêts avec les responsabilités qui sont les nôtres et dissocier nos intérêts économiques de l’engagement sacré que nous devons respecter, que le Sénat doit respecter et que toute personne qui exerce une influence doit respecter. Nous avons le devoir de prendre soin de cette planète afin de la laisser en héritage aux générations futures.

Respectueusement

Les chefs et les dirigeants de la côte nord de la Colombie-Britannique

Des représentants sont présents à la tribune.

Honorables sénateurs, vous comprendrez tout comme moi que cette lettre est un appel à l’action. En cette ère d’extinction massive et de changements climatiques, cette lettre nous rappelle que nous avons tous le devoir de protéger notre planète pour les générations à venir. Nous devons prendre le taureau par les cornes. Le projet de loi C-48 se veut l’occasion idéale de le faire pour tous ceux qui ont la chance de siéger au Sénat.

J’aimerais maintenant parler de l’écosystème de la région visée par le projet de loi C-48, puisque je sais que certains sénateurs se sont dits sceptiques en ce qui a trait à sa valeur naturelle relative.

La Raincoast Conservation Foundation est un organisme de bienfaisance se consacrant à la recherche qui est composé d’agents de protection de la nature et de scientifiques dont le travail repose sur des publications vérifiées par un comité de lecture. Selon cet organisme, la région côtière de la Colombie-Britannique renferme la biodiversité la plus riche au Canada et la plus unique en Amérique du Nord. Environ 44 des 62 sous-espèces de vertébrés de la région côtière de la Colombie-Britannique et d’importantes populations d’espèces endémiques à cette région se peuplent les îles côtières. Les deux tiers des espèces et sous-espèces de mammifères de la Colombie-Britannique vivent uniquement près des côtes.

Toutes les sous-espèces d’oiseaux qui ne se reproduisent qu’en Colombie-Britannique le font exclusivement sur la côte. De plus, ces habitats abritent plus de 200 espèces d’oiseaux côtiers, et plus de 5 millions d’oiseaux de mer se reproduisent sur la côte de la province, dont 1,5 million sur le seul archipel Haida Gwaii. La côte nord du Pacifique abrite d’ailleurs 95 p. 100 de la population reproductrice totale d’oiseaux de mer de la Colombie-Britannique. Plus de 400 espèces de poissons de mer vivent dans les eaux côtières. La région abrite trois des cinq grandes populations de harengs de la province, 88 p. 100 des rivières où fraye l’eulakane dans la province, et 58 p. 100 des habitats où fraye le saumon de la côte Ouest au pays. La côte compte plus de 25 espèces de mammifères marins, dont les baleines, les épaulards, les dauphins, les marsouins, les loutres de mer, les phoques et les otaries.

La côte nord du Pacifique contient des habitats essentiels pour des espèces très rares et vulnérables, dont 39 sont considérées comme des espèces menacées, en voie de disparition ou dont la situation est préoccupante par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada.

En 1987, dans les eaux profondes près de l’archipel Haida Gwaii, des scientifiques ont découvert des récifs d’éponge siliceuse vieux de 9 000 ans. On croyait que ce type d’éponges siliceuses avait disparu il y a 40 millions d’années. Les éponges siliceuses sont les plus anciens organismes multicellulaires du monde. Les récifs de cette région peuvent atteindre 18 mètres de hauteur à partir du fond marin et s’étendent collectivement sur une superficie de 1 000 kilomètres carrés.

(1450)

La région côtière du Nord de la Colombie-Britannique comprend la forêt pluviale de Great Bear, qu’on appelle souvent la forêt amazonienne du Canada. C’est l’une des plus grandes forêts pluviales tempérées côtières encore intactes, et elle représente le quart de ce genre d’habitat, qu’on ne retrouve que dans 11 régions à l’échelle mondiale.

Les terres de la forêt pluviale de Great Bear sont sillonnées par l’un des plus vastes réseaux de rivières sans barrage où peuvent frayer les cinq espèces de saumon sauvage, soit le saumon chinook, le saumon rouge, le saumon coho, le saumon rose et le saumon kéta. Ces rivières se jettent dans l’une des mers froides les plus productives du monde. Dans cette forêt pluviale, les cèdres peuvent vivre jusqu’à 1 000 ans et atteindre 70 mètres de hauteur. L’épinette de Sitka peut atteindre une hauteur de 93 mètres. Les arbres qui poussent le long des rivières à saumon tirent 80 p. 100 de leur apport en azote des nutriments provenant du saumon, ce qui démontre les liens étroits qui existent entre la forêt pluviale tempérée et l’écosystème marin.

Les prédateurs qui se partagent le poisson dans la forêt incluent les loups côtiers, que l’on ne retrouve que dans cette région et qui sont génétiquement distincts de leurs cousins des terres intérieures, les aigles à tête blanche, les cougars, les grizzlis et les ours Kermode, ou « ours esprit », qui sont une variété blanche d’ours noirs qui se trouvent presque exclusivement dans la forêt pluviale de Great Bear. Leur pelage pâle les rend difficiles à distinguer de la couleur du ciel, ce qui en fait d’excellents pêcheurs de saumon.

Vous ne le savez peut-être pas, mais, comme le montre mon bureau, l’ours est mon animal favori. Je le mentionne, car je ne veux pas être accusé, si je puis dire, de vous avoir fait la passe de l’ours.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Harder : Je sais, je sais.

Compte tenu de sa diversité riche et unique, la forêt pluviale de Great Bear mérite de faire l’objet de protections juridiques rigoureuses, ce que le gouvernement provincial a veillé à lui accorder. Le projet de loi C-48 officialiserait les protections fédérales existantes advenant un déversement d’hydrocarbures.

Sur le site web des Premières Nations de la côte, une excellente source d’information pour ceux qui s’intéressent à cette mesure législative, on apprend que 85 p. 100 de la forêt pluviale bénéficie d’une protection aux termes de la Great Bear Rainforest Act, adoptée par le gouvernement provincial en 2016. Aux dires mêmes des Premières Nations côtières :

Piloté par les Premières Nations, en collaboration avec le gouvernement et les secteurs de l’environnement et de l’industrie, cet accord a mis fin à 20 ans de conflit et a interdit l’exploitation forestière de 3,1 millions d’hectares de forêt pluviale côtière tempérée.

L’accord protège officiellement 85 p. 100 de la forêt pluviale côtière tempérée sur la côte de la Colombie-Britannique. Il prévoit une prise de décisions entre les gouvernements des Premières Nations et la Colombie-Britannique et repose sur une vision de communautés autochtones saines, une économie diversifiée et durable et une forêt pluviale protégée.

La forêt pluviale de Great Bear couvre 74 000 kilomètres carrés de territoire des Premières Nations côtières. Elle comprend des lieux anciens de sépulture et des sites culturels, des vallées anciennes qui soutiennent plus de biomasse que tous les autres écosystèmes terrestres, et des forêts pluviales tempérées qui captent davantage de carbone que tous les systèmes de forêts pluviales du monde [...]

Ces cèdres rouges centenaires et l’écosystème diversifié reposent sur la remontée annuelle du saumon.

De plus, honorables sénateurs, la forêt pluviale de Great Bear est bordée par la zone marine de Great Bear, qui contient de denses forêts de varech et une abondance d’espèces marines, y compris des populations d’épaulards, de rorquals à bosse et de rorquals communs en voie de rétablissement. Le rorqual commun est au deuxième rang des plus grands animaux de la planète.

Fait important dans le contexte du projet de loi C-48, les eaux côtières du Nord sont parmi les plus dangereuses du monde. La région est connue pour ses intempéries, ses courants forts et ses mers houleuses et imprévisibles. En raison de ces caractéristiques, il est encore plus difficile d’y nettoyer un déversement de pétrole que dans le Sud, où les conditions sont plus calmes et la capacité d’intervention est grandement supérieure, surtout à proximité de l’État de Washington.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-48 établit un équilibre entre la protection de l’environnement et les possibilités économiques. C’est pourquoi il est important de comprendre que l’économie durable de la région — et surtout les industries des pêches et du tourisme — est étroitement liée à son écologie. C’est peut-être en raison des avantages économiques d’une bonne protection environnementale que les municipalités de Prince Rupert et de Kitimat ainsi que le district régional de North Coast appuient le projet de loi C-48.

Comme la sénatrice Jaffer l’a indiqué plus tôt dans son discours, chaque année, l’industrie de la pêche commerciale sur la côte nord de la Colombie-Britannique attrape pour plus de 100 millions de dollars de poisson. Plus de 2 500 habitants de la côte nord de la Colombie-Britannique travaillent pour l’industrie des pêches, et l’industrie de la transformation en emploie des milliers d’autres.

Sur la côte Ouest, le secteur du tourisme en milieu sauvage génère maintenant un chiffre d’affaires annuel de 782 millions de dollars et environ 40 000 emplois, dont 26 000 à temps plein, grâce à des activités comme la pêche sportive, l’observation des baleines et le kayak de mer.

Les Premières Nations côtières indiquent qu’elles ont collaboré avec le gouvernement, l’industrie et d’autres groupes afin de développer des secteurs économiques non traditionnels, comme l’énergie renouvelable, les crédits de carbone, la gestion écosystémique des forêts, l’écotourisme, les produits forestiers non ligneux, comme les huiles essentielles, la conchyliculture et le transport commercial.

Les Premières Nations côtières prennent part également à l’aquaculture durable de crustacés, notamment le pétoncle géant, qui répond particulièrement bien aux eaux froides et pures de la forêt pluviale Great Bear.

Prenons pour exemple Coastal Shellfish, une entreprise commerciale établie à Prince Rupert en 2011 après un investissement de plusieurs millions de dollars. L’entreprise a connu la réussite en 2013, grâce à l’aide d’experts en aquaculture du Chili. Depuis, la compagnie a pris rapidement de l’expansion et a pour objectif d’augmenter sa production annuelle de 500 000 à 15 millions de pétoncles. Cette écloserie a une capacité suffisante pour soutenir d’autres usines autochtones et a réussi à faire frayer la panope du Pacifique, une palourde géante, ce qui représente d’autres débouchés commerciaux futurs.

Honorables sénateurs, quelles seraient les conséquences d’un déversement de pétrole majeur sur ces richesses naturelles et cette économie durable qui renferme un si fort potentiel de croissance?

Un déversement majeur menacerait immédiatement et gravement les populations d’espèces rares et en péril, dont le rorqual commun, l’épaulard résident du Nord, les récifs d’éponges siliceuses et l’ours Kermode. Les habitats seraient détruits ou endommagés. On assisterait à une diminution de la population d’espèces sauvages, surtout chez les prédateurs au sommet de la chaîne alimentaire et les espèces longévives, et à une transformation des milieux naturels. Dans la société, il y aurait des effets négatifs sur la santé et la qualité de vie des êtres humains.

Il y aurait contraction de l’économie côtière et sous-emploi. Nous verrions des changements dans l’utilisation des terres et des ressources par les localités en difficulté, qui auraient des effets néfastes. Nous verrions des espèces commerciales être durement touchées ou disparaître. À la longue, la perte pourrait se chiffrer en milliards de dollars.

Toutefois, sénateurs, si nous ne pensons qu’aux répercussions financières qu’aurait un déversement de pétrole, nous faisons erreur. La nature a une valeur intrinsèque.

Pensez au déversement de pétrole de l’Exxon Valdez, qui a tué environ 250 000 oiseaux de mer, 2 800 loutres de mer, 300 phoques communs, 250 aigles à tête blanche, jusqu’à 22 épaulards et des milliards d’œufs de saumon et de hareng dans le golfe du Prince William, en Alaska, et dans les environs. Deux ans après la tragédie, les taux de mortalité des œufs de saumon étaient 96 p. 100 plus élevés qu’avant le déversement. L’ampleur d’une telle tragédie peut occulter la souffrance et la perte de populations sauvages et d’animaux.

Prenez les épaulards. Ils tendent à mourir lors de déversements de pétrole en ingérant et en inhalant le pétrole, et ils sont particulièrement menacés par les déversements en raison de leur faibles populations, de leur faibles taux de reproduction, de leur régime alimentaire spécial, de leur longue vie et de leur structure sociale complexe.

La catastrophe de l’Exxon Valdez a décimé deux groupes d’épaulards. Parmi un groupe d’épaulards résidents se nourrissant de poissons, 14 individus sur 36 sont morts. Un autre groupe de 22 épaulards migrateurs — une population distincte dont l’alimentation est principalement composée de mammifères marins — a perdu toutes les femelles capables de se reproduire. Aujourd’hui, près de 30 ans plus tard, cette population unique s’éteindra bientôt à cause de cette catastrophe.

Lors du déversement de l’Exxon Valdez, on a vu les deux groupes d’épaulards remonter à la surface de la nappe de pétrole. Les épaulards migrateurs ont aussi été aperçus près de la poupe de l’épave, alors qu’elle déversait du pétrole dans les eaux avoisinantes.

Les déversements de pétrole ont divers effets potentiellement mortels sur la faune du Nord-Ouest du Pacifique, y compris l’hypothermie chez les loutres de mer et les petits de l’otarie à fourrure, dont la fourrure perd son effet isolant; des lésions cutanées chez les dauphins et les baleines après avoir traversé les zones souillées; des irritations oculaires chez tous les mammifères; une vulnérabilité accrue aux prédateurs, particulièrement pour les bébés phoques et les oiseaux de mer; la famine causée par l’insuffisance de nourriture et sa contamination; l’endommagement des fanons chez les baleines qui doivent se rendre jusqu’à la surface pour s’alimenter, comme les baleines à bosse et les baleines grises; un affaiblissement du système immunitaire, ce qui accroît la vulnérabilité aux parasites et aux pneumonies bactériennes; la congestion pulmonaire et des dommages aux organes; une ulcération et des hémorragies gastro-intestinales; l’anémie; l’endommagement des muqueuses.

Comme l’indiquent les données recueillies sur la catastrophe de l’Exxon Valdez, en plus des loutres de mer, les oiseaux marins sont particulièrement touchés par les déversements de pétrole. Ils meurent d’hypothermie parce que le pétrole affaiblit ou supprime les propriétés imperméables et isolantes de leurs plumes. Ils peuvent aussi couler, parce qu’ils sont incapables d’emprisonner de l’air pour demeurer en surface, et ils peuvent mourir de faim, parce qu’ils sont incapables de plonger pour aller chercher leur nourriture. Leurs organes sont endommagés par le pétrole qu’ils ingèrent lorsqu’ils tentent de nettoyer leurs plumes et leur capacité de se reproduire est compromise en raison de la coquille de leurs œufs qui est affaiblie, ce qui a pour effet de condamner la prochaine génération avant même qu’elle puisse naître.

(1500)

Aussi dévastatrices qu’elles soient, ces tragédies plus visibles masquent l’effet cataclysmique d’un déversement sur la reproduction et la survie du saumon et du hareng — des espèces vitales aux écosystèmes comme celui de la forêt pluviale de Great Bear. Dans le cas de l’Exxon Valdez, la pêche au hareng dans le golfe s’est effondrée pendant les trois ou quatre années qui ont suivies le déversement. Des décennies plus tard, il reste encore du pétrole sur les plages intertidales et dans les zones infratidales.

Honorables sénateurs, il est difficile de décrire ces conséquences. Ce sont cependant les effets d’un déversement de pétrole majeur dans une région sauvage d’une grande richesse écologique comme la région de la côte nord de la Colombie-Britannique. Pour minimiser les risques qu’un tel désastre survienne, il faut un projet de loi comme le projet de loi C-48, la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers.

Comme le souligne la lettre des chefs et des dirigeants des Premières Nations de la côte Nord-Ouest du Pacifique, en tant que sénateurs et que Canadiens, nous devons demeurer conscients de l’héritage dont nous sommes les gardiens et que nous passerons aux générations futures. Il faut relever le plus grand défi de notre époque : protéger l’environnement qui est menacé et penser autant à ceux qui nous suivront qu’à nous-mêmes. Le projet de loi C-48 répond aux demandes des Canadiens et représente la bonne chose à faire. Il est temps d’agir.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Le sénateur Harder accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Bien sûr.

La sénatrice Dupuis : J’ai écouté attentivement votre discours. Si je comprends bien, vous demandez le consentement du Sénat pour déposer la lettre d’appui adressée aux chefs des Premières Nations de la côte nord de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Harder : J’ai cité la lettre, mais celle-ci n’a pas été traduite en français. Je suis prêt à la déposer maintenant et à demander la traduction ultérieurement.

Son Honneur le Président : Il faut le consentement du Sénat pour déposer la lettre.

Honorables sénateurs, le consentement est-il accordé?

Des voix : Oui.

Le sénateur Harder : Je dépose donc la lettre.

[Traduction]

L’honorable David M. Wells : Merci, sénateur Harder. Accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Bien sûr.

Le sénateur Wells : Vous vous attendiez à ce que je pose une question?

Le sénateur Harder : Je m’attends toujours à ce que vous posiez une question.

Le sénateur Wells : Je ne vais pas commencer à discuter pour savoir quelle côte est la plus intacte, la plus riche du point de vue de la biodiversité, la plus belle ou la plus importante. Vous avez déclaré que, pour le gouvernement du Canada, c’est la côte ouest de la Colombie-Britannique.

Sénateur, avez-vous demandé des lettres d’appui aux travailleurs sans emploi du secteur pétrolier albertain ou aux collectivités défavorisées à cause du bas prix du pétrole et de l’immobilisation d’une des ressources naturelles les plus précieuses du Canada?

Le sénateur Harder : Honorable sénateur, mon discours d’aujourd’hui vise à plaider en faveur de ce projet de loi, qui, je le répète, inscrit dans la loi un moratoire respecté par tous les gouvernements du Canada depuis 1985.

Très franchement, c’est vous et d’autres sénateurs opposés à ce projet de loi qui, par vos commentaires, font ressortir encore davantage la nécessité de légiférer. Ce n’est pas à moi de plaider contre le projet de loi, mais à vous.

Le sénateur Wells : Merci, sénateur Harder. J’ai une autre question. Acceptez-vous d’y répondre?

Le sénateur Harder : Tout à fait.

Le sénateur Wells : Afin d’expliquer votre appui au moratoire prévu dans le projet de loi, vous avez parlé de l’importance de reconnaître et de respecter les communautés autochtones, ce que nous faisons tous à Terre-Neuve-et-Labrador ainsi qu’en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. Vous avez aussi mentionné la grande biodiversité marine de la région, notamment la présence de baleines à bosse et, bien sûr, de petits rorquals. Pour ces raisons, seriez-vous en faveur de l’imposition d’un moratoire semblable sur la circulation des pétroliers dans la baie Placentia ou ailleurs sur la côte Est du Canada?

Le sénateur Harder : Je le répète, honorables sénateurs, le moratoire mis en place en 1985 est le fruit de consultations avec les communautés touchées, les parties intéressées et les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique. Comme je l’ai fait remarquer, il découle aussi d’une entente conclue avec les États-Unis. Si on parvient à un tel consensus sur les besoins de la côte Est, nous devrions évidemment envisager l’imposition d’un moratoire semblable. Cependant, pour l’instant, je n’ai pas entendu parler d’un tel consensus ou, franchement, d’un besoin aussi criant que celui que je viens de décrire.

Le sénateur Wells : Sénateur Harder, j’ai une dernière question. Si l’interdiction volontaire donne de bons résultats depuis 1985, compte tenu des nouvelles technologies qui sont apparues depuis cette date, comme les pétroliers à double coque, les systèmes de surveillance des navires et le repérage par satellite, pourquoi imposer une interdiction législative?

Le sénateur Harder : Vous avez vous-même dit, sénateur, que votre parti s’opposait à l’idée d’une interdiction volontaire. Vous admettrez certainement que c’est à nous de convaincre les parties concernées et les groupes de la société civile que l’adoption d’une loi vaut mieux qu’une interdiction volontaire, car elle représente mieux la volonté du Canada. Selon ce que vous avez vous-même dit, c’est absolument essentiel.

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : J’aimerais que vous répondiez à une question, sénateur Harder, mais avant tout, je tiens à vous remercier des bons mots que vous avez eus pour mon allocution. C’est gentil.

Vous avez parlé des espèces rares, ce genre de chose, mais en ce qui me concerne, ce sont les répercussions sur les gens qui sont ressorties le plus clairement de la rencontre à laquelle nous avons assisté ce matin, vous et moi. Pourriez-vous expliquer aux sénateurs ce que vous avez entendu à propos des terribles effets que tout ceci aura sur les habitants de la région?

Le sénateur Harder : Je vous remercie, sénatrice. Je sais que différentes séances d’information sont organisées par les divers groupes et partis, mais j’espère sincèrement que les sénateurs pourront échanger plus longuement avec les aînés et les chefs autochtones élus.

Ces derniers nous ont parlé des conséquences que même le plus petit déversement peut avoir. Il y en a eu un il y a deux ans, si ma mémoire est bonne, en octobre 2016, et la zone de conchyliculture qui était située à proximité a été complètement détruite. Elle n’a toujours pas pu reprendre ses activités, et elle en sera à son troisième hiver cette année — la conchyliculture est une industrie hivernale.

Nous avons aussi eu d’autres exemples de déversements qui ont eu des conséquences même s’ils étaient de moindre envergure.

Personnellement, je me suis attardé aux répercussions d’un déversement majeur pour décrire l’urgence d’agir.

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, puisque nous en sommes à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi, je pense que nous devons en présenter tous les aspects, autant positifs que négatifs.

Après avoir travaillé pendant presque 15 ans au ministère de l’Environnement à titre de haut fonctionnaire, je suis d’avis que, dans tout projet de loi, il faut un équilibre, et je crois que ce projet de loi n’établit pas cet équilibre.

Honorables collègues, bon nombre de sénateurs et moi-même avons de sérieuses réserves à l’égard de ce projet de loi. Aujourd’hui, l’essentiel de mes remarques portera sur les répercussions du projet de loi sur le Canada et tiendra compte du contexte international de l’économie et de l’exploitation des ressources naturelles.

Tout d’abord, j’aimerais mettre en perspective la place du pétrole brut canadien sur le marché international. Vous n’êtes pas sans savoir que le prix du pétrole brut de type Western Canadian Select produit dans l’Ouest canadien est en chute libre. À l’heure actuelle, le Western Canadian Select se vend à bon marché comparativement au pétrole brut américain, ce qui signifie qu’un baril de pétrole produit au Texas se vend plus cher qu’un baril de pétrole produit en Alberta. Sous la direction du gouvernement actuel, l’écart des prix entre le pétrole canadien et celui des États-Unis s’est creusé de façon spectaculaire.

La semaine dernière, le baril de pétrole Western Canadian Select se négociait à 12 $ par rapport à 53 $ pour le pétrole brut américain. Il s’agit d’un écart de 41 $ le baril.

Cet écart s’explique parl’emplacement de nos sites d’extraction qui sont éloignés à l’intérieur des terres, plus particulièrement en Alberta et en Saskatchewan, ce qui nuit au transport de notre pétrole par oléoduc en direction des deux côtes. C’est aussi en raison de la difficulté de relier ces pipelines à des ports et à des routes d’exportation maritime. Par conséquent, notre pétrole peut difficilement être acheminé vers les marchés mondiaux. Nous sommes obligés de le vendre à bon marché à notre seul client, soit les États-Unis.

(1510)

Dans un éditorial de l’Edmonton Journal diffusé le 29 novembre dernier, Jason Kenney décrivait la crise de développement énergétique que vivent les Albertains. Je traduis ses propos :

Nous avons traversé quatre années difficiles. Plus de 400 000 Albertains sont toujours au chômage. Le chômage a augmenté pendant les six derniers mois, et nous avons été témoins de faillites et d’insolvabilité qui ont atteint un niveau record. Les gens ont perdu leur maison et tout espoir.

La réduction du prix du Western Canadian Select est bel et bien réelle. C’est un problème grandissant qui menace l’avenir économique de plusieurs régions du Canada et qui précarise des milliers d’emplois. Les autres provinces seront tôt ou tard touchées par ce ralentissement économique enregistré dans l’Ouest canadien.

Un autre exemple est celui de la Saskatchewan, dont le gouvernement estime qu’il en coûtera 500 millions de dollars par année en versements de redevances. Cette province a cruellement besoin de l’argent provenant de l’exportation énergétique pour subvenir aux besoins de ses écoles, de ses hôpitaux et de ses services sociaux. Il en résultera également une baisse des investissements en Saskatchewan.

Pourquoi investir dans un projet énergétique quand on sait qu’on sera contraint de vendre le pétrole à bas prix? Nous ne connaîtrons sans doute jamais les répercussions de cet escompte, car il est difficile d’évaluer l’impact d’un investissement non réalisé, le nombre d’emplois qui sont en jeu, et cetera.

Cela m’amène à traiter d’une autre dimension internationale liée au projet de loi C-48, soit l’imposition d’un moratoire. Ce moratoire bloquera de manière définitive l’accès à notre pétrole au plus grand marché du monde, le marché de l’Asie-Pacifique, en interdisant la route d’exportation énergétique la plus logique.

Les experts de l’industrie pétrolière savent que le projet de loi C-48 ne réglera pas le problème de la vente à bon marché de notre pétrole Western Canadian Select et que la situation ne fera que s’aggraver. Une fois que le moratoire sera inclus dans la loi, le processus sera irréversible.

Martha Hall Findlay, femme d’affaires, entrepreneure, avocate et femme politique de Toronto, qui est actuellement PDG de la Canada West Foundation, a posé une question d’actualité dans un article paru dans le Globe and Mail le 31 octobre 2017, et je traduis ses propos :

Pourquoi un moratoire sur ce trafic particulier de pétroliers le long de cette section particulière de la côte Ouest du Canada, alors qu’aucune interdiction semblable ne vise une autre côte canadienne?

Autrement dit, pourquoi déposer un projet de loi qui engendre des différends entre les régions? Pourquoi accorder un statut législatif à un moratoire, mais par pour une autre région?

Pour reprendre les paroles de Don Braid tirées du Calgary Herald, et je cite :

Ce n’est pas du tout un moratoire sur les pétroliers. C’est un blocus à l’égard de certains produits dont la plupart viennent de l’Alberta.

Le sénateur Black, qui a étudié en profondeur la question, est également préoccupé par ce moratoire. Il s’agit d’une interdiction régionale sélective consacrée dans une loi. Le seul fait de consacrer cette interdiction régionale dans une loi complique le processus de modification par la suite.

Je sais très bien que le moratoire existait auparavant. Toutefois, il n’est pas nécessaire de l’emprisonner dans un carcan législatif qui rendra complexe toute modification ou abrogation.

Par ailleurs, le projet de loi ne contient aucune mesure pour réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Il aura simplement pour effet d’accroître le flux de la richesse, des emplois et des recettes fiscales vers les États-Unis au détriment du Canada, parce que chez nos voisins, il est encore possible de lancer des projets énergétiques. De plus, leur pétrole peut être transporté vers les marchés mondiaux en empruntant des pipelines, mais aussi des routes maritimes sécuritaires et efficaces.

Notre gouvernement fédéral semble désapprouver, en principe, l’industrie pétrolière. D’un côté, il achète un pipeline au coût de 4 milliards de dollars, et de l’autre, il empêche l’exploitation des ressources dans une province de l’Ouest. Il fait tout ce qu’il peut pour nuire à nos sociétés pétrolières et faire fuir nos capitaux vers l’extérieur du Canada.

À la lumière de ce constat, il faut tenir compte du contexte international, qui évolue indépendamment de notre gouvernement. Dans les pays asiatiques, l’économie tourne à plein régime. Ces pays ont extirpé de la pauvreté des millions de personnes. Pour maintenir ce développement, il leur faut du pétrole, encore et encore. L’Agence internationale de l’énergie estime que, d’ici 2040, donc d’ici 20 ans, la consommation pétrolière en Chine aura augmenté de 4,1 millions de barils par jour, et, en Inde, de 6 millions de barils par jour. Cela représente une consommation quotidienne de plus de 10 millions de barils supplémentaires dans la région de l’Asie-Pacifique en 20 ans seulement.

L’agence prédit également que, en 2040, la demande mondiale de pétrole aura augmenté de plus de 10 millions de barils par jour par rapport à 2015. Soyons clairs : ces pays achèteront leur pétrole ailleurs, chez des alliés comme les États-Unis ou la Norvège, mais également en Iran, au Venezuela et en Russie, des pays qui ne respectent pas les normes rigoureuses en matière de protection de l’environnement et de conditions de travail que l’on retrouve au Canada, et dont les régimes oppriment la population et appuient les dictateurs.

Je tiens à souligner ici le cas de la Norvège, qui est très intéressant, car c’est un pays souvent cité et admiré par les Canadiens. La production pétrolière de la Norvège, on le sait, se situe en mer du Nord, dans des endroits très fragiles sur le plan environnemental. Ce pays est le plus gros producteur de l’Europe de l’Ouest, et sa production a bondi en octobre 2018. Selon l’OCDE, l’accumulation des recettes pétrolières a donné à la Norvège le pouvoir de se donner une capacité financière pour agir rapidement afin de stimuler son économie et d’accélérer sa croissance. Nous pourrions remplacer ce pétrole par du pétrole canadien, ce qui créerait des emplois et de la richesse chez nous, tout en grugeant les revenus des dictatures dans le monde.

L’exportation du pétrole en Asie, en passant par le nord de la Colombie-Britannique, comporterait un double avantage pour le Canada en matière de politique intérieure et de politique étrangère. Nous jouissons d’un avantage naturel, et je parle de nos ports en eaux profondes dans le nord de la Colombie-Britannique. Ces ports, comme celui de Prince Rupert, sont très développés, sont sécuritaires et sont connectés à des chaînes d’approvisionnement sophistiquées. Ils présentent beaucoup moins d’aléas naturels à la navigation que bon nombre de secteurs à grande circulation maritime, comme le détroit de Malacca, en Indonésie, qui est un lieu de passage stratégique pour le pétrole du monde.

Les ports canadiens de la côte du Pacifique sont également plus près de l’Asie. Par exemple, un pétrolier en provenance de l’Asie pourrait atteindre Prince Rupert trois jours avant de toucher le territoire continental des États-Unis. Le projet de loi C-48 fait fi de tout cela. Il s’oppose aux objectifs stratégiques nationaux et aux réalités du marché international du pétrole. Il ne tient pas compte des normes internationales qui se sont révélées efficaces dans la prévention des incidents maritimes. Il sacrifie plusieurs milliards de dollars et des milliers d’emplois. Il semble destiné à infliger des souffrances à l’Ouest canadien.

Chers collègues, le projet de loi C-48 est un texte législatif déraisonnable qui nuira à l’atteinte des objectifs canadiens en matière de développement et d’exploitation énergétique. J’ose espérer que nous l’étudierons de façon attentive et que nous tiendrons compte de tous les aspects qui y sont liés, aussi bien environnementaux qu’économiques.

Je vous remercie.

[Traduction]

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Le sénateur Boisvenu accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Boisvenu : Oui.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre intervention. Je comprends ce que vous dites. Sénateur, vous avez parlé des millions de dollars que nous perdrons en raison de ce moratoire. Ne croyez-vous pas qu’il serait temps d’écouter les collectivités de cette région qui disent qu’elles ont besoin de ces protections pour protéger leur gagne-pain?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Absolument. Je tiens compte également des demandes des Autochtones, mais je pense qu’il faut envisager la situation actuelle au Canada en ce qui a trait à l’exploitation pétrolière, où l’exportation vers l’Est est bloquée à cause de l’absence d’oléoducs. Il faut examiner aussi les dangers environnementaux liés au fait d’augmenter le transport pétrolier par chemin de fer — on passera de 400 000 wagons par année à 800 000 wagons en 2022. Il y a donc un risque en matière de protection de l’environnement et de sécurité de la population.

Donc, si on tient compte des deux volets, je pense que le gouvernement doit prendre une décision. Cette décision doit être prise en collaboration avec les communautés autochtones et il faut savoir quels sont les avantages qui peuvent en être tirés. Il faut, comme toujours, se demander si ce projet de loi peut vraiment profiter aux communautés autochtones au chapitre économique et s’il peut aussi être avantageux pour le Canada.

(1520)

En ce moment, la situation pétrolière au Canada met en péril nos programmes sociaux, ainsi qu’une catégorie complète de revenus pour le gouvernement canadien et les gouvernements provinciaux. Par exemple, pour le Québec qui reçoit à l’heure actuelle 10 milliards de dollars en péréquation, à cause du prix de l’essence, ces sommes pourraient fondre de 50 p. 100. Cela peut signifier que des provinces comme le Québec devront effectuer des compressions budgétaires dans leurs programmes sociaux.

Selon moi, ce projet de loi ne tient pas compte de cet équilibre, et c’est ce qui représente un danger.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup de votre explication. Sénateur Boisvenu, je comprends très clairement ce que vous dites, mais à mon avis, il n’est pas nécessaire de choisir entre l’un ou l’autre. Nous devons nous pencher sur ce moratoire et les problèmes dans l’Est. Des gens nous demandent que le moratoire volontaire soit inscrit dans la loi. À quoi cela servirait-il de leur répondre que d’autres groupes de personnes souffrent aussi? Pourquoi ne nous attaquons-nous pas aux deux problèmes? Dans un premier temps, nous pouvons nous pencher sur le moratoire et adopter ce projet de loi, puis dans un deuxième temps, nous pourrons examiner les autres problèmes dans l’Est.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Madame la sénatrice, un moratoire peut être adopté par décret et ne nécessite pas absolument l’adoption d’une loi.

Ce que je dis, c’est que ce projet de loi sera étudié à l’étape de la deuxième lecture. Je pense que les communautés autochtones viendront nous présenter leurs points de vue, ainsi que les gens de l’industrie pétrolière, et j’espère que les provinces accepteront également de venir nous parler de l’impact que peut avoir le fait d’enclaver la production dans une province en lui donnant très peu d’outils pour exporter cette richesse vers les pays acheteurs. Je crois que le débat doit aussi être fait à cet égard et non pas exclusivement à l’égard de la côte du Pacifique, même si je reconnais qu’il peut y exister des problèmes environnementaux majeurs.

Cependant, il ne faut pas rester traumatisé. J’ai l’impression, quelquefois, que nous sommes encore traumatisés par l’accident du pétrolier Exxon Valdez. Cela fait 30 ans que cet incident a eu lieu. J’espère que, lorsque le projet de loi fera l’objet d’une étude en comité, les sociétés viendront nous présenter les nouvelles technologies dans ce domaine.

Récemment, dans le cadre d’un voyage d’un comité, nous avons visité une pétrolière des Maritimes et, à cette occasion, on nous a présenté la construction dans la baie d’une future rampe de déversement de pétrole pour les pétroliers. Les technologies utilisées en 2018 sont complètement différentes de celles qui étaient utilisées il y a 20, 30 ou 40 ans.

J’espère que le comité, lorsqu’il étudiera le projet de loi, pourra en examiner tous les éléments, aussi bien en ce qui a trait à la sécurité des transbordements qu’aux problématiques environnementales, à savoir comment on peut aujourd’hui, en 2018-2019, relever les défis qui y sont liés.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le ministre est arrivé. Il est un peu tôt, mais, plutôt que de procéder au prochain article au Feuilleton et de devoir interrompre un sénateur au milieu de son discours, je demande le consentement pour passer immédiatement à la période des questions, qui durera tout de même 40 minutes.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à l’honorable ministre Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances.

Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Bill Morneau, ministre des Finances, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.

Le ministère des Finances

L’énoncé économique de l’automne 2018—L’incidence budgétaire nette des mesures non annoncées

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Monsieur le ministre, bon après-midi et bienvenue. Ma question à votre intention aujourd’hui porte sur un élément intitulé « Incidence budgétaire (nette) des mesures non annoncées », qui se trouve à la page 118 de l’énoncé économique de l’automne.

On constate que plus de 9,5 milliards de dollars sont mis de côté pour l’exercice de 2023-2024. On nous dit simplement que cette somme énorme d’argent comprend des prévisions pour des décisions prévues du Cabinet qui n’ont pas encore été prises ainsi que pour des décisions de financement à venir liées aux questions de sécurité nationale, de sensibilité commerciale, d’accords commerciaux et de litiges.

Le projet de loi omnibus C-86 habilite également la ministre des Affaires étrangères et la ministre du Développement international à conclure des arrangements financiers sans consulter le Parlement.

Ma question est simple : comment justifiez-vous la mise de côté de 9,5 milliards de dollars sans préciser les programmes auxquels ira cet argent?

L’honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances : Merci beaucoup de m’avoir invité ici aujourd’hui. Je suis ravi d’être dans cette enceinte pour la quatrième fois afin de répondre à vos questions.

Je suis très heureux que vous ayez fait allusion à l’énoncé économique de l’automne. Cela me donne l’occasion de parler non seulement de la situation économique du pays, mais aussi de certaines des mesures que nous mettons en œuvre.

Évidemment, l’énoncé économique de l’automne vise avant tout à présenter une mise à jour des finances du pays. Comme vous avez examiné attentivement ce document — vous vous êtes rendus au moins à la page 118 —, vous avez pu constater que la situation financière du pays est très positive. Notre économie se porte bien. Le taux de chômage n’a jamais été aussi bas depuis 40 ans. Si la tendance se maintient, nous allons probablement connaître la plus forte croissance des salaires depuis une décennie.

Bien entendu, nous devons mettre en place les types de mesures qui, selon nous, permettront d’améliorer les choses. Parmi les éléments les plus importants de l’énoncé économique de l’automne, mentionnons des initiatives qui permettront aux entreprises d’investir dans l’avenir. Évidemment, nous nous attendons à faire face à des difficultés au cours des prochaines années. Nous souhaitons donc prévoir les sommes appropriées pour surmonter ces défis, dont certains seront de nature internationale, comme vous l’avez souligné.

Dans l’énoncé économique de l’automne, nous avons prévu des ressources financières pour que les gens aient la certitude que nous pourrons maintenir un équilibre financier approprié, tout en faisant les investissements nécessaires pour le pays, tant aujourd’hui que demain.

Le sénateur Smith : Vous n’avez pas tout à fait répondu à ma question. En 40 ans de carrière, j’ai eu la chance de participer à la gestion de grandes entreprises dotées d’un conseil d’administration. Je sais que vous avez également beaucoup d’expérience dans le milieu des affaires et que vous avez travaillé avec des conseils d’administration.

Croyez-vous qu’un conseil d’administration approuverait, sans avoir la moindre information, les dépenses qui sont faites par des membres de la haute direction? Faisons une comparaison avec les ministres. Nous savons que, par le passé, il y a eu des incidents et des circonstances exceptionnelles où les gouvernements ont pris des mesures sans le consentement du Parlement.

Ne croyez-vous pas que le Parlement devrait être en mesure de déterminer si les dépenses du gouvernement sont appropriées? Ne faut-il pas s’assurer que le gouvernement est en mesure de comprendre comment les fonds sont dépensés?

M. Morneau : Je vous remercie encore de la question. Évidemment, la question est légitime. Nous reconnaissons que la façon dont nous gérons les finances du pays doit être examinée comme il se doit.

Nous avons fait en sorte que les Canadiens sachent comment nous permettons aux entreprises d’investir tout en aidant le Canada à soutenir la concurrence des États-Unis. Nous pouvons aussi constater que nous sommes en mesure de maintenir notre trajectoire financière de manière à réduire la taille de la dette en fonction de l’économie globale. Nous avons effectivement prévu des dispositions en fonction des défis qui devraient se présenter au cours des prochaines années, car les Canadiens s’attendent à ce que nous prévoyions des mesures pour résoudre ces problèmes. Nous avons démontré que nous pouvons composer avec ces difficultés tout en continuant de gérer les finances du pays de façon prudente.

L’analyse comparative entre les sexes

L’honorable Denise Batters : Monsieur le ministre, il y a quelques jours, en Argentine, le premier ministre Trudeau a exposé sa vision de l’établissement d’un budget tenant compte des différences entre les sexes. Il a dit : « Il s’agit d’examiner l’incidence positive ou négative que peut avoir chaque décision sur les femmes, même dans le cas des grands projets d’infrastructure. » Il a également dit ce qui suit :

On peut se demander « pourquoi s’attarder aux différences entre les sexes quand il est question de construire une nouvelle route, un nouveau pipeline ou autre chose du genre? » Un projet qui amène des travailleurs de la construction dans une région rurale aura des répercussions sexospécifiques — il y aura des répercussions sociales parce que ces travailleurs seront principalement des hommes.

(1530)

Quelles sont exactement les affreuses répercussions sexospécifiques qui viendraient, selon ce qu’a laissé entendre le premier ministre, avec l’arrivée d’un groupe de travailleurs de la construction composé principalement d’hommes dans une région rurale?

Je vais vous dire ce que cela signifie, à mon avis, des travailleurs de la construction dans une région rurale, monsieur le ministre. Je peux voir des projets comme la construction de pipelines qui donnent des emplois à des travailleurs de la construction — des gens qui travaillent dur et qui paient des impôts — dans des régions rurales de ma province, la Saskatchewan. Ces travailleurs de la construction, des hommes et des femmes, fondent une famille dans nos collectivités. Ils contribuent à la viabilité des économies locales — à l’économie du pays, en fait. Nous voulons qu’il y ait davantage, et non pas moins, de travailleurs de la construction dans les localités de la Saskatchewan.

Monsieur le ministre, auriez-vous l’obligeance de nous expliquer ce que le premier ministre a bien pu vouloir dire lorsqu’il a donné l’impression que tous les hommes qui travaillent dans la construction constituaient une menace pour les femmes?

L’honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances : Je serai heureux de répondre à cette question et je crois qu’elle comprend plusieurs points.

Tout d’abord, il est évident que l’un des éléments les plus fondamentaux que nous examinons pour nous assurer que le pays va bien, c’est que les gens travaillent et qu’il y ait des emplois. C’est l’un des grands problèmes auxquels nous avons été confrontés lorsque nous sommes arrivés au pouvoir. Au Canada, en 2015, le taux de chômage était de 7,1 p. 100. Maintenant que nous sommes en mesure de collaborer avec les Canadiens, environ 550 000 emplois à temps plein ont été créés au cours des trois dernières années, ce qui signifie que le taux de chômage est à son plus bas en 40 ans. C’est une situation encourageante pour les Canadiens des quatre coins du pays. Bien sûr, notre objectif est que la situation de l’emploi soit positive dans toutes les régions du pays, et nous devons nous efforcer d’atteindre cet objectif.

Pour ce qui est des investissements, nous sommes arrivés à la conclusion que nous devons faire en sorte que tous les Canadiens bénéficient des investissements que nous effectuons. Nous examinons attentivement la façon de garantir que les femmes jouissent des retombées du type d’investissements que nous faisons dans l’économie. Voilà pourquoi nous avons mis en place la budgétisation sexospécifique.

Dans le cas des infrastructures, nous pourrions fort bien examiner les avantages différents qu’un projet d’infrastructure aurait pour les femmes par rapport à ceux qu’il aurait pour les hommes. Ce serait là un bon exemple. Un projet de transport en commun, par exemple, pourrait avoir des répercussions positives sur les femmes. Disons que nous voulons investir dans la construction d’une station de métro. Nous pourrions songer, entre autres choses, à y assurer un éclairage adéquat pour que les conséquences soient les mêmes sur les membres des deux sexes.

Il s’agit là d’outils d’analyse essentiels dont nous nous servons pour veiller à tenir compte des effets que nos investissements ont sur divers segments de la population. Nous examinerons ces effets afin de déterminer ce que nous devrions faire et le genre d’investissements que nous devrions effectuer pour continuer d’obtenir de bons résultats.

J’ajouterai que, en créant davantage d’emplois pour les Canadiens, nous avons augmenté la participation des femmes au marché du travail. Nous savons que ces résultats positifs résultent pleinement de notre approche, qui vise à tenir compte des différentes répercussions des initiatives sur divers segments de la société canadienne.

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir répondu une fois de plus à notre invitation, comme vous l’avez fait souvent. Je suis heureuse que vous soyez parmi nous aujourd’hui. J’ai aussi une question liée à l’analyse comparative entre les sexes.

Avant de la poser, je souhaite souligner l’excellent travail accompli par la sénatrice Nancy Ruth dans le dossier de l’analyse comparative entre les sexes. Je pense à elle parce qu’elle a tenté, pendant des années, de convaincre les gouvernements d’examiner cet enjeu. Je tiens donc à vous féliciter de votre travail à cet égard.

Pendant les travaux du Comité des finances nationales, je vous ai demandé si vous aviez commencé à effectuer une analyse comparative entre les sexes et j’ai souligné l’absence de transparence à ce sujet. En tant que parlementaires, nous n’avons aucune façon d’évaluer le genre de travail que vous effectuez, l’évaluation que vous en faites et les renseignements que vous recueillez. Monsieur le ministre, pendant la séance du Comité des finances, vous avez dit — j’ai la citation exacte, mais je ne prendrai pas le temps de la lire —, bref, vous avez dit qu’un travail de ce genre exigeait du temps et que la transparence viendrait plus tard.

Voici ma question : quand serez-vous en mesure d’informer les parlementaires que nous sommes du travail que vous faites, de la façon dont vous l’évaluez et des effets qu’il a sur la vie des femmes, l’intersectionnalité et la vie des autres communautés touchées par l’analyse comparative entre les sexes?

M. Morneau : Tout d’abord, je vous remercie de cette question. Je pense que c’est une occasion importante pour moi de parler non seulement de ce que nous faisons, mais aussi de la façon dont nous le communiquons.

Comme je l’ai mentionné, nous pensons qu’il s’agit d’une analyse importante qui nous aidera à progresser de manière positive pour combler certaines grosses lacunes dans des dossiers comme ceux de la participation au marché du travail et du salaire égal pour un travail de valeur égale pour les femmes et les hommes.

Nous faisons ce travail depuis quelques années déjà. Je pense peut-être avoir tenu ces propos lors d’une réunion antérieure du Comité des finances, mais, depuis, nous avons eu l’occasion d’apprendre à connaître plus à fond le sujet.

Si vous jetez un coup d’œil au plus récent énoncé économique de l’automne — et la sénatrice l’a sûrement consulté puisqu’elle s’est rendue à la page 118 — vous verrez que nous avons décrit une partie de l’analyse comparative entre les sexes que nous avons menée. Dans le dernier budget, nous la présentons en détail dans le document budgétaire. C’est écrit noir sur blanc.

Cette année, lorsque les ministres préparaient leurs mémoires, je leur ai tous demandé de s’assurer d’avoir effectué cette analyse comparative entre les sexes pour que je puisse m’inspirer de ce qu’ils ont fait et l’inclure dans le document budgétaire.

Nous avons été très transparents. Bien sûr, il est toujours possible de faire mieux. Je m’attends à ce que le budget de 2019 soit encore plus clair en ce qui concerne l’analyse. Si vous avez des conseils à nous donner pour mieux faire les choses, veuillez nous en faire part.

Le régime coopératif de réglementation des marchés des capitaux

L’honorable Howard Wetston : Bienvenue, monsieur le ministre. Je suis debout derrière vous. Je m’en excuse.

Vous savez sans doute que la Cour suprême a confirmé, le 9 novembre, la constitutionnalité de l’instauration d’un régime de réglementation pancanadienne des valeurs mobilières, administré par un seul organisme de réglementation et fondé sur un modèle coopératif. Essentiellement, la décision valide la mise en place d’un régime coopératif de réglementation des marchés des capitaux.

Le jour où cette décision a été rendue, un porte-parole de votre bureau a affirmé que le gouvernement continuerait de travailler avec les provinces et les territoires concernés pour élaborer un régime coopératif qui protégerait mieux les investisseurs et améliorerait la maîtrise des risques systémiques liés aux marchés des capitaux.

Monsieur le ministre, pourriez-vous informer le Sénat des prochaines mesures qu’il faudra prendre pour assurer la mise en place de cet organisme coopératif de réglementation des valeurs mobilières? Je tiens à ajouter en passant, et je pense que vous le savez, que les premiers efforts déployés pour en arriver là remontent à plus de 80 ans.

L’honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances : Il est vrai que la question s’impose.

D’abord, nous attendions les conclusions de cette décision pour déterminer les prochaines étapes à suivre. Nous sommes encouragés par la décision de la cour, qui confirme notre capacité d’aller de l’avant pour établir un régime coopératif national.

Les prochaines étapes consisteront à collaborer avec les provinces qui souhaitent faire partie de l’initiative. Nous tenterons également de travailler avec celles qui ont refusé d’y participer. J’aurai une réunion avec mes collègues, qui est prévue dans une semaine. Nous discuterons notamment de cette question, parmi beaucoup d’autres, et nous établirons les prochaines étapes à suivre ensemble.

Nous devrons aussi réfléchir à un aspect fondamental : il faut trouver des moyens de garantir la coopération entre les provinces participantes et non participantes afin de créer une approche conjointe pour gérer les enjeux nationaux.

Comme vous pouvez l’imaginer, il sera important d’aborder, pendant nos prochaines discussions, le financement du régime national, qui est mené par le gouvernement fédéral. Même si nous continuons de vouloir jouer un rôle central, nous discuterons à tout le moins avec les provinces pour déterminer leur volonté de participer à cet aspect également.

Il y aurait beaucoup d’autres choses à dire. Je me contenterai de souligner que les prochaines étapes sont maintenant imminentes en raison de la décision rendue par la cour.

Le régime d’assurance-médicaments

L’honorable Donna Dasko : Merci de votre présence parmi nous, monsieur le ministre. Ma question porte sur le régime national d’assurance-médicaments.

Le ministre sait pertinemment que toutes les provinces du pays offrent un régime de couverture publique et qu’il existe actuellement une douzaine de régimes d’assurance-médicaments qui sont fort différents.

À l’approche du dépôt du rapport tant attendu du conseil consultatif fédéral sur la mise en œuvre d’un régime d’assurance-médicaments, j’aimerais demander au ministre si les fonctionnaires du ministère des Finances ont entamé des pourparlers avec les provinces sur d’éventuels arrangements fiscaux concernant les principales options que le gouvernement envisage pour un futur régime d’assurance-médicaments.

L’honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances : Je vous remercie de votre question. Comme vous l’avez indiqué, nous avons confié à un conseil consultatif la tâche d’étudier des solutions possibles pour combler les lacunes qui existent relativement à la prestation d’assurance-médicaments au pays. Le rapport n’a pas encore été rédigé. Je n’ai pas vu — et personne au ministère des Finances n’a encore vu — les conclusions de ce rapport.

(1540)

Comme vous pouvez l’imaginer, nous examinons différents modèles financiers pour nous assurer de connaître les coûts qu’entraîneraient diverses idées, mais, à ce stade-ci, nous ne sommes pas arrivés assez loin : nous n’avons pas encore reçu de rapport du comité consultatif et nous ne pouvons y donner suite ni déterminer ce que cela pourrait impliquer d’en être à un stade où nous pouvons discuter avec les provinces. Ce serait la prochaine étape dans n’importe quel processus, car nous aurions, bien entendu, à prendre en considération les répercussions pour les provinces et pour d’autres organismes qui participent actuellement à la prestation de régimes d’assurance-médicaments, y compris les employeurs et les fournisseurs, et à réfléchir à la question de la prestation et à la façon de nous assurer que les gens sont protégés. De plus, les questions de coûts seront aussi importantes.

Ce seront donc les prochaines étapes. On pourra en dire davantage. Selon mes estimations, nous recevrons probablement plus d’information du comité consultatif durant le premier trimestre de 2019. À ce moment-là, nous rendrons le projet plus transparent.

[Français]

Les réfugiés et les demandeurs d’asile

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Monsieur le ministre, je trouve déplorable qu’on doive s’en remettre au directeur parlementaire du budget plutôt qu’à vous pour connaître les véritables coûts liés à l’immigration illégale qui a été déclenchée à la suite d’un gazouillis diffusé par le premier ministre. Un milliard de dollars, ce n’est rien de moins que 16 000 $ par réfugié. Or, ce montant double lorsque les procédures traînent en raison des méthodes d’évaluation de dossiers inefficaces de votre gouvernement. Pire encore, l’Ontario réclame une facture de 200 millions de dollars, le Québec réclame probablement la même somme, et vous prévoyez de les régler avec 50 millions de dollars. Où se trouve l’argent nécessaire dans votre mise à jour de la situation économique pour payer la facture liée à cette décision politique? Est-ce que cette dépense s’ajoutera au déficit inacceptable de 19 milliards de dollars que vous mettez sur la carte de crédit des Canadiens?

L’honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances : Merci. À notre avis, il est très important d’avoir un système d’immigration qui fonctionne et d’avoir suffisamment de fonds — non seulement à l’échelon fédéral, mais aussi à l’échelon provincial — pour veiller à ce que notre système puisse accommoder les gens qui veulent vivre au Canada. Nous sommes en pourparlers avec les gouvernements du Québec et de l’Ontario afin de trouver une solution qui sera acceptable pour les deux ordres de gouvernement.

Il est nécessaire d’examiner non seulement les impacts, mais aussi les collaborations futures. Nous voulons créer un système d’immigration assez ouvert tout en nous assurant qu’il fonctionne pour les gens qui sont ici et qui présentent des demandes d’asile. C’est très important. Nous allons continuer de travailler avec les provinces pour nous assurer d’avoir assez de fonds pour financer notre approche.

Le Québec—La protection des consommateurs

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Bienvenue, monsieur le ministre. Dans le même ordre d’idées que mon collègue, je vous informe, à titre d’introduction, que, à la fin du mandat du gouvernement fédéral libéral, une situation peu envieuse fera en sorte que chaque Canadien aura dorénavant une dette de 100 000 $ à léguer à ses petits-enfants.

En ce qui concerne le projet de loi C-86, vous avez reçu une lettre de la ministre de la Justice du Québec et du ministre des Finances du Québec, qui se disent très préoccupés par l’empiétement du gouvernement fédéral sur les responsabilités provinciales en matière de protection des consommateurs. Ce projet de loi, dont nous sommes saisis à l’heure actuelle, fera en sorte que les Québécois seront moins protégés. Cela a été le cas il y a quelques années avec le projet de loi C-26, qui a fait reculer les droits des Québécois en matière de protection.

En réponse à la présentation et à l’adoption unanime à l’Assemblée nationale d’une motion visant à empêcher le projet de loi de faire reculer la protection dont jouissent les Québécois, avez-vous consulté le Québec sur ce projet de loi? Êtes-vous prêt à l’amender afin de ne pas mettre en péril la protection des Québécois?

L’honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances : Merci de la question. Nous avons eu des consultations avec toutes les provinces pour nous assurer que nos approches respectives sont compatibles. Cela a déjà été fait. Les diverses lois qui traitent de la protection des consommateurs à travers le pays, y compris au Québec, seront complémentaires à notre approche nationale. C’est très important.

Pour chaque situation, s’il y a des mesures de protection qui existent dans le système provincial, elles pourront être mises en œuvre de concert avec les protections qui seront prévues dans l’approche que propose le projet de loi C-86. Les deux régimes peuvent coexister.

[Traduction]

Les Premières Nations—Les recettes provenant de la taxation du cannabis

L’honorable Lillian Eva Dyck : Bienvenue, monsieur le ministre. Comme vous le savez, le 1er mai, il y a sept mois, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones déposait son rapport sur le projet de loi C-45, Loi sur le cannabis, et ce rapport recommandait que le ministère des Finances prenne des mesures immédiates avec les Premières Nations et les institutions des Premières Nations qui le souhaitent afin qu’elles puissent tirer des revenus de la taxe d’accise sur le cannabis, comme suit : premièrement, modifier la Loi sur la gestion financière des premières nations de manière à accorder aux Premières Nations le pouvoir législatif voulu pour percevoir la taxe d’accise sur le cannabis produit sur les terres de réserve; deuxièmement, modifier la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la gestion financière des premières nations de façon que les Premières Nations puissent percevoir efficacement la taxe; troisièmement, permettre aux Premières Nations de conserver les revenus locaux liés au cannabis pour les affecter à leur propre infrastructure, ainsi qu’aux services de santé et d’éducation, entre autres; quatrièmement, reconnaître le pouvoir des Premières Nations d’établir leurs propres cadres de réglementation, ce qui inclut l’octroi de permis, le zonage et l’application de la loi.

Le projet de loi C-45 est entré en vigueur le 17 octobre, mais les Premières Nations sont toujours désavantagées parce qu’aucun projet de loi qui leur permettrait d’obtenir leur part des recettes de la taxe d’accise n’a encore été présenté.

Le 23 octobre et le 27 novembre, le Comité des finances a entendu Manny Jules, commissaire en chef de la Commission de la fiscalité des premières nations. M. Jules a indiqué avoir participé à des réunions préliminaires avec des représentants du ministère, mais que les réunions suivantes à ce sujet ont été reportées à l’an prochain. Le commissaire en chef Jules a indiqué au comité que les changements doivent se refléter dans le prochain budget pour que les Premières Nations puissent bénéficier, au même titre que les provinces et les territoires, des recettes provenant de la taxe d’accise. De toute évidence, c’est une omission que de ne pas avoir inclus les Premières Nations dans le cadre de partage de la taxe d’accise, en mai dernier.

Par conséquent, monsieur le ministre, ma question à votre intention est la suivante : pourriez-vous informer le Sénat des mesures prises à ce jour par le ministère des Finances à ce chapitre? Quand les modifications nécessaires à la Loi sur la gestion financière des premières nations et aux autres lois seront-elles déposées au Parlement?

L’honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances : Je remercie la sénatrice de sa question.

Comme vous le savez, nous travaillons à un nouvel arrangement fiscal élargi avec les Premières Nations, et le but de cet arrangement est de s’assurer d’adopter une approche progressiste qui reconnaît la place importante qu’occupent les Premières Nations au pays.

Vous avez donné des précisions au sujet de réunions qui ont été tenues. Nous continuerons de collaborer avec les groupes des Premières Nations pour conclure un nouvel arrangement fiscal élargi. La question précise que vous soulevez s’inscrit dans cet arrangement élargi.

Nous continuerons de considérer la question dans le cadre d’une approche globale plutôt qu’à titre de question fiscale précise.

Les initiatives relatives à l’infrastructure

L’honorable Marty Deacon : Je vous remercie d’être des nôtres aujourd’hui. Ma question porte sur les dépenses d’infrastructures.

Selon l’énoncé économique de l’automne, seulement 6 milliards de dollars ont été dépensés sur les 13 milliards qui avaient été affectés à des projets précis. Cela fait écho aux récents propos des conseillers municipaux, des maires et de la Fédération canadienne des municipalités, le groupe qui représente l’organisation nationale de 2 000 municipalités. Ils nous ont dit qu’ils savent que de l’argent a été mis à leur disposition, mais qu’ils éprouvent de la difficulté à y avoir accès. En particulier, je crois comprendre que le problème est partiellement attribuable au fait que les petites municipalités ne disposent pas de la capacité et des ressources requises pour suivre un processus apparemment compliqué en vue d’obtenir une partie des fonds mis de côté pour les infrastructures.

(1550)

Pourriez-vous nous expliquer pourquoi cet argent n’est pas versé aux municipalités à un rythme raisonnable et ce que fait le gouvernement pour possiblement faciliter les transferts?

L’honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances : Merci. Votre question porte sur de nombreux enjeux différents.

D’abord, en raison de leur nature, il faut un certain temps pour intégrer les dépenses d’infrastructure dans l’économie. La plupart de ces investissements ont commencé après le budget de 2016, quand nous avons dû en arriver à des ententes avec les provinces. Comme vous le savez, il faut établir ces ententes afin de déterminer les projets qui obtiendront des fonds destinés aux infrastructures.

Ces ententes sont maintenant signées, mais le montant dont vous avez parlé — les 6 milliards de dollars — ne reflète pas totalement ce qui se passe en réalité. Tout d’abord, nous sommes incapables de savoir ce qui a été dépensé avant d’obtenir les factures. Dans bien des cas, le financement du fédéral arrive longtemps après que le projet a été commencé — et parfois seulement à la fin du projet. Par conséquent, on ne sait pas exactement les sommes que l’on a dépensées.

À l’heure actuelle, il y a environ 30 000 projets en cours aux quatre coins du pays, et on constate les effets bénéfiques qu’ils ont sur l’économie. La reprise se confirme de plus en plus.

Vous avez soulevé un deuxième point : ce ne sont pas toutes les municipalités qui bénéficieront d’un projet. Dans bien des cas, ce sont les gouvernements provinciaux qui déterminent les meilleurs projets pour leur province. Le gouvernement fédéral n’est pas en mesure d’intervenir pour leur dire quoi faire, alors il collabore avec eux.

Il est donc pratiquement inévitable que certains projets se heurtent à des obstacles, à l’échelle municipale, mais nous croyons que, grâce au financement prévu sur une dizaine d’années, la contribution aux projets d’infrastructure sera considérable. Nous sommes toujours d’avis qu’il faut travailler avec les provinces et les municipalités, parce que les fonds devraient être accordés en fonction des projets qu’elles jugent importants, mais aussi parce que nous nous attendons à ce que ces administrations apportent également leur contribution afin que nous puissions plus efficacement combler les lacunes sur le plan des infrastructures et stimuler l’économie.

La réforme des pensions

L’honorable Sabi Marwah : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre, et je vous remercie encore de votre présence.

Je suis sûr que vous avez entendu parler de l’horrible situation des retraités de Sears, qui ont perdu une partie importante de leur pension lorsque Sears a déclaré faillite, puisque leur régime de pension était considérablement sous-capitalisé.

Monsieur le ministre, le ministère des Finances a-t-il envisagé d’apporter certaines réformes aux régimes de pension afin d’éviter qu’une telle situation se reproduise? A-t-il songé notamment à prendre des mesures pour éviter le dépouillement des actifs ou l’effondrement des régimes de pension après la faillite, de manière à ce que les régimes soient maintenus? Si c’est le cas, nombre de sénateurs, moi y compris, seraient ravis de travailler avec vous afin de faire le nécessaire pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise.

L’honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances : Je vous remercie de votre question. Nous étudions actuellement les moyens de veiller à ce que le système fonctionne lorsqu’une entreprise fait faillite et laisse le régime de pension en position déficitaire. Nous vérifions la pertinence des règles dictant l’ordre des créanciers en cas de faillite. Nous amorçons un processus de consultation à cette fin.

Nous devrons toutefois faire preuve d’énormément de prudence, parce que les grandes sociétés qui offrent des régimes de retraite à prestations définies à leurs employés — un concept que vous connaissez très bien, je le sais — doivent aussi avoir l’assurance que cela ne nuira pas indûment à leurs affaires, car elles seront alors tentées de mettre fin d’emblée à ce type de régime.

À l’heure où l’on se parle, en Ontario, moins de 10 p. 100 des travailleurs du secteur privé ont un régime à prestations définies. On ne se le cachera pas, ces régimes se font de plus en plus rares. De notre côté, nous devons trouver l’équilibre pour non pas précipiter la fin de ce type de régime, mais bien protéger ceux qui en ont un, surtout quand survient une catastrophe comme celle qui a frappé les employés de Sears.

Les consultations viennent de commencer, et c’est mon collègue, Matthew Bains, qui les dirige. Nous tiendrons compte des commentaires recueillis pour bien protéger les travailleurs tout en veillant à ne pas déstabiliser le reste du système.

Les dépenses du gouvernement

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le ministre, je sais que les intérêts sur la dette s’élèvent à environ 23 milliards de dollars pour l’exercice en cours. Le directeur parlementaire du budget a signalé le mois dernier que, dans seulement cinq ans, soit d’ici 2023-2024, ce coût grimpera à quelque 37 milliards de dollars. Pour mettre les choses en perspective, d’après l’énoncé économique de l’automne que vous avez présenté récemment, c’est à peu près le même montant que celui consacré au Transfert canadien en matière de santé l’année dernière.

Le gouvernement a poursuivi ses dépenses massives sans s’attaquer aux problèmes fondamentaux qui nuisent à notre compétitivité. Il ne le fait certes pas pour le secteur pétrolier et gazier du pays, qui a été ignoré dans votre mise à jour financière.

Monsieur le ministre, en léguant toute cette dette aux générations futures, le gouvernement les prive de perspectives d’avenir. Ces personnes hériteront d’un fardeau fiscal. En tant que parents et grands-parents, il est extrêmement préoccupant de penser que nous refilerons un aussi lourd fardeau à nos enfants et à nos petits-enfants.

Je sais que vous avez répondu à des questions sur vos engagements de dépenses et sur les mesures que vous prenez. Toutefois, je veux vous demander ce que le gouvernement fait pour contenir les dépenses, parce qu’elles sont vraiment très élevées et pourraient grandement assombrir l’avenir des futures générations.

L’honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances : Votre question comporte un certain nombre d’éléments. La meilleure façon d’y répondre est de regarder l’état des finances nationales. La meilleure façon de connaître l’état des finances du pays est de nous comparer à d’autres pays.

Au pays, la situation est très positive, car le montant de la dette en fonction de l’économie est faible. Comparativement à d’autres pays, notre situation est fort positive. La situation du Canada est la meilleure de tous les pays du G7. Le montant de la dette en fonction de l’économie représente moins de la moitié du montant moyen de la dette des pays du G7. Il est toujours important de commencer par regarder ce qui se trouve véritablement dans le bilan.

Dans votre question, vous avez aussi indiqué que le pays devait rester compétitif. Nous reconnaissons que c’est important. L’énoncé économique de l’automne montre que le pays se trouve dans une situation économique particulièrement bonne. Les mesures que nous avons mises en place au cours des dernières années ont engendré un taux de croissance positif. L’an dernier, aucun autre pays du G7 n’a connu une croissance économique aussi rapide que la nôtre. Qui plus est, cette année et l’an prochain, la croissance économique du Canada et celle des États-Unis seront les plus rapides du G7. Les mesures que nous avons adoptées pour favoriser la compétitivité nous permettent de réduire notre dette en fonction de notre économie au fil du temps. Par conséquent, nous sommes en voie de réduire non seulement notre déficit, mais aussi notre dette en fonction de notre économie.

C’est ce que nous disent les chiffres. Vous les connaissez sûrement, madame la sénatrice, puisqu’ils se trouvent aux pages 110 et 111. Comme vous vous êtes rendue jusqu’à la page 118, vous les avez sûrement vus. Vous pouvez y jeter un coup d’œil. Ils se trouvent dans le document, noir sur blanc.

Nous avons réglé des problèmes au chapitre de la compétitivité tout en parvenant à réduire notre dette et notre déficit. Nous pensons que c’est important, car cela permettra à vos enfants ou à vos petits-enfants de décrocher le type d’emploi qu’ils souhaitent. Les mesures que nous avons mises en place pour favoriser la compétitivité permettront aux entreprises de faire des investissements qui créeront des emplois.

Gouverner, c’est atteindre un juste équilibre. À notre arrivée au pouvoir, nous avions une bonne situation financière. Lorsqu’ils ont dû composer avec un bilan financier difficile, les premiers ministres Chrétien et Martin ont pris des décisions judicieuses, qui nous permettent aujourd’hui d’investir dans l’avenir.

L’évitement fiscal

L’honorable Serge Joyal : Le 28 juin, l’été dernier, il y a moins de cinq ans, l’Agence du revenu du Canada a publié un rapport de 72 pages révélant pour la première fois que le gouvernement perd jusqu’à 3 milliards de dollars par année en recettes fiscales parce que des Canadiens dissimulent leurs revenus dans des paradis fiscaux, ce qui laisse M. et Mme Tout-le-Monde assumer la majeure partie du fardeau fiscal au Canada.

La même étude a aussi révélé que l’évasion fiscale et l’évitement fiscal font perdre, au total, 17 milliards de dollars par année à l’État.

Mon collègue vous a parlé du problème du déficit. On pourrait éliminer le déficit du Canada simplement en recouvrant l’argent camouflé dans des paradis fiscaux et en remédiant à l’évitement fiscal.

(1600)

Pourquoi le gouvernement prend-il autant de temps et semble-t-il parfois si peu disposé à combattre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal au Canada pour que ce ne soit pas nous, la classe moyenne, qui payions la note?

L’honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances : Je vous remercie de votre question. Il est peut-être vrai que les gouvernements précédents ont négligé ce problème, mais ce n’est certainement pas le cas de l’actuel gouvernement. Nous avons versé environ 1 milliard de dollars à l’Agence du revenu du Canada pour qu’elle veille à ce que nous touchions les recettes fiscales qui nous reviennent.

Nous collaborons également avec des organismes internationaux, surtout par l’intermédiaire de l’OCDE, pour qu’il y ait des mécanismes en place à cette fin. Nous adhérons à la norme commune de déclaration, de sorte qu’il nous est possible de voir les comptes bancaires à l’étranger. Nous travaillons à assurer la divulgation de la propriété effective en ce qui concerne les personnes morales au pays, afin de pouvoir constater ce qui se passe dans les sociétés.

La tâche est ardue. Il est important de mettre en œuvre les mécanismes nécessaires. Nous récoltons les fruits de nos efforts. Je peux vous affirmer que le financement accordé à l’Agence du revenu du Canada s’est avéré un investissement rentable, car il y a eu une augmentation des recettes recueillies auprès de contribuables qui n’avaient pas payé leur juste part d’impôt par le passé ou qui ne l’avaient pas payé à temps.

Nous allons poursuivre nos efforts en ce sens. Tout cela est d’une importance capitale, selon nous. Assurément, si vous avez des conseils sur des secteurs ou des façons plus efficaces de procéder, nous les écouterons volontiers.

[Français]

Le soutien apporté aux médias

L’honorable René Cormier : Monsieur le ministre, bonjour. Le 21 novembre dernier, vous avez divulgué la mise à jour économique du gouvernement, laquelle contient une série de mesures destinées à soutenir l’industrie des médias de l’information. Je tiens d’abord à souligner l’effort que fait le gouvernement pour soutenir cette industrie, tel que votre mise à jour le précise. Le journalisme local est crucial dans toutes les communautés du Canada et, à mon avis, il est essentiel à la vie démocratique.

Votre gouvernement avait annoncé une aide financière pour les médias dans son budget de mars 2018. Or, en septembre dernier, ces médias n’avaient toujours pas accès aux fonds liés à cette annonce. Aujourd’hui, l’Alliance des radios communautaires du Canada nous expliquait que le gouvernement devait faire un appel de propositions aux journaux et que, à la suite de cet appel, les fonds seraient distribués. Or, l’Alliance des radios communautaires ignore toujours comment l’appel de propositions sera fait et à quel moment la distribution des fonds aura lieu. Manifestement, l’argent n’a pas encore été versé, monsieur le ministre.

Au moment où 80 p. 100 des revenus publicitaires en ligne tombent dans les poches de géants tels que Facebook et Google, on constate un nombre effrayant de fermetures de médias, qui sont passés de 139 quotidiens en 2008 à 88 en 2018. Pourquoi votre gouvernement n’accélère-t-il pas l’accès aux fonds et tarde-t-il à donner accès à l’aide promise, puisqu’il s’agit pourtant d’une question de survie pour les médias communautaires?

L’honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances : Merci de votre question. Cet enjeu est très important pour notre gouvernement. Il est nécessaire d’avoir une approche robuste, en ce qui concerne le secteur du journalisme, pour s’assurer que l’information demeure accessible à tous. Nous avons fait des choses qui aideront le secteur dans les petites villes à travers le pays.

Je ne sais pas exactement ce qu’on a fait avec les mesures pour veiller à ce que les fonds répondent aux besoins et aux défis. Toutefois, grâce aux mesures contenues dans la mise à jour économique de l’automne, nous croyons que notre approche fonctionnera et permettra de créer un système vraiment indépendant du gouvernement, au bénéfice de tous, bien sûr, mais qui pourra surtout venir en aide au secteur à l’avenir.

Si vous voulez en savoir davantage, je peux obtenir de l’information de mon bureau pour savoir exactement ce qu’on a fait au cours des six derniers mois.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée. Je suis sûr que tous les honorables sénateurs se joindront à moi pour remercier le ministre Morneau de sa présence parmi nous aujourd’hui. Merci, monsieur le ministre.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les océans
La Loi fédérale sur les hydrocarbures

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bovey, appuyée par l’honorable sénateur Harder, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures.

En juin 2016, le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne a annoncé l’engagement et le plan du gouvernement du Canada en vue de répondre aux objectifs établis à la conférence des parties à la Convention sur la biodiversité biologique qui s’est tenue au Japon en 2010. Ces objectifs internationaux consistent à protéger 10 p. 100 des aires marines et côtières d’ici 2020. Ces aires sont désignées comme étant des zones de protection marine.

Nous pouvons tous convenir que tous les Canadiens jugent essentiel de protéger les rivières, les lacs et les océans. Toutefois, le projet de loi C-55 suscite des inquiétudes importantes et légitimes chez bon nombre d’intervenants avisés.

L’objectif arbitraire de 10 p. 100 semble relativement modeste à première vue, mais l’est-il vraiment dans le contexte canadien? Le Canada possède le littoral le plus long du monde. Un engagement de 10 p. 100 par le Canada surpasse de beaucoup l’engagement d’autres pays. On n’a qu’à penser au littoral belge à titre de comparaison. Le Canada compte près de 5 millions de kilomètres carrés d’aires marines. Ainsi, l’objectif de 10 p. 100 représente près de 500 000 kilomètres carrés. C’est un engagement de taille de notre part qu’il faut gérer avec grand soin. Nous devons parvenir à un équilibre afin que les intérêts des intervenants soient reconnus, respectés et pris en considération dans toute décision réfléchie.

Malgré ses longues côtes, le Canada est déjà parvenu à protéger environ 8 p. 100 de ses océans en établissant 11 zones désignées. Six de ces zones se trouvent au Canada atlantique, et on envisage d’en établir cinq autres le long de la côte Est et du golfe du Saint-Laurent. En effet, la zone de protection marine récemment désignée au banc de Sainte-Anne, à l’est du Cap-Breton, et la zone de protection marine prévue dans le chenal laurentien, entre le Cap-Breton et Terre-Neuve, ont capté l’attention des pêcheurs locaux qui seront peut-être touchés.

Je tiens à rappeler au gouvernement et aux bureaucrates qu’ils ne devraient pas négliger ou sous-estimer l’importance de l’industrie des pêches de l’Atlantique Nord pour l’économie du Canada atlantique et celle de tout le pays. En tant que Canadiens, on nous dit depuis longtemps que le commerce de la fourrure a joué un rôle important dans l’évolution du pays, dans l’exploration et la colonisation de ses régions intérieures et dans son économie. Il s’agit d’un fait historique bien établi au Canada. Cependant, même à son apogée en 1800, la valeur du commerce de la fourrure n’a jamais excédé celle des pêches de l’Atlantique Nord.

Ma province, la Nouvelle-Écosse, est presque entièrement entourée par l’océan. Il y a au moins une personne qui travaille dans l’industrie de la pêche d’une manière ou d’une autre dans chacune des collectivités le long de la côte, grandes ou petites. Les Néo-Écossais comprennent l’importance de la durabilité des écosystèmes marins et ils sont prêts à collaborer avec tous les gouvernements et les intervenants pour soutenir les mesures raisonnables qui permettront d’assurer que la mer continuera d’offrir leur gagne-pain à des milliers de personnes, ainsi que de la nourriture à des millions d’autres.

Cependant, nous ne voulons pas que l’autorité fédérale, par les actions arbitraires d’un ministre, crée de nouveau des problèmes au sein de cette industrie. La destruction des stocks de morue, dans les années 1970 et 1980, a anéanti la pêche au poisson de fond la plus lucrative au monde, une pêche qui était durable depuis plus de cinq siècles. Les Canadiens de l’Atlantique ont de quoi se méfier des décisions du fédéral en ce qui a trait à la gestion des pêches. Nous allons veiller au grain pour éviter que nos intérêts en matière de pêche soient compromis par ceux qui veulent mettre de l’avant un programme idéologique insensé au détriment du bien-être des pêcheurs et de leur famille. Les zones marines sont déjà surveillées de près au Canada et on ne peut laisser Ottawa imposer des désignations arbitraires concernant les zones de protection marine sans qu’il ait d’abord mené des consultations sur les effets qu’elles auraient à long terme sur l’avenir de la pêche et les collectivités concernées.

Pendant plusieurs décennies, les pêches de l’Atlantique ont servi de levier de négociation aux gens qui sirotaient des cocktails dans les salons en Europe. Il leur est arrivé trop souvent d’affaiblir nos pêches et de céder des droits canadiens au bénéfice d’autres pays.

Encore aujourd’hui, les flottes étrangères pêchent trop de poissons et causent trop de dommages au large de nos côtes. Si le gouvernement et les bureaucrates souhaitent imposer des restrictions à l’industrie des pêches du Canada atlantique, j’espère qu’ils examineront cet irritant perpétuel avec tout le soin qu’il mérite.

(1610)

Le projet de loi C-55 permettra dorénavant la désignation temporaire de zones d’importance ou de zones sensibles, qui seront définies par des scientifiques en consultation avec divers intervenants. Il faut toutefois souligner que, conformément au principe de la prudence, l’absence de certitude scientifique quant aux risques que peut présenter une activité ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures visant à prévenir la dégradation de l’environnement. La science en prend donc pour son rhume.

Bien que le secteur des pêches commerciales appuie le principe de la prudence, il souligne, à juste titre, que le gouvernement a adopté ce principe parce que le ministère des Pêches et des Océans ne dispose pas de recherches scientifiques suffisantes ni de données de référence suffisantes au sujet de l’environnement. De plus, ce sera un énorme défi pour l’industrie de composer avec les nouvelles zones de protection marine qui s’ajoutent aux mesures de gestion des pêches déjà en vigueur.

Une zone de protection marine provisoire gèlerait l’empreinte des activités actuelles pour cinq ans. À toutes fins utiles, le projet de loi accorde au ministre le pouvoir de bannir arbitrairement une activité dans une zone désignée. L’établissement d’une zone de protection marine permanente prendrait environ sept ans.

Les décisions visant à déterminer si les activités de pêche seront autorisées, limitées ou interdites dans une zone de protection marine provisoire seront prises au cas par cas après avoir déterminé si les activités en question nuisent aux objectifs de conservation. Cela va compliquer énormément les choses pour ceux qui veulent obtenir une licence une fois l’arrêté ministériel en vigueur. Encore une fois, on permet à un ministre de la Couronne d’exercer un énorme pouvoir de façon subjective et, si cela est fait de manière inconsidérée ou trop hâtive, il pourrait y avoir des répercussions négatives à long terme sur une activité économique qui serait normalement indiquée et bien accueillie.

Ces mesures risquent donc de faire hésiter les investisseurs. L’Inuvialuit Regional Corporation, par exemple, s’est montrée préoccupée par l’idée du gel de l’empreinte laissée par l’activité humaine dans les zones de protection marine désignées. Elle pense que les éventuels promoteurs, y compris les entreprises de la région, ne proposeront pas de projet dans les secteurs où le ministre est autorisé à établir une zone de protection marine provisoire par arrêté en raison du risque que les activités soient gelées pendant une période donnée.

Ce n’est pas une situation que nous aimerions voir à l’échelle du pays, mais le gouvernement semble insensible à ces préoccupations et prêt à prendre le risque qu’une décision soit prise de manière précipitée sans tenir compte des effets négatifs à long terme sur l’économie que pourraient avoir des restrictions arbitraires imposées pour des motifs politiques.

Le gouvernement actuel s’est présenté comme le grand défenseur des sciences. Au cours des mois qui ont suivi les dernières élections, j’ai souvent cru que je devais regarder des deux côtés avant de sortir de l’édifice de l’Est, de crainte de me faire piétiner accidentellement par une bande de scientifiques du gouvernement en sarrau blanc trépignant de joie après avoir été libérés de leur purgatoire.

Aujourd’hui, le gouvernement est en train de dire qu’il n’est pas nécessaire de se fonder sur des données scientifiques en bonne et due forme pour établir une zone de protection marine. Les dispositions arbitraires et subjectives du projet de loi C-55 accordent des pouvoirs qui ouvrent la voie à des abus et, indéniablement, à de l’ingérence politique, au détriment de la prise de décisions fondées sur les données scientifiques appropriées.

De plus, ce projet de loi propose de modifier la Loi fédérale sur les hydrocarbures de manière à interdire aux titulaires d’entreprendre ou de poursuivre des activités dans les zones de protection marine désignées en vertu de la Loi sur les océans. Il accorde au ministre le pouvoir d’annuler un projet pétrolier ou gazier prévu dans cette zone désignée, ce qui, encore une fois, laisse entendre aux sociétés pétrolières et gazières que le Canada n’est pas disposé à faire des affaires.

Pourquoi le gouvernement est-il prêt à restreindre avec autant de désinvolture le développement économique du pays, en particulier celui du Canada atlantique, où les débouchés économiques sont moins nombreux et où on devrait encourager et stimuler la croissance économique?

Le projet de loi C-55 crée aussi de nouvelles infractions pour l’exercice d’activités interdites dans une zone de protection marine, il augmente le montant des amendes et il prévoit que les navires pourront être visés par ces dispositions. Le projet de loi indique expressément que le ministre peut limiter le transport maritime, voire annuler des titres, à l’intérieur ou à proximité d’une zone de protection marine.

La chambre de commerce maritime de la Colombie-Britannique a indiqué que les modifications proposées à la Loi sur les océans, notamment celles qui visent à conférer aux agents de l’autorité les nouveaux pouvoirs d’ordonner à un navire de se rendre en un lieu situé dans les eaux canadiennes ou de détenir un navire, préoccupent énormément leur industrie.

Le président de la chambre de commerce maritime a témoigné devant le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, où il a dit que :

[...] le barème de sanctions pour certaines infractions semble extrême, notamment pour les petites embarcations, et pourrait causer un préjudice indu à de petites entreprises côtières et aux nombreuses collectivités qu’elles soutiennent.

Dans bien des cas, il s’agit de petites entreprises qui pourraient facilement être acculées à la faillite si le gouvernement détruit leur gagne-pain.

La conservation est toujours un objectif valable. Je crois fermement en la conservation intelligente, responsable et concrète. Le gouvernement conservateur précédent a investi plus de 250 millions de dollars pour protéger des terres écosensibles et favoriser la conservation volontaire, et j’ai appuyé cet investissement dans notre environnement.

Cependant, le projet de loi C-55 doit établir un meilleur équilibre entre la protection de l’environnement et le maintien du gagne-pain des millions de Canadiens qui dépendent du secteur des ressources naturelles. Empêcher radicalement l’exploitation normale des ressources naturelles ou prendre des décisions prématurées qui pourraient limiter la croissance souhaitée de la pêche durable sont des avenues qui devraient être évitées.

Les dispositions du projet de loi accentuent les inquiétudes au sujet de ces deux approches. Il est donc difficile pour moi de l’appuyer dans sa forme actuelle.

J’espère que le projet de loi sera bientôt renvoyé au comité, où il fera l’objet d’une étude approfondie qui convaincra peut-être le gouvernement qu’il serait judicieux d’adopter quelques amendements afin de rendre les dispositions moins pénibles pour toutes les parties touchées. Le gouvernement voudra peut-être appliquer la mesure législative d’une manière qui favorise les investissements et les débouchés économiques. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi no 2 d’exécution du budget de 2018

Deuxième lecture

L’honorable André Pratte propose que le projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi C-86 est un gros projet de loi omnibus. Ainsi, la mauvaise nouvelle, c’est que ceci sera un long discours omnibus. La bonne nouvelle, c’est que vous aurez amplement le temps de lire votre fil de nouvelles et de répondre à tous vos courriels.

Comme je l’ai dit en cette Chambre le 30 mai 2017, je n’aime pas beaucoup les projets de loi omnibus. Je suis plutôt d’accord avec le Comité sur la modernisation du Sénat lorsqu’il dit que de tels projets de loi :

[...] compromettent la capacité d’une assemblée législative de tenir le gouvernement responsable.

Cela dit, comme je l’avais également mentionné à ce moment-là, les projets de loi omnibus ne sont pas tous égaux. « Projet de loi omnibus » n’est pas synonyme de « mauvais projet de loi ». Avant de nous former une opinion, nous devons examiner le contenu et le contexte du projet de loi.

Je suppose que c’est ce que notre estimé collègue, le sénateur Smith, avait à l’esprit le 28 juin 2012, lorsque, en parlant du projet de loi C-38, un projet de loi d’exécution du budget de 400 pages déposé par le gouvernement précédent, il a dit ceci :

Qu’il s’agisse de rajeunir, de moderniser ou de réorganiser les nombreuses lois que touche ce projet de loi omnibus, l’effet sur le Canada sera positif et durable.

Cela résume précisément mon opinion à l’égard du projet de loi C-86.

Comme vous le savez, les projets de loi omnibus ne sont pas nouveaux. Certains ont retracé leurs origines à aussi loin que 1763. Comme l’a dit l’ancien sénateur conservateur Irving Gerstein à propos du projet de loi C-9, un projet de loi de 900 pages mettant à exécution le budget de 2010 et modifiant plusieurs autres lois :

La nature omnibus du projet de loi budgétaire est tout à fait conforme à la tradition de Westminster, établie plus d’un siècle avant la naissance du Canada et suivie au Canada par des gouvernements formés par l’un et l’autre partis.

Bref, les gouvernements reconnaissent depuis longtemps que les projets de loi budgétaires sont, par définition, des projets de loi omnibus. Les budgets contiennent une longue liste de mesures destinées à concrétiser les visées économiques du gouvernement à court et à long terme.

(1620)

Permettez-moi de citer encore une fois le sénateur Gerstein :

Aucun élément de l’administration gouvernementale n’a un effet plus vaste que la politique budgétaire, et c’est pour cela qu’elle se prête si bien à un projet de loi omnibus.

Si, dans l’ensemble, les mesures contenues dans un projet de loi omnibus ont été annoncées dans le budget ou sont liées de près au plan économique et fiscal présenté dans le budget et que le projet de loi en question ne contient pas d’initiatives surprises n’ayant rien à voir avec la politique économique du gouvernement, c’est qu’il s’agit à mon avis, honorables sénateurs, d’un projet de loi omnibus légitime.

La déclaration suivante a été prononcée le 8 juin 1988 par l’honorable John Fraser, qui était alors Président de l’autre endroit. Il citait lui-même la définition proposée par un député libéral, le regretté Herb Gray :

La défense essentielle de la procédure omnibus, c’est que le projet de loi en question, bien qu’il cherche à créer ou à modifier beaucoup de lois disparates, a en fait un seul principe de base et un seul objet fondamental qui justifie toutes les mesures envisagées et qui rend le projet de loi intelligible à des fins parlementaires.

Honorables sénateurs, le principe fondamental du projet de loi C-86 est la mise en œuvre de la politique économique globale du gouvernement, telle qu’elle est décrite dans le budget de 2018 et dans des budgets antérieurs. C’est pourquoi on trouve dans le projet de loi une nouvelle loi sur l’équité salariale; des modifications au Code canadien du travail qui offrent de meilleures protections et des prestations bonifiées aux travailleurs canadiens; un nouveau régime pour protéger les clients des banques; de nouvelles exigences en matière de transparence de la propriété effective pour les sociétés sous réglementation fédérale; des améliorations à la Loi sur la gestion des terres des premières nations et à la Loi sur la gestion financière des premières nations; des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu en vue de permettre aux organismes de bienfaisance de remplir leur rôle légitime dans les débats d’intérêt public tout en s’abstenant de se livrer à des activités partisanes; et, enfin, des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu pour que le gouvernement du Canada puisse accorder aux habitants de l’Ontario, de la Saskatchewan, du Manitoba et du Nouveau-Brunswick une remise les incitant à agir pour les changements climatiques.

Toutes ces mesures et d’autres ont été annoncées dans le budget de 2018 ou dans des budgets antérieurs. Elles s’inscrivent dans le plan du gouvernement visant à assurer une plus grande prospérité et une meilleure croissance aux Canadiens dans le but de favoriser une égalité accrue pour l’ensemble de la population.

Les projets de loi omnibus sont-ils idéaux? Non. Nous aimerions tous que le Parlement dispose de tout le temps requis pour étudier chacun des projets de loi qui lui sont présentés. Je reconnais toutefois que le gouvernement doit faire face aux réalités politiques et parlementaires de l’heure et gouverner en conséquence. Ce qui compte, c’est que le gouvernement n’abuse pas du véhicule législatif qu’est le projet de loi omnibus en présentant des mesures qui n’ont rien à voir avec son budget ou son plan économique.

Il faut également que le gouvernement reconnaisse les difficultés législatives que comportent les projets de loi omnibus et qu’il accorde aux deux Chambres autant de temps que possible, dans le contexte parlementaire existant, pour examiner les différentes dispositions du projet de loi. C’est l’objectif du processus d’étude préalable au Sénat. Huit comités sénatoriaux ont mené une étude préalable sur le projet de loi C-86. Au total, 152 témoins, y compris des fonctionnaires, ont comparu devant ces comités. Aujourd’hui, nous débattons du principe du projet de loi C-86 alors que le Comité des finances nationales poursuit son travail sur le projet de loi. Lorsqu’il aura terminé, le comité aura entendu au moins 61 témoins, y compris des fonctionnaires, et passé plus de 60 heures à examiner le projet de loi C-86. Il est indéniable que nous avons étudié le projet de loi suffisamment en détail pour avoir une opinion informée sur ce dernier.

Au bout du compte, c’est à ses fruits, et non à sa taille, que nous devons juger un projet de loi. À cet égard, le projet de loi C-86 prévoit des mesures importantes qui contribueront à rendre l’économie canadienne encore plus prospère, plus juste et plus verte.

Honorables sénateurs, les changements climatiques ont déjà commencé. Les climatosceptiques sont dans une position intenable. En plus de pouvoir compter sur des données scientifiques claires et solides, nous voyons le climat changer sous nos propres yeux. Bref, il est temps d’agir avec lucidité et détermination. À titre de producteur d’énergie, de société moderne, riche et démocratique, de nation profondément engagée sur la scène internationale, le Canada a le devoir — un devoir à la fois moral, économique et politique — de contribuer à la solution plutôt qu’au problème.

Il y a trois façons d’aborder la lutte au réchauffement climatique : les gestes volontaires, la réglementation et la tarification du carbone. Pendant 20 ans, des gouvernements libéraux et conservateurs ont tenté d’arriver à des résultats en employant les deux premières méthodes, sans succès. Comme vous le savez, les émissions de gaz à effet de serre du Canada sont maintenant plus élevées qu’en 1990. Il est donc temps d’adopter une autre stratégie.

Selon une étude économique commandée par la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone, pour qu’une stratégie de réduction des émissions soit à la fois rentable et efficace, elle doit absolument comporter une tarification du carbone bien conçue.

Comme la tarification du carbone laisse le marché décider de la façon dont les émissions seront réduites, un grand nombre d’entreprises, y compris des entreprises du secteur de l’énergie, sont convaincues que la tarification du carbone est la solution. Parmi les partenaires de la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone, nous trouvons des noms bien connus comme British Petroleum, Cenovus Energy, Enbridge, Shell Canada, Suncor Énergie. Il ne fait donc aucun doute que la tarification du carbone est la meilleure politique pour réduire les émissions de GES au Canada et ailleurs dans le monde.

Le projet de loi C-86 ne porte pas sur la tarification du carbone. Le Parlement s’est déjà prononcé à ce sujet lorsqu’il a adopté le projet de loi C-74, le projet de loi d’exécution du budget précédent. Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui vise à verser de l’argent aux Canadiens des quatre provinces qui n’ont pas de système de tarification du carbone adéquat pour compenser la taxe fédérale sur le carbone qu’ils paieront.

Conformément au projet de loi C-86, dans les quatre provinces en question, 70 p. 100 des ménages recevront un incitatif à agir pour le climat supérieur à ce que leur coûtera le système fédéral de tarification du carbone. De plus, pour tenir compte de la situation particulière des Canadiens qui habitent en région rurale, ils recevront une remise supplémentaire égale à 10 p. 100 du montant de base auquel ils ont droit. C’est cette mesure, et non la taxe sur le carbone, qui est prévue dans le projet de loi C-86, sur lequel nous allons nous prononcer. Si nous votons contre le projet de loi C-86, nous voterons contre un remboursement d’impôt incitant les gens à agir pour le climat.

Chers collègues, à l’heure actuelle, au Canada, les femmes qui travaillent gagnent entre 8 et 31 p. 100 de moins que les hommes, selon la manière qu’on emploie pour mesurer cet écart. Il est tout à fait révoltant qu’une telle situation subsiste. C’est la raison pour laquelle le projet de loi C-86 édicte la Loi sur l’équité salariale, comme on l’avait annoncé dans le budget de 2018. La Loi sur l’équité salariale obligera les employeurs sous réglementation fédérale à calculer l’écart salarial entre les femmes et les hommes pour des emplois similaires en vue d’ajuster le salaire des femmes de façon à combler l’écart dans un délai de trois à cinq ans. Un commissaire à l’équité salariale sera nommé et il aura le pouvoir de recevoir des plaintes, de faciliter le règlement des différends, de rendre des ordonnances exécutoires et d’imposer des amendes administratives.

Devant le comité de l’autre endroit, de nombreux témoins ont parlé de la Loi sur l’équité salariale comme d’un changement historique. C’est que l’équité salariale est considérée depuis 1951 comme un droit fondamental à l’échelle internationale et elle a été inscrite dans la Loi canadienne sur les droits de la personne en 1977. La Loi no 2 d’exécution du budget vient enfin faire respecter ce droit.

Des intervenants et des sénateurs ont exprimé des préoccupations, car ils craignent que la nouvelle loi sur l’équité salariale ne comporte des lacunes à certains égards. Après avoir étudié le projet de loi et discuté personnellement de la question avec des fonctionnaires, je suis rassuré. Les questions soulevées sont toutefois extrêmement importantes. J’ai demandé à la ministre du Travail de nous fournir des réponses détaillées à ces questions. Je crois comprendre qu’elle le fera rapidement. Il n’en demeure pas moins que le projet de loi représente un changement historique qui sera extrêmement avantageux pour les femmes qui travaillent dans des secteurs sous réglementation fédérale.

Honorables sénateurs, la technologie, les accords commerciaux internationaux et d’autres facteurs économiques et sociologiques ont perturbé les habitudes de travail des Canadiens. L’époque des emplois stables, de 9 à 17 heures, soit celle où plusieurs d’entre nous ont grandi, a fait place à une ère où de nombreux travailleurs peinent à joindre les deux bouts parce qu’ils occupent des emplois temporaires ou à temps partiel, qu’ils ont un horaire souvent imprévisible et qu’ils jouissent de peu d’avantages sociaux. Dans ce contexte, il est de plus en plus difficile de concilier le travail et les responsabilités familiales.

La partie III du Code canadien du travail, qui établit les conditions de travail minimales dans les secteurs sous réglementation fédérale, n’a pas évolué de manière correspondante. C’est pour cette raison que, après avoir mené des consultations approfondies auprès de certains intervenants, le gouvernement a présenté une série de modifications à la partie III du Code canadien du travail. Grâce à ces modifications, les travailleurs canadiens, surtout les plus vulnérables, jouiront de meilleures conditions de travail adaptées à cette nouvelle ère.

(1630)

Si le projet de loi C-86 est adopté, les travailleurs auront droit à certains avantages tels que le congé parental et le congé de maladie, peu importe le nombre d’années de service qu’ils ont auprès d’un employeur.

Ils auront également le droit d’être informés de leur horaire au moins quatre jours à l’avance, sauf en cas d’urgence ou de situation imprévue; de prendre quatre semaines de vacances après 10 ans de service ou plus; d’obtenir un nouveau congé personnel de cinq jours, dont trois jours seront payés; d’être protégés contre les pratiques déloyales s’ils sont employés par une agence de placement temporaire; et, enfin, de recevoir un préavis de cessation d’emploi suffisant et/ou une indemnité lorsqu’ils sont mis à pied.

Le gouvernement a tenu compte du point de vue des employeurs et a veillé à ce que le coût de ces mesures demeure modeste, soit entre 0,1 p. 100 et 0,5 p. 100 de leur masse salariale annuelle.

Cette modernisation du Code canadien du travail, qui est attendue depuis longtemps, profitera surtout aux travailleurs non syndiqués qui occupent des postes temporaires ou à temps partiel, qui ont de faibles salaires et des avantages sociaux limités. À une époque marquée par des inégalités inacceptables et croissantes, ce projet de loi améliorera l’équité dans les milieux de travail du pays.

[Français]

Chers collègues, vous vous souviendrez peut-être que, il y a deux ans, le gouvernement a proposé, à l’aide du projet de loi C-29 — un projet de mise en œuvre du budget —, un nouveau régime de protection des clients des institutions bancaires. Cependant, le Sénat s’était opposé à cette partie du projet de loi C-29 et le gouvernement avait choisi de la retirer.

Le problème ne venait pas du régime proposé de protection des consommateurs; au contraire, c’était une bonne nouvelle. Le problème, c’était que le projet de loi contenait un article qui affirmait la prépondérance du gouvernement fédéral sur les provinces en cette matière, ce qui entraînait une compétence partagée, selon un jugement de la Cour suprême.

Ottawa a refait ses devoirs et propose aujourd’hui, comme il a été annoncé dans le budget, un code de protection des clients des banques qui respecte la compétence provinciale en la matière. Parmi les nouvelles exigences imposées aux banques, il sera désormais expressément interdit de communiquer des renseignements faux ou trompeurs aux clients ou au public. De plus, les banques devront veiller à ce que les produits et services conviennent à tous les clients, compte tenu notamment de leurs besoins financiers. Le projet de loi contient aussi des mesures assurant la protection des lanceurs d’alerte. En outre, on a augmenté substantiellement les amendes imposées aux banques trouvées coupables de violation de ce code, qui peuvent atteindre jusqu’à 10 millions de dollars.

Je sais que l’Assemblée nationale du Québec, comme on l’a mentionné plus tôt aujourd’hui, a adopté une motion pour faire en sorte que les parties de la loi qui touchent le crédit à la consommation et les contrats d’assurance ne s’appliquent pas à la province, parce que ces matières sont déjà régies par la Loi sur la protection du consommateur. En tant que Québécois, j’étais évidemment sensible à cette requête de l’Assemblée nationale, mais, à la suite de l’étude du projet de loi et après en avoir discuté avec les représentants des gouvernements du Québec et du Canada ainsi qu’avec plusieurs juristes, je suis convaincu que les craintes du Québec ne sont pas justifiées.

Le gouvernement a été très clair dans ses déclarations publiques sur la question : Ottawa n’a nullement l’intention de diminuer la portée de la Loi québécoise sur la protection du consommateur. Le ministre des Finances nous l’a rappelé plus tôt. Ses déclarations pèseront lourd si jamais la question aboutit devant les tribunaux.

Je suis aussi convaincu qu’acquiescer aux demandes de l’Assemblée nationale se ferait au désavantage des consommateurs, y compris les consommateurs québécois. En effet, avec l’adoption de ces amendements à la Loi sur les banques, les consommateurs jouiront des deux protections, celle offerte par la loi fédérale et celle offerte par la loi provinciale. Dans les cas où la loi provinciale prévoit une meilleure protection des consommateurs, ceux-ci pourront s’en prévaloir.

Honorables sénateurs, ce nouveau régime de protection des clients des banques, qui atteint les objectifs souhaités par le gouvernement fédéral sans empiéter sur les compétences des provinces, est le résultat de la vigilance du Sénat. Il ne s’agit pas ici de se « péter les bretelles », mais de reconnaître que, en exerçant notre « second regard attentif », nous pouvons bel et bien avoir un impact sur les politiques gouvernementales, pour le bien des citoyens et pour le bien de la fédération.

[Traduction]

Chers collègues, le projet de loi C-86 élimine les restrictions imposées sur la participation des organismes de bienfaisance à des activités non partisanes relatives au dialogue sur les politiques publiques ou à leur élaboration, comme le recommandait le Groupe de consultation sur les activités politiques des organismes de bienfaisance.

Ces organismes jouent un rôle crucial dans l’élaboration de politiques dans de très nombreux domaines. Le gouvernement précédent l’avait reconnu dans son budget de 2012, et je cite :

Compte tenu des points de vue et de l’expertise spécifiques des organismes de bienfaisance, la grande valeur de leur contribution à l’élaboration de la politique publique du Canada est largement reconnue.

Or, le libellé de la Loi de l’impôt sur le revenu a, pendant des années, semé la confusion quant aux types d’activités auxquelles pouvaient participer les organismes de bienfaisance et dans quelle mesure.

Comme le prévoyait le budget de 2018, on propose, dans la Loi no 2 d’exécution du budget, de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu pour autoriser les organismes de bienfaisance à participer à des activités relatives au dialogue sur les politiques publiques ou à leur élaboration. Le maximum de 10 p. 100 serait éliminé. L’expression « activité politique », qui porte à confusion, serait retirée de la loi et remplacée par « dialogue sur les politiques publiques ». Il serait donc très clair que les activités permises sont les activités relatives aux politiques, et non les activités politiques partisanes.

Au cours des semaines qui viennent, l’Agence du revenu du Canada va publier des lignes directrices précisant la façon dont elle interprétera les nouvelles dispositions de la loi touchant les organismes de bienfaisance.

Certaines personnes craignent que les organismes de bienfaisance se mêlent des campagnes politiques. Cette crainte est injustifiée puisque les activités partisanes, c’est-à-dire les activités visant à appuyer un parti politique ou un candidat, ou à s’y opposer, resteront très clairement interdites.

De plus, nous pouvons tirer des leçons de l’expérience de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, des pays du Commonwealth comme le Canada, qui ont mis en œuvre un changement similaire. Il n’a pas provoqué une avalanche d’activités politiques menées par des organismes de bienfaisance.

Honorables sénateurs, les organismes de bienfaisance enrichiront grandement les débats sur les politiques. Ils se spécialisent dans des domaines comme la réduction de la pauvreté, la violence conjugale et l’alphabétisation, pour ne donner que quelques exemples.

Chers collègues, comme on l’avait annoncé dans le budget de 2018, le projet de loi C-86 propose des modifications à deux lois qui jouent et continueront de jouer un rôle central dans le développement de gouvernements autonomes pour les Premières Nations : la Loi sur la gestion financière des premières nations et la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Ces régimes de participation volontaire permettent aux communautés des Premières Nations d’établir et d’administrer leur propre code foncier. Ils accordent également aux Premières Nations des pouvoirs financiers similaires à ceux d’autres administrations locales.

Les modifications faciliteront l’adhésion des Premières Nations aux régimes prévus dans ces lois. Elles découlent de discussions et de consultations avec les représentants de ces communautés. En fait, comme l’a souligné le Comité des peuples autochtones, ces modifications sont défendues par les Premières Nations.

Le projet de loi C-86 édicte également la Loi sur l’ajout de terres à des réserves et la création de réserves. La nouvelle loi simplifiera l’ajout de territoires aux réserves existantes, un processus qui peut exiger, selon le cadre législatif actuel, de 18 mois à 10 ans.

Cependant, durant les audiences du Comité des peuples autochtones, des témoins ont exprimé des préoccupations quant à la portée des consultations menées relativement à ces dispositions. Cela montre que le gouvernement et le Parlement ont encore beaucoup de travail à faire avant que les communautés autochtones soient des partenaires à part entière dans l’élaboration de politiques gouvernementales qui les concernent. Comme le comité le souligne dans son rapport, nous avons appris que ce n’est pas parce qu’elle ne répond pas à un courriel du gouvernement qu’une communauté autochtone donne son consentement à une nouvelle politique. Autrement dit, le silence n’équivaut pas au consentement.

Par ailleurs, même si le processus de consultation a connu des ratés, il ne fait aucun doute que le projet de loi C-86 permettra aux Premières Nations de prendre de nouvelles mesures cruciales en vue d’accroître leur autonomie.

Pour lutter contre l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et d’autres activités criminelles, il faut que les autorités disposent de renseignements complets sur les personnes qui, en fin de compte, contrôlent chacune des sociétés privées. C’est le but que visent les modifications à la Loi canadienne sur les sociétés par actions prévues dans le projet de loi C-86. Ces modifications exigeront que les sociétés tiennent un registre de leurs propriétaires bénéficiaires, c’est-à-dire les personnes qui possèdent ou contrôlent au moins 25 p. 100 des actions de la société, ou qui, dans les faits, exercent le contrôle de celle-ci.

Comme notre collègue, le sénateur Wetston, l’a déclaré dans cette enceinte, le 2 octobre dernier :

Le manque de transparence de la propriété effective a une incidence sur tous les Canadiens. Essentiellement, c’est mauvais pour les affaires, cela nuit à la société et cela facilite généralement la corruption.

Les mesures contenues dans le projet de loi C-86 représentent un pas important vers une plus grande transparence des sociétés.

[Français]

Honorables sénateurs, le projet de loi C-86 contient plusieurs autres mesures dont je pourrais parler. Cependant, ce discours a déjà été beaucoup trop long. Il est temps que je mette fin à votre supplice, d’autant que vous devez être maintenant rendus au bout de votre fil Twitter…

À l’issue de l’étude préalable, les différents comités auxquels cette tâche avait été confiée ont appuyé le projet de loi, tout en assortissant leur rapport d’observations très pertinentes.

(1640)

Il reste donc beaucoup de travail à faire, travail qui sera confié au Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui multipliera ses réunions, d’ici l’ajournement du temps des Fêtes, afin de se livrer à une étude complète et détaillée du projet de loi C-86.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le projet de loi C-86 est une mesure législative fondamentale. Dans bien des domaines — normes du travail, protection de l’environnement, autonomie des Autochtones, égalité hommes-femmes, transparence des sociétés et protection des consommateurs —, il représente un tournant. S’il est adopté, le projet de loi C-86 apportera des améliorations concrètes dans la vie quotidienne des Canadiens.

Il s’agit effectivement d’un énorme projet de loi omnibus, mais le projet de loi est, avant tout, une bonne mesure législative pour le Canada. Je vous remercie.

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je souhaite intervenir aujourd’hui dans le débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-86. Comme vous le savez, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a mené une étude préalable, et je souhaite citer aujourd’hui le contenu du quatorzième rapport de ce comité, qui a été déposé le lundi 3 décembre. Il commence ainsi :

Votre comité, qui a été autorisé à examiner la teneur des éléments des sections 11, 12 et 19 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, a, conformément à l’ordre de renvoi du mercredi 7 novembre 2018, examiné ladite teneur du projet de loi et en fait maintenant rapport comme il suit :

Les 20, 21 et 27 novembre 2018, votre comité a entendu des témoins sur la teneur des sections 11, 12 et 19 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures. La section 11 propose des modifications à la Loi sur la gestion des terres des premières nations (LGTPN), la section 12 propose des modifications à la Loi sur la gestion financière des premières nations (LGFPN) et la section 19 propose d’édicter la Loi sur l’ajout de terres à des réserves et la création de réserves. Votre comité signale qu’en raison des échéances liées à l’examen des sections 11, 12 et 19, l’étude de ces modifications a été précipitée.

Votre comité reconnaît que les modifications proposées dans les sections 11 et 12 sont le fait des Premières Nations; elles ont été élaborées par les Premières Nations et dans leur intérêt. En particulier, votre comité s’est réjoui de voir que les deux sections contenaient des options qui permettraient aux Premières Nations d’avoir accès aux fonds de capital et de revenu qui sont détenus en fiducie par la Couronne pour les Premières Nations. Faciliter l’accès des Premières Nations à leurs fonds est un sujet que votre comité a déjà abordé par le passé dans le cadre de son étude sur le logement et l’infrastructure dans les réserves et lors d’une réunion tenue le 16 février 2016.

Étant donné que le Conseil consultatif des terres (Centre de ressources sur la gestion des terres des Premières Nations), la Commission de la fiscalité des premières nations et le Conseil de gestion financière des Premières Nations ont souligné l’importance de ces modifications pour leurs institutions, votre comité appuie les sections 11 et 12. Votre comité félicite le gouvernement pour sa collaboration étroite avec ces institutions.

Votre comité tient toutefois à souligner que des témoins ont affirmé qu’il sera nécessaire d’apporter d’autres modifications aux deux lois. En ce qui concerne la LGTPN, votre comité a été informé qu’elle devrait être remplacée par une loi qui ratifierait tout simplement l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres des premières nations, par opposition à la loi existante qui reprend les dispositions de l’Accord-cadre. On a expliqué au comité que cela cadrerait mieux avec l’approche de réconciliation et de reconnaissance de l’Accord-cadre, et indiquerait clairement que le libellé de l’Accord-cadre prévaut sur celui de la LGTPN. Bien que votre comité comprenne l’importance d’aller de l’avant avec les modifications proposées à la LGTPN pour l’instant, il presse le gouvernement fédéral d’examiner rapidement la loi de remplacement proposée par le Conseil consultatif des terres.

En ce qui concerne la LGFPN, votre comité juge encourageante l’évolution des relations entre les institutions des Premières Nations et le gouvernement fédéral, un progrès dont témoignent les nombreuses modifications apportées à la LGFPN au fil du temps. Précédemment, votre comité a examiné les modifications de la LGFPN proposées dans le projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d’autres mesures. Ces modifications ont fait l’objet d’un rapport sans observations. Bien que la section 12 du projet de loi C-86 contienne bon nombre des modifications proposées par les institutions des Premières Nations, le comité reconnaît que d’autres travaux pourraient être nécessaires, notamment l’élargissement du mandat de la Commission de la fiscalité des Premières Nations.

Bien que le processus de modification de la LGTPN et de la LGFPN témoigne d’une collaboration et d’une consultation étroites, le comité a appris que le processus de consultation lié à la section 19 comportait des lacunes. Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (RCAANC) et Services aux Autochtones Canada (SAC) ont fait part au comité des mesures prises pour informer les Premières Nations et les organisations, telles que le Comité sur les droits fonciers issus de traités au Manitoba inc., au sujet de l’édiction de la Loi sur l’ajout de terres à des réserves et la création de réserves. Cependant, des témoins ont indiqué à votre comité que la façon dont ils avaient été consultés était inadéquate et qu’ils n’avaient pas eu le temps d’étudier correctement les répercussions de la nouvelle loi proposée. Un fonctionnaire a laissé entendre que l’absence de réponse de la part d’une communauté représentait une forme de consentement. Votre comité est d’avis que, si une Première Nation ne répond pas à l’information envoyée par le Ministère, cela ne signifie pas que la collectivité consente. Votre comité tient à souligner que, pour en arriver à une consultation et à un dialogue sérieux, RCAANC et SAC, tout particulièrement, devront faire des efforts continus, car la dissolution du ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada a probablement compliqué le processus de participation, qui était déjà complexe. Les collectivités ont peut-être besoin d’une aide financière ou d’une autre forme de soutien pour participer pleinement au processus de consultation, qui devrait adhérer au principe du consentement préalable, libre et informé inscrit dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Enfin, votre comité a reçu une lettre des ministres Petitpas Taylor et Philpott, datée du 6 juin 2018, dans laquelle elles s’engagent à établir une nouvelle relation financière avec les collectivités autochtones, notamment au moyen de discussions sur le partage des recettes et les arrangements fiscaux. Bien que votre comité ait été informé que des discussions sont en cours avec la Commission de la fiscalité des premières nations, l’Assemblée des Premières Nations et d’autres organisations, il a été alarmé d’apprendre que les Premières Nations ne profitent toujours pas des revenus de la taxe d’accise sur le cannabis.

Par conséquent, votre comité exhorte le ministère des Finances et le ministère de la Santé à collaborer rapidement et sérieusement avec les organisations des Premières Nations sur cette question.

Respectueusement soumis,

La présidente, Lillian Eva Dyck.

Maintenant que c’est fait, j’aimerais dire quelques mots.

Sénateur Pratte, je vous remercie d’avoir parlé de notre rapport. Vous avez parlé de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, des préoccupations que soulèvent les ajouts aux réserves et de la question du consentement. Essentiellement, vous affirmez que le projet de loi accordera plus d’autonomie aux Autochtones. C’est vrai, mais j’estime de mon côté que les dispositions en question visent, d’abord et avant tout, à accroître la rapidité avec laquelle les décisions touchant les Premières Nations peuvent être prises, l’objectif étant qu’elles soient davantage adaptées au monde des affaires qu’à celui de la bureaucratie et de ses formalités. Les modifications proposées vont dans ce sens.

J’aimerais ajouter quelques mots au sujet de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, qui se trouve à la section 11 de la partie 4.

(1650)

Comme vous l’avez entendu, le comité appuie la demande du Conseil consultatif des terres du Centre de ressources sur la gestion des terres des Premières Nations voulant que, bien que ces modifications à la Loi sur la gestion des terres des premières nations doivent être adoptées, le gouvernement fédéral devrait envisager rapidement de remplacer la Loi sur la gestion des terres des premières nations par une loi qui ratifierait l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres des premières nations, car cette loi crée une situation très compliquée.

Nous avons entendu que l’Accord-cadre signé en 1996 par 13 nations est le document qui reflète le mieux l’accord entre les nations participantes et le gouvernement fédéral, et ce, même s’il a été modifié plusieurs fois depuis sa signature. Toutefois, en 1999, pour donner valeur légale à cet accord, le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur la gestion des terres des premières nations, créant du coup une grande confusion pour les nations qui y sont assujetties.

Comme le déclare M. William McCue, du Conseil consultatif des terres du Centre de ressources sur la gestion des terres des Premières Nations :

La Loi sur la gestion des terres des premières nations est une loi plutôt longue qui tente de reprendre une sélection de dispositions de l’Accord-cadre. Malheureusement, cela fait en sorte que de nombreux représentants du gouvernement, professionnels, entreprises, non-membres qui résident sur des terres des Premières Nations, voire certains membres des Premières Nations, comprennent mal l’importance cruciale de l’Accord-cadre.

À tort, beaucoup de personnes pensent que le libellé technique de la LGTPN [Loi sur la gestion des terres des premières nations] a préséance sur l’accord-cadre. Cette situation est très problématique, parce qu’elle donne à penser à certains que le Canada, par l’intermédiaire du Parlement, délègue un pouvoir d’autonomie gouvernementale conformément à des modalités dictées par le Parlement.

Il a également dit ceci :

Au-delà du projet de loi C-86, nous avons proposé de remplacer la LGTPN par la loi fédérale la plus courte possible qui servirait uniquement à atteindre l’objectif initial : soit être une loi fédérale ratifiant l’accord-cadre conformément à ses dispositions.

Ce genre de façon de faire s’apparenterait à une loi sur l’autonomie gouvernementale, lorsqu’on a un accord d’autonomie gouvernementale et qu’on adopte une mesure législative sur l’autonomie gouvernementale. Il faut faire la même chose pour la gestion des terres des Premières Nations.

Les fonctionnaires ministériels qui ont comparu devant le comité ont indiqué qu’ils tenaient des pourparlers avec le Conseil consultatif des terres des Premières Nations dans le but de donner suite à cette recommandation dans un délai de deux à trois ans. Il faut souligner que le conseil a déjà élaboré sa propre mesure législative de remplacement, loi concernant la gouvernance et la gestion des terres des Premières Nations. Par conséquent, nous engageons le gouvernement à donner suite à cette demande plus rapidement et à cesser de remanier la Loi sur la gestion des terres des premières nations, puisque ce n’est pas la meilleure solution; cela ne fait que semer la confusion. Merci.

L’honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la section 10 de la partie 4 du projet de loi C-86.

Comme l’a souligné le sénateur Pratte, c’est la deuxième fois au cours des dernières années que nous envisageons de modifier la Loi sur les banques en établissant des protections générales pour les clients des banques.

Vers la fin d’octobre 2016, dans le cadre de son projet de loi d’exécution du budget, le projet de loi C-29, le gouvernement a proposé une mesure législative qui aurait modifié la Loi sur les banques de façon à créer un code exhaustif régissant les relations entre les banques et leurs clients. Le projet de loi relevait manifestement de la compétence législative du Parlement et il contenait beaucoup des mêmes caractéristiques positives qui se trouvent dans le projet de loi C-86, qui accordaient aux Canadiens de nombreuses provinces des droits qu’ils n’avaient pas jusqu’alors. Cependant, le projet de loi précédent visait aussi à éliminer l’application d’une loi provinciale sur la protection des consommateurs qui était valide à tous les autres égards et, sur ce chapitre, il allait trop loin.

Le problème a d’abord été remarqué par le sénateur Pratte et a ensuite été soulevé par divers gouvernements provinciaux et d’autres sénateurs. D’ailleurs, il a fait l’objet du discours que j’ai prononcé au Sénat lorsque j’ai pris la parole pour la première fois, le 13 décembre de cette année-là, afin d’appuyer un amendement visant à scinder le projet de loi de façon à pouvoir mener une étude plus approfondie sur les modifications proposées à la Loi sur les banques.

Dans ce discours, j’ai soulevé plusieurs points à propos de la répartition constitutionnelle des pouvoirs liés aux banques et à la protection des consommateurs. Ces points touchent également le projet de loi à l’étude aujourd’hui, de même que les préoccupations exprimées récemment par des députés de l’Assemblée nationale.

Le paragraphe 91(15) de la Loi constitutionnelle de 1867 accorde au Parlement l’autorité législative exclusive d’adopter des lois touchant les banques et les activités bancaires. Un attribut de ce pouvoir lui permet d’adopter des lois qui fournissent des droits et des recours aux clients des banques, comme le gouvernement a proposé de le faire il y a deux ans, puis dans le projet de loi C-86.

Soulignons toutefois que le paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 accorde aux législatures provinciales le pouvoir exclusif d’adopter des lois concernant la propriété et les droits civils dans la province, ce qui comprend les lois de protection des consommateurs. Certaines provinces, dont le Québec, où j’habite, protègent davantage les consommateurs que ne le font d’autres provinces. C’est la nature même du fédéralisme. Le point à retenir, c’est que les provinces ont un rôle légitime et important à jouer dans la protection des consommateurs.

[Français]

En droit constitutionnel canadien, il est bien établi qu’une législation provinciale d’application générale en matière de consommation peut s’appliquer et s’appliquera aux relations entre consommateurs et banques. Cela a été clairement énoncé dans l’affaire principale Banque de Montréal c. Marcotte, où la Cour suprême du Canada, s’appuyant largement sur les motifs de la Cour d’appel écrits par notre collègue, l’honorable Pierre Dalphond, a confirmé les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur du Québec contre une réclamation selon laquelle elles allaient au-delà de la compétence provinciale. Il s’agit d’un exemple précis d’un principe plus général du droit constitutionnel canadien qui est au cœur du développement du fédéralisme canadien depuis plus de 130 ans.

Que se passe-t-il lorsque des lois fédérales et provinciales valides sont censées s’appliquer au même ensemble de faits? En cas de conflit, la doctrine de la prépondérance prévoit que le droit fédéral prévaudra.

Pour déterminer s’il existe un tel conflit, les tribunaux demanderont d’abord s’il y a un conflit opérationnel, en ce sens qu’il est impossible de respecter les deux lois en même temps. Le critère est très étroit. Ce n’est que lorsque « le respect d’une loi implique une violation de l’autre » que la loi provinciale sera considérée comme étant inopérable. Par conséquent, tant qu’une personne peut se conformer aux deux lois en même temps, la loi provinciale s’appliquera même si elle est plus restrictive que la loi fédérale.

Par exemple, supposons que la Loi sur les banques autorise la banque à facturer des frais pour un service donné, mais que la loi provinciale l’interdit; parce que le respect de la loi provinciale n’exige pas une violation de la loi fédérale, la règle provinciale qui offre une plus grande protection au client de la banque s’appliquera. J’y reviendrai plus tard dans mes remarques.

Toutefois, même en l’absence de conflit opérationnel, les tribunaux se demanderont s’il existe un conflit d’objet législatif, en ce sens que l’application de la loi provinciale contrecarre l’objectif qui sous-tend la loi fédérale. Dans un tel cas, la loi fédérale prévaudra.

Les tribunaux ont été réticents à conclure que les lois provinciales contrecarraient l’objectif de chevauchement des lois fédérales. En effet, dans l’arrêt Marcotte, la Cour suprême a statué que la législation du Québec n’était pas rendue inopérable en vertu de l’un ou l’autre des principes de la doctrine de la prépondérance.

[Traduction]

Revenons au projet de loi qui était à l’étude il y a deux ans. Le problème, c’est qu’il tentait de créer un régime exclusif de protection des consommateurs pour les clients des banques en se substituant aux lois provinciales qui fonctionnaient pourtant, par exemple à la loi qui avait été invoquée dans l’affaire Marcotte. Dans le projet de loi d’il y a deux ans, c’était clairement indiqué dans l’énoncé de l’objet, et les dispositions venaient appuyer cet énoncé.

À l’époque, le gouvernement se défendait en affirmant qu’il voulait mettre en place des droits uniformes pour tous les Canadiens et éviter la confusion. Or, selon mon analyse, il n’était pas nécessaire de le faire, ce n’était même pas souhaitable en ce qui a trait aux droits des Canadiens et cela aurait fort probablement été inconstitutionnel. Plus important encore, les sénateurs n’avaient pas reçu l’analyse et les informations requises, et on ne leur avait pas accordé suffisamment de temps pour examiner adéquatement et minutieusement cette partie du projet de loi. Autrement dit, on ne nous avait pas donné le temps et les outils nécessaires pour mener une étude rigoureuse d’un projet de loi qui avait des ramifications jusque dans les compétences des provinces.

(1700)

Qu’est-il arrivé? Devant l’opposition du Sénat et de différentes provinces, le gouvernement a supprimé les modifications proposées à la Loi sur les banques, et le Sénat a adopté rapidement le projet de loi d’exécution du budget, comme il a, avec raison, l’habitude de le faire. C’est un exemple qui montre que le Sénat n’a pas à adopter les projets de loi de façon automatique et qu’il a le devoir constitutionnel de protéger la répartition constitutionnelle des pouvoirs et le principe du fédéralisme. C’est un exemple où le gouvernement a dû composer avec un Sénat où tout n’était plus dicté par les lignes de parti comme auparavant.

Cette fois, presque deux ans plus tard, le gouvernement présente un projet de loi offrant une meilleure protection des consommateurs aux clients des banques qui est de nouveau intégré dans un projet de loi d’exécution du budget. Comme on le dit, les années se suivent et ne se ressemblent pas. En effet, contrairement au projet de loi précédent, le projet de loi C-86 respecte le principe du fédéralisme coopératif et le partage constitutionnel des pouvoirs. Il énonce une vaste gamme de droits et de recours, mais n’affirme pas la prépondérance fédérale sur les lois provinciales protégeant les consommateurs en général. Par conséquent, dans les provinces où les lois sur la protection des consommateurs ne sont pas particulièrement rigoureuses, les dispositions du projet de loi C-86 offriront aux clients des banques une meilleure protection. Toutefois, comme je l’ai expliqué plus tôt, les clients des banques québécoises pourront toujours se prévaloir des droits et des recours accrus que leur accorde la Loi sur la protection du consommateur du Québec.

En préparant mes observations, j’ai analysé les dispositions du projet de loi C-86 et je les ai comparées à la Loi sur la protection du consommateur du Québec pour déterminer si la prépondérance fédérale, que j’ai décrite de façon un peu pédante — je m’en excuse — il y a un instant, s’appliquerait à certains conflits. Toutefois, comme le temps file, je ne vais pas vous ennuyer avec les détails de mon analyse. Je dirai simplement ceci : en lisant le projet de loi et les dispositions pertinentes de la loi du Québec, je n’ai rien vu qui pourrait causer un conflit de nature législative ni un conflit opérationnel. La Loi sur la protection du consommateur du Québec et les autres lois provinciales continueront à s’appliquer. Il y a de nombreuses raisons à cela.

[Français]

Premièrement, le projet de loi C-86 n’indique nulle part qu’il aura préséance sur la législation provinciale sur la protection du consommateur. On n’affirme nulle part la suprématie du gouvernement fédéral sur les lois provinciales. À cet égard, le gouvernement fédéral a clairement tenu compte du message que nous lui avons envoyé il y a deux ans. Cela témoigne d’un respect réel et apprécié de l’application légitime des lois provinciales qui visent à protéger les consommateurs.

Deuxièmement, j’ai comparé la législation québécoise avec le projet de loi C-86 dans l’optique du conflit opérationnel. Je ne peux pas trouver de tels conflits. Selon ma lecture, la législation québécoise semble pouvoir fonctionner parallèlement aux dispositions du projet de loi. Je sais que les membres de l’Assemblée nationale du Québec ont dit craindre que le projet de loi C-86 protège moins les consommateurs québécois que la Loi sur la protection du consommateur du Québec, ce qui risquerait de dérouter les consommateurs. Elle a demandé que les dispositions du projet de loi C-86 ne s’appliquent pas s’il existe des lois provinciales applicables qui visent les mêmes objectifs.

Honorables sénateurs et sénatrices, avec respect, cela n’est pas nécessaire. Lorsque la Loi sur la protection du consommateur du Québec offre une meilleure protection aux clients des banques que ne le fait le projet de loi C-86, ce sera à cette loi que les clients des banques pourront se référer. Comme je l’ai dit plus tôt, tant que le respect d’une loi ne vous oblige pas à enfreindre l’autre loi, la loi provinciale s’appliquera même si elle protège davantage le consommateur.

[Traduction]

Honorables sénateurs, deux ans après avoir étudié pour la première fois des modifications à la Loi sur les banques, nous refaisons l’exercice. Là encore, nous pouvons considérer avec fierté le rôle que le Sénat a joué. Comme l’a mentionné le sénateur Pratte — et cela vaut la peine d’être souligné —, la mesure législative dont nous sommes saisis montre que le gouvernement prend notre fonction au sérieux et que l’exercice judicieux de notre pouvoir peut avoir un effet positif.

Nous devons insister pour exercer notre pouvoir judicieusement. Ce qui est arrivé il y a deux ans est exceptionnel. Le Sénat a alors agi pour assurer le respect de l’un des principes les plus fondamentaux de notre régime constitutionnel, celui du fédéralisme et du respect de la séparation des pouvoirs dans la Constitution. Ce faisant, nous avons adopté une position atypique et, à mon humble avis, nous avons joué un rôle qui convient au Sénat en ce qui concerne les projets de loi d’exécution de budget adoptés par les députés à la Chambre des communes. Nous formons, après tout, une assemblée législative complémentaire non élue. Notre indépendance individuelle, qui nous permet de voter à notre guise, si précieuse soit-elle, doit être comprise et exercée dans le contexte des fonctions constitutionnelles que nous exerçons dans notre démocratie parlementaire.

À mon avis, les situations où nous nous opposons à un projet de loi budgétaire, ou y proposons des amendements, devraient être très rares. Nous devons envisager d’agir ainsi seulement lorsqu’un tel projet de loi contient des mesures qui nous mettent devant notre obligation de défendre les valeurs constitutionnelles contre les abus de la majorité. Heureusement, ce n’est pas le cas de la section 10 de la partie 4 du projet de loi C-86. Au contraire, c’est un très bon exemple qui montre que l’esprit du fédéralisme coopératif se porte bien au Canada. J’appuie le projet de loi.

Je vous remercie de votre attention.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Gold, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Gold : Oui, bien sûr.

[Français]

L’honorable Claude Carignan : J’ai entendu votre explication constitutionnelle, mais il m’apparaît que le gouvernement du Québec — qui est appuyé par d’éminents constitutionnalistes également et un ministère de la Justice qui compte d’éminents membres du Barreau — a tout de même conseillé à l’Assemblée nationale d’adopter cette résolution qui a fait l’unanimité.

J’essaie de me souvenir des faits, lorsqu’on a fait retirer toute la question de la protection du consommateur du projet de loi sur le budget de 2016, mais il me semble que vous aviez tenu les mêmes propos avant le retrait des dispositions et que vous aviez soutenu la constitutionnalité de la loi à ce moment-là. Est-ce bien le cas?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Je pense, sénateur Carignan, que ce n’est pas exactement le cas. Dans mon discours d’il y a deux ans, à l’époque, j’avais souligné qu’il y avait de graves problèmes avec le projet de loi, particulièrement parce que le gouvernement prétendait non seulement légiférer sur les droits des consommateurs — il a le droit de le faire, c’est clair —, mais parce qu’il prétendait également exclure l’application de la loi provinciale. Selon mon analyse, cela n’était pas nécessaire pour protéger les consommateurs, compte tenu de l’ampleur de la protection accordée par la loi provinciale du Québec.

Il y avait aussi peut-être une question de constitutionnalité, parce que — permettez-moi un anglicisme — the pith and substance, le noyau, l’objectif de la loi, c’est que...

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Gold, je suis désolée de vous interrompre, mais votre temps de parole est écoulé.

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-86. Plus précisément, je veux parler des dispositions de la section 15 du projet de loi C-86, qui modifient le Code canadien du travail en vue de moderniser les normes du travail dans les lieux de travail du secteur privé.

Voici d’abord un bref aperçu des normes du travail fédérales. Ces normes établissent les conditions minimales de travail dans le secteur privé sous réglementation fédérale. Ces conditions incluent entre autres les heures de travail, le salaire minimum, les congés fériés, les vacances annuelles et différents types de congés.

Les normes de travail fédérales sont présentées dans la partie III du Code canadien du travail. Ces normes s’appliquent à plus de 900 000 employés travaillant pour plus de 18 000 employeurs du secteur privé sous réglementation fédérale, ainsi qu’à la plupart des sociétés d’État fédérales et à certaines activités menées dans les réserves des Premières Nations.

(1710)

Même si ces employés ne représentent qu’environ 6 p. 100 de la main-d’œuvre canadienne, ils sont importants parce qu’ils travaillent dans le secteur privé. Le gouvernement fédéral peut offrir à ces travailleurs et aux industries des protections de base qui transcendent les limites provinciales et territoriales. Cela n’a aucune incidence sur les employés de la fonction publique fédérale, qui bénéficient déjà de protections semblables dans le cadre de leurs conventions collectives.

À titre d’information, le secteur privé sous réglementation fédérale englobe — et ce ne sont là que quelques exemples — des banques; des entreprises de navigation maritime; des services de traversiers et des services portuaires; des services de transport aérien y compris des aéroports, des aérodromes et des compagnies aériennes; des services ferroviaires et des services de transport routier qui dépassent les frontières provinciales ou internationales; des canaux, des pipelines, des tunnels et des ponts dépassant les frontières provinciales ou internationales; des télécommunications, y compris les systèmes téléphoniques, télégraphiques et de câblodistribution; ainsi que la radiodiffusion et la télédiffusion.

Ce n’est pas pour rien que l’on parle de « normes » de travail fédérales. Elles veillent à ce que les employeurs de ces industries se conforment à des normes minimales, en plus d’accorder aux employés certaines protections et de leur conférer des droits fondamentaux.

Les normes du travail fédérales, comme le sénateur Pratte nous l’a rappelé, ont été établies dans les années 1960. À l’époque, la plupart des gens travaillaient de 9 heures à 17 heures, et la majorité des emplois prévoyaient un salaire et des avantages sociaux décents en plus d’être à temps plein et permanents. Comme nous le savons tous, la situation a grandement changé. Beaucoup d’employeurs n’offrent plus de régimes de pension complets — le ministre des Finances nous en a parlé plus tôt —, d’avantages sociaux ni même une politique suffisante de congés et de vacances dans certains cas.

Le grand objectif de ces modifications est de faire en sorte que les employés du secteur privé sous réglementation fédérale soient couverts par un ensemble de normes du travail modernes et judicieuses qui correspondent aux réalités d’aujourd’hui et qui ouvrent la voie à des emplois de qualité.

Ce n’est pas seulement les travailleurs qui profiteront de ces modifications. Des normes du travail qui reflètent les milieux actuels peuvent aussi avoir des avantages pour les employeurs en réduisant le taux d’absentéisme, en facilitant le recrutement et le maintien en poste et en améliorant le bien-être des employés. Tous ces facteurs peuvent augmenter la productivité et la qualité du travail.

Dans l’ensemble, les modifications proposées ont quatre objectifs. Elles visent à accroître l’admissibilité des employés aux normes du travail, à améliorer la conciliation travail-famille, à assurer un traitement et un salaire équitables aux personnes qui occupent des emplois précaires et à faire en sorte que les employés reçoivent un avis et des indemnités suffisants en cas de licenciement afin de contribuer à protéger leur sécurité financière.

D’abord, pour accroître l’admissibilité des employés aux normes du travail, le gouvernement propose deux mesures précises.

La première est d’éliminer les périodes de service requises pour donner droit à l’indemnité de congé pour les jours fériés, aux congés de maladie, aux congés de maternité, aux congés de paternité, aux congés en cas de maladie grave et aux congés en cas de décès ou de disparition d’un enfant.

La deuxième est de faire passer la période de service requise pour donner droit à trois semaines de congés annuels payés de 6 à 5 ans.

Ces modifications sont importantes parce que, pour les employés qui changent fréquemment d’emploi, les périodes de service requises actuellement peuvent compliquer l’accès à ces congés et à ces privilèges. En améliorant l’admissibilité, nous faisons en sorte que, ultimement, davantage de travailleurs ont accès à des congés équitables.

Deuxièmement, le gouvernement propose également de modifier le Code canadien du travail afin d’améliorer l’équilibre entre le travail et la vie personnelle. Les modifications obligeront les employeurs à accorder de nouvelles pauses à leurs employés, dont une pause non rémunérée d’au moins 30 minutes durant chaque période de cinq heures de travail consécutives, une période de repos d’une durée minimale de huit heures consécutives entre chaque quart de travail et des pauses non rémunérées pour des raisons médicales ou pour l’allaitement. L’employeur devra aussi fournir à l’employé son horaire de travail au moins 96 heures à l’avance. L’employé devra bénéficier de : quatre semaines de congés annuels payés après 10 années de service consécutives; un nouveau congé personnel de cinq jours incluant trois jours payés; un congé de cinq jours pour les victimes de violence familiale, sur un total 10 jours; un meilleur accès aux congés de maladie, qui devront pouvoir être utilisés pour un rendez-vous médical ou pour un don d’organe ou de tissu. L’employeur ne pourra demander un certificat médical que lorsque l’employé prendra trois jours consécutifs de congé ou plus. Des congés non rémunérés pour fonctions judiciaires pourront être pris.

Comme vous le savez, dans beaucoup de milieux de travail, les normes appliquées dépassent celles que je viens de décrire, mais ce n’est pas le cas partout. Ainsi, de nombreux travailleurs ont de la difficulté à concilier les exigences du travail avec celles de leur vie personnelle.

Troisièmement, les modifications proposées assureront également un traitement et une rémunération équitables pour le travail précaire, notamment pour les personnes qui ont un emploi à temps partiel, temporaire ou peu rémunéré.

Selon un rapport récent du Centre canadien de politiques alternatives, plus d’un cinquième des professionnels canadiens, soit 22 p. 100, ont un emploi précaire, soit parce qu’ils travaillent à temps partiel ou que ce sont des contractuels ou des pigistes. Ce phénomène touche les femmes de manière disproportionnée, puisqu’elles représentent 60 p. 100 des travailleurs ayant un emploi précaire.

Dans les entreprises privées sous réglementation fédérale, 23 p. 100 des femmes — comparativement à 16 p. 100 des hommes — ne sont pas syndiquées et gagnent moins de 20 $ l’heure.

Les recherches démontrent qu’outre les femmes, d’autres groupes vulnérables — dont les Autochtones, les membres des minorités visibles, les immigrants récents et les jeunes — sont généralement surreprésentés dans les emplois précaires.

Pour que les employés en situation d’emploi précaire soient payés et traités de manière équitable et dans le respect des normes du travail, le projet de loi C-86 mettrait en place un régime d’égalité de traitement. Ainsi, au titre du projet de loi, il serait interdit à l’employeur de verser à un employé un salaire inférieur à celui d’un autre employé qui accomplit le même travail dans les mêmes conditions. Cette protection ne s’appliquerait pas si l’écart salarial est fondé sur des facteurs objectifs comme l’ancienneté ou le mérite. Le projet de loi protégerait les employés des agences de placement temporaire contre les pratiques injustes, notamment en interdisant à l’employeur d’imposer des frais à son employé afin de lui obtenir une affectation auprès d’un client. Il obligerait l’employeur à fournir à l’employé des renseignements sur les normes et les conditions de travail. L’employé serait ainsi informé de ses droits. Le projet de loi accorderait à tous les employés, quelle que soit leur situation d’emploi, le droit d’être informé des possibilités d’emploi ou d’avancement. De plus, le projet de loi interdirait à l’employeur de traiter son employé comme s’il n’en était pas un dans le but d’éviter les obligations qui lui incombent ou d’empêcher l’employé d’exercer les droits qui lui sont conférés, c’est-à-dire d’essayer de changer la situation de l’employé pour qu’il soit traité comme un travailleur autonome. Au titre du projet de loi, l’employé serait réputé avoir travaillé sans interruption lorsque son contrat est reconduit dans le secteur privé relevant de la compétence fédérale, ou dans le cas d’un emploi transféré d’un employeur assujetti à la réglementation provinciale à un employeur assujetti à la réglementation fédérale.

Pour qu’on se comprenne bien, je précise qu’on parle ici des employés dont l’emploi prend fin quand un contrat change de main, comme ceux qui travaillent à la cafétéria ou à la buanderie ou qui sont affectés au nettoyage. Ces gens sont incapables d’accumuler assez d’heures de travail pour être protégés par les normes du travail.

Le projet de loi ferait aussi passer de 17 à 18 ans l’âge minimal pour occuper un emploi dangereux.

Même si les modifications proposées s’appliqueraient à l’ensemble des employés du secteur privé relevant de la compétence fédérale, elles seraient particulièrement avantageuses pour les travailleurs les plus vulnérables.

Pour terminer, les changements proposés obligeront les employeurs à donner aux travailleurs dont l’emploi prend fin une indemnité de départ et un préavis suffisants pour ne pas mettre leur sécurité financière en péril.

À l’heure actuelle, en cas de licenciement collectif — c’est-à-dire le renvoi de 50 travailleurs et plus —, le code oblige l’employeur à donner un préavis de 16 semaines aux travailleurs. Une fois le projet de loi C-86 adopté, il devra plutôt leur verser une indemnité tenant lieu de préavis équivalant au salaire à payer pour ces 16 semaines ou combiner le préavis et l’indemnité.

Si le nombre d’employés licenciés est inférieur à 50, les mesures à prendre varieront selon la durée d’emploi de chaque travailleur.

Les employés ayant au moins trois mois, mais au plus trois ans de service continu auront droit à un préavis de deux semaines, à une indemnité tenant lieu de préavis équivalant au salaire à payer pour deux semaines ou à une combinaison des deux.

Ceux qui ont huit années de service continu ou plus auront quant à eux droit à un préavis de huit semaines, à une indemnité ou à une combinaison des deux. Au moment où on se parle, l’employeur doit seulement donner un préavis de deux semaines en cas de licenciement individuel.

L’employeur devra également informer les employés concernés de leurs nouveaux droits.

(1720)

Le projet de loi C-86 comprend également un certain nombre de mesures qui élargissent le groupe de professionnels de la santé pouvant émettre des certificats médicaux et qui créent un nouveau poste de chef de la conformité et de l’application de la loi, dans le cadre d’un système plus efficace de délégation des pouvoirs et des fonctions prévus dans le Code du travail.

Honorables sénateurs, ces changements reflètent fidèlement le projet de loi 148 de l’Ontario, Loi pour l’équité en milieu de travail et de meilleurs emplois, qui a été adopté en 2017, à la suite de vastes consultations publiques menées dans le cadre de l’examen portant sur l’évolution des milieux de travail en Ontario. En 2015, le ministre du Travail de la province la plus peuplée du Canada a entamé cet examen en nommant C. Michael Mitchell, un membre du Barreau spécialiste des relations de travail, et John C. Murray, un spécialiste de la partie patronale, conseillers spéciaux responsables du plus vaste examen des lois du travail en Ontario qu’on ait effectué depuis des décennies.

L’examen portait sur les problèmes créés en partie par la croissance de l’emploi précaire. Les deux années de consultation ont abouti à un rapport de 419 pages renfermant 173 recommandations visant à réformer les lois du travail. Le gouvernement fédéral a adopté certaines dispositions du projet de loi 148, comme les avis sur les horaires de travail et les congés pour les victimes de violence familiale.

Je sais aussi que, comme il l’explique dans son 13e rapport qu’il a présenté au Sénat jeudi dernier, le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie a appuyé les modifications proposées au Code canadien du travail. Le comité reconnaît que les changements proposés à la section 15 représentent la mise à jour la plus importante du Code du travail depuis 50 ans. Le comité est aussi d’accord avec tous les témoins qui ont déclaré que cette actualisation des normes du travail est nécessaire. Plus précisément, le rapport indique que les modifications proposées permettront de répondre aux préoccupations des employés et des employeurs au sujet de la conciliation travail-vie personnelle.

Honorables sénateurs, de nombreux travailleurs canadiens font aujourd’hui face à des défis de taille. Compte tenu des changements économiques et technologiques importants qui ont touché le monde du travail au cours des dernières années, il est apparu évident que les normes du travail fédérales devaient être modernisées pour mieux tenir compte des réalités du milieu de travail du XXIe siècle et pour relever les défis auxquels les travailleurs et les employeurs doivent faire face.

Un ensemble moderne de normes du travail fédérales est essentiel, car il permettra de mieux protéger les travailleurs canadiens et il favorisera la création d’emplois de qualité. C’est particulièrement important pour les travailleurs qui occupent des emplois à temps partiel, des emplois temporaires ou des emplois mal rémunérés, car bon nombre d’entre eux ont du mal à concilier travail et vie familiale.

Honorables sénateurs, j’appuie les mesures contenues dans le projet de loi C-86 qui moderniseront les normes du travail au Canada et qui permettront au pays de faire des progrès en vue d’atteindre cet objectif. Il faut que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership dans ce domaine important. Je crois que c’est ce qu’il est en train de faire. Je vais voter en faveur de ce projet de loi. Merci.

L’honorable Frances Lankin : Avant de commencer, chers collègues, j’aimerais vous faire part d’une anecdote qui se rapporte aux observations du sénateur Pratte à propos des projets de loi omnibus en général.

Lorsque j’étais députée provinciale de l’Ontario et nouvellement réélue, passant du gouvernement à l’opposition, le nouveau gouvernement est arrivé à l’Assemblée législative et un de ses députés est devenu Président. Ce député faisait à l’occasion des lapsus. Parfois, c’était drôle, parfois, c’était épouvantable. C’était quelque chose de connu.

Lorsque le nouveau gouvernement a présenté son premier gros projet de loi omnibus, comme le font les gouvernements de toutes les affiliations politiques, ce Président s’est trompé et l’a appelé, en anglais, le projet de loi « ominous », qui signifie « qui ne présage rien de bon ». Pas besoin de vous dire que le qualificatif est resté. Cela nous a bien amusés.

Je suis heureuse de pouvoir prendre la parole aujourd’hui. J’ai l’intention de parler principalement de la section 14 du projet de loi C-86, qui se trouve aux pages 341 à 448, et qui modifie la Loi sur l’équité salariale. Je vais parler des modifications au Code du travail que le sénateur Dean a très bien décrites. Je n’entrerai pas dans les détails. Il y a une disposition qui soulève certaines questions et qui est en quelque sorte liée aux questions concernant la mesure législative sur l’équité salariale.

J’aimerais souligner qu’il y a une équipe composée de sénateurs et de leurs employés qui s’efforcent de comprendre la mesure législative sur l’équité salariale. Je présente mes idées au fur et à mesure que je parle, mais d’autres ont apporté une contribution, à savoir les sénatrices Omidvar, Deacon (Ontario), Boniface, Dasko, Hartling et Miville-Dechêne. Nous avons demandé d’avoir accès à plus de renseignements et nous avons demandé du soutien au bureau du parrain, le sénateur Pratte. Il a été formidable.

J’aimerais passer au cœur de mon discours en disant que j’appuie fortement l’intention du gouvernement dans cette mesure législative.

En Ontario, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, les dispositions relatives au salaire égal qui existaient ont été remplacées par une mesure législative prévoyant un salaire égal pour un travail de valeur égale. On en est venu à parler d’équité salariale. Au fil des années, l’une après l’autre, les provinces ont adopté ce genre de mesure législative. Le fédéral n’a pas fait de même. Dans les lieux de travail sous réglementation fédérale, les femmes sont protégées contre la discrimination salariale. Cette protection est prévue dans le Code des droits de la personne. Le processus est fondé sur les plaintes. Ici, il s’agit d’une loi proactive sur l’équité salariale qui obligera tous les employeurs sous réglementation fédérale à élaborer un programme d’évaluation des emplois non sexiste pour deux catégories différentes d’emplois — une à prédominance féminine et l’autre à prédominance masculine. Les emplois doivent ensuite évalués de manière non sexiste, c’est-à-dire en fonction des connaissances et des compétences nécessaires, des conditions de travail et de l’effort exigé, pour déterminer s’ils sont semblables ou non et s’ils doivent être rémunérés de la même façon.

Le gouvernement mérite vraiment d’être félicité relativement à cette mesure. Tous les membres du groupe qui a étudié ces dispositions tiennent à remercier la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail pour son labeur, son soutien, son ouverture d’esprit et sa collaboration.

Lorsque vous entendez un tel commentaire, vous vous attendez probablement à ce qu’il soit suivi d’un « mais » ou d’un « cependant ». Il y en a bel et bien un dans ce cas-ci. Aujourd’hui, je veux vous parler de quatre points, dont l’un est plus important que tous les autres. Je rappelle encore une fois à la ministre qu’il y a toujours une question préoccupante pour certains d’entre nous. Permettez-moi de passer mes points en revue.

D’abord, un bout de phrase se trouvant à l’article intitulé « Objet » indique que le projet de loi vise à atteindre l’équité salariale « tout en tenant compte des divers besoins des employeurs ». Dans la loi même, c’est bien fait. Des exigences sont établies pour les employeurs en fonction de leur taille et du nombre d’employés. La loi tient compte de la diversité des employeurs et comprend qu’ils ont différentes réalités et capacités. Je pense qu’elle fait un bon travail sur ce plan.

Nous nous demandons cependant pourquoi ces mots se trouvent dans l’énoncé de l’objet. On nous assure qu’il ne s’agit pas d’un droit accordé ou d’une disposition législative. On nous dit que c’est simplement l’énoncé de l’objet de la loi, que c’est juste une description qui s’y trouve puisque le projet de loi reconnaît la diversité des employeurs, mais qui ne signifie rien, qui est sans importance. Dans l’ensemble, la disposition viserait à communiquer l’approche adoptée par le gouvernement. Je le comprends.

Toutefois, l’un des chercheurs qui travaillent dans mon bureau a souligné que le gouvernement nous a dit qu’il jugeait important d’inclure dans le projet de loi C-89 une déclaration d’objet mentionnant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones pour montrer son engagement. Soit on le fait, soit on ne le fait pas. Ce que je crains, c’est que, à un moment donné, pour rendre une décision à cet égard — que ce soit un arbitre, un commissaire à l’équité salariale ou, en définitive, les tribunaux —, on reviendra à la déclaration d’objet, en fonction des éléments de preuve de l’affaire, pour essayer de l’interpréter et cela pourrait la teinter d’une signification particulière.

L’une des choses que je fais aujourd’hui, c’est signaler que le gouvernement a déclaré que cela n’avait aucune importance. Il ne faut pas en tenir compte comme étant plus qu’une description du contenu du projet de loi. Nous y réfléchissons encore, mais peut-être que nous arriverons à comprendre ce point.

Deuxièmement, le projet de loi exige un vote unanime. Lorsqu’un comité d’équité salariale est constitué en milieu de travail pour négocier avec l’employeur, il se peut que plusieurs unités y soient représentées. Il pourrait regrouper différentes catégories de travailleurs, par exemple des travailleurs syndiqués ou non syndiqués, des employés de bureau ou des employés de l’extérieur. Chacune de ces catégories sera représentée au comité. Rappelons que le projet de loi exige que le comité obtienne un vote unanime, sinon il perd son droit de voter et l’employeur peut décider du programme. Cette disposition m’apparaît très problématique.

Le gouvernement a fourni une explication plausible. Il fait valoir que cette exigence vise à protéger les unités de très petite taille et à leur permettre de se faire entendre sans être écrasées par les grandes unités. Je m’inquiète toutefois des situations où il y a plusieurs unités. Il peut arriver que tous les membres du comité considèrent que l’offre proposée n’est pas acceptable et décident de la rejeter, mais qu’une seule personne se déclare en faveur de cette offre et la trouve satisfaisante. Puis tout disparaît. L’employeur peut imposer ce qu’il veut.

(1730)

La plupart des employeurs sont très bons et ils agissent de façon éthique, mais nous connaissons tous l’histoire de tel ou tel mauvais employeur. Nous connaissons tous des milieux de travail sous réglementation fédérale où l’ambiance est complètement empoisonnée et où rien ne se fera jamais pour changer les choses concernant des enjeux comme l’équité salariale. Nous en avons discuté il n’y a pas si longtemps.

Ce qui m’inquiète, c’est que l’employeur pourrait inciter une personne à faire partie du comité en question et que cette unique voix pourrait mener à un règlement imposé par l’employeur au lieu d’un règlement négocié.

Suis-je rendue trop loin dans mes hypothèses? C’est possible. Peut-être qu’une telle situation n’arrivera jamais, mais selon mon expérience de la syndicalisation et de l’organisation de campagnes d’accréditation, ce genre d’efforts menés par un employeur n’est aucunement extraordinaire. Je me demande pourquoi nous laissons une telle brèche. Dans le cas présent, je crois qu’il s’agit d’une décision stratégique du gouvernement. Nous allons devoir continuer de clamer notre inquiétude, mais, si on ne tient pas compte de cette inquiétude, nous devrons nous contenter de suivre la situation après coup.

Le troisième point que je souhaite soulever porte sur ce que nous avons appelé la clause échappatoire. Dans la mesure législative, il y a un paragraphe, comme dans tous les projets de loi, qui autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements. Dans le cas présent, toutefois, il lui permet d’exempter de l’application de toute disposition de la loi, avec ou sans conditions, tout employeur, employé ou poste ou toute catégorie d’employeurs, d’employés ou de postes. On pourrait faire passer un camion dans cette gigantesque échappatoire.

Ce n’est pas la seule mesure législative qui prévoit ce type d’exemptions générales sans conditions. Nous n’avons même pas un aperçu de ce à quoi pourrait ressembler la réglementation au titre de la disposition.

J’ai de sérieuses réserves concernant ce genre de libellé dans un texte législatif. De plus, une exemption aussi large remet en question les droits octroyés aux employés par le projet de loi.

Nous avons demandé au gouvernement de justifier la disposition. Il a donné un exemple plausible où un employeur est à la fois soumis à la réglementation fédérale et à la réglementation provinciale. Que se passe-t-il s’il a déjà établi un plan d’équité salariale selon la loi provinciale applicable? C’est possible. Il y a une façon de régler la question. Selon la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, le gouverneur en conseil peut par décret :

[...] s’il est convaincu qu’une loi provinciale essentiellement similaire à la présente partie s’applique à une organisation — ou catégorie d’organisations — ou à une activité — ou catégorie d’activités —, exclure l’organisation, l’activité ou la catégorie de l’application de la présente partie à l’égard de la collecte, de l’utilisation ou de la communication de renseignements personnels qui s’effectue à l’intérieur de la province en cause [...]

Si le libellé pose problème, on peut très facilement le modifier légèrement dans le projet de loi pour régler ce problème.

À l’heure actuelle, le gouvernement est réticent à le faire. Il dit qu’il n’a pas l’intention de se servir de cette disposition d’exclusion. En matière de rédaction législative, ce n’est pas le seul gouvernement à faire ce genre de choses; il s’agit d’une tendance qui s’est développée. C’est une mauvaise tendance. Cela ne diminue en rien l’importance de ce projet de loi, mais cela soulève beaucoup de questions et d’inquiétudes pour beaucoup de gens quant à l’avenir et à ce qui risque de se passer, que le gouvernement actuel soit encore au pouvoir ou que d’autres le soient.

Ce qui me pose particulièrement problème — et j’ai demandé à quelques-uns d’entre vous d’y réfléchir et de me dire ce que vous y pensez —, c’est la question des travailleurs précaires. Je parle plus précisément du paragraphe 46f), à la page 362 du projet de loi, qui prévoit d’exclure les avantages sociaux du calcul de la rémunération dans le cas des travailleurs temporaires ou des employés occasionnels.

Je vais faire référence au Code des droits de la personne qui est en vigueur. À l’heure actuelle, une femme peut s’adresser à la Commission des droits de la personne et déposer une plainte pour discrimination salariale en cas de conflit avec l’employeur concernant l’équité ou la structure salariale.

Dans la version actuelle du Code des droits de la personne, on définit le salaire comme toute forme de rémunération payable à un individu en contrepartie de son travail, notamment les traitements, commissions, indemnités de vacances ou de licenciement et les primes; la juste valeur des prestations en repas, loyers, logement et hébergement; les rétributions en nature; les cotisations de l’employeur aux caisses ou régimes de pension, aux régimes d’assurance contre l’invalidité prolongée et aux régimes d’assurance-maladie de toute nature; et les autres avantages reçus directement ou indirectement de l’employeur.

Nous sommes toujours en train de creuser, mais il semble qu’une femme occupant un emploi à temps partiel ou occasionnel qui fait une allégation de discrimination salariale peut voir sa cause entendue par la Commission canadienne des droits de la personne, en évoquant les dispositions du code. L’affaire porterait sur le salaire et les avantages sociaux connexes qu’elle reçoit.

Si la plaignante est en mesure d’établir que son travail est de valeur équivalente à celui qui est accompli dans une unité à prédominance masculine où les salaires et les avantages sociaux sont supérieurs, il est possible d’agir pour rétablir l’équité en matière de salaire et, au prorata, en matière d’avantages sociaux.

Maintenant, pour ce qui est de la Loi sur l’équité salariale dont nous sommes saisis — je vais paraphraser l’article 46. Il décrit ce qu’un employeur doit exclure du calcul de la rémunération. Le mot « salaires » n’y figure pas. On a élargi ou plutôt rétréci la portée en utilisant le mot « rémunération ». Il s’agit d’un mot différent, qui a un sens différent, car on choisit ses mots soigneusement quand on rédige un projet de loi.

Par conséquent, un employeur doit exclure du calcul de la rémunération toutes sortes de choses qui constituent un écart de rémunération, en fonction des facteurs énumérés aux alinéas a) à h). Il se peut qu’ils ne se trouvent pas tous dans cette page. Je suis préoccupée par l’alinéa f), qui précise que l’employeur doit exclure du calcul de la rémunération l’écart de rémunération qui découle du facteur suivant : f) l’absence de rémunération sous forme d’avantage social ayant une valeur monétaire en raison du caractère temporaire, occasionnel ou saisonnier d’un poste.

Par conséquent, le plan ne doit pas établir de comparaison avec la valeur monétaire des avantages sociaux existants. Il s’agit seulement du salaire, des dollars payés à l’heure.

Chose intéressante, le sénateur Dean a fait de l’excellent travail en passant en revue les nouvelles dispositions du Code canadien du travail. Dans la version actuelle de ce code, la définition du mot « salaire » comprend toute forme de rémunération reçue pour prix d’un travail, à l’exclusion des pourboires et autres gratifications. Elle englobe un large éventail d’avantages sociaux. J’appuie les nouvelles dispositions du Code canadien du travail. Il s’agit d’une percée remarquable.

Son Honneur le Président : Sénatrice, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Lankin : Oui, s’il vous plaît.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Lankin : Merci, honorables sénateurs.

Le Code canadien du travail est modifié à des fins louables à l’aide de la disposition « Interdiction — taux de salaire ». Aux termes de l’article 182.1, il est interdit à l’employeur de payer un employé à un taux de salaire inférieur à celui qu’il paie à un autre employé en raison d’une différence dans leurs situations d’emploi. Une des conditions est le nombre d’heures qu’ils ont travaillé.

La définition du terme « salaire » dans le Code canadien du travail englobe tout. Vous avez peut-être remarqué que l’expression utilisée est « taux de salaire ». Il n’y a aucune définition pour cette expression. Je ne sais pas si son utilisation signifie qu’on parle d’autre chose ou si cela signifie que les tribunaux et l’arbitre se tourneront vers la définition de salaire dans la loi.

Ainsi, j’ai du mal à comprendre comment on traitera une femme qui demande l’aide du commissaire à l’équité salariale pour régler un différend avec son employeur. L’employeur doit retirer les avantages sociaux et ne pas en tenir compte s’il s’agit de travailleurs à temps partiel ou d’employés occasionnels. Il est possible de se présenter devant la Commission des droits de la personne pour discrimination salariale. S’il s’agit d’un problème d’équité salariale, il doit être saisi par la commission, qui relève désormais de la commission de l’équité salariale, qui, elle, relève de la Commission des droits de la personne. Toutefois, si les travailleurs invoquent les dispositions du Code canadien du travail, seront-ils traités différemment? Chers collègues, je ne connais vraiment pas la réponse.

(1740)

Le sénateur Pratte nous a convaincus de demander de plus amples renseignements à la ministre et il pense que nous devrions obtenir une réponse sous peu. Je l’espère. J’aimerais bien approfondir ces dispositions avec certains de mes collègues pour pouvoir bien comprendre les options qui s’offrent à une personne et ce qui l’attend en fonction de l’option choisie.

Sur ce, je vous dis « merci beaucoup ». Je sais gré à mes collègues de m’avoir donné plus de temps.

L’honorable Dan Christmas : Honorables collègues, j’interviens aujourd’hui pour parler brièvement des conclusions de l’étude menée par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur des éléments des sections 11, 12 et 19 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget.

La section 11 propose des modifications à la Loi sur la gestion des terres des premières nations, la section 12 propose des modifications à la Loi sur la gestion financière des premières nations, et la section 19 propose d’édicter la Loi sur l’ajout de terres à des réserves et la création de réserves.

Comme c’est malheureusement souvent le cas lors de l’étude des projets de loi d’exécution du budget, l’examen de ces modifications a été fait à la hâte. C’est malheureux pour des raisons que j’expliquerai dans quelques instants. Toutefois, il convient de souligner que les modifications proposées dans les sections 11 et 12 du projet de loi d’exécution du budget proviennent des Premières Nations, c’est-à-dire qu’elles ont été élaborées par les Premières Nations et dans leur intérêt.

Nous nous sommes réjouis de voir que les deux sections contenaient des options qui permettraient aux Premières Nations d’avoir accès aux fonds de capital et de revenu qui sont détenus en fiducie par la Couronne pour les Premières Nations. Faciliter l’accès des Premières Nations à leurs fonds est un sujet que le Comité des peuples autochtones a déjà abordé par le passé, dans le cadre de son étude sur le logement et l’infrastructure dans les réserves et lors d’une réunion tenue le 16 février 2016.

Des institutions des Premières Nations, dont le Conseil consultatif des terres, aussi appelé Centre de ressources sur la gestion des terres des Premières Nations, la Commission de la fiscalité des premières nations et le Conseil de gestion financière des Premières Nations ont souligné l’importance des modifications contenues dans les sections 11 et 12 et exprimé leur appui à leur égard. Il convient de féliciter le gouvernement pour sa collaboration étroite avec ces institutions, qui sont des intervenants clés dans l’élaboration et, espérons-le, l’établissement d’un cadre financier solide applicable aux relations entre le Canada et les Premières Nations.

Il convient toutefois de souligner que des témoins ont affirmé qu’il sera nécessaire d’apporter d’autres modifications aux deux lois. En ce qui concerne la Loi sur la gestion des terres des premières nations, nous avons été informés qu’elle devrait être remplacée par une loi qui ratifierait tout simplement l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres des premières nations, par opposition à la loi existante qui reprend les dispositions de l’accord-cadre et, dans certains cas, les réinterprète.

On a expliqué au comité que cela cadrerait mieux avec l’approche de réconciliation et de reconnaissance de l’accord-cadre, et indiquerait clairement que le libellé de l’accord-cadre prévaut sur celui de la Loi sur la gestion des terres des premières nations.

Bien que nous comprenions l’importance d’aller de l’avant avec les modifications proposées à la Loi sur la gestion des terres des premières nations pour l’instant, nous pressons le gouvernement fédéral d’examiner rapidement la loi de remplacement proposée par le Conseil consultatif des terres.

En ce qui concerne la Loi sur la gestion financière des premières nations, le comité juge encourageante l’évolution des relations entre les institutions des Premières Nations et le gouvernement fédéral, un progrès dont témoignent les nombreuses modifications apportées à cette loi au fil du temps.

Précédemment, le comité a examiné les modifications à la Loi sur la gestion financière des premières nations proposées dans le projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d’autres mesures. Ces modifications ont fait l’objet d’un rapport sans observations.

Bien que la section 12 du projet de loi C-86 contienne bon nombre des modifications proposées par les institutions des Premières Nations, le comité reconnaît que d’autres travaux pourraient être nécessaires, notamment l’élargissement du mandat de la Commission de la fiscalité des premières nations.

Par ailleurs, bien que le processus de modification des sections 11 et 12 témoigne d’une collaboration et d’une consultation étroites, on ne peut en dire autant au sujet de la section 19.

Les ministères des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord du Canada et des Services aux Autochtones du Canada ont fait part au comité des mesures prises pour informer les Premières Nations et les organisations, telles que le Comité sur les droits fonciers issus de traités au Manitoba, au sujet de l’édiction de la Loi sur l’ajout de terres à des réserves et la création de réserves. Cependant, des témoins ont dit clairement que la façon dont ils avaient été consultés était inadéquate et qu’ils n’avaient pas eu le temps d’étudier correctement les répercussions de la nouvelle loi proposée. Un fonctionnaire a même laissé entendre que l’absence de réponse de la part d’une communauté représentait une forme de consentement.

Honorables sénateurs, cela me préoccupe vivement. Je participe au processus fédéral de consultation depuis maintenant 40 ans. Si une communauté ne répond pas à l’information envoyée par le ministère, cela ne signifie pas qu’elle donne son consentement. Le silence n’équivaut pas nécessairement au consentement. Le processus de consultation ne peut pas être assoupli au point où le simple fait d’envoyer une lettre, de cocher des tâches à faire dans une liste ou de poser une question équivaut à obtenir le consentement.

L’article 19 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones établit clairement les critères à respecter en matière de consultation :

Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés — par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives — avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

Honorables collègues, l’obtention d’un « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » n’est pas un lointain idéal vers lequel nous devrions tendre; c’est l’objectif que nous devons respecter si nous voulons entretenir de véritables relations de nation à nation. Rappelons-nous les mots d’Abraham Lincoln : « Aucun homme n’est assez bon pour en gouverner un autre sans son consentement. »

En dernière analyse, les mesures des sections 11 et 12 du projet de loi sont des changements positifs. Les mesures prévues à la section 19 sont incomplètes. Les trois sections représentent un pas dans la bonne direction.

Toutefois, les processus visant à mettre au point ces mesures demeurent insatisfaisants, tout comme le sont la nature et la portée des discussions avec les communautés qui seront visées. Les mesures dont nous avons parlé aujourd’hui, et qui sont prévues dans le projet de loi, méritent notre appui. Nous devons également tous, au Sénat et dans l’ensemble de l’appareil gouvernemental, chercher à respecter l’esprit de l’article 19 de la déclaration des Nations Unies.

En conclusion, honorables collègues, un dialogue honnête mené de bonne foi et au moment approprié contribue largement à obtenir un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

Nous devons tous reconnaître qu’il reste encore beaucoup de travail à faire à cet effet.

Welalioq. Merci.

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, nous avons ici un projet de loi omnibus. Je me souviens que, il n’y a pas si longtemps, on a promis aux Canadiens d’un océan à l’autre des voies ensoleillées. Ce que nous avons aujourd’hui, ce sont plutôt des voies inusitées.

Je suis d’accord avec la sénatrice Lankin en ce qui a trait à ses préoccupations concernant le projet de loi C-86. Je suis aussi d’accord avec les sénateurs Christmas et Dyck en ce qui a trait à leurs préoccupations pour les Premières Nations. Toutefois, nous ne pouvons pas dire que tout est mauvais ou que tout est bon.

Honorables sénateurs, je suis toujours touché et ému quand je prends la parole pour participer à un débat, surtout quand je parle de préoccupations au sujet des Canadiens et du budget du Canada. Sachez que je suis le fils d’une mère célibataire, que nous vivions de l’aide sociale et que ma mère nous disait toujours, à ma sœur et à moi : « Les gens ne se soucient pas de vous tant qu’ils ne savent pas de quoi vous vous souciez. » Il ne fait aucun doute que, en regardant tous ces chiffres dans le projet de loi omnibus, elle aurait une façon bien à elle de les décrire.

Honorables sénateurs, je n’aurais jamais cru que je prendrais la parole en cette auguste Chambre pour parler du budget du Canada lorsque j’étais enfant. Permettez-moi donc de vous faire part de quelques observations sur le projet de loi C-86, la Loi d’exécution du budget.

(1750)

Mes commentaires, à titre de porte-parole de l’opposition officielle, se veulent le reflet de ce les gens m’ont dit, que ce soit en public ou lors des consultations auxquelles ont participé de nombreux Canadiens. J’ai eu la chance de rencontrer à la fois des gens à faible revenu et des millionnaires, et même des milliardaires.

[Français]

Avant de poursuivre, je tiens à souligner que le leader du gouvernement au Sénat nous a dit qu’il voulait prendre des mesures pour que la population en général ait une perception moins cynique des politiciens et qu’elle refasse confiance aux hommes et aux femmes politiques, tant dans cette Chambre qu’à l’autre endroit.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à propos du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures. Il s’agit d’un projet de loi colossal, mais je vais limiter mon discours à quelques thèmes, comme les dépenses qui ne sont pas soumises au processus d’approbation parlementaire, le recul en matière de transparence dans les rapports financiers et un pouvoir de dépenser discrétionnaire sans précédent dans l’histoire de notre pays. Encore une fois, le projet de loi C-86 est un exemple parfait de projet de loi omnibus.

Nous sommes inquiets, car ce projet de loi omnibus de 850 pages contient des éléments qui n’avaient pas été annoncés lors du discours du Trône. Il s’agit d’un recul en matière de transparence, parce que certaines des mesures de ce projet de loi ont pour effet de supprimer des exigences essentielles en matière de rapport. Cela nous inquiète. Ce projet de loi contient des mesures comme le recours à l’attribution de temps lors de l’étude de projets de loi, aussi colossaux soient-ils, ce qui empêche les parlementaires de faire le travail que les Canadiens et les Canadiennes leur ont confié.

[Traduction]

Honorables sénateurs, l’opposition officielle doit garder un œil sur la manière dont l’argent des contribuables est dépensé, et je dois dire que nous sommes inquiets. Les membres du Comité des finances nationales m’ont souvent entendu dire que nous recherchons quatre choses : la transparence, la reddition de comptes, la prévisibilité et l’exactitude.

Je vous rappellerai, honorables sénateurs, que, à l’annexe 1 de la Loi de crédits no 2 pour 2018-2019, le gouvernement a ajouté 7 milliards de dollars de dépenses discrétionnaires et qu’il les a dissimulées sous le crédit 40. Le document budgétaire qui a été présenté récemment, et auquel le projet de loi C-86 renvoie, contient aussi 9,5 milliards de dollars de dépenses pour des mesures non annoncées. Il est en effet question, dans une note au bas de la page 118 de l’énoncé économique de l’automne, de « provisions pour des décisions prévues du Cabinet qui n’ont pas encore été prises et pour des décisions de financement liées aux questions de sécurité nationale, de sensibilité commerciale, d’accords commerciaux et de litiges ». Ce n’est pas ce qu’on nous avait promis en 2015.

Honorables sénateurs, lorsque vous étudierez ce projet de loi, remarquez à quel point il assouplit l’exercice des pouvoirs financiers — comme le pouvoir de dépenser des ministres ou le fait que certains organismes n’aient pas de rapports financiers à produire —, ce qui érode encore davantage le pouvoir de surveillance des parlementaires et empêche les Canadiens de se faire entendre. On nous avait promis des voies ensoleillées, mais je crois que nous avons plutôt droit aux voies inusitées.

[Français]

Honorables sénateurs, les sociétés d’État contractent des prêts et le gouvernement en perçoit des dividendes.

Le prochain thème sur lequel je veux attirer votre attention est celui du recul de la transparence, qui est représenté de façon très claire dans la partie 4 du projet de loi C-86, à l’article 17. Nous sommes inquiets, parce que cet article modifie la Loi sur les accords de Bretton Woods et des accords connexes, la Loi sur l’Accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle.

En vertu de cet article, le gouvernement pourra produire un seul rapport au lieu de trois rapports distincts au titre des dépenses internationales, ce qui est inquiétant au moment où nous recherchons davantage de transparence. En outre, ce qui nous préoccupe le plus, c’est que le projet de loi C-86 donne au ministre du Développement international et au ministre des Affaires étrangères l’autorité d’accorder des prêts ou des garanties ainsi que d’acquérir, de détenir et de vendre des actifs.

[Traduction]

Ce n’est pas à cela qu’on s’attendait des voies ensoleillées. Nous sommes plutôt devant des voies inusitées.

[Français]

Les ministres seront habilités à mettre au point deux nouveaux programmes et à utiliser un programme existant afin de distribuer une somme supplémentaire de 1,5 milliard de dollars à travers le monde au cours des cinq prochaines années, et ce, sans que le Parlement ait approuvé au préalable des objectifs spécifiques liés à ces programmes.

[Traduction]

Honorables sénateurs, en conclusion, compte tenu de la taille du projet de loi, des contraintes de temps à la Chambre des communes et des pressions pour que ce projet de loi soit adopté rapidement, je suis, comme bien des Canadiens, préoccupé.

Oui, c’est bien ce que j’ai dit et je vais le répéter : que ce soit les gens qui reçoivent de l’aide sociale, les travailleurs à faible revenu ou les millionnaires et milliardaires du pays, beaucoup de Canadiens sont préoccupés. Nous avons la responsabilité de protéger les deux facteurs qui touchent les contribuables : la façon dont les deniers publics sont perçus et la façon dont cet argent est dépensé. Un jour, les Canadiens auront un choix à faire. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Pratte, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

La Loi sur les licences d’exportation et d’importation
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Présentation du vingt et unième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international

Consentement ayant été accordé de revenir à la présentation ou dépôt de rapports de comités :

L’honorable A. Raynell Andreychuk, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, présente le rapport suivant :

Le mardi 4 décembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a l’honneur de présenter son

VINGT ET UNIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-47, Loi modifiant la Loi sur les licences d’exportation et d’importation et le Code criminel (modifications permettant l’adhésion au Traité sur le commerce des armes et autres modifications), a, conformément à l’ordre de renvoi du mercredi 31 octobre 2018, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

A. RAYNELL ANDREYCHUK

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 4147.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Saint-Germain, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(À 18 heures, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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