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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 275

Le mardi 2 avril 2019
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 2 avril 2019

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

[Français]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, en vertu de l’article 4-3(1) du Règlement, l’honorable sénateur Smith a demandé que la période des déclarations des sénateurs soit prolongée aujourd’hui afin que nous puissions rendre hommage à l’honorable Erminie J. Cohen, qui est décédée le 15 février 2019.

Je rappelle aux sénateurs que, en vertu du Règlement, chaque intervention ne peut dépasser trois minutes, qu’aucun sénateur ne peut parler plus d’une fois et qu’ils disposent d’au plus 15 minutes.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de l’honorable
Erminie J. Cohen, C.M., O.N.-B.

Hommages

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à notre ancienne collègue, l’honorable Erminie Cohen, qui est décédée en février dernier. Ce serait très difficile de résumer l’ensemble de ses réalisations en une brève déclaration. On ne saurait trop insister sur tout ce que la sénatrice Cohen a accompli dans sa chère province, le Nouveau-Brunswick. Elle était une femme énergique et dynamique qui travaillait sans relâche pour faire avancer les questions de justice sociale. Elle s’est servie de sa voix pour défendre ceux qui ne sont pas entendus dans notre société, c’est-à-dire les victimes de violence familiale et de discrimination, les Canadiens vivant dans la pauvreté et les enfants. Pour ces raisons et beaucoup d’autres, elle va beaucoup nous manquer.

Avant de devenir sénatrice, Erminie Cohen était membre des conseils consultatifs national et provincial sur la condition féminine. Elle était membre fondatrice du groupe Saint John Women for Action et de la Hestia House, un refuge pour les femmes et les enfants victimes de violence. De plus, elle a été la première femme de sa collectivité à être présidente d’une synagogue, et la première femme à avoir été élue vice-présidente du Parti progressiste conservateur pour la région de l’Atlantique.

En 1993, Erminie Cohen a été nommée au Sénat du Canada sur recommandation de l’ancien premier ministre Brian Mulroney. Au cours des huit années qui ont suivi, elle a siégé au sein de nombreux comités, notamment celui des affaires sociales, des sciences et de la technologie, sans jamais ménager ses efforts. En 1997, la sénatrice Cohen a rédigé un rapport intitulé La pauvreté au Canada : le point critique, qui a reçu un accueil favorable et qui, je crois savoir, a servi de texte de référence dans un certain nombre d’universités canadiennes à l’époque.

La sénatrice Cohen a été décorée de l’Ordre du Canada et de l’Ordre du Nouveau-Brunswick, en plus de recevoir les Médailles du jubilé d’or, d’argent et de diamant de la reine. Elle a également été honorée par des institutions comme le Jewish National Fund of Canada, l’Université du Nouveau-Brunswick et l’Armée du Salut.

[Français]

Malgré toutes les distinctions qu’elle a reçues, la sénatrice Cohen n’a jamais oublié ceux et celles à qui elle s’est consacrée. Elle traitait avec compassion tous les gens qui croisaient son chemin, en cherchant à comprendre leur vie et en leur offrant son soutien.

[Traduction]

Après sa retraite du Sénat, la sénatrice Cohen a continué à consacrer son temps et ses efforts à améliorer la qualité de vie de ses concitoyens. Par exemple, en 2002, elle a contribué à l’établissement de la Fondation du Nouveau-Brunswick pour l’adoption, la première fondation de ce type au Canada. Par ailleurs, elle a été nommée en 2007 présidente du Comité d’experts sur les travailleurs âgés, mis sur pied par le gouvernement conservateur précédent, qui a déposé un rapport l’année suivante sur l’aide à offrir aux travailleurs âgés pour qu’ils s’adaptent à la nouvelle économie.

Au moment de sa retraite, la sénatrice Cohen a prononcé un dernier discours au Sénat, dans lequel elle a parlé de son amour pour sa famille, notamment ses enfants, Cathy, Shelley et Lee. Elle a dit :

Je leur suis reconnaissante de leurs encouragements et de leur compréhension, et je voudrais qu’ils sachent que s’ils sont fiers de mes réalisations, je suis tout autant fière des leurs.

Au nom du caucus conservateur au Sénat et de tous les sénateurs, j’offre mes plus sincères condoléances aux enfants, aux petits-enfants, à la famille et aux amis d’Erminie Cohen, une très grande Canadienne. Que sa mémoire soit une bénédiction.

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, c’est avec tristesse que je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à une bonne amie, l’honorable sénatrice Erminie Cohen, qui est décédée en février à 92 ans. Il est dommage que nous n’ayons jamais été collègues au Sénat pour représenter ensemble notre province, le Nouveau-Brunswick. Les choses étant ce qu’elles sont, je suis arrivé au Sénat après son départ à la retraite, nommé pour occuper le siège qu’elle avait quitté.

(1410)

Sur le plan professionnel, avant sa carrière au Sénat, ses réalisations ont été nombreuses, comme nous l’a déjà dit le sénateur Smith. Avec son époux, Ed, aujourd’hui décédé, elle a tenu un magasin de vêtements pour femmes à Saint John pendant plus de 50 ans.

Quand il s’agissait de défendre des causes sociales, elle savait être tenace. Elle a été membre du premier Conseil consultatif sur la condition de la femme du Nouveau-Brunswick et du Conseil consultatif canadien. Elle a fondé l’organisme Women for Action ainsi qu’un refuge pour les victimes de violence conjugale.

Elle a été nommée au Sénat en 1993. C’était une très grande fierté pour elle d’être sénatrice. Dans le premier discours qu’elle a prononcé, seulement une semaine après sa nomination, elle a dit : « Je considère comme un honneur d’avoir été nommée au Sénat et j’en éprouve une très grande fierté. Je me propose de travailler d’arrache-pied pour le Sénat et de collaborer avec chacun d’entre vous. »

C’est ce qu’elle a fait. Bien qu’elle se considérait comme une conservatrice rouge, elle s’est fait des amis et des alliés des deux côtés du Sénat. Elle a siégé à de nombreux comités, notamment le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants. Elle a beaucoup travaillé à la lutte contre la pauvreté et la violence familiale. Elle a parrainé un projet de loi qui aurait interdit la discrimination fondée sur la condition sociale d’une personne. Elle a donné un visage humain à tout son travail, dans les comités et au Sénat.

Lorsqu’elle a pris sa retraite, l’honorable John Lynch-Staunton, qui était le leader des conservateurs au Sénat à l’époque, a décrit Erminie Cohen comme la « conscience du Sénat ». Toute sa vie durant, Erminie a suivi sa conscience, s’est consacrée au service des autres et a fait en sorte que les plus humbles se fassent entendre.

Au nom des libéraux indépendants au Sénat, j’offre nos sincères condoléances aux enfants d’Erminie Cohen — Cathy, Lee, avocat à Halifax, et Shelley — et à leur famille, ainsi qu’à tous ses proches et tous ses amis. Elle était tout simplement une femme remarquable et son décès nous appauvrit tous.

L’honorable Nancy J. Hartling : Honorables sénateurs, aujourd’hui, je prends la parole pour rendre hommage à la regrettée Erminie Cohen, de Saint John, au Nouveau-Brunswick, ma province. Elle a été nommée au Sénat par le premier ministre Brian Mulroney, où elle a siégé de 1993 à 2001. Elle est décédée en février 2019 à l’âge de 92 ans. Au nom de mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants, je présente à sa famille mes plus sincères condoléances.

Honorables sénateurs, la sénatrice Cohen est une personne que j’admire énormément. Elle a défendu les droits des femmes et la justice sociale toute sa vie, c’est pourquoi cette grande femme est pour moi une héroïne et une mentor. J’ai fait sa connaissance à Ottawa au cours de la Marche mondiale des femmes de l’an 2000, qui a eu lieu en octobre. Trente mille femmes avaient manifesté sur la Colline du Parlement pour mettre un terme à la violence et à la pauvreté qui touchent particulièrement les femmes.

En tant que coprésidente de la Marche mondiale des femmes de l’an 2000 au Nouveau-Brunswick, j’étais tellement heureuse que la sénatrice Cohen cherche à me voir et demande à manifester et à discuter avec la délégation du Nouveau-Brunswick. C’est ainsi qu’a commencé notre relation, qui a duré deux décennies.

Son engagement à l’égard de la justice sociale et l’enthousiasme dont elle faisait preuve étaient impressionnants. Je pense notamment à ses nombreuses réalisations en tant que membre du Conseil consultatif sur la condition de la femme au Nouveau-Brunswick et fondatrice du conseil d’administration de la Maison Hestia pour les victimes de violence familiale. Son esprit d’initiative, sa passion et sa vision relativement à de nombreuses questions comme la pauvreté, les services juridiques, la violence familiale et l’adoption ont entraîné des changements sociaux importants.

Nous avions plusieurs passions en commun et je considère le travail qu’elle a accompli comme fondateur et innovateur. Actuellement, la pauvreté, la violence fondée sur le sexe et les iniquités constituent toujours une grande partie du paysage canadien. Merci, chère Erminie, d’avoir ouvert la voie.

Alors qu’elle travaillait sur ces questions clés, elle était aussi la partenaire d’affaires de son mari, une mère, une grand-mère et un membre de sa communauté religieuse. Elle est demeurée active sur plusieurs fronts même après avoir fêté ses 90 ans. Sa passion a souvent inspiré d’autres membres de sa communauté.

On a souligné sa contribution en lui remettant l’Ordre du Canada en 2010 et l’Ordre du Nouveau-Brunswick en 2017, sans parler des autres prix prestigieux qu’on lui a décernés. La dernière fois que j’ai vu Erminie, c’était en 2017, à Fredericton, lorsqu’elle a reçu l’Ordre du Nouveau-Brunswick. Son sourire, sa passion et son enthousiasme pour la justice sociale resteront à jamais gravés dans ma mémoire tandis que je tenterai de faire honneur à cette grande femme canadienne.

Au nom du Groupe des sénateurs indépendants, je tiens à rendre hommage à l’ancienne sénatrice Erminie Cohen pour avoir joué un rôle de catalyseur en faisant de sa province, le Nouveau-Brunswick, et même du Canada, un endroit plus juste et plus équitable pour les plus vulnérables d’entre nous.

Repose en paix, chère Erminie.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)

Question de privilège

Préavis

L’honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, aujourd’hui, j’ai donné préavis au greffier du Sénat, M. Richard Denis, que je soulèverais une question de privilège. Comme je l’ai indiqué dans ma lettre, la nature de l’atteinte au privilège concerne la violation des délibérations à huis clos du 19 février 2019 du Comité des transports. En effet, la discussion qui a eu lieu pendant cette réunion a été rendue publique.

Je donne maintenant préavis que, plus tard aujourd’hui, j’en dirai plus long sur le fond de l’atteinte au privilège. Si la présidence juge qu’il y a matière à question de privilège, je suis prêt à proposer la motion appropriée.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la question de privilège sera prise en considération à la fin de l’ordre du jour ou à 20 heures, selon la première éventualité.

La Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Ce matin, j’ai eu le plaisir d’assister au cinquième Sommet canadien du leadership en matière de troubles du spectre autistique. Ce sommet est important pour nous, les décideurs, car il nous permet de nous renseigner sur la diversité provinciale, les initiatives nationales et les services communautaires alors que nous travaillons ensemble à l’avancement d’une stratégie nationale sur le trouble du spectre autistique.

Je tiens à exprimer ma gratitude à l’Alliance canadienne pour les troubles du spectre autistique et à nos collègues, les sénateurs Munson et Housakos, ainsi qu’à tous les chefs de file en matière de TSA de partout au Canada, y compris plusieurs personnes venues défendre leurs intérêts de même que les familles et les fournisseurs de services qui se sont réunis pour parler de la question du TSA.

Il est très important que nous mettions à profit nos voix, notre privilège en tant que parlementaires et notre engagement à aider les Canadiens atteints d’autisme, leurs parents, leurs familles et leurs défenseurs à travailler ensemble pour le changement.

Lors de la séance d’ouverture de ce matin intitulée « Rien nous concernant ne se fera sans nous », les présentateurs ont souligné l’importance d’écouter les expériences vécues pour former d’authentiques alliances avec les personnes qui défendent leur propre cause au moment de mettre en œuvre une stratégie nationale. Nous avons entendu parler du passage de la sensibilisation à l’autisme à l’acceptation de l’autisme. J’aimerais également ajouter la nécessité d’agir, donc je préconise que nous passions de la sensibilisation à l’autisme à l’acceptation de l’autisme, suivie de l’action. Il est temps d’aller plus loin que les gestes symboliques.

Nous ne devons pas non plus oublier d’aborder les questions de l’intersectionnalité. J’aimerais attirer l’attention des honorables sénateurs sur l’action conjuguée de la race, du racisme et de l’invalidité sur les enfants de minorités racialisées qui vivent avec des troubles du spectre de l’autisme. Les personnes ayant plusieurs identités marginalisées auront des expériences de vie différentes. Le sort des enfants d’ascendance africaine m’inquiète, car, souvent, ils ne reçoivent pas un diagnostic assez précoce, ils reçoivent un mauvais diagnostic ou leur famille demeure prise dans un état de déni. À mesure que nous progressons, je vous invite à songer aux manières dont ces enfants et ces adultes atteints de l’autisme sont racialisés et touchés différemment. Je vous invite à songer à la manière dont nous pouvons collaborer pour éliminer les obstacles systémiques.

(1420)

Le cas des contrôles de routine dans les rues est un exemple flagrant de l’action conjuguée du racisme et de l’invalidité. La semaine dernière, la police régionale de Halifax a rapporté que les jeunes Noirs de 15 ans à 25 ans sont neuf fois plus susceptibles de se faire aborder; si l’on ajoute à cette situation la complexité de composer avec l’autisme, ces genres d’interactions peuvent facilement dégénérer en conflit.

Honorables sénateurs, n’oublions pas de tenir compte, dans l’élaboration de politiques, des précieuses expériences vécues et de donner suite aux demandes des personnes atteintes des troubles du spectre de l’autisme qui défendent leur propre cause, en affirmant : « rien nous concernant ne se fera sans nous ».

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Marie-France Maheu. Elle est l’invitée de l’honorable sénateur Forest.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Nick Katalifos et de sa fille, Mme Anna Katalifos. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Housakos.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, depuis quelques années, j’interviens toujours le 2 avril au Sénat pour souligner la Journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme. Chaque année, le message ne change malheureusement pas : il faut en faire plus pour les familles aux prises avec l’autisme. C’est essentiel. Le manque de financement et de programmes ne nuit pas seulement à la personne atteinte d’autisme, mais aussi à toute sa famille. De plus, les coûts ne sont pas simplement d’ordre financier.

La qualité de l’expertise canadienne dans le traitement de l’autisme ne fait aucun doute. C’est avec une grande fierté que nous pouvons souligner le travail d’une foule d’organismes qui, dans notre grand pays, s’emploient constamment à améliorer une situation complexe.

Toutefois, comme nous l’avons indiqué dans le rapport intitulé Payer maintenant ou payer plus tard, produit par le Sénat en 2007, le gouvernement continue étonnamment de sous-financer les ressources nécessaires pour aider le nombre croissant de familles canadiennes aux prises avec ce problème.

Sous l’ancien premier ministre Stephen Harper, le gouvernement fédéral a fait un premier pas dans la bonne direction en investissant 11 millions de dollars sur quatre ans dans des programmes de formation destinés aux adultes autistes en vue de faciliter leur intégration au marché du travail. Nous devons toutefois en faire beaucoup plus.

L’an dernier, les sénateurs Munson, Bernard, Harder et moi avons rencontré la ministre de la Santé, Mme Petitpas Taylor, avec laquelle nous avons eu une discussion approfondie sur les mesures que doit prendre le gouvernement fédéral.

Je suis ravi de souligner que la ministre Petitpas Taylor a donné suite aux promesses qu’elle nous avait faites ce jour-là. Elle s’est rendue à l’école et au centre de ressources À pas de géant et au Réseau pour transformer les soins en autisme, à Montréal, pour voir le travail fantastique qu’ils accomplissent. Elle a aussi obtenu, dans les budgets de 2018 et 2019, du financement pour les programmes consacrés à l’autisme. Ainsi, À pas de géant, le Réseau pour transformer les soins en autisme et d’autres programmes et établissements de partout au pays peuvent demander un financement provenant du fonds stratégique pour le trouble du spectre de l’autisme par l’entremise de l’Agence de la santé publique du Canada.

Je remercie la ministre et le leader du gouvernement d’avoir contribué à ce changement positif.

Le fonds vise à soutenir des projets communautaires novateurs qui donneront aux Canadiens autistes, à leur famille et à leurs aidants des occasions concrètes d’acquérir des connaissances, des habiletés et des ressources qui pourront les aider à relever les défis auxquels ils sont confrontés.

Il reste toutefois beaucoup à faire, chers collègues. Les parlementaires de tout horizon politique doivent continuer de travailler de concert au soutien des personnes atteintes d’un trouble du spectre de l’autisme.

Nous devons maintenir nos efforts et ne pas laisser le travail du gouvernement fédéral se relâcher. Il est temps que le gouvernement élabore une stratégie nationale pour s’attaquer à cette crise, en axant notamment ses efforts sur la recherche et la prévention précoce, les services de soutien à l’intention des familles et la formation professionnelle. Je prendrai de nouveau la parole en cette enceinte à la même date l’an prochain, et chaque année par la suite, tant que cette stratégie nationale ne sera pas devenue réalité. Je vous remercie, chers collègues.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Deepa Mehta et de M. David Hamilton. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Omidvar.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. David Stanley. Il est l’invité de l’honorable sénateur Campbell.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme

L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je suis moi aussi honoré de prendre la parole pour souligner la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Le 2 avril est une journée très importante pour le milieu de l’autisme et elle est assurément importante pour moi.

Je ne peux pas concevoir que 12 ans se sont écoulés depuis la publication du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie intitulé Payer maintenant ou payer plus tard : les familles d’enfants autistes en crise, et qu’aujourd’hui encore l’accès aux services pour l’autisme est inégal au pays. Honorables sénateurs, vous rendez-vous compte qu’un demi-million de Canadiens sont autistiques? Plus tard, c’est maintenant. Les derniers changements apportés par le gouvernement de l’Ontario aux services en matière d’autisme ne sont que les plus récents obstacles que doivent affronter les familles canadiennes concernées. Les modifications de programmes, les compressions budgétaires, les changements dans le système d’éducation, le gouvernement et les nouveaux budgets causent tous de l’anxiété et perturbent les familles des enfants atteints d’un trouble du spectre de l’autisme. Ce sont elles qui en font les frais.

Les gouvernements ont mis sur pied des programmes. L’actuel gouvernement a mis en place Prêts, disponibles et capables. Le gouvernement Harper a instauré un certain nombre de choses, comme l’a mentionné le sénateur Housakos. Il y a eu des crédits d’impôt, des crédits d’impôt pour personnes handicapées, et cetera. C’est insuffisant, car les familles souffrent toujours.

Ce n’est pas à la hauteur de ce que nous sommes comme nation. Pourquoi faut-il lutter pour faire élaborer des politiques et fournir des services de façon équitable à l’ensemble des Canadiens atteints de troubles du spectre de l’autisme? Pourquoi ne pouvons-nous pas garantir à la plupart des gens atteints de troubles du spectre de l’autisme un avenir où ils pourront exploiter leur plein potentiel? Parce que nos dirigeants ne savent pas écouter, ne sont pas assez curieux, ne s’intéressent pas à ce qui se fait ailleurs à ce chapitre, ne savent pas en quoi consistent des consultations robustes, travaillent en isolement et ne sont pas disposés à collaborer de façon non partisane.

Nos décideurs ont adopté une approche inacceptable. Des changements vastes et radicaux nuisent aux familles et aux personnes aux prises avec l’autisme. La situation de l’Ontario n’est pas unique, elle se répète à l’échelle du Canada pour tous ceux qui sont confrontés à l’autisme. Je félicite le gouvernement Ford d’avoir prévu des améliorations et d’avoir annoncé aujourd’hui la tenue de consultations, mais ces mesures auraient dû être prises il y a longtemps, bien avant quelque annonce que ce soit.

Les provinces et les territoires ont besoin d’une orientation claire. Elles doivent avoir un plan d’action et adopter une approche axée sur la collaboration et le leadership avec le gouvernement fédéral, notamment avec celui qui est en place à l’heure actuelle. Il faut prendre le temps de réfléchir et ne pas avoir peur d’innover. J’en ai assez de parler jour après jour de familles qui doivent déménager pour obtenir les meilleurs services, de familles qui éclatent et de familles qui doivent hypothéquer leur maison pour obtenir des services supplémentaires. L’Alliance canadienne des troubles du spectre autistique a proposé un plan d’action. Nous en parlerons ce soir dans une pièce à un étage supérieur. J’espère que vous pourrez tous vous joindre à cette conversation, parce que le temps est venu d’agir. Il faut vraiment établir un plan d’action. Je suis désolé, je commence à être aphone. Cependant, cette question me tient vraiment à cœur et j’y reviendrai car je ne cesserai jamais de plaider la cause des familles aux prises avec l’autisme. Je vous remercie beaucoup.

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, j’aimerais aujourd’hui souligner la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Comme nous le savons tous, le trouble du spectre de l’autisme est une affection grave et permanente qui a une incidence considérable sur la vie des personnes qui en sont atteintes, sans parler du stress émotionnel et financier qu’il impose aux proches, aux aidants naturels et à l’entourage.

[Français]

Chaque cas de trouble du spectre de l’autisme est unique et présente une variété de symptômes complexes. Comme le nom l’indique, il s’agit d’un trouble du « spectre », ce qui signifie que les symptômes ont divers niveaux de gravité et nécessitent donc qu’on procède à une évaluation individualisée pour établir des services de soutien appropriés.

[Traduction]

La réponse aux besoins des personnes autistes transcende la politique et la partisanerie.

J’ai moi-même un fils autiste et nous avons eu besoin de services quand nous vivions à l’étranger. Nous avons aussi dû nous battre avec les divers ordres de gouvernement de ma province, l’Ontario, pour recevoir des services, et je peux vous dire que ce n’est pas toujours facile. C’est extrêmement lourd pour la famille.

(1430)

Les initiatives mises en œuvre par le gouvernement de l’Ontario montrent que l’on doit consulter les principaux intéressés, les fournisseurs régionaux de services et les organismes communautaires si l’on veut améliorer des programmes gouvernementaux pensés pour répondre aux besoins d’une personne à la fois.

Le trouble du spectre de l’autisme touche 1 jeune Canadien sur 66. Il s’agit du trouble neurodéveloppemental le plus fréquemment diagnostiqué chez les enfants et les jeunes du pays. Ces statistiques ne tiennent même pas compte des personnes et des organismes indirectement touchés, comme les proches, les fournisseurs communautaires de services, les enseignants, les écoles et j’en passe.

On sait depuis longtemps que le Canada a besoin d’une stratégie nationale permettant d’améliorer la vie des personnes autistes. Les enfants aux prises avec le trouble du spectre de l’autisme ont les mêmes droits que les autres et ils doivent avoir les mêmes chances que les autres, surtout quand ils atteignent l’âge adulte, comme mon fils.

J’applaudis les efforts entrepris par les sénateurs Munson, Bernard, Housakos et autres.

Sénateur Munson, vous étiez fantastique à la radio ce matin. C’est sans doute là que la voix a commencé à vous manquer.

Honorables sénateurs, les parlementaires doivent défendre les droits de tous les Canadiens. C’est leur devoir. Le Sénat, tout particulièrement, doit se faire le porte-voix de la minorité. Nous devons plus que jamais offrir notre soutien aux personnes autistes du Canada et du monde entier ainsi qu’à leur entourage. Je vous remercie.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Pascale Navarro. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Mike Summers, de M. Jared Sweetapple et de M. Nick Cashin. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Wells.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Terre-Neuve-et-Labrador

Le soixante-dixième anniversaire de son entrée dans la Confédération

L’honorable Norman E. Doyle : Honorables sénateurs, c’est avec grand plaisir que je vous signale qu’on soulignait hier, le lundi 1er avril, le soixante-dixième anniversaire de l’entrée de Terre-Neuve-et-Labrador dans la Confédération du Canada.

Terre-Neuve-et-Labrador fait aujourd’hui partie du Canada, mais, autrefois, on était loin de se douter que ce dominion allait entrer dans la Confédération. En effet, à la fin du XIXe siècle, la campagne électorale d’un gouvernement de Terre-Neuve favorable à l’entrée dans la Confédération s’est soldée par une défaite.

Pendant la Grande Dépression des années 1930, le Dominion de Terre-Neuve est passé très près de ne pas pouvoir rembourser ses dettes. Le gouvernement britannique est venu à sa rescousse, mais il a fallu suspendre les travaux de l’Assemblée législative et se soumettre au rigoureux programme d’austérité de la commission de gouvernement mise sur pied par le gouvernement britannique. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques ont commencé à démanteler leur empire et à chercher une solution au problème de Terre-Neuve.

La solution se trouvait évidemment au Canada. Ayant perdu le Labrador, annexé à Terre-Neuve aux termes d’une décision rendue par le Conseil privé britannique en 1927, le Canada souhaitait vivement récupérer celui-ci, même si cela impliquait d’accueillir également Terre-Neuve dans la Confédération. Cependant, les Terre-Neuviens faisaient obstacle à cette solution. En effet, l’attachement profond que la plus vieille colonie britannique témoignait à la mère patrie n’avait d’égal que sa méfiance envers ce que certains appelaient le « loup canadien ».

C’est à ce moment que Joey Smallwood fait son entrée en scène. Radiodiffuseur et organisateur politique, il lance une campagne en faveur de l’adhésion à la Confédération canadienne. Selon beaucoup de gens, les Britanniques et les Canadiens soutiennent en secret les efforts de M. Smallwood. Même si c’est le cas, il s’attaque à une tâche colossale. Cependant, il se révèle un militant infatigable et efficace. Son message sur la société canadienne moderne trouve un auditoire réceptif dans de nombreux villages de pêche isolés où les gens vivent dans des conditions loin d’être idéales.

À la fin des années 1940, la Commission de gouvernement tient deux référendums sur la question à Terre-Neuve. Lors du deuxième référendum, 51 p. 100 des électeurs votent pour l’union avec le Canada. Comme je l’ai dit plus tôt, les résultats sont très serrés.

Si nous tenions un référendum aujourd’hui, je suis convaincu que la grande majorité des habitants de la province choisiraient de demeurer dans la Confédération. Je ne suis cependant pas en train de dire que tout s’est passé à merveille. Par exemple, en adhérant à la Confédération, nous avons dû céder la compétence relative aux pêches au gouvernement canadien. Compte tenu des hauts et des bas de ce secteur, certains ont peut-être pensé que c’était une bonne chose. Il demeure toutefois que les stocks de morue du Nord, l’une des grandes ressources alimentaires du monde, ont été presque complètement décimés sous l’autorité du Canada. Ils ne se sont toujours pas rétablis au cours des 25 dernières années malgré les efforts de conservation de Terre-Neuve et du Canada.

En dépit de nos problèmes, surtout en ce qui concerne la péréquation, je crois que la majorité des gens pensent toujours que la Confédération a été avantageuse pour Terre-Neuve-et-Labrador. Oui, il y a eu des hauts et des bas et quelques querelles, comme c’est le cas dans toute famille. Nous faisons toutefois maintenant partie de la famille canadienne, et je crois que nous y sommes pour de bon.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La Commission canadienne des droits de la personne

Dépôt du rapport de 2018

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la Commission canadienne des droits de la personne pour l’année 2018, conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, par. 61(4), et à la Loi sur l’équité en matière d’emploi, L.C. 1995, ch. 44, art. 32.

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion visant certains projets de loi

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, toute pratique habituelle ou tout ordre antérieur :

1.si la deuxième lecture d’un projet de loi est toujours inscrite à l’ordre du jour à 17 h 15 le jour où, conformément au présent ordre, la deuxième lecture du projet de loi doit prendre fin, le Président interrompe les délibérations alors en cours à 17 h 15 afin de mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour rendre une décision finale sur le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, sans autre débat, amendement ou ajournement;

2.si, conformément au présent ordre, il y a une date à laquelle un comité doit faire rapport d’un projet de loi :

a)le comité soit autorisé ce jour-là, nonobstant les pratiques habituelles, à présenter son rapport sur le projet de loi auprès du greffier du Sénat une fois que le Sénat aura terminé la rubrique « Présentation ou dépôt de rapports de comités » ou si le Sénat ne siège pas ce jour-là, le rapport étant publié dans les Journaux de ce jour-là ou du prochain jour de séance du Sénat, selon le cas, et réputé présenté au Sénat, les dispositions suivantes ayant alors effet :

(i)si le comité fait rapport du projet de loi avec amendement ou avec une recommandation conformément à l’article 12-23(5) du Règlement, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance du Sénat,

(ii)si le comité fait rapport du projet de loi sans amendement, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance du Sénat;

b)si le comité n’a pas fait rapport du projet de loi à la fin de ce jour-là :

(i)le comité soit réputé en avoir fait rapport sans amendement, que le Sénat ait siégé ou non ce jour-là,

(ii)la troisième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance du Sénat;

3.si, conformément au présent ordre, il y a une date à laquelle la troisième lecture d’un projet de loi doit prendre fin et qu’à 17 h 15 ce jour-là, l’ordre pour l’étude du rapport d’un comité au sujet du projet de loi ou pour la troisième lecture est toujours à l’ordre du jour, le Président interrompe les délibérations alors en cours à 17 h 15 afin de mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour rendre une décision finale sur le projet de loi à l’étape de la troisième lecture, sans autre débat, amendement ou ajournement, les dispositions suivantes ayant alors effet, s’il y a lieu :

a)si le rapport d’un comité au sujet du projet de loi est toujours inscrit à l’ordre du jour, mais que son adoption n’a pas encore été proposée, une motion tendant à l’adoption du rapport soit réputée avoir été proposée et appuyée, les dispositions de l’alinéa b) ayant par la suite effet;

b)si le rapport d’un comité au sujet du projet de loi est encore à l’étude au Sénat, une motion tendant à la troisième lecture soit réputée avoir été proposée et appuyée, s’il y a lieu, une fois que le Sénat aura rendu sa décision sur le rapport;

c)si la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour, mais que la motion à l’étape de la troisième lecture n’a pas encore été proposée, une motion tendant à la troisième lecture soit réputée avoir été proposée et appuyée;

4.pour l’application des articles 1 et 3 du présent ordre :

a)si le Sénat ne siège pas le jour où la deuxième ou la troisième lecture doit prendre fin conformément au présent ordre, les dispositions de l’ordre régissent les délibérations lors de la prochaine séance du Sénat comme s’il s’agissait du jour où la deuxième ou la troisième lecture doit prendre fin;

b)si un vote est en cours au moment où il faut traiter d’une affaire conformément au présent ordre, les dispositions de l’ordre ne prennent effet qu’immédiatement après le vote et les travaux qui en découlent;

c)si plusieurs affaires doivent être traitées au cours d’une même séance conformément au présent ordre, le Sénat les aborde selon l’ordre dans lequel elles y sont indiquées;

d)si un vote par appel nominal sur une affaire régie par les dispositions du présent ordre a déjà été reporté pour qu’il ait normalement lieu après 17 h 15 le jour prévu aux termes du présent ordre, le vote ait plutôt lieu à 17 h 15 ce jour-là pour que le vote par appel nominal ait lieu selon les dispositions de l’alinéa suivant;

e)si un vote par appel nominal est demandé après que le Président doit interrompre les délibérations alors en cours conformément aux dispositions du présent ordre, le vote ne soit pas reporté et la sonnerie ne retentisse qu’une fois pendant 15 minutes et qu’elle ne retentisse pas de nouveau pour les votes par appel nominal demandés subséquemment au titre du présent ordre;

f)si un vote par appel nominal préalablement reporté, à l’exception d’un vote visé par l’alinéa d), entrerait en conflit avec les échéances prévues dans le présent ordre, il soit reporté de nouveau à la fin des délibérations conformément au présent ordre, sous réserve que si la sonnerie a déjà retenti pour un vote par appel nominal conformément au présent ordre, elle ne retentisse pas de nouveau pour le vote par appel nominal préalablement reporté;

5.pour l’application des articles 1, 2 et 3 du présent ordre, si la date à laquelle la deuxième ou troisième lecture doit prendre fin ou la date à laquelle le comité doit faire rapport tombe avant l’adoption du présent ordre ou le jour même de son adoption, les dispositions de celui-ci régissent les délibérations lors de la prochaine séance du Sénat qui suit son adoption, comme si le jour de cette séance était la date visée;

6.lors des séances au cours desquelles les délibérations sont régies par les dispositions du présent ordre, aucune motion visant à lever la séance ne soit reçue, et l’application des articles du Règlement et de tout ordre antérieur concernant la levée d’office de la séance et sa suspension à 18 heures soit suspendue tant que le Sénat n’aura pas rendu, conformément au présent ordre, sa décision finale sur toute affaire régie par le présent ordre;

7.les dispositions du présent ordre s’appliquent aux projets de loi suivants :

a)le projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 9 mai 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 6 juin 2019);

b)le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 5 avril 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 11 avril 2019);

c)le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 5 avril 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 11 avril 2019);

d)le projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 16 mai 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 30 mai 2019);

e)le projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 7 mai 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 30 mai 2019);

f)le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 9 mai 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 30 mai 2019);

g)le projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 10 avril 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 9 mai 2019);

h)le projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois (la date à laquelle la deuxième lecture doit prendre fin étant le 4 avril 2019, la date à laquelle le comité auquel le projet de loi pourrait être ou est renvoyé doit faire rapport étant le 10 mai 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 16 mai 2019);

i)le projet de loi C-78, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apportant des modifications corrélatives à une autre loi (la date à laquelle la deuxième lecture doit prendre fin étant le 11 avril 2019, la date à laquelle le comité auquel le projet de loi pourrait être ou est renvoyé doit faire rapport étant le 14 mai 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 16 mai 2019);

j)le projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 7 mai 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 16 mai 2019);

k)le projet de loi C-85, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-Israël et apportant des modifications connexes à d’autres lois (la date à laquelle la deuxième lecture doit prendre fin étant le 4 avril 2019, la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est ou pourrait être renvoyé doit faire rapport étant le 30 avril 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 9 mai 2019);

8. il soit entendu que rien dans le présent ordre n’empêche qu’un comité fasse rapport avant, ou que les délibérations à toute autre étape ne soient terminées avant, les dates prévues dans le présent ordre.

[Français]

(1440)

La Loi sur les lettres de change
La Loi d’interprétation
Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-369, Loi modifiant la Loi sur les lettres de change, la Loi d’interprétation et le Code canadien du travail (Journée nationale de la vérité et de la réconciliation), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Pêches et océans

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir, afin de poursuivre son étude du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence, le mardi 9 avril 2019, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Français]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à se réunir, afin de poursuivre son étude du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, le mardi 30 avril 2019 et le mardi 7 mai 2019, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Traduction]

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir le mercredi 3 avril 2019, à 15 h 15, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1450)

Le Sénat

Préavis de motion tendant à constituer un Comité spécial sur l’indépendance des poursuites judiciaires

L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours, je proposerai :

Qu’un Comité spécial sur l’indépendance des poursuites judiciaires soit formé pour examiner et faire rapport sur l’indépendance du Service des poursuites pénales du Canada et du procureur général du Canada;

Que le comité soit composé de six sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants, de trois sénateurs conservateurs et d’un sénateur indépendant libéral, désignés par le Comité de sélection, et que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que le comité examine et fasse rapport sur la séparation des fonctions du ministre de la Justice et de celles du procureur général du Canada, et sur d’autres initiatives visant à promouvoir l’intégrité de l’administration de la justice;

Que, de plus, le comité examine et fasse rapport sur les accords de réparation, tel que le prévoit la PARTIE XXII.1 du Code criminel, en particulier, l’interprétation appropriée des considérations d’intérêt économique national mentionnées au paragraphe 715.32(3) du Code criminel;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes, à obtenir des documents et des dossiers, à interroger des témoins et à faire publier au jour le jour les documents et témoignages dont il peut ordonner la publication;

Que, nonobstant l’article 12-18(1) du Règlement, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là;

Que, nonobstant l’article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le comité soit habilité à se réunir du lundi au vendredi, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d’une semaine;

Que le comité soit habilité à faire rapport de temps à autre et présente son rapport final au plus tard le 1er juin 2019, et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 30 jours suivant le dépôt du rapport final.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le jeudi 21 mars 2019, la période des questions aura lieu à 15 h 30.

Agriculture et forêts

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motions :

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à se réunir le mardi 9 avril 2019, à 18 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Le Code criminel
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Campbell, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de critique de l’opposition officielle pour le projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.

Le projet de loi a été présenté aux Canadiens et aux Canadiennes comme étant une réforme historique, une réforme qui est censée réduire les délais du système de justice. Lorsqu’on analyse de plus près ce projet de loi omnibus de près de 200 pages, et lorsqu’on discute avec les avocats de la défense, les avocats de la Couronne et les victimes, on entend beaucoup plus de critiques que de commentaires positifs à son sujet. Quand on parle aux gens qui fréquentent les palais de justice, on entend surtout des commentaires négatifs.

J’aimerais d’abord signaler à quel point, à titre de père d’une victime d’acte criminel, je suis déçu de la manière expéditive dont le leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Harder, a agi dans ce dossier. À titre de critique, j’ai droit à des renseignements de la part du ministère de la Justice. Ce n’est pas un privilège, c’est un droit. Or, j’ai dû demander moi-même ces renseignements, que je n’ai reçus qu’hier, 24 heures avant que je puisse lire ce projet de loi, parce que personne au sein du groupe du gouvernement ne l’a proposé à mon bureau.

J’ai posé des questions aux fonctionnaires que j’ai vus hier, et je n’ai évidemment reçu aucune réponse à mes questions en si peu de temps. En tant que défenseur des victimes d’actes criminels et de leur famille, vous comprendrez que je prends ce projet de loi très au sérieux. D’ailleurs, celui-ci aura des impacts sur des vies humaines; je pense notamment aux victimes d’actes criminels, aux victimes d’agressions sexuelles, aux victimes de terrorisme et, surtout, aux victimes de violence conjugale. Je pense aux proches de personnes assassinées, enlevées ou disparues, que j’ai accompagnés et que j’accompagne toujours depuis le décès de ma fille.

Premièrement, le projet de loi est censé réduire les retards au sein du système de justice. La dernière fois que j’ai posé une question au critique du projet de loi, le sénateur Sinclair, j’ai demandé combien de sièges de juges nommés par le gouvernement fédéral étaient vacants. On n’a pas pu me donner la réponse à l’époque, mais elle aurait été loin d’être rassurante. Au 1er février 2016, 27 postes étaient vacants; au 1er juillet 2016, 41 postes; au 5 août 2016, 44 postes; au 1er juin 2017, 53 postes; au 1er mai 2018, 61 postes; au 3 décembre 2018, 55 postes; et, enfin, au 4 mars 2019, 61 postes. Au lieu de s’améliorer, comme l’avait promis le gouvernement libéral, la situation n’a jamais cessé de se dégrader. Bref, cette supposée réforme a été rédigée alors que la magistrature de nomination fédérale a subi une pression constante et marquée par la baisse d’un nombre sans cesse croissant de juges.

Deuxièmement, le projet de loi doit moderniser et simplifier le système de libération sous caution. Des amendements proposés à la libération sous caution adopteront un « principe de retenue » pour les services de police et les tribunaux, afin de privilégier la mise en liberté dès la première occasion. On sait déjà que les forces policières sont parfois outrées de voir des criminels arrêtés retourner confortablement à la maison après avoir commis des crimes sérieux. Je suis très inquiet pour la sécurité publique si ce projet de loi est adopté.

Malheureusement, derrière cette belle promesse, on risque de rendre la vie des victimes encore plus difficile. En effet, ce que propose ce projet de loi, c’est de rendre la liberté à plus d’accusés dans l’attente de leur procès. Pour une victime de violence conjugale, pour une victime d’agressions sexuelles, pour les parents d’un enfant qui a été agressé sexuellement, cela rendra leur expérience du système de justice encore plus tragique, douloureuse et traumatisante. Mettez-vous à la place de ces victimes, ne serait-ce qu’une seule minute. Le fait de penser que leur agresseur risque d’être libéré après son arrestation ne fera que dissuader les victimes de porter plainte. On sait que, déjà, le taux de dénonciation est l’un des plus bas. Si c’est ainsi que le gouvernement espère réduire les délais, en limitant le nombre de poursuites criminelles, je trouve cela outrageant et totalement déconnecté de la réalité des victimes.

En ce sens, le projet de loi C-75 imposera davantage le silence aux victimes et placera les droits des criminels avant ceux des victimes. Les taux de signalements diminueront, particulièrement dans les communautés marginalisées comme les collectivités autochtones et les milieux pauvres, parce que les libérations sous caution deviendront encore plus faciles à obtenir dans des milieux de vie où tout le monde se côtoie et se connaît, victime et agresseur.

Troisièmement, on a prétendu que ce projet de loi favorisait un avancement à l’égard de la violence conjugale. L’ajout proposé de l’alinéa 515(6)b.1) renversera le fardeau de la preuve pour quiconque est accusé d’un acte de violence conjugale et a déjà été déclaré coupable d’un autre acte de violence conjugale. À première vue, c’est encourageant. Cependant, si vous relisez bien le texte de l’alinéa, cela signifie qu’une victime ne bénéficiera du renversement du fardeau de la preuve, transféré au prévenu, que dans les cas de récidive, et seulement pour des actes bien précis de violence conjugale. Encore une fois, on protège d’abord l’agresseur plutôt que les victimes de violence conjugale.

(1500)

Honorables sénateurs, comme l’a affirmé Nancy Roy, présidente de l’AFPAD, accompagnée de Bruno Serre, père de Brigitte, assassinée en 2016, « ces victimes n’ont pas eu, malheureusement, de deuxième chance. »

S’il faut une première infraction de violence conjugale pour pouvoir renverser le fardeau de la preuve, s’il faut attendre qu’un criminel ait battu une femme, l’ait agressée ou séquestrée pour faire en sorte que, lors de la deuxième infraction, s’applique un renversement de la preuve, je crois que nous faisons fausse route. Les victimes de violence conjugale savent que l’escalade de la criminalité des conjoints ou des partenaires fait en sorte que le deuxième acte peut être mortel.

Par ailleurs, le projet de loi restreindra l’application des enquêtes préliminaires dans les cas d’infractions passibles d’une peine d’emprisonnement à perpétuité. À première vue, cette mesure semble pouvoir réduire les délais; cependant, lorsqu’on parle aux gens qui pratiquent le droit, on constate de graves inquiétudes chez ceux qui ne vivent pas dans un monde théorique.

Dans une lettre envoyée en mars 2017 à la ministre fédérale de la Justice de l’époque, Jody Wilson-Raybould, avant qu’elle ne fasse l’objet d’une rétrogradation, l’Association du Barreau canadien qualifie de « hautement spéculative » la relation de cause à effet entre les enquêtes préliminaires et les délais judiciaires. Permettez-moi de citer une partie de cette lettre :

Le point de vue de la Section du droit pénal de l’Association du Barreau canadien (la « Section ») à ce sujet se fonde sur l’expérience quotidienne de ses membres dans les tribunaux partout au pays, tant à titre de procureurs que d’avocats de la défense. Plutôt que d’être source de retards pour les cours supérieures, l’enquête préliminaire leur épargne temps et argent. Avant d’agir sur cette question, nous vous invitons à faire l’examen complet et minutieux des différents défis auxquels fait face le système de justice pénale canadien, à la lumière des perspectives de l’ensemble de ses intervenants et des recherches les plus récentes.

[Traduction]

J’ajoute que seulement 3 p. 100 des cas font l’objet d’une enquête préliminaire. Les victimes ont-elles été consultées à ce sujet? Non. Cela demeure un mystère.

Les enquêtes préliminaires permettent également à la Couronne de tester la solidité de la preuve et, souvent, de combler des lacunes ou de régler des difficultés liées à la preuve, ce qui permet de mieux soutenir l’accusation au moment du procès.

[Français]

Cinquièmement, le projet de loi C-75 vise à reclassifier plus de 150 infractions criminelles. Pour être plus précis, plus de 110 infractions poursuivables par acte criminel seront transformées en infractions mixtes. Parmi les infractions poursuivables par acte criminel qui deviendront des infractions mixtes, citons la fraude envers le gouvernement, l’abus de confiance et le complot.

En réduisant les peines pour fraude et autres crimes de col blanc, ce projet de loi découragera les sonneurs d’alerte qui sont si essentiels à la dénonciation des crimes de fraude. Pensons aux personnes qui ont dénoncé avec courage la criminalité dans l’industrie de la construction au Québec. Rappelons le tristement célèbre Michael Applebaum, ancien maire de Montréal, qui a été reconnu coupable de huit chefs d’accusation, y compris de fraude envers le gouvernement et d’abus de confiance. Le projet de loi C-75 ouvrira la porte à la possibilité de réduire les peines des criminels en col blanc à l’aide de poursuites sommaires et de peines de deux ans moins un jour.

Pourquoi réduire les peines de criminels qui, comme Michael Applebaum, volent les contribuables et réduisent la crédibilité de nos institutions? Rappelons aussi le cas de Bernard Trépanier, tristement célèbre, lui aussi. Vous vous souvenez sûrement de son surnom, « Monsieur 3 % ». Il devait être jugé dans le cadre de deux procès liés à la criminalité dans l’industrie de la construction au Québec : l’un pour sa participation présumée au scandale du Faubourg Contrecœur, et l’autre pour des accusations de fraude et de corruption liées à un système de partage des contrats municipaux.

Aujourd’hui, le gouvernement tente de nous dire que des peines plus clémentes sont souhaitables pour ce genre de criminels. C’est incompréhensible.

À cause du projet de loi C-75, le crime d’entrave à la justice, au paragraphe 139(2), deviendra un crime potentiellement poursuivable par acte sommaire avec des peines de moins de deux ans de prison. Au paragraphe 139(3), il est mentionné que cela couvre le fait de dissuader une personne par des menaces, des pots-de-vin, et cetera. Où est la logique de punir avec douceur des crimes qui minent le système de justice? Une condamnation pour entrave à la justice peut entraîner à l’heure actuelle une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement, et avec raison. On communique avec des victimes pour les empêcher de venir témoigner au moyen de menaces ou de pots-de-vin. En quoi est-ce que cela servira la cause des victimes et la protection des témoins?

Ronald Weinberg, fondateur de Cinar, a été trouvé coupable de neuf des 16 chefs d’accusation portés contre lui, y compris fraude, faux, usage de faux et publication d’un faux prospectus. La fraude de prospectus, au paragraphe 400(1), se retrouverait aussi parmi les infractions réduites par une possible poursuite sommaire. Les victimes de fraude en col blanc soutiennent-elles ce type de changement? J’en doute énormément.

L’infraction de mariage forcé peut avoir des conséquences dramatiques chez les victimes. Pensons aux jeunes femmes et aux jeunes filles qui s’installent au pays. D’où vient cette étrange idée de réduire les possibilités de peine en les faisant passer de cinq ans maximum à deux ans moins un jour ou à une amende? Je vous réfère à l’article 293.1, mariage forcé, et à l’article 293.2, mariage forcé d’une personne de moins de 16 ans. Encore aujourd’hui, des Québécoises sont menacées par leur famille, maltraitées et parfois mariées de force au nom de l’honneur. Ce projet de loi, en réduisant la peine à moins de deux ans pour mariage forcé, risque d’envoyer un message très négatif aux victimes. Le conjoint violent pourrait ne pas rester bien longtemps en prison. C’est quasiment une invitation à ne pas dénoncer le coupable, encore une fois.

Les criminels qui font la traite des personnes et les criminels qui abusent des jeunes filles dans le monde de la prostitution juvénile profiteront de ces nouveaux amendements. À titre d’exemple, l’utilisation criminelle de faux passeports est souvent liée au trafic d’immigrants clandestins, au crime de la traite des personnes et au terrorisme international. Les victimes de ces crimes sont souvent traumatisées à vie. Pourquoi réduire les peines pour ces crimes à moins de deux ans et un jour de prison? Le crime d’avantage matériel, traite des personnes, est actuellement passible d’un maximum de 10 ans. Pourquoi réduire les peines pour un crime aussi répandu dans le sale monde de l’exploitation des jeunes filles à moins de deux ans et un jour de prison? Où est la logique? Où est l’humanité derrière ces amendements?

Le projet de loi C-75 propose de transformer en infractions mixtes de deux ans moins un jour des infractions aussi graves que l’enlèvement d’un enfant de moins de 16 ans et l’enlèvement d’un enfant de moins de 14 ans. Mettez-vous à la place d’un parent qui vit ce genre de drame. Comment justifier le fait que ce type de criminel puisse se retrouver dans des prisons provinciales et bénéficier d’une remise en liberté après avoir purgé le sixième de sa sentence? Le projet de loi C-75 propose de réduire les retards pour les cours fédérales en pelletant les problèmes et les criminels vers les cours provinciales et les prisons provinciales. Les prisons provinciales débordent déjà. De plus, elles n’ont pas les ressources nécessaires pour traiter ce genre de criminalité. Ce projet de loi envoie tout simplement des criminels vers la récidive.

J’étais hors de moi quand j’ai constaté que le crime d’outrage à un cadavre — vous avez bien compris, outrage à un cadavre — allait devenir une infraction mixte. Ce crime peut être associé à un crime d’homicide involontaire. Lorsque je visitais les familles de personnes assassinées, j’ai entendu de telles histoires d’horreur plus souvent qu’à mon tour. Comment le gouvernement peut-il expliquer sa décision de rendre cette infraction passible d’une peine de deux ans moins un jour ou d’une amende, alors que le maximum est de cinq ans en ce moment?

Selon l’avocate Kyla Lee, les dispositions du projet de loi C-75 qui modifient la loi en ce qui concerne les enquêtes sur le cautionnement sont « inutiles », « trop générales » et « restreignent gravement les droits des accusés ». Elle ajoute aussi ceci : « Les modifications proposées dans ce projet de loi sont à la fois inconstitutionnelles et non nécessaires. » Ce que cela signifie, c’est que les avocats de la défense lanceront des litiges et des recours judiciaires qui, tôt ou tard, aboutiront à la Cour suprême avec des déclarations d’inconstitutionnalité.

(1510)

Sixièmement, le projet de loi C-75 bouleversera le processus de sélection des jurés. Le projet de loi propose d’éliminer les récusations péremptoires. Me Laurelly Dale, une avocate de la défense qui a plaidé dans l’affaire R. c. Kokopenace en 2015, souligne, dans le Lawyer’s Daily, que cette affaire révèle à quel point le problème se manifeste dans le cadre des processus de sélection, et donc des listes, et je cite :

Nous nous sommes retrouvés avec un jury composé de non-Autochtones, non pas à cause de défis péremptoires, mais à cause du processus de sélection du jury. Je suis d’accord, il faudrait modifier notre sélection de jury pour faire en sorte qu’il s’agisse d’un jury composé de nos pairs.

Si le projet de loi C-75 vise à améliorer la représentativité, il doit viser une plus grande collaboration avec les provinces, qui sont les grandes responsables de cette composante du processus de nomination du jury. Cela signifie également que le Parlement ne peut aborder que marginalement l’enjeu de la représentativité. À cette fin, il convient d’entretenir un scepticisme sain sur la législation fédérale qui vise à modifier, au nom de la « représentativité », des procédures de procès bien enchâssées.

Septièmement, le projet de loi renforcera les pouvoirs de gestion de l’instance des juges.

Il est important de souligner que les principaux intervenants, telle la Criminal Lawyers’ Association, n’ont pas été consultés au sujet du projet de loi C-75. J’attends toujours de savoir quelles victimes ont été consultées. De plus, ce projet de loi est censé améliorer l’approche pour traiter des infractions contre l’administration de la justice, y compris pour nos jeunes, mais lorsqu’on l’examine de plus près, il s’agit d’un retour en arrière.

Voilà qui conclut ma présentation sur le projet de loi C-75 qui, à mon avis, a été préparé en vitesse par le gouvernement afin de réduire les délais, de prévoir un processus plus inclusif pour les victimes et de mieux protéger les femmes contre la violence conjugale. Or, je crois que ce projet de loi fera tout le contraire. Ce qui m’inquiète le plus, c’est l’élément lié à la violence conjugale. Comment accepter dans notre pays que la notion de renversement de la preuve soit liée au nombre de victimes que l’agresseur doit connaître? Je ne comprends pas cela. Lorsqu’on a posé la question au fonctionnaire du ministère de la Justice, on a reçu une réponse politique. S’il y a des amendements à apporter à ce projet de loi, j’en retiens un en particulier : chaque fois qu’une femme est agressée, l’agresseur doit faire la preuve qu’il n’est plus dangereux. Sinon, on dirige tout simplement des femmes vers l’assassinat. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, j’aimerais dire quelques mots sur le projet de loi C-75. Je parlerai un peu des ententes qui ont été conclues relativement à ce projet de loi, mais mes remarques s’inscriront dans le contexte de ce dernier.

Ce matin, honorables collègues, le sénateur Smith est venu à mon bureau pour me demander quel genre d’entente j’avais conclue avec le sénateur Harder sur les projets de loi C-75 et C-85. Je lui ai répondu que nous nous étions entendus pour débattre des deux mesures législatives cette semaine, puis les renvoyer au comité. Le sénateur Smith m’a dit que le sénateur Harder avait plutôt l’impression que nous débattrions de ces mesures législatives aujourd’hui et qu’elles seraient ensuite renvoyées au comité.

Nous avons donc décidé d’aller voir le sénateur Harder. À environ 11 h 45, nous nous sommes rendus au bureau du sénateur Harder pour discuter avec lui. Le sénateur Harder m’a assuré que j’avais promis que nous débattrions de ces deux projets de loi aujourd’hui. Je lui ai dit que j’étais désolé, mais que ce n’était pas ce que j’avais cru comprendre. Je croyais que le débat aurait lieu cette semaine.

Il m’a dit que si nous ne le faisions pas aujourd’hui, il proposerait une motion de programmation. Nous avons discuté. Je suis peut-être un dur à cuire, je suis peut-être parfois déplaisant et il n’est peut-être pas toujours facile de s’entendre avec moi, mais je lui ai dit : « s’il y a une chose dont je m’enorgueillis, c’est que je suis un homme de parole. Si je m’engage à quelque chose, j’y donnerai suite. »

Ainsi, sénateur Harder, puisque vous croyez et estimez que j’ai dit aujourd’hui, j’ai parlé à mes collègues pour que ceux qui souhaitent intervenir le fassent aujourd’hui. Comme en témoigne le discours que nous venons d’entendre, le sénateur Boisvenu a accepté. La sénatrice Frum a également accepté de prendre la parole au sujet du projet de loi C-85. J’ai dit au sénateur Harder : « Je vous en donnerai des nouvelles lorsque nous reviendrons dans l’enceinte. » Il a répondu : « Ce n’est pas suffisant. Je veux le savoir d’avance. » J’ai lui donc dit : « D’accord. Serez-vous à votre bureau? » Il a répondu : « Vous pouvez m’envoyer un texto pour m’aviser. » J’ai dit que c’était d’accord, en ajoutant : « Je tiens à vous assurer, sénateur Harder, que, comme j’estime être un homme de parole, je vais essayer. »

À 12 h 15, depuis notre réunion de caucus, j’ai envoyé au sénateur Harder le texto suivant :

Nos interventions au sujet des projets de loi 75 et 85 se feront aujourd’hui.

Le sénateur Harder m’a envoyé dans la minute même, à 12 h 15, le texto suivant :

Don, par souci de transparence et conformément à l’engagement que j’ai pris lors de notre dernière rencontre…

— l’engagement que le sénateur Harder a pris, il le dit lui-même —

...ce matin, j’ai eu des entretiens avec d’autres leaders et je présenterai cet après-midi une motion de programmation...

— une motion de programmation, c’est probablement du jamais vu en 150 ans au Sénat.

Chers collègues, je crois que si nous voulons faire preuve de collégialité et de collaboration, il faut respecter les accords conclus. Il y a quelques semaines, nous avons eu ce genre de conversation après un accord conclu avec le sénateur Harder à propos, je crois — mais je n’en suis pas entièrement certain —, du projet de loi C-55. À cette occasion, le sénateur Harder avait présenté un avis de motion le même jour. Ce n’est pas une façon d’agir, chers collègues. Que nous soyons d’accord ou non au plan politique, il faut agir avec honneur et tenir parole.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Faire ce dont nous avons été témoins aujourd’hui est tout le contraire de tenir parole. Je suis offensé et stupéfait de voir mon bon ami le sénateur Harder agir ainsi.

Avant de perdre mon calme, je préfère m’arrêter là. Je demanderai simplement que le débat soit ajourné à mon nom.

Son Honneur le Président : Nous sommes saisis d’une motion d’ajournement.

Avez-vous une question, sénateur Woo?

L’honorable Yuen Pau Woo : J’ai une question pour le sénateur Plett.

Son Honneur le Président : Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Plett?

Le sénateur Plett : Certainement.

Le sénateur Woo : Sénateur Plett, pourriez-vous dire aux sénateurs quelles discussions vous avez eues avec moi ou avec un des membres de mon équipe de direction, nous qui représentons le groupe le plus important au Sénat, au sujet des ententes que vous auriez apparemment conclues avec le sénateur Harder?

Le sénateur Plett : Cela me fera plaisir, sénateur Woo. Je n’ai eu aucune discussion avec vous, parce que, bien honnêtement, vous ne représentez personne. Comme vous le dites, vous représentez 58 sénateurs indépendants. Parler d’un groupe d’indépendants est paradoxal. Soit vous formez un groupe, soit vous êtes indépendants. Nous, nous sommes l’opposition officielle. Le sénateur Harder, lui, est le gouvernement. Pourquoi irions-nous discuter avec un groupe qui n’est rattaché à rien?

S’il vous plaît, vous m’avez demandé de répondre à votre question. Je n’ai pas terminé.

Le sénateur Day représente un groupe organisé qui, en toute honnêteté, formera probablement l’opposition officielle dès le 31 octobre, car nous formerons le gouvernement.

(1520)

Des voix : Bravo!

Le sénateur Day : N’est-ce pas un peu doux-amer?

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Woo : Sénateur Plett, avez-vous aussi discuté avec le sénateur Day? Pourriez-vous aussi indiquer s’il y a, chaque mardi, une rencontre des leaders, comme on l’appelle? Le sénateur Smith y participe, le sénateur Day y participe, c’est le sénateur Harder qui préside et moi aussi j’y participe.

Le sénateur Plett : Eh bien, franchement, non, je ne pourrais dire quel genre de réunions vous, le sénateur Smith, le sénateur Harder et le sénateur Day tenez. Je peux vous parler des rencontres que j’ai eues avec le sénateur Smith et le sénateur Day. Je n’ai pas d’objection à ce que vous organisiez des réunions des leaders. Vous m’avez demandé ce que moi j’avais fait. En ce qui concerne ma rencontre avec mon leader aujourd’hui, nous sommes allés voir le leader du gouvernement, nous avons eu une rencontre et nous avons obtenu des engagements. Le jour où vous, sénateur Woo, serez en mesure de vous engager au nom de votre caucus, notre caucus sera ravi de commencer à tenir de telles rencontres avec vous.

Le sénateur Woo : Pouvez-vous nous dire alors ce que le sénateur Smith vous a dit de la réunion des leaders, à laquelle j’ai assisté et pendant laquelle il a été question de planification, notamment de la motion de programmation qui semble tant vous étonner?

Le sénateur Plett : Encore une fois, sénateur Woo, non, je ne peux pas vous dire exactement ce que le sénateur Smith a dit dans mon bureau à propos de la motion de programmation, car je ne suis pas certain qu’il en ait parlé. Le sénateur Harder, par contre, en a parlé. Il a promis de ne pas présenter une telle motion. Encore une fois, sénateur Woo, la motion de programmation n’a rien à voir avec vous. Elle provient du sénateur Harder et du gouvernement. Ce sont eux qui l’ont présentée. Les discussions que vous avez pu avoir avec toute autre personne ici n’ont donc aucune importance.

L’honorable Frances Lankin : Sénateur Plett, je comprends la vigueur avec laquelle vous tenez à nous faire comprendre que vous êtes un homme de parole. Je sais comment on peut se sentir quand on est accusé personnellement d’une chose, ne serait-ce qu’indirectement. C’est ce qui vous arrive actuellement.

Je crois que c’est le manque de communication qui a fini par causer le problème que l’on sait. Quelles que soient les motions dont nous serons saisis, je dois admettre que, quand vous dites que vous tenez toujours parole, même si c’est vrai la plupart du temps, ce n’est pas ce que m’ont appris le projet de loi sur l’Ô Canada, les mois de discussion qui ont suivi et les nombreuses fois où vous m’avez fait une promesse à laquelle vous n’avez jamais donné suite. Vous finissiez toujours par me dire : « Vous ne m’avez pas vraiment cru, n’est-ce pas? »

Le ton de la conversation est encore jovial entre nous, mais je vous en prie. Il se passe assez de choses à Ottawa, ces jours-ci, qui entraînent des discours moralisateurs, et c’est un peu dans le même esprit que vous nous dites cela aujourd’hui. J’imagine que ma question serait : « Êtes-vous d’accord? » Vous répondriez sans doute non, mais je tiens à l’entendre de votre bouche.

Le sénateur Plett : J’espère que je ne manquerai pas de temps avant de pouvoir ajourner le débat.

Sénatrice Lankin, je vous répondrais probablement oui, au contraire. Je suis le premier à admettre qu’il m’est arrivé de ne pas parvenir à tenir parole. Comme le sénateur Harder vient de me le signaler, je lui ai dit une chose, mais il en a compris une autre. Je me suis donc repris. Je ne le nie pas. Je me souviens, en effet, sénatrice Lankin, du projet de loi sur l’hymne national et de nos discussions à ce sujet. Je ne crois pas vous avoir menti à ce moment-là et je ne crois pas avoir jamais menti au Sénat non plus.

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Plett, vous pourriez peut-être me fournir des éclaircissements sur certains points qui me rendent perplexe. Premièrement, convenez-vous, sénateur Plett, que depuis notre arrivée au Sénat il y a une décennie, c’est la première fois qu’une telle motion est présentée? Il s’agit d’une motion d’attribution de temps dopée aux stéroïdes. Voilà ma première question.

Deuxièmement, nous sommes en train d’ergoter avec le leader du Groupe des sénateurs indépendants, sénateurs nommés par le gouvernement, et avec le leader du gouvernement, qui a été nommé par le même gouvernement, à propos des personnes avec lesquelles vous avez négocié alors qu’il me semble, sénateur Plett, qu’ils appuient tous les deux la motion. Ce n’est pas la motion qui leur pose problème, mais les personnes avec lesquelles vous avez négocié.

Pouvez-vous tirer tout cela au clair pour moi parce que je trouve que c’est un peu déroutant, et je suis sûr que la population canadienne est du même avis que moi?

Son Honneur le Président : Sénateur Plett, avant que vous répondiez à ces questions, je précise que seul un préavis de motion a été présenté jusqu’à maintenant. Il serait donc inapproprié de discuter de la motion. Vous pouvez répondre à la question du sénateur Housakos, à condition de ne pas débattre de la motion parce que seul un préavis de motion a été donné jusqu’ici.

Le sénateur Plett : Je m’excuse si je n’ai pas tout compris, Votre Honneur. J’essaierai de répondre brièvement aux questions du sénateur Housakos.

La réponse à votre première question, c’est qu’en 10 ans ici, au Sénat, je n’ai jamais vu pareil préavis de motion. J’imagine qu’en 150 ans, cela ne s’est jamais vu.

Quant à votre deuxième question, sur la négociation, je crois que j’ai déjà dit au sénateur Woo — que je respecte beaucoup comme personne et comme honorable sénateur — que je désapprouve le fait que les indépendants forment un groupe organisé. Donc, je ne crois pas que nous, en tant qu’opposition officielle, devions négocier avec eux, à moins que l’honorable sénateur veuille se joindre au caucus du gouvernement. On me dit parfois : « Don, ton jupon dépasse. » Cela peut aussi s’appliquer au cas actuel.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, une motion d’ajournement a été proposée. L’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénateur Wells, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent. Le débat est ajourné.

(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné avec dissidence.)

La Loi sur le divorce
La Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales
La Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Coyle, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-78, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apportant des modifications corrélatives à une autre loi.

Son Honneur le Président : Honorable sénatrice Dasko, je vous rappelle qu’il vous reste environ quatre minutes avant la période des questions et que, à ce moment-là, je devrai malheureusement vous interrompre.

L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, j’interviens pour parler des objectifs du projet de loi C-78, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apportant des modifications corrélatives à une autre loi.

Je salue le gouvernement d’avoir présenté ce projet de loi. Il est rare que l’on rouvre la Loi sur le divorce pour y apporter des réformes significatives. En effet, on ne l’a fait que quatre fois en 50 ans.

Avant d’entrer dans les détails du projet de loi, j’exhorte les honorables sénateurs à prendre un peu de recul par rapport au texte. Le projet de loi C-78 est un point d’un arc de cercle, la poursuite de changements fondamentaux dans la façon dont nous abordons le mariage et sa rupture.

Le mariage et le divorce sont un excellent miroir de l’évolution des valeurs sociales qui ont transformé pour toujours la société canadienne. Jusqu’à la fin des années 1960, le mariage était considéré comme un lien indestructible, qui durait toute la vie. En le brisant, on s’exposait à de graves sanctions religieuses. Le divorce était rare et difficile à obtenir. Si pour beaucoup cette institution offrait confort et stabilité, pour d’autres elle était synonyme de malheur et de contrainte.

Or, tout cela allait changer à l’issue de deux révolutions. Il y a d’abord eu la génération du baby-boom et ses valeurs — méfiance à l’égard de l’autorité, volonté d’épanouissement personnel et contrôle de sa destinée — qui ont fini par dominer, marquant la fin du mariage traditionnel.

Les personnes à l’origine de la deuxième révolution, le mouvement pour l’égalité des femmes, ont exigé que les femmes soient traitées de manière équitable et que l’on reconnaisse activement leur contribution à la société.

On ne peut pas oublier l’histoire de l’Albertaine Irene Murdoch, qui, en 1973, s’est fait dire par la Cour suprême du Canada qu’elle ne faisait que ce qui était attendu d’une épouse et que sa demande en vue d’obtenir une partie du ranch familial était irrecevable. Au cours des années suivantes, son cas a entraîné une réforme du droit familial et des changements considérables aux lois sur les biens matrimoniaux dans presque toutes les provinces.

À l’échelle fédérale, la Loi sur le divorce de 1968 a été la première mesure importante visant à mettre fin à la protection du mariage par l’État. Elle a fait en sorte que le divorce soit accessible tant aux hommes qu’aux femmes. Elle a établi un motif sans notion de faute pour dissoudre un mariage, introduisant ainsi le concept d’échec permanent du mariage en tant que motif de divorce. Les révisions apportées en 1985 à la Loi sur le divorce prévoyaient d’autres changements aux motifs de divorce, ainsi qu’aux pensions alimentaires. Les révisions de 1997 mettaient l’accent sur la pension alimentaire pour enfants.

(1530)

En 2005, le Canada est devenu le quatrième pays à légaliser le mariage entre personnes du même sexe. De plus, l’adoption par des parents de même sexe est légale dans toutes les provinces et tous les territoires, quoique les règles varient.

Nous avons également d’autres facteurs à considérer. Au cours des 50 dernières années, le cadre de reconnaissance des droits a été amélioré de façon majeure. Nous devons comprendre et appliquer les obligations en matière de droits internationaux, y compris celles découlant de la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de même que de plusieurs conventions de La Haye concernant les droits de l’enfant. Nous devons aussi comprendre et appliquer notre propre Constitution et sa Charte des droits et libertés.

Au cours de ces décennies, nous avons beaucoup appris au sujet de la famille et du droit de la famille. Notre société évolue et nos obligations en matière de droits de la personne évoluent. Je pense que nous connaissons maintenant une autre vague de changements sociaux qui comprend la lutte contre la violence sous toutes ses formes, ce qui m’amène au projet de loi C-78.

Je remercie le sénateur Dalphond de son excellent aperçu du projet de loi C-78. J’appuie entièrement les objectifs du projet de loi, qui sont : promouvoir l’intérêt de l’enfant, aider à lutter contre la violence familiale, aider à réduire la pauvreté chez les enfants et accroître l’accessibilité et l’efficacité du système de justice familiale canadien.

Honorables sénateurs, nous pouvons renforcer ces objectifs importants. Nous pouvons améliorer le projet de loi, en particulier en ce qui a trait à la lutte contre la violence familiale et les préjudices connexes pour les femmes et les enfants. La Loi sur le divorce étant la loi fédérale la plus utilisée, il est de notre devoir d’en faire la meilleure loi possible.

Je fais fond sur ma propre expérience et mes propres connaissances dans le domaine. Je suis membre du conseil d’administration du Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes, un organisme qui se spécialise dans le droit des femmes à l’égalité.

Son Honneur le Président : Pardonnez-moi, sénatrice Dasko.

Honorables sénateurs, je crois comprendre que la ministre a été légèrement retardée. Les sénateurs sont-ils d’accord pour que nous poursuivions l’étude de cette affaire à l’ordre du jour jusqu’à l’arrivée de la ministre?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Dasko : Merci.

Toutefois, en ce qui concerne le projet de loi, deux omissions quant à l’égalité hommes-femmes et à l’analyse comparative entre les sexes me laissent perplexe.

Premièrement, l’énoncé concernant la Charte présenté par la ministre de la Justice le 22 mai 2018 concernant le projet de loi C-78 ne dit rien sur la façon dont il répond aux exigences de l’article 15 de la Charte, qui porte sur le droit à l’égalité. Par conséquent, nous ne pouvons pas compter sur l’analyse du gouvernement sur la manière dont le projet de loi C-78 garantit l’égalité réelle.

Deuxièmement, le gouvernement n’a fourni aucune analyse comparative entre les sexes plus pour le projet de loi C-78. Nous ne pouvons pas continuer à parler de l’importance des analyses comparatives entre les sexes et des analyses intersectionnelles pour, en définitive, ne pas en mener ou ne pas donner suite à leurs conclusions.

J’exhorte le comité qui étudiera le projet de loi C-78 à examiner tout particulièrement dans quelle mesure ce dernier répond aux obligations énoncées dans la Charte, ainsi qu’aux obligations internationales mentionnées tout à l’heure.

La Loi sur le divorce crée un cadre pour le système en général. Il prévoit des directives que les juges appliqueront dans des cas précis. La plupart des couples décident eux-mêmes comment ils vont partager leurs responsabilités parentales après la rupture du mariage. Même si la Loi sur le divorce est la loi fédérale la plus utilisée, les procédures judiciaires entourant les droits des parents sont relativement rares. Toutefois, c’est souvent un juge qui tranche dans les cas les plus complexes et conflictuels. Il nous incombe de garantir que la loi applicable donne des indications précises au système en général et aux juges pour trancher dans des cas précis.

Honorables sénateurs, j’avance qu’il y a quatre façons de nous assurer que le projet de loi C-78 atteint ses objectifs. Mon premier argument est que nous devrions maintenir et protéger entièrement l’orientation principale proposée dans le projet de loi. L’article 12 du projet de loi ajoute un nouvel article 16 à la Loi sur le divorce.

Le tribunal tient uniquement compte de l’intérêt de l’enfant à charge lorsqu’il rend une ordonnance parentale ou une ordonnance de contact.

Notre collègue le sénateur Dalphond a fait remarquer qu’il s’agit d’un principe juridique fondamental en droit de la famille tant au Canada qu’à l’étranger. La force de ce critère, en vigueur ici depuis 1985, est qu’il place clairement les enfants, et non les parents, au cœur de la décision.

Le sénateur Dalphond a souligné que le projet de loi ne prévoit pas de présomption en faveur de la garde conjointe, comme on l’appelle parfois, ni de présomption en faveur du partage égal des responsabilités parentales. J’appuie entièrement cette décision de rejeter l’introduction d’une telle présomption.

Si nous adoptions la voie de la présomption d’un partage égal des responsabilités parentales, dans tous les cas, les parents partageraient également le rôle parental et le temps parental, à moins que l’un d’eux puisse démontrer qu’il y a des raisons pour lesquelles l’autre parent ne devrait pas avoir un droit égal. Cela rendrait secondaire l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est la dynamique entre les parents qui déterminerait l’orientation, le temps et les ressources du tribunal.

Le projet de loi C-78 donne de nouvelles directives précises aux juges sur ce qu’ils doivent prendre en considération lorsqu’ils déterminent ce qui est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Le paragraphe 16(3) fournit une longue liste de 11 facteurs dont les juges doivent tenir compte lorsqu’ils rendent des ordonnances parentales. Par exemple...

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice Dasko. La ministre est arrivée. Je m’excuse, mais je dois vous interrompre. Vous disposerez du reste de votre temps de parole après la période des questions.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Catherine McKenna, ministre de l’Environnement et du Changement climatique, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, veuillez accueillir l’honorable Catherine McKenna, ministre de l’Environnement et du Changement climatique.

Honorables sénateurs, nous revenons à l’entente initiale concernant les ministres pendant la période des questions. Le leader de l’opposition aura droit à une question complémentaire. Tous les autres sénateurs n’auront droit qu’à une seule question. Si vous avez une question complémentaire ou une deuxième question, vous serez inscrit sur la liste si le temps permet un deuxième tour.

Je demanderais aux sénateurs d’être brefs. Nous avons une longue liste de sénateurs qui souhaitent poser des questions à la ministre aujourd’hui. Ce sera une question par sénateur.

Le ministère de l’Environnement et du Changement climatique

Le projet de loi sur l’évaluation d’impact

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Bon après-midi, madame la ministre. Ma question porte sur le projet de loi C-69, qui est actuellement soumis à l’examen du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

L’absence de renseignements au sujet de la liste de projets continue d’inquiéter grandement les provinces et l’industrie. Parmi les types de projets précédemment exclus de la liste des projets désignés établie par le gouvernement fédéral figurent l’exploitation de sables bitumineux in situ et les puits d’exploration extracôtiers. Est-ce toujours le cas? Nous l’ignorons.

Le comité a entendu récemment le ministre Pedersen, de l’Assemblée législative du Manitoba. Il a indiqué que le sous-ministre des Affaires intergouvernementales et des Relations internationales du Manitoba avait été invité à une rencontre à huis clos avec des fonctionnaires fédéraux et qu’il avait dû jurer de garder le secret avant qu’on lui montre l’ébauche d’une brève liste de projets. Il n’avait pas le droit de la mémoriser, de la copier ou de la communiquer à qui que ce soit.

C’est donc dire, madame la ministre, qu’il existe bel et bien une liste de projets quelque part. Pourquoi n’est-elle pas communiquée à plus de gens? Pourquoi n’est-elle révélée qu’au compte-gouttes? Comment avez-vous déterminé quelles provinces et quels groupes de l’industrie pourraient voir l’ébauche de la liste, et lesquels ne la verraient pas?

L’honorable Catherine McKenna, C.P., députée, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Je vous remercie infiniment de m’avoir invitée à témoigner aujourd’hui, sénateurs. Je suis heureuse de participer à la période des questions pour la troisième fois. Ce sera ma première comparution télévisée. Il est bon de vous voir tous de retour à Ottawa. Nous espérons que la météo s’améliorera.

Je suis sûre que vous êtes tous heureux de constater que, depuis hier, la pollution n’est plus gratuite nulle part au pays. Je suis convaincue que tous les sénateurs voudront participer aux efforts pour que des mesures sérieuses soient prises dans le dossier de la lutte contre les changements climatiques.

En ce qui concerne votre question, sénateur, le gouvernement prend le temps de bien établir la liste des projets. Nous avons mené une consultation sur la liste des projets et les activités qui seraient visées par la réglementation. Selon le processus parlementaire habituel, le projet de réglementation ne serait pas publié aux fins de commentaires avant que le projet de loi ne reçoive la sanction royale. Cependant, le gouvernement juge utile de mener une consultation au sujet de la liste des projets avant la sanction royale afin que l’on puisse, au besoin, apporter des modifications pour assurer la réalisation des bons projets.

Les travaux techniques sont en cours pour l’élaboration du cadre réglementaire. Le gouvernement met au point une approche fondée sur des critères pour passer en revue la liste actuelle des projets. La liste des projets sert à indiquer clairement à tout le monde si un projet doit être soumis à une évaluation d’impact fédérale, ce qui permet d’offrir le degré de clarté et de certitude que veulent et attendent les Canadiens et les entreprises.

L’objectif est d’établir des critères précis et des processus transparents pour examiner et mettre à jour la liste des projets de façon périodique afin de s’assurer que les projets qui présentent les plus grands risques d’impact dans des domaines de compétence fédérale seront soumis à une évaluation. Le gouvernement a sollicité des commentaires du 8 février au 1er juin 2018 pour avoir l’opinion des Canadiens relativement aux critères proposés pour réviser la liste de projets avant d’apporter des changements officiels au règlement. Les sciences techniques et les analyses fondées sur les faits continuent de façonner les avis sur ces questions.

(1540)

Il s’agit d’une approche très différente de celle adoptée sous la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012, laquelle ne prévoyait aucune consultation sur la liste de projets. Selon nous, c’est un progrès important. Nous devons entendre le point de vue des Canadiens, et il faut faire les choses correctement.

Le sénateur Smith : Merci, madame la ministre. D’entrée de jeu, un commentaire : lorsque le projet de loi sur le cannabis a été présenté, nous avons souligné le fait que le règlement était incomplet. On nous avait répondu : « Faites-nous confiance. Nous rédigerons le règlement une fois le projet de loi adopté. »

Il serait très utile que les gens soient informés, en raison notamment de la taille des projets et des possibilités qu’ils renferment, et qu’on ait accès à ces renseignements avant que la loi soit adoptée.

D’après Global News, votre collègue, le ministre Morneau, a déclaré devant un auditoire à Calgary la semaine dernière que des amendements sont apportés au projet de loi C-69 à la suite de consultations, vraisemblablement celles à laquelle a participé son chef de cabinet, lequel a rencontré, avec le sénateur Mitchell, des représentants des industries touchées par le projet de loi.

Ce qui m’amène à ma question : qui est responsable de ce projet de loi?

Mme McKenna : Je vous remercie, sénateur, de votre question.

Nous consultons tout le monde. Nous savons qu’il est extrêmement important de bien faire les choses et c’est pourquoi nous consultons les provinces, les territoires, les peuples autochtones, l’industrie et les groupes environnementaux.

Nous allons continuer de le faire. C’est primordial. Nous devons bâtir un système dans lequel les Canadiens ont confiance et qui permet aux bons projets d’avancer rapidement. C’est ce que nous faisons.

Soyons clairs au sujet du nombre de consultations qui ont eu lieu. Nous avons adopté des principes provisoires en janvier 2016. C’était tout de suite après mon retour des négociations sur le climat à Paris.

Deux comités de la Chambre des communes ont étudié la question. Deux groupes d’experts ont été formés. Puis nous avons présenté un rapport au sujet duquel il y a eu des consultations. Nous avons poursuivi les consultations parce que nous sommes convaincus que c’est essentiel. C’est un travail d’équipe et nous prenons au sérieux toutes les observations qui nous sont transmises.

Je fais grandement confiance au sénateur qui mène ce dossier. Je crois que nous arriverons à élaborer un projet de loi qui nous permettra de veiller à ce que les bons projets puissent progresser rapidement, que les décisions soient fondées sur la science et les faits et que la concertation et les arrangements avec les peuples autochtones soient adéquats.

L’honorable David Tkachuk : Madame la ministre McKenna, ma question fera suite à celle du sénateur Smith à propos du ministre Morneau, qui a dit dans un discours à Calgary qu’il envisageait des amendements au projet de loi C-69. Je ne suis pas certain s’il parlait en son nom ou en celui du gouvernement. Son chef de cabinet, Ben Chin — ce n’est pas un nom qui m’est inconnu —, a rencontré des représentants de l’industrie pour discuter des amendements possibles au projet de loi C-69. Le sénateur Mitchell y était aussi.

Ma question sera plus précise : êtes-vous toujours la ministre responsable du projet de loi C-69 et quand pourrons-nous vous entendre sur les amendements que vous êtes disposée à étudier?

Mme McKenna : Je vous remercie, monsieur le sénateur. Je suis bien la ministre responsable du projet de loi C-69, mais nous sommes gouvernés par un Cabinet. L’environnement et l’économie vont de pair. Je travaille en étroite collaboration avec le ministre des Finances, le ministre des Pêches et des Océans, le ministre des Transports et la ministre des Affaires autochtones et du Nord.

C’est extrêmement important. Il s’agit d’une mesure législative qui a une vaste portée. Nous devons être sûrs de bien faire les choses. Nous devons consulter de façon adéquate l’industrie. Nous devons entendre le point de vue des peuples autochtones, des environnementalistes, des provinces, des territoires et des Canadiens en général.

Nous travaillons extrêmement fort. Je suis convaincue que nous ferons bien les choses avec l’aide du Sénat. Si des amendements s’imposent, nous sommes disposés à les étudier. Nous avons besoin d’un projet de loi qui permettra de lancer les bons projets et de créer de bons emplois partout au pays, le tout d’une façon qui inspire la confiance des Canadiens.

[Français]

L’érosion côtière

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Bon après-midi, madame la ministre, et merci d’être parmi nous cet après-midi.

[Traduction]

Ma question concerne les effets des changements climatiques qui sont ressentis dans la région de l’Atlantique.

En tant que sénateur du Canada Atlantique, j’ai le privilège de représenter une région qui offre certains des paysages les plus représentatifs et époustouflants au pays. Cette beauté naturelle n’est pas seulement importante pour les habitants de la région, elle est aussi importante pour le tourisme et elle est source de fierté pour tous les Canadiens.

Le littoral de la côte Est représente l’une de nos principales attractions et, au large de ce littoral, il y a une pêche très importante qui se porte mal. Les scientifiques nous préviennent qu’un climat plus chaud dans l’Atlantique Nord causera une hausse du niveau de la mer, une augmentation des inondations et l’érosion des côtes. Déjà, nous avons vu des inondations records le long de la rivière Saint-Jean le printemps dernier et nous avons constaté la dévastation qu’elles ont causée. De nombreuses personnes ont été forcées d’évacuer leur maison.

Madame la ministre, pourriez-vous nous dire ce que fait le gouvernement pour collaborer avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick et avec ceux des autres provinces de l’Atlantique afin de mieux protéger le littoral canadien?

[Français]

L’honorable Catherine McKenna, C.P., députée, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : J’apprécie votre intérêt tout comme votre travail, sénateur. Il est très important de travailler tous ensemble, avec les provinces et les territoires, afin de s’attaquer au changement climatique.

[Traduction]

Vous avez raison. Selon un reportage publié récemment, l’érosion côtière est un énorme problème qui, comme vous le savez, menace la vie et le gagne-pain des gens. De plus, l’acidification des océans est un problème majeur lié au réchauffement climatique.

Comme vous l’avez sans doute vu, un rapport paru hier signale que le Canada se réchauffe à un rythme presque deux fois supérieur à celui de la planète.

Il faut absolument que nous travaillions ensemble pour atténuer les changements climatiques et pour nous y adapter. Si nous n’agissons pas dans l’intérêt supérieur des gens et des collectivités du Nouveau-Brunswick, de la côte Est et de l’ensemble du Canada, il y aura d’autres inondations.

Le Bureau d’assurance du Canada estime que, à l’heure actuelle, les coûts liés aux changements climatiques, pour les assureurs, sont passés de 400 millions de dollars par année à parfois plus de 2 milliards de dollars pour un sinistre. Nous assumons donc aujourd’hui même les coûts des changements climatiques, et ils ne feront qu’augmenter. Nous devons prendre des mesures ambitieuses dès maintenant.

Je suis fière du plan du gouvernement du Canada visant à lutter contre les changements climatiques et à collaborer avec les provinces et les territoires, les peuples autochtones, les municipalités de partout au pays, les entreprises, les hôpitaux, les écoles et les Canadiens. Nous n’avons plus le choix. C’est le plus grand défi environnemental et économique que nous avons à relever.

Le plan climatique

L’honorable Yuen Pau Woo : Merci d’être revenue au Sénat, madame la ministre. Vous avez parlé du rapport paru hier selon lequel le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète. J’aimerais poursuivre sur ce sujet.

Vous pourriez peut-être nous dire ce que signifie ce rapport pour le plan climatique du Canada. De toute évidence, nous n’en faisons pas assez.

En quoi ce rapport influe-t-il sur votre façon de voir les cibles actuelles et les mesures et les outils que vous avez mis en place pour tenter de réduire les émissions au Canada afin de maintenir le réchauffement planétaire à un niveau acceptable?

L’honorable Catherine McKenna, C.P., députée, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Merci, sénateur, de votre travail dans ce dossier.

Ce rapport est un brusque rappel à la réalité. Ce n’est pas vraiment une surprise à mon avis. L’an dernier, l’ONU a publié un rapport sur la situation à l’échelle internationale, mais, dans ce cas-ci, nous pouvons voir où nous en sommes ici.

Les changements climatiques ont des répercussions extrêmement importantes à l’heure actuelle. Nous avons le choix quant à savoir si nous allons adopter des mesures vraiment ambitieuses pour lutter contre ces changements et tenter d’en atténuer les pires effets. Ce sont les générations qui nous suivent qui vont en subir les conséquences.

Nous avons un plan climatique. Il nous permet de nous rendre aux trois quarts de notre cible, une cible pour l’année 2030. Il faut faire plus, mais il nous faut concrétiser les principaux éléments de notre plan.

Chose certaine, le fait que la pollution ait un prix au Canada est une excellente chose. C’est toutefois incroyablement décevant de voir que des politiciens conservateurs de la génération actuelle n’appuient pas une des mesures les plus efficaces à notre disposition : la tarification de la pollution pour qu’il ne soit plus possible de polluer gratuitement.

J’ai eu de nombreuses discussions avec l’ancien premier ministre Mulroney. Il a employé cette mesure pour s’attaquer au plus grand défi que j’ai vu quand j’étais plus jeune, celui des pluies acides.

J’étais extrêmement inquiète lorsque j’étais enfant. Je me souviens d’avoir fait un projet sur les pluies acides. Je craignais littéralement que nos lacs et nos rivières meurent en raison de la pollution. Eh bien, devinez quoi? Le problème a été réglé par la tarification de la pollution. C’était la mesure la moins coûteuse et la plus rapide, et les entreprises canadiennes ont trouvé des solutions. Il s’agit d’un excellent exemple.

L’autre jour, je parlais à Arnold Schwarzenegger, pas juste le « Terminator », mais l’ancien gouverneur républicain de la Californie qui a instauré une tarification de la pollution. Devinez quoi? Cela fonctionne en Californie.

(1550)

L’État a réduit ses émissions. Son économie est l’une de celles qui connaissent la croissance la plus rapide aux États-Unis et son secteur des technologies propres est dynamique. M. Schwarzenegger était fier que nous ayons réussi non seulement à instaurer la tarification de la pollution, mais aussi à le faire de manière aussi modérée que possible en versant les recettes directement à la province — 90 p. 100 à la population et 10 p. 100 aux entreprises, aux écoles, aux hôpitaux et aux universités.

Nous devons prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques et nous devons être plus ambitieux. J’aimerais pouvoir le faire dans un esprit de collaboration, car il importe peu que vous soyez un libéral, un conservateur ou un membre d’un autre parti. Peu importe que nous vivions dans le Nord ou dans le Sud ou dans une ville ou dans un village, nous sommes tous touchés par les changements climatiques.

Le projet de loi sur l’évaluation d’impact

L’honorable Howard Wetston : Je suis assis derrière vous, madame la ministre. Je suis souvent assis derrière les personnes qui parlent, étant donné l’endroit où je siège au Sénat. C’est dommage.

Madame la ministre, je voudrais poursuivre dans le même ordre d’idées. De nombreuses questions ont été posées ici sur le projet de loi C-69. Je pense que vous convenez probablement, et je crois que tous les sénateurs sont du même avis, qu’il est impératif que le Canada dispose d’un processus fédéral d’évaluation d’impact rigoureux, prévisible, opportun et transparent.

Lors de notre étude du projet de loi C-69, on nous a dit qu’une plus grande clarté et prévisibilité, ainsi qu’un risque réduit de litiges, seraient souhaitables. Ce risque ne peut pas être évité, mais il serait souhaitable de le réduire.

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a entendu plus de 25 témoins jusqu’à maintenant, y compris des fonctionnaires. Beaucoup d’intervenants ont présenté un grand nombre d’amendements que le comité devra examiner. Je suis heureux de vous avoir entendu dire que le gouvernement envisagerait d’adopter les amendements appropriés qui seront proposés.

Ma question se rapporte à la loi actuelle, la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012. Si ce projet de loi est adopté, il entrera en vigueur. J’aimerais que vous m’expliquiez pourquoi, d’après vous, ce projet de loi est un outil efficace pour atteindre l’objectif d’un processus d’évaluation d’impact prévisible, opportun et transparent.

L’honorable Catherine McKenna, C.P., députée, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Merci beaucoup, sénateur. Je pense que vous êtes un leader dans de nombreux dossiers. Malheureusement, la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 a vidé de sa substance le système existant. Cela s’est fait sans consultation. Cette loi a été insérée dans un projet de loi omnibus et nous en payons maintenant le prix. Nous assistons à une polarisation. Il est extrêmement difficile pour de nombreux grands projets d’aller de l’avant. Nous nous retrouvons devant les tribunaux et avec des gens qui protestent. Nous n’aurons pas toujours l’appui de tout le monde, mais nous pouvons certainement faire mieux. De plus, nous devons inspirer davantage confiance au public et nous doter d’un système plus rapide et plus transparent.

Voilà ce à quoi nous devrions tous aspirer. Parlons du projet de loi C-69. En quoi constitue-t-il une amélioration par rapport au projet de loi précédent? Tout d’abord, il y a eu un véritable processus de consultation. Je pense que nous devons entendre les idées de tous pour pouvoir trouver des moyens d’améliorer le système dès maintenant.

Pour ce qui est des délais, un examen prendra dorénavant deux fois moins de temps. C’est une bonne chose. Nous veillerons aussi à ce qu’il y ait un examen pour chacun des projets. Les provinces et les territoires nous ont dit que, parfois, les règles ne sont pas harmonisées entre eux et le gouvernement fédéral. Dès le départ, le public pourra faire connaître ses inquiétudes, ce qui, selon moi, est une très bonne chose pour les Autochtones. Ce sera aussi une excellente nouvelle pour les promoteurs, car ils mettent des centaines de millions ou de milliards de dollars en jeu.

Le processus de mobilisation précoce nous permettra d’examiner les façons d’harmoniser nos règles avec celles des provinces et des territoires. Il nous permettra aussi d’obtenir, au besoin, une liste de tous les permis nécessaires. Enfin, il nous permettra de tenir compte de tous les facteurs importants. Je pense que c’est un élément crucial du processus. Par ailleurs, nous devons aussi prendre des décisions fondées sur des données scientifiques fiables. C’est d’une importance cruciale, tout comme la prise en considération du savoir autochtone est non seulement souhaitable, mais essentielle. Nous devons aussi veiller à ce que les décisions soient prises de manière transparente.

L’un des points qui m’exaspérait vraiment à titre de ministre, c’est que, quand nous prenions une décision à propos d’un grand projet, nous utilisions un communiqué de presse pour tenter de justifier notre décision. Nous pouvons faire mieux. Il faut pouvoir expliquer que nous avons des critères appropriés et que nous faisons maintenant des évaluations d’impact qui tiennent compte d’une gamme de facteurs, expliquer comment nous sommes arrivés à notre décision et examiner tout d’abord l’avantage économique du projet. Nous ne tenions pas compte de l’ensemble des retombées positives et négatives du projet, notamment du point de vue économique. Il faut en tenir compte.

Ce système est franchement meilleur, selon moi. Ce serait fantastique de trouver des façons de l’améliorer grâce au travail du Sénat. Je suis profondément convaincue de l’importance du Sénat. Je crois que, grâce à ce nouveau système, nous pourrons tirer parti des ressources naturelles du pays de façon responsable et viable, offrir à la population un système qui lui inspire confiance, et voir à ce que les peuples autochtones soient de véritables partenaires dans ce dossier. Nous pourrions être un modèle pour le monde entier.

[Français]

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Madame la ministre, j’ai en main une communication écrite qui vient d’un haut fonctionnaire de votre ministère, datée du 28 janvier dernier. Elle se lit comme suit :

Le bureau de la ministre nous a demandé de rédiger une liste de questions sur le projet de loi C-69 auxquelles nous voudrions répondre de façon proactive au Comité de l’environnement.

Plus loin, elle poursuit ainsi :

Le bureau de la ministre travaillera avec des sénateurs pour faire poser ses questions au comité.

Un peu plus loin, elle ajoute ce qui suit :

Maya passera en revue les questions proposées demain. S’il vous plaît, les relire et nous faire parvenir nos commentaires.

Je vais éviter de remettre en question la supposée non-partisanerie des fonctionnaires pour vous demander trois choses. Aujourd’hui, en prévision de votre témoignage, est-ce que vous ou des membres de votre cabinet avez préparé des questions pour des sénateurs afin de vous permettre de transmettre vos messages? Est-ce une pratique exclusive à votre ministère ou, à votre connaissance, tous les cabinets de ministres préparent-ils des questions pour certains sénateurs? Finalement, pouvez-vous nous fournir par écrit la liste des sénateurs qui reçoivent vos questions, et qui deviennent ainsi les perroquets de votre personnel?

Je peux vous transmettre le document de quatre pages qui contient les questions si vous vous engagez à nous fournir les réponses. Le nom de la cheffe de l’équipe de travail interministérielle est Mme Jennifer Dorr.

Mme McKenna : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je dirai, d’entrée de jeu, que je ne suis pas un perroquet. Je ne consulte pas de notes, sauf peut-être sur quelques petits enjeux dont je dois traiter. Je travaille très fort pour bien connaître mes dossiers et je suis toujours heureuse de répondre à toutes les questions qu’un sénateur ou une sénatrice désire me poser.

Oui, on prépare des réponses aux questions, car je ne suis pas experte dans tous les domaines. Bien entendu, je me prépare et je serai heureuse d’entendre maintenant toutes les questions de n’importe quel sénateur ou sénatrice. Je ferai de mon mieux pour y répondre.

[Traduction]

La taxe sur le carbone

L’honorable Denise Batters : Madame la ministre McKenna, récemment, le premier ministre Trudeau a fait deux aller-retour en avion depuis la Floride ensoleillée, où il passait des vacances en famille, jusqu’à Ottawa, où il a tenté de contenir l’énorme scandale de l’affaire SNC-Lavalin. Vous devriez peut-être avoir un entretien avec votre chef, car les remaniements de Cabinet suscités par la corruption ont une sacrée empreinte carbone.

Madame la ministre, pour les Canadiens de la classe moyenne, la taxe sur le carbone de votre gouvernement ne se fera pas seulement sentir à la pompe, mais partout, car elle fera augmenter tous les prix, y compris ceux des vols pour les vacances en famille. En 2022, une famille de quatre qui viendra en avion de Regina pour visiter la Colline du Parlement à Ottawa devra débourser 190 $ de plus. D’ici 2030, ces billets d’avion coûteront 460 $ de plus. Voilà qui gâchera bien des vacances en famille.

Votre gouvernement vante le soi-disant remboursement pour les Canadiens prévu dans son régime de taxe sur le carbone, mais, en fait, vous donnez quelques sous d’une main et prenez des poignées de dollars de l’autre. Comme votre taxe sur le carbone fera augmenter le prix de l’essence, de l’épicerie et des billets d’avion, le montant des remboursements aura été dépensé depuis longtemps.

Pourquoi ne dites-vous pas franchement combien coûtera aux Canadiens le tour de passe-passe qu’est la taxe sur le carbone?

L’honorable Catherine McKenna, C.P., députée, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Merci, sénatrice. Je suis très heureuse de répondre à votre question. Nous avons déposé les documents au Parlement.

Voici un exemple : une famille de quatre personnes vivant en Ontario recevra 300 $. Elle aura payé 244 $. Nous croyons en la transparence. Nous avons mis sur pied un système qui est cohérent et nous avons tarifé la pollution afin de réduire efficacement les émissions. Nous jouissons d’un vaste appui de la part des entreprises et j’en suis fière.

Nous avons la Coalition nationale pour le leadership en matière de tarification du carbone, auquel se sont jointes de grandes sociétés énergétiques qui comprennent l’importance de tarifer la pollution, des entreprises qui produisent des denrées de consommation, les cinq grandes banques et des sociétés de télécommunications. Le lauréat du prix Nobel d’économie de l’année dernière a prouvé que la tarification de la pollution fonctionne, ce que nous avons fait de la façon la plus abordable possible.

(1600)

Preston Manning appuie la tarification de la pollution. Brian Mulroney appuie la tarification de la pollution. L’ancien premier ministre Charest a introduit le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission, de concert avec la Californie. En fait, si vous allez voir mon fil Twitter, vous verrez une vidéo où Stephen Harper appuie la tarification de la pollution.

Nous comprenons que nous devons prendre des mesures pour rendre la vie plus abordable et créer de bons emplois. C’est exactement pourquoi la tarification de la pollution est l’un des principaux éléments de notre plan de lutte contre les changements climatiques. Nous adoptons un certain nombre d’autres mesures qui sont aussi importantes, mais un plan de lutte contre les changements climatiques n’est pas crédible s’il ne prévoit pas la tarification de la pollution.

Il y a 337 jours, le chef du Parti conservateur fédéral a indiqué qu’il nous fournirait un plan de lutte contre les changements climatiques. Malheureusement, nous l’attendons toujours. Si on n’a aucun plan de lutte contre les changements climatiques au XXIe siècle, on n’a aucun plan pour l’économie.

[Français]

Le plan climatique

L’honorable Serge Joyal : Madame la ministre, la conclusion du rapport intitulé Rapport sur le climat changeant du Canada, publié hier par votre ministère, est que la catastrophe appréhendée est si importante et considérable que les mesures actuelles proposées par le gouvernement, si louables soient-elles, et je pense à la taxe sur le carbone et à la transformation vers une économie verte, ne suffiront pas à absorber l’augmentation irrépressible des émissions de gaz à effet de serre et, surtout, des émissions de méthane causées par la fonte du pergélisol dans le Grand Nord. Il me semble que le leadership auquel la nouvelle génération, auquel les jeunes devraient s’attendre de la part du gouvernement pour être convaincus que leur avenir n’est pas en jeu va bien au-delà de ce que le gouvernement a proposé jusqu’ici et qui, à mon avis, mérite l’appui des Canadiens, des provinces et des intervenants.

[Traduction]

Selon moi, vous devez faire preuve de beaucoup plus d’audace, d’imagination et de créativité, étant donné que tous les indicateurs montrent que même les objectifs fixés par le gouvernement lors de la COP21, à Paris, sont bien en deçà de ce que nous devrions viser.

Autrement dit, vous ne devriez pas vous battre pour défendre ce que vous proposez. Vous devriez vous battre pour proposer ce dont nous avions besoin et qui irait au-delà des maigres résultats que nous obtiendrons avec la taxe sur le carbone et toutes les autres mesures dont vous parlez constamment.

Que direz-vous aux jeunes Canadiens au cours de la campagne électorale pour les convaincre qu’ils peuvent vous faire confiance?

[Français]

L’honorable Catherine McKenna, C.P., députée, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Merci, sénateur. Je vous remercie de votre appui vis-à-vis des actions ambitieuses que nous avons entreprises en ce qui a trait aux changements climatiques. Nous avons, bien sûr, un plan ambitieux. Nous avons le plan le plus ambitieux pour un gouvernement fédéral. Est-ce suffisant? Non. Nous avons pris plus de 50 mesures qui font du Canada un chef de file dans le monde. En ce qui a trait au méthane, nous éliminons 40 p. 100 des émissions dans le secteur pétrolier, et aucun autre pays ne fait cela. Nous investissons dans les énergies renouvelables, nous imposons un prix sur la pollution. Nous éliminons la production à partir du charbon, et nous avons fait des investissements historiques dans le transport en commun et dans les énergies renouvelables. Évidemment, nous devons en faire davantage. J’aimerais beaucoup que les Partis conservateurs à travers le pays appuient nos actions. C’est difficile maintenant, parce qu’ils disent des choses qui ne sont pas vraies et que les gens ont peur que la vie devienne moins abordable. C’est pourquoi nous avons un plan abordable.

[Traduction]

Je suis d’accord avec vous. Nous devons être plus ambitieux. Voilà pourquoi j’ai mis sur pied un groupe de travail sur la finance durable, qui étudiera comment transformer les milliards en billions dont nous avons besoin. Il est dirigé par Tiff Macklem.

Nous venons d’annoncer la création d’un conseil consultatif sur l’action pour le climat, qui sera dirigé par deux sommités dans le domaine de l’environnement, Steven Guilbeault du Québec et Tamara Vrooman, PDG de Vancity. Nous leur avons demandé de nous parler des moyens de dégager davantage de financement, en particulier dans les secteurs des transports, de l’environnement bâti, des bâtiments et des logements, qui sont d’énormes sources d’émissions.

Sur le plan international, nous avons créé le groupe Alliance : Énergiser au-delà du charbon. Il faut en effet s’intéresser à ce qui se fait ailleurs qu’au Canada. Il est urgent que les pays se débarrassent de leur dépendance au charbon, qui est la substance la plus polluante qui soit. Il faut donc trouver des solutions. Voilà pourquoi nous aidons les pays et les entreprises à renoncer au charbon. Nous faisons des investissements dans les pays en développement afin qu’ils puissent, le cas échéant, sauter l’étape charbon.

Absolument, nous devons faire plus. Premièrement, nous devons mettre en œuvre les éléments de notre plan et nous efforcer, chaque jour, d’appliquer des mesures plus ambitieuses. Comme je l’ai dit, ce serait beaucoup plus facile si la lutte contre les changements climatiques était un enjeu au sujet duquel tous les partis collaborent, de sorte que les gens comprendraient que la transition vers l’avenir concerne tout le monde, que nous serons en mesure de la faire tout en créant des emplois et que la vie sera moins chère.

Nous continuerons d’y travailler pendant le reste du mandat en espérant être élus et poursuivre notre action pendant un autre mandat.

Soyons clairs toutefois. Le Parti conservateur croit qu’on devrait faire moins plutôt que plus et qu’on devrait être libre de polluer dans tout le pays. Une telle doctrine ne fera qu’accroître les émissions de façon spectaculaire. Nous n’avons pas besoin de ce genre de leadership qui instille la peur chez les gens qui seraient sans cela disposés à appuyer des mesures sensées et efficaces.

L’honorable Frances Lankin : Madame la ministre, je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui. Comme vous le savez, environ un quart des émissions de gaz à effet de serre proviennent des transports. Pour atteindre les objectifs climatiques, il faudra donc faire la transition vers les voitures électriques.

Le budget de 2019 prévoit des mesures incitatives pour encourager l’achat de telles voitures. Elles sont accompagnées d’un engagement à élargir le réseau des stations de recharge.

Le budget prévoit 130 millions de dollars sur cinq ans à compter de cette année pour mettre en place de nouvelles stations de recharge et de ravitaillement. Dans le document budgétaire, on trouve une longue liste de lieux et à la fin, il est écrit « emplacements isolés ».

C’est de cela que je veux vous parler aujourd’hui. L’accès aux énergies renouvelables et, plus précisément, aux stations de recharge de véhicules électriques, est en grande partie concentré dans les zones urbaines. Les Canadiens qui vivent dans les régions éloignées et rurales et dans les collectivités du Nord ne sont considérés qu’après-coup. En tant que sénatrice du Nord de l’Ontario, je dois dire que j’ai l’impression que nous sommes tenus à l’écart de cette transition. Je suis heureuse de voir que cet engagement a été pris, mais sa concrétisation sera déterminante.

Je vous pose donc les questions suivantes : le gouvernement va-t-il présenter un plan précis pour répondre aux besoins uniques de ces collectivités? Quels engagements devront être pris et quel genre de cibles devront être établies pour assurer cette transition? Comment va-t-on veiller au suivi, à l’évaluation et à la reddition de comptes? Si une réponse détaillée ne peut pas être donnée aujourd’hui parce que les plans sont en cours d’élaboration — et je pourrais le comprendre —, le gouvernement pourra-t-il nous fournir cette information avant que le projet de loi d’exécution du budget arrive au Sénat?

Mme McKenna : Merci beaucoup, sénatrice. Je suis tout à fait d’accord. Il faut veiller à ce que tout le monde puisse participer à la transition vers un avenir plus propre et il faut s’attaquer aux émissions du secteur des transports.

Nous avons fait des investissements historiques dans le transport en commun et dans les normes d’efficacité des véhicules. Nous examinons les moyens de maintenir nos normes ambitieuses d’efficacité des véhicules, même compte tenu de la possibilité que l’administration fédérale des États-Unis décide d’aller dans le sens inverse.

Nous avons investi et nous avons offert un incitatif de 5 000 $ pour l’achat d’un véhicule électrique. Malheureusement, le gouvernement ontarien de Rob Ford a éliminé l’incitatif pour l’achat des véhicules à émission zéro dans cette province.

Nous installons des bornes de recharge. C’est tout un défi dans les régions où il faut parcourir des distances plus longues. Voilà pourquoi un réseau de bornes de recharge est d’une importance critique. Heureusement, les technologies évoluent. Les véhicules sont maintenant équipés de meilleures batteries qui ont une plus grande autonomie et qui sont capables de résister aux températures extrêmes, mais nous devons continuer à faire plus. Nous devons accélérer le rythme des changements. Selon moi, le transport en commun sous toutes ses formes sera extrêmement important. Je sais qu’il y aura toutes sortes de défis uniques à relever dans les collectivités rurales éloignées.

Un autre engagement que nous avons pris est de mettre fin à l’alimentation en électricité des collectivités éloignées par des centrales au diesel. Cela n’aura pas pour effet de réduire drastiquement les émissions, mais c’est tout simplement ce qu’il convient de faire. Il s’agit d’une question de santé et d’une occasion économique, et nous pouvons faire mieux.

Je serais heureuse de demander au personnel de mon bureau de vous fournir plus de détails pour que vous puissiez mieux comprendre ce que nous pouvons faire pour répondre aux préoccupations et aux besoins des collectivités rurales éloignées.

La taxe sur le carbone

L’honorable Paul E. McIntyre : Je vous souhaite de nouveau la bienvenue au Sénat, madame la ministre.

Ma question concerne votre taxe carbone, qui est entrée en vigueur hier, le 1er avril. En raison de cette taxe, le prix de l’essence dans ma province, le Nouveau-Brunswick, a augmenté de 4,5 ¢ le litre, auxquels s’ajoute la TVH. Cela aura certainement des répercussions sur les familles de la classe moyenne et les petites entreprises de toute la province.

(1610)

Comme vous le savez, les provinces de la Saskatchewan, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick ont contesté la constitutionnalité de votre taxe sur le carbone devant la Cour d’appel de la Saskatchewan, qui a réservé son jugement. Je crois, comme beaucoup d’autres, que cette affaire se rendra jusqu’à la Cour suprême.

Madame la ministre, ne pensez-vous pas que vous auriez dû attendre pour imposer votre taxe sur le carbone que les tribunaux se soient prononcés sur sa constitutionnalité?

L’honorable Catherine McKenna, C.P., députée, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Merci, honorable sénateur. Malheureusement, les changements climatiques ne sont pas en voie de s’arrêter. Ils s’accélèrent. Il faut agir. Nous sommes tout à fait convaincus de la constitutionnalité de nos actions, car les changements climatiques sont un enjeu national et la pollution ne connaît aucune frontière.

Nous avons donné un an aux provinces pour choisir une façon de tarifer la pollution. La bonne nouvelle, c’est que la majorité des provinces et des territoires l’ont fait. Malheureusement, les provinces dirigées par un premier ministre conservateur ont choisi de faire en sorte que la pollution soit gratuite et de ne pas se servir du moyen plus efficace pour réduire les émissions. Comme je l’ai dit, il s’agit d’une logique chère aux conservateurs. On se sert du marché.

Nous avons mis en œuvre un mécanisme qui fait en sorte que la plupart des gens recevront plus que ce qu’ils auront déboursé. Au Nouveau-Brunswick, une famille de quatre recevra 256 $. C’est plus que ce que la majorité des familles devront débourser, et les familles pourront économiser encore plus si elles adoptent des mesures éconergétiques à la maison comme les compteurs intelligents, les ampoules à DEL, l’amélioration de l’isolation et l’installation de thermopompes. Les gens pourront aussi se tourner vers d’autres solutions de transport comme le covoiturage, le transport en commun, là où des systèmes existent, et les véhicules électriques, pour lesquels nous offrons un incitatif de 5 000 $.

Ce que nous ne pouvons pas faire, c’est attendre. Il faut lutter activement contre les changements climatiques. Cette question se rendra jusqu’à la Cour suprême, mais nous ne pouvons nous permettre d’attendre. Le climat change. Un rapport vient tout juste de confirmer à quel point ce changement se produit rapidement.

Le plan climatique

L’honorable Mary Coyle : Soyez la bienvenue, madame la ministre.

Ce n’est sans doute pas moi qui vous apprendrai que le Sommet Action Climat des Nations Unies aura lieu en septembre 2019. On nous annonce qu’il s’agira d’une « étape déterminante dans la coopération politique internationale » et que l’objectif est d’« accélérer les actions visant à mettre en œuvre l’Accord de Paris ». Comment décririez-vous la coopération du Canada avec le reste du monde? À quelles mesures concrètes le Canada accordera-t-il la priorité pour atteindre plus rapidement ses propres engagements relativement à l’Accord de Paris?

L’honorable Catherine McKenna, C.P., députée, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Je vous remercie, sénatrice, de vous intéresser à cette question.

Nous avons déjà pris un certain nombre de mesures et fait preuve de leadership. Je pense notamment au fait que nous avons décidé d’abandonner progressivement le charbon. Le Groupe de travail sur la transition équitable et les autorités albertaines sont allés à la rencontre de la population. Le milieu syndical était représenté, le milieu des affaires aussi, et nous avons pu entendre ce que les travailleurs et les gens du coin avaient à dire. Si nous voulons agir de manière ambitieuse, nous devons mettre les Canadiens au cœur de notre démarche. C’est une leçon que j’ai apprise. Une politique a beau être excellente, si les gens ne l’appuient pas, elle ne donnera rien. C’est une question de justice sociale.

Cela dit, nous devons absolument tout faire pour que la totalité des pays cessent le plus rapidement possible d’utiliser du charbon. Pour atteindre les cibles de l’Accord de Paris, les pays développés devront y avoir renoncé en 2030, la Chine en 2040 et le reste du monde en 2050. Il faudra déployer d’immenses efforts. Il faudra surtout que la transition soit équitable et qu’on pense non seulement aux travailleurs, mais à toute la population. Selon moi, c’est extrêmement important.

Je pense que nous prenons tout un éventail d’autres mesures exemplaires. Réduire le méthane de 40 p. 100 dans le secteur pétrolier et gazier ne semble peut-être pas très important, mais cela représente une grande réduction des émissions. C’est une chose que nous avons convenu de faire avec le gouvernement Obama. Malheureusement, le gouvernement fédéral des États-Unis est revenu sur sa parole à cet égard. Voilà une chose que nous aimerions voir appliquer internationalement.

Comment tarifer la pollution de sorte que la politique reste en place? Il est extrêmement important de pouvoir adopter un projet de loi, mais, comme nous l’avons vu ailleurs dans le monde, on peut facilement perdre les progrès effectués lorsqu’un nouveau gouvernement s’installe. Ce à quoi je travaille très fort est de montrer aux Canadiens qu’il est possible de tarifer la pollution de manière efficace, sans compromettre le coût de la vie abordable.

Je sais que le monde nous regarde. Voilà pourquoi je vais continuer de travailler fort pour prouver que l’on ne peut plus polluer librement et que l’on peut tarifer la pollution d’une manière qui met de l’argent dans les poches des gens. Les plus avantagés sont les personnes à faible revenu, car ce sont elles qui consacrent la plus grande portion de leur revenu à payer le chauffage, entre autres. Donc, le fait de se faire rembourser cet argent améliorera vraiment leur situation.

Il y a toute une panoplie de mesures. Je crois que l’une des bonnes choses à propos des négociations sur les changements climatiques est qu’elles donnent l’occasion de voir ce que le monde fait.

Je suis aussi extrêmement fière que des Autochtones nous accompagnent. Nous avons fait des pressions pour que l’on reconnaisse le savoir autochtone et les droits des Autochtones et que l’on crée la plateforme des peuples autochtones.

Nous avons beaucoup de travail à faire. Chaque fois que nous participons au sommet, nous apprenons d’autres possibilités de faire plus à l’échelle nationale, mais également à l’échelle mondiale.

[Français]

Le saumon génétiquement modifié

L’honorable Éric Forest : Merci, madame la ministre, d’être venue aujourd’hui. Pour une troisième fois, j’aurais voulu vous interroger sur le projet de loi C-69 et sur l’importance qu’il a pour les municipalités, mais l’actualité bouleverse parfois nos priorités. Je peux garantir à mes collègues que la question que je vais poser ne vient pas d’un caucus national. C’est ma question, et elle porte sur l’entreprise américaine AquaBounty Technologies, qui a annoncé ce matin que le ministère de l’Environnement avait approuvé le premier site de production commerciale de saumon génétiquement modifié au Canada dans l’Île-du-Prince-Édouard. Si j’avais appris cette nouvelle hier, j’aurais cru à un poisson d’avril.

Faisant fi du principe de précaution et de l’opinion des consommateurs, qui rejettent massivement cette technologie, le ministère autorise AquaBounty à produire 250 tonnes de saumon transgénique chaque année. Le Canada devient ainsi le deuxième pays au monde à autoriser la production commerciale de saumon génétiquement modifié.

Cette décision, à mon point de vue, ne manquera pas de ternir l’image des pêches canadiennes auprès de nos partenaires européens, et elle inquiète vivement les communautés micmaques et malécites de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent, qui est la division sénatoriale que je représente. Il s’agit d’une menace pour leur mode de vie. Ils craignent que le saumon transgénique ne contamine les populations de saumon sauvage.

Pourquoi permettre la production de saumon transgénique, alors qu’il n’y a pas d’étiquetage obligatoire qui aiderait les consommateurs à faire un choix éclairé et qu’il n’y a pas eu de consultations, un élément qui m’apparaît important dans votre démarche, en ce qui concerne l’encadrement de la production d’animaux génétiquement modifiés destinés à la consommation?

L’honorable Catherine McKenna, C.P., députée, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Elle relève du mandat du ministre des Pêches et des Océans. Bien que je sois liée aux responsabilités de mon portefeuille, je vais certainement transmettre votre question au ministre responsable.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le temps prévu pour la période des questions est écoulé. Je sais que tous les sénateurs se joindront à moi pour remercier la ministre McKenna d’être venue aujourd’hui.

Des voix : Bravo!


ORDRE DU JOUR

La Loi sur le divorce
La Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales
La Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Coyle, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-78, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apportant des modifications corrélatives à une autre loi.

L’honorable Donna Dasko : Je termine l’un des quatre points que j’ai soulevés concernant le projet de loi C-78.

Il est important de noter que le projet de loi C-78 ajoute de nouvelles directives précises à l’intention des juges relativement aux facteurs qu’ils doivent considérer pour déterminer l’intérêt de l’enfant. Le nouveau paragraphe 16(3) prévoit une longue liste de 11 facteurs dont les juges doivent tenir compte lorsqu’ils rendent une ordonnance parentale. Par exemple, le nouvel article 16 exige qu’un juge tienne compte de plusieurs facteurs, dont le point de vue et les préférences d’un enfant, l’historique des soins qui lui sont apportés, son patrimoine culturel et linguistique, notamment s’il est Autochtone, et la présence de violence familiale. J’appuie cette approche complètement puisqu’elle élimine ambiguïté inhérente à la loi actuelle.

Mon deuxième point était que le nouveau paragraphe 16(6), intitulé « Maximum de temps parental », n’est pas conforme aux objectifs du projet de loi. J’ai fait valoir plus tôt que nous ne devrions pas avoir une présomption explicite de partage égal du rôle parental en ce qui concerne les ordonnances parentales et de garde. Cependant, cet article, dans sa forme actuelle, crée une présomption implicite de partage égal du rôle parental.

Comment savons-nous qu’on présumerait qu’il convient de partager également le rôle parental? Nous le savons parce que cela se produit déjà. Dans l’actuelle Loi sur le divorce, le paragraphe 16(10), qui doit être remplacé par une nouvelle disposition utilisant un intertitre et un vocabulaire très similaires, a été interprété comme imposant des présomptions de rôle parental partagé et favorisant l’accès dans tous les cas, sauf les plus graves. Les tribunaux ont ignoré la consigne de prendre en compte l’intérêt de l’enfant dans la répartition du temps. Ce fait va à l’encontre de l’intérêt de l’enfant et pourrait aussi minimiser les problèmes de violence familiale.

(1620)

Le projet de loi dont nous sommes saisis ne s’attaque pas au problème de façon adéquate. Pourtant, la solution est simple. Il suffit de supprimer le court paragraphe 16(6) du projet de loi C-78 ou de retirer le mot « maximum » de l’intertitre.

Mon troisième point porte sur la question de la violence familiale. Le projet de loi C-78 représente un important virage historique que nous devrions saluer : pour la première fois, il nomme explicitement la violence familiale. Il reste à déterminer si les modifications proposées vont assez loin dans l’intégration de l’ensemble de nos connaissances en la matière. Nous savons que la compréhension de la violence familiale varie grandement au sein du vaste système du droit de la famille, y compris entre les différents tribunaux. Tous les Canadiens n’ont pas encore accès à des tribunaux de la famille spécialisés et unifiés.

Par conséquent, le projet de loi devrait combler un vide dangereux qui existe en ce moment. Il devrait s’attaquer de front aux mythes et aux préjugés qui influent sur l’application de la Loi sur le divorce par les juges et d’autres intervenants. Nous devrions également éviter que la structure du système accroisse les risques de violence pour les femmes et les enfants.

Le Canada a un problème de violence familiale. Nous devons travailler avec l’ensemble de ce que nous savons. Si l’on examine les données autodéclarées de l’Enquête sociale générale de 2014 de Statistique Canada, les femmes et les hommes disent vivre de la violence conjugale essentiellement dans des proportions égales, soit 4 p. 100. Cependant, cette même enquête établit clairement que les femmes sont plus gravement blessées : 34 p. 100 des victimes féminines signalent des formes graves de violence conjugale comparativement à 16 p. 100 des victimes masculines.

Les données de 2016 sur la violence entre partenaires intimes signalée à la police montrent que la grande majorité des cas signalés à la police — 79 p. 100 — l’étaient par des femmes. Plus précisément, les femmes représentaient 8 victimes sur 10 dans les cas de violence de la part d’un conjoint, d’un ex-conjoint, d’un partenaire amoureux actuel ou d’un ex-partenaire amoureux. La violence entre partenaires intimes a été le principal type de violence subie par les femmes en 2016, et ne vous y trompez pas : la violence familiale dans le foyer d’un enfant constitue de la maltraitance d’enfant. De plus, on sait que, lors d’une séparation, les femmes et les enfants courent un plus grand danger.

Le compte rendu parlementaire relatif à ce projet de loi contient déjà des propositions bien étayées et formulées sur la nécessité de considérer l’expérience de la violence familiale sous l’angle du genre, de la diversité et des Autochtones. La définition de « violence familiale » dans le projet de loi C-78 devrait reconnaître la nature sexospécifique et intersectionnelle de la violence, et se refléter dans les dispositions.

Je me demande comment les nouveaux alinéas 16(3)c) et i), qui portent sur la volonté et la capacité des parents de communiquer et de collaborer entre eux, et le paragraphe 16.2(2), qui porte sur les décisions quotidiennes, pourront s’appliquer dans les cas de violence familiale. Le fait que le gouvernement n’a pas mené d’analyse comparative entre les sexes plus sur le projet de loi C-78 est particulièrement troublant, compte tenu des dispositions relatives à la violence familiale que celui-ci renferme.

À mon avis, le projet de loi C-78 met considérablement à l’épreuve notre volonté non seulement de discuter de l’égalité complète des femmes et des enfants dans toute leur diversité, mais aussi de l’atteindre, peu importe à quel point ce peut être exigeant.

Mon quatrième et dernier point porte sur les articles 7.3 et 7.7 du projet de loi. Ces dispositions obligent les conseillers juridiques des parties à encourager...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée, sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé.

Les honorables sénateurs acceptent-ils de lui accorder cinq minutes de plus?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Dasko : Merci beaucoup.

Même si les deux dispositions font allusion au caractère approprié des mesures, les termes utilisés sont vagues, et aucune norme adéquate n’est précisée. Le libellé actuel pourrait faire en sorte qu’on ne tienne pas compte de la violence familiale ou d’autres dispositions louables du projet de loi.

En terminant, je rappelle aux honorables sénateurs que, à une certaine époque — pas plus tard que dans les années 1960 —, les sénateurs eux-mêmes étaient responsables des décisions en matière de divorce dans certaines provinces canadiennes. Le Comité sénatorial permanent sur le divorce était très occupé, puisqu’il devait examiner entre 400 et 500 cas de divorce par année.

Heureusement, cette responsabilité ne nous incombe plus, mais nous avons bel et bien le devoir d’examiner attentivement les projets de loi. Le projet de loi C-78 est important. On n’apporte ni souvent ni facilement des modifications à la Loi sur le divorce. Ses dispositions sont établies pour les générations futures de Canadiens.

J’ai bien hâte de prendre connaissance des résultats des travaux du comité. Merci beaucoup.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Lankin, avez-vous une question?

Sénatrice Dasko, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Dasko : Oui.

L’honorable Frances Lankin : Merci beaucoup, sénatrice Dasko. C’était concis et éclairant. C’est un art — un talent et un art — que je n’ai pas.

J’aimerais vous poser une question au sujet de ce que vous avez dit sur le fait d’intégrer l’analyse comparative entre les sexes au projet de loi. Je suis tout à fait d’accord avec vous. Avez-vous examiné les dispositions du projet de loi pour savoir de quelle façon cela pourrait être fait? Que recommanderiez-vous en particulier? J’aimerais savoir ce que vous en pensez. Je sais que nous en apprendrons plus au comité et que nous pourrons en discuter davantage, mais votre réponse me serait utile.

La sénatrice Dasko : Merci, sénatrice Lankin. J’ai passé en revue les témoignages présentés par diverses personnes devant le comité de la Chambre des communes et je pense qu’on peut en tirer un certain nombre d’idées sur la façon d’intégrer l’analyse au projet de loi, en particulier en ce qui a trait aux dispositions concernant la violence, et sur le genre de libellé qui conviendrait.

Les témoins ont présenté différentes idées, toutes très utiles. Je ne peux pas tout décrire ici, mais je peux vous renvoyer aux témoignages de ces personnes. Vous y trouverez beaucoup d’idées sur le même thème, mais proposant des façons différentes d’aborder la reconnaissance de la nature sexospécifique du problème, en particulier dans la partie du projet de loi portant sur la violence.

La meilleure façon de mieux comprendre est de jeter un coup d’œil aux délibérations pour savoir ce que les témoins ont à dire. Je ne pense pas pouvoir leur rendre justice. Merci.

L’honorable Yvonne Boyer : Honorables sénateurs, je souhaite intervenir dans le débat sur le projet de loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, que j’appellerai le projet de loi C-78.

Le projet de loi représente la première grande réforme fédérale en matière de droit familial depuis plus de 20 ans. Les familles canadiennes ont beaucoup changé depuis ce temps. Le projet de loi C-78 propose donc une réforme souhaitable et absolument essentielle dans un domaine du droit qui a de profondes répercussions sur la vie des Canadiens qui doivent vivre avec un divorce, en particulier les enfants du divorce.

À l’autre endroit, l’ancienne ministre de la Justice a parlé des quatre principaux objectifs du projet de loi : promouvoir les intérêts supérieurs de l’enfant, lutter contre la violence familiale, réduire la pauvreté chez les enfants et rendre le système de justice familiale plus efficace et plus accessible. Le sénateur Dalphond a expliqué avec brio ces objectifs lors du discours qu’il a présenté il y a quelques semaines. Je ne vais donc pas m’attarder à nouveau sur chacun de ces objectifs. J’aimerais plutôt discuter de l’un d’entre eux, soit la lutte contre la violence familiale, plus particulièrement la violence contre les femmes autochtones, les personnes bispirituelles et les personnes non binaires qui ne s’identifient ni comme homme ni comme femme.

Le projet de loi C-78 propose une définition détaillée, mais non exhaustive, de ce qui constitue de la « violence familiale ». La définition proposée reconnaît qu’il existe de nombreuses formes de violence familiale, y compris les agressions physiques, les menaces et la tendance à adopter un comportement coercitif et dominant. La définition reconnaît que le fait d’exposer un enfant à ces comportements, de façon directe ou indirecte, constitue également de la violence familiale.

Cependant, comme la sénatrice Miville-Dechêne l’a indiqué dans son discours à ce sujet, cette définition ne tient pas compte du fait que la grande majorité des victimes de violence familiale sont des personnes qui s’identifient comme femme. Les statistiques sur la violence familiale envers les femmes sont troublantes. Selon une enquête menée par Statistique Canada en 2014, même si presque autant d’hommes que de femmes ont signalé un cas de violence familiale, les femmes étaient deux fois plus susceptibles d’être victimes de graves formes de violence, y compris de subir une agression sexuelle et d’être frappées, étranglées ou menacées avec une arme. En outre, selon l’enquête, la violence familiale est plus fréquente après la fin d’une relation. En effet, il y a beaucoup plus de femmes qui ont déclaré avoir été victimes de violence familiale après la fin d’une relation que de femmes qui ont dit en avoir été victimes lorsqu’elles étaient mariées ou qu’elles vivaient en union de fait. Près de la moitié de ces femmes ont signalé que la violence subie s’aggravait après la fin de la relation.

(1630)

Les statistiques que j’ai mentionnées montrent que la définition sans distinction de sexe proposée dans le projet de loi C-78 ne reflète pas adéquatement la réalité des personnes qui sont les plus souvent victimes de violence familiale. Toutefois, je comprends que cette définition vise à reconnaître que les hommes et les personnes non binaires sont eux aussi aux prises avec des problèmes de violence familiale. Les exclure de la définition équivaudrait à nier leurs expériences et à exclure leurs voix. Pourtant, comme l’a dit à l’autre endroit Leighann Burns, directrice administrative d’Harmony House et avocate en droit de la famille ayant plus de 30 ans d’expérience dans la défense des droits des survivants d’acte de violence : « […] l’utilisation d’une terminologie sans distinction de genre […] a comme conséquence que l’on efface et passe sous silence la forme de violence la plus envahissante, qui continue d’être une cause et une conséquence de l’inégalité que vivent les femmes. » Il est important que ces enjeux soient analysés plus en profondeur au comité.

Chers collègues, comme je l’ai dit, la violence familiale ne touche pas de la même façon les hommes, les femmes et les personnes non binaires. C’est pourquoi il faut l’analyser dans une perspective sexospécifique. Il faut aussi adopter une perspective intersectionnelle, comme on vient de le dire. Les femmes et les personnes non binaires sont particulièrement vulnérables à la violence familiale en raison des intersections entre leur identité de genre et d’autres caractéristiques telles que leur situation économique, leur race, leur orientation sexuelle, leur expression sexuelle, leur invalidité si elles sont invalides, leur religion, leur identité autochtone si elles sont autochtones, leur citoyenneté, leur âge et l’endroit où elles se trouvent. Au Canada, les femmes autochtones et les personnes bispirituelles sont particulièrement susceptibles d’être victimes de violence familiale.

En fait, dans une étude menée en 2014 par Statistique Canada, les femmes autochtones étaient trois fois plus susceptibles d’avoir subi de la violence familiale que les femmes non autochtones. De plus, la moitié des femmes autochtones ont déclaré avoir subi des blessures à cause de la violence familiale, comparativement à 39 p. 100 des femmes non autochtones. Parmi ces femmes autochtones, plus de la moitié ont déclaré avoir subi une violence familiale grave. De plus, selon une étude récente du ministère de la Justice, alors que 6 p. 100 des mères non autochtones ont déclaré avoir subi une telle violence, ce pourcentage passe à 16 p. 100 parmi les mères autochtones. Enfin, près du quart des participantes autochtones à une autre étude citée par le ministère de la Justice ont vécu de la violence familiale après une séparation, comparativement à 7 p. 100 des femmes non autochtones.

Comme l’a indiqué Leighann Burns dans son témoignage devant le comité de l’autre endroit, la violence familiale que vivent les femmes prend souvent une forme différente de l’idée qu’on se fait généralement de ce qu’on appelait auparavant la « violence conjugale » ou la « violence contre un partenaire intime ». Il peut s’agir, selon elle, de la surveillance et du contrôle des activités de la vie quotidienne, surtout des activités liées aux rôles de mère, de femme au foyer ou de partenaire sexuelle. Cette surveillance ou ce contrôle peuvent porter sur l’accès à l’argent, à la nourriture et au transport et la façon dont la femme s’habille, entretient la maison, cuisine ou, encore, sa performance sexuelle. D’après une enquête réalisée par Statistique Canada, un quart des femmes autochtones disent être victimes ou avoir été victimes de violence psychologique ou d’exploitation financière de la part d’un conjoint, actuel ou antérieur. De plus, les victimes de violence physique subissaient presque dans tous les cas d’autres formes de violence. Une étude citée par le ministère de la Justice a en outre révélé que les femmes autochtones vivent plus souvent que les autres des situations de contrôle coercitif. Il faut reconnaître ces formes de violence qui ne cadrent pas avec les stéréotypes si on veut répondre adéquatement aux besoins des femmes autochtones qui en sont victimes.

Tout indique que les femmes autochtones subissent souvent un contrôle coercitif, surtout en ce qui concerne leurs finances et leur sécurité économique. La violence familiale contribue ainsi à la marginalisation économique, ce qui les expose encore plus à ce genre de violence. Selon l’Association des femmes autochtones du Canada, « [la] violence fait partie du cycle de pauvreté, car elle en est une cause et un résultat. Elle empêche également les gens d’échapper à la pauvreté. » Lors d’une table ronde sur la stratégie de réduction de la pauvreté de l’organisme, des femmes ont raconté les fois où elles avaient été obligées de rester dans des situations de violence familiale parce qu’elles étaient dans des relations de dépendance économique. Si l’on veut mettre fin au cycle de la pauvreté pour les femmes autochtones et leurs enfants, il faut lutter contre la prévalence de la violence familiale qu’elles subissent.

La question de la vulnérabilité des femmes autochtones et des taux élevés de violence dont elles sont victimes ne date pas d’hier au Canada. Elle est présentement au cœur de l’enquête nationale indépendante sur les femmes autochtones disparues et assassinées. Étant donné que la violence familiale est la forme de violence dont sont le plus victimes les femmes autochtones, le projet de loi C-78 nous donne une occasion importante de veiller à ce que les femmes autochtones ne soient pas davantage victimes et qu’elles obtiennent justice pour la violence familiale qu’elles ont déjà subie. On ne peut pas attendre encore 20 ans pour qu’une analyse intersectionnelle comparative entre les sexes au sujet de la violence familiale soit faite.

À défaut d’une telle analyse, les Autochtones LGBTQ2I et les bispirituels risquent d’être exclus. Comme l’a dit l’Association des femmes autochtones du Canada, ces groupes subissent en même temps l’homophobie, la transphobie et le racisme colonial, ce qui les expose grandement à la violence. Malheureusement, il existe peu de recherches à ce sujet. Toutefois, 80 p. 100 des participants à une étude qui a été réalisée en 2010 à Winnipeg par Janice Ristock et Art Zoccole ont dit avoir été victimes d’une forme de violence familiale. Ces gens devraient donc avoir l’occasion de raconter leur vécu et de donner leur point de vue.

Chers collègues, pour conclure mon explication sur la nécessité de prévoir une analyse intersectionnelle comparative entre les sexes de la violence familiale dans le projet de loi C-78, je tiens à attirer votre attention sur un amendement proposé au comité de l’autre endroit par l’Association nationale Femmes et Droit et Luke’s Place, a reçu l’aval de 31 autres organismes, notamment des organismes juridiques féministes et des organismes représentant des personnes de divers groupes vulnérables à la violence familiale. Ils ont proposé que l’on amende le projet de loi pour y inclure un préambule reconnaissant le vécu et les origines variées des personnes victimes de violence familiale. Selon leur témoignage, ce préambule fournirait des indications aux tribunaux sur la façon d’interpréter la loi et de comprendre le caractère nuancé de la violence familiale grâce à une analyse intersectionnelle comparative entre les sexes. Selon Leighann Burns, sans un tel préambule, le projet de loi C-78 n’ira pas assez loin pour lutter contre la violence familiale que subissent ces femmes. Par conséquent, j’exhorte le comité qui étudie ce projet de loi à examiner le préambule proposé et à inviter l’Association nationale Femmes et Droit à fournir d’autres détails sur son efficacité.

Honorables sénateurs, l’une des responsabilités du Sénat est de donner une voix à ceux qui sont souvent réduits au silence dans le système de justice. Le projet de loi C-78 nous donne l’occasion de garantir que ces voix ne puissent plus être ignorées. Ainsi, j’appuie le renvoi de ce projet de loi au comité pour une étude plus approfondie et j’encourage mes collègues à faire de même. Merci. Meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada — Israël

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Wetston, appuyée par l’honorable sénatrice Bovey, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-85, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada — Israël et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

L’honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole au sujet du projet de loi C-85, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-Israël.

J’appuie fermement le projet de loi, car je crois qu’il représente le consensus bipartisan qui existe au Canada sur deux questions : premièrement, je pense que le projet de loi C-85 représente la valeur des accords de libre-échange pour ce qui est de favoriser la prospérité du Canada; deuxièmement, je crois que cette mesure législative vient appuyer l’importance des relations bilatérales du Canada avec l’État d’Israël en général. Je vais parler de ces deux aspects dans mon discours.

En ce qui concerne l’aspect commercial, le Canada et l’État d’Israël ont conclu un accord de libre-échange en 1997. Depuis, le commerce des marchandises entre les deux pays a plus que triplé. En 2017, la valeur totale de ces échanges atteignait 1,7 milliard de dollars.

Les principales exportations et importations entre le Canada et Israël se font dans les secteurs suivants : machinerie industrielle, aéronefs et pièces d’aéronefs, produits pharmaceutiques, équipement électrique et électronique, pierres précieuses et instrumentation scientifique et de précision.

Les sénateurs auront remarqué que ces importations et ces exportations concernent des marchandises des secteurs des hautes technologies. C’est le cas. La relation commerciale entre le Canada et Israël est caractéristique des relations établies entre des pays hautement industrialisés et technologiquement avancés.

Plusieurs provinces canadiennes ont déjà compris la valeur des débouchés technologiques qui découlent de notre relation commerciale avec Israël. Il n’est pas surprenant que la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan, l’Ontario et le Québec aient tous conclu des ententes bilatérales en matière de science, de technologie et d’innovation avec Israël.

L’économie israélienne représente un marché important pour le Canada au Moyen-Orient. De 2015 à 2017, les exportations canadiennes vers Israël totalisaient plus de 400 millions de dollars en moyenne chaque année. Parallèlement, le Canada importe chaque année pour près de 1,3 milliard de dollars de marchandises de l’État d’Israël.

(1640)

L’économie israélienne est vigoureuse et elle continue de se développer, avec une croissance de 3,5 p. 100 prévue pour 2018. Il est donc naturel pour le Canada de chercher à profiter davantage de cette relation commerciale, et c’est en 2014 que l’ancien gouvernement conservateur a entamé des discussions avec Israël pour élargir notre accord commercial bilatéral.

Ces négociations ont pris fin en juillet 2015, avec comme résultat la mise à jour de quatre chapitres de l’accord initial et l’expansion de l’accord de libre-échange pour inclure sept nouveaux chapitres, notamment sur le commerce électronique, la propriété intellectuelle, les mesures sanitaires et phytosanitaires, les obstacles techniques au commerce, le commerce et l’environnement, le commerce et le travail, ainsi que la facilitation des échanges.

Dès l’entrée en vigueur complète de l’ALECI, près de 100 p. 100 des exportations canadiennes des secteurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire et des poissons et fruits de mer vers Israël profiteront d’un traitement tarifaire préférentiel. Cela représente une amélioration par rapport aux 90 p. 100 d’exportations qui profitent actuellement de tarifs préférentiels.

En vertu de l’ALECI, il y aura aussi de nouvelles possibilités pour les entreprises canadiennes dans les secteurs de l’aérospatiale, des technologies et des sciences de la vie, ainsi que de l’énergie.

En particulier, le secteur de l’aérospatiale et de la défense représente un débouché commercial important pour les entreprises canadiennes. Des occasions existent pour les entreprises canadiennes dans l’avionique, les systèmes de communication, les véhicules aériens sans pilote, ainsi que dans d’autres systèmes.

En matière de technologies propres et d’énergie durable, les possibilités sont considérables. Ces secteurs, de même que la gestion efficace de l’eau, constituent des priorités clés du gouvernement et des industries d’Israël. Contrairement au Canada, Israël n’a pas d’importantes ressources en eau et en énergie.

Le marché israélien pourrait offrir de belles perspectives aux agences canadiennes de nombreux domaines, dont la technologie solaire, le stockage de l’énergie, les biocarburants, les technologies de désinfection de l’eau, la détection des fuites et la réutilisation des eaux usées.

D’autres possibilités existent relativement à l’éducation et à la recherche. Les établissements d’enseignement postsecondaire du Canada et d’Israël tirent profit de la coopération internationale fondée sur des accords interétablissements et des programmes d’échanges de professeurs et d’étudiants. En 2017, 690 étudiants d’Israël étudiaient au Canada. La même année, le Canada a accueilli 78 000 visiteurs d’Israël. En 2016, près de 100 000 Canadiens ont visité Israël.

Ces liens entre les deux peuples constituent le véritable fondement de la relation étroite qui existe entre le Canada et Israël. Il est donc tout à fait juste que le Canada ait désigné l’État d’Israël comme partenaire commercial important et qu’il fasse partie des pays prioritaires avec lesquels le Canada a entrepris la négociation de 10 accords bilatéraux et multilatéraux de 2006 à 2015.

Certes, la relation bilatérale entre le Canada et Israël est importante, mais la relation entre les deux pays va bien au-delà de l’économie et du commerce. En effet, la conclusion de l’Accord de libre-échange Canada-Israël témoigne du fait qu’ils sont devenus des partenaires stratégiques.

En 2014, lorsque le gouvernement précédent, dirigé par Stephen Harper, a entrepris des négociations pour bonifier l’Accord de libre-échange Canada-Israël, le Canada a aussi signé un protocole d’entente avec Israël pour établir avec ce pays un partenariat stratégique basé sur un ensemble de valeurs fondamentales que les deux pays affirment partager. Les principes et les intérêts définis dans ce protocole d’entente comprennent notre adhésion commune à la démocratie, au libre marché, à la sécurité, à la paix, à la justice, aux droits de la personne et à la liberté. Les deux parties conviennent en outre que la sécurité d’Israël et de la région a une incidence directe sur la sécurité du Canada.

Le Partenariat stratégique Canada-Israël constitue un cadre de relations bilatérales tourné vers l’avenir qui peut être développé et renforcé. L’accord et le projet de loi qui nous sont soumis aujourd’hui émanent des concepts définis dans ce texte fondateur qui a été signé en 2014, à l’époque du gouvernement Harper.

Chers collègues, je crois que les principes définis dans le protocole d’entente n’ont jamais été plus importants. Aujourd’hui, Israël est la seule démocratie du Moyen-Orient. C’est le seul pays de la région avec lequel le Canada partage des valeurs fondamentales, plus particulièrement une adhésion commune à la démocratie libérale et à la primauté du droit.

Il est déconcertant de voir la misère humaine causée par les mouvements extrémistes dans diverses parties du Moyen-Orient depuis une dizaine d’années. Des pays et des sociétés ont été systématiquement détruits de même que les espoirs et les rêves des gens ordinaires qui habitent ces pays.

Dans un contexte stratégique général, Israël est vraiment un îlot de stabilité dans une région de plus en plus chaotique, et je crois qu’il est important que nous le reconnaissions. À cet égard, le Canada s’est montré avisé en reconnaissant que les groupes extrémistes qui constituent une menace directe pour Israël, notamment le Hamas, le Hezbollah, Al-Qaïda et le groupe État islamique, présentent aussi une grave menace pour les démocraties du monde entier. C’est pourquoi il est important que nous puissions continuer à reconnaître l’importance stratégique générale de la relation du Canada avec l’État d’Israël.

Honorables sénateurs, j’appuie fermement le projet de loi C-85. Je l’appuie en raison des nouveaux débouchés commerciaux qu’il offre au Canada et à Israël et parce qu’il représente, conjointement avec l’accord, un élément du partenariat stratégique global qui est si important pour les deux pays.

J’exhorte donc tous les sénateurs à appuyer le projet de loi, que j’espère voir le comité sénatorial permanent des affaires étrangères étudier en profondeur lorsqu’il lui sera renvoyé.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avez-vous une question, sénateur Plett?

L’honorable Donald Neil Plett : Je souhaite participer au débat.

Je veux faire quelques brèves observations qui recoupent en gros ce que j’ai dit plus tôt à propos du projet de loi C-75. Bien évidemment, c’est une mesure législative que nous devrions tous appuyer, comme l’a souligné la sénatrice Frum. Il est dommage que le gouvernement ait décidé de jouer dur et de politiser un tel dossier alors que nous devrions plutôt l’appuyer à l’unanimité. Compte tenu des actions du gouvernement et du leader du gouvernement aujourd’hui, je vais demander l’ajournement du débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénatrice Frum, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vois deux honorables sénateurs se lever. Y a-t-il une entente au sujet du moment où se tiendra le vote?

La sonnerie retentira pendant une heure. Le vote aura lieu à 17 h 47.

Convoquez les sénateurs.

(1740)

L’honorable Yuen Pau Woo : Votre Honneur, je suis heureux d’annoncer aux sénateurs que l’opposition a négocié avec le Groupe des sénateurs indépendants, et que nous avons convenu d’accepter l’ajournement, avec dissidence.

L’honorable Donald Neil Plett : Votre Honneur, je souhaite apporter une rectification : l’opposition a négocié avec le sénateur Woo.

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : L’opposition n’a pas négocié avec les libéraux au Sénat.

Son Honneur le Président : Sénateur Mercer, je n’ai pas encore demandé le consentement de la Chambre.

Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que l’ajournement ne soit pas mis aux voix mais soit plutôt adopté avec dissidence?

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ».

Honorables sénateurs, l’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénatrice Frum, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson MacDonald
Andreychuk Maltais
Ataullahjan Manning
Batters Marshall
Beyak Martin
Black (Ontario) Massicotte
Boisvenu McCallum
Boniface McCoy
Bovey McInnis
Boyer McPhedran
Brazeau Mégie
Busson Mitchell
Carignan Moodie
Christmas Neufeld
Cormier Ngo
Coyle Oh
Dagenais Omidvar
Deacon (Nouvelle-Écosse) Patterson
Deacon (Ontario) Petitclerc
Dean Plett
Doyle Poirier
Duffy Pratte
Eaton Richards
Francis Ringuette
Frum Saint-Germain
Gagné Seidman
Galvez Smith
Gold Stewart Olsen
Hartling Tannas
Housakos Tkachuk
Klyne Wells
Kutcher Wetston
LaBoucane-Benson Woo—67
Lankin

CONTRE
Les honorables sénateurs

Campbell Harder—3
Greene

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Bellemare Dyck
Bernard Lovelace Nicholas
Cordy Mercer
Downe Munson—8

(1750)

[Français]

La Loi de l’Eglise-unie du Canada

Projet de loi modificatif d’intérêt privé—Message des Communes

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-1003, Loi modifiant la Loi de l’Eglise-unie du Canada, accompagné d’un message informant le Sénat qu’elle a adopté ce projet de loi sans amendement.

L’ajournement

Retrait du préavis de motion

À l’appel des affaires du gouvernement, motions, article no 258, par l’honorable Diane Bellemare :

Que, nonobstant l’article 3-1(2) du Règlement :

1.lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au samedi 23 mars 2019, à 10 heures;

2.lorsque le Sénat s’ajournera le samedi 23 mars 2019, il demeure ajourné jusqu’au dimanche 24 mars 2019, à 10 heures.

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-10(2) du Règlement, je demande que le préavis de motion no 258 soit retiré.

(Le préavis de motion est retiré.)

(1800)

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que nous consentions à l’unanimité à ne pas tenir compte de l’heure. Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ». La séance est suspendue jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Question de privilège

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, plus tôt aujourd’hui, le sénateur Tkachuk a donné un préavis écrit et verbal annonçant qu’il allait soulever une question de privilège conformément à l’article 13-3 du Règlement. Conformément à l’article 13-5(1) du Règlement, je donne maintenant la parole au sénateur Tkachuk.

L’honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, l’article 13-1 du Règlement du Sénat dit ceci :

Une atteinte aux privilèges d’un seul sénateur cause un préjudice à tous les sénateurs et entrave le fonctionnement du Sénat. Le maintien des privilèges du Sénat incombe donc à chaque sénateur et doit être discuté en priorité.

Sénateurs, nous prenons cette règle au sérieux, à juste titre. Nous prenons aussi au sérieux l’inviolabilité de nos délibérations à huis clos. Comme l’ouvrage de Beauchesne l’indique clairement, la publication des délibérations ou des rapports d’un comité qui siège à huis clos constitue une atteinte au privilège.

Les sénateurs qui siègent au Comité des transports en sont bien conscients. Ils savent que les délibérations à huis clos doivent se poursuivre à huis clos, et ils en sont particulièrement conscients parce que le comité a discuté tout récemment de la possibilité de rendre publiques les délibérations à huis clos de leur réunion du 19 février. Même si la motion en ce sens était généralement appuyée par les sénateurs présents, certains sénateurs qui ont assisté aux délibérations à huis clos n’étaient pas là pour accorder leur consentement. Finalement, comme ces sénateurs n’avaient pas donné leur consentement, les délibérations se sont poursuivies à huis clos.

Certains sénateurs étaient insatisfaits, mais comme la greffière et d’autres l’ont expliqué, il faut suivre les règles.

La sénatrice Simons, qui était présente à cette réunion, savait que les délibérations devaient demeurer à huis clos. Pourtant, elle a tout de même jugé approprié de publier sur Twitter et Facebook des portions de notre discussion à huis clos concernant les déplacements relatifs à l’étude du projet de loi C-48. Comme je l’ai fait dans ma lettre au greffier, permettez-moi de décrire plus en détail ce que la sénatrice a écrit. Sur Twitter, premièrement, elle a d’abord publié :

En descendant de l’avion, j’ai vu de vives allégations en ligne selon lesquelles j’aurais trahi l’Alberta au sujet du projet de loi C-48 et voté contre le déplacement du comité. Ce n’est pas tout à fait vrai. Permettez-moi de vous dire ce qui s’est réellement passé.

En guise d’explication, elle écrit ensuite :

Les conservateurs ont proposé que nous nous rendions en Norvège, aux Pays-Bas, en Alaska et au Golfe du Mexique. Un tel voyage aurait coûté bien au-dessus de 1 million de dollars, et je m’y suis opposée. J’estime qu’il s’agit de dépenses injustifiables. Je n’oserais pas demander aux contribuables de payer cela.

Elle poursuit en disant :

Ensuite, les conservateurs ont suggéré que nous nous rendions à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. Encore une fois, je ne voyais pas en quoi cela aurait été pertinent pour obtenir de l’information sur une interdiction des pétroliers sur la côte Ouest.

Dans le gazouillis suivant, la sénatrice écrit :

Certains des autres membres du comité ont répliqué en proposant de visiter Prince Rupert et Terrace, où nous pourrions entendre des arguments en faveur de l’interdiction des pétroliers et voir la région en question. [...]

Toutes les discussions mentionnées dans ces gazouillis ont eu lieu à huis clos et n’auraient jamais dû être révélées publiquement.

De plus, la sénatrice Simons ne s’est pas limitée à Twitter pour révéler le contenu des délibérations à huis clos. En effet, elle a publié un long message sur Facebook, où, au sujet de la même discussion qui a eu lieu le 19 février, elle a écrit ceci :

Certains membres du comité avaient ce qu’on pourrait appeler des visions de déplacement très ambitieuses. En revenant de la pause, nous nous sommes retrouvés avec une proposition concernant un grand voyage à l’étranger, avec des escales en Norvège, aux Pays-Bas, au golfe du Mexique et en Alaska. J’étais d’avis que ce serait une utilisation très douteuse de notre temps et de notre argent. Je me suis opposée fermement à ce plan. D’autres membres du comité se sont demandés s’il était même nécessaire de nous déplacer. Ils ont fait valoir que nous pourrions entendre tous les témoins à Ottawa ou par vidéoconférence. Comme les membres du comité ne s’étaient jamais déplacés, ils ne voyaient aucune raison, aucune justification pour se déplacer. D’autres membres, dont moi-même, ont cherché un compromis. Pour nous, il était logique de nous rendre sur la côte en question et d’entendre les personnes les plus directement touchées — des personnes qui, autrement, n’auraient peut-être pas l’occasion de faire entendre leur voix.

Cette partie de son message sur Facebook correspond à la publication de délibérations du comité qui ont eu lieu à huis clos entre sénateurs.

La sénatrice Simons semble penser que tous les sénateurs ont le devoir de préserver le privilège du Sénat sauf elle. Je dis cela parce qu’elle indique très clairement pourquoi elle estimait nécessaire de ne pas respecter le caractère sacré des délibérations à huis clos. Comme elle l’a écrit, quand elle est descendue de l’avion, elle a appris que certaines personnes disaient qu’elle avait trahi l’Alberta. Son image à elle l’a alors emporté sur tout intérêt qu’elle aurait pu avoir pour les privilèges des autres sénateurs. Le pire par rapport à cette situation est que les autres sénateurs ne peuvent se défendre sans trahir la confidentialité des délibérations à huis clos en question.

Le gazouillis de la sénatrice Simons mentionné précédemment me gêne particulièrement :

Les conservateurs ont proposé que nous nous rendions en Norvège, aux Pays-Bas, en Alaska et au golfe du Mexique. Un tel voyage aurait coûté bien au-dessus de 1 million de dollars, et je m’y suis opposée. J’estime qu’il s’agit de dépenses injustifiables. Je n’oserais pas demander aux contribuables de payer cela.

Ces propos donnent l’impression, d’une part, que les conservateurs étaient prêts à dépenser sans penser l’argent des contribuables et, d’autre part, que la sénatrice Simons s’est courageusement élevée contre de telles dépenses injustifiables.

Je ne voudrais pas violer la nature confidentielle de la discussion dont parle la sénatrice Simons, mais je peux vous dire ceci : c’est moi, et moi seul, en ma qualité de président, et sans consulter aucun de mes collègues, qui ai demandé à la bibliothèque de préparer une première version d’un plan de voyage, et ce document ne devait servir à rien d’autre qu’à alimenter la discussion. Pour ce qui est de savoir si ce plan de voyage peut être imputé aux conservateurs, je demande à Son Honneur de relire la transcription de la réunion à huis clos et plus particulièrement le passage où le président et une autre personne discutent de l’origine de ce plan de voyage ainsi que les commentaires des autres sénateurs conservateurs alors présents sur les déplacements à l’étranger.

Honorables sénateurs, cette atteinte au privilège est amplifiée par l’interprétation égoïste et moralisatrice de la discussion à huis clos que fait la sénatrice Simons dans ses gazouillis et sur Facebook. Et que dire de la manière dont elle déforme les opinions et les commentaires des personnes qui ont pris part à cette discussion? Car elle savait pertinemment qu’à moins de porter eux aussi atteinte au privilège de leurs collègues, ils seraient incapables de se défendre.

Honorables sénateurs, s’il est avéré qu’il y a eu atteinte au privilège, je suis disposé à proposer une motion que la question soit renvoyée au Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement afin qu’il fasse enquête, qu’il fasse rapport et qu’il propose des mesures de réparation.

L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, j’aimerais ajouter quelques mots à ce que le sénateur Tkachuk vient de dire. J’étais là moi aussi, et moi aussi je trouve particulièrement troublants et alarmants les gazouillis de la sénatrice Simons qui ont été portés à mon attention.

Chers collègues, je ne sais pas trop si c’est par inexpérience ou par mépris des règles que la sénatrice a agi ainsi, mais selon moi, il s’agit d’une atteinte manifeste et inquiétante au privilège.

Seulement une partie de la réunion en question s’est déroulée à huis clos, et on voit tout de suite à la lecture de la transcription de la partie publique que le ton montait, personne ne dira le contraire. Cela n’excuse pas la sénatrice Simons d’avoir violé les règles de manière aussi flagrante. Comme le sénateur Tkachuk l’a si bien dit, tous ces gazouillis révélaient des échanges qui ont eu lieu à huis clos, qui n’auraient jamais dû être rendus publics.

(2010)

Comme je l’ai dit, j’étais à la réunion du comité. Nous ne pouvons pas nous défendre sans commettre le même type d’atteinte au privilège. Nous devons nous contenter de dire que les propos de la sénatrice Simons sont inappropriés parce qu’ils portent sur des délibérations qui ont eu lieu à huis clos. Non seulement elle a porté atteinte au privilège, mais elle nous a également empêchés de nous défendre.

Comme les sénateurs le savent, les séances à huis clos des comités favorisent les discussions franches parce qu’on reconnaît qu’elles seront confidentielles. Le fait de briser ce secret ne constitue pas seulement une grave atteinte au privilège, mais il ébranle également la confiance des sénateurs qui hésiteront à s’exprimer ouvertement dans les prochaines réunions. Il ne s’agit pas ici d’une simple erreur. La sénatrice Simons a fourni un compte rendu détaillé des échanges au cours d’une réunion à huis clos. Honorables collègues, c’est scandaleux.

De plus, les commentaires publics de la sénatrice Simons ne sont pas seulement un accroc à la confidentialité, ils ont aussi dénaturé ce qui s’est vraiment passé à la réunion, comme l’a souligné le sénateur Tkachuk. Je ne peux même pas vous révéler ce qui s’est passé.

Ce n’est pas tout. Parmi les renseignements publiés par la sénatrice Simons qui constituent une violation du privilège, il y avait des choses tout simplement fausses. Elle a notamment affirmé sur Twitter :

Étant donné que le comité n’avait jamais voyagé, ils ne voyaient aucune raison qui justifierait un déplacement, quel qu’il soit.

Comme les députés le savent, ces dernières années, le Comité des transports s’est déplacé dans le cadre de ses études sur les véhicules automatisés et les pipelines. Le Comité des finances s’est conformé à un plan de déplacements très détaillé.

La sénatrice Simons compte un très grand nombre d’abonnés. Ceux d’entre nous qui lisent le Hill Times auront remarqué cette semaine un article sur les sénateurs influents. Selon ce journal, la sénatrice Simons a extrêmement d’influence au sein du Groupe des sénateurs indépendants.

La sénatrice compte plus d’abonnés sur Twitter que tous les autres sénateurs réunis. Ses 47 000 abonnés ont pu lire le contenu des discussions que nous avons eues lors d’une séance à huis clos. On ne parle pas ici d’un simple lapsus dont auraient pu prendre connaissance une dizaine, une vingtaine, voire une centaine de personnes. Quarante-sept mille personnes savent ce dont nous avons discuté lors d’une réunion à huis clos et sont au courant des conversations que nous avons eues à cette occasion.

Chers collègues, c’est avec énormément de respect que je dis ceci. Justin Trudeau a nommé bon nombre des sénateurs d’en face parce qu’il souhaitait réformer le Sénat et améliorer les choses dans cette enceinte. Or, un tel comportement permet-il d’améliorer les choses au Sénat? Je suis partisan — je l’admets — et je suis toujours prêt à défendre mes convictions profondes, mais j’espère le faire avec intégrité.

Comme je l’ai dit plus tôt, j’essaie d’être un homme de parole. Il m’arrive peut-être de commettre des erreurs. Comme la sénatrice Lankin l’a fait remarquer, j’en ai possiblement commis au fil des ans et, en fait, j’en suis sûr. Mais, dans ce cas-ci, ce n’était pas une erreur. C’était une violation flagrante du Règlement, Votre Honneur. J’espère sincèrement que vous constaterez qu’il y a eu atteinte à notre privilège et que nous ne pourrons plus nous exprimer convenablement lors d’une séance à huis clos si vous ne statuez pas en faveur de la motion de privilège du sénateur Tkachuk. Merci, chers collègues.

L’honorable Frances Lankin : Normalement, il n’est pas dans l’ordre des choses d’attirer l’attention de la Chambre sur l’absence d’un sénateur, mais avec l’accord de la sénatrice Simons, je tiens à informer la Chambre qu’elle est absente pour des raisons d’ordre médical. Sénateur Tkachuk, je crois que vous le savez, puisqu’elle vous a envoyé une lettre il y a quelques semaines pour vous en informer en qualité de président du comité.

Lorsque j’ai parlé à la sénatrice Simons aujourd’hui, elle m’a demandé de vous faire part de ce qui suit. Elle tient à dire clairement que les affirmations du sénateur Tkachuk sont exactes. Compte tenu de ce qu’elle comprend maintenant, elle convient qu’elle a révélé à tort une partie de ce qui s’est passé lors d’une séance à huis clos du comité.

Bien sûr, comme toujours, cela s’est passé dans un certain contexte, mais elle ne s’en sert pas comme excuse. La sénatrice Simons souhaite présenter des excuses sans réserve à ses collègues du comité et à chacun de ses honorables collègues dans cette enceinte.

Je sais que, lorsqu’il s’agit de déterminer si une question de privilège paraît fondée à première vue, le Président peut rendre sa décision immédiatement ou la prendre en délibéré pour évaluer si elle satisfait aux quatre critères établis. Je sais aussi que, d’après I’annexe IV du Règlement du Sénat, les questions de cette nature sont généralement d’abord soumises au comité concerné. Bien sûr, rien n’empêche un sénateur de soulever une question de privilège, comme l’a fait le sénateur Tkachuk. Toutefois, toujours selon l’annexe IV du Règlement du Sénat, à supposer que le Président jugerait immédiatement que la question de privilège est fondée à première vue, l’étude de toute éventuelle motion consécutive serait reportée jusqu’à ce que le comité se soit occupé du problème.

Votre Honneur, si vous rendez votre décision ce soir, et si le sénateur Tkachuk présente une motion proposant des sanctions ou un processus à suivre, comme il prévoit le faire, je compte pour ma part proposer l’ajournement du débat pour que la sénatrice Simons puisse réagir en personne à l’approche proposée.

Votre Honneur, à titre de collègue de la sénatrice, j’accepte personnellement ses excuses sincères et j’espère qu’elle se porte bien. Merci.

L’honorable Leo Housakos : Je tiens à intervenir pour appuyer la question de privilège soulevée aujourd’hui par mon honorable collègue le sénateur Tkachuk. Je pense, chers collègues, que cette question de privilège est fondamentale et participe du noyau central de notre système parlementaire. Rien n’est plus sacro-saint que le privilège qui est le nôtre à titre de parlementaires. Et rien n’est plus important dans la boîte à outils que nous utilisons chaque jour pour mener nos travaux.

Ce qui m’inquiète, chers collègues, ce n’est pas le fait qu’il y ait eu, sans aucun doute, atteinte au privilège, mais les raisons qui l’ont motivée. Pendant les 10 années où j’ai servi les Canadiens dans cette auguste enceinte, je n’arrive pas à me souvenir d’une telle atteinte au privilège de la part de mes collègues. Je ne pense pas que cela s’explique par le fait que certains sénateurs sont nommés en fonction de leur mérite et d’autres pas, mais tout simplement par le fait que nous sommes tous venus dans cette enceinte en comprenant que nous avions quelque chose à apprendre à propos de cette institution. Quels que soient le niveau d’expérience politique ou l’origine sociale, nous comprenons qu’il s’agit de la Chambre haute du Parlement du Canada, une chambre qui a des règles fondées sur la Constitution et sur la Loi sur le Parlement du Canada.

Nous avons des procédures, des précédents et des règles à respecter. Certains d’entre eux sont rigides, d’autres volontairement souples en fonction des circonstances. Ce n’est pas parce que quelqu’un s’imagine intrinsèquement mieux informé ou plus digne de mérite qu’il a le droit de modifier les règles sur un simple caprice.

Il est très grave de violer de manière flagrante le privilège associé à la tenue de séances de comité à huis clos. Les comités siègent à huis clos pour diverses raisons, parfois pour des motifs techniques; parfois pour des raisons de confidentialité, plus particulièrement dans le cas du Comité de la régie interne; et parfois pour traiter des questions politiques très délicates. Cependant, au bout du compte, il faut respecter le privilège des autres parlementaires, peu importe de quel côté du débat on se trouve. On ne peut pas mettre ses collègues dans une situation difficile, comme l’a fait la sénatrice Simons.

(2020)

Au cours des derniers mois, nous avons essayé quelques nouvelles façons de faire les choses au Parlement et nous avons violé certains des privilèges fondamentaux conférés par la Loi sur le Parlement du Canada, ce que nous faisons régulièrement et qui devient très déconcertant. Nous avons été témoins plus tôt ce soir de quelque chose qui était sans précédent, et récemment, la sénatrice Simons a également posé un geste sans précédent. J’ignore vers quoi on se dirige et comment cela se terminera, mais, tôt ou tard, je crois que les nouveaux venus au Sénat devraient regarder les vétérans de cette institution et apprendre d’eux, comme je l’ai fait.

À mon arrivée ici, il y avait des gens comme le sénateur Comeau, le sénateur Cowan et la sénatrice Fraser des deux côtés du Sénat. J’ai appris des sénateurs d’expérience des deux côtés du Sénat en travaillant avec eux, notamment le sénateur Tkachuk. J’ai eu le privilège de travailler étroitement avec Son Honneur le Président, le sénateur Furey, à divers titres. Avant d’apprendre à sprinter, il faut apprendre à marcher et à courir. Je crois que nous devons respecter cette institution, la Constitution et les fondements sur lesquels notre fonction repose.

Selon moi, Votre Honneur, il s’agit clairement d’une atteinte au privilège. Merci.

L’honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, j’ai tendance à croire que la divulgation sur Twitter et Facebook constituait une atteinte au privilège, et j’estime que c’est regrettable, pour toutes les raisons que nous avons entendues. Cependant, la sénatrice Simons a demandé à la sénatrice Lankin de transmettre ses plus sincères excuses, ce que la sénatrice Lankin a fait. De plus, la sénatrice Simons a admis avoir divulgué des renseignements sur une réunion à huis clos qu’elle n’aurait pas dû publier. D’ailleurs, elle n’a pas du tout cherché à se justifier en invoquant son manque d’expérience ou sa mauvaise compréhension des règles et autres modalités. Elle a simplement présenté ses excuses à tous les sénateurs, sans la moindre hésitation. C’est tout à son honneur.

Je crois que c’est un rappel important de l’importance du privilège et de la confidentialité des réunions à huis clos, ce qui est tout à l’honneur du Sénat. Malheureusement — et je le dis davantage avec tristesse qu’avec colère —, certains ont dénigré la sénatrice Simons en voulant défendre ces grands principes. Il est malheureux qu’on lui attribue un sentiment de supériorité morale. Les sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants ont l’habitude de faire l’objet de critiques parce que nous ne faisons pas partie d’un caucus national, que nous ne suivons pas de directives d’un parti politique et que nous sommes déterminés à bâtir un Sénat moins partisan. Je respecte les sénateurs, comme le sénateur Plett, qui sont fièrement partisans. Nous nous entendons bien même si nous ne sommes pas d’accord sur la façon de réformer le Sénat.

La sénatrice Simons s’est excusée et je tiens à dire qu’elle est une personne intègre et que je suis attristé d’entendre les insinuations directes et indirectes ainsi que les critiques qui ont été faites à son égard. Ce n’est pas digne du caractère honorable du Sénat. Merci.

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, j’aimerais faire quelques observations pour appuyer la question de privilège soulevée par le sénateur Tkachuk. Je suis moi-même une sénatrice de la Saskatchewan. Je ne siège pas au Comité des transports, mais je suis vice-présidente du Comité permanent de la régie interne qui, à sa dernière séance, s’est penché sur le budget de déplacement lié au projet de loi C-48. À cette occasion, des collègues et moi-même avons dit craindre fortement que le Comité des transports ne se rende pas en Alberta ou en Saskatchewan pour entendre des témoignages au sujet d’un projet de loi qui touche aussi directement l’industrie pétrolière et gazière dans nos provinces respectives.

Étant moi-même active dans les médias sociaux, j’ai suivi ce qu’on y disait lorsque je suis rentrée chez moi, un jour ou deux plus tard. Beaucoup de gens qui suivent mes interventions sur Twitter craignent beaucoup que le comité n’aille pas en Alberta ou en Saskatchewan, et voilà que la sénatrice Simons essaie de justifier par son vote sa défense de l’Alberta en faisant valoir les arguments avancés par le sénateur Tkachuk. Je me rends compte ensuite que, pour ce faire, elle a utilisé de façon inappropriée les discussions à huis clos.

Votre Honneur, cela touche un plus grand nombre de sénateurs que seulement ceux qui siègent au Comité de l’énergie. Cette question touche également les sénateurs conservateurs de l’Alberta et de la Saskatchewan qui n’ont pas pu défendre les actions de leurs collègues au sein du caucus à cet égard. De plus, Votre Honneur, la sénatrice Simons est suivie par 47 000 abonnés sur Twitter et 8 000 abonnés sur Facebook. Je me demande combien de ces 55 000 abonnés qui la suivent dans les médias sociaux seront au courant de cela. Merci.

Le sénateur Tkachuk : Je tiens à ajouter quelques derniers commentaires sur certaines des questions qui ont été soulevées. Oui, je savais que la sénatrice Simons était à la maison, mais je devais soulever la question maintenant parce qu’il s’agissait de la première occasion qui s’offrait à moi. Je comprends. J’ajoute qu’elle a les mêmes problèmes que moi. Je lui ai donc envoyé un mot avec mes meilleurs vœux, qui restent sincères.

Je demande à Son Honneur de conclure que la question de privilège semble fondée à première vue et j’espère que celle-ci sera renvoyée au Comité du Règlement. Les sénateurs qui siègent depuis un bon moment savent que nous ne fouettons pas les personnes reconnues coupables. Si Son Honneur me donne raison et que la motion peut être présentée au Comité du Règlement, ce dernier pourra examiner pourquoi une telle chose s’est produite et comment empêcher qu’elle ne se reproduise. Il y aura d’autres nominations de sénateurs. Il y aura de nouveaux sénateurs et la situation se reproduira, ce qui n’est pas une bonne chose. Ce qui s’est produit n’est pas une bonne chose. Ce ne l’est pas.

J’étais présent, le sénateur Plett aussi, tout comme les sénateurs Manning et Boisvenu. Nous savons que ce n’est pas ce qui s’est produit, mais nous ne pouvons pas en parler. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut simplement faire disparaître en présentant des excuses. La question doit être examinée. Il faut l’étudier et, espérons-le, le Comité du Règlement trouvera quelques idées pour empêcher que cela ne se reproduise. Peut-être que les sénateurs devraient prendre le temps de s’informer auprès du whip de leur caucus et de leurs propres personnes-ressources pour savoir comment tout cela fonctionne.

Cela dit, Votre Honneur, j’espère que vous trancherez en ma faveur.

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’étais aussi présente à la réunion. Dans votre examen de la situation et dans votre décision, je voudrais que vous considériez ceci : le déroulement de la réunion prêtait un peu à confusion. La réunion se déroulait à huis clos et, soudainement, elle est devenue publique. Puis, il y a eu une demande pour que la réunion devienne publique. Nous sommes passés au vote et la demande a été acceptée, mais, le lendemain, on nous a dit que deux des personnes présentes n’avaient pas voté et qu’elles n’avaient pas eu l’occasion de le faire. Alors, la réunion n’aurait pas dû être publique.

Je crois qu’il sera important de lire toutes les transcriptions et de parler aux gens qui étaient présents, parce que la situation était très confuse.

L’honorable Michael Duffy : Votre Honneur, je crois qu’il est très révélateur que la sénatrice Simons n’ait pas tenté de se défiler, qu’elle ait présenté sans réserve ses excuses au Sénat et qu’elle en ait tiré une leçon. Le sénateur Housakos a fait des observations absolument émouvantes sur le privilège et l’importance sacrée qu’il revêt ici. J’invite mes collègues à aller lire l’édition du 1er décembre 2015 du Huffington Post, dans laquelle on rapportait que le rapport du vérificateur général avait été divulgué sélectivement par le sénateur Housakos, qui était alors le Président du Sénat. Ces fuites ont entaché la réputation de toute une série de sénateurs. Avant de donner des leçons à qui que ce soit, je pense qu’il faut lire le Huffington Post.

(2030)

L’honorable Linda Frum : Votre Honneur, je vous invite à considérer ceci : il est certes touchant d’apprendre que la sénatrice Simons s’est excusée sans réserve d’avoir divulgué des propos confidentiels tenus à huis clos, mais les gazouillis en question figurent toujours sur son fil Twitter. Le billet en question est encore affiché sur sa page Facebook.

Par conséquent, je vous remercie, sénatrice Lankin, d’avoir relayé les excuses de la sénatrice relativement à une fuite, à une violation, qui se perpétue actuellement.

L’honorable Pierre J. Dalphond : J’estime qu’il y a eu atteinte au Règlement. J’en suis conscient. Apparemment, la coupable a admis ses torts. Or, avant de rendre sa sentence, le juge prend habituellement connaissance des conséquences des gestes qui ont été posés. En l’occurrence, quelles ont été les conséquences? Où est le préjudice? Quelqu’un me dirait-il en quoi la sénatrice a porté concrètement préjudice à la population?

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je crois avoir entendu suffisamment d’arguments. Je tiens à remercier tous les honorables sénateurs qui ont participé au débat. Je prendrai la question en délibéré. Toutefois, comme ce fut le cas par le passé, je laisse ouverte la possibilité de demander d’autres interventions si cela s’avère nécessaire. Cela s’est déjà produit, comme mentionné, et pourrait se reproduire à nouveau.

Je tiens également à rappeler aux collègues les dispositions de l’annexe IV du Règlement. Le paragraphe a) indique que « Lorsqu’un rapport, des délibérations ou d’autres documents confidentiels d’un comité font l’objet d’une fuite, le comité concerné devrait d’abord examiner les circonstances de la fuite ». Le paragraphe c) indique ensuite ce qui suit :

La tenue d’une enquête [par un comité] sur la fuite n’empêcherait pas qu’un sénateur puisse soulever une question de privilège au Sénat à son sujet. Mais de façon générale, et hormis des circonstances extraordinaires, le Sénat ne débattrait du fond de la question de privilège qu’après la fin de l’enquête. Ainsi, à supposer que le Président jugerait la question de privilège fondée à première vue, l’étude de toute éventuelle motion consécutive serait reportée jusqu’à ce que le comité ait déposé son rapport.

Le paragraphe e) indique clairement que, si le comité ne traite pas de l’affaire dans des délais raisonnables, le Sénat peut de nouveau être saisi par l’affaire.

Rien, donc, n’empêche le Comité des transports et des communications de traiter de l’affaire et, s’il y a lieu, de faire rapport au Sénat.

Les travaux du Sénat

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : Votre Honneur, j’invoque le Règlement. Le sujet précédent souligne encore une fois le fait que nos collègues qui ont été nommés dernièrement n’ont pas nécessairement une grande expérience de la politique. En fait, la plupart n’en ont aucune. De mon côté, je suis arrivé ici après avoir occupé d’autres fonctions dans le monde politique pendant plusieurs années. J’ai eu ce privilège.

Cela dit, lorsque je suis arrivé ici, je ne connaissais pas le Règlement. Après ma nomination, la leader du gouvernement au Sénat de l’époque a pris le temps de s’asseoir avec moi. Nous avons discuté de certaines choses pour confirmer que je respectais toutes les exigences, puis elle m’a parlé du Règlement. Plus tard, elle m’a donné, en compagnie du sénateur Munson, qui a été nommé en même temps que moi, une formation sur le Règlement.

Je crois qu’il revient au Sénat, lorsque de nouveaux collègues sont nommés, de ne pas présumer que quelqu’un d’autre s’occupera de leur formation. Il incombe au Sénat de prendre le temps d’accueillir chaque nouveau sénateur. Il devrait être obligatoire que quelqu’un explique aux nouveaux sénateurs le Règlement et qu’il passe en revue la procédure ici. Nous protégerions mieux le décorum ainsi. Des problèmes de ce genre seraient peut-être évités. Du moins, dans de tels cas, nous pourrions rappeler au sénateur en question qu’il a reçu la formation et qu’il devrait savoir ce qui n’est pas approprié.

Je pense qu’il incombe collectivement au Sénat, chers collègues, de s’assurer que la prochaine personne nommée ici soit convenablement formée.

Son Honneur le Président : Je vous remercie de vos observations, monsieur le sénateur Mercer. Je les trouve éclairantes, mais elles ne constituent pas pour autant un recours au Règlement.

Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Pratte, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

L’honorable Patrick Brazeau : Honorables sénateurs, j’ai quelques brèves observations à faire pour appuyer le projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

J’entends souvent dire de la bouche de Canadiens qui ne sont pas autochtones que les enjeux autochtones sont « trop difficiles », « trop complexes » et « conflictuels ». En conséquence, beaucoup de ces gens lèvent les bras au ciel et renoncent. Ils s’excusent de ne pas s’atteler à ce travail difficile parce qu’il est justement trop difficile. Même lorsqu’on leur propose un plan pour sortir de la Loi sur les Indiens comme l’a fait Jody Wilson-Raybould dans sa démarche auprès du dernier premier ministre, on l’écarte du revers de la main comme étant « trop difficile ».

Il semble toujours y avoir une raison de ne pas pouvoir décoloniser ce pays. Il y a toujours une raison de ne pas pouvoir démanteler la Loi sur les Indiens. Je dirais que le projet de loi C-262 est une occasion idéale et peut servir de catalyseur pour éliminer définitivement la Loi sur les Indiens.

[Français]

Au moment même où je prononce ces mots, je sais que certains avocats non autochtones de l’industrie autochtone et certains chefs peuvent hocher la tête. Ils essayeront sûrement de vous convaincre que c’est trop compliqué. Mais qui bénéficie des choses difficiles? Il y aura toujours des gens qui défendent le statu quo parce qu’il sert leurs intérêts. Cette déclaration ne doit pas être considérée comme une simple aspiration. La désigner ainsi nous gardera embourbés dans la colonisation pendant encore 100 ans. Nous devons travailler avec acharnement pour définir le « consentement libre, préalable et éclairé ». Ce sont des conversations difficiles à tenir, mais la difficulté ne peut nous empêcher de le faire.

[Traduction]

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones peut-elle remplacer la Loi sur les Indiens? Offre-t-elle un cadre pour la réconciliation? La déclaration établit les normes minimales internationales d’un idéal à atteindre dans un esprit de partenariat et de respect mutuel.

Mon ami, l’avocat innu Armand MacKenzie a dit :

Les droits reconnus dans la déclaration constituent les normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde.

En ce qui concerne les ententes d’autonomie gouvernementale, l’article 3 de la déclaration reconnaît l’un des droits les plus fondamentaux inscrits dans le Pacte relatif aux droits civils et politiques, en affirmant que les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination.

En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.

L’article 4 approfondit ce droit et stipule que les peuples autochtones, dans l’exercice de leur droit à l’autodétermination, ont le droit d’être autonomes et de s’administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que de disposer des moyens de financer leurs activités autonomes.

Cette mention a été ajoutée afin de rassurer les États-nations par rapport à la menace possible de sécession.

M. MacKenzie déclare également :

Toute réforme politique ou juridique de la Loi sur les Indiens devrait être exécutée dans l’esprit des principes fondamentaux énoncés dans la déclaration :

1) Les autochtones, peuples et individus, sont libres et égaux à tous les autres et ont le droit de ne faire l’objet, dans l’exercice de leursdroits, d’aucune forme de discrimination fondée, en particulier, sur leur origine ou leur identité autochtones.

2) toutes les doctrines, politiques et pratiques qui invoquent ou prônent la supériorité de peuples ou d’individus en se fondant sur des différences d’ordre national, racial, religieux, ethnique ou culturel sont racistes, scientifiquement fausses, juridiquement sans valeur, moralement condamnables et socialement injustes;

Dans ce contexte, la Loi sur les Indiens ne respecterait pas les normes de base en matière de droits de la personne et devrait être abrogée et remplacée par des ententes sur l’autonomie gouvernementale, comme le proposait la Commission royale sur les peuples autochtones ou ce qui avait été envisagé dans l’accord constitutionnel de Charlottetown qui a été abandonné.

(2040)

Chers collègues, il est certain que le terme « veto » et la question de savoir qui aura ce droit sur quoi vont susciter bien des débats animés. Ces débats s’imposent.

Or, alors que nous débattons vigoureusement et tentons de convaincre l’autre, il ne faut pas oublier que ces terres étaient occupées et administrées avant l’arrivée de nouveaux venus intéressés par les droits de veto. De nouveaux groupes sont arrivés et se sont attribué un droit de veto sur tout.

Chers collègues, je vous encourage à poser les questions difficiles afin que nous puissions en arriver, ensemble, à concrétiser cette déclaration.

[Français]

Cela ne devrait pas être simplement un beau poème sur les peuples autochtones et sur ce qu’ils ressentent.

[Traduction]

Nous devons saisir cette occasion pour réparer certains torts causés par le colonialisme et rendre nos lois plus équitables envers les peuples autochtones.

En mon ancienne qualité de chef national, j’ai participé aux négociations de la déclaration de 2001 à 2007. Je voudrais faire part brièvement de mon expérience et de la difficulté d’être un leader autochtone qui traite avec le gouvernement.

Depuis le milieu des années 1990, le gouvernement du Canada a soutenu financièrement les peuples autochtones pour leur permettre de participer à la négociation du libellé de la déclaration dont on parle. J’avais cru que les gouvernements précédents appuyaient les dispositions sur les langues, mais ce n’était pas le cas — du moins, pas complètement.

En 2007, j’ai appris que le gouvernement du Canada avait accepté la déclaration, mais pas les articles qui traitaient des terres et des ressources. Je me suis opposé fermement à cette position, car le gouvernement ne croyait pas que les peuples autochtones devaient avoir le droit de veto sur leurs propres terres. Je le répète : le gouvernement du Canada ne croyait pas que les peuples autochtones devraient avoir le droit de veto sur leurs propres terres, et n’appuyait pas cette idée. À tous ceux qui sont d’accord avec cette opinion, je pose la question suivante : pourquoi le gouvernement devrait-il avoir un droit de veto sur les terres autochtones?

Honorables sénateurs, j’aimerais aborder un dernier point. On m’a laissé entendre à l’époque que la position du gouvernement n’était pas vraiment celle du gouvernement élu, mais plutôt celle de hauts fonctionnaires des Affaires indiennes et du Bureau du Conseil privé.

J’ai rapidement constaté que, contrairement à ce que l’on croit généralement, les politiciens, quelles que soient leurs allégeances politiques et leur couleur, sont parfois dissuadés d’intervenir par une fonction publique trop prudente. Comme me l’ont confirmé trois anciens ministres des Affaires indiennes, lorsqu’il est question des droits des Autochtones, la position de certains fonctionnaires est de ne pas réveiller le chat qui dort et de ne pas trop faire de vagues. Autrement dit, il vaut mieux ne rien changer.

Bien entendu, comme nous tous, les fonctionnaires ont un travail à faire. La plupart d’entre eux le font bien et offrent au gouvernement élu leurs meilleurs conseils. Cependant, parfois, la prudence raisonnable peut se transformer en une incapacité de faire quoi que ce soit. Quoi qu’il en soit, la position des fonctionnaires est devenue la position du gouvernement.

Honorables sénateurs, nous avons l’occasion de passer outre le statu quo. Luttons contre l’inertie bureaucratique. Faisons des vagues. Réveillons le chat qui dort, mais de manière positive. Renvoyons ce projet de loi au comité pour que nous puissions étudier adéquatement comment harmoniser sans réserve nos lois avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Meegwetch.

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je souhaite aussi intervenir ce soir pour parler du projet de loi C-262, dont le titre abrégé est la Loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Je félicite le parrain du projet de loi, le sénateur Sinclair, ainsi que son auteur, le député Romeo Saganash.

Je ne suis pas le porte-parole pour ce projet de loi, mais j’ai écouté attentivement les interventions de nombreux sénateurs dans cette enceinte au cours des derniers mois et je leur ai posé des questions à la fin de leur discours. J’imagine que c’est maintenant à mon tour de parler du projet de loi et de faire part à mes collègues de mes réflexions à ce sujet.

Tout d’abord, je tiens à dire à quel point il est crucial que le Canada et les 95 p. 100 de Canadiens qui ne sont pas autochtones trouvent une façon d’entretenir une relation pacifique, saine et prospère avec leurs concitoyens autochtones. À mon avis, c’est l’enjeu le plus important de notre époque. Si nous ne trouvons pas bientôt un moyen d’emprunter ensemble la bonne voie, les prochaines décennies seront encore marquées par des poursuites judiciaires, qui donneront lieu à des victoires et à des défaites acrimonieuses. Je crois qu’une telle situation peut entraîner des troubles civils, alors que les citoyens autochtones et non autochtones réagiront à l’intensification du conflit.

Quelle voie devrions-nous suivre? Pour le savoir, je crois que nous devrions d’abord examiner attentivement le document et bien réfléchir à ce que nous considérons comme un avenir idéal. À vrai dire, je suis sûr que l’avenir que les Autochtones du pays aimeraient offrir aux prochaines générations n’est guère différent de ce que veulent tous les autres Canadiens : la liberté, la prospérité, la santé, une culture dynamique qui reflète leur identité, une collectivité forte et solidaire, la sécurité personnelle et familiale, le bonheur et le bien-être.

Nous savons que, partout dans le monde, cet avenir idéal passe nécessairement par des lois justes — j’ai bien dit des lois justes — et des gouvernements stables. La plupart des Canadiens tiennent déjà ce principe pour acquis au quotidien. Or, les Autochtones du pays ne peuvent pas en dire autant.

Pendant plus d’un siècle, les Autochtones du pays ont dû endurer des lois injustes ainsi que des gouvernements qui, à tour de rôle, ont adopté des politiques qui étaient, au pire, malveillantes et, au mieux, malavisées. Depuis des dizaines d’années, les gouvernements se montrent plus subtils et nuancés dans leurs rapports avec les peuples autochtones et ils emploient souvent du jargon et de belles paroles pour dissimuler leurs gestes ou leur inaction.

Comme Jody Wilson-Raybould l’a dit l’année dernière, lors d’une allocution qu’elle a prononcée en Saskatchewan :

Il reste que les paroles n’engagent à rien. Et trop souvent, l’on constate une tendance — surtout en politique — à utiliser de façon insouciante des mots importants dont le sens et l’importance sont réels. Ainsi, on les applique à des idées et à des actions qui, en réalité, ne témoignent pas de leur signification réelle, ni même parfois du sens contraire.

Chers collègues, ma plus grande crainte est que nous adoptions ce projet de loi en n’y voyant qu’un geste symbolique — il suffit de l’adopter pour ensuite l’ignorer ou le minimiser — ou, pire encore, que nous laissions les tribunaux l’interpréter pendant des décennies. À mon avis, il s’agirait là d’une continuation des actions cyniques et hypocrites qui ont abouti à la relation honteuse et dysfonctionnelle que nous entretenons avec les peuples autochtones du Canada.

Le projet de loi C-262 vise clairement, à mon avis, à incorporer le contenu de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le droit canadien. Il doit être pris au sérieux. Je le prends au sérieux. J’ai lu le projet de loi. Ce n’est pas une lecture difficile. Ce n’est que quelques pages. J’ai pris le temps d’assister à une rencontre que le sénateur Massicotte avait organisée avec M. Saganash et son conseiller juridique, qui l’a aidé à rédiger le projet de loi.

Il y a un article dans le projet de loi — je pense que c’est deux pages — qui se lit comme suit :

4 Le gouvernement du Canada, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones du Canada, prend toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

J’ai demandé à M. Saganash et à son conseiller juridique si cela voulait dire qu’ils avaient l’intention de codifier chaque mot de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans la loi, et ils m’ont répondu que c’était le cas.

(2050)

Je tiens à ce que tout le monde se rende compte que cela n’a rien de symbolique. Il ne s’agit pas d’un projet de loi qui se contente d’énoncer de vagues aspirations. On ne peut pas faire semblant qu’il n’aura aucun effet ou que ce qui est écrit à l’article 4 — sur les six articles du projet de loi — ne sera pas appliqué à la lettre. Si j’ai tort, je veux qu’on en parle au comité. Je suis certain que vous aurez tous envie de prendre connaissance de la réponse à cette question particulière dans le rapport du comité.

Le deuxième problème pour moi vient de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et plusieurs en ont parlé. Le sénateur Brazeau vient juste d’en parler. J’appuie entièrement la déclaration, à l’exception d’un mot qui me donne des ulcères, le mot « consentement ». Qu’entend-on par là? Eh bien, ce mot et sa définition sont assez simples. Il se trouve dans le dictionnaire. La Cour suprême l’a défini, même si c’était surtout dans un contexte criminel, mais il est assez évident que la définition qu’elle a choisie peut se résumer par « non, c’est non ». Pour moi, cela signifie que, chaque fois qu’il est question de consentement dans la déclaration, on veut dire qu’il y a un droit de veto. Cela signifie que non, c’est non.

Cependant, plusieurs de ceux qui appuient le projet de loi ont affirmé que le consentement n’était pas défini aussi clairement que je pourrais le penser, que la définition est plus nuancée et qu’il pourrait y avoir une sorte de critère relatif au caractère raisonnable qui sera appliqué au « consentement » ou au principe du « non, c’est non ». Certains disent aussi qu’il y aura peut-être une façon d’atténuer la définition du terme.

Je pense, chers collègues, que tout notre second examen objectif de ce projet de loi devrait être axé sur la définition du terme « consentement ». Je suis prêt à écouter attentivement les experts à ce sujet au comité.

Si, comme on l’a laissé entendre, le mot « consentement » aux termes de ce projet de loi signifie quelque chose d’inférieur à un veto, il faut clarifier sa signification dans le cadre de la prochaine étude au comité et dans le rapport qu’il présentera au Sénat, notamment en apportant un amendement au projet de loi afin de clarifier le libellé. À mon avis, cette mesure contribuerait grandement à calmer les inquiétudes de bon nombre de sénateurs et de Canadiens, et elle nous permettrait de célébrer une étape importante vers un avenir meilleur pour les Autochtones du Canada.

Toutefois, s’il s’avère que le consentement équivaut à un veto ou à quelque chose qui s’en approche que les Autochtones peuvent imposer sur les activités ou les projets qui touchent leurs terres ancestrales, nous devons le savoir avant de voter sur ce projet de loi et de l’adopter. Nous devrions ensuite réfléchir aux énormes conséquences pour le pays. Nous devrions déterminer si les Canadiens sont au courant de cette disposition, s’ils la comprennent et s’ils l’appuient, et il serait irresponsable de faire autrement.

Il devrait être clair pour tous les sénateurs que les prochaines audiences du Comité des peuples autochtones concernant le projet de loi C-262 sont d’une importance vitale et qu’elles doivent nous fournir la clarté dont nous avons besoin au sujet de l’incidence de ce projet de loi et de la question du consentement.

Après des décennies de travail, de négociation et d’espoir, il est également clair que le projet de loi et toutes les valeurs qu’il défend représentent l’une des déclarations les plus importantes que les Canadiens puissent faire pour finalement témoigner leur respect et leur reconnaissance aux citoyens autochtones, une déclaration entraînant des mesures qui changeront à tout jamais le Canada. La décision qui est prise au Sénat pourrait un jour être considérée comme une décision historique. Je crois que nous devons courageusement et respectueusement faire de notre mieux pour trouver la bonne et juste voie. Merci.

L’honorable Lillian Eva Dyck : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Tannas : Absolument.

La sénatrice Dyck : Je vous remercie de votre discours réfléchi. Vous avez soulevé quelques questions importantes.

La Chambre des communes doit sûrement avoir étudié la question. Ayant examiné les transcriptions, pourriez-vous nous donner un résumé des conclusions des députés? Ont-ils décrit le « consentement » comme un veto ou l’ont-ils décrit comme quelque chose d’autre?

Le sénateur Tannas : Je n’ai pas tout examiné attentivement. Je crois qu’environ 70 personnes ont témoigné à propos de ce projet de loi, et j’espère que notre étude sera tout aussi exhaustive. J’espère que nous tenterons de convoquer certains des témoins entendus à l’autre endroit. J’espère aussi que nous chercherons à obtenir des renseignements à propos du consentement et des effets qu’aurait le projet de loi sur la législation canadienne en vigueur. J’aimerais que le comité se concentre davantage sur ces deux aspects. Je crois que notre second examen objectif apporterait ainsi une valeur particulière, puisqu’il nous permettrait ainsi d’aller au cœur de ces deux enjeux.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi sur les lieux et monuments historiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Pratte, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-374, Loi modifiant la Loi sur les lieux et monuments historiques (composition de la Commission).

L’honorable Leo Housakos : Puis-je ajourner le débat à mon nom?

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

Projet de loi de 2018 sur les changements de noms de circonscriptions

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, C.P., appuyée par l’honorable sénatrice Verner, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-402, Loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales.

L’honorable Patrick Brazeau : Honorables sénateurs, la dernière fois que le leader du gouvernement au Sénat a parlé du projet de loi, il a cité Shakespeare, alors permettez-moi de faire de même.

« Que lisez-vous, Monseigneur? », demande Polonius à Hamlet, et Hamlet répond : « Des mots, des mots, des mots. » Pardonnez-moi, je n’ai jamais fait de théâtre, alors je ne suis pas un très bon acteur.

Cela dit, honorables sénateurs, le premier ministre nous a bel et bien abreuvés d’une tonne de mots. Pendant la dernière campagne électorale fédérale, il a multiplié les belles promesses sur la réconciliation avec les peuples autochtones du pays. Certaines sont plus dures à tenir que d’autres, mais celle à laquelle nous avons aujourd’hui affaire est toute simple : on ne renomme pas une circonscription sans d’abord consulter les gens qui y habitent.

Le nouveau nom de la circonscription de Manicouagan constituerait un manque de respect pour les Autochtones qui y vivent. C’est d’ailleurs ainsi qu’agissent les colonisateurs de partout dans le monde depuis des centaines, que dis-je, des milliers d’années. Sans vouloir nommer de noms, plus d’un groupe a rechigné quand certaines personnes arrivées depuis relativement peu de temps ont voulu renommer telle ou telle terre ancestrale en leur honneur. Alors si une rose qu’on nomme autrement sentirait toujours aussi bon, pourquoi ne pas lui donner un nom réfléchi et inclusif? Que le nom de la rose reflète au mieux les richesses, la beauté et la diversité de ceux qui sont issus de la terre d’où elle émerge.

[Français]

En mai dernier, huit chefs de la nation innue ont signé une lettre dans laquelle ils proposaient, pour la circonscription en question, un nom qui répondrait à tous ces critères. Ces huit chefs s’opposent au projet de loi C-402, qui changerait le nom de la circonscription de Manicouagan pour celui de Côte-Nord.

Étant donné la pléthore de promesses qui ont été faites par le premier ministre durant la campagne électorale en ce qui a trait à la consultation des peuples autochtones, ils s’attendent naturellement à être consultés.

[Traduction]

Si ce refrain semble familier, c’est parce que nous l’avons entendu si souvent. Pour utiliser une autre expression musicale, honorables sénateurs, c’est comme un disque rayé. Le terme « Manicouagan » est un mot innu qui fait référence au plus grand réservoir de la circonscription. Visible de l’espace, c’est un plan d’eau annulaire qui sert depuis longtemps de lieu d’activités traditionnelles et religieuses pour les familles innues.

(2100)

Dans leur sagesse, les aînés ont constaté que le nom de la circonscription n’est pas représentatif de la population actuelle et qu’on pourrait trouver mieux. Ils ont donc recommandé un nom qui tient compte du patrimoine autochtone, anglais et français des habitants.

Les chefs ont proposé le nom « Nitassinan-Côte-Nord et Lower North Shore ». Nitassinan est un mot innu qui signifie « notre terre ». Votre honneur, les chefs ont dit dans leurs propres mots :

Éliminer un nom autochtone d’une carte électorale pour le remplacer uniquement par « Côte-Nord », un nom français, serait contraire à l’esprit de réconciliation que prône l’actuel gouvernement fédéral. Le terme n’a pas le même sens et la même résonance que « Manicouagan ». Contrairement à ce que prétend le député bloquiste de Manicouagan, le terme « Côte-Nord » n’est pas du tout représentatif de la région. »

D’un côté, il occulte le fait que les autochtones ont occupé la région dans le passé et, de l’autre, il ignore de la présence des pêcheurs de langue anglaise de la Basse-Côte-Nord, sans compter le fait que les villes de Fermont, Schefferville, Matimekush-Lac John et Kawawachikamach sont situées à l’intérieur des terres et sont assez loin de ce qu’on appelle la Côte-Nord.

[Français]

Aujourd’hui, je demande à mes collègues de bien réfléchir à ce que proposent ces huit chefs innus. Je leur demande de garder l’esprit ouvert et de ne pas faire fi de la sagesse de ces chefs, simplement parce qu’on leur demande d’adopter ce projet de loi d’ici aux prochaines élections. Nous ne sommes pas ici pour adopter des projets de loi à toute vapeur ni pour les approuver sans les avoir d’abord étudiés consciencieusement.

[Traduction]

Aujourd’hui, je prie mes collègues de bien réfléchir à la proposition des chefs innus. En m’inspirant de la sagesse des chefs, je vais proposer un amendement à l’étape de la troisième lecture, si nécessaire, pour appuyer la volonté des chefs.

[Français]

Laissez-moi conclure avec un extrait d’une chanson de Georges Dor pour bien illustrer la poésie du choix du nom de la circonscription :

Si tu savais comme on s’ennuie

À la Manic

Tu m’écrirais bien plus souvent

À la Manicouagan [...]

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La modernisation du Sénat

Sixième rapport du comité spécial—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Tannas, appuyée par l’honorable sénateur Wells, tendant à l’adoption du sixième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l’avant (Présidence), présenté au Sénat le 5 octobre 2016.

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je propose l’ajournement du débat au nom du sénateur Greene.

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, au nom du sénateur Greene, le débat est ajourné.)

Le racisme anti-Noirs

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Bernard, attirant l’attention du Sénat sur le racisme anti-Noirs.

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, j’aimerais commencer mon discours ce soir par les mots suivants :

D’abord, ce à quoi nous avons affaire, fondamentalement, c’est à un racisme anti-Noirs. Bien qu’il soit vrai, de toute évidence, que chacune des minorités visibles ressent les indignités et les blessures de la discrimination systémique qui sévit dans tout le Sud de l’Ontario, c’est la communauté noire qui est particulièrement visée. Ce sont les hommes noirs que l’on tue, ce sont les adolescentes et les adolescents noirs qui sont au chômage en nombres excessifs, ce sont les élèves noirs que l’on regroupe d’une façon qui ne correspond pas à leurs aptitudes véritables, ce sont les jeunes noirs qui abandonnent l’école en nombres disproportionnés, c’est dans les ensembles de logements où la concentration de résidentes et de résidents noirs est la plus forte que l’on se sent le plus vulnérable et le plus défavorisé, c’est au nez du personnel noir, professionnel et non professionnel, que claquent les portes de l’équité et de la promotion. De même que le baume du « multiculturalisme » ne peut pas masquer le racisme, le racisme ne peut pas masquer la cible qu’il vise en priorité.

Il s’agit d’une citation. Certains d’entre nous pourraient penser que ces paroles ont été prononcées par un membre du mouvement Black Lives Matter. Ce n’est toutefois pas le cas. Cette citation est tirée du rapport sur le racisme en Ontario que Stephen Lewis a remis au premier ministre Bob Rae en juin 1992.

Aucun Canadien ne nierait l’existence du racisme. Toutefois, pour la plupart d’entre nous, surtout si nous ne faisons pas partie d’une minorité visible, l’exposition au racisme n’est que superficielle. On peut l’avoir constaté, mais le connaissons-nous vraiment? Je pose la question. Ce peut être une blague offensante racontée par un parent ou un commentaire blessant entendu dans le bus ou la façon dont un demandeur d’emploi est reçu lors d’une entrevue.

En fait, cet extrait de l’article de Stephen Lewis fait ressortir de quelle façon nous, les Canadiens, nous trahissons nous-mêmes de deux façons essentielles lorsqu’il s’agit du racisme anti-Noirs. Nous le minimisons en le comparant à la violence qu’il revêt aux États-Unis. Nous présumons que la réalité de la vie d’un Noir canadien ne peut être aussi brutale qu’elle ne l’est pour un Noir étatsunien, que le sombre tableau que dépeint Lewis n’existe qu’aux États-Unis. Ce n’est pas vrai.

Nous supposons que les choses s’améliorent. Ce n’est pas vrai. Ce rapport qui remonte à plus de 25 ans reste toujours aussi pertinent aujourd’hui. Pour changer les choses, nous devons franchir une autre étape en apprenant vraiment ce qu’est le racisme plutôt qu’en le constatant simplement. Plus d’un million de Canadiens noirs connaissent le racisme implicite et le racisme explicite, le racisme structurel et le racisme personnel. Ils le vivent du matin au soir. Les autres Canadiens, eux, ne peuvent pas aller au-delà de la simple constatation et apprendre vraiment ce qu’est le racisme à moins se mettre à la place de l’autre.

Voyons un peu. À quoi ressemblerait une journée dans votre vie si vous étiez un Canadien de race noire? Peut-être qu’à votre réveil, vous êtes dans une situation plus précaire que celle de la majorité des Canadiens sur le plan du logement. Peut-être que votre quartier est un désert alimentaire où le gouvernement offre peu de services et où les transports en commun sont pratiquement inexistants. Peut-être que vous êtes coincé dans le cercle vicieux de la pauvreté à cause de cela.

Peut-être que, quand vous étiez enfant, vous ne voyiez à peu près jamais votre père, puisque 40 p. 100 des enfants noirs au Canada grandissent dans des foyers monoparentaux — un héritage de l’esclavage. Dans la communauté jamaïcaine de Toronto, c’est deux foyers sur trois.

Ou peut-être que vous avez grandi dans le système de protection de l’enfance, à Toronto par exemple, où plus de 40 p. 100 des enfants pris en charge par les services sociaux sont de race noire, même si les enfants noirs ne comptent que pour 8 p. 100 des enfants de la ville.

Peut-être qu’en vieillissant vous commencez à remarquer que les gens vous regardent différemment et qu’ils ont des préjugés à votre endroit. Peut-être que vous vous demandez pourquoi le mot « noir » a si souvent une connotation négative : le marché noir; être sur la liste noire; noircir la réputation de quelqu’un; avoir le cœur noir; la magie noire.

Peut-être que, alors que vous devenez adolescent, vous remarquez le vif contraste entre votre voisinage et un voisinage de Blancs, pour ce qui est de la présence policière. Peut-être que cela mène à de constantes interactions avec la police, que ce soit après l’école, alors que vous rentrez à la maison à pied, ou la nuit, lorsque vous allez reconduire vos amis chez eux. Le rapport récent de la police d’Halifax mentionné plus tôt aujourd’hui par la sénatrice Bernard nous montre qu’il est six fois plus probable pour un jeune homme noir que pour un jeune homme blanc de se faire arrêter dans le cadre d’un contrôle de routine dans les rues. Peut-être que, comme nous l’avons vu beaucoup trop souvent, cela vous amène, vous et vos amis, à faire l’objet de profilage, de contrôles d’identité, de harcèlement, voir à vous faire battre ou tuer.

(2110)

Un rapport commandé par la police de Montréal qui a fait l’objet d’une fuite dans La Presse révèle que, dans Saint-Michel et Montréal-Nord, jusqu’à 40 p. 100 des jeunes Noirs ont été arrêtés en 2006-2007. Beaucoup de ces interventions policières accrues ont été justifiées comme s’inscivant dans la lutte contre les activités des gangs, alors que, en réalité, en 2009, seulement 1,6 p. 100 des crimes étaient liés aux gangs.

Peut-être que vous avez des démêlés avec le système judiciaire, où il est plus probable que vous soyez traités durement, ce qui explique la surreprésentation des Noirs dans les prisons, eux qui représentent 3 p. 100 de la population générale, mais 10 p. 100 de la population dans les prisons.

Peut-être que le traumatisme de cette enfance déstabilise votre santé physique ou mentale, comme l’a si bien décrit la sénatrice Bernard dans son livre Race and Well-Being. Le racisme est également un problème de santé.

Si vous parvenez à vous en sortir malgré tout cela, peut-être que vous éprouverez plus de difficultés sur le marché du travail. Si vous êtes une femme noire, l’écart salarial est plus grand. Vous gagnerez probablement 37 p. 100 de moins que les hommes blancs et 15 p. 100 de moins que les femmes blanches. Peut-être que, si vous exigez une vie meilleure pour vous et votre communauté et que vous vous joignez à un mouvement, tel que Black Lives Matter, on dira que vous êtes un radical.

La liste se poursuit. Ces choses s’accumulent dans la vie d’une personne et dans la culture d’une communauté. Ce sont ces expériences quotidiennes qui forment votre réalité en tant que Canadien noir.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas beaucoup de Canadiens noirs qui ont du succès, ni que les autres Canadiens n’éprouvent aucune difficulté. Cela signifie seulement que, pour les Canadiens noirs, la couleur de la peau est un obstacle supplémentaire.

Cela ne date pas d’hier. Nous savons tous que c’est un problème de longue date qui n’a jamais été résolu. Ces croyances et ces comportements peuvent être réprimés, mais ils sont toujours là. Comment pouvons-nous composer avec ce problème d’actualité qui, selon bien des gens, appartient au passé?

Je suppose que nous devrions commencer par faire notre propre examen de conscience. Nombre de Blancs sont rebutés par le jargon universitaire qui est employé ou par les rares cas d’autovictimisation, comme celui de l’acteur Jussie Smollett, qui aurait payé deux amis pour qu’ils simulent une attaque raciste. Cependant, cela ne réduit en rien le cœur du problème.

J’aimerais parler d’un terme que certains considèrent comme du jargon et qui dérange nombre de Canadiens blancs. Je parle de l’expression « privilège blanc ».

J’aimerais que nous examinions nos vies pour bien comprendre ce que signifie le privilège des Blancs. J’aimerais que nous comprenions que, malgré notre histoire personnelle et individuelle et les difficultés que nous avons pu vivre, nous ne sommes pas aux prises avec les mêmes difficultés.

Je repense à l’époque où je faisais partie d’un groupe qui s’employait à dénoncer le racisme en Ontario avant la publication du rapport de Stephen Lewis, en 1992. Je me souviens que nous avons consulté les annonces de logements à louer. Quand nous avons envoyé un couple noir se renseigner à propos des logements annoncés, il s’est fait dire, à plusieurs endroits, que l’appartement était déjà loué. Le couple blanc que nous avons immédiatement envoyé aux mêmes endroits, par contre, a été invité à visiter l’appartement et s’est vu offrir un contrat de location.

Les exemples de ce genre abondent. Je n’ai pas vécu de situation pareille dans ma vie et je n’en vivrai jamais. Contrairement aux Canadiens noirs, je ne ressens pas, dans mes interactions quotidiennes, une peur latente causée par les préjugés racistes constants, et je ne ressens pas la même aliénation que la communauté noire.

Il est de plus en plus évident que le problème de la suprématie blanche et des groupes militant pour la suprématie blanche existe ici, au Canada. Le nombre de groupes actifs me stupéfie. Ce phénomène est associé à une certaine forme de rage; il suffit de regarder les grands rassemblements politiques « Rendons sa grandeur à l’Amérique » du président Trump pour le constater. Or, même ici au Canada, des gens réussissent à se glisser dans des mouvements bien intentionnés, comme United We Roll, pour nourrir leurs objectifs racistes. Il y a un article sur antihate.ca à ce sujet, pour ceux que cela intéresse.

Il y a ce genre d’individus, il y a les réactionnaires qui s’efforcent de minimiser ce que les gens ont vécu, il y a les suprémacistes blancs qui vont jusqu’à commettre des actes de violence. Le racisme subsiste au Canada. Il nous faut le reconnaître pour pouvoir le comprendre. Il ne suffit pas de le voir, il faut le comprendre.

Ceux parmi nous qui sont prêts à reconnaître l’existence du racisme anti-Noirs dans notre société doivent montrer leur solidarité en public, en milieu de travail et, plus particulièrement, à l’égard de groupes comme Black Lives Matter, un mouvement qui cherche à amener la société à s’interroger et à assurer la justice.

Les attaques contre la réputation de ce mouvement nous rappellent ce qu’a vécu Martin Luther King Jr. Un jour, Black Lives Matter sera vu comme le mouvement des droits civiques de son époque, surtout si la classe politique se montre ouverte.

Que peut donc faire le gouvernement? Vingt-cinq ans après la publication du rapport de Stephen Lewis, quels progrès ont été réalisés? Quelles leçons pouvons-nous en tirer?

Le gouvernement ontarien de Mike Harris a fermé le secrétariat antiracisme qui avait été établi en réponse au rapport Lewis. Il a abrogé la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Il a réduit le financement du réseau de centres d’établissement des nouveaux arrivants de la Maison d’accueil de l’Ontario. Aucun progrès n’a été réalisé pendant de nombreuses années. Par la suite, la première ministre Wynne a cherché à renverser la vapeur. Toutefois, malgré tous ses efforts, les statistiques ne se sont pas améliorées. Et le gouvernement actuel de l’Ontario a aboli les sous-comités antiracisme qui étaient en place.

Nous avons donc besoin d’un plan. Nous devons travailler avec les gouvernements provinciaux. Certains de ces enjeux sont d’ordre provincial. Il y a l’accessibilité aux soins de santé. Il y a les écoles, le système d’éducation et la façon dont les expériences des étudiants sont structurées au Canada. Il y a la police et les interactions policières avec la population.

En quoi le gouvernement fédéral et le Sénat peuvent-ils aider? Voici des enjeux relevant de la compétence fédérale : l’allègement fiscal, les filets de sécurité, le soutien aux centres communautaires, l’aide au logement, le soutien au développement des entreprises, les services bancaires et la réforme de la justice pénale. Pensons aussi à certaines des initiatives de la sénatrice Pate.

Au Sénat, nous avons le devoir constitutionnel de protéger les minorités. Lorsqu’on étudie une mesure législative qui touche à ces domaines, pourquoi ne pas porter une attention particulière aux groupes de Canadiens les plus discriminés?

Plus tôt aujourd’hui, nous avons parlé de la Loi sur le divorce et de la nécessité d’intégrer une analyse comparative entre les sexes dans ses dispositions. Ce soir, nous avons parlé de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et du travail que le comité fera pour déterminer comment nous pouvons harmoniser nos lois avec elle.

Ce soir, nous parlons du racisme anti-Noirs, qui est rarement dénoncé haut et fort, mais c’est le devoir des Sénateurs de le faire.

Pourquoi ne pas examiner les projets de loi qui pourraient avoir le plus d’incidence sur ces communautés, sur les Canadiens noirs? Nous devrions essayer de comprendre si nous disposons nous-mêmes d’une analyse de l’incidence que ces projets de loi pourraient avoir : S-228, la publicité s’adressant aux enfants; S-237, les taux d’intérêt; S-240, l’immigration et la protection des réfugiés; C-243, l’aide à la maternité; S-249, la violence familiale; S-251, l’indépendance des tribunaux; S-252, les dons de sang; C-45, la légalisation du cannabis; C-46, les moyens de transport; C-65, le harcèlement; C-74, la loi d’exécution du budget; C-75, la réforme du système de justice; C-78, la Loi sur le divorce; et C-81, les personnes handicapées. Tous ces projets de loi pourraient être examinés à la lumière de l’incidence qu’ils auront sur l’une des communautés les plus marginalisées et discriminées au pays, soit les Canadiens noirs. Tous ces projets de loi peuvent avoir une incidence sur la façon dont les Noirs sont traités au Canada.

(2120)

Donc, voici ma question : dans 25 ans, est-ce que nous aurons fait plus de chemin qu’au cours des 25 dernières années? Quel genre d’engagement véritable est-on prêt à prendre lorsqu’on réfléchit aux répercussions du projet de loi? D’où vient notre compréhension de l’expérience de vie des Noirs au moment de réfléchir à ce genre de projet de loi? C’est un défi pour nous, mais les valeurs que nous sommes censés défendre exigent que nous le relevions dès maintenant. Merci beaucoup.

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, le débat est ajourné.)

Les affaires étrangères

Retrait du préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

À l’appel de la motion no 461 par l’honorable A. Raynell Andreychuk :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à se réunir le mercredi 20 mars 2019, à 16 h 15, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-10(2) du Règlement, je demande que le préavis de motion no 461 soit retiré.

(Le préavis de motion est retiré.)

[Français]

Langues officielles

Retrait du préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

À l’appel de la motion no 465 par l’honorable René Cormier :

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à se réunir le lundi 1er avril 2019, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L’honorable René Cormier : Conformément à l’article 5-10(2) du Règlement, je demande que le préavis de motion no 465 soit retiré.

(Le préavis de motion est retiré.)

[Traduction]

Finances nationales

Retrait du préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

Consentement ayant été accordé de revenir aux motions, article no 457 :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à se réunir le mercredi 20 mars 2019, à 18 h 45, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-10(2) du Règlement, je demande que le préavis de motion no 457 soit retiré.

(Le préavis de motion est retiré.)

Peuples autochtones

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Lillian Eva Dyck, conformément au préavis donné le 21 mars 2019, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à se réunir le jeudi 11 avril 2019 de 13 heures à 16 heures, aux fins de son étude sur la teneur du projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Motion tendant à autoriser le comité à étudier certaines questions liées à l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada et à inviter des témoins—Recours au Règlement

L’honorable Donald Neil Plett, conformément au préavis donné le 21 mars 2019, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les allégations graves et troublantes voulant que des personnes au sein du cabinet du premier ministre aient tenté de faire pression sur l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada, l’honorable Jody Wilson-Raybould, C.P., députée, et d’entraver son indépendance, pouvant ainsi porter atteinte à l’intégrité de l’administration de la justice;

Que, dans le cadre de cette étude, et sans limiter le droit du comité d’inviter d’autres témoins s’il le juge opportun, le comité invite l’honorable Jody Wilson-Raybould, C.P., députée;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 15 juin 2019;

Que le comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

— Honorables sénateurs, j’aimerais dire quelques mots au sujet de ma motion. La leader adjointe me dit qu’il faut d’abord que je propose la motion. Avant que vous me réprimandiez, Votre Honneur, je propose la motion.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : J’invoque le Règlement au sujet de cette motion, Votre Honneur, car à mon avis, elle est irrecevable. Je m’explique.

Comme vous le savez, honorables sénateurs, une motion à peu près semblable est déjà inscrite au Feuilleton. En février, le sénateur Smith a présenté la motion no 435, qui a fait l’objet d’un débat animé et qui attend présentement au Feuilleton que la présidence rende une décision à son sujet. La motion no 470 étant sensiblement la même que la motion no 435, les deux ne peuvent pas être inscrites au Feuilleton en même temps. Dans la mesure où les deux motions sont à peu près identiques et afin de préserver l’efficacité des délibérations, d’affirmer le droit qu’a le Sénat de gérer ses travaux de manière ordonnée et d’empêcher qu’on lui fasse perdre son temps, la motion no 470 ne peut être jugée recevable. Le simple gros bon sens nous dicte qu’on ne peut pas inonder le Feuilleton de motions à peu près identiques et poursuivant le même objectif. Si la motion no 470 était jugée recevable, il serait alors possible de présenter des centaines de motions de nature sensiblement similaire.

Au-delà des arguments relevant du bon sens, la décision que je cherche à obtenir de la présidence sur ce recours au Règlement s’appuie sur d’anciens principes parlementaires, les autorités en matière de procédure et les précédents pertinents les plus récents. Selon la règle interdisant d’anticiper qui s’applique aux Parlements suivant le modèle de Westminster, on ne peut pas présenter une motion qui porte sur un sujet figurant déjà au Feuilleton pour faire l’objet de plus amples discussions.

L’esprit de la règle interdisant d’anticiper se reflète explicitement dans deux dispositions du Règlement du Sénat. Selon l’article 4-2(5)b), une déclaration de sénateur ne doit pas anticiper un point inscrit à l’ordre du jour. Aussi, selon l’article 5-2, une interpellation ne doit pas se rapporter à un projet de loi ou à une autre affaire inscrits à l’ordre du jour.

La question à l’étude — une motion qui anticipe une autre motion figurant déjà au Feuilleton pour faire l’objet de plus amples discussions — n’est pas couverte explicitement dans le libellé du Règlement du Sénat. Cependant, l’analyse ne s’arrête pas là. L’une des règles d’or du Règlement du Sénat, la toute première de l’ouvrage, établit le principe encadrant la résolution des cas non prévus par le Règlement, c’est-à-dire les cas qui ne sont pas couverts par les règles codifiées.

L’article 1-1(2) se lit comme suit :

Dans les cas non prévus par le Règlement, les pratiques du Sénat, de ses comités et de la Chambre des communes s’appliquent avec les adaptations nécessaires. En outre, les pratiques d’autres assemblées semblables peuvent, au besoin, être utilisées.

Ainsi, lorsqu’une question liée à la procédure n’est pas abordée dans le Règlement du Sénat, les règles, les pratiques et les ouvrages de procédures de l’autre endroit et d’autres assemblées semblables, notamment d’autres assemblées dans la tradition de Westminster, peuvent être utilisés au besoin. Il nous revient donc d’aller voir au-delà du Sénat, à l’autre endroit ou dans d’autres organismes parlementaires.

Si on regarde ailleurs qu’à la Chambre des communes du Canada un instant, il convient de noter que l’interdiction d’anticiper est répandue dans les Parlements issus de la tradition de Westminster, notamment au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Inde. Par exemple, au Royaume-Uni, l’article 28 du Règlement prévoit que l’anticipation est un motif valable pour juger un article à l’ordre du jour irrecevable. Il se lit comme suit :

Pour décider de la recevabilité d’un débat au motif d’anticipation, le Président examinera la probabilité que le sujet soit soulevé à la Chambre dans un délai raisonnable.

En Nouvelle-Zélande, l’article 110 interdit aux députés d’anticiper les discussions concernant les articles à l’ordre du jour.

En Inde, les travaux de la Chambre basse, la Lok Sabha, sont également régis par ce principe. L’article 343 du Règlement de la Lok Sabha prévoit ce qui suit :

Aucun député ne doit anticiper la discussion sur une question dont il a été donné préavis, à condition que, lorsqu’il décide s’il doit refuser ou non la discussion pour cause d’anticipation, le Président examine la probabilité que cette question soit soulevée à la Chambre dans un délai raisonnable.

Plus près de nous, à la page 161 de l’ouvrage Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, 6e édition, on explique ceci :

[…] on ne peut aborder une question à l’avance si la démarche prévue est plus opportune que la nouvelle démarche proposée.

Le Beauchesne dit aussi ceci :

Lorsqu’il juge s’il y a lieu d’interrompre un débat parce qu’il anticipe sur une autre affaire inscrite au Feuilleton, le président doit tenir compte de la probabilité que la Chambre soit saisie dans un délai raisonnable de l’objet du débat anticipé.

La deuxième édition de l’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes de O’Brien et Bosc, publié en 2009, fournit des éclaircissements sur le but et l’application de la règle interdisant d’anticiper. J’en cite un extrait :

La règle découle du principe qui interdit de décider deux fois de la même question dans la même session.

L’ouvrage précise que la règle « ne s’applique pas aux motions ou projets de loi similaires ou identiques qui sont inscrits au Feuilleton des avis avant d’être mis en délibération. »

Autrement dit, le fait que deux motions ou projets de loi semblables figurent au Feuilleton ne signifie pas que la règle interdisant d’anticiper s’applique. Toutefois, la règle s’applique si l’une des deux a été proposée en cours de débat.

L’ouvrage d’O’Brien et Bosc précise bien que la règle interdisant d’anticiper :

[...] entre en jeu uniquement lorsqu’on examine l’une de deux motions similaires inscrites au Feuilleton. Par exemple, deux projets de loi portant sur le même sujet peuvent être inscrits au Feuilleton, mais un seul sera débattu [...]

L’ouvrage d’O’Brien et Bosc continue ainsi :

On peut soulever une objection lorsque la présidence propose la seconde motion dans la mesure où la première a déjà été proposée à la Chambre et est devenue un point à l’Ordre du jour.

C’est exactement le cas présentement, puisque la motion en substance identique du sénateur Smith figure à l’ordre du jour et porte le no 435 dans le Feuilleton.

Je reconnais que la règle interdisant d’anticiper est rarement mise en cause et qu’elle a rarement été invoquée au Sénat du Canada. À ma connaissance, il n’y a jamais eu de décision rendue au Sénat sur pareille question dans des circonstances semblables à celle qui nous occupe. Cela montre bien la nature extraordinaire et, à mon avis, inappropriée de la stratégie que cherche à employer l’opposition au moyen de cette motion.

(2130)

Toutefois, même si la règle interdisant d’anticiper n’a que rarement été invoquée au Sénat, son existence a été reconnue dans des décisions rendues par d’anciens Présidents du Sénat. La décision la plus claire et la plus pertinente à ce sujet a été rendue par le Président Molgat en 2000 concernant les débats houleux qui ont eu lieu au Sénat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-20, la loi sur la clarté. On avait alors invoqué le Règlement pour s’opposer à la présentation d’une motion visant à créer un comité spécial chargé d’étudier le projet de loi C-20 au motif que cette motion anticipait le résultat du vote sur la motion de deuxième lecture du projet de loi.

Le Président Molgat a décrété que la motion était recevable, mais, bien qu’il ait refusé d’appliquer la règle dans ce cas précis, il a dit très clairement que la règle interdisant d’anticiper est un principe essentiel qui s’applique bel et bien au Sénat et que le rappel au Règlement aurait été fondé si les deux motions avaient été semblables quant au fond.

Voici ce qu’a déclaré le Président Molgat :

[...] la règle interdisant d’anticiper n’est pas expressément énoncée dans le Règlement du Sénat ni celui de l’autre endroit, même si elle constitue un principe essentiel de nos usages. Beauchesne signale, aux commentaires 512(1) et (2) de sa Jurisprudence parlementaire, à la page 161 de la 6e édition, que l’interdiction d’anticiper découle du même principe que l’interdiction de soulever deux fois « la même question » au cours d’une session.

Il a ajouté ensuite :

Je serais disposé à accepter cet argument si on pouvait me prouver que les deux questions sont identiques ou même semblables quant au fond, mais ce n’est pas le cas. La motion portant deuxième lecture du projet de loi C-20 implique une décision sur le principe de la mesure et sur la question de savoir si le projet de loi justifie un examen plus approfondi de la part du Sénat. La motion portant création d’un comité spécial chargé d’examiner le projet de loi C-20 ne porte pas directement sur le principe ou la teneur du projet de loi, mais vise plutôt à prévoir une solution de rechange et la possibilité de déférer le projet de loi à un autre type de comité. Ces deux motions ne s’équivalent pas quant au fond, et la règle interdisant d’anticiper ne s’applique pas à leur étude.

Étant donné que les motions associées à la Loi sur la clarté étaient différentes de nature, l’une visant la deuxième lecture du projet de loi et l’autre, la création d’un comité spécial, le Président Molgat avait décidé de ne pas appliquer la règle interdisant d’anticiper. À l’inverse toutefois, je postule que l’on peut faire une distinction dans le cas qui nous occupe. Les motions nos 435 et 470 sont les mêmes en substance et la règle interdisant d’anticiper doit opérer pour disqualifier la motion no 470, notamment pour éviter des résultats absurdes et inefficaces.

D’aucuns diront que la motion no 470 est recevable parce qu’elle n’est pas identique à la motion no 435. L’argument n’est pas convaincant. Il n’est pas nécessaire que les deux motions soient identiques. La norme n’est pas celle de la copie conforme. Il faut plutôt essentiellement déterminer si elles sont substantiellement semblables.

L’objet essentiel de la règle interdisant d’anticiper est de soutenir le droit de la Chambre de gérer ses activités de façon ordonnée et d’éviter de gaspiller du temps. Par exemple, il y a un lien entre la règle interdisant d’anticiper et la même question, l’objet étant qu’une décision doit être prise sur un sujet donné. Il est évident que les motions nos 470 et 435 sont substantiellement semblables. La motion no 435 vise exactement les mêmes objectifs que la nouvelle motion, à savoir, et je vais maintenant citer des extraits des deux motions :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les allégations graves et troublantes voulant que des personnes au sein du cabinet du premier ministre aient tenté de faire pression sur l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada, l’honorable Jody Wilson-Raybould, C.P., députée, et d’entraver son indépendance, pouvant ainsi porter atteinte à l’intégrité de l’administration de la justice [...]

Si l’une de ces deux motions était adoptée, l’autre ne servirait plus à rien. Si l’une des deux était rejetée, l’autre deviendrait irrecevable selon la règle de la question résolue. C’est parce que les ordres de renvoi des deux motions qui visent à entreprendre cette étude sont identiques. De plus, dans les deux cas, la question serait renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. La motion no 435 vise essentiellement à autoriser le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à entreprendre une étude sur la question énoncée, qui est la même que dans la motion no 470.

La règle interdisant d’anticiper ne servirait à rien s’il était possible de la contourner en modifiant légèrement la liste des témoins ou en déplaçant la date du dépôt du rapport de quelques jours. Si la motion no 470 est jugée recevable, le sénateur Plett et ses collègues pourraient alors présenter des dizaines de motions très similaires, en changeant simplement la date du dépôt du rapport ou la combinaison des témoins. Le Sénat dans son ensemble devrait ensuite avoir un débat sur chacune des motions tous les jours de séance, sans égard au principe selon lequel les sénateurs n’ont qu’une occasion de prendre la parole sur un sujet donné et en dépit du fait qu’elles sont essentiellement la même proposition.

Devrait-on permettre au sénateur Housakos de présenter une troisième motion qui changerait la date du dépôt du rapport au 7 juin? Le sénateur Carignan devrait-il pouvoir présenter une quatrième motion pour ajouter l’ancienne ministre Philpott à la liste des témoins? Devrait-on autoriser la sénatrice Martin à présenter une cinquième motion qui repousserait simplement la date du dépôt du rapport au 21 juin? Dans un tel scénario, le Sénat deviendrait rapidement un théâtre absurde. C’est exactement ce que la règle interdisant d’anticiper cherche à empêcher.

De plus, si cette motion était déclarée irrecevable, le sénateur Plett ne perdrait pas de son droit sur le plan de la procédure. Le moyen approprié de modifier la date prévue dans la motion no 435 ou de retirer certains noms de la liste de témoins serait une motion d’amendement de la motion no 435. La motion no 470 a plutôt pour objet de contourner l’amendement qui devrait normalement être proposé et de se soustraire indirectement au principe voulant que les membres n’aient qu’une occasion d’intervenir sur une question. Cependant, si la motion no 435 était retirée, cette motion-ci pourrait alors être de nouveau présentée et serait recevable.

Mais en fin de compte, ce qui est le plus déterminant, c’est qu’il existe un précédent récent de l’autre endroit qui est tout à fait pertinent dans le cas qui nous occupe. Le 11 juin 2014, le Président de l’autre endroit a déclaré une motion irrecevable précisément parce qu’une autre motion très semblable figurait déjà au Feuilleton. Le député néo-démocrate de l’opposition de New Westminster—Burnaby a présenté une motion qu’il avait inscrite au Feuilleton pour donner instruction au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de scinder le projet de loi C-13. Or, deux semaines avant, la députée néo-démocrate de Gatineau avait présenté une motion du même genre dont le débat avait été ajourné et qui était toujours inscrite au Feuilleton. Les deux motions étaient les mêmes à cinq mots près.

Peter Van Loan, qui était leader du gouvernement à la Chambre des communes à l’époque, soutenait que les deux motions étaient sensiblement les mêmes et qu’en raison de la règle interdisant d’anticiper, il n’était pas acceptable que le député de New Westminster—Burnaby propose la nouvelle motion. Le Président de l’autre endroit avait alors conclu :

J’ai bien écouté les points soulevés tantôt par le leader du gouvernement à la Chambre des communes, tantôt par le leader parlementaire de l’opposition officielle. Après avoir examiné la partie de l’ouvrage d’O’Brien et Bosc qu’ont largement invoquée les deux leaders pour étayer leurs arguments, il me semble que l’enjeu est de savoir si les motions sont sensiblement les mêmes.

Or, après avoir examiné les deux motions figurant au Feuilleton des avis, il me semble qu’effectivement, elles sont sensiblement les mêmes. Le leader du gouvernement à la Chambre a su convaincre la présidence que le principe qu’il cite est celui qui devrait guider la pratique à la Chambre. Par conséquent, nous n’accepterons pas cette motion pour l’instant.

Cette décision claire résout la question à l’étude, selon moi. Après tout, comment pourrait-on mettre en doute la sagesse de celui qui était alors député de Regina—Qu’Appelle et Président de la Chambre, Andrew Scheer? Je suis convaincu que les sénateurs d’en face considéreront qu’une décision de M. Scheer doit nettement faire autorité.

En bref, un rappel au Règlement concernant l’anticipation peut être soulevé dans ce cas, car cette deuxième motion, la motion no 470, est présentée, alors que la première, la motion no 435, a déjà été présentée et figure à l’ordre du jour, et les deux motions sont en grande partie similaires. Pour ces raisons, et en insistant plus particulièrement sur la décision informée de l’ancien Président Andrew Scheer, je considère que la motion qui vient d’être présentée devrait être jugée irrecevable.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Bien sûr.

La sénatrice Martin : Je me pose une question. Vous venez de nous donner un exemple de précédent. Dans ce cas précis, est-ce que la première motion inscrite au Feuilleton avait fait l’objet d’un amendement visant à la vider de sa substance et à ne conserver que le premier mot? Ou y avait-il deux motions identiques? J’imagine qu’il existe une décision de la présidence, mais la situation actuelle est exceptionnelle. Je trouve aussi la situation absurde. Je n’ai jamais vu une motion être complètement vidée de substance. Je me demande simplement si la situation était semblable à la Chambre.

(2140)

Le sénateur Harder : Eh bien, la situation à la Chambre concernait la même motion dont j’ai parlé pendant le débat. Les motions ont été jugées absolument semblables par le Président de l’époque. Cela ne tient pas compte de certains facteurs, comme si les motions avaient été modifiées ou étaient sujettes à modification, ou si des amendements avaient été proposés. La question porte sur la motion elle-même et c’est cela qui est au cœur du problème.

L’honorable Donald Neil Plett : Je n’aurais manqué la séance d’aujourd’hui pour rien au monde. Nous avons eu des leçons aujourd’hui sur — comment le sénateur Harder a-t-il appelé ce fiasco? — une motion de programmation, ce que le Sénat n’a jamais vu en 152 ans.

On nous a présenté une motion aujourd’hui qui prévoit une allocation de temps pour tout le programme du gouvernement à toutes les étapes du processus, que ce soit à la première lecture, à la deuxième lecture, à l’étape du comité ou à la troisième lecture, ainsi que pour tout éventuel projet de loi qui pourrait nous parvenir.

Nous recevons maintenant une leçon sur des motions semblables, et le sénateur Harder, comme il le fait à la période des questions, accepte des questions, mais n’y donne pas de réponse.

La sénatrice Martin demande s’il y a un amendement qui vide complètement de sa substance la motion du sénateur Smith. Oui, c’est le cas, et cela fait l’objet d’un recours au Règlement, mais le Président n’a pas encore rendu sa décision. Espérons qu’il le fera sous peu.

Le sénateur Harder laisse un seul mot intact dans la motion, et il croit qu’il s’agit d’un amendement légitime. Pourtant, quand nous présentons une deuxième motion foncièrement différente, il grimpe dans les rideaux et, d’un air supérieur et rempli d’indignation, nous dit ce que nous devons faire et ne pas faire.

Votre Honneur, la règle interdisant d’anticiper est ancienne, et elle n’est plus rigoureusement observée dans la pratique parlementaire. Les autorités procédurales canadiennes estiment que les tentatives visant à l’appliquer se sont soldées par un échec. Le sénateur Harder aime bien citer l’O’Brien-Bosc. Même si cette règle fait partie du Règlement de la Chambre des communes britannique, elle n’a jamais figuré dans celui des Communes canadiennes. Qui plus est, personne n’a jamais réussi à faire appliquer la règle britannique dans le contexte canadien. Cette règle part du principe interdisant que la même question soit mise aux voix deux fois dans la même session.

La motion dont le Sénat est saisi, et dont nous espérons débattre sous peu, est bel et bien distincte de celle présentée par le sénateur Smith.

Ma motion, Votre Honneur, porte sur le fait que le cabinet du premier ministre a tenté de faire pression sur la ministre de la Justice et procureure générale, l’honorable Jody Wilson-Raybould, qui portait jusqu’à tout récemment les couleurs libérales. Elle invite seulement Mme Wilson-Raybould à comparaître devant le comité. Seulement Mme Wilson-Raybould.

La motion du sénateur Smith, quant à elle, donne instruction au Comité des affaires juridiques d’inviter plusieurs personnes à témoigner, et le sénateur Harder a proposé un amendement qui, en reconnaissant que le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique étudie la question, rendrait là encore la motion initiale caduque.

De plus, les deux motions pourraient être adoptées et ne pas être contradictoires. Ni la motion du sénateur Smith ni l’amendement du sénateur Harder n’ont été mis aux voix. Le Sénat n’a pas encore pris de décision et il y a effectivement un recours au Règlement en attente d’une décision concernant un amendement à la motion du sénateur Smith. Qu’une décision ait été prise ou non par le Sénat, il s’agit de deux motions distinctes et le débat devrait être autorisé pour les deux. Je vous remercie.

Son Honneur le Président : Je remercie les honorables sénateurs de leurs commentaires sur ce recours au Règlement et je prends la question en délibéré.

(À 21 h 45, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Annexe - Liste des sénateurs

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